La Revelation de Dieu Au Coeur de L'homme 2

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La révélation de Dieu au cœur

de l’Homme

par le Bienheureux père Seraphim Rose


Aperçu biographique :
Le père Seraphim est né Eugène Dennis Rose le 13 août 1934 à San Diego,
Californie. Son père Frank avait des origines françaises et hollandaises, la
famille de sa mère Esther venait de Norvège. Esther était protestante, et Frank,
bien que catholique romain, devint protestant par égard pour son épouse.
Le jeune Eugène termine major de sa promotion au lycée de San Diego. Il est
dès lors considéré comme un jeune « génie» promis à une brillante carrière dans
les sciences et les mathématiques. Cependant, au moment d’entrer
à l’Université de Pomona en Californie du Sud, de telles perspectives lui
semblent inopportunes, comparées à cette chose nouvelle et passionnante pour
lui : le savoir et la compréhension du sens absolu de la réalité. Se sentant
étranger à la société qui l’entoure, il se rebelle contre sa frivolité et son esprit
matérialiste, et rejette la religion protestante dans laquelle il avait été élevé.
Sa quête de la Vérité le conduit d’abord à la philosophie occidentale, puis à
l’étude de la sagesse orientale, étude pour laquelle il apprit le chinois, ancien et
moderne.
Au cours de l'été 1955, entre son premier et deuxième cycle à l'université,
Eugène rencontre Jon Gregerson, par l'intermédiare duquel il entre pour la
première fois en contact avec la foi orthodoxe. Eugène s'est révélé homosexuel
à l'université, après que sa mère ait découvert des lettres entre son fils et Walter
Pomeroy, un ami du lycée. Plus tard, pour suivre sa quête spirituelle dans
l’orthodoxie, il mit fin à sa longue relation avec Gregerson.
Diplômé de l’Université de Pomona avec une maîtrise en langues orientales,
Eugène intègre l’Académie des Études asiatiques de San Francisco. C’est dans
cette même académie qu’il rencontre un représentant de la tradition chinoise.
En 1957, il entre à l’Université de Berkeley, Californie, où il obtient son
doctorat en langues orientales. La sagesse des philosophes préchrétiens, aussi
profonde fût-elle, laisse Eugène insatisfait. Des métaphysiciens, il apprend la
valeur d’adhérer à une religion selon sa forme traditionnelle, d’une manière
orthodoxe, quelle que puisse être par ailleurs cette religion. Incapable de trouver
ce qu’il recherchait dans les religions traditionnelles orientales qu’il avait déjà
pratiquées, il va un jour visiter une église orthodoxe, ce qui pour lui alors n’était
que la forme orientale d’une religion qu’il avait connue enfant: le christianisme.
Eugène est reçu dans l’Église orthodoxe, dans la cathédrale russe de San
Francisco de la Mère-de-Dieu-Joie-de-Tous-les-Affligés. À la réception des
Saints Dons, il ressent un goût divin et céleste qui perdurera plus d’une
semaine. À San Francisco, Eugène devient le disciple de l’un des plus grands
saints du XXe siècle, l’archevêque John Maximovitch. Il s’agit d’un hiérarque
connu dans le monde entier comme thaumaturge, possédant le don de
clairvoyance, un ascète, un « fol en Christ », un père pour les orphelins et un
secours pour les opprimés, canonisé depuis. Avec cet homme céleste pour
guide, Eugène entre dans ce qu’il nommera plus tard la «saveur » ou le «
parfum » indéfinissable de l’orthodoxie.
Voyant le réel potentiel du jeune Eugène, l’archevêque Jean s’efforce de le
préparer à la vie liturgique dans l’Église. Il initie à San Francisco une série de
cours théologiques, qu’Eugène suit avec assiduité. Il obtient brillamment son
diplôme, bien que toutes les lectures soient en russe et qu’il soit le seul
Américain converti de sa classe. Eugène veut désormais consacrer le reste de sa
vie à apporter à ses contemporains la Vérité de la sainte orthodoxie. Il fonde
alors une fraternité à but missionnaire dédiée à l’un des premiers missionnaires
russes en Amérique, saint Germain d’Alaska. En 1964, les frères ouvrent une
librairie orthodoxe à San Francisco et commencent à publier le magazine Le
Monde orthodoxe.
En 1969, Eugène s’installe sur le versant d’une montagne isolée en Californie.
Le 27 octobre 1970, Eugène est tonsuré et reçoit le nom du saint ascète russe
Seraphim de Sarov. Depuis son refuge montagneux, père Seraphim produit un
flot de livres et de publications important. Il a pour but de placer la sagesse
traditionnelle dans le contexte moderne. Il écrit, traduit, compose, imprime et
diffuse à travers le monde ses livres. Leur importance et leur sens ne seront
malheureusement vraiment connus qu’après sa mort.

Ermitage de Seraphim Rose


Père Seraphim est ordonné diacre le 2 janvier 1977, et prêtre le Dimanche des
Myrrophores, le 24 avril 1977. En dépit de l’amour de père Seraphim pour les
solitudes sauvages et ses dispositions érémitiques et philosophiques, ses
dernières années sont consacrées à une activité pastorale croissante.
Une soudaine et brève maladie l’emporte le 2 septembre 1982, à quarante-huit
ans.
Après être mort depuis plusieurs jours et bien que reposant dans un pauvre
cercueil dans son monastère désert, les visiteurs déclaraient que le corps de Père
Seraphim n'avait pas succombé à la pourriture et au raidissement des morts. Son
corps demeurait souple tandis que plusieurs personnes déclarent qu'il dégageait
une odeur de rose. Une demande de glorification a débuté après l'enterrement
de Père Seraphim. Il a finalement atteint le titre de Bienheureux à la suite de
plusieurs miracles qui lui ont été attribués et attend maintenant sa glorification
en saint par le synode orthodoxe.
La révélation de Dieu au cœur de l’Homme

