Syllogistique L1

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Abrégé de syllogistique

1 Termes

1.1 Prédicables ; arbre de Porphyre


Définitions

Un prédicable est "ce qui par nature, peut être dit de plusieurs" (ce qui distingue
un prédicable d’un universel qui, lui, est "ce qui par nature, peut être en plusieurs" 1 ).
La tradition, depuis Porphyre 2 , distingue cinq prédicables : le genre, l’espèce, la
différence (espèce et différence ne sont pas chez Aristote et prennent la place de la
définition chez lui), le propre et l’accident.

1. Le genre est ce qui est prédiqué essentiellement de plusieurs choses différant


spécifiquement : animal est prédiqué de cheval, d’homme et de lion, qui diffèrent
spécifiquement 3 .
1. Petrus Hispanicus, Tractatus, p.17 ; cette distinction entre prédicable et universel, i.e. entre le
prédicable qui est dit de quelque chose et ce que "désigne" ou signifie le prédicable (sc. un univer-
sel) est évidemment sujette à controverse ; un nominaliste comme Occam récuse cette distinction.
D’après certains historiens, Petrus Hispanicus (Pierre d’Espagne) serait né vers 1205 et mort en
1277 et ne serait autre que le pape Jean XXI, dont le pontificat ne dura que 8 mois (15 sept.
1276 - 20 mai 1277). Il aurait écrit son traité de logique (Tractatus) dans les années 1230. Cette
identification de l’auteur du Tractatus au pape Jean XXI a été récusée par d’autres historiens, mais
toujours est-il que son Traité connut une grande fortune et fut utilisé pendant des siècles comme
manuel dans les Universités.
2. Porphyre (234-305 ap. J.C.) est l’éditeur des Ennéades de Plotin et a composé une Intro-
duction (Isagogè) aux Catégories d’Aristote, célèbre pour avoir posé les termes du problème des
universaux qui agita un grand nombre de bons esprits au Moyen Age.
3. En latin cela donne : "Genus est quod predicatur de pluribus differentibus specie in eo quod
quid", ce qui traduit la définition d’Aristote, Topiques, 102 a 31, rendue ainsi par Tricot : "Le genre
est ce qui est attribué essentiellement à des choses multiples et différant spécifiquement entre elles".
Cette définition est reprise par Porphyre en 2, 15. "in eo quod quid (est)" est la traduction latine
de "έν τ ω̃ τ ι έστ ι". On trouve, par ex., la même formule latine dans la Somme I. d’Occam chap.

1
1 Termes 2

On distingue dix genres suprêmes qui sont les dix catégories d’Aristote : dans
l’orde de P. H., substance, quantité, relation, qualité, action, passion, le lieu,
le temps, la position, l’habitude, l’avoir. Ils ne sont subordonnés à aucun genre
supérieur (l’être, n’est pas un genre, vieille thèse d’Aristote : l’être ne se dit
des dix genres suprêmes que de manière équivoque).
Par ailleurs, sous les genres suprêmes se trouvent des genres subalternes, qui
sont également espèces relativement à un genre supérieur : animal est le genre
d’homme et espèce de corps animé.
2. L’espèce est ce qui est prédiqué de plusieurs différant numériquement en tant
que ce qu’il est (in eo quod quid est) (mais cela ne vaut que pour les espèces
dernières). Ou encore : l’espèce est ce de quoi un genre est prédiqué en tant
que ce qu’il est (in eo quod quid est).
On distingue les espèces dernières ou spécialissimes des espèces sublaternes :
sous les premières ne tombent que des individus particuliers, comme l’espèce
homme sous laquelle ne tombent que des individus comme Socrate, Platon,
Ciceron. Les espèces subalternes sont genres relativement à des espèces infé-
rieures.
Ainsi entre les genres suprêmes et les espèces dernières, les genres ou les espèces
(subalternes) sont à la fois genres et espèces.
3. La différence est ce que l’espèce ajoute au genre sous lequel elle tombe, comme
homme ajoute mortel au genre animal rationnel. Un différence divise un genre
et constitue une espèce.
A la différence du genre ou de l’espèce qui répondent à la question "in quid "
(qu’est-ce que l’homme ? Réponse : un animal), la différence répond à la ques-
tion "in quale" (comment est l’homme ? Réponse : rationnel). Prédiquer un
genre ou une espèce se dit "prédication in quid ", une différence (mais aussi un
propre et un accident) : "prédication in quale".
On représente habituellement cette hiérarchie des genres et de espèces (depuis
un genre suprême jusqu’à une espèce dernière et même jusqu’aux individus qui
tombent sous cette espèce), ainsi que les différences qui permettent de passer
des premiers aux secondes sous la forme d’un arbre, dit arbre de Porphyre :
20, p. 70. in eo quod quid est devenu une expression figée.
1 Termes 3

Substance
genre suprême

corporelle incorporelle
Corps

animé inanimé
Corps animé

sensible insensible
Animal

rationnel irrationnel
Animal
rationnel

mortel immortel
Homme
espèce dernière

Socrate Platon

Les différences constitutives des espèces sont à gauche (un esprit perspicace
notera l’absurdité des deux dernières lignes !)
4. Le propre se prend en quatre sens :
- ce qui est dans une seule espèce mais pas dans toute, comme médecin est
dans homme, mais pas dans tout homme (ce que l’on pourrait exprimer par :
seuls les hommes peuvent être médecins).
- ce qui est dans tout mais pas seulement (in omni sed non soli), comme bipède
est dans tout homme mais pas seulement dans l’homme (cf. les coqs).
- ce qui est in omni et soli mais pas toujours, comme de grisonner à mesure
2 Jugements et carré des oppositions 4

que l’on vieillit.


