Pythagore Et Les Mysteres

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Pythagore et ·tes Mystères
JEAN MALLINGER
AVOCAT f>R~S lA COUR D'APPEl DE BRUXEtlES

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PYTHAGORE
ET LES

'
MYSTERES
Il Il
Il Il

lie Edition

1974

Imprimerie F. Planquart
26, rue Paul-Dusz
59000 LILLE (France)
DU MEME AUTEUR :

La. Table d'Emeraude d'Hermès Trismégiste, texte latin de Khun-


rath, suivi d'une traduction nouvelle et de commentaires.
Bruxelles, Editions Platounoff, Librairie Van de Graaf, 1932.
Epuisé.

Notes sur les Secrets Esotériq·ues des Pythagoriciens:(Le Secret


des Fèves - Le Pain et le Sel - La Descente de l' Ame et la
Magie de l'Œil - Les arcanes de la Mort - Le Pont entre les
Vivants et les Morts). Bruxelles-Paris, Ed. Niclaus, 1946. -
2• Edition, Lille - Ed. Planquart, 1973.

Les Secrets Esotériques dans PLutaTque. Paris, Ed. Niclaus, 1946.


Histoire de la Pensée Philosophique et Religieuse. Bruxelles. Insti-
tut pour Journalistes de Belgique, Maison de la Presse, 1973.

A la chère mémoire
de mon Instructeur et lWaître,

François SŒTE\VEY,

qui fut ( 1926-1938) le chef vénéré


des Pyihagoriciens de Belgique.
en très af [eciueux tumimaçe.
J. M.
PROLEGOMENES

Lorsqu'il étudie la vie et les enseignements de Pythagore,


l'homme des temps présents ne peut se défendre contre la fasci-
nation qu'exerce sur lui cette personnalité, si riche en révéla-
tions de toutes sortes, pénétrée à la fois de maturité scientifique
et de vivant idéalisme.
C'est que Pythagore répond. de façon étonnante, à toutes les
questions, à toutes les exigences que pose l'angoisse contempo-
raine : les épreuves de la vie ont pour effet de forcer l'homme
à rentrer en lui-même ; elles le mettent en état de percevoir,
par résonance, les vérités naturelles ; elles lui font chercher,
pour s'y désaltérer, les claires fontaines spirituelles.
Veut-il connaître le secret de son destin ? Se demande-t-il,
comme ses prédécesseurs antiques, quel sera le sort de son âme,
lorsqu'elle aura abandonné sa fragile enveloppe ? Ou. poussé
par un altruisme véritable, préfère-t-il découvrir les bases et
les conditions de l'harmonie sociale et du bonheur universel,
qu'il espère synchroniser un jour avec la parfaite ordonnance
des mondes ?
Il trouvera, chez Pythagore, une réponse à ses questions : car
il est à la fois philosophe et géomètre, législateur et théoricien
des Nombres, psychologue et astronome, physicien et moraliste.
Si les découvertes mathématiques du Maître de Samos sont
fort connues et si tout le monde a lu le transcendant Message
éthique que constituent ses « Vers Dorés », le rôle de Pythagore,
dans la propagation des Mystères Traditionnels et dans leur
révélation, est demeuré, en grande partie, ignoré.
Cela se conçoit : il n'est point de domaine, où le chercheur
se heurte à plus d'obscurités ; où l'investigation s'avère plus
difficile ; où les textes mêmes se ferment, comme une fleur, par
8 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES

la volonté de leur auteur ; car en matière initiati~ue, tout e~t


symbole, allégorie et parabole ; l'enseignem~nt s .est transll:11s
fidèlement, de ~aître à discipl~ et, de bouche, a oreille. Le. v?1!e
des initiés 8 precieusement derobe les Mystères aux curiositès
des profanes.
Mais la graine de la 'Révélation p~t~ag?riciei:n~. avait une
telle richesse interne, son expansion a ete si considéi able, dan~
toute l'Antiquité, son dynamisme a ~té si fervent, que, malgré
les réticences des historiens et des philosophes qui se sont rêcla-
més d'elle, la mission incomparable du Maître Initiateur n'a pu
demeurer dans la discrétion où il l'avait murée.
Les recherches, relativement récentes, de plusieurs érudits
(citons au hasard : Carcopino, Delatte, Méautis, Gobry, etc ... ) l'ont
déjà partiellement fait apparaître.
Pythagore est, pour nous, le grand propagateur des Mystères LIVRE
sur le continent européen ; il est le premier chaînon, qui relie
systématiquement et directement ce dernier aux Collèges sacer-
dotaux de l'Egypte. Il crée sur notre sol le premier Institut des
Sages et des Nomothètes ; il établit à Crotone cette Ecole de
chefs, qui deviendra un centre permanent d'Initiation Tradi-
tionnelle. Il lui donne à la fois une liturgie nouvelle, génératrice
d'une vive radiation spirituelle, et un ensemble précis de dogmes
confidentiels, condensant symboliquement l'essentiel de la Doc-
LA LÉGENDE ET L'HISTOIRE
trine secrète.

Et si son, œuvre connaît à un moment donné , le furieux


assaut des démagogues et subit l'atroce persécution cylonienne
- qui se traduira par le meurtre de ses disciples et l'incendie
de leur Temple - cette explosion de la haine partisane et de
l'aveuglement matériel n'entamera en rien la permanence de
l'Ordre, dont il est le chef ; ses pulsations sont encore sensibles
aujourd'hui.

, C'e~t surtout la richesse spirituelle du Pythagorisme que nous


découvrirons dans les vieux textes.
Certains Universi~aires ont déjà dégagé la figure du Maître,
des brumes de sa legende. Cherchons à rencontrer le grand
Thaumaturg~! dans le Naos même de son Temple. Allons à lui,
comme le firent tant d'adolescents de Grande·Grèce : avec un
cœur pur, avec le désir fervent de trouver la Vérité et de faire
notre salut.

, Nous percevrons aussitôt sa présence, et, avec celle-ci sa


reponse. '
Chapitre I

AV ANT L'APOSTOLAT

I. - Un pari singulier.
II. - L'exilé volontaire.
III. - L'enfant miraculeux.
IV. - L'élève dépasse ses maîtres.
V. - Les premiers voyages.
VI. - Le séjour en Egypte.
VII. - La protection royale.
VIIl. - Le martyre de l'Egypte.
IX. - Le bourreau châtié. - La captivité.
X. - Retour à Samos.
I. - Un pari singulier.

, La vieille ro~te .~e sable. qui, longeant la mer, reliait Sybaris


a Cro~one, au V siècle av~nt notre ère, avait été, ce jour-là,
envahie par un groupe de pecheurs. Ils avaient retiré leurs filets
des eaux bleues et les avaient hissés sur le chemin lourds de
leur vivante proie. '
Ils allaient les ouvrir, pour en dénombrer le contenu lors-
qu'un étranger, de grande taille, très beau de visage et portant
une longue chevelure, s'approcha d'eux et leur parla.
- « Amis, leur dit-il, voulez-vous parier avec moi que je puis
vous révéler, à l'avance, le nombre exact des poissons que vous
venez de capturer ? »
Les pêcheurs se récrièrent, semblable détection leur parais-
sait impossible. L'inconnu répéta son défi. Séduits par l'origi-
nalité de ce pari, ils acceptèrent de le mettre à l'épreuve et il
fut convenu qu'ils lui accorderaient tout ce qu'il leur deman-
derait, s'il triomphait dans son extraordinaire gageure.
Il se recueillit un moment, énonça à voix haute un chiffre
précis et le contrôle commença aussitôt.
Et l'invraisemblable arriva ...
Le minutieux inventaire des filets fit apparaître le total annon-
cé par l'étonnant personnage.
Celui-ci leur dit alors : « - Vous m'aviez promis, si je
gagnais mon pari, d'obéir à mon ordre, quel qu'il fû~ . et de
m'accorder tout ce que je pourrais vous ?emander. Vo1c1. donc
ce que je vous ordonne : hâtez-vous de rejeter tous ces poissons
à la mer ... »
Tout interdits, les pêc.heUJ·s obéirent ; les filets fll!ent red~s~
cendus dans les eaux du golfe de Tarente et les poissons bril-
lants furent restitués à leur élément.
14 PYTHAGORE ET LES l\1.YSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
15
Telle est, selon Jamblique (1), la premiè~·e rez:ic~ntre d; Quoi qu'il en soit, c'est d~ns les singulières circonstances que
Pythagore. avec les habitants de la Grande-Grèce, ou 11 venait nous venons de rapporter, qu'il devint habitant de Crotone.
de débarquer.
L'historien ajoute que le Maitre de .Samos régla néanmoins III. - L'enfant miraculeux.
aux pêcheurs le montant total de leur prise.
Ils apprirent par des enfants, qui avaient assisté à la scèi:e
_ car, déjà alors, ceux-ci constituaient une sou~ce de rensei- _Le~ Grecs ~n.t toujours - dans leurs légendes nationales _
anements pour l'opinion publique - lP. nom du, r1~he voyageur. attribue u:ie o;:g1;ie surhumain~ .à leurs grands hommes ; selon
eux, le C~el s intéresse aux nnse:es, du monde et lui délègue,
Il vola bientôt de bouche en bouche. Et lorsqu enfin, le Maître de temps a autre, un Messager, qui s annonce par certains signes.
pénétra dans Crotone, ce fut ~ne foule im_m~n~e qui lui fit cor-
tège et l'accueillit avec enthousiasme et curiositè. Pythagore n'échappa, point ~ cette règle. Ses biographes nous
racontent (5) que ~?n pere, ~nesarque, ayant consulté la Pythie
sur un vo;yage qu 11 comptait. entreprendre en Syrie, reçut la
II. - L'exilé volontaire. réponse SLUVa~t~ : « Il sera tre~ heu:eux et lucratif. En plus, ta
femme, Parthénis, donnera le jour a un enfant merveilleux de
Quel était ce visiteur inattendu, venu des contrées lontaines, beauté et de sagesse. Il comblera de bienfaits le genre humain. »
demander à la brillante colonie achéenne une hospitalité fra- A la suite de cet oracle, il appela sa femme : Pythais et lors--
ternelle ? que l'enfant naquit, il lui donna le nom de « Pythagore » : c'est-
De toutes les colonies grecques, établies comme des joyaux, à-dire « celui qui a été annoncé par la Pythie ».
sur les bords du golfe de Tarente, Crotone était alors la plus Ses plus fervents disciples exagéreront encore la légende. Ils
remarquable. Jouissant d'un climat particulièrement salubre, affirmeront plus tard que leur Maître était en réalité soit Apol-
sise à l'embouchure de l'Aesaros, à côté du promontoire Laci- lon réincarné (6) soit le fils d'Apollon ; le dieu solaire aurait
nien, elle était renommée pour son opulence, pour le faste de touché Pythaïs d'un rayon sacré ; aussi l'âme de Pythagore fut-
ses jeux olympiques, pour son humanisme éclairé : elle possé- elle détentrice d'un effluve céleste ; sa mère lui avait donné
dait une Ecole de Médecine, qui fut la rivale de celle de Cos et une « Psyché » terrestre, soumise aux épreuves humaines ; mais
de celle de Cnide. Son commerce était florissant et elle était très le Dieu de la lumière et de la vie, l'avait doté d'un « Nous »
accueillante pour ses hôtes. particulier, riche en illumination intérieure et en seconde-vue.
C'est de l'île de Samos que venait l'étranger. Les auteurs ne Il se posera lui-même en Médiateur entre. les Dieux et les
sont pas d'accord pour expliquer les motifs de son départ. Jam- hommes (7) et sur son passage, plus d'un fidèle, brûlé d'enthou-
blique prétend (2) qu'il voulut ainsi se dérober au fardeau des siasme, s'écriera : «C'est un être divin ... » (8).
c~arges publiques dont ses concitoyens avaient voulu l'honorer. Ou encore ; « C'est Apollon Hyperboréen ... » Ou : « C'est un
Dion Chrysostôme (3) dit avec plus de raison qu'il avait souffert bon « Daimôn », descendu parmi les hommes ... »
de se voir incompris de ses compatriotes. Il avait vainement
tenté d'ouvrir à Samos une école de philosophie · son initiative
n'y éveilla pas d'écho (4), tant cette ville licencieuse adonnée IV. - Le disciple dépasse ses maîtres.
aux plaisirs faciles, était fermée à tout langage spù·itu~l.
Sur son enfance studieuse, nous possédons beaucoup de ren-
(1) Jamblique : Vie de Pythagore, § 36. - Porphyre : Vie de Pytha- seignements. Son père lui réserva les meilleurs précepteurs de
g(Qore, §ti 25. - Apulée : Apologie, 31. - Plutarque : Propos de Table son siècle (9).
lité:idaes ones Convlvajssj , livre VIII, question 8, § 3, et : Comment tirer uti-
e ses ennemis, § 9.
(2) Vie de Pythagore, § 28.
(5) Jambl. : V.P., § 5-9 ; Porphyre : V. P., § 2.
(3) Dion Cbrysostôme : Or. XVII, 5-6. - Plutarque lui fait tuir la (6) Diogène Laërce : V. P., § Il ; Aelien : Varlae Hîstortae, L. II,
tyrannie de Polycrate (Cf. Plutarque : Placila Philosoph, IX, livre I,
ch. III, 24). § XXVI, ainsi que Jambl. : V. P., § 140.
(4) Jambl. : V. P., § 20-21. (7) JambL : V. P., § 30-31.
(8) Jamblique : V. P., 30. é F1 Id
(9) Diog. Laërce : VITI, 2; Porphyre : V.P., § 11; Apul e : ort es, 1 5 .
'
PYTHAGORE ET L~~ MYSTERES
16
Hermodamas lui apprit les poèmes du vieil Homère ; il se
plaisait à les chanter, en s'accompagnant de la lyre.
Phérécyde de Scyros - qui fut le pre~ier p1:osatcur g.rec -
l'initia aux traditions de l'Orphismc, relatives a la dualité de
l'être humain et à l'immortalité de l'âme.
Anaximandre de Milet fut son professeur de mathématiques.
On sait quelle importance le Maître accorda aux Nombres.
N'a-t-il pas répété constam1ncnt que « tout est Nombre » et que
le « Nombre » est le secret du monde '?
Mais c'est à Thalès, qu'il échut de pressentir la merveilleuse
carrière du jeune Samien, qui fut aussi son élève.
Emerveillé des connaissances acquises par cette intelligence
précoce, il dit avec humilité : « Ni mes facultés intellectuelles
ni ma science, fruit de longues études n'égalent ce que je puis
apercevoir en lui ... » (10).
Nous savons encore que dès sa jeunesse, Pythagore mani-
festa une singulière gravité : il garda toujours un visage serein ;
on ne le vit jamais rire aux éclats ou céder au feu de la colère (11).
Ses dons exceptionnels le rendirent célèbre. Et l'on disait à
son sujet ce qu'on cria plus tard au passage de son meilleur dis-
ciple, Apollonius de Tyane : « Courez-vous voir l'éphèbe ? » (12).

V. - Les premiers voyages.

De tout temps, les voyages ont formé la jeunesse.


Les biographes du Maitre affirment qu'il visita l'île de Délos
la Crète et la Syrie. '
, . A Délos, il ?e re.~di~ ~e~ant l'autel d Apollon-Génitor (13),
1

celebre par le fait qu il était interdit d'y pratiquer des sacrifices


sanglants.
, ,Les meurtres d'animaux y étaient proscrits, car le Dieu
generateur de la Vie, ne pouvait se réjouir des horribles halo~
caustes que voulaient lui offrir des prêtres égarés incapables de
comprendre qu'on ne peut honorer la source de toute existence Pythagore et Thalès.
en 1rnr:iolant en son honneur la parcelle divine enclose en cha-
que créature : le souffle, principe même de la Vie (14). Fresque au mur de l'Aula de l'Université d'Athènes.

(10) JambL : V. P .. § 11-12.


( 11) Diog. Laérce : VIII, 20.
(12) Phüostr ate : Vie d'Apollonius de Tyane L I 8
( 13) Diog. Laërce : VIII, 13. ' ' . ' .
(14) Eusèbe : Praep. Ev. II 13 . Jambl . V p 54
phyre ; De Abstinentla, II, 12.' ' • · · · · , 108 et 150 Po-
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 17

En Crèl~, il descend~l dans l'antre de Zeus et on lui enseigna


la « Cathartique » ou Science des Pu1 ifications ( 15).
En Syrie, il passsa par Tyr et Sidon el fit un séjour au som-
met du Mont ~arz:n~l, que toute l' Antiquité considérait comme
une montagne mspiree (16).

VI. - Le séjour en Egypte.

Les auteur s ?iscutent entre eux la date de son départ pour


l'Egypte. Un~. le,gende rapporte qu'il devait être bien jeune
encore lorsqu, 11 s ~mbarqua pour la terre des Pharaons, puisque
les matelots égyptiens l'appelèr ent : « Païs » c'est-à-du e « l'en-
f~nt » et frappés de. sa gravité, supérieure à son âge, lui êle-
verent W1 autel rustique sur la plage afr icaine et lui offrirent
des fleurs et des fruits ( 17).
Ne nous arrêtons point à ces invraisemblances.
Mais il ne peut être contesté que Pythagore 1 ésida longtemps
- près de vingt-deux années - en Egypte (18) et s'initia parfai-
tement à la langue et à l'écriture du pays. Samos, cité maritime,
cnt1etenait du temps de Polycrate, des relations fort suivies
avec le royaume d'Amasis, Les transactions commerciales
étaient courantes entre les deux pays. Peut-être Pythagore
était-il, comme l'habile Mnésarque, son père, marchand de mé-
taux précieux. et surtout de camées ou pierres gravées, qui
étaient une spécialité de sa maison. On le verra toujours vivre
largement, et rien ne s'oppose à ce qu'il ait cumulé, dans sa
jeunesse et son âge mûr, les intérêts de l'industrie d'art pater-
nelle avec ceux de la recherche métaphysique.
Polycrate, tyran de Samos, l'aurait même recommandé au
Pharaon régnant (19) et ce dernier, lui aurait facilité l'accès des
Collèges sacerdotaux de Memphis et d'Héliopolis.
La vieille civilisation égyptienne, qui avait depuis longtemps
connu son apogée. exerçait encore une vive attraction sur le
jeune monde hellénique. Ses monuments aux, oroport1.ons colos-
sales sa haute culture religieuse, ses Mystercs antiques, ses
.admira blcs Iitui gies, sa culture scient~fi~ue - attestee . par de
nombreux papyrus aslrolo.e:iaues et medicaux - frappaient les
Grecs d'un légitime étonnement.

( 15) Dlog. Laërce : VIII, 3.


( 16) Jambl. : V. P. 13-14.
(17) Jambl. : V. P. 15-17.
(18) Jambl. V. P. 18-19 ; Diog. L.: VIII. 3.
(19) Porphyre : V. P. 7.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES i\1YSTÈRES 19
18
Tous les grands hommes de la Hellade iront chercher la Il avait une nature enjouée et répondait à ceux qui lui con-
lumière en Egypte : Thalès, Lycurgue, Solon y précéderont seillaient une plus grande gravité : « Ceux qui ont un arc le
tendent, quand ils s'en servent et le détendent aussitôt après.
Pythagore et Platon (20). Ils ne l'emploient pas au delà de leurs besoins. Le prince doit,
Hérodote fera, par après, la descriptio~ de ~?utes le~ mer- de même, ménager son tempérament et partager équitablement
veilles dont il fut le témoin oculaire (21). 'l~~tl étonne l~-~as : son temps entre le travail et le délassement. Sinon, il acquiert
la division du peuple en sept classes : sa piété ; sa sollicitude des manies et devient rapidement insensé » ( 24).
infinie envers les morts ; son respect des ai:imaux ; les . vête-
ments de ses prêtres ; le faste et le symbolisme de ses impo- On le voit, il ne manquait pas d'humour.
santes manifestations religieuses. Il érigea à Saïs et à Memphis, des temples grandioses. Il aimait
Le long séjour de Pythagore en ce pôl~ spirituel du. i:ionde beaucoup les Grecs, dont il appréciait le sens des affaires et la viva-
ancien est certes significatif. Il prouve I'étendue considérable cité d'esprit (25).
du savoir égyptien que le jeune Samien dut s'assimiler, par l.e La ville de Naucratis leur fut réservée et il fit en outre des
lent travail des initiations successives, dans les centres classi- dons considérables aux temples de Minerve, situés à Cyrène
ques de l'ésotérisme. et à Lindos ainsi qu'à celui de Junon, à Samos.
Lorsque nous le verrons plus tard briller non seulement en Il n'était pas non plus dépourvu de connaissances ésotéri-
métaphysique mais aussi en astronomie, en acoustique et dans ques car inquiet de la chance exagérée dont jouissait Polycrate,
la science des Nombres, nous devrons en inférer que l'enseigne- il l'avertit plusieurs fois du danger qui le menaçait et lui prédit
ment de l'Egypte comportait un bon nombre de sciences exactes, sa catastrophe finale (26).
premiers fondements de la science de la Nature. Tel fut le protecteur de Pythagore.

VII. - La protection royale.


VIII. - Le martyre de l'Egypte.

Le Pharaon Amasis dut réserver un excellent accueil au stu- C'est alors qu'une catastrophe sans précédent s'abattit inopi-
dieux jeune homme que lui avait recommandé son ami Poly- nément sur le paisible royaume d'Egypte en 525 avant l'ère
crate. vulgaire.
Il était en effet de caractère fort affable et exagérément Le roi des Perses, Cambyse, fils de Cyrus, leva une année
familier, au point que ses amis lui reprochaient souvent sa sim- considérable (27). y joignit des renforts d'Ioniens et d'Eoliens
plicité, indigne des exigences de son rang (22). et, sous prétexte qu'Arnasis lui avait refusé la main de sa fille,
Amasis n'oubliait pas ses origines modestes : il n'était que il organisa avec soin une invasion de l'Afrique. Aidé par ~n
simple employé du Pharaon Apriès, lorsque le peuple s'était transfuge, nommé Phanès, il en régla minutieusement les moin-
soul~yé contre. la t?'Tann_ie de ce prince. Un soldat qui se tenait dres détails ; il négocia notamment avec les rois arabes le pas-
d~rr1ere Amasis lui avait brusquement placé un casque sur la sage de ses troupes à travers les déserts qui bordent de tous
tete ; et c,e ge~te ~prévu.fut. ,Pris par la foule pour un présage côtés la Palestine et leur acheta de grandes quantités de cha-
et une prédestination particulière, On applaudit le nouveau mo- meaux. Il fit même rassembler en certains end.cits d'impor-
narque, qui, peu après, défi~ son prédécesseur dès leur première tantes provisions d'eau potable.
r~n~ontr~, et conserva depuis lors le pouvoir, qu'il avait acquis Amasis mobilisa ses armées et envoya son fils Psamménite
si singulièrement (23). monter la garde à l'embouchure du Delta (28).

, . (20) ~f .. l~urs biographie~, dans Diogène Laêrce. - Cf. Plutarque : (24) Id., 1. Il, c. CLXXIII. H' . d l'E t
dlsis. et d Os1r1.s, 10. - Et Clement d'Alexandrie : Stromates l l ch XV (25) Id., 1. li, c. CLXXVIII. Cf. James Breasted : Istoire e gyp e.
- Ainsi qu~ Diodore de Sicile : Rist. I, 96. · ' · · · · Bruxelles, Vromant, 1926, tome 11, p. 593.
(21) Herodote : Histoires, livre II, ch. XXXV el suivants (26) re., i. nr, c. XXXIX.
(22) Hérodote, L 11, ch. CLXXIIl. · ( 27) Id. , 1. III • c. 1 ., en 5 25 avant l'ère bulgatre .
(23) Hérodote, l. IL c. CLX1I. (28) Id., l. Ill, c. X.
'
20 PYTHAGORE ET LES MYSTERES PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 21
Mais avant que les deux adversaires ne se fussent trouvés nelles d'énergie, de patience et de volonté, d'affirmer sa force
en présence, Amasis tomba malade et mourut. morale et de tremper son caractère ...
Peu après les tunérailles, l'ennemi apparut , une grande b~-
taille s'engagea, l'armée égyptienne fut repoussée et se replia La ro,ute de ,Memphis à Babylone est longue, sinueuse et
en désordre. Les Perses envahirent la terre des , Pharaons. et entrecoupée de des~rts. El~e. dut être un véritable calvaire pour
mirent le siège devant' Memphis, Ils s'en emparèrent rap.1dc- les malheureux qui la survirent par des marches forcées sous
ment, puis, les atrocités ~ommcncèrent. De nombreux Egyptiens u:1 . soleil, torride. La fatigue, la faim, la soif. la chaleu'r, les
furent torturés ou exécutes. sévices dune soldatesque cruelle entre toutes firent périr beau-
coup de captifs.
A Saïs, le tombeau où reposait Amasis, fut violé, son sarco~
phage fut prisé el sa momie en fut arrachée. Cambyse, em~orte Par un juste retour du Destin, la mort emporta inopinément
par une fureur sadique, ordonna de donner des coups de fouet le bourreau de l'Egypte avant qu'il eût pu faire sa rentrée triom-
au cadavre de le transpercer d'aiguilles, de lui couper la barbe ; phale dans sa capitale. Apprenant qu'un usurpateur s'était em-
mais co~e ce corps, embaumé avec art, résistait ~ ~o~s ces paré du pouvoir, pendant son absence, et désireux de le ren-
outrages, il le fit jeter dans les flamme~,, chose considérée par verser puis d'opérer une restauration grandiose de son trône
toute l'Egypte comme un abominable sacrilège (29). Cambyse se précipita sur son cheval et donna l'ordre du départ'.
A Memphis, il tua Je taureau Apis, d'un coup de poignard à Mais il se heurta si maladroitement à sa propre épée, que le fer
la cuisse · il fit fouetter les desservants de son Temple (30). Il lui déchira la cuisse ( 33) ; la blessure se gangrena et le tyran
viola le sanctuaire toujours clos des Cabires, où nul ne pouvait expira bientôt dans de terribles souif rances. Les Egyptiens
pénétrer, sauf le Grand'Prêtre de ce culte ; il insulta les images dirent que le Dieu Apis avait frappé son assassin à la même
des Dieux et les fit détruire dans les flammes (31). place où il l'avait, lui-même, frappé ...
Pythagore dut assister à ces terribles événements, à cette
folie criminelle, à cette orgie barbare, à l'abaissement d'un Pythagore résista à l'épreuve physique et morale du voyage.
grand peuple. Toute sa vie, il en garda l'anxieuse image, aussi Tout jeune, il s'était adonné avec soin aux exercices du corps,
l'entendrons-nous répéter souvent un pathétique appel en faveur il avait entretenu celui-ci en bonne forme, par une gymnastique
quoti dienne.
de la paix et de la concorde ; il redira à tout moment sa sévère
défense de verser le sang de ses semblables. Il triompha des douleurs de la route.
Et lorsque les hordes persanes, ivres de vin et de pillage,
refluèrent vers le Nord, en emmenant avec elles, liés deux par Sa longue captivité n'altéra point son courage ; il la passa
deux, un grand nombre de captifs, Pythagore se trouvait, ligoté, dans l'étude et le recueillement. II approfondit ses projets de
dans le triste cortège des prisonniers de guerre (32). réforme universelle, il se prépara à sa mission. Il aurait même
rencontré à Babylone un Instructeur, nommé Zaratas, que cer-
IX. - Le bourreau châtié. - La captivité. tains veulent identifier avec Zoroastre ( 34).
Et, lorsqu'après douze années de résidence forcée, il fut enfin
Se voir arraché brusquement, sans raison à ses études à ses rendu à la liberté, et qu'il put revoir sa terre natale, qu'il avai.t
~ffecti?ns, à ses amis, pour subir un long ~xil dans un~ terre quittée depuis trente-quatre années, c'était un homme accompli,
étrangère, _quelle. torture. pour un être libre ... Mais quelle utile un maître en pleine force de l'âge, qui débarqua dans l'ile pa-
leçon aussi, quelle occasion de prouver des qualités exception- triale, le cœur mûri par les expériences subies.
(29) re.,
1. Ill c. XVI. Jamblique nous rapporte que les vieillards qui l~ reçurent
(30) Id., 1. I~I, c. XXIX. Deux siècles plus tard un autre souverain des n'hésitèrent pas à le reconnaître ; ils le trouvèren~ toujours beau
Perses, A;r!axerxes III <.Ochus) s'empara à son tou; de l'Egypte et y répéta
les. atrocités et les sacrilèges de Cambyse. n fit notamment tuer le bœu! de visage, mais étonnamment profond dans ses discours (35).
.Apis, puis on le. mangea dans un banquet. Les temples furent pillés et
les murs. de la ville d~ l\lempbis_, rasés jusqu'au sol. (CL Maspéro : His-
toire ancienne des peup1es de l'Orient tome I p 754) · (33) Hérodote: Hist., 1. III, ch. LXIV, en 522 avant l'ère vulgaire.
(31) Id .. 1. III, c. XXXVII. ' ' · ·
(32) Apulée : Florid.es, livre n, XV. (34) Apulée : Flor. 15 ; Porphyre : V. P. 12.
(35) Jambl. : V. P., 20.
'
PYTHAGORE ET LES l\1YSTERES
22
X. - Le retour à Samos.
Il demeura peu de temps à Samos. Cette ~ité corrompue; qui
réservait tous ses soins à une Ecole de courbsanes, ne manifes-
tait aucun intérêt aux recherches philosophiques. Le Maître
tenta vainement d'instruire ses concitoyens ; il ne put trouver
qu'un seul disciple, le fils d'Eratoklès.
Il vécut dès lors fort retiré. Il s'était construit un temple sou-
terrain, où il communiait avec les Forces de la Nature et célé- Chapitre II
brait les rites ancestraux qui unissent les vivants aux morts (36).
Cinq siècles après lui, le culte de Mithra, qui envahira tout
le monde romain, réunira lui aussi ses adeptes dans le silence
d'une crypte ou antre rituel, pour y pratiquer ses secrètes LES FONDEMENTS DE L'ŒUVRE
liturgies.
Instruit de la réalité du proverbe qui veut que nul ne soit
prophète en son pays, Pythagore comprit la stérilité de son
effort pour toucher le cœur de ses compatriotes. Que de fois I. - Le pêcheur d'hommes.
l'historien est ainsi le témoin de ce drame pathétique qu'est une
grande âme incompi ise ! Il. - Discours aux jeunes gens de Crotone.
Le Maitre quitta sans regret cette terre profane. On trouva III. - Discours aux dirigeants du peuple.
un jour sa demeure fermée. Poussé par une force intérieure il
allait rejoindre une terre nouvelle où son œuvre serait accueillte IV. - Discours aux femmes et aux enfants.
pour rayonner éternellement
' (37). ' ' V. - Sermon sur l'Agora.
VI. - Extension aux cités voisines.
VII. - Double aspect de la propagande.
VIII. - Clairvoyance et miracles.
IX. - Le genou en or.
X. - Modifications politiques.

(36) Jambl. : V. P. 27.


(37) Id., 28.
L - Le pêcheur d'hommes

Dès son arrivée à Crotone, Pythagore comprit que l'heure


était ven.uc de commencer sa mission terrestre. Il dira un jour
de ne point cacher la lampe sous le boisseau, de ne point étein-
dre le flambeau contre la muraille (1) Il commencera donc sa
prédication. Car l'éloquence est le premier outil mis par les
Dieux à la disposition des hommes et elle peut faire tant de
bien ... Il existe tant d'êtres qui sont malheureux uniquement
parce qu'ils ignorent qu'il existe des remèdes à leur maux.
Apulée nous révèle (2) que le Maître avait une admirable
beauté physique. Il était, en plus, extraordinairement éloquent.
Avant d'utiliser ce don divin, il jeta les yeux autour de lui.
A qui prêcherait-il en premier lieu la bonne parole ? Une infail-
lible intuition le poussa à s'adresser d'abord à la jeunesse. N'est-
elle pas l'humanité de demain ? N'a-t-elle pas en elle une géné-
rosité naturelle. qui est son plus précieux privilège ? Ne faut-il
pas parler aux hommes, avant que les épreuves de la vie n'aient
fermé leur cœur pour toujours ou ne l'aient, en partie, rendu
insensible à la douleur d'autrui ? C'est dans la jeunesse que l'on
trouve, au contraire, la richesse de l'enthousiasme, une bonté
spontanée, la soif de l'action et tant de généreux dynamismes.
Les adolescents n'ont pas encore subi la déformation de la
vie et la gangrène de l'intérêt. Ils sont encore susceptibles de
se donner, avec joie, à un idéal aussi pur que leur âme, on peut
leur demander de grandes choses.
C'est donc à eux que le pêcheur d'hommes adressera son
premier appel.

II. - Discours aux jeunes gens de Crotone.

Les biographes du Maître (3) nous oi;t l~issé un résumé de


cette première victoire de son verbe. Il réunit dans le Gymnase

( 1) Akousrna, n° 2, Ak. n" 74.


(2) Apulée : Florides, 1. Il', ch. XV.
(3) Jamb1. : v. P. 35-37 ; Porphyre : V. P. 21 ; Diodore : Hist., 1. X,
ch. 23, ch. 24.
26 PYTHAGORE ET LES !'.1:YSTÈRES

de la ville un grand nom~re d' a d ol esc ents. : Et , . familièrement,


avoir fait un
il leur dit bien des choses inattendues. Api es leut 1 CI ·t de
juste éloge de l'étude, qui doit être, le but, de ~ot;is d:s 1! ~o~ale
l . après avoir rappelé la necessi e '
aui J~u;~~s~~;-e ~on constant souci, il leur révéla I'incompara ble
q. h d J'Amitié la première des vertus humaines, le plus
rie esse e · · homme « Un ami
grand trésor que puisse possé~er un Jeune . ·. de
leur dit-il, est un autre soi-même » ( 4)., Et 11 l.eut donna, .
I'Amitié cette définition subtile et nuancee, conc~se mais admi-
rable : ~< Quand je suis avec mon ami, je ne suis plus seul et
nous ne sommes pas à deux ».
Car la communauté des sentiments et des pens.é~s, ~'affection
qui relie l'un à l'autre deux êtres qui on~ sympathisé ~es le pre-
mier moment par le miracle d'une affinité spontanée, ont ce
merveilleux effet d'attacher deux âmes l'une à l'autre et de les
confondre dans une vibration unique.
Non le dur chemin de la vie n'est plus si pénible à parcourir,
lorsque le voyageur n'est plus seul pour le suivre ~t .q.ue des
mains fraternelles lui sont tendues aux moments difficiles. A
deux, le fardeau est moins lourd à porter ; les larmes, comme
les joies, sont susceptibles de partage.
L'amitié véritable doit être pure de tout égoïsme ; il faut se
dévouer à ses amis, sans an·ière-pensée de profit, sans aucun
soupçon d'intérêt, sans calcul et sans réticence ; accomplir sem-
blable devoir laisse dans le cœur une émotion bienfaisante. ~ 1

Telle fut la première leçon du Maître à des jeunes gens sen- - - J jJ


sibles et enthousiastes. ~ '!
D'autres allocutions la suivirent. Il leur apprit encore qu'il
faut mépriser les vains plaisirs ; ils usent le corps et affaiblis-
sent les âmes (5). Il leur recommanda de bien chérir leurs pa-
rents, et de voir en eux Ia représentation vivante des Dieux
Immortels (6). Il leur conseilla aussi d'honorer et de respecter
les vieillards car, chargés de jours, ils sont aussi riches et lourds
d'expériences (7). Il leur dit enfin une vérité bien peu comprise :
le bonheur ne consiste point dans l'accumulation des richesses
matérielles ; elles corrompent le cœur au lieu de le servir.
1Hew:eux au. co:itraire, celui qui cherche à acquérir les dons
de 1 esprit et qui fait rayonner sa bonté dans ses actes . l:)yrhagore haranguant les femmes cle Crotone.

. (4) 1.Porphyre
otficns, : V.etc
I, ch. XVII, P.... 33 ; Plutarque : Vila Hom. 151 ; Cicéron · De
(5) Diod?re de Sicile, X ; Jambl, 41.
(6) Stobée: Serm. 77 ; Jambl. : V. P. 38 ; Porphyre : v. P. 38.
(7) Jambl. ; V. P. 37 ; Dlog. Laërce : VIII, 22.
l'Y'L'Jli'(:01n. f.'I' r.J.:S l\'lYSTÈRES 27
Ces C<~ns<.·ils. 80r talr-nt du cadre habituel des leçons co -
rant~s.; l'Pducul1~n des jeunes gens de Crotone était alors
négligée au pro!1l, <l~'i jeux athlétiques, qui accordaient une
t:
1mRortanc~ cxagci cc a la souplesse du corps. C'est au gymnase
qu ils passaient ,1.a plus grande partie de la journée. Pythagore
leur enseigna qu 11 faut, dans un beau corps, une belle âme.

III. - Discours aux dirigeants du peuple.

. ~'!cho qu'éveilla au sein de la jeunesse de Crotone la parole


inspirce du Sage de Samos ne fut pas sans inquiéter leurs
parents, qui détenaient les magistratures de la ville. Aussi invi-
tèrent-ils l'orateur à venir leur exposer ses idées sur l'organisa-
tion politique, à une réunion spéciale qui se tiendrait au Syne-
drion local (8).
L'auditoire du Maitre était cette fois bien différent. Il n'était
composé que de politiciens professionnels, hommes réalistes et
• positifs, soucieux, avant toute autre chose, de consolider leur
pouvoir, d'assurer en permanence la défense des intérêts éco-
nomiques dont ils avaient la garde et d'exercer l'autorité par
tout moyen, fût-ce au prix d'une rigueur extrême ou au contraire,
d'une licence effrénée.
C'est devant ces pragmatistes, avides de popularité et d'hon-
neurs, dans le lieu même de leurs mesquines agitations électo-
rales. que le Sage prit la parole.
Il les étonna dès ses premières paroles, tant son langage leur
était inhabituel.
« Savez-vous ce que vous êtes, leur dit-il ? Vous. les détenteurs
du pouvoir politique, vous êtes en réalité les débiteurs de~ la
Cité. Elle a été confiée à vos soins, grande et belle. Vous en etes
les dépositaires responsables (9) ; il vous appartiendra de la
transmettre intacte et embellie, aux mains de vos successeurs.
Un contrat' moral vous lie à la Patrie ; heureux celui qui Y
accorde tous ses soins et y apporte tout son zèle ; il est comp-
table de sa prospérité.
- L'harmonie sociale est aussi nécessaire à la cité que celle
des saisons et celle qui commande les révolutions des corps
célestes ; on ne pourra l'obtenir que par l'amour et la concorde
entre les citoyens. Elevez un Temple aux Muses, car elles sont
le symbole vivant de l'ordre et de la bonne entente : ne sont-elles

(8) Jamblique : V. P. 45.


