5 Felicien KALALA

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L’IMMUNITÉ JURIDICTIONNELLE DES LOIS

PORTANT RÉVISION DE LA CONSTITUTION EN


AFRIQUE FRANCOPHONE1 : PERSPECTIVES POUR LA
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Félicien KALALA MUPINGANI


Doctorant en Droit public
Chef de Travaux à l’Université de Kinshasa

L
a question de l’étude de contrôle de constitutionnalité des lois
constitutionnelles en Afrique revêt une actualité croissante2. Elle
constitue l'une des questions les plus contemporaines de la
théorie constitutionnelle3. En bref, on peut la qualifier de problématique
moderne4. Question complexe, dans la mesure où elle s'appuie sur une série de
débats dont chacun présente ses caractéristiques propres et dont aucun ne peut
être tranché de manière claire.
En effet, le contrôle de constitutionnalité des lois portant révision de la
constitution est une des problématiques le plus controversées dans l’univers
du Droit constitutionnel contemporain. La question de savoir si un juge
constitutionnel quel qu’il soit est compétent pour apprécier la

1
Il s’agit de la version authentique de mon article qui devait être publié dans les Annales de la Faculté de Droit de
l’Université de Kinshasa 2013-2014 ; malheureusement, c’est le contenu de l’article de MOUSTAPHA AIDARA,
M., « Le juge constitutionnel africain et le contrôle des lois portant révision de la constitution : contribution à un
débat », www. Afrilex.com, qui était par imprudence envoyé par voie électronique et publié sous ma plume. Ainsi,
cette réflexion est publiée afin de corriger l’erreur constatée dans les Annales sus évoquées.
2
Pour plus de détails sur l’actualité de la question, voy. SINDJOUN, L., Les grandes décisions de la justice
constitutionnelle africaine. Droit constitutionnel jurisprudentiel et politiques constitutionnelles au prisme des
systèmes politiques africains, Bruxelles, Bruylant, 2009, pp.185-310 ; OMAR DIOP., E-A., « Réflexions sur un
phénomène constitutionnel inédit : la prorogation du mandat présidentiel de la République en Côte d’Ivoire », Revue
de Droits africains, n° 41, Bruxelles, 2007, pp.3-70 ; BOSHAB, E., Entre la révision de la Constitution et l’inanition
de la constitution, Bruxelles, Larcier, 2013, p.11; MBATA B. MANGU, A., « Monarchies présidentielles : le
syndrome du troisième mandat ou d’une présidence à vie dans les États membres de l’Union africaine », RADG,
Volume I, n°1, Kinshasa, 2014, pp. 47-66 ;DJOLI ESENG’EKELI, J., Droit constitutionnel. L’expérience congolaise,
Paris, L’Harmattan, 2013, pp. 241-245 ; KAMUKUNY MUKINAY, A., Contribution à l’étude de la fraude en droit
constitutionnel congolais, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2011, pp.407-442 ; KAMUKUNY
MUKINAY, A., Droit constitutionnel congolais, Kinshasa, EUA, 2011, pp. 18-20 ; ESAMBO KANGASHE, J-L.,
La constitution congolaise du 18 février 2006 à l’épreuve du constitutionnalisme. Contraintes pratiques et
perspectives, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2010, pp. 227-307 ; ESAMBO KANGASHE, J-L., Le droit
constitutionnel, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2013, pp. 22- 24 ; A. SOMA, « Le contrôle de
constitutionalité des normes supra législatives », Annuaire béninois de justice constitutionnelle, PUB, 2013, pp. 55-
65 ; KALUBA DIBWA, D., La justice constitutionnelle en République démocratique du Congo. Fondements et
modalités d’exercice, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, Kinshasa, Éditions Eucalyptus, 2013, pp. 361-
501 ; KLEIN, Cl., « Le contrôle de lois constitutionnelles : Introduction à une problématique moderne », Cahiers
du Conseil constitutionnel, n° 27, Paris, janvier 2010 ;
3
KAMUKUNY MUKINAY, A., Droit constitutionnel congolais, op. cit, pp. 18-22.
4
KLEIN, Cl., « Le contrôle de lois constitutionnelles : Introduction à une problématique moderne », op.cit., p.1 ; J-L.
ESAMBO KANGASHE, J-L., Le droit constitutionnel, op. cit, p.109.
74 L’immunité juridictionnelle des lois portant révision de la Constitution en Afrique francophone :
perspectives pour la République Démocratique du Congo

constitutionnalité de lois portant révision de la constitution épuise l’encre de


beaucoup des grands juristes de notre ère.
En République démocratique du Congo, quand bien même l’histoire
constitutionnelle du pays renseigne qu’il a souvent été prévue des cours
constitutionnelles à qui le contrôle de constitutionnalité furent dévolus. Contre
toute attente, ces dernières ne sont restées que l’ombre des textes qui les
organisaient, asphyxiant par ricochet toutes possibilités d’émergence d’un
contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelle.
Depuis l’avènement de la constitution du 18 févier 20065 qui renoue avec
une pratique défaite par les textes des transitions, institue de nouveau une cour
constitutionnelle6 et innove avec les limitations portées au pouvoir de révision
constitutionnelle en ses articles 220 et 219 dictées certes par l’expérience
congolaise affligées par les tristes mémoire d’une instabilité constitutionnelle
caractérisée par des multiples révisions de la constitution7. La révision du 20
janvier 2011 de la constitution du 18 févier 20068 qui a fait l’objet des
contestations ainsi que les soupçons d’une revisitassions des dispositions
intangibles de la constitution attisent d’incessants chocs d’idées à travers les
espaces médiatiques. Ce qui laisse transparaitre au grand jour la question du
contrôle des lois portant révision de la constitution en Afrique et plus
particulièrement en République démocratique du Congo, objet de la présente
réflexion.
En effet, une analyse de la jurisprudence constitutionnelle récente dans
des États comme le Mali, le Bénin ou le Sénégal permet d’envisager certains
éléments de la problématique de l’encadrement juridictionnel de la loi
constitutionnelle. Ces États ont en commun d’avoir une constitution
d’inspiration française, d’avoir consacré quasi simultanément une juridiction
constitutionnelle investie dans une large mesure des mêmes compétences et
enfin d’avoir connu, ces dernières années, plusieurs projets ou propositions
concernant essentiellement la révision des statuts des organes
constitutionnels9.

5
Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, JORDC, 47ème année, Kinshasa, numéro
spécial du 18 février 2006.
6
Article 57 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.
7
Les limites aux pouvoir de révision constitutionnelle que portent les articles 219 et 220 de la Constitution du 18 février
2006 sont certes justifiées par l’expérience constitutionnelle congolaise. Nous citons à titre d’exemple, les révisions
de la constitution du 24 juin 1967 entreprises sous la monarchie Mobutiste pour asseoir un pouvoir autocratique,
dont certaines comme la loi n° 74-020 du 15 août 1974 portant « révision » de la constitution du 24 juin 1967, JORDC,
op.cit. Aurons été des toutes nouvelles constitutions.
8
La loi n°11/002 du 20 janvier portant révision des certaines dispositions de la Constitution du 18 février 2006 de la
République Démocratique du Congo.
9
Nous partageons ici, l’intégralité du constat fait par MOUSTAPHA AIDARA, M., « Le juge constitutionnel africain
et le contrôle des lois portant révision de la constitution : contribution à un débat », www. Afrilex.com, p.1, consulté
le 12 octobre 2013 à 18 h00’.
ANNALES DE LA FACULTE DE DROIT 75

