Pythagore Et Les Mysteres
Pythagore Et Les Mysteres
Pythagore Et Les Mysteres
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PYTHAGORE
ET LES
'
MYSTERES
Il Il
Il Il
lie Edition
1974
Imprimerie F. Planquart
26, rue Paul-Dusz
59000 LILLE (France)
DU MEME AUTEUR :
A la chère mémoire
de mon Instructeur et lWaître,
François SŒTE\VEY,
AV ANT L'APOSTOLAT
I. - Un pari singulier.
II. - L'exilé volontaire.
III. - L'enfant miraculeux.
IV. - L'élève dépasse ses maîtres.
V. - Les premiers voyages.
VI. - Le séjour en Egypte.
VII. - La protection royale.
VIIl. - Le martyre de l'Egypte.
IX. - Le bourreau châtié. - La captivité.
X. - Retour à Samos.
I. - Un pari singulier.
Le Pharaon Amasis dut réserver un excellent accueil au stu- C'est alors qu'une catastrophe sans précédent s'abattit inopi-
dieux jeune homme que lui avait recommandé son ami Poly- nément sur le paisible royaume d'Egypte en 525 avant l'ère
crate. vulgaire.
Il était en effet de caractère fort affable et exagérément Le roi des Perses, Cambyse, fils de Cyrus, leva une année
familier, au point que ses amis lui reprochaient souvent sa sim- considérable (27). y joignit des renforts d'Ioniens et d'Eoliens
plicité, indigne des exigences de son rang (22). et, sous prétexte qu'Arnasis lui avait refusé la main de sa fille,
Amasis n'oubliait pas ses origines modestes : il n'était que il organisa avec soin une invasion de l'Afrique. Aidé par ~n
simple employé du Pharaon Apriès, lorsque le peuple s'était transfuge, nommé Phanès, il en régla minutieusement les moin-
soul~yé contre. la t?'Tann_ie de ce prince. Un soldat qui se tenait dres détails ; il négocia notamment avec les rois arabes le pas-
d~rr1ere Amasis lui avait brusquement placé un casque sur la sage de ses troupes à travers les déserts qui bordent de tous
tete ; et c,e ge~te ~prévu.fut. ,Pris par la foule pour un présage côtés la Palestine et leur acheta de grandes quantités de cha-
et une prédestination particulière, On applaudit le nouveau mo- meaux. Il fit même rassembler en certains end.cits d'impor-
narque, qui, peu après, défi~ son prédécesseur dès leur première tantes provisions d'eau potable.
r~n~ontr~, et conserva depuis lors le pouvoir, qu'il avait acquis Amasis mobilisa ses armées et envoya son fils Psamménite
si singulièrement (23). monter la garde à l'embouchure du Delta (28).
, . (20) ~f .. l~urs biographie~, dans Diogène Laêrce. - Cf. Plutarque : (24) Id., 1. Il, c. CLXXIII. H' . d l'E t
dlsis. et d Os1r1.s, 10. - Et Clement d'Alexandrie : Stromates l l ch XV (25) Id., 1. li, c. CLXXVIII. Cf. James Breasted : Istoire e gyp e.
- Ainsi qu~ Diodore de Sicile : Rist. I, 96. · ' · · · · Bruxelles, Vromant, 1926, tome 11, p. 593.
(21) Herodote : Histoires, livre II, ch. XXXV el suivants (26) re., i. nr, c. XXXIX.
(22) Hérodote, L 11, ch. CLXXIIl. · ( 27) Id. , 1. III • c. 1 ., en 5 25 avant l'ère bulgatre .
(23) Hérodote, l. IL c. CLX1I. (28) Id., l. Ill, c. X.
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20 PYTHAGORE ET LES MYSTERES PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 21
Mais avant que les deux adversaires ne se fussent trouvés nelles d'énergie, de patience et de volonté, d'affirmer sa force
en présence, Amasis tomba malade et mourut. morale et de tremper son caractère ...
Peu après les tunérailles, l'ennemi apparut , une grande b~-
taille s'engagea, l'armée égyptienne fut repoussée et se replia La ro,ute de ,Memphis à Babylone est longue, sinueuse et
en désordre. Les Perses envahirent la terre des , Pharaons. et entrecoupée de des~rts. El~e. dut être un véritable calvaire pour
mirent le siège devant' Memphis, Ils s'en emparèrent rap.1dc- les malheureux qui la survirent par des marches forcées sous
ment, puis, les atrocités ~ommcncèrent. De nombreux Egyptiens u:1 . soleil, torride. La fatigue, la faim, la soif. la chaleu'r, les
furent torturés ou exécutes. sévices dune soldatesque cruelle entre toutes firent périr beau-
coup de captifs.
A Saïs, le tombeau où reposait Amasis, fut violé, son sarco~
phage fut prisé el sa momie en fut arrachée. Cambyse, em~orte Par un juste retour du Destin, la mort emporta inopinément
par une fureur sadique, ordonna de donner des coups de fouet le bourreau de l'Egypte avant qu'il eût pu faire sa rentrée triom-
au cadavre de le transpercer d'aiguilles, de lui couper la barbe ; phale dans sa capitale. Apprenant qu'un usurpateur s'était em-
mais co~e ce corps, embaumé avec art, résistait ~ ~o~s ces paré du pouvoir, pendant son absence, et désireux de le ren-
outrages, il le fit jeter dans les flamme~,, chose considérée par verser puis d'opérer une restauration grandiose de son trône
toute l'Egypte comme un abominable sacrilège (29). Cambyse se précipita sur son cheval et donna l'ordre du départ'.
A Memphis, il tua Je taureau Apis, d'un coup de poignard à Mais il se heurta si maladroitement à sa propre épée, que le fer
la cuisse · il fit fouetter les desservants de son Temple (30). Il lui déchira la cuisse ( 33) ; la blessure se gangrena et le tyran
viola le sanctuaire toujours clos des Cabires, où nul ne pouvait expira bientôt dans de terribles souif rances. Les Egyptiens
pénétrer, sauf le Grand'Prêtre de ce culte ; il insulta les images dirent que le Dieu Apis avait frappé son assassin à la même
des Dieux et les fit détruire dans les flammes (31). place où il l'avait, lui-même, frappé ...
Pythagore dut assister à ces terribles événements, à cette
folie criminelle, à cette orgie barbare, à l'abaissement d'un Pythagore résista à l'épreuve physique et morale du voyage.
grand peuple. Toute sa vie, il en garda l'anxieuse image, aussi Tout jeune, il s'était adonné avec soin aux exercices du corps,
l'entendrons-nous répéter souvent un pathétique appel en faveur il avait entretenu celui-ci en bonne forme, par une gymnastique
quoti dienne.
de la paix et de la concorde ; il redira à tout moment sa sévère
défense de verser le sang de ses semblables. Il triompha des douleurs de la route.
Et lorsque les hordes persanes, ivres de vin et de pillage,
refluèrent vers le Nord, en emmenant avec elles, liés deux par Sa longue captivité n'altéra point son courage ; il la passa
deux, un grand nombre de captifs, Pythagore se trouvait, ligoté, dans l'étude et le recueillement. II approfondit ses projets de
dans le triste cortège des prisonniers de guerre (32). réforme universelle, il se prépara à sa mission. Il aurait même
rencontré à Babylone un Instructeur, nommé Zaratas, que cer-
IX. - Le bourreau châtié. - La captivité. tains veulent identifier avec Zoroastre ( 34).
Et, lorsqu'après douze années de résidence forcée, il fut enfin
Se voir arraché brusquement, sans raison à ses études à ses rendu à la liberté, et qu'il put revoir sa terre natale, qu'il avai.t
~ffecti?ns, à ses amis, pour subir un long ~xil dans un~ terre quittée depuis trente-quatre années, c'était un homme accompli,
étrangère, _quelle. torture. pour un être libre ... Mais quelle utile un maître en pleine force de l'âge, qui débarqua dans l'ile pa-
leçon aussi, quelle occasion de prouver des qualités exception- triale, le cœur mûri par les expériences subies.
(29) re.,
1. Ill c. XVI. Jamblique nous rapporte que les vieillards qui l~ reçurent
(30) Id., 1. I~I, c. XXIX. Deux siècles plus tard un autre souverain des n'hésitèrent pas à le reconnaître ; ils le trouvèren~ toujours beau
Perses, A;r!axerxes III <.Ochus) s'empara à son tou; de l'Egypte et y répéta
les. atrocités et les sacrilèges de Cambyse. n fit notamment tuer le bœu! de visage, mais étonnamment profond dans ses discours (35).
.Apis, puis on le. mangea dans un banquet. Les temples furent pillés et
les murs. de la ville d~ l\lempbis_, rasés jusqu'au sol. (CL Maspéro : His-
toire ancienne des peup1es de l'Orient tome I p 754) · (33) Hérodote: Hist., 1. III, ch. LXIV, en 522 avant l'ère vulgaire.
(31) Id .. 1. III, c. XXXVII. ' ' · ·
(32) Apulée : Florid.es, livre n, XV. (34) Apulée : Flor. 15 ; Porphyre : V. P. 12.
(35) Jambl. : V. P., 20.
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PYTHAGORE ET LES l\1YSTERES
22
X. - Le retour à Samos.
Il demeura peu de temps à Samos. Cette ~ité corrompue; qui
réservait tous ses soins à une Ecole de courbsanes, ne manifes-
tait aucun intérêt aux recherches philosophiques. Le Maître
tenta vainement d'instruire ses concitoyens ; il ne put trouver
qu'un seul disciple, le fils d'Eratoklès.
Il vécut dès lors fort retiré. Il s'était construit un temple sou-
terrain, où il communiait avec les Forces de la Nature et célé- Chapitre II
brait les rites ancestraux qui unissent les vivants aux morts (36).
Cinq siècles après lui, le culte de Mithra, qui envahira tout
le monde romain, réunira lui aussi ses adeptes dans le silence
d'une crypte ou antre rituel, pour y pratiquer ses secrètes LES FONDEMENTS DE L'ŒUVRE
liturgies.
Instruit de la réalité du proverbe qui veut que nul ne soit
prophète en son pays, Pythagore comprit la stérilité de son
effort pour toucher le cœur de ses compatriotes. Que de fois I. - Le pêcheur d'hommes.
l'historien est ainsi le témoin de ce drame pathétique qu'est une
grande âme incompi ise ! Il. - Discours aux jeunes gens de Crotone.
Le Maitre quitta sans regret cette terre profane. On trouva III. - Discours aux dirigeants du peuple.
un jour sa demeure fermée. Poussé par une force intérieure il
allait rejoindre une terre nouvelle où son œuvre serait accueillte IV. - Discours aux femmes et aux enfants.
pour rayonner éternellement
' (37). ' ' V. - Sermon sur l'Agora.
VI. - Extension aux cités voisines.
VII. - Double aspect de la propagande.
VIII. - Clairvoyance et miracles.
IX. - Le genou en or.
X. - Modifications politiques.
. (4) 1.Porphyre
otficns, : V.etc
I, ch. XVII, P.... 33 ; Plutarque : Vila Hom. 151 ; Cicéron · De
(5) Diod?re de Sicile, X ; Jambl, 41.
(6) Stobée: Serm. 77 ; Jambl. : V. P. 38 ; Porphyre : v. P. 38.
(7) Jambl. ; V. P. 37 ; Dlog. Laërce : VIII, 22.
l'Y'L'Jli'(:01n. f.'I' r.J.:S l\'lYSTÈRES 27
Ces C<~ns<.·ils. 80r talr-nt du cadre habituel des leçons co -
rant~s.; l'Pducul1~n des jeunes gens de Crotone était alors
négligée au pro!1l, <l~'i jeux athlétiques, qui accordaient une
t:
1mRortanc~ cxagci cc a la souplesse du corps. C'est au gymnase
qu ils passaient ,1.a plus grande partie de la journée. Pythagore
leur enseigna qu 11 faut, dans un beau corps, une belle âme.
pas toutes soumises à Apollon e~ n umssen t-e Iles pas toutes leurs furieuses compétitions électorales, ils entraîneront l'Ordre dans
1 •
voix pour former leurs chœurs celestes ? (10). la tourmente et une tragique catastrophe sera le couronnement
de leur aveuglement.
~ L'anarchie est Je plus grand des n;aux .• elle appo~·t~ avec
elle le dérèglement et elle provoque le désordre. Tous trois sont
la cause de tous les malheurs du peuple (11). . IV. - Discours aux femmes et aux enfants.
_ Ne cherchez pas à surpasser les villes voisines en p~1s-
sance militaire ou en opulence 1na.téri~Ue ; tentez au con~ra1~e , Touchés de ~es conse~s, les dirigeants de Crotone permirent
de les dépasser en bonne foi et en J ustice ; car la b?nne fo~ pre- a Pythagore de s adresser a leurs femmes et à leurs enfants.
serve de la ruine intérieure et la justice assure la paix extérieure.
T~ute réforme de la société serait vaine si elle n'était pas
_ Pourquoi ne respectez-vous pas ln moralité .publi.que ? Ne complete. La femme est un des deux piliers de la société · corn-
donnez pas à vos enfants le triste spe;_ctacle, du .hber~1na~e. La pa~ne ~e l'h~n:ime et, mcre d~ ses enfants, elle prend un~ part
sainteté du mariage doit à nouveau etre re~abl~e. N est-il pas active a ses Joies et a ses peines, elle est sa collaboratrice per-
une union. consacrée par la liturgre. par les. Iibations et les for- manente. Elle a sa part de travail et de responsabilité dans la
mules ? Renvoyez donc vos concubines car 11 vous sera un jour vie sociale.
demandé compte de votre conduite ... » (12). Aussi Pythagore tenait-il beaucoup à s'adresser également à
Des vérités aussi sévères furent prononcées avec fermeté par elles. Il avait en effet remarqué que beaucoup de femmes de la
Pythagore. Et, chose étonnante, loin d'êtr~ hué par la foule d~s ville, dédaignées par leurs époux, tentaient de les ramener ou
magistrats, loin d'être accueilli avec fro1deu:1 par ce~ . qu il de les remplacer, par l'attrait d'un luxe inconsidéré, par de fas-
reprenait si ouvertement, il opéra. en. leurs am~s un véritable tueux excès dans rhabillement et dans la parure.
bouleversement. Peu de jours apres, ils renvoyèrent les Palla- Le Maître leur fit de vifs reproches (14) sur la vanité de ces
cides courtisanes locales qu'ils entretenaient au su de tous, en dissipations stériles. L'excès des richesses crée le dérèglement
deho. s de leurs foyers. et la décadence ( 15). Il fallait revenir à la simplicité.
Ils modifièrent aussi leur constitution, réduisirent les compé- Il leur fit aussi l'éloge de la concorde conjugale ; cette affec-
titions entre les citoyens, et demandèrent même au Maître de tion mutuelle et cette confiance absolue qui sont les bases
les assister de ses conseils, en participant à leur gouvernement. mêmes du foyer, ne peuvent jamais être trahies. Ulysse ne
On alla jusqu'à lui offrir la Présidence du Conseil ( 13). Il refusa refusa-t-il pas l'immortalité que lui offrait Calypso, à la con-
toutes ces offres.
dition qu'il abandonnât son épouse ?
