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Conservateurs Collyre

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Journal français d’ophtalmologie (2010) 33, 505—524

REVUE GÉNÉRALE

Les conservateurs des collyres : vers une prise de


conscience de leur toxicité
Preservatives in eye drops: Toward awareness of their toxicity

D. Vaede a, C. Baudouin b,c,∗,d, J.-M. Warnet a,b,


F. Brignole-Baudouin a,b

a
Laboratoire de toxicologie, faculté des sciences pharmaceutiques et biologiques,
université Paris Descartes, 75006 Paris, France
b
Inserm, U968, UPMC université Paris 06, UMR S 968, institut de la vision, CNRS,
UMR 7210, 75012 Paris, France
c
Service ophtalmologie III, centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts,
28, rue de Charenton, 75012 Paris, France
d
Université de Versailles St-Quentin, hôpital Ambroise-Paré, AP—HP,
9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne, France

Reçu le 24 juin 2010 ; accepté le 28 juin 2010

MOTS CLÉS Résumé Les conservateurs sont présents dans de nombreux collyres multidoses. Ils assurent
Glaucome ; la stérilité de la solution vis-à-vis des bactéries et champignons. Cependant, des études
Collyres ; ont montré que les conservateurs sont toxiques pour la surface oculaire notamment chez
Conservateurs ; les patients prenant des collyres au long cours. Le conservateur le plus employé dans les
Benzalkonium ; collyres est le chlorure de benzalkonium, ammonium quaternaire utilisé comme détergent,
Toxicité ; antiseptique, désinfectant, fongicide, bactéricide et spermicide. Son utilisation sur la sur-
Surface oculaire face oculaire pourrait avoir des conséquences importantes en particulier sur le long terme. En
effet, les conservateurs provoquent la dissolution du film lacrymal et sont pro-apoptotiques et
pro-inflammatoires. L’administration prolongée de collyres contenant un ou plusieurs conser-
vateurs conduit à une altération des structures superficielles (conjonctive, cornée) et plus
profondes (trabéculum, cristallin). Les signes et symptômes oculaires les moins sévères se
manifestent par une gêne ou des irritations : sensation de corps étranger de picotement ou
brûlure, d’œil sec. Pour les effets secondaires les plus graves, on observe une inflammation
d’intensité variable allant d’une simple réaction infraclinique au développement progressif
d’une fibrose avec entre autres un risque accru d’échec en cas de chirurgie du glaucome. Le
meilleur moyen de limiter ces complications passe par la réduction du nombre d’instillations
de collyres conservés, et idéalement par l’utilisation de collyres sans conservateur, chaque fois

∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Baudouin).

0181-5512/$ — see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jfo.2010.06.018
506 D. Vaede et al.

que cela est possible. Une meilleure prise en charge de la surface oculaire devrait permettre
d’augmenter le confort du patient, l’observance du traitement et d’assurer l’efficacité d’une
future chirurgie filtrante chez les patients atteints de glaucome.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary Preservatives are present in numerous multidose eyedrops and provide the steri-
Glaucoma; lity of the solution against bacteria and fungi. However, numerous studies have shown their
Eyedrops; toxicity for the ocular surface, particularly in long-term treatments. The most widely used
Preservatives; preservative in eyedrops is benzalkonium chloride. This quaternary ammonium acts as a deter-
Benzalkonium; gent, antiseptic, disinfectant, fungicide, bactericide, and spermicide. Its use on the ocular
Toxicity; surface therefore has significant consequences. Indeed, the preservatives are pro-apoptotic,
Ocular surface pro-inflammatory and they cause the dissolution of the lachrymal film. The prolonged adminis-
tration of one or several eye drops containing preservatives induces changes in the superficial
structures (conjunctiva, cornea) as well as in deeper structures (trabecula, lens). The least
severe symptoms are irritation and discomfort, including sensation of a foreign body, itching,
or burning sensations. However, more severe side effects have been described, such as chro-
nic inflammation of variable intensity or the progressive development of fibrosis with higher
risk of failure after glaucoma filtering surgery. Ideally, preservative-free eyedrops should be
recommended, or at least a reduction of the number of instilled preserved eyedrops should be
considered. All these strategies could increase patient comfort, quality of life, and compliance,
with better outcome at the time of filtering surgery.
© 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction matiquement limité la durée d’utilisation de ces produits