I/ La recherche

Pourquoi les gens étudient la religion ? Il y a beaucoup de raisons


différentes, mais il n’y a qu’une seule sérieuse raison de le faire : en un mot,
rentrer en contact avec la réalité, trouver une réalité plus profonde que celle que
nous avons sous les yeux chaque jour et qui change si vite, qui ne laisse rien
derrière elle et qui n’offre aucun bonheur à l’âme humaine. Toutes les religions
ont sincèrement essayé d’entrer en contact avec cette réalité. J’aurai aimé dire
quelques mots à ce propos ici, sur comment le christianisme orthodoxe essaye
d’ouvrir cette réalité spirituelle aux personnes en quête de religion.
La recherche de la réalité est une tache dangereuse. Vous avez sans doute
tous entendu des histoires à propos de jeunes gens de notre temps qui se sont
épuisé à essayer de chercher cette réalité spirituelle et meurent jeune, ou passent
leur vie dans seulement une fraction du potentiel de leurs esprits et de leurs
âmes. Je me souviens moi-même d’un ami de l’époque où je faisais ces
recherches, il y a 25 ans, quand Aldous Huxley avait supposément trouver la
valeur spirituel du LSD et avait influencé beaucoup de personnes à le suivre
dans cette recherche. Ce jeune homme, un cas typique de chercheur spirituel qui
suivait sûrement ce genre de mouvement m’avait dit une fois : « Peu importe
ce que tu peux dire sur les dangers de la drogue, il faut admettre que tout vaut
mieux que la vie américaine de tous les jours, qui est spirituellement morte. » Je
n’ai pas été d’accord, car je commençais à entrevoir que la recherche spirituelle
se propage en deux différentes directions : l’une peut mener plus haut que la vie
quotidienne de corruption, et l’autre nous mener plus bas et nous amener au
plan spirituel, comme parfois au plan physique, à la mort. Il a suivi son propre
chemin, et avant ses 30 ans il avait l’air d’un vieil homme, son esprit était en
ruine, et toutes ses recherches de réalité spirituelle abandonnées.
D’autres exemples similaires peuvent se trouver chez les personnes qui
recherchent différentes formes d’expérimentations psychiques, comme
l’expérience ’’hors-corps’’, avoir des contact avec les O.V.N.I (Objets Volant
Non Identifié, aliens, etc.), et bien d’autres. Le suicide de masse de la secte de
Jonestown en 1980 (plus de 900 victimes) nous remémore assez bien les
dangers inhérents aux recherches spirituelles. Dans notre littérature orthodoxe
des 200 dernières années, nous pouvons trouver beaucoup d’exemple très
instructif à ce sujet. Je n’en citerai ici seulement qu’un, de la vie de Saint
Nicétas des grottes de Kiev, qui vivait il y a environ 100 ans en Russie :

« Poussé par le zèle, Nicétas demanda à son Abbé de le bénir afin qu’il
passe sa vie en réclusion totale. L’Abbé, qui était alors saint Nikon, lui a
interdit en disant :
’’- Mon enfant ! Il n’est pas bon pour toi d’être oisif. Il serait préférable
pour toi de vivre avec la communauté. En les servant dans l’obéissance,
tu ne perdras pas ta récompense. Tu sais très bien comment Isaac à été
trompé par les démons en réclusion. Il aurait péri si une grâce spéciale de
Dieu, après les prières de nos saints pères saint Antoine et saint Théodore,
ne l’avait sauvé !
- Mon père, répliqua Nicétas, je ne serai jamais trompé par quelque chose
de ce genre, mais je veux tenir fermement face aux ruses du Diable, et
demander à Dieu que je devienne un faiseur de miracles, comme Isaac le
Reclus, qui jusqu’à présent a accompli beaucoup de miracles.
- Tes désirs, dit l’Abbé, sont au-delà de tes forces. Reste sur tes gardes, de
peur que une fois tenté, tu ne tombes. Mais moi, je t’ordonne de servir tes
frères pour que tu reçoives de Dieu une couronne pour ton obéissance.’’
Mais Nicétas, poussé par un zèle très fort pour la vie de réclusion,
n’avait aucune intention de faire ce que son Abbé lui demandait. Il a fait
ce qu’il avait en tête. Il s’enferma dans un ermitage et continua de prier
sans jamais en sortir. Après quelques temps, pendant qu’il priait, il
entendit une voix prier avec lui, et il sentit un parfum aux senteurs
extraordinaires. Trompé par ces pièges, il se dit en lui-même ’’Si c’était
un démon, il ne prierait pas avec moi, et il n’aurait pas le parfum de
l’Esprit Saint.’’ Nicétas commença à prier encore plus sérieusement en
disant ’’Seigneur, manifeste Toi auprès de moi, afin que je puisse Te
voir.’’
A ce moment, il y eu une voix qui lui disait ’’Je ne me manifesterai
pas à toi parce que tu es jeune, de peur qu’après avoir été élevé, tu ne
tombes.’’
L’ermite répondit en pleurant ’’Seigneur, je ne serai jamais trompé,
car mon Abbé m’a appris à résister aux illusions diaboliques, mais je ferai
tout ce que Tu m’ordonnes.’’
Puis, ayant mis son emprise sur lui, le serpent destructeur d’âme dit
’’Il est impossible pour un homme encore dans la chair de me voir. Mais
regarde, j’envoie mon ange pour rester avec toi. Accomplis sa volonté.’’
Avec ces mots, un démon ayant pris la forme d’un ange apparu au
reclus. Nicétas tomba à ses pieds et l’adora comme un ange. Le démon lui
dit encore ’’Désormais, tu ne prieras plus, mais tu liras des livres. De cette
manière tu entreras en conversation constante avec Dieu et tu recevras le
pouvoir de donner un enseignement saint et salutaire à ceux qui viendront
à toi, et je prierai sans cesse le Créateur de tout pour ton salut.’’
Le reclus crut en ses mots et fut encore trompé. Il arrêta de prier et
occupa tous son temps à lire. Il voyait constamment le démon prier et se
réjouir, il pensait que l’ange priait pour lui. Alors il se mit à parler
beaucoup des Écritures à ceux qui le visitaient, et à prophétiser comme le
reclus palestinien.
Sa renommée se repandait dans tous le pays et atteignit la cour du
grand prince. En réalité, il n’avait rien prophétisé, mais seulement dit à
ceux qui venaient le voir où des biens qui avaient été volés ont été cachés,
ou que quelque chose s’était passé dans un lieu éloigné, il obtenait ces
informations par le démon qui l’assistait. Ainsi il pu dire au grand prince
Izyaslav que le prince Glab de Novgorod a été assassiné, et lui conseiller
d’envoyer son fils prendre sa place. Tout cela suffisait aux mondains pour
voir Nicétas comme un prophète. On observe que, comme les mondains,
les moines sans discernement spirituel sont presque toujours attiré par les
farceurs, les imposteurs, les hypocrites et ceux qui sont sous l’emprise de
vision venant du démon, ils les prennent pour des saints et de véritables
serviteurs de Dieu.
Personne ne pouvait rivaliser avec Nicétas sur la connaissances des
textes de l’Ancien Testament. Mais il ne pouvait pas supporter le
Nouveau Testament, jamais il ne tirait ses enseignements des Évangiles
ou des Épîtres des Apôtres, et ne permettaient pas à ses visiteurs de
mentionner quelque chose du Nouveau Testament. Par ce biais étrange
d’enseignement, les pères du monastère des grottes de Kiev réalisèrent
qu’il était trompé par le démon. En ce temps là, il y avait beaucoup de
saints moines remplis de grâce et de dons spirituel dans ce monastère. Ils
expulsèrent le démon de l’esprit et du cœur de Nicétas par leurs prières.
Et Nicétas arrêta d’être visité par le serpent déguisé. Les pères sortirent
Nicétas de sa réclusion et lui demandèrent de leur dire quelque chose de
l’Ancien Testament. Mais il affirma sincèrement qu’il n’avait jamais lu
les livres qu’il connaissait auparavant par cœur. Il s’avéra par la suite
qu’il avait même oublié comment lire, tant était grande l’illusion de
Satan, et ce n’est qu’avec beaucoup de difficulté qu’il réappris à lire. Par
les prières de ses saints pères, il fut ramené à lui-même, il reconnut et
confessa son péché, il se repentit avec des larmes amères, et il obtint un
haut degrés de sainteté et le don de faire des miracles par une vie humble
parmi ses frères. Par la suite, Saint Nicétas a été consacré évêque de
Novgorod. »
Saint Nicétas de Novgorod