- ce qui est in omni et soli et semper, comme l’aptitude à rire (risibile) dans
l’homme. C’est ce quatrième sens qui est le sens "propre" ( !) du propre et que
l’on définit ainsi, en suivant Aristote Topiques 1, 5 : le propre est ce qui est
dans une seule espèce, est réciproquable avec la chose et n’indique pas ce qu’elle
est (quid est esse). Réciproquable signifie que l’on peut aussi bien dire : "tous
les hommes sont aptes à rire", que "tous ceux qui sont aptes à rire sont des
hommes".
5. L’accident est qui est, ou n’est pas, dans une chose de manière contingente,
comme blanc ou assis est dans l’homme.
On distingue classiquement les accidents séparables, des accidents inséparables :
les premiers sont comme ceux des exemples précédents, les seconds sont comme
noir dans corbeau (i.e. tous les corbeaux sont noirs, mais ce n’est pour autant
que "noir" est une propriété essentielle des corbeaux : un corbeau pourrait être
vert ou rouge, sans cesser d’être corbeau) ou dans Ethiopien

1.2 Les prédicaments (catégories)


La doctrine des prédicables porte sur la relation prédicative : comment un prédicat
se rapporte-t-il à un sujet ? La doctrine des prédicaments (ou catégories) se rapporte
à ce que signifie en eux-mêmes les termes (qui entrent dans un jugement). Pour
l’essentiel, les exposés de cette doctrine ne font que résumer les Catégories d’Aristote,
et n’ont que peu d’intérêt logique : s’agit-il de grammaire ou d’ontologie ? La liste en
est fournie ci-dessus (cf. les genres suprêmes), inutile d’insister.

2 Jugements et carré des oppositions


Pour Aristote, et toute la tradition qui le suit, tout jugement (ou proposition)
catégorique 4 se compose de deux termes, le terme sujet et le terme prédicat. Un
jugement consiste à dire quelque chose (exprimé par le prédicat) de quelque chose
(exprimé par le sujet) : "le sujet est ce dont il est dit quelque chose, le prédicat est
ce qui est dit d’une autre chose" (Pierre d’Espagne, Tractatus, p. 4). On peut donc
4. On distingue classiquement deux types de jugements (ou propositions), les catégoriques et les
hypothétiques. Ces derniers sont composés de deux catégoriques reliés soit par "ou" (disjonction,
exclusive, la plupart du temps), "et" (conjonction) et "si. . .alors. . ." (conditionnel). La syllogistique
en sens étroit ne prend en compte que les catégoriques, mais les hypothétiques sont sommaire-
ment étudiés dans la lignée du traité de Boèce De hypotheticis syllogismis. Les syllogismes dits
"hypothétiques" entrent dans le cadre de l’actuel calcul des propositions.
2 Jugements et carré des oppositions 5

représenter la forme commune à tout jugement sous la forme : S — P . La liaison


entre les deux termes s’exprime (en français) par le verbe être qui sert de copule.
Lorsque le verbe "être" n’est pas explicitement présent dans la proposition, comme
dans "l’homme court (homo currit)" il convient de le rétablir, ce qui donne : "l’homme
est courant (homo est currens)".

On distingue tout d’abord quatre types de jugement : les universels, les particu-
liers, les indéfinis (homo currit, spécifique au latin) et les singuliers (Sortes currit,
Socrate court). Ces deux derniers types n’entrent pas directement dans la syllogis-
tique ; la question est de savoir s’il faut les traiter comme des universels ou des
particuliers.
La division importante est donc entre les jugements universels et les particu-
liers 5 : on peut affirmer que le prédicat P vaut de tout S, ou seulement, de quelque
S. Dans le premier cas, le jugement est universel, dans le second, il est particulier ;
on appelle l’universel et le particulier, la quantité d’un jugement, quantité qui est
donc déterminée par le fait que le sujet est pris soit universellement, ce que marque
un signe d’universalité comme "tout", soit particulièrement, ce que marque un signe
de particularité comme "quelque" : tout homme est raisonnable / quelque homme est
juste. On verra un peu plus loin comment établir la quantité du terme en position
de prédicat.

On divise ensuite les jugements en affirmatifs et négatifs : on peut affirmer P de


S, ou au contraire, nier P de S, ce qui s’expriment respectivement par la copule et
par la copule accompagnée d’une marque de négation ; en français cela donne : S est
P / S n’est pas P . On appelle l’affirmation et la négation, qualité du jugement.

Tout jugement a donc une quantité (universel / particulier) et une qualité (affir-
matif / négatif). Si l’on croise ces deux caractéristiques, les jugements peuvent donc
avoir quatre formes différentes, traditionnellement notées par les quatre voyelles A,
E, I et O.

– A, universel affirmatif : "tout vicieux est esclave" (tout S est P ).

– E, universel négatif : "nul vicieux n’est heureux" (nul S n’est P ).


5. Dans ce qui suit, on ne considérera donc que des jugements dont les deux termes sont généraux
ou communs, comme "homme", "grenouille" ou "arbre". Aristote dans les Premiers Analytiques
ne considérait pas les jugements singuliers ; on verra bientôt pourquoi. Mais les médiévaux ne se
privaient pas de le faire.
2 Jugements et carré des oppositions 6

– I, particulier affirmatif : "quelque vicieux est riche" (quelque S est P ).

– O, particulier négatif : "quelque vicieux n’est pas riche" (quelque S n’est pas
P ) 6.

