Evaluation Des-Politiques-Publiques-En-Cote-Divoire

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Christian GAMBOTTI

L’évaluation des
politiques publiques
en Côte d’Ivoire
Christian Gambotti, agrégé de l’université, est le Directeur général de
l’Institut Choiseul. Il dirige les collections « L’Afrique en marche » et
« Planète francophone » aux Éditions Alpharès.

D ans la brochure qu’il publie sur le MAEP (Mécanisme 125


africain d’évaluation par les pairs), le Nouveau partenariat
pour le développement de l’Afrique (NEPAD) considère qu’il « est
important, voire indispensable, que le développement de l’Afrique
et des programmes régionaux de coopération s’inscrive dans un
contexte de « bonne gouvernance » économique et politique. Le
Mécanisme africain d’évaluation par les pairs est un programme
accepté d’un commun accord et adopté volontairement par les États
membres de l’Union africaine en vue de promouvoir et de renforcer
des normes élevées de gouvernance. L’évaluation par les pairs est
un mécanisme d’auto-évaluation. Le mandat du MAEP est de
veiller à ce que les politiques et pratiques des États participants se
conforment aux valeurs convenues dans les quatre domaines précis
d’intervention suivants : démocratie et gouvernance politique,
gouvernance économique, gouvernance des entreprises et
développement socio-économique. » À l’heure actuelle, 35 États
ont adhéré au MAEP. En Côte d’Ivoire, afin de réaliser le projet de

| Christian GAMBOTTI |
l’émergence en 2020, le Président Alassane Ouattara, qui vient d’être
réélu pour un second mandat, conduit une politique fondée sur
l’articulation entre le progrès économique et le progrès démocratique.
Sa légitimité politique lui permet de contenir et de surmonter les
foyers de tension habituels en Afrique et d’accélérer les processus de
démocratisation.

Du développement économique à l’épanouissement démocratique

Après plus d’une décennie d’errance, liée aux crises successives, la


Côte d’Ivoire a, depuis avril 2011, choisi d’adosser son cheminement
sur une véritable culture de l’évaluation des politiques publiques,
le Président Alassane Ouattara étant convaincu que celle-ci joue
un rôle essentiel dans le développement économique et social, mais
aussi dans l’épanouissement de la démocratie. Il existe en effet
un lien étroit entre, d’un côté, le progrès économique et social, et
de l’autre, le processus d’évaluation des politiques publiques, lui-
126
même en lien avec celui de l’évaluation de la démocratie et de la
gouvernance politique. Historiquement, l’État ivoirien s’est doté très
tôt d’institutions susceptibles de mesurer l’impact réel des politiques
conduites, mais ces institutions n’ont jamais pu remplir véritablement
leur rôle, dès l’instant qu’il n’existait pas de véritable volonté politique
pour appliquer des principes de « bonne gouvernance ». Aujourd’hui,
sur l’ensemble de la planète, chaque gouvernement mesure
les dangers que représentent les dettes souveraines, c’est-à-dire
l’accumulation des déficits.
Les pays africains ont longtemps été incapables de lever des
fonds sur les marchés financiers ou auprès des investisseurs, leurs
économies comme la gestion des finances publiques étant jugées trop
incertaines. Aujourd’hui, de meilleures perspectives économiques,
des politiques économiques saines et une meilleure gouvernance ont
permis à de nombreux pays africains de lever des fonds en émettant
des obligations. Cette situation favorable n’est pas sans danger, car
la dette contractée est une arme à double tranchant : elle permet
de financer à moindre coût le développement, lorsque les taux
d’intérêts sont bas, mais elle peut conduire à un endettement excessif
provoqué par un renversement de tendance (volatilité des marchés,
épidémie d’Ébola, chute des cours du pétrole, fin de l’ère des taux
d’intérêt particulièrement bas). Seule une utilisation des fonds
empruntés soutenue par des politiques économiques saines peut
permettre de surmonter les crises engendrées par la baisse des
prix des matières premières – ce qui est le cas aujourd’hui – et les
hausses futures des taux d’intérêt, ce qui est prévisible, lorsque les
marchés traditionnels de l’Europe et des États-Unis retrouveront leur
attractivité pour les marchés financiers et les investisseurs.
Parmi les idées majeures qui structurent la pensée économique
et politique du gouvernement ivoirien, figure la capacité de
mesurer, en amont, l’impact des décisions budgétaires, et, en aval,
le résultat des politiques mises en œuvre par les pouvoirs publics.
Cette évaluation en amont et en aval figure parmi les principes de 127
« bonne gouvernance », concept qui n’est pas difficile à définir.
Plus complexe, en apparence, est le lien qui existe entre la « bonne
gouvernance » et l’épanouissement même de la démocratie. On peut
imaginer une économie prospère, des États qui s’enrichissent, une
caste privilégiée et une absence de justice sociale et d’égalité réelle
entre les citoyens. Dans leur livre, Règle d’or éthique pour la politique
de développement, Hans-Balz Peter et Martin Kraut proposent la
définition suivante : « La « bonne gouvernance » est le but prioritaire,
supérieur à toutes mesures individuelles, d’une politique de
développement motivée par l’éthique ». L’idée qui prédomine est ici
celle d’une gouvernance éthique, c’est-à-dire, dans chaque pays, un
gouvernement éthique, et, à l’échelle de la planète, un gouvernement
éthique mondial. Nous en sommes encore loin. La Côte d’Ivoire
peut et doit jouer dans ce domaine un rôle d’avant-garde en
réfléchissant sur la manière dont les autorités gèrent les ressources
économiques et sociales du pays, d’une région, d’un département,
d’une ville ou d’une institution en faveur de son développement,