Malgré ces traits communs, la question de la compétence du juge


constitutionnel pour statuer sur les lois portant révision de la Constitution se
pose de manière très contrastée et les règles régissant le contentieux manquent
de clarté et de cohérence.
Il est donc utile de faire l’état de lieu de l’encadrement juridictionnel des
lois portant révision de la constitution en Afrique (A), avant d’envisager la
prospective congolaise (B).
A. L’état de lieu de l’encadrement juridictionnel des lois portant révision de
la constitution en Afrique10
La mise en place des Cours et/ou Conseils constitutionnels en Afrique
s'inscrit dans l’idée de la séparation des pouvoirs35. On peut bien se demander
si cette limitation du pouvoir par le pouvoir peut s'appliquer au pouvoir
constituant dérivé.
Face à la question de savoir si le pouvoir constituant dérivé est soumis à
l'épreuve de la censure du juge constitutionnel, deux tendances s'observent, en
Afrique. Selon la première tendance, la notion de constitution rigide ne fait pas
une place à l'intervention d'un juge dans les processus de révision
constitutionnelle, il s’agit donc d’une immunité juridictionnelle absolue des
lois portant révision de la constitution (a). Selon la seconde tendance qui se
dégage de la nouvelle normativité, le juge constitutionnel est gardien de l'ordre
constitutionnel qu'il a pour vocation de défendre et y conserve sa place (b).
a. Fondement de l’immunité juridictionnelle des lois portant révision de
la constitution
S'appuyant sur l'idée d'une souveraineté pure du pouvoir constituant,
certains systèmes constitutionnels n'admettent pas la possibilité de soumettre
les lois constitutionnelles au contrôle du juge constitutionnel. Dans ce cas, on
est en présence de systèmes de rigidité constitutionnelle classique. Les
systèmes de rigidité constitutionnelle classique sont ceux qui s'opposent à tout
contrôle de constitutionnalité des révisions de la Constitution. Dans ces
systèmes, les lois constitutionnelles bénéficient d'une immunité de juridiction
et ne sauraient donc être déférées à un contrôle de leur conformité aux règles
régissant la révision de la constitution.
a.1. Justification de l’immunité de juridiction
Des arguments ont été utilisés par la doctrine pour justifier l’impossibilité
de soumettre à un contrôle de constitutionnalité les lois portant révisions de la
Constitution.

10
KALALA MUPINGANI, F., L’encadrement juridique du pouvoir constituant dérivé en Afrique francophone : leçons
pour la République démocratique du Congo, mémoire DES, UNIKIN, Faculté de Droit, 2011-2013, pp. 57-60.
76 L’immunité juridictionnelle des lois portant révision de la Constitution en Afrique francophone :
perspectives pour la République Démocratique du Congo

Le premier argument est tiré de l'identité juridique du pouvoir


constituant dérivé. La doctrine positiviste11 perçoit le pouvoir constituant
dérivé comme un organe constituant par son but et ses effets mais constitué
par son origine et ses conditions d'exercice. Pour Georges Vedel, le pouvoir
constituant dérivé est tout aussi souverain que le pouvoir constituant
originaire12. Cette doctrine qui soutient l'unité du pouvoir constituant13 est
promue par les tenants d'une définition formelle de la constitution qui récusent
le principe de contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles
nouvelles14.
Ensuite, il est parfaitement possible d'expliquer l'immunité des actes du
constituant dérivé par l'argument de la doctrine de la souveraineté nationale.
À ce sujet, Sieyès affirme que « De quelque manière qu'une nation veille, il suffit
qu'elle veille : toutes ses formes sont bonnes et sa volonté est toujours suprême ». Le
principe de toute souveraineté résidant essentiellement dans la nation, dans les
systèmes où le corps législatif est investi de la fonction de représentation
nationale, on peut comprendre que la volonté des représentants de la nation
est la volonté du souverain qui reste suprême dans l'ordre juridique national.
Le salut du peuple étant la quête permanente de l'État de droit, c'est à travers
l'expression de la loi suprême, celle émanant de la volonté de la nation que ce
salut public est garanti15.
Ainsi donc, le système de rigidité classique est caractérisé par l'absence
d'un contrôle de la constitutionnalité des lois de révisions ; ce qui aboutît à la
reconnaissance de la validité des révisions constitutionnelles violant les limites
du pouvoir constituant dérivé. Cette reconnaissance se justifie par l'application
du raisonnement conflictuel. À cet égard, il est à peine utile de rappeler que la
compétence de prévoir les solutions au conflit entre normes constitutionnelles
intangibles et lois de révision constitutionnelle ressortit du domaine du
constituant originaire. Si celui-ci établit les règles de conflit, elles s'imposent;
s'il garde silence sur un tel conflit, on admet dans ce cas qu'il accepte la validité
des lois de révision constitutionnelles contraires aux limites du pouvoir du
constituant dérivé. Car, en octroyant l'habilitation de réviser la Constitution
sans prévoir la sanction de l'inobservance des dispositions limitatives de ce

11
A la Faculté de droit de l’Université de Kinshasa, cette doctrine est pilotée et défendue par les professeurs Clément
KABANGE NTABALA, Félix VUNDUAWE TE PEMAKO, Louis YUMA BIABA, MBOKO D’JANDJIMA,
MFUAMBA, rejoint au dernier moment par Évariste BOSHAB.
12
Georges VEDEL cité par KAMAL, G., Le pouvoir de révision constitutionnel, Villeneuve d’Ascq, Presses
Universitaires du Septentrion, 1997, 2 volumes, p. 16.
13
Selon la doctrine positiviste, du point de vue de leur fonction, il n'existe aucune différence entre pouvoir constituant
originaire et pouvoir constituant dérivé.
14
JAN, P., « Les révisions », in FRANCOIS, L., CONAC, G., PRETOT, X., La Constitution de la République française.
Analyses et commentaires, Paris, Economica, 2009, p.2004.
15
Ce qui en philosophie du droit rappelle la célèbre formule de Ciceron : "salus publica suprêma /ex esto"
ANNALES DE LA FACULTE DE DROIT 77

pouvoir, le constituant originaire donnerait par-là même l'habilitation de les


transgresser.
Lorsque cette situation se présente, le conflit n'est plus de l'ordre
juridique car, il n'existe aucun organe qui se reconnait compétent pour le
trancher. Ainsi, les actes posés par le pouvoir constituant dérivé deviennent
valables, ne pouvant être sanctionnés. Or ce qui n'est pas puni est autorisé, dit-
on en règle générale. Il s'ensuit que les procédures de révision constitutionnelle
prévues dans la constitution sont alternatives puisqu'il est loisible pour 1e
constituant dérivé de les respecter ou d'emprunter autre cheminement. C'est
dans ce sens que s'inscrivent les systèmes constitutionnels de certains États
francophones d'Afrique qui se sont inspirés du système français.
a.2. Les manifestations de l'immunité juridictionnelle
Le refus de contrôler les lois constitutionnelles n'est pas une spécificité
africaine. En France, le Conseil constitutionnel s'est refusé à maintes reprises
de contrôler les lois de révision constitutionnelle. Loin d'un mimétisme
juridique, certains États francophones d'Afrique ont adopté un tel système. À
preuve, on peut citer le cas du Sénégal où le Conseil constitutionnel a refusé
d'exercer un tel contrôle16.
En effet, depuis l’avènement du Conseil constitutionnel en 1992. Le juge
sénégalais a été saisi plusieurs fois d’un recours dirigé contre une loi
constitutionnelle. La solution constante défendue par le juge constitutionnel
sénégalais est de déclaré son incompétence pour contrôler les lois
constitutionnelles.17 Saisie en 1998 par un groupe des députés contestant la
modification de la constitution par la loi supprimant simultanément la
limitation du mandat présidentiel et du quart bloquant, qui serait, selon les
saisissants, adoptée en violation à la fois de la Constitution et du Règlement de
l’Assemblée Nationale, le Conseil, après avoir déclaré la requête recevable s’est
reconnu incompétent en se fondant sur le constat que la loi attaquée est une loi
constitutionnelle et donc en raison de cette seule qualité, insusceptible de
recours18.

