jours à quelques mois, asymétrique et le plus souvent
Ac anti-neurones distale. Le tableau associe des paresthésies souvent très
douloureuses, une hypo-esthésie et une ataxie. La
neuropathie débute par les membres supérieurs mais
Les anticorps anti-neurones ou anti-onconeuronaux touche les 4 membres. Les autres signes neurologiques
sont mis en évidence dans des syndromes neurologiques peuvent être une encéphalomyélite ou une ataxie céré-
paranéoplasiques, qui correspondent généralement à belleuse. L’atteinte du SNP (10–30 % des patients)
des atteintes du système nerveux central (SNC), mais associe une hypotension orthostatique, des troubles de
qui touchent parfois le système nerveux périphérique motilité intestinale. Les anti-Hu sont retrouvés dans les
(SNP). Ces syndromes sont rares, affectant moins de cancers pulmonaires anaplasiques à petites cellules
1 % des patients atteints de cancers. Ils ne sont liés ni à (80 % des cas), plus rarement les neuroblastomes, le
un envahissement métastatique, ni à des complications cancer prostatique, le rhabdomyosarcome, le
infectieuses ou métaboliques, mais sont dus à des réac- séminome…
tions autoimmunes déclenchées par le cancer, et dirigées
Leur recherche est indiquée en cas de syndrome neuro-
contre des antigènes communs aux cellules nerveuses et
logique inexpliqué d’installation aiguë ou subaiguë.
aux cellules cancéreuses, appelés antigènes onconeuro-
Leur recherche dans le LCR peut être justifiée. En effet,
naux.
on peut mettre en évidence une synthèse intrathécale
Les anticorps anti-neurones sont associés à une gamme des autoanticorps en cas d’atteinte du SNC.
restreinte de cancers : cancer pulmonaire à petites cel-
Les anti-Hu sont recherchés par IFI sur coupe de cerve-
lules, cancers du sein et de l’ovaire, cancer du testicule,
let de singe. On observe un marquage des noyaux des
maladie de Hodgkin et thymome.
neurones et du cytoplasme, et du noyau des cellules de
Depuis la caractérisation de l’anticorps anti-Hu en Purkinje. Tous les neurones sont marqués, aussi bien
1983, plus d’une dizaine d’autres anticorps ceux du SNC que ceux du SNP. Cette caractéristique
anti-onconeuronaux ont été décrits, et sont devenus de permet de les différencier des anticorps anti-Ri qui ont
recherche courante en pratique clinique. Leur possible le même aspect de fluorescence sur cervelet de singe :
rôle pathogène n’a cependant pas été démontré. Ces seuls les anti-Hu marquent les neurones des plexus
anticorps, de classe IgG, peuvent être recherchés dans mésentériques sur estomac de souris en IFI (et non les
le sérum ou le LCR. Ils sont très spécifiques dans le anti-Ri). Il faut écarter la présence d’anticorps anti-
diagnostic des troubles neurologiques d’origine para- nucléaires sur les substrats adaptés, et de plus une
néoplasique (> 90 %), mais 30 à 50 % des patients confirmation par western blot ou immunoblot utilisant
n’ont pas d’anticorps détectables. l’antigène recombinant HuD est indispensable. Ces
Les signes neurologiques précèdent souvent la décou- anticorps reconnaissent plusieurs protéines de 35 à
verte du cancer. Ils apparaissent de façon subaiguë en 45 kDa appartenant à la famille des protéines Hu
quelques semaines, voire quelques jours, et peuvent être (HuA, HuB, HuC, HuD), qui comportent 3 motifs
invalidants. La majorité des cancers survient dans les appelés RRM (RNA recognition motif) qui les rendent
2 ans qui suivent le début des troubles neurologiques. aptes à fixer l’ARN messager. HuA, B et C sont unique-
C’est pourquoi la mise en évidence de ces anticorps est ment exprimées dans le système nerveux, alors que la
d’un grand intérêt, car elle permet de reconnaître l’ori- protéine HuD est aussi présente dans les cellules tumo-
gine de l’affection neurologique, et de guider la rales des malades porteurs d’un cancer du poumon à
recherche de la tumeur, à un stade précoce, où elle peut petites cellules.
encore être traitée. Des travaux récents ont montré que L’évolution tumorale est plus lente chez les patients qui
plusieurs autoanticorps pouvaient coexister, ce qui présentent ces autoanticorps. Le traitement de la
conduit à la recommandation d’établir un « profil » tumeur n’amende en général pas les troubles neuro-
d’anticorps anti-onconeuronaux. logiques, qui évoluent pour leur propre compte.