2.1 Carré des oppositions.


D’après ce qui précède, on peut donc former avec les mêmes deux termes (sujet
et prédicat) quatre jugements différents ; ces jugements entretiennent des relations
logiques qui sont synthétisées dans le classique carré des oppositions que tout étu-
diant sérieux doit connaître par cœur et qui prend la forme suivante :

AffIrmo nEgO
A E
Tout S est P ←− contrariété −→ Nul S n’est P
universel affirmatif universel négatif
- %
subalternation contradiction subalternation
↓ . & ↓
I O
Quelque S est P ←− subcontrariété −→ Quelque S n’est pas P
particulier affirmatif particulier négatif

– A et O, tout comme E et I, sont contradictoires : A (resp. E) et O (resp. I) ne


peuvent ni être vrais ni être faux simultanément.
– A est contraire de E (et réciproquement) : A et E ne peuvent être vrais simul-
tanément, mais peuvent être faux simultanément.
– I est subcontraire de O (et réciproquement) : I et O ne peuvent être faux
simultanément, mais peuvent être vrais simultanément.
– I est subalterne de A, tout comme O l’est de E : si A (resp. E) est vrai alors
I (resp. 0) l’est également et si I (resp. O) est faux alors A (resp. E) l’est
également.
6. Nous empruntons ces exemples d’une haute moralité à la Logique dite de Port Royal, II, iii.
2 Jugements et carré des oppositions 7

Ainsi, par ex. : "tout homme est sage" implique "quelque homme est sage",
contredit "quelque homme n’est pas sage", et est contraire de "aucun homme n’est
sage".

Ces relations peuvent se représenter à l’aide des connecteurs propositionnels ainsi :

– Contradiction : A w O et E w I sont toujours vrais.


– Contrariété : ∼ ( A ∧ E), ou plus simplement : A ↑ E est toujours vrai.
– Subcontrariété : I ∨ O est toujours vrai.
– Subalternation : A ⇒ I et E ⇒ O ; ∼ I ⇒∼ A et ∼ O ⇒∼ E, sont toujours
vrais.

Voici, par ex. comment, classiquement, on raisonnait en exploitant le carré des opposi-
tions : Si le jugement tout homme est raisonnable est vrai, alors son contradictoire, quelque
homme n’est pas raisonnable est faux d’où, puisque la fausseté remonte, aucun homme n’est
raisonnable est faux et donc son contradictoire, quelque homme est raisonnable est vrai.
D’où : si le jugement tout homme est raisonnable est vrai, alors son subalterne, quelque
homme est raisonnable est vrai.

ATTENTION : Seule la relation de contradiction entre A et O et


entre E et I est valide dans la logique contemporaine. Les autres ne le
sont qu’en ajoutant une prémisse.

2.2 Règles de conversion.


La tradition appelle conversion d’un jugement (ou d’une proposition) le fait d’in-
tervertir les termes dans un jugement en en préservant la vérité ; cela peut se faire
sans changement ni de la qualité ni de la quantité du jugement (conversion simple)
ou, au contraire, en en changeant la quantité (conversion partielle ou par accident).
On peut également convertir un jugement sans changement ni de la qualité ni de
la quantité, mais en transformant les termes définis en termes indéfinis (i.e. par
ex. en transformant "animal" en "non-animal", ou "blanc" en "non-blanc", conver-
sion par contraposition). Les règles qui président à cette opération sont les suivantes :
3 Syllogismes : figures et modes concluants. 8

– Tout S est P (A) → Quelque P est S (I) : conversion partielle : si "tout S est
P " est vrai, alors "quelque P est S" est vrai ; la réciproque ne vaut évidemment
pas.

– Tout S est P (A) ↔ Tout non-P est non-S : conversion par contraposition :
"Tout S est P " est vrai si et seulement si "Tout non-P est non-S" est vrai.

– Nul S n’est P (E) ↔ Nul P n’est S (E) : conversion simple : “nul S n’est P ”
est vrai si et seulement si “nul P n’est S” est vrai.

– Quelque S est P (I) ↔ Quelque P est S (I) : conversion simple : “quelque S


est P ” est vrai si et seulement si “quelque P est S” est vrai.

– Quelque S n’est pas P (O) ne se convertit ni simplement ni partiellement ;


toutefois :
– Quelque S n’est pas P (O) → Quelque non-P n’est pas non-S : conversion par
contraposition 7 .

On appelle parfois ces règles de conversion, des règles d’inférence immédiate : elles
permettent de passer d’un jugement à un autre directement, sans jugement inter-
médiaire. Toutefois, l’essentiel de la logique classique concerne les règles d’inférence
médiate, à savoir les syllogismes.

3 Syllogismes : figures et modes concluants.


Comme on l’a vu, un jugement, très généralement, lie un prédicat à un sujet
("une chose est une autre chose" comme dit la L. PR.) ou sépare un prédicat d’une
sujet ("une chose n’est pas une autre"). La question est de savoir ce qui rend légitime
l’affirmation ou la négation de cette liaison du prédicat au sujet : cela peut être tout
simplement l’observation (ou "l’intuition" ?), mais cela peut-être aussi le fait de tenir
pour vrais plusieurs autres jugements. Le cas le plus simple, et auquel tous les autres
se ramènent, est celui dans lequel on n’a affaire qu’à deux autres jugements. Il ap-
paraît, en effet, que puisque la question est de savoir pourquoi on peut légitimement
affirmer ou nier la liaison entre deux termes (S et P ), il s’agit de trouver un terme
intermédiaire (M ) auquel les deux premiers sont liés ou dont ils sont séparés. On
7. Attention : ce sens de contraposition n’est pas tout à fait le même que celui qu’a ce terme
dans la logique contemporaine.
3 Syllogismes : figures et modes concluants. 9

peut représenter cela par le schéma très général suivant 8 :