Cette histoire soulève des questions très actuelles. Comment un homme


en recherche de spiritualité peut éviter les pièges et les déceptions qu’il
rencontrera pendant sa quête ? Il n’y a qu’une seule réponse à cette question : il
ne doit pas suivre sa quête religieuse dans le but de trouver des expériences
religieuses ou mystiques, qui peuvent décevoir et tromper, mais pour trouver la
vérité. Quiconque étudie sérieusement la religion se heurte à cette question :
c’est littéralement une question de vie ou de mort.
Notre foi chrétienne est souvent appelé ’’mystique’’ : c’est un contact
avec une réalité spirituelle d’où résultent des événements que l’on appelle
’’surnaturel’s’, qui sont en dehors de toute logique ou compréhension terrestre.
Il n’est pas nécessaire de chercher dans la littérature ancienne pour trouver des
exemples, car la vie d’un thaumaturge de nos jours est pleine d’éléments
mystiques. L’archevêque John Maximovitch décédé il y a à peine 15 ans (1966
et qui fut canonisé en 1994) qui vivait en Californie comme archevêque de San
Francisco a été vu débordant de lumière, en lévitation pendant la prière, était
clairvoyant, a fait beaucoup de guérisons miraculeuses… Rien de tout cela,
cependant, n’est remarquable en soi ; ces miracles peuvent être facilement
imités par de faux thaumaturges et des charlatans. Alors comment savons nous
qu’il était en contact avec la vérité ?
II/ La révélation

Si vous ouvrez un livre de théologie orthodoxe, vous constaterez que la


vérité ne peut être trouvée par la seule force de l’homme. Vous pouvez lire les
Écritures, ouvrir n’importe quel livre saint et ne pas comprendre ce qu’ils
disent. Voici un exemple dans les Actes des Apôtres, dans l’histoire de l’apôtre
Philippe et de l’eunuque éthiopien :

« L’ange du Seigneur adressa la parole à Philippe en disant : ’’Mets-toi en


marche en direction du sud, prends la route qui descend de Jérusalem à
Gaza ; elle est déserte.’’ Et Philippe se mit en marche. Or, un Éthiopien,
un eunuque, haut fonctionnaire de Candace, la reine d’Éthiopie, et
administrateur de tous ses trésors, était venu à Jérusalem pour adorer
Dieu. Il en revenait, assis sur son char, et lisait le prophète Isaïe. L’Esprit
dit à Philippe : ’’Approche, et rejoins ce char.’’
Philippe se mit à courir, et il entendit l’homme qui lisait le prophète Isaïe ;
alors il lui demanda : ’’Comprends-tu ce que tu lis ?’’ L’autre lui
répondit : ’’Et comment le pourrais-je s’il n’y a personne pour me
guider ?’’ Il invita donc Philippe à monter et à s’asseoir à côté de lui. Le
passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci :
Comme une brebis, il fut conduit à l’abattoir ; comme un agneau muet
devant le tondeur, il n’ouvre pas la bouche.
Dans son humiliation, il n’a pas obtenu justice. Sa descendance, qui en
parlera ? Car sa vie est retranchée de la terre.

Prenant la parole, l’eunuque dit à Philippe : ’’Dis-moi, je te prie : de qui


le prophète parle-t-il ? De lui-même, ou bien d’un autre ?’’ Alors Philippe
prit la parole et, à partir de ce passage de l’Écriture, il lui annonça la
Bonne Nouvelle de Jésus.
Comme ils poursuivaient leur route, ils arrivèrent à un point d’eau, et
l’eunuque dit : ’’Voici de l’eau : qu’est-ce qui empêche que je sois
baptisé ?’’ Il fit arrêter le char, ils descendirent dans l’eau tous les deux, et
Philippe baptisa l’eunuque.
Quand ils furent remontés de l’eau, l’Esprit du Seigneur emporta
Philippe ; l’eunuque ne le voyait plus, mais il poursuivait sa route, tout
joyeux. »

Il y a plusieurs éléments mystiques, surnaturel dans cette histoire : l’ange


dit à Philippe où aller (même si pour l’éthiopien cela semble être une rencontre
fortuite sur une route déserte), et plus tard, après le baptême, l’Esprit du
Seigneur emporta Philippe, qui disparu sous les yeux de l’eunuque. Mais ce
n’est pas ça qui a donné à l’eunuque le désir du baptême et de devenir chrétien.
Il y a quelque chose ‘autre qui l’a influencé : non le miracle, mais quelque
chose dans son cœur. Les miracles, même si parfois ils peuvent aider à venir à
la foi, ne sont pas la vraie raison de devenir chrétien. Toujours dans les Actes
des Apôtres, nous pouvons lire l’histoire de Simon le Sorcier, qui espéra par un
don d’argent pouvoir devenir chrétien et obtenir les dons de l’Esprit Saint, parce
qu’ils sont spectaculaire et miraculeux. Sa ’’profession’’ de sorcier était très
fructueuse, en ce temps là, plus nos ’’œuvres’’ étaient spectaculaire et
supposément miraculeuse, plus on gagnait d’argent et de prestige, et où il y
avaient le plus de ces œuvres, c’était dans le christianisme, là où elles étaient
réelles, contrairement au monde païens. Comme nous le savons, la requête de
Simon le Sorcier a été refusée par l’Apôtre Pierre, et cela s’est mal fini, nous
donnant le mot ’’simonie’’ pour décrire l’acte d’essayer d’acheter la grâce de
Dieu.
En revanche, quand Philippe parle à l’eunuque, quelque chose dans le
cœur de l’eunuque change. Il est dit dans les Actes qu’il vient à croire ; c’est à
dire que son cœur a été modelé par la vérité qu’il a entendue. Les paroles de
l’Écriture sont très puissantes, et quand la bonne interprétation leur est donnée,
quelque chose dans le cœur de l’être humain s’ouvre si il est prêt. Ainsi,
l’eunuque accepta le Christ avec toute son âme ; il était un homme nouveau. Ce
n’était pas pour les miracles, mais pour ce que le Christ est venu apporter dans
le monde.
La même chose peut être observé à de multiples endroits dans le Nouveau
Testament, quand deux des disciples du Christ marchèrent sur la route
d’Emmaüs par exemple (Luc 24). Le Christ lui même, dans les premiers jours
de sa résurrection, s’est joint à eux et a marché à leur coté, leur demandant
pourquoi ils étaient si agités. Mais ils lui répondirent qu’Il devait être le seul à
ne pas savoir ce qu’il s’est passé à Jérusalem, qu’il y avait un grand prophète
qui a été tué et qu’il était revenu d’entre les morts, mais qu’ils ne savent pas
quoi croire. Mais le Christ leur a alors ouvert le cœur, et leur a simplement
expliqué ce que l’Ancien Testament disait à propos de ce qui arriverait au
Messie. Pendant tous ce temps, les disciples ne l’ont pas reconnu, car Il n’est
pas venu avec des signes et des prodiges pour les éblouir, Plus tard, lorsqu’ils
arrivèrent à Emmaüs, le Christ fit comme si Il était allé plus loin, Il se serait
éloigné d’eux sans être reconnu s’ils ne Lui avaient demandé, par simple amour
pour un étranger dans le besoin, de passer la nuit avec eux. Finalement, Il s’est
assis avec eux et a ’’rompu le pain’’ comme Il l’avait fait au moment du Dernier
Repas, alors leurs yeux se sont ouverts, ils ont vu que c’était le Christ Lui-
même, puis Il disparut juste devant leurs yeux. Ils commencèrent à s’interroger
et se souvinrent que, tout le temps qu’Il avait marché avec eux, ils avaient eu
une brûlure au cœur, même si ils ne l’avaient pas reconnu. Ce qui les a fait
reconnaître le Christ, c’est ce ’’cœur brûlant’’, et non pas juste le fait qu’Il a
disparu devant leurs yeux, car même les magiciens peuvent disparaître. Ce ne
sont donc pas les miracles qui révèlent Dieu aux hommes, mais quelque chose
de Dieu qui se révèle à un cœur qui y est prêt. C’est ce que l’on entend par un
’’cœur brûlant’’, par lequel les deux disciples ont eu un contact avec Dieu qui
est venu dans la chair.