Anticorps anti-Hu ou ANNA-1 Anticorps anti-Ri ou ANNA-2
(anti-neuronal nuclear antibody type 1)
Les anti-Ri marquent le noyau des neurones, mais
Les autoanticorps anti-Hu sont les anticorps exclusivement ceux du SNC. Ils reconnaissent 2 protéi-
anti-neuronaux les plus fréquemment rencontrés. La nes de 50 et 80 kDa spécifiques des neurones du SNC.
neuronopathie sensitive subaiguë (NSS) ou syndrome Ils sont détectés dans les tableaux d’opsoclonies-
de Denny-Brown est la manifestation la plus classique. myoclonies avec ataxie cérébelleuse, associés principa-
Elle inaugure le syndrome paranéoplasique dans la lement à des cancers du sein ou du poumon à petites
majorité des cas. L’installation est subaiguë en quelques cellules.
Anticorps anti-Yo ou APCA-1 les protéines Ma1 (37 kDa) et Ma2 (40 kDa) et les anti-
(anti-purkinje cytoplasmic antibody type 1) corps anti-Ta réagissent seulement avec la protéine
Ma2 (40 kDa).
Les anti-Yo sont retrouvés dans le syndrome cérébel-
leux associé à des cancers gynécologiques dans 90 % Les anti-Ta sont décrits chez des hommes jeunes ayant
des cas (ovaire, sein, utérus…), plus rarement à des can- un cancer testiculaire et une encéphalite limbique. Les
cers pulmonaires anaplasiques à petites cellules. anti-Ma1 sont retrouvés chez des patients (hommes ou
femmes) présentant une atteinte du tronc cérébral et du
En IFI sur coupe de cervelet de singe, seul le cytoplasme
cervelet ainsi que diverses tumeurs (côlon, sein,
des cellules de Purkinje est marqué, avec un aspect
poumon).
homogène ; l’anti-Yo est le seul anti-neurones identifié
isolément, il n’est jamais associé à d’autres
anti-onconeuronaux. Anticorps anti-ANNA-3
Comme les anti-Ri, les anti-Yo sont majoritairement Les anti-ANNA-3 marquent uniquement le noyau des
retrouvés dans le sérum ou LCR de sujets de sexe cellules de Purkinje. Les patients présentent une encé-
féminin. phalite limbique, une neuropathie sensitive et un cancer
Les anticorps anti-cytoplasme des cellules de Purkinje pulmonaire à petites cellules.
« non-Yo » sont de deux types : les APCA-2 et les
anti-Tr ou APCA-3. Anticorps anti-amphiphysine
L’amphiphysine est une protéine de 128 kDa exprimée
Anticorps anti-PCA-2 ou APCA-2 en forte quantité dans le SNC et le SNP, concentrée
Les APCA-2, parfois associés aux anti-Ri, s’observent dans les terminaisons axonales où elle intervient dans
dans le carcinome pulmonaire. L’atteinte neurologique l’exocytose des vésicules synaptiques.
correspond à une encéphalite limbique, une encéphalite Initialement décrits chez des patientes ayant un cancer
subaiguë du tronc cérébral, une ataxie et une neuro- du sein et un « syndrome de l’homme raide », les anti-
pathie à prédominance motrice. corps anti-amphiphysine sont aussi retrouvés dans des
cancers gynécologiques et le cancer du poumon à
Anticorps anti-Tr ou APCA-3 petites cellules. Lorsque les anti-amphiphysine sont
Les anti-Tr ou APCA-3 sont décelés dans le syndrome seuls, ils sont en rapport avec un cancer du sein, mais
cérébelleux associé à la maladie de Hodgkin. Ces anti- lorsqu’ils sont associés aux anti-Hu, il s’agit toujours
corps sont rares. d’un cancer du poumon.