(9) ra, 46.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE BT LES MYSTÈRES
28 29

pas toutes soumises à Apollon e~ n umssen t-e Iles pas toutes leurs furieuses compétitions électorales, ils entraîneront l'Ordre dans
1 •

voix pour former leurs chœurs celestes ? (10). la tourmente et une tragique catastrophe sera le couronnement
de leur aveuglement.
~ L'anarchie est Je plus grand des n;aux .• elle appo~·t~ avec
elle le dérèglement et elle provoque le désordre. Tous trois sont
la cause de tous les malheurs du peuple (11). . IV. - Discours aux femmes et aux enfants.
_ Ne cherchez pas à surpasser les villes voisines en p~1s-
sance militaire ou en opulence 1na.téri~Ue ; tentez au con~ra1~e , Touchés de ~es conse~s, les dirigeants de Crotone permirent
de les dépasser en bonne foi et en J ustice ; car la b?nne fo~ pre- a Pythagore de s adresser a leurs femmes et à leurs enfants.
serve de la ruine intérieure et la justice assure la paix extérieure.
T~ute réforme de la société serait vaine si elle n'était pas
_ Pourquoi ne respectez-vous pas ln moralité .publi.que ? Ne complete. La femme est un des deux piliers de la société · corn-
donnez pas à vos enfants le triste spe;_ctacle, du .hber~1na~e. La pa~ne ~e l'h~n:ime et, mcre d~ ses enfants, elle prend un~ part
sainteté du mariage doit à nouveau etre re~abl~e. N est-il pas active a ses Joies et a ses peines, elle est sa collaboratrice per-
une union. consacrée par la liturgre. par les. Iibations et les for- manente. Elle a sa part de travail et de responsabilité dans la
mules ? Renvoyez donc vos concubines car 11 vous sera un jour vie sociale.
demandé compte de votre conduite ... » (12). Aussi Pythagore tenait-il beaucoup à s'adresser également à
Des vérités aussi sévères furent prononcées avec fermeté par elles. Il avait en effet remarqué que beaucoup de femmes de la
Pythagore. Et, chose étonnante, loin d'êtr~ hué par la foule d~s ville, dédaignées par leurs époux, tentaient de les ramener ou
magistrats, loin d'être accueilli avec fro1deu:1 par ce~ . qu il de les remplacer, par l'attrait d'un luxe inconsidéré, par de fas-
reprenait si ouvertement, il opéra. en. leurs am~s un véritable tueux excès dans rhabillement et dans la parure.
bouleversement. Peu de jours apres, ils renvoyèrent les Palla- Le Maître leur fit de vifs reproches (14) sur la vanité de ces
cides courtisanes locales qu'ils entretenaient au su de tous, en dissipations stériles. L'excès des richesses crée le dérèglement
deho. s de leurs foyers. et la décadence ( 15). Il fallait revenir à la simplicité.
Ils modifièrent aussi leur constitution, réduisirent les compé- Il leur fit aussi l'éloge de la concorde conjugale ; cette affec-
titions entre les citoyens, et demandèrent même au Maître de tion mutuelle et cette confiance absolue qui sont les bases
les assister de ses conseils, en participant à leur gouvernement. mêmes du foyer, ne peuvent jamais être trahies. Ulysse ne
On alla jusqu'à lui offrir la Présidence du Conseil ( 13). Il refusa refusa-t-il pas l'immortalité que lui offrait Calypso, à la con-
toutes ces offres.
dition qu'il abandonnât son épouse ?
Et il fit bien. Car le royaume des initiés n'est pas de ce Les femmes de Crotone lui surent gré des conseils que le
monde. Comme le prêtre idéal, l'initié inspire, éclaire, contrôle Maitre leur avait donnés dans I'Hèraion. Elles le remercièrent
ses concitoyens ; il règne moralement mais il ne gouverne pas ; du renvoi des Pallacides. Aussi lui amenèrent-elles leurs
il ne peut gérer lui-même les affaires publiques ; élément per- enfants (16). Il les bénit, s'assit au milieu d'eux et leur fit d'affec-
manent de stabilité éthique, il est l'œil qui voit tout, la main qui tueuses recommandations : - « Soyez bons, mes chers enfants,
guérit, la voix qui apaise et qui console. leur dit-il. Demeurez longtemps jeunes et purs, car la jeunesse
Ses armes sont spirituelles et n'ont rien de matériel ou de est aimée des Dieux et ils ne savent rien lui refuser. Soyez
profane. toujours bons amis, demeurez atta0és les uns aux ~utres;
Aussi le jour, où les disciples du Maître refuseront de suivre qu'aucun vain prétexte ne vous separe. Ne . vous disputez
son exemple et d'imiter sa réserve · le jour où ils voudront se pas entre vous. Ne faites jamais étalage des richesses de vos
mêler activement de gouvernement ~t où ils prendront part aux parents car les biens matériels, faciles ~ gagner, sont enc.~re plus
faciles à perdre. Si l'un de vous a subi, u:ie offense, qu il sach~
dominer son courroux et se montrer genereux pour son adver-
(10) Jambl. : V. P. 45.
(11) JambL : V. P. 175 ; Stobée : Floril., 43, 49.
(12) Jambl. : V. P. 48, id. 84, id. 132, id. 195. (14) Jamblique : V. P. 56. . Ar'
(13) Valère Maxime : VIII, 15 ; Cicéron : De Orat., III, 15. (15) Id.: V. P.171; Stobée '. Flor., 43, 79 ~Isocrate· eop. 1 ·
(16) Jambl. : V. P. 51.
PYTHAGORE ET LES l\.fYSTÈRES
30 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 31
saire . qu'il ne lui garde pas rancune, qu'il lui pardonne son acte VII. - Double aspect de la propagande.
et ne cherche jamais à se venger ... »
L'œuvre ~e ,Pythag?re possédait une double originalité. Elle
s~ développait a l~ fois sur deux plans distincts et s'assurait
ainsi une pro (onde resonance.
v. _Le sermon sur L'Agora.
1° Les anciens Maîtres enseignaient en leur demeure un
T ou S les biographes du Maître insistent sur l'extr~ordi.n~ire nombre réduit de ?isciple.s ; cet tains même n'en acceptaient que
succès de son enseignement. , « Il c h arma les âmes . ' dit Dicéar- deux ou un seul a la fois. Pythagore, au contraire, s'adresse à
(l7) Il rut l'apôtre éloquent et persuasif de la, ~ertu ~>, la masse du peuple.
iu~t» Justi~ <(18). « Il n'enseigne pas les âmes, il les guérit », dit
Il prêche à la multitude, il communie directement avec elle.
Elien (19). Il lui enseigne les premiers éléments de la morale et fait sur
Son influence fut telle qu'il s'opéra à Crotone une véritable elle une impression profonde. Il organise ainsi, par des discours
révolution. Il avait fait un sermon sur l'agora, ~evant ~e et des causeries, une propagande exotérique, première étape
grande multitude de peuple. « En un seul jour, 11 convertit dans la lutte pour un monde meilleur. Platon et son maître
2.000 personnes », dit Nicomaque (20). Socrate imiteront un jour cette publicité g1 acieuse et familiere
pour les idées qui leur seront chères ; ils se promèneront sur
Et Apollonios précise que 300 jeune~ gens qui l'av~ient l'agora ou dans les jardins d'Akadémos et donneront à leurs
écouté quittèrent sur le champ leurs familles et ne rentrèrent auditeurs les premiers pi incipes de la philosophie.
plus e{1 leurs demeures, pour aller habiter avec lui (21).
2° Ce travail préparatoire accompli, il s'opérera une sélec-
Les auteurs confirment tous la réalité de cet élan mystique, tion sévère ; seuls, les meilleurs seront appelés par le Maître à
qui embrasa toute la cité. Selon Jambliq~e (22) et Diogène devenir ses collaborateurs ; eux seuls recevront, goutte à goutte,
Laërce (23), 600 disciples aui aient ab~ndo~ne ~eui:s proches ~our la précieuse liqueur de la Vérité: une révélation graduée des
aller vivre en communauté, sous la direction éclairée du Maitre. Mystères, matière qui demeurera toujours étrangère à la masse
incompréhensive, qui ne peut dépasser le stade de l'éthique.
VI. - Extensions aux cités voisines. Le Maître sera le seul gardien de son Ordre : il fera lui-même
le choix des élus, en pleine souveraineté (25). Seuls, les disciples
qui lui donneront toutes garanties intellectuelles et morales et
Ce n'est pas seulement à Crotone que la voix pathétique du qui, pour le suivre, n'hésiteront pas à tout abandonner : position
réformateur opéra de semblables mouvements des âmes et attira sociale, activités profanes, famille, pourront être jugés dignes
à une vie plus parfaite l'élite de la jeunesse. De nombreux ado- d'entrer dans I'Ordre hiérarchique et disciplinaire, dont il sera
lescents, venus des villes voisines, accoururent à Crotone et l'animateur.
furent, eux aussi, les élèves assidus du Maitre. Rentrés en leurs
patries respectives, ils propagèrent aussitôt ses doctrines (24). Encore cette faveur leur sera-t-elle difficilement accordée ;
il n'hésitera pas à leur imposer une attente longue et parfois
Locres, Sybaris et Rhegium connurent bientôt des commu- déprimante · un stage pénible et rempli d'épreuves (26) de toutes
nautés pythagoriciennes, à l'image de la maison-mère de Crotone. sortes, susceptibles de faire apparaître le degré de leur initia-
bilité.
( 17) Porphyre : V. P. 18. Et lorsqu'ils auront enfin franch.i 1~ seuil du S~nctu~ire et
(18) Justin, XX, 4. qu'ils auront été admis à la communication des Mystères, il l~ur
(19)
(20)
Var. Hist. IV, 17.
Porphyre : V. P. 20. demandera un effort quotidien, une a~·?eur cons~~n~~· LI? zele
(21) Jambl. : V. P. 254. dévorant du corps et de l'âme, dans 1 étude et 1 édification de
(22) V. P. 29.
(23) VIII, 15.
(24) JambL V. P. 33 ; Nicomaque dans Porphyre, V. P. 21. (25) Jambl. : V. P. 71.
(26) Id. 72 ; Diogène Laërce, VIII, 10.
PYTHAGORE ET LES MYSTf:RF:S 33
PYTHAGORF. ET LES """'S'l'~RES
Ill L
32
. , ' li 11 leur réservera une formation si . On lui attribu~it le don de psychomél11c : H lisait les mis-
leur personnal1te nouv e. ~·t ndue une base scientifique si sub- sive~ encore fe,rme~s, (31). Il avait un rnystêrieux pouvoir sur
complète, un~ cultur~ si e. esava1;ts et des sages, des physiciens l?s ~léments ~echa1ncs : on le vit faire cesser la g1 èle, mett e
stantielle, qu il en fedra des . 1· tes et des législateurs, de véri- fin a la tempete, calmer la mer en fui ie et apaiser un fleuve
et des astronon1es, es ~?1 a 15 débordé (32).
tables Guides de l'human1te. ,
Et si certains parmi eux demeureront en P~r:manence auprès .11 guérit de nombreux malades (33), par l'imposition des
d lui pour l'assister dans la formation journal1e~c. de no~veaux mains, p~r des chants et par les sons d'une douce musi-
e ' d toutes les cités du monde hellcn1que, d autres que. Un J~une homme de Tauroménium, qui s'était énivré plus
adeptes venus e , d 1 té que de raison, échoua devant la demeure de son amie et trouva
ntraire recevront l'ordre de se séparer e a ~ommulnau o,
au Co ' t · · · ou· v continuer a pro- le loquet fermé de l'intérieur. Il tenta vainement de foi cer la
il les renverra dans le monde ex erreur, P . 1 •
a ande exotérique et éclairer. le~1rs conc1~oyen~ ~e l.e~rs co_n: port~ d'enti ~e et, saisi d'une crise de rage, il voulut mett e le
~eJs salutaires. Ils formeront ainsi le prermer T1cts-01d1e. eu1? feu a la maison. Pythagore, qui, dans une habitation voisine
· . mêlés à la vie profane, ils ne perdront cep~ndant Jamais faisait à ce moment des observations astronomiques. fut alei tê
~~~~~~t avec I'Ordre, qui les au~·a instruits. Ils br1lleron~ ,alors, par ses cris ; il se hâta d'aller quérir un joueur de flûte et lui
au nombre de plusieurs centaines, dans toutes les cites de demanda de jouer un ail doux et mélancolique, qu'il accom-
Grande-Grèce (27) ; on en ti cuve.ra en Si~ile, ~n Grèce, dans les pagna de son chant. Aussitôt dégr isé, le jeune homme recouvi a
iles ; il en paraîtra même en Syr1~, en Asie Mt~eu~·e, en Egyp~~· ses esprits et rentra, apaisé chez lui, après avoir reg.etté en pleu-
Ils laisseront derrière eux des Lois, des Const1t~t1ons, des P.1 e- rant son aveuglement passager (34).
arnbules, des Traités de Morale et de Cosmologie: Leur act1?n
se continuera pendant plusieurs siècles et se traduira dans 1'~1s-
toire de la pensée humaine par une trace brillante, par une lumière (X. -Le ge11nu en en.
impérissable ...
Jamblique nous rapporte une curieuse légende (35).
VIII. - Clairvoyance et miracles. Il vint u '"\ jour à Crotone, un étrange missionnaire. C'était un
Scythe, aux cheveux fauves : il se nommait Abaris et était prêtre
Le Maître donna à ses contemporains de nombreux témoi- d'Apollon Hyperboréen. Il trainait avec lui la lourde flèche du
gnages de sa clairvoyance. Ses biographes lui attribuent des faits Dieu et allait, de porte en porte, demander une obole pour son
merveilleux. Temple.
Voyant un navire entrer dans le port, il annonça à la foule Il avait déjà recueilli beaucoup d'or.
qui lui demandait quelle cargaison il portait : « C'est un mort,
qu'il vous ramène ». Peu après, le bateau aborda et débarqua un Lorsqu'il pénétra dans la demeure du Mait: e. et qu'il aperçut
cadavre (28). celui-ci, Abaris poussa un grand cri et se prosterna, le fi ont contre
Un autre jour, il prédit, après avoir bu de l'eau d'un puits, terre :
qu'un tremblement de terre était proche ; il se produisit en effet - Mais c'est Toi, le Dieu que je sers, mumura-t-il avec respect.
trois jours après (29).
Et il déposa à ses pieds la flèche magique el le sac d'or qu'il
Il parcourait souvent de grandes distances en très peu de portait.
temps et Porphyre affirme même qu'il fut vu le même jour et
au même moment à Métaponte, en Italie et à Tauroménium en Pythagore le releva doucement, lui donna le baiser de paix
Sicile (30). ' et lui dit :
(27) Jambl. V. P. 265-267.
(28) Jarnbl. V. P. 142 ; Porphyre, V. P. 28.
(31) D. Laérce : VIII, 41.
(32> Jambl. : V. P. 135 ; Porphyre : V. P. 29 et 27.
(29) Jambl. V. P. 136 ; Porphyre : V. P. 29 ; Andron d'Epbèse : Praec. (33) Aellen : Vnriae. Histor. lV, 17.
Ev. L., X, 3, 6.
(30) Porpb. : V. P. 27. (34) Jambl.: V. P. 112.
<35) Jambl. : V. P. 135 ; Porphyre : V. P. 28.
34 PYTIIAGOHE ET LES l\lYSTÈRES PYTHAGORE ET LES M~YSTtRES 35
'es pas trompé mon fils. Je suis descendu sur Le pouvoir serait, comme la paternité, une relation conforme
- « T u ne t ' • · d l ·s
la terre pour éclairer les hommes et pour 1 es gu~ru.' . cd _cwl à l'ordre naturel des choses, une tradition qui descend du père
·. ·
maux. J 81 pl lS
.· la Ioi me humaine pour . ne pas inttrru
li éCI é es• au fils et ne suit pas la voie opposée. Il ne peut être soumis aux
mortels. Pour te prouver sans doute possible ma qua it v ri- fluctuations des agitations électorales.
table, je te pei mettrai do voir mon genou ». .. Tout est ordre et harmonie dans le monde. disait le Maître.
Il souleva son manteau et Abaris vit qu~ le genou du Maitre Rien ne procède du hasard ; la cité doit elle aussi pat ticiper
était doré comme l'est la divine lumière solaire. pour sa part a' ce rythme universel. Il faut' donc mettre
1
fin aux
Jamblique ajoute qu'Abaris devint le serviteur dévoué et le stériles brigues partisanes, aux vaines agitations populaires, aux
compagnon de voyage d~ M~itrc, son fidèle collab?rateu~. ~'~r compétitions personnelles des candidats.
qu'il avait recueilli fut repai ti e_ntre les commu_nautes de 101d1~
et facilita à la fois leur extension et leur habitude de soulager Tout doit s'effacer devant le bien de la communauté.
les inI01 tunes. La concorde, l'union, l'affection rapprocheront entre eux les
Le Maître imposa à Abaris le silence sur sa nature, mais le citoyens. La vertu, la piété, la science les conf il meront dans une
peuple, poussé par une intuition spontanée, continua à l'appe- commune destinée.
ler : « Apollon descendu sur la terre ».
La Loi doit faire le bonheur de tous, il faut la vénérer et la
Comment ne pas souligner cette légende lorsque nous voyons chérir comme une mère (37).
certains prêtres porter l'image du disque solaire au sommet de
la tête. pour affirmer qu'ils sont, eux aussi, les enfants de la Quant au prince, il doit être le pasteur de ses brebis et ne pas
Lumière ? s'en faire le bourreau (38).
Ne diront-ils pas, orgueilleusement : « Mithra est ma cou- Telles furent les instructions que donna le Maître aux diri-
ronne ? » geants politiques. Elles furent entendues car dans plusieurs cités,
D'autre part, certains rites imposeront à leurs néophytes de les divisions cessèrent et les magistrats les plus éminents demeu-
se présenter à l'initiation, le genou découvert, pour marquer leur rèrent en charge.
désir de devenir les fils du Soleil.
Mais depuis la dispai ition du Maître, que de nations ont péri,
pour n'avoir pas tenu compte de ces préceptes !
X. - Modifications pol.itiques.
Nos conceptions modernes de la démocratie ont créé un autre
P~thagore conseilla aux dirigeants du peuple, appelés : Le mode de vie, un autre idéal, d'autres disciplines. Nous avons dès
Conseil des Mille, de modilier leur constitution et de s'organiser lors quelque peine à comprendre l'idéal social des Grecs anciens.
en aristocratie (36) c'est-à-dire de réaliser « le meilleur gouver-
nement, par le gouvernement des meilleurs ».
11 voulait concilier à la fois l'ordre et la liberté qui ne peu-
v~nt exist~r l'un sans l'autre, sans péril pour la 'paix sociale.
L ordre doit cependant primer la liberté et réprimer la licence.
N'ou?lioi:s pas que le long séjour qu'avait fait Pythagore en
E~pte lavait ~1s en contact avec un système politique bien
~fîérent d~ celui que pratiquaient les petites démocraties de la
. rande_-G~ece. Le Pharaon, représentant des Dieux de l'Egypte
imposait a so~ ~euJ:?le . . une obéissance absolue. Il n'admettait
°.
P1 1nt . . que celui-c~ put etre consulté par un vote ou pût choisir
ur-memo ses mag1strats.

(36) Porphyre : V. P. 54. (37) Stobée : Fior. 79, 75 ; Jambl. : V. P. 99 et 175 ; Porphyre : V. p. 38
(38) Stobée : Flor. XLVI, 61.
Chapitre Ill

L'ORGANISATION DE L'ORDRE

I. - La Sélection des candidats.


II. - Les Epreuves du Seuil.
III. - Le Maître invisible.
IV. - Echérnythie et Kathartysis.
V. - Les degrés de lumière.
VI. - Le Salut au Soleil.
VII. - La clé du Symbolisme.
VIII. - Les usages de I'Ordre.
IX. - Les morts vivants.
X. - L'amour fraternel.
l. - La sélection des candidats

L'harmonie doit être la base de toute organisation humaine.


Par tant de ce principe nécessaire, Pythagore se montrait exces-
sivement difficile, pour admettre des inconnus dans son Ordre.
Il savait par expérience - n'était-il pas passionné de musique ?
- qu'un seul instrument discordant peut fausser les accords de
tout un orchestre ; qu'une seule brebis galeuse peut contaminer
le t1 oupeau ; qu'un menu grain de sable peut paralyser tout un
' .
mecamsme.
Aussi faisait-il une sélection fort sévère de tous les postu-
lants. Il scrutait personnellement toutes les vocations. Il accor-
dait beaucoup d'importance à I'irnpi ession physique que lui fai-
sait le candidat (1) ; il savait et il enseignait que tout homme
émet en pei manence. des radiations vivantes, tout autour de
lui ; elles frappent les autres êtres et éveillent en eux une sym-
pathie ou une antipathie spontanées. Cette réaction naturelle est
indépendante de la volonté, on la subit. on ne la crée pas. Elle
se trouve d'ailleurs rarement en défaut. la première impression
est souvent la bonne : l'organisme réagit automatiquement
contre toute menace étrangère, comme il combat le' microbe par
la fièvre. Les veux surtout. ont une éloquence considérable. Ne
sont-ils pas, véritablement, « le miroir de l'âme » ?
Outre l'aspect extérieur des candidats, le Maître basait sa
conviction sur d'autres obser\1ations. Il faisait faire sur chacun
d'entre eux une enquête détaillée. Elle durait parfois deux ou
trois années.
Voici notamment les points qu'il soumettait à vérification (2) :
Quelle était la démarche du candidat ? Comment traitait-il ses
subordonnés ? Quelle était son attitude envers ses amis ? Com-
ment se comportait-il envers ses supérieurs ? Comment se mon-

(1) Jarnbl. : v. P. 71 ; Aulu-Gelle : l, 9 ; Origène : Philos., p. 6-9, etc ...


(2) Jarnbl. : v, P. 71.
PYTHJ\GO'RE ET LES :\1YSTÈRES PYTHAGORE ET L&S MYSTÈRES 41
40
trait-il vis-à-vis de ses égaux ? Aimart-il ses patents ? Savait-il On. le traitait durement et sans considération. On en faisait
g'arder un scci et '? N'etait-il J as t1 op
. cxpansi f '? Quelles étaient
. ') c t . !e ser v1teu~· ci.es anciens ; on lui imposait un perpétuel silence .
ses manies ? ses habitudes ? ses frequcntat1ons . ornrnen rea- 1~ apprenait a .domp.ter sa curiosité, à réfréner toute sollicita~
gissait-il à ~n blâme ? à une louan~c ? ù. u~c ép1:cuvc ?. Obéis- tion profa?e ; a. se .livrer aux joies austères de la méditation.
sait-il facilement '? Etait-il modeste ? pcrseverant ? travailleur ? <?n lui enseignait la Cathai tique ou science des purifications
Etait-il désintéressé ? Cherchait-il la V érité '? Avait-il du car ac- physiques et morales.
tèi c : Affirmait-il sa pc··sonnalité '? Cc stage pénible durait parfois cinq années il n'était abrégé
Ces questions précises, p océdant d'une connaissance nppi o- que pour les sujets d'élite. '
fondie de l'êti e humain. pe. mettaient de dresser le tableau, la Telle était la longue attente des candidats au seuil du Naos
fiche psychologique du candidat. de l'Ordre.
Il fallait en effet jalousement gai der 1'01 dre contre l'intru- Elle avait pour effet de les rendre patients et dociles actifs
sion de profanes avides ou calculateurs. Il fallait en écarter les et modestes, disciplinés de corps et d'âme. ·
int igants. les curieux, les professionnels du mai chandage et de
I'intéi êt. III. - Le Nluiire invisible.
On ne peut tolérer les marchands dans le Temple, on ne peut,
sans le souiller. y laisser pénétrer des préoccupations profanes. La sévère formation des Novices comportait même une
Pythagore ècai tait d'office les postulants dont la profession épreuve supplémentaire. qui leur semblait particulièrement pé-
était susceptible de leur inspirer des sentiments et cruauté et nible et incompréhensible.
d'insensH::ilité : c'est ainsi qu'il proscrivait sans appel les bou- Alors qu'ils avaient entendu le Maître dans ses discours pu-
c~ers. les gladiateu. s. les rnei cenaires. les chasseurs. Quiconque blics adressés aux Exotériques. une fois admis dans son Institut,
fait p.ofession de verser le sang n'est pas initiable (3). ils perdaient sur le champ toute possibilité de le voir ou de lui
On ne peut blâmer le Maitre de son excessive sévérité. Déjà adresser la parole.
de son temps, cet tains politiciens influents voulaient s'imposer Alors qu'ils lui avaient voué leur meilleur enthousiasme et
dans s?n Ord e, par le lustre de leur nom ou le poids doré de qu'ils l'avaient pris pour guide dans la vie. quoique toujours
le~ ~ richesses. Il les écai ta sans pitié et il se fit ainsi des enne- présent. il demeurait. pour eux seuls. invisible.
mis 1mpl~cab1es. L.e c. uc! C.ylon, qui. un jour. ameutera la foule Mais il s'occupait cependant d'eux. à leur insu. avec une vive
contre lu.1 et la menera a 1 assaut de son Temple. est, lui aussi, sollicitude. Dérobé à leur vue par un rideau (6), il écoutait avec
un refuse de Cr?t?ne (4) ; cette blessure, toujours ouverte, fait soin leurs réponses aux questions que leur posaient leurs ins-
c mpi e~d e la ::1gilancc et la tension de sa haine. tructeurs. Il jugeait ainsi de leur avancement spirituel.
Mais le Maitre savait défendre son troupeau et fermer aux Il leur réservait parfois le bonheur de l'entendre. sans le
loups la po te de s~ ?ergerie. Et lorsqu'on voit la qualité tran~- voir. Il les appelait par leurs noms. leur donnait des conseils
ce;i~ante de s~s disclples, lorsqu'on observe combien ils illus- utiles et ses paroles ailées d'encou. agement et de réconfort les
t: e! e~t la pensee antique. on ne peut lui Iaii e grief de sa sévé- incitaient à persévérer dans leur espérance.
~~el . c~rt ~'·~le ui;e P escience très sûre. un infaillible instinct Mais il y avait toujours entre Lui et eux un r~dea.u. impéné-
a
a eu 1ver
1
e: 1 a ecai té le? impurs, les faibles et les impies · il
a main heureuse : 11 a distingué le froment de 1 1vra1e ...
1• : ce voile s'écartera pour eux déünitivement et que :es
trable. Ce n'est qu'après leur admission au degré esoterique .que
novices,
rendus meilleurs par l'épreuve, se trouveront face a face avec
II. - Les épreuves du Seuil. leur Père spirituel.

IV. - Eché1nythie et Kathartysis.


Une fois admis au Noviciat d l'O 1..d 1 .
était astreint à de rudes é ,e re, .e Jeune postulant
tremper son caractè.n (5). preuves, qui avaient pour but de Deux disciplines distinctes étai:nt. ~pos.ées . à tous.
La première l'Eché1nythie (7) était 1 obhgation de g~rder. l~
(3) Jarnbl. : V. P. 100. secret sur les enseignements reçus. sur le nombre et l identité
< 4) Porphyre : V p 54
(5) Jambl. : V. P. 72. · (6) Id.
(7) Jnrnbl. : V.P. 94.
'
Pi'TIJ1\CORE ET LES MYSTERES
42 PYTHAGORE ET LES l\'t YSITRES
43
des membres de l'Ordre, sur tout ce qui se rapportait à sa vie tiés ou E~otériques en 4 degrés distincts : cela nous donne le
courante. tableau suivant :
Toute indiscrétion était punie d'un renvoi immédiat.
La seconde ou Kathartysis (8) consistait dans le respect pour Dl~GRE PREPARATOIRE · Grade Zéro : Les Exotériques.
la sainte Hiérarchie ; dans la soumission aux ordi es du Maîti e ;
dans la docilité la plus exemplaire ; dans le respect d'une dis- 4 DEGRES D'INITIATION pour les Esotériques :
cipline commune. librement et joyeusement acceptée ; dans la I. NOVICIAT : Grade I : Les Acousmatiques.
plus zélée obéissance.
Le Maître évita. par ces vertus d'obligation. les deux vices II I\1AITRISE ( Grade II : Les Mathématiques.
qui rongent les autres collectivités humaines : d'une part, le } Grade III : Les Sébastiques.
bavardage inconsidéré. l'étourderie. la communication inutile l Grade IV : Les Politiques.
de secrets à des personnes incapables de les comprendre ; la dé- répartis en 2 classes : ~ les Economiques
magogie insensée : et d'autre part le désordre, dû à l'indisci- l les Nomothètes.
pline. la division, les agitations stériles. les brigues et les dérè-
glements. fruits de la discorde et de l'égoïsme. Voyons en quoi rls se différenciaient:
Les Illuminés de Bavière enseigneront un jour au néophyte
appelé par eux le fils de Minerve ou Minerval, que « L'initié doit Grade Zéro ou Degré Préparatoire : Les Exotériques.
toujours avoir un bœuf sur sa langue » (9). Il était ouvert aux auditeurs libres, qui suivaient les leçons
Et d'autre part. le Pythagorisme professe et répétera que rien publiques du Maître. C'est en leur sein qu'il recrutait ses dis-
de durable ne se construit sans amour. ciples.
En ce groupement profane. seules les Vérités morales étaient
enseignées : le respect de la Loi, l'amour de la patrie, l'al-
V. - Les degrés de lumière. truisme, la concorde, les bonnes mœurs. la fidélité conjugale,
l'amitié, le pardon des offenses.
~a vé.rité. et la sci~nce ne s'acquièrent pas en une fois, par
une 1llununat!o? so1uda1ne. Leur conquête nécessite, au contraire, Grades initiatiques :
une .longue serie d efforts et d'observations et une étude appro- Grade 1 ou Noviciat : Les Acousmatiques.
fondie.
Une fois admis au Noviciat de l'Ordre, ]es meilleurs auditeurs
. Pythag~re r~,partit en conséquence son enseignement en plu-
sieurs degrés d etudes progressives, allant du simple au du Maître soumis par lui à l'épreuve du silence, devenaient les
« Ecouteurs », les « Acousmattoues » de leurs premiers maitres.
p~e~taebelt due ~'obs~u;·ité à la lumière. Il jeta ainsi les bases d~~~~
ven e niversité. On leur apprenait la psychologie. la physiologie, les exercices
Les :iut~urs ne sont pas unanimes sur les dénominations de liturgiques, la méditation, les secrets du Symbolisme.
ces degr~s rn sur leur nombre exact (10). On les appelait encore : « Oï Exô », c'est-à-dire ceux du de-
1 Il n est. cependant _pas impossible d'en donner une nomen- hors. car on voulait indiquer par là qu'ils étaient encore séparés
c ature logique, basee a la fois sur les sources et sur les exi- du Temple par un rideau. qui leur en cachait les Mystères,
gences des programmes de son enseignement Grade II : Les Scientifiques ou l\1athéma.tikoï.
Il semble établi qu'en deh d' ·
d'auditeurs libres les exotériqors upn ghroupeme?t p:éparatoire On ne fait pas de métaphysique ~vaz:t ~'av~i_r explo~·é la ph~-
' ues, yt agore repartit ses ini-
sique ni de métapsychique avant d avoir étudié les lois qui re-
(8) Jambl. : V. P. 95. gissent les forces manifestées de l'Univers. . . .
(9) Le Forestier : Les Illuminés d B . . . On donnait en ce degré, aux initiés, une formation scienti-
(10) Cf. Jamblique : v. p 30 p. 51. Pans-Hachette 1915. fique complète.' comportant : la physique. l'astronomie, la géo-
72e
pbyre : V. P. 37 ; Clém. d'Al~x . 'St · 80a~ere,
• l, 88, 89, 130, 150, 172 ; Por-
métrie, les mathématiques et la science des Nombres. .
iui2'u~~t1,!· .21, 17 : St-Augustin : ~ita~f~a~~;9d; HippDolyte : .Adv. haer.,
-ue 1tt: • , 9. • ans · .
e Ordine , II ' 20 · Certains auteurs appellent les membres de ce degré
sikoï, les Physiciens.
: Phy-
PYTHAGORE ET LES fl.1YSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSti:RES
45
Grade Ill : Les Herméiisies ou Sébastikoï (11). C'étaient surtout les Nomothètes qui, rentrés dans le monde
profane. où ils formaient un Tiers-Ordre, établirent des lois en
, a vo11·
. e. t u d 1e
.• 1 c monde dans· .toutes ses manifestations de nombreuses cités et mérita, cnt ainsi une grande renom-
Apres , it . l , · mée (13).
~ . 1. t . t enfin admis a en connai 1 e es ri-
sens1bles .. l~stueel~;sesOen a~~~r enseignait alors les divers Mystères
ch Les 5 degi és de !'Ordre (si nous y englobons le degré prépa-
esses sp11·1 · . , t t les questions que
de l'Ordre, qui leur donna~ent repon~? a ou es .s : raton c des Exotériques) correspondaient non seulement à une par-
se posent les êtres assoiffes de lumière et de cei titude. faite ordonnance du programme des études, mais ils répondaient
aussi, par leurs chiffres, à une préoccupation d'ordre mystique ;
L . or1g1ne
. . d l'âme son incarnation son destin posthume, tels
c a . . ; , . . r.1 • st ères 5 représente en effet le Pentalpha ou Etoile à 5 branches (14), par-
étaient les problèmes essentiels que reso 1 vaient 1 es n ) s e ·
faite image de l'Initié triomphant et rayonnant de toutes parts les
Ce degrë faisait d'eux ~es ~édiatcurs c~nscicnts entre l~ ~- lumières acquises.
sible et l'invisible, des théologiens, doubles de savants Iitur-
gistes. VI. - Le Solut: au Soleil.

Bien que les degrés d'études se fussent toujours réunis sépa-


Grade IV : Les Politikoï. rément, sous la conduite de moniteurs différents, tous compor-
taient un certain nombre de pratiques communes, imposées à
Ce n'est qu'après avoir été formés à la science profane et à tous les adeptes.
la science secrète ; et instruits des mystères du monde et de Un des rites les plus mystérieux de l'Ordre était le salut au
ceux qui échappent à nos sens vulgaires, que les disciples Soleil levant.
étaient admis au 4" et dernier degré de l'initiation. Levés fort tôt les disciples se revêtaient d'une robe blanche,
Il était à la fois théorique et pratique ; on leur enseignait prenaient leur lyre et se rendaient à la rencontre du S· ·leil1 en
d'une part les secrets de l'harmonie sociale et les bases d'une chantant des cantiques sacrés.
législation idéale ; et d'autre part. la pratique de la Justice et Dès que l'astre divin se levait à l'horizon,_ ils cessaien~ leurs
l'interprétation des lois. chants, se proster naient sur le sol et adi essaient au Soleil une
fervente adoration ( 16).
Ils faisaient un apprentissage du pouvoir dans les cadres
hiérarchiques de l'Ordre. C'est ainsi qu'une partie d'entre eux, Qu'on ne voie pas en cette pratique une choquante manifes-
appelés Oikonomikoï, les Economiques. géraient les biens de tation d'aveugle astrolâtrie. .
l'Ordre et veillaient aux biens matériels de la communauté ( 12) ; Elle avait une origine égyptienne et était en intime connexion
alors que d'autres: les Nomothètes ou Législateurs, arbitraient avec l'enseignement des Mystères. ,
les différends qu'on venait parfois leur soumettre du dehors et Nos autels modernes sont encore, e~x aussi. tour:ies ;ers
remplissaient diverses fonctions administratives au sein de la l'Orient et le coq de nos clochers salue. lui aussi, le soleil lev ant.
Hiérarchie pythagoricienne.

Lorsque la Fraternité eut établi de nombreux essaims dans VII. - La clé d1t Symbolis1ne.
l~ monde hellénique, il est probable que les Politiques organi-
serent encore une classe d'Inspecteurs, chargés de la surveillance Tout est symbole et allégorie dans l'étude. .d~s l\fy!~tr~~
des communautés étrangères et notamment de l'orthodoxie de Jamais ils ne sont dévoiles directement car la Vérité ne p
leurs enseignements.

(13) Jambl. : V. P. 172.


( 14) C.f. Lucien : Pro Iapsu, 5. . . Pla cita Philos., L. I, Cha p. III,
. ( 11)
cistes La traduction exacte de ce mot est « les vénérables », c les li tur-
J, c les adorateurs J. (15) Jambl. : V. P. 150 .. cf. Pdlut~qugerês de la Pensée mathématique,
18. C!. J. Pelseneer : Esquisse u ro
(12) Jambl. : V. P. 74. Liège, G. Thone 1935, page 31.
(16) Jambl. : V. P. 256.
PYTHAGORE ET LES :\tYSTÈRES PYTHAGORE ET LES :\tYSTÈRES
46 47
révéler que par degrés successifs aux hommes, i ncapables de sés à sa sagacité.
la percevoir en son ensemble. . c) 1~u ~Hi.eu ld~ jo~r. ils prenaient leurs repas en commun .
Le5 Initiés de tous les temps et de tous les peuples ne don- Ils se reumssaien a 1 aison de dix convives par table (23). '
nent de réponses à leurs néophytes, ~uc par la ~oie_ symbo:
Pendant les travaux m~nducatoires ils gardaient 1 ·1 ence.
lique ( 17). Encore faut-il que ces en~e1gnem~nts ne so1cr.1t que · r · · · . • e s1
Le p 1 us J_eune aisait a .voix haute une lecture d'ordre initiati-
progressifs et ne se transmettent qu avec pt udence et circons-
que ; puis, le plus ancien en faisait, brièvement le commen-
pection, . · d' taire (24). ,
Car il a été dit avec raison que la Sagesse doit se couvrir un
voile. difficile à lever, afin de donner plus ~i'impati~ncc à c~ux cl) L'api ès-midi ~tait consacrée à l'étude individuelle, à des
qui la recherchent ; plus d'attr~its aux tresors quelle recèle, promenades par petits groupes, au cours desquelles ils discu-
plus d'auto: ité à celui qui la possède ~18). . . taient entre eux (sauf les Novices, toujours contraints au
Le Svrnbolisme antique couvre a la fois la doctrine et les silence), les matières vues pendant la matinée.
rites. les .Mvstères et leur liturgie, la théorie et la pratique. e) Après divers exercices du corps et un bain réparateur ils
Il est la seule clé traditionnelle de la Lumière. soupaient ensemble. tout en écoutant le sermon du soir. '
Ils pratiquaient diverses libations aux Dieux et une liturgie
VIII. - Les Usages de l'Ordre. de clôtui e.
f) Deux fois par jour, ils devaient se soumettre à un sévère
Les membres de la Fraternité Pythagoricienne pratiquaient examen de conscience et faire ainsi « le point » de leur avan-
la vie en commun. cement moral et spirituel (25).
a) Lors de leur entrée dans I'Institution, ils lui confiaient Cela s'appelait : la Psychostasie ou pesée de l'âme.
tous leurs biens (19). Les Economes en prenaient possession et
les administraient avec soin. Si, décevant les espoirs de ses maî- Ce rite était spécifiquement égyptien.
tres ou faisant l'objet d'un arrêt d'expulsion. un membre de g) Si l'un d'eux venait à décéder, on interdisait formelle-
l'Ordre se voyait contraint de s'en retirer. les Economes lui res- ment la crémation de son corps. On l'inhumait rituellement, dans
tituaient ses appoi ts. largement augmentés, par le fruit d'une des voiles blancs, garnis de feuilles de myrte, d'olivier et de peu-
gestion intelligente (20). plier (26).
b) Après la cérémonie du salut au Soleil, les initiés faisaient h) Ils ne pouvaient ni croiser la jambe gauche sur la jambe
des promenades matinales dans les bois sacrés (21) ; après cette droite (27), ni se raser ou se tailler les cheveux un jour de
co!11111un1on avec les forces cachées de la Nature, ils se réunis- fête (28).
sa1e~t ~ans leurs Temples ~ il y en avait un par grade - et Ils ne pouvaient employer le bois de cyprès, pour fabriquer
! suivaient des cours et conferences d'obligation donnés par des des cercueils ( 29).
instructeurs spécialisés (21). '
. On l~~ invitait parfois à des exercices imprévus de philoso- i) Ils ne portaient que des vêtements de lin à l'exclusion de
phie et d eloq uence. tout tissu de laine (30).
Le Maît;e leur donna un jour ces définitions : Leurs sandales étaient, non de cuir. mais de roseau.
- « Qu est-ce que l'Univers - L'ordre ».
j) Certains aliments leur étaient interdits ; c'~st. ainsi 9u'ils
- « Qu'est-ce que l'amitié ? - L'égalité » (22). ne pouvaient manger de fèves. Les œufs leur étaient decon-
~t chacu~ des membres présents dut commenter à sa
maruere et suivant ses lumières personnelles, les textes propo-
(23) Jambl. : V. P. 98.
( 17) Id. 103. (24) Jnmbl. : V. P. 99.
(18) Plutarque : V. Homeri 92 (25) Porphyre : V. P. 40 ; D. Laërce : VIII, 22.
( 19) D. Laërce : VIII, 10 ; J~bl . V p (26) Jambl. : V. P. 154.
(20) Jambl. : V. P. 73. . . . . 72. (27) Plutarque . de la mauvaise honte, § 8.
(21) Id. 96. (28) Jambl. : V. P. 154.
(22) Id. 162. (29) D. Laërce : VIII. 10 ; Jarnbl. : V.P. 155.
(30) Jambl. : V. P. 100, 149.
PYTHAGORE ET I.ES .MYSTÈRES PYTHAGORE ET LF~5 Jl<lYSTÈRES
48 49
seillés l'abstention de tou t me t s· carné leur était recorn- puis on lui élevait un cénotaphe comme 511·1 •
la vie (36). ' e eut vraiment perdu
mandée (31). . '>
k ) Ils ne pouvaient porter des anneaux (3~). Et si, par la suite, l'un ou l'autre des initlê1_es .
l) S'il tonnait. ils devaient toucher la terre (33). par hasard, dans une des rues de la cité .1 1~ rencontrait,
le reconnaiti e : si l'autre tentait de lui ~d fe1gna1i de ne pl~s
m} Beaucoup d'entre eux portaient. comme leur Maître, les
refusait de l'écouter ou de lui répondre . on ~esster .ta. parole, 11
cheveux longs (34). . tiquement comme un défunt. On ignorait' son e . rai ait syst~ma-
Leur fidélité aux usages de l'Ordre est a~testce non seule- il était mort pour la vie spirituelle. existence physique,
ment par les historiens du Pythagorisme mais encor e par ses
Cette implacable indifférence tt ·
adversaires. étaient, sans doute, le plus tei·ii.·bie' ce e impitoyable froideur
Il ne manqua pas en effet de persifleurs ~t d'ironi.stes. de des châtiments.
sceptiques et de critiques. pour ridiculiser leur Regle de vie.
Certains esprits terr~ à terre étai~n.t incapables de cornpi en- X. - L'amour fraternel.
dre la richesse de cet ascetisme et son élévation morale.
Ils verront en tout renoncement une sottise, en toute priva- Mais en 1 evanche, quelle chaleureuse affection reliait entre
tion volontaire d'un bien. une naïveté. eux . ta.us les m:mbres de I'Ordre, tous fils d'un même Père,
L'un d'eux. Aristophon, fait dans son pamphlet, intitulé : Le admis a communier dans les mêmes Mvstèies
~ .r
Pythagoriste, la satire suivante : « Boi~e de l'eau. comme une . Avec quelle vivante .sympathie, avec quelle sollicitude tou-
grenouille. manger des légumes et des oignons. comme une che- J?urs .en. ev1e1l, ils prenaient soin l'un de I'autre, au point que
nille ; passer l'hiver à la belle étoile, comme le merle : souffi ir 1 on disait deux, avec etonnement, « Voyez comme ils s'aiment ... »
du froid ou causer en plein midi. comme la cigale : marcher N'ayant pas à redouter entre eux ces querelles d'intérêt qui
pieds nus. comme la grue ; ne pas dei mir, comme le fait la empoisonnent la vie profane et dressent les hommes les' uns
chouette. telles sont les manies du Pythagoriste ... » ( 35). contre
, , . , autres. ils rivalisaient entre eux d'attentions et de
les
Le fait même que l'Ordre subissait ainsi les traits acérés des generosites.
matérialistes. prouve la réalité courante, l'exercice public et cons- Voulant se rendre compte de l'étendue de cette affection fra-
tant de ses pratiques.
ternelle, Denys. tyran de Syracuse accusa un Pythagoricien,
nommé Phintias. de conspiration contre sa personne et le tit con-
IX. - Les morts vivants. damner à mort. Il lui accorda un délai d'un jour. pour aller
mettre en ordre ses affaires, à la condition qu'il lui donnât un
répondant. qui paierait au besoin son absence, de sa propre vie.
Mais il se faisait parfois qu'un de ses membres se voyait con-
traint de sortir de la communauté. Un ami de Phintias - Daman - également membre de I'Or-
dre, s'empressa de se constituer prisonnier en ses lieu et place.
Quïl le fît de sa propre initiative ou par suite d'une sentence Lorsqu'a. riva le moment du dernier supplice, Phintias revint
d'exclusion, une mesure particulière était prise à son égard. Elle et offrit sa tête au bourreau. Mais Damon cria à ce dernier :
a toujours étonné les profanes. « Ne croyez pas cet homme. C'est moi, Phintias. C'est moi seul
. On réunissait les adeptes en séance spéciale ; on leur annon- qu'il faut exécuter ... » Et ils se disputaient ainsi la faveur de
çait que le nom du frère intéressé serait rayé du Livre Matri- mourir l'un pour l'autre. Touche jusqu'aux larmes de tant d'atta-
cule des membres de I'Ordre - on le proclamait mort à celui-ci, chement, le tyran gracia Phintias et demanda vainement aux deux
amis de lui faire une part dans leur affection (37).
(31) Porph. : V. P. 44 : D. Laërce VIII 33-34
(32) Jambl. : V. P. 256. ' ' ·
(33) Jambl. : V. P. 156. (36) Jnmbl. : V. P. 73. .
(34) Idem, 11, Athén., IV, 163. . (37) Jambl. : V.P. 235, 236 : Porphyre : V. P. 60, 61 ; ~hiller .a
(35) Dlog, Laërce en cite un passage (VIII, 38) ·. Ath'en. VI , 238 . lllllnortalisé cet épisode de l'amitié pythagoricienne dans son poeme : Die
BuergS<:ha!L
PYTHAGORE ET LF.S r.tYSTÈRES
50
Qui ne connaît l'histoire de Miltia~e le, Catrthaginois, q~i fit
libérer l'r\Igien Possidès. que l'ot~ allai~ execu er comr:ie pt ison-
nier de guerie et qui lui avait fait le signe de reconnaissance de
I'Ordre ? (38). • d · t
Et celle d'Euboulôs le Messéruen, enleve p~r,. es pu~ es,
vendu comme esclave en Etrurie et qui fut aussitôt racheté et
libéré par Nausithoüs d'Ett urie (39).
Et celle de Klcinias de Tarente qui fréta un navire pour aller
sauver Prôros de Cyrène de la faillite ? ( 40). Chapitre IV
Qui ne connait enfin la touchante histoire rappoi tée pat Jam-
blique ( 41) ?
Un membre de 1'01 dre, voyageant à pied, s'était égaré dans LES PERSECUTIONS CONTRE L ORDRE
le désert et put se t a.ner, épuisé, jusqu'à une auberge solitaire,
située aux contins des régions habitées.
ET LA ?v!ORT DU MAITRE
Il y tomba gravement malade et sentit venir la mort.
Voulant témoigner sa reconnaissance à son hôte, qui l'avait
si charitablement accueilli, et désespéré de ne pouvoir le dédom-
mager des frais qu'il lui avait occasionnés. il grava d'une main
affaiblie quelques signes mystérieux sur une planchette de bois, I. - L'incident de Sybaris.
qu'il fit suspendre à l'extérieur de la maison.
Puis. l'âme tranquille, il mourut. II. - L'ultimatum.
Longtemps après un autre voyageur. passant par hasard en III. - Intervention du Maître.
ces lieux écartés, aperçut la tablette et déchiffra les curieux des-
sins qu'elle portait. IV. - La guerre et la victoire.
Il s'informa aussitôt auprès de l'aubergiste du sort qu'avait V. - Les difficultes du vainqueur.
eu le graveur de ce message.
. Il all~ ~e recueillir sur sa tombe, y pratiqua ses rites funé- VI. - La retraite du Maitre.
ra~res, pu!s:1 paya .largement l'hôtelier des débours que le défunt
VII. - La campagne de Cylon contre I'Ordre,
lui avait Jadis causes et continua son voyage.
Mais comment décrire l'affection sans bornes le dévouement VIII. - Le massacre et l'incendie.
enthousi~ste. l'amour suprême dont le Maitre lui-~ême fut honoré
de son vivant. par ses enfants spirituels ? ' IX. - Ln mort du Maître.
, . Ils l'entouraient d'un respect religieux, chacune de ses paroles X. - L'ultime clairvoyance.
était un oracle ; ses désirs, un ordre.
, Leur _rais~n der.mère était : « Autos Epha », c'est-à-dire :
c C est lui, qui 1 a dit » ( 42), tant ils l'estimaient infaillible dans
1

sa sagesse.
U~ tel attac~ement ~e ~ut être provoqué que par un Maitre
exceptionnel, vraiment nimbé d'un reflet céleste.
(38) Jambl. : V. P. 128.
(39) Id. 127.
( 40)Id. 239.
(fl) JambL : V. P. 237-238.
(42) Cicéron: De Natura-Deorum, l. 1, ch. V. 10.
I. - L'incident de Sybaris

Or il advint que l'œuvre surhumaine de réformer les mœurs


et les esprits par la formation d'une élite au sein de la Cité fut
soudainement compromise par une série d'effroyables épre~ves.
La première d'entre elles fut provoquée par l'opulente répu-
blique voisine, celle de Sybaris.
Un tyran, nommé Télys s'y empara brusquement du Gouver-
nement ; il fit arr èter les membres de l'ancienne aristocratie. qui
avaient possédé le pouvoir avant son coup d'état. La plupart de
ces dirigeants étaient Pythagoriciens.
Télys en fit assassiner un certain nombre ; d'autres parvin-
rent à prendre la fuite et se réfugièrent à Crotone, où, embras-
sant les autels, ils invoquèrent en leur faveur la sainteté du
droit d'asile.
On leur réserva aussitôt une hospitalité généreuse, dans la
Communauté de l'Ordre.

II. - L'Ultimatum (1).

Mais la menace permanente que la présence toute proche


des exilés constituait pour le dictateur de Sybaris le décida à
envoyer une délégation à Crotone.
Elle était porteuse d'un ultimatum bref et, cat~%oriq~e : ~!-1
bien Crotone lui livrerait sur le champ les réfugiés, afin qu il
pût les mettre à mort : ou bien, elle refuserait de le faire et en
ce cas. ce serait un casus belli.
On devine le tragique dilemme posé par cette sommation
arrogante. Le peuple de Crotone se réuni~ sur l'agora et se mon-
tra fort divisé. Il faut toujours un certain courage pour a~cep-
ter la nécessité d'un recours aux armes et toutes ses terribles
' uences.
conseq

(1) Jambl. : V. P. 133 et 177.


PY'THi\GORE ET LES l\1YSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
54 55
de conseillers pour estimer bien ha ut que . Bien .. que .l'arn:ée de Sybaris, composée de nombreux merce-
le li~g~e s~~~q::ti~a;,ély.s. et l'~n,cie~ go~vernement de Sybaris naires, fut trois fois plus forte que celle de Crotone, les envahis-
n'intéressait en rien la paisible cite ci otoniate. d seurs furent repousses et s'enfuirent ; Milon les poursuivit sur
Ils recommandèrent à la foule de, ne pas ent~·ep;-~!1 r~ une leur propi e terr rtoire et s'empara de Sybaris,
guerre con t re un e, t a t puissant · pour de fendre des inter
, ets· etran-
ld . EJle fut ~omplète~e~t rasée ( 4) ; il n'en resta pas pierre sur
~ers et de livrer les exilés à Télys. pour mettre fin a un mer ent pierre. Elle disparut ainsi de la carte de la Grande-Grèce.
désagréable. Ce n'est que soixante-dix ans plus tard, qu'une nouvelle colo-
nie athénienne viendra s'établir à quelque distance de ses ruines
III. - Intervention du !\!aitre. et y édifier la ville de Thurium.

Diodore de Sicile nous rapporte (2) que le Maitre intervint V. - Les difficultés du vainqueur.
personnellement dans le litige et résolut ainsi le conflit des cons- Malgré l'éclatante victoire remportée sur sa rivale, Crotone
ciences : ne connut pas le bonheur de la concorde. De grandes dissen-
- « Vous ne pouvez, dit-il, arracher de vos autels l~s sup- sions naquirent entre le Sénat et le peuple, relativement au par-
pliants qui en ont invoqué la s~in.teté. Sy.ba1~is est san~ droit po~r tage des terres conquises (5). Les démagogues voulaient qu'elles
vous les réclamer. Le droit d asile est inviolable. Rien ne doit fussent réparties par têtes d'habitants. ce que lP Sénat refusait.
vous détourner de votre devoir ». Une seconde cause de difficultés fut l'agitation des esprits (6),
Des membres de la Députation de Sybaris l'interrompirent qui se répandit à ce moment dans toutes les colonies achéennes.
par des sarcasmes et des injures. . . Une fièvre révolutionnaire se propageait de ville en ville. Des
L'un d'eux. qui avait appris que Pythagore passait pour avoir émeutes entrainèrent la chute de la plupart des Conseils oligar-
visité les Enfers. lui cria, ironiquement : chiques ou aristocratiques. Le peuple prit le pouvoir en de nom-
r Toi qui vas voir les morts. sache que je te remettrai une breuses cités. Son premier soin fut d'abolir les constitutions qu'il
lettre pour mon père défunt. tu la lui donneras à ton prochain estimait réactionnaires. Il supprima les magistratures hérédi-
voyage et tu m'en rapporteras la réponse ... » taires et les fit désigner par le sort. Les chefs des gouvernements
Le Maitre regarda tristement le blasphémateur et refusa de fuient invités à soumettre au peuple un rapport sur leur ges-
lui répondre. Mais on l'entendit murmurer : « Je ne vais point tion ; ils devinrent ses serviteurs au lieu de demeurer ses guides.
au lieu des Impies » - il indiquait par là que le père de son Tout citoyen put dès lors briguer les charges publiques et parti-
insulteur, mort tout récemment après avoir assassiné plusieurs ciper au pouvoir.
frères de I'Ordre. citoyens de Sybaris, expiait dans le Tartare Crotone n'échappa point à la contagion des idées nouvelles.
la gravité de ses crimes.
La résistance des grands exaspéra la foule, Des élections fort
Il descendit vers la mer et s'y purifia des injures subies (3). tumultueuses amenèrent au pouvoir un Conseil démocratique,
Pendant ce temps, le Sénat des Mille délibérait. Comme il après un gouvernement de transition dirigé par Hippase, Dio-
comptait parmi ses membres les plus influents plusieurs adeptes
de l'Ordre, ils firent état de l'avis de leur Maître. dore et Théagès. . , .
Toutes les institutions traditionnelles de la cite furent aussi-
La décision qu'ils prirent fut à la fois conforme à la dignité tôt balayées et l'Ordre perdit; sur ,le champ . l'influence considé-
de Crotone et à la solidarité initiatique.
La cité refusa de livrer ses hôtes. rable qu'il avait si longtemps exercee sur la ville.

VI. - La retraite du l\1aitre.


IV. -La. guen-e et la victoire.
C'est à ce moment que Pythagore cessa. ses cours aux Exoté-
La guer;e fu~ déclarée par ~yba:is le même jour. Ce fut le riques et se mura dans une profonde retraite. On ne le rencon-
célèbre athlete Milon, membre devoue de l'Ordre, qui prit le com-
mandement des troupes de Crotone. ( 4) Aelien : var. Histor. 1. Ill, ch. 43. Ses ruines viennent d'Atre d&ou-
vertes récemment (1969).
(2) Diodore de Sicile : XII, 9 · Jambl · V p 177 (5) Jambl. : V. P. 255. . . p th · I e par A. De-
(1) Id. 178. ' . . . . . (6) Cf. le ch. IV de !'Essai sur la Politique Y agor1c enn
latte, 1922.
'
PYTHAGORE ET LES l\1YSTERES
56
, .~ . l'agora · il s'enferma dans le Temple de I'Ordre et
tr a pl u ::s su 1 • , · ' 1' }
~ 1
seu l s, c.s u. di -igcants dt? cc dernier pui cnt reussir a . approc
d ier.t
Les auteurs ne sont pas d'accord sur les raisons e ce te
éclipse volontair c. . , , .
Le ~1aît1 e, qui avait tant lutte pour, cr~e~· a C_rotone ~n chmat
d'harmonie et de concoi de sociale, c_ta1t-Il découragé .. par les
cruels changements que le peuple vcn~1t. brusquement d imposer
et prévoyait-Il que des heures plus pénibles encore attendaient
les meilleurs de ses disciples ?
Ou bien se 1 endait-il compte de l'erreur qu'avaient commise
les Politiques de I'Ordre. en prenant une part trop active aux
luttes électorales et en gérant trop ouvertement les affaires publi-
ques ? Avaient-ils dépassé les .limit~s qu'il 1.eu1: ~\·ait tra_cées ? ,
Quoi qu'il en soit. il devint des lors. invisible. Aristote pro-
tend même (7) qu'il prépara en secret son départ et quitta pour
toujours la ville ?
On raconte d'autre part qu'il se rendit à cc moment à Délos,
pour y assister aux derniers moments de son vieux Maiti e Phé-
récvde, atteint d'un mal incurable (8) .
. D'autres prétendent qu'il alla se fixer à Métaponte, où existait
une communauté prospère. non touchée encore par la vague de
fond qui avait emporté tant de Conseils politiques des cités voi-
sines (9).

\1 II. - La campagne de Cylorz contre l'Ortire.

Les aristocrates de C.·otone ne s'étaient pas avoués vaincus par


la réaction populaire.
Ils constituaient une opposition vigilante et leur minorité
active entravait l'exécution des réformes nouvelles.
C'est alors que se déclancha contre eux une de ces odieuses
campagnes éle~to1 ales. ~om~e il s'en produisit tant à notre épo-
que. Des meetings passionnes furent organisés par les démago-
gues : I'Ordre fut attaqué avec âpreté et la personnalité même
du Maître ne fut pas épargnée.
Un n?mrn~ Cylon (10), que le Maitre avait refusé dans l'Ordre
parce qu il 1~1 a"'.a1t paru cruel et ambitieux, se mit à la tête
d.e cette co~3urat1on. I~ .01 ganisa des banquets et des consul ta-
tions populaires. Un misérable, nommé Ninon (11). lui prêta un
(7) Diogène Laërce, II, 46.
(8) Jambl. : V. P. 252. Ctoto11e.:
(9) Cf. le ch. V de · La Légende d
par Is. Lévy, Paris, Cha~pion e
p th
Y agore
ae '
Grece en Palestine,
1927 de l'Institut de Pythagore.
(10) Jambl.: V. P. 74, 258.' · Colonne du Temple d e Héra.. et n1L1r
< 11) Id. 258, 259, 260.
Buste de Jamblique, le biographe du Maitre.
PYTHAGORE ET LES .MYSrlRES
59
odieux concours. Il vint lire au peuple un faux ext it d
' d p th ,. rai es •
v ers
Dores » e Y agore, qu 11 avait rédigé de toutes p··
. ieces, se
b asan t sur l e con t enu d e ce 1 ibelle diffamatoire Cylon t
· 1 t 1
f ac: emen a popu ace. l Il 1 ui representa que Pythagore était una
. , , ameu
étranger dangereux, un conspirateur redoutable ; qu'il avait
or~~n1se en . sec.rel tout. un c?mplot contre le peuple de Crotone,
qu 11 appe!a1t, a en croire Ninon, « un vil troupeau ». Il fallait
donc empêcher ce tyran de nuire et de renverser les nouvelles
constitutions dé~ocratiques. « Mieux valait, pour le peuple, être
taureau un seu~ Jour que de demeurer un bœuf toute sa vie ... »
. Ces acc:-isat1ons enflammées. qui trouvaient dans le faux, pro-
duit par Ninon un semblant de Justification. eurent des censé-
quen~es e.ffroyables. Dans le délire général des esprits aveuglés,
certains citoyens coururent aux armes et se répandirent en criant
dans la ville,

VIII. - Le massacre et l'incendie.


Ils se ruèrent aussitôt à l'assaut de la maison de Milon, où
• les membres de la communauté de Crotone s'étaient pacifique-
ment rassemblés pour célébrer rituellement. dans des agapes
fraternelles, une fête d'obligation. Cernés par une foule cour-
roucée, ils firent fermer les portes. Celles-ci tinrent bon et résis-
tèrent à tous les efforts des assassins. N'étant par parvenus à les
enfoncer, les meurtriers mirent le feu à I'edifice (12).
Alors eut lieu un horrible massacre.
Certains adeptes périrent dans les flammes : d'autres tentè-
rent de prendre la fuite et furent abattus par la populace dé-
chaînée.
La plupart des auteurs affirment que seuls. Lysis., le discipl~
préféré du Maitre et Archippos de. T~rent~. pure,nt. e.c~a.pper a
une mort atroce (13). Lysis se réfugia a Thèbes, ou il initia Epa-
minondas ; Archippos se sauva dans sa patri~. . ,
On fit alors la chasse aux membres de l Ordre. Certains den-
tre eux s'étaient réfugiés dans une auberge, ils Y !urent décou-
verts et égorgés. D'autres furent ~ow-su1v1~ ,en pleine campagne
et rejoints au moment où ils se virent arretes .P~r U? ch~:itP d~
fèves encore en fleurs. On les tua tous sans distinction d age m
de sexe. , êdê d ·
Parmi les victimes, figura le jeune Democ: es, un .es espo1!5
de I'Ordre ; il n'avait pu quitter Crotone, ~ tete fut lJllse à pnx
et il se trouva un misérable assez vil pour denoncer sa
retraite et aller toucher le prix du sang ... (14).

(12) Porphyre : V. P. 55. D D' de Socrate 13.


(13) Diog. Laërce VIII, 39. - Plutarque : u emon •
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
60 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 61
IX._ La mort du Maître. éternels qui entourent la ville ? L'incertit d d bi h
favorisé la légende d'une Ascen;ion de Py1tuh e esL ioDg~apes la
. · it ,. , , , agore. e 1eu apo -
Pythagore disparut mystérieusement. l mien aurai rèintègré 1 Olympe Ce serait 1 · . di · 1
vénèrent, lorsqu'ils saluent le sol~il... ui que ses scip es
Sa fin demeurera toujours une énigme. On ne retrouva
jamais son corps ; on ne découvrit jamais le lieu de sa sépulture. !~11~ fut _la fin inconnue de cet être extraordinaire ; elle est
aussi énigmatique que sa vie.
Ses biographes sont fort divisés sur les circonstances et sur
le lieu de son trépas.
Trois thèses principales ont été soutenues par los historiens. X. - L'ultime clairvoyance.
Le Maître partagea-t-il le sort cruel de ses disciples et périt-il
avec eux dans l'incendie et le massacre de Crotone ? C'est la ver- , Beaucoup de mourants ont, avant de fermer les yeux au
sion d'Hippolyte et de Néanthe ( 15). de~o~· terrestre, . une dernière vision. Passé, présent et avenir
c~cx1~tent .s.o~da1n d~vant eux! en une grandiose image, baignée
Ou bien, parvint-il à s'enfuir avec Lysis et Archippos ? Fut-il, d un J?ur. ~Ireel ;t, d ~ne ambiance surnaturelle. Tout saisis par
comme le dit Hermippe (16), rejoint sur la route et égorgé dans c~tte 1nd1c1?le révélation, les moribonds tressaillent de joie ou
un champ de fèves ? Ou bien le grand vieillard, fut-il un mal- bien:, t~uches par un ~vin délire, décrivent ce qu'ils aperçoivent
heureux fugitif, errant de ville en ville, se voyant repoussé de et predisent les choses a venir.
toutes, jusqu'au jour où, échouant enfin à Métaponte, il y serait Il est probable, que, malgré les malheurs qui s'étaient
mort de faim et de fatigue dans le Temple des Muses ? (17). abattus sur son Ordre et avaient failli l'anéantir, malgré les per-
C'est l'opinion de Satyres et de Dicéarque (18). sécutions féroces qui avaient coûté la vie à ses disciples les plus
chers, malgré l'incendie de leur Temple, le Maître de Samos
Il est c~rtai~ que le Maître ,résida quelque temps à Méta ponte.
finit ses jours sans croire son œuvre spirituelle exterminée.
1

Car ~ est la qu 11 reçut dans 1 Ordre son dernier disciple direct Sa clairvoyant naturelle, encore affinée par l'approche de la
Empédocle d'Agrigente, qui se glorifia toujours d'avoir été initié
par lm. mort, lui permit sans doute d'apercevoir, dans les siècles qui
devaient suivre, la permanence de son Ordre, son triomphe uni-
C'est là aussi que sa demeure fut, après sa mort làtransformée
1 versel et le merveilleux cortège des 500 Pythagoriciens célèbres
e~ :r'emple « des. Mystè,res. de Cérès » (19). C'est enfin que qui seront toujours la gloire du monde antique.
Cicéron fe~a un p1e~x pel~r~nage, et ira voir : « le lieu où il avait Il dut deviner que les persécutions humaines sont limitées et
perdu la ~e et le siège, ou 11 avait coutume de s'asseoir » (20). ne survivent pas à leurs auteurs, que les cités rebelles regrette-
raient leurs égarements et rappelleraient un jour les proscrits ?
C'es~l'=~~1t;j,~ ~a~i~é ~ant. la g.ran?e per~écution cylonienne ? Vit-il les meilleurs de ses fils prendre le pouvoir à Tarente,
matiques , , ris o e. u bien vint-il s'y refugier après les dra-
Mouseion ~~el~e~llent; de Crotone et finit-il ses jours dans le où Archytas fut sept fois statège et initia le jeune Platon aux
Vl e. Mystères de I'Or dre ? (21) Vit-il aussi tout le monde romain s'im-
L'histoire n'a pas résolu ce problème. prégner de ses doctrines : le consul Varron (22), les censeurs
Appius Claudius (23) et Caton (24) postuler humblement l'en-
Comment d'autre part e y . l . .
et l'absence de tout sé ulcr x~ 1ffiuer. ~ disparition de son corps trée dans son Ordre ? le sénateur Nigidius Figulus (25) faire
disciples fidèles, qui d~po~ ,e · t ut-il ,1nh~e en secret par des creuser un Temple souterrain à ~orne, pour y célé?r~r en secre:
seren sa dépouille dans un des rocs les rites traditionnels des Sébastiques ? 1€ grand Cicéron errer a
Métaponte à la recherche de ses traces ? Entendit-il le Sénat
(14) Jambl. : V. P. 261.
(l5) Hippol, Réf. Her I 1 ,
des contradictions Stoïcie · ' §' 2 · C est aussi l'opinion de Plutarque (C!. (21) JambL : V. P. 127.
(lB) nnes,
0.iog, Laërce : VIII 40
37) (22) Pline : H. N. XXXV, 160.
.
( 17) Porphyre : V. P. 55'~57 . (23) Cicéron. Tuscul. IV, l, 4.
( 18) Porph. Id. · (24) Id. de Senectute, Il, 88. . B ·u
(25) Sur N. Figulus. Voir les pages 196 et suiv .. dans ~a ,as1 ique
(19) Diog, Laërce : VII1 1 5 .
(20) Cicéron .· De Fi"':b'
v·Val. Pythagoricienne de la Porte Majeure, par J. Carcopino, Paris, 1 Artisan
..._. us 2 4 Max. : VIII ' 15 ' 1 .
J 1 ' •
du Livre, 1926.
62 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES

Romain lui voter l'édification d'une statue sur le Forum, avec


la dédicace : « Sapientissimo Graecorwn : Au plus Sage des
Grecs ? » (26).
Nous le pensons.
Le Maître de l'initiation européenne dut ainsi percevoir, en
une clairvoyance suprême, la claire revanche du Destin : il com-
prit que son œuvre était éternelle et que ni la morsure des siè-
cles ni la lente décadence des hommes ne parviendraient à
l'anéantir.

LIVRE 11

LES MYSTÈRES PYTHAGORICIENS

:ée (26) Pline. H. N XXXIV 12


pendant la gue~re des ' ' 1. La statue était en bronze ; elle fut édl-
tendlt la nouvelle Curie. Samnites (3l3) et tut abattue lorsque Sylla
Chapitre I

INITIATION DE PYTHAGORE

AUX MYSTERES DE SON TEMPS

I. - Les Mystères au temps de Pythagore.


II. - Les Mystères de Crète.
III. - La Cathartique d'Epiménide.
IV. - Les Mystères de l'Egypte.
V. - Le Contenu des Mystères de l'Egypte.
VI. - Les Mystères Orphiques.
VII. - Phérécyde de Scyros.
VIII. - L'influence de Babylone.
IX. - Zoroastre et l'Inde.
X. - Les Mystères Grecs.
I. - Les Mystères au temps de Pythagore

Lo sque Pythagore établit son Ordre en Grande-G ece il


avait reçu, dans les divers pays, où il avait 1 ésidé la plérutude
d'une formation initiatique. '
Car à son époque, il existait déjà, chez tous les peuples rnédi-
terr anéens. un grand nombre de « l\1ystères » : les Télétés.
Ils consistaient dans la révélation, confidentielle, de ce. tains
secrets cosmiques, par des prêtres spécialisés, à un nombre res-
treint de disciples, dignes de les recevoir et susceptibles d'en
Iar e un bon usage.
En chaque région, des instructeurs consac és au culte des
divinités locales. y enseignaient les Mystè es qui leur étaient par-
ticuliers, dans des sanctuaires réservés à cette f.n.
Aussi voyons-nous de nombreux voyageurs, amou eux de la
Vé1 ité, pélériner de ville en ville et y solliciter l'admission à
toutes les variétés de Mystères qui pouvaient leur être révélées
et cumuler ainsi, jalousement, le plus grand nombre possible
d'initiations.
Les mythes sur lesquels se greffaient les leçons initiatiques,
variaient avec les divinités invoquées comme « médiatrices »
entre le Ciel et la terre ; comme variaient aussi les rites p. a ti-
qués et les langues liturgiques, usitées dans les cérémonies.
Plutarque (1), Pausanias (2), Apulée (3) font comprendre
qu'ils ont été successivement reçus aux Mystères g.ecs de Démé-
ter et de Dionysos. ainsi qu'aux Mystères égyptiens d'Osir is et
d'Isis.
Ce ne sont pas seulement des philosophes, po, tés tout natu-
rellement à l'investigation métaphysique, qui seront les plus
friands de ces investitures répétées. Les grands chefs politiques

(1) Plutarque : D'Isis et d'Osiris, 35, Cf. aussi : Propos de Table I. V,


ch. 5, 1 ; et encore : D'Isis et d'Osiris, § 25.
(2) Cf. v. Magnien : Les Mystères d'Eleusis. Fayot, 1938, p. 33.
( 3) Apulée, Apologie, 140.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
68 69
. . , . . t le même intérêt pour elles. Loi sque
de l'Antiquitè 1!1anif~ste;~~ profondéinent l'influence hellénique, L'enfant divi,n. fut nourri, dans l'antre de Dicté, par deux
le monde romain a.u1~ 1 plus illustres imiter Pythagor e et se Nymphes, les Mehsses, qui lui donnèrent le lait de la chèvi e
on verra ses empei eut s es conquérir une qua li té no u vc 11 e. Amalthée et le miel du Mont Ida. Il fut élevé par les Courètes (15).
1·endre à l'étranger pour Y
• firent s lla (4) et Cicéron (5), on verra Au-
Les Crétois représentaient Zeus sans oreilles pour montrer
par là son impartialité (16). '
De merne q~e le 7 Hadrlen (8) Antonin-le-Pieux (9)' Lucius
guste (6), DoMmt~ieAn ( )1• (ll) com.rr{odc (12) Septime-Sévère (13) Il tenait en main un sceptre, terminé parfois par un aigle (17).
Verus (10) aie- ure e ' ' M t,
et Julien (i4) chercher en Grèce l'initiation aux ys er~s. 't . t L'antiquité_ des Mystères de Crète est confirmée par toutes
Pythagore les principaux de ceux-ci e aien les soui ces : Diodore de Sicile dit même que les sacrifices et les
Du temps d e ' . . . l gr: nde 'I'élétés prirent naissance dans l'ile de Crète et que celle-ci les
déjà formés ; certains d'entre eux avaient meme acquis u ie a
, transmit aux autres Grecs (18). Proclus narre (19) que Zeus
renommee. , ordonna à Orphée d'aller apprendre la Cathartique en Crète.
Ceux d'Isis et d'Osiris se célébraient en Egypte ; ceux d Ado- Aristote (20) attribue à la Crète l'usage des banquets en com-
nis, en Syrie ; ceux d'Hécate, en Samothrace ; ceux de Zeus, en mun, qui est une des particularités des Mystères. Virgile rap-
Crète ; ceux d'Aphrodite, en Chypre. pelle. dans l'Enéide (21). que Zeus habita sui le Mont Ida dans
Sur le sol même de la Grèce, il en existait dai:s la I?lupart l'île de Crète ; et que Teucer apporta en Phrygie les rites et
des grands sanctuaires : à Sparte, M~gare, Olymp~~' .Epidaure, Mystères de Cybèle, les danses sacrées des Corybantes et la cou-
Egine, Corinthe, Thèbes et Lerne. Mais, ~e tous, c étaient ceux tume de représenter la déesse dans un char, tiré par des lions.
d'Eleusis qui jouirent du plus grand retentissement. Enfin. Isidore prétend (22) même que la Crète serait la patrie
Rappelons-nous les voyages du Maître ; app;~c~ons-nous, de la musique ; celle-ci aurait été inventée par les Dactyles
avec lui, des temples qu'il fréque~ta et ten~ons _de ve~·1f1er qu~lles Idéens, pour rehausser l'éclat de leurs rites.
initiations il y reçut et quels Mysteres le preparerent a sa mission. Dans la lettre que Diogène Laërce attribue à Thalès (23) et
qu'il aurait adressée à Phérécyde - qui fut le maître de Pytha-
II. - Les Mystères de Crète. gore - on trouve ce passage significatif, rendant hommage à
la Crète comme à l'Egypte : « Si cela vous plaît, j'aimerais pro-
« fi ter de vos recherches et si vous m'y invitez, je viendrai vous
Cette ile escarpée avait acquis dans le domaine initiatique
une réputation exceptionnelle.
« voir aussitôt. Car Solon d'Athènes et moi avons déjà traversé
« deux fois la mer pour aller visiter la Crète et l'Egypte et nous
Sise à mi-chemin entre l'Egypte et la Grèce, elle connut, « entretenir avec leurs prêtres. Nous n'hésiterons pas à la tra-
avant celle-ci les traditions ésotériques. Elle se rendit notam- « verser de nouveau, pour venir vous voir. »
ment célèbre par l'extraordinaire compétence de ses devins et
de ses purificateurs. Les Dactyles du Mont Ida étaient à la fois des philosophes et
des prêtres. Ils y vivaient en communauté .. l!n ~e leurs instruc-
Elle pratiquait le culte du Dieu solaire, Apollon, qu'y avaient teurs, Margès, leur apprit la science des purifications, que Pytha-
introduit les émigrants d'Argos ; d'autre part, le culte de Zeus gore enseignera à son tour à ses disciples.
qui était en honneur depuis les temps les plus reculés.
Mais d'où vient ce permanent souci des premiers Mystes, de
La légende veut en effet que ce soit en Crète que Zeus, encore recourir constamment à des rites purificatoires ?
e~ant, ait é~é caché par sa mère Rhéa, pour échapper à la vora-
cité de son pere Saturne.
(15) Cf. Panthéum Mythicurn de F. Pomey, Utrecht. 1717, p. 11.
( 4) Plutarque : Sylla, 26. (16) P. Commelin : Nouvelle Mythologie. p. 24.
(5) Cicéron : De Nat. Deor. I, 119. ( 17) Id. p. 23.
(6) Suétone : Auguste, 93. (18) Diodore de Sicile : I, 96, V, 77.
(7) Magnien : Myst. E1cus, p. 26. (19) Proclus : Comm. sur le 'I'imée, 36.
(8) Dion Cassius, LXfX, 16, 1.
(20) Diog. Laërce : Livre I.
(9, 10, .11, 12) Voir Magnien : Myst. Elcus. p. 26. (21) Livre VI.
(13) Vie de Sept. Sévère, 3.
(22) Isidore : Orig. XIV, 6, 16.
(14) Eunape : Vie de Maxime, p. 252. (23) D. L. : Livre I.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 71
PYTH1'GORE ET LES MYSTÈRES

. . 1. conviclion qu'avaient les Sages , La peste c~~sa sur le ,ch~mp et les Athéniens offrirent, par
Il a, c,n tes, ~9ur ~. igtn~, a ssède une âme immortelle ; elle décret, au purificateur crétois, un talent d'argent et le navire
de la. C~· ~c qu? ,...1 e~l~ uma1~e l~an; la prison de la chair lui ins- qui l'avait transporté. Epiménide refusa l'argent et rentra dans
est do igme céleste i s~,c~u d .eti ouver de réintégrer sa patrie l'île, où il ne serait mort qu'à l'âge de 157 ans (27).
pLc en pe1?1anen le ~ es1ros: à·obstacle~ à cet élan sporitanné ! Telle est la légende traditionnelle.
pe du~. Mais que. ~ vie o~f de souillures ne sont pas la rançon Lorsque le même Diogène nous rapportera (28) que c'est
~~~~;e~xi1et:i~~~~:-~nfe~ette lutte c?i:tinuelle entre la . ref~l~C'rc~e Epiménide lui-même qui accueillera Pythagore en Crète et des-
. . . aux appètits de sa natu. e in e110u e, cendra av~c lui dans la caverne du Mont Ida, pour l'y recevoir
du salut et sa soumission ~ .. , br . le une aux Mysteres de Zeus, il oublie que le Maître de Samos était
ln fra e alternativen1ent de lumière et dom 1 e ' sou ' ~
.. PPt. épé tée pourra· la délivrer du fardeau de ses Iautcs, postérieur à Solon, que précédait lui-même Epiménide. Ce seul
pu.r.ica ion 1 '- ·t t
détail fait rejeter par H. Demoulin, la réalité de leur ren-
lui rend e sa candeur originaire et la plonger à nouveau en c a
conti e (29).
de ré.onance sur le Divin. , , . . ff.
Il y a donc une douole purification a réaliser pour sa ~~n- Voyons maintenant en quoi consistaient les rites Catharti-
hl de la tutelle de la matière, pour pi agresser vers la pei Iec- ques de la Crète, auquel Pythagore fut soumis.
~io~ e~ se rapp.ocher du monde spiritu~l : celle du c?!'PS, qu~ On peut les schématiser comme suit (30) :
l'on atteindra par les lustrations et les rites ; . cell~ de 1 arne, qui l" Avant d'être admis dans l'antre de Zeus, le postulant
se . .a obtenue par les prières et l'efficacité des Iiturgies. devait subir une purification par l'eau de mer et par la « pierre
Nous verrons plus tard l'Orphisme r~p1~ndr~ ~vec un enthou- de foudre » ; les Dactyles opéraient ce rite et disaient au pos-
siasme sévèi e cette vieille idée de la Crete mspiree. , tulant : « Puisse cette eau, symbole de ta candeur première,
Celle-ci eut plusieurs instructeurs ; le de~in Thalet~s, fut « purifier ton corps comme la vertu purifie l'esprit ».
invité par Lycurgue à officier à Sparte (24) ; mais le plus celebre
2° Une fois purifié par l'eau et la pierre magique. le candidat
des Sages crétois fut I'ênigmatique Epiménide.
devait se coucher au soleil sur la plage de l'île et passer sa jour-
née dans la méditation et la prière. C'est la purification par le
III. - Le Cathartique d'Epiménide. feu du ciel.
3° Lorsque la nuit tombait, on l'enroulait dans une peau
Diogène Laéi ce nous a conservé ( 25) sur le grand Crétois des d'agneau noir. Il se couchait sur les bords du fleuve et con-
renseignements inégaux en valeur ; né à Cnossos ou à Phaestos, tinuait son recueillement.
à la fin du VIIe siècle avant notre ère, Epiménide, fils de Dosia- 4° A l'aube, les Dactyles venaient le chercb~r et. le ~o~du1-
dès et de Blastè, se serait endormi dans une caverne pendant saient enfin dans l'antre de Zeus. Il y de_meura1t trois per1ode~
cinquante-sept ans ; à son réveil, il fut reconnu par son frère de neuf jours. On l'y soumettait aux epreu~es corr.imunes a
qui dans l'intervalle était devenu un vieillard. Il commença son toutes les initiations : arrivée, voilé, au lieu rituel ; interroga-
rôle de p.ophète et de législateur. Sa réputation de devin était toires, jeûnes, purifications et ~rières ; lustrations nouvell~s ~t
si répandue que, lorsque la peste fit son apparition à Athènes, sacrifices · enfin on lui enlevait son bandeau et on Je laissait
on lep ia de la conjurer. seul, faire' une v~ille angoissante, dans les ténèbres,. de, la_ grott.e.
Nicias, fils de Nicératos, vint le chercher en Crète et le ramena Ce n'est qu'après d'autres épre~ve,s ;n.corr. qu il eta;t enfin
à Athènes (26). dépouillé de sa peau d'agneau et admis a l investiture sacre~:
Epiménide purifia la ville et offrit aux Dieux un sacrifice Une fois initié, il avait le droit de contempler le Trone de
expiatoire ; il le fit lâcher à l'Aéopage des brebis blanches et
noi. es et les it immoler, chacune à l'endroit où, après un libre Zeus.
vagabondage, elle s'arrêter ait d'elle-même.
(27) Diog. Laërce : I, 112.
(24) F. Dsmoulin : Eoiménide de Crète, page 71. Bruxelles, Lamer· (28) Diog. Laërce : VIII, 3. .
tin, 1901. · (29) Epiménide de Crète par ~· Dem?uhn, p. e.~. p -chê Paris, Payot
(25) Livre I, Ch. X, 109 à 115. (30) Porphyre : V. P. 17 ; voir Erwin Rohde . S) ... e,
( 26) Diog. Laër ce : I, 11 O. 1928, page 107, note 4.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTI:RES
72 73
50 On lui enseignait alors la Cathartique, spécialité des Mys- Le rêve en est souvent l'exercice spontané . l'ho · ,A
' t ·1 , 1 · h . , mmc q u1 1 cve
tères crétois. n ~s -1 ? pas P us ~1c e et plus sensible que l'homme à l'état de
7° Il apprenait aussi la divination, par le vol des oiseaux et veille . Ne peut-il pas se deplacer, en songe, a de grandes dis-
tances, ~v.ec la? vitesse de l'éclair ? ne peut-il pas fendre l'air
par la fumée de l'encens. , , . , . ~omme 1 01s~au '. c.t trav.erser ~outes sortes d'obstacles ? N'obtient-
L'étude de ces rites ancestraux nous révèle certains détails 11 p~~ ~e premon1~1ons s1~~ulieres. et ou_ des réponses brillantes de
des Mystères. Qu'est l'initiation, sinon un affranchissement des clar te a des problemes qu 11 croyait, de Jour, insolubles ?
servitudes du corps ? la domination de l'esprit. sur le corps ? la
primauté de l'intelligence sur les sens ? la mise au pas de nos L~s A?ciens accor~aient au rêve une importance considéra-
ble. C est a cette occasion que les Dieux visitent les humains et
tendances inférieures ? leur font des communications importantes (31).
La peau d'un agneau noir est à cet égard, significative. Elle
symbolise la nature animale, les passions violentes. les appétits Le long som~cil d'~piméni?c de Crète a rapport à cet ensei-
grossiers dont le Sage doit se dépouiller, pour arriver à la gnement. Le fait de s endormir dans une caverne inspirée ou
Lumière. La couleur noire de cette peau rituelle est le symbole dans le temple d'une divinité favorise l'éclosion heureuse du
de l'aveuglement profane. dont le myste doit parvenir à se libérc r. phénomène.
Le rite cathartique rejette donc tout ce qui est le rappel de D'autres antres - tel celui de Trophônios en Béotie - ensei-
la bête. Quel n'est donc pas l'incompétent égarement de cer- gnaient la même vérité ; les malades n'assiégeaient-ils pas les
tains rites modernes, qui, parodiant sans l'égaler, l'initiation temples d' Asklépios (32) ou d' Amphiaraios dans le but d'y passer
antique, imposent à leurs néophytes, après qu'ils ont reçu la la nuit et avec l'espoir que le Dieu les visiterait en songe et leur
lumière, le port d'une peau animale ? C'est justement le con- donnerait le secret de leur guérison ?
traire qu'enseigne le rite ancestral de la Crète : une fois initié, Et Philostrate nous raconte qu'Apollonius de Tyane descen-
on rejette la peau animale au lieu de la porter ... dra, lui aussi dans un antre - celui de Trophônios - et y rési-
Mais il est probable que les Mystères crétois donnaient au dera toute une semaine (33).
néophyte une autre révélation, sur ·un des éléments de l'ésoté- L'initiation crétoise laissa en Pythagore un souvenir vivace.
risme universel.
Il imposa à ses disciples des purifications quotidiennes, des
On sait que l'homme, une fois plongé dans la nuit de son lustrations répétées ; le souci de la propreté physique et de la
sommeil, voit brusquement sa conscience réapparaître et reçoit
netteté morale sera poussé chez eux jusqu'à la manie, jusqu'à
al~rs, par· un reve, des communications imprévues. Peut-il
l'exagération (34).
merne, comme l'enseignaient certains Mystes, voyager menta-
lement, dans le temps et dans l'espace ? entrer en relations avec Il attirera d'autre part leur attention sur l'importance des
les Forces Supérieures ou avec les âmes des morts ? communier rêves, au point de vue ésotérique (35).
~v~c les forces, élémentaires de la Nature ? ou même, apercevoir Digne disciple du grand devin de Cnossos, qu'il ne connut
a l avance les evenements du futur ? qu'indirectement par ses successeurs mais dont il s'assimila la
~ou~ homme a en lui, des sens inconnus ; il n'en soupçonne doctrine, il veillera à la constante résonance de ses adeptes sur
~as 1 ex1~tence, parc~. que depuis des millénaires, il a refusé de les réalités spirituelles.
s en servir, de _les utiliser régulièrement, de les entretenir par un
const~nt exercice; Lorsqu'ils lui donnent, parfois, malgré lui, un
(31) Homère : Iliade II, 5 ; Platon : Banquet, 303 a : Eschyle : Eu-
~ertissement précis, 11 appelle ce fait son intuition, sans se ren- mén. 104 ; Diog. Laërce :'VIII, 32 ; Jambl. 107 ; Cicéron : De Divin. 1. II,
e compte de la nature réelle de cette activité cachée ch. 59.
dansO~~~es,tantcienr:es initiati.on~,. voulant réintégrer le. néophyte (32) Cf. Méautis : Pélérinages en Grèce. Genève 1941, pp. 137 et suiv.
e a ancien et primitif dans t ., et Jambl. : Des Mystères, I, III, 2-3. Cf. aussi : Thassilo de Sc~effer : Mys-
révélee engageaient I'initié , ' sa na ure entièrement tères et Oracles helléniques, Paris, Fayot. 1943, pages 177 et suivantes.
mer ' · ~ 1. ~e, a. recouvrer ses dons perdus, à rani- (33) Philostr. : Vit. Ap. Tyan, 1. VIII, ch. XVIII.
secon~~v~~1 es~e~, ~oss1b1htes an:e~trales. La clairvoyance ou (34) Diog. Laërce : VIII, 31, Jambl. : V. P. 98, 10~.' 153, 155. •
(35) Jnmbl. : Des Mystères, I. III, 2-,5. Cf. Sur l irnportanee des reves
sible de réveiller. u e de ces qualités endormies et qu'il est pos- chez les Pythagoriciens : Pierre Boyance ; Le culte des M~ses chez les
Philosophes Grecs. Paris, E. de Boccard, 1937, pages 110 et suiv,
'
PYTHAGORE ET LES MYSTERES
74
PYTHAGORE ET [,ES MYSTt:RES 75
IV. - Les Mystères de l'Egypte.
Et d~ns un pas.~a~~ ~cvenu classique, Apulée (38) ne dit-il
Mais c'est certes l'Egypte, terre classique des Mystèi es, qui pas: en pa~ lant de l 1n~t1at1on de Lucius aux Mysteres égyptiens :
aura sur lui la plus grande in,fluence initiatique. , . « J ai atteint les confins de la mort. Ayant foulé le sol de Pro-
• •l •