à 15 ou 30 jours après leur ouverture. Néanmoins, dès lors
Parmi les médicaments actuels, les préparations ophtal- que les gouttes sont utilisées fréquemment, les conser-
miques occupent une place particulière tant par leur mode vateurs peuvent avoir des conséquences sévères qui sont
d’administration que par leur forme galénique. En effet, aujourd’hui assez bien documentées, dont entre autres le
les préparations ophtalmiques sont instillées ou introduites développement d’une hypersensibilité aux conservateurs
dans l’œil ou mises en contact avec les paupières et chez des personnes prédisposées. L’utilisation fréquente des
doivent par conséquent être adaptées à cet usage. De ce conservateurs a tendance à fragiliser la surface oculaire, la
fait, ce sont des solutions, suspensions et parfois crèmes rendant susceptible de développer des phénomènes inflam-
ou pommades, contenues dans un conditionnement adapté matoires plus ou moins chroniques pouvant être graves à
tel que flacon en verre, flacon en plastique ou tube en long terme [1]. D’où l’apparition chez certains utilisateurs,
aluminium. La composition de leur formulation doit être de signes cliniques fonctionnels à type de prurit, sensations
compatible avec la muqueuse oculaire, en particulier pour de brûlure, de grains de sable, d’hyperhémie conjoncti-
le pH et l’osmolarité, et le produit administré doit être vale et de douleurs qui traduisent des conjonctivites ou
exempt de particules étrangères susceptibles de provo- kératoconjonctivites. Cette véritable maladie de la surface
quer des irritations ou des lésions de l’œil traité. La oculaire est potentiellement pourvoyeuse d’ulcérations cor-
durée d’un traitement ophtalmique est très variable, de néennes, de sécheresse oculaire ou de fibrose et peut mettre
quelques jours à de longues années comme dans le cas du en jeu le pronostic visuel dans le temps. En outre, il ne faut
glaucome à angle ouvert. Quelle que soit la durée d’un pas oublier les facteurs environnementaux liés aux modes de
traitement avec une préparation ophtalmique, la présence vie actuels qui pourraient aggraver ou favoriser cette toxi-
d’eau dans celle-ci la rend très sensible aux contamina- cité, tels que les ambiances sèches, les climatisations, le
tions microbiennes tant bactériennes que fongiques. Cela travail sur écran, le port de lentilles de contact, le tabac, la
est, bien sûr, d’autant plus vrai si l’on utilise le même fla- pollution. . . Cette revue rassemble et présente une grande
con ou le même tube pendant plusieurs jours et que le partie des connaissances actuelles sur les conservateurs uti-
conditionnement n’a pas été conçu pour empêcher toute lisés dans les collyres, et en premier lieu sur le chlorure de
pénétration d’air ou de toute autre substance après son benzalkonium (BAC). Dans une première partie, les types et
ouverture. Les préparations ophtalmiques sont générale- les modes d’action des conservateurs utilisés dans les prépa-
ment stériles mais cela ne suffit pas pour éviter une rations ophtalmiques seront décrits. Puis dans une seconde
contamination microbienne au cours de leur usage lors d’un partie, un point sera fait sur la réglementation pharmaceu-
traitement supérieur à une seule administration avec le tique en vigueur sur ces conservateurs. Dans une troisième
même conditionnement. De ce fait, un grand nombre de partie, le conservateur de référence pour les préparations
préparations ophtalmiques contiennent des conservateurs. ophtalmiques, car le plus couramment utilisé, le BAC, sera
De plus, pour diminuer tout risque de contamination, même traité en développant entre autres ses propriétés pharmaco-
en présence de conservateurs dont l’efficacité n’est jamais logiques, son mécanisme d’action, sa toxicité et ses effets
absolue, les fabricants de produits ophtalmiques ont systé- indésirables.
Les conservateurs des collyres 507

Figure 1. Formules chimiques des principaux conservateurs des collyres.

Classification des conservateurs et modes stitué par quatre groupements comportant entre huit et
35 atomes de carbone. Parmi les ammoniums quaternaires,
d’action
le BAC est le plus couramment utilisé. On trouve également
Les conservateurs présents dans les préparations dans les préparations ophtalmiques le bromure de cétri-
ophtalmiques se distinguent par leurs propriétés physico- monium (cétrimide), le bromure de benzododécinium, le
chimiques, leur compatibilité avec les autres constituants chlorure de cétylpyridinium. Ce sont des composés bipo-
du collyre, leur spectre d’activité, leur pouvoir bactério- laires, très hydrosolubles, ayant des propriétés tensioactives
statique ou mieux bactéricide, leur virulence contre les (surfactants). Ils agissent principalement par leur activité
espèces pathogènes, leur toxicité oculaire et leur pouvoir détergente plus ou moins puissante conduisant à la dissolu-
allergisant. Ils regroupent les ammoniums quaternaires, tion des parois et membranes bactériennes, à la destruction
les dérivés organomercuriels, les amidines, les alcools de la couche semi-perméable cytoplasmique et au relargage
et les complexes oxychlorés (Fig. 1). Nous ajouterons du contenu intracellulaire [2,3].
volontairement à cette liste les parabens qui se trouvent Leur pouvoir bactéricide est rapide et augmente à 37 ◦ C
principalement dans les produits cosmétiques mais qui en milieu alcalin. Le BAC est habituellement utilisé à des
peuvent intervenir sur la muqueuse oculaire par une concentrations situées entre 0,004 % et 0,02 %. Le spectre
application pouvant être proche de l’œil. d’action est surtout orienté sur les bactéries Gram posi-
tives (Staphylococcus) même à très faible concentration.
Les ammoniums quaternaires En association à l’EDTA à 0,1 %, son activité contre les
bactéries Gram négatives (P. aeruginosa) est augmentée.
Les sels d’ammoniums quaternaires sont des composés Les ammoniums quaternaires sont aussi d’excellents fon-
chimiques constitués en général d’un atome d’azote sub- gicides, particulièrement actifs sur Candida albicans et
508 D. Vaede et al.