Et il fit bien. Car le royaume des initiés n'est pas de ce Les femmes de Crotone lui surent gré des conseils que le
monde. Comme le prêtre idéal, l'initié inspire, éclaire, contrôle Maitre leur avait donnés dans I'Hèraion. Elles le remercièrent
ses concitoyens ; il règne moralement mais il ne gouverne pas ; du renvoi des Pallacides. Aussi lui amenèrent-elles leurs
il ne peut gérer lui-même les affaires publiques ; élément per- enfants (16). Il les bénit, s'assit au milieu d'eux et leur fit d'affec-
manent de stabilité éthique, il est l'œil qui voit tout, la main qui tueuses recommandations : - « Soyez bons, mes chers enfants,
guérit, la voix qui apaise et qui console. leur dit-il. Demeurez longtemps jeunes et purs, car la jeunesse
Ses armes sont spirituelles et n'ont rien de matériel ou de est aimée des Dieux et ils ne savent rien lui refuser. Soyez
profane. toujours bons amis, demeurez atta0és les uns aux ~utres;
Aussi le jour, où les disciples du Maître refuseront de suivre qu'aucun vain prétexte ne vous separe. Ne . vous disputez
son exemple et d'imiter sa réserve · le jour où ils voudront se pas entre vous. Ne faites jamais étalage des richesses de vos
mêler activement de gouvernement ~t où ils prendront part aux parents car les biens matériels, faciles ~ gagner, sont enc.~re plus
faciles à perdre. Si l'un de vous a subi, u:ie offense, qu il sach~
dominer son courroux et se montrer genereux pour son adver-
(10) Jambl. : V. P. 45.
(11) JambL : V. P. 175 ; Stobée : Floril., 43, 49.
(12) Jambl. : V. P. 48, id. 84, id. 132, id. 195. (14) Jamblique : V. P. 56. . Ar'
(13) Valère Maxime : VIII, 15 ; Cicéron : De Orat., III, 15. (15) Id.: V. P.171; Stobée '. Flor., 43, 79 ~Isocrate· eop. 1 ·
(16) Jambl. : V. P. 51.
PYTHAGORE ET LES l\.fYSTÈRES
30 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 31
saire . qu'il ne lui garde pas rancune, qu'il lui pardonne son acte VII. - Double aspect de la propagande.
et ne cherche jamais à se venger ... »
L'œuvre ~e ,Pythag?re possédait une double originalité. Elle
s~ développait a l~ fois sur deux plans distincts et s'assurait
ainsi une pro (onde resonance.
v. _Le sermon sur L'Agora.
1° Les anciens Maîtres enseignaient en leur demeure un
T ou S les biographes du Maître insistent sur l'extr~ordi.n~ire nombre réduit de ?isciple.s ; cet tains même n'en acceptaient que
succès de son enseignement. , « Il c h arma les âmes . ' dit Dicéar- deux ou un seul a la fois. Pythagore, au contraire, s'adresse à
(l7) Il rut l'apôtre éloquent et persuasif de la, ~ertu ~>, la masse du peuple.
iu~t» Justi~ <(18). « Il n'enseigne pas les âmes, il les guérit », dit
Il prêche à la multitude, il communie directement avec elle.
Elien (19). Il lui enseigne les premiers éléments de la morale et fait sur
Son influence fut telle qu'il s'opéra à Crotone une véritable elle une impression profonde. Il organise ainsi, par des discours
révolution. Il avait fait un sermon sur l'agora, ~evant ~e et des causeries, une propagande exotérique, première étape
grande multitude de peuple. « En un seul jour, 11 convertit dans la lutte pour un monde meilleur. Platon et son maître
2.000 personnes », dit Nicomaque (20). Socrate imiteront un jour cette publicité g1 acieuse et familiere
pour les idées qui leur seront chères ; ils se promèneront sur
Et Apollonios précise que 300 jeune~ gens qui l'av~ient l'agora ou dans les jardins d'Akadémos et donneront à leurs
écouté quittèrent sur le champ leurs familles et ne rentrèrent auditeurs les premiers pi incipes de la philosophie.
plus e{1 leurs demeures, pour aller habiter avec lui (21).
2° Ce travail préparatoire accompli, il s'opérera une sélec-
Les auteurs confirment tous la réalité de cet élan mystique, tion sévère ; seuls, les meilleurs seront appelés par le Maître à
qui embrasa toute la cité. Selon Jambliq~e (22) et Diogène devenir ses collaborateurs ; eux seuls recevront, goutte à goutte,
Laërce (23), 600 disciples aui aient ab~ndo~ne ~eui:s proches ~our la précieuse liqueur de la Vérité: une révélation graduée des
aller vivre en communauté, sous la direction éclairée du Maitre. Mystères, matière qui demeurera toujours étrangère à la masse
incompréhensive, qui ne peut dépasser le stade de l'éthique.
VI. - Extensions aux cités voisines. Le Maître sera le seul gardien de son Ordre : il fera lui-même
le choix des élus, en pleine souveraineté (25). Seuls, les disciples
qui lui donneront toutes garanties intellectuelles et morales et
Ce n'est pas seulement à Crotone que la voix pathétique du qui, pour le suivre, n'hésiteront pas à tout abandonner : position
réformateur opéra de semblables mouvements des âmes et attira sociale, activités profanes, famille, pourront être jugés dignes
à une vie plus parfaite l'élite de la jeunesse. De nombreux ado- d'entrer dans I'Ordre hiérarchique et disciplinaire, dont il sera
lescents, venus des villes voisines, accoururent à Crotone et l'animateur.
furent, eux aussi, les élèves assidus du Maitre. Rentrés en leurs
patries respectives, ils propagèrent aussitôt ses doctrines (24). Encore cette faveur leur sera-t-elle difficilement accordée ;
il n'hésitera pas à leur imposer une attente longue et parfois
Locres, Sybaris et Rhegium connurent bientôt des commu- déprimante · un stage pénible et rempli d'épreuves (26) de toutes
nautés pythagoriciennes, à l'image de la maison-mère de Crotone. sortes, susceptibles de faire apparaître le degré de leur initia-
bilité.
( 17) Porphyre : V. P. 18. Et lorsqu'ils auront enfin franch.i 1~ seuil du S~nctu~ire et
(18) Justin, XX, 4. qu'ils auront été admis à la communication des Mystères, il l~ur
(19)
(20)
Var. Hist. IV, 17.
Porphyre : V. P. 20. demandera un effort quotidien, une a~·?eur cons~~n~~· LI? zele
(21) Jambl. : V. P. 254. dévorant du corps et de l'âme, dans 1 étude et 1 édification de
(22) V. P. 29.
(23) VIII, 15.
(24) JambL V. P. 33 ; Nicomaque dans Porphyre, V. P. 21. (25) Jambl. : V. P. 71.
(26) Id. 72 ; Diogène Laërce, VIII, 10.
PYTHAGORE ET LES MYSTf:RF:S 33
PYTHAGORF. ET LES """'S'l'~RES
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32
. , ' li 11 leur réservera une formation si . On lui attribu~it le don de psychomél11c : H lisait les mis-
leur personnal1te nouv e. ~·t ndue une base scientifique si sub- sive~ encore fe,rme~s, (31). Il avait un rnystêrieux pouvoir sur
complète, un~ cultur~ si e. esava1;ts et des sages, des physiciens l?s ~léments ~echa1ncs : on le vit faire cesser la g1 èle, mett e
stantielle, qu il en fedra des . 1· tes et des législateurs, de véri- fin a la tempete, calmer la mer en fui ie et apaiser un fleuve
et des astronon1es, es ~?1 a 15 débordé (32).
tables Guides de l'human1te. ,
Et si certains parmi eux demeureront en P~r:manence auprès .11 guérit de nombreux malades (33), par l'imposition des
d lui pour l'assister dans la formation journal1e~c. de no~veaux mains, p~r des chants et par les sons d'une douce musi-
e ' d toutes les cités du monde hellcn1que, d autres que. Un J~une homme de Tauroménium, qui s'était énivré plus
adeptes venus e , d 1 té que de raison, échoua devant la demeure de son amie et trouva
ntraire recevront l'ordre de se séparer e a ~ommulnau o,
au Co ' t · · · ou· v continuer a pro- le loquet fermé de l'intérieur. Il tenta vainement de foi cer la
il les renverra dans le monde ex erreur, P . 1 •
a ande exotérique et éclairer. le~1rs conc1~oyen~ ~e l.e~rs co_n: port~ d'enti ~e et, saisi d'une crise de rage, il voulut mett e le
~eJs salutaires. Ils formeront ainsi le prermer T1cts-01d1e. eu1? feu a la maison. Pythagore, qui, dans une habitation voisine
· . mêlés à la vie profane, ils ne perdront cep~ndant Jamais faisait à ce moment des observations astronomiques. fut alei tê
~~~~~~t avec I'Ordre, qui les au~·a instruits. Ils br1lleron~ ,alors, par ses cris ; il se hâta d'aller quérir un joueur de flûte et lui
au nombre de plusieurs centaines, dans toutes les cites de demanda de jouer un ail doux et mélancolique, qu'il accom-
Grande-Grèce (27) ; on en ti cuve.ra en Si~ile, ~n Grèce, dans les pagna de son chant. Aussitôt dégr isé, le jeune homme recouvi a
iles ; il en paraîtra même en Syr1~, en Asie Mt~eu~·e, en Egyp~~· ses esprits et rentra, apaisé chez lui, après avoir reg.etté en pleu-
Ils laisseront derrière eux des Lois, des Const1t~t1ons, des P.1 e- rant son aveuglement passager (34).
arnbules, des Traités de Morale et de Cosmologie: Leur act1?n
se continuera pendant plusieurs siècles et se traduira dans 1'~1s-
toire de la pensée humaine par une trace brillante, par une lumière (X. -Le ge11nu en en.
impérissable ...
Jamblique nous rapporte une curieuse légende (35).
VIII. - Clairvoyance et miracles. Il vint u '"\ jour à Crotone, un étrange missionnaire. C'était un
Scythe, aux cheveux fauves : il se nommait Abaris et était prêtre
Le Maître donna à ses contemporains de nombreux témoi- d'Apollon Hyperboréen. Il trainait avec lui la lourde flèche du
gnages de sa clairvoyance. Ses biographes lui attribuent des faits Dieu et allait, de porte en porte, demander une obole pour son
merveilleux. Temple.
Voyant un navire entrer dans le port, il annonça à la foule Il avait déjà recueilli beaucoup d'or.
qui lui demandait quelle cargaison il portait : « C'est un mort,
qu'il vous ramène ». Peu après, le bateau aborda et débarqua un Lorsqu'il pénétra dans la demeure du Mait: e. et qu'il aperçut
cadavre (28). celui-ci, Abaris poussa un grand cri et se prosterna, le fi ont contre
Un autre jour, il prédit, après avoir bu de l'eau d'un puits, terre :
qu'un tremblement de terre était proche ; il se produisit en effet - Mais c'est Toi, le Dieu que je sers, mumura-t-il avec respect.
trois jours après (29).
Et il déposa à ses pieds la flèche magique el le sac d'or qu'il
Il parcourait souvent de grandes distances en très peu de portait.
temps et Porphyre affirme même qu'il fut vu le même jour et
au même moment à Métaponte, en Italie et à Tauroménium en Pythagore le releva doucement, lui donna le baiser de paix
Sicile (30). ' et lui dit :
(27) Jambl. V. P. 265-267.
(28) Jarnbl. V. P. 142 ; Porphyre, V. P. 28.
(31) D. Laérce : VIII, 41.
(32> Jambl. : V. P. 135 ; Porphyre : V. P. 29 et 27.
(29) Jambl. V. P. 136 ; Porphyre : V. P. 29 ; Andron d'Epbèse : Praec. (33) Aellen : Vnriae. Histor. lV, 17.
Ev. L., X, 3, 6.
(30) Porpb. : V. P. 27. (34) Jambl.: V. P. 112.
<35) Jambl. : V. P. 135 ; Porphyre : V. P. 28.
34 PYTIIAGOHE ET LES l\lYSTÈRES PYTHAGORE ET LES M~YSTtRES 35
'es pas trompé mon fils. Je suis descendu sur Le pouvoir serait, comme la paternité, une relation conforme
- « T u ne t ' • · d l ·s
la terre pour éclairer les hommes et pour 1 es gu~ru.' . cd _cwl à l'ordre naturel des choses, une tradition qui descend du père
·. ·
maux. J 81 pl lS
.· la Ioi me humaine pour . ne pas inttrru
li éCI é es• au fils et ne suit pas la voie opposée. Il ne peut être soumis aux
mortels. Pour te prouver sans doute possible ma qua it v ri- fluctuations des agitations électorales.
table, je te pei mettrai do voir mon genou ». .. Tout est ordre et harmonie dans le monde. disait le Maître.
Il souleva son manteau et Abaris vit qu~ le genou du Maitre Rien ne procède du hasard ; la cité doit elle aussi pat ticiper
était doré comme l'est la divine lumière solaire. pour sa part a' ce rythme universel. Il faut' donc mettre
1
fin aux
Jamblique ajoute qu'Abaris devint le serviteur dévoué et le stériles brigues partisanes, aux vaines agitations populaires, aux
compagnon de voyage d~ M~itrc, son fidèle collab?rateu~. ~'~r compétitions personnelles des candidats.
qu'il avait recueilli fut repai ti e_ntre les commu_nautes de 101d1~
et facilita à la fois leur extension et leur habitude de soulager Tout doit s'effacer devant le bien de la communauté.
les inI01 tunes. La concorde, l'union, l'affection rapprocheront entre eux les
Le Maître imposa à Abaris le silence sur sa nature, mais le citoyens. La vertu, la piété, la science les conf il meront dans une
peuple, poussé par une intuition spontanée, continua à l'appe- commune destinée.
ler : « Apollon descendu sur la terre ».
La Loi doit faire le bonheur de tous, il faut la vénérer et la
Comment ne pas souligner cette légende lorsque nous voyons chérir comme une mère (37).
certains prêtres porter l'image du disque solaire au sommet de
la tête. pour affirmer qu'ils sont, eux aussi, les enfants de la Quant au prince, il doit être le pasteur de ses brebis et ne pas
Lumière ? s'en faire le bourreau (38).
Ne diront-ils pas, orgueilleusement : « Mithra est ma cou- Telles furent les instructions que donna le Maître aux diri-
ronne ? » geants politiques. Elles furent entendues car dans plusieurs cités,
D'autre part, certains rites imposeront à leurs néophytes de les divisions cessèrent et les magistrats les plus éminents demeu-
se présenter à l'initiation, le genou découvert, pour marquer leur rèrent en charge.
désir de devenir les fils du Soleil.
Mais depuis la dispai ition du Maître, que de nations ont péri,
pour n'avoir pas tenu compte de ces préceptes !
X. - Modifications pol.itiques.
Nos conceptions modernes de la démocratie ont créé un autre
P~thagore conseilla aux dirigeants du peuple, appelés : Le mode de vie, un autre idéal, d'autres disciplines. Nous avons dès
Conseil des Mille, de modilier leur constitution et de s'organiser lors quelque peine à comprendre l'idéal social des Grecs anciens.
en aristocratie (36) c'est-à-dire de réaliser « le meilleur gouver-
nement, par le gouvernement des meilleurs ».
11 voulait concilier à la fois l'ordre et la liberté qui ne peu-
v~nt exist~r l'un sans l'autre, sans péril pour la 'paix sociale.
L ordre doit cependant primer la liberté et réprimer la licence.
N'ou?lioi:s pas que le long séjour qu'avait fait Pythagore en
E~pte lavait ~1s en contact avec un système politique bien
~fîérent d~ celui que pratiquaient les petites démocraties de la
. rande_-G~ece. Le Pharaon, représentant des Dieux de l'Egypte
imposait a so~ ~euJ:?le . . une obéissance absolue. Il n'admettait
°.
P1 1nt . . que celui-c~ put etre consulté par un vote ou pût choisir
ur-memo ses mag1strats.
(36) Porphyre : V. P. 54. (37) Stobée : Fior. 79, 75 ; Jambl. : V. P. 99 et 175 ; Porphyre : V. p. 38
(38) Stobée : Flor. XLVI, 61.
Chapitre Ill
L'ORGANISATION DE L'ORDRE
Lorsque la Fraternité eut établi de nombreux essaims dans VII. - La clé d1t Symbolis1ne.
l~ monde hellénique, il est probable que les Politiques organi-
serent encore une classe d'Inspecteurs, chargés de la surveillance Tout est symbole et allégorie dans l'étude. .d~s l\fy!~tr~~
des communautés étrangères et notamment de l'orthodoxie de Jamais ils ne sont dévoiles directement car la Vérité ne p
leurs enseignements.
sa sagesse.