Les signes neurologiques les plus fréquents sont le syn-
Anticorps anti-CV2 ou CRMP5 drome de l’homme raide, des neuronopathies sensitives,
(collapsin response mediator protein 5) des encéphalomyélites.
Les anti-CV2 ou CRMP5 marquent le cytoplasme des Tous les anticorps anti-neuronaux cités ci-dessus, même
oligodendrocytes. L’équipe de Honnorat a caractérisé s’ils sont détectables en IFI sur coupes de cervelet de
par immunoblotting leur cible comme étant une singe (dépistage au 1/50 sur sérum et pur pour le LCR,
protéine de 66 kDa, qui joue un rôle important dans la avec un anti-IgG), ou en immunohistochimie sur
mise en place du système nerveux. Ces anticorps sont cryosections de cervelet de rat, doivent être confirmés
plus rares que les anti-Hu mais ils peuvent s’y associer par des techniques de western blot ou d’immunoblot
(6 % des cas). L’atteinte neurologique est mixte, cen- utilisant des protéines recombinantes.
trale (syndrome cérébelleux) et périphérique (neuro-
pathie subaiguë prédominant aux membres inférieurs, Anticorps anti-canaux calciques
sensitive ou sensitivomotrice). La neuropathie optique voltage-dépendants (CCVD)
et l’uvéite sont évocatrices. Le cancer en cause est le
Les anticorps anti-canaux calciques voltage-dépendants
cancer du poumon à petites cellules ou le thymome.
(CCVD), et particulièrement les CCVD de type P/Q,
Cette pathologie peut être associée au syndrome de
sont responsables du syndrome myasthéniforme de
Lambert-Eaton. Les anti-CV2 sont plutôt identifiés
Lambert-Eaton (myalgies, fatigabilité musculaire, pto-
chez des patients de sexe masculin.
sis, sécheresse des muqueuses buccales et conjoncti-
vales). Dans 60 % des cas, ce syndrome peut être
Anticorps anti-Ma1 et Ma2 (Ta) associé à une dégénérescence cérébelleuse paranéopla-
Les anti-Ma (Ma1, Ma2 ou Ta) reconnaissent des pro- sique et au cancer du poumon à petites cellules. Des
téines d’une même famille. Les anti-Ma réagissent avec anti-Hu peuvent aussi être mis en évidence.
Figure 4
CERVELET
COUCHE DES GRAINS CELLULES
ELL DE PURKINJE SUBSTANCE BLANCHE
NOYAU + NOYAU NUCLÉOLE CYTOPLASME CYTOPLASME NOYAU CYTOP LASME DES FIBRES
CYTOP LASME OLIGODENDROCYTES DE MYÉLINE
Homogène Granulaire
Hu Ri Zic Ma/Ta Amphiphysine Yo PCA2 ANNA -3 CV2 MAG
GAD Tr
REINS NERF
ESTOMAC TE STICULE PANCRÉAS COUCHE PÉRIPHÉRIQUE
MOLÉCULAIRE
Neurones Nucléole Anti-GAD PCA2 : dentrites Noyau Gaine
myentériques des cellules Cellules Tr : grains des podocytes de myéline
germinales
In : Humbel RL. – Anticorps antionconeuronaux et syndromes neurologiques paranéoplasiques. – GEAI L’Info 2005 ; No 7 : p. 12
Anticorps anti-GAD (anti-acide glutamique GAD reconnue dans le diabète de type 1, présente au
décarboxylase) niveau des cellules â des îlots de Langerhans, unique-
ment sous l’isoforme GAD 65. Les titres des autoanti-
Les anti-GAD sont retrouvés dans un syndrome myo- corps au cours des neuropathies sont considérablement
tonique, le syndrome de l’homme raide (stiff-man syn- plus élevés que dans le diabète (tableau 13, figure 4).
drome), caractérisé par une rigidité musculaire et des
spasmes douloureux à type de tétanie, touchant les
membres supérieurs puis le tronc et les jambes. En ☞ Ac anti-ADN, Ac anti-GAD, Ac anti-gangliosides, Ac anti-
neurologie, les anti-GAD s’observent dans le syndrome myéline et anti-MAG
de l’homme raide seul, ou dans des syndrome neuro-
( Antoine JC, Camdessanché JP.
logiques paranéoplasiques avec ataxie cérébelleuse pro- Les neuropathies périphériques paranéoplasiques.
gressive. Le cancer associé peut être un thymome, un Rev Neurol (Paris) 2004 ; 160 : 188-198.
cancer du sein ou un cancer du poumon à petites cel- Camdessanché JP, Lassablière F, Meyronnet D, Férraud K, Absi L,
Honnorat J, Antoine JC.
lules. Des anti-amphiphysine (sérum ou LCR) peuvent Expression of the onconeuronal CV2/CRMP5 antigen in thymus and
coexister avec ces anti-GAD. thymoma.