Aspergillus fumigatus. Enfin, les ammoniums quaternaires possède également une activité fongistatique. Elle est peu
sont de puissants spermicides et sont utilisés, en dehors active sur Mycobacterium tuberculosis et n’est ni sporicide,
des préparations ophtalmiques, dans toute sorte de pro- ni virucide. La chlorhexidine a été synthétisée pour la pre-
duits d’usage courant (savons, cosmétiques, produits de mière fois en 1950 au Royaume-Uni pendant les recherches
nettoyage, désinfectants. . .). sur le proguanil, un agent antipaludéen [6]. Cette molé-
Le polyquaternium-1 (Polyquad® ) bien qu’appartenant cule est peu allergisante et n’est pas absorbée à travers
également à la famille des ammoniums quaternaires doit la peau saine. En dehors de son utilisation dans les collyres
en être différencié par l’absence de propriétés détergentes (à 0,005 ou à 0,01 %), elle entre aussi dans la composition
et un profil toxicologique beaucoup plus favorable. Grosse des produits d’entretien des lentilles de contact et, à une
molécule pénétrant peu ou pas dans les cellules eucaryotes, forte concentration (4 %), est employée comme désinfec-
cet agent garde cependant une action antiseptique puis- tant en préopératoire pour la désinfection des mains et de
sante même à très faible concentration. Il est ainsi utilisé la peau. Il est néanmoins préconisé d’éviter son utilisation
comme agent décontaminant des lentilles de contact ou dans la région péri-orbitaire car, à cette concentration, elle
comme conservateur dans certains collyres à une concentra- exerce une action toxique importante sur la cornée, source
tion de 0,001 % (contre 0,004 % à 0,02 % pour le BAC), avec un potentielle d’une kératopathie grave avec éventuelle néo-
niveau de toxicité très faible à cette concentration, ce qui vascularisation [7,8].
en fait agent de conservation potentiellement intéressant
pour les collyres à usage chronique [4]. Son développement Les alcools
est en cours en Europe comme alternative au BAC.
Seuls le chlorobutanol et le phényléthanol sont utilisés
Les dérivés organomercuriels comme conservateurs en ophtalmologie. Le chlorobutanol
agit en augmentant la solubilité lipidique et son activité
Ce sont le phénylmercure (acétate, borate ou nitrate), antimicrobienne est basée sur sa capacité à traverser la
le mercurobutol et le mercurothiolate sodique (thiomer- couche lipidique bactérienne. Aux concentrations usuelles
sal ou thimerosal). Ils sont efficaces grâce aux propriétés (0,2—0,5 %), il possède une activité bactériostatique et anti-
thioloprives de l’ion mercuriel. Ils agissent par combinai- fongique. Il est actif à la fois sur les Gram positifs et Gram
son avec les groupements sulfhydryles des protéines et négatifs (P. aeruginosa) et C. albicans. Le phényléthanol est
précipitent les protéines bactériennes par formation de peu actif mais il a une action synergique en association avec
protéinates de mercure. Leur spectre d’activité est celui d’autres conservateurs (chlorobutanol, BAC, chlorhexidine).
des germes utilisant dans leur métabolisme une enzyme
du groupement sulfhydryle, en particulier les bactéries Les parabens
Gram positives et les germes non sporulants. Le thimero-
sal reste le seul actuellement utilisé car il est responsable Les parabens sont des esters de l’acide parahydroxy-
de moins d’effets secondaires [5]. En fait l’application benzoïque. On distingue le méthylparaben (E218),
chronique de sel de phénylmercure peut se compliquer de l’éthylparaben (E214), le propylparaben (E216),
l’apparition d’une coloration grise irréversible du cristallin, l’isopropylparaben, le butylparaben et l’isobutylparaben.
signe d’imprégnation mercurielle, ou d’une kératopathie Leur activité s’exerce davantage contre les moisissures
en bandelette (dépôts mercuriels au niveau de la couche ou les champignons que contre les bactéries, les plus
de Bowman). De plus, le thiomersal est le plus stable sensibles étant les Gram positifs. Les parabens sont utilisés
des trois composés cités. Les concentrations usuelles sont dans plus de 450 produits cosmétiques tels que crèmes
situées entre 0,001 et 0,004 %. Il est surtout actif en milieu de soin, dentifrices, shampoings, laits de toilette, fonds
faiblement acide. Ces conservateurs ont été progressive- de teint, mascaras ou mousses à raser. Ils sont également
ment éliminés des collyres modernes en raison d’allergies utilisés comme conservateurs dans l’industrie alimentaire.
fréquentes. En outre, la réglementation actuelle interdit Certains d’entre eux sont présents dans la nature comme
désormais l’utilisation de ces dérivés du mercure. le méthyparaben dans les myrtilles, mais pour les cos-
métiques ils sont fabriqués à partir d’acide benzoïque et
Les amidines sont souvent dilués dans un solvant : le phénoxyéthanol,
qui est lui-même un conservateur. Ce sont des allergisants
Le principal agent utilisé est la chlorhexidine, agent catio- relativement modérés. La concentration maximale auto-
nique appartenant à la famille des bis-diguanides. Elle est risée est de 0,4 % pour chacun des parabens, le total de
utilisée sous forme de digluconate soluble dans l’eau et est tous les parabens d’un même produit ne pouvant dépasser
active en milieu neutre ou légèrement alcalin (pH 8). Le glu- 0,8 % (calculé en masse d’ester). En 2004, une étude avait
conate de chlorhexidine est incompatible avec des savons, révélé la présence de parabens dans des tissus mammaires
des détergents et des composés anioniques qui annulent son cancéreux sans pouvoir cependant conclure à l’existence
action. Elle agit en détruisant la couche semi-perméable d’un lien de cause à effet entre la présence de parabens et
des membranes cytoplasmiques. Elle inhibe le transport le développement du cancer du sein [9]. Toutefois, certains
transmembranaire des cations et l’hydrolyse de l’ATP mem- parabens ont tout de même des effets oestrogéniques bien
branaire. En outre, elle retarde la germination des spores documentés dans de nombreuses publications [10]. Le pro-
des bactéries. Son activité antimicrobienne s’exerce sur- pylparaben, quant à lui, à faible dose, induit une réduction
tout à l’encontre des cocci et bacilles Gram positifs et de la production de spermatozoïdes. Ainsi, l’European Food
de certaines bactéries Gram négatives. Les bactéries les Safety Authority (EFSA), dans un avis sur la sécurité de
plus résistantes sont Serratia, Proteus et Pseudomonas. Elle l’utilisation des parabens (additifs E214 et E219) dans les
Les conservateurs des collyres 509