| Christian GAMBOTTI |
à partir des principes suivants : le développement économique et
social en lien avec l’épanouissement de la démocratie politique et
sociale, le respect du droit et des droits humains, la transparence et
l’efficacité de la gestion des affaires, la lutte contre la corruption. Il
ne s’agit pas d’idées nouvelles, la plupart des pays africains disposent
d’institutions qui permettent une approche conceptuelle, mais qui
s’arrêtent à une « bonne gouvernance » de mots. Or, l’évaluation des
politiques publiques doit s’inscrire dans le cadre d’un État repensé,
qui s’appuie sur un socle d’institutions solides. Lors de son discours
historique à Accra (Ghana) en 2009, le Président Barack Obama, pour
sa première visite en Afrique subsaharienne, a formulé ainsi les clefs
du succès pour notre continent : « En ce XXIe siècle, des institutions
capables, fiables et transparentes sont la clé du succès. »

« Bonne gouvernance », économie et politique


128 Les enjeux de la « bonne gouvernance »

La « bonne gouvernance » est aujourd’hui une exigence qui


permet d’obtenir des aides de la Banque mondiale (BM) et du Fonds
monétaire international (FMI), ces deux institutions, comme de
l’ensemble des « bailleurs des fonds », souhaitant désormais mesurer
les performances des États qui ont bénéficié de financements dans deux
domaines : les progrès économiques et les avancées démocratiques. La
difficulté vient de ce que le débat concerne deux domaines différents :
le développement économique, qui suppose des aides financières, et
les avancées démocratiques, c’est-à-dire les progrès accomplis dans
la démocratisation au sens large et le respect des droits de l’Homme,
progrès qui, eux, relèvent d’une volonté politique.
Aujourd’hui, le lien entre le développement économique et la
démocratie est l’un des marqueurs du passage du statut de « pays
émergent » à celui de « pays développé ». En appliquant les principes
de « bonne gouvernance » dans la gestion des affaires publiques, le
gouvernement ivoirien souhaite bâtir une croissance économique
durable, profitable à tous, ce qui est un facteur de stabilité politique
et de démocratisation. Réélu pour un second mandat président de la
République dès le premier tour, avec 83 % des voix dans une élection
totalement transparente, Alassane Ouattara dispose de la légitimité
politique, pour accomplir un second et dernier mandat qui peut être
exemplaire, puisqu’il se caractérise par la quasi disparition des risques
politiques. Pour perpétuer cet état de grâce, Alassane Ouattara devra
consolider l’ensemble des institutions ivoiriennes qui permettent une
gestion saine des finances publiques, un climat des affaires favorable
à l’investissement privé et plus de démocratie.
Telle est la mission qui a été confiée à la CN-MAEP (Commission
nationale du mécanisme africain d’évaluation par les pairs), organe
d’observation de la gouvernance que préside Bernard Konan. Le
MAEP, créé en mars 2003, est un programme accepté d’un commun
accord et adopté volontairement par les États membres de l’Union 129
africaine en vue de promouvoir et de renforcer des normes élevées
de gouvernance. En 2015, le MAEP comptait 35 États-membres,
dont la Côte d’Ivoire, ces États-membres s’engageant à promouvoir
la « bonne gouvernance » institutionnelle, politique, économique et
sociale.
Le marché et les individus
Si les « bailleurs de fonds » tendent à rendre plus transparentes leurs
relations avec l’Afrique, il est évident que l’Afrique elle-même est à un
tournant historique. Il lui appartient de mettre en œuvre les principes
de « bonne gouvernance », afin de faire coïncider deux intérêts qui,
de plus en plus, peuvent apparaître comme contradictoires, celui de
l’économie et celui des populations. Le développement économique
doit avoir pour finalité la justice sociale. La Côte d’Ivoire dispose
des moyens nécessaires à son développement : une volonté politique,
des richesses naturelles, une population jeune et dynamique, des
institutions reconnues. Elle peut contribuer à promouvoir en