U~ tel attac~ement ~e ~ut être provoqué que par un Maitre
exceptionnel, vraiment nimbé d'un reflet céleste.
(38) Jambl. : V. P. 128.
(39) Id. 127.
( 40)Id. 239.
(fl) JambL : V. P. 237-238.
(42) Cicéron: De Natura-Deorum, l. 1, ch. V. 10.
I. - L'incident de Sybaris
Diodore de Sicile nous rapporte (2) que le Maitre intervint V. - Les difficultés du vainqueur.
personnellement dans le litige et résolut ainsi le conflit des cons- Malgré l'éclatante victoire remportée sur sa rivale, Crotone
ciences : ne connut pas le bonheur de la concorde. De grandes dissen-
- « Vous ne pouvez, dit-il, arracher de vos autels l~s sup- sions naquirent entre le Sénat et le peuple, relativement au par-
pliants qui en ont invoqué la s~in.teté. Sy.ba1~is est san~ droit po~r tage des terres conquises (5). Les démagogues voulaient qu'elles
vous les réclamer. Le droit d asile est inviolable. Rien ne doit fussent réparties par têtes d'habitants. ce que lP Sénat refusait.
vous détourner de votre devoir ». Une seconde cause de difficultés fut l'agitation des esprits (6),
Des membres de la Députation de Sybaris l'interrompirent qui se répandit à ce moment dans toutes les colonies achéennes.
par des sarcasmes et des injures. . . Une fièvre révolutionnaire se propageait de ville en ville. Des
L'un d'eux. qui avait appris que Pythagore passait pour avoir émeutes entrainèrent la chute de la plupart des Conseils oligar-
visité les Enfers. lui cria, ironiquement : chiques ou aristocratiques. Le peuple prit le pouvoir en de nom-
r Toi qui vas voir les morts. sache que je te remettrai une breuses cités. Son premier soin fut d'abolir les constitutions qu'il
lettre pour mon père défunt. tu la lui donneras à ton prochain estimait réactionnaires. Il supprima les magistratures hérédi-
voyage et tu m'en rapporteras la réponse ... » taires et les fit désigner par le sort. Les chefs des gouvernements
Le Maitre regarda tristement le blasphémateur et refusa de fuient invités à soumettre au peuple un rapport sur leur ges-
lui répondre. Mais on l'entendit murmurer : « Je ne vais point tion ; ils devinrent ses serviteurs au lieu de demeurer ses guides.
au lieu des Impies » - il indiquait par là que le père de son Tout citoyen put dès lors briguer les charges publiques et parti-
insulteur, mort tout récemment après avoir assassiné plusieurs ciper au pouvoir.
frères de I'Ordre. citoyens de Sybaris, expiait dans le Tartare Crotone n'échappa point à la contagion des idées nouvelles.
la gravité de ses crimes.
La résistance des grands exaspéra la foule, Des élections fort
Il descendit vers la mer et s'y purifia des injures subies (3). tumultueuses amenèrent au pouvoir un Conseil démocratique,
Pendant ce temps, le Sénat des Mille délibérait. Comme il après un gouvernement de transition dirigé par Hippase, Dio-
comptait parmi ses membres les plus influents plusieurs adeptes
de l'Ordre, ils firent état de l'avis de leur Maître. dore et Théagès. . , .
Toutes les institutions traditionnelles de la cite furent aussi-
La décision qu'ils prirent fut à la fois conforme à la dignité tôt balayées et l'Ordre perdit; sur ,le champ . l'influence considé-
de Crotone et à la solidarité initiatique.
La cité refusa de livrer ses hôtes. rable qu'il avait si longtemps exercee sur la ville.
Car ~ est la qu 11 reçut dans 1 Ordre son dernier disciple direct Sa clairvoyant naturelle, encore affinée par l'approche de la
Empédocle d'Agrigente, qui se glorifia toujours d'avoir été initié
par lm. mort, lui permit sans doute d'apercevoir, dans les siècles qui
devaient suivre, la permanence de son Ordre, son triomphe uni-
C'est là aussi que sa demeure fut, après sa mort làtransformée
1 versel et le merveilleux cortège des 500 Pythagoriciens célèbres
e~ :r'emple « des. Mystè,res. de Cérès » (19). C'est enfin que qui seront toujours la gloire du monde antique.
Cicéron fe~a un p1e~x pel~r~nage, et ira voir : « le lieu où il avait Il dut deviner que les persécutions humaines sont limitées et
perdu la ~e et le siège, ou 11 avait coutume de s'asseoir » (20). ne survivent pas à leurs auteurs, que les cités rebelles regrette-
raient leurs égarements et rappelleraient un jour les proscrits ?
C'es~l'=~~1t;j,~ ~a~i~é ~ant. la g.ran?e per~écution cylonienne ? Vit-il les meilleurs de ses fils prendre le pouvoir à Tarente,
matiques , , ris o e. u bien vint-il s'y refugier après les dra-
Mouseion ~~el~e~llent; de Crotone et finit-il ses jours dans le où Archytas fut sept fois statège et initia le jeune Platon aux
Vl e. Mystères de I'Or dre ? (21) Vit-il aussi tout le monde romain s'im-
L'histoire n'a pas résolu ce problème. prégner de ses doctrines : le consul Varron (22), les censeurs
Appius Claudius (23) et Caton (24) postuler humblement l'en-
Comment d'autre part e y . l . .
et l'absence de tout sé ulcr x~ 1ffiuer. ~ disparition de son corps trée dans son Ordre ? le sénateur Nigidius Figulus (25) faire
disciples fidèles, qui d~po~ ,e · t ut-il ,1nh~e en secret par des creuser un Temple souterrain à ~orne, pour y célé?r~r en secre:
seren sa dépouille dans un des rocs les rites traditionnels des Sébastiques ? 1€ grand Cicéron errer a
Métaponte à la recherche de ses traces ? Entendit-il le Sénat
(14) Jambl. : V. P. 261.
(l5) Hippol, Réf. Her I 1 ,
des contradictions Stoïcie · ' §' 2 · C est aussi l'opinion de Plutarque (C!. (21) JambL : V. P. 127.
(lB) nnes,
0.iog, Laërce : VIII 40
37) (22) Pline : H. N. XXXV, 160.
.
( 17) Porphyre : V. P. 55'~57 . (23) Cicéron. Tuscul. IV, l, 4.
( 18) Porph. Id. · (24) Id. de Senectute, Il, 88. . B ·u
(25) Sur N. Figulus. Voir les pages 196 et suiv .. dans ~a ,as1 ique
(19) Diog, Laërce : VII1 1 5 .
(20) Cicéron .· De Fi"':b'
v·Val. Pythagoricienne de la Porte Majeure, par J. Carcopino, Paris, 1 Artisan
..._. us 2 4 Max. : VIII ' 15 ' 1 .
J 1 ' •
du Livre, 1926.
62 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
LIVRE 11
INITIATION DE PYTHAGORE
. . 1. conviclion qu'avaient les Sages , La peste c~~sa sur le ,ch~mp et les Athéniens offrirent, par
Il a, c,n tes, ~9ur ~. igtn~, a ssède une âme immortelle ; elle décret, au purificateur crétois, un talent d'argent et le navire
de la. C~· ~c qu? ,...1 e~l~ uma1~e l~an; la prison de la chair lui ins- qui l'avait transporté. Epiménide refusa l'argent et rentra dans
est do igme céleste i s~,c~u d .eti ouver de réintégrer sa patrie l'île, où il ne serait mort qu'à l'âge de 157 ans (27).
pLc en pe1?1anen le ~ es1ros: à·obstacle~ à cet élan sporitanné ! Telle est la légende traditionnelle.
pe du~. Mais que. ~ vie o~f de souillures ne sont pas la rançon Lorsque le même Diogène nous rapportera (28) que c'est
~~~~;e~xi1et:i~~~~:-~nfe~ette lutte c?i:tinuelle entre la . ref~l~C'rc~e Epiménide lui-même qui accueillera Pythagore en Crète et des-
. . . aux appètits de sa natu. e in e110u e, cendra av~c lui dans la caverne du Mont Ida, pour l'y recevoir
du salut et sa soumission ~ .. , br . le une aux Mysteres de Zeus, il oublie que le Maître de Samos était
ln fra e alternativen1ent de lumière et dom 1 e ' sou ' ~
.. PPt. épé tée pourra· la délivrer du fardeau de ses Iautcs, postérieur à Solon, que précédait lui-même Epiménide. Ce seul
pu.r.ica ion 1 '- ·t t
détail fait rejeter par H. Demoulin, la réalité de leur ren-
lui rend e sa candeur originaire et la plonger à nouveau en c a
conti e (29).
de ré.onance sur le Divin. , , . . ff.
Il y a donc une douole purification a réaliser pour sa ~~n- Voyons maintenant en quoi consistaient les rites Catharti-
hl de la tutelle de la matière, pour pi agresser vers la pei Iec- ques de la Crète, auquel Pythagore fut soumis.
~io~ e~ se rapp.ocher du monde spiritu~l : celle du c?!'PS, qu~ On peut les schématiser comme suit (30) :
l'on atteindra par les lustrations et les rites ; . cell~ de 1 arne, qui l" Avant d'être admis dans l'antre de Zeus, le postulant
se . .a obtenue par les prières et l'efficacité des Iiturgies. devait subir une purification par l'eau de mer et par la « pierre
Nous verrons plus tard l'Orphisme r~p1~ndr~ ~vec un enthou- de foudre » ; les Dactyles opéraient ce rite et disaient au pos-
siasme sévèi e cette vieille idée de la Crete mspiree. , tulant : « Puisse cette eau, symbole de ta candeur première,
Celle-ci eut plusieurs instructeurs ; le de~in Thalet~s, fut « purifier ton corps comme la vertu purifie l'esprit ».
invité par Lycurgue à officier à Sparte (24) ; mais le plus celebre
2° Une fois purifié par l'eau et la pierre magique. le candidat
des Sages crétois fut I'ênigmatique Epiménide.
devait se coucher au soleil sur la plage de l'île et passer sa jour-
née dans la méditation et la prière. C'est la purification par le
III. - Le Cathartique d'Epiménide. feu du ciel.
3° Lorsque la nuit tombait, on l'enroulait dans une peau
Diogène Laéi ce nous a conservé ( 25) sur le grand Crétois des d'agneau noir. Il se couchait sur les bords du fleuve et con-
renseignements inégaux en valeur ; né à Cnossos ou à Phaestos, tinuait son recueillement.
à la fin du VIIe siècle avant notre ère, Epiménide, fils de Dosia- 4° A l'aube, les Dactyles venaient le chercb~r et. le ~o~du1-
dès et de Blastè, se serait endormi dans une caverne pendant saient enfin dans l'antre de Zeus. Il y de_meura1t trois per1ode~
cinquante-sept ans ; à son réveil, il fut reconnu par son frère de neuf jours. On l'y soumettait aux epreu~es corr.imunes a
qui dans l'intervalle était devenu un vieillard. Il commença son toutes les initiations : arrivée, voilé, au lieu rituel ; interroga-
rôle de p.ophète et de législateur. Sa réputation de devin était toires, jeûnes, purifications et ~rières ; lustrations nouvell~s ~t
si répandue que, lorsque la peste fit son apparition à Athènes, sacrifices · enfin on lui enlevait son bandeau et on Je laissait
on lep ia de la conjurer. seul, faire' une v~ille angoissante, dans les ténèbres,. de, la_ grott.e.
Nicias, fils de Nicératos, vint le chercher en Crète et le ramena Ce n'est qu'après d'autres épre~ve,s ;n.corr. qu il eta;t enfin
à Athènes (26). dépouillé de sa peau d'agneau et admis a l investiture sacre~:
Epiménide purifia la ville et offrit aux Dieux un sacrifice Une fois initié, il avait le droit de contempler le Trone de
expiatoire ; il le fit lâcher à l'Aéopage des brebis blanches et
noi. es et les it immoler, chacune à l'endroit où, après un libre Zeus.
vagabondage, elle s'arrêter ait d'elle-même.
(27) Diog. Laërce : I, 112.
(24) F. Dsmoulin : Eoiménide de Crète, page 71. Bruxelles, Lamer· (28) Diog. Laërce : VIII, 3. .
tin, 1901. · (29) Epiménide de Crète par ~· Dem?uhn, p. e.~. p -chê Paris, Payot
(25) Livre I, Ch. X, 109 à 115. (30) Porphyre : V. P. 17 ; voir Erwin Rohde . S) ... e,
( 26) Diog. Laër ce : I, 11 O. 1928, page 107, note 4.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTI:RES
72 73
50 On lui enseignait alors la Cathartique, spécialité des Mys- Le rêve en est souvent l'exercice spontané . l'ho · ,A
' t ·1 , 1 · h . , mmc q u1 1 cve
tères crétois. n ~s -1 ? pas P us ~1c e et plus sensible que l'homme à l'état de
7° Il apprenait aussi la divination, par le vol des oiseaux et veille . Ne peut-il pas se deplacer, en songe, a de grandes dis-
tances, ~v.ec la? vitesse de l'éclair ? ne peut-il pas fendre l'air
par la fumée de l'encens. , , . , . ~omme 1 01s~au '. c.t trav.erser ~outes sortes d'obstacles ? N'obtient-
L'étude de ces rites ancestraux nous révèle certains détails 11 p~~ ~e premon1~1ons s1~~ulieres. et ou_ des réponses brillantes de
des Mystères. Qu'est l'initiation, sinon un affranchissement des clar te a des problemes qu 11 croyait, de Jour, insolubles ?
servitudes du corps ? la domination de l'esprit. sur le corps ? la
primauté de l'intelligence sur les sens ? la mise au pas de nos L~s A?ciens accor~aient au rêve une importance considéra-
ble. C est a cette occasion que les Dieux visitent les humains et
tendances inférieures ? leur font des communications importantes (31).
La peau d'un agneau noir est à cet égard, significative. Elle
symbolise la nature animale, les passions violentes. les appétits Le long som~cil d'~piméni?c de Crète a rapport à cet ensei-
grossiers dont le Sage doit se dépouiller, pour arriver à la gnement. Le fait de s endormir dans une caverne inspirée ou
Lumière. La couleur noire de cette peau rituelle est le symbole dans le temple d'une divinité favorise l'éclosion heureuse du
de l'aveuglement profane. dont le myste doit parvenir à se libérc r. phénomène.
Le rite cathartique rejette donc tout ce qui est le rappel de D'autres antres - tel celui de Trophônios en Béotie - ensei-
la bête. Quel n'est donc pas l'incompétent égarement de cer- gnaient la même vérité ; les malades n'assiégeaient-ils pas les
tains rites modernes, qui, parodiant sans l'égaler, l'initiation temples d' Asklépios (32) ou d' Amphiaraios dans le but d'y passer
antique, imposent à leurs néophytes, après qu'ils ont reçu la la nuit et avec l'espoir que le Dieu les visiterait en songe et leur
lumière, le port d'une peau animale ? C'est justement le con- donnerait le secret de leur guérison ?
traire qu'enseigne le rite ancestral de la Crète : une fois initié, Et Philostrate nous raconte qu'Apollonius de Tyane descen-
on rejette la peau animale au lieu de la porter ... dra, lui aussi dans un antre - celui de Trophônios - et y rési-
Mais il est probable que les Mystères crétois donnaient au dera toute une semaine (33).
néophyte une autre révélation, sur ·un des éléments de l'ésoté- L'initiation crétoise laissa en Pythagore un souvenir vivace.
risme universel.
