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« La libation ou la symbolique de la recréation du monde, pour

une mythologie de l’ordinaire »

DIANDUE Bi Kacou Parfait


Maître-Assistant
Université de Cocody/Abidjan

Introduction
La libation dans sa pratique ordinaire jette le pont entre le religieux et le profane. Elle est en
conséquence un rituel cérémoniel libéré des dogmes dont elle restitue tout de même l’essence
et la symbolique. Si bien peu de textes reprennent son rite à proprement parler dans la
littérature, il est juste de noter que son paradigme de représentation métaphorique comme la
α
pluie l’est davantage. Dans Aller Retour de Gaston Ouassenan, l’auteur y fait référence. Par
ailleurs, les pratiques culturelles dans nos contrées revisitent pour ainsi dire continuent
d’exercer le rituel de la libation pour non seulement conserver la mémoire de ce rite mais
surtout pour restituer sa valeur religieuse et la croyance qu’elle implique. Elle devient l’une
des manifestations des mondes possibles et parallèles quant à la légitimation de leur co-
présence. Tel que formulé, l’objet de cette réflexion dans l’énoncé : « La libation ou la
symbolique de la recréation du monde, pour une mythologie de l’ordinaire », vise à montrer
que les pratiques rituels sont la preuve de la survivance des mythes en dépit même du
cartésianisme triomphant. La traversée du centre de l’existence par le mythe de la
reconstruction permanente du monde vise-t-elle à révéler ou à soutenir l’imperfection de ce
dernier (le monde) ?
S’il est vrai que la structuration et la (re)structuration de l’ordre d’emboîtement des éléments
fondamentaux de la nature est sujet à une variabilité cosmogonique, n’est-il pas utile de
questionner leur symbolique dans le rite cérémoniel de la libation ? En nous appuyant sur une
démarche ternaire, nous démontrerons tour à tour que, primo, la libation est un rituel
mythogénétique ; secundo, les éléments fondamentaux de la nature en constituent une
sémiotique figurative et tertio, qu’un carré mythologique se construit avec ces éléments au
cours de la libation.


Gaston Ouassenan, Aller Retour, Issy les Moulineaux : Ed.Saint Paul, 1987

1
La libation : un rituel mythologique

Du fait qu’elle remonte à la nuit des temps, la libation a traversée bien des civilisations pour
se cristalliser aujourd’hui dans les croyances des relations aux mondes parallèles. Depuis
l’Egypte ancienne, où des libations étaient faites par les oracles à la gloire de Rê1, en passant
par la Grèce antique où les Macédoniens remerciaient Poséidon2 pour aboutir aux sociétés
traditionnelles et actuelles africaines où la libation tient encore lieu de rituel pour en appeler à
la clémence et à la protection des manes des ancêtres. Dans son Manuel de mythologie
grecque, Charles Delattre définit le rituel comme :
« On entend par rituel une succession de gestes et d’attitudes fixés et répétés, une conduite
acquise par expérience ou enseignement dont la signification générale dépasse le sens
particulier de chacun des gestes qui la composent. Il existe ainsi des rituels individuels qui
fonctionnent comme des actes de défenses contres des pulsions ou des agressions (les troubles
obsessionnels compulsifs, ou TOC), des rituels collectifs qui permettent de réguler les relations
sociales (les règles de politesse, les rituels d’initiation), et des rituels individuels ou collectifs
qui organisent la pratique religieuse (prière, sacrifice, etc.). Le rituel n’est pas à proprement
parler un code, mais il est un moyen d’expression. Il se ne réduit d’ailleurs pas à la gestuelle :
c’est un ensemble complexe qui se compose aussi bien de gestes proprement dits que d’actes de
paroles »3.
Cette définition du rituel fait de la libation un rituel à part entière puisqu’elle a, en plus
d’une gestuelle propre, une procédure d’incantation et de déclamation relevant d’une exigence
religieuse (l’adjectif est pris ici dans son sens étymologique de « religare » : relation à).
Qu’entendre donc par libation ? La libation est un rituel religieux de formulation de vœux à
partir duquel un célébrant présente une boisson en offrande à un dieu ou à des ancêtres