16
FALL, I-M., Evolution constitutionnelle du Sénégal : de la veille des indépendances aux élections de 2007,
Karthala, Paris, 2009, p.186.
17
Il en a été ainsi dans sa récente décision du 18 juin 2009 ou le conseil constitutionnel s’est encore déclaré incompétent
pour contrôler la constitutionnalité des lois portant révision de la constitution en ces termes : Considérant que le
pouvoir constituant est souverain ; qu’il lui est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de
valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée ; qu’ainsi, rien ne s’oppose à ce qu’il introduise dans
le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui dérogent implicitement ou expressément à une règle ou à un
principe de valeur constitutionnelle sous réserve, d’une part, des limitations touchant aux périodes au cours desquelles
une révision de la Constitution ne peut pas être engagée ou poursuivie qui résultent des articles 40 et 52 de la
Constitution et, d’autre part, des prescriptions du sixième alinéa de l’article 103 susvisé en vertu desquelles « la forme
républicaine de l’Etat ne peut faire l’objet d’une révision.
18
MOUSTAPHA AIDARA, M., « Le juge constitutionnel Africain et les lois portant révision de la constitution :
contribution à un débat », op.cit., p.27.
78 L’immunité juridictionnelle des lois portant révision de la Constitution en Afrique francophone :
perspectives pour la République Démocratique du Congo

En 2003, une loi portant révision de la Constitution a été votée par le


Parlement dans des conditions controversées. La cour a été saisit par un recours
en inconstitutionnalité demande au Conseil constitutionnel de déclarer la loi
portant révision non conforme à la Constitution au motif que les droits de
l’opposition reconnus par la Constitution ont été violés. Le juge constitutionnel
déclinera en ces termes sa compétence : « considérant que la compétence du
Conseil constitutionnel est délimitée par la Constitution ; qu’elle n’est
susceptible d’être précisée et complétée que par une loi organique dans le
respect des principes posés par la Constitution ; que le Conseil constitutionnel
ne saurait être appelé à se prononcer dans d’autres cas que ceux qui sont
expressément fixés par les textes. » En définitive, le Conseil constitutionnel ne
tient d’aucun texte « le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle »19.
Trois ans plus tard, à quelques mois de l’expiration du mandat des
députés, une loi a été votée en 2006 pour modifier la Constitution et faire
coïncider les élections présidentielles et législatives. En clair, la modification
prolonge le mandat parlementaire. L’opposition saisit le Conseil
constitutionnel et soulève deux moyens principaux. Dans sa solution, le conseil
considère qu’il s’agit bien d’une loi constitutionnelle et réitère son
incompétence.
En 2009, sur initiative du président de la République, le Parlement a
adopté un projet de loi constitutionnelle instituant le poste de Vice-président,
un groupe de députés saisit alors le Conseil pour déclarer la loi
inconstitutionnelle. Et ils invoquent des moyens assez solides. Les requérants
considèrent que la loi constitutionnelle est inconstitutionnelle parce que la
place assignée au Vice-président dans le corpus constitutionnel relève d’une
« profanation voire d’une dénaturation des institutions constitutionnelles. ».
Enfin, les saisissants font valoir que la modification est irrégulière parce qu’elle
institue un régime de délégation de pouvoirs du Président au Vice-président
qui vient remettre en cause la cohérence et la logique de la délégation
constitutionnelle initiale des pouvoirs du Président au Premier Ministre et aux
autres membres du Gouvernement20.
Le Conseil constitutionnel avance cette motivation pour se déclarer
incompétent : « Considérant que le pouvoir constituant est souverain ; qu’il lui
est loisible d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur
constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée ; qu’ainsi, rien ne
s’oppose à ce qu’il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions

19
MOUSTAPHA AIDARA, M., « Le juge constitutionnel Africain et les lois portant révision de la constitution :
contribution à un débat », op.cit., p.27.
20
La décision du 18 juin 2009 du conseil constitutionnel tel que repris par BOLLE, S., « Le conseil constitutionnel du
Sénégal s’interdit de contrôler une loi constitutionnelle », La Constitution en Afrique, 2009 : http://www.La-
Constitution-en-Afrique.org, consulté le 20 novembre 2013 à 20h.
ANNALES DE LA FACULTE DE DROIT 79

nouvelles qui dérogent implicitement ou expressément à une règle ou à un


principe de valeur constitutionnelle sous réserve, d’une part, des limitations
touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne
peut pas être engagée ou poursuivie qui résultent des articles 40 et 52 de la
Constitution et, d’autre part, des prescriptions du sixième alinéa de l’article 103
susvisé en vertu desquelles « la forme républicaine de l’Etat ne peut faire l’objet
d’une révision ».
Le conseil constitutionnel sénégalais s’inscrit dans un formalise sclérosé,
favorisant l’instrumentalisions des révisions constitutionnelles, contribuant à
la déstructuration de l’Etat de droit, ouvrant la porte à la fraude
constitutionnelle.
Mais la question de l'immunité juridictionnelle des actes du constituant
dérivé paraît plus discutable lorsque l'on est en présence d'une modification de
la constitution.
b. Arguments en faveur de l’encadrement juridictionnel des lois portant
révision de la constitution
Dans la nouvelle normativité constitutionnelle, c'est la possibilité laissée
au juge constitutionnel d'apprécier les actes du pouvoir constituant dérivé qui
constitue un nouvel élément de rigidité constitutionnelle. N'est-ce pas parce
que la politique est saisie par le droit qu'il existe un contentieux
constitutionnel21? Les actes du souverain ne doivent pas détruire l'héritage
positif des acquis politiques et compromettre l'ordre constitutionnel établi. Le
juge constitutionnel pourrait bien être sollicité pour défendre ou protéger la
Constitution contre les velléités révisionnistes opportunistes et contribuer à
renforcer la rigidité de la Constitution. Ici, la rigidité prend les marques d'une
déférence systématique de tous les actes du parlement à la censure du juge
constitutionnel, gardien des droits fondamentaux et des libertés publiques et
juge de la conformité constitutionnelle des actes posés par le législateur qu'il
soit constituant ou non. Ce faisant, on assiste subtilement à un glissement vers
un contrôle de fondamentalité lorsque l'acte posé par le constituant dérivé ne
contredit pas formellement les règles établies pour la révision de la
Constitution.
C'est dans ces conditions que le juge constitutionnel apparaît
véritablement à la fois comme le gardien de la constitution et la bouche du
constituant originaire dont il décrypte l'idéologie et l'esprit.