| Christian GAMBOTTI |
Afrique un modèle de développement fondé sur les principes de
« bonne gouvernance ». Le temps des expérimentations politiques,
économiques, sociales et environnementales est révolu. La Côte
d’Ivoire doit montrer que le progrès économique et la démocratie
sont deux processus qui se renforcent mutuellement. À côté de l’esprit
de progrès économique et social, il existe un esprit démocratique.
Ce sont là des pistes de recherche pour une école de pensée, sur
la « bonne gouvernance », qu’il reste à créer, avec, comme ligne
d’horizon, des autorités engagées dans une saine gestion des affaires
publiques, le renforcement de l’État de droit et la participation des
populations à travers une représentation parlementaire et une société
civile organisée et active.

Les axes indispensables de la « bonne gouvernance »

Les principes de gouvernance recouvrent l’ensemble des processus


politiques et législatifs qui, à travers des institutions, affectent la
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manière dont un pays, une institution, une société, sont dirigés,
administrés et/ou contrôlés. La gouvernance peut être mauvaise :
dictature, non-respect du droit et des droits de l’homme, corruption,
absence de justice sociale ou absence de responsabilité des dirigeants.
Il est évident qu’il existe un lien entre la mauvaise gouvernance et
l’augmentation des injustices et de la pauvreté. Les axes de la « bonne
gouvernance » sont alors les suivants : la gestion cohérente, efficace et
transparente des recettes et des dépenses publiques, le contrôle des
budgets dans la perspective d’un meilleur rendement des dépenses,
l’évaluation en rapport avec les priorités et les buts à atteindre, la
lutte contre la corruption et les abus de pouvoir, la préservation de
l’indépendance des institutions et le développement démocratique.

La « bonne gouvernance » et le développement de la Côte d’Ivoire

La question de la « bonne gouvernance » est au cœur du


développement de la Côte d’Ivoire, comme elle est au cœur du
développement de toute l’Afrique. Le temps de la Côte d’Ivoire
est arrivé, avec les tendances prometteuses en matière de stabilité
politique et d’engagement pour le bien commun. L’État de droit,
démocratique et impartial, doit se substituer à la logique des abus
de pouvoir, car seul un État de droit, qui se libère du clientélisme, du
népotisme et de la corruption, est en mesure de relever le défi majeur
du développement et d’assurer la pacification d’un pays en pleine
mutation. Que vaudrait, au XXIe siècle, un miracle économique
ivoirien, sans le respect des droits humains, la transparence dans
la gestion des affaires publiques et la lutte contre la corruption ? Le
miracle économique ne doit pas ignorer la population, car derrière
l’économie, il y a la justice sociale. Avec des capacités institutionnelles
renforcées, la Côte d’Ivoire peut prétendre accéder plus rapidement
au statut de pays développé et ouvrir ainsi le champ d’une réflexion
sur la refondation de l’État, de l’économie et du social à travers ses
institutions.
C’est donc tout ce champ de réflexion qui s’ouvre devant les 131
décideurs ivoiriens, mais aussi pour la population. Il s’agit d’offrir à
l’économie une pensée, car l’économie ne constitue pas, à elle seule,
un projet de société. Il appartient à l’État de se doter d’une pensée
destinée à irriguer l’action. Cette pensée dispose d’une architecture
que lui offrent les institutions (Assemblée nationale, Conseil
économique et social, Inspection générale d’État, Cour des Comptes,
etc.). La ferveur conceptuelle qui entoure désormais la notion de
« bonne gouvernance » doit permettre à la Côte d’Ivoire de proposer
une définition de la gestion de la chose publique dans l’intérêt de
la stabilité et de la pacification de l’espace politique, économique et
social national, et de définir les règles de bonne conduite articulées
à l’environnement international. Après dix années d’improvisations
politiques et économiques, qui ont eu des conséquences désastreuses
pour le pays, le contexte est historique pour la Côte d’Ivoire et il
appartient aux nouveaux dirigeants d’installer leur légitimité en
faisant du mouvement que provoque l’articulation entre la « bonne
gouvernance » et la démocratisation, le vecteur du développement.