M
 
S L99 ? 99K P

Les deux éventuelles liaisons S — M et M —P sont exprimées par deux jugements qui
constituent les prémisses d’un syllogisme alors que le jugement exprimant la liaison
S—P en est la conclusion. On peut alors caractériser formellement un syllogisme
comme suit 9 :
Un syllogisme est constitué de deux prémisses, - la majeure et la mineure - et
d’une conclusion.
Dans la majeure, figure le terme qui est prédicat dans la conclusion (dit terme
majeur ou grand terme) et un terme, - le moyen terme - qui figure également dans
la mineure, mais pas dans la conclusion.
Dans la mineure, figure le terme qui est sujet dans la conclusion (dit terme mineur
ou petit terme) et le moyen terme 10 .
Si l’on représente par S le petit terme, P le grand terme et M le moyen terme,
un syllogisme a la forme :

M/P
M/S
S—P

3.1 Figures des syllogismes.

Alors que la conclusion est toujours de la forme S—P , dans les prémisses, P , S
8. Cette présentation (que certains historiens attribuent à Pascal, mais cela est très discuté)
s’inspire de celle qui est faite dans une première version de la Logique de Port Royal
9. Définition traditionnelle d’un syllogisme : "Un syllogisme est une énonciation (oratio, discours)
dans laquelle certaines choses étant posées, une autre s’ensuit (accidere) nécessairement en vertu
de celles qui sont posées" (Pierre d’Espagne, op. cit. p. 43). Il s’agit d’une traduction plus ou
moins fidèle de la définition d’Aristote en 24b 18 des Premiers Analytiques : "Le syllogisme est un
discours dans lequel, certaines choses étant posées, quelque chose d’autre que ces données en résulte
nécessairement par le seul fait de ces données."
10. On verra dans l’annexe A qu’une autre définition des termes, majeur et mineur, fut parfois
adoptée.
3 Syllogismes : figures et modes concluants. 10

et M peuvent être soit en position de sujet, soit en position de prédicat, ce qui donne
les quatre figures des syllogismes 11 :

1ère figure 2ème figure 3ème figure (4ème figure)

M —P P —M M —P P —M
S—M S—M M —S M —S
S—P S—P S—P S—P

3.2 Modes concluants.


D’un point de vue purement combinatoire, la majeure, la mineure ainsi que la
conclusion pourraient être A ou I ou E ou O, ce qui donne dans chaque figure 64
combinaisons différentes (A-A-A, A-A-I, . . ., E-A-I,. . ., O-O-O) et donc 192 combi-
naisons pour les trois premières figures.
Certaines seulement de ces 192 combinaisons sont d’authentiques syllogismes,
appelés modes concluants. Pour l’essentiel, il y a 14 modes concluants dans les trois
premières figures (il y a 5 autres modes concluants dans la 4ème figure qu’Aristote,
comme on l’a dit, n’envisage pas).

Pour établir quels sont les modes concluants, la tradition, au Moyen Age, invo-
quait un certain nombre de règles, pas toujours les mêmes et sans toujours en faire
véritablement usage ; on doit aux auteurs de la Logique de Port Royal, d’en avoir
donné une liste exhaustive et d’en avoir fait un usage rigoureux. C’est cette liste que
l’on donne ici :
1. Le moyen ne peut être pris deux fois particulièrement, il doit être pris au moins
une fois universellement.
2. Les termes de la conclusion ne peuvent être pris plus universellement dans la
conclusion que dans les prémisses.
3. On ne peut rien conclure de deux prémisses négatives.
4. De deux prémisses affirmatives, on ne peut tirer une conclusion négative.
5. Si l’une des prémisses est négative, la conclusion est négative ; si l’une des
prémisses est particulière, la conclusion est particulière.
11. Pour d’obscures raisons qui ont fait couler des litres d’encre de la part des commentateurs,
Aristote n’envisage pas la 4ème figure alors qu’il n’y aucune raison formelle de l’exclure ; toutefois,
par respect pour le vieux maître, on ne considérera la 4ème figure qu’en annexe à cet exposé.
3 Syllogismes : figures et modes concluants. 11

6. On ne peut rien conclure de deux prémisses particulières.

Remarque importante : Comme on l’a vu, la quantité du terme en position de


sujet dans un jugement détermine celle du jugement lui-même et est marquée par la
présence de "tout" (ou "nul") ou de "quelque". Dans le premier cas le terme sujet
est, dit-on, pris universellement, dans le second cas, il est pris particulièrement. Pour
la quantité du prédicat, les choses sont moins apparentes puisqu’on ne trouve pas ces
marques d’universalité ou de particularité.
Toutefois, un instant de réflexion conduit à admettre que :

– dans un jugement affirmatif (A ou I), le terme en position de prédicat est pris


particulièrement.

– dans un jugement négatif (E ou O), le terme en position de prédicat est pris


universellement.

Par ex. dans un jugement en E, les deux termes sont pris universellement, par
contre dans un jugement en A, le sujet est pris universellement mais le prédicat est
pris particulièrement.
Cette manière de déterminer la quantité d’un terme en position de prédicat, per-
met d’appliquer les règles 1. et 2. à ces termes (pour les termes en position de sujet,
il n’y a pas de problème) : par ex. dans la 2ème figure, le moyen est en position de
prédicat dans les deux prémisses ; si donc les deux prémisses étaient affirmatives, le
moyen serait pris deux fois particulièrement, ce qui est interdit par la règle 1.. Il faut
donc que l’une des prémisses soit négative dans tous les modes concluants de la 2ème
figure (la conclusion est alors négative, par la règle 5).

