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DROIT ADMINISTRATIF
FICHE 5 - LE DOMAINE PUBLIC
Très tôt, il est apparu nécessaire d’appliquer des règles spécialement
protectrices (inaliénabilité et imprescriptibilité) au domaine de la Couronne avec l’ordonnance de Moulins de 1566 et l’édit d’août 1667, comme plus tard au "domaine de la Nation" avec les lois des 22 novembre et 1er décembre 1790 (dite code domanial). On verra également apparaître, au XVIIe siècle, une distinction entre les choses publiques appartenant au roi et celles affectées à l’usage de tous qui, par certains aspects, rappelle la dichotomie contemporaine domaine public / domaine privé.
I - L’ÉTENDUE DU DOMAINE PUBLIC
A - Les critères du domaine public En dehors des apports doctrinaux du XIXe siècle notamment, c’est la jurisprudence administrative qui a dégagé les critères d’identification des biens appartenant au domaine public.
• Pour qu’un bien appartienne au domaine public, il doit être la propriété
d’une personne publique (État, collectivités territoriales par exemple). Mais des locaux appartenant à une collectivité publique dans un immeuble en copropriété ne peuvent pas faire partie de son domaine public (CE 11 février 1994 Cie d’ass. La Préservatrice foncière). Après des débats fort longs, il est admis que les établissements publics peuvent disposer d’un domaine public (CE 21 mars 1984 Mansuy) sauf si un texte spécifique en dispose autrement (cf. pour les biens d’EDF, CE 23 octobre 1998 EDF).
• Ensuite l’appartenance d’un bien au domaine public suppose son
affectation à l’utilité publique, c’est-à-dire qu’il doit être affecté à l’usage direct du public (cf. un cimetière CE 28 juin 1935 Marecar ou une voie publique) ou affecté aux besoins d’un service public quelle que soit sa nature administrative ou industrielle et commerciale (cf. pour les terrains d’un port CE 19 octobre 1956 Société Le béton ou une gare). Dans certains ouvrages dits complexes (gare Montparnasse, La Défense), il peut y avoir différents niveaux dont seuls certains sont affectés à l’utilité publique.
• A ces critères nécessaires mais non suffisants vient s’ajouter celui de
l’aménagement spécial, notion aux contours incertains mais utilisée pour éviter l’extension du domaine public (ex : le fait qu’une plage bénéficie d’un entretien, le fait que soient réalisés des aménagements d’un hôtel de ville). Dans le cadre de l’adoption du code général de la propriété des personnes publiques, la notion "d’aménagement spécial" a été remplacée par
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• Enfin le juge administratif fait référence à la notion d’accessoires
"indispensables ou nécessaires" pour inclure certains biens dans le domaine public, dans la mesure où ils s’incorporent à des immeubles du domaine public (les appareils de signalisation et d’éclairage, accessoires des voies publiques, de même que les murs de soutènement).
B - La consistance du domaine public
a) Le domaine public naturel Il comprend les biens issus de phénomènes naturels : • le domaine public maritime (sous-sol et sol de la mer territoriale, rivages de la mer « jusqu’au point où les plus hautes mers peuvent s’étendre », lais et relais, terrains artificiellement soustraits des flots, zone des 50 pas géométriques dans les DOM). • Le domaine public fluvial (cours d’eau navigables et flottables, lacs navigables, cours d’eau destinés à assurer l’alimentation en eau des voies navigables).
b) Le domaine public artificiel
Il résulte de l’intervention de l’homme : voirie routière c’est-à-dire dépendances affectées à la circulation générale (voiries nationale, départementale, communale) avec une distinction entre les voies ordinaires et celles à statut spécial (autoroutes, routes express) et leurs accessoires (trottoirs, ponts), édifices du culte, halles et marchés, aérodromes, ports…
Par ailleurs, le code général de la propriété des personnes publiques opère
désormais une distinction, au sein même du domaine public entre un domaine public artificiel « général » et un ensemble de domaines publics spéciaux, faisant l’objet de règles spéciales, elles-mêmes codifiées : voirie, fluvial, maritime…
C - Le voisinage du domaine public
Le domaine public peut évidemment avoir des rapports avec le voisinage et deux points méritent l'attention : la délimitation du domaine public et les charges de voisinage.
