Justice Penale-Compte-Rendu

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« La justice pénale en France aujourd’hui»

compte-rendu de séance
Charles Bosvieux
30 novembre 2005

La justice pénale est toujours le reflet d’une société et de son économie. Les pics d’incarcération
se produisent en effet au moment des crises économiques. Le nouveau Code pénal date de 1994.
Aujourd’hui, il y a quelque difficulté à penser la responsabilité et le risque. Personne n’est responsable
de rien et l’État est responsable pour tous. Le discours préliminaire du Code civil écrit par Portalis
est un très beau texte.
Le deuxième élément à souligner est le sentiment d’insécurité. Cela met en jeu la question de la
place de la victime. C’est aussi monté en épingle par les médias. Ceux-ci focalisent leur attention
sur la victime et sur sa douleur. Un délit peut être un homicide involontaire, notamment dans les
accidents de voiture. Pour passer à la sanction des crimes, il faut qu’il y ait un élément volontaire.
Par l’effet médiatique, on a l’impression que les criminalité est importante alors qu’elle est minimale
par rapport aux crimes et aux délits. Il y a ainsi un effet amplificateur de la couverture médiatique.
Les sanctions pénales sont aujourd’hui à faits comparables : cela veut dire qu’il y a une aggravation
des peines. Pour une infraction, les juges condamnent davantage.
On passe à la loi relative sur le traitement de la récidive. Ce travail sur la récidive a commencé
en juillet 2004. C’est Pascal Clément, alors député, qui avait dirigé un rapport sur la récidive. La loi
a été adoptée en octobre 2005, mais le texte final n’est pas encore sorti. Cette loi a été adoptée en
commission mixte. Qu’est-ce que la récidive, d’abord ? C’est l’état d’une personne déjà condamnée
définitivement pour une infraction et qui en commet une de même nature. C’est ce qu’on appelle la
récidive légale. La première condamnation doit être pénale (une condamnation civile ne compte pas).
Une condamnation définitive, c’est celle qui est insusceptible de recours. La troisième condition, c’est
qu’il faut que cette condamnation soit toujours existante. Il ne faut pas qu’une amnistie efface la
condamnation. Si une amnistie efface la condamnation, elle n’est plus inscrite au casier judiciaire.
L’acquittement, c’est pour les crimes. La relaxe, c’est en correctionnelle. Ce qu’il faut retenir, c’est
qu’il ne faut pas que la condamnation ait été effacée. La condamnation peut aussi être prononcée
par une juridiction européenne. Est-ce qu’il n’y avait pas déjà une loi sur la récidive ? La récidive
est prévue par le Code pénal. Ceci est prévu pour les crimes et pour les différents types de délits.
Pour celui qui commet une contravention et qui récidive, une peine de prison est prévue. La prise
de compte de la récidive est à tous les niveaux. La question est donc : pourquoi une nouvelle loi ?
Le dispositif juridique prévoyait déjà des sanctions, mais la loi était nécessaire. Le pourcentage de
récidive parmi les condamnés est variable ; il y a une grande inégalité des domaines de la récidive en
fonction des infractions commises. Au Parlement, le clivage entre la droite et la gauche était effacé.
La loi a été votée dans le désintérêt : seuls six députés étaient présents. La gauche a voté contre la
loi, non pas parce qu’elle n’était pas d’accord avec le contenu de la loi mais parce qu’elle jugeait que
la loi ne prévoyait pas les moyens nécessaires. Un professeur de droit a affirmé qu’une nouvelle loi
sur la récidive n’était pas nécessaire.