« Il passa vingt-deux années dans les ~emplcs de, l E~y~t<'. d~t serpmc. J on suis revenu, en traversant tous les éléments ? »
« Jamblique (36) ; il y étudia l'astronomie et la geomc~r1e ; 11 D'autres. ~';lteurs, au cor:traite, et B1 iem (39) nous en parait
« s'y fit recevoir, non en courant ni n'importe comment, a toutes le plus qualifie, contestent energiquement cette thcse et s'obsti-
« les initiations des Dieux ». nent à ne voir dans la Grande Pyramide qu'un tombeau de di-
mcnc.; ions considérables.
« Non en courant » : dit l'auteur ; cela indique que loin de
demander en hâte d'être l'objet d'une investiture occasionnelle, N'essayons pas de les départager ; car la question n'est pas là.
ou le témoin de rites usuels ou de liturgies habituelles, comme Qu<~ la Py1 amide de Chéops et le temple du Sphinx aient ou
le demandaient tant de voyageurs aussi avides que pressés, il non sei vi à des initiations secrètes, cela n'a qu'une importance
accessoire C'est l'existence d'initiations en Egypte qui ne peut
eut la patience d'attendre et de recevoir un enseignement com-
être contestée. Rappelons que tous les grands hommes de la Grèce
plet et des initiations approfondies.
ont fait expressément le voyage d'Egypte pour venu les solliciter
« Ni n'importe comment » : ce n'est donc pas une réception et que tous les auteurs en affirment la réalité.
de pure forme qu'il est allé solliciter ; il a voulu recevoir et a Soyons cependant précis, la religion égyptienne comportait
effectivement obtenu une formation identique à celle des mem- deux degrés de révélations. Au peuple, on ne donnait qu'une
bres de la caste sacerdotale ; il sera considéré comme leur égal appi oximation élémentaire de certaines Vérités cosmiques. sous
en science et en thaumaturgie. le voile du mythe religieux. On lui permettait de fréquenter les
Mais en quoi consistaient les initiations égyptiennes ? sanctuaires. de participer aux processions et aux fêtes reli-
Sur ce grand et passionnant problème, toute une littérature gieuses qu'Hérodote nous a décrites. On l'encourageait dans une
a vu le jour. piété ardente, dans une dévotion exceptionnelle, dans une per-
~11: a émis q1uantité d'hypothèses ou de brillantes et fragiles manente émotivité mystique.
fantaisies. Que n a-t-on entendu sur ce sujet ! Mais on réservait la véritable science secrète aux membres
Une première école, représentée par Rœder, Hall, Newton, de la caste sacerdotale ( 40) ; de rares étrangers en Iurent parfois
Hohlenberg, etc., enseigne que des initiations extrêmement im- les bénéficiaires .
.p~essionn3;ntes étaient données par des prêtres égyptiens à une De nos jours encore, la religion courante nous offre l'exemple
élite d~ neophytes, elles se déroulaient en partie dans la Grande de ce dualisme ; la masse des fidèles reçoit un enseignement élé-
Pyramide et dans le Sphinx de Gizeh. L'abbé Terrasson lança le mentaire et populaire des Mystères : elle participe aux offi-
premier cette affirmation ( 37). ces et cérémonies du culte ; mais ses propagandistes et ins-
, .Les cérémonies auraient comporté des épreuves physiques tructeurs suivent un entraînement moral. psychique et litur-
épuisantes ~t, redout~b.les : l~ candidat devait être purifié par gique, absolument différent ; le prêtre, est astreint à ~ année,s de
les quatre eleme~ts , 11 ?~va1t, pour ce faire, ramper dans des recherches philosophiques, à 3 annees de formation théolo-
galeries ~outer:a!nes : (element-terre) ; traverser des bûchers giq ue ; certains rites lui sont entièrement :éservés. . ,
enfiammes : (e}emen~-feu) ; passer à la nage et sans éteindre La religion grecque fit d'ailleurs de meme ; elle ouvrait .a
s~ ampe! un réservoir p~o~ond : (élément-eau) ; enfin, ne pas tous ses fidèles les portes de ses temples ; elle leur permettait
1(~c1?er pnse au moment ou 11 se sentirait suspendu dans le vide ·
d'assister aux exercices du culte. Mais elle n'accordait pas l'en-
e ernent-atr). ·
trée des sanctuaires où se célébraient les Mystères, à n'importe
b La disp~sition intérieure de la Pyramide, qui compte de nom- quel croyant. Tous n'étaient pas acceptés à El~usis. 01:
sélec-
a r;~~ri~oc~~~{h~s~si~~=~e~bf:~le~avités diverses, ne rend pas, tionnait les néophytes et on en renvoyait un certain nombre (41).

(38) Apulée : Métamorph. 1. XL . .


