Logique4 1

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Exercices de Logique version 4.

Isar Stubbe (février 2005)

1 Ensembles
1.1 Soit un ensemble X et PX l’ensemble des parties de X. L’inclusion A ⊆ B
définit un ordre partiel sur PX.
(i) Montrez que l’infimum de A, B ∈ PX est A ∩ B, et leur supremum est
A ∪ B. Déduisez-en que A ⊆ B si et seulement si A ∩ B = A, si et seulement
si A ∪ B = B.
(ii) Notons Ac = X \A pour le complément de A ∈ PX dans X. Observez que
A ∪ Ac = X et A ∩ Ac = ∅, quel que soit A. Et que donc, pour A, B ∈ PX,
(A ∩ Ac ) ⊆ B ⊆ (A ∪ Ac ).
(iii) Observez que, pour tout A, B, C ∈ PX, on a
— A ∩ A = A et A ∪ A = A ;
— A ∩ B = B ∩ A et A ∪ B = B ∪ A ;
— A ∩ (B ∩ C) = (A ∩ B) ∩ C et A ∪ (B ∪ C) = (A ∪ B) ∪ C ;
— (A ∩ B) ∪ B = B et (A ∪ B) ∩ B = B ;
— A ∩ (B ∪ C) = (A ∩ B) ∪ (A ∩ C) et A ∪ (B ∩ C) = (A ∪ B) ∩ (A ∪ C) ;
— (A ∩ Ac ) ∪ B = B et (A ∪ Ac ) ∩ B = B.
(iv) Vérifiez que, pour tout A, B ∈ PX,
— (A ∩ B)c = Ac ∪ B c et (A ∪ B)c = Ac ∩ B c .
Remarque : On observe ici que, en tant qu’ordre partiel, (PX, ⊆) possède des pro-
priétés tout à fait remarquables. Dans 3.8 on étudie une abstraction de ce type
d’ordres partiels, appelés algèbres de Boole.

1.2 L’application { }: X → PX: x 7→ {x} est une injection évidente. Montrez qu’il
ne peut pas y avoir de surjection s: X → PX. Indication : Considérez

Y = {x ∈ X | x 6∈ s(x)},

qui devrait être de la forme s(x0 ).

1.3 A × B dénote le produit cartésien de deux ensembles A et B ; les projections


sur les facteurs sont bien sûr

pA : A × B → A: (a, b) 7→ a,

1
pB : A × B → B: (a, b) 7→ b.

Convenons aussi de noter B A l’ensemble des applications de A dans B.


(i) Vérifiez que, pour A, B, C donnés, la préscription f 7→ (pA ◦ f, pB ◦ f )
détermine une bijection entre les ensembles (A×B)C et AC ×B C . Indication :
Montrez que pour tout couple d’applications fA : C → A, fB : C → B il existe
une unique application hfA , fB i: C → A × B faisant commuter le diagramme
suivant :
C

fA hf , f i fB
A B

  
Ao pA A × B pB
/B

On dit que hfA , fB i est la factorisation de fA et fB à travers le produit.


(ii) Généralisez (i) pour une famille (Ai )i∈I quelconque d’ensembles.
(iii) Trouvez une bijection entre les ensembles (AB )C et AB×C .
(iv) Que vaut A∅ ? Et que vaut ∅ × A ? Et que vaut le produit cartésien d’une
famille vide ?
Remarque : La propriété en (i) est la propriété universelle de A × B, dans le sens
que cette propriété détermine l’ensemble A × B à bijection près : si un ensemble P
et des applications πA : P → A, πB : P → B sont tels que, pour tout ensemble C, la
préscription f 7→ (πA ◦ f, πB ◦ f ) détermine une bijection entre P C et AC × B C ,
alors il existe une unique bijection entre P et A × B, notons-le b: P → A × B, telle
que pA ◦ b = πA et pB ◦ b = πB .

1.4 Une relation d’équivalence sur un ensemble A est une partie E de A×A vérifiant
la réflexivité, la transitivité et la symétrie.
(i) Vérifiez que si E et E 0 sont des équivalences sur A, alors leur intersection
E ∩ E 0 est également une équivalence. Est-ce vrai pour l’intersection d’une
famille quelconque (Ei )i∈I d’équivalences sur A ?
(ii) Pour toute relation R binaire sur A, désignons par R e la plus petite relation
d’équivalence sur A qui contient R. Montrez que R e existe et que l’on a R(x,
e y)
si et seulement si il existe une suite finie d’éléments z1 , ..., zr telle que z1 = x,
zr = y et pour tout i ∈ {1, ..., r}, on ait R(zi , zi+1 ) ou R(zi+1 , zi ) ou zi = zi+1 .

1.5 Soit f : A → B une application entre ensembles.

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(i) Vérifiez que la clause

(a, a0 ) ∈ Ef ⇐⇒ f a = f a0

définit une relation d’équivalence sur A.


(ii) L’image de f est l’ensemble im(f ) = {b ∈ B | ∃a ∈ A : f a = b}. Vérifiez
que le quotient de A par Ef est en bijection avec im(f ).
(iii) Montrez que l’application f se factorise en surjection canonique suivie
d’une bijection et d’une inclusion canonique.

1.6 On note s: N → N pour l’application “successeur” sur l’ensemble des nombres


naturels ; c’est-à-dire, s(n) = n + 1. Prouvez que, pour tout ensemble A, élément
a ∈ A et application e: A → A, il existe une unique application f : N → A telle que
f (0) = a et f ◦ s = e ◦ f .
Cette propriété de l’ensemble N le caractérise dans le sens suivant : Soit un
ensemble N , un élément z ∈ N et une application σ: N → N , avec la propriété que,
pour tout ensemble A, élément a ∈ A et application e: A → A, il existe une unique
application f : N → A telle que f (z) = a et f ◦ s = e ◦ f . Alors il existe une unique
bijection b: N → N telle que b(z) = 0 et b ◦ σ = s ◦ b. Prouvez ce théorème.

Remarque : On appelle un ensemble N avec un élément z ∈ N et l’application


σ: N → N ayant la propriété universelle citée ci-dessus, un “objet de nombres na-
turels” ; on l’écrira tout simplement (N, z, σ). La philosophie est donc qu’un tel
ensemble peut toujours “jouer le rôle de N” ; ou autrement dit, que le “contenu
mathématique” de l’ensemble N est exactement exprimé par sa propriété universelle.
Nous allons approfondir ce point de vue dans les exercices suivants, en montrant que
les “propriétés habituelles” des nombres naturels se déduisent toutes de sa propriété
universelle.

1.7 Soit un objet de nombres naturels (N, z, σ).


(i) Prouvez que, si un sous-ensemble S ⊆ N contient l’élément z et est fermé
pour la fonction σ: N → N (ceci veut dire : n ∈ S implique σ(n) ∈ S), alors
S = N.
(ii) Déduisez-en que, pour un ensemble A et deux applications f : N → A et
g: N → A, si f (z) = g(z) et f (n) = g(n) implique que f (σ(n)) = g(σ(n))
pour tout n ∈ N , alors f = g.
(iii) Concluez que l’on peut définir une application π: N → N en posant que
π(z) = z et π(σ(n)) = n (pour tout n ∈ N ), et que la composée π ◦σ est égale

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à l’application identité sur N ; observez que cela implique que σ: N → N est
une injection.
Remarque : Le point (i) prouve que tout objet de nombres naturels admet le principe
de preuve par induction. Et l’application π: N → N construite en (iii) est l’applica-
tion “prédécesseur”.

1.8 Soit toujours un objet de nombres naturels (N, z, σ). On définit l’addition sur
N par récurrence : pour tout m ∈ N on a

m + z = m et m + σ(n) = σ(m + n),

quel que soit n ∈ N .


(i) Montrez, par des récurrences appropriées, que (N, +, z) est un monoı̈de
commutatif ; c’est-à-dire, que l’addition est associative et commutative, et
que z est son élément neutre.
(ii) Montrez que, de plus, dans ce monoı̈de la loi de simplification est valide :
si m + n = k + n alors m = k.
(iii) Et – pour boucler la boucle – montrez que, si on définit u = σ(z) dans
N , alors pour tout n ∈ N ,
σ(n) = n + u.

(Donc les lettres z et u peuvent être lues comme “zéro” et “un(ité)”, et le


successeur de n ∈ N est n plus un... )

1.9 La multiplication sur un objet de nombres naturels (N, z, σ) est telle que pour
tout m ∈ N on a
m · z = z et m · σ(n) = m · n + m,

quel que soit n ∈ N .


(i) Montrez que la multiplication est distributive par rapport à l’addition...
(ii) ... et que (N, ·, u) (où u est toujours la notation pour σ(z)) est un monoı̈de
commutatif.

1.10 Toujours à propos d’un objet de nombres naturels (N, z, σ), on définit une
relation binaire sur N par :

m ≤ n si il existe un k ∈ N tel que m + k = n.

Prouvez qu’il s’agit d’un ordre partiel sur N , c’est-à-dire, d’une relation transitive,
réflexive et antisymétrique.

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1.11 Le théorème de Cantor–Dedekind–Bernstein dit que deux ensembles sont é-
quipotents (donc qu’il existe une bijection entre eux) dès que chacun peut s’injecter
dans l’autre. Nous l’admettons.
(i) En utilisant au besoin ce théorème, montrez que tous les intervalles de R
ayant au moins deux éléments sont équipotens.
(ii) Trouvez des injections de N dans N × N et de N × N dans N.
(iii) Trouvez des injections de Z et de Q+ dans N × N, et déduisez-en que N,
Z et Q+ sont équipotents.
(iv) Utilisez l’équipotence de N et Q+ pour démontrer l’équipotence de Q et
N.
(v) Montrez que R n’est pas dénombrable (c’est-à-dire, n’est pas en bijection
avec N). Indication : Montrez que R et PN sont équipotents, et utilisez
ensuite 1.2.
Remarque : Le théorème que nous avons utilisé, a été conjecturé par G. Cantor, et
R. Dedekind en a donné la première preuve (1887)... mais celle-ci n’a pas été publiée.
F. Bernstein fut le premier à avoir publié une preuve, en 1898. Ceci explique pourquoi
ce théorème porte ces trois noms.