produits alimentaires (EFSA, 2004), n’a pu recommander préparation. Une telle contamination des collyres se fait
de dose journalière admissible (DJA) pour le propylpara- essentiellement par les mains lors de la manipulation ou
ben en raison du manque de no observed adverse effect par contact si l’embout touche les paupières, les cils, la
level (NOAEL) pour cet effet. En outre, le méthylparaben conjonctive ou les larmes. Il y a aussi un risque de transmis-
appliqué sur la peau, à la concentration trouvée dans les sion croisée lorsque le même collyre est utilisé par plusieurs
produits cosmétiques, accélérait le vieillissement cutané patients, notamment en milieu hospitalier ou au sein d’une
en synergie avec une exposition solaire [11]. même famille. La contamination bactérienne oculaire peut
avoir des conséquences graves allant jusqu’à la perfora-
Les complexes oxychlorés tion de l’œil et à sa perte, avec risque d’énucléation. C’est
d’ailleurs à la suite d’incidents de ce type survenus dans les
D’usage plus récent, les conservateurs oxydants, comme les années 1960 dans un hôpital de Birmingham que les auto-
complexes oxychlorés stabilisés, sont de petites molécules rités britanniques ont incité l’industrie à développer les
qui pénètrent facilement à l’intérieur des membranes et premières monodoses et à limiter la durée d’utilisation après
altèrent les fonctions cellulaires en modifiant les lipides, ouverture. À partir de 1960, les progrès les plus nets ont été
les protéines ou l’ADN. Les complexes oxychlorés stabilisés réalisés dans le domaine de la mise au point des conserva-
sont composés principalement de chlorite (NaClO2, Purite® ), teurs. Mais l’obligation de mettre un agent antimicrobien
d’une faible proportion de chlorates et de traces de chlore. dans toute préparation ophtalmique multidose n’est appa-
Le chlorite agit en produisant une forte oxydation du glu- rue que dans les années 1970. Un agent antimicrobien « idéal
tathion, diminuant ainsi les défenses cellulaires contre le » devrait posséder les propriétés suivantes : avoir un spectre
stress oxydant. Il est donc particulièrement efficace contre d’activité très large, être bactéricide ou bactériostatique,
les espèces contenant peu de glutathion telles que S. aureus. ne pas être irritant ou toxique pour les tissus oculaires, être
En revanche, il est moins efficace contre P. aeruginosa, compatible avec les constituants de la préparation et avec
C. albicans et Alternaria alternata [12]. le récipient, être stable et thermorésistant [17].