(36) Jambl. : V. P. 19. (39) o. Briem : Les sociétés secrètes de 'IV!ysteres, Pans .• Payot, 1941,
(37) Dans son ouvrage page 207. On y trouvera une bonne bibliogr~Ji>h1e de la question.
A. Bailleul, Paris, 1778. « Sethos ». Cf. aussi Crata Repoa, édité par (40) Ou aux rois. Plutarque : Isis et Osiris, I, 9.
(41) Suétone : Vie de Néron, 34.
'
76 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
77
Et divers esprits spiri.tuali.ste~ ~t. r~spectueux de la religion éta-
corps d'~siris en quator~c morceaux, qu'il dispersa de toutes
blie, ne demandèrent 3a1na1s l intttation. , . , ••

Sait-on que Lucien reproche notamment a Soci ale do n av 011 1 parts. Is~s d.ut c~ercher bien longtemps pour les retrouver ; elle
put ei: rcumr treize ; le sexe ne fut pas retrouvé. Rê envoya alors
jamais été initié à Eleusis '? ( 42). . . ,
p thagore reçut donc cette double co.1n.mun1cat1on de l.a Ve- Anubis rci:iettre en place tous les membres disjoints d'Osiris.
rité. Âvec le peuple égyptien. le plus. rehg1~~x de tous les pc1:1- Isis Il! ran1n;a par ~on so;i~fle et Osiris devint le roi de l'empire
ples. à ce qu'affirme Hérodote (43), il parti~1pn au culte pu~llc des morts. 1 Amenti. Ulter1eurement son fils Horus vengea son
père et vainquit Typhon.
d'Osiris et d'Isis ; avec les prêtres de Memphis. ~l notamn;cnt Eu-
nouphis d'Héliopolis, il approfondit les ~rad1t1ons de l ~g) pte. Cc mythe éternel, susceptible de nombreuses interprétations
L'auteur des « PhiLosophoumena », qui est certes le Pcrc de (Dupuis en a donné une intéressante explication astronornlque)
( 47) se retrouve dans toutes les initiations.
l'Eglise le plus érudit et le mieux renseigné en ~es mat~è1 es,
parle ainsi ( 44) des Myst~re~ ~i1Isis : « Les Egyptiens, su1vai:t Car le néophyte était - à un moment donné - soumis à une
l'opinion universelle, ont livré a tous les autres h.omme~ les. Te- mort symbolique ; (comme le Dieu assassiné, il devra mourir
Lét és de tous les autres Dieux ; il!' ont, les premiers, revele les pour renaitre) ; et lorsqu'il renaissait et se levait de sa couche
symboles et les rites, les objets sacrés et les récitations, qui ne funèbre, il était assimilé au Dieu lui-même, qui revivait en lui
peuvent se dévoiler aux non-initiés ». et le faisait participer à sa puissance spirituelle.
Et Plotin précise ( 45) : « Voici le secret de la défense que l'on La légende d'Osiris eut aussi un rôle considérable dans le
fait dans les Mystères d'en révéler Je secret à ceux qui n'ont pas culte des moi ts qui prit en Egypte un développement extraor-
été initiés. dinaire. Les rites avaient en effet pour but d'assimiler le défunt
« Comme le Divin est une chose ineffable, on défend d'en au Dieu lui-même, de le ranimer sur le plan spirituel, où il sé-
parler à ceux qui n'ont pas eu le bonheur de le voir ». journait dorénavant ; on lui rendait, par une savante et minu-
Tout le monde n'était donc pas admis à ces révélations ; il y tieuse liturgie, l'usage de ses membres et de chacun de ses sens.
eut to jours deux enseignements : l'un, populaire et fragmentaire ; « On rassemblait tout ce qui était épars » de même qu'on avait
le second, précis et complet. Le peuple ne reçut jamais qu'un pâle reconstitué Osiris avant de le ressusciter (48).
reflet des Mystères. Une partie de ce symbolisme se retrouvera dans le Pytha-
gorisme, où l'initié devra, comme le grain de ?lé, symbole
d'Osiris. mourir pour renaitre. Pythagore fut ensuite fortement
V. - Le Contenu des Mystères égyptiens. imprégné de l'enseignement égyptien, relatif à la vie posthume
de l'âme humaine. , . ,A
Ils comportaient essentiellement : un élément mythique, dont Il déclarera, comme ses instructeurs egypt1en~, que lame est
la mort et la renaissance d'Osiris formaient le thème principal ; impérissable, il la fera passer par la barque s~cree po~r se ,ren-
des symboles et un ensemble de rites. dre au jugement ou psychostasie et, pour p.rel?arer 1 ame a c~
Pouvons-nous découvrir quelles pai ticularités des Mystères moment redoutable, il imposera à tous ses disciples d~ .se peser.
ont le plus frappé Pythagore ? moralement chaque jour, par ;in~ psyc~ostasie vo}?ntau e ( 49~A ,
. Ce sera certes et avant toute chose, la célèbre légende osi- il fera espérer aux justes la béatitude finale, l~ ~e1ou; da17s l ile
rienne. Pluta~·9.ue nous l'a rapportée ( 46) de façon explicite. Re- des Bienheureux (50). Il répétera ainsi les Traditions .egypt1ennes
surnons-la brièvement : Osiris a été assassiné par le cruel Ty- sur la barque d'Isis, la pesée. des âmes p~r le greffier Thot, le
phon ; son c~davre fut jeté dans le Nil. Le coffre qui le conte- refuge final dans les champs bienheureux d Ialou. , . . t
n~1t fut porte par les flots de la mer à Byblos et un cèdre se Conserva-t-il dans ses rites des symboles spec1f1que_m~n
developpa tout autour. Isis parvint à le retrouver après de nom- égyptiens ? On peut noter que nous retrouvons dans certains
breuses recherches. Mais, de nuit, Typhon survint et déchira le
. , ' • .· · de tous les cultes. Paris, Chassériau,
(47) Dupuis : Abrégé .de 1 o11Mgin.e son interprétation, purement mate-
(42) Lucien : Démonax : IX, 237. 1822, Ch. VI, p. 83 et suiv. - . ais :
(43) Hist. l. II, XXXVII.
rielle, passe sous silence l'esseètiel dl~ n;e.P 48 J Marquès-Rivière : His-
(44) Philosophoumena, V, 7. ( 48) Cf. A. Loisy. L~s .Myst res .?a1en 'o~· 1940: pp. 28-33.
(45) Plotin : Ennéades, VI, 9, 11. toire des Doctrines Esoter1ques, Pa1.1s, Pay •
(46) Is. et Osiris, 12 et suiv. (49) Cf. Vers Dorés : Vers XL a XLIV.
(50) Id. Vers. LXX-LXXI.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
78 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
79
. t la dualité Osiris-Isis, sous foi me du bi-
de. ses ense~gncmen. s culte d'Amon-Râ, sous ln forme du l'i te , ~~1oi qu:.il. en soit, le 1Rituel de ~'animation du Dieu était d'une
narre : Soleil-Lt~ne ' l~t . la balance de Thol dans les symboles precrsro n méticuleuse, d un formalisme inimaginable.
de salut au S~l·ctl l~v: b, rque d'Isis dans l 'enscign0ment secret
C~aquc mat.in, l'officiant (52), après avoir parfumé les parvis
de sles Non;ot Leeessca'1·aabe'ca sacré sera' remplacé par le papi llon et du Saint des Saints - la chapelle close où le Dieu était enfermé
sur a survie. 1
Apollon sera représenté en chacun .de ses Temp es. . .. . pendant la nui.t - o~vrait la porte de cette sorte de grand ta-
· · · fluencera et inspirera beaucoup le Main e dans bernacle, saluait le Dieu, se prosternait plusieurs fois devant lui
Mais ce qui in · · -t ',t
· ti
ses direc ives 11 u ··t elles , ce sera. surtout
., la minutieuse c
. p -ctéec on- chanta~t de~ hymn;s, ~uri!iait le Dieu par l'eau de quatre cru~
nante iiturgie égyptienne. La sainte Hiérarc 1.ue ~ se. a 1 es .c . . ches liturgiques, 1 hab1~l~t de bandelettes colorées (blanches,
La Liturgie sera soigneusement mise au point et .appliquc·c. vertes, rouges et cramoisies), l'oignait d'huile · le fardait et lui
offrait en f in des aliments et des fleurs. '
p. cnagore dut être stupéfait de la v~leur e~s~nt1elle que ,.~es
instru~leurs égyptiens réservai~nt ~ux i:1tes religieux ; .de~~ 11:1~ A chacun de ses gestes correspondait une formule magique
portance considérable q:1'i~s att~·ibuaient a chacu~1 de ~cu1 s gestes .
de la richesse qu'ils prêtaient a chacune de leurs paroles.
.
différente. qu'il devait réciter de mémoire et à voix haute · il
y en avait une pour denouer la corde de la serrure du taber- '
nacle ; une pour briser le sceau d'argile qui y avait été placé la
C'est que l'Egypte possédait le s~cr~t de l'animation de ses
veille 101 s de la fermeture des portes ; une pour mettre la clé
Dieux par le fait même du Rituel pratique.
dans la serrure ; une pour retirer le verrou ; une pour ouvrir
En les priant et en leur imposant les mai.ns, le P!·être do~- la porte ; une pour jeter un premier regard sur le Dieu et se
nait à ses Dieux une vie réelle ; il les chargeait de pu1ssa~ce vi- faire 1 econnaitre de lui ; une pour épousseter la statue avec un
tale ; il les animait réellement. Afin que cette ch~rge secret~ ne linge ; une pour lui enlever les onguents de la veille, supports
se dissipât pas, elle était soigneusement renouvelee chaque Jour de la charge psychique qu'il fallait renouveler : une pour laver
par un rite particulier d'une rigide nécessité. la statue du Dieu ; une pour l'oindre à nouveau ; une pour l'ha-
De même que le prêtre moderne veut animer l'hostie et le vin biller : une pour la farder, et ainsi de suite.
du calice par l'effet de la transsubstantiation, le prêtre égyptien ani- Tout cela demandait beaucoup de temps et d'attention cons-
mait son Dieu chaque matin, lors de son service quotidien (51). ciencieuse.
Prêtait-il au Dieu une parcelle de sa propre substance ? Lui Le mérite de cette liturgie consistait à donner à tous la sensa-
donnait-il une charge uniquement par l'effet d'une induction psy- tion que les Dieux étaient vivants ; c'était autre chose que
chique ? Ou bien l'effet du Rite consistait-il à faire descendre sur leur simple image qui était l'objet de leu1: v.énération ; ~n en-
l'objet du culte un rayon de la Force divine ? trant dans le Temple, lorsque les rites e~1ent. ac:o~phs, on
avait la sensation d'une presence et le feu sacre qui brulait devant
(51) Cf. de Gérin-Ricard : Hist. de l'Occultisme. Cb. l. Payol, Paris, 1939. le Dieu en permanence renforçait encore cette impression sur-
Les statues animées par ce procédé étaient bien connues des An-
ciens. Suidas nous rapporte qu'un des derniers initiés qui aient paru sur prenante. . .
la terre d'Egypte, Héraiskos, pouvait percevoir, dès le premier regard On conçoit dès lors quel enthousiasme mystique, quelles
posé sur une statue de Dieu, si celle-ci était animée ou non. « A la vue scènes de joie spirituelle, qu~lle fery~ur soutenue ac~ompa-
d'une statue « animée », dit Suidas (Hèraiskos) son cœur était touché, gnaient l'exercice de chaque rituel religieux en Egypte. , q~els
son âme et son corps entraient en état de transe, comme s'il était ins-
piré par le Dieu ... » - Notons encore qu'un passage célèbre de I'Asklé- élans de foi et de piété enlevaient ~e~ ~es et quelles émottons
pios, d'Hermès Trismégiste, fait aussi allusion aux « statues animées », heureuses faisaient battre les cœurs a 1 umsson.
pleines de sentiment et d'inspiration et, qui font tant et de si grandes Pythagore réalisera la même unité s~irituelle parmi ses dis-
choses ... (Aklépios, L. II Ch. IX, trad. Ménard, page 136).
On lira avec intérêt l'étude fort originale et fort documentée sur l'ani- ciples. Il leur imposera des Rites réguliers, leur donnant une
mation des statues égyptiennes qu'a publiée l.VJ.lll0 Weynants-Ronday Doc- maîtrise absolue de leurs actes.
teur en Histoire de l'art el archéologie, sous le titre : Les Statu~s Vi-
vantes. (Bruxelles, Editions de la Fondation Egyptologique Reine Elisa-
beth ( 1926). (52) A. Erman : La Religion des Egyptiens, Paris, Payot, 1937, page
Sur ~·~nimatio!l des statues par la liturgie égyptienne, Cf. Fr. Cumont,
Les Religions Orientales dans le paganisme romain, Paris, Leroux, 1909, 206, seq. . ult divin journalier en Egypte, Paris, 1902 ;
pages 139-140 et suivantes. A. Moret: Le R1tu~l. ~ut~ ed l'Egypte Pharaonique, Paris, Arthaud,
Fr. Daumas : La civilisa ion e
1967, p. 357, seq.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTÈHES
80 81
. itt ette terre imprégnée d'effluves cé- Tous, les My~ti.q~~s. du. Moyen-Age diront la même chose :
Mais avant de qui ~rl c 'nitiations égyptiennes ne compor- c'est un ètat de Ièlicité 1nd1cible, un anéantissement dans la joie
lestes, dcmandons:n~r~ si tesu~ secret particulier, un rite insoup- de la perception divine.
taient pas u~ autre e ehrr;en 'ne révèlation sensible de la Divinité ?
' une richesse cac ee, u · . Dieu est un S?leil rayonnant et il nous absorbe dans sa clarté
çonne~ . . d itié une partie de ces pouvou s ances- vivante : on ne fait qu'un avec Lui (56 et 57).
Réveillait-on ans 1,.1n1 , ·• · t 1
.1 it
traux, dont 1 avai pei u ·d l'usage et que déjà soupçonnaien es
~lotin. décrira les mêmes états (58) el Jamblique (59) y fera
initiés de la Crète ? . 'E 1 f aussi allusion.
L' n des symboles les plus mystérieux de 1 g~pte est e a- Il est cei tain que plus d'un auteur moderne expliquera doc-
meux
uDJD ou piilier
1 L
occulte d'Osiris. On le représente sous la
. . 11 'l . C toralement ces phenomenes par des hallucinations auditives ou
'
forme d une co o 1 nne , surmontée de 4 chapiteaux · par a e es.
.s. Iité 1e visuelles ; provoquées sans doute par la vive excitation des sens
n'est pas 1 a, 11•1ma ge d'un quadruple
. autel
. , ben 1dea 1 · e, d e
'· c est par les parfums rituels, les flammes des cierges le son des flûte~
svmbole de la colonne vertéb1:ale ~uma1nc -... 1.~r re e vie ~ et des , t~mbo~rins, les chants liturgiques, la pompt:! émouvante
1à Kabbale _ le centre physiologique de l initie, le. ~ettant a de la cerernorue.
son réveil de lui rendre le don de la clair voyance ... Qu'Impoi te ?
meme. par ' ,. . it ·1 lâ
A •

Placé au fronton de tous les temples, n indiquai -1 pas par .a Le temoignage des Anciens est là. Il demeurera toujours de-
'ét it en ces demeures des Dieux que
que ceai , .. l'homme · parvenait
bl d bout.
à atteindre cet état de transcendance et d inspiration, capa e e
Pythagore dut participer à ces phénomènes ; dans les Vers
le mettre en contact avec le ciel ? (53). ., Dorés (60) il fait une allusion non équivoque à la possibilité de
Plusieurs initiés nous ont parlé à mots couverts ; li?s par le s'élever dans l'éther radieux et de devenir, par incorpoi ation,
secret rituel ils ont parlé par énigmes. Mais leurs relat10!1s sont un Dieu soi-même ...
tellement significatives et les effets qu'ils décrivent sont .si e~tra-
ordinaires, que semblable réveil d~ la double-vue avait du se Si semblables effets étaient encore perceptibles et réalisables
produire, un bref moment, dans le neophyte. à une période où les Grands Mystères de l'Egypte étaient déjà
en pleine décadence, quelle ne dut pas être la force de l'initia-
En voici deux exemples célèbres.
tion égyptienne au moment où ce peuple extraordiaii e se trou-
Le premier est une confidence d'Apulée (54), qui, c~m.plète vait à l'apogée de sa puissance et de son rayonnement spirituel !
celle que nous avons déjà donnée : « Ecoute donc, écrit-il, et
crois-moi, j'ai dit la Vérité ; au milieu de la nuit, j'ai vu le. So- Son dynamisme religieux dut être incomparable et impré-
leil resplendir de son pur éclat ; les Dieux infernaux et les D1e~x gner fortement tous les peuples méditerranéens.
célestes, j'ai pu les contempler, face à face ; c'est de tout pres
que je les ai adorés ... Voilà ce que je puis te rapporter ... » Et
il ajoute que plusieurs jours encore après son initiation, il de- (56) Ep. II aux Corinthiens, 12, 4.
(57) Ruysbroek : Les Noces Spirituelles.
meura dans un état indicible de ravissement intérieur. Les larmes
(58) Ennéade, IV, 7, 10.
lui vinrent aux yeux lorsqu'il dut faire ses adieux au temple de (59) Myst, X, 5, 6.
la déesse ...
(60) Les Vers Dorés, ou plus exactement : Les y~rs d'Or, ~or~ent
Le second myste est non moins précis et formel : c'est le un poème gnomique et confidentiel, que les Pythagoriciens c?nna1ssa,ie~t
rhéteur Aristide (55) ; il écrit : « Je vis soudain le Dieu devant par cœur et se transmettaient d'âge en âge. Ils !1~ furent mis . p~r ~crtt
moi. Il me sembla que je le touchais. J'avais l'impression de qu'à une époque tardive, qui est cepen?ant anter1~u.re au chr1sl!a.i:.1sme
car ils étaient connus de Sénèque, de Diodore de Sicile et ~e. Chrysippe,
flotter entre l'état de sommeil et celui de veille. Mes cheveux qui vivait vers l'an 250 avant J.-C. - Ce bréviaire pythagoricien cont~ent
se dressèrent sur ma tête et je pleurai de joie. Quel est l'homme 73 vers en dorien · il faut en effet y insérer deux vers complementa1r~s
capable d'exprimer ces sentiments ineffables ? Seul, l'initié peut que nous a conser~és Porphyre. Une vieille tradition de l'Ordr~, en ~ttri-
les connaître et les comprendre ». bue la rédaction première à Lysis ; d'autr~s. à ~hilol.aos. ; H1erokle~ la
croit l'œuvre de tout un Collège Pythagoricien , mais 11 ne peut ~tre
contesté que les Vers Dorés n'aient en fin de compte comme prenue.r ins-
(53) Cf. Jean Marquès-Rivière Histoire des doctrines ésotériques, pirateur le Sage qui en établit les premières leçons morales. Dac1~r e~
p. 21. Fabre d'Olivet en furent les premiers traduct.eurs .en langue française •
(54) Apul : Métam. Livre XI. Mario Meunier et Georges Méautis, Léonard Saint Michel et Ivan Gobry en
(55) Briem : op. cit, p. 370. ont donné d'excellentes versions récentes.
'
82 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
83
p thagore reçut véritablement
en Egypte. une foi mation com-
plète ~aucune initiation grecque n'eût pu lui apprendre autant ... !l est certai? qu'ü existe des Mystères Orphiques. Hérodote
y fa~t une allusion t~es nette (64) et affirme leur parenté avec
les i ites du Pythagorisme, et les Mystères des Egyptiens.
VI. - Les Mystères Orphiques. CommeA les Initiés de la Crète, les Orphiques croyaient à la
chute ?e l'ame dans la matière et à la nécessité de son salut.
Le fait que Pythagore fut le disciple de Phéré.cydc de ~ey- Cette épreuve luiA est in!ligée périodiquement ; pour évoluer et
ras (61) et que celui-ci fut le grand propagandiste de 1 Or- progi essei;. to~t~ ame doit. subir le lent pélerinage des existences,
phisme (62) ; d'autre part les nombreuses similitud~s que l'on la dure necessitè des renaissances successives.
découvre entre les doctrines orphiques et les Mystères Pytha- L'être humain a une double nature : emprisonnée dans le
goriciens, établissent sans conteste ~u~ des rapports de con;pre- corps. l'âme en subit la souillure ; elle souffre et est entachée
hension, si pas de collaboration. existèrent entre ces deux élans de son li~n fore~ à un élément imparfait et titanique, source
distincts de la spiritualité grecque. de toute trnpuretè et de toute régression spirituelle ; mais elle
Orphée est une personnalité légendaire de la mythologie hel- n'oublie pas son origine céleste ; elle se souvient qu'elle appar-
lénique, qui a beaucoup inquiété les philosophes. Ils n'ont pu tient à cette race divine ; elle espère toujours pouvoir échapper
se mettre d'accord sur la réalité de son existence et l'authen- un jour à la nécessité de la réincarnation ; elle tend à retrouver
ticité de ses poèmes. Ce1 tains croient qu'il a vraiment existé un son éternelle patrie.
littérateur de ce nom ; d'autres font de lui un mythe et attri- Pour rompre cette chaîne odieuse des renaissances, il lui
buent ses œuvres à des falsificateurs du ve siècle. faut souffrir ici-bas ; toute peine qui lui est imposée est donc
Quoi qu'il en soit, il existe un nombre élevé de poèmes dits : pour elle un élément de progrès ; elle lui donnera des mérites.
« Orphiques » qui se colportaient dans tout le monde grec. De En renonçant aux plaisirs terrestres, l'âme accumule les possi-
nombreux auteurs en donnent des extraits dans leurs œuvres, bilités d'élévation ; en se purifiant constamment, en vivant
notamment Clément d'Alexandrie, chez qui nous en avons relevé dans la pénitence, le renoncement et l'effacement, en imposant à
d'intéressants.
son corps de s'abstenir d'œufs et de viandes, elle vaincra sa
La légende d'Orphée est bien connue (63) : il aurait été de nature inférieure et sera digne de recevoir l'initiation, qui lui
fils d'Apollon et de la Muse Clio ou encore du roi Thrace Œda- permettra de dissoudre le lien qui la maintient en esclavage (65).
gre et de la Muse Calliope. Linos fut son professeur et il aurait
eu Musée comme fils. Musicien habile, il jouait surtout de la Car l'initiation aura cet effet extraordinaire de la faire
cithare, qu'il avait reçue d'Apollon et à laquelle il ajouta une échapper à la cruelle loi des renaissances (66) ; de la renseigner
huitième et une neuvième cordes. Les sons qu'il en tirait étaient sur ses destins posthumes ; de lui apprendre les paroles sacrées
si. émouvants qu'ils charmèrent les animaux , notamment les qui lui apportent le salut.
oiseaux et les fauves ; apaisèrent les fleuves et les aquilons · Les Mystères Orphiques rappelaient le mythe de Dionysos-
et émurent même les arbres des forêts. ' Zagreus, fils de Zeus et de Perséphone (67). Il faut attaqué par
Il aurait reçu l'initiation en Crète et en Egypte et aurait rap- les Titans. Pour leur échapper, il avait pris la forme d'un tau-
porté les Mystères chez les Grecs. reau ; ils le tuèrent, le dépecèrent et le dévorèi ent. Irrité, le
~l perdit Eurydice, le jour même de son mariage ; il des- Père des Dieux les frappa de sa foudre. Mais de leurs cendres
cend~t ~ux Enfers, pour la reconquérir, l'y retrouva mais la naquit la race des hommes. Du san~ de Zagreus, ~lle re~u,t une
perdit ... a nouveau, pour n'avoir pu s'empêcher de se retourner âme dionysiaque ; de la chair des Titans, elle acquit un ele~en~
trop tot vers elle. · matériel et titanique : le corps. L1homme est donc. soum1.s a
,. Il se_ ret~ra .en Thrace, où il aurait été déchiré par des femmes une dualité analogue à celle du soleil et de la lune ; il est a la
qu il avait dédaignées.
(64) Hérodote : Hist. II. 81.
(65) Gomperz : Penseurs de la Grèce, t. ~· pp. 163 et seq.
VIII,(~~)4gambl. V.P. 9, 184, 252 ; Porphyre : V.P. l, 3, 15, 55 ; Diog. Laërce: (66) Rohde : Psyché, pp. 365 seq. ; Reinach : Orpheus, page 122 ;
(62) Gomper~: Pens. de la Grèce, tome I, p. 117. Marquès-Rivière : op. cit. p. 76.
(63) Commelln : •Mythologie, p. 333, 336. (67) Rohde : Psyché, pp. 358, 359 ; Gomperz : Penseurs de la Grèce,
t. I, pp. 163, 164, etc ...
'
84 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES MYSTt:RES
85
if t -adictoire
· il est à la fois ma tièrc et
fois .aclif et. passi t i~~r~al Un infaillible instinct pousse l'âme losophiques une base souvent réaliste due à son souci constant
esprit, angélique de. . . sa patrie perdue. Pour hâter le moment d'objectivité ;. i~ est physicien et mathématicien, la où l'Orphiqus
à regretter et a esn er . 1 11 d .. n'est que religieux ; les Pythagoriciens seront législateurs et
.· , ette réintégration sera possib e, e e ey1 a se pu- astrono~cs, géo.mètres et écrivains, là ou les Orphiques se bor-
supi eme, ou c . I'initiation Celle-ci lui sera donnee par un
ifier et rccevo1 r · · · b· d neront a etre unLquement des mystiques.
baptême de lait ; on dira d'elle : « Chevreau, JC suis tom e ans
L'influence égyptienne est encore sensible dans cei tains dé-
le lait» (68). t ' · · d tails du mythe orphique ; le taureau Zagreus rappelle le tau-
On lui enseigne les secrets de la mort, la rou c a suivi e ~n.s
l'Hadès ; les paroles sacrées à dire dans l'Au-delà, pour evi- reau Apis ; sa mise en pièces par les Titans fait songer à la dis-
ter le retour sur la terre. , . . persiori des restes d'Osiris, par le cruel Typhon ; l'être humain
Voici par exemple un des textes les pl us ca ractèristiq ~es, a en lui un élément dionysiaque comme l'initié de l'Egypte
qui aient été découverts, gravés sur. les tablettes en or que ~_on s'identifie avec Osiris assassiné, qui renaît en lui et l'introduit
a trouvées sur des squelettes <l'inities, dans les ~ombes de C1 ete ainsi dans sa race solaire ; il y a là plus que de simples coïnci-
dences.
et de Grande-Grèce, notamment à Pétilia. (Thurium) \ 69) .: .
« Je me suis enfuie du cercle des peines et des nècessites. Les Orphiques avaient, comme symbole, le rameau d'or ;
« J'ai subi le châtiment de mes fautes. . nous le retrouvons à Eleusis (72). Chaque rite initiatique a son
« Je viens maintenant à Toi, ô Reine du Monde s~ute~·raui. rameau de la survivance (le genêt mystique, le gui, l'acacia).
« Je me glorifie d'appartenir, ô Dieux de l'Hadès, a votre Les Pythagoi iciens emprunteront enfin aux Orphiques leur
race bienheureuse. défense de manger des œufs et de la viande ; leur interdiction
« Envoyez-moi dans la demeure des justes : dites-moi la pa- de verser le sang ; et enfin, leur respect religieux de la Justice
role du salut : « Tu seras dorénavant déesse et non plus et de la Loi (Dikè kai Nomos) : que nous retrouverons cons-
mortelle ». tamment dans les écrits des Nomothètes de I'Ordre,
Et de même que les morts de l'Egypte, portaient sur le
cœur une fois momifiés, le Livre des Morts, qui devait leur ser-
vir d~ guide dans l'Arnenti, de même, les initiés de l'Orphisme VII. - Phérécyde de Scyros.
portaient, dans la tombe, sur le cœur, la précieuse tablette ~i'~r
incorruptible, munie de la formule salvatrice, gage de la libé- « Pythagoi e eut pour maître Phérécyde, originaire de l'il~ de
ration spirituelle et talisman décisif dans le royaume des « Scyros. C'est lui, qui, le premier, abandonnant la contrainte
morts (70). « des vers, avait osé se servir de la prose et écrire, dans un style
Gomperz a très finement souligné (71) les différences qui ont « libre et dégagé d'entraves.
existé entre I'Orphisme et le Pythagorisme. Autant le premier « Quand Phérécyde, succomb~nt à une aff~euse ~aladie, eut
est sévère, fanatique, éperdûment individualiste et préoccupé du « été rongé et réduit en dissolution par de hideux insectes, ce
salut personnel de l'adepte, autant le second est scientifique ; « fut Pythagoi e qui l'inhuma pieusement ».
il ne se contente pas de vouloir le salut de tous ; il veut réformer Tel est le passage des Florides (73), où Apulée nous parle du
les mœurs et les gouvernements ; il donne aux spéculations phi- professeur de Pythagore. . . . ,

Phérécyde est une personnalité rem~r~t;able , : il et~1t a la
fois fervent de science et amant de la Vérité .. 11 s occupait beau-
(68) Kaibel : Inscrip. Gr. Siciliae et Italiae, 641 ; Diels Kranz : Fragm. coup d'astronomie et, après sa mort, on montrait encore le cadran
der Vorsokratiker, I. p. 16.
(69) Ma~en : Les Mystères d'Eleusis, pp. 271, 272. solaire qu'il avait construit.
(70) Foucart : Recherches sur l'origine et la nature des Mystères Philosophe, il publia à la fin du VIe siècle, un é~rit en pros.~,
d'Eleusis, Paris, 1895, p. 71 ; Gomperz : Penseurs de la Grèce, t. 1, p. 165. qui joua un grand rôle dans la diff:ision de 1 Orphis~e, et qu ~~
(71) G<>mperz : Penseurs de la Grèce, t. I, pp. 173 sep. La comparaison
entre l'Orphisme (démocratique, égalitaire et soumis à l'influence intitula : « La Caverne aux 5 replis » (74) · (En grec Pente
ionienne) et le Pythagorisme (aristocratique, oligarchique et soumis à I'in- mychos).
fluence dorienne) a ét~.~ite par M. le Bâtonnier L. Hennebicq dans l'in-
téressant ouvrage : L idée du Juste dans l'Orient grec avant Socrate
Bruxelles, Larcier, 1914, pp. 344, 345. ' ' (72) Id. p. 169.
(73) Apul. : Florides, l. II, ch. XV.
'
PYTHAGORE ET LES MYSTERES
86 PYTIIAGORE ET LES MYSTÈRES
87
C'est une cosmogonie assez confuse, à laquelle les Manichéens
L'étude, des textes babyloniens ,relatifs aux Mystères du Dieu
feront un jour quelques emprunts. , . , ,. Mai douk . ' n ,est
o décuuvre cependant un détail d'un t;-es_ grand intérêt : 1 t" pas d'un· . g1 and intérêt ·• ils ne n ous appo1 ·t en t
aucune 1 eve a ion originale . , sur un mythe , visible men t agraire,
·
Phéré~v~e y déclare en effet qu'avant la création de la terre, e t sut une cosmogonie e 1,ementaue,
« l'esprit de la terre » (Chtôniè) fut - av ec le Temps. (Chronos)
.~?lativement au destin de l'âme apres la moi t, les tablettes
1

et Zeus, principe suprême de la vie - 1 une des trois essences


cunéiformes s~ .r:iontrent aussi vagues que pessimistes. Car chez
primordiales. .. . les 1;'1a%c:s,, le, f1del e n'est point l'égal des Dieux et aucune liturgie
Phérécyde admettait la dualité esprit-maticre, dans la consti- 1

ne 1 élev?1 a jusqu à .~ux ; 11 y aura toujours entre eux et lui une


tution de l'Univers. . . infr anchissable barrière (79).
Il nous narre aussi le rnvthe du dieu-serpent, Ophicneus, qui, L'Au-delà Y est une « maison des ténèbres » ; les défunts y
s'étant révolté contre Chronos, fut vaincu et précipité dans l'abime sont de pauvres ombres falotes, exilées dans une « terre sans
de la mer appelé Ogénos. retour » - « d'où celui qui entre ne sortira plus ». - Les âmes
Puis Zeus créa la terre, se transforma en Amour (Eros), les plt~s malheureuses y sont celles dont le cadavre est demeuré
donna la vie à la végétation et fit éclore la multiplicité des Ioi mes. sans sépulture.
Pythagoi e sera Ioi tement imprégné de cette conception or phi- Les tablettes babyloniennes ne parlent ni de résurrection ni
que ; pour lui, aussi, le corps est un tombeau (75). de renaissance ni de transmigration des âmes · elles ne laissent
Comme son maître, Pythagore aura aussi l'esprit de l'investi- fuser aucune lueur d'espérance. '
gation scientifique et il fera des découvertes en mathématiques
et en acoustique. IX. - Zoroastre et l'Inde.
Il est fort peu probable que Pythagore ait rencontré Zoroastre
VIII. - L'influence de Babylone. à Babylone.
Le dualisme ne parait pas avoir laissé de traces dans ses
Existait-il à Babylone - où Pythagore aurait été captif enseignements. Les rites de salut au Soleil levant n'ont rien de
- un Collège de prêtres chaldéens, dont il aurait été l'élève ? dualiste ; l'histoire des malheurs de Polycrate, si riche en
Apulée l'affirme nettement (76) et précise que ces Mages lui fertiles leçons, sur l'équilibre dans la vie des hommes, n'est en
enseignèrent « la science des astres ; les révolutions précises des rien une conséquence d'une pénétration des doctrines mazdéen-
« divinités errantes ; leurs divers effets sur la naissance des nes dans l'ésotérisme de 1'01 dre.
« moi tels ; ainsi que certains remèdes, conquis à grands frais Apulée ajoute enfin (80) que Pythagore conféra avec les
« sur la terre, sur le ciel, sur l'océan, pour le soulagement de Brahmanes - que certains auteurs appellent les Sages nus ou
« l'humanité ». Gymnosophistes - qui lui auraient appris « l'art d'instruire les
Jamblique se borne à dire (77) qu'ils lui apprirent la science « esprits ; d'exercer les corps ; les diverses parties dont l'âme
des nombres et la musique, ainsi que « les secrets d'autres dis- « se compose ; les modifications de l'existence ; les tourments ou
ciplines ». « les récompenses que les Dieux réservent à chacun, selon son
Enfin, Porphyre ne parle (78) que de mathématiques et d'as- « mérite ».
tronomie. Ce voyage supplémentaire semble peu yraisemb!able, puisque
le Maître était prisonnier de guerre en Mésopotamie.
Il nous paraît, en plus, superfétat~ir~ ; ~ quoi bon ces e,~~re:-
, , (74),.Gomperz : Op. ~it. p. 117. Les fragments de Phêrécyde ont tiens philosophiques avec des Sages éloignés, alors q~e, déjà a
ete publies par F. G. Sturz a Leipzig en 1825 ; par O. Kern à Berlin en 1888 ce moment, le Maître avait pu acquérir, par les ense1g?}e~ents
et_ par Grenfell .et Hun.t à Oxford en 1897. Suidas fait également allusion à
lui. La plus an_c1enne d1ssertt;>n sur Phérécyde est due à Heinius qui la rédi- reçus de Thalès, Anaximandre,_ Herm_oda~as ~t i::h;recyd~,
gea ~n français dans les Memoires de l'Académie Royale des Sciences de ainsi que par la vertu des initia!1o_ns qui lui ava1~nt ete ~onf~-
Berlin, V. 1747. rées en Crète et en Egypte, la plénitude des conn~1s_sances esote-
(75) Clém. d'Alexandr. : Stromates III 3 riques, nécessaires à l'accomplissement de sa mission ?
(76) Florides, 1. Il, ch. XV. ' ' ·
t 77) Jambl. : V.P. 19.
{78) Porphyre : V.P. 6. (79) Cf. Briem : op. cit. p. 141.
(80) Apulée : F1orides, l. II, ch. XV.
88 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
PYTHAGORE ET LES ~1YSTÈRES 89
X. - Les Mystères Grecs.
A raison de la sélection nécessairement insuffisante de ses
candidats ; du grand nombre des postulants · de la brièveté rela-
Pythagore reçut-il l'initiation dans c~rtains ~c1np1~~ de la tive de ses cérémonies ; de la courte durée de ses sessions Eleusis
Grèce ? Fut-il notamment admis aux Petits Mystères d Agra et ne pouvait donner à ses mystes qu'une révélation fort 'élémen-
aux Grands Mystères d'Eleusis ? taire. Aucune étude préparatoire ne leur était imposée avant
La question est controversée. . . l'agréation aux Petits Mystères. '
Ses biographes ne parlent que de sa visite au Temple de
Délos (81), où il reçut la grande leçon d'offrir a~1x Dieux des D~s erreu_rs furent d'ailleurs commises parfois et Pon dut
sacrifices en pâte de farine au lieu de victimes animales. recevoir parmi les Mystes des personnages incompétents ou indé-
sirables.
Ils ne font aucune allusion à un séjour du Maître à Athènes
ou dans un des sanctuaires de la métropole. « Le voleur Pataekios jouir a api ès sa mort d'un meilleur
Ce silence des sources, par ailleurs si loquaces, nous donne « sort q u' Agésilas et qu'Epaminondas, parce qu'il a été initié à
la clé du problème. « Eleusis ? », criera un jour avec mépris Diogène le Cyni-
Les seuls arguments que pourraient encore invoquer les par- que (85).
tisans d'une initiation éleusinienne de Pythagore sont deux Au surplus, Eleusis ne put que répéter les grandes lignes de la
textes qui ne nous paraissent pas décisifs et un détail de numis- Tradition égyptienne. Foucart a souligné (86)1 par des textes déci-
matique. sifs. l'analogie qui exista toujours entre Eleusis et l'Egypte. Isis est
Le premier de ces textes est de Diogène Laérce (82) : « Les la déesse des moissons, de la fécondité des terres ; de la végétation ;
Métapontins, dit-il, appelaient la demeure de Pythagore : le un hymne de la 18" Dynastie l'appelle même : «la dame du pain » ;
Temple de Démètèr (Cérès) ». C'était une allusion à la doctrine car ce fut elle qui introduisit les semailles. De même. la Démètèr
professée par le Maître et qui devait comporter des Vérités sem- grecque sera à son tour, la créatrice des rites agraires, la mère de
blables aux enseignements d'Eleusis. l'agriculture, la déesse dont les époptes admireront en silence le
Le second est de Suidas (83) ; il y note que la fille de Pytha- symbole essentiel : l'Epi de blé moissonné ...
gore, Arignotè, écrivit une étude sur les « Télétés de Dionysos ». D'autre part. le contenu pratique des Mystères était le même
Elle l'aurait rédigée, sur renseignements de son père. dans les deux initiations ; le but secret des Mystères n'était-il
C~ passage appelle toutes nos réserves car on n'imagine pas pas de révéler aux néophytes les destins futurs de l'âme hu-
le Maitre de l'Ordre, violant lui-même la loi du secret et du maine ? Qu'ils fussent grecs ou égyptiens, on leur apprenait qu'il
silence, pour pousser sa fille à révéler par écrit tout ou partie faut mourir pour renaître, comme le Dieu Osiris ou comme le
des Mystères. grain de blé, confié au sein de la terre.
D'a1:1tre p~rt, certaines cités, qui furent dirigées par des Le rituel éleusinien comportait enfin, comme celui d'Osi-
nomothetes. firent frapper ~es monnaies d'argent, portant visi- ris, des courses symboliques (Ta drômena) dans un cadre rap-
blement des symbole_s iriitiatiquas (84) ; c'est ainsi, par exemple, pelant les Enfers ; la révélation de symboles s~cr~ts, ra~pelant la
qu,e Crotone ~~p.roduisa1~ sur se~ pièces le trépied de la Pythie et survie de l'âme (Ta deiknymena) ; la prononc1at1on. adequate de
~etapo:ite,. 1 ~p1 de b~e, embleme essentiel des rites agraires formules magiques (Ta legomena) (87) pour tr1omp~er des
d Eleusis ainsi que la tete de Démètèr.
épreuves astrales qui attendent les mo~·ts su; le plan, qui les re-
Mais des argume.nts plus précis nous mènent à la conclusion
~~e. Pythagore n'avait nul besoin d'aller chercher à Eleusis une
cueille. On conçoit dès lo_rs que 1;
Ma1t~·e n,~~t pas _a se rendre
à Eleusis, pour y recevoir ce qu il avait deJa. acquis: ~e. faç?n
uuuatton 9uelco~q~e ; l'enseignement donné à Eleusis n'était
en ef~et qu une répliqua et une reproduction bien imparfaites des
approfondie, dans les sanctuaires de Memphis ;t. Héliop?lis.?
Mysteres de l'Egypte. ' Il rentra à Samos, riche d'un grand nom~re de ~er1tes ,tradit1on-
nelles qui lui avaient été confiées. Son r?le consistera a les con-
denser en un corps harmonieu.i: de Doctrines.
(81) D~og., Laërc~ : VIII, 13. Jambl. V.P. 25.
(82) D1?gene Laerce : VIII, 115 et Val. Maxim VIII (85) Cf. O. Briern : op. cil. p. 221.
(83) Suidas : Arignoté. · • 15, 1.
(86) Recherches sur l'origine et la nature des Mystères d'Eleusis,
plan~~!~ ~tir?riechîsche Münzen, par H. Borger, Leipzig, Seeman, 1922, pages 15 seq.
(87) Idem, p. 43.
Chapitre II

CARACTERES DES MYSTERES PYTHAGORICIENS

I. - Leur réalité historique. - Leur originalité.


II. - Leur caractère.
III. - « De Bouche à Oreille ».
IV. - La Discipline du Secret.
V. - Le Silence, jusqu'à la mort.
VI. - La Dignité de l' Adepte.
VII. - Le Respect de la Hiérarchie.
VIII. - Les Traditions.
IX. - La femme et l'initiation.
X. - Qu'est-CG que l'initiation ?
I. - Leur réalité historique ; leur originalité.

Il est. i1:1dé~i~ble que l'œuvre de Pythagore témoigne d'une


double originalité : celle d'être une synthèse harmonieuse du
conten~ de, to~s les Mystères importants, pratiqués de son temps
- car il n existe. sous leurs formes multiples, qu'une seule Vé-
rite ; - et celle de les avoir répandus par une organisation nou-
velle. sur le continent européen.
. Nous ve~ons de voir les sources, où puisa Pythagore ; elles
lui ont permis de fondre. en un compendium logique et substan-
tiel, les grandes Traditions ésotériques de son temps. Il les com-
muniquera à un nombre choisi de disciples, et ceux-ci ne devront
plus accomplir de grands déplacements pour recevoir la Lu-
mière ni courir dans ce but de sanctuaire en sanctuaire. ils rece-
vront dans I'Ordre la plénitude de la sagesse.
Qu'il y ait eu en conséquence des « Mystères Pythagori-
ciens », le fait n'est point douteux ; les auteurs emploient ce
terme en connaissance de cause (1). Qu'ils aient été transmis de
façon originale sur notre sol, c'est un fait non moins évident :
la méthode du Maître consistait à les enseigner. dans des condi-
tions différentes de celles où ils s'étaient jusqu'alors révélés.
Il n'imitera ni l'Egypte ni la Grèce.
Il ne fera pas de son Ordre un Collège sacerdotal, destiné à
former un clergé administratif de fonctionnaires religieux : ce
ne sera point un séminaire, d'où sortiront les prêtres ?e ~a ci~é.
Au contraire, ses disciples pratiqueront un culte particulier, ils
accompliront leurs rites dans le secret de leurs Temples, en
dehors de toute présence étrangère.
D'autre part, il ne se ,content~r.a . pas, _comme. à Eleusis,, de
donner des cours rapides a des rècipiendaires, puis de les 1 en-
voyer chez eux.
Il séparera au contraire ses initiés ,d~ mon?e _Pr?f~ne; il leur
imposera un genre de vie nouveau, s~vere, discipliné, confo~m.e
aux exigences initiatiques; son enseignement sera long, diffi-

(1) Hérodote: Hist. II, 81; Jambl. V. P. 151.