2 Langages et structures algébriques


2.1 Donnez l’alphabet d’un langage adapté à N (avec la multiplication, l’addition,
les éléments distingués 0 et 1), aux parties ouvertes de Rn (avec l’intersection, la
réunion, les éléments distingués ∅ et Rn ), ou encore aux endomorphismes d’un espace
vectoriel sur R (avec la composition, l’addition, et l’identité et l’application nulle
comme éléments distingués).
Décrivez l’interprétation usuelle du langage en question dans chacune des struc-
tures indiquées.

2.2 Soit L un langage algébrique, x, x0 ∈ V (L ) et t, t0 , t00 ∈ T (L ).


(i) Donnez un exemple montrant que l’on n’a pas toujours

[t00 | x0 ][t0 | x]t = [[t00 | x0 ]t0 | x][t00 | x0 ]t

si x a une occurence dans t00 . (On suppose x0 6= x.)


(ii) Vérifiez que si x et x0 n’ont pas d’occurrence dans t0 ni dans t00 , alors

[t00 | x0 ][t0 | x]t = [t0 | x][t00 | x0 ]t.

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2.3 Soit un langage algébrique L , et deux structures S1 , S2 avec interprétations
I1 : L → S1 (et surjections σn1 : On → On ) et I2 : L → S2 (et surjections σn2 : On →
On ). Une application ensembliste h: D1 → D2 entre le domaine de S1 et le domaine
de S2 est appelée homomorphisme de L -structures si pour tout n ∈ N, pour tout
n-uple (d1 , ..., dn ) ∈ D1n et pour toute opération n-aire f ∈ On de L ,

h(σn1 f (d1 , ..., dn )) = σn2 f (hd1 , ..., hdn ).

(i) Montrez que pour deux homomorphismes h1 : D1 → D2 et h2 : D2 → D3


la composition h2 ◦ h1 : D1 → D3 est un homomorphisme ; vérifiez que la
composition d’homomorphismes est associative, c’est-à-dire, que pour trois
homomorphismes h1 , h2 , h3 on a toujours que h3 ◦ (h2 ◦ h1 ) = (h3 ◦ h2 ) ◦ h1 .
(ii) Montrez que l’application identité idS1 : D1 → D1 est un homomorphisme,
et que pour tout homomorphisme h: D1 → D2 on a que idS2 ◦h = h = h◦idS1 .
Remarque : Ceci indique que les L -structures et leurs homomorphismes forment
une catégorie. Consultez par exemple “Handbook of Categorical Algebra, vol. 1”
[F. Borceux, 1994] pour une introduction à la théorie des catégories.

2.4 Soit un langage algébrique L . Pour deux L -structures S1 et S2 telles que


D1 ⊆ D2 , on dit que S1 est une sous-structure de S2 si l’inclusion i: D1 → D2 est
un homomorphisme de L -structures.
(i) Expliquez la phrase : S1 est sous-structure de S2 si et seulement si D1 ⊆
D2 et D1 est “fermé pour les opérations”.
(ii) Vérifiez que si (Sk )k∈K est une famille de sous-structures de S , de do-
T
maines respectifs Dk , alors k∈K Dk est le domaine d’une sous-structure de
S (notée k∈K Sk ).
T

(iii) Montrez par un exemple que si S1 et S2 sont deux sous-structures de


S , de domaines respectifs D1 et D2 , il n’est pas vrai en général que D1 ∪ D2
soit le domaine d’une sous-structure.
(iv) Montrez que pour toute partie A de D on peut parler de la plus petite
sous-structure de S dont le domaine contient A (la sous-structure engendrée
par A, comme on dit).

2.5 Si h: D1 → D2 est un homomorphisme bijectif entre deux structures S1 et S2


d’un type fixé, alors la bijection réciproque h−1 est également un homomorphisme.
Vérifiez. On appelle h un isomorphisme entre L -structures.
Montrez qu’un homomorphisme h: D1 → D2 entre deux structures S1 et S2
est un isomorphisme si et seulement si il existe un homomorphisme k: D2 → D1
satisfaisant k ◦ h = idS1 et h ◦ k = idS2 .

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2.6 Soit L un langage algébrique. Si S1 et S2 sont deux L -structures, de domaines
D1 et D2 , alors le produit cartésien D1 × D2 peut être muni naturellement d’une
structure du même type, notée S1 × S2 , en définissant, pour tout n ∈ N, pour tout
n-uple (d11 , d21 ), ..., (d1n , d2n ) ∈ (D1 × D2 )n et pour toute opération n-aire f ∈ On de
L , que
σn1×2 f ((d11 , d21 ), ..., (d1n , d2n )) = (σn1 f (d11 , ..., d1n ), σn2 f (d21 , ..., d2n ));
ceci définit à la fois les Oj et les surjections σn1×2 : On → On d’une interprétation de
S1 × S2 .
(i) Montrez que les projections sur les facteurs
p1 : D1 × D2 → D1 : (x, y) 7→ x,
p2 : D1 × D2 → D2 : (x, y) 7→ y,
sont des homomorphismes.
(ii) Montrez que pour toute L -structure S , on a une bijection entre l’en-
semble des homomorphismes de S vers S1 × S2 et l’ensemble des couples
d’homomorphismes de S vers S1 et vers S2 , donnée par la préscription
h 7→ (p1 ◦ h, p2 ◦ h). Indication : Par 1.3 on sait que les homomorphismes
h1 : D → D1 et h2 : D → D2 déterminent une unique application ensembliste
hh1 , h2 i: D → D1 × D2 faisant commuter le diagramme suivant :
D

h1 hh1 , h2 i h2

  
D1 o p1 D1 × D2 p2
/ D2

Il suffit donc de montrer que hh1 , h2 i est un homomorphisme de L -structures.


(iii) Soient h1 : D1 → D10 et h2 : D2 → D20 deux homomorphismes, resp. de S1
à S10 et de S2 à S20 . Il suit que
p1 / h1 / 0 p2 / h2 / 0
D1 × D2 D1 D 1 et D1 × D2 D1 D 2

déterminent une unique factorisation à travers D10 × D20 ; on le note (h1 , h2 ).


Vérifiez que le diagramme suivant commute pour i = 1, 2 :
pi / Di
D1 × D2
(h1 , h2 ) hi
 
D10 × D20 / D0
i
p0i

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(iv) Généralisez ce qui précède au cas où on part d’une famille (Si )i∈I quel-
conque de L -structures.
Remarque : La propriété en (ii) est la propriété universelle du produit cartésien de S1
et S2 , dans le sens que cette propriété détermine le produit cartésien à isomorphisme
près.

2.7 Soit S une L -structure de domaine D. Une congruence E sur S est par
définition une relation d’équivalence E sur D telle que, pour tout n ∈ N, tout f ∈ On
symbole d’opération n-aire du langage L et tout (x1 , y1 ), ..., (xn , yn ) appartenant à
E on a que aussi le couple (σn f (x1 , ..., xn ), σn f (y1 , ..., yn )) appartient à E.
(i) Montrez qu’une équivalence E sur D est une congruence si et seulement si
E, vue comme partie de D × D, est une sous-structure du produit S × S .
(ii) Déduisez-en que l’intersection d’une famille (Ei )i∈I de congruences sur S
est toujours une congruence (cf. 1.4 et 2.4).

2.8 Si h: D1 → D2 est un homomorphisme quelconque entre L -structures S1 et


S2 , montrez que la relation hx1 = hy1 est une congruence ; on l’appelle l’équivalence
nucléaire associée à h, et on la note Eh .
Montrez que le quotient D1 /Eh peut être muni naturellement d’une L -structure,
et que l’application ensembliste [−]: D1 → D1 /Eh : x 7→ [x] qui envoie un élément
sur sa classe d’équivalence, est alors un homomorphisme surjectif.

2.9 Si h: D1 → D2 est un homomorphisme quelconque entre L -structures S1 et


S2 , montrez que l’ensemble

im(h) = {y ∈ D2 | ∃x ∈ D1 : hx = y}

peut être muni naturellement d’une L -structure, et que im(h) est une sous-structure
de S2 . On appelle im(h) l’image de h.

2.10 Montrez qu’un homomorphisme h: D1 → D2 entre deux structures S1 et S2


de type donné se factorise en surjection canonique suivie d’un isomorphisme et d’une
inclusion canonique. Indication : Montrez que le diagramme

h / D2
D1 O
[−] i

D1 /Eh / im(h)
h

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dans lequel h: D1 /Eh → im(h) est la bijection qui envoie une classe [x] sur hx, est
un diagramme commutatif de L -structures et homomorphismes (cf. 1.5, 2.5, 2.8 et
2.9).

2.11 Observez que, pour tout langage algébrique L , l’ensemble des termes T (L )
est muni canoniquement d’une L -structure : son domaine est donc T (L ), et pour
toute opération n-aire f ∈ On du langage L et tout n-uple (t1 , ..., tn ) ∈ T (L )n
on pose σn f (t1 , ..., tn ) = f t1 ...tn , ce qui définit à la fois les Oj et les surjections
σj : Oj → Oj d’une interprétation I : L → T (L ). Ensuite, observez que l’inclusion
i: V (L ) ,→ T (L ) est une valuation.
Soit S une L -structure de domaine D et ϕ: V (L ) → D une valuation quel-
conque. Montrez que le prolongement ϕ: T (L ) → D est l’unique homomorphisme
h: T (L ) → D vérifiant h ◦ i = ϕ, c’est-à-dire, qui fait commuter le diagramme
suivant :
i /
V (L ) T (L )
ϕ
 z h
D
Remarque : Dans le syllabus se trouve une définition inductive du “prolongement
d’une valuation”. La propriété ci-dessus donne une définition alternative équivalente
en termes d’homomorphismes.

2.12 Soient un langage, une structure et une interprétation I : L → S , et une


valuation ϕ: V (L ) → D dans le domaine de S .
(i) Montrez que la relation t ∼ϕ t0 est une congruence sur l’algèbre des termes.
(ii) Montrez que l’équivalence sémantique t ∼ t0 par rapport à une structure
donnée S est une congruence sur l’algèbre des termes.
Indication : utilisez 2.7, 2.8 et 2.11.