Il imposa à ses disciples des purifications quotidiennes, des
On sait que l'homme, une fois plongé dans la nuit de son lustrations répétées ; le souci de la propreté physique et de la
sommeil, voit brusquement sa conscience réapparaître et reçoit
netteté morale sera poussé chez eux jusqu'à la manie, jusqu'à
al~rs, par· un reve, des communications imprévues. Peut-il
l'exagération (34).
merne, comme l'enseignaient certains Mystes, voyager menta-
lement, dans le temps et dans l'espace ? entrer en relations avec Il attirera d'autre part leur attention sur l'importance des
les Forces Supérieures ou avec les âmes des morts ? communier rêves, au point de vue ésotérique (35).
~v~c les forces, élémentaires de la Nature ? ou même, apercevoir Digne disciple du grand devin de Cnossos, qu'il ne connut
a l avance les evenements du futur ? qu'indirectement par ses successeurs mais dont il s'assimila la
~ou~ homme a en lui, des sens inconnus ; il n'en soupçonne doctrine, il veillera à la constante résonance de ses adeptes sur
~as 1 ex1~tence, parc~. que depuis des millénaires, il a refusé de les réalités spirituelles.
s en servir, de _les utiliser régulièrement, de les entretenir par un
const~nt exercice; Lorsqu'ils lui donnent, parfois, malgré lui, un
(31) Homère : Iliade II, 5 ; Platon : Banquet, 303 a : Eschyle : Eu-
~ertissement précis, 11 appelle ce fait son intuition, sans se ren- mén. 104 ; Diog. Laërce :'VIII, 32 ; Jambl. 107 ; Cicéron : De Divin. 1. II,
e compte de la nature réelle de cette activité cachée ch. 59.
dansO~~~es,tantcienr:es initiati.on~,. voulant réintégrer le. néophyte (32) Cf. Méautis : Pélérinages en Grèce. Genève 1941, pp. 137 et suiv.
e a ancien et primitif dans t ., et Jambl. : Des Mystères, I, III, 2-3. Cf. aussi : Thassilo de Sc~effer : Mys-
révélee engageaient I'initié , ' sa na ure entièrement tères et Oracles helléniques, Paris, Fayot. 1943, pages 177 et suivantes.
mer ' · ~ 1. ~e, a. recouvrer ses dons perdus, à rani- (33) Philostr. : Vit. Ap. Tyan, 1. VIII, ch. XVIII.
secon~~v~~1 es~e~, ~oss1b1htes an:e~trales. La clairvoyance ou (34) Diog. Laërce : VIII, 31, Jambl. : V. P. 98, 10~.' 153, 155. •
(35) Jnmbl. : Des Mystères, I. III, 2-,5. Cf. Sur l irnportanee des reves
sible de réveiller. u e de ces qualités endormies et qu'il est pos- chez les Pythagoriciens : Pierre Boyance ; Le culte des M~ses chez les
Philosophes Grecs. Paris, E. de Boccard, 1937, pages 110 et suiv,
'
PYTHAGORE ET LES MYSTERES
74
PYTHAGORE ET [,ES MYSTt:RES 75
IV. - Les Mystères de l'Egypte.
Et d~ns un pas.~a~~ ~cvenu classique, Apulée (38) ne dit-il
Mais c'est certes l'Egypte, terre classique des Mystèi es, qui pas: en pa~ lant de l 1n~t1at1on de Lucius aux Mysteres égyptiens :
aura sur lui la plus grande in,fluence initiatique. , . « J ai atteint les confins de la mort. Ayant foulé le sol de Pro-
• •l •
« Il passa vingt-deux années dans les ~emplcs de, l E~y~t<'. d~t serpmc. J on suis revenu, en traversant tous les éléments ? »
« Jamblique (36) ; il y étudia l'astronomie et la geomc~r1e ; 11 D'autres. ~';lteurs, au cor:traite, et B1 iem (39) nous en parait
« s'y fit recevoir, non en courant ni n'importe comment, a toutes le plus qualifie, contestent energiquement cette thcse et s'obsti-
« les initiations des Dieux ». nent à ne voir dans la Grande Pyramide qu'un tombeau de di-
mcnc.; ions considérables.
« Non en courant » : dit l'auteur ; cela indique que loin de
demander en hâte d'être l'objet d'une investiture occasionnelle, N'essayons pas de les départager ; car la question n'est pas là.
ou le témoin de rites usuels ou de liturgies habituelles, comme Qu<~ la Py1 amide de Chéops et le temple du Sphinx aient ou
le demandaient tant de voyageurs aussi avides que pressés, il non sei vi à des initiations secrètes, cela n'a qu'une importance
accessoire C'est l'existence d'initiations en Egypte qui ne peut
eut la patience d'attendre et de recevoir un enseignement com-
être contestée. Rappelons que tous les grands hommes de la Grèce
plet et des initiations approfondies.
ont fait expressément le voyage d'Egypte pour venu les solliciter
« Ni n'importe comment » : ce n'est donc pas une réception et que tous les auteurs en affirment la réalité.
de pure forme qu'il est allé solliciter ; il a voulu recevoir et a Soyons cependant précis, la religion égyptienne comportait
effectivement obtenu une formation identique à celle des mem- deux degrés de révélations. Au peuple, on ne donnait qu'une
bres de la caste sacerdotale ; il sera considéré comme leur égal appi oximation élémentaire de certaines Vérités cosmiques. sous
en science et en thaumaturgie. le voile du mythe religieux. On lui permettait de fréquenter les
Mais en quoi consistaient les initiations égyptiennes ? sanctuaires. de participer aux processions et aux fêtes reli-
Sur ce grand et passionnant problème, toute une littérature gieuses qu'Hérodote nous a décrites. On l'encourageait dans une
a vu le jour. piété ardente, dans une dévotion exceptionnelle, dans une per-
~11: a émis q1uantité d'hypothèses ou de brillantes et fragiles manente émotivité mystique.
fantaisies. Que n a-t-on entendu sur ce sujet ! Mais on réservait la véritable science secrète aux membres
Une première école, représentée par Rœder, Hall, Newton, de la caste sacerdotale ( 40) ; de rares étrangers en Iurent parfois
Hohlenberg, etc., enseigne que des initiations extrêmement im- les bénéficiaires .
.p~essionn3;ntes étaient données par des prêtres égyptiens à une De nos jours encore, la religion courante nous offre l'exemple
élite d~ neophytes, elles se déroulaient en partie dans la Grande de ce dualisme ; la masse des fidèles reçoit un enseignement élé-
Pyramide et dans le Sphinx de Gizeh. L'abbé Terrasson lança le mentaire et populaire des Mystères : elle participe aux offi-
premier cette affirmation ( 37). ces et cérémonies du culte ; mais ses propagandistes et ins-
, .Les cérémonies auraient comporté des épreuves physiques tructeurs suivent un entraînement moral. psychique et litur-
épuisantes ~t, redout~b.les : l~ candidat devait être purifié par gique, absolument différent ; le prêtre, est astreint à ~ année,s de
les quatre eleme~ts , 11 ?~va1t, pour ce faire, ramper dans des recherches philosophiques, à 3 annees de formation théolo-
galeries ~outer:a!nes : (element-terre) ; traverser des bûchers giq ue ; certains rites lui sont entièrement :éservés. . ,
enfiammes : (e}emen~-feu) ; passer à la nage et sans éteindre La religion grecque fit d'ailleurs de meme ; elle ouvrait .a
s~ ampe! un réservoir p~o~ond : (élément-eau) ; enfin, ne pas tous ses fidèles les portes de ses temples ; elle leur permettait
1(~c1?er pnse au moment ou 11 se sentirait suspendu dans le vide ·
d'assister aux exercices du culte. Mais elle n'accordait pas l'en-
e ernent-atr). ·
trée des sanctuaires où se célébraient les Mystères, à n'importe
b La disp~sition intérieure de la Pyramide, qui compte de nom- quel croyant. Tous n'étaient pas acceptés à El~usis. 01:
sélec-
a r;~~ri~oc~~~{h~s~si~~=~e~bf:~le~avités diverses, ne rend pas, tionnait les néophytes et on en renvoyait un certain nombre (41).
Sait-on que Lucien reproche notamment a Soci ale do n av 011 1 parts. Is~s d.ut c~ercher bien longtemps pour les retrouver ; elle
put ei: rcumr treize ; le sexe ne fut pas retrouvé. Rê envoya alors
jamais été initié à Eleusis '? ( 42). . . ,
p thagore reçut donc cette double co.1n.mun1cat1on de l.a Ve- Anubis rci:iettre en place tous les membres disjoints d'Osiris.
rité. Âvec le peuple égyptien. le plus. rehg1~~x de tous les pc1:1- Isis Il! ran1n;a par ~on so;i~fle et Osiris devint le roi de l'empire
ples. à ce qu'affirme Hérodote (43), il parti~1pn au culte pu~llc des morts. 1 Amenti. Ulter1eurement son fils Horus vengea son
père et vainquit Typhon.
d'Osiris et d'Isis ; avec les prêtres de Memphis. ~l notamn;cnt Eu-
nouphis d'Héliopolis, il approfondit les ~rad1t1ons de l ~g) pte. Cc mythe éternel, susceptible de nombreuses interprétations
L'auteur des « PhiLosophoumena », qui est certes le Pcrc de (Dupuis en a donné une intéressante explication astronornlque)
( 47) se retrouve dans toutes les initiations.
l'Eglise le plus érudit et le mieux renseigné en ~es mat~è1 es,
parle ainsi ( 44) des Myst~re~ ~i1Isis : « Les Egyptiens, su1vai:t Car le néophyte était - à un moment donné - soumis à une
l'opinion universelle, ont livré a tous les autres h.omme~ les. Te- mort symbolique ; (comme le Dieu assassiné, il devra mourir
Lét és de tous les autres Dieux ; il!' ont, les premiers, revele les pour renaitre) ; et lorsqu'il renaissait et se levait de sa couche
symboles et les rites, les objets sacrés et les récitations, qui ne funèbre, il était assimilé au Dieu lui-même, qui revivait en lui
peuvent se dévoiler aux non-initiés ». et le faisait participer à sa puissance spirituelle.
Et Plotin précise ( 45) : « Voici le secret de la défense que l'on La légende d'Osiris eut aussi un rôle considérable dans le
fait dans les Mystères d'en révéler Je secret à ceux qui n'ont pas culte des moi ts qui prit en Egypte un développement extraor-
été initiés. dinaire. Les rites avaient en effet pour but d'assimiler le défunt
« Comme le Divin est une chose ineffable, on défend d'en au Dieu lui-même, de le ranimer sur le plan spirituel, où il sé-
parler à ceux qui n'ont pas eu le bonheur de le voir ». journait dorénavant ; on lui rendait, par une savante et minu-
Tout le monde n'était donc pas admis à ces révélations ; il y tieuse liturgie, l'usage de ses membres et de chacun de ses sens.
eut to jours deux enseignements : l'un, populaire et fragmentaire ; « On rassemblait tout ce qui était épars » de même qu'on avait
le second, précis et complet. Le peuple ne reçut jamais qu'un pâle reconstitué Osiris avant de le ressusciter (48).
reflet des Mystères. Une partie de ce symbolisme se retrouvera dans le Pytha-
gorisme, où l'initié devra, comme le grain de ?lé, symbole
d'Osiris. mourir pour renaitre. Pythagore fut ensuite fortement
V. - Le Contenu des Mystères égyptiens. imprégné de l'enseignement égyptien, relatif à la vie posthume
de l'âme humaine. , . ,A
Ils comportaient essentiellement : un élément mythique, dont Il déclarera, comme ses instructeurs egypt1en~, que lame est
la mort et la renaissance d'Osiris formaient le thème principal ; impérissable, il la fera passer par la barque s~cree po~r se ,ren-
des symboles et un ensemble de rites. dre au jugement ou psychostasie et, pour p.rel?arer 1 ame a c~
Pouvons-nous découvrir quelles pai ticularités des Mystères moment redoutable, il imposera à tous ses disciples d~ .se peser.
ont le plus frappé Pythagore ? moralement chaque jour, par ;in~ psyc~ostasie vo}?ntau e ( 49~A ,
. Ce sera certes et avant toute chose, la célèbre légende osi- il fera espérer aux justes la béatitude finale, l~ ~e1ou; da17s l ile
rienne. Pluta~·9.ue nous l'a rapportée ( 46) de façon explicite. Re- des Bienheureux (50). Il répétera ainsi les Traditions .egypt1ennes
surnons-la brièvement : Osiris a été assassiné par le cruel Ty- sur la barque d'Isis, la pesée. des âmes p~r le greffier Thot, le
phon ; son c~davre fut jeté dans le Nil. Le coffre qui le conte- refuge final dans les champs bienheureux d Ialou. , . . t
n~1t fut porte par les flots de la mer à Byblos et un cèdre se Conserva-t-il dans ses rites des symboles spec1f1que_m~n
developpa tout autour. Isis parvint à le retrouver après de nom- égyptiens ? On peut noter que nous retrouvons dans certains
breuses recherches. Mais, de nuit, Typhon survint et déchira le
. , ' • .· · de tous les cultes. Paris, Chassériau,
(47) Dupuis : Abrégé .de 1 o11Mgin.e son interprétation, purement mate-
(42) Lucien : Démonax : IX, 237. 1822, Ch. VI, p. 83 et suiv. - . ais :
(43) Hist. l. II, XXXVII.
rielle, passe sous silence l'esseètiel dl~ n;e.P 48 J Marquès-Rivière : His-
(44) Philosophoumena, V, 7. ( 48) Cf. A. Loisy. L~s .Myst res .?a1en 'o~· 1940: pp. 28-33.
(45) Plotin : Ennéades, VI, 9, 11. toire des Doctrines Esoter1ques, Pa1.1s, Pay •
(46) Is. et Osiris, 12 et suiv. (49) Cf. Vers Dorés : Vers XL a XLIV.
(50) Id. Vers. LXX-LXXI.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
78 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
79
. t la dualité Osiris-Isis, sous foi me du bi-
de. ses ense~gncmen. s culte d'Amon-Râ, sous ln forme du l'i te , ~~1oi qu:.il. en soit, le 1Rituel de ~'animation du Dieu était d'une
narre : Soleil-Lt~ne ' l~t . la balance de Thol dans les symboles precrsro n méticuleuse, d un formalisme inimaginable.
de salut au S~l·ctl l~v: b, rque d'Isis dans l 'enscign0ment secret
C~aquc mat.in, l'officiant (52), après avoir parfumé les parvis
de sles Non;ot Leeessca'1·aabe'ca sacré sera' remplacé par le papi llon et du Saint des Saints - la chapelle close où le Dieu était enfermé
sur a survie. 1
Apollon sera représenté en chacun .de ses Temp es. . .. . pendant la nui.t - o~vrait la porte de cette sorte de grand ta-
· · · fluencera et inspirera beaucoup le Main e dans bernacle, saluait le Dieu, se prosternait plusieurs fois devant lui
Mais ce qui in · · -t ',t
· ti
ses direc ives 11 u ··t elles , ce sera. surtout
., la minutieuse c
. p -ctéec on- chanta~t de~ hymn;s, ~uri!iait le Dieu par l'eau de quatre cru~
nante iiturgie égyptienne. La sainte Hiérarc 1.ue ~ se. a 1 es .c . . ches liturgiques, 1 hab1~l~t de bandelettes colorées (blanches,
La Liturgie sera soigneusement mise au point et .appliquc·c. vertes, rouges et cramoisies), l'oignait d'huile · le fardait et lui
offrait en f in des aliments et des fleurs. '
p. cnagore dut être stupéfait de la v~leur e~s~nt1elle que ,.~es
instru~leurs égyptiens réservai~nt ~ux i:1tes religieux ; .de~~ 11:1~ A chacun de ses gestes correspondait une formule magique
portance considérable q:1'i~s att~·ibuaient a chacu~1 de ~cu1 s gestes .
de la richesse qu'ils prêtaient a chacune de leurs paroles.
