Document 1
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L’évolution de la notion d’ordre public : d’un ordre public extérieur vers un ordre public moral
La sécurité publique est surement la composante la plus naturelle de l’ordre public : elle recouvre la
prévention des risques d’accidents, de dommages aux personnes et aux biens. Ainsi l’administration
doit par exemple préserver cette sécurité publique sur les routes en édictant des règles (Code de la
route) et en procédant à des contrôles. Cette protection de la sécurité publique se retrouve même
en aval, dans le cadre de la mise en jeu de la responsabilité de l’État pour risque : CE 28 mars 1919
Regnault-Desroziers. La tranquillité publique consiste à préserver le « calme des citoyens ». Ainsi
l’administration doit prendre les mesures permettant par exemple de lutter contre les tapages
nocturnes ou bien contre les troubles que peuvent créer le déroulement de manifestations. Plus
récemment, on peut citer la lutte contre les nuisances sonores aéroportuaires. La salubrité
publique qui fait partie du triptyque traditionnel de l’ordre public a connu un véritable renouveau
ces dernières années. De la prévention des risques classiques d’hygiène relatifs à la salubrité de l’eau
ou aux denrées alimentaires, l’apparition de fortes préoccupations de santé publique a poussé la
notion à devenir centrale dans l’activité de l’État. La lutte contre le tabagisme constitue une bonne
illustration de ce renouveau : CE 19 mars 2007 Mme Le Ga et autres. Pour assurer cette lutte pour la
salubrité publique, il faut noter qu’ont été créées plusieurs agences telles l’Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ou encore l’Institut de veille sanitaire (IVS).
Non présente dans le texte de 1884 repris au CGCT, la moralité publique a pourtant connu très tôt
une certaine importance dans le cadre de la définition de l’ordre public. Ainsi dès la première moitié
du 20 siècle, le maire peut prendre des mesures de police administrative en cas d’atteintes portées à
la décence : CE 17 décembre 1909 Chambre syndicale de la corporation des marchands de vins et de
liquoristes de Paris ; CE 11 décembre 1946 Dames Hubert et Crepelle. Cette moralité publique a été
reconnue officiellement comme composante de l’ordre public par le fameux arrêt de Section du
Conseil d’État en date du 18 décembre 1959 Société « Les films Lutétia ».L’ajout du respect de la
dignité humaine Le mouvement de « moralisation » de l’ordre public s’est poursuivi par l’ajout du
respect de la dignité humaine comme composante de l’ordre public par le célèbre arrêt d’Assemblée
du Conseil d’État en date du 27 octobre 1995 Commune de Morsang-sur-Orge. Cet ajout a été très
critiqué tant sur la forme que sur le fond.– Sur la forme, le Conseil d’État a en effet créé de toute
pièce une nouvelle composante de l’ordre public, même si celle-ci repose en partie sur une
jurisprudence constitutionnelle relative à la « sauvegarde de la dignité de la personne humaine
contre toute forme d’asservissement et de dégradation« .– Sur le fond, l’objectivisation de la notion
du respect de la dignité humaine a posé question au vu des faits de l’espèce. Malgré ces critiques, le
respect de la dignité humaine a connu d’autres concrétisations jurisprudentielles par la suite : CE 9
octobre 1996 Association « Ici et Maintenant » ; CE 30 août 2006 Association Free Dom. Néanmoins
les autorités ne peuvent pas utiliser ce motif pour justifier toutes les interdictions qu’elles souhaitent
en matière de mœurs : CE 8 décembre 1997 Commune d’Arcueil ; CE 14 juin 2002 Association
Promouvoir.
II. La préservation de l’ordre public par la police administrative au détriment des droits
fondamentaux et des libertés publiques
Si la répartition des compétences en matière de police administrative est complexe et est une
source importante de jurisprudence, il convient de remarquer que les mesures de police
administrative sont le plus souvent contestées car elles sont attentatoires aux droits
fondamentaux et aux libertés publiques. En effet, c’est le principe même de la police
administrative que de protéger l’ordre public en restreignant l’exercice des droits et des libertés
des individus. Ainsi on peut citer nombre de droits fondamentaux et de libertés publiques qui se
voient limités par des mesures de police administrative visant à protéger l’ordre public : la
liberté d’aller et venir dans le cadre par exemple de la police des étrangers ou de la police de la
circulation ; la liberté de réunion comme dans l’arrêt célèbre du 19 mai 1933 Benjamin ; la
liberté de la presse comme cela est le cas dans l’arrêt d’Assemblée du 2 novembre 1973 Société
Librairie François Maspero… En raison de ces atteintes aux droits fondamentaux et aux libertés
publiques, le juge administratif exerce un contrôle étendu sur les mesures relatives à l’ordre
public. Ainsi il va tant contrôler la nécessité des mesures que leur caractère proportionnel aux
troubles prévenus : CE 1933 Benjamin. Le juge va ainsi regarder si d’autres mesures moins
restrictives n’auraient pas pu être prises par exemple. Le juge est être très attentif dans le cas
des interdictions « générales et absolues » qui ne sont pas forcément illégales mais qui sont très
fortement encadrées par la jurisprudence : CE 12 novembre 1997 Association communauté
tibétaine en France. Ainsi en raison de leur particularité, les mesures relatives à l’ordre public
sont particulièrement contrôlées.