1
Rê ou Ra (basé sur la reconstruction attestée du copte par Rīʕu) est le dieu du disque solaire dans la
mythologie égyptienne. Il devient la divinité principale sous l'Ancien Empire. Il est souvent représenté avec une
tête de faucon sur laquelle est posée le disque solaire protégé par le cobra dressé. Assimilé à Atoum, le dieu
d'Héliopolis, il est le créateur de l'univers
2

Poséidon (en grec ancien Ποσειδῶν / Poseidỗn, Ποτειδάων / Poteidáôn en crétois et en béotien) est le dieu grec
des mers et des océans, des gouffres et des séismes. Il est aussi le seigneur des chevaux. Son symbole est le
trident, qu'il reçoit des Cyclopes pendant la Titanomachie. Il correspond au Neptune romain, qui lui est
postérieur.
C'est le fils de Cronos et de Rhéa, et le frère de Zeus et d'Hadès. À la naissance, il est dévoré par Cronos en
même temps que ses frères et sœurs, mais rendu plus tard au jour grâce à une ruse de Zeus [1]. Une autre
tradition rapportée par Diodore de Sicile[2] rapporte que Rhéa parvient à dissimuler sa naissance à Cronos et le
confie secrètement à l'Océanide Capheira, fille d'Océan, et aux Telchines de l'île de Rhodes, qui veillent sur son
enfance divine. Quoi qu'il en soit, après avoir aidé Zeus à combattre les Titans, il reçoit, lors du partage du
monde, la souveraineté sur le monde aquatique, à la seule exception toutefois de l'antique domaine de son oncle
Océan, dont il épouse cependant la fille ou la petite-fille Amphitrite.

3
Charles Delattre, Manuel de mythologie grecque, Rosny-sous-Bois : Bréal, 2005, p.203

2
disparus. Ce rituel fut très pratiqué dans les religions de l'Antiquité, et dans les ancestrolâtries
coutumières. Il continue de l’être dans des pratiques sociales ordinaires. Les liquides offerts
en libations sont variés : le vin, le lait, le sang, l'huile d'olive et plus souvent l’eau. Dans Aller
Retour par exemple, l’oncle de Nagnin, pour appeler la protection de Dagolo -le fétiche- et la
clémence des ancêtres se livre à un rituel de libation. Le narrateur indique :
« Il regarda (Nagnin) donc son oncle retrousser ses manches, mettre le genou droit en
terre, prendre cérémonieusement la calebasse qui lui était présentée et dire d’une voix fatiguée
qu’il voulait suppliante […] Il versa par terre le contenu de la calebasse, égorgea le poulet et
β
répandit son sang autour de Dagolo qui était couvert d’un pagne blanc »
On le voit bien, l’eau et le sang par exemple sont ici les liquides présentés aux dieux. Il ressort
de cette pratique que les quatre éléments de la nature sont convoqués dans le rituel. La terre,
l’air, l’eau et le feu. Notons que c’est sous des formes symbolisées que ces éléments
apparaissent bien souvent. La terre est représentée par tout réceptacle plan recevant l’offrande
aqueuse. L’air est symbolisé par la parole que profère l’officiant du rituel. Le feu est la
chaleur du souffle qui émane de la parole. Provenant des entrailles de l’officiant, ce souffle a
la température du dedans, du clos. L’eau est symbolisée par toute solution aqueuse. Chez les
Grecques par exemple, c’était du vin. Chez les Gouro de Côte-d’Ivoire c’est de l’eau, du vin
de palme ou de la liqueur. Comme on peut le noter, c’est un univers symbolique saturé en
symboles dont l’orchestration mystique accroît et surtout génère le mystère de la libation. La
libation est donc mythologique puisque relevant d’abord d’une saturation symbolique puis
faisant interagir des êtres métaphysique dans une démarche paranormale opérée par un pacte
de transfert surnaturel. Ainsi, l’eau recueillie dans un bol est-elle répandue sur la terre pour la
féconder en invoquant les dieux ou les manes des ancêtres par la chaleur de la parole. La
parole correspondant à l’évidence à l’addition symbolique de l’air et du feu. Tel est de façon
basique l’appréhension du rituel de la libation. L’étiologie4 de la libation la rattache à la
volonté des hommes de rentrer en contact avec les dieux pour en appeler leur protection ou
solliciter leur aide. Par ricochet, elle se rattache au rapprochement des mondes parallèles dans
l’univers des croyances diffractées. L’oncle de Nagnin s’adressant aux parents disparus parlait
en ces termes :