Icône des pèlerins d’Emmaüs

Ici, nous voyons comment ce qui est appelé ’’révélation’’ nous est donné :
le cœur se meut et change en présence de Dieu, ou par quelque chose qui est
rempli de l’Esprit Saint, ou seulement par l’écoute de la vérité que Jésus
prêchait. C’est aussi ainsi que les Apôtres avaient le pouvoir d’aller sur
pratiquement toute la terre habitée, en Inde (et peut-être même jusqu’à la
Chine), la Russie au nord, la Grande-Bretagne à l’ouest, l’Abyssinie au sud,
afin de prêcher l’Évangile à tous les peuples pendant les premières décennies
après la résurrection du Christ.
C’est la même chose aujourd’hui, même si les gens sont beaucoup plus
insensibles et fermés spirituellement, plus simples, et ne répondent pas
simplement à l’appel de la vérité. Dans le cas de l’archevêque John, tous ceux
qui sont venu à la foi grâce à lui n’y sont pas venu par les miracles qui
s’accomplissaient par lui, mais parce que quelque chose bougeait dans leurs
cœurs. Je vais vous donner un exemple dans sa vie, un incident qui est arrivé à
Shanghai, où il était évêque pendant la seconde guerre mondiale. Ces
événements m’ont été relaté par un bonne amie que nous avions en commun qui
est morte il y a quelque années, une professeure de chant nommé Anna. Comme
elle l’a expliqué, le jeûne de l’évêque était si stricte que sa mâchoire inférieure
perdait de sa puissance et il parlait très indistinctement. Elle avait pour mission
de lui donner des leçons pour exercer sa mâchoire et le faire parler un peu plu
clairement. Il venait toujours la voir à intervalle régulier, et à la fin de chaque
leçon, il avait l’habitude de laisser un billet américain de vingt dollars. Pendant
la guerre, cette femme a été blessée et se mourrait dans un hôpital français de
Shanghai. Il était tard dans la nuit, il y avait une violente tempête à l’extérieur,
et aucune communication n’était possible dans la ville. Mais elle eut dans son
cœur une idée. Les médecins lui ayant dit qu’elle allait mourir, son seul espoir
était que l’archevêque John la visite et lui donne la Sainte Communion et la
sauverait d’une manière ou d’une autre. Elle suppliait tous le personnel de lui
faire passer le mot, mais ils lui ont dit que c’était hors de question. Les lignes
téléphoniques étaient coupées à cause de la tempête, et l’hôpital (puisque c’était
la guerre) été fermé à clef pour la nuit. Alors tout ce qu’elle pouvait faire était
de crier au secours : ’’Aide moi ! Archevêque John, viens !’’ Bien-sûr, tous le
monde disait que la pauvre femme délirait, qu’il n’y avait aucun moyen
possible de le contacter. Mais cette nuit là, alors qu’elle criait ces mots, les
portes se sont ouvertes, au milieu de la tempête, et l’Archevêque John est entré,
avec la Sainte Communion, il s’est approché d’elle, la confessa, la calma (elle
était, bien évidement, en extase), lui donna la Communion et partit.
La femme a alors dormi 18 heures de suite après ça, et quand elle s’est
réveillée le lendemain, elle a senti qu’elle avait récupéré. ’’Ça doit être parce
que l’archevêque est venu’’ se disaient-elle. ’’Quoi ? L’archevêque John ?’’
demandèrent les infirmières, elles lui dirent que personne n’aurait pu rentrer
dans un hôpital fermé par une nuit pareille. La personne dans le lit à coté du
sien affirma que quelqu’un était bien venu ici, mais personne ne la croyait. Elle
commençait elle-même à croire que ce n’avait été qu’une hallucination. Mais
quand les infirmières firent son lit ce jour là, elles trouvèrent un billet américain
de vingt dollars sous son oreiller. ’’Haha ! C’est la preuve qu’il est venu !’’
s’écria-t-elle.
Mais comment, pourrait-on se demander, l’archevêque John l’a su?
Comment a-t-il fait pour venir la voir, quand aucune communication ne pouvait
lui parvenir ? On peut aisément dire que cela lui a été révélé, comme tant
d’autres choses de ce genre lui ont été révélées. Mais de quelle façon cet appel
lui a été révélé ? Pourquoi à lui et pas à un autre ? Pourquoi la vérité semble se
révélé à certains et pas à d’autres ? Existe-t-il un organe spécial pour recevoir la
révélation de Dieu ? Oui, en un sens il y a un organe spécial, bien
qu’habituellement nous le fermions et ne le laissions pas s’ouvrir : la révélation
de Dieu est donnée à un organe qui s’appelle ’’un cœur aimant’’. Nous savons
par les Écritures que Dieu est Amour ; le christianisme est la religion de
l’amour. Vous pouvez regardez les échecs, voir des gens qui se disent chrétiens
mais ne le sont pas, et dire qu’il n’y a pas d’amour là-bas ; mais le christianisme
est en effet la religion de l’amour quand il est pratiqué de la bonne façon. Notre
Seigneur Jésus Christ dit lui-même que c’est sur leur amour que ses vrais
disciples seront distingués (Jean 13;35).