1ère figure.

M —P
S—M
S—P

En suite des règles ci-dessus, on a :


3 Syllogismes : figures et modes concluants. 12

A. La mineure doit être affirmative.


En effet : supposons la mineure négative. Alors, par la règle 5., la conclusion est
négative et, par 3. la majeure est affirmative. Donc P est pris particulièrement
dans la majeure et universellement dans la conclusion, ce qui enfreint la règle
2. .
B. La majeure doit être universelle.
En effet : on vient d’établir que la mineure est affirmative et donc M , en
position de prédicat, y est pris particulièrement et donc par 1. il doit être pris
universellement dans la majeure où il figure en position de sujet.

Si l’on tient compte des points A. et B., et de la règle 5. (qui permet de déterminer,
étant donné la forme des prémisses, de quelle forme doit être la conclusion), on a
donc les quatre modes concluants suivants 12 :

BArbArA CElArEnt DArII FErIO

universelles A E A E
affirmatives A A I I
A E I O

tout M est P nul M n’est P tout M est P nul M n’est P


tout S est M tout S est M quelque S est M quelque S est M
tout S est P nul S n’est P quelque S est P quelque S n’est pas P

2ème figure.

P —M
S—M
S—P

En suite des règles ci-dessus, on a (à démontrer !) :

12. Les noms des syllogismes, pittoresques et amusants, ont une fonction mnémotechnique que
l’on expliquera plus bas, p. 15.
3 Syllogismes : figures et modes concluants. 13

A. Une des prémisses doit être négatives (la conclusion sera donc toujours négative).
B. La majeure doit être universelle.

Il en résulte les quatre modes concluants suivants :

CEsArE CAmEstrEs FEstInO BArOcO

E A E A
A E I O
E E O O

nul P n’est M tout P est M nul P n’est M tout P est M


tout S est M nul S n’est M quelque S est M quelque S n’est pas M
nul S n’est P nul S n’est P quelque S n’est pas P quelque S n’est pas P

3ème figure.

M —P
M —S
S—P

En suite des règles ci-dessus, on a (à démontrer, là encore !) :

A. La mineure doit être affirmative.


B. La conclusion doit être particulière.

Il en résulte les six modes concluants suivants :


3 Syllogismes : figures et modes concluants. 14

DArAptI FElAptOn DIsAmIs

A E I
A A A
I O I

tout M est P nul M n’est P quelque M est P


tout M est S tout M est S tout M est S
quelqueS est P quelque S n’est pas P quelque S est P

DAtIsI BOcArdO FErIsOn

A O E
I A I
I O O

tout M est P quelque M n’est pas P nul M n’est P


quelque M est S tout M est S quelque M est S
quelque S est P quelque S n’est pas P quelque S n’est pas P

3.3 Syllogismes "parfaits" et réduction des syllogismes


Aristote et la tradition considère les syllogismes de la première figure comme
étant seuls “parfaits” : ce n’est que dans cette figure que l’on peut conclure dans les
quatre types de jugement A, E, I, O, alors que dans la deuxième figure on ne peut
conclure que négativement et dans la troisième, que particulièrement ; par ailleurs,
ce n’est que dans cette figure que le “moyen” est vraiment moyen ( !). Pour justifier
les syllogismes des deuxième et troisième figures, il faut donc montrer qu’ils peuvent
être "réduits" à ceux de la première figure. On peut même considérer que Barbara
et Celarent, sont les seuls véritables modes concluants puisque Darii et Ferio n’en
sont que des particularisations 13 .

13. C’est pourquoi Kant ne voyait dans cette division des quatre figures qu’une "fausse subtilité".
3 Syllogismes : figures et modes concluants. 15

Si l’on considère Barbara et Celarent, tous les raisonnements aristotéliciennement


admissibles dépendent donc de deux principes :

– dictum de omni : ce qui est affirmé d’un terme pris universellement, l’est de
tout ce dont est affirmé ce terme (principe de Barbara).

– dictum de nullo : ce qui est nié d’un terme pris universellement, l’est de tout
ce dont est affirmé ce terme (principe de Celarent).

Illustration : Soit un Barbara (ou un Darii ) comme : les navigateurs sont coura-
geux, or les Bretons (ou : certains Bretons) sont navigateurs ; donc les Bretons (ou :
certains Bretons) sont courageux : “courageux” est affirmé universellement de “navi-
gateurs” qui lui-même est affirmé universellement (ou particulièrement) de “Bretons”
donc “courageux” peut être affirmé universellement (Barbara), ou particulièrement
(Darii ), de “Bretons”.

On peut "réduire" les syllogismes des deuxième et troisième figures à ceux de


la première figure en transformant les premiers par conversion (simple ou partielle)
d’un ou plusieurs des jugements qui les composent et/ou en permutant les prémisses.
Pour savoir comment procéder, il suffit de considérer les noms des syllogismes, car
ces noms ont, comme on l’a déjà dit, une valeur mnémotechnique :

– Les voyelles et leur ordre indiquent les types de jugement qui entrent dans le
syllogisme (ex. Felapton → majeure E, mineure A et conclusion O).

– La première lettre des syllogismes (B, C, D, F ) indique à quels syllogismes de


la première figure se réduisent ceux des deuxième et troisième figures.

– La lettre "s" indique qu’il faut convertir (simplement) le jugement indiqué par
la voyelle (E ou I, donc) précédant "s" immédiatement.