'
94 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
95
cilc gradué, proportionné à leur progrès ~pi~·itue~~ .~l les habi- drait .pas à un équilibre moral et toute l'œuvre divine serait com-
tuei:a à la vie contemplative; comme le faisaient ja des grou- promise et f aussee.
pes isolés d'Orphiques. d l h Ces compensa~.ions P?sthum~s devront réparer ce que le
L f le n'aura aucune part à leurs travaux c rec 1°1 c e
· ··ta lle : et séparés d'elle ils conserveront jalousement leurs monde a encore d imparfait ; le Jeu des sanctions d'outre-tombe
sp111 ue e, ' ' ·11 · t' d leurs mcm as~u~tra le c~âtiment. des coupables et la réparation des ini-
secrets traditionnels, pour la seule 1 um1na 1011 . e .· . - quitès (5) ; l harmon,1e . des spheres n'est donc troublée qu'en
bres: ils les défendront sévèrement contre toute d1vulg~tH~n dans
d:
appa: once par les méfaits des hommes, en réalité, les événe-
1 ' d p ofane Leur réserve les fera du reste, facilement
e mont e tVl·a~nie et lors de l'émeute cylonicnne. on les ments d'outre-tombe en rétablissent toujours l'excellence.
suspec er J• • d · · t ·s (2) Sachant que notre existence terrestre n'est qu'un épisode dans
prendra pour des adversaires du peup 1.e et es conspira eur: .
l'histoire de notre évolution spirituelle, le Myste reprend force
Mais leur unité morale assurera a .l'?~·d1:e une permanence
et confiance dans la vie ; tel est le fruit immédiat de son ini-
remarquable et ils garderont de leur initiation une empreinte tiation.
définitive.
III. - De Bouche à Oreille.
II. - Leur caractère.
Les Mystères de l'Ordre ne se transmettent jamais par voie
écrite ; ils se donnent uniquement par la voie traditionnelle,
Il est avant tout universel. L'Ordre n'a pas subi le régiona-
c'est-à-dire « de bouche à oreille », de maître à disciple, du père
lisme de Crotone· il s'est répandu dans tout le monde hellénique spii i tuel à son fils spirituel.
et sa large diffusion lui a permis de donner la Lumière spiri-
C'est une communication personnelle et confidentielle, une
tuelle en de nombreuses contrées; il a ainsi acquis une grande osmose directe.
universalité ; il formera de la même manière ses adeptes de
Le Maître n'a laissé aucun enseignement écrit ; il a formé lui-
toutes les races et de toutes les cités ; la satire ne les épargnera
en aucun pays, car partout où il y aura des initiés de l'Ordre, même ses disciples, par un cours qu'il leur donnait en secret et
ils s'isoleront de la foule et leurs usages seront incompris d'elle. qui était entremêlé de liturgies. , ,. . .
Ces Mystères sont nettement consolateurs et réparateurs. « Les Télétés » ne se donnent pas a n importe qui, ru sans
Ils apportent à l'esprit, tourmenté de l'angoisse métaphysi- règle, dit Clément d'Alexandrie (6), ma~s a.vec des purif,ications
que, une certitude ; ils l'éclairent sur ses destins futurs ; ils et des « proclamations » - la communication des Mysteres est
réservent au cœur une joie nouvelle : l'espérance. donc verbale. · il
« C'est l'espérance que nous proposent les Pythagoriciens Et Jamblique précise encore ( 7) : « Les Pythagoriciens,, dit- ,
« comme but de leurs recherches, dit Clément d'Alexandrie dans « observaient un mutisme profond sur les dogmes de leur ecole;
« ses Stromates (3). « ils ne les dévoilaient pas aux exotériques et ils ,les tr~n.smet:
« Si tu as été pieux du fond du cœur, tu ne souffriras aucun « taient, sans l'aide de l'écriture, comme des ,mysteres divins, a
« mal après la mort et ton âme sera immor telle, dit le Pytha- « la mémoire de ceux qui devaient le~ succeder. » ..
<c goricien Epicharme. » ( 4) Les instructions étaient donc conf11ees. au:: disciples, par .le
N'est-ce pas là le caractère essentiel des Mystères ? Ils rassu- seul canal de la parole et ils avaient 1 obligation de les retenir,
rent et éclairent, expliquent et consolent. A l'homme broyé par sans prendre de notes. . . ,, · . · t
les épreuves de la vie terrestre, révolté par les injustices et les Pl t . 1.apporte (8) : « Les Pythagoriciens n e~r1va1en
u ai que
« jamais leurs préceptes ; ils . se b ornaien
· t a' les enseigner de
méchancetés subies, déprimé par les malheurs qu'il voit s'abat-
tre autour de lui, parfois même injustement frappé lui-même,
par l'égarement de ses semblables, il faut une légitime consola- (5) Préambule de Zaleucus, § 6, traduction Delatte.
tion, sinon tout l'équilibre matériel de l'Univers ne correspon- (6) Slromates : V, 4.
(7) Jambl. : V.P. 226.
(8) Plutarque : Vie de Numa. t
33 trad Bétolaud), Plutarque
(2) Justin : XX 4. Dans un autre passag~ (fragme~lism~ dan~ l'enseignement initia-
(3) Stromates, livre IV, ch. XXII. précise comme suit l'emploi ~U. alSY!ll 18 philosophie pythagoricienne que
(4) Cité par Clém. Alex.: Strornat. 1. IV, ch. XXVI. tique : « Rien n'est aussi speci a ix qu'on emploie dans la célébra-
« l'usage des symboles, tels que ceu:
'
96 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES MYSTf:nEs
« vive voix à ceux qu'ils en estimaient dignes '. Ils ne trouvaient
ni beau ni légitime de transmettre de si satnts Mystères par une somme élevée les notes de Philolaos, après le décès de cc
: des caractères sans vie (des lettres mortes) ». dernier.
·
L a science ne peut être donnée .à tout
, le monde. Tous ne La seconde concerne les Symboles ; étant impénétrables aux
sont pas aptes à la recevoir ni même a l entendre. , profanes, n'ayant un sens intelligible que pour des initiés, éclai-
L'enseignement secret est verbal car ?tobéc nous a conserve rés sur eux par des précisions verbales, ils purent être repro-
le vers célèbre _ déjà connu des Orphiques, avant le Pytha- duits, copiés et publiés, sans que l'Ordro ait pu en subir un
gorisme (9) : . . dommage ou la doctrine une atteinte.
« Je vais chanter maintenant pour ceux qui peuvent compr en- On répandit donc de toutes parts les Symboles (Akousmata)
« Fermez les portez et sortez profanes » ,., , , 1 drc. et les Similitudes (Homoioi) attribués au Maître. On discute
Une légende fort contestée prétend meme que le ,c~lcbre Em- encore actuellement sur le point de savoir quel était leur sens
pédocle, qui fut une d~s gloires de l'Ordre, ~ut chasse a_. son tour véritable et la nature des mystères qu'ils recélaient.
de celui-ci, pour avoir, dans ses vers, fait des allusions aux Quant aux Vers Dorés et aux préceptes de morale. ils échap-
doctrines secrètes du Pythagorisme ( 10). . . paient aussi à la règle, par leur nature même : il n'est en ce
Sa divulgation imprudente aurait eu pour ,effet de fair e 1nt~r~ domaine, aucun secret et il faut au contraire la plus large publi-
dire dorénavant l'entrée de l'Ordre aux poetes. ~appel_ons 1c1 cité pour des préceptes utiles au salut du monde profane.
que Platon, qui fut assi initié a~x secrets du Ma~tre, fe1:mera Platon lui-même, qui fut membre de I'Ordre, s'est défendu
la porte de sa cité idéale aux ,poete~ (.11) .. Est-ce ~a, u;1e simple avec vigueur contre l'accusation qu'il aui ait pu, en tout ou en
coïncidence ? Ou bien, les poetes, étaient-ils considérés comme partie, effleurer dans ses écrits le contenu des Mystères qui lui
incapables de garder un secret, à raison du divin délire qui les furent confiés.
possède au moment de l'inspiration créatrice ? Dans sa 7 lettre (14), il dit expressément - et il définit ainsi
Les secrets de l'Ordre sont verbaux ; Diogène Laërce rap- la nature traditionnelle de l'enseignement pythagoricien, par une
pelle ( 12) que le Maître découvrit d'abord et enseigna ensuite description sans équivoque - quel est ~e mode ~e ~ransmis~ion
sous cette forme secrète, les mystères de la philosophie. de la sagesse : « S'il se trouve quelqu un pou~ ecnre un l~vre
Ces communications de bouche à oreille portaient le nom « dans lequel il prétend vous exposer une doctrine sur les ~oints
grec d'« Aporrêta », « qui me tiennent le plus ~ cœur (~. du :rad. : i:s Myster;s),
Lorsque Cylon entamera sa campagne contre I'Ordre, il fein- « qu'il croie les avoir appris de moi ou d un auti e, ou Y etre
dra d'en avoir eu connaissance (13), bien qu'il ait été refusé « parvenu de par lui-même. sachez que cet homme ne corn-
dans l'Ordre et ce détail confirme encore l'inexistence d'écrits « prend rien à la chose. , . .
en matière de transmission des Mystères. « Car il n'existe pas d'écrit de moi, traitant de ces choses et
Deux exceptions furent cependant tolérées à la règle. « il n'en existera jamais.
La première est relative aux figures de la géométrie ; les « Et cette connaissance ne se laisse pas transme~tre _comme
élèves avaient le droit d'en prendre copie, elles étaient indis- « une série de théorèmes - ce n'est en effet qu apres une
pensables à son étude ; c'est en cc sens qu'il faut comprendre le « intime accoutumance avec son objet, que, co~~ par l'.em-
passage de Diogène Laërce, qui raconte que Platon acquit pour « brasement d'un éclair, la flamme jaillit et sa lumière persiste,
« sans nécessiter d'aliment extérieur ... »
On ne peut être plus formel. . . b h
« tion .des Mystères .. C'est là une manière de parler, qui tient à la fois Sur certaines choses, l'initié n'écrira jamais car il a la ouc e
« du silence et du discours ... Ce qui se dit est très clair et Lrès évident
« po~r ceux qui sont accoutumés à ce langage ; c'est pour les ignorants cousue et la plume immobilisJée. . t' nt on le médite on le
« qu'il est obscur et inintelligible. Le sens apparent de ces symboles n'est L' . t est verba on 1 e ie ie • '
«« pas
vr1r ...le ».véritable, mais il Cau t y chercher celui qu'ils semblent recou- muri t ense1g!1emt
A •
en soi e eilny donne al~rs , dans le secret. toute la saveur
(9) Stobée : Floril. XLI. de son fruit.
(10) Cf. Diog. Laërce : Vie d'Empédocle (L VIII). d Pla!on's Selbstbiographie. 1\1. de
( 11) Platon : Républ. livre III, 398. (14) Publiée pa! H. s;-oi:nper~28 ~~ lira avec intérêt dans l'ouvrage
(12) Diog. Laërce, VIII, 55. Gruyter el Co, Bertin, 1:-etp~i~,, 1 · Alcan en l936. pp. 37 à 40, sa fine
(13) Jambl. : V. P. 258. de Jankélévitch : L'Ironie, édité chez ti de la psychologie conternpo-
définition du secret, selon la concep ion
raine.

'
LES MYSTERES
98 PYTHAGORE ET
PYTHAGORE ET LES MYSTI:RES
99
IV. - La discipline du Secret. Et il dit ailleurs (22) :
. « O~ di~ ql:1e le !'ythagoricien Hipparque accusé par les
« Orphée, Pythagore, Platon et Porphyre ont voulu le se- « siens d avoir divulgue les dogmes de Pythagore dans ses écrits
cret. .. », dit Julius Firmicus Maternus ( 15). « fut chassé de l'Ordi e et qu'on lui éleva même une colonne
« Les Pythagoriciens et Platon cachent leurs dogmes », dit « funéraire, comme s'il était mort. »
Clément d'Alexandrie (16). Jamblique précise (23) la nature du secret:
« Les Pythagoriciens ne parlent q,ue P.ar symboles, dit Pr?- « Il faut que l'homme apprenne à se taire ; il ne peut prcdi-
« clus ; et Platon se sei t des mathématiques, pour 1 ccouvrir « guci au dehors les secrets de la Science et de la Vérité ».
« d'un voile la vérité des choses ». ( 17). Le secret couvre donc à la fois les enseignements relatifs aux
« Pythagore a imité le symbolique et le my~té~ieux de~ prê- sciences positives et ceux des Mystères eux-mêmes.
« tres de l'Egypte, dit Plutarque (18), Il entremêlait ses opiruons L'indiscrétion que l'on avait reprochée à Hipparque (24) ne
« d'énigmes ... » concci nait que certains théorèmes de mathématiques (les lignes
« Les ayant enchaînés par un serment terrible, par lequel c ommensurables et les incommensu1·ables ; I'insc.rption du do-
« ils s'engagent à ne rien révéler ; et les ayant forcés à déclarer décaèdre dans la sphère) - il n'avait pas divulgué les leçons
« qu'ils ne feront jamais défection, il leur transmet les mystères ésotéi iques ; il fut cependant l'objet d'une exclusion définitive.
« impies, dérivés des mythes helléniques ... , dira un jour le polé- Apulée nous donne (25), d'autre part, sur l'obligation du si-
« miste chrétien, auteur des Philosophoumena. » ( 19) lence, l'instructif passage suivant : « Hé, bien, cet homme, ins-
« truit à l'école de tant de Maîtres (il parle de Pythagore) et
Le texte du Serment hippocratique, que nous a conservé le
médecin de Claude, Scribonius Lagus (20), définit à son tour le « abreuvé de ces sources intarissables d'instruction qu'il était
mode de transmission de certaines vérités médicales : c'est un « allé chercher dans l'univers ; cet homme, doué d'un génie
rappel de la méthode pythagoricienne : « éminemment supérieur ; d'une âme, dont la portée s'élevait
« au-dessus de la nature humaine ; cet homme, à qui la philo-
« Par le précepte, par la leçon et par le mode d'enseigne- « sophie doit son existence et son nom ; ce grand homme, enfin,
« ment (traditionnel), je transmettrai uniquement la connais- « recommandait à ses disciples de garder le silence.
« sance de mon art à mes propres fils et à ceux du Maître qui « Chez lui, un exercice devait précéder l'exercice de la sa-
« m'a instruit et à ses disciples, liés par serment, conformément « gesse : c'était de maîtriser absolument sa langue ; de retenir
« à la loi de l'Ordre. Et je ne la transmettrai à nul autre ... » « ces paroles, que les poètes ~ppellent « :'?lantes », de le~ c~u-
La médecine a en effet été longtemps comprise parmi les « per les ailes et de les emprisonner derrière le rempart d ivoire
cours confidentiels, enseignés aux initiés de I'Ordre et la légende « que forment les dents. , , ,, .
du Maître fait de lui un grand guérisseur. Apollonius de Tyane « Oui, à ses yeux, le premi~r element d~ tout~ sagesse, c était
sera à son tour un célèbre thaumaturge. « d'apprendre à méditer, de desapprendre a babiller. >?
Et Clément d'Alexandrie précise encore (21) les raisons de ce Et en digne disciple ~u Maîtr~, il ajout~ .: « Au~res de t1ous
secret initiatique : « vos prédécesseurs, ma réserve ma va~u, ~1 Je ne m 'abuse, 1 ho-
«, Ils .. ne , . voulaient pas que toutes ces choses fussent ensei- « norable réputation de philosophe, qui sait garder a pr opes le
« gnees a n importe qui et sans règle, ni que les trésors de la « silence. »
« Sagesse , fussent livrés à des êtres impurs, car on ne peut
« allouer a tous ceux que l'on rencontre ce qui n'a été acquis
c que par tant de luttes ... » V. - Le silence jusqu'à la mort.

1165))Ju!. Firm. Maternus : Mathes. VII, 1.


<(
Cette obligation rigide de ne jamais dévoiler les se~rets de
Clem. Alex. Sirom. V, 9. I'Ordre ne connaissait aucune exception, tant la collation des
(17) Comment. sur le Timée, 36 b.
(18) Plutarque : D'Isis et d'Osiris 10
(19) V, 3. ' . (22) Strornates, 1. V. chap. IX.
(20) Cf. Histoire des Sciences, par Brunet et Mieli Payot Paris 1935 (23) Jambl. : V. P. 226-228. . d tt i <11>
p. 181. , • ' ' (24) Jambl. v. P. 88 accuse Hippase et non Hipparque e ce e n
(21) Stromates, L V, ch. IX. crétlon.
(25) Aputée : Les Florides, livre II, ch. XV.

100 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES rt1YSTf,RES
101
Mystères était une investiture redoutable que ne pouvait per- Alcibiade encourut le même so 1 t . .
cevoir aucune oreille profane. Mystères dans sa demeure et 'i· pour avon- parodié les
Aussi était-elle poussée jusqu'à ses dernières conséquences. · ses cornp ices, sur lesquels on put
mettre 1 a main, furent aussitôt exécutés (31).
« Plutôt périr, que parler », a dit le Maître.
Sopatros rappelle le texte d'une Joi selo l .
Et l'histoire nous prouve que son ordre fut scrupuleusement dèvoi lr- les Mystères doit périr. » (32). n aquelle « Qui a
respecté. Les auteurs nous rapportent plusieurs exemples de
membres de la Fraternité, qui préférèrent subir la torture et la Le simple fait d'entrer dans le Templ d M ·
ê tre p1 e'a lable . . ti , , .
t 1.n1 e es lv ysteres sans
mort. plutôt que de violer la grande loi du Silence initiatique. . . men ie était aussi puni de mort et Tite-Live
Le plus célèbre est celui de la Pythagoricienne, Tirnycha de 1 apporte que deux Jeunes Acarnaniens tant entrés
é ,
· · t ti d • sans mau-
Sparte, épouse de Millias de Crotone. Rejointe par les sbires du vaise m en ion ans le Temple d'Eleusis furent 1 h
saisis et exécutés ( 33). · sur e c amp
tyran Denys, devant un champ de fèves, qu'elle se refusait à
franchir, elle fut conduite devant Denys, qui la somma de lui Un serrn~nt P.arti~ulier: dit Tzetzès (34), consacrait l'engage-
révéler les motifs de l'horreur qu'avaient les membres de l'Ordre ment de ne Jamais ceder a, des profanes les écrits de l'Ordre :
pour ce végétal. n~us avon~ vu qu.e cette defense concernait les figures géomé-
Timycha garda le silence. triques. q.u1 formaient, aux débuts de la Société les seuls écrits
Bien qu'elle fût en état de grossesse avancée, le tyran la fit de celle-ci. '
cruellement torturer, dans l'espoir que la douleur la ferait céder.
Les supplices qu'on lui fit subir furent si terribles, qu'elle se VI. - La Dignité de l'Adepte.
vit sur le point de parler ; elle se coupa alors la langue avec les
dents et la cracha à la figure du tyran (26).
Timothée de Pergame rapporte un fait analogue dans son La Vér~té ,ne pouvait être confiée qu'aux plus dignes. Le néo-
ouvrage sur « le Courage des Philosophes », le héros en est un phyte, admis a la faveur de devenir membre de l'Ordre, devait
autre Pythagoricien, Théodote (27). en permanence veiller à conserver intacte la haute qualité qu'il
Il n'y a pas lieu de s'étonner d'un pareil héroïsme. avait reçue.
, ,Déjà, chez le~ Orphiques, le serment des mystes, de ne rien L'initiation confère en effet à ses bénéficiaires une dignité
r~veler, comportait, selon Firmicus Maternus, « une formule ter- surhumaine; après le choc de l'illumination, après l'investiture
rible » (28). des pouvoirs et la réception au sein de l'Ordre par intronisation,
Les Essé.niens, qui s'inspireront des préceptes et des usages le nouveau Myste accédait à une vie nouvelle ; en celle-ci l'âme
du Pythagorisme, prononceront aussi, comme le rapporte J osè- prime le corps ; la spiritualité domine et régit la matière ; l'ini-
phe (29), un serment « propre à faire frémir ». tié se connaît, s'observe et se maîtrise ; mais il doit veiller à ne
On ne . plaisantait pas, dans l' Antiquité, avec les Mystères, jamais déchoir du sommet de lumière où il a été si difficilement
dont les Dieux sont les détenteurs et qu'il est criminel de di- reçu. Il doit donc dominer sa nature inférieure, dompter ses
vulguer. passions, contrôler ses sens et sa pensée.
, , ~ Eleu~is, où pourtant, :ious l'avons vu, l'initiation n'était Pour éviter à ses disciples 1a perte de cette dignité, le Maître
qu elem~nta1re, de seyeres chatirnents étaient réservés aux indis- leur a laissé un certain nombre de préceptes pratiques. qui, sous
cret~.: Diagoras de. Mel.os fut condamné à mort par contumace et une forme originale et symbolique, leur donnaient d'utiles leçons
sa tete ~ut mise a prix pour avoir récité en public des textes d'ésocratie 1 c'est-à-dire de contrôle de soi-même.
empruntes aux Mysteres (30).
011 relit avec plaisir ces : « Akousmata » et ces Symboles.

(26) Cf. Jamblique : V.P. 194. Voici ceux d'entre eux qui concernent la dignité quotidienne :
, (27). Cf. Clément d'Alexandrie : Strom 1 IV ch VIII Le hil h
Zenon 11t de même et h · · • · « P osop e
crac a sa 1 angue au visage du tyran Néarque
( Cf . Pl u t arque .. sur le Bavardage »
8) ·
(28) Firm. Mat. : Mathes VIÎ I.1139. 1 (31) Xénophon : Hellén. I, 4, 14.
(32) Sopatros : ds, Rhét. graeci, Edit. Walz, t. VIII, p. 110.
(29) Jo~phe.: Bell. II, VIII,7, (33) Ti te-Live : X.XXI, 14, 6, 8.
(30) Mélanth1os ds Fragm., hisl. graec., édit. Didot, t. IV, p. 444. (34) Tzetzes : Chil. X, 800.
PYTHAGORE ET LES MYSri:RES PYTHAGORE ET LES f.1YSTÈRES
102 103
_ Brouille ton lit, dès q1i..e t1L es levé ; et n'y laisse aucune IV. - Arrivé à la frontière, ne te retourne .'
1. trace de ton corps (Ak. 34) ( 35) · ( Ak. 6) (39). pas en arnere