Archevêque John Maximovitch


Si vous demandez à quelqu'un qui a connu l’archevêque John qu’est-ce
qui attirait autant de gens à lui, et attire encore des gens qui ne l’ont pas connu
personnellement, la réponse est toujours la même : il débordait d’amour, il se
sacrifiait pour ses semblables par amour pour eux et pour Dieu et de façon
totalement désintéressée. C’est pourquoi tant de choses lui étaient révélées, et
qui ne pouvaient parvenir à personne d’autres et qu’il n’aurait jamais pu
connaître par des moyens naturels. Il à lui-même enseigné que, malgré tous le
’’mysticisme’’ de l’Église orthodoxe que l’on trouve dans la vie des saints et
dans les écrits des saints pères, un vrai chrétien à toujours les deux pieds
fermement sur terre, faisant face à toutes les situations qui se présentent à lui.
C’est en acceptant toutes les situations qui peuvent nous être données de vivre,
avec un cœur aimant, que l’on rencontre Dieu. Ce cœur aimant est la raison
pour laquelle n’importe qui parvient à la connaissance de la vérité, même si
Dieu doit parfois briser et humilier un cœur pour le rendre prêt à Le recevoir,
comme dans le cas de l’Apôtre Paul, qui avant de Le rencontrer crachait du Feu
et persécutait les chrétiens. Mais pour Dieu, le passé, le présent et le futur du
cœur de l’homme sont tous présent en même temps, et Il voit où il peut percer
et communiquer.
Le contraire d’un cœur aimant qui reçoit la révélation de Dieu est un cœur
qui calcule froidement, qui prend ce qu’il peut des gens ; dans la vie religieuse,
cela produit du charlatanisme et des arnaques de toutes sortes. Si vous regardez
attentivement le monde religieux d’aujourd’hui, vous pouvez constater qu’il s’y
passe beaucoup de choses : tant de faux-semblants, d’hypocrisie, de calculs,
tant de profits et de mouvements qui mettent d’abord une religion ou une
attitude religieuse à la mode pour en changer aussitôt que la mode est passée.
Pour trouver la vérité, vous devez regarder plus profondément.
III/ La souffrance
Il y a plus ou moins un an, j’ai eu à faire un long trajet en train avec un
jeune américain. Il m’a rencontré par hasard (bien sur, le hasard n’existe pas
dans la vie) et m’a dit qu’il apprenait le russe. Il était en pleine recherche
spirituelle et a été dans beaucoup de communautés pseudo-chrétiennes mais n’a
rien trouvé d’autre que de l’hypocrisie et de la falsification partout, il était
même prêt à abandonner complètement la religion. Mais par la suite, il a
entendu qu’en Russie, le gens souffraient pour leur foi. Et là où il y a de la
souffrance, pensa-t-il, il y a probablement quelque chose de réel, et qu’il n’y a
pas autant de faux-semblants que nous avons ici en Amérique. Il étudiait donc
le russe pour son projet d’aller en Russie et de rencontrer qui sont ces vrais
chrétiens. En tant que prêtre orthodoxe russe, j’ai été étonné d’entendre ça,
surtout de la part de quelqu’un qui n’avait jamais rencontré de prêtre orthodoxe
ni assisté à une liturgie orthodoxe. Nous avons eu une longue discussion sur la
religion, et j’ai vu que son point de vu était tout à fait juste : l’idée que la
souffrance pouvait produire quelque chose d’authentique.
Au 4ème siècle, un grand théologien, saint Grégoire de Nazianze (aussi
appelé Grégoire le Théologien) décrit notre religion comme le ’’christianisme
souffrant’’, et il en a été ainsi depuis le début et tout au long de l’histoire de
l’Église. Les disciples du Dieu crucifié ont souffert des persécutions et des
tortures. La plupart des apôtres sont mort en martyr, Pierre a été crucifié la tête
en bas, et André crucifié sur une croix en X. Dans les trois premiers siècles du
christianisme, les croyants ont du fuir vers les catacombes et subir d’immenses
souffrances. Ce sont dans les catacombes que les services Divins, que nous
célébrons aujourd’hui dans une forme un peu modifiée, se sont déroulés dans
une atmosphère d’attente constante de la mort. Et après l’ère des catacombes, il
y a eu la lutte pour garder la pureté de la foi, alors que beaucoup
d’enseignement ont essayé d’intégrer des opinions personnelles dans les
révélations divines données par notre Seigneur Jésus Christ. Dans les siècles qui
suivirent, il y a eu l’invasion des pays chrétiens par les arabes, les turcs, et
d’autres peuples non chrétiens, et finalement, de nos jours, par les communistes.
Le communisme, qui a persécuté la religion comme jamais auparavant, s’est
attaqué en premier précisément aux terres orthodoxes de l’Europe de l’est.
Comme on peut le voir, par conséquent, notre foi est actuellement une foi
souffrante, et dans cette souffrance, il y a quelque chose qui aide le cœur à
recevoir la révélation de Dieu.
Qu’est-ce que l’orthodoxie souffrante, la religion souffrante que
mentionnait ce jeune homme, a à nous dire aujourd’hui? La vérité est-elle
révélée en Russie aux cœurs aimants ? Selon la logique du monde, il ne devrait
y avoir aucune chance que cela se produise. Le communisme a régné avec une
main de fer pendant plus de 60 ans, et depuis le tout début, son idée a été
d’éradiquer la religion. Pendant un temps, à la fin des années 1930, elle y
parvint presque, laissant très peu d’églises ouvertes. Jusqu’à ce que l’invasion
d’Hitler n’ait exigé que le peuple russe devienne patriote et ait un peu d’espoir
pour une vie en dehors du système communiste, l’Église est devenue
entièrement clandestine. De nos jours (ce livre a été écrit en 1981), la situation
est un peu meilleure, mais il reste encore beaucoup de pression de la part du
régime communiste sur les croyants. Il y a eu un renouveau des persécutions
dans les années 1960 sous Khrouchtchev, qui a entraîné la fermeture d’environ
trois quart des églises alors ouvertes. De nos jours, à part les grandes villes qui