.
différente. qu'il devait réciter de mémoire et à voix haute · il
y en avait une pour denouer la corde de la serrure du taber- '
nacle ; une pour briser le sceau d'argile qui y avait été placé la
C'est que l'Egypte possédait le s~cr~t de l'animation de ses
veille 101 s de la fermeture des portes ; une pour mettre la clé
Dieux par le fait même du Rituel pratique.
dans la serrure ; une pour retirer le verrou ; une pour ouvrir
En les priant et en leur imposant les mai.ns, le P!·être do~- la porte ; une pour jeter un premier regard sur le Dieu et se
nait à ses Dieux une vie réelle ; il les chargeait de pu1ssa~ce vi- faire 1 econnaitre de lui ; une pour épousseter la statue avec un
tale ; il les animait réellement. Afin que cette ch~rge secret~ ne linge ; une pour lui enlever les onguents de la veille, supports
se dissipât pas, elle était soigneusement renouvelee chaque Jour de la charge psychique qu'il fallait renouveler : une pour laver
par un rite particulier d'une rigide nécessité. la statue du Dieu ; une pour l'oindre à nouveau ; une pour l'ha-
De même que le prêtre moderne veut animer l'hostie et le vin biller : une pour la farder, et ainsi de suite.
du calice par l'effet de la transsubstantiation, le prêtre égyptien ani- Tout cela demandait beaucoup de temps et d'attention cons-
mait son Dieu chaque matin, lors de son service quotidien (51). ciencieuse.
Prêtait-il au Dieu une parcelle de sa propre substance ? Lui Le mérite de cette liturgie consistait à donner à tous la sensa-
donnait-il une charge uniquement par l'effet d'une induction psy- tion que les Dieux étaient vivants ; c'était autre chose que
chique ? Ou bien l'effet du Rite consistait-il à faire descendre sur leur simple image qui était l'objet de leu1: v.énération ; ~n en-
l'objet du culte un rayon de la Force divine ? trant dans le Temple, lorsque les rites e~1ent. ac:o~phs, on
avait la sensation d'une presence et le feu sacre qui brulait devant
(51) Cf. de Gérin-Ricard : Hist. de l'Occultisme. Cb. l. Payol, Paris, 1939. le Dieu en permanence renforçait encore cette impression sur-
Les statues animées par ce procédé étaient bien connues des An-
ciens. Suidas nous rapporte qu'un des derniers initiés qui aient paru sur prenante. . .
la terre d'Egypte, Héraiskos, pouvait percevoir, dès le premier regard On conçoit dès lors quel enthousiasme mystique, quelles
posé sur une statue de Dieu, si celle-ci était animée ou non. « A la vue scènes de joie spirituelle, qu~lle fery~ur soutenue ac~ompa-
d'une statue « animée », dit Suidas (Hèraiskos) son cœur était touché, gnaient l'exercice de chaque rituel religieux en Egypte. , q~els
son âme et son corps entraient en état de transe, comme s'il était ins-
piré par le Dieu ... » - Notons encore qu'un passage célèbre de I'Asklé- élans de foi et de piété enlevaient ~e~ ~es et quelles émottons
pios, d'Hermès Trismégiste, fait aussi allusion aux « statues animées », heureuses faisaient battre les cœurs a 1 umsson.
pleines de sentiment et d'inspiration et, qui font tant et de si grandes Pythagore réalisera la même unité s~irituelle parmi ses dis-
choses ... (Aklépios, L. II Ch. IX, trad. Ménard, page 136).
On lira avec intérêt l'étude fort originale et fort documentée sur l'ani- ciples. Il leur imposera des Rites réguliers, leur donnant une
mation des statues égyptiennes qu'a publiée l.VJ.lll0 Weynants-Ronday Doc- maîtrise absolue de leurs actes.
teur en Histoire de l'art el archéologie, sous le titre : Les Statu~s Vi-
vantes. (Bruxelles, Editions de la Fondation Egyptologique Reine Elisa-
beth ( 1926). (52) A. Erman : La Religion des Egyptiens, Paris, Payot, 1937, page
Sur ~·~nimatio!l des statues par la liturgie égyptienne, Cf. Fr. Cumont,
Les Religions Orientales dans le paganisme romain, Paris, Leroux, 1909, 206, seq. . ult divin journalier en Egypte, Paris, 1902 ;
pages 139-140 et suivantes. A. Moret: Le R1tu~l. ~ut~ ed l'Egypte Pharaonique, Paris, Arthaud,
Fr. Daumas : La civilisa ion e
1967, p. 357, seq.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTÈHES
80 81
. itt ette terre imprégnée d'effluves cé- Tous, les My~ti.q~~s. du. Moyen-Age diront la même chose :
Mais avant de qui ~rl c 'nitiations égyptiennes ne compor- c'est un ètat de Ièlicité 1nd1cible, un anéantissement dans la joie
lestes, dcmandons:n~r~ si tesu~ secret particulier, un rite insoup- de la perception divine.
taient pas u~ autre e ehrr;en 'ne révèlation sensible de la Divinité ?
' une richesse cac ee, u · . Dieu est un S?leil rayonnant et il nous absorbe dans sa clarté
çonne~ . . d itié une partie de ces pouvou s ances- vivante : on ne fait qu'un avec Lui (56 et 57).
Réveillait-on ans 1,.1n1 , ·• · t 1
.1 it
traux, dont 1 avai pei u ·d l'usage et que déjà soupçonnaien es
~lotin. décrira les mêmes états (58) el Jamblique (59) y fera
initiés de la Crète ? . 'E 1 f aussi allusion.
L' n des symboles les plus mystérieux de 1 g~pte est e a- Il est cei tain que plus d'un auteur moderne expliquera doc-
meux
uDJD ou piilier
1 L
occulte d'Osiris. On le représente sous la
. . 11 'l . C toralement ces phenomenes par des hallucinations auditives ou
'
forme d une co o 1 nne , surmontée de 4 chapiteaux · par a e es.
.s. Iité 1e visuelles ; provoquées sans doute par la vive excitation des sens
n'est pas 1 a, 11•1ma ge d'un quadruple
. autel
. , ben 1dea 1 · e, d e
'· c est par les parfums rituels, les flammes des cierges le son des flûte~
svmbole de la colonne vertéb1:ale ~uma1nc -... 1.~r re e vie ~ et des , t~mbo~rins, les chants liturgiques, la pompt:! émouvante
1à Kabbale _ le centre physiologique de l initie, le. ~ettant a de la cerernorue.
son réveil de lui rendre le don de la clair voyance ... Qu'Impoi te ?
meme. par ' ,. . it ·1 lâ
A •
Placé au fronton de tous les temples, n indiquai -1 pas par .a Le temoignage des Anciens est là. Il demeurera toujours de-
'ét it en ces demeures des Dieux que
que ceai , .. l'homme · parvenait
bl d bout.
à atteindre cet état de transcendance et d inspiration, capa e e
Pythagore dut participer à ces phénomènes ; dans les Vers
le mettre en contact avec le ciel ? (53). ., Dorés (60) il fait une allusion non équivoque à la possibilité de
Plusieurs initiés nous ont parlé à mots couverts ; li?s par le s'élever dans l'éther radieux et de devenir, par incorpoi ation,
secret rituel ils ont parlé par énigmes. Mais leurs relat10!1s sont un Dieu soi-même ...
tellement significatives et les effets qu'ils décrivent sont .si e~tra-
ordinaires, que semblable réveil d~ la double-vue avait du se Si semblables effets étaient encore perceptibles et réalisables
produire, un bref moment, dans le neophyte. à une période où les Grands Mystères de l'Egypte étaient déjà
en pleine décadence, quelle ne dut pas être la force de l'initia-
En voici deux exemples célèbres.
tion égyptienne au moment où ce peuple extraordiaii e se trou-
Le premier est une confidence d'Apulée (54), qui, c~m.plète vait à l'apogée de sa puissance et de son rayonnement spirituel !
celle que nous avons déjà donnée : « Ecoute donc, écrit-il, et
crois-moi, j'ai dit la Vérité ; au milieu de la nuit, j'ai vu le. So- Son dynamisme religieux dut être incomparable et impré-
leil resplendir de son pur éclat ; les Dieux infernaux et les D1e~x gner fortement tous les peuples méditerranéens.
célestes, j'ai pu les contempler, face à face ; c'est de tout pres
que je les ai adorés ... Voilà ce que je puis te rapporter ... » Et
il ajoute que plusieurs jours encore après son initiation, il de- (56) Ep. II aux Corinthiens, 12, 4.
(57) Ruysbroek : Les Noces Spirituelles.
meura dans un état indicible de ravissement intérieur. Les larmes
(58) Ennéade, IV, 7, 10.
lui vinrent aux yeux lorsqu'il dut faire ses adieux au temple de (59) Myst, X, 5, 6.
la déesse ...
(60) Les Vers Dorés, ou plus exactement : Les y~rs d'Or, ~or~ent
Le second myste est non moins précis et formel : c'est le un poème gnomique et confidentiel, que les Pythagoriciens c?nna1ssa,ie~t
rhéteur Aristide (55) ; il écrit : « Je vis soudain le Dieu devant par cœur et se transmettaient d'âge en âge. Ils !1~ furent mis . p~r ~crtt
moi. Il me sembla que je le touchais. J'avais l'impression de qu'à une époque tardive, qui est cepen?ant anter1~u.re au chr1sl!a.i:.1sme
car ils étaient connus de Sénèque, de Diodore de Sicile et ~e. Chrysippe,
flotter entre l'état de sommeil et celui de veille. Mes cheveux qui vivait vers l'an 250 avant J.-C. - Ce bréviaire pythagoricien cont~ent
se dressèrent sur ma tête et je pleurai de joie. Quel est l'homme 73 vers en dorien · il faut en effet y insérer deux vers complementa1r~s
capable d'exprimer ces sentiments ineffables ? Seul, l'initié peut que nous a conser~és Porphyre. Une vieille tradition de l'Ordr~, en ~ttri-
les connaître et les comprendre ». bue la rédaction première à Lysis ; d'autr~s. à ~hilol.aos. ; H1erokle~ la
croit l'œuvre de tout un Collège Pythagoricien , mais 11 ne peut ~tre
contesté que les Vers Dorés n'aient en fin de compte comme prenue.r ins-
(53) Cf. Jean Marquès-Rivière Histoire des doctrines ésotériques, pirateur le Sage qui en établit les premières leçons morales. Dac1~r e~
p. 21. Fabre d'Olivet en furent les premiers traduct.eurs .en langue française •
(54) Apul : Métam. Livre XI. Mario Meunier et Georges Méautis, Léonard Saint Michel et Ivan Gobry en
(55) Briem : op. cit, p. 370. ont donné d'excellentes versions récentes.
'
82 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
83
p thagore reçut véritablement
en Egypte. une foi mation com-
plète ~aucune initiation grecque n'eût pu lui apprendre autant ... !l est certai? qu'ü existe des Mystères Orphiques. Hérodote
y fa~t une allusion t~es nette (64) et affirme leur parenté avec
les i ites du Pythagorisme, et les Mystères des Egyptiens.
VI. - Les Mystères Orphiques. CommeA les Initiés de la Crète, les Orphiques croyaient à la
chute ?e l'ame dans la matière et à la nécessité de son salut.
Le fait que Pythagore fut le disciple de Phéré.cydc de ~ey- Cette épreuve luiA est in!ligée périodiquement ; pour évoluer et
ras (61) et que celui-ci fut le grand propagandiste de 1 Or- progi essei;. to~t~ ame doit. subir le lent pélerinage des existences,
phisme (62) ; d'autre part les nombreuses similitud~s que l'on la dure necessitè des renaissances successives.
découvre entre les doctrines orphiques et les Mystères Pytha- L'être humain a une double nature : emprisonnée dans le
goriciens, établissent sans conteste ~u~ des rapports de con;pre- corps. l'âme en subit la souillure ; elle souffre et est entachée
hension, si pas de collaboration. existèrent entre ces deux élans de son li~n fore~ à un élément imparfait et titanique, source
distincts de la spiritualité grecque. de toute trnpuretè et de toute régression spirituelle ; mais elle
Orphée est une personnalité légendaire de la mythologie hel- n'oublie pas son origine céleste ; elle se souvient qu'elle appar-
lénique, qui a beaucoup inquiété les philosophes. Ils n'ont pu tient à cette race divine ; elle espère toujours pouvoir échapper
se mettre d'accord sur la réalité de son existence et l'authen- un jour à la nécessité de la réincarnation ; elle tend à retrouver
ticité de ses poèmes. Ce1 tains croient qu'il a vraiment existé un son éternelle patrie.
littérateur de ce nom ; d'autres font de lui un mythe et attri- Pour rompre cette chaîne odieuse des renaissances, il lui
buent ses œuvres à des falsificateurs du ve siècle. faut souffrir ici-bas ; toute peine qui lui est imposée est donc
Quoi qu'il en soit, il existe un nombre élevé de poèmes dits : pour elle un élément de progrès ; elle lui donnera des mérites.
« Orphiques » qui se colportaient dans tout le monde grec. De En renonçant aux plaisirs terrestres, l'âme accumule les possi-
nombreux auteurs en donnent des extraits dans leurs œuvres, bilités d'élévation ; en se purifiant constamment, en vivant
notamment Clément d'Alexandrie, chez qui nous en avons relevé dans la pénitence, le renoncement et l'effacement, en imposant à
d'intéressants.
son corps de s'abstenir d'œufs et de viandes, elle vaincra sa
La légende d'Orphée est bien connue (63) : il aurait été de nature inférieure et sera digne de recevoir l'initiation, qui lui
fils d'Apollon et de la Muse Clio ou encore du roi Thrace Œda- permettra de dissoudre le lien qui la maintient en esclavage (65).
gre et de la Muse Calliope. Linos fut son professeur et il aurait
eu Musée comme fils. Musicien habile, il jouait surtout de la Car l'initiation aura cet effet extraordinaire de la faire
cithare, qu'il avait reçue d'Apollon et à laquelle il ajouta une échapper à la cruelle loi des renaissances (66) ; de la renseigner
huitième et une neuvième cordes. Les sons qu'il en tirait étaient sur ses destins posthumes ; de lui apprendre les paroles sacrées
si. émouvants qu'ils charmèrent les animaux , notamment les qui lui apportent le salut.
oiseaux et les fauves ; apaisèrent les fleuves et les aquilons · Les Mystères Orphiques rappelaient le mythe de Dionysos-
et émurent même les arbres des forêts. ' Zagreus, fils de Zeus et de Perséphone (67). Il faut attaqué par
Il aurait reçu l'initiation en Crète et en Egypte et aurait rap- les Titans. Pour leur échapper, il avait pris la forme d'un tau-
porté les Mystères chez les Grecs. reau ; ils le tuèrent, le dépecèrent et le dévorèi ent. Irrité, le
~l perdit Eurydice, le jour même de son mariage ; il des- Père des Dieux les frappa de sa foudre. Mais de leurs cendres
cend~t ~ux Enfers, pour la reconquérir, l'y retrouva mais la naquit la race des hommes. Du san~ de Zagreus, ~lle re~u,t une
perdit ... a nouveau, pour n'avoir pu s'empêcher de se retourner âme dionysiaque ; de la chair des Titans, elle acquit un ele~en~
trop tot vers elle. · matériel et titanique : le corps. L1homme est donc. soum1.s a
,. Il se_ ret~ra .en Thrace, où il aurait été déchiré par des femmes une dualité analogue à celle du soleil et de la lune ; il est a la
qu il avait dédaignées.
(64) Hérodote : Hist. II. 81.
(65) Gomperz : Penseurs de la Grèce, t. ~· pp. 163 et seq.
VIII,(~~)4gambl. V.P. 9, 184, 252 ; Porphyre : V.P. l, 3, 15, 55 ; Diog. Laërce: (66) Rohde : Psyché, pp. 365 seq. ; Reinach : Orpheus, page 122 ;
(62) Gomper~: Pens. de la Grèce, tome I, p. 117. Marquès-Rivière : op. cit. p. 76.
(63) Commelln : •Mythologie, p. 333, 336. (67) Rohde : Psyché, pp. 358, 359 ; Gomperz : Penseurs de la Grèce,
t. I, pp. 163, 164, etc ...