Ne change pas constamment de projets · termine ce que tu


C ' es t -a· -d"11 e .. Ne sois pas négligent ; aiedésoin,·d .dès Nton rt.:· veil,
t as commencé et ne cède ni à la fatigue ni au découragement ni
de ne pas laisser derrière toi des traces ~c . es.01, 1 o. e P.c1 me s
' des étrangers de surprendre ton intirnitè. cc se1a1t. leur à la critique. N'aie aucun regret de ce qui est déjà passé : à
~~~~r une arme contre toi. Ne t'alanguis pas au ~o~v~n1r du quoi bon ? Il n'est plus qu'une chose morte. Regarde devant toi
passé. le jour est là et le travail t'appelle. Mets-toi a l œuvre, et non derrière. Et persévère dans ta tâche.
sans retard.
V. - Ne t'assieds pas sur le boisseau (Ak. 2) (40).
II. _ Ne donne pas trop facilement la main à tout le ·monde
Fuis l'oisiveté, mère de toutes les faiblesses et de toutes les
(Ak. 11) (36).
déchéances qu'elles entraînent. Ne demeure jamais inoccupe. . ,
Songe qu'il est toujours de grandes choses à réaliser.
Evite toute familiarité avec des inconnus. Ferme-toi à leur
cu.iosité. Ne te lie pas facilement. Donner la main, c'est déjà
honorer quelqu'un ou s'en faire r:connaître (37). Qui _te dit qu~ VI. - Ne suis point les chemins publics (Ak. 7) ( 41).
cet étranger est digne d'être ton egal et que tu as, ra1s~n de lui
Ne te laisse pas influencer par les mouvements de la multi-
faire confiance ? Sois prudent, observateur et réserve. Ne te
tude. Elle est en effet instable, aveugle, inintelligente et souvent
confie pas à des inconnus ou à des indifférents. Beaucoup de
ingr ate. Ne te laisse pas guider par elle puisque c'est toi, l'éclairé,
maux proviennent de propos indiscrets, tombés dans une oreille qui dois au contraire lui servir de guide ...
perverse.
VII. - Ne verse pas d'huile sur Le siège (Ak. 25) (42).
III. - Ne te ronge pas le cœur (Ak. 4) (38).
Les Anciens versaient de l'huile parfumée sur les personnes
L'initié est au-dessus des vicissitudes humaines. Si la vie lui influentes qu'ils voulaient honorer.
impose des désillusions ou des épreuves, il les subit d'un cœur Il est toujours toute une cour de flatteurs et d'intrigants
égal. autour des puissants et des riches. Le Sage doit ~onserver dev~nt
Evite donc en toute circonstance l'apathie, le découragement. eux sa dignité. Aie toujours conscience de celle-et. Ne flatte point
Ne te laisse jamais abattre par l'adversité. Ne capitule pas les grands. Demeure ton propre maiti e.
devant la douleur ; domine-la au contraire. Et tu seras respecté.
Ne te plains pas, c'est là le propre d'un faible.
Sache chasser de ton esprit toute pensée affligeante ; quel VIII. - Ne brise pas les dents (A. 28) (43).
que soit le mal dont tu aies à supporter les atteintes, dis-toi qu'il
est encore des plus malheureux que toi ; que cela suffise à te Sache te taire. Les dents sont les gardiens de la parole. Ne
donner du courage et à raffermir ton cœur. parle pas trop facilement. Ne critique .pas a~trui. Ne .blesse pas
tes concitoyens. Demeure dignement impartial et puissamment
(35) Dacier : Vie de Pythagore, Paris 1771, Tome I, pp. 251, 252. silencieux : quelle force ...
25~. Cf. Plutarque : Propos de table, L, 8, question 7. Clément d'Alexan-
drie, Stromates, L. 5, ch. 5.
(36) Dacier : pp. 237, 238. Cf. Plutarque, de I'Education des Enfants, (39) Id. p. 234. Même référence de Pl1uta.r9ue. . . ,
ch. 17. (40) Id. p. 232. Plutarque : d'Isis et d Osiris. r, 10. Meme r~!erencE7 de
(37) Saint Epiphane : Contra Haeres. I. 26 dans Migne : Patrologie Plutarque, de l'Education des Enfants. Cf. aussi du même . questions
gr. t. 41, p. 338 et Jambl. V. P. 237. romaines, 72.
(38) Dacier : Tome I, p. 233. Cf. Plutarque, de !'Education des Enfants, (41) Dacier, I. p. 234.
ch. 17. C~t « .Ak_ou~ma » est d'origine égyptienne. Il a pour auteur le ( 42) Dacier : Tome I. pp. 243, 2-:14.
scribe. Anii, qui vivait en Egypte dix siècles avant Pythagore. (Cf. Errnan : ( 43) Id. p. 246. C•f. aussi ~lutarque, Sur le Bavardage, ch. 3 et Com-
la religion des Egyptiens, Fayot, Paris, 1937, p. 193). ment tirer utilité de ses ennerms, ch. 8.
' PYTHAGORE ET LES !\IY!5TÈRES
104 PYTHAGORE ET LES MYSTERES 105

IX. - Loin de toi, le vinaigrier ... (Ak. 29) ( 44). XIII. .:" mange pas de cervelle (Ak. 57) (49).
hMc-nage tes b for ces et veille à ne pas les épuiser
, · t rop vi· te
Evite. lorsque tu dois parler, toute aigreur dans tes paroles. S ~c c ne pas a user de tes dons, de peur de devoir · . ·
Ne vois pas le mal en tout ; cherche à voir ce qu'il y a de bon dans faire remplacer avant ta victoire finale. un JOUt te
les hommes. Ne sois ni pessimiste ni déprimant. Elève au con-
traire autrui par ton joyeux optimisme. XIV. - Ne plante pas le palmier (Ak. 58) (50).
N'adopte pas inc?nsidérément les opinions ou les modes
étrangcres. non adaptees à tes besoins et tes coutumes.
X. - N'urine pas en présence du Soleil (Ak. 31) (45).
XV. - Ne porte point un anneau étroit (Ak. 15) (51).
N'oublie jamais que tu peux perdre ton prestige d'Initié et
Tente de demeu:·er indépendant toute ton existence, ne te
ta dignité d'homme en découvrant tes faiblesses à autrui. Ne
r~c ,pas dans la servitude comme le font tant d'hommes inconsi-
montre à personne que tu es soumis aux nécessités inférieures
deres.
de ta nature. N'accomplis jamais en public de fonctions qui
t'abaissent. Ne souille pas le divin Soleil par la vue d'actes XVI. - Ne sommeille pas en plein midi (Ak. 33) (52).
semblables. Sache cacher à tous tes activités animales. Certains , Sois dévoré de zèle, actif et entreprenant pendant le jour;
initiés appliquent ce précepte à la lettre ; on ne les voit jamais d autre pat t, sache agir au bon moment. quand il en est temps
manger en public ni s'adonner à l'ivresse ou à l'amour ni accom- encore. Ne perds jamais l'occasion de bien faire. Aie de l'ini-
plir cuver tement ce que la pudeur fait exécuter en secret. tiative personnelle et aie soin de profiter de l'heure favorable.
Diogène Laérce dit ( 46) qu'on ne vit jamais le Maître s'enivrer Outre ce~ «, Akousmata » sur la sagesse quotidienne, le Maî-
ou faire rameur ou accomplir une fonction naturelle. tre nous a laisse, oralement sans doute, des Sentences Dorées ou
Sois, comme lui, réservé, discret et mystérieux pour cer- Homoioi ou : Similitudes et divers autres Symboles, que certains
taines choses. ' de ses disciples nous ont transmis par voie écrite.
Voici quelques « Homoioi » intéressants (53) :
XI. - Ne coupe pas du bois sur la grand'route (Ak. 38) (47). I. - Le Sage doit sortir de la vie, comme d'un banquet : avec
une dignité décente.
~'ai~ pas d'a~tivité p~bliqu~ i~férieu1 e, à ton état. Ne t'expose II. - La valeur d'une statue est dans sa forme ; la valeur
pas, inutilement a la critique. a l incompréhension, à la méchan- d'un homme est dans ses actes.
cete des hommes. Ne va pas toi-même au-devant des difficultés. III. - Les hommes vains et légers sont comme des vases
vides : on les prend facilement par les oreilles.
IV. - La plaisanterie est comme le sel. il faut en user dis-
XII. - Ne mange pas sur le char ( Ak. 55) ( 48). crètement.
Et voici enfin, sur le même sujet, quelques « Symboles » du
, .N'entreprends pas deux choses à la fois, ce serait n'en mener Maître:
?
a 1e~ aucun~. AD'autre part, si tu occupes une position sociale
I. - Ne t'crrêie point sur les confins (Symb, 2) {54).
qui t expose a ~tre, observe par autrui, donne toujours de bons
exeAmples et veille a ne jamais découvrir tes faiblesses · ue de Sache prendre un parti lorsqu'il le faut. Le Sage n'est pas
~~1J·es1 ont pei du tout pres~ige et toute considération, p;uÇ avoir irrésolu, il pèse, délibère, décide et passe à l'action. Ne sois pas
u eurs subordonnes temoins de leurs erreurs et de leurs
f au tes. (49) Dacier, T. I. p. 277.
(50) Dacier, Tonie I, pp. 277, 278, 279. Plutarque · D'isis et d'Osi-
ris, I, 1 O.
(44) Dacier : p. 247. (51)Dacier, Tome I, p. 239.
( 45) Id. pp. 248, 249, 250. (52)Id. p. 251. D 1 ·
( 46) O. ~aërce : VIII, 19. (53)Chaignet, tome I, pp. 151, 152. Cf. Plutarque, e a mauvaise
(47) Dacier : Tome 1, pp. 255 256 257 honte, ch. 18. Cf. Clé1nent d'Alexandrie, L. 5, ch. I.
(48) Id. pp. 275, 276. Plutarq~e : D'ls .' et d'Osir. I, 10. (54) Dacier, tome I, p. 281.

106 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 107
de ceux qui délibèi ent toujours sans jamais pou voit se décider
et qui fuient les responsabilités. on verra aussi de nombreux Esséniens mourir dans les tortures
L'homme digne n'élude pas celles-ci. plutôt que de proférer une injure contre son nom.
Il a de la volonté et il fuit toute équivoque. La Hiérarchie sauvegarde la permanence de l'Ordre assure
Beaucoup d'hommes ne vont jamais plus loin que leur s pro- sa fixité, garantit sa stabilité. L'Ordre est une monarchie' et non
jets. une aristocratie.
. Les ~nci~ns ~ll~ient .r:iême ,Plus loin, les disciples du Maître
II. - Fuis la belette (Syrnb, 4) (55). le Jugeaient infaillible, dit Clement d'Alexandrie. «Les mots :
Plutarque nous rapporte la légende antique selon laquelle la C'est Lui qui l'a dit », emportaient l'assentiment de l'intelli-
belette mettrait ses petits au monde, par la bouche. Elle est le gence (60) ...
symbole de la parole. Défie-toi donc de tes paroles et ne leur La Hiérarchie est le fruit d'une sélection répétée des meil-
donne pas trop vite le jour. La langue est ce qu'il y a de meilJeur, leurs adeptes. Nul ne devient Hiérophante par élection de ses
a dit Esope, mais il a dit aussi : Et ce qu'il y a de pire. Que de pairs, pas plus qu'on ne devient père par suite d'un vote de ses
maux sont nés d'une parole imprudente ... fils. 'fous les cultes ont une hiérarchie sacerdotale et dans la
plupart tout dignitaire a appelé auprès de lui un suppléant ou
III. - Ne saute pas du char à pieds joints (Syrnb. 13) (56). coadjuteur, qui lui succède automatiquement s'il vient à tom-
Ne sois pas téméraire et ne tente pas le sort · ne fais rien ber malade ou à décéder. Chez certains peuples, le roi est en
étourdiment, pèse au contraire à l'avance les cor{séquences de même temps le pontife suprême; Platon dit que c'était le cas en
tes actes. Egypte (61).
En Grèce, le roi était considéré comme le chef des prêtres ;
IV. - N'écris point sur la neige (Symb. 16) (57).
Hérodote l'affirme pour Sparte (62); Platon (63) et Aristote (64),
Ne confie rien à des âmes faibles qu'une influence étrangère pour Athènes ; Strabon (65) pour Ephèse; Tite-Li~e (66), ~our
pou.. ait porter à la trahison à la première violence. les premiers rois de Rome. A la chute de la royauté, les attnbu-
tions religieuses qu'elle détenait furent transmises aux archontes
VII. - Le Respect de la Hiérarchie. à Athènes, et aux magistrats, puis aux empereurs à Rome. Le
Le Maître était considéré par ses disciples comme le repré- roi était en plus chef de l'agriculture, car l'œuvre de la. Nature
sen~ant de l'Etr~ suprême, de la divine Sagesse sur la terre. Ils correspond à l'action des Mystères s~r l'homme. Le .roi est le
avaient pour Iui la plus grande vénération. guide de son peuple, c'est, dit Jam~lique (67), un pilo~e .. Il a
. La, Hiérarc~ie vient d'En-Haut, comme la lumière. Elle n'est droit à des insignes particuliers (la tiare, le sceptre_, le diademe,
ru le res~~at d un vote ni celui d'un libre choix. De même que le trône le manteau rouge) et il exista chez plusieurs p~u~les
la paterrute, elle est un fait naturel, dont on ne peut renverser des My~tères particuliers pour ~t~er les rois à leur mission.
l~sens sans compromettre la sécurité de tout l'équilibre initia- Certains textes de Philon (68)1 Synesius (69), Plutarque (70), Por-
tique. phyre (71) et Himérius (72), nous do~~ent ~u~ le c.ontenu de _ces
d Aussi verra-t-o,n, à toutes les époques, les grands législateurs rites d'intéressants détails. La singu11ere ceremom~ du couron-
es pe~ples assures de la considération respectueuse de toute nement religieux du roi d'Angleterre, par l'archevêque de Can-
une nation.
A ~es disciples. d~ ~aître ne discutaient jamais ses ordres. (60) Stromates: l. Il, chap. V.
« uEospep1ha .», 11 1 avait dit ( 58). Il était, sur-le-champ obéi (61) Platon: Politique, 290 d.
n a estine on verra d .. t ' · (62) VI, 56.
lé · l t .. ' · e meme out blasphème contre le (63) Politique, 290 d.
egis a eur etre puni de mort, à ce que rapporte Josèphe (59) ; (64) Politique, III, 9, 2.
(65) XIV, 3.
(55) Id. p. 282. Plutarque D'Isis et d'O . . h (66) Il, 20.
(56) Dacier, tome I P 287 sms, c . 74. (67) De Mysteriis, VII, 2.
(57) Id. p. 288. ' . . (68) Vie de Moïse, I, 11 ; II, 90.
d'Al <58> D_iog. Laërce : VIII, 46, Cicéron. De Natura Deor. I 5 Cl' t (69) De Provid. 1, 6. . ·1' 22
exandr1e, Stromates L. 2 ch 5 , . emen (70) Sur la Vengeance tardive de la Diviru e, .
(59) Bell. : II, VIII: 91 145. ' . (71) De l'antre des Nymphes, 15·
(72) Dise. XIV, 32-33.
108 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES l\IYSTI;RES
109
torbery, est sans conteste une survivance moderne de ces rituels Les auteurs nous parlent de nombreuses femmes Pythagori-
« léontiq ues ». . . . . , ciennes et notamment de Théano de Crete, femme du Mai-
Le chef de I'Ordre est donc aussi son Pontife ; 11 est as~1ste tre (74) ; de ses filles Dama (75) et Arignoté (76) ; de Timycha
d'archontes et de prêtres. . . de Sparte (77) dont nous avons rappelé le martyre.
Clé de voûte de la Fraternité, il en est aussi le phare intel-
lectuel, la lumière spirituelle, le père sensible et prévoyant. Ouvrir les portes de la sagesse aux femmes était une innova-
tion
VIII. - Les Traditions. Les Orphiques se montraient, en général, peu favorables au
sexe féminin. On a retrouvé des textes précis qui ne laissent au-
Le Chef de l'Ordre est le dépositaire de la Tradition secrète, cun doute sur la réalité de cette misogynie.
qui se transmet à la chaîne sans fin des initiés, de génér ation •
en génération. Cette transmission apostolique assure à la doc- « Il n'est rien de plus effronté ni de plus mauvais que la
trine une identité rigoureuse avec ses anciens fondements : de femme» (78) aurait dit Orphée, cité par Clément d'Alexandrie.
siècle en siècle, la lumière se transmet, inchangée. Le flambeau
sacré passe d'une main à l'autre, sans s'éteindre ; le serment Le Pythagoricien Epicharme, se montrera misogyne en plu-
hippocratique nous en montre les conditions ; on y transmet «la sieur s passages (79) et plus tard, Philon (80) et Josèphe (81)
connaissance» à ses propres fils (spirituels)» ou à «ceux du publieront, en parlant des Esséniens, des textes fort symptoma-
Maître et à ses disciples, liés par serment» et « à nul autre». tiques sur la non-initiabilité des femmes : elles seraient égoïstes,
Certains Nomothètes ont étudié les conditions nécessaires à envieuses, artificieuses, effrontées, infidèles ; elles feraient de
la sauvegarda de Ja Tradition la plus pure. Hippodame signale leur s maris ou de leurs fils des esclaves ...
en effet (73) que la Tradition se perd, soit par faiblesse interne Le Maître eut donc une tout autre attitude.
soit par action étrangère.
F~ iblesse interne: celles des membres de la communauté; Mais il donna aux femmes des instructions qui leur étaient
s'ils sombrent dans la paresse, la mollesse, les plaisirs ; s'ils évi- particulières. Leur nature n'est pas celle de l'homme : si, intel-
tent les efforts. les durs travaux, la souffrance ; s'ils efféminent lectuellement, la femme peut recevoir les mêmes enseignements
leurs âmes, l'Ordre entier perdra ses qualités spirituelles et la que l'homme, elle ne pourra prétendre acquérir, spirituell~ment,
Tradition sera modifiée et altérée. les mêmes pouvoirs que lui. Les prêtres~es ~ntiques ~arda1ent le
Action extérieure : celle des étrangers, qui s'établissent près feu sacré, rendaient des oracles, remplissaient le role de Ves-
des membres de la communauté et contaminent celle-ci par des tales, Pythies, Pythonisses et Sibylles; mais au~une ne, put re-
coutumes d'autres peuples; tout mélange de ce genre est né- cevoir le sacerdoce, qui est l'apanage exclusif de 1 homme.
faste, la Tradition ne peut subir ni influence étrangère ni in-
corporation d'éléments du dehors; elle doit être stable inva- Il est certain que les saintes femmes, admis~s pa: l~ Maître
riable, intransigeante. ' dans sa congrégation d'initiées, reçurent la ~ar~1e th~or1qu~ des
Mystères. Sinon le martyre de Timycha serai~ 1nexpli?able · De-
IX. - La femme et l'initiation. nys la soumit à la torture parce qu'elle avait co:ina1ssance du
secret confidentiel qu'était le rôle magique des feves, et parce
. , Pythagore n'a point fermé le seuil de son Temple à une moi- qu'elle refusait de le trahir .
tie du genre humain. Son discours aux femmes de Crotone
témoignait déjà de son désir de les voir associées à la grande
œuvre de régénération qu'il avait imposée à leurs époux et à Clém. d'Alexandrie: St.romat. l. IV• c h · 1 9 ·· 1 · I ' ch · 16 ; Porphyre :
leurs fils. (74)
V.P. 4.
Il ne leur refusa pas la lumière initiatique. Mais il organisa (75) Jambl. : V. P. 246.
pour elles des communautés distinctes situées en d'autres en- (76) Suidas : Arignoté.
droits que celles réservées aux discipl~s. (77) J•ambl. : V. P. 194.
(78) et (79) Stromates: l. VI, ch. 2·
(73) Péri Politeias, dans Stobée, Flor. 92-98. (80) Apol. 380 d 381 a.
(81) Bell. II, VIII, 2, 121.
110 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
111
X. Qu'est-ce que l'initiation? Il faut encore que ces Pouvoirs soi t , ,
lière ; selon un rite immuable et tr adit: conferes de façon régu-
Elle n'est pas seulement la comn;uni?atio~ confidentielle du 1t1odnnel,
contenu des Mystères à un groupe sélectionné de néophytes. tions sévèrement définies d'excellencea des condi-
e e va 1.~n;idité.
Elle est encore autre chose : un changement d'état, pour Si toutes ces conditions sont réalisées 1 Ch . .
l'initié. Les rites ont pour effet de le recevoir à une vie nou- des initiés se continue par le rite et '1 ab aine apo~tol1que
· · • eng o era un chainon de
velle (82) ; il acquiert une qualité qu'il n'avait J?a~ : 11 devient p l us qt I. 1 ui-memo en initiera d'autres à son t ,.
éclairé et par le fait même. il ne peut plus apprécier le monde aura reçu le Pouvoir. our, lorsqu il en
en profane.
, ~ette conception pythagoricienne de la régularité initiati ue
Il se trouve placé au commencement (Initium) d'une route a ete perdue de vue par beaucoup de rites t · q ·
nouvelle, celle de l'Illumination. . · t 1 . con empora1ns, qui
se croicn es continuateurs des anciens Mystè t ·
d' . . res e sont mca-
Le jour, où il aura perçu la plénitude de celle-ci, il devien- pa bl es en saisir la nature et d'en reproduire le contenu. Le
dra lumineux à son tour et susceptible d'éclairer son prochain. seu~ :xamen, de leur organisatio.n révèle leur irrégularité et
Il en résulte qu'en chaque Initié, un maitre est destiné à se leur
réveiller. · 1 incompetenca,
· , Dans les anciens Mystères , le pouvoir· sp1-·
ritue venait d En-Haut et non d'en-bas· chez eux 11• iti t
. t d' b . ' ' .uu a eur
Il reçoit les Mystères, par la clé du Symbolisme (83). vien en. as, car 11 est élu temporairement au hasard d'un vote
Mais il y a encore dans l'initiation, un autre élément · le de ses pairs ; chez les Anciens, l'initiateur était le médiateur
Myste n'est pas seulement un profane, sorti de son aveuglement, entr~ la ~uissance di~ine et le~ hommes; il avait cette qualité
et qui a passé de l'obscurité à la Lumière : il a reçu, par la ad vitam, chez eux, 11 ne represente que lui-même et son pou-
vertu des rites, un Pouvoir qu'il ne possédait pas ; au premier voir est limité, on le lui enlève à tout moment par un scrutin
degré, c'est le Pouvoir sur lui-même. Lorsqu'il augmentera en de majorité ; chez les Anciens, il donnait à ses disciples des
connaissance et en degré, il recevra d'autres initiations encore ; Pouvoirs réels et réveillait en eux des puissances endormies ·
et chacune d'elles lui conférera une qualité nouvelle. chez eux, il ne communique aucun pouvoir puisqu'il n'en pos~
L'initiation est donc un phénomène multiple : un enrichisse- sède aucun et qu'au surplus, il ne croit pas lui-même qu'il pour-
ment graduel de l'intelligence, joint à une collation successive rait en posséder ; chez les Anciens, l'initiation était un acte
de Pouvoirs différents. 1 cultuel et religieux, chez ces modernes égarés, il est tout au
En quoi consistent ceux-ci ? plus une sorte de mauvais théâtre, une parodie sans âme d'une
chose sacrée. On conçoit donc que de semblables différences
Ei: possibilité de rayonnement et de perception, anciennes aient eu dans l'histoire des effets bien divergents : les Anciens
facultes encloses en la nature humaine, endormies ou atrophiées formaient des initiés, les modernes ne forment, très superfi-
depuis des siècles, et réveillées par la grâce d'En-Haut, au mo- ciellement, que des amateurs.
ment des investitures liturgiques.
Car c'est à l'effet que l'on juge le rite; au fruit que l'on
Ce .pou~oir se trans~et donc du Maître-Initiateur au disciple,
par voie directe, par influence, par induction ou par osmose juge l'arbre.
selon le rituel employé. ' Les Anciens Mystères ont produit dans les âmes des révolu-
. L~ Maître n~ peut dor;ner que ce qu'il a reçu, préalablement, tions extraordinaires ; ils ont eu leurs Saints. leurs Martyrs, leurs
1~1-meme. Il doit donc etre lui-même, détenteur de Pouvoirs Thaumaturges, leurs Docteurs, leurs Philosophes, leurs grands
reels. Législateurs.
Les modernes ont sombré dans le matérialisme, la querelle
(82) Apwée: Métamorphoses, XI, 21. des intérêts, la brigue électorale, la démagogie la plus ~erca~-
(83) Plutarque: D'Isis et d'Osiris I 10 J bl
Stobée. Flnr. XXXIll. ' ' · am · :
v ·p · 103 t 247
· e · tile. Les marchands ont envahi le Temple et les fils de l Esprit
n'ont plus été capables de le reconnaître.

112 PYTHAGORE ET LES MYSTERES

« Heureux celui des hommes, vivant sur la terre. qui a vu


« les Mystères, dit un Hymne à Déméter (84) ; heureux. celui
« qui a vu cela. avant d'entrer dans les fosses de la terre, a dit
« Pindare (85) ; ô trois fois heureux, le mortel qui. après avoir
« eontemplé ces Mystères, s'en ira dans l'Hadès ; lui seul pouri a
« y vivre heureux, les autres n'y trouveront que souffrance»,
dit Sophocle (86). Et Platon ajoute (87) : «Celui qui aui a eté
« purifié et initié vivra avec les Dieux, mais ceux qui viendront CHAPITRE III
« dans I'Hadès sans avoir été reçus aux Mystères, seront plongés
« dans l'océan de boue ... »
Ces passages nous montrent qu'il y avait. dans les initialions LA LITURGIE PYTHAGORICIENNE
antiques un véritable «secret» traditionnel, sur le destin de
l'âme dans l'au-delà. là où les prétendus initiés modernes ne
confèrent que le vide.

I. - La Basilique Pythagoricienne de la Porte Majeure.


II. - Le Feu Sacré.
III. - L'eau lustrale.
IV. - Les Purifications.
V. - Les Sacrifices.
VI. - Les Vêtements Rituels.
VII. - La Conduite des Travaux.
VIII. - Usages liturgiques.
IX. - Les Repas Rituels.
X. - Les Initiations.

(:~)) HYlll:°~ hom,érique à Déméter: Vers 480-483


( Ds Clérn. d Alex. Stromat. III, 3. .
(86 ) Sophocle: fragment 348
(87) Platon : Phédon, 13. ·
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1 • ,
c. ., ,

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J
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i.
l

V1le générale de la Basilique Pythagoricienne de la Porte NTaje11re.


I. - La Basilique Pythagoricienne de la Porte l'vfajeure.

Le 23 avril 1917 est une date extraordinaire dans I'Histoire


du Pythagorisme.
En pleine guerre mondiale, un accident de chemin de fer
imprévu devait avoir pour conséquence une découverte histo-
rique d'une poi tée considérable (1).
Ce jour-là, la voie qui relie Rome à Naples s'affaissait b-us-
quement à une centaine de mètres de la Porte Majeure. Les
ingénieurs de la voie, dépêchés sur les lieux, constatant que le
ballast s'était affaissé sans raison apparente, opérèrent un son-
dage pour en découvrir la cause et ils mirent au jour, à 3 mèt. es
de profondeur, un puits rond de 90 centimètres de diamètre, qui
les mena à un couloir soutei rain, large de 2 me. ti es. Celui-ci
faisait un coude à angle droit et débouchait dans une grande
salle, comblée de sable, sise à 9 mètres en dessous du sol.
Aussitôt avertie , la surintendance des fouilles en assura
le déblaiement et les archéologues se trouvèrent, fort surpris,
devant un temple souterrain de 108 mètres carrés de superficie,
encore en parfait état de conservation, dont aucun motif ne
rappelait la religion chrétienne.
Il avait 3 nefs et était précédé d'un parvis carré ou atrium.
L'étude du monument commença aussitôt. Sa mosaïque. ses
stucs colorés et les matériaux employés pour l édification de ses
murs pe.rnirent aux savants de déterminer avec précision l'épo-
que de sa consti uction : elle datait du premier siècle et son
ensablement volontaire devait remonter à la fin du règne de
Claude, vers l'an 41 de notre ère.
Notre éminent compatriote, M. Cumont, découvrit le pre-
mier l'affectation de cet antre confidentiel, qui ne ressemblait
en rien aux édifices religieux du christianisme (2).

(1) cr. J. Carcopino : La Basilique Pythagoricienne ~e la Porte


Majeure. Paris. L'artisan du Livre, 1926. V. cf. encore : S. Aurigemma : La
Basilica Sotterreanea Neopitagorica di Porta l\ilaggiore. Roma, 1961 ; E. Rodo-
canachi : Les Monuments de Rome encore existants, Paris, Hachette, 1931,
pp. 231-237.
(2) Id. p. 160.
'
116 PYTHAGORE ET LES MYSTERES
PYTHAGORE ET LES MYSTERES
117
Il estima que l'on se trouvait devant le Temple Pythagori- Sa. . présence rassure, raffermit , dynamise . u n T emp 1 e sans
. • .
cien de Rome. feu vrv ant est un êti e mort, une enveloppe terne et id M ·
Les érudits se livrèrent à de nombreuses recherches, ils étu- T l d té d' F vi c, ais
un ernp e o e un eu sacré dont la flamme v·v t
1 an e ve1 e ·11
dièi ent avec soin la décoration intérieure - part iculièi ornent . . , . ,
JOUr· et
, 1nuit · sur• lui et 1 anime , par sa permanents . . vitalité · t
d ev1en
abondante - du monument; ils en identifièrent les divinités. 1 1 r>.
anime u1-mcm: ; un~ mystérieuse ambiance s'y établit et
représentées sur ses stucs intacts : ils donnèrent une interpréta-
dcmeu:
' c : . tout déetre·1 vivant qui y pénètre en perçoit la dis iscre. tyte
tion méticuleuse de leur symbolisme: tous ces efforts abouti 1,..
rcsonance .. en ~ce ,c 1n t1me chaleur. la singulière quiétude.
rent à la confit mation éclatante du diagnostic du Professeur
1

Le Maitre lui-mème 1 avait enseigné nettement lorsqu'il donna


Cumont (3). l'ordre « de n~ pas . par~~r sans lumière» (6) ; or, tous ses
La nature et la disposition de ce Temple souterrain étaient
!cmp l.cs, de.puis celui qu 11 ~e fit creuser à son usage à Samos
ainsi déterminées de façon irréfutable.
1

jusqu a celui de la Porte Majeure, sont souterrains. comme l'était


Et c'est ainsi qu'après 19 siècles de sommeil dans les en-
trailles de la tei re, le Temple secret du Pythagorisme romain, aus_s.i l'anti c de ~e;is ?u Mo~t Ida. de Crète. Ils sont donc parti-
apparut aux chercheurs modernes, à peine effleuré par lu mor- c1ul1e1 e~e;it entenebres. Mais 1~ Feu sacré est là pour chasser
1 obscurité et mettre dans le silence des grottes rituelles une
sure du temps et riche en révélations de toutes sortes.
Grâce à lui, nous possédons des indications aussi précises que radiation de nature solaire. A la fois lumière. chaleur et magné-
précieuses sur les rites de la liturgie de l'Ordre. que nous ne tisme, la flamme transforme sur le champ la sombre caverne
connaissions que par les extraits de certains auteurs. en étonnante demeure divine ; l'instruction du Maitre a été sui-
On découvrit aussi que son ensablement brutal fut l'effet vie et Jamblique dira à son tour (7) : «Ne parle pas de choses
d'une décision impériale. Claude persécuta les membres de pythagoi iciennes sans lumière», c'est-à-dire n'ouvi e pas tes
I'Ordre et fit voter un sénatus-consulte, excluant des « Mathe- cérémonies et tes rites dans la profondeur des ténèbres. hantées
matici » de l'Italie (4). Crédule, superstitieux et cruel Claude par les divinités chtoniennes. Aie recours au feu des hommes.
fit exiler les apôtres d'un rite mystérieux dont il ne' pouvait parent et résonateur sur le Feu céleste et instantanément une
comprendre l'élévation. grâce surnaturelle descendra sur l'assemblée .
. Il oubliait queA le f~u de,l'esprit et la flamme de la foi mys- D'autres textes confidentiels du Maître se rapportent encore
tique ne peuvent etre etouffes par la force des armes. au Feu sacré, adjuvant essentiel de la magie théurgique.
Malgré la persécution, I'Ordre persista sous l'Empire et initia «N'applique pas le cierge contre la muraille» (S 15) (8) :
les plus grands esprits de son temps. c'est-à-dire sache recourir au Feu sacré, pour éclairer ton labeur
ou ta prière ; ne néglige pas ce lien direct avec le Feu central
et avec le Feu solaire. Emploie ce canal liturgique pour dyna-
II. - Le Feu sacré.
miser ta pensée et attirer à toi les plus bénéfiques .. des radia~
tians ; ce n'est que l'insensé qui travaille. sans lumière et qui
L~ première .révélation liturgique que nous apporte ce témoin
éteint son flambeau contre l'aveugle murarlle.
des pieuses reuruons rituelles, est l'emploi du Feu sacré par les «N'efface pas 1a place du ~am beau» ( Ak., 14) (9) : c'est-à-
membres de I'Ordre.
dire n'oublie jamais de te servir du Feu sacre ~n chacune ~es
Des lampes à huile étaient suspendues en certains endroits
opérations rituelles ; il est indispensable au succes de ta radia-
du ~onument et celui-ci dut être frappé d'interdit ensablé et
f~rme par la police impériale, peu de temps après 'sa consécra- tion mentale. ,
« Ne te regarde pas le visage à la cia1'te d1.L fia mb.eau »
td1,onb. car_ la fumee des lampes rituelles n'a pas eu le temps
o scurcir la blar:cheur des voûtes (5). (Ak. 51) (10) : c'est-à-dire ne fais pas servir le ~ambeau. a. des
préoccupations profanes car son usage est rituel, religieux.
Il ~el fer. est I'adjuvant obligé de toutes les cérémonies rituelles. sacré. Ne l'emploie que dans les circonstances prevues par les
es e ien avec les Forces d'En-Haut et il établit le contact
avec elles. usages de I'Ordre.

(3) Id. p. 14. (6) et (7) Jambl.: V. P. 105.


((54)) Tcacite : Annales, XII, 52. (8) Dacier: To1ne I, p. 287.
arcopino : p. 60. (9) Id. pp. 238, 239.
(10) ra. pp. 210, 271, 272.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PY'l'HAGORE ET LES MY5TÈRES 119
118

« Q11and le soleil brille, ne fais pas allumer les flambeaux» On ne pouvait, .en <?r~cc'. le souiller par le contact avec un
(Hom. 15) ( 11) : c'est-à-dire n'emploie le Feu saci que dans les
é
cadav 1:r : la crémation était interdite par l'Ordre pour ce motif
end oits obscurs, dans les antres soute: rains et les lieux privés essentiel ( 16). '
de la lumière dii ccte du Soleil. Ou bien, emploie le feu saci é à
une heu e où le soleil ne brille pl us. III. - L' ea1t lustrale.
«Ne mets pas daris la flamme le fagot tout entier» ( S 12) ~n, Basili.q uc pythagoricienne de la Porte Majeure révèle
(12) c'est-à-direveille à ne pas consommer en une fois tous les aussi 1 emploi constant de l'Eau lustrale dans toutes les céré-
Luminaires sacrés ; aie toujours des réserves de cierges ou de moni s de l'Ordre.
lampes rituelles. car si ta lampe s'éteint au milieu de ton rite On a trouvé dans Diogène Laërce le passage suivant : « Les
et qu'il te manque de quoi la rallumer l'effet magique est aussi- Pythagoi iciens se purifient par des lustrations, des bains et des
tôt compromis et toute ton opération pourra s'en ressentir. aspersions » ( 17).
Le Feu sacré doit être traité avec respect ; il est en effet, Les r ains se prenaient non dans les édifices des bains pu-
selon le Pythagoi icien Empédocle, le premier, le roi des élé- blics ( 18). à cause de la p-omiscuitè qu'ils causaient avec des
ments (13) ; il est, selon Alcméon de Crotone - autre disciple du profanes et des gens de toute espèce, mais dans les salles de la
Maitre - de nature divine parce que doué d'un perpétuel mou- Communauté. Mais les purifications et les aspersions se faisaient
vement. Un autre Pythagoricien, Hippase de Métaponte - qui dans leur Temple. La Basilique nous montre les traces de six
fut exclu de 1'01 dre pour avoir divulgué cet tains de ses ensei- socles adossés aux piliers de la nef centrale ; ils portaient jadis
gnements - ajoute que le Feu est le principe matériel de tout des amphores liturgiques, destinées à l'aspersion des assistants
l'Univers. la substance impérissable dont les choses sont formées au rnoven de palmes vertes qui y étaient trempées. Puis avaient
et où elles vont se résoudre tour à tour (14). lieu des libations, réglées selon un rituel immuable : Jamblique
rapporte ( 19) comment elles se faisaient : le maitre-officiant
. Cet emploi du feu dans les rites est aussi vieux que le monde ; p enait le vase sacré uniquement par son anse, gardait les yeux
il est constant en Egypte : le papyrus du Nome d'Oxyrinque nous ouverts et sans clignements, puis il en versait le contenu en réci-
d~nne le te:cte des é':'ocations que fait le Prêtre, lorsqu'il veut tant une formule rituelle. Divers motifs décoratifs des stucs du
faire apparaitre les Dieux dans la flamme de sa lampe (15). monument nous montrent en effet comment tenir les hydries,
contenant l'eau magnétisée : par l'anse uniquement. Est-ce parce
~e Feu est a.ussi un protecteur. Les Mages diront qu'il est une qu'un « Akousma » du Maître a dit : « Fais des libations ~ux
barrière so!-1vera1ne contre les influences maléfiques, les larves, les Dieux par l'oreille ? » (Ale 59) (20). Il e.st cepe~dant s.usc~pb ble
c?urants nefastes, les forces vampirisantes les puissances d'obses- - nous le verrons plus loin - d'une meilleure interprétation.
sion. ' L'eau était l'élément classique des pur ifications.
En Egypte, où Pythagore fut instruit .des saU:t~;; liturgies,
c'est par l'eau lustrale que les of ficia1_1ts é~aient ~ur1f1es : ~rman
4

(11) Chaignet : T. I, p. 154. nous donne le texte (21) d'un prêtre egypt1en,. qui rap~elle . « ~e
( 12) Dacier : T. I, pp. 286, 287. « fus débarrassé de ce que j'avais de mauvais en moi ; on ma
( 13) Chaignet : T. II, p. 165. « dépouillé de mes vêtements et de mes onguents, comme on
No
eon;~m.er«
sv b li
~;_.~~:n:
<14.> Chaignet :. to~e !I, p. 220 .. cf. aussi Plutarque : Quest. Romaines
f,~d 1 .
;te~gnE~1 ~fn ~amadis une lampe et la laissait-on s~
: . t r pon : « Est-ce là une avertissement
« purifie Horus et Seth ».

a·~~ {~t qeu·~~ J~mai~ aneantir ou faire disparaitre rien de ce qui est (16) Jambl. : V.P. 154.
êtr~ a~imé . il a bens~_n enrouve ipas d~mal ? Or, le feu ressemble à un ( 17) Diog. L. : VIII, 33.
l'étouff~. il .jette un in. de nourriture, i! se meu.t de lui même ; quand on (18) Jambl. : V.P. 83. V p 42
( 19) Jambl. : V.P. 156, cf aussi Porphyre.: · · _ ·
encore Propos de Ta~l~ ~f~~e une creatu;e .Y1:vant~ qu'on égorge. » Cf.
6:~:hn;:.
(20) Dacier : t. 1, p. 279, 280. Cf. aussi les tt;xtes a~thentiques des
Plutarque : Placit. Ph!lo~oph .. li~~~ 14· c~~~51 opinion d Hippase, voir encore rites d'évocation en Egyl?te, dans l'ù1n1por~an;2:r~;11:~u~n ~·
<15) Alb G
gré~o-rcmain~ P3:r~td~~
pp. 327 seq. '
·
~f
• ' .
uJture d(e Myrithis et les Origines de la Magie
evue anc. Revue des Revues), le 1-11-1903,
Magic dans l'Egypte antique, tome
Paris, 1925.
. PP· ·

(21) Erman : Rel. Eg. p. 223.


'
120 PYTHAGORE ET LES MYSTERES PYTHAGORE ET LES l\1YSTÈRF.S
121
C'est un rappel du Rituel quotidien, au cours duquel la statue humaine n'a pas d'autre origine qu'elle ; l'eau est à la fois la
du Dieu est soigneusement lavée. Il indique de la pat l du prêtre substance matérielle et l'âme du monde.
une purification analogue. Hérodo~tc n~us r~ppel}e . au surplus L'eau matérielle put ifie les corps l'eau spirituelle purifie
le nombre de bains auxquels les prêtres égyptiens étaient soumis. l 'cspri l.
Quelle eau employait-on pour les rites ?
Nous croyons que c'est l'eau salée ou, dans les cités côtières, IV. - Les Purifications.
l'eau de mer.
Une inscription égyptienne et un texte grec y' font ouverte- , Suffit-il de s'approcher des Dieux. les mains pures ? d'avoir
ment allusion. lave son corps par le bain et la lustration ? d'avoir exécuté le
La première dit : «Je fus baigné dans le lac sacré de Karnak, ri te de la libation ?
« et purifié au moyen du natron » (22). Le second dit (23) : . ~Tn Rituel co~plet imposait encore d'autres for mes de puri-
« Pour certaines souillures, on purifie le Temple par l'or ou Iication. La prermere est celle par le rythme sacré de la Musi-
« l'eau de mer ». Rappelons-nous que Pythagore alla !:;e puri- que. Nous avons vu quelle importance le Maître accordait à
fier dans la mer lorsqu'il fut insulté par les envoyés de Télvs (24). celle-ci, quels effets magiques il en obtenait. Il est certain que
Rappelons aussi que dans l'initiation aux Petits Mystères les i ites commençaient par un chant collectif, destiné à aimanter
éleusiniens, c'est dans l'Ilissos que les candidats devaient subir toutes les âmes dans un seul élan. de fondre toutes les person-
une p. emière pui ifica tion ( 25). nalités pt ésentes en une seule âme rituelle, de ranimer dans les
Les purifications par l'eau étaient un rite cathartique ; il cœurs le souvenir de l'harmonie céleste. Les Pythagoriciens
fallait employer une eau courante (fleuve, source, mer) car elle étaient réveillés aux sons de la lyre (33) ; ils s'en servaient à
« entraine » avec elle l'impureté. Tel était l'enseignement de plusieurs moments de la journée. pour placer leur être dans
la Crète (26). une douce résonance sur la Nature : il est donc certain qu'au
. En cas de souillures graves. il faut mélanger l'eau de plu- moment de leur session religieuse, ils accordaient à la valeur
sieurs sources ; au moins trois. dit Empédocle (27). magique du chant, une importance particulière.
Suidas dit que pour un meurtre, il en faut quatorze (28). Divers « Akousmata » le confirment:
« Toute proclamation initiale écarte de vos rites ceux qui « Accompagne ton chant de la lyre » (Ak. 35) (34).
« n'o~t pas, le~ mains pures, rappelle Tite-Live » (29). « Fais aux Dieux des libations par l'oreille » (Ak. 59) (35).
Leau. était _au surplus, pour beaucoup de mystiques, la sub- Porphyre nous explique comme suit ce préce~t~ (36) : PY_tha-
st~n~e primordiale, la mere de toutes choses. L'Egypte nous a gore indiquait par là qu'il fallait honorer et celebrer les Dieux
laissé le souv~ni~ de Noun (30), l'eau illimitée qui remplissait par la musique : car celle-ci pénètre dans l'orei:l~. ,
~e !out et recelait les germes mâles et femelles ; l'esprit divin, D'autre part, une des Similitudes (I-Io,1:10101) ~st plus. pre-
inséparable de _Noun, donna la vie au monde, par le Verbe. Et cise encore : Ne touche pas à la lyre. sans t etre lave les mains »
l~ ~"e~t.10~ se fit p~1~ la for~ation d'un œuf qui sortit de l'eau et (37). .
d ou Ja~lht la. lumière du Jour. Les Orphiques reprirent cette Le chant suivait donc et ne précédait pas les lustrations.
concepnon antique (31) ; et le Pythagoricien Hippon de Rhégium En Egypte, le Dieu était aussi cé}ébré par _d:s ~~ne~ ; lors
enseigna (32) que l'eau est le principe de toutes choses ; l'âme du culte matinal, l'un de ceux-ci était dest1n.e a re~eiller le
Dieu de son sommeil de la nuit : « Eveille-t?1 en pan~, ~rand
(22) Id.
« Dieu (ou : grande Déesse) : éveill~-toi en P,a1x. : ton r~~e1l est
(23) Jamb1. : V.P. 153. « pa1s1 · ibl e ; ev
' eille · ... it»
1 - toi· en paix ·' en paix ·' ton réveil. est paisible
(24) Id. p. 178. (38). Ces répétitions prouvent que le rituel antique ~onna1~sa1.
(25) Magnien : El. p. 181 et 184. l'alternance des versets et des réponses : le chœur répondait a
(26) Rohde : Psy.ché, pp. 605 606 607
(27) Empéd. : Muller, 452. ' ' ·
(28) Suidas : 476 B. c. Gaisf. (33) Jambl. : V.P. 111.
(29) XLV, 5. (34) Dacier : tome I, pp. 253, 254.
(35) Id. pp. 279, 280.
(30) Gomperz : Les Penseurs de la Grèce tome I, p. 126. (36) Porphyre : V.P. 43.
(31) Id. p. 124. •
(37) Chaignet · Tome I, •p. 154.
(32) Aristote : Métaphysique, r. ch. III.
(38) Erman : La religion des Egyptiens, pages 211, 212.
122 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
123
l'officiant - de Ià, ]es historiens déduisent qu'il existait déjà blioris , t pas qu'au moment où le Maître enseignalt cett~ e d oc t rine,
·
alors une collaboration, dans la liturgie, entre le prêtre et les · t t di ·
e 1 1 e c at en con ra ction avec les p1 escriptions d 1 1 t
fidèles. d es u . c ltes p t t ,, . e a p upar
. ai ou , ce n étaient que massacres d'an·
Rien de plus émouvant que des chants alternés, donnant à 1 es au e s .. epuis· d''innocentes tourte: elles jusqu'à des
. t 1 • . d trnaux sur
victimes
la fois à la prière le caractère d'une volonté répétée et l'insis- de grande taille, comme les bœufs.
tance d'une sollicitation. Mais l'ordre du Maitre était formel.
Tout rituel a compoi té de tout temps des échanges de ques- « Ne sacrifie pas sans farine » dit un des Akousmata (Ak 45)
tions et de réponses, soit récitées par cœur soit chantées. (42). , .
Il avait pour effet d'opérer une purification mentale rigou- Les offrandes devaient consister uniquement en simulacres
reuse, en imposant à tous la même pensée (39). en pâte de farine, à l'exclusion de tout animal véritable.
Elles étaient parfois en argile, dit Saint Grégoire de Nazian-
Eau. musique et chant. rituel d'ouverture : telle était la pre- cc ( 43) L'aïeul du Pythagoricien Empédocle offrait aux Dieux
mière forme des purifications physiques, mentales et sentimen- des bœufs façonnés dans des aromates. '
tales. L'animal a droit à la vie, car il a une parenté naturelle avec
Une purification supplémentaire était due à l'encens. l'homme ( 44) ; celui-ci ne peut en rien diminuer son intégrité,
L'emploi de fumigations odorantes était courant dans l'anti- qui lui est assurée par un droit naturel. Cette doctrine du Maître
quité ; chez certains peuples, elles étaient destinées à masquer sera répétée plus tard par Cicéron (45), Plutarque (46), Sénè-
les odeurs intolérables que produisait la combustion sur des que (47). Porphyre (48), Jamblique (49), Sextus Empiricus (50) et
charbons ardents des graisses, poils, sabots et autres déchets Clément d'Alexandrie (51).
d'animaux ; dans le Pythagorisme, où l'animal était vénéré L'enseignement que le Maître avait reçu au temple de Délos,
comme un être, porteur d'une parcelle de la Vie divine rien à l'autel d' Apollon-Génitor avait donc porté ses fruits. C'était
de s~r:blable n'était à redouter. Mais les parfums ont un rôle le seul autel où la vie fût respectée, avant lui. On n'y acceptait
magique ; ils influencent à la fois les voies respiratoires et les comme offrandes que des gâteaux de farine, du blé ou de l'orge
cen~r~s ner~eux ; ils fav,orisent l~s phénomènes psychiques ; ils (52).
~u;if1~nt, d. a~tre part, 1 atmosphere en lui imposant une tona- Pythagore manifesta toute sa vie de la sollicitude pour les
Iité determ1nee. (~es odeurs, ont des longueurs d'ondes précises, animaux.
co~e. les radiations colorees) ; ils la chargent en plus d'une Les auteurs disent même qu'il en fut récompensé par des
nuee stimulante et agréable. prodiges. A Olympie, un aigle qu'il avait appelé, descendit du
« ~n. ~gypte,. dit Erman ( 40), l'odeur de l'encens purifiait et haut du ciel, se percha sur son épaule et reprit son vol à son
« sanc~1f1a1t l.es lieux. ~'encens s'appelait : celui qui rend divin. ordre (53).
« Aussi faut-il s~ representer toutes les salles de l'intérieur du A Daunie 1 il charma une ourse et lui fit promettre de ne
« Temple, re,mpl1e~ d.e parfums. La préparation du vrai encens plus manger de la nourriture vivant~ (154).. . .
« pur ~t agréable était une science, sur laquelle il existait dans A Tarente il parla à un bœuf a 1 oreille et lui conseilla de
« les bibl~othAeques des livres dont la rédaction était attribuée à ne plus travers~r un champ de fèves (55).
cc Thot lui-même ». ( 42) Dacier : Tome I, pp. 264, 265.
( 43) Ep. 198.
V. - Les Sacrifices. ( 44) Porph. V.P. 19.
(45) De Rep. Ill, 11, 19.
( 46) De esu-carn, II, 3.
L'origi~lit~ du Pythagorisme consistait dans son respect de (47) Ep. 108, 18.
tout ce qui a vie, dans son amour pour les animaux ( 41). N'ou- ( 48) De Abst. III, 1 et III, 26.
(49) V.P. 69; 108; 168.
(50) Adv. Math. IX, 127.
MuJ;9jb!ure!aPh~~~c~ionGpar la musique : Voi.r Boyancé, le Culte des (51) II, ch. 18.
1? es recs, pp. 118 à 131.
( 40) Erman : op. oit. (52) Diog. Laërce, VIII, 13.
p. 210.
Stro~~1~5 ~f1~~·c~·~v\~i. ; l08 ; Diog. Laërce : VIII, 13. Clém. d'Alex :
(53)
(54)
Jambl. 62.
Jnmbl.: 60.
( 55) Id., 61.

124 PYTHAGORE ET LES MYSTERES PYTHAGORE ET LES l\IY~TÉRES
125
A Crotone. il empêcha un de ses concitoyens de battre son des sangliers ou des chiens (60). C'est ainsi qu'on v
. f t b d 1 'O d
o id
erra vi e.
chien. en lui disant, à ce qu'assure Xénophane de Colophon : qui u ~em rc e r re, comme Virgile, faire une allusion (61)
« Cesse de bâtonner cette bête, malheureux, car sans nul doute, au sacnficc du porc, cet animal néfaste et ennemi de l'h
« elle pot te en elle l'âme d'un de mes amis ; je l'ai reconnue par , .iti irner l' o ff rande en certains rites initiatiques.
pour en 1 egi ...u omme,
«ses cris ... » (56). . .Les fi~èles .de la Basilique devaient appai tenir à cette dis-
Par une injuste conséquence de certaines légendes religieu- cipli ne moins rigoureuse car on trouva dans Je sol des restes
ses, les chiens, - bien qu'ils soient les meilleurs et les plus Iidè- d'un porcelet et d'un chien de lait, qui avaient servi d'offrande
les amis de l'homme et qu'ils lui témoignent un attachement et le jour de la consécration de ce temple (62).
une fidélité, dont celui qui en est le bénéûciaire se montre par-
Mais cet écart de la stricte interprétation de la règle ne
fois bien indigne - furent méprisés par l'antiquité g: éco-ro-
fut. que passager ~ no~s v1erro.ns Jamblique, Porphyre et Apol-
maine : Carcopino rappelle (57) que le flamine de Jupiter ne lonius de Tyane retabhr 1 ancienne tradition venue du Maitre
pouvait toucher un chien sans contracter une souillure 1 ituelle ; lui-même.
à Sparte, on immolait des chiens à Apollon ; à Rome, on les
offrait en victimes lors des Lupercales. Tout cela, parce que Jamblique, dans son livre sur les Mystères (63) et Porphyre,