Gaston Ouassenan, Op.Cit, p. 34-35
4
Etiologie : « On entend par « étiologie » un procédé d’analyse qui l’un des outils fondamentaux de l’analyse
mythologique : c’est une explication de texte qui vise à retrouver l’origine de tel ou tel détail, à assigner à telle
ou telle particularité une raison d’être. L’étiologie s’insère donc dans le champ plus vaste de l’analyse
allégorique ou symbolique, le mythe trouvant son principe curiosité étymologique, physique, éthique,
psychanalytique, rituelle, etc., qui lui donne naissance et l’organise. […] : l’étiologie est proprement une
« analyse des causes premières », une archéologie mythologique », Charles Delattre, Op.Cit., p.187

3
« Génie de la terre, de la brousse, du village et du jour levant, éloignez-vous afin de me permettre
d’accomplir mon devoir. Mon cher papa, toi qui est au ciel, écoute ton pauvre fils qui t’implore…
Demande à ton papa de venir en ta compagnie nous assister et nous aider à rendre à son fétiche le
culte qui lui est dû…Ton fils Nagnin est revenu sain et sauf du pays des Blancs. Nous te le
présentons et te demandons de le prendre sous ta protection. Veille sur lui comme tu as veillé sur

nos ancêtres et comme tu continues de veiller sur nous tous. »
Accomplissant ce rituel, l’oncle de Nagnin perpétue certes la tradition mais il engage surtout
un dialogue avec l’ « Ailleurs » de la vie terrestre. Même si elle est considérée par Nagnin
χ
comme « l’ignorance, la superstition et l’idolâtrie » , il n’en demeure pas moins que le rituel
de la libation est le pont qui lie leur famille aux aïeuls disparus. La libation est donc un rituel
religieux qui relie les éléments fondamentaux de la nature.

I- Une sémiotique des éléments de la nature

L’eau entant qu’élément de la nature nourrit plusieurs mythes dans les civilisations les plus
diverses. Sous la forme de pluie, elle a par exemple fait état de source cosmogonique chez les
Gouros de Côte-d’Ivoire. Ces derniers expliquent leur que leur origine prend source dans la
pluie primordiale de l’aube des temps. Dans le lit du fleuve l’eau a également inondé les écrits
et les récits. L’on notera des fleuves aussi importants que populaires dont les évocations dans
la littérature ont construits des mythes. Le Nil par exemple irriguent l’Egypte dont
l’historiographie témoigne qu’elle (l’Egypte) est son (Nil) don. Depuis l’époque des Pharaons
jusqu’à aujourd’hui, le Nil continue d’alimenter l’imaginaire. Nous avons aussi des fleuves
comme le Tigre et l’Euphrate qui traversent l’Irak (anciennement Babylone), ou d’autres
comme le Comoé que la reine Pokou franchit avec son peuple ; qui sont des références de la
littérature. Dans sa dimension de mer, l’eau est aussi riche en représentation et en image. La
Mer Egée, la Mer noire, la Mer rouge ou la Méditerranée son autant d’océan qui bordent la
littérature. C’est aussi sur la mer, selon la bible, que le Christ marcha, un miracle qui finit de
confirmer sa déicité et son exceptionnel genre humain. L’eau dévastatrice des mythologies est
aussi l’eau des origines de l’humanité. Le déluge qui a par exemple anéanti l’humanité
perverse est la source d’une humanité plus bonne ; en tout cas supposé l’être. L’épopée de
Gilgamesh est aussi dans la civilisation mésopotamienne un vibrant témoignage de cette
ambivalence de l’eau dont le caractère mythique relève justement de cette bipolarité.