– La lettre "p" indique qu’il faut convertir (partiellement) le jugement indiqué


par la voyelle (A, donc) précédant "p" immédiatement.

– La lettre "m" indique que l’on doit permuter les prémisses.

– La lettre "c" à l’intérieur d’un nom indique qu’il faut procéder par l’absurde
3 Syllogismes : figures et modes concluants. 16

(cela concerne donc Baroco et Bocardo).

Exemple : soit Camestres : il se réduit à Celarent (même première lettre : C ).


Pour retrouver Celarent, il faut convertir simplement la mineure et la conclusion
(Camestres) et permuter les prémisses (Camestres) ; on peut représenter les choses
ainsi :
Camestres → conversions → permutation Celarent

tout P est M tout P est M & nul M n’est S nul M n’est P


nul S n’est M −→ nul M n’est S % tout P est M tout S est M
nul S n’est P −→ nul P n’est S nul P n’est S nul S n’est P

Le petit terme (sujet de la conclusion) dans Camestres devient grand terme (pré-
dicat dans la conclusion) dans Celarent et inversement. Puisque Celarent est valide,
on doit admettre que Camestres, qui n’en est qu’une forme déguisée, est également
valide. On pourra s’amuser à faire de même avec les autres syllogismes de la deuxième
et de la troisième figure.

Toutefois Baroco et Bocardo ne se réduisent pas ainsi. A défaut de ce mode ha-


bituel de réduction par conversion et permutation, on peut cependant les réduire
"par l’absurde" à Barbara en utilisant une forme élargie de la loi de contraposition :
[(p ∧ q) ⇒ r] ⇔ [(p ∧ ∼ r) ⇒ ∼ q)] (ou : [(p ∧ q) ⇒ r] ⇔ [(∼ r ∧ q) ⇒ ∼ p)]) ; en
terme d’inférence cela revient à utiliser le fait qu’une inférence de la forme :

ϕ ϕ ∼θ
ψ est valide ssi une inférence de la forme : ∼θ ou de la forme : ψ
θ ∼ψ ∼ϕ
est valide.

Appliqué à Baroco cela donne (en se souvenant que "tout S est P " (A) est la
négation (la contradictoire) de "quelque S n’est pas P " (O)) :

Baroco → Barbara

tout P est M tout P est M


quelque S n’est pas M & tout S est P négation de la conclusion de Baroco
quelque S n’est pas P % tout S est M négation de la mineure de Baroco
3 Syllogismes : figures et modes concluants. 17

Le grand terme dans Baroco devient le moyen dans Barbara et le moyen dans
Baroco devient le grand terme dans Barbara.
On peut dire qu’il s’agit d’une réduction à l’absurde de Baroco au sens où si
quelqu’un admet les deux prémisses "tout P est M " et "quelque S n’est pas M "
mais refuse la conclusion "quelque S n’est pas P ", et donc admet sa contradictoire,
à savoir : "tout S est P ", on lui montre qu’alors il se contredit ; car de la première
prémisse "tout P est M " et de cette contradictoire de la conclusion, il suit, par
Barbara, la contradictoire de la deuxième prémisse qu’il avait pourtant admise :
donc il se contredit s’il refuse la conclusion de Baroco 14

Remarque terminale.

Si l’on observe la position des termes, grand, moyen et petit, dans les trois figures
officiellement admises par Aristote, on constate que dans chacune d’elles, un même
terme est en position de sujet dans l’un des jugements et de prédicat dans un autre :
le moyen dans la 1ère figure, le grand terme dans la 2ème et le petit terme dans
la 3ème (dans la 4ème les choses sont horribles : tous les termes apparaissent une
fois en position de sujet et une fois en position de prédicat !). De plus, la réduction
des syllogismes des 2ème et 3ème figures à ceux de la 1ère, font un usage essentiel
des règles de conversion, qui supposent qu’un même terme puisse être aussi bien en
position de sujet qu’en position de prédicat.
Or Aristote admettait (cf. Catégories, 2, 1b 3-5, ainsi que 5, 2a 11-13), ce qui
semble tout à fait raisonnable, qu’un terme singulier (nom propre ou description
définie) peut bien occuper la position de sujet dans un jugement mais jamais celle de
prédicat. C’est pourquoi, il ne pouvait être question pour lui de faire intervenir dans
14. On remarquera que si l’on joint la négation de la conclusion avec la prémisse en O, on
peut bien en inférer la contradictoire de l’autre prémisse, mais (moyennant une permutation des
nouvelles prémisses) cette inférence se fait en Bocardo ! En effet :

Baroco Bocardo

tout P est M tout S est P quelque S n’est pas M


quelque S n’est pas M quelque S n’est pas M tout S est P
quelque S n’est pas P quelque P n’est pas M

On pourra s’amuser à constater le même genre de chose avec la réduction de Bocardo.


Il faut noter, avec Leibniz, que ce mode de démonstration "par l’absurde" peut être appliqué à
tous les syllogismes des 2ème et 3ème figures.
3 Syllogismes : figures et modes concluants. 18

les syllogismes des termes singuliers et donc des jugements singuliers. Le traditionnel
exemple de syllogisme que l’on trouve dans la littérature - tous les hommes sont
mortels, or Socrate est un homme, ergo, Socrate est mortel -, est donc un mauvais
exemple 15 .

