La Courbure de Gauss
La Courbure de Gauss
La Courbure de Gauss
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unitaire sortante
La courbure de Gauss Σ −→ S2
Sylvain Barré M 7−→ N (M ).
Puisque le plan tangent à Σ en M est naturelle-
Introduction ment identifié au plan tangent à la sphère en N (M ),
l’application tangente dN : T Σ −→ T S 2 peut être
Il est souvent question de courbure en géométrie rie- vue comme une application linéaire dans chaque plan
mannienne. On se propose ici de comprendre de quoi tangent.
il s’agit dans le cas de la dimension 2. On définira
donc la courbure des surfaces appelée courbure de Affirmation. Pour tout M ∈ Σ, dN (M ) est
Gauss et on donnera tout de suite un moyen pratique une application linéaire symétrique (pour le produit
général pour la calculer. Ensuite, pour savoir ce que scalaire euclidien).
représente géométriquement cette notion, on donnera Démonstration. Dérivons par rapport à v l’égalité
trois moyens très visuels pour la comprendre. Pour le
< N (M ), Mu >= 0.
premier, on regarde la courbure des courbes tracées
sur la surface, pour le second, l’aire des petits disques On obtient < dN.Mv , Mu >= − < N, Mvu >. En
métriques, et enfin pour le troisième, la position de la inversant les rôles de u et v, et en utilisant le théorème
surface par rapport à ses plans tangents. de Cauchy-Schwarz, on voit que
Comme il est toujours bon d’avoir quelques exem- < dN.Mv , Mu >=< dN.Mu , Mv >,
ples en tête, dans la dernière partie, on étudiera plus ce qui est ce qu’on voulait.
précisément trois catégories d’exemples : les surfaces
de révolution, les voisinages tubulaires et les surfaces dN (M ) se diagonalise donc en base orthonormée.
réglées. Définition. L’application II := −dN est la seconde
forme fondamentale. Ses valeurs propres en M0 , K1
1 Les deux formes fondamentales, la et K2 sont les courbures principales, les directions
courbure de Gauss isotropes sont les directions asymptotiques. Le pro-
La courbure est une notion locale, donnons-nous donc duit K = K1 K2 = det dN (M0 ) est la courbure de
un plongement C ∞ d’une surface Σ : Gauss en M0 . Enfin, la demi-somme
K1 + K 2 1
U ⊂ R2 −→ R3 H= = tr dN (M0 )
2 2
(u, v) 7−→ M = M (u, v)
est la courbure moyenne en M0 .
où U est un ouvert de R2 . On utilisera la notation
Exemples. Dans le cas d’un plan affine, l’application
∂M/∂u = Mu . Aussi, on suppose Σ orientée par la
de Gauss est constante donc K1 = K2 = K = H = 0.
normale Mu ∧ Mv . La métrique induite par celle de
Dans le cas de la sphère S 2 plongée dans R3 comme
R3 euclidien, est représentée dans la carte (u, v) par
on pense et orientée vers l’extérieur, l’application de
la forme quadratique ds2 = Edu2 + 2F dudv + Gdv 2
Gauss N est cette fois l’identité, donc dN aussi et
appelée première forme quadratique fondamentale de
donc −K1 = −K2 = −H = K = 1. Pour ces deux
la surface riemanniène Σ, où, par définition,
exemples, les directions principales ne sont pas bien
E = |Mu |2 ; F =< Mu , Mv > ; G = |Mv |2 . définies.
Rappelons que la longueur d’une courbe M (u(t), v(t)) Remarques :
sera alors donnée par
Z 1p 1. Le signe “−” dans la définition de II sera expliqué
E u̇2 + 2F u̇v̇ + Gv̇ 2 dt plus loin.
0
2. Un changement d’orientation change aussi les
et l’aire de Σ par signes de K1 , K2 et H ; par contre K reste in-
Z
|Mu ∧ Mv | dudv. changée.
U 3. Bien que pour définir K, nous ayons eu recours à
Quand une surface est plongée, il y a une application un plongement, Gauss a montré qu’en fait, cette
naturelle C ∞ qui à tout point de Σ associe la normale notion ne dépend que de la métrique (du ds2 ).
52 Le journal de maths des élèves, Volume 1 (1994), No. 1
Plus précisément, K peut être calculée en fonc- Il ne reste plus qu’à inverser une matrice d’ordre 2,
tion de E, F, G et de leurs dérivées partielles pour obtenir la trace et le déterminant de la matrice
premières et secondes. Ceci constitue le Theo- (aij ). Ici, on obtient en fait sa transposée, mais ce
rema Egregium. On démontre aussi que si dans n’est pas gênant. On trouve :
une certaine carte (r, θ) (appelée carte polaire), eg − f 2 eG + Eg − 2f F
la métrique s’écrit ds2 = dr2 + J 2 dθ2 , alors K= et H = .