Gaston Ouassenan, Op. Cit, p. 34-35

Gaston Ouassenan, Op.Cit, p.34

4
Le feu à l’instar de l’eau « calcine » l’imagination mythologie et littéraire. L’enfer est souvent
assimilé au règne du feu dans la fin apocalyptique des temps. Le volcan qui représente la terre
crachant du feu est l’unification de deux éléments de la nature. L’on comprend alors sa
violence, colère des dieux, courroux des entrailles de la terre. La terre, métonymie astrale, est
aussi le nom de la seule planète jusque là habitée selon l’astronomie. En attendant de
découvrir d’autres formes de vie extra-terrestre, le terre reste le symbole de la vie même si
elle engloutit aussi des corps et parfois la vie des graines qui donnent plus tard des plantes. La
mythologie de la terre réside également dans l’épithète nourricière que toutes les civilisations
lui adjoignent. Le fait que l’agriculture soit une activité préhistorique participe de cette
reconnaissance géo-centrée.
A côté de la terre, le feu est le symbole de la connaissance et de la liberté, Gaston Bachelard 5
l’a clairement démontré dans La psychanalyse du feu. La mythologie gréco-romaine relate
que Prométhée6 a volé le feu des dieux pour le porter aux hommes. Le pauvre Prométhée,
amis des hommes, sera puni par Zeus pris de colère. Prométhée enchaîné et rivé à un roché se
verra le foie mangé par un aigle tous les jours après que celui-ci (le foie) s’est régénéré. C’est
l’un des premiers modèles de condamnation à perpétuité avec Sisyphe et les Danaïdes.
L’air est dans sa forme violente un élément aussi redouté que tous les autres. Même si en tant
que brise, il renferme la poésie de la douceur, du calme et de la tendresse, sa mutation en
typhon, cyclone ou ouragan sonne le glas des vies qu’il traverse. A son passage, l’humanité
compte ses morts et fouilles les décombres. Tous les éléments renferment pour ainsi dire des
mystères qui fondent leur mythologie .Leur ambivalence symbolique les mue en archétypes
fondement de leur mythisation.

III- Du carré sémiotique au carré mythologique.


5
, Gaston Bachelard5, La psychanalyse du feu,….1938
6
Prométhée, dans la mythologie grecque (en grec ancien Προμηθεύς / Promêtheús, « le Prévoyant ») est un
Titan, fils de Japet et de Thémis (ou Clyméné selon les auteurs), et frère d'Atlas, de Ménœtios et d'Épiméthée. Il
est le père de Deucalion, conçu avec Pronoia (ou Clyméné). Selon une autre tradition minoritaire [1], Prométhée
naît de l'union d'Héra et de son amant, le Géant Eurymédon.
D'après la Théogonie d'Hésiode, c'est Prométhée qui créa les hommes à partir d'une motte d’argile [2] et, malgré
l'opposition de Zeus, leur enseigna la métallurgie et d'autres arts. Après la victoire des nouveaux dieux dirigés
par Zeus sur les Titans, Prométhée leur donna aussi le feu, qu'il leur avait dérobé, et entra de ce fait en conflit
avec Zeus. Celui-ci, par vengeance, le fit enchaîner sur le mont Caucase pour y avoir chaque jour le foie dévoré
par un aigle.