21
Selon KELSEN, le gardien de la constitution signifie à l'origine un organe dont la fonction est de protéger la
constitution contre tes violations. Voir KELSEN, H., Qui doit être le gardien de la constitution ? Traduction et
introduction de Sandrine Baume et de Michel Houdiard, coll. « citations », 2006, p.67.
80 L’immunité juridictionnelle des lois portant révision de la Constitution en Afrique francophone :
perspectives pour la République Démocratique du Congo

L'exercice du pouvoir constituant dérivé par le parlement qui, lui-même,


est une émanation de la Constitution46, peut être légitimement soumis à un
contrôle du juge. La finalité d'un tel contrôle réside d'une part, dans la
vérification du respect des limites éventuellement fixées par le constituant
originaire22 et d'autre part, dans le recours aux principes non écrits à valeur
constitutionnelle.
b.1. Le contrôle du respect des limites formelles du pouvoir de réviser
Dans la mesure où les actes du constituant dérivé interviennent sous
forme de loi, le juge constitutionnel peut y tirer motif de sa compétence à
exercer un contrôle de constitutionnalité de tels actes. L'émergence de la justice
constitutionnelle en Afrique francophone se situe dans cette logique et les
exemples du Bénin, du Burkina Faso, du Mali, du Niger, du Tchad en la matière
ne manquent pas de faire des émules.
Au Bénin, malgré le relatif record de longévité et l'effet de modélisation
que l'on accorde à la Constitution du 11 décembre 1990, le débat de sa révision
a échaudé les esprits vers la fin de tous les régimes politiques intervenus après
le mandat du président Nicéphore Dieudonné Soglo (1991-1996). Par deux fois,
la Cour constitutionnelle du Bénin a fait échec aux élans révisionnistes de
l'Assemblée Nationale. Dans un premier cas, en 2006, une révision
constitutionnelle a été adoptée par les députés pour augmenter la durée du
mandat parlementaire avec effet rétroactif pour ce qui concerne la législature
en vigueur. Saisie par des parlementaires et des membres de la société civile, la
Cour constitutionnelle ne s'est pas déclarée incompétente. Elle a bien au
contraire déclaré non avenue une révision de la Constitution concernant la
durée du mandat des députés23. Dans un deuxième cas, elle s'est prononcée sur
la conformité de la loi-cadre pour le référendum en République du Bénin et a
déclaré certaines dispositions de ladite loi, contraires à la Constitution en ce
qu'elles tentaient de modifier des aspects intangibles et non révisables de la
constitution. Sa jurisprudence tend même à se généraliser car elle a étendu ses
tentacules jusqu'au contrôle de la conformité à la Constitution, de la procédure
de saisine de l'Assemblée nationale.
Au Burkina-Faso, suite au report des élections législatives et municipales,
le président du Faso, après délibération du Conseil des ministres, a soumis à
l'Assemblée nationale un projet de révision de la Constitution portant
prorogation du mandat des députés jusqu'à la validation du mandat des
députés de la nouvelle législature. La durée de la prorogation ne devant
excéder le 3 juin 2013. Ce projet avait été adopté par les membres de
l'Assemblée nationale par 102 voix pour, 1 voix nulle, 3 abstentions sur 106

22
POURHIET, A-M., Le Droit constitutionnel, op. cit., p. 416.
23
DCC 06-074 du 08 juillet 2006.
ANNALES DE LA FACULTE DE DROIT 81

votants, soit plus des 3/4 des élus. Saisi par le président de l'Assemblée
nationale aux fins de contrôle de conformité à la Constitution de la loi
constitutionnelle, le Conseil constitutionnel a décelé quelques anomalies qui
rendent cette loi non conforme à la Constitution, Le Conseil a estimé que la loi
constitutionnelle du 22 mars 2012 en complétant l'article 81 de la Constitution
a disposé de manière spécifique sur une situation précise, en l'espèce la durée
de la législature tirée des élections du 6 mai 2007. "Elle a de ce fait dérogé aux
principes généraux de droit sur la nature juridique de la Constitution ; que les
principes qui constituent le fondement de la Constitution ont été de ce fait
méconnus ; qu'il s'en suit que la loi susvisée n'est pas conforme à la
Constitution", indique la décision du Conseil. Pour les membres du Conseil,
l'examen de la loi laisse apparaître que celle-ci dispose uniquement sur le cas
spécifique de la législature en cours, alors qu'une loi constitutionnelle portant
révision de la Constitution devrait être de portée générale.
Au Mali, le régime d'exercice du pouvoir de révision admet un contrôle
de constitutionnalité qui met en évidence la nécessité de respecter les règles de
forme et de fond posées par la constitution. Selon les termes utilisés par le juge
constitutionnel malien, la mission de régulation des pouvoirs publics l'amène,
en matière de révision de la constitution, à examiner la régularité du processus
de révision par rapport à la constitution et aux dispositions du règlement
intérieur de l'Assemblée nationale24. Il s'agit, par exemple, d'analyser pour
déterminer si l'autorité qui en a pris l'initiative est habilitée à le faire de par la
Constitution, si le quorum indiqué par la Constitution a été atteint lors de son
vote par l'Assemblée nationale, si son vote n'a pas eu lieu alors qu'il est porté
atteinte à l'intégrité du territoire et enfin, si elle n'a pas révisé les normes qui,
de par la Constitution, ne peuvent faire l'objet d'une révision25.
Ces jurisprudences n'augurent-elles pas d'un droit constitutionnel
africain qui se distancie du constitutionnalisme libéral, au regard de la mise en
œuvre du pouvoir constituant dérivé dans un contexte de rigidité
constitutionnelle ? La réponse à pareille interrogation va au-delà du simple
constat de la soumission des actes du pouvoir constituant dérivé au contrôle
de constitutionnalité pour s'intéresser aux aspects non écrits de la constitution
que le juge se permet même d'interpréter comme faisant partie soit du bloc de
constitutionnalité ou du champ de fondamentalité.

24
Arrêt n° 01-128 du 12 décembre 2001; constitution-en-afrique.org/Cour constitutionnelle du Mali, consulté le 23
août 2014.
25
Ibidem.
82 L’immunité juridictionnelle des lois portant révision de la Constitution en Afrique francophone :
perspectives pour la République Démocratique du Congo

b.2. Justification du contrôle des lois de révision constitutionnelle


Le contrôle de constitutionnalité tel qu'il fonctionne dans les systèmes
qui l'ont admis se limite à la révision de la constitution formelle, en ce qu'il
porte sur des dispositions formelles du document de la constitution. Le débat
doctrinal animé jusque-là ne met pas l'accent sur la distinction entre
constitution formelle et constitution matérielle en matière de révision. Et, c'est
cette analyse qui s'impose lorsqu'on est en présence d'une censure d'une
révision constitutionnelle exercée par le pouvoir constituant dérivé aux motifs
non écrits dans la constitution. Une telle censure invite à examiner la question
de la révision de constitution matérielle dont le contenu dépasse celui de la
constitution formelle. Dans la constitution matérielle, on peut bien avoir les
règles consacrées dans le document formel mais il existe également d'autres
valeurs non écrites que le juge constitutionnel pourrait se proposer de protéger.
Ce faisant, le juge franchit les barrières des limites formelles de la
constitutionnalité pour plonger dans le fondamentalisme constitutionnel, en
faisant recours aux principes à valeur constitutionnelle et à la supra
constitutionnalité interne, pour faire l'emporter les options fondamentales
ayant présidé à l'élaboration de la constitution formelle. Ce faisant, le contrôle
de fondamentalité ne conduirait-il pas indiscutablement à faire prévaloir
l'appréciation du juge sur la volonté du constituant, fut-il le peuple26?
Dans un premier cas, alors qu'il a été reproché aux parlementaires de
faire une révision de la constitution en violation des conditions expressément
fixées par la constitution du 11 décembre 1990, pour sa propre révision, la cour
a fait recours au concept du consensus national dont le défaut rend contraire à
la constitution, la révision réalisée par les parlementaires. Dans l'esprit de la
jurisprudence du juge constitutionnel béninois, il ne suffit pas que les limites
et les règles de procédures établies par la constitution soient respectées par le
pouvoir constituant dérivé pour rendre valable la révision de la constitution ;
encore faut-il s'assurer que la révision opérée l'ait été par consensus national,
concept qu'il érige au rang de norme constitutionnelle.
En l'espèce, le raisonnement du juge constitutionnel a une double portée.
D'une part, il dénie au pouvoir constituant dérivé, lorsqu'il doit être exercé par
l'Assemblée nationale, le droit de réviser la Constitution sur la seule base des
rapports de forces politiques au sein de l'hémicycle. Il fait du consensus
national une condition qui est supérieure aux conditions de forme et aux
conditions matérielles fixées expressément par la constitution.