| Christian GAMBOTTI |
L’articulation entre l’économie et la démocratie

Afin de réaliser l’articulation parfaite entre l’économie, la


démocratie et la gouvernance, il convient de travailler sur :

La notion de « bonne gouvernance »

L’analyse du concept de « bonne gouvernance » doit faire ressortir


les enjeux politiques et économiques induits par une plus grande
cohérence nationale et sociale, dont les institutions sont désormais
porteuses. Les enjeux politiques nous renvoient au mode de
fonctionnement du pouvoir, en particulier dans ses relations avec les
institutions.

La notion de démocratie

Il s’agit ici de s’intéresser à la nature du pouvoir politique et


132 à la nature des institutions chargées, dans une société donnée,
d’exprimer l’intérêt du peuple et de défendre l’intérêt général. Le
pouvoir politique est-il capable de favoriser le plein épanouissement
de la démocratie sociale et participative en acceptant l’existence
d’institutions indépendantes chargées du contrôle et de l’évaluation
de l’action publique et du climat des affaires ?

L’articulation entre démocratie et gouvernance politique

La démocratie définit l’essence d’un pouvoir, alors que la


gouvernance politique se résume à la manière de gouverner. A quel
moment la manière de gouverner cesse d’être démocratique ou, au
contraire, favorise-t-elle le plein épanouissement de la démocratie ?

Le contexte nouveau du « grand réveil » de l’Afrique.

Le contexte nouveau est celui du « grand réveil » économique de


l’Afrique, réveil qui s’accompagne, pour des populations avides de
consommation, d’une demande de démocratie et la disparition des
régimes autoritaires autrefois liés au contexte de la guerre froide et
de la période des indépendances, lorsque les jeunes États-nations
africains, enfermés dans des zones d’influence idéologique, vivaient
sous le carcan d’une puissance étrangère, États-Unis ou Union
soviétique. Aujourd’hui, l’Afrique s’ouvre à la mondialisation et
au jeu des nouvelles compétitions économiques et des stratégies
commerciales, ce qui suppose plus de démocratie pour répondre à la
fois aux demandes des populations et au nouvel ancrage néolibéral
des économies africaines dans l’économie mondialisée.

Le rôle de l’État

Longtemps discrédité, voire illégitime (caractère dictatorial des


régimes, affaiblissement dans les années 1980 avec l’application
des « programmes d’ajustement structurels » qui l’ont paupérisé,
dépossédée de sa puissance économique avec la privatisation
accélérée de l’économie aujourd’hui), l’État africain doit (re)trouver
133
une véritable légitimité en affirmant son autorité, en assumant
ses fonctions régaliennes, en accompagnant la libéralisation de
l’économie, en préservant l’unité nationale et en favorisant la
démocratisation de la société.

Le rôle des institutions

En Côte d’Ivoire, on peut mentionner les structures et institutions


suivantes qui participent à l’application des principes de « bonne
gouvernance » : la Haute Autorité pour la bonne gouvernance, le
Médiateur de la République, l’Inspection générale d’État, l’Inspection
générale des Finances et les Inspections générales des Ministères, la
Cour des Comptes.