dans Je mythe orphique, un chien berger avait dévoré Linos dans son traité sur !'Abstinence (64), disent leur fait à ces sacrifi-
et que dans les Enfers, un autre chien, Cerbère, défendait aux cateurs aveugles, qui croient plaire aux Dieux, source de toute
âmes d'en sortir ... Vie, en leur offrant la destruction de leur œuvre. Il n'est pas
Il n'en était pas de même en Egypte, où ces animaux si évo- permis d'offenser les Dieux en contrariant ainsi leur action
vivante dans le sein des créatures animées ; on ne peut les dimi-
lués, si près de nous par la sensibilité et par l'intuition, étaient
particulièrement aimés et respectés. Hé1odote nous parle (58) nuer, en leur faisant des offrandes inopportunes ; on ne saurait
des deuils ci uels qu'était pour les Egyptiens la mort d'un leur plaire en leur imposant les vapeurs sanglantes et les exha-
chien ou d'un chat. Toute la maison se désolait, ses habitants laisons âcres des holocaustes. C'est un autre hommage qu'ils
porta.ent l'animal à l'embaumeur ; on lui réservait une place attendent des hommes : la vertu, la sagesse, les beautés de
dans une nécropole ; et les membres de la famille se rasaient l'âme, tels sont les trésors à leur offrir, au lieu de bêtes inno-
centes, inutilement égorgées.
tout le corps et la tête entière, si c'était un chien qu'ils avaient
perdu ; ils se rasaient seulement les sourcils si c'était un chat. L'homme et l'animal participent tous deux à la divine cha-
. D'a~tre part un Romain fut assassiné par le peuple, pour leur solaire, dit Diogène Laërce (65~ ; il y ,a donc entre eux. uz:ie
avoir tue un chien sur la voie publique. parenté : celle de la Vie ; il y a un hen sacre entre tout ce qui VIt.
Pythagore fut imprégné de cette affection pour les bêtes et Et Apollonius de Tyane se définira commeA suit lui-mêm~ :
comme le fe;·a plus tard un Saint François d'Assise, il se consti- « Je suis un disciple de Pythagore. Je me re.vets. .non de lame
tuera leur defenseur et leur ami. Sa sollicitude s'étendra même à « mais de lin · mes sandales sont non de cuir mais de r~seau.
l'?u~ble vie des fleurs et des herbes, puisqu'il prescrivait à ses « Je suis un disciple de Pythagore. Je m'ha~ille ~es prodwts de
disciples « de ne pas arracher de plante sans nécessité » (59). « la terre et de l'eau, je ne mange pas la chair arumale » (66).
Telle était la stricte observance pythagoricienne. Et lorsque le roi de Babylone se préparera à frappe,r so_n
Mais cinq siècles après le Maître, il y eut un certain relâ- cheval blanc d'un coup de couteau dans le cœur pour l offrir
ch~ment su~ ce point de la doctrine ; la rigueur de la règle flé- en sacrifice à son dieu, le Sage se retirera ~e, la salle, pour ~e pas
chit ; certains me~b~es de I'Ordre estimèrent que l'on pouvait, assister à cette immolation atroce et sacrilège, en disant · « 0
sans o.f~enser le pr1nc1pe de la vie, sacrifier des animaux impurs
ou nuisibles ; cela ne pouvait, croyaient-ils, déplaire aux Dieux
agraires, dont les champs étaient parfois dévastés par des porcs, (60) Ovide : Fast. IV, 414.
(61) Ovide : Métam. XV, 111.
(56) Diog, Laërce, Vl'Il, 36. (62) Carcopino : pages 91 et 242.
<57) Carcopino, p. 239, citant Plutarque (63) Jambl. : De Mysteriis, V.
(58) Histor. Il, ch. LXVI. · (64) Porphyre : De Abstinent. II, 1~.
(59) Diog. Laërce : VIII, 23 ; Jambl. : V.P. 99. (65) Diog. Laérce, VIII, 27. Diog .. Laerce, VIJf, 1~· XXXII
(66) Vie d'Ap. de 'l'yane, par Philostrate, 1. ' c . .

126 PYTHAGORE ET LES l\1YSTERES PYTHAGORE ET LES MYST~RF.S
127
divin Soleil, envoie-moi aussi loin que possible de pareil spec- les fair~ tous ~e ressen;bl~r, ra~peler que tous étaient les enfants
tacle fais-moi éviter la présence des méchants ... » ( 67) · . d'un mcme APcre et reahser ainsi la parfaite communauté des
Telle est la vraie, l'humaine, la path~tic~.uc. docti ine de 1 ?r~rc coi ps et des a mes.
sur 1 es sacn.ifi tees. Elle nous donne une jurisprudence
, du itcœur
v' · et Chacun d'eux dépouillait ainsi ses pensées du monde exté-
·
de 1 a raison, q ue les esprits modernes, ,fermés
bli aux c>11 es pre- rieur, . ., -s soucis matériels, ses intérêts étrangers pour joindre
rnières, ont eu, hélas, l'endurcissement d ou ier ... son élan mystique à celui de ses frères. '
La haute 1 ichesse liturgique du blanc était connue de tous
VI. - Les Vêtements Rituels. les initiés.
Les Dieux chtoniens étaient célébrés au contraire par des
Fils de la Lumière, élus de la Vérité, les Initiés sont de ra~c vêtements noirs ou des peaux animales noires, dans les Mys-
solaire ; ils ont en horreur toute obscurité d~. corps ou de l'cs~r1t, tères de la Crète (71).
tout aveuglement de l'âme. Il est naturel qu ils portent des vête- Le noir est la couleur de Pluton, dit Jean le Lydien (72) com-
ments qui rappellent la pureté de leur ~œur, la transparence de me le blanc est celle de Zeus.
leur conduite la limpidité de leur pensee. C'est la couleur blan- En Egypte, Osiris porte une tiare blanche, ses vêtements sont
che que portaient tous les membres de l'Ord:e (68) .. Unis par de la même couleur et ses prêtres portent la robe de lin (73).
une même pensée, ils l'étaient aussi par une teinte vest1m~nt~1re A Rome. les prêtres de Jupiter étaient aussi vêtus de blanc
commune. Le blanc représentait pour eux, selon Diogène et le Flamen Dialis avait seul le droit de porter une tiare blanche
Laërce (69), la lumière de la rectitude, du bien. ~e la justice, ~à et ne n'orfr ir à Jupiter que des victimes blanches (74).
où le noir demeurait le symbole du mal, du deuil et de la me-
chanceté. Encore faillait-il que leurs manteaux ou leurs toges Cette couleur est aussi celle de l'espérance ; les Egyptiens et
soient d'une blancheur immaculée, sans trace de poussière et les Pythagoriciens ensevelissaient le ~rs morts dans des v~il~s
1

sans tache. immaculés, symbole du triomphe de 1 ame sur le monde des tene-
Quel que fût leur avancement dans I'Ordre, ils portaient tous, bres (75).
du plus ancien au plus jeune, du Chef au dernier de ses néo- Cette richesse symbolique eut même ,des réperc~ssions pro-
phytes, du Maître à chacun de ses élèves, le même vêtement rituel. fanes et le premier janvier de chaque annee, on voyait le Cons~
Ils se revêtaient ainsi de Lumière ... romain vêtu de blanc et monté sur un cheval blanc, aller sacn-
fier à Jupiter sur le Capitole (76). .
Et ce qui frappe tous les visiteurs du Temple souterrain de
la Porte Majeure, c'est la symphonie blanche que révèlent les Représentons-nous les membres. de l'Ordre, rituellement dis-
moindres détails du monument : les piliers, les murs, les pare- posés des deux côtés de leur Sanctuaire. , ,
ments, les marbres, les stucs, la mosaïque constituent une seule Le Maître préside, à la stalle de l'abside, qui est surelevee.
révélation colorée, et selon Carcopino (70), une harmonie écla- Les douces lampes à huile brillent sur les côtés. ,
tante. Seuls certains détails des plafonds et les plinthes accu-
sent une teinte rouge, au surplus également initiatique. Quatre flambeaux rituels sont allumés, disposés en c~rre!
autour d'une vasque d'eau lustrale, form~.nt ~r~ir sacre,. ~
Le rouge est la radiation de la chaleur, le blanc celle de la l'Occident de la salle, à l'endroit où la mosaïque revele un carre
lumière intégrale.
parfait en cubes noirs.
Vêtir uniformément des personnes venues de tous les quar-
tiers de la ville, différentes par l'habit, la taille, le rang social, la
culture pour effacer tout ce qui les divisait dans le monde pro- (71) Porphyre: V.P. 17. . .
39
fane, c'était les unir tous en une seule préoccupation spirituelle, (72) Portal : Des Couleu~ S~ocloohfru~, ~· ch·. 37. Plutarque : D'Isis et
(73) Apul. Métam. L. XI • Her · · . '
d'Osiris, I, 4. L X h 15
(67) Philostrate : Vie d'.AJpoH. Tyane, 1. I, ch. XXXI. (74) Aulu-Gelle : Nuits at~. · · c · · v
4s.
(75) Jambl.: V.P. 155. Pline H. N: ~1• VI p. 796. Cf. aussi Plu-
(68) Diog. Laërce : VIII, 33 et 19. Jambl. : V.P. 100 et 149, 153.
(69) Diog, Laërce : VIII, 35.
(70) Carcopino : 'Op. clt. pp. 229, 230.
(76)
tarque :
Creuzer : Rel~ons de
Questions romaines, qu. n
r.;ni~q~i

stlr ia c~uleur blanche dans les
deuils antiques.
'
PYTHAGORE ET LES MYSTERES
128 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES

Les assistants sont là, recueillis, tous confondus dans une


~ .' représentée par le Maître ou par l'Ancien qui le s p 1' it t
même pensée, tous absorbés par une morne prrcrc. . f . . t f. , l'O . d . . . . ' u P ea1 e
L'étranger qui eût pénétré à ce moment dans la caverne 1,u1. a.1sa1 , u~et a cci ent , .la d1sc1pline, puisque le silence
rituelle. eût cru se trouver dans celle de Platon, brusquement e.ta1t 1mp.ose, a_ ~u~, et ne pouvait se rompre que par une invita-
réalisée dans la matière sensible (77). tion pat ticulèi e , 1 etude, couronnement et complément des rites.
Il eût vu des formes blanches. silencieuses, hiératiques, lever
vers le Ciel leurs mains tendues. comme le voulait le plus ancien VIII. - Usages Liturgiqiles.
rite de l'Egypte.
Et comme elles, il ne se serait plus cru sur la ter 1 e ...
' Les précieux « Akousmata » qui nous ont donné de si ins-
tructives leçons jusqu'à présent, nous révèleront encore certains
VII. - La Conduite des Travaux. détails précis sur la liturgie pythagoricienne.
Le formalisme immuable et la rigide discipline égyptienne « Un. Deux » (Ak. 52) (83) n'a pas seulement un sens philo-
eurent sur le Pythagorisme une influence considérable. sophiquc : espi it et matièi e, ciel et terre ; il signifie encore
Tout est ordre et harmonie dans l'Univers (78). tout doit être l'ordre dans le déroulement liturgique : Un, le Maître, com-
ordre et harmonie dans les organisations humaines. mande et régit ; Deux. l'assistance, obéit - Un, le recteur des
Tout est Hiérarchie dans le monde extérieur ; tout fut Hié- travaux. pose les questions d'ordre. - Deux, son Coadjuteur,
rarchie dans l'Ordre, maîtres des Etudes, répond au nom de la salle. - Un, le Prêtre
On conçoit donc qu'un rituel invariable présidât à l'ouver- chante ; Deux, le chœur lui répond.
ture, à la conduite et à la clôture des travaux. Tout est réglé mathématiquement, minutieusement, immua-
Le Maître seul réglait le déroulement des rites et des travaux. blement.
La séance s'ouvrait par des questions et des réponses, sui- « Chausse d'abord ton pied droit mais lave d'abord ton pied
vies de chants liturgiques. gauche » (Ak. 56) (84). - L'atrium comportait une vasque où il
Une invocation à Zeus-Sôter (Sauveur) était certainement est certain que les membres de l'Ordre, venus la plupart à pied
prononcée (79) et Jamblique rapporte (80) qu'une prière spé- et revêtus seulement de sandales, opéraient, vu leur hantise de
ciale était adressée aussi à Héraklès, symbole des forces de la la propreté, et selon un rite qui nous est mal connu, mais dont
Nature et aux Gémeaux Castor et Pollux, qui représentaient cet « Akousma » rappelle la nature, une purification spéciale ;
l'harmonie universelle. elle consistait sans doute dans l'enlèvement des sandales, le
Après une agape rituelle, avait lieu une libation nouvelle lavement des pieds, en deux stades : on lave d'abord le p~e~
puis commençaient les travaux ; ils consistaient en une lecture: gauche, qui appartient, suivant la mystique de l'Ordre, au cote
faite. par le plus jeune et commentée par le Maître ou par son maléfique et matériel.
coadjuteur, le membre le plus âgé (81).
Puis on lave le pied droit ; ceci fait, on chaus~e d'a1bor,d
Après une dernière libation de vin et une allocution du celui-ci et on ne chausse le pied gauche que pour terminer 1 ope-
Maître, on clôturait les travaux selon les ~ites.
~ul ne .recevait la _parole sans une autorisation préalable ; ration.
Celle-ci se fait donc en quatre pointsA s~ccess.ifs, il est f~cile
le maille~ lu.1 en acc,orda1t ou lui en retirait l'usage (82).
. Tel était le déroulement habituel des réunions pythagori- d'en saisir la portée symbolique : le c~te ~01.t es:
cel~i ~~
l'action mais à quoi bon lui donner l'occas10~ d a&1r avant d av_on
ciennes. Tout y est harmonieusement observé : la Hiérarchie,
purifié nos tendances inférieures, ici representees par le pied
(77) Carcopino : op. cit. p. 219. gauche? . .
(78) Diog. Laërce : VIII, 33. Une fois purifié le Myste pénètre dans le, 'I'ernple, ma1is s~t1~
(79)
(80)
(81)
Jambl. V.P. 155.
Id.
Id. 99.
'
vant une prescription par 1: ,
t' uliê . il doit y pénétrer par e co e
iere ·
droit et jamais par le cote gauche, dit Ja
. mbli ue (85). Le
q
<82) LE: maiüet
avait aussi clans l'antiquité Iniatique. un rôle magique
dGans la gue:,1S<?n des malades. Cf. Plutarque, Raipprochemen ts d'Histoire (83) Dacier : tome I, page 272.
recque et a Histoire romaine. Ch. 35.
(84) Id. pages 276, 277.
C'est un usage ritu
el é
gyp
rien (Cf · Moret) ·
(85) Jambl. : V ..P 1 5 6 .
'
130 PYTHAGORE ET LES MYSTERES PYTHAGORE ET LES l\tYS'fÈRES
131
côté droit est solaire, positif, impair et divin : le côté gauche est il fait tout le tour de la salle et ne s'arrètn de pa t et d' tr
lunaire, négatif, pair et emblème de dissolution. qua• · l' en d 101 · t ou· se d ressait la stalle du Maitre., (91 ). r au 1 e '
La Basilique n'est pas un endroit profane, où l'on cntrnit au Tout converge donc vers ce dernier · comme toute la N t
hasard. Ce simple fait d'y imposer un côté pour I'cnu éc et un se t ourno vers .1 e So l ei·1 , image
· ' la Divinité.
sensible de a ure
autre côté pour la sortie est hautement signif'icati r : à partir « Ne te, fais pas les ongles pendant le sacn,fice » (Ak. 49)
de ce moment, ce n'est plus un profane qui ~ entre : c'est l'initié (92). Malgré .son co?t:nu p~osaïquc, cet Akousma est pat ticuliè-
qui se soumet joyeusement à un rite dont il comprend la pro- rement onei gique ; 11 interdit aux Mystes la moindre distraction
fondeur. la moindre préoccupation pi ofane, pendant le déroulement de
la lit~1 gie, Leu~· âme devait en effet avoir la seule p éoccupation
« Ne parle pas devani le Soleil » (Ak. 32) (86). Le Martre en
~e su1yre le r~te et . d'y partlciper activement. Toute pensée
chaire représente la Puissance céleste ; il est. dans le Temple,
sa fidèle image ; il est le Soleil d'où émanent les rayons de la
èti angr re devait en etre bannie : on ne pouvait prier du bout
des lèvi es ; la prière devait jaillir du fond du cœur.
lumière spirituelle, les leçons de la sagesse. C'est tournés ve s lui,
que les Mystes reçoivent « en silence » les secrets traditionnels
« Adore et sacrifie pieds nus » (Ak. 46) (93). Les Pythagori-
de l'Ordre. ciens étaient-ils les précurseurs des Mahométans, qui retirent
leu. s sandales pour pénétrer dans leur mosquée ? Nous ne le
« Avant âaâorer. assieds-toi » (Ak. 48) (87).
Ce1 tains 1 ites se pensons pas car l' Akousma 56 (qui fait chausser le pied après
pratiquent obligatoirement debout : l'ouverture, la clôtui e, les qu'il est lavé) serait dès lors inexplicable. Mieux vaut croire que
invocations, les libations : d'autres ont lieu, assis : la médita- seul le célébrant retirait ses sandales au moment précis où il
tion, l'audition de la l~cture ou du sermon, l'extase mystique, faisait son sacrifice ; et que les membres ne quittaient les leurs
obtenue, les yeux fermes, dans un recueillement suprême. Sem- que pour le seul rite du Thronismos.
blable rite est préparatoire à l'adoration elle-même. «Aie tes paquets toujours prêts» (Ak. 36) (94). Il faut sup-
« .Adore en tournant » (Ak. 47) (88). Les Pythagoriciens ne poser que les parvis servaient de vestiaire, où les assistants lais-
pouvaient « adorer » la Divinité qu'après une préalable concen- saient tous leurs objets et colis profanes, ils les retrouvaient. tout
t:ation _ou méditation profonde, que l'on faisait, assis. A un prêts, au moment du départ.
signal rituel, t?us se levaient et le Maître ouvrait procession- « Ne sommeille pas en plein midi» (A k. 33) (95). Cet « Akous-
n;llem:nt le rit~ du «. T}_iro~ismos », bien connu des Mystes ma » a probablement aussi un sens liturgique : on ne peut s'en-
d Eleusis (89) : 11 consistait a adorer Dieu en tournant autour dormir pendant les rites ou les travaux, alors que le Temple est
de la salle, en pieuse théorie, le Maître ouvrait la marche les illuminé par le soleil, le plein midi de la sagesse.
fidèles le suivaie.nt u~ à ~' dans l'ordre où ils étaient pl~cés. Telles sont les grandes lignes des usages rituels de l'Ordre.
L,e ~ouvement c11:cu!a1re etait pour les Anciens - et Platon le
repetera dans le 'I'imée (90) - le plus parfait de tous il rappelait IX. - Les Repas Rituels.
l'harmonie universelle, révélée par les mouvements p1lanétaires.
~~ cez:taines ~~tiations, c'était autour du néophyte que le rite C'est le Pythagorisme qui affirmera avec insistance et répè-
se déroulait et qua un moment donné, on faisait la chaîne rituelle. tera avec force que les repas pris en commun développent for-
Lors des séa~~es d'études! o!1 peut supposer que c'était tout tement l'amitié entre les convives (96).
le tour de la basilique que faisait le saint cortège des fidèles.
(91) Carcopino: pages 52, 53. . . .
d No~s en trouvons une confirmation dans le singulier tracé (92) Dacier. V. P. tome I, pp. 268, 269, 270 ., C~ .. aussi Hes1ode: 0. p. e~
es petits cubes noirs, englobés dans la mosaïque du pavement ; Di. V. 740, 741. Cf. aussi Plutarque : D'Isis et d Orisis, I, 4 et Jamblique ·
Adh. ad Philos 21. V.P. XXI, 100.
(93) Dacier, t. I, p. 265.
(86) Dacier : t. I, pp. 250, 251. (94) Id. p. 254.
(87) Id. pp. 267, 268. (95) Id. p. 25l. . t d d' · les du Mithraïs-
(88) I.d. pp. 266, 267. (96) Gf les Cènes Myst iques des Chrétiens e es ~sc1p
(89) Dion Chrysostôme : XII 387 · · eignait à ses diseiples que les repas
me; leurs « Agapes». Zamolxi~ . ens e s • t un meilleur sort posthume
(90) T' é 34• ' . pris en commun dans les Syssities assuraien
un e, a. - Diog. Laërce, le dit aussi (VIII, 35).
à leurs participants. Cf. Hérodote, IV, 95.
'
132 PYTHAGORE ET LES MYSTERES PYTHAGORE ET LES ltlYSTÈRES
133
Recevoir quelqu'un à sa table. le considérer comme son hôte, L'usage de rompre ensemble le pain Irate ·l d
lui assurait en Orient une protection immédiate. tour a tour la coupe du même vin et de me , e se passer
Il y a dans le fait de se partager fraternellement uno même baiser de paix était commun · se communiquer le
a tous les cultes a Mystères (lOl).
nourriture; dans celui de boire le même vin (parfois dans la
même coupe) et de rompre ensemble le même pain, autr e chose X. - Les Initialions.
qu'un 1 ite intime et confiant, assurant aux participants une
chaude ambiance familiale.
Il y a en effet dans ces agapes, autre chose encore : des mets La multiplicité des grades de l'Oi dre imposait à la liturgie
une g: ande variété.
identiques ont pour conséquence de produire en tous ceux qui
les absorbent une chaleur et une puissance naturelles, qu'ils res- C~)mmc en ,Eg~p~e et en Grèce, à chaque augmentation de
con~~1ssanccs. esotèt iques correspondait un accroissement de
sentent au même moment. Il en naît une euphorie dynamique
une propension à la joie partagée, une tendance plus prononcé~
Iurnièr e mystique et la collation d'un pouvoir nouveau.
, ~~vthagore s:inspira des anciens Mystèi es : un passage très
à la sensibilité et à la compréhension fraternelles : de là cette
précis de J a:nbl1q ue ~ffirme expi essément ( 102) que non seule-
fréquence des agapes, tant dans le Pythagorisme que dans le
ment le Maitre enseigna les Mystèi es Traditionnels mais qu'il
c~ristian~sr:ne des premiers siècles. « Agapaô » ne veut-il pas
apporta aux hommes l'initiation véritable. Il y parle des Télétés
dire : «Jaime», et l'amour n'est-il pas la plus haute manifesta-
des Légornena. des rites cathartiques. '
tion de l'alti uisme et la négation de l'égoïsme ?
Il n'est point compliqué d'établir un tableau des rites essen-
Il Y a dans les aliments, formés par l'influence directe du
tiels qu'on pratiquait dans les divers degrés de l'Ordre.
rayonnement sol~ire, un~ telle source de vitalité, une telle magie
Le néophyte était astreint à des interrogatoires, des purifica-
mconn~~, ,que .1 absorp~1on commune de mets choisis par une
tions, des veilles solitaires dans une caverne (1"3). avec pour
col!~ctiv1te anu~ale, developpe en celle-ci une radiation parti-
culièrernent bénefique. seule arme : une ai doise munie d'un symbole, il devait y ins-
crire le sens qu'il pouvait lui découvrir. Après avoir subi des
E~ quoi consistaient les menus rituels ? Les auteurs ne sont
examens nouveaux, des jeûnes et des critiques, propres à le
pas. d accor~ entre eux car la règle du végétarisme absolu a
subi, nous 1 avons vu, plus d'une modification dans l'histoire de
découi ager ou à le faire tomber dans la colère, il était finale-
l'Ordre. ment reçu au sein des Acousmatiques. Cette réception compor-
tait une psychostasie sévère ; une purification par l'eau ; un sei -
Diogène ~aërce (97) bannit les œufs, le poisson et les fèves
de la table r1tuell,e ; Jamblique (98) y admet du vin, du pain, ment solennel. une investiture et un thr onismos.
Mais ses maitres lui demeuraient inconnus; ils lui parlaient
A

des gateaux,, des legumes et des fruits.


couverts d'un masque ou cachés derrièi e un rideau (104).
, . , Il Y .to~erait parfois de la viande : était-ce celle d'animaux Lorsqu'il était digne de recevoir une lumière plus grande, il
d~Ja .sacrà_fies par des tiers, ou morts naturellement ou tués sans
était admis au degré des Mathèmatikoi. Après un nouvel exa-
ell usio~ e sang ? Il est difficile de répondre à cette question · men, une nouvelle pesée de ses progrès intellectuels et spirituels,
e e e~ 1, une des plus controversées du Pythagorisme C'est su;
une nouvelle purification, faite cette fois par un .autre él~men~.
â~t sutJ;t quelles J?l:is grands écarts de pensée pou~ront être il voyait s'écarter devant lui le rideau du premier degré et 1
e ec es par es critiques (99).
On a trouvé dans la basiliq d p . voyait ses maîtres face à face.
tables de marbre blanc a t i ue. e 1 a orte. Majeure quatre Les pouvoirs qui lui étaient conférés étaient : au pr~mier
J bli , yan servi aux repas rituels degré, la maitrise sur soi-même ; au second : celle sur autrui.
occup~1; p~;u;1::~~o~~ ~~~v~~=~{~~of.es tables ne pouvait être Au troisième degré, lui était révélé l'essentiel des, (!1 ai;ids
Mystères. Sa réception se faisait dans la caverne enteneb1:ee ;
(97) Diog. Laërce: VIII 33 en lui renaissait le Dieu assassiné et après la moi t du Maitre,
(98) Jambl.: V. P. 98. ' ·
(99) Cf. le résumé du p bl • .
Cf. aussi Plu Iarque, Propos 0~0 ta~1re •Par Carcop1n~, op. ci t. 234 à 246. (101) Cf. Les Agapes.
tarque, Comment tirer utilité d e, L. VII!, question 8; ainsi que Plu- (102) V. P. 151. · Att' Ne ch tel
L. II, ch. 3. e ses ennemis, ch. 9, et Propos de table, ( 103) G. Méautis: Recherches sur le Pythagorisme. Inger. u a .
(100) V. P. 98. 1922.
(104) Jambl.: V. P. 72.
134 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES

c'était cc dernier qui revivait en chaque nouveau maitre do


l'Ordre.
Au dernier degré. il dovenait un des dirigeants de 1'01 di c :
il fo mait les aut es membi es et les 1 ccevait aux dive s deg: c s. Tl
leur passait le flambeau traditionnel de la sagesse secrète. dont
il devenait un des mandatai, es.
Ces degrés correspond tient-ils à ceux de l'épopt ic, de l'initia-
CHAPITRE IV
tion holoclère et de la dadouchie. que l'on conf crait à Eleusis
aux initiés les plus méritants (105) '?
On concevra que le silence doive être gardé sur le détail des
, ' .
cerc morues. LES MYSTERES PYTHAGORICIENS
A un moment donné, l'initié ayant dépouillé tout cc qu'il
avait en lui d'infé. ieui et dompté- toute sa natui c animale, syrn-
l:olisait cet affranchissement des servi tu des inst incti ves, en se
rasant avec soin les faces dorsales de ses mains ( 106).
La sainte liturgie l'avait enfin admis à une dignité surhu-
maine : la «connaissance» et la « reconnaissance» de sa parenté I. L'Initic devant le Monde.
avec les Dieux. JI. L'Anncau de Polycrate ou les Secrets des Exotèriques.
. Ajou~on~ encore que les du igeants de l'Ordre pratiquaient un III. - Les leçons des Akousmatiques. - L'origine de l'Ame.
rite pai ticulier : ils invitaient la Divinité à leur table ; ils lui
offraient une cuillerée du mélange 1 itucl, en le versant dans le IV. - Les Seci ets de l\Iathèmatikoi : les Nombres.
Feu saci é. En réciprocité. après leur mort physique. ils devenaient
les invités de l'Hôte Céleste, qui leur réservait. à sa table divine V. - Les Secrets des Sébastikoi : les Rêves, l'Ypsilonn, l' Au-
l'am.broisie, symbole de vie éternelle ( 107). Le dernier des «V cr~ delà.
Dores» le rappelle avec force : «Monté dans l'éther radieux tu
seras un Dieu toi-même». ( 107). ' VI. Les Seci ets des Politikoi : la Balance.
VII. La Katabasis du Maître.
V III. La Métempsychose.
IX. - La Barque Sacrée.
X. - Retour à Pythagore

i ~ ~~) Cf. l\.1a~:c:n : op .. ci t. pp. 225, 238 et 280.


( 107)) Pt:r.)nJ'~~rea~~g~ptiens se rasaien t tout le corps (Hérod. II, 37).
Paris, Ed. Boccard,YJ937, ·P~~3~.ultedes Muses chez les Philosophes Grecs.
I. - L'initié devant Le monde.

, . Le discipl.e de l'Ordre sait que ce bas-monde n'est pas sa


ver1table Patrie. Terre des douleurs et vallée des larmes il n'est
que l'endroit pénib~e où l'enchaînera un séjour passager: que
sont quelques annees en regard de l'éternité bienheureuse à
laquelle son âme est promise? '
Il ne t~u~ donc pas accorder aux joies terrestres une impor-
tance exageree. «Ces biens sont si faciles à acquérir, et encore
plus faciles à perdre», dit un des Vers Dorés (1).
L'on ne pourra emporter avec soi, au moment du grand
voyage, ni argent ni biens ni tout ce qui fait la convoitise des
hommes et vers quoi se rue l'aveuglement des profanes.
Soyons donc détachés des choses périssables et n'envions
point ceux qui bornent tout leur effort à les conquérir car un
jour viendra où ils n'auront obtenu si chèrement que de vaines
fumées.
Devant la balance céleste, seuls les actes purs et bons, déga-
gés de toute souillure intéressée et de toute lèpre égoïste seront
les armes de notre victoire.
Le Maitre a maintes fois répété ces propos à ses disciples. Il
leur fit un jour la comparaison suivante (2) : «La vie humaine
« est comme le spectacle des Jeux Olympiques.
« Les uns s'y rendent pour y concourir.
«D'autres y vont pour faire des affaires.
« Mais les Sages ne les suivent que pour regarder ce qui s'y
« passe.
« De même, dans la vie htnnaine, les u~s sont les e sclaves de
1

« la gloire les autres sont les esclaves de 1 amour de 1 argent.


« Mais les Sages n'y recherchent que la Vérité.» .
Le spectacle quotidien des misères hwnaines est le plus ins-
tructif des pédagogues. Regardons donc - sans nous confondre
(1) Vers •Dorés: Vers. 16.' tra?· de Fabre d'Olivet.o ulaire du Nouvel
(2) On trouve une idée id.~ntique d~!1s. papyrus P. knnan : Sitz. Berl.
Empire, rédigé par le scribe An11. (Cf. Ana, litt., p. 298 •
Akad, 1924, p. 87).
'
138 PYTHAGORE ET LES MYSTERES PYTHAGORE ET LES MYSTERES 139
avec elle - les mille remous de la masse (3) ; les luttes de ses pas à des . couvres de haine ; ne donne pas d'armes contre toi à
divers intérêts; la foire de ses ambitions et de ses vanités, le tes cnnc mis.
bouillonnement de ses passions. « Déüaurne les cheveux que tu as perdus et la rognnre de
Nous verrons monter et tomber les grands. briller Pt s'étcin- tes onç;les » ( Ak. 30) (9). Ne regrette pas tes peines, tes privations,
dre les étoiles, toute gloire finir comme une fleur Ilétrro. tes sac ific 'S; tu dois laisser au monde une partie de toi-même,
D'autres passages du Maître donnent des conseils analogues. lui consacrer tes sueurs et tes efforts. Ne gémis pas sur ce que
« La vie est semblable à une pièce de théâtre ; ce sont souvent tu dois perdi e, songe plutôt à tous les biens spirituels et à toutes
« les plus mauvais des hommesqui y jouent le rôle le plus irn- les jo ios de l'espi it que tu peux conquérir.
« portant», dit un des Homoioi (H. 7) ( 4). « N e q uitte pas ton poste sans l'ordre de ton Imperator »
«Dans le drame de la vie, Ja jeunesse est le pt cmicr acte : (Ak. 37) (10). La vie est un poste où tu es placé. en combattant.
« c'est pour cela qu'on la regarde si attentivement» (II. -!), dit Tu n'as pas le droit de l'abandonner avant l'heure fixée par le
un autre. général. qui est Dieu, a dit le Maître et a répété Philolaos (11).
«C'est l'amitié seule qui, ici-bas, console. vivifie, transfigure : Aie donc du courage et tiens bon, dans les plus cruelles
« Le port est le refuge du navire ; le port du refuge de la vie épreuves. dans les disgrâces et les douleurs les plus imméritées.
« c'est l'amitié (Hom. 4). ' « Ne rô: is pas ce qui est bouilli» ( Ak. 39) ( 12). Contente-toi
de ton sort et ne lui demande pas, ici bas, plus qu'il ne t'est
«La terre ne donne ses fruits qu'à un seul moment de l'an- .
réserve.
,
« née; l'amitié donne ses fruits à chaque instant de la vie (H. 9).
. Et d~s « Akousmata » complètent merveilleusement cette Tel est le 1 ôle du Sage, devant la vie : il l'accueille
avec
philosophle : sérénité · la traverse avec courage. volonté, bonté et modestie;
il garde' un visage égal en tou~es ~ircon;tai:ce~ car il. s~it que
.«Aide. les hommes à charger. non à décharger» ( Ak. 10)
tout n'est ici-bas qu ombres et illusions ephemeres, qui s efface-
(5) · certains sont .des destructeurs. des êtres néfastes, des dissol-
vants et des s;eptiques ;, u:ie telle attitude n'est pas admissible. ront un jour devant l'ineffable réalité.
No~s. ~evons etre des réalisateurs, des bâtisseurs lorsque notre
act1~1t~ nou.s en donne la possibilité ; et nous ne devons pas II. - L'A nneail de Polycrate ou les Sec-rets des Exotériques.
affaiblir le crn:ent de la concorde, sur lequel repose la cité.
«Ne 1:eço~s pas sous ton toit les hirondelles» ( Ak. 8) (6). Les auditeurs profanes du Maître reçurent de lui d~ no~-
~cartons 1n:p1toyablen:~nt de notre entourage les envieux, les breuses leçons et pour donner plus de poids à ses paroles, il avait
Jaloux, les eternels critiqueurs, les négateurs et les blasphéma- l'habitude de ne les convoquer que la nuit, comme le rapporte
teurs de toute noblesse et de toute spiritualité. Leur climat né-
f~ste, leur a;nbiance délétère finiraient par vicier - notre enthou- Diogène Laërce (13). . , 1 it d
siasme, par étouffer notre élan. Dans le silence et le calme nocturnes, il. leur reve ai , es
vérités élémentaires car il existe déjà un rudiment de Mystères,
« Effa~e dans la cendre la trace du pot» ( Ak 12) (7) N
pour le bien et le salut de~ profane~t· . 'lèves était frappante
~~é~oa~Irl~1,~iea~i:ans
le passé, ne regarde que le présent et s~ch: L'une des histoires qu'il racontai a ses e , . tif d
et extraordinaire. Il en avait été lui-même tem?~ c;a~, n~a1 trae
as «Ne ~ourr~s pas des êt:es à griffes» ( Ak. 16) (8). N'admets Samos et contemporain de Polycrate, il en avai ver e -
P parmi tes intimes des etres amers et agressifs ; ne collabore
gique vérité. . ff t b 'néficié d'une chance exa-
Le tyran de Samos, avait en e_. e v:it écarté tous ses concur-
<3) Vers Dorés· Vers 57 58 p
sopbie, Pythagore disait · qu~ 1 · ~r:1 ant des av~ntages. retirés de la philo- gérée : il s'était empare du pouyoir, a . l'île entrepris des expé-
~ consistait à ne rplus s'étonner ~ P ~s gr.and bien qu'il en avait acquis rents avait assuré sa domination sui '
ecouter, 13. e rren s : cf. Plutarque, Comment il faut '
( 4) Cha!gne(, Tome I, p. 152.
(5) Dacier: V. P. Tome I pp 236 237 <9) ru. p. 247.
(6) Id 235 Cf ' i~ • ' •
(10) Id. p. 255. d 150 Cf. Cicéron, De Senect, ch. XX.
(7) D~cÏ~r, p~ge 2Ji.ularque, Propos de table, L. VII, qu. 7. \ 11) Olyrnpiodore : Ad. Phae ·• ·
(8) Dacier: Tome 1, p. 239. (12) Dacier, t. I, pp. 257, 258·
(13) D. L., VIII, 15.
140 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 141
ditions victorieuses contre les iles voisines et même établi des Leur Iatssa-t-il entrevoir d'autres vérités?
protectorats sur la côte. Tout ce qu'il tentait l~1i réussissait: Les «Symboles» nous répondent affirmativement.
Son ami Amasis roi d'Egypte, s'effraya d un sort aussi anor- Il leur dit encore cc qui suit :
malement fa1vorable. 'Il lui fil donc porter un message, lui disant «Ne niange pas la seiche» (Symb. 1) (16). La seiche échappe
qu'avoir tant de prospérités étonnantes lui semblait sortir des à ses poursuivants en répandant dans les eaux de la mer une
limites d'un sage équilibre ( 14). sécrétion noirâtre qui les aveugle et lui permet de fuir ses enne-
«Les Dieux, lui écrivait-il, sont jaloux des 11101 tels qui ont mis. Il faut éviter de traiter avec des hommes dissimulés qui
«une chance trop considérable». Et il lui signala que pour peuvent à tout moment se dérober par la ruse à leurs engage-
échapper à une réaction inévitable du Destin. il lui Ialla: t en ments. D'autre part, il ne faut pas nourrir notre esprit d'aliments
hâte se créer un grand sujet de souffrances en sacrifiant aux chimériques et fugaces.
Dieux courroucés une chose à laquelle il tenait le plus. Poly- «Cède au troupeau qui passe» (Symb. 3) (17). Ne lutte pas,
crate accepta le conseil et tenta de le suivre. Il fit f rétcr sa seul. contre la multitude. On ne s'improvise pas conducteur
trirème, s'y embarqua et, arrivé en haute mer, il jeta par-des- d'hommes. car combien. pour réussir, doivent se laisser porter
sus bord une bague ciselée à laquelle il tenait beaucoup. Puis, par elle vers des buts bas et matériels.
il rentra à Samos, plein de chagrin et de sincère regret. «C'est un crime abominable d'enlever la sueur avec le fer»
Mais les Dieux n'acceptèrent pas ce sacrifice volontaire qu'ils (Symb. 9) (18). On ne peut dépouiller son prochain du fruit de
estimèrent tardif. Peu de jours après, un pêcheur ayant ramené son travail, exploiter l'homme et vivre de cette exploitation aux
dans ses filets un poisson de grande taille en fit présent à Poly- dépens de sa sueur.
crate et ses serviteurs découvrirent l'anneau royal dans le ventre «N'applique pas le fer aux traces de l'homme» (Symb. 10)
du poisson. Lorsqu'Amasis apprit cette circonstance extraordi- ( 19). Respectons la mémoire des morts et n'attaquons jamais leur
naire, il se hâta de rompre toute relation avec Polyci ate, pour souvenir. Ils ne sont pl us là pour se défendre.
ne p is être englouti dans sa débâcle et entraîné par lui dans «Ne t'endors pas sur ·un tombeau» (Symb. 11) (20). Ne dis-
I'imm.nente catastrophe. sipe pas dans l'oisiveté les biens qui te sont échus par hérédité.
Celle-ci ne tarda guère ; trahi par un de ses alliés, Polycrate «Ne menace pas les astres du point» (Syrr;-b. 14) )21~. Ne
fut arrêté et cruellement torturé par les Perses. 1
te rebelle pas contre le Destin. Sache que toute épreuve, qui t. est
Ils l'écorchèrent vivant et le crucifièrent au sommet d'un infligée, est nécessaire et porte en e~le le secre~ de ton b1e~.
rocher dominant la mer ( 15). Trouve en elles une occasion de progrès et une raison de deverur
Telle fut la fin atroce d'un despote trop favorisé par la For- meilleur.
tune ; le jour où elle l'abandonna brusquement, il roula sur le «Refuse les armes que te présente une femme» (Symb. 5)
champ dans le plus effroyable des abîmes et sa mort épou- (22). La femme est pot tée plus fa~ilement que l'homme ail?'
vantable rétablit l'équilibre violé en quelques moments de ter- mouvements de la colère, de la passion, de la vengeance. Domi-
ribles supplices. ' nons-nous et ne nous faisons pas les instruments des rancunes
Cette histoire vécue enseignait aux auditeurs du Maître l'in- d'autrui. , · bl d
constance du sort et les avatars de la Fortune. Enfin, le Maître enseigna à ses auditeurs 1 admira e gran eur
Il fallait en déduire que la vie humaine est une succession du pardon des offenses.
inégale de joi~s et d'épreuves; que toute félicité se paie et que « Ne tue pas Le serpent qui s'est réfugié da.ns ta ,co~r », leur
seuls. des, sacrifices, faits spontanément, volontairement, peuvent répétait-il (23). Dans le Sud de l'Italie, les maisons étaient sou-
parfois desarmer les menaces du Destin.
~e nous réjouissons pas ouvertement de nos joies, ne faisons
pa~ et~lage d~ nos chances et de nos réussites ; heureux celui (16) Dacier, t. I, p. 280.
qui sait se taire et peut ainsi éviter les coups tragiques' de la ( 17)Id. p. 281.
Fortune. (18) Id. p. 285.
Le Maître donna-t-il d'autres conseils aux profanes ? ( 19)Id. pp. 285, 286.
(20) Id. rp.286.
(21) Id. •p. 287.
( 14) Hérodote : Hisi. 1. III, chan. XXXIX à XLIII (22) Id. p. 282.
( 15) Id. 1. III, ch. CXXV. . (23) re. p. 283.
'
PYTHAGORE ET LES MYSTERES
142 PYTHAGORE ET LES ?t1YSTÈRES 143
vent envahies par de petits· serpen t s ou par des orvets, qu'on La vie humaine pai ticipe de la chaleur universelle et est en
tuait à coups de bâton. . . . . . .· 1 èsonance sur le Soleil ; ce dei nie apporte la vie el de même
Le Maitre apprit aux Crotoniatcs a ne plus ~gu. ainsi. que. la pluie desc~nd du. ciel, entre en terre et remonte par
Ne cherchons pas à nous venger d'un ennemi. d une pci sonne apres vei s le Soleil, pai évaporation de la mer, de même les
qui nous a fait du mal, Tôt ou tard, le .~est1~ se ch~1~gP1 a de âmes d se -ndent du ciel, entrent dans la prison de la chah et
punir notre adversaire, sans que nous ~C\ 1~ns ~ntc1 \ ernr. . remontent vers le Soleil au moment de la mort (30).
Ayons la grandeur d'âme de ne Jamais céder at~ ressenti- Les yeux sont les poi tes du Soleil (31) : ils ont en eux un
ment ; de savoir oublier les injures ; de pai donner a nos en- élément igné et ils émettent des rayons qui vont saisir l'objet
nemis. cxtérieu.. Cela explique les Images des mir oirs. On ne voit qu'à
Et il nous sera beaucoup pardonné ... t1 avers l'eau et l'ait. qui sont froids (32).
Notre voix est formée d'éther froid et invisible (33).
Nous avons en nous quatre vies successives, emboitées les
III. - Les leçons des Akousmatikoi. - L'origtne de l'Arne. unes dans les auti es. L'homme est un minéral. car il a en lui
un squelette. formé de sels et de substances chimiques; sur ce
Les néophytes reçurent du Maître une quadruple leçon. squelette. est b. odé un corps de chair, formé d'eau. de ferments
Ils apprirent de lui : le seci et de la dualité de l'être humain ; et d'autres sels; l'homme est aussi un végétal, car, comme la
la psychologie secrète ; la pesée de l'âme et l'origine de celle-ci. plante. il se nourrit. il respire, il a un système circulatoire. sa
A) Notre âme est emprisonnée dans le corps. disait le Maitre. sève est le sang ; il se reproduit. Il est aussi un animal, car il
Et il formula cette règle par le célèbre adage: Sôma Sêma (24). est doué de mooilité et de la connaissance du monde extérieur,
Le corps est un tombeau. L'âme y lutte en permanence contre que lui appoi te le jeu de ses cinq sens, complété par l'imagina-
nos tendances inférieures. tion et la mémoire. Il est enfin un être raisonnable car il a la
L'êti e humain est donc double : il est à la fois matière et volonté et la 1 aison. Nous avons donc en nous quatre vies
esprit. Chacun de ces éléments a son originalité et sa natui e séparées. nous devons donc nous connaitre quatre fois.
propre. Notre devise doit être celle du fronton du Temple de Del-
B) L'âme est composée d'une particule d'éther chaud et d'une phes: Connais-toi toi-même (34).
particule d'éther froid. L'une d'elles est éternelle ( 25). C) Chaque jour, nous, devons fai:e un double ex~en de
Notre âme se nourrit du sang (26) ; même les âmes des moi ts conscience. une double pesse de notre ame ou psychostasie (35).
en aspirent encore la vitalité, c'est ainsi que l'on explique les Le matin. nous devons faire notre plan d'action pour la jour-
phénomènes de hantise, de vampirisme, d'obsession, les appa- née. et, le soir. faire notre bilan pour voir ce que nous en avons
ritions et les fantômes qu'ont pu percevoir certaines personnes.
Notre âme est reliée au corps par les bronches (27) et non
réalisé. . .
Les « Vei·s Dorés» le disent. sans equivoque :
p~r le cerveau. Elle entre en nous avec le premier acte respira- «En sortant du doux sommeil, dit Porphyre da.ns son te~t~,
toire, elle s'envole du corps avec le dernier soupir (28). « tu dois d'abord réfléchir avec le plus grand soin aux ~ffe-
La nu~t, elle acquiert une expansion plus grande et pendant « rentes œuvres que tu devras réaliser dai:is le courant du J.~ur.
le sommeil, elle peut se déplacer à des distances considéra- « Mais, le soir, ne laisse jamais le sommeil fermer ta paupiere,
bles (29). On explique ainsi les cas de télépathie de clairvoyance
et de prémonition. '
(30) Dlog. Laërce: VIII. 27 à 32. Cf. Plut.arque: Du visage qui appa-
rait sur l a 1une, c h · "X.XVIII ·· De ceux· que la Vengeance
. divine atteint
ft 1•. t • t travail
<24) P~aton: Sratyle (400 c.) Plotin: Ennéades IV, 8, 3, 4. tardivement, ch. XXIII et XXIV. On lira avec pro t in eressan
(25) Diog. Laérce : VIII, 28. Cf. le commentaire de Délatte · La Vie de Guy Soury, sur la Démonologie de Plutarque, Pans. Les Belles-Lettres.
de Pythago.re de Diogène Laërce. Bruxelles, Larnertin, 1922, pp.· 213 seq, 1942.
(26) Diog. ~aerce: VIII, 30. Le Pythagoricien Empédocle prétend que (31) D. L. 30.
pendant notre vie t~rrestr~ c'est la masse du sang qui iporte notre âme. (32) Id. 27, 28. . L IV b X:X 1
(Cf. Plutarque, Placita Philos., L. IV ch 8) ( 33) Id. 30. Cf. Plutarque, Pla cita Philos. . . c · • , ·
(27) Id. VIII, 31. ' . . (34)Pausanias: Ch. XIX.
(28) Aristote : De An. A. 5. (35) Diog. Laërce: VIII, 22.
(29) Photius : Cod. 249, p. 439 A. (36) Cf. aussi Porphyre, V. P. 40.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 145
144
ois demandé en soumettant à ta raison les « Ne mange pas de la main gauche» (Symb. 8) (43). Pour les
« sans que t u te S ' . . . . ?
Anciens, c'était celle de l'imperfection, du profit malhonnête.
« actions de la journée : « Quelles trans.~ressV1o_n~f~1-Jle commises .
' · · f it ? Quel devoir ai-i e oublie ? eri ie ous tes N'acceptons donc rien d'une source impure.
1 actes
« Q uat-je a1. . ·
« passés en commençant par le premier ; si t.u ttrou\·~s ·~ rsb9ue
(,( tu as mal agi, adresse-toi des reproches ; si u as ai ien,
fe « N'attise pas le feu avec un glaive» (Akousma 5) (44). N'ex-
citons pas un être en colère, calmons-le au contraire par de
douces paroles ou une suave harmonie. La colere est une ma-
« réjouis-toi. » (Vers Do~és : 40-44). . . ladie, que l'harmonie peut guérir, en rétablissant l'ordre qui a
Cet exercice journalier de la psychostas1e nous pet mettra de
toujours « faire le point» de notre avancement moral. été troublé.
« Ne porte pas l'image d'un Dieu sur un anneau » (A k. 9) ( 45).
Sachons nous taire et ne parlons pas de sujets élevés à tout le
D) D'où vient notre âme ? monde.
Elle provient selon Cicéron (37), qui reprit cette these à cer- Ne jetons pas aux pourceaux les perles de I'initiation.
tains Anciens de l'âme cosmique. Elle s'attache à un corps phy- « Sème la mauve sans la manger » ( Ak. 13) ( 46). Sois doux
sique, en leq~el elle est tombée. Elle est un nombr~ qu.i se meut pour autrui mais pas pour toi-même.
par lui-même (38). Elle tombe en un corps donne suivant une « Ne romps pas le pain » ( Ak. 24) ( 47). Ne sois pas avare ;
les Anciens divisaient le pain en quatre carrés, par une croix
secrète affinité (39). gravée en son centre. Donnons aux malheureux largement et
Pourquoi fait-elle cette chute ?
Pour son bien, pour son progrès ; pour évoluer vers la per- non pas parcimonieusement.
fection et redevenir digne d'appartenir un jour à nouveau à sa « Détourne de toi le glaive effilé » ( Ak. 40) ( 48). Ecarte-toi des
violents, des colériques, des médisants.
patrie céleste ( 40). « Honore la toge, la chaire, le Ternaire » (Ak. 53) (49). Res-
Enclose dans le corps, elle est limitée par celui-ci, tant dans
pecte la Hiérarchie, l'autorité légitime, l'harmonieuse organisa-
la connaissance que dans la radiation. Elle ne peut mourir pour
renaître ; c'est la dualité : corps-âme qui périt, pour que sur- tion du monde.
Enfin, signalons que les « Vers Dorés » que tout le monde
gisse de cette rupture du lien qui la relie à la terre, une possi-
connaît, s'ouvrent par l'invitation à reconnaître la Hiérarchie qui
bilité de réintégration céleste. L'homme meurt, en ce sens que
domine le monde et à laquelle le Myste doit rendre un hommage
son corps physique retourne à la terre ; la particule d'éther
chaud de son âme subsiste un certain temps après la mort, légitime.
« Avant toute autre chose, rends aux Dieux Immortels le
puis connaîtra la mort à son tour : ce sera la seconde mort. Mais « culte consacré ; révère aussi Celui qui protège les serments
sa. par.ticul~ d'ét~er froid est immortelle et subit la loi des péré- « et les héros pleins de noblesse. Honore enfin les esprits sou-
grinations jusqu'à son ascension finale ( 41). « terrains et offre-leur les sacrifices traditionnels » (50).
Telles sont les très grandes lignes des leçons que recevaient
les Akousmatikoi.
Le Maître leur parlait encore par énigmes. IV. - Les Secrets des Mathématikoï. - Les Nombres.
« C'est un crime, leur disait-il de jeter la pierre aux fon-
taines » ( Symb. 7) ( 42). ' Le Nombre est la clé du monde ; tout mouvement est soumis
. ~a .fon~aine donne libéralement son eau claire à tous, sans à une loi, or, tout est mouvement (51).
discrimination e~ sans intérêt. L'initié fait de même. Il ne faut
pa~ se montrer ingrat envers ceux qui éclairent le peuple, qui ( 43) Id. pp. 284, 285.
ser vent leurs semblables, par les conseils de leur sagesse ·1 res- (44) Id. pp. 233, 234. Plutarque : D'Isis et d'Osiris, I, 10.
(45) Dacier, Tome I, pp. 235, 236.
pectons donc nos maîtres car ils sont nos bienfaiteurs. ( 46) Id. p. 238.
( 47) Iod. pp. 242, 243.
(37) De Senect, 21. ( 48) Id. p. 259.
((38) PJuta~que. Plac. Phil. IV, 2, 2, Mac.robe : S. Scip. I 14. ( 49) Id. pp. 272, 273, 274.
39) Claudien : De statu Anim II ' (50) Début des Vers Dorés, traduct. Siouville, Paris, le Symbolisme,
( 40) Platon : Phédon ai a . . 1913.
(41) Cf. Plutarque · su 1 · f . (51) Jambl. V.P. 146.
(42) Dacier . V p T. r ace paraissant sur la lune, 28 seq.
· · · orne 1a, pp. 283, 284.
'
PYTHAGORE ET LES lWYSTr:RES
146 PYTHAGORE ET LES l\1YST~:RES
147
Il existe un ordre, une hai manie universelle, dont le Nombre