EG − F 2 EG − F 2
1 ∂2J Remarquons que ces formules sont faciles à retenir,
K(0, 0) = lim .
(r,θ)→0 J ∂r 2 au dénominateur, il y a la première forme, définie
positive, et au numérateur, la deuxième. La seconde
4. Deux surfaces isométriques ont donc même cour-
formule est un dédoublement de la première. A par-
bure, réciproquement, si deux surfaces ont des
tir de ces deux valeurs, il est facile de calculer les
courbures constantes identiques alors, elles sont
courbures principales qui sont racines du√ polynôme
localement isométriques. Pour montrer cela, on
X 2 − 2HX + K, on trouve : Ki = H ± H 2 − K.
utilise des coordonnées polaires (r, θ) qui mettent
la métrique sous une forme simple. Rappelons les différentes étapes pour le calcul pra-
tique :
On peut prolonger notre liste de définitions :
1. Trouver un paramétrage (u, v) de la surface.
• Si K1 (M ) = K2 (M ), on dira que M est un om- 2. Calculer E, F, et G.
bilic, 3. Former le produit Mu ∧ Mv .
• Si K1 (M ) = K2 (M ) = 0, on dira que M est un 4. Caculer |Mu ∧ Mv |2 = |Mu |2 |Mv |2 sin2 θ = EG −
point planaire, F 2. √
• Si K(M ) = 0, on dira que M est un point 5. Calculer N = Mu ∧ Mv / EG − F 2 .
parabolique, 6. Calculer Muu , Mvv , Muv puis e, f et g.
• Si K(M ) > 0, on dira que M est un point ellip- 7. Enfin, calculer K, H, K1 , K2 .
tique,
• Si K(M ) < 0, on dira que M est un point hyper- 3 Comment voir la courbure d’une surface
bolique. Nous allons donner divers moyens pour calculer la
courbure d’une surface et surtout pour voir son signe
2 Calculs explicites de K en fonction de ds2
d’un premier coup d’œil.
et II
Notons e, f, g les coefficients de la seconde forme Lien avec la courbure des courbes gauches
toujours dans la base (Mu , Mv ). Nous avons déjà re- tracées sur Σ
marqué les égalités suivantes bien commodes pour le Considérons une courbe γ(s) tracée sur Σ paramétrée
calcul : par longueur d’arc. Notons U = γ̇(s) et V =
e := − < dN.Mu , Mu >=< N, Muu > N (γ(s)) ∧ U ; de sorte que (U, V, N ) soit un repère
f := − < dN.Mu , Mv >=< N, Muv > orthonormé direct. Notons k et t la courbure et la
torsion de la courbe gauche γ. De la même façon,
g := − < dN.Mv , Mv >=< N, Mvv >
on va définir d’autres fonctions scalaires qui sont les
Notons (aij ) la matrice de −dN dans la base coefficients de la matrice antisymétrique qui exprime
(Mu , Mv ), (qui n’est pas nécessairement orthonor- (U̇ , V̇ , Ṅ ) en fonction de (U, V, N ) :
mée), c’est à dire :
0 −kg −kN
−dN.Mu = a11 Mu + a21 Mv kg 0 −tg .
−dN.Mv = a12 Mu + a22 Mv kN tg 0
En faisant le produit scalaire de ces deux égalités par Si on écrit n = cos α N + sin α V la normale à la
Mu puis Mv , on obtient quatre égalités qui peuvent courbe gauche γ, on trouve facilement les relations :
s’écrire matriciellement sous la forme :
µ ¶ µ ¶µ ¶ k cos α = kN
e f a11 a21 E F k sin α = kg
= .
f g a12 a22 F G t = tg − α̇
Le journal de maths des élèves, Volume 1 (1994), No. 1 53
Surfaces de révolution
Prenons l’axe Oz pour axe de révolution et no-
Figure 7: K > 0 tons γ(s) la méridienne dans le plan {y = 0} :
(x(s), 0, z(s)) (voir figure 12).
Affirmation. Les cercles horizontaux et les
méridiennes sont les lignes de courbure.