J Neuroimmunol 2006 ; 174 : 168-173.
L’autoantigène, la glutamate décarboxylase, est présent Humbel RL.
Anticorps antionconeuronaux et syndromes neurologiques paranéopla-
sous ses deux isoformes GAD 65 et GAD 67 dans les siques.
neurones GABAergiques du SNC, à la différence de la GEAI L’Info 2005 ; No 7 : 10-13.
Tableau 13. Caractéristiques des principaux antigènes onconeuronaux et associations cliniques
Nature
Manifestations
Dénominations Localisation moléculaire Fonction Cancers associés
neurologiques
(gènes)
HuA (45 kDa)
Protéines avec
Noyau des neurones HuB, Hel-N1 Encéphalomyélite Cancer bronchique
3 motifs
SNC, SNP (35 kDa) Encéphalite limbique pt cell.
RRM liant l’ARN
Hu, ANNA-1 HuC, ple Atrophie cérébrale Neuroblastome,
Régulation de
(42 kDa) Neuropathie sensitive prostate, estomac,
l’expression des
SN et tumeurs Neurop. dysautonomique œsophage, sein
gènes
HuD (37 kDa)
Protéines avec
3 motifs Encéphalite du tronc
Sein, ovaire, utérus
Noyau des neurones Nova-1 (55 kDa) KH liant l’ARN cérébral
Ri, ANNA-2 Cancer bronchique
SNC Nova-2 (80 kDa) Régulation de la Ataxie
pt cell.
maturation de l’ARN Opsoclonie-myoclonie
messager
Protéines portant
une agrafe à
Sein, ovaire, utérus
Cytoplasme des cellules CDR1 (34 kDa) leucine Dégénérescence
Yo, APC-1 Cancer bronchique
de Purkinje CDR2 (62 kDa) Fixation à l’ADN cérébelleuse
pt cell.
Régulation de la
transcription
Cytoplasme des cellules Protéine de Cancer bronchique
APC-2 Inconnue Encéphalomyélite
de Purkinje 38 kDa pt cell.
Cytoplasme des cellules Homologue du Dégénérescence Maladie de
Tr, APC-3
de Purkinje récepteur mGluR1 cérébelleuse Hodgkin
Testicule
Nucléole dans certains Protéine de Encéphalite limbique et
Ma (Ta) Inconnue Cancer bronchique
noyaux des neurones 37 kDa du tronc cérébral
pt cell.
Encéphalite limbique Cancer bronchique
Noyau des cellules de Protéine de
ANNA-3 Inconnue Ataxie pt cell.
Purkinje 170 kDa
Neurop. sensitivo-motrice
Protéine de Encéphalomyélite
Cancer bronchique
Cytoplasme des 66 kDa Progression et Dégénérescence
CV2, CRMP-5 pt cell.
oligodendrocytes homologue de la guidance axonale cérébelleuse
Thymome
protéine Ulip Chorée, neurop. sensitive
Protéine à doigt de
zinc
Noyaux des neurones de Zic 1 à Zic 5 Cancer bronchique
Zic Fixation de l’ADN Opsoclonie-myoclonie
la couche granulaire Zic 2 (40 kDa) pt cell.
Développement du
SN
Protéine avec un
Cytoplasme des domaine SH3 Raideur musculaire Sein
Protéine de
Amphiphysine neurones (terminaisons Endocytose des Encéphalomyélite Cancer bronchique
128 kDa
axonales) vésicules Neurop. sensitive pt cell.
synaptiques
In : Humbel RL. – Anticorps antionconeuronaux et syndromes neurologiques paranéoplasiques. – GEAI L’Info 2005 ; No 7 : p.13.