La justice et des Droits de l’Homme

Quant à la justice et aux Droits de l’Homme, alors que, pendant la


succession des crises politico-militaires, l’impunité était devenue la
règle, les autorités ivoiriennes actuelles s’efforcent d’amener la justice

| Christian GAMBOTTI |
à assurer la sécurité des biens et des personnes par l’avènement
d’une justice équitable, transparente et indépendante aux travers de
la Chambre administrative de la Cour Suprême, qui sera remplacée
par le Conseil d’État, des Tribunaux civils et des Tribunaux de
Commerce. Toutes ces juridictions doivent être indépendantes.

L’administration

Pour reprendre des formules qui sont connues et qui montrent


que l’administration publique est un vecteur de démocratie, on
peut dire que la fonction publique est le patrimoine de ceux qui
n’ont rien et qu’elle assure la continuité de l’État. Selon Niamien
N’Goran1 : « L’administration publique en Afrique, à l’image de
l’État, a longtemps été déficiente, incapable de répondre aux besoins
réels des citoyens et des acteurs économiques, ni de s’ajuster au
contaxte mondial de compétition pour l’efficacité et la qualité. Or,
l’Administration est un vecteur majeur du développement. Elle joue
134
un rôle essentiel dans la « bonne gouvernance », qui exige l’accès de
tous à des services publics de qualité. [...] Aujourd’hui, la question du
développement conduit nécessairement à l’amélioration des services
publics. La fonction publique doit rester, en Afrique comme ailleurs,
le pilier de l’État, d’autant plus que s’accélère la libéralisation de
l’économie et qu’évoluent les besoins des citoyens. »

La gestion des Finances publiques

En matière de gestion des Finances publiques, l’ambition du


gouvernement est de développer l’attractivité de la destination Côte
d’Ivoire au plan économique et financier. Toujours selon Niamien
N’Goran, « la Côte d’Ivoire a introduit dans son droit national, les
meilleures pratiques internationales, à travers deux lois qui posent

...............................................................................................................................................................
2. Niamien N’Goran, Inspecteur général d’État de Côte d’Ivoire, a publié sur cette question
un article intéressant dans le numéro 76 de la revue Géoéconomie : « L’Agenda 2063 et
l’application des principes de bonne gouvernance : le cas de la Côte d’Ivoire ».
les principes et des règles d’une gestion axée sur les résultats et
la transparence. Ainsi elle entend induire une implication forte
des citoyens, soit directement par l’accès à l’information, soit
indirectement à travers leurs représentants. »
Dans un pays comme la Côte d’Ivoire, qui souhaite accéder à
l’émergence en 2020, puis au statut de pays développé, il ne peut y
avoir de contradiction entre la gouvernance, c’est-à-dire la manière
de gouverner, les choix d’une économie plus libérale à travers des
mesures destinées à favoriser l’investissement privé, l’existence d’un
secteur public fort et la manière de rendre la justice. La transition
économique doit nécessairement s’accompagner d’une transition
démocratique, transitions auxquelles participent la gouvernance,
les institutions et la société civile. Toute la difficulté consiste à bâtir
une véritable démocratie politique, économique et sociale. On peut
imaginer que la démocratie ne soit qu’une façade, qui prend la forme
d’exercices électoraux convenus, afin de répondre à la pression 135
internationale ou à la demande des bailleurs de fonds, sans que ne
soient changés véritablement le vieux fonds autoritaire des systèmes
politiques et/ou une gouvernance fondée sur l’appropriation
ethnique du pouvoir. C’est en réalité un véritable nouvel état d’esprit
qu’il faut créer. À côté de la consolidation des institutions, l’État doit
favoriser, en face des pouvoirs publics, l’émergence d’une véritable
société civile organisée. Il ne faut pas oublier qu’à côté de l’État de
droit moderne, qui se constitue d’abord à travers le renouveau du
courant constitutionaliste, qui rompt avec l’ordre politico-juridique
antérieur, doivent exister les conditions sociologiques d’une
transition démocratique, c’est-à-dire la naissance, parmi les
populations longtemps exclues du jeu politique, d’un esprit
démocratique. La difficulté est réelle et les progrès sont parfois
fragiles, comme l’a montré, en Côte d’Ivoire, de décembre 2010 à
avril 2011, la crise de la transition démocratique.