reçoivent beaucoup de touristes (Moscou ou Leningrad par exemple, où vous
pouvez voir presque 30 ou 40 églises ouvertes), il y a beaucoup de grandes
villes en provinces où il n’y a pas, ou peu d’églises. Si un croyant veut faire
baptiser son enfant, il doit parfois parcourir des centaines de kilomètres.
J’aimerai vous présenter ici comment Dieu se révèle aux chrétiens qui
souffrent en Russie de nos jours. Vous avez probablement entendu parler de
Alexandre Soljenitsyne, un grand écrivain et penseur russe qui fut exilé de sa
terre natale en 1975 pour avoir exposé la vérité comme il a pu la voir lui même
sur la Russie. Il a presque le même âge que le régime communiste, on ne peut
donc pas l’accuser d’avoir des préjugés hérité d’une enfance vécue en dehors de
ce régime politique. Il a vécu une vie tout ce qu’il y a de plus normal en Union
Soviétique. Né un ans après la révolution, il a perdu son père pendant la
seconde guerre mondiale, il a étudié les mathématiques pour avoir une situation
stable plus tard, a servi comme soldat pendant la seconde guerre mondiale et est
allé avec l’armée soviétique en Allemagne. En 1945, il est arrêté pour avoir
écrit des remarques irrespectueuses à propos de la ’’moustache’’ (surnom qu’il
donnait à Staline) dans des lettres privées, et fut condamné à 8 ans dans un
camp de concentration. Au terme de sa peine, en 1953, il est condamné à l’exil
(ce qui signifie qu’il n’est pas exactement en prison, mais qu’il n’est pas non
plus libre d’aller là où il veut) dans une ville au sud du Kazakhstan, à la
frontière du désert. Là, il a contracté un cancer et a failli en mourir, mais a été
guéri dans une clinique de cancérologie (où il écrivit Le Pavillon des
Cancéreux). Dans ce lieu d’exil, il enseigna les mathématiques et la physique,
mais écrivit en secret des nouvelles et des romans. Après la mort de Staline, il y
a eu un moment d’adoucissement de la part du régime, et il a été autorisé à
publier un livre en Russie, en 1961. Mais le régime a découvert qu’il était
encore plus dissident que ce que le Gouvernement pensait, et il n’a plus jamais
été autorisé à publier quoi que ce soit en Russie. Ses romans ont toutefois
étaient publiés en dehors de la Russie., ce qui en a fait un fauteur de trouble
renommé auprès des autorités soviétiques, surtout quand il a reçu son prix
Nobel en 1970 mais il n’a pas été autorisé à aller le recevoir en personne. En
1975, il a finalement été forcé à l’exil, a reçu un préavis de quelques jours et
envoyé en Allemagne de l’ouest.
Soljenitsyne vit maintenant dans le Vermont, où il continue ses écrits. Il a
livré un message à l’occident très important : le sens de l’expérimentation de
l’athéisme en Russie. Il n’a pas d’abord étudié cette expérimentation par un
point de vue politique, mais par un point de vue beaucoup plus terre-à-terre et
spirituel. En un sens, il est le symbole contemporain de la renaissance de
l’orthodoxie en Russie, parce qu’il a subi plus de 60 ans de souffrance et de
persécution, mais n’a jamais été vaincu. Il a toujours eu une foi chrétienne très
forte, et un message adressé au monde entier basé sur sa propre expérience. Son
œuvre phare L’Archipel du Goulag devrait être lu par toute personne désireuse
de comprendre l’athéisme tel qu’il est pratiqué en Russie et comment il agit sur
l’âme humaine.
Soljenitsyne n’est pas amer au sujet de son expérience dans le camp de
prisonniers et sur les autres condamnations qu’il a eu : il est en sorti vainqueur,
parce qu’il en est venu dans sa vie à la foi chrétienne. Il observa que l’athéisme
n’était pas seulement russe, mais un mouvement universel de l’âme humaine. Si
vous partez du principe que l’athéisme est la vérité et qu’il n’y a pas de Dieu,
comme Dostoïevski écrivait dans ses romans, tout devient permis : il devient
impossible de tirer un enseignement de ce qu’il vous arrive, d’avoir de
nouvelles inspirations, une nouvelle vision des choses, une nouvelle forme de
société.
La valeur de Soljenitsyne est de montrer que, une fois que l’athéisme est
devenu la philosophie prédominante et l’idée que toute forme de religion doit
être exterminée est présente (ce qui est le centre de l’idéologie communiste),
alors il faut des camps de prisonniers. L’humain à besoin de la religion, mais si
elle est interdite, il lui faut en quelque sorte s’en débarrasser. Par conséquent,
puisque l’athéisme est basé sur le mal présent dans la nature de l’homme, le
système carcéral du ’’goulag’’ est l’expression naturelle de l’expérience athée
en Russie.
Tout ceci est cependant un point secondaire. Le sujet principal dont je
voudrait vous parler à propos de ça, c’est ce qui est arrivé à Soljenitsyne (au
sens religieux) quand il est allé en prison, car c’est là que Dieu lui a été révélé.
Au même moment que le goulag dévoilait le mal présent dans la nature de
l’homme, il était aussi le point de départ de la renaissance spirituelle de
l’homme. C’est ce qui fait que la renaissance spirituelle en Russie est beaucoup
plus profonde et variée que le ’’renouveau spirituel’’ que l’on peut trouver dans
le monde libre. Soljenitsyne raconte lui-même comment il en est venu à la foi :
’’Il m’a été accordé d’emporter de mes années de prison sur mon dos
battu, qui a failli se briser sous son fardeau, cette expérience essentielle :
comment un être humain devient mauvais et comment il devient bon.
Dans l’ivresse des succès de jeunesse, je m’étais senti infaillible, et j’étais
donc cruel. (il était sergent à l’armée) Dans l’excès de pouvoir j’étais un
meurtrier et un oppresseur. Dans les moments les plus mauvais, j’étais
persuadé de faire le bien, et j’étais pourvu d’argument systématique et
automatique.Et ce n’est que lorsque j’étais allongé sur la paille pourrie
de la prison que j’ai senti en moi les premiers efforts du bien.’’