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Ce qui est très important à noter, c’est que la loi sur la récidive est une loi répressive. Elle instaure
en effet le placement sous surveillance électronique mobile (c’est le bracelet électronique). Le bracelet
électronique existait depuis une loi de 1997. C’est pour prévenir les conséquences criminogènes de
l’incarcération : on proposait à quelqu’un qui avait été condamné à de la prison de porter un bracelet
et de pointer chez lui à certaines heures. La prison n’amende pas : personne n’est sorti de prison
meilleur. C’était une alternative aux courtes peines de prison. Ce qui change avec la loi qui est
proposée aujourd’hui, c’est qu’on fait porter un bracelet à quelqu’un qui est déjà sorti de prison.
C’est ce qu’on appelle une mesure de sûreté pour protéger la société. Lors du débat sur la loi,
Pascal Clément avait demandé aux députés de braver le risque de l’inconstitutionnalité, à quoi Pierre
Mazeaud, président du Conseil constitutionnel, avait répondu que la constitutionnalité n’était pas
un risque mais un devoir. La surveillance active, c’est quand il y a quelqu’un derrière un écran pour
surveiller la personne qui porte un bracelet. Cela demande donc énormément de moyens. Le ministère
songe à externaliser cette surveillance. Ce bracelet est assez fiable, mais il a des limites : il ne faut
pas s’imaginer que le bracelet électronique sera une solution définitive contre la récidive.
L’article 4 de la loi prévoit une incarcération au moment même où la sanction est prononcée. En
France, la liberté d’aller et venir est la règle, la détention préventive l’exception. L’article 4 affecte
donc le principe de la liberté individuelle, mais aussi le principe de la présomption d’innocence. C’est
pour cela qu’on a parlé d’inconstitutionnalité de la loi. La loi prolonge la période d’incompressibilité
de la peine et la fait passer de 15 ans à 22 voire 24 ans selon les cas. C’est encore une façon de
prolonger la durée d’incarcération, comme si on allait éviter la récidive en laissant les gens en prison.
Dans le budget du ministère de la justice, il y a un volet pour les dispositifs de réinsertion sociale. Un
des principes constitutionnels, c’est que la loi ne doit être établie que pour des peines nécessaires ;
elle doit aussi être proportionnée à la gravité de l’infraction.
En seconde lecture, l’Assemblée a durci le texte. Elle a renforcé le caractère répressif de la loi.
L’ordonnance d’août 1945 sur les mineurs prévoit qu’il faut privilégier la rééducation pour un mineur
qui a commis un crime. L’Assemblée n’a pas hésité à demander que la loi s’applique aussi aux
mineurs. Ce qu’on appelle les sorties sèches, ce sont les sorties sans suivi ni accompagnement. Il faut
recharger le détecteur qui va avec le bracelet tous les soirs. Le port du bracelet peut être demandé
pour un ou deux ans renouvelables. Le bracelet est aussi un rappel permanent de la peine ; c’est une
stigmatisation de la personne en tant qu’elle est jugée toujours dangereuse. Le bracelet est étanche.
On dit bracelet, mais c’est un dispositif qui ne contient pas qu’un bracelet (il y a aussi un émetteur).
Finalement, que penser de cette loi ? On peut penser qu’elle n’était pas nécessaire. Des disposi-
tions de la loi ont été jugées excessives par le Sénat, mais elles ont quand même été adoptées. La
Constitution prévoit qu’une condamnation ne peut être prononcée que si elle s’appuie sur une loi
existante. Cela veut dire qu’il ne peut pas y avoir de loi rétroactive.
Maintenant, le sens de la loi. On peut penser qu’il y a quatre paradigmes dans l’appréciation de
la loi : la loi elle-même, la société, l’individu et la victime. Pour le dernier paradigme (la victime),
c’est discutable. Pour la loi, on peut distinguer la loi divine (loi d’interdit) et la loi de raison ou la
loi universelle. La loi d’interdit est ce sur quoi se fonde la société. Le sujet peut être réconcilié avec
lui-même par le sacrifice intérieur et par le rapport moral à la loi. La loi n’est pas ce qui transcende
le sujet : elle est quelque chose d’intérieur au sujet. La deuxième conception de la loi repose sur une
émancipation sociale de l’individu. C’est la conception de la loi des sociétés modernes. C’est aussi une
conception kantienne. On punit ainsi le meurtrier car on juge qu’il est aussi législateur. On respecte sa
qualité de législateur. Le contrat social repose sur l’abandon par chacun de son droit à se défendre par
ses moyens. L’État se charge ainsi du monopole de la violence légitime ; il acquiert ainsi la puissance
de définir. C’est la puissance d’édicter des normes. L’État a le monopole de la violence légitime pour
mettre fin au rapport du crime à la vengeance. Pour Platon, punir, c’est éduquer l’individu. C’est

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parce qu’on a pas un rapport à soi qui n’est pas structuré qu’on est injuste avec autrui. Etre injuste,
c’est d’abord un problème avec soi : le lien à soi est brisé, avant même le lien avec l’autre. « Punir,
c’est restaurer l’unité absolue de l’âme » (Platon). Les juges du parquet représentent la société dont
la loi a été violée. Une victime peut se constituer partie civile. Quand il y a infraction, on considère
que c’est la société tout entière qui a été violée. L’action civile est la demande de la victime d’être
indemnisée pour les dommages qu’elle a subis. La victime peut demander réparation devant une
juridiction civile ; elle peut aussi le faire un pénal, et il y a alors deux actions parallèles au sein d’un
même procès. Ce qui est demandé est soit une réparation pécuniaire soit une réparation symbolique.
Si on fait pencher le procès pénal vers la victime, on a ce qu’on appelle une privatisation de la justice.
La loi qui vient d’être votée cumule dans la condamnation la prison et le bracelet. Ce n’est pas une
peine alternative.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de choses ont changé. Il y a eu le procès de
Nuremberg, qui était un tribunal militaire qui prenait pour la première fois en compte les crimes
commis contre les populations civiles. Le deuxième moment important a été le procès Eichmann.
Le procès de Nuremberg s’était surtout appuyé sur des documents écrits alors que lors du procès
Eichmann, les témoignages étaient des témoignages de victime. Depuis 1981, la Cour européenne
des droits de l’homme a une activité jurisprudentielle importante. Elle a une réelle influence sur la
législation française.

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