2.13 Soit L un langage algébrique, T{x1 ,...,xn } (L ) l’ensemble des termes dont toutes
les variables sont contenues dans l’ensemble {x1 , ..., xn }, et S une L -structure de
domaine D.
(i) Montrez que T{x1 ,...,xn } (L ) est (le domaine de) une sous-structure de T (L ).
(ii) Montrez que pour tout choix d’un n-uple d = (d1 , ..., dn ) d’éléments de D
il existe un homomorphisme unique de T{x1 ,...,xn } (L ) vers D envoyant x1 sur
d1 , ... , xn sur dn . On le note hd .
(iii) Montrez la réciproque de (ii) : que tout homomorphisme de T{x1 ,...,xn } (L )
vers D détermine un unique n-uple d = (d1 , ..., dn ) d’éléments de D.

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(iv) Si on choisit p termes dans T{x1 ,...,xn } (L ), soit t = (t1 , ..., tp ), ce choix
détermine un homomorphisme de T{y1 ,...,yp } (L ) vers T{x1 ,...,xn } (L ), soit ht . Si
on choisit ensuite un n-uple d = (d1 , ..., dn ) dans D, ce choix détermine un ho-
momorphisme hd de T{x1 ,...,xn } (L ) vers D. Posons t(d) = (hd (t1 ), ..., hd (tp )) ;
ce p-uple dans D détermine donc un homomorphisme ht(d) de T{y1 ,...,yp } (L )
vers D. Justifiez l’égalité hd ◦ ht = ht(d) .
(v) Montrez que, si {xi1 , ..., xip } ⊆ {x1 , ..., xn }, alors T{xi1 ,...,xip } (L ) est une
sous-structure de T{x1 ,...,xn } (L ).
(vi) En particulier on a, pour 1 ≤ k ≤ n, des inclusions

ik : T{xk } (L ) → T{x1 ,...,xn } (L )

qui sont des homomorphismes. Prouvez que, si on a des homomorphismes


hk : T{xk } (L ) → D (pour 1 ≤ k ≤ n), alors il existe un unique homomor-
phisme h: T{x1 ,...,xn } (L ) → D tel que hk = ik ◦ h pour 1 ≤ k ≤ n.
(vii) Montrez que T{y1 ,...,yn } (L ) est isomorphe à T{x1 ,...,xn } (L ).
Remarque : La L -structure T{x1 ,...,xn } (L ) est appelée la L -structure libre sur n
générateurs ; la bijection indiquée en (ii) et (iii) est sa propriété universelle. On utilise
souvent la notation Tn (L ) pour la L -structure des termes avec au plus n variables
distinctes, si on ne veut pas spécifier ces variables ; (vii) ci-dessus affirme qu’en effet
“le nom des variables n’a pas d’importance”. Alors (vi) prouve que “Tn (L ) est le
coproduit (ou somme) de n copies de T1 (L )” : la propriété universelle du coproduit
est duale à celle du produit—d’où le préfixe “co”.
Comparez par exemple avec la notion d’espace vectoriel libre sur un corps k ; les
générateurs sont alors les vecteurs de base, et on a l’habitude d’écrire k n pour un
espace vectoriel libre sur n générateurs.

2.14 Soit L un langage algébrique, et S une L -structure de domaine D. Avec les


notations de 2.13, on définit pour tout t ∈ Tn (L ) l’application ensembliste

tS : Dn → D: d 7→ hd (t).

On l’appelle une opération dérivée n-aire.


(i) Montrez qu’une opération dérivée n’est pas toujours un homomorphisme de
L -structures. Indication : Pour le langage des groupes, donc avec un symbole
binaire (“multiplication”), un symbole unaire (“inverse”) et une constante
(“unité”), les groupes sont des structures algébriques et les homomorphismes
de groupes sont des homomorphismes de structures. Considérez maintenant le
terme suivant : t = x·y ; montrez que, pour un groupe G = (G, −·−, (−)−1 , 1)

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l’application tG : G × G → G n’est en général pas un homomorphisme de
groupes.
(ii) Si on suppose dans (i) que le groupe G est commutatif, alors qu’est-ce que
vous observez ?
(iii) Toujours avec les notations de ci-dessus, vérifiez que
— si t = x1 ∈ V (L ) (donc t est une variable) alors tS : D → D: d 7→ d ;
— si t = f0 ∈ O0 (donc t est une constante) alors tS : {∗} → D: ∗ 7→ σ0 f0 ;
— si t = fm t1 ...tm où fm ∈ Om (m ≥ 1) et chaque ti ∈ Tni (L ) alors
tS : Dn → D (avec n = n1 + · · · + nm ) est égale à la composée

(tS S
1 , ..., tm ) σm fm
Dn = Dn1 × ... × Dnm / Dm /D

Ceci contient une définition alternative (par induction sur la forme de t) de


l’opération dérivée tS .
Remarque : Les points (i) et (ii) contiennent une observation très importante : Une
théorie algébrique est, essentiellement, la donnée d’un langage algébrique avec un
symbole d’égalité et des axiomes qui expriment l’égalité entre certains termes. Pensez
par exemple à la théorie des groupes, ou à la théorie des groupes commutatifs ; ces
théories sont données par le même langage mais la deuxième théorie a un axiome en
plus que la première. Un modèle pour une théorie algébrique est une structure pour le
langage dans lequel les axiomes “sont satisfaits” ; un homomorphisme entre modèles
est un homomorphisme de structures. Groupes, resp. groupes commutatifs, sont les
modèles de la théorie des groupes, resp. de la théorie des groupes commutatifs. En
général, une opération dérivée n’est pas un homomorphisme : comme le suggère (i) ci-
dessus, la théorie des groupes donne un contre-exemple. Mais pour certaines théories,
toutes les opérations dérivées sont des homomorphismes ! Ces théories sont appellées
commutatives ; la théorie des groupes commutatifs en est un exemple comme le
suggère (ii) ci-dessus. Les modèles d’une théorie algébrique commutative forment
une catégorie qui a beaucoup de “bonnes propriétés” que la catégorie des modèles
d’une théorie algébrique non-commutative n’a pas. Voir “Handbook of Categorical
Algebra, vol. 2” [F. Borceux, 1994] pour une introduction très lisible à ce sujet.

2.15 Soit h: D1 → D2 un homomorphisme entre L -structures S1 et S2 .


(i) Justifiez l’égalité h ◦ ϕ = h ◦ ϕ pour toute valuation ϕ: V (L ) → D1 .
(ii) Montrez que pour tout t ∈ Tn (L ), les opérations dérivées n-aires tS1 et

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tS2 font commuter le diagramme suivant :

tS1 /
D1n D1
(h, ..., h) h
 
D2n / D2
tS2

Les notations sont celles des exercices précédents.

2.16 Soit L un langage algébrique, et t ∈ Tn (L ). On sait que T (L ) est (le domaine


de) une L -structure, et donc on a une opération dérivée de t sur T (L ). Montrez
comment cette opération coı̈ncide avec une substitution simultanée.

3 Calcul des propositions : sémantique


3.1 On notera 2 = ({0, 1}, ¬2 , ∧2 , ∨2 , →2 , ↔2 ) pour le domaine des valeurs de
vérité. A propos de ces opérations constituant la structure des valeurs de vérité,
(i) montrez qu’elles peuvent toutes s’exprimer à partir de l’opération unique
|2 définie par i1 |2 i2 = 0 si et seulement si i1 = i2 = 1 ;
(ii) montrez qu’elles peuvent aussi toutes s’exprimer à partir de l’opération ↓2
définie par i1 ↓2 i2 = 1 si et seulement si i1 = i2 = 0.
|2 et ↓2 sont appellées opérations de Sheffer et de Peirce.

3.2 Soient P et Q des formules de L P dont les variables sont comprises dans
{p1 , ..., pn }.
(i) Puisque 2, le domaine des valeurs de vérité, est une L P-structure, il existe
une opération dérivée P 2 : {0, 1}n → {0, 1} (cf. 2.14). Montrez que P est une
tautologie si et seulement si P 2 est l’application constante à valeur 1.
(ii) Montrez que P et Q sont sémantiquement équivalentes si et seulement si
les opérations dérivées respectives coı̈ncident.

3.3 Soit M une réalisation de L P. Soit Th(M ) l’ensemble des formules P telles
que M |= P . Montrez que Th(M ) a les propriétés suivantes.
(i) Si P ∈ Th(M ) et si P 0 ∈ Th(M ), alors P ∧ P 0 ∈ Th(M ).
(ii) Si P ∨ P 0 ∈ Th(M ) alors P ∈ Th(M ) ou P 0 ∈ Th(M ).
(iii) Si P ∈ Th(M ) et si P → Q ∈ Th(M ), alors Q ∈ Th(M ).
(iv) Si P ↔ P 0 ∈ Th(M ), alors [P | p]Q ↔ [P 0 | p]Q ∈ Th(M ).

12
3.4 Soient p, q, r ∈ V (L P). Vérifiez que les formules suivantes sont des tautologies
par la méthode des tableaux de vérité.
(i) p → (q → p)
(ii) (p → (q → r)) → ((p → q) → (p → r))
(iii) (¬q → p) → ((¬q → ¬p) → q)
(iv) (p → q) ↔ (¬p ∨ q)
(v) (p ↔ q) ↔ ¬((p ∧ ¬q) ∨ (q ∧ ¬p))
(vi) (p ∨ q) ↔ (¬p → q)
(vii) (p ∧ q) ↔ ¬(p → ¬q)
Justifiez que ces formules sont toujours des tautologies pour des formules P, Q, R de
L P aux places des variables p, q, r (donc P → (Q → P ), etc.).

3.5 Un “raisonnement” est une suite finie de n + 1 formules P1 , ..., Pn , Q de L P,


dont les n premières sont appelées “prémisses” et la dernière est appelée “conclu-
sion”, et que l’on dispose souvent de la manière suivante :
P1 ; ...; Pn
Q
Le raisonnement est “correct” si la formule (...(P1 ∧ P2 ) ∧ ... ∧ Pn ) → Q est une
tautologie. Vérifiez la correction des raisonnements suivants.
P → Q; P
(i)
Q
¬Q → ¬P
(ii)
P →Q
¬(P → Q)
(iii)
P
P → Q; ¬P
(iv)
¬Q
P → ¬Q; P → Q
(v)
¬P

3.6 Pour vérifier si une L P-formule donnée P est une tautologie, on peut éven-
tuellement remplacer le tableau de vérité par une réflexion ou analyse montrant
qu’il est impossible que pour une réalisation M on ait M (P ) = 0. Appliquez cette
méthode pour montrer que les formules suivantes sont des tautologies :
(i) (p → (q → r)) → ((p → q) → (p → r)) ;
(ii) [(((p → q) → (¬r → ¬s)) → r) → u] → [(u → p) → (s → p)] (axiome de
Meredith, 1953).