| Christian GAMBOTTI |
Conclusion

S’il n’est pas la seule instance du changement, l’État en est l’acteur


principal, ce qui l’oblige à s’interroger sur lui-même, son rôle, sa
fonction, à sortir de l’immaturité politique et économique, à évacuer
les derniers réflexes hérités de la période coloniale et de celle de la
guerre froide. Aujourd’hui, les défaillances de la gouvernance que la
Côte d’Ivoire a connues ces dernières années, apparaissent comme
une crise de la volonté politique et des institutions publiques. Or,
ces institutions sont des instances qui ont pour mission première
est de répondre aux aspirations des citoyens. Elles doivent, par leur
action de contrôle et d’évaluation, restaurer l’esprit de confiance
propice à l’intégration sociale et nationale des individus, ce qui est
une manière de faire évoluer les rapports entre les acteurs politiques
eux-mêmes et entre le pouvoir et les citoyens. Les principes de
136 « bonne gouvernance » nous conduisent, à travers les institutions et
les organisations de la société civile, à nous interroger sur le rapport
entre pouvoir et citoyens, en dehors de l’action des partis politiques,
dont la légitimité doit aussi être renforcée.
Parce qu’elles accompagnent la démocratie politique en étant
le vecteur de la démocratie sociale, les institutions apparaissent
alors comme des instances de représentation et d’action « sociales »
susceptibles de transcender les crispations politiques. En revalorisant
leur rôle, le pouvoir politique favorise la renaissance d’un esprit de
dialogue entre tous les acteurs de la société, y compris au sein de
la sphère politique, ce qui renforce la crédibilité de son action. En
même temps, ces institutions contribuent à restaurer le sens du
droit et de l’intérêt général. Désormais confiants dans une action
politique contrôlée et évaluée, les citoyens s’engagent dans la
protection de la chose publique, de la vie commune et de la
démocratie.
Les pistes de réflexion et de travail pour la CN-MAEP sont
nombreuses. L’enjeu est celui d’une « diplomatie de la démocratie »,
facteur de rayonnement nouveau pour un pays. La Côte d’Ivoire
dispose de tous les atouts pour assurer ce rayonnement
« démocratique », à côté de son rayonnement politique et
économique. Dans un contexte de forte concurrence internationale,
il s’agit d’un indicateur de notoriété vis-à-vis de l’extérieur, une
manière de participer à la construction d’une civilisation des
libertés, outrageusement dominée jusqu’à présent par l’Occident.

137

| Christian GAMBOTTI |
Résumé

Après plus d’une décennie d’errance, liée aux crises successives, la


Côte d’Ivoire a, depuis avril 2011, choisi d’adosser son cheminement
sur une véritable culture de l’évaluation des politiques publiques.
Historiquement, l’État ivoirien s’est doté très tôt d’institutions susceptibles
de mesurer l’impact réel des politiques conduites, mais ces institutions
n’ont jamais pu remplir véritablement leur rôle, dès l’instant qu’il
n’existait pas de véritable volonté politique pour appliquer les principes
de « bonne gouvernance ». Or, selon le Président Alassane Ouattara,
il existe un lien entre la « bonne gouvernance » et l’épanouissement
même de la démocratie. Après dix années d’improvisations politiques et
économiques, qui ont eu des conséquences désastreuses pour le pays et la
population, le contexte est historique pour la Côte d’Ivoire et il appartient
aux nouveaux dirigeants d’installer définitivement leur légitimité
en faisant du mouvement que provoque l’articulation entre la « bonne
gouvernance » et la démocratisation, le vecteur du développement.

138 Abstract

After more than a decade of wandering, linked to a serie of crises, the Ivory
Coast has chosen, since april 2011, to make its way to emergence, based on
a true culture of public policies assessment. Historically, the Ivorian State
established institutions which can mesure real effetcs of policies. But those
institutions never really fulfilled their purpose, since there was not any
true political will to apply the principles of « good governance ». According
to President Alassane Ouattara, there is a connection between the « good
governance » and the blossoming of democracy. After ten years of political
and economical improvisation, it is now time for the new Ivorian leaders to
establish their legitimacy definitively, by employing the link between « good
governance » and democracy as the vector of development.

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