C’est ici que son cœur commença à devenir doux et réceptif, et ainsi, une sorte
de révélation a eu lieu :

’’Peu à peu, il m’a été révélé que la ligne séparant le mal et le bien ne se
trouve pas entre différent pays, ni entre différentes classes sociales, ni
entre les partis politiques, mais à travers de chaque cœur humain,et
ensuite à travers tous les cœurs humains...Et même si le cœur est accablé
par le mal, en lui résiste un petit pont qui mène au bien.Et même dans le
meilleur de tous les cœurs, il reste un petit coin de mal enraciné.’’

A quel point cette observation est-t-elle plus profonde que tout ce que
nous, en occident, pourrions dire sur la base de notre propre expérience. Elle est
plus profonde parce qu’elle est basée sur la souffrance, qui est la réalité de la
condition humaine et le commencement d’une vraie vie spirituelle. Le Christ
lui-même a eu une vie de d’épreuves et a souffert sur la Croix ; et l’expérience
de la Russie permet à ceux qui la subissent de le voir en profondeur. C’est
pourquoi le renouveau spirituel russe est si profond.

Alexander Soljenitsyne
IV/ La renaissance
Maintenant, j’aimerai dire quelques mots sur un homme simple nommé
Yuri Mashkov, qui raconte l’histoire de sa conversion en Russie. Il a été exilé de
force de Russie il y a 3 ans et, alors qu’il était encore dans la quarantaine, a eu
un cancer et est mort l’an dernier. Trois mois seulement après son arrivé aux
États-Unis, il a donné une conférence dans laquelle il racontait comment il est
venu à la foi, c’est à dire, comment Dieu s’est révélé à lui à travers ses
souffrances. Il était invité à participer à une conférence russe dans le New
Jersey en 1978, et quand ce fut à son tour de prendre la parole, il dit aux gens,
qu’avant de venir ici, il n’avait aucune idée de ce qu’il allait dire :
« J’ai été gêné, disait-il, il m’a semblé que je n’avais rien à vous dire.La
première moitié de ma vie, je l’ai passé dans mes études, et la deuxième
moitié en prison et dans les camps de concentration du goulag. En effet,
que pourrais-je dire à des gens qui sont bien plus éduqués que moi, plus
érudits, et encore mieux informés que moi sur les événements en Union
Soviétique ? »
Nous pouvons facilement voir ici le contraste avec ce qui se passe en
occident. Il y a ici, en occident, beaucoup de convertis à l’orthodoxie.
Habituellement, ils ont une large connaissance théorique de l’orthodoxie, mais
pas cette expérience de souffrance et ni d’avoir à vraiment ’’payer pour ce
qu’ils ont’’. Yuri, de l’autre côté, ne parle pas d’après les livres, mais d’après sa
propre expérience.
« Par conséquence, dit Yuri, j’ai décidé de ne pas écrire mon
discours, mais de vous livrer ce que Dieu soufflera à mon âme. Puis,
alors que nous nous dépêchions de quitter Bridgeport, Connecticut, dans
une splendide automobile roulant sur cette merveilleuse autoroute au
milieu d’une nature luxuriante, j’ai compris que toute ma vie spirituelle
tourmentée dans ce ’’paradis communiste’’ et mon cheminement de
l’athéisme et du marxisme à la foi orthodoxe était la seule information
valable qui pourrait vous intéresser venant de moi. Mon cheminement de
vie n’a d’intérêt que dans la mesure où elle st une goutte d’eau au milieu
de l’océan de la renaissance spirituelle russe.’
Je suis né durant l’année sanglante qu’était 1937, dans le village de
Klichev, à 50 kilomètres de Moscou. Mon père, forgeron de métier, est
mort à la guerre, je ne me souviens pas de lui ; ma mère, qui du exercer
plusieurs métiers différents, était, je pense, indifférente à la religion. Mais
c’est vrai que ma grand-mère était très portée sur la religion. Mais elle
n’avait aucune autorité à mes yeux de l’époque, car elle était totalement
analphabète. Bien-sur j’ai été baptisé enfant, mais durant mes années
d’école j’ai arrêté de porter la croix et jusqu’à l’age de 25 ans, j’ai été
un athée convaincu. Après avoir terminé l’école et le collège, j’ai eu la
chance d’entrer à l’École supérieure d’art et d’industrie à Moscou, et j’y
ai étudié cinq années sur sept. Avec le temps, j’aurai du obtenir mon
diplôme d’artiste et aurais pu travailler partout où je l’aurai voulu. »
Jusque là, c’est une biographie académique soviétique typique. En Union
Soviétique, la vie académique était prise très au sérieux : si on réussissait, on
avait un billet d’entrer à toutes les bonnes choses de l’Union Soviétique, mais si
vous échouiez, vous ne pouviez trouver qu’un travail comme éboueur.
« Mais l’ennuyante vie soviétique et l’insatisfaction spirituelle ne
m’ont pas donné la paix. Et à la fin de 1955, durant ma dix-neuvième
année, il s’est passé quelque chose d’extérieurement imperceptible mais
qui a pourtant changé ma vie et finalement amené ici. Cet événement
s’est produit dans mon âme, et a fait que mon âme a compris dans quel
genre de société je vivais. Malgré toute la propagande soviétique, j’ai
enfin compris que je vivais sous un régime d’injustice et d’absolue
cruauté. Beaucoup d’étudiant en sont venu à la même conclusion durant
cette période, et après quelques temps, nous étions beaucoup à penser
comme ça, et nous avons tous considéré qu’il était de notre devoir de
parler aux gens de notre découverte et d’agir d’une manière ou d’une
autre pour triompher du mal.Ceci reflète le courant idéaliste de la
jeunesse, qui se voit aussi dans le monde occidental.Mais la police
secrète surveillait très attentivement tous les citoyens de l’U.R.S.S. , et
quand, le 7 novembre 1958 (j’avais alors seulement 21 ans), nous avions
organisé une réunion pour le projet d’une publication clandestine, six
d’entre nous furent arrêtés, et ceux qui ne se sont pas repenti ont eu la
plus grande peine pour un agissement anti-soviétique : sept ans chacun
en camp de concentration. Ainsi a commencé le nouveau chemin de ma
vie.»
Jusqu’ici, notons-le, il n’y a pas encore de conversion religieuse. Yuri est
toujours ce jeune idéaliste qui a soudainement été écrasé et envoyé au goulag.
« Nous étions tous des athées et des marxistes dans le camp. C’est à dire
que nous pensions que le marxisme était en lui même un enseignement
juste qui conduirait les gens à un avenir radieux, à un royaume de justice
et de liberté, et que les criminels de Moscou n’avaient pas voulu
enseigner correctement cet idéal. Dans le camp de concentration, cette
idée était complétement, et pour toujours, morte pour nous. »
Ici je ne remettrai pas en question ou ne philosopherai pas sur le communisme,
mais noterai seulement le fait que Yuri a été réduit à un état de désespoir. Il
avait perdu foi en ce qu’il avait cru toute sa vie : que le communisme était
l’enseignement idéal pour apporter le bonheur et la paix au monde. Mais il a vu
qu’en pratique, le communisme n’était pas ce qu’il prétendait être. Alors
quelque chose commença à s’agiter dans son âme.
« J’aurai voulu vous parler un peu du processus de la renaissance
spirituelle, afin que vous puissiez voir à quel point il se déroule
infailliblement en Russie. Ce n’est pas seulement moi et mes compagnons
qui sommes passés par ce cheminement de l’athéisme jusqu’à la foi
religieuse. C’est typique de ce qui pouvait se passer en camp soviétique.
Comment cela se passait-t’il pour notre peuple ?Le processus de cette
renaissance spirituelle se fait en deux étapes. En premier, nous
discernons l’essence du marxisme, et à l’issue d’une analyse profonde et
réfléchie, nous découvrons que le marxisme est en essence un
enseignement complétement totalitaire, en d’autres mots, un absolu
esclavagisme, et que tout parti communiste, dans n’importe quel pays,
une fois qu’il a entrepris la réalisation du programme marxiste, sera
obligé de répéter ce que les communistes de Moscou ont fait et font, ou
bien de renoncer au marxisme et à l’athéisme. Ayant compris cette simple
vérité, nous perdons la base idéologique, base sur laquelle nous nous
étions opposé à l’esclavage marxiste. Nous tombions dans un vide
spirituel qui entraîne une crise de plus en plus profonde.
Après avoir été libéré du camp, donc 7 ans, nos perspectives d’avenir
étaient telles que nous nous pouvions pas souhaiter quoi que ce soit de
l’ennemi : sois nous retournions au camp pour le reste de notre vie, sous
nous allions mourir dans un hôpital psychiatrique, sois nous allions être
assassiné par la police secrète sans procès ni enquête.
Dans cette condition de crise spirituelle, sans issue, la question
principale de notre vision du monde nous vient inévitablement à
l’esprit :pourquoi je continuerai à vivre si il n’y a pas d’issue ? Et quand
ce terrible moment arrive, chacun de nous sent que la mort l’a pris à la
gorge : si une sorte de réponse spirituelle ne vient pas, la vie s’arrête,
car sans Dieu, non seulement ’’tout est permis’’, mais la vie en elle-même
n’a aucune valeur ou sens. J’ai vu dans ce camp comment les gens
pouvaient devenir fou ou arriver au suicide. Et moi-même, j’ai bien senti
que si, après tout, j’arrivais à la conclusion ferme et définitive qu’il n’y a
pas de Dieu, je serais simplement obligé d’en arriver au suicide, car c’est
honteux pour une créature rationnelle que de traîner une vie insensée et
tourmentée. Ainsi, à la deuxième étape de cette renaissance spirituelle,
nous découvrons que l’athéisme, pensé jusqu’à sa fin logique, conduit
inévitablement l’homme à sa perdition, parce que c’est un enseignement
plein d’immoralité qui mène au mal et à la mort.
Une fin tragique, comme le suicide ou la folie, aurait été mon lot si, pour
mon bonheur, il ne s’était produit, le premier septembre 1962, le plus
grand miracle de ma vie. Aucun événement ne s’est produit ce jour-là, il
n’y a pas eu de suggestions extérieures : dans la solitude je réfléchissais
à mon problème : ‘être ou ne pas être ?’ A cette époque, je ne m’étais pas
rendu compte que croire en Dieu est salvateur. Je voulais vraiment croire,
mais je ne pouvais me tromper moi-même : je n’avais pas la foi.
Et soudain, pendant une seconde, d’une manière ou d’une autre, j’ai vu
ce que je n’avais jamais vu auparavant, comme si la porte d’une salle
sombre s’ouvrait sur une rue ensoleillée, et dans la seconde suivante je
savais que Dieu existait, et que Dieu est le Jésus Christ du christianisme,
et non un autre Dieu. J’appelle ce moment le plus grand miracle de ma
vie parce que cette connaissance m’est venue non pas par la raison, mais
par un autre moyen, et je suis incapable d’expliquer ce moment de façon
rationnelle. Et ainsi, avec un tel miracle, commença ma nouvelle vie
spirituelle, qui m’aidait à endurer les treize dans les camps, les prisons,
en exil, et je l’espère, m’aidera à supporter les difficultés de la vie
d’émigrant.
Et ce moment de foi, le plus grand des miracles, est vécu maintenant en
Russie par des milliers de personnes, et pas seulement dans les camps de
concentration et dans les prisons. Igor Ogurstov, le fondateur de l’Union
Sociale Chrétienne, est venu à la foi non par les camps mais à
l’université. La renaissance spirituelle est un phénomène typique de la
Russie contemporaine. Tous ce qui est spirituellement vivant finit
inévitablement par retourner vers Dieu. Et il est absolument évident
qu’un tel miracle salvateur, malgré toute la puissance du régime
communiste en Russie, ne peut être accompli que par le Dieu Tout-
Puissant, qui n’a pas laissé le peuple russe dans de terribles souffrance et
sans défense face à de nombreux ennemis. »