15. Mais Aristote lui-même se rend coupable de la même infraction : à la fin Premiers Analytiques
il ne se privait pas de prendre des exemples de ce genre ; voir en particulier le cas fameux du
syllogisme dit "de Pittacos" en 70a 15 sq. : Les ambitieux sont libéraux, Pittacos est ambitieux,
ergo : Pittacos est libéral
A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème figure 19

A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème


figure

A.1 1ère figure, modes indirects


Certains auteurs médiévaux caractérisent les termes, majeur et mineur (ou grand
et petit), d’une manière différente de celle qui a été donnée plus haut. C’est en
particulier le cas de Pierre d’Espagne 16 qui définit le terme majeur comme celui qui
figure avec le moyen dans la première proposition, i.e. la majeure, et le terme mineur
comme celui qui figure, avec le moyen, dans la seconde proposition, i.e. la mineure.
Cette caractérisation ne se réfère donc pas à la place des termes dans la conclu-
sion : on peut ainsi admettre que, dans la conclusion, le majeur figure en position de
sujet et le mineur en position de prédicat. Si tel est le cas on dit que l’on a affaire à
un mode indirect. Les modes "indirects" de la première figure furent introduits dès
l’antiquité par Théophraste, le successeur d’Aristote à la tête du Lycée.
Pierre d’Espagne. en dresse la liste en montrant comment ils peuvent être "prou-
vés" à partir des modes "directs" de la première figure. Voici les cinq modes indirects
de la première figure :

BArAlIpton CElAntEs DAbItIs FApEsmO

A E A A
A A I E
I E I O

tout M est P nul M n’est P tout M est P tout M est P


tout S est M tout S est M quelque S est M nul S n’est M
quelque P est S nul P n’est S quelque P est S quelque P n’est pas S

16. Tractatus, IV, 2, p. 44


A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème figure 20

FrIsEsOmorum

I
E
O

quelque M est P
nul S n’est M
quelque S n’est pas P

A.1.1 "Preuve" / "réduction" de ces modes "indirects" par les / aux


modes "directs"
1. Pour les trois premiers, Baralipton, Celantes et Dabitis, il suffit de remarquer
que leur conclusion est obtenue par conversion, "par accident" pour Baralipton
et "simple" pour les deux autres, à partir des modes correspondant, à savoir
Barbara, Celarent et Darii ; on ne change rien aux prémisses.
Comme Baralipton conclut particulièrement, on ne peut, à vrai dire, le "ré-
duire" à Barbara, mais on peut le "prouver" par Barbara.
On peut présenter les choses ainsi :
A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème figure 21

Barbara Baralipton

Tout M est P Tout M est P


Tout S est M Tout S est M
conversion partielle
Tout S est P −→ Quelque P est S

Celarent Celantes

Aucun M n’est P Aucun M n’est P


Tout S est M Tout S est M
conversion simple
Aucun S n’est P ←→ Aucun P n’est S

Darii Dabitis

Tout M est P Tout M est P


Quelque S est M Quelque S est M
conversion simple
Quelque S est P ←→ Quelque P est S

2. Pour les deux autres, Fapesmo et Fresisomorum les choses sont plus compli-
quées puisque l’on ne peut les obtenir simplement par conversion de la conclu-
sion de Ferio, une proposition en O étant inconvertible. Pour obtenir l’inter-
version des termes sujet et prédicat dans la conclusion, il faut tout d’abord
convertir, partiellement ou simplement, les prémisses puis les transposer, ce
que l’on peut représenter ainsi (en allant des indirects à Ferio, de gauche à
droite) :
A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème figure 22

Fapesmo Ferio

conversion partielle
Tout M est P −→ Quelque P est M & Aucun M n’est S
conversion simple
Aucun S n’est M −→ Aucun M n’est S % Quelque P est M
Quelque P n’est pas S Quelque P n’est pas S

Frisesomorum Ferio
conversion simple
Quelque M est P ←→ Quelque P est M & Aucun M n’est S
conversion simple
Aucun S n’est M ←→ Aucun M n’est S % Quelque P est M
Quelque P n’est pas S Quelque P n’est pas S

A.2 Les modes de la 4ème figure


Cette 4ème figure, qu’Aristote n’envisageait pas, fut, dit-on, introduite par Ga-
lien 17 mais elle continua à susciter débats et oppositions tout au long du Moyen Age
et de la Renaissance.

Les règles spécifiques à cette figure (que l’on pourra s’amuser à prouver à partir
des règles générales) sont les suivantes :

1. Si la majeure est affirmative (A ou I), la mineure doit être universelle (A ou


E).
2. Si la mineure est affirmative (A ou I), la conclusion est particulière (I ou O).
3. Si la conclusion est négative (E ou O), la majeure est universelle (A ou E).
Si l’on croise ces différentes conditions entre elles et avec les règles générales, on
obtient les cinq modes concluants suivants :

17. Galien vivait au 1er siècle ap. J.C. ; il est surtout connu pour son immense œuvre médicale,
mais c’était un esprit encyclopédique.
A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème figure 23

BrAmAntIp CAmeEnEs DImArIs FEsApoO

A A I E
A E A A
I E I O

tout P est M tout P n’est M quelque P est M nul P n’est M


tout M est S nul M n’est S tout M est S tout M est S
quelque S est P nul S n’est P quelque S est P quelque S n’est pas P

FrEsIsOn

E
I
O

nul P n’est M
quelque M est S
quelque S n’est pas P

Un lecteur un peu attentif ne peut manquer d’avoir remarqué l’étroite similitude


entre ces modes de la 4ème figure et ceux, "indirects", de la 1ère figure. Il apparaît,
en effet, que seul l’ordre des prémisses est changé lorsque l’on passe des uns autres
selon le tableau suivant :
A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème figure 24

Tableau comparatif des modes indirects de la 1ère figure et des modes


de la 4ème figure.