26
Voir en ce sens, CONDORCET, « Lettres d'un bourgeois de New-Haven à un citoyen de Virginie », Œuvres de
CONDORCET, pp. 6 et ss.
ANNALES DE LA FACULTE DE DROIT 83

Le consensus national n'a pas pour point de mire les rapports de forces
au sein de l'Assemblée Nationale. Le consensus suppose une adhésion de
l'ensemble des sensibilités sociopolitiques au projet de révision. De la sorte, il
convient de comprendre par consensus national, l'accord ou l'adhésion de la
majorité des diverses tendances à l'Assemblée Nationale, des forces de la
société civile, du gouvernement, et des forces armées à un projet d'intérêt
national. Pour s'assurer que le projet bénéficie du consensus national, il eut
fallu outre son adoption suivant les règles de majorité qualifiée par la plénière
de l'Assemblée Nationale, un soutien du gouvernement, de la société civile et
des forces armées nationales. Le soutien du gouvernement se traduit
concrètement au travers de l'initiative de la révision ou l'absence d'un recours
du président de la République en contrôle de constitutionnalité de la révision
adoptée par les parlementaires. L'accord de la société civile se déduit du
soutien apporté des grandes organisations sociales au profit du projet de
révision et par ricochet, l'absence de contestations sérieuses et signifiantes
d'organisations représentatives de la société civile suite à la révision.
Concernant les forces armées, il faut noter que la constitution du 11 décembre
1990 leur interdit d'intervenir dans la vie politique du pays, en raison de ce que
le régime politique reconnu est un régime civil mais cela n'exclut guère que le
consensus tienne compte de leur attitude suite à une révision de la constitution.
Si des remous sont notés du côté de l'armée pour fustiger un projet de révision
voire une révision, ce serait certainement le signe d'une discorde nationale.
Dans l’affaire relative à la modification de la durée du mandat des
députés la cour constitutionnelle a été claire : « Si la constitution a prévu /es
modalités de sa propre révision, la détermination du peuple béninois à créer un État de
droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion
nationale commandent que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à
l'adoption de la constitution du 11 décembre 1990 notamment le consensus national,
principe à valeur constitutionnelle ». La Cour reconnaît donc dans le consensus,
un idéal, une valeur référentielle vers laquelle toute action politique doit
tendre. Mais il ne s'agit pas d'un idéal utopique qui place l'homme dans
l'univers de l'imperfection et qui l'oblige à, autant que faire se peut, s'élever
pour tendre à la perfection. Il s'agit plutôt d'un idéal plus qu'axiomatique: il est
un principe à valeur constitutionnelle, donc une norme de référence, un
principe doté de charge juridique.
Dans une autre espèce en 2010, la cour est venue à donner son
interprétation du consensus qu'il a érigé en principe à valeur constitutionnelle :
« le consensus qui est un processus de choix ou de décision sans passer par le vote
permet sur une question donnée, de dégager par une voie appropriée, la solution
satisfaisant le plus grand nombre de personnes». Il aura suffi d'ajouter le qualificatif
national pour comprendre que la Cour est restée invariable dans sa
jurisprudence depuis 2006. Le national se distingue de l'ordinaire pour
84 L’immunité juridictionnelle des lois portant révision de la Constitution en Afrique francophone :
perspectives pour la République Démocratique du Congo

embrasser toutes les sensibilités sociopolitiques du pays. C'est d'ailleurs dans


ce processus de concertation et de concorde que les forces vives de la nation
ont su conduire à bout, les travaux de la conférence nationale de février 1989.
Au-delà de l'invocation d'un consensus national par la cour
constitutionnelle du Bénin, pour faire échec à une révision de la constitution
opérée par l'Assemblée Nationale, c'est la portée du recours aux principes non
écrits sur la rigidité constitutionnelle qui préoccupe. A n'en pas douter, cette
valorisation de principes vient contrer les latitudes du pouvoir constituant
dérivé devant qui, elle vient dresser une nouvelle épreuve après celle de la
satisfaction des conditions de procédures et des limitations matérielles du
pouvoir de réviser. On y trouve un nouvel aspect de la rigidité
constitutionnelle qui ne s'exprime plus seulement dans les limites
formellement établies par la constitution mais qui plonge dans le
fondamentalisme constitutionnel pour rechercher et faire imposer les options
fondamentales, idéologiques et politiques qui ont présidé à l'avènement de la
constitution, de sorte à les placer au-dessus du contenu formel de la
constitution.
B. Perspectives congolaises27
La constitution du 18 février 2006 de la République démocratique du
Congo ainsi que la loi organique sur la cour constitutionnelle reste muette face
à la question de savoir si le juge constitutionnel a compétence d’apprécier les
lois constitutionnelles.
Cependant, le constituant du 18 février 2006 a établi des limites
matérielles, formelles et temporelles voir intangible au pouvoir de révision qui
se doit de s’y conformer. Vu sous cet angle, le pouvoir de révision ne peut aller
au-delà des dispositions qui lui imposent des limites parce que le dépassement
des limites lui imposées, relèverait de l’irrégularité. Par conséquent, que dire
des lois constitutionnelles entachées d’irrégularités ? Si c’est ne là le fondement
de leur soumission au contrôle du juge. Ainsi le prescrit des articles 219 et 220
de la Constitution installe des limites matérielles et temporelles qui fondent
effectivement la compétence du juge constitutionnel28.
Ainsi, les perspectives pour la République démocratique du Congo
dépendront d’abord de la position que prendra le juge constitutionnel
congolais (a), avant d’envisager les conséquences d’une telle position (b).

27
Suffisamment développer par MENDE OLENGA, P., Encadrement juridictionnel du pouvoir de révision : état de
la question en Afrique et perspectives congolaises, mémoires DES, UNIKIN, Faculté de Droit, 2011-2013, pp. 112-
114.
28
Lire la constitution, JORDC, 47ème année, numéro spécial, op. cit., pp.74-75.
ANNALES DE LA FACULTE DE DROIT 85

a. Position du juge constitutionnel congolais


Kemal GOZLER précise29, que si la constitution ne contient aucune
disposition sur la question de savoir si le contrôle de la constitutionnalité des
lois constitutionnelles n’est possible, ce qui est le cas de la constitution du 18
février 2006 de la République Démocratique du Congo.30 La solution
authentique à cette question ne peut se trouver que dans la jurisprudence
constitutionnelle.
En d'autres termes, si la solution n'existe pas dans les textes positifs, il
faut la rechercher dans la jurisprudence. Mais pour qu'il y ait une jurisprudence
constitutionnelle, il faut qu'il existe avant tout dans le système, un « contrôle
de la constitutionnalité des lois ». Cependant peu importe le modèle de ce
contrôle. C’est qui cependant, est institué dans la constitution du 18 février 2006
de la République Démocratique du Congo qui dispose en son article 160 al.
1 : « La cour constitutionnelle est chargée du contrôle de constitutionnalité des
lois et des actes ayant force de loi ».31
La solution authentique à la question de l’existence d’un contrôle de
constitutionnalité des lois portant révision de la constitution en République
démocratique du Congo ne peut cependant provenir que de la jurisprudence
de la cour constitutionnelle. Mais jusqu’à ce jour, la cour constitutionnelle
congolaise ne se pas encore prononcer sur la question du contrôle de
constitutionnalité des lois portant révision de la constitution même si la
révision constitutionnelle 20 janvier 2011 de la constitution du 18 février 200632
aurait pu être une occasion pour elle d’affirmer ou d’infirmer sa compétence
au regard des lois portant révision de la constitution au regard des
contestations qu’elle a suscité33.