Le perborate de sodium (GenAqua® ) Les préparations ophtalmiques


Le perborate de sodium a été l’un des premiers conserva- Les préparations ophtalmiques sont des préparations sté-
teurs de type oxydant introduit dans les collyres. Il altère riles, liquides, semi-solides ou solides destinées à être
la synthèse protéique des bactéries en oxydant leurs mem- appliquées sur le globe oculaire et/ou sur les conjonctives,
branes et inhibant ainsi les enzymes liées à celles-ci. En ou à être introduites dans le sac conjonctival. Plusieurs
milieu aqueux, il est transformé en eau, oxygène et H2 O2 qui catégories peuvent être distinguées : les collyres, les solu-
tue les microbes, notamment A. niger [13]. tions pour lavage ophtalmique, les poudres pour collyres et
les poudres pour solutions pour lavage ophtalmiques, les
Le système Sofzia® préparations ophtalmiques semi-solides et les inserts oph-
talmiques. Au cours du développement des préparations
Le système de conservation Sofzia® est composé d’acide ophtalmiques dont la formulation comporte un conservateur
borique, de propylène glycol, de sorbitol et de chlorure antimicrobien, la nécessité et l’efficacité du conservateur
de zinc. La FDA a approuvé une formulation de travoprost choisi doivent être démontrées de manière à satisfaire
conservée avec ce système en 2006. Cette formulation, mal- l’Autorité compétente. Le texte « Efficacité de la conser-
gré l’absence d’ammonium quaternaire supposé améliorer vation antimicrobienne » se trouvant dans la rubrique
la pénétration de la molécule active, réduit la pression 5.1.3 de la Pharmacopée européenne (édition 6.6), décrit
intraoculaire jusqu’à 8,5 mm de mercure démontrant une une méthode d’essai appropriée et indique des critères
équivalence statistique avec le traitement original conte- d’évaluation des propriétés antimicrobiennes de la formula-
nant du BAC [14]. Le système protecteur Sofzia® est robuste tion. Les préparations ophtalmiques sont préparées à partir
et résiste aux agressions d’un fort taux de pathogènes ocu- de produits et par des méthodes propres à assurer leur sté-
laires tels que S. aureus, P. aeruginosa, Escherichia coli, rilité et à empêcher l’introduction de contaminants et la
C. albicans et A. niger. Il semble non toxique sur plu- croissance de microorganismes ; des recommandations sont
sieurs modèles expérimentaux [15,16]. Cependant un effet fournies à cet égard dans le texte « Méthodes de prépa-
conservateur légèrement inférieur à celui des ammoniums rations de produits stériles » se trouvant dans la rubrique
quaternaires fait que ce concept n’est pas autorisé en 5.1.1 de la Pharmacopée européenne. Lors de la fabrica-
Europe, malgré son avantage potentiel d’absence de toxicité tion des préparations ophtalmiques contenant des particules
lors d’une utilisation prolongée. en dispersion, des mesures sont prises pour assurer que
la taille des particules est convenablement contrôlée et
qu’elle est appropriée à l’usage prévu de la préparation.
Réglementation des conservateurs en Sauf indication contraire, les préparations ophtalmiques
ophtalmologie doivent être conservées en récipient stérile, étanche et
à fermeture inviolable. L’étiquette doit indiquer le nom
La Pharmacopée recommande que les collyres contiennent de tout conservateur antimicrobien éventuellement ajouté.
un agent antimicrobien (conservateur) pour éviter la proli- Ainsi que le précise la Pharmacopée européenne, les col-
fération ou limiter la contamination microbienne qui, après lyres, les solutions pour lavage ophtalmique, les poudres
ouverture du flacon, pourrait être la cause d’un risque pour collyre et les poudres pour solutions pour lavage
d’infection pour le malade et d’une détérioration de la ophtalmique peuvent contenir des excipients destinés, par
510 D. Vaede et al.