Image extraite du livre Drawing from the Gulag


V/ Conclusion

L’expérience de cet homme, Yuri Mashkov, est la manière la plus pratique


par laquelle Dieu se révèle. Quelque chose se passa dans son cœur, et, même si
la souffrance a aidé à cette transformation, elle n’est pas un moyen infaillible
d’y arriver. Par exemple, dans la littérature russe des soixante dernières années,
nous pouvons trouver beaucoup de cas de personnes souffrantes qui n’ont pas
eu cette conversion. Il y a un livre très intéressant en anglais, écrit par le russe
Marchenko, qui s’appelle My Testimony. Marchenko est un honnête homme qui
n’a jamais pu supporter l’effroyable sensation de tromperie en Russie
Soviétique, qu’on lui mente sans cesse. C’est pourquoi, lui, a dit la vérité, et
pour ça, il a été lui aussi envoyé aux camps. Les autorités l’ont soumis aux
interrogatoires d’usage et lui répétaient tout le temps ’’Tu sais, si tu gardes tes
idées, même si tu t’en va, tu vas revenir ici. Pourquoi ne pas simplement
changer et faire ce que tout le monde fait ?’’, ’’Je ne peux pas, répondait-t-il, je
suis un homme honnête !’’ En observant les croyants enfermés avec lui, il en
conclut qu’ils étaient les seules personnes heureuses dans le camp, vu qu’ils
disaient ’’Nous souffrons pour le Christ’’, et acceptaient ce qui leur arrivait.
’’Mais je ne peux pas être comme eux, pensait-t-il, je ne crois pas au Christ’’.
Alors il se mit dans une grande colère, regarda les geôliers et voulu défoncer les
portes sur eux. A sa sortie de prison, il était rongé par l’amertume et voulu tuer
tous ses oppresseurs. Il savait qu’il retournerait au camp, et en effet, après avoir
écrit son livre, il y retourna.
Ainsi, nous voyons que dans le cas de Marchenko, son cœur n’a pas
fondu, mais est resté dur comme le roc. Bien-sûr, le cœur est une chose très
complexe, et peut être qu’un jour Marchenko changera. Son témoignage,
malgré tout, montre que nous ne pouvons pas tout simplement mettre un
homme dans un camp et dire ’’Nous allons en faire un chrétien de cette façon’’.
Certains deviennent chrétiens, d’autres non. Quand une conversion a lieu, le
processus de révélation se produit de manière très simple : une personne est
dans le besoin, elle souffre, et d’une manière ou d’une autre, l’autre monde
s’ouvre. Plus vous êtes dans la souffrances et les difficultés et désespéré pour
Dieu, plus Il viendra à votre aide, vous révélera qui Il est et vous montrera le
chemin pour vous en sortir.
C’est pourquoi ce ne sont pas des choses spectaculaires comme les
miracles que nous devrions chercher. Nous savons par l’histoire de saint Nicétas
racontée plus tôt que c’est la pire approche possible et qu’elle conduit à la
tromperie. La bonne approche se trouve dans le cœur qui tente de d’humiler et
est conscient qu’il souffre, mais qu’il existe quoi qu’il arrive une vérité
supérieur qui non seulement peut aider cette souffrance, mais l’amener dans une
dimension totalement différente. Ce passage de la souffrance à la vérité
transcendante reflète la vie du Christ, qui est passé par les souffrances de la
croix, a enduré la plus horrible et humiliante façon de mourir, et puis, dans la
totale consternation de ses disciples, et revenu d’entre les morts, est monté aux
Ciel, a envoyé son Esprit Saint et ainsi a commencé toute l’histoire de Son
Église.

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