'
84 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES MYSTt:RES
85
if t -adictoire
· il est à la fois ma tièrc et
fois .aclif et. passi t i~~r~al Un infaillible instinct pousse l'âme losophiques une base souvent réaliste due à son souci constant
esprit, angélique de. . . sa patrie perdue. Pour hâter le moment d'objectivité ;. i~ est physicien et mathématicien, la où l'Orphiqus
à regretter et a esn er . 1 11 d .. n'est que religieux ; les Pythagoriciens seront législateurs et
.· , ette réintégration sera possib e, e e ey1 a se pu- astrono~cs, géo.mètres et écrivains, là ou les Orphiques se bor-
supi eme, ou c . I'initiation Celle-ci lui sera donnee par un
ifier et rccevo1 r · · · b· d neront a etre unLquement des mystiques.
baptême de lait ; on dira d'elle : « Chevreau, JC suis tom e ans
L'influence égyptienne est encore sensible dans cei tains dé-
le lait» (68). t ' · · d tails du mythe orphique ; le taureau Zagreus rappelle le tau-
On lui enseigne les secrets de la mort, la rou c a suivi e ~n.s
l'Hadès ; les paroles sacrées à dire dans l'Au-delà, pour evi- reau Apis ; sa mise en pièces par les Titans fait songer à la dis-
ter le retour sur la terre. , . . persiori des restes d'Osiris, par le cruel Typhon ; l'être humain
Voici par exemple un des textes les pl us ca ractèristiq ~es, a en lui un élément dionysiaque comme l'initié de l'Egypte
qui aient été découverts, gravés sur. les tablettes en or que ~_on s'identifie avec Osiris assassiné, qui renaît en lui et l'introduit
a trouvées sur des squelettes <l'inities, dans les ~ombes de C1 ete ainsi dans sa race solaire ; il y a là plus que de simples coïnci-
dences.
et de Grande-Grèce, notamment à Pétilia. (Thurium) \ 69) .: .
« Je me suis enfuie du cercle des peines et des nècessites. Les Orphiques avaient, comme symbole, le rameau d'or ;
« J'ai subi le châtiment de mes fautes. . nous le retrouvons à Eleusis (72). Chaque rite initiatique a son
« Je viens maintenant à Toi, ô Reine du Monde s~ute~·raui. rameau de la survivance (le genêt mystique, le gui, l'acacia).
« Je me glorifie d'appartenir, ô Dieux de l'Hadès, a votre Les Pythagoi iciens emprunteront enfin aux Orphiques leur
race bienheureuse. défense de manger des œufs et de la viande ; leur interdiction
« Envoyez-moi dans la demeure des justes : dites-moi la pa- de verser le sang ; et enfin, leur respect religieux de la Justice
role du salut : « Tu seras dorénavant déesse et non plus et de la Loi (Dikè kai Nomos) : que nous retrouverons cons-
mortelle ». tamment dans les écrits des Nomothètes de I'Ordre,
Et de même que les morts de l'Egypte, portaient sur le
cœur une fois momifiés, le Livre des Morts, qui devait leur ser-
vir d~ guide dans l'Arnenti, de même, les initiés de l'Orphisme VII. - Phérécyde de Scyros.
portaient, dans la tombe, sur le cœur, la précieuse tablette ~i'~r
incorruptible, munie de la formule salvatrice, gage de la libé- « Pythagoi e eut pour maître Phérécyde, originaire de l'il~ de
ration spirituelle et talisman décisif dans le royaume des « Scyros. C'est lui, qui, le premier, abandonnant la contrainte
morts (70). « des vers, avait osé se servir de la prose et écrire, dans un style
Gomperz a très finement souligné (71) les différences qui ont « libre et dégagé d'entraves.
existé entre I'Orphisme et le Pythagorisme. Autant le premier « Quand Phérécyde, succomb~nt à une aff~euse ~aladie, eut
est sévère, fanatique, éperdûment individualiste et préoccupé du « été rongé et réduit en dissolution par de hideux insectes, ce
salut personnel de l'adepte, autant le second est scientifique ; « fut Pythagoi e qui l'inhuma pieusement ».
il ne se contente pas de vouloir le salut de tous ; il veut réformer Tel est le passage des Florides (73), où Apulée nous parle du
les mœurs et les gouvernements ; il donne aux spéculations phi- professeur de Pythagore. . . . ,
•
Phérécyde est une personnalité rem~r~t;able , : il et~1t a la
fois fervent de science et amant de la Vérité .. 11 s occupait beau-
(68) Kaibel : Inscrip. Gr. Siciliae et Italiae, 641 ; Diels Kranz : Fragm. coup d'astronomie et, après sa mort, on montrait encore le cadran
der Vorsokratiker, I. p. 16.
(69) Ma~en : Les Mystères d'Eleusis, pp. 271, 272. solaire qu'il avait construit.
(70) Foucart : Recherches sur l'origine et la nature des Mystères Philosophe, il publia à la fin du VIe siècle, un é~rit en pros.~,
d'Eleusis, Paris, 1895, p. 71 ; Gomperz : Penseurs de la Grèce, t. 1, p. 165. qui joua un grand rôle dans la diff:ision de 1 Orphis~e, et qu ~~
(71) G<>mperz : Penseurs de la Grèce, t. I, pp. 173 sep. La comparaison
entre l'Orphisme (démocratique, égalitaire et soumis à l'influence intitula : « La Caverne aux 5 replis » (74) · (En grec Pente
ionienne) et le Pythagorisme (aristocratique, oligarchique et soumis à I'in- mychos).
fluence dorienne) a ét~.~ite par M. le Bâtonnier L. Hennebicq dans l'in-
téressant ouvrage : L idée du Juste dans l'Orient grec avant Socrate
Bruxelles, Larcier, 1914, pp. 344, 345. ' ' (72) Id. p. 169.
(73) Apul. : Florides, l. II, ch. XV.
'
PYTHAGORE ET LES MYSTERES
86 PYTIIAGORE ET LES MYSTÈRES
87
C'est une cosmogonie assez confuse, à laquelle les Manichéens
L'étude, des textes babyloniens ,relatifs aux Mystères du Dieu
feront un jour quelques emprunts. , . , ,. Mai douk . ' n ,est
o décuuvre cependant un détail d'un t;-es_ grand intérêt : 1 t" pas d'un· . g1 and intérêt ·• ils ne n ous appo1 ·t en t
aucune 1 eve a ion originale . , sur un mythe , visible men t agraire,
·
Phéré~v~e y déclare en effet qu'avant la création de la terre, e t sut une cosmogonie e 1,ementaue,
« l'esprit de la terre » (Chtôniè) fut - av ec le Temps. (Chronos)
.~?lativement au destin de l'âme apres la moi t, les tablettes
1
'
LES MYSTERES
98 PYTHAGORE ET
PYTHAGORE ET LES MYSTI:RES
99
IV. - La discipline du Secret. Et il dit ailleurs (22) :
. « O~ di~ ql:1e le !'ythagoricien Hipparque accusé par les
« Orphée, Pythagore, Platon et Porphyre ont voulu le se- « siens d avoir divulgue les dogmes de Pythagore dans ses écrits
cret. .. », dit Julius Firmicus Maternus ( 15). « fut chassé de l'Ordi e et qu'on lui éleva même une colonne
« Les Pythagoriciens et Platon cachent leurs dogmes », dit « funéraire, comme s'il était mort. »
Clément d'Alexandrie (16). Jamblique précise (23) la nature du secret:
« Les Pythagoriciens ne parlent q,ue P.ar symboles, dit Pr?- « Il faut que l'homme apprenne à se taire ; il ne peut prcdi-
« clus ; et Platon se sei t des mathématiques, pour 1 ccouvrir « guci au dehors les secrets de la Science et de la Vérité ».
« d'un voile la vérité des choses ». ( 17). Le secret couvre donc à la fois les enseignements relatifs aux
« Pythagore a imité le symbolique et le my~té~ieux de~ prê- sciences positives et ceux des Mystères eux-mêmes.
« tres de l'Egypte, dit Plutarque (18), Il entremêlait ses opiruons L'indiscrétion que l'on avait reprochée à Hipparque (24) ne
« d'énigmes ... » concci nait que certains théorèmes de mathématiques (les lignes
« Les ayant enchaînés par un serment terrible, par lequel c ommensurables et les incommensu1·ables ; I'insc.rption du do-
« ils s'engagent à ne rien révéler ; et les ayant forcés à déclarer décaèdre dans la sphère) - il n'avait pas divulgué les leçons
« qu'ils ne feront jamais défection, il leur transmet les mystères ésotéi iques ; il fut cependant l'objet d'une exclusion définitive.
« impies, dérivés des mythes helléniques ... , dira un jour le polé- Apulée nous donne (25), d'autre part, sur l'obligation du si-
« miste chrétien, auteur des Philosophoumena. » ( 19) lence, l'instructif passage suivant : « Hé, bien, cet homme, ins-
« truit à l'école de tant de Maîtres (il parle de Pythagore) et
Le texte du Serment hippocratique, que nous a conservé le
médecin de Claude, Scribonius Lagus (20), définit à son tour le « abreuvé de ces sources intarissables d'instruction qu'il était
mode de transmission de certaines vérités médicales : c'est un « allé chercher dans l'univers ; cet homme, doué d'un génie
rappel de la méthode pythagoricienne : « éminemment supérieur ; d'une âme, dont la portée s'élevait
« au-dessus de la nature humaine ; cet homme, à qui la philo-
« Par le précepte, par la leçon et par le mode d'enseigne- « sophie doit son existence et son nom ; ce grand homme, enfin,
« ment (traditionnel), je transmettrai uniquement la connais- « recommandait à ses disciples de garder le silence.
« sance de mon art à mes propres fils et à ceux du Maître qui « Chez lui, un exercice devait précéder l'exercice de la sa-
« m'a instruit et à ses disciples, liés par serment, conformément « gesse : c'était de maîtriser absolument sa langue ; de retenir
« à la loi de l'Ordre. Et je ne la transmettrai à nul autre ... » « ces paroles, que les poètes ~ppellent « :'?lantes », de le~ c~u-
La médecine a en effet été longtemps comprise parmi les « per les ailes et de les emprisonner derrière le rempart d ivoire
cours confidentiels, enseignés aux initiés de I'Ordre et la légende « que forment les dents. , , ,, .
du Maître fait de lui un grand guérisseur. Apollonius de Tyane « Oui, à ses yeux, le premi~r element d~ tout~ sagesse, c était
sera à son tour un célèbre thaumaturge. « d'apprendre à méditer, de desapprendre a babiller. >?
Et Clément d'Alexandrie précise encore (21) les raisons de ce Et en digne disciple ~u Maîtr~, il ajout~ .: « Au~res de t1ous
secret initiatique : « vos prédécesseurs, ma réserve ma va~u, ~1 Je ne m 'abuse, 1 ho-
«, Ils .. ne , . voulaient pas que toutes ces choses fussent ensei- « norable réputation de philosophe, qui sait garder a pr opes le
« gnees a n importe qui et sans règle, ni que les trésors de la « silence. »
« Sagesse , fussent livrés à des êtres impurs, car on ne peut
« allouer a tous ceux que l'on rencontre ce qui n'a été acquis
c que par tant de luttes ... » V. - Le silence jusqu'à la mort.
(26) Cf. Jamblique : V.P. 194. Voici ceux d'entre eux qui concernent la dignité quotidienne :
, (27). Cf. Clément d'Alexandrie : Strom 1 IV ch VIII Le hil h
Zenon 11t de même et h · · • · « P osop e
crac a sa 1 angue au visage du tyran Néarque
( Cf . Pl u t arque .. sur le Bavardage »
8) ·
(28) Firm. Mat. : Mathes VIÎ I.1139. 1 (31) Xénophon : Hellén. I, 4, 14.
(32) Sopatros : ds, Rhét. graeci, Edit. Walz, t. VIII, p. 110.
(29) Jo~phe.: Bell. II, VIII,7, (33) Ti te-Live : X.XXI, 14, 6, 8.
(30) Mélanth1os ds Fragm., hisl. graec., édit. Didot, t. IV, p. 444. (34) Tzetzes : Chil. X, 800.
PYTHAGORE ET LES MYSri:RES PYTHAGORE ET LES f.1YSTÈRES
102 103
_ Brouille ton lit, dès q1i..e t1L es levé ; et n'y laisse aucune IV. - Arrivé à la frontière, ne te retourne .'
1. trace de ton corps (Ak. 34) ( 35) · ( Ak. 6) (39). pas en arnere
IX. - Loin de toi, le vinaigrier ... (Ak. 29) ( 44). XIII. .:" mange pas de cervelle (Ak. 57) (49).
hMc-nage tes b for ces et veille à ne pas les épuiser
, · t rop vi· te
Evite. lorsque tu dois parler, toute aigreur dans tes paroles. S ~c c ne pas a user de tes dons, de peur de devoir · . ·
Ne vois pas le mal en tout ; cherche à voir ce qu'il y a de bon dans faire remplacer avant ta victoire finale. un JOUt te
les hommes. Ne sois ni pessimiste ni déprimant. Elève au con-
traire autrui par ton joyeux optimisme. XIV. - Ne plante pas le palmier (Ak. 58) (50).
N'adopte pas inc?nsidérément les opinions ou les modes
étrangcres. non adaptees à tes besoins et tes coutumes.
X. - N'urine pas en présence du Soleil (Ak. 31) (45).
XV. - Ne porte point un anneau étroit (Ak. 15) (51).
N'oublie jamais que tu peux perdre ton prestige d'Initié et
Tente de demeu:·er indépendant toute ton existence, ne te
ta dignité d'homme en découvrant tes faiblesses à autrui. Ne
r~c ,pas dans la servitude comme le font tant d'hommes inconsi-
montre à personne que tu es soumis aux nécessités inférieures
deres.
de ta nature. N'accomplis jamais en public de fonctions qui
t'abaissent. Ne souille pas le divin Soleil par la vue d'actes XVI. - Ne sommeille pas en plein midi (Ak. 33) (52).
semblables. Sache cacher à tous tes activités animales. Certains , Sois dévoré de zèle, actif et entreprenant pendant le jour;
initiés appliquent ce précepte à la lettre ; on ne les voit jamais d autre pat t, sache agir au bon moment. quand il en est temps
manger en public ni s'adonner à l'ivresse ou à l'amour ni accom- encore. Ne perds jamais l'occasion de bien faire. Aie de l'ini-
plir cuver tement ce que la pudeur fait exécuter en secret. tiative personnelle et aie soin de profiter de l'heure favorable.
Diogène Laérce dit ( 46) qu'on ne vit jamais le Maître s'enivrer Outre ce~ «, Akousmata » sur la sagesse quotidienne, le Maî-
ou faire rameur ou accomplir une fonction naturelle. tre nous a laisse, oralement sans doute, des Sentences Dorées ou
Sois, comme lui, réservé, discret et mystérieux pour cer- Homoioi ou : Similitudes et divers autres Symboles, que certains
taines choses. ' de ses disciples nous ont transmis par voie écrite.
Voici quelques « Homoioi » intéressants (53) :
XI. - Ne coupe pas du bois sur la grand'route (Ak. 38) (47). I. - Le Sage doit sortir de la vie, comme d'un banquet : avec
une dignité décente.
~'ai~ pas d'a~tivité p~bliqu~ i~férieu1 e, à ton état. Ne t'expose II. - La valeur d'une statue est dans sa forme ; la valeur
pas, inutilement a la critique. a l incompréhension, à la méchan- d'un homme est dans ses actes.
cete des hommes. Ne va pas toi-même au-devant des difficultés. III. - Les hommes vains et légers sont comme des vases
vides : on les prend facilement par les oreilles.