exemple, à ajuster le pouvoir osmotique ou la viscosité de récipient définitif, au moyen d’un inoculum de microorga-
la préparation, à adapter ou stabiliser le pH, à augmen- nismes, au maintien de cette préparation à une température
ter la solubilité de la substance active ou à stabiliser la prescrite et au prélèvement d’échantillons à partir du réci-
préparation. Ces excipients ne doivent pas nuire à l’action pient à intervalles de temps donnés pour dénombrement
médicamenteuse recherchée et aux concentrations choisies, des organismes dans ceux-ci. Les propriétés de conserva-
ne doivent pas provoquer d’irritation locale notable. Les col- tion de la préparation sont adéquates si, dans les conditions
lyres et les solutions pour lavage ophtalmique conditionnés de l’essai, il a été constaté une diminution importante ou
en récipients multidoses contiennent un conservateur anti- une absence d’augmentation du nombre de microorganismes
microbien approprié à concentration convenable, sauf si la dans la préparation ensemencée. Les critères d’acceptation,
préparation présente elle-même des propriétés antimicro- en termes de diminution du nombre de microorganismes
biennes adéquates. Les récipients multidoses sont conçus en fonction du temps, varient pour les diverses catégories
pour permettre plusieurs prélèvements de la solution qu’ils de préparations, selon le degré de protection recherché
contiennent. Le conservateur antimicrobien choisi doit être (Tableau 1). Les microorganismes d’essai sont P. aeruginosa,
compatible avec les composants de la préparation et gar- S. aureus, C. albicans et A. niger. Les essais sont effectués
der son efficacité jusqu’à la fin de la durée d’utilisation avec des souches uniques. Aux microorganismes prescrits
du collyre ou de la solution. Si les collyres ou les solutions peuvent être ajoutées, dans les cas appropriés, d’autres
pour lavages ophtalmiques sont prescrits sans conservateur souches ou espèces qui peuvent représenter des contami-
antimicrobien, ils sont, autant que possible, conditionnés en nants potentiels de la préparation.
récipients unidoses. Les collyres et les solutions pour lavages
ophtalmiques utilisés au cours d’interventions chirurgicales Préparation de l’inoculum
ne contiennent pas de conservateurs antimicrobiens et sont Avant l’essai, il faut ensemencer la surface d’un milieu
conditionnés en récipients unidoses. Les collyres qui se gélosé B (paragraphe 2.6.12 de la Pharmacopée européenne)
présentent sous forme de solutions ou les solutions pour pour les bactéries ou celle d’un milieu gélosé C sans addi-
lavage ophtalmique, examinés dans des conditions appro- tion d’antibiotique (paragraphe 2.6.12 de la Pharmacopée
priées de visibilité, sont pratiquement limpides et exempts européenne) pour les champignons avec la culture mère
de particules. Pour les collyres, les solutions pour lavage récemment obtenue de chacun des microorganismes spé-
ophtalmique et les préparations ophtalmiques semi-solides, cifiés. Puis, il faut incuber les cultures bactériennes à
l’étiquette doit indiquer, dans le cas des récipients multi- une température de 30—35 ◦ C pendant 18-24 heures sauf la
doses, la durée limite d’utilisation à partir de l’ouverture culture de C. albicans qui doit être incubée à une tempéra-
du récipient, qui ne doit pas dépasser quatre semaines, sauf ture de 20—25 ◦ C pendant 48 heures et la culture d’A. niger
exception justifiée et autorisée. à une température de 20—25 ◦ C pendant une semaine
ou jusqu’à obtention d’une sporulation satisfaisante. Des
Test d’efficacité de la conservation subcultures peuvent être nécessaires après reprise des
antimicrobienne microorganismes, avant qu’ils n’atteignent leur état opti-
mal, mais il est recommandé de maintenir au minimum
L’essai d’efficacité réglementaire consiste en la contami- le nombre de repiquages. Pour récolter les cultures bac-
nation artificielle de la préparation, si possible dans son tériennes et de C. albicans, il faut utiliser un liquide de

Tableau 1 Réduction logarithmique du nombre de microorganismes viables par rapport à la valeur obtenue pour
l’inoculum, exigée pour les préparations parentérales et ophtalmiques, les préparations pour applications locales et
les préparations orales.
Réduction logarithmique
6h 24 h 2j 7j 14 j 28 j
Préparations parentérales et ophtalmiques Bactéries A 2 3 NRa
B 1 3 NIb
Champignons A 2 NI
B 1 NI
Préparations pour applications locales Bactéries A 2 3 NI
B 3 NI
Champignons A 2 NI
B 1 NI
Préparations orales Bactéries 3 NI
Champignons 1 NI
Les critères A représentent l’efficacité qu’il est recommandé d’atteindre. Dans des cas justifiés, lorsque les critères A ne peuvent être
respectés, par exemple en raison d’une augmentation du risque de réactions indésirables, les critères B s’appliquent.
a NR : non retrouvé
b NI: pas d’augmentation
Les conservateurs des collyres 511