Il a été créé dans l'esprit des hommes, par la construction
est l'expression sensible. mentale (59).
Tout est donc réductible à un nombre.
L'homme est un petit monde, d~ns le grand. un 1n1c1 ocosrne Il se ~~la~e. et il s'étend ~ar 1 a produit 2 en aspirant la puis-
dans le macrocosme ; il peut s'exprimer. lui aussi. par un nom- sance de l inf 1n1 ; 1 est le point ; 2 est la ligne ; 3 est la surface ;
4 le volume (60).
bre ( 52). l · t t L'unité est le point de départ, le germe.
Certains nombres concordent ou sympat usen en re eu~,
d'autres pas ; les nombre.~ p~u~ent donc exprimer la sympathie 5 donne la couleur et la qualité ; 6 la vie animée ; 7 la raison,
ou l'antipathie ou encore l 1nd1f!ere~ce. , . la santé et la lumière ; 8 l'amour, l'amitié et la prudence · 9 la
Dieu est le premier moteur ; 11 est_ le Nornbi e ineffable .. ~l Justice ( 61). 10 est le nombre parfait, il contient à la fois 1~ bien
est le principe de toute chose ; i.l donne a chaque chose son unité, et le mal, le pair et l'impair, le mobile et l'immobile. Il renferme
car il fond les principes contraires en une seule substance (53). en lui la puissance active de tous les nombres ; il est le principe
Le monde dans son unité. est un Nombre ( 54) : le Kosmas de toute vie, de toute intelligence ; il représente la vie divine,
l'être dans sa perfection, car il est non seulement la somme de
est une harm~nie et, par conséquent, un nombre. Le. nombre 10 unités mais encore l'unité de cette somme (62).
est à la fois la substance. la matière, le principe de la Lorme et
du mouvement en toute chose. Les Grecs appelaient 1 : Apollon ; 2 : Artémis ou Rhéa ;
Un est le principe universel, le Père de tout nombre, le père 3 : Athéna ; 4 : Hestia ou Dèmètèr ; 4 est le nombre vivant par
excellence ; le nombre sacré, il forme la Sainte Tétrade ; il est
suprême ( 55).
la racine de l'être et, seul de la décade, il est engendré par un
A

Le monde est fait à l'image du nombre et chaque etre est


un composé de fini et d'infini. nombre de celle-ci et en engendre un autre : car 4 naît de 2, en
effet 2 X 2 = 4 et, d'autre part, 4 en engendre un autre, car
Tout être a sa place dans l'ordre universel : tout être a en lui 4 X 2 = 8. Il est aussi le nombre carré dont les côtés sont égaux
un élément de perfection ; il en résulte que le mal n'est qu'une et il symbolise à la fois : les 4 saisons, les 4 éléments, les 4 âges
chose relative car l'harmonie universelle n'est troublée par au- de l'homme ; les 4 vies de l'être humain et les 4 formes des orga-
cune dissonance, toute dissonance éventuelle étant couverte par nisations politiques (63).
l'harmonie de l'ensemble.
7 est au contraire le chiffre de l'homme : il peut naître dès
Tout être est composé de fini et d'infini ; car il procède de le 7" mois ; sa vie se divise en périodes septennales : de sa nais-
l'Unité et est composé de pair et d'impair ; de limité et d'illi- sance à sa 7" année, il fait pousser ses dents et se borne à croitre ;
mité ; il est donc une harmonie des contraires et cela explique de 7 à 14, il est un enfant ; de 14 à 21 un adolescent ; de 21 à 28,
l'imperfection humaine (56).
un jeune homme ; de 28 à 35, un homme fait. Il décline alors par
Au-delà du monde organisé, existe un élément sans forme, périodes de 7 années (64).
infini, sans détermination, sans limite et sans nombre : c'est là L'être est une harmonie car il est un nombre de nombres. C'est
que puise la matière quand elle prend forme et devient un espace l'harmonie entre notre âme et les choses qui nous entourent qui
plein, limité, déterminé et distinct du vide.
nous permet d'en prendre connaissance, car le nombre de l'âme
La matière est un élément inférieur, négatif, féminin, infor-
me, inharmonique et irrégulier (57). (59) Aristote : Mét. IX, ch. IV.
. Le .monde est éternel ; il est un être vivant, il respire, il (60) Aristote : Id. XIV, 3.
aspire, il se meut de lui-même et ne peut donc périr (58). (61) Philo!. : Fragm. 21.
(62) Aristote : Métaph. I, 5. - Théon de Smyrne : 1:1.. Mat~. p. 49.
Sur les diâïérents nombres, voir aussi Plutarque, De Placitis Philosopbo-
rurn, L. I, ch. III ; Propos de 'Dable, L. VIII, ch. 1.I. L. IX, . ch. ill0 ; D~
(52) Anonzmus Photii, V.P. 15. la Création de l'Ame dans le Timée, ch. II, 2 ; Questions romaines, n 102:
(53) Proclus : III, 7. sur I'Ei de Delphes ch. 8 et 10; sur la vie d'Homère, 145. Cf ~uss1
(54) Jambl. : V.P. 146, 147. l'étude sur la Tétraktys et le Carré de quatre, publiée p~ René Gueno_n,
( 55)Philo 1. : frag. 22. dans ile no 208 (du 1~r-4~1937) de da revue : Etudes 'I'raditionnelles, Paris,
(56) Nicomaque de Gérase : Ar. II. B. Chacornac, éditeur.
(57) Théophraste : Met. 9. (63) Chaignet : t. Il, •pp. 109, 117, 118.
(58) Philolaüs : fragm. 12 B. (64) Chaignet : Tome 2, p. 121.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
148
et le nombre des choses sont semblables et le semblable est intel-
ligible au sensible. . ,
Le monde est un instrument harmon1eu:c .. c est ~a lyre de
Dieu dont Il joue, dont Il tire des accents divins, qui forme la
céleste harmonie des sphères, entendue. par Pythagor~ .de son
vivant et par tous les élus, ravis en esprit s~r le plan divin (65):
Tout est harmonie dans le monde : la dista nce de la terre a
la lune est d'un ton ; celle de la lune à Mercure, d'un dc:ni-ton ;
celle de Mercure à Vénus. d'un demi-ton ; celle de Venus au
Soleil d'un ton et demi ; celle du Soleil à Mars d'un ton ; celle
de Mars à Jupiter et de celui-ci à Saturne, d'un demi-ton. Enfin
il y a un ton et demi de Saturne aux étoiles fixes - le tout donne
une gamme de 7 tons (66).
La Musique participe à cette universelle harmonie ; il y a
entre les notes de sa gamme des intervalles identiques à ceux qui
existent entre les planètes ( 67).
La Musique harmonieuse vitalise l'homme. Celle qui est non
harmonieuse le contrarie, le blesse, l'excite. Toute maladie mo-
difie les activités du corps de façon à en léser l'harmonie. Aussi
peut-on guérir les malades par des chants accompagnés de mu-
sique. .
'~~ ..
De même que chaque note a des harmoniques et que la '<
,
gamme se répète indéfiniment, jusqu'à devenir inaudible à
'.-~'
i'n~

l'oreille limitée des hommes, de même notre âme a des doubles,


\

des reflets de plus en plus substils, qui la mettent en vibration sur


des mondes invisibles.
Par le rêve, certains de ceux-ci peuvent être atteints grâce à
leur harmonie. Dans l'extase, on perçoit l'harmonie cosmique dans
son intégrité (68).
Les plus importants des astres donnent les diverses notes de
cet 01 chestre extraordinaire ; l'ensemble des astres donne la
gamme entière, dans un accord d'une suavité indicible (69).
. ~a musi~ue est à la fois un hommage aux Dieux, une puri-
fication de 1 ame et une stimulation du corps (70).
Elle est un canal vers le Divin elle nous enlève et nous fait
atteindre les joies du sublime. '
~ha.cun de nous a un rythme vital particulier : son cœur, sa
re.~p~rat1on, . sa cha,leur, sa pensée ont des ondes de longueurs
précises, qui font emaner de son être une radiation déterminée; Pythagore. père de la M1lsiq1te et ses disciples.

(65) Jambl. V.P. 65.


(66) Pline : Hist. Nat. II, 22.
(67) Idem.
(68) Photius : 249.
(69) Ar~st. : De Coelo, II, 9, 1.
(70) Aristote : Pol. VIII, 7.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 149

cslle-ci heurte celle~ des, autres étres et lui donne ainsi, sponta-
ncm~nt, une sensation d amour, de haine ou de neutralité, pro-
portionnellement aux combinaisons qu'a produites la rencontre
de ces nombres .
. . ~es Math~~ati~oi déduisaient aussi des nombres la possi-
bilité de la Divination (71) ; le Maître en était un professeur
averti. Il l'appliquait notamment à l'Onomastique courante.
« Les Pythagoriciens assuraient, dit Agrippa, dans son traité
la Vanité des Sciences (72), que chaque lettre a un nombre cer-
tain, qui désigne l'avenir. On peut ainsi deviner ce qui doit arri-
ver aux hommes, en calculant les nombres contenus dans les
lettres de leurs noms propres. Que celui, dont 1.es lettres produi-
sent. par l'addition, une plus grosse somme, doive être supérieur
au combat, au jeu ou dans les procès, tel est le résultat. Suivant
ces règles, il était clair que Patrocle serait tué par Hector et
Hector par Achille, car si le nom du premier donnait le chiffre
de 861, celui d'Hector donnait 1225 et celui d'Achille 1501 ».
Le sens occulte de l'Akousma 52 : Un. Deux était aussi ensei-
gné à ce degré.
Une des Similitudes vise les obscurités de la science des Nom-
bres : « Quand une formule devient impérative, dit-il (Hom. 14),
« son sens s'obscurcit et elle devient une réelle énigme ... » (73).
D'autre part, le Maître enseigna à ses disciples la mystérieuse
puissance du Nombre d'Or, obtenu par la formule suivante :
V5 + 1
---- = 1 618. Si l'on divise un segment AC en deux segments
2 ' AC AB
inégaux AB et BC par le choix d'un point B, tel que
1
' AB BC
on trouve le partage asymétriq:1e le pl~s .harmonieu~ et le plus
logique ; ce rapport fut appele : la divine pr~p?rt1on pa~ !ra
Luca Pacioli di Borgo, qui lui c,onsacr~ un traite . : J?e Divina
Proportione (Venise, 1509), illustre par Leonard de Vinci.
C'est sur cette formule extraordinaire que sont basés tous les
canons de la beauté corporelle de l'homme, toutes les harmo-
nies de l'architecture ; et jusqu'aux dimensions des fleurs et des
cristaux.

(71) Jarnbl. V.P. 93 ; 147.


(72) Chapitre XV.
(73) Chaignot : tome 1, page 153.
'
PYTHAGORE ET LES MY STER ES
150
Matila Ghyka lui a consacré deu.x volumes (74). ,
Les Mathémati.koï étaient aussi des as~ro?~mes et des geo-
mètres. Nous ne pouvons dans le cadre limité de ce modeste
travail de vulgarisation élémentaire, rappeler t?ut ce que. le
monde doit à Pythagore en physique, en acoustique. en arith-
métique. en science positive. , . , .
Retenons cependant qu'il a laisse un: telle, impi ègnation de
sa doct ine dans le monde de la pensee qu actuellement, les
dernières hypothèses de la science en reviennent à ses anciennes
formules ...

V. - Les Secrets des Sébastikoï : les Rêves, l'Ypsilonn, l'Au-delà.

De tous les degrés de l'Ordre. le troisième était le plus pro-


fond car il conférait au récipiendaire une maîtrise réelle.
I. - On lui enseignait d'abord l'importance et la signification
de ses rêves. Déjà, dans les vieux rites cathartiques. ceux-ci
étaient une porte ouverte sur le monde invisible, une communi-
cation possible avec les génies chtoniens, qui vivaient dans les
cavernes (75).
On imposait aux Sébastikoï de retenir et de noter leurs rêves.
Et cet exei cice méthodique développait leur clairvoyance d'une
façon remarquable, en réveillant en eux l'exercice constant de
leur mémoire astrale. Plutarque signale qu'en rêve, on peut per-
cevoir aussi bien des vivants que des morts ; on les distingue
sans effort les uns des autres car le mort ne donne pas d'ombre
et ne cligne pas de l'œil (76).
Jamblique signale d'autre part qu'un rêve peut avoir une
autre conséquence qu'une prévision du futur. Il peut permettre
une vision de réalités permanentes. Combien de Sages ne sont-
ils pas descendus ainsi dans le royaume des Morts et n'y ont-ils
pas fait des prospections sensationnelles. Le rêve peut devenir
une expérience objective et être autre chose qu'un avertisse- ,.
ment ou un présage.
On s'y préparera par ?~s fumigations apaisantes, des chants,
les accents de la lyre et l'elevation de l'âme.
II.. - On leur enseignait aussi la pratique de l'hypnose et de
la clairvoyance. Car, enseigne Jamblique toutes choses exis-
tent de toute éternité, en la pensée divine, sur le plan divin.

La msjstérieuse lettre 1' (Ypsilonn) .


. (74) .~atila Ghyka : Le Nombre d'Or : I les Rythmes II les Rites;
Paris, Editions N.R.F. 1930.
(75) E. Rohde : Psyché, pp. 100 seq.
(76) Cf. Plutarque, Quaestion Graec, n° 39.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 151

On peut les percevoir en se haussant jusqu'à ce pl · ..


l'âme peut l' f . an ' en reve,
· . Y ire par ois, pai, perception directe, les événements
du futur ou les faits du passe ou du présent car il n'y a p s d
temps sur ce plan spirituel. a e
. Elle peut Y trouver aussi des solutions à des problèmes de
s~1cnce : des re.mè~es ~tiles (comme dans l'antre de Tropho-
nios) (77) : des inspirations subites et fécondes · des révélations
de faits imprévisibles. '
. Mais on peut atteindre ces résonances sur les plans supé-
r icurs par un autre mode opératoire que le sommeil et les rêves
le. dédou?lement spontané ou volontaire : on peut obtenir le~
mcm~s resulta~s pa.r le mo~e de la magie opératoire. Le procédé
classiq ue consiste a magnétiser un jeune enfant, à le placer
devant un miroir magique ou devant le Feu sacré : à guider ses
premières visions jusqu'à une parfaite pratique de la clair-
voyance catoptromantique (78).
L'Egypte connaissait et employait ce procédé couramment ;
1 ien n'est plus inst uctit à cet égard que le texte du papyrus
du Nome d'Oxyrinque (79), où le prêtre fait voir les Dieux dans
la flamme de la lampe, à un jeune enfant encore pur.
C'est en Egypte que le Maître apprit à développer ce pro-
cédé pratique et aux résultats rapides.
La réalité des pratiques de magie cérémonielle est attestée
par les allusions que fit Cicéron aux « meurtres rituels » d'en-
fants par le consul Vatinius, pythagoricien notoire (80) ; c'était
là, certes, une basse calomnie et au surplus, une malice d'ora-
teur ; mais les flancs de la Basilique elle-même nous édifient
sur le caractère courant des expériences de clairvoyance, puis-
que Carcopino ( 81) et M,,.. Strong ( 82) en ont découvert deux
images, sur les stucs de la basilique souterraine.
III. - Deux chemins sont ouverts au Maître (83) : celui du
salut et celui de la déchéance ; celui de la victoire dionysiaque
et celui du triomphe titanique ; ~elui du bien ou. ~elui d~. mal.
Il faut bien appliquer ses pouvoirs et ne les utiliser qua des
œuvres de lumière. , . .
La mystèi ieuse lettre Y (Ypsilonn - U grec) était enseignêe
aux Sébastikoï pour qu'ils pussent mesurer . chaqu~ ~o~ ~eur
progrès spirituel par u~ graphique conform_e a la r~alit~. s! la
branche droite dépassait celle de gauche, 11 Y avait progres :

( 77) Jambl. : De l\1ysteriis, L. III. ch. 3-4. .


(78) Cf. Delatte : La Catoptromancie grecque, Pans, Droz, 1932.
(79) Cf. Note 15. o. 118.
(80) Cicér. In Vatin. VI, A.
(81) et (82) oarcopino. p. 261.
(83) E. Rohde : Psy~hé, •p. 444. note -l.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
152 PYTHAGORE ET LES l\fYSTÈRES
153
il y avait recul, dans le cas c?ntrair~. Le stat ~l q!Lo se notait par Munie de la Lumière sacrée elle allait enfin a· 1 Libé ti
deux branches égales. Ce signe discret mais éloquent servait 'a l' 111
· d 1c1· bl e J<He
· · d e l',eternite, bienheureuse...
' a 1 era ion '
aussi à faire des rapports sur les membres de I'Ordre objet de
la sollicitude de leurs chefs ; une petite lettre et on était ren-
seigné. Ce signe ne rappelait pas seulement la légende d'Hercule, VI. - Les Secrets de Politikoï : la Balance.
ayant à choisir entre la Vertu et la Volupté ; il avait encore une
signification secrète, relative au destin posthume <le l'âme et Un~ fois formé à la Vérité par une étude des lois de la Nature
seuls des initiés en savaient le sens véritable. et la decouv:e~te des . Mysteres essentiels de la destinée humaine,
1~ Pythago~1c1e~ éminent pouvait acquérir le dernier degré de
IV. - Les Sébastikoï étaient parfaitement documentés sur 1 Ordre, qui avait une grande importance.
le sort de l'âme après la mort. Qu'il fût doux ou sévère, âgé ou encore homme mûr on lui
Ils avaient appris par leur Maître que l'âme est immortelle ; apprenait l'art ingrat et difficile de conduire et de guider les
que toute mort n'est qu'un changement d'état puisque le néant hommes.
est une chose impossible ; que tout changement d'état se traduit
par une pérégrination posthume. La politique est l'art le plus complexe et le plus décevant
Il y a une Justice immanente et elle est terrible dans ses car les sujets n'ont que des tendances égoïstes et matérielles et
conséquences. Il serait décourageant de voir toujours l'inno- la masse est sourde et aveugle au simple appel du devoir et de
cence opprimée, le plus fort dominer le faible, le maitre abuser la vertu.
de son serviteur, le riche dépouiller le pauvre.
Le Jugement posthume, la suprême psychostasic met selon La Politique étudiait avec soin les principes d'un bon gouver-
le Pythagorisme, bon ordre à tout abus. ' ' nement. Après la mort du Maître, les grands législateurs de
. , Mais de.ux .dif~iculté~ étaient à résoudre par l'initié : la pre- l'Ordre, comme Zaleucus (86) et Charondas (87) établirent de
miere., consistait a savon· comment l'âme pouvait réveiller sa curieuses leçons dans le domaine social.
c?ns~1ence, dai:s le paysage sombre de I'Hadès ; et, une fois ce Voici un très bref résumé de leurs principes :
réveil accompli, comment elle pouvait trouver sa route et ne
pas demeurer longtE~mp.s ~x~lée dans cette région inhospitalière. Les Dieux sont le fondement de toute autorité ; le gouverne-
La s:conde consistait a éviter un jugement trop sévère car la ment, les lois, le droit découlent d'eux ; la reconnaissance de
plus ter~1ble des sentences était certes la condamnation de l'âme leur souveraineté est le fondement même de l'ordre social. Il
a revenir sur terre, à rentrer dans un autre corps, à recom- faut donc obéir à la loi et combattre l'illégalité (88) ; un soin
mencer le cycle douloureux des renaissances · à subir une fois particulier doit être donné à l'éducation civique de la jeu-
de plus le fardeau de l'existence terrestre ' nesse (89). Les magistrats doivent être impartiaux et dignes, ~t
L'initia~ion au troisième degré résolvait entièrement ces se montrer les pères de leurs administrés (90). Il faut en reverur
de~ probler:i~s. ~unie d'une formule sacrée (84), l'âme se rani- au culte des ancêtres à la vénération des parents, à l'esprit de
~ait e~ se d~r~~ea1t dans l'Hadès ; et, armée des secrets initia- famille, à la pratique' de l'hospitalité, à la pudeur et à la modes-
119-udes u ~;oisieme. degré, elle échappait pour toujours à la dure tie (91) ; et la cité sera heureuse. Elle devra exclur.e les destruc-
01 e 1 a reincarna tien ( 85). teurs de l'idée nationale · les sceptiques et les sophistes, dont les
Tous les secrets lui étaient révélés. ravages ont causé la pert~ de tant de cités florissantes (92).
d c:u:i< de l'Egy~t~, ceux de !'Orphisme ceux de la Grèce lui
onnEatient sur1l1es regions des Ombres des précisions nécessaires (86) Voir Delattc: Essai sur la Politique Pythagoricienne. Liège, 1922.
pour e e ce n'était pas th d . · pp. 183 et suivantes (traductions).
« passerait de la Lu Sun. my e e savoir comment elle
(87) Id. pp. 195 à 202.
« Bienheureux ». ne au olell, pour atteindre les Iles des (88) Jambl. : V.P. 171.
(89) Char., fr. 6.
(90) Zaleuc : fr. 13. Cbar. : fr. 9.
(84) Magnien : op. ctt. p. 256. (91) Ohar. : fr. 12-21C,hfr. 5 .. t.r Hippodamos Péri Politeias. Delatte,
(85) Id. pp. 272, 273. (92) Zal : fr. 12. - ar. . . 12 · •
pp. 150, 160.
PYTHAGORE ET LES l\IYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
154 155
Et Hippodamos de Thurium, autre législateur pythagoricien, Il doit rayonner autour de lui la chaleur et 1 1 iè .
enseignait à son tour (93) : que la communauté nationale est a reçues. Il fera cela, non en descendant dans l'a , urru r~l~u'il
basée sur l'accordement de tous les citoyens, sur leur union, sur et en participant lui-même au gouvernement a:ene pu ique
di ,t f , mais en conseil-
le jeu harmonieux de toutes leurs institutions. L'homme a trois 1 ant iscre e.ment, ermement et affectueusement tous 1 h _
agents pour devenir meilleur : les discours, l'obsci vation des mes. ses amis et ses frères. es om
coutumes locales et des traditions nationales, les lois justes et
salutaires. VII. - La Katabasis du Maître.
La loi impose la crainte ; l'honneur naît des coutumes car
ceux qui les violent ont honte de mal faire ; le dé-sir naît du La légende veut que beaucoup de personnages de l'Antiquitê
discours, qui a enflammé les cœurs. a~ent ~ai: ;in voyage r;nenta~ dans 1',Hadès, et que cette explora-
Tous trois concourent ainsi à l'édification d'une cité heureuse.
tion ait ete pour eux 1 occasion de decouvertes utiles.
On obtiendra le bonheur de tous en orientant les passions de Virgile, dans l'Enéide ( 95) et Lucien, dans la Nécyoman-
la jeunesse vers les idéaux nobles et désintéressés : en modé- tie (96), ont décrit en détail ces sombres contrées, le premier
rant l'accroissement des fortunes ; en répartissant équitable-
avec la plume d'un initié et le second avec celle d'un profane
ment les charges ; en développant la collaboration de toutes les
sceptique. Le premier s'y montre religieux et respectueux et le
classes de la cité. Certaines villes ont connu de grandes acquisi- second, bouffon et satiriste. Il existe aussi un fragment d'un
tions et une opulence considérable. Puis elles ont fléchi. dans le
ouvrage. L'Abaris (97), narrant la descente du Maître de Samos
plaisir et la paresse ; elles sont tombées une à une. Pour éviter
la ruine, arrêtons la décadence des mœurs et des institutions. aux Enfers. Il y aurait vu quelles punitions attendaient dans
Et il sera un jour, agréable de vivre en société. l'au-delà les poètes et les écrivains, qui avaient médit des Dieux
Et le Sage ne devra plus se cacher de peur de recevoir des et versé ainsi un poison dans les âmes des hommes.
Homère (98) et Hésiode (99) se trouvaient parmi les âmes
pier es de la foule.
La Balance est le symbole des Politikoï (94). malheureuses.
Elle est l'image de la vie. Tel serait le destin des destructeurs de la spiritualité.
, Si nous divisons c~acu~ ~~ ses, deux bras en cinq parties
egales, nous obtenons six divisions égales : le chiffre 5 est au VIII. - La Métempsychose.
c.entre et ,s):1111bolise ~'aiguille. Un plateau déplacé subit une injus-
Le Maître aurait prétendu (100) qu'il se souvenait parfaite-
tice e,t .mer1te ur:e. aide ; un plateau surchargé crée une injustice
et mérite ,t;D ~~at1ment ; plus on s'écarte de l'aiguille, plus on ment de ses existences antérieures. Il aurait été successivement:
manque ~ équilibre c~r plus le déplacement est grand, ce qui Aethalidès, Panthos, Euphorbe et Pyrrhos. . .
est .a?a1sse tend vers 1 abîr:ie ; ce qui est élevé tend au Ciel et y Est-ce à dire qu'il imposait à tous cette .obhg~t1on de re-
soll~~1te. u? secours ; le chiffre 5 est au milieu et est la stabilité naître ? Les Orphiques répondaient par l'affirmative et cher-
et 1 égalité ! un poids lourd c:ée u,ne angle obtus, un poids léger,
un angle aigu, un angle droit, l'egalité. Plus on s'écarte de la (95) Livre VI. · 1 1 t ' 't
(96) Cf I Lévy op cit. livre II. Renvoyons aussi e ec eur a~ rec~
Justice, plus ,?n ~a.nque d',équilibre. Le chiffre 5 distribue à d'Er, l'&rmênien, su'r s~s aventures dans l'Hadès (Pl~top~~taT::ueRep(d~·~~:
chacun ce qu 11 °!erite et retablit l'égalité. Il ne lèse personne . X) ~ de Timarque que nous a conserve ·'1. •
et nul ne peut le leser. que, 1 ivre ; au reve ' d S · Ion dans le De Repu-
Le Démon de Socrate ch. 22), au songe e cipt • , .
bé ,Lfi'initié n'est, pas un égoïste, qui conserve par devers lui le blica de Cicéron ; enftn à l'histoireT o~il~ndale ~ai~o~:gta
de Soles au .pays des morts, dans le rai e es
J~st'fd:~~~~O:,
ene. ce de s~s etudes. Il doit se rendre utile aux siens, à ses
concitoyens, a ses semblables. de Plutarque, chapitre X.X·II. . id d p t
(97) Id. Dû à un disciple de Plat~ He~c~ ~2 u« ~~h.agore y vit I'âme
( 98) Diog. l.Jaërce, VIII, 2'1 • Porp re. · ·et ·hurlant · et celle d'Ho-
(93) Hippodamos Id Citons p · 1 . . d'Hésiode attachée à une colonne de ,br~nz~erpents. il 'apprit que tous
ment teintées de ces p;incipes 11 ar;i1 hes publications récentes, Iorte- mère suspendue à un arbre et en1tour;ebl ~ qu'ils a~aient .faites sur les
Essai sur le Gouvern t ' a r?C ure de M. Alfred Le Renard, ces suppltces venaient de toutes es a e
tique, 1943. emen • Psychologle et Métapbysique de l'Art Poli· Dieux ».
(94) Delatte : Essai sur la Politique Pythago rrcienne,
.. (99) ra.
p. 69. (100) Id. vrn, 4.
156 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES

chaicnt dans les macérations la purification nécessaire il l'éva-


sion du cercle des palingénésies (101). .
La docn ine est foi t divisée sur c~ point. .
Empédocle va plus loin que le l\1a1tr~ et ?cclaic (102~ .~c sou-
.. avoir été jeune fille enfant. fruit. oiseau et poisson. Il
venu · , , , 1' t d'
admettait donc la rétrogradation dune espèce a au rc, un
règne à l'autre (103). . . , .
Est-ce là la raison occulte des immenses m1sc,1 es an1~ales, de
tous les hideux supplices imposées par l'hom~11e a ses n~elcs ser-
viteurs: chevaux de trait et de rnine : chiens de u ait et de
garde; chiens et chats livrés au scalpel impitoyable des vivi-
secteurs?
Quel grand, quel immense problème ...

IX. - La Barque Sacrée.

Lorsque tu auras quitté ton corps, pauvre âme, et que tu


fiotteras. éperdue, dans le jour irréel cle l'A menti, peut-être te
souviendras-tu encore des enseignements secrets du vieux Maitre
de Samos.
Tu sauras alors que ton séjour sur les bords du iieuve infer-
nal r'est pas de longue durée pour celui qui sait se souvenir des
Vérit~s reçues.
En cette heure. où il ne te sera plus possible d'avoir encore
le moindre mérite, peut-être seras-tu heureuse de recevoir 1tn
mystérieux secours de la terre, car de l'autre côté des mondes,
ceux qui t'aimèrent et qui continueront à le faire, émettront vers
toi une prière secourable. Et alors, toute frissonnante de joie,
tu verras venir vers toi la Barque sacrée de la délivrance.
,Et elle te conduira, tutélaire et bénéfique, à ta dernière
Pesee ...

X. - Retour à Pythagore.

Dans l'immense inquiétude du monde contemporain, balayé


par .la tourmente
. . et, le désordre, le vieux Maître de Samos a
repris une vie rmprevus.

~101) Cf. Rohde : Psyché, Pages 348 à 375; Ch. Werner: La Philo-
sophie grecque. Fayot, 1938, p. 28.
(102). r"'ragment: 117, des Katharmoi. Plutarque ne l'admet pas pour
. . . . La Barq1Le des A mes
tous (d'Isis et d'Osiris, 72).
{103 Sur I'ortgine de la doctrine de la métempsychose, on lira avec
profit la, conference de M. Przvluskr, sur !'Influence iranienne en Grèce
et d~ns I'Inde, P~ru.e dans le n° 3 de la Revue de l'Université de Bruxelles,
de l annee academ1que 1931-1932, pages 283 et suiv,
PYTI-IACORE ET LES MYSTÈRES
159
Des âmes s~isies du f~i~s?n de l'angoisse humaine et brû-
lantes de la soif de la Vérité, ont interrogé ses mystérieuses
paroles et tenté d'en percevoir l'écho immortel.
Beaucoup d'êtres que n'a point touchés la discipline reli-
gieuse ont couru vers Toi, Maître de !'Illumination, pour te
demander le calme des sens et la paix du cœur.
Ils ont parfois perçu ta réponse.
Ils ont alors regardé le monde avec des yeux nouveaux. Le
mépris qu'ils avaient pour les hommes s'est mué en profond
et put amour ; ils ont trouvé en chacun d'eux un autre soi-
même ; ils ont vu le grain de blé mourir en terre et renaitre.
Car voici déjà que l'heure est venue de l'espérance et de
la Joie.
Le monde connaîtra des temps meilleurs.
L'homme ne sera plus un loup pour l'homme.
Car il viendra un moment, où éclairé de la grâce et inondé
de la lumière de cette ineffable révélation, le voyageur de la
vie comprendra qu'il est «lui, aussi de ,~ette race. bienh~ureuse1
(104), et qu'un jour, montant dans 1 éther radieux, il devra
rejoindre les Immortels (105).

. ri t gr Siciliae et Italiae :
(104) Inscrlption de Pétélia, ds Kaibel. 1nsc P · ·
641. et. Magnien, op. cit. pp. 2LXX71,
(105) Cf. Vers Doré.s: Vers
2'ikr
a'
Cf traduotion: Mario Meunier
c-e~taire d'Hiéroklès (pp. 331
(Paris. L"A!I'tisan du Livre, 1925). u
seq.).
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

Pythagore et son école ont fait l'objet d'une bibliographie


considérable, aussi abondante que contradictoire. Sa biographie.
sa légende, ses théories mathématiques, physiques et physiolo-
giques, ses préceptes ont donné naissance à une doxographie
variée, à une critique étendue.
Notre ouvrage, ayant un cadre forcément limité, n'est en rien
un travail d'érudition ou de critique historique. C'est une œuvre
de vulgarisation pythagoricienne, où toutes les sources ont été
également consultées, sans que soit abordé le problème de leur
valeur comparative ou de l'antériorité de l'une sur l'autre. Nous
compléterons donc les références essentielles, insérées au bas
des pages, par une brève revue des sources principales qu'il y
a intérêt de consulter, si I'on désire pousser plus avant l'étude
de la personnalité du Maître de Samos.

I. - Biographies :
Vie de Pythagore, par JAMBLIQUE, texte grec et version latine;
notes de Kiessling, Lips. MDCCCXV.
Vie de Pythagore, par PORPHYRE, texte grec et version latine;
notes du même, Lips. MDCCCXVI. Cette biographie est suivie de
la Vie de Pythagore par !'ANONYME DE PHOTIUS.
Vie de Pythagore, par DroGÈNE LAËRCE, texte grec et commen-
taires par A. Délatte, Bruxelles, Larnertin, 1922.
Vie de Pythagore, par MALCHUS, texte grec et notes de Ritters-
husius, Altorff, 1610. - Texte de Porphyre.
Vie de Pythagore, ses Symboles, la Vie d'Hiéroklès et les
Vers Dorés, par DACIER, Garde des Livres du Ca?inet . du Roi,
, dans la Bibliothèque des anciens Philosophes, Paris, Saillant et
Nyon, MDCCLXXI, en deux tomes.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTI:RES 165
164
t l Philosophie Pythagoricienne, par A.-Ed. CHAI- JOHN ~URNET : L'aurore de la philosophie grecque, trad. Rey-
GNET~1S~~;.~;: ~ou~onné par l'Institut, Paris, Didier et Cie, 1874, mond, Paris, Payot, 1919, chap. VII.
en deux tomes. ·
Del vitto Pitagorico, par Antonio c occar, F. · n e Ed F
11 e z , . ran-
CHARLES WERNER : La Philosophie Grecque, Paris, Payot,
1938, pp. 28, seq.
cesco Moucke, 1743. K h S 1 IVAN GoBRY: Pythagore ou la Naissance de la Philosophie
Pythagoras Source - Book and Library, par ennet y van Paris, Editions Seghers, 1973. '
GUTHRIE, Platonist Press, Box 42 Alpine, U.S.A., 1920. Pr. G. SAKELLARIOU : Pythagoras, Athènes, 1963. Préface de
Jean Mallinger.
II. _ Etudes et recherches sur la légende et l'œuvre pythagori- PAUL TANNERY: Pour la Science Hellène, de Thalès à Empé-
ciennes: docle, Paris, Gauthier-Villers, 1930.
A. DELATTE : Etudes sur la littérature pythagoricienne, Paris, V. Cousis : Manuel de l'Histoire de la Philosophie, Louvain
F. Michel, éditeur, 1830, n°• 88 à 96, tome I, pp. 92 à 102.
Champion, 1915. . . .. . lVIGR LAFORET, Recteur de l'Université de Louvain : Histoire
A DELATTE : Essai sur la politique pythago11cienne, Id., 1922.
r. ·LÉVY : Recherches sur les sources de la légende de Pytha- de la Philosophie, Bruxelles, Victor Devaux, éd., 1886, tome I,
pages 244 à 278.
gore, Paris, Leroux, 1926. , . ALBERT RIVAUD : Les grands courants de la pensée antique,
I. LÉVY : La Légende de Pythagore de Grece en Palestine,
Paris, Armand Colin, 1941, pages 40-41.
Paris, Champion, 1927. EMILE BREHIER : Histoire de la Philosophie, Paris, Alcan,
G. MEAUTIS : Recherches sur le Pythagorisme, Neuchatel, Ed.
1938, tome I, pp. 50 à 54, pp. 75-76.
Attinger, 1922. EMILE BREHIER: Les Etudes de Philosophie antique, Paris,
H. Husox : Pythagoron, Refugio, U.S.A., 1947.
Hermann, 1939, pp. 4 et suiv.
J. PRZYLUSKI : L'influence iranienne en Grèce et dans l'Inde
III. - Les Vers Dorés : (Rev1ie de l'Université de Bruxelles, troisième numéro de l'année
!VI. MEUNIER: Pythagore: les Vers d'Or, Hiéroclès : Commen-
académique, 1931-1932).
taires sur les Vers d'Or, trad. et notes. Paris, L'Artisan du Livre, EMILE BREHIER : Histoire de la Philosophie, Paris, Alcan,
1925. M. DETIENNE : La notion de Daïmôn dans le Pythagorisme
Les Vers d'Or Pythagoriciens, trad. de Van der Horst, Ed. ancien, Paris, Les Belles Lettres, 1963.
Brill-Leiden, 1932. V. CAPPARELLI : La Sapienza di Pitagora, éd. Zannoni, Padoue,
Les Vers Dorés des Pythagoriciens, selon les traductions 1940-1944.
comparées de Dacier et de Fabre d'Olivet, Pau, Ed. Lescher-
Moutoué, 1905. V. - Recherches sur la Science Pythagoricienne: Outre TANNERY
Les Vers d'Or de Pythagore, trad. de A. Siouville, Paris, Le et BURNET:
Symbolisme, 1913. MATILA GHYKA : Le Nombre d'Or, Rythmes et Rites Pytha-
Les V ers Dorés de Pythagore, expliqués et traduits pour la
première fois en vers eumolpiques français par Fabre d'Olivet, goriciens, Paris, 2 tomes, à la Nouvelle Revue Française, 1930.
LÉON BRUNSCHVICG: Le Rôle du Pythagorisme dans I'Evolu-
Paris et Strasbourg, 1813. '
tion des Idées Paris Hermann, 6, rue de la Sorbonne, 1937.
Les Vers d'Or, trad. de Léonard St. Michel Bourges Ed. Bain, P. BRUNE~ et A~oo MIELI : Histoire des Sciences (Antiquité),
1948. ' '
Paris-Payot, 1935, V, VI, IX.
J. PELSENEER: Esquisse du Progrès de la Pensée mathéma-
IV. - Recherches et études sur la philosophie pythagoricienne :
tique: Des Primitifs au IXe Congrès International des Mathéma-
Outre CHAIGNET et DACIER, déjà signalés : ticiens, Liège, Georges Thone, éd. 1935, pp. 31 à 36, 40, 4_1. .
. TH. Gol\-tPERZ: Les Penseurs de la Grèce, trad. Reymond, J. SAGERET: Le système du monde, de Pythagore a Edding-
Paris-Payot, 1928, tome I, chapitres III, IV et V. ton, Paris, Payot, 1931. , . . .
ERWIN RoHDE : Psyché, le culte de l'âme chez les Grecs et EGMONT CoLERUS : De Pythagore a Hilbert, Paris, Flamma-
leur croyance à l'immortalité, trad. Reymond Paris Payot 1928 1 rion, 1943, ch. r.
chap. X et XI. ' , '
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES
166 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 167
v.
CAPPARELLI : Il Contributo Pitagorico alla Scienza, éd. Zan- L. DuGAS: L'Amitié Antique, Paris, Alcan, 1914.
noni, Padoue, 1955. NrcoMAQUE DE GÉRASE: Manuel d'Harmonique, trad. Ch.
Ruelle, Paris, Baur, 1881.
VI. - La Liturgie Pythagoricienne : G. lVIEAUTIS : Le Livre de la Sagesse Pythagoricienne Paris
JÉRÔME CARCOPINO : La Basilique Pythagoricienne de la Porte Do1 bon aîné, 1938. ' '
Majeure. Paris, L' Artisan du Livre, 1926. . . G. MEAUTIS: Pèlerinages en Grèce, Genève, 1941.
SALVATORE AuRIGEMMA : La Basilica Sotterranea Neopitagorica DIOGÈNE l.,AËRCE : Vie, Doctrine et Sentences des Philosophes
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HERMES TRISMEGISTE : traduction complète par Louis Ménard,
VII. _ Sources diverses (notamment sur les Mystères antiques) : ouvrage couronné par l'Institut, Paris, Perrin et Cie, 1910.
AD. ERNCAN : La Religion des Egyptiens, trad. Wild, Paris, HERMES TRIS1\1EGISTE: La 'I'able d'Emeraude, texte latin de
Payot, 1937. . , . Khunrath, trad. et commentaires par Jean Mallinger, docteur
J. MARQUES-RIVIÈRE: Histoire des Doctrines Esotériques, en droit. Bruxelles, 1932, Ed. Platounoff et Van de Graaf.
Paris, Payot, 1940, chap. I et II. , HF:RoooTE : Histoires. trad. P. Giguet, Paris, Hachette, 1870.
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Paris, Payot, 1941, cf. III, 3 ; III, 4 et IV, 4. Droz, 1932. .
VICTOR l\'1AGNIEN : Les Mystères d'Eleusis, leurs Origines, le P. Coi\1MELIN : Nouvelle Mythologie grecque et romaine, Paris,
Rituel de leurs Initiations, Paris, Fayot, 1938. Garnier, 1907.
J. FoucART : Recherches sur l'origine et la nature des Mys- Louis RouGIER : La Religion Astrale des Pythagoriciens,
tères d'Eleusis, Paris, Imprimerie Nationale, MDCCCXCV. Presses Universitaires de France, 1959.
PLUTARQUE : Isis et Osiris, trad. et notes de Mario Meunier, E. L. MINAR : Early Pythagoreau politics in practice and Theory,
Paris, L'Artisan du Livre, MDCCCCXXIV. Baltimore, 1942.
CLÉMENT D'ALEXANDRIE: Les Stromates, dans: les Pères de F. PoMEY: Pantheurn Mythicum, seu Fabulosa Deorum His-
l'Eglise) trad. en français par M. de Genoude, Paris, Sapia, 1839, toria, Ultrajecti, ap. Guilielmum Van de Water, 1717.
tomes IV et V. CHARLES MICHEL : Notes sur un passage de Jamblique, dans:
APULÉE: Œuvres complètes, trad. française de V. Bétolaud, Mélanges. Louis Ravet, Paris, Hachette, 1909, pp. 279-287.
Paris, Garnier Frères, en deux tomes. THASSILO DE ScHEFFER : Mystères et Oracles helléniques. Paris,
PHILOSTRATE: La Vie d'Apollonius de Tyane, trad. A. Chas- Fayot. 1943.
sang, Paris, Didier et Cie, 1862. PLUTARQUE : Œuvres morales et œuvres diverses. Trad. V.
JAMBLIQUE: Le Livre de Jamblique sur les Mystères, traduit Bétolaud, Paris, Hachette, 1870.
du grec par Pierre Quillard, Paris, L'Art Indépendant, 1895. PIERRE BoYANCE: Le Culte des Muses chez les Philosophes
M. WEYNANTs-RoNDAY : Les Statues Vivantes, Introduction à grecs, Paris, Ed. de Boccard, 1937. .
Fétu de des statues égyptiennes. Préface de Jean Ca part, Bruxel- FR. CUMONT: Les Religions Orientales dans le Paganisme
les, Edit. de la Fondation Egyptologique, Reine Elisabeth, 1926. romain, Paris, E. Leroux, 1909.
, ~oTrN: Le~ Ennéades, traduites du grec en français par GUY SooRY : La Démonologie de Plutarque, Paris, Les Belles
l Abbe Alta, Paris, Chacornac, en trois tomes, 1924. Lettres, 1942. .
M. MEUNIER : Femmes Pythagoriciennes textes et notes, DR. FR. LEXA: La Magie dans l'Egypte antique, en trois
Paris, L'A1 tisan du Livre, 1932. ' • tomes, Ed. P. Geuthner, Paris, 1925. .
AELIEN: Varias Historiae et PoRPI-IYRE: De Abstinentia; De Cabalomachia : hoc est Artis Cabalisticae Oppugnat~o; d.e
Antro Nyrnpharum, textes grecs; version latine et notes de Her- Cabala Hebraica, de Pythagorica; auctore G. Berardo Scinfleru,
cher, Paris, Didot, 1858. V enetüs, MDCCXVIII. .
HoBERT DEMOULIN: Epiménide de Crète Bruxelles Lamer- BLAISE DE V IGENÈRE : La Suite de Philostrate le Jeune, Tour-
tin, 1901. ' ' non Linocier MDCXI pp. 832 et suiv. : Euphorbe, avec notes.
'F. ENRIQ~Es et G. 'DE SANTILLANA : Le problème de la matière:
L. CORNARO : Le Régime de Pythagore d'après le Dr Cocchi
Paris, B'ail1ière et fils, 1880. ' Pythagoriciens et Eléates, Paris, Hermann, 1936.
168 PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES

MARCEL DETIENNE : Homère, Hésiode et Pythagore. Poésie et


philosophie dans le Pythagorisme ancien, Bruxelles, éd. Latomus,
1962.
V. CAPPARELLI : Il tenore di vita pitagorico ed il problerna della
Omoiosis. Edit. Zannoni, Padoue, 1955.
E. LANARI : Gli Insegnamenti Pitagorici, Roma, 1956.
PAOLO VrNASSA DEREGNY : Dante a Pitagora, Milan. éd. Albano
1956. '
J. CARCOPINO: De Pythagore aux Apôtres, Paris, Flammarion NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
1956. ,
Colonel ALLOTTE DE LA FuYE : Le Pentagramme Pythagoricien
Paris, Geuthner, 1934. '

ADDENDUM

La plupart des ouvrages que nous venons de citer contien-


nei:t de multiples et précieuses références bibliographiques. qui
pla,iro~t aux c~erche~rs. Citons spécialemenl: Carcopino, Delatte,
Meaut1s, Magnien, Levy et Gobry, dont la sûre érudition est pour
tous un gage d'utile travail.
L'esprit dans lequel ces volumes ont été écrits varie beau-
coup d'un auteur à l'autre. Pour Isidore Lévy, Pythagore est une
figure légendaire, dont le Christ ne serait que la dernière repré-
sentation, l'ultime écho déformé. Le modèle qui a fourni les gran-
des lignes des Evangiles, la biographie de Jésus comme la subs-
tance de sa doctrine, c'est pour lui, l'Homme-Dieu de Samos, fils
de Mnésarquc et de Parthénis, manifestation terrestre d'Apollon,
celui qui fit briller à Crotone le flambeau sauveur du bonheur et
de la sagesse. Pour Carcopino, qui nous paraît le seul à avoir
pleinement saisi toute la sublimité de la mystique pythagoricienne,
Pythagore est le précurseur de toute la spiritualité chrétienne.
Delatte. qui a témoigné de tant de clairvoyance et d'érudition
dans sa critique des textes, semble moins pénétré de la hautew·
et du rayonnement de la pensée pythagoricienne; pour lui, le
Maître de Samos est un «halluciné qui entend la musique des
astres, un illuminé qui se rappelle ses vies antérieures et son
séjour aux enfers · un thaumaturge, doué d'une puissance psychi-
que considérable>;. Meunier et Méauti« rendent un plus juste
hommage au grand moraliste qu'était Pythagore.
Quant à Burnet, qui n'étudie dans le Pythagorisme OU:e
l'expression des premières synthèse~ sci~ntifiq~es, ~l ne se f8!t
pas faute d'émailler son texte de refiex1ons desobhgeantes, ~es
qu'il se heurte à la terminologie mystique ou à une doctrine
'
PYTHAGORE ET LES MYSTERES
170
essentiellement ésotérique du Maître. Le rôle initiatique de
Pythagore lui a entièrement échappé ; il est en effet certaines
Vérités qui demeureront toujours étrangères aux profanes. El .es
provoqueront chez Burnet un persiflage sarcastique. qui n'est
pas dépourvu de pédanterie.
Quant au professeur Gobry, il voit en Pythagore un homme
éclairé, créateur de la philosophie et personnage historique incon- TABLE DES GRAVURES
testable.
Signalons enfin que Pythagore a été souvent le sujet de thè-
mes littéraires, dépourvus de toute valeur historique. Citons
parmi ses vies romancées les ouvrages suivants :
I. - Gravure liminaire:
EnouARD ScHURÉ: Les Grands Initiés, Paris, Perrin, 1912.
Buste de Pythagore, exposé au Musée du Capitole, à Rome.
HAN RYNER : Le Fils du Silence, Paris, Figuière, 1911.
II. - Page 16 :
, SYLVAIN ~RÉCHAL: V~y~ges de Pythagore en Egypte, Chal- Pythagore et Thalès,
dee, Inde, Crete, Sparte, Sicile, Rome, Carthage, Marseille et les Fresque au mur de l'Aula de l'Université d'Athènes.
Gaules, Paris, Déterville, an VII, en six tomes.
III. - Page 27 :
F. M1LLEPIERRES : Pythagore, fils d'Apollon, éd. Gallimard, Pythagore haranguant les femmes de Crotone.
1953. Dessin de Maréchal, gr. de Halbou, publié dans le cinquième
tome de l'ouvrage : Les Voyages de Pythagore, par Sylvain Maré-
chal, Paris, Déterville, an VII.
IV. - Page 57:
Crotone : Colonne du Temple de Héra et mur de l'Institut de
Pythagore.
V. - Page 114 :
Vue générale de La Basilique Pythagoricienne de La Porte
Majeure, cliché alinari.
VI. - Page 148:
Pythagore, père de la Musique et ses d~cipl~s. . . .
Extraite du livre « Jamblichus Chalcidensts in Nicomachi
Geraseni Arithmeticam introductionem ».Arnhem. Ed. J.F. Hagius
1668. Gravure liminaire.
1 VII. - Page 150 :
La mystérieuse lettre Y (Ypsilonn).
Extraite du livre : « Pythagorae Carmen Au-reum », par J.
Chr. Knauthius, Dresde, Zimmermann, ~ 720. .
Elle nous donne le premier vers d un auteur inconnu! gue
nous a conservé Lacttuice (De Divin. Inst., 1. VI, ch. 3) : « L1ttera
Pythagorae, discrimine secta bicorni ». CHAIGNET en donne le
texte complet (I, page 154).
Saint Augustin et Pythagore
t Chapelle des Espagnols
Eglise Sainte ~l.h.rle Nouvelle il .Florencel
TABLE DES MATIERES

Prolégomènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . 7

LIVRE I

LA LEGENDE ET L'HISTOIRE

Avant l' Apostolat . 11


Chapitre I:
I. - Un pari singulier
II. - L'exilé volontaire. •
III. - L'enfant miraculeux.
IV. - L'élève dépasse ses maîtres.
V. - Les premiers voyages.
VI. - Le séjour en Egypte.
VII. - La protection royale.
VIII. - Le martyre de l'Egypte.
IX. - Le bourreau châtié La capti-
vité.
X. - Retour à Samos.

Les Fondements de l'Œ11.vre . . . . . . . . . . . . . . .


23
Chapitre II :
l. - Le pêcheur d'hommes.
Il. - Discours aux jeunes gens de Cro-
tone. .
Ill. - Discours aux dirigeants du peuple.
IV. - Discours aux femmes et aux enfants.
V. - Le Sermon sur l'Agcra.
VI. - Extension aux cités voisines.
VII. - Double aspect de la propagande.
VIII. - Clairvoyance et miracles.
IX. - Le genou en or.
X. - Modifications politiques.
PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES PYTHAGORE ET LES MYSTÈRES 175
174:

L'Organisation de l'Ordre .. · : · · · · · · · · · · · · · 37 Chapitre II : Caractères des Mystères Pythagoriciens ....


Chapitre Ill : 91
I. - La sélection des can~1dats. I. - Leur réalité historique. - Leur ori-
II. - Les épreuves du Seuil. ginalité.
III. - Le Maître invisible. . II. - Leur caractère.
IV. - Echémytie et Kathartys1s. III. - «De bouche à oreille».
V. - Les degrés de lumière. IV. - La discipline du secret.
VI. - Le salut au Soleil. V. - Le silence, jusqu'à la mort.
VII. - La clé du Symbolisme. VI. - La dignité de l'adepte.
VIII. - Les usages de l'Ordre. VII. - Le respect de la hiérarchie.
IX. - Les morts vivants. VIII. - Les traditions.
X. - L'amour fraternel. IX. - La femme et l'initiation.
X. - Qu'est-ce que l'initiation ?
Chapitre IV : Les persécutions contre l'Ordre et la M art du
Maître . 51 Chapiti e III : La Liturgie Pythagoricien.ne . 113
I. - L'incident de Sybaris. I. - La basilique pythagoricienne de la
II. - L'ultimatum. Porte Majeure.
III. - Intervention du Maître. II. - Le feu sacré.
IV. - La guerre et la victoire. III. - L'eau lustrale.
V. - Les difficultés du vainqueur. IV. - Les purifications.
VI. - La retraite du Maitre. V. - Les sacrifices.
VII. - La campagne de Cy lon contre VI. - Les vêtements rituels.
!'Ordre. VII. - La conduite des travaux.
VIII. - Le massacre et l'incendie. VIII. - Usages liturgiques.
IX. - La mort du Maître. IX. - Les repas rituels.
X. - L'ultime clairvoyance. X. - Les initiations.
Chapitre IV : Les Mystè-res Pythagoriciens . . . . . . . . . . . . . . . 135
I. - L'initié devant le monde.
LIVRE II II. - L'anneau de Polycrate ou les Se-
crets des Exotériques.
LES MYSTERES PYTHAGORICIENS III. - Les leçons des Akousmatiques.
L'origine de l'âme.
Chapitre I: Initiation de Pythagore aux Mystères de son IV. - Les secrets des Mathèmatikoï.
temps ~........................ 65 Les nombres.
V. - Les secrets des Sébastikoï : les rê-
I. -Les Mystères au temps de Pytha- ves, I'Ypsilonn, I'Au-delà,
gore.
VI. - Les secrets des Poli tikoï : la ba-
II. - Les mystères de Crète.
lance.
III. - La Cathartique d'Epiménide. VII. - La Katabasis du Maître.
IV. - Les mystères de l'Egypte. •
VIII. - La métempsychose.
V. - Le contenu des mystères de IX. - La barque sacrée.
l'Egypte. X. - Retour à Pythagore.
VI. - Les mystères orphiques.
VII. - Phérécyde de Scyros.
VIII. - L'influence de Babylone. Notes bibliographiques ··· 161
IX. - Zoroastre et l'Inde. Table des gravures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
X. - Les mystères grecs.
Deuxième édition
revuo et corrigée par l'auteur

Achevée d'imprimer
le vingt-cinquième jour du dixième mois
de /'an mil neuf cent soixante quatorze
sur les presses de
/'Imprimerie F. P/anquart
26, rue Peui-Duez, 59000 Ul/e (France)

Dépôt légal N° 56.43.74 du 4° Trimestre 1974

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