5
Selon Jacques Fontanille,
« Le carré sémiotique se présente comme la réunion des deux types d’opposition binaires en un
seul système, qui gère à la fois la présence simultanée de traits contraires, et la présence et
l’absence de chacun de ces traits.[…] Le carré sémiotique est en effet avant tout un schéma visuel,
et la visualisation des relations doit être intuitivement acceptable ; la diagonale sera réservée à la
contradiction, l’horizontale à la contrariété, et la verticale à la complémentarité. »7
Des phénomènes atmosphériques, géologiques, marins etc. et bien entendus sociaux amènent
à construire des couples contradictoire permettant d’expliquer ou de justifier le carré
mythologique établit par Le feu, l’eau, l’air et la terre. Si les pompiers utilisent l’eau pour
éteindre le feu, combien somme nous à n’avoir jamais soufflé sur une bougie ou à utiliser du
sable pour éteindre un feu. Cela entraîne que souffler sur une bougie n’exclut pas le fait que
les feux de brousse sont accentués par le vent (pendant de l’air). C’est le vent qui fait faire des
bonds au feu pour lui éviter les obstacles posés par l’homme. De sorte qu’à la fois opposant et
adjuvant du feu, le vent entretient une double relation avec le feu. Par ailleurs, la relation
contraire/contradictoire qui lie vent et feu amène à déduire qu’un même élément peut avoir
différents contraires ou contradictoire car l’eau est aussi contraire/contradictoire du feu.
Imaginons dans la même veine les hydrocarbures brûlant sur la mer. L’eau par sa
décomposition moléculaire participe, avec son oxygène qu’il libère dans l’équation chimique
calorifique, à la combustion du pétrole. L’eau et la terre fonctionne a peu de différence près
de la même façon. Même si l’eau déborde la terre, c’est par la terre qu’il faut quelquefois
s’opposer à l’eau. Si les inondations, symbole de la saturation physique de la terre par l’eau,
implique la victoire de l’eau sur la terre, il n’empêche que les crues des fleuves sont contenues
par des digues, sacs de sable. Victoire de la terre sur l’eau dans cette seconde phase. Avec le
phénomène du tsunami, l’on note que se sont les montagnes, digues naturelles,
amoncellement de couches géologiques sédimentées, qui apportent la contradiction à la furie
et au débordement dévastateur de la mer. De tout ce qui précède, l’on peut imaginer en
fonction des combinaisons plusieurs rapports d’implication, de contradiction et de
contradictoire. Ainsi peut-on avoir :

Eau Feu

7
Jacques Fontanille, Sémiotique du discours, Limoges : Pulim, 1998, p.54-56

6
Non-Feu Non-eau
Dans ce premier carré, si tous les rapports sont justifiés, le rapport de contradiction entre le
vent et la terre ne l’est pas si l’on tient par exemple compte d’une tempête de sable dans le
désert où le vent et la terre font bon ménage. C’est probablement dans le sillage que le vent
entraîne le vent sans pour autant qu’il le convie à une intime invitation.

Eau Terre

Non-Terre Non-eau
(vent) (feu)

Non-Terre
(vent)

Eau Feu

Non-Feu Non-eau

L’analyse des carrés (1), (2) et (3) révèle que les oppositions entre les éléments de la nature
sont des oppositions fluctuantes d’autant plus que les rapports entre eux sont généralement
dichotomiques. Symboliquement, la libation est le lieu de réconciliation et de recomposition
de la structure mythologique du monde en ce sens qu’elle rattache les différents éléments les
uns aux autres. Si les perturbations des cours atmosphériques et géologiques se lisent selon la

7
mythologie comme la colère des dieux ; Hectore8 de fait appréciait une tempête de mer
comme la colère de Poséidon ; tout comme un volcan en éruption à la colère de Gaïa 9 de
même qu’une pluie diluvienne à la douleur de Ouranos10. La libation recompose l’ordre des
éléments pour appeler la clémence des dieux et contraindre ces éléments de la nature à
cohabiter. Porté par le feu des entrailles, l’air vital, le souffle, se fait parole. La parole est
donc la première union qu’établit la libation. C’est par la parole que l’officiant construira le
monde symbolique. Les traditions judéo-chrétiennes accordent d’ailleurs une place de choix à
la parole11 dans la construction de l’univers. En second lieu, l’eau s’unit à la terre par les
prières du célébrant pour reconfigurer le monde avec la permission des dieux, des manes des
ancêtres ou des esprits. La libation se veut donc la métaphore de l’initialisation des temps.
Elle projette sur l’axe de l’existant le rituel cérémoniel de la symbolisation de la création du
monde.