suspension stérile contenant 9 g/l de chlorure de sodium et


Tableau 2 Propriétés et utilisations du chlorure de ben-
disperser la culture développée en surface dans un récipient
zalkonium (Bonnard [18]).
approprié. Ensuite, il faut ajuster le nombre de microorga-
nismes à environ 108 par millilitre. Désinfectant, spermicide, virucide pour l’industrie
Pour récolter la culture d’A. niger, il faut utiliser un pharmaceutique
liquide de suspension stérile contenant 9 g/l de chlorure Désinfectant, agent de nettoyage ménager et industriel à
de sodium et 0,5 g/l de polysorbate et il faut ajuster de action désinfectante (notamment pour l’industrie
même le nombre des spores à environ 108 par millilitre avec alimentaire, le milieu hospitalier. . .)
la même solution. On prélève immédiatement un échan- Biocide et algicide pour les piscines et réservoirs ou
tillon approprié de chaque suspension et on détermine le circuits d’eau
nombre d’unités formant colonies par millilitre dans chaque Agent pour le traitement antimousse des toitures,
suspension par dénombrement sur plaques ou par filtration terrasses, dallages, courts de tennis. . .
sur membrane. Ce chiffre sert à déterminer l’inoculum et Agent tensio-actif cationique
le niveau de base à employer dans l’essai. Les suspensions Assouplissant des fibres synthétiques, coton, laine, fibres
doivent être utilisées immédiatement. cellulosiques
Agent de dispersion de pigments
Procédé Additif adoucissant pour produits capillaires pour
l’industrie cosmétique
Pour le dénombrement des microorganismes viables dans les
préparations ensemencées, on utilise le même milieu gélosé
que celui employé dans la culture initiale du microorga-
nisme correspondant. On ensemence une série de récipients matique. Il est livré le plus souvent en solution aqueuse à
du produit à examiner avec une suspension de l’un des 50 % ou en solution hydroalcoolique 80 % (isopranolol/eau ;
microorganismes d’essais afin d’obtenir un inoculum de 105 à parfois éthanol/eau), formes sous lesquelles il est produit
106 microorganismes par millilitre ou par gramme de prépa- par l’industrie [18]. Il est très soluble dans l’eau, l’alcool
ration. Le volume de la suspension de l’inoculum ne dépasse et l’acétone, légèrement soluble dans le benzène et prati-
pas 1 % du volume du produit. On mélange soigneusement quement insoluble dans l’éther. Les solutions aqueuses ont
pour assurer une répartition homogène et on maintient le une faible tension de surface et présentent des proprié-
produit ensemencé à une température de 20-25 ◦ C à l’abri tés détergentes et émulsifiantes, moussant abondamment
de la lumière. Puis on prélève des échantillons appropriés lorsqu’elles sont agitées.
de chacun récipient, par exemple 1 ml ou 1 g, au temps zéro Utilisations
et aux intervalles appropriés, selon le type de préparation, Les utilisations du BAC sont très nombreuses et sont pré-
et il faut déterminer le nombre de microorganismes viables sentes dans le Tableau 2.
par dénombrement sur plaques ou par filtration sur mem-
brane en vérifiant que toute activité microbienne résiduelle Propriétés pharmacologiques
dans la préparation est éliminée par dilution, par filtration Le BAC est un antiseptique, émulsifiant, spermicide et viru-
ou par l’utilisation d’un neutralisant spécifique. Lorsque des cide. Le BAC est aussi un tensioactif ou agent de surface
procédés de dilution sont utilisés, il faut tenir compte de ou surfactant c’est-à-dire un composé qui modifie la ten-
la réduction de la sensibilité dans la détection de petits sion superficielle entre deux surfaces (tension qui existe
nombres de microorganismes viables. Lorsqu’un neutralisant à la surface de séparation de deux milieux). Les compo-
spécifique est utilisé, la capacité du système à permettre sés tensioactifs sont des molécules amphiphiles, c’est-à-dire
la croissance des microorganismes d’essai est confirmée à présentant deux parties de polarité différentes, l’une lipo-
l’aide de contrôles appropriés. phile, miscible dans l’huile et apolaire, l’autre hydrophile,
miscible dans l’eau et polaire. Le BAC est un tensioactif
Critères d’acceptation cationique, sa partie hydrophile NH4 + est chargée positive-
ment. Il libère ainsi une charge positive (cation) en solution
Les critères pour l’évaluation de l’activité antimicrobienne
aqueuse. La concentration micellaire critique du BAC est de
sont donnés dans le Tableau 1 en termes de réduction
0,02 %. La concentration micellaire critique est, par défi-
logarithmique du nombre de microorganismes viables par
nition, la concentration de l’agent tensioactif en solution
rapport à la valeur obtenue pour l’inoculum.
au-dessus de laquelle une partie des molécules dispersées
Le conservateur de référence : le BAC.
dans la solution se rassemble sous forme de micelles.
Structure chimique, mode d’action
Le BAC est un mélange de chlorure d’alkylbenzyldiméthyl- Mécanismes d’action
ammonium de formule générale : C6 H5 CH2 N(CH3 )2 RCl, R
Le BAC exerce son action antibactérienne grâce à plu-
représentant des radicaux alkyles de C8 à C18. L’homologue
sieurs mécanismes [19]. Il est responsable de la dénaturation
BAC-C12 est appelé le chlorure de benzododécinium,
plus ou moins sélective de protéines ou d’enzymes de la
l’homologue BAC-C14, le chlorure de myristalkonium et
bactérie, par solubilisation et dépolymérisation. Cela va
l’homologue BAC-C16, le chlorure de cétalkonium.
entraîner l’inactivation d’enzymes intervenant dans la res-
Propriétés physiques piration et la glycolyse et l’inactivation de déshydrogénases.
Le BAC peut se présenter sous forme de poudre amorphe, de Cette inactivation enzymatique peut être réversible en
paillettes gélatineuses ou de gel épais de couleur blanche début d’action, mais devient définitive après un contact
à jaunâtre, très hygroscopique, d’odeur légèrement aro- prolongé. Le BAC peut aussi se fixer au niveau des ribo-
512 D. Vaede et al.