29
KEMAL, G., Le pouvoir de révision constitutionnelle, op.cit., pp. 455-469.
30
La constitution du 18 février 2006 de la République Démocratique du Congo ainsi que la loi organique sur la cour
constitutionnelle reste muette face à la question de savoir si le juge constitutionnel a compétence d’apprécier les lois
constitutionnelles. Contrairement, à d’autres constitutions telles que la constitution Turque de 1961 après sa révision
de 1971 et celle de 1982. Elles disposent : « la cour constitutionnelle est chargée du contrôle de la constitutionnalité
des lois et actes ayant force de loi » sans toutefois exclure expressément les lois constitutionnelles du contrôle de
constitutionnalité.
31
Article 160 al 1 de la constitution du 18 février 2006.
32
La loi n°11/002 du 20 janvier portant révision des certaines dispositions de la constitution du 18 février 2006 de la
République Démocratique du Congo, JORDC, Kinshasa, n° 20 Janvier 2011, 50ème année.
33
La récente révision constitutionnelle opérée par le Parlement réuni en Congrès a suscité et alimente encore les débats
autour de la procédure de révision adoptée ainsi que sur son opportunité au regard des enjeux électoraux qui se
dessinaient en République Démocratique du Congo. La révision contestée concerne principalement la modification
de la disposition de l’article 71, al.1 de la Constitution qui, dans sa version originale, prévoyait la possibilité de
l’élection du Président de la République selon le mode de scrutin à deux tours ; de l’article 198 al 1 et 2 qui désormais
confer au chef de l’Etat le pouvoir de révoquer le gouverneur et de dissoudre des assemblée provinciales ; et de
l’article 149 sur le parquet… La minorité (l’opposition) désapprouve cette révision et ne participe ni aux débats et
encore moins à l’adoption de la loi de révision. Pour cette dernière les raisons alléguées par la majorité ne s’avèrent
ni fondées, ni opportunes.
86 L’immunité juridictionnelle des lois portant révision de la Constitution en Afrique francophone :
perspectives pour la République Démocratique du Congo

Enfin il nous faut retenir qu’en République Démocratique du Congo, en


raison de l’absence d’une décision de la cour constitutionnelle en la matière. Le
contrôle de constitutionnalité des lois portant révision de la constitution reste
ouverte, c’est ni inexistant ni existant d’autant plus, que la réponse définitive
revient à la cour constitutionnelle congolaise qui aura le choix dans les jours à
venir entre une déclaration de compétence ou d’incompétence avec les
conséquences qu’elles impliquent.
b. Conséquence du choix du juge constitutionnel congolais
Selon que la cour constitutionnelle de la République Démocratique du
Congo optera pour une déclinaison de compétence ou déclaration de
compétence quant au contrôle des lois portant révision de la constitution, nous
avons regroupé nos différentes observations et suggestions.
b.1. En cas d’un déclinatoire de compétence
Sur les pas du conseil constitutionnel français ou encore sénégalais, la
cour constitutionnelle congolaise peut se déclarer incompétent avec toutes les
conséquences. Scellant définitivement l’inexistence du contrôle de
constitutionnalité des lois portant révision de la constitution et consacrant
ainsi la souveraineté du pouvoir de révision.
Cependant, dans le contexte africain on observe comme le remarque
Moustapha AÏDARA que : « l’on se rend compte que la révision
constitutionnelle comporte un véritable enjeu de pouvoir : souvent réélus pour
un second et dernier mandat, certains chefs d’Etat ont tendance à réviser la
Constitution soit pour prolonger le mandat soit pour faire disparaître la règle
de la limitation des mandats. L’ardeur manifeste à recourir à la révision
constitutionnelle rend, sans doute, l’alignement du juge africain sur la
jurisprudence du Conseil constitutionnel français très équivoque parce que le
contexte d’intervention des organes constitués est radicalement différent et
peut entrainer une dénaturation de la révision constitutionnelle »34.
A titre illustrative, en 2006 et en 2009 le conseil constitutionnel sénégalais
se successivement déclarer incompétent avec comme motivation :
« Considérant que le pouvoir constituant est souverain ; qu’il lui est loisible
d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur
constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée ; qu’ainsi, rien ne
s’oppose à ce qu’il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions
nouvelles qui dérogent implicitement ou expressément à une règle ou à un
principe de valeur constitutionnelle sous réserve, d’une part, des limitations
touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne

34
MOUSTAPHA AIDARA, M., « Le juge constitutionnel Africain et les lois portant révision de la constitution :
contribution à un débat ». op. cit, .p 43.
ANNALES DE LA FACULTE DE DROIT 87

peut pas être engagée ou poursuivie qui résultent des articles 40 et 52 de la


Constitution et, d’autre part, des prescriptions du sixième alinéa de l’article 103
susvisé en vertu desquelles « la forme républicaine de l’Etat ne peut faire l’objet
d’une révision »35.
Contribuant ainsi à l’instrumentalisation des révisions constitutionnelles,
favorisant la déstructuration de l’Etat de droit et la fraude constitutionnelle.
D’autant plus que ces révisions ont consistées, pour celle de 2006 en une
prolongation du mandat des élus avec effet rétroactif en méconnaissance de la
procédure prévue par la Constitution, ce qui n’est en vérité qu’une forme de
confiscation du pouvoir. Et celle de 2009 a consisté à l’institution d’un poste de
Vice-président et un régime de délégation de pouvoirs du Président au Vice-
président qui vient remettre en cause la cohérence et la logique de la délégation
constitutionnelle initiale des pouvoirs du Président au Premier Ministre et aux
autres membres du Gouvernement en violation de la procédure prescrite par
l’article 62 de la Constitution.36 Une place assignée au Vice-président dans le
corpus constitutionnel qui relève aux yeux de requérants d’une : « profanation
voire d’une dénaturation des institutions constitutionnelles»37.
Il est évident qu’invoquer la souveraineté du pouvoir constituant pour
rendre la loi constitutionnelle incontestable relève d’un paradoxe. D’autant
plus que dans le cas de la République Démocratique du Congo, le patrimoine
l’historique constitutionnel congolais est caractérisé par une instabilité
chronique des textes constitutionnels et des crises politiques récurrentes dont
l’une des causes fondamentales est la contestation de la légitimité des
Institutions et de leurs animateurs. Cette contestation a pris un relief particulier
avec les guerres qui ont déchirées le pays de 1996 à 2003.
Une déclinaison de compétence de la part du juge constitutionnel
congolais reviendrait à faire des limitations inscrites dans la constitution des
vulgaires barrières à papier en contribuant à la dévalorisation de l’autorité de
la Constitution et par ricochet ouvrirait la boite de pandore des révisions-
nouvelles constitutions que le pays se donnait tant de mal à fermer et qui
pourraient saper tout la volonté émit par la constituant de 2006 de construire
au cœur de l’Afrique, un Etat de droit et une Nation puissante et prospère,
fondée sur une véritable démocratie38.

35
La décision du 18 juin 2009 du conseil constitutionnel tel que repris par BOLLE, S., « Le conseil constitutionnel du
Sénégal s’interdit de contrôler une loi constitutionnelle », op.cit., p.20.
36
Article 64 de constitution sénégalaise dispose : « les Règlements intérieurs des Assemblées ne peuvent être
promulgués si le Conseil constitutionnel, obligatoirement saisi par le Président de la République, ne les a déclarés
conformes à la Constitution ».
37
MOUSTAPHA AIDARA, M., « Le juge constitutionnel Africain et les lois portant révision de la constitution :
contribution à un débat », op.cit., p 44.
38
Lire à ce sujet l’exposé de motif de la constitution du 18 février 2006.
88 L’immunité juridictionnelle des lois portant révision de la Constitution en Afrique francophone :
perspectives pour la République Démocratique du Congo

b.2. En cas d’affirmation de compétence


Autant la cour constitutionnelle congolaise peut se déclarer incompétent
autant elle peut de se reconnaitre la compétence de connaitre des lois portant
révision de la constitution. Consacrant par la même occasion l’existence du
contrôle de constitutionnalité des lois portant révision de la constitution dans
un élan de renforcement de l’Etat de droit et de la démocratie qui solidifierait
la cohésion de la société congolaise victime de l’instrumentalisation des
révisions constitutionnelles. Aussi la République Démocratique du Congo
marchera sur les traces des Etats tels que l’Allemagne, la Turquie, l’Autriche,
les Etats-Unis d’Amérique, le Benin, le Mali ou encore le Tchad…
Il faut observer que le juge constitutionnel africain semble être confronté
à un dilemme qui n’est pas juridiquement simple remarque Moustapha
AÏDARA39 : « La Constitution reconnaît au juge constitutionnel un statut de
« régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs
publics » et une attribution fondamentale consistant à garantir les « droits
fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques » dans le cadre
de l’exercice du contrôle de constitutionnalité. Cependant, aucune compétence
constitutionnelle ne lui est formellement reconnue pour s’immiscer dans les
projets ou propositions de révision de la Constitution ».
Aussi pour se faire les juges constitutionnels Africain optent pour des
positions assez divergentes. Alors que le juge constitutionnel Malien par d’une
assimilation simpliste des lois portant révision de la constitution aux lois
ordinaire, le juge constitutionnel Béninois lui par contre décide de s’affranchir
des conditions formelles, temporelles ou matérielles posées par la Constitution
pour contrôler la validité d’une révision au profit d’idéaux ayant présidé à
l’adoption de la Constitution, le juge crée un principe à valeur constitutionnelle
qui n’est à aucun moment évoqué dans le texte de la Constitution, à savoir le
consensus, auquel il donne une valeur supérieure à la disposition
constitutionnelle se rapportant spécialement à la révision de la Constitution40
et enfin, le juge constitutionnel Tchadien qui se contente des limites des formes
et de fonds prévues dans la constitution41.
Devant cette difficulté, nous suggérons un contrôle sagement circonscrit,
c’est-à-dire qui se limiterait aux limites formelles, matérielles, circonstancielles
inscrites dans la constitution ainsi que des limites susceptible d’être déduites
des textes constitutionnelles pour ne pas tomber dans une simplicité assez
déconcertent à l’instar du juge constitutionnel Malien d’autant plus qu’en

39
MOUSTAPHA AIDARA, M., « Le juge constitutionnel Africain et les lois portant révision de la constitution :
contribution à un débat », op. cit., p. 49.
40
La décision du 18 juin 2009 du conseil constitutionnel tel que repris par BOLLE, S., « Le conseil constitutionnel du
Sénégal s’interdit de contrôler une loi constitutionnelle », op.cit., p.20.
41
Ibidem
ANNALES DE LA FACULTE DE DROIT 89

raison de leurs initiateurs et des procédures y afférentes, ces deux normes reste
différentes en Droit congolais. Un contrôle sagement circonscrit ou le juge
constitutionnel congolais restera dans le cadre constitutionnel établit pour ainsi
éviter qu’il se transforme en un pouvoir constituant à l’instar du juge
constitutionnel Béninois édictant des principes dont la valeur constitutionnelle
dépend que de son propre gré. Portant de ce fait, les craintes d’un
gouvernement des juges42.
L’objet du principe de constitutionnalité étant la préservation de la
Constitution traduisant la protection de l’Etat de droit dans ses fondements. Si
l’on considère l’Etat de droit comme un système d’organisation dans lequel
l’ensemble des rapports sociaux et politiques sont soumis au droit, l’Etat de
droit, est en réalité, une étape dans la « normalisation de la vie d’une société ».
Il ne peut, dès lors, résulté d’une simple consécration formelle : l’Etat de droit
ne peut exister que si la réalité des rapports sociaux selon se principes. En
définitive, il s’agit d’un Etat qui vise à « limiter le pouvoir dans l’Etat ou de
l’Etat en le subordonnant au Droit, en soumettant tous les pouvoirs de l’Etat et
leurs actes au Droit, en général, et au Droit constitutionnel en particulier »43.
Vue sous cet angle, le contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles
c’est non seulement la consécration mais aussi aller jusqu’au bout de la logique
de l’Etat de droit.

42
ARDANT, P., Institutions politiques et Droit constitutionnel, 8e édition. L.G.D.J. 1996. p 110.
43
MOUSTAPHA AIDARA, M., « Le juge constitutionnel Africain et les lois portant révision de la constitution :
contribution à un débat », op.cit., p 52.
90 L’immunité juridictionnelle des lois portant révision de la Constitution en Afrique francophone :
perspectives pour la République Démocratique du Congo

CONCLUSION

La constitution est l’âme du corps étatique : elle traduit l’identité d’un


peuple. La constitution d’un Etat, c’est ce qui le « constitue », le « construit »,
c’est donc plus qu’une compilation des lois. Elle est le socle de son identité et
le nerf de sa conscience politique, son organicité, la mémoire organisée de ce
peuple. Une constitution dit Carl schmitt est l’âme de la cité, mieux une
représentation d’un peuple comme sujet agissant. A ce titre, elle se doit et a le
droit à la plus grande protection44.
Ecrite ou coutumière, la constitution est la loi suprême de l’Etat. Elle se
situe au sommet de la hiérarchie ou « pyramide des normes ». Sans le contrôle
de constitutionnalité, la suprématie de la constitution ne serait qu’un trompe-
œil. Par conséquent, Un vulgaire parchemin sur lequel on peut raturer et même
dénaturer le contenu sans crainte d’une sanction45, une illusoire barrière à
papier. Aussi, le contrôle de constitutionnalité des normes inferieur conforte et
préserve la suprématie de la constitution.
Cependant, même si le contrôle de constitutionnalité des lois est à ces
jours admis et consacré dans beaucoup des textes constitutionnels des divers
pays. Le problème demeure pour autant entier quant aux lois portant révision
de la constitution, parce que de lorsqu’on admet que le constituant originaire
impose des dispositions intangibles au pouvoir de révision constitutionnel et
que ce pouvoir ne peut aller au-delà des dispositions qui règlent sa création. La
question du contrôle de constitutionnalité des lois portant révision de la
constitution transparait au grand jour.
Aussi, en raison de l’actualité grandissante que revêt la question du
contrôle de constitutionnalité des lois portant révision de la constitution et du
fait qu’elle constitue l’une des questions les plus contemporaines de la théorie
constitutionnelle actuelle. Nous nous sommes appesanties sur la question en
République Démocratique du Congo, ou l’avènement de la constitution du 18
févier 200646 qui institue de nouveau une cour constitutionnelle47 et innove avec
les limitations portées au pouvoir de révision constitutionnelle en ses articles
220 et 219 dictées certes par l’expérience congolaise affligées par les tristes
mémoires d’une instabilité constitutionnelle caractérisée par des multiples
révisions de la constitution.48 Et ou la révision constitutionnelle du 20 janvier

44
DJOLI ESENG’EKELI, J., Droit constitutionnel. Tome I. Structures principaux, op.cit., p 173.
45
Idem, p. 189.
46
Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, JORDC, 47ème année, Kinshasa, numéro
spécial du 18 février 2006.
47
Article 57 de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006. Idem.
48
Les limites aux pouvoir de révision constitutionnelle que portent les articles 219 et 220 de la constitution du 18 février
2006 sont certes justifiés par l’expérience constitutionnelle congolaise. Nous citons à titre d’exemple, les révisions
ANNALES DE LA FACULTE DE DROIT 91

2011 de la constitution du 18 févier 200649 qui jusqu’ici fait l’objet des


contestations, ainsi que les soupçons d’une revisitassions des dispositions
intangibles de la constitution dénoncer, met en perspective l’émergence d’un
contrôle de constitutionnalité de lois portant révision de la constitution.
Est-il permit à un juge quel qu’il soit en droit positif congolais de
contrôler la constitutionnalité d’une loi portant révision de la constitution ?
Fort de nos conclusions, il ressort donc de l’analyse des dispositions relatives à
la compétence de la cour constitutionnelle de la République Démocratique du
Congo que le juge constitutionnel congolais n’a pas expressément reçu du
constituant originaire le pouvoir de connaitre de la constitutionnalité des lois
portant révision de la constitution à l’instar du juge constitutionnel Turque.
Cependant, le pouvoir constituant dérivé dans ses caractéristiques structurant
étant un pouvoir institué et limité, les lois portant révision de la constitution ne
peuvent aller au-delà des dispositions qui leur imposent des limites de forme
et de fond au risque de relever de l’irrégularité et d’être dénoués de toute
validité. La constitution du 18 février 2006 dans ses articles 220 et 219 impose
des limites intangibles au pouvoir de révision, lesquelles limites appelle certes,
à un contrôle de constitutionnalité des lois portant révision de la constitution
d’autant plus que l’article 168 al 2 de la dispose : « Tout acte déclaré non
conforme à la Constitution est nul de plein droit ». Par conséquent, le contrôle
reste ouvert d’autant plus que la cour ne s’est pas encore prononcée sur la
question. Il revient à la cour constitutionnelle congolaise dans son pouvoir
d’interpréter la constitution de se prononcer sur sa propre compétence à
connaitre de la constitutionnalité des lois constitutionnelles.
Aussi, ne s’étant pas encore prononcé sur sa compétence à connaitre des
lois portant révision de la constitution. La cour constitutionnelle, une fois
l’occasion présentée, aura le choix entre soit, une déclinaison de compétence à
l’instar du conseil constitutionnel français et sénégalais ou soit, pour une
reconnaissance de sa compétence à l’instar de la cour constitutionnelle
Allemande, Autrichienne, Béninoise ou encore Malienne tel qu’étudier.
Selon qu’il optera pour l’une ou l’autre de ses deux décisions, il importe
de sonner l’alarme en ce sens qu’une déclinaison de compétence contribuerait
ainsi à l’instrumentalisation des révisions constitutionnelles, favorisant la
déstructuration de l’Etat de droit et la fraude constitutionnelle. D’autant plus
que dans le cas de la République Démocratique du Congo, en se référant au
patrimoine l’historique constitutionnelle du pays, il est évident qu’invoquer la

de la constitution du 24 juin 1967 entreprises par le Maréchal MOBUTU pour asseoir son pouvoir autocratique, dont
certaines comme la loi n°74-020 du 15 août 1974 portant révision de la constitution du 24 juin 1967, JORDC, op.cit.
Aurons été des toutes nouvelles constitutions.
49
La loi n°11/002 du 20 janvier portant révision des certaines dispositions de la constitution du 18 février 2006 de la
République Démocratique du Congo.
92 L’immunité juridictionnelle des lois portant révision de la Constitution en Afrique francophone :
perspectives pour la République Démocratique du Congo

souveraineté du pouvoir constituant pour rendre la loi constitutionnelle


incontestable relève d’un paradoxe. En effet une déclinaison de compétence de
la part du juge constitutionnel congolais reviendrait à faire des limitations
inscrites dans la constitution des vulgaires barrières à papier en contribuant à
la dévalorisation de l’autorité de la Constitution et par ricochet ouvrirait la
boite de pandore des révisions nouvelles-constitutions que le pays se donnait
tant de mal à fermer.
Il parait évident qu’une déclaration de compétence est certes, la décision
qui semble le mieux adapter à la situation du Congo. Parce qu’il s’inscrit dans
un élan de renforcement de l’Etat de droit et de la démocratie qui solidifierait
la cohésion de la société congolaise victime de l’instrumentalisation des
révisions constitutionnelles, coupant par ricochet le cordon ombilicale des
révisions constitutionnelles nouvelle-constitution à la base de l’instabilité des
textes constitutionnelles de la RDC. Une reconnaissance de compétence qui
cependant, ne sera pas facile devant la difficulté de trouver un fondement
valide pour assoir sa compétence.
Devant cette difficulté, nous suggérons un contrôle sagement circonscrit,
c’est-à-dire qui se limiterait aux limites formelles, matérielles, circonstancielles
inscrites dans la constitution ainsi que des limites susceptible d’être déduites
des textes constitutionnelles pour ne pas faire du pis-aller à l’instar du juge
constitutionnel Malien, un contrôle sagement circonscrit ou le juge
constitutionnel congolais restera dans le cadre constitutionnel établit pour ainsi
éviter qu’il se transforme en un pouvoir constituant à l’instar du juge
constitutionnel Béninois édictant des principes dont la valeur constitutionnelle
dépend que de son propre gré. Une situation qui pousse à s’interroger sur les
risques que cela représenteraient, une fois que le juge constitutionnel dépassant
le cadre constitutionnel établit, venait à donner un coup fatal aux options
fondamentales qui ont été émises par le constituant originaire laissant planer
le spectre de l’absolutisme du juge. Quant sera-t-il ? Qui contrôlera le
contrôleur ?
Enfin, il parait logique que c’est au souverain primaire d’intervenir, c’est-
à-dire le peuple, en vertus de son droit de résister à l’oppression d’autant plus
que l’article 64 de la constitution du 18 février 2006 dispose : ‘‘Tout congolais a
le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le
pouvoir…et qui l’exerce en violation des dispositions de la présente
constitution’’. Puisqu’en somme, ce ne sont pas ‘‘des prières, mais des hommes
qui constituent le véritable rempart d’une société’’. Nous plaidons sur ceux à
l’avenir, pour un contrôle réglementé à l’instar de celui exercé en Turquie
puisqu’il permet un meilleur encadrement du juge constitutionnel.
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