Conclusion

Hector naquit à Troie, Fils de Priam et Hécube. Frère de Hélénos, Cassandre, Deiophobe, Troïlos, Pâris,
Polidoros, Polites, Polyxène et Créüse
Ce fils du roi troyen Priam et d'Hécube deviendra le chef des armées troyennes. Il prendra le pas sur son frère
Pâris qui acceptera cette domination. Hector épousera Andromaque, la fille roi de Thèbes, Eétion, avant le
conflit.

9
Gaïa, Gaia, Gaya, Gaiya , Gæa ou Gè (en grec ancien Γαῖα / Gaĩa, Γαῖη / Gaĩê ou Γῆ / Gễ) est une déesse
primordiale, dans la mythologie grecque, identifiée à la « Terre-Mère ». Elle est l'ancêtre maternelle des races
divines, mais enfante aussi de nombreux monstres. Elle apparaît en outre comme une divinité chtonienne que
l'on invoquait ou à laquelle on sacrifiait des victimes de couleur sombre en même temps qu'aux autres puissances
infernales (telles qu'Hadès, Perséphone, Hécate ou la Nuit ; Virgile, Enéïde). Elle est largement évoquée dans la
Théogonie d'Hésiode : au commencement est le Chaos, une profonde crevasse, suivi par Gaïa et Éros (l'Amour).

10
Ouranos, dans la mythologie grecque , (en grec ancien Οὐρανός / Ouranós, « ciel étoilé, firmament ») est une
divinité. Ouranos est une divinité primordiale personnifiant le Ciel. Il est le fils de Gaïa (la Terre) qu'elle
engendre seule, et le frère aîné d'Ouréa, personnification mâle des Montagnes, et de Pontos, personnification
mâle du Flot.
11
Jean 1:1 « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu »

8
Il ne fait aucun doute que toutes les sociétés humaines sont structurées autant dans leurs
anthropologies que dans leur imaginaire par le mythe. Gilbert Durand et d’autres avant lui
l’ont bien montré. Il est donc logique que la codification des actes et des pratiques en société
soient redevables de ces mythes qui toujours les font, les justifient et les miment à leur tour.
La culture et les conceptions religieuses judéo-chrétiennes et bien avant elle la civilisation
égyptienne établissent l’image de Dieu en l’homme, sa créature. Les Egyptien anciens
assimilaient de fait le pharaon non pas au fils de Dieu mais à Dieu lui même. Cette symétrie
théocentrique établit que étant entendu que Dieu a créé l’Univers, l’homme l’imite en cela soit
par l’écriture, par l’invention, soit par les pratiques sociales. François Mauriac n’affirmait-il
pas que l’homme st le singe de Dieu ? La libation rentre dans cette rhétorique gestuelle de la
recréation et de la réinvention du monde et de l’Univers. L’allusion symbolique aux éléments
de la nature est en cela une imitation permanente de la naissance toujours nouvelle du monde
pour y entreprendre de nouvelles aventures qui viseraient à bousculer l’ordre établit.
L’homme étant lui même sur une « reterritorialisation » du monde par ses actions en société ;
bouleversant l’ordre du monde ; il faudrait à juste titre le rétablir en le « déterritorialisant » la
création du monde dans la symbolique rituelle de la libation pour « territorialiser » (selon les
termes de Deleuze et Guattari) le factuel, le métaphorique et le symbolique dans la macro-
sémiotique trans-temporelle.

9
Bibliographie
Corpus
KONE, Ouassenan Aller-retour, Issy les Moulineaux : Ed.Saint Paul, 1987
Texte critiques
DELATTRE, Charles, Manuel de mythe grecque, Rosny-sous-Bois, 2005
FONTANILLE, Jacques, Sémiotique du discours, Limoges : Pulim, 1998
GRIMAL, Pierre, Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine, Paris,
PHILIBERT, Myriam, Dictionnaire des Mythologies, 1998

10

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