IV. - La plaisanterie est comme le sel. il faut en user dis-
XII. - Ne mange pas sur le char ( Ak. 55) ( 48). crètement.
Et voici enfin, sur le même sujet, quelques « Symboles » du
, .N'entreprends pas deux choses à la fois, ce serait n'en mener Maître:
?
a 1e~ aucun~. AD'autre part, si tu occupes une position sociale
I. - Ne t'crrêie point sur les confins (Symb, 2) {54).
qui t expose a ~tre, observe par autrui, donne toujours de bons
exeAmples et veille a ne jamais découvrir tes faiblesses · ue de Sache prendre un parti lorsqu'il le faut. Le Sage n'est pas
~~1J·es1 ont pei du tout pres~ige et toute considération, p;uÇ avoir irrésolu, il pèse, délibère, décide et passe à l'action. Ne sois pas
u eurs subordonnes temoins de leurs erreurs et de leurs
f au tes. (49) Dacier, T. I. p. 277.
(50) Dacier, Tonie I, pp. 277, 278, 279. Plutarque · D'isis et d'Osi-
ris, I, 1 O.
(44) Dacier : p. 247. (51)Dacier, Tome I, p. 239.
( 45) Id. pp. 248, 249, 250. (52)Id. p. 251. D 1 ·
( 46) O. ~aërce : VIII, 19. (53)Chaignet, tome I, pp. 151, 152. Cf. Plutarque, e a mauvaise
(47) Dacier : Tome 1, pp. 255 256 257 honte, ch. 18. Cf. Clé1nent d'Alexandrie, L. 5, ch. I.
(48) Id. pp. 275, 276. Plutarq~e : D'ls .' et d'Osir. I, 10. (54) Dacier, tome I, p. 281.
•
106 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 107
de ceux qui délibèi ent toujours sans jamais pou voit se décider
et qui fuient les responsabilités. on verra aussi de nombreux Esséniens mourir dans les tortures
L'homme digne n'élude pas celles-ci. plutôt que de proférer une injure contre son nom.
Il a de la volonté et il fuit toute équivoque. La Hiérarchie sauvegarde la permanence de l'Ordre assure
Beaucoup d'hommes ne vont jamais plus loin que leur s pro- sa fixité, garantit sa stabilité. L'Ordre est une monarchie' et non
jets. une aristocratie.
. Les ~nci~ns ~ll~ient .r:iême ,Plus loin, les disciples du Maître
II. - Fuis la belette (Syrnb, 4) (55). le Jugeaient infaillible, dit Clement d'Alexandrie. «Les mots :
Plutarque nous rapporte la légende antique selon laquelle la C'est Lui qui l'a dit », emportaient l'assentiment de l'intelli-
belette mettrait ses petits au monde, par la bouche. Elle est le gence (60) ...
symbole de la parole. Défie-toi donc de tes paroles et ne leur La Hiérarchie est le fruit d'une sélection répétée des meil-
donne pas trop vite le jour. La langue est ce qu'il y a de meilJeur, leurs adeptes. Nul ne devient Hiérophante par élection de ses
a dit Esope, mais il a dit aussi : Et ce qu'il y a de pire. Que de pairs, pas plus qu'on ne devient père par suite d'un vote de ses
maux sont nés d'une parole imprudente ... fils. 'fous les cultes ont une hiérarchie sacerdotale et dans la
plupart tout dignitaire a appelé auprès de lui un suppléant ou
III. - Ne saute pas du char à pieds joints (Syrnb. 13) (56). coadjuteur, qui lui succède automatiquement s'il vient à tom-
Ne sois pas téméraire et ne tente pas le sort · ne fais rien ber malade ou à décéder. Chez certains peuples, le roi est en
étourdiment, pèse au contraire à l'avance les cor{séquences de même temps le pontife suprême; Platon dit que c'était le cas en
tes actes. Egypte (61).
En Grèce, le roi était considéré comme le chef des prêtres ;
IV. - N'écris point sur la neige (Symb. 16) (57).
Hérodote l'affirme pour Sparte (62); Platon (63) et Aristote (64),
Ne confie rien à des âmes faibles qu'une influence étrangère pour Athènes ; Strabon (65) pour Ephèse; Tite-Li~e (66), ~our
pou.. ait porter à la trahison à la première violence. les premiers rois de Rome. A la chute de la royauté, les attnbu-
tions religieuses qu'elle détenait furent transmises aux archontes
VII. - Le Respect de la Hiérarchie. à Athènes, et aux magistrats, puis aux empereurs à Rome. Le
Le Maître était considéré par ses disciples comme le repré- roi était en plus chef de l'agriculture, car l'œuvre de la. Nature
sen~ant de l'Etr~ suprême, de la divine Sagesse sur la terre. Ils correspond à l'action des Mystères s~r l'homme. Le .roi est le
avaient pour Iui la plus grande vénération. guide de son peuple, c'est, dit Jam~lique (67), un pilo~e .. Il a
. La, Hiérarc~ie vient d'En-Haut, comme la lumière. Elle n'est droit à des insignes particuliers (la tiare, le sceptre_, le diademe,
ru le res~~at d un vote ni celui d'un libre choix. De même que le trône le manteau rouge) et il exista chez plusieurs p~u~les
la paterrute, elle est un fait naturel, dont on ne peut renverser des My~tères particuliers pour ~t~er les rois à leur mission.
l~sens sans compromettre la sécurité de tout l'équilibre initia- Certains textes de Philon (68)1 Synesius (69), Plutarque (70), Por-
tique. phyre (71) et Himérius (72), nous do~~ent ~u~ le c.ontenu de _ces
d Aussi verra-t-o,n, à toutes les époques, les grands législateurs rites d'intéressants détails. La singu11ere ceremom~ du couron-
es pe~ples assures de la considération respectueuse de toute nement religieux du roi d'Angleterre, par l'archevêque de Can-
une nation.
A ~es disciples. d~ ~aître ne discutaient jamais ses ordres. (60) Stromates: l. Il, chap. V.
« uEospep1ha .», 11 1 avait dit ( 58). Il était, sur-le-champ obéi (61) Platon: Politique, 290 d.
n a estine on verra d .. t ' · (62) VI, 56.
lé · l t .. ' · e meme out blasphème contre le (63) Politique, 290 d.
egis a eur etre puni de mort, à ce que rapporte Josèphe (59) ; (64) Politique, III, 9, 2.
(65) XIV, 3.
(55) Id. p. 282. Plutarque D'Isis et d'O . . h (66) Il, 20.
(56) Dacier, tome I P 287 sms, c . 74. (67) De Mysteriis, VII, 2.
(57) Id. p. 288. ' . . (68) Vie de Moïse, I, 11 ; II, 90.
d'Al <58> D_iog. Laërce : VIII, 46, Cicéron. De Natura Deor. I 5 Cl' t (69) De Provid. 1, 6. . ·1' 22
exandr1e, Stromates L. 2 ch 5 , . emen (70) Sur la Vengeance tardive de la Diviru e, .
(59) Bell. : II, VIII: 91 145. ' . (71) De l'antre des Nymphes, 15·
(72) Dise. XIV, 32-33.
108 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES l\IYSTI;RES
109
torbery, est sans conteste une survivance moderne de ces rituels Les auteurs nous parlent de nombreuses femmes Pythagori-
« léontiq ues ». . . . . , ciennes et notamment de Théano de Crete, femme du Mai-
Le chef de I'Ordre est donc aussi son Pontife ; 11 est as~1ste tre (74) ; de ses filles Dama (75) et Arignoté (76) ; de Timycha
d'archontes et de prêtres. . . de Sparte (77) dont nous avons rappelé le martyre.
Clé de voûte de la Fraternité, il en est aussi le phare intel-
lectuel, la lumière spirituelle, le père sensible et prévoyant. Ouvrir les portes de la sagesse aux femmes était une innova-
tion
VIII. - Les Traditions. Les Orphiques se montraient, en général, peu favorables au
sexe féminin. On a retrouvé des textes précis qui ne laissent au-
Le Chef de l'Ordre est le dépositaire de la Tradition secrète, cun doute sur la réalité de cette misogynie.
qui se transmet à la chaîne sans fin des initiés, de génér ation •
en génération. Cette transmission apostolique assure à la doc- « Il n'est rien de plus effronté ni de plus mauvais que la
trine une identité rigoureuse avec ses anciens fondements : de femme» (78) aurait dit Orphée, cité par Clément d'Alexandrie.
siècle en siècle, la lumière se transmet, inchangée. Le flambeau
sacré passe d'une main à l'autre, sans s'éteindre ; le serment Le Pythagoricien Epicharme, se montrera misogyne en plu-
hippocratique nous en montre les conditions ; on y transmet «la sieur s passages (79) et plus tard, Philon (80) et Josèphe (81)
connaissance» à ses propres fils (spirituels)» ou à «ceux du publieront, en parlant des Esséniens, des textes fort symptoma-
Maître et à ses disciples, liés par serment» et « à nul autre». tiques sur la non-initiabilité des femmes : elles seraient égoïstes,
Certains Nomothètes ont étudié les conditions nécessaires à envieuses, artificieuses, effrontées, infidèles ; elles feraient de
la sauvegarda de Ja Tradition la plus pure. Hippodame signale leur s maris ou de leurs fils des esclaves ...
en effet (73) que la Tradition se perd, soit par faiblesse interne Le Maître eut donc une tout autre attitude.
soit par action étrangère.
F~ iblesse interne: celles des membres de la communauté; Mais il donna aux femmes des instructions qui leur étaient
s'ils sombrent dans la paresse, la mollesse, les plaisirs ; s'ils évi- particulières. Leur nature n'est pas celle de l'homme : si, intel-
tent les efforts. les durs travaux, la souffrance ; s'ils efféminent lectuellement, la femme peut recevoir les mêmes enseignements
leurs âmes, l'Ordre entier perdra ses qualités spirituelles et la que l'homme, elle ne pourra prétendre acquérir, spirituell~ment,
Tradition sera modifiée et altérée. les mêmes pouvoirs que lui. Les prêtres~es ~ntiques ~arda1ent le
Action extérieure : celle des étrangers, qui s'établissent près feu sacré, rendaient des oracles, remplissaient le role de Ves-
des membres de la communauté et contaminent celle-ci par des tales, Pythies, Pythonisses et Sibylles; mais au~une ne, put re-
coutumes d'autres peuples; tout mélange de ce genre est né- cevoir le sacerdoce, qui est l'apanage exclusif de 1 homme.
faste, la Tradition ne peut subir ni influence étrangère ni in-
corporation d'éléments du dehors; elle doit être stable inva- Il est certain que les saintes femmes, admis~s pa: l~ Maître
riable, intransigeante. ' dans sa congrégation d'initiées, reçurent la ~ar~1e th~or1qu~ des
Mystères. Sinon le martyre de Timycha serai~ 1nexpli?able · De-
IX. - La femme et l'initiation. nys la soumit à la torture parce qu'elle avait co:ina1ssance du
secret confidentiel qu'était le rôle magique des feves, et parce
. , Pythagore n'a point fermé le seuil de son Temple à une moi- qu'elle refusait de le trahir .
tie du genre humain. Son discours aux femmes de Crotone
témoignait déjà de son désir de les voir associées à la grande
œuvre de régénération qu'il avait imposée à leurs époux et à Clém. d'Alexandrie: St.romat. l. IV• c h · 1 9 ·· 1 · I ' ch · 16 ; Porphyre :
leurs fils. (74)
V.P. 4.
Il ne leur refusa pas la lumière initiatique. Mais il organisa (75) Jambl. : V. P. 246.
pour elles des communautés distinctes situées en d'autres en- (76) Suidas : Arignoté.
droits que celles réservées aux discipl~s. (77) J•ambl. : V. P. 194.
(78) et (79) Stromates: l. VI, ch. 2·
(73) Péri Politeias, dans Stobée, Flor. 92-98. (80) Apol. 380 d 381 a.
(81) Bell. II, VIII, 2, 121.
110 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
111
X. Qu'est-ce que l'initiation? Il faut encore que ces Pouvoirs soi t , ,
lière ; selon un rite immuable et tr adit: conferes de façon régu-
Elle n'est pas seulement la comn;uni?atio~ confidentielle du 1t1odnnel,
contenu des Mystères à un groupe sélectionné de néophytes. tions sévèrement définies d'excellencea des condi-
e e va 1.~n;idité.
Elle est encore autre chose : un changement d'état, pour Si toutes ces conditions sont réalisées 1 Ch . .
l'initié. Les rites ont pour effet de le recevoir à une vie nou- des initiés se continue par le rite et '1 ab aine apo~tol1que
· · • eng o era un chainon de
velle (82) ; il acquiert une qualité qu'il n'avait J?a~ : 11 devient p l us qt I. 1 ui-memo en initiera d'autres à son t ,.
éclairé et par le fait même. il ne peut plus apprécier le monde aura reçu le Pouvoir. our, lorsqu il en
en profane.
, ~ette conception pythagoricienne de la régularité initiati ue
Il se trouve placé au commencement (Initium) d'une route a ete perdue de vue par beaucoup de rites t · q ·
nouvelle, celle de l'Illumination. . · t 1 . con empora1ns, qui
se croicn es continuateurs des anciens Mystè t ·
d' . . res e sont mca-
Le jour, où il aura perçu la plénitude de celle-ci, il devien- pa bl es en saisir la nature et d'en reproduire le contenu. Le
dra lumineux à son tour et susceptible d'éclairer son prochain. seu~ :xamen, de leur organisatio.n révèle leur irrégularité et
Il en résulte qu'en chaque Initié, un maitre est destiné à se leur
réveiller. · 1 incompetenca,
· , Dans les anciens Mystères , le pouvoir· sp1-·
ritue venait d En-Haut et non d'en-bas· chez eux 11• iti t
. t d' b . ' ' .uu a eur
Il reçoit les Mystères, par la clé du Symbolisme (83). vien en. as, car 11 est élu temporairement au hasard d'un vote
Mais il y a encore dans l'initiation, un autre élément · le de ses pairs ; chez les Anciens, l'initiateur était le médiateur
Myste n'est pas seulement un profane, sorti de son aveuglement, entr~ la ~uissance di~ine et le~ hommes; il avait cette qualité
et qui a passé de l'obscurité à la Lumière : il a reçu, par la ad vitam, chez eux, 11 ne represente que lui-même et son pou-
vertu des rites, un Pouvoir qu'il ne possédait pas ; au premier voir est limité, on le lui enlève à tout moment par un scrutin
degré, c'est le Pouvoir sur lui-même. Lorsqu'il augmentera en de majorité ; chez les Anciens, il donnait à ses disciples des
connaissance et en degré, il recevra d'autres initiations encore ; Pouvoirs réels et réveillait en eux des puissances endormies ·
et chacune d'elles lui conférera une qualité nouvelle. chez eux, il ne communique aucun pouvoir puisqu'il n'en pos~
L'initiation est donc un phénomène multiple : un enrichisse- sède aucun et qu'au surplus, il ne croit pas lui-même qu'il pour-
ment graduel de l'intelligence, joint à une collation successive rait en posséder ; chez les Anciens, l'initiation était un acte
de Pouvoirs différents. 1 cultuel et religieux, chez ces modernes égarés, il est tout au
En quoi consistent ceux-ci ? plus une sorte de mauvais théâtre, une parodie sans âme d'une
chose sacrée. On conçoit donc que de semblables différences
Ei: possibilité de rayonnement et de perception, anciennes aient eu dans l'histoire des effets bien divergents : les Anciens
facultes encloses en la nature humaine, endormies ou atrophiées formaient des initiés, les modernes ne forment, très superfi-
depuis des siècles, et réveillées par la grâce d'En-Haut, au mo- ciellement, que des amateurs.
ment des investitures liturgiques.
Car c'est à l'effet que l'on juge le rite; au fruit que l'on
Ce .pou~oir se trans~et donc du Maître-Initiateur au disciple,
par voie directe, par influence, par induction ou par osmose juge l'arbre.
selon le rituel employé. ' Les Anciens Mystères ont produit dans les âmes des révolu-
. L~ Maître n~ peut dor;ner que ce qu'il a reçu, préalablement, tions extraordinaires ; ils ont eu leurs Saints. leurs Martyrs, leurs
1~1-meme. Il doit donc etre lui-même, détenteur de Pouvoirs Thaumaturges, leurs Docteurs, leurs Philosophes, leurs grands
reels. Législateurs.