somes et entraîner l’arrêt de la synthèse protéique. Il peut BAC peut provoquer des inductions significatives de micro-
lyser la membrane cellulaire provoquant une perturbation noyaux aussi bien que des inhibitions des divisions cellulaires
des échanges osmotiques. Il s’adsorbe à la surface des cel- dans les cellules de plantes, le taux efficace le plus faible
lules chargées négativement qu’il neutralise et entraîne est de 10 mg/l de BAC (10−3 %). Les résultats de cette étude
des changements de perméabilité puis des lésions de la montrent que le BAC induit des effets génotoxiques modérés
membrane. Au niveau physiologique, sont observées une mais significatifs chez les cellules eucaryotes aux concentra-
baisse de l’activité mitotique et de la migration cellulaire tions qui sont trouvées dans les eaux usées, leur libération
à l’origine des retards de cicatrisation, une altération du dans l’environnement pouvant causer des altérations géné-
potentiel électrique et une lyse cellulaire accrue [20,21]. tiques chez les organismes exposés. Des effets génotoxiques
Le BAC est un agent tensioactif cationique bactériosta- et cytotoxiques de BAC dans les cellules épithéliales respi-
tique plus actif contre les bactéries Gram positives que ratoires humaines en culture ont été mis en évidence après
contre les bactéries Gram négatives. Il est inactif contre exposition pendant 2 heures à des concentrations de BAC
les mycobactéries, faiblement fongistatique et virucide. allant de 0,002 à 0,05 % [24]. Le tail moment (évaluation
Chaque homologue dans cette famille de composés a dif- de la taille et de l’intensité de fluorescence des comètes
férentes propriétés biocides, chimiques et physiques en et de leur queue) d’une électrophorèse de cellules isolées
relation avec la longueur de la chaîne alkyle. En général, sur gel a été utilisé pour évaluer les dommages de l’ADN
l’homologue BAC-C12 est le plus efficace contre les levures induit par le BAC. Le tail moment augmenta de façon dose-
ou champignons, l’homologue BAC-C14 contre les bactéries dépendante avec une valeur maximale de 0,02 % et déclina
Gram positives et l’homologue BAC-C16 contre les bactéries pour des concentrations de BAC plus fortes. Presque toutes
Gram négatives. Son action antiseptique à faible concentra- les cellules mourraient pour des faibles concentrations de
tion dépend de la longueur de la chaîne hydrocarbonée. Elle BAC jusqu’à 0,01 %. Au-dessus de cette concentration, la
est maximale pour les molécules en C14 et minimale pour viabilité cellulaire augmentait, probablement en raison du
les chaînes contenant huit et 18 atomes de carbone [22]. passage à la concentration micellaire critique du BAC, esti-
Cependant, à l’heure actuelle, la composition précise du mée a 0,02 % dans du PBS.
BAC utilisé dans les collyres n’est jamais précisée. Il s’agit
d’un mélange de différentes formulations de BAC où deux Toxicité aiguë chez l’homme [18]
composés dominent : les chaînes en C12 et celles en C14
Les principaux effets du BAC sont liés à l’action corrosive de
[21]. L’activité antimicrobienne varie selon les conditions,
la substance concentrée. Des cas d’empoisonnement fatal
les facteurs favorisants sont un pH alcalin et une tempéra-
par du BAC ont été décrits chez cinq personnes âgées souf-
ture à 37 ◦ C. Elle est annihilée par les composés anioniques
frant de démence sénile ayant ingéré accidentellement une
(savons), les eaux dures, les matières organiques (sang, pus)
solution de BAC à 10 % [25]. L’ingestion produit une sensa-
et certains composés non ioniques.
tion immédiate de brûlure dans la bouche, la gorge puis
l’abdomen ainsi qu’une hypersalivation. Par la suite, sur-
Pharmacocinétique viennent agitation, angoisse et confusion associées à une
Le BAC est absorbé rapidement par le tractus gastro- atteinte musculaire traduite par des fasciculations. Dans les
intestinal, mais en quantité faible, et peu par la peau avec cas les plus sévères, on peut observer une dépression du sys