Démonstration. Prenons pour normale N =
(−ż, 0, ẋ), dans le plan {y = 0}. Il suffit de différencier
(mentalement) l’application de Gauss suivant les
courbes en question, pour obtenir le résultat. C’est-
à-dire, il s’agit de vérifier que les vecteurs tangents
sont propres pour l’application −dN et on obtient,
en regardant la figure les valeurs propres qui sont les
courbures principales. Si δ est un cercle horizontal et
Figure 8: K = 0 si on note toujours γ̇ = U et δ̇ = V ,
ż
dN.U = −kU et dN.V = − V
x
56 Le journal de maths des élèves, Volume 1 (1994), No. 1
où |α̇| = 1, |W | = 1, et < Ẇ , α̇ >= 0. La courbe On peut ajouter que si une surface est de courbure
α(t) s’appellera alors la ligne de striction. Par exem- nulle, on peut, localement, lui associer un système de
ple, pour le paraboloı̈de hyperbolique z = x2 − y 2 , règles (les lignes de courbure associées à 0) , voir figure
qui possède deux systèmes de règles orthogonales, on 18.
trouve les deux lignes de striction z = 0, y = ±x. La figure 19 ilustre le cas d’une surface non
Pour un hélicoı̈de droit on trouve son axe (voir figure développable.
17).
Si on appelle λ(t) = (α̇, W, Ẇ )/|Ẇ |2 le paramètre, on
obtient facilement l’expression : Conoı̈des droits minimaux
Xt ∧ Xu = λ(t)Ẇ + u(Ẇ ∧ W ). Pour terminer, on peut s’amuser à chercher les
√ que Xuu = 0 et Xtu = Ẇ
On voit immédiatement conoı̈des droits minimaux.
donc g = 0 et f = λ/ λ2 + u2 et donc finalement
Définition. Un conoı̈de est une surface réglée dont
−λ2 les règles ont des directions qui appartiennent toutes
K= 2
(λ + u2 )2 à un même plan vectoriel. Un conoı̈de est droit si
Remarques : sa ligne de striction est une droite dans la direction
orthogonale au plan.
1. On a déjà vu que les règles sont à la fois
Adoptons le paramétrage suivant :
géodésiques et lignes asymptotiques.
2. Si on note θ l’angle orienté entre N (t, u) et N (t, 0) X(t, u) = (u cos θ(t) ; u sin θ(t) ; t).
(dans le plan orienté (Ẇ , α̇)), on s’aperçoit de la On calcule Xt , Xu et Xtt , et on remarque que :
relation tan θ = u/λ, et donc K = − cos4 θ, où F = 0, g = 0 car Xuu = 0, G = 1,
θ varie de −π/2 à π/2 quand on se promène sur et
une règle d’un bout à l’autre. θ̈u
e= p .
3. Si λ(t) = 0 alors le point X(t, 0) est singulier (i.e. 1 + u2 θ̇2
Xt ∧ Xu = 0) et la courbure est nulle le long de On obtient donc
la règle correspondante. eG + Eg − 2f F = 0 ⇔ θ̈ = 0.
On a démontré l’affirmation suivante : Finalement :
Affirmation. La courbure d’une surface réglée est Affirmation. L’hélicoı̈de est le seul conoı̈de droit
négative, et nulle seulement le long des règles qui ren- minimal (l’angle est fonction affine de la hauteur).
contrent la ligne de striction en un point singulier.
La figure 20 montre le cas de l’hélicoı̈de θ = az + b.
Définition. On dira qu’une surface réglée est
développable si ses plans tangents ne varient pas le Bibliographie
long d’une même règle.
M.Berger et B.Gostiaux, Géométrie différentielle :
On notera que pour une surface développable, les variétés, courbes et surfaces, PUF, avril 1992.
règles sont les lignes de courbure associées à la cour- M.P. Do Carmo, Differential geometry of curves and
bure nulle. La courbure de Gauss sera donc elle aussi surfaces, Printice-Hall 1976.
nulle.
P.Attali, J.Guillard et A.Tissier, Géométrie 6, Bréal
Il est clair que les cylindres et les cônes sont 1981.
développables et, dans le cadre de nos calculs, vu
l’expression de la normale, on voit qu’une sur- ¦ Sylvain Barré
face réglée est développable si et seulement si son UMPA ENS–Lyon
46, allée d’Italie
paramètre λ est nul, c’est-à-dire si et seulement si sa
69364 Lyon cedex 7
courbure de Gauss est nulle. Finalement,
[email protected]
Affirmation. Une surface réglée est développable si
et seulement si sa courbure de Gauss est nulle.
Le journal de maths des élèves, Volume 1 (1994), No. 1 59