La délimitation est opérée unilatéralement par l’administration (pas d’action
en bornage comme pour le domaine privé). La délimitation du domaine public naturel est un acte déclaratif et obligatoire ; les riverains ont un droit à la délimitation, auquel l’administration ne peut opposer un refus sans commettre une illégalité. Depuis l’arrêt du CE 12 octobre 1973, les limites du domaine public maritime sont celles qu’atteint le plus haut flot de l’année, en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. Concernant les cours d’eau domaniaux, l’administration constate la hauteur des eaux "coulant à plein bord avant de déborder", abstraction faite des crues exceptionnelles. La délimitation du domaine public lacustre dépend d’une cote altimétrique constante, indépendante des variations constatées dans le niveau des eaux. La délimitation du domaine public artificiel (voies publiques par exemple) est opérée par la procédure de l’alignement (établissement d’un plan général aux effets importants - transfert de propriété pour les terrains non bâtis, servitude de reculement - puis d’arrêtés
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Des charges de voisinage peuvent être prévues au profit du domaine public
comme les servitudes administratives (servitudes non aedifi candi, servitude de passage le long du littoral…) mais aussi peuvent grever le domaine public (comme les aisances de voirie [droit d’accès, droit de vue, droit d’écoulement des eaux] pour les riverains d’une voie publique).
II - LA GESTION DU DOMAINE PUBLIC
A - La protection du domaine public Il s’agit de préserver le domaine public des atteintes qui peuvent lui être portées par ses utilisateurs.
Le régime de protection tend d’abord à garantir le maintien de l’affectation à
l’utilité publique. Sont donc interdits les actes de disposition des biens du domaine public, lesdits biens étant inaliénables, imprescriptibles (ex. : art. L. 52 du code du domaine de l’État et art. 1311-1 du code général des collectivités territoriales) et insaisissables. Sont donc nuls les ventes ou échanges portant sur des parcelles du domaine public, de même qu’est exclue la constitution de servitudes à la charge du domaine public. En outre, un particulier ne saurait invoquer d’actions possessoires relativement à des biens du domaine public et l’expropriation n’est pas davantage envisageable.
L’inaliénabilité est toutefois relative. En effet, le bien devient aliénable s’il a
été reconnu définitivement inutile au public ou au service public par une procédure préalable, c’est-à-dire à condition qu’il ait fait l’objet d’une décision expresse de déclassement. Si cette formalité est respectée, la sortie du bien du domaine public et sa soumission au régime du droit commun sont possibles.
Théoriquement la constitution de droits réels sur le domaine public au
profit de particuliers est interdite, mais elle est possible dans des conditions déterminées par les lois du 5 janvier 1988 (possibilité de baux emphytéotiques conclus par les collectivités territoriales prévus aux art. 1311-2 et s. du code général des collectivités territoriales pour l’accomplissement d’une mission de service public ou la réalisation d’une opération d’intérêt général) et du 25 juillet 1994 (qui étend cette possibilité d’accorder des droits réels à l’État et à ses établissements publics pour l’exercice d’une activité privée compatible avec l’affectation du domaine cf. art. L. 34-1 et s. du code du domaine de l’État).
La protection du domaine public est également assurée par ce qui est
appelé la police de la conservation. Les mesures prises dans ce but sont sanctionnées par un régime de contraventions de voirie (contraventions de voirie routière, qui relèvent de la juridiction judiciaire [atteinte à l’intégrité d’une voie] ; contraventions de grande voirie, qui relèvent de la juridiction administrative et se rapportent aux autres dépendances du domaine public [dégradation d’une barrière de passage à niveau de voie ferrée, pollution des eaux d’un port]).
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L’administration chargée de la police et de la conservation est tenue de
poursuivre et de saisir le juge compétent à savoir le juge administratif pour les contraventions de grande voirie.
Le tribunal pourra condamner le contrevenant à l’amende, mais aussi exiger
une réparation pécuniaire ou la remise en l’état des lieux.
B - L’utilisation du domaine public
À l’affectation du domaine public à l’utilité publique doit correspondre une utilisation conforme à cette affectation ou au moins compatible.
a) Utilisation collective du domaine public
Une administration ne peut en principe interdire cette utilisation commune
(principe de liberté) mais elle peut la réglementer dans un but de police (redevances pour le stationnement des véhicules, réglementation de la circulation, réglementation des activités commerciales d’intérêt privé...). Elle doit respecter les principes d’égalité (mais possibilité par exemple d’emplacements réservés) de gratuité (mais possibilité de péages au surplus différencié, stationnements payants).
b) Utilisation privative du domaine public
Cette occupation par une personne déterminée de dépendances du domaine
public doit être conforme à l’utilisation principale du domaine, ou au moins compatible avec celle-ci.
Les utilisations privatives peuvent être soumises à deux régimes
d’autorisation d’occupation précaire et révocable : un régime reposant sur un acte unilatéral, caractérisé par le permis de stationnement et la permission de voirie (terrasses de café sur les trottoirs, kiosques à journaux), et un régime fondé sur un contrat portant occupation du domaine public, la concession de voirie qui, en vertu du décret-loi du 17 juin 1938, est un contrat administratif.
L’occupation privative est subordonnée sauf exception au paiement d’une
redevance qui est en règle générale de caractère non fiscal (néanmoins pour une qualification de redevances fiscales, voir les droits de place perçus dans les halles, foires et marchés). Les recettes publiques sont composées pour l’essentiel par des prélèvements obligatoires et, pour une part infime, par des prélèvements non obligatoires.
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