Modes indirects de la 1ère figure Modes de la 4ème figure

BArAlIpton BrAmAntIp
A tout M est P A tout P est M
A tout S est M A tout M est S
I quelque P est S I quelque S est P

CElAntEs CAmEnEs
E nul M n’est P A tout P est M
A tout S est M E nul M n’est S
E nul P n’est S E nul S n’est P

DAbItIs DImArIs
A tout M est P I quelque P est M
I quelque S est M A tout M est S
I quelque P est S I quelque S est P

FApEsmO FEsApO
A tout M est P E nul P n’est M
E nul S n’est M A tout M est S
O quelque P n’est pas S O quelque S n’est pas P

FrIsEsOmorum FrEsIsOn
I quelque M est P E nul P n’est M
E nul S n’est M I quelque M est S
O quelque P n’est pas S O quelque S n’est pas P

Pour faire apparaître mieux encore l’étroite parenté entre les modes indirects et
les modes de la 4ème figure, on remplace dans les modes indirects, P et S par A et B
respectivement, et, dans les modes de la 4ème figure, P et S par B et A respective-
ment. Il apparaît alors avec une parfaite clarté que la seule différence entre les modes
A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème figure 25

indirects et les modes de la 4ème figure ne tient bien qu’à l’ordre des prémisses, ce
qui est logiquement insignifiant.
Modes indirects de la 1ère figure Modes de la 4ème figure

BArAlIpton BrAmAntIp
A tout M est A A tout B est M
A tout B est M A tout M est A
I quelque A est B I quelque A est B

CElAntEs CAmEnEs
E nul M n’est A A tout B est M
A tout B est M E nul M n’est A
E nul A n’est B E nul A n’est B

DAbItIs DImArIs
A tout M est A I quelque B est M
I quelque B est M A tout M est A
I quelque A est B I quelque A est B

FApEsmO FEsApO
A tout M est A E nul B n’est M
E nul B n’est M A tout M est A
O quelque A n’est pas B O quelque A n’est pas B

FrIsEsOmorum FrEsIsOn
I quelque M est A E nul B n’est M
E nul B n’est M I quelque M est A
O quelque A n’est pas B O quelque A n’est pas B

De ces modes, indirects ou de la 4ème figure, les paires Baralipton / Bramantip


et Fapesmo / Fesapo ne sont pas valides, puisque l’on est dans le cas ; prémisses
universelles / conclusion particulière, cas que l’on rencontrait déjà avec Darapti et
Felapton de la 3ème figure
A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème figure 26

Par contre, Frisesomorum est parfaitement valide, contrairement à ce que dit


Couturat, ainsi donc que Fresison.
On remarque cependant que du point de vue des classiques, les modes indirects
de la première figure en F ne devraient pas être admis sans réticences puisqu’ils ont
tous les deux des mineures négatives, ce qui contrevient à l’une des règles spécifiques
de la 1ère figure, et, plus même, que Frisesomorum contrevient à l’autre règle spé-
cifique de la même figure puisque la majeure y est particulière. Ils ne sont donc pas
vraiment de la 1ère figure.

A.3 Manipulations diverses


Comme on le voit dans le cas des indirects de la 1ère figure en B, C et D, ceux-ci
sont obtenus directement à partir de leur correspondant direct, par simple conversion
des conclusions de ces derniers. Rien ne semble donc interdire que l’on fasse subir
aux conclusions des autres syllogismes, ce même genre de manipulation, soit que
l’on convertisse les conclusions, soit que l’on passe aux subalternes des conclusions.
On obtient alors un nombre sensiblement plus élevé de modes concluants dans les
diverses figures : 12 modes concluants dans la 1ère figure (en comptant les indirects
ci-dessus et donc leur correspondant dans la 4ème figure), 10 dans la 2ème et 9 dans
la 3ème, ce qui fait un total de 31 modes concluants.

S’il n’est guère intéressant de prendre en compte les 12 qui n’appartiennent pas
à l’une des quatre figure (en admettant les cinq de la 4ème), c’est que les nou-
velles conclusions obtenues par conversion sont soit plus faibles que les conclusions
originales (cas de la conversion partielle de Barbara → Barbari ), soit strictement
équivalentes (cas de la conversion simple). Les nouvelles conclusions obtenues par su-
balternation sont, elles toujours plus faibles que les conclusions originales et comme
le disent les auteurs de la Logique de Port Royal (III, iii, 6ème Corollaire) ". . .il a
plu aux hommes de ne considérer les espèces de syllogismes que selon sa plus noble
conclusion qui est la générale : de sorte qu’on ne compte point pour une espèce par-
ticulière de syllogisme celui où on ne conclut le particulier que parce qu’on en peut
aussi conclure le général."
A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème figure 27

Table des matières


1 Termes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.1 Prédicables ; arbre de Porphyre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Les prédicaments (catégories) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
2 Jugements et carré des oppositions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
2.1 Carré des oppositions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
2.2 Règles de conversion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
3 Syllogismes : figures et modes concluants. . . . . . . . . . . . . . . . . 8
3.1 Figures des syllogismes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
3.2 Modes concluants. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
3.3 Syllogismes "parfaits" et réduction des syllogismes . . . . . . . . . . . 14
A Modes indirects de la 1ère figure et modes de la 4ème figure . . . . . 19
A.1 1ère figure, modes indirects . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
A.1.1 "Preuve" / "réduction" de ces modes "indirects" par les / aux
modes "directs" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
A.2 Les modes de la 4ème figure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
A.3 Manipulations diverses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

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