Admiration D Un Personnage
Admiration D Un Personnage
Admiration D Un Personnage
diffère du conte ou de l’épopée par sa manière d’être lu seul et non écouté. Les personnages de
roman ont la particularité d’être divers, il n’en existe pas un seul type, cela permet au lecteur
d’avoir une grande variété de choix et donc de plus de grandes chances de trouver un personnage
qui puisse leur plaire. Nous pouvons donc nous demander si un personnage de roman peut être
apprécier par le lecteur si ce n’est en étant admiré ? Nous baserons l’essentiel de notre réflexion sur
le roman Le Rouge et le Noir de Stendhal, roman d’apprentissage où Julien Sorel, personnage
principale, lutte pour s’élever socialement. Il s’agira donc d’étudier comment la part d’admiration
d’un personnage de roman donne lieu à de l’affection puis de démontrer qu’apprécier un
personnage n’implique pas toujours de l’admirer.
L’admiration que l’on peut ressentir pour un personnage peut provenir du respect que l’on a
pour des qualités morales, des valeurs que le personnage possède et que le romancier souhaite
véhiculer.
Le Rouge et le Noir constitue un recueil où les valeurs des uns sont mises en opposition aux
valeurs des autres. Les personnages principaux bien que complexes possèdent des qualités morales
et des valeurs remarquables qui les démarquent de la médiocrité de leur entourage (notamment
l’opposition qui est imposé dès le début du roman entre Julien et son père). Prenons le cas de Julien
Sorel. Sa volonté d’élévation, son ambition sont les valeurs qui caractérisent le mieux le
personnage ; « l’ambition qui jusqu’alors avait été l’essence même de sa vie », c’est la volonté de
respecter ses principes qui touche le lecteur et font donc de lui un personnage admirable et apprécié.
De plus sa bravoure ne peut être que loué, à maintes reprises son courage est salué par le narrateur
lui-même. L’un des exemples les plus significatifs reste lors de son procès lorsque celui-ci prononce
son discours. Il avoue alors tout et assume ses actes avec témérité, il ne nie point son crime ; « Mon
crime est atroce et il fut prémédité. J’ai donc mérité la mort messieurs les jurés. ». Saluons
également le courage avec lequel Julien aborde l’amour, il souhaite toujours séduire des femmes qui
lui sont d’apparence inaccessible (d’une part par la différence de leur classe social et d’autre part
parce qu’elle se trouve déjà promise à un autre ou déjà marié) mais bien loin de le rebuter Julien
parvient souvent à ses fins (relation amoureuse avec Louise ou Mathilde). Sa sensibilité artistique et
intellectuelle fait de Julien un personnage admirable. À de nombreuses reprises la vue d’un élément
artistique met Julien Sorel dans un état de transport hors du commun, ses émotions se trouvent à
leur paroxysme et son imagination déborde. C’est ainsi que Julien, alors dans une salle gothique très
sombre toute recouverte de bois, admire la beauté du bois antique « Cette magnificence
mélancolique […] toucha Julien » de même lorsque Julien se trouve dans une église et se doit de
l’inspecter ; « [La cloche] sonnait à pleine volée ; ces sons si pleins et si solennels émurent Julien.
Son imagination n’était plus sur terre. […] l’âme de Julien, exaltée par ces sons si mâles et si pleins,
errait dans les espaces imaginaires. ». Cet aspect rajoute au caractère de Julien une dimension
artistique insoupçonnée et fait de Julien un personnage épatant dont le lecteur et admiratif. Par
ailleurs, il semble parfois incarné la liberté et la jeunesse, deux motifs qui fascinent les lecteurs et
qui sont appréciés du grand public. En effet, lorsque Julien s’arrête en chemin dans une grotte il est
alors transcendé par de nouvelles émotions notamment la liberté qui est mise en relief par une
capacité d’abstraction de son environnement, on notera les expressions « je suis libre ! Au son de ce
grand mot son âme s’exalta » et « agité par son bonheur de liberté » et l’usage répété du mot
« jeune » ainsi que son ambition qui peut caractériser la jeunesse. Enfin Julien force le respect par
son caractère attentionné qu’il a notamment avec les enfants de Mme de Rênal ; l’un des exemples
les plus frappant que le roman nous donne se situe au moment où Julien, après avoir passé quelque
temps à Verrières, retrouve ce qu’« il lui semblait [être] sa famille […] il sentit qu’il aimait ces
enfants, qu’il se plaisait à jaser avec eux. […] la présence des enfants […] augmentait le bonheur
commun. […] Julien l’embrassa, les larmes aux yeux. ». S’il l’on s’attarde enfin sur un personnage
secondaire, Fouqué, on remarquera que celui-ci présente des qualités morales tout à fait admirables.
Notamment la générosité et la loyauté, deux traits de caractère qui seront souvent utilisé pour
Julien. Considérons par exemple l’instant où Fouqué propose à Julien de devenir son associé ;
« Reste avec moi […] Sois mon associé. […] Mais songes-tu que je te donne quatre mille francs par
ans ? », Fouqué recherche un homme de confiance, il croit en ses capacités de comptable et lui
propose ainsi une porte de sortie. Fouqué croit en lui et est honnête comme nous le dit le narrateur
omniscient « Fouqué avait la plus haute idée des lumières et du caractère de Julien ». L’exemple le
plus significatif de la loyauté et de la générosité que montre Fouqué envers Julien se trouve à la fin
du roman où celui-ci fait tout son possible pour sortir Julien de prison et lui tenir compagnie ; « cet
homme simple et bon était éperdu de douleur », Fouqué est alors désigné par la périphrase « homme
simple et bon », s’en suit encore une marque d’amitié « son unique idée était de vendre tout son
bien pour séduire le geôlier et faire sauver Julien. » Ce dernier même reconnaît alors la bonté de
Fouqué « qui serait capable d’un tel sacrifice ? » il qualifie son changement de « sublime ». C’est
d’ailleurs à Fouqué que Julien témoignera de ses dernières revendications et que celui-ci fidèlement
agréera. Finalement c’est à la fin du roman que Mathilde saura gagner l’admiration du lecteur par
un amour inconditionnel qu’elle témoignera à Julien ; « il lui inspirait en ce moment la passion la
plus extraordinaire et la plus folle. Elle ne parlait que de ce sacrifice étrange qu’elle voulait faire
pour le sauver. ». Bien que les idées de vertu ne sont pas retranscrites dans Le Rouge et le Noir, elles
le sont dans Manon Lescaut par l’intermédiaire de Tiberge, véritable allégorie de la vertu dans le
roman, mais également le personnage de Manon qui ne désirait que s’amuser des petits plaisirs, des
divertissements, elle se soucie à la fin du roman de la religion et notamment du mariage, des valeurs
respectées du lecteur ; « L’innocence de nos occupations, et la tranquillité où nous étions
continuellement, servirent à nous faire rappeler insensiblement des idées de religion. […] que nous
n’anoblissions notre amour par des serments que la religion autorise […] Croiriez-vous, me
répondit-elle, que j’y ai pensé mille fois depuis que nous sommes en Amérique. ».
Nous l’avons démontré par de nombreux exemples, un personnage de roman est apprécié
s’il est admiré. Le lecteur respecte les qualités morales et les valeurs d’un personnage et est
admiratif du parcours qu’emprunte le personnage et sa lutte pour surmonter les épreuves. Mais le
lecteur apprécie aussi un personnage si celui l’émeut, le fait rire ou attire son attention.