Les modernes ont sombré dans le matérialisme, la querelle
(82) Apwée: Métamorphoses, XI, 21. des intérêts, la brigue électorale, la démagogie la plus ~erca~-
(83) Plutarque: D'Isis et d'Osiris I 10 J bl
Stobée. Flnr. XXXIll. ' ' · am · :
v ·p · 103 t 247
· e · tile. Les marchands ont envahi le Temple et les fils de l Esprit
n'ont plus été capables de le reconnaître.
•
112 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
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« Q11and le soleil brille, ne fais pas allumer les flambeaux» On ne pouvait, .en <?r~cc'. le souiller par le contact avec un
(Hom. 15) ( 11) : c'est-à-dire n'emploie le Feu saci que dans les
é
cadav 1:r : la crémation était interdite par l'Ordre pour ce motif
end oits obscurs, dans les antres soute: rains et les lieux privés essentiel ( 16). '
de la lumière dii ccte du Soleil. Ou bien, emploie le feu saci é à
une heu e où le soleil ne brille pl us. III. - L' ea1t lustrale.
«Ne mets pas daris la flamme le fagot tout entier» ( S 12) ~n, Basili.q uc pythagoricienne de la Porte Majeure révèle
(12) c'est-à-direveille à ne pas consommer en une fois tous les aussi 1 emploi constant de l'Eau lustrale dans toutes les céré-
Luminaires sacrés ; aie toujours des réserves de cierges ou de moni s de l'Ordre.
lampes rituelles. car si ta lampe s'éteint au milieu de ton rite On a trouvé dans Diogène Laërce le passage suivant : « Les
et qu'il te manque de quoi la rallumer l'effet magique est aussi- Pythagoi iciens se purifient par des lustrations, des bains et des
tôt compromis et toute ton opération pourra s'en ressentir. aspersions » ( 17).
Le Feu sacré doit être traité avec respect ; il est en effet, Les r ains se prenaient non dans les édifices des bains pu-
selon le Pythagoi icien Empédocle, le premier, le roi des élé- blics ( 18). à cause de la p-omiscuitè qu'ils causaient avec des
ments (13) ; il est, selon Alcméon de Crotone - autre disciple du profanes et des gens de toute espèce, mais dans les salles de la
Maitre - de nature divine parce que doué d'un perpétuel mou- Communauté. Mais les purifications et les aspersions se faisaient
vement. Un autre Pythagoricien, Hippase de Métaponte - qui dans leur Temple. La Basilique nous montre les traces de six
fut exclu de 1'01 dre pour avoir divulgué cet tains de ses ensei- socles adossés aux piliers de la nef centrale ; ils portaient jadis
gnements - ajoute que le Feu est le principe matériel de tout des amphores liturgiques, destinées à l'aspersion des assistants
l'Univers. la substance impérissable dont les choses sont formées au rnoven de palmes vertes qui y étaient trempées. Puis avaient
et où elles vont se résoudre tour à tour (14). lieu des libations, réglées selon un rituel immuable : Jamblique
rapporte ( 19) comment elles se faisaient : le maitre-officiant
. Cet emploi du feu dans les rites est aussi vieux que le monde ; p enait le vase sacré uniquement par son anse, gardait les yeux
il est constant en Egypte : le papyrus du Nome d'Oxyrinque nous ouverts et sans clignements, puis il en versait le contenu en réci-
d~nne le te:cte des é':'ocations que fait le Prêtre, lorsqu'il veut tant une formule rituelle. Divers motifs décoratifs des stucs du
faire apparaitre les Dieux dans la flamme de sa lampe (15). monument nous montrent en effet comment tenir les hydries,
contenant l'eau magnétisée : par l'anse uniquement. Est-ce parce
~e Feu est a.ussi un protecteur. Les Mages diront qu'il est une qu'un « Akousma » du Maître a dit : « Fais des libations ~ux
barrière so!-1vera1ne contre les influences maléfiques, les larves, les Dieux par l'oreille ? » (Ale 59) (20). Il e.st cepe~dant s.usc~pb ble
c?urants nefastes, les forces vampirisantes les puissances d'obses- - nous le verrons plus loin - d'une meilleure interprétation.
sion. ' L'eau était l'élément classique des pur ifications.
En Egypte, où Pythagore fut instruit .des saU:t~;; liturgies,
c'est par l'eau lustrale que les of ficia1_1ts é~aient ~ur1f1es : ~rman
4
(11) Chaignet : T. I, p. 154. nous donne le texte (21) d'un prêtre egypt1en,. qui rap~elle . « ~e
( 12) Dacier : T. I, pp. 286, 287. « fus débarrassé de ce que j'avais de mauvais en moi ; on ma
( 13) Chaignet : T. II, p. 165. « dépouillé de mes vêtements et de mes onguents, comme on
No
eon;~m.er«
sv b li
~;_.~~:n:
<14.> Chaignet :. to~e !I, p. 220 .. cf. aussi Plutarque : Quest. Romaines
f,~d 1 .
;te~gnE~1 ~fn ~amadis une lampe et la laissait-on s~
: . t r pon : « Est-ce là une avertissement
« purifie Horus et Seth ».
a·~~ {~t qeu·~~ J~mai~ aneantir ou faire disparaitre rien de ce qui est (16) Jambl. : V.P. 154.
êtr~ a~imé . il a bens~_n enrouve ipas d~mal ? Or, le feu ressemble à un ( 17) Diog. L. : VIII, 33.
l'étouff~. il .jette un in. de nourriture, i! se meu.t de lui même ; quand on (18) Jambl. : V.P. 83. V p 42
( 19) Jambl. : V.P. 156, cf aussi Porphyre.: · · _ ·
encore Propos de Ta~l~ ~f~~e une creatu;e .Y1:vant~ qu'on égorge. » Cf.
6:~:hn;:.
(20) Dacier : t. 1, p. 279, 280. Cf. aussi les tt;xtes a~thentiques des
Plutarque : Placit. Ph!lo~oph .. li~~~ 14· c~~~51 opinion d Hippase, voir encore rites d'évocation en Egyl?te, dans l'ù1n1por~an;2:r~;11:~u~n ~·
<15) Alb G
gré~o-rcmain~ P3:r~td~~
pp. 327 seq. '
·
~f
• ' .
uJture d(e Myrithis et les Origines de la Magie
evue anc. Revue des Revues), le 1-11-1903,
Magic dans l'Egypte antique, tome
Paris, 1925.
. PP· ·
sans tache. immaculés, symbole du triomphe de 1 ame sur le monde des tene-
Quel que fût leur avancement dans I'Ordre, ils portaient tous, bres (75).
du plus ancien au plus jeune, du Chef au dernier de ses néo- Cette richesse symbolique eut même ,des réperc~ssions pro-
phytes, du Maître à chacun de ses élèves, le même vêtement rituel. fanes et le premier janvier de chaque annee, on voyait le Cons~
Ils se revêtaient ainsi de Lumière ... romain vêtu de blanc et monté sur un cheval blanc, aller sacn-
fier à Jupiter sur le Capitole (76). .
Et ce qui frappe tous les visiteurs du Temple souterrain de
la Porte Majeure, c'est la symphonie blanche que révèlent les Représentons-nous les membres. de l'Ordre, rituellement dis-
moindres détails du monument : les piliers, les murs, les pare- posés des deux côtés de leur Sanctuaire. , ,
ments, les marbres, les stucs, la mosaïque constituent une seule Le Maître préside, à la stalle de l'abside, qui est surelevee.
révélation colorée, et selon Carcopino (70), une harmonie écla- Les douces lampes à huile brillent sur les côtés. ,
tante. Seuls certains détails des plafonds et les plinthes accu-
sent une teinte rouge, au surplus également initiatique. Quatre flambeaux rituels sont allumés, disposés en c~rre!
autour d'une vasque d'eau lustrale, form~.nt ~r~ir sacre,. ~
Le rouge est la radiation de la chaleur, le blanc celle de la l'Occident de la salle, à l'endroit où la mosaïque revele un carre
lumière intégrale.
parfait en cubes noirs.
Vêtir uniformément des personnes venues de tous les quar-
tiers de la ville, différentes par l'habit, la taille, le rang social, la
culture pour effacer tout ce qui les divisait dans le monde pro- (71) Porphyre: V.P. 17. . .
39
fane, c'était les unir tous en une seule préoccupation spirituelle, (72) Portal : Des Couleu~ S~ocloohfru~, ~· ch·. 37. Plutarque : D'Isis et
(73) Apul. Métam. L. XI • Her · · . '
d'Osiris, I, 4. L X h 15
(67) Philostrate : Vie d'.AJpoH. Tyane, 1. I, ch. XXXI. (74) Aulu-Gelle : Nuits at~. · · c · · v
4s.
(75) Jambl.: V.P. 155. Pline H. N: ~1• VI p. 796. Cf. aussi Plu-
(68) Diog. Laërce : VIII, 33 et 19. Jambl. : V.P. 100 et 149, 153.
(69) Diog, Laërce : VIII, 35.
(70) Carcopino : 'Op. clt. pp. 229, 230.
(76)
tarque :
Creuzer : Rel~ons de
Questions romaines, qu. n
r.;ni~q~i
•
stlr ia c~uleur blanche dans les
deuils antiques.
'
PYTHAGORE ET LES MYSTERES
128 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
cslle-ci heurte celle~ des, autres étres et lui donne ainsi, sponta-
ncm~nt, une sensation d amour, de haine ou de neutralité, pro-
portionnellement aux combinaisons qu'a produites la rencontre
de ces nombres .
. . ~es Math~~ati~oi déduisaient aussi des nombres la possi-
bilité de la Divination (71) ; le Maître en était un professeur
averti. Il l'appliquait notamment à l'Onomastique courante.
« Les Pythagoriciens assuraient, dit Agrippa, dans son traité
la Vanité des Sciences (72), que chaque lettre a un nombre cer-
tain, qui désigne l'avenir. On peut ainsi deviner ce qui doit arri-
ver aux hommes, en calculant les nombres contenus dans les
lettres de leurs noms propres. Que celui, dont 1.es lettres produi-
sent. par l'addition, une plus grosse somme, doive être supérieur
au combat, au jeu ou dans les procès, tel est le résultat. Suivant
ces règles, il était clair que Patrocle serait tué par Hector et
Hector par Achille, car si le nom du premier donnait le chiffre
de 861, celui d'Hector donnait 1225 et celui d'Achille 1501 ».
Le sens occulte de l'Akousma 52 : Un. Deux était aussi ensei-
gné à ce degré.
Une des Similitudes vise les obscurités de la science des Nom-
bres : « Quand une formule devient impérative, dit-il (Hom. 14),
« son sens s'obscurcit et elle devient une réelle énigme ... » (73).
D'autre part, le Maître enseigna à ses disciples la mystérieuse
puissance du Nombre d'Or, obtenu par la formule suivante :
V5 + 1
---- = 1 618. Si l'on divise un segment AC en deux segments
2 ' AC AB
inégaux AB et BC par le choix d'un point B, tel que
1
' AB BC
on trouve le partage asymétriq:1e le pl~s .harmonieu~ et le plus
logique ; ce rapport fut appele : la divine pr~p?rt1on pa~ !ra
Luca Pacioli di Borgo, qui lui c,onsacr~ un traite . : J?e Divina
Proportione (Venise, 1509), illustre par Leonard de Vinci.
C'est sur cette formule extraordinaire que sont basés tous les
canons de la beauté corporelle de l'homme, toutes les harmo-
nies de l'architecture ; et jusqu'aux dimensions des fleurs et des
cristaux.
X. - Retour à Pythagore.
~101) Cf. Rohde : Psyché, Pages 348 à 375; Ch. Werner: La Philo-
sophie grecque. Fayot, 1938, p. 28.
(102). r"'ragment: 117, des Katharmoi. Plutarque ne l'admet pas pour
. . . . La Barq1Le des A mes
tous (d'Isis et d'Osiris, 72).
{103 Sur I'ortgine de la doctrine de la métempsychose, on lira avec
profit la, conference de M. Przvluskr, sur !'Influence iranienne en Grèce
et d~ns I'Inde, P~ru.e dans le n° 3 de la Revue de l'Université de Bruxelles,
de l annee academ1que 1931-1932, pages 283 et suiv,
PYTI-IACORE ET LES MYSTÈRES
159
Des âmes s~isies du f~i~s?n de l'angoisse humaine et brû-
lantes de la soif de la Vérité, ont interrogé ses mystérieuses
paroles et tenté d'en percevoir l'écho immortel.
Beaucoup d'êtres que n'a point touchés la discipline reli-
gieuse ont couru vers Toi, Maître de !'Illumination, pour te
demander le calme des sens et la paix du cœur.
Ils ont parfois perçu ta réponse.
Ils ont alors regardé le monde avec des yeux nouveaux. Le
mépris qu'ils avaient pour les hommes s'est mué en profond
et put amour ; ils ont trouvé en chacun d'eux un autre soi-
même ; ils ont vu le grain de blé mourir en terre et renaitre.
Car voici déjà que l'heure est venue de l'espérance et de
la Joie.
Le monde connaîtra des temps meilleurs.
L'homme ne sera plus un loup pour l'homme.
Car il viendra un moment, où éclairé de la grâce et inondé
de la lumière de cette ineffable révélation, le voyageur de la
vie comprendra qu'il est «lui, aussi de ,~ette race. bienh~ureuse1
(104), et qu'un jour, montant dans 1 éther radieux, il devra
rejoindre les Immortels (105).
. ri t gr Siciliae et Italiae :
(104) Inscrlption de Pétélia, ds Kaibel. 1nsc P · ·
641. et. Magnien, op. cit. pp. 2LXX71,
(105) Cf. Vers Doré.s: Vers
2'ikr
a'
Cf traduotion: Mario Meunier
c-e~taire d'Hiéroklès (pp. 331
(Paris. L"A!I'tisan du Livre, 1925). u
seq.).
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
•
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
I. - Biographies :
Vie de Pythagore, par JAMBLIQUE, texte grec et version latine;
notes de Kiessling, Lips. MDCCCXV.
Vie de Pythagore, par PORPHYRE, texte grec et version latine;
notes du même, Lips. MDCCCXVI. Cette biographie est suivie de
la Vie de Pythagore par !'ANONYME DE PHOTIUS.
Vie de Pythagore, par DroGÈNE LAËRCE, texte grec et commen-
taires par A. Délatte, Bruxelles, Larnertin, 1922.
Vie de Pythagore, par MALCHUS, texte grec et notes de Ritters-
husius, Altorff, 1610. - Texte de Porphyre.
Vie de Pythagore, ses Symboles, la Vie d'Hiéroklès et les
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PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTI:RES 165
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AELIEN: Varias Historiae et PoRPI-IYRE: De Abstinentia; De Cabalomachia : hoc est Artis Cabalisticae Oppugnat~o; d.e
Antro Nyrnpharum, textes grecs; version latine et notes de Her- Cabala Hebraica, de Pythagorica; auctore G. Berardo Scinfleru,
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'F. ENRIQ~Es et G. 'DE SANTILLANA : Le problème de la matière:
L. CORNARO : Le Régime de Pythagore d'après le Dr Cocchi
Paris, B'ail1ière et fils, 1880. ' Pythagoriciens et Eléates, Paris, Hermann, 1936.
168 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
ADDENDUM
Prolégomènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 7
LIVRE I
LA LEGENDE ET L'HISTOIRE
Achevée d'imprimer
le vingt-cinquième jour du dixième mois
de /'an mil neuf cent soixante quatorze
sur les presses de
/'Imprimerie F. P/anquart
26, rue Peui-Duez, 59000 Ul/e (France)