13
3.7 Montrez que toute formule de L P(¬, ∧, ∨, →, ↔) est équivalente à une formule
de L P(¬, ∧), à une formule de L P(¬, ∨), ou encore à une formule de L P(¬, →).

3.8 Une algèbre de Boole B est la donnée d’un ensemble B avec deux opérations
binaires et une opération unaire, notées

∧: B × B → B, ∨: B × B → B, ¬: B → B

satisfaisant certains axiomes. Référence : “Algebra” [S. MacLane et G. Birkhoff,


1967], ou plus spécifiquement “Lattice Theory, 3rd edition” [G. Birkhoff, 1966].
(i) Montrez qu’une algèbre de Boole peut être caractérisée comme étant un
ordre partiel (B, ≤) avec un plus grand élément (noté 1) et un plus petit
élément (noté 0) dans lequel on peut donner pour chaque paire d’éléments
leur supremum et leur infimum, et pour lequel chaque élément admet un or-
thocomplément. (L’orthocomplément d’un élément x d’un ordre partiel avec
0 et 1 est par définition un élément x0 tel que le supremum de x et x0 égale 1,
et l’infimum de x et x0 égale 0.) Indication : Soit B = (B, ∧, ∨, ¬) une algèbre
de Boole comme définie ci-dessus, alors l’ordre partiel sur B est donné par la
clause
x ≤ y ⇐⇒ x ∧ y = x ( ⇐⇒ x ∨ y = y ).

Réciproquement, si (B, ≤) est un ordre partiel comme décrit ci-dessus, on


pose
x ∧ y = infimum de x et y,

x ∨ y = supremum de x et y,

¬x = orthocomplément de x.

(ii) Est-ce que (N, ≤) est une algèbre de Boole ? Et, pour un espace vectoriel
V , l’ensemble des sous-espaces avec l’inclusion, (sev(V ), ⊆) ? Et, pour un
espace topologique (X, T ), l’ensemble des ouverts avec l’inclusion, (T , ⊆) ?
Et, pour un ensemble quelconque X, l’ensemble des sous-ensembles P(X)
avec l’inclusion, (P(X), ⊆) (cf. 1.1) ?
(iii) Montrez que toute algèbre de Boole B = (B, ∧, ∨, ¬) est munie d’une
structure d’algèbre pour le langage des propositions.
(iv) Prouvez que 2 = ({0, 1}, ∧, ∨, ¬) (le domaine des valeurs de vérité) est
une algèbre de Boole. Prouvez ensuite que, pour une algèbre de Boole B
quelconque, 2 est une sous-structure de B.

14
3.9 Toute algèbre de Boole B, dont le domaine sera noté B, est une L P-structure,
et donc on a une opération dérivée P B : B n → B associée à toute formule avec n
variables (cf. 2.14). On dira que P est une B-tautologie si P B est l’application
constante à valeur 1 (le plus grand élément de B).
(i) Qu’est-ce qu’une 2-tautologie ?
(ii) Prouvez que, s’il existe une algèbre de Boole B telle que P est une B-tau-
tologie, alors P est une 2-tautologie. Indication : Il suffit de prouver que P 2
est l’application constante à valeur 1 si P B l’est. Mais puisque 2 est une sous-
structure de B (cf. 3.8 (iv)), l’inclusion i: {0, 1} → B est un homomorphisme.
Par 2.15 (ii) on a donc un diagramme commutatif

P2 /
{0, 1}n {0, 1}
(i, ..., i) i
 
Bn /B
PB

et il suit que, si P B est la constante à valeur 1, alors P 2 l’est aussi.


(iii) Considérons une algèbre de Boole B des sous-ensembles d’un ensemble
X—donc B = (P(X), ∩, ∪, (−)c ). Prouvez que, pour tout élément x ∈ X,
l’application (
1 si x ∈ T
δx : P(X) → {0, 1}: T 7→
0 sinon
est un homomorphisme de L P-structures. Vérifiez que, pour T ∈ P(X),

∀x ∈ X: δx (T ) = 1 ⇐⇒ T = X.

Déduisez-en que toute 2-tautologie est aussi une B-tautologie. Indication :


Il suffit de prouver que P 2 est l’application constante à valeur 1 seulement si
P B est l’application constante à valeur X. Mais pour tout x ∈ X l’application
δx : P(X) → {0, 1} est un homomorphisme et on a un diagramme commutatif

P2 /
{0, 1}n {0, 1}
O O
(δx , ..., δx ) δx
P(X)n / P(X)
PB

Si P 2 est la constante à valeur 1, alors pour tout x ∈ X l’application δx ◦ P B


l’est aussi, et donc P B envoie chaque T ⊆ X sur X.

15
Remarque : La propriété en (iii) est aussi vraie pour des algèbres de Boole qui ne
sont pas de la forme (P(X), ∩, ∪, (−)c ). L’exercice 4.1 contient une preuve du cas
général, en passant par l’axiomatique du calcul propositionnel.
En somme, l’exercice ci-dessus indique que la sémantique des formules de L P
– qui dépend a priori de l’algèbre 2 des valeurs de vérité – est également déterminée
par toute autre algèbre de Boole à la place de 2. Exercice 4.1 précisera les choses.

3.10 Si on prend l’algèbre des formules de L P, l’équivalence sémantique par rap-


port à la structure des valeurs de vérité est une congruence (cf. 2.12). Observez que
l’on a, pour toutes formules P, Q, R,
(o) P ∧ P ∼ P , P ∨ P ∼ P ,
(i) P ∧ Q ∼ Q ∧ P , P ∨ Q ∼ Q ∨ P ,
(ii) P ∧ (Q ∧ R) ∼ (P ∧ Q) ∧ R, P ∨ (Q ∨ R) ∼ (P ∨ Q) ∨ R,
(iii) (P ∧ Q) ∨ Q ∼ Q, (P ∨ Q) ∧ Q ∼ Q,
(iv) P ∧ (Q ∨ R) ∼ (P ∧ Q) ∨ (P ∧ R), P ∨ (Q ∧ R) ∼ (P ∨ Q) ∧ (P ∨ R),
(v) (P ∧ ¬P ) ∨ Q ∼ Q, (P ∨ ¬P ) ∧ Q ∼ Q.
Concluez que le quotient de l’algèbre des formules par cette congruence (cf. 2.8) – où
les relations ci-dessus deviennent des égalités ! – est une algèbre de Boole. L’algèbre
quotient est appelée l’algèbre de Lindenbaum du calcul propositionnel.
Quelles sont les éléments de la classe d’équivalence qui est le plus grand élément
de l’algèbre de Lindenbaum ? Et les éléments de la classe qui est le plus petit
élément ?

3.11 Soient p1 , ..., pn des variables de L P. Convenons que, pour ε = (ε1 , ..., εn ) ∈
ε
{0, 1}n , la notation pj j désigne pj si εj = 1 et ¬pj si εj = 0.
(i) Quelle est l’opération dérivée sur {0, 1} définie par la formule P = pε11 ∧
... ∧ pεnn ?
(ii) Soit f : {0, 1}n → {0, 1} une opération n-aire quelconque. Quelle est l’opé-
ration dérivée sur {0, 1} définie par la formule
_
P = (pε11 ∧ ... ∧ pεnn )
ε

pour ε = (ε1 , ..., εn ) parcourant les éléments de {0, 1}n pour lesquels f (ε) = 1.
(iii) Soit P une formule quelconque de L P comprenant les variables p1 , ..., pn .
Vous inspirant de (ii), montrez qu’il existe une formule de la forme
_
(pε11 ∧ ... ∧ pεnn )
ε

qui est sémantiquement équivalente à P .

16
Remarque : Cet exercice contient le fait que toute formule de L P est équivalente
à une formule en forme normale disjonctive, c’est-à-dire, en forme de disjonction de
conjonctions de variables ou négations de variables.

3.12 Soient P, Q, P1 , ..., Pn des formules de L P.


(i) Vérifiez les équivalences sémantiques

¬(P ∧ Q) ∼ (¬P ) ∨ (¬Q) et

¬(P ∨ Q) ∼ ((¬P ) ∧ (¬Q)).

(ii) Généralisez en

¬(P1 ∧ ... ∧ Pn ) ∼ (¬P1 ) ∨ ... ∨ (¬Pn ) et

¬(P1 ∨ ... ∨ Pn ) ∼ ((¬P1 ) ∧ ... ∧ (¬Pn )).

(iii) Montrez que pour toute formule de L P on peut trouver une formule
équivalente “en forme nomale conjonctive”, c’est-à-dire, en forme de conjonc-
tion de disjonctions de variables ou négations de variables.
Remarque : Les équivalences en (i) sont les lois de De Morgan. Elles sont vraies dans
toute algèbre de Boole B = (B, ∧, ∨, ¬) : pour tout a, b ∈ B on a que ¬(a ∧ b) =
¬a ∨ ¬b et ¬(a ∨ b) = ¬a ∧ ¬b.

4 Calcul des propositions : axiomatique


4.1 On considère le calcul des propositions C P (cf. syllabus) dont les expressions
bien formées sont les formules de L P(¬, →), les axiomes sont
P → (Q → P ),
(P → (Q → R)) → ((P → Q) → (P → R)),
(¬Q → ¬P ) → ((¬Q → P ) → Q),
et la seule règle de déduction est le Modus Ponens :
de ` P et ` P → Q, déduisez ` Q.
(i) Prouvez que pour toute algèbre de Boole B, ces trois axiomes sont des B-
tautologies, et que le Modus Ponens préserve les B-tautologies (cf. 3.9). Indi-
cation : Dans une algèbre de Boole B = (B, ∧, ∨, ¬) (cf. 3.8), l’interprétation
du symbole ¬ est évidente ; pour → on interprètera que, pour a, b ∈ B,
a → b = ¬(a ∧ ¬b) ou, ce qui revient au même par les lois de De Morgan,
a → b = ¬a ∨ b. Les lois de De Morgan (cf. 3.12) seront d’ailleurs très utiles
pour vérifier que les axiomes ci-dessus sont des B-tautologies !

17
(ii) Déduisez-en que, pour toute algèbre de Boole B, tout théorème de C P
est une B-tautologie.
(iii) Concluez à l’aide de 3.9 (ii) que, pour une formule P , les phrases suivantes
sont équivalentes :
1. P est une tautologie ;
2. il existe une algèbre de Boole B pour laquelle P est une B-tautologie ;
3. pour toute algèbre de Boole B, P est une B-tautologie ;
4. P est un théorème du calcul propositionnel.

4.2 Plusieurs auteurs optent pour une axiomatique du calcul des propositions dans
laquelle l’axiome
(α) (¬Q → ¬P ) → ((¬Q → P ) → Q)
de 4.1 est remplacé par
(β) (¬Q → ¬P ) → (P → Q).
On peut démontrer l’équivalence des deux systèmes axiomatiques—que l’on notera
ici par C P α et C P β .
(i) Montrez que (β) est un théorème de C P α . Indication : Il suffit de montrer
que c’est une tautologie, par exemple par un tableau de vérité ; on peut
conclure par complétude de C P α .
(ii) Vérifiez que le Métathéorème de Herbrand reste valable dans le calcul
C P β . Indication : Notez que la preuve du Métathéorème pour C P α (cf. syl-
labus) n’utilise pas l’axiome (α).
(iii) Soient P, Q des formules quelconques. Montrez que ¬P → (P → Q) est
un théorème de C P β . Attention : On ne sait a priori pas si le calcul C P β est
complet. Il ne suffit donc pas de montrer que cette formule est une tautologie !
(iv) On considère le calcul C P β . Soit Γ une théorie et P, Q des formules telles
que Γ ∪ {¬Q} ` ¬P et Γ ∪ {¬Q} ` P . Montrez qu’alors Γ ` Q. (Un peu plus
dur !)
(v) Dans le point précédent, prenez pour Γ la théorie vide. Vérifiez qu’alors
on “récupère” (α) comme théorème dans C P β .
(vi) Concluez que les deux systèmes d’axiomes, C P α et C P β , sont équivalents :
une formule est un théorème dans l’un des systèmes si et seulement si elle est
un théorème dans l’autre.

4.3 Certains auteurs optent pour une axiomatisation du calcul des propositions
nettement plus riche en axiomes. Par exemple, on prend comme expressions bien
formées les termes de L P(¬, ∧, ∨, →), et les axiomes sont alors
P → (Q → P ),

18
(P → (Q → R)) → ((P → Q) → (P → R)),
P ∧ Q → P,
P ∧ Q → Q,
P → (Q → (P ∧ Q)),
P → P ∨ Q,
Q → P ∨ Q,
(P → R) → ((Q → R) → ((P ∨ Q) → R)),
(P → Q) → ((P → ¬Q) → ¬P ),
¬P → (P → Q),
¬P ∨ P .
La règle de déduction est toujours le Modus Ponens. Ce système étant basé sur les
travaux de Kleene (1952), on parlera ci-dessous du système de Kleene.
(i) Quels axiomes doit-on encore ajouter si on veut disposer du symbole ↔ ?
(ii) Montrez que les axiomes ci-dessus sont des théorèmes du calcul proposi-
tionnel de 4.1 (ou 4.2), modulo la traduction de L P(¬, ∧, ∨, →) à L P(¬, →
) (cf. 3.7).
(iii) Vérifiez que dans ce système on a toujours le Métathéorème de Herbrand.
(iv) Démontrez dans le système de Kleene que ¬¬P → P . (En fait, en présence
des autres axiomes la formule ¬¬P → P est équivalente aux deux derniers
axiomes donnés ci-dessus.)
(v) Pourquoi aurait-on pu écrire l’axiome (P → Q) → ((P → ¬Q) → ¬P )
aussi comme (P → ¬Q) → ((P → Q) → ¬P ) ?
(vi) Démontrez que P → ¬¬P ; concluez que ` P ↔ ¬¬P .
(vii) Montrez comment, par “substitution par équivalents” dans un des axiomes
ci-dessus, on récupère aussi le troisième axiome du calcul de 4.1 comme thé-
orème.
On peut conclure que le système de Kleene est équivalent aux systèmes de 4.1 et
4.2—modulo la traduction des termes.

4.4 Dans le système de Kleene (cf. 4.3) on peut laisser tomber le dernier axiome.
On obtient alors le calcul propositionnel intuitionniste. (Ceci indique que “la logique
intuitionniste est la logique classique sans tiers exclus”, comme les gens disent sou-
vent.) Soit maintenant (X, T ) un espace topologique ; pour fixer les idées on peut
prendre l’ensemble X = Rn muni de la topologie habituelle T = ouv(Rn ).
(i) Vérifiez que la topologie T est le domaine d’une L P(¬, ∧, ∨, →)-structure
par les interprétations suivantes (pour U, U1 , U2 ∈ T ) :

¬(U ) = int(X \ U ),

19
U1 ∧ U2 = U1 ∩ U2 ,

U1 ∨ U2 = U1 ∪ U2 ,
[
U1 → U2 = {U ∈ T | U1 ∩ U ⊆ U2 }.

(ii) Montrez que, pour tout U, U1 , U2 ∈ T ,

U ⊆ (U1 → U2 ) ⇐⇒ U1 ∧ U ⊆ U2 .

(iii) Inspiré par 3.9 on dira qu’une L P-formule P est une (X, T )-tautologie si
l’opération dérivée P (X,T ) est l’application constante à valeur X. En d’autres
termes, P est une (X, T )-tautologie si, pour toute valuation ϕ: V (L P) →
T , on a que ϕ(P ) = X (cf. 2.11). Vérifiez que les axiomes du calcul propo-
sitionnel intuitionniste sont des (X, T )-tautologies, et que le Modus Ponens
préserve les (X, T )-tautologies. Concluez que tout théorème du calcul pro-
positionnel intuitionniste est une (X, T )-tautologie.
(iv) Pourquoi est-ce que tout théorème du calcul propositionnel intuitionniste
est aussi un théorème du calcul propositionnel classique ?
(v) Montrez que les formules suivantes – qui sont des tautologies classiques !
– ne sont en général pas des (X, T )-tautologies :
— ¬¬P → P ,
— P ∨ ¬P .
Remarque : Le calcul propositionnel intuitionniste se distingue du calcul proposition-
nel classique entre autre par son algèbre de Lindenbaum : l’algèbre de Lindenbaum
du dernier est une algèbre de Boole (cf. 3.10), et celle du premier est une algèbre de
Heyting. Une topologie T est un exemple particulier d’une algèbre de Heyting. Une
étude profonde des algèbres de Heyting et leur rôle dans la logique intuitionniste
mènerait trop loin du sujet de ce receuil d’exercices. Consultez le “Handbook of
Categorical Algebra, vol. 3” [F. Borceux, 1994].

4.5 Prouvez que l’axiomatisation suivante du calcul propositionnel est adéquate et


complète : considérant les termes de L P(¬, →), on n’impose aucun axiome, mais
trois règles de déduction :
Modus Ponens : si ` P et ` (P → Q) alors ` Q ;
Contradiction : si ` ((¬P ) → Q) et ` ((¬P ) → (¬Q)) alors ` P ;
Déduction : si Γ ∪ {P } ` Q alors Γ ` (P → Q).
Indication : Il suffit de vérifier la correction de ces trois règles dans le système
axiomatique de 4.1, et – réciproquement – de prouver les trois axiomes de 4.1 comme
théorèmes dans ce système sans axiomes. (Comment peut-on prouver quelque chose

20
dans ce système sans axiomes ? Par exemple, on a que {P } ∪ {Q} ` P et donc par
deux fois la Déduction il suit que P → (Q → P ) est un théorème.)
Remarque : Il existe une axiomatisation du calcul propositionnel, qui est complète
et adéquate, sans règles de déduction : on prend tout simplement toutes les tau-
tologies comme axiomes ! Mais, comme on n’a aucune règle de déduction, il sera
impossible dans ce système de donner un sens à l’idée qu’une preuve peut suivre des
hypothèses—car on ne peut rien déduire de ces hypothèses !

4.6 Pour le language des propositions, on peut prouver que toute théorie consis-
tante possède un modèle (“complétude générale”) et que réciproquement une théorie
possédant un modèle est toujours consistante (“adéquation générale”)—cf. le sylla-
bus. Ici on va un peu plus loin : on étudie la maximalité d’une telle théorie.
(i) Soit M : V (L P) → {0, 1} une réalisation quelconque pour le langage des
propositions. Vérifiez que {P ∈ Form(L P) | M |= P } est une théorie maxi-
male consistante. On la note Th(M ).
(ii) Notez que toute théorie maximale consistante est de la forme Th(M ).
(iii) Pour une théorie consistante Γ, indiquez une théorie maximale consistante
qui la contient. Cette théorie maximale consistante, est-elle unique ?

5 Calcul des prédicats : sémantique


5.1 On considère, pour fixer les idées, un langage Θ du premier ordre pour lequel
x1 , x2 , ... dénotent des variables, fn (n = 0, 1, ...) des symboles d’opérations n-aires,
et rn (n = 1, 2, ...) des symboles de relations n-aires.
(i) Donnez une définition (inductive) de l’ensemble V L(P ) des variables libres
d’une formule P . Repérez les variables libres des formules suivantes :
— (∀x2 )(r2 x1 x2 → r2 x2 f0 ),
— (∀x2 )(r2 f2 x1 x2 f1 x1 ) → ∀x1 (r2 x3 f2 x2 f1 x3 ),
— (∃x2 )(r2 f0 x2 → r1 x1 ) → (∀x1 )(r2 x1 x2 ),
— r2 x1 x2 → (∃x1 )(r2 x1 x3 ).
(ii) Le terme f2 x1 x2 est-il libre pour x1 dans les formules suivantes ?
— r2 x1 x2 → (∀x2 )r1 x2 ,
— (∀x2 )(r2 x1 x2 ) → r1 x1 ,
— (∀x3 )(r2 x1 x3 ) → (∀x1 )r1 x1 ,
— (∃x3 )(∀x1 )(r2 x1 x3 ) → r1 x1 .

5.2 Soit Θ le langage du premier ordre pour lequel V (Θ) = {x1 , x2 , ...}, OΘ,n = {fn }
pour n = 0, 1, 2 et OΘ,n = ∅ pour n > 2, RΘ,n = {rn } pour n = 1, 2 et RΘ,n = ∅

21
pour n 6∈ {1, 2}. Soit la réalisation M pour laquelle le domaine est N, et les symboles
sont interprétés de manière suivante :

σ0 (f0 ) = 3,
σ1 (f1 ): N → N: n 7→ n + 3,
σ2 (f2 ): N × N → N: (m, n) 7→ 2mn,
τ1 (r1 ) = 2N,
τ2 (r2 ) = {(m, n) ∈ N × N | m divise n}.

On considère l’assignation a: V (Θ) → N: xi 7→ 2i.


(i) Calculez la valeur des termes suivants :
— f2 f1 x1 f0 ,
— f2 f1 f0 f1 x3 .
(ii) Les affirmations suivantes ont-elles un sens, et, le cas échéant, sont-elles
vraies ou non ?
— M |=a f0 ,
— M |=a r1 f0 ,
— M |=a r2 f0 x1 ,
— M |=a r2 f0 x3 ,
— M |=a r2 x1 x2 ,
— M |=a r1 f1 x1 ,
— M |=a r1 f1 f0 ,
— M |=a r2 x2 x1 ,
— M |=a (∃x1 )r2 x1 x3 ,
— M |=a (∀x2 )r2 x1 x2 .
(iii) Les affirmations suivantes sont-elles vraies ? Rappel : M |= P signifie
M |=a P pour toute assignation a.
— M |= (∀x1 )r1 x1 ,
— M |= (∃x1 )r2 f0 x1 ,
— M |= (∃x1 )r1 x1 ,
— M |= (∀x1 )(∃x2 )r2 x1 x2 ,
— M |= (∀x1 )(∀x2 )[r1 x1 → r1 f1 f1 f2 x1 x2 ].

5.3 On considère un langage Θ comprenant un symbole de constante c, un symbole


d’opération unaire f1 , deux symboles d’opérations binaires f2 et g2 et un symbole
de relation binaire r2 . Soit V (Θ) = {x1 , x2 , ...}. On considère la réalisation ayant

22
comme domaine N et les interprétations suivantes :

σ0 (c) = 0,
σ1 (f1 ): N → N: n 7→ n + 1,
σ2 (f2 ): N × N → N: (m, n) 7→ m + n,
σ2 (g2 ): N × N → N: (m, n) 7→ mn,
τ2 (r2 ) = {(m, n) | m ≤ n}.

(i) Pour chacune des formules suivantes, trouvez une assignation qui la satis-
fait et une assignation qui ne la satisfait pas :
— r2 f1 x1 x2 → r2 f1 f1 x1 x2 ,
— (∀x1 )r2 g2 x1 cx1 → r2 x1 x2 ,
— ¬(∀x2 )r2 g2 x1 x2 g2 x2 x3 .
(ii) Pour chacune des formules suivantes, examinez si elle est vraie dans la
réali-sation considérée :
— (∀x1 )r2 g2 x1 cx1 ,
— r2 f1 x2 x1 → ¬r2 x1 x2 ,
— (∀x1 )r2 f2 x1 x1 g2 x1 f1 f1 c.

5.4 Soit P une formule d’un langage du premier ordre Θ. Montrez que les formules
suivantes sont valides. (Rappel : Une formule P est valide – noté |= P – si M |= P
pour toute réalisation M .)
— (∀x)(∀y)P ↔ (∀y)(∀x)P ,
— (∃x)(∃y)P ↔ (∃y)(∃x)P ,
— (∃x)(∀y)P → (∀y)(∃x)P .
Montrez que l’implication réciproque de la dernière n’est pas valide. Indication :
Pour tous les hommes il y a une femme... mais ce n’est pas la même femme pour
tous les hommes !

5.5 Soit P une formule d’un langage du premier ordre Θ et t un terme libre pour
la variable x dans P , montrez la validité de [t | x]P → (∃x)P .

5.6 Soit P une formule d’un langage du premier ordre, et V L(P ) = {x1 , ..., xn }.
Alors on dit que P = (∀x1 )...(∀xn )P est la clôture universelle de P (et donc V L(P ) =
∅). Montrez que, pour toute réalisation M du langage, M |= P si et seulement si
M |= P .

5.7 Soient P et Q des formules, et x une variable, d’un langage du premier ordre.
(i) Montrez que si x n’est pas libre dans P , alors

23
— |= (∀x)(P → Q) ↔ (P → (∀x)Q),
— |= (∃x)(P → Q) ↔ (P → (∃x)Q).
(ii) Montrez que si x n’est pas libre dans Q, alors
— |= (∀x)(P → Q) ↔ ((∃x)P → Q),
— |= (∃x)(P → Q) ↔ ((∀x)P → Q).
(iii) La clause “x n’est pas libre dans P (Q)” est cruciale : montrez-le avec
des (contre-)exemples. Indication : Par exemple, considérez, à propos des
nombres entiers, les prédicats

P = Q = “x est pair”

(notez que x ∈ V L(P ) = V L(Q) !). Comparez (∀x)(P → Q) et P → (∀x)Q.


(iv) On considère un langage dont r1 est un prédicat unaire et r2 un prédicat
binaire ; les xi sont des variables. Donnez une formule prénexe équivalente à

(∀x1 )r1 x1 → (∀x2 )(∃x3 )r2 x2 x3 .

(Une formule prénexe est de la forme (Q1 xi1 )...(Qk xik )P , oú P est sans quan-
tificateurs et où chaque Qj est ∀ ou ∃.)
Remarque : Pour indiquer une formule prénexe équivalente à une formule
comme
[(∀x1 )r2 x1 x2 → (∀x2 )¬r1 x2 ] → (∀x1 )(∀x2 )s2 x1 x2

on devra faire appel à des résultats concernant le changement de variables


liées et le remplacement de sous-formules par des sous-formules équivalentes
(cf. exercice 6.5).

5.8 Soit g: X → Y une application. On sait qu’elle induit une application “image
réciproque” g ∗ : PY → PX et une application “image directe” g∗ : PX → PY .
(i) Vérifiez que g ∗ respecte les opérations d’intersection, d’union et de prise
du complémentaire.
(ii) Vérifiez que g∗ respecte la réunion, mais pas les autres opérations.
(iii) Vérifiez que pour A ⊆ PX et B ⊆ PY on a A ⊆ g ∗ (B) si et seulement
si g∗ (A) ⊆ B, et g ∗ (B) ⊆ A si et seulement si B ⊆ (Y \ g∗ (X \ A)). On définit
l’application g∀ : PX → PY par g∀ (A) = (Y \ g∗ (X \ A)).
(iv) En prenant g: Dn+1 → Dn : (d1 , ..., dn , dn+1 ) 7→ (d1 , ..., dn ) (la projection
oubliant la composante d’indice n + 1), observez que
(a) pour s, une relation n-aire sur D, on a : (a1 , ..., an , an+1 ) ∈ g ∗ (s) si et
seulement si (a1 , ..., an ) ∈ s, sans condition sur an+1 ;

24
(b) pour r, une relation (n + 1)-aire sur D, on a : (a1 , ..., an ) ∈ g∗ (r) si et
seulement si il existe an+1 ∈ D tel que (a1 , ..., an , an+1 ) ∈ r ;
(c) pour r, une relation (n + 1)-aire sur D, on a : (a1 , ..., an ) ∈ g∀ (r) si et
seulement si pour tout an+1 ∈ D on a (a1 , ..., an , an+1 ) ∈ r.
Une autre bonne notation pour g∗ est donc “g∃ ”.
Remarque : Etant donné deux ordres partiels (P, ≤) et (Q, ≤), et deux applications
croissantes (= préservant l’ordre) f : P → Q et g: Q → P , on dit que f est l’adjoint
à gauche de g, et g est l’adjoint à droite de f , si on a pour tout p ∈ P et q ∈ Q que

f (p) ≤ q dans Q ⇐⇒ p ≤ g(q) dans P.

On note cette situation souvent comme f a g. Ci-dessus on prouve donc que, pour
une application g: X → Y quelconque, g∃ a g ∗ a g∀ .
Cette notion d’adjonction – ou mieux dit une généralisation de cette notion pour
des foncteurs entre catégories plutôt que des applications croissantes entres ordres
partiels – est un point essentiel de la théorie des catégories. Consultez par exemple
le “Handbook of Categorical Algebra, vol. 1” [F. Borceux, 1994].

5.9 Soit M : Θ → S une réalisation d’un langage du premier ordre Θ, désignons


par D le domaine de S . Soit P une formule de Θ dont les variables libres sont
x1 , x2 , ..., xn .
(i) Expliquez pourquoi, pour une assignation a: V (Θ) → D, la vérité de l’affir-
mation M |=a P ne dépend que des valeurs par a des variables x1 , x2 , ..., xn .
(ii) Pour un n-uple d = (d1 , ..., dn ) ∈ Dn , notons ad : V (Θ) → D une assigna-
tion qui envoie x1 sur d1 , x2 sur d2 , ... , xn sur dn (et dont la valeur des autres
variables n’est pas spécifiée). On définit

P S = {d = (d1 , ..., dn ) ∈ Dn | M |=ad P }.

Vérifiez, à l’aide de (i), que cette relation n-aire sur D est bien définie. On
l’appelle une relation dérivée n-aire.
(iii) Montrez que,
— si P = rm t1 ...tm alors P S = tS S ∗ (τ r ) (bien sûr, r dénote un

1 , ..., tm m m m
symbôle relationnel m-aire, et les t1 , ..., tm sont des termes du langage—
c’est-à-dire, ce P est une formule atomique) ;
— si P = ¬Q alors P S = Dn \ QS ;
— si P = Q ∧ R alors P S = QS ∩ RS ;
— si P = Q ∨ R alors P S = QS ∪ RS ;
— si P = Q → R alors P S = (Dn \ QS ) ∪ RS ;

25
— si P = ∃xn+1 Q alors P S = g∃ (QS ) ;
— si P = ∀xn+1 Q alors P S = g∀ (QS ).
Les notations sont celles de 2.6 (ii), 2.13 (v) et 5.8 (iv).
(iv) Montrez que l’affirmation M |= P est vrai si et seulement si P S = Dn .
Remarque : On aurait pu définir la ‘relation dérivée n-aire’ P S par induction sur
la forme de P comme dans (iii), pour ensuite définir la vérité de M |= P par
l’équivalence de (iv). Cette abstraction permet éventuellement de considérer non
seulement des modèles ‘ensemblistes’ d’un langage du premier ordre Θ (comme nous
faisons dans ce cours : le domaine DS d’une structures S est un ensemble) mais
des modèles dans un ‘topos’ quelconque (DS est un objet d’un ‘topos’). Référence :
“Sheaves in geometry and logic” [S. MacLane et I. Moerdijk, 1992].

5.10 Donnez, par analogie avec 2.3, une (ou plusieurs) “bonne(s) définition(s)” de
homomorphisme entre deux Θ-structures M1 : Θ → S1 et M2 : Θ → S2 . Indication :
Consultez éventuellement un livre tel que “Introduction to Model Theory” [Philipp
Rothmaler, 2000].
(i) Vérifiez que les propriétés (i) et (ii) de 2.3 sont toujours vraies.
(ii) Que peut-on dire à propos des relations dérivées dans ce contexte, cf. 2.15
(ii) ?
(iii) Quelle est maintenant la “bonne définition” de sous-structure (cf. 2.4) ?
(iv) Et qu’est-ce qu’un isomorphisme dans ce contexte (cf. 2.5) ?

6 Calcul des prédicats : axiomatique


Dans les exercices suivants, si une formule est de la forme [P1 | p1 , ..., Pn | pn ]T ,
où T est une tautologie propositionnelle dont les variables sont dans {p1 , ..., pn }, on
pourra toujours admettre qu’on dispose d’une démonstration de cette formule (cf.
Métathéorème de Transfert).
Dans le Métathéorème de Herbrand pour le calcul des prédicats (cf. syllabus), il y
a des restrictions... mais on n’est pas obligé d’y avoir recours ! En effet, on dispose
d’une version plus raffinée de ce métathéorème : Soient Γ ⊆ Form(Θ) une théorie du
premier ordre et P, Q ∈ Form(Θ) des formules. Si Γ ∪ {P } ` Q et la déduction ne
comprend pas de généralisation par rapport à une variable à occurence libre dans
P , alors Γ ` P → Q (“Logic for Mathematicians (revised edition)” [A. G. Hamilton,
1988]). Nous l’admettons.

6.1 L’axiomatique du calcul des prédicats vue au cours fait intervenir les symboles
logiques ¬, → et ∀, et les axiomes sont

26
— P → (Q → P ),
— (P → (Q → R)) → ((P → Q) → (P → R)),
— (¬Q → ¬P ) → ((¬Q → P ) → Q),
— (∀x)(P → Q) → (P → (∀x)Q) où x n’a pas d’occurence libre dans P ,
— (∀x)P → [t/x]P où t est libre pour x dans P .
Les deux règles sont le Modus Ponens et la Généralisation :
de ` P et ` P → Q, déduisez ` Q,
de ` P , déduisez (∀x)P .
Quels axiomes doit-on ajouter si on veut utiliser aussi les symboles ∧, ∨, ↔ et ∃ ?
Indication : Consultez 4.3.

6.2 Donnez une définition inductive de l’ensemble SF (P ) des sous-formules d’une


formule P donnée dans un langage du premier ordre Θ donné.

6.3 On considère un langage de premier ordre. Soit P 0 une sous-formule propre


(voir 6.2) de P qu’on remplace à un endroit par P 00 , et soit P R le résultat du
remplacement.
(i) Prouvez que, si {x1 , ..., xk } comprend toutes les variables libres de P 0 et/ou
P 00 qui ont une occurence liée dans P , alors

` ((∀x1 )...(∀xk )(P 0 ↔ P 00 )) → (P ↔ P R ).

Indication : La preuve se fait par induction sur la forme de P . Si P est


atomique, il n’y a rien à prouver ; ensuite on examine le cas où P est ¬Q, le
cas où P est Q → R, et finalement le cas où P est ∀xQ.
(ii) Déduisez que si ` P 0 ↔ P 00 , alors ` P ↔ P R .

6.4 Soit P une formule d’un langage du premier ordre Θ telle que V L(P ) = {x}.
On suppose que y ∈ V (Θ) est libre pour x dans P . Dans ce cas, on dit que la formule
[y | x]P est semblable à P .
(i) Montrez que la relation de similitude est une relation d’équivalence. Re-
marque : Dans la situation de similitude, telle que décrite ci-dessus, il est
d’usage d’écrire P (x) et P (y) au lieu de P (avec V L(P ) = {x}) et [y | x]P .
(ii) Montrez que si P (x) et P (y) sont semblables, alors

` (∀x)P (x) ↔ (∀y)P (y) et ` (∃x)P (x) ↔ (∃y)P (y).

6.5 Soit un langage du premier ordre dont P est une formule, les xi sont des va-
riables, r1 est un symbole relationnel unaire, et r2 , s2 sont des symboles relationnels
binaires.

27
(i) Démontrez que (∀x1 )(∀x2 )P ↔ (∀x2 )(∀x1 )P .
(ii) En utilisant l’exercice 6.4, montrez que

(∀x1 )(∀x2 )s2 x1 x2 ↔ (∀x3 )(∀x4 )s2 x3 x4 et (∀x2 )¬r1 x2 ↔ (∀x5 )¬r1 x5 .

(iii) Trouvez une formule prénexe équivalente à

[(∀x1 )r2 x1 x2 → (∀x2 )¬r1 x2 ] → (∀x1 )(∀x2 )s2 x1 x2

(cf. exercice 5.7).

6.6 Une théorie Γ du premier ordre est, tout simplement, un sous-ensemble des
formules d’un langage Θ du premier ordre : Γ ⊆ Form(Θ). Un modèle M d’une telle
théorie est une réalisation M : Θ → S telle que M |= Γ. Pourquoi peut-on, sans
perte de généralité, se limiter à l’étude des théories dont tous les éléments sont des
formules fermées (c’est-à-dire, sans variables libres) ? Indication : Voir 5.6.

6.7 En principe un langage de premier ordre Θ a des symboles d’opérations et des


symboles de relations (en plus des symboles logiques) ; et donc aussi dans une théorie
Γ ⊆ Form(Θ) on dispose de ces symboles. En fait, sans perte de généralité on peut
se limiter à l’étude des langages et théories sans symboles d’opérations, comme le
suggère cet exercice.
(i) Ecrivez des conditions qui expriment qu’une relation (n+1)-aire R ⊆ Dn+1
est le graphe d’une fonction n-aire f : Dn → D.
(ii) Inspiré par (i), remplacez maintenant dans le langage Θ chaque symbole
d’opération n-aire par un symbole de relation (n + 1)-aire – et appelez le
nouveau langage Θ∗ – et imposez des axiomes supplémentaires qui disent que
les nouvaux symboles de relations sont les “graphes” des anciens symboles
d’opérations.
(iii) Soit Γ ⊆ Form(Θ) une théorie du premier ordre. Indiquez comment on
peut construire une théorie Γ∗ ⊆ Form(Θ∗ ) avec “les mêmes modèles” que Γ.

6.8 Soit un langage du premier ordre Θ, avec un ensemble de variables V (Θ) =


{x1 , x2 , ..., xn , ...}, un symbole relationnel binaire, notons R2 = {r}, et aucun autre
symbole. Soit la théorie de premier ordre Γ = {P1 , P2 } ⊆ Form(Θ), avec

P1 = ∀x1 (rx1 x1 )
P2 = ∀x1 ∀x2 ∀x3 ((rx1 x2 ∧ rx2 x3 ) → rx1 x3 )

Qu’est-ce qu’un modèle de Γ ? Qu’est-ce qu’un homomorphisme entre deux modèles


de Γ ? De quelle théorie s’agit-il donc ?

28
6.9 On considère les graphes de type suivant : les points d’un graphe existent en
deux couleurs, donc chaque point a une couleur et aucun point a les deux couleurs
à la fois, et entre deux points de couleurs différentes il peut exister au maximum un
lien. Par exemple :

v v
H 
B HH 
HH 
f
 B
f
 BB
v  
 

 f``
f v ``v

Donnez une théorie de premier ordre dont les modèles sont ces graphes.

6.10 Une théorie de premier ordre Γ ⊆ Form(Θ) est égalitaire si on dispose d’un
symbole relationnel binaire $ dans l’alphabet de Θ, et Γ contient les axiomes sui-
vants :

E1 = ∀x1 (x1 $ x1 )
E2 = ∀x1 ∀x2 (x1 $ x2 → x2 $ x1 )
E3 = ∀x1 ∀x2 ∀x3 ((x1 $ x2 ∧ x2 $ x3 ) → x1 $ x3 )
E4fn = ∀x1 ...∀xn , ∀y1 ...∀yn ((x1 $ y1 ∧ ... ∧ xn $ yn ) → fn x1 ...xn $ fn y1 ...yn )
(pour tout fn ∈ On )
E5rn = ∀x1 ...∀xn ∀y1 ...∀yn ((x1 $ y1 ∧ ... ∧ xn $ yn ∧ rn x1 ...xn ) → rn y1 ...yn )
(pour tout rn ∈ Rn )

Un modèle M de Γ est égalitaire (ou normal) si l’interprétation du symbole $ dans


la structure S est la diagonale sur le domaine de S : τ2 ($) = {(d, d) | d ∈ DS }.
(i) Par analogie avec 6.8, donnez une théorie égalitaire du premier ordre Γ ⊆
Form(Θ) dont les modèles égalitaires sont les ordres partiels. Qu’est-ce qu’un
homomorphisme dans ce cas ?
(ii) Soit Γ une théorie égalitaire du premier ordre. Montrez comment chaque
modèle de Γ détermine un modèle égalitaire. Indication : L’interprétation du
symbole $ est toujours une relation d’équivalence qui est “compatible” avec
les interprétations des symboles d’opérations et de relations du langage. Soit

29
M un modèle quelconque, de domaine D disons, alors on peut lui associer le
modèle dont le domaine est le quotient de D par l’interprétation de $.

6.11 Soient un langage du premier ordre Θ avec un ensemble dénombrable de va-


riables, sans symboles opérationnels et un seul symbole relationnel $ ∈ R2 , et la
théorie Γ = {E1 , E2 , E3 } (notations comme dans 6.10 ... pourquoi ne parle-t-on pas
de E4 et E5 ici ?). Considerons aussi le langage du premier ordre Θ0 avec les mêmes
variables que Θ, mais sans aucun autre symbole dans son alphabet. Quelle est la
diférence entre une réalisation égalitaire de Θ qui est modèle pour Γ, une réalisation
de Θ qui est modèle pour Γ (mais pas forcément égalitaire), et une réalisation de
Θ0 ?

6.12 Soit Θ un langage égalitaire du premier ordre avec un seul prédicat binaire
< (autre que l’égalité $ et les autres symboles logiques, bien sûr) et considérons la
théorie égalitaire Γ ⊆ Form(Θ) suivante :
(∀x)¬(x < x) (anti-reflexivité)
(∀x)(∀y)((x < y) ∨ (y < x) ∨ (x $ y)) (trichotomie)
(∀x)(∀y)(∀z)(((x < y) ∧ (y < z)) → (x < z)) (transitivité)
(∀x)(∃y)(∃z)((y < x) ∧ (x < z)) (non-borné)
(∀x)(∀y)((x < y) → (∃z)((x < z) ∧ (z < y))) (densité)
(plus les axiomes de l’égalité). Observez que (Q, <) et (R, <) sont des modèles
égalitaires de cette théorie, mais que (N, <) et (Z, <) ne le sont pas.

Remarque : On peut prouver que cette théorie n’admet qu’un seul modèle dénom-
brable (à isomorphisme près) : les nombres rationnels (Cantor, 1895). On dit que la
théorie est catégorique pour les modèles dénombrables, ou plus simplement qu’elle est
ω-catégorique. Ceci veut donc dire que les axiomes ci-dessus résument parfaitement
le “contenu mathématique” de l’objet mathématique (Q, <).

6.13 L’Arithmétique de Peano est la théorie égalitaire du premier ordre suivante.


Le langage que l’on considère est égalitaire et contient (en plus des symboles logiques
et l’égalite $) un symbole de constante c, un symbole d’opération unaire s et deux
symboles d’opérations binaires a et m. La théorie elle-même est donnée par les
axiomes suivantes (en plus des axiomes pour l’égalité) :
(∀x)¬(sx $ c)
(∀x)(∀y)((sx $ sy) → (x $ y))
(∀x)(a(x, c) $ x)
(∀x)(∀y)(a(x, sy) $ s(a(x, y)))
(∀x)(m(x, c) $ c)

30
(∀x)(∀y)(m(x, sy) $ a(m(x, y), x))
(P (c) ∧ (∀x)(P (x) → P (sx))) → (∀x)P (x)
Le dernier axiome est en fait un schéma d’axiomes : un pour chaque formule P
telle que V L(P ) = {x} (cf. 6.4). Ce schéma contient donc un Principe d’Induction
Mathématique.
(i) Observez que N est (le domaine d’) un modèle de l’Arithmétique de Peano.
On l’appelle le modèle standard. Indication : Bien sûr, on interprète la constante
c comme le nombre zéro, l’opération s comme le successeur, et a et m comme
addition et mulitiplication—d’où l’arithmétique !
(ii) Montrez que, dans l’Arithmétique de Peano,
` (∀x)(∀y)(∀z)(a(a(x, y), z) $ a(x, a(y, z)))
` (∀x)(∀y)(a(x, y) $ a(y, x))
` (∀x)(∀y)(∀z)(m(m(x, y), z) $ m(x, m(y, z)))
` (∀x)(∀y)(m(x, y) $ m(y, x))
` (∀x)(∀y)(∀z)(m(x, a(y, z)) $ a(m(x, y), m(x, z)))
Indication : Vous pouvez vous baser sur le travail fait en 1.8 et 1.9.
(iii) Ecrivez dans le langage donné ci-dessus la Conjecture de Goldbach : “Cha-
que nombre naturel paire plus grand que 2 est la somme de deux nombres
premiers.” (Jusqu’à présent personne ne sait si N |= Goldbach.)
(iv) G. Peano (1891) proposait comme Postulat d’Induction : “Si P est une
propriété des nombres naturels qui est vraie pour 0, et qui est vrai pour le
successeur de x chaque fois qu’elle est vraie pour x, alors P est vraie pour
tous les nombres naturels.” Peut-on exprimer ce postulat dans un langage du
premier ordre ? Quelle est la différence avec l’axiome d’induction ci-dessus ?
Remarque : L’Arithmétique de Peano du premier ordre n’est pas une théorie ω-
catégorique : il existe des modèles dénombrables non-isomorphes à N. On les appelle
des modèles non-standards. (Consultez la litérature.) Si on se permet de travailler
avec un langage et une théorie du second ordre, alors on peut parfaitement encoder le
Postulat d’Induction de Peano (cf. (iv) ci-dessus). Et la théorie de l’Arithmétique du
second ordre que l’on obtient est alors ω-catégorique : son seul modèle dénombrable
est N (à isomorphisme près).
Lié au problème de non-categoricité, est l’incomplétude de l’Arithmétique de
Peano. K. Gödel (1930) a prouvé (des métathéorèmes qui impliquent) l’existence
d’une formule P telle que ni P ni ¬P est un théorème pour l’Arithmétique de Peano.
Pour une construction explicite d’une telle formule, consultez par exemple “Logic
for Mathematicians (revised edition)” [A. G. Hamilton, 1988]. Essentiellement, l’idée
derrière la construction est d’écrire une formule qui est l’équivalent de la phrase “je

31
mens toujours” : P dit que “P n’est pas vrai”.

6.14 L’Arithmétique de Peano pose des problèmes comme la non-ω-catégoricité


et l’incomplétude (cf. 6.13). Certaines personnes pensent qu’à l’origine du mal se
trouve la notion d’infini ; les Finitistes Strictes vont jusqu’à refuser toute notion
d’infini. J.-P. Van Bendegem – un finitiste stricte notoire – propose une modification
de l’Arithmétique de Peano (“Classical Arithmetic is Quite Unnatural” [J.-P. Van
Bendegem, 2003]) qu’il appelle l’Arithmétique Strictement Finitiste.
Soit N un nombre naturel, différent de 0. On considère maintenant le langage
ΘN , égalitaire et du premier ordre, avec
— N + 1 symboles d’opération nullaire (des constantes) c0 , c1 , ..., cN ;
— un symbole d’opération unaire s ;
— deux symboles d’opération binaire : a et m ;
— les symboles logiques et l’égalité.
La théorie égalitaire ΓN ⊆ Form(ΘN ) est donnée par les axiomes suivants :
(∀x)¬(sx $ c0 )
(∀x)(∀y)(¬(x $ cN ) ∧ ¬(y $ cN )) → ((sx $ sy) → (x $ y))
(scN −1 $ cN ) ∧ (scN $ cN )
(∀x)(a(x, c0 ) $ x)
(∀x)(∀y)(a(x, sy) $ s(a(x, y)))
(∀x)(m(x, c0 ) $ c0 )
(∀x)(∀y)(m(x, sy) $ a(m(x, y), x))
(P (c0 ) ∧ (∀x)(P (x) → P (sx))) → (∀x)P (x)
(plus les axiomes pour l’égalité).
(i) Observez que l’ensemble DN = {0, 1, ..., N } est (le domaine d’un) modèle
pour ΓN . Indication : Toute l’idée est que “le plus grand nombre est fini”, et
c’est la constante cN qui jouera le rôle de “plus grand nombre” (à savoir, N ).
Les constantes c0 , ..., cN −1 sont interpretés comme 0, ..., N − 1. On interprète
s toujours comme le successeur, et a et m comme addition et multiplication...
mais N est “le plus grand nombre qui soit”, donc on doit couper ces opérations
à N : pour n, n0 ∈ DN ,
sn = min{n + 1, N },

a(n, n0 ) = min{n + n0 , N },

m(n, n0 ) = min{n · n0 , N }.

(ii) Montrez que, dans l’Arithmétique Strictement Finitiste, on a toujours les


théorèmes de 6.13 (ii).

32
Remarque : On peut prouver que ΓN est consistant et catégorique : chaque modèle
a exactement N + 1 éléments, et est isomorphe au modèle DN . De plus, les méta-
théorèmes de Gödel ne s’appliquent pas à la théorie ΓN ! L’Arithmétique Stricte-
ment Finitiste a donc toute une série de bonnes propriétés que l’Arithmétique de
Peano n’a pas. En quelque sorte, on peut penser à l’Arithmétique de Peano comme
“limN →∞ ΓN ”, et donc N est “limN →∞ {0, ..., N }”. Mais en prenant cette limite, on
perd certaines bonnes propriétés.

33
Table des matières
1 Ensembles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
2 Langages et structures algébriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
3 Calcul des propositions : sémantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
4 Calcul des propositions : axiomatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
5 Calcul des prédicats : sémantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
6 Calcul des prédicats : axiomatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Ce recueil d’exercices pour le cours SC 1110 de Thierry Lucas trouve son origine
dans une liste d’exercices compilée par Jean-Roger Roisin, le titulaire ad interim de
ce cours en 2000–2001 lorsque Thierry Lucas était en congé sabbatique. C’est cette
même année que je suis devenu l’assistant pour les séances d’exercices. D’après mes
propres goûts et mes expériences en classe, j’ai modifié – au cours des années – cette
première liste d’exercices ; et vous tenez le résultat de mon travail etre vos mains !
Je remercie Mathieu Dupont pour avoir corrigé mon orthographe.
En espérant que l’effort que demandent à l’étudiant ces exercices, portera tôt ou
tard ses fruits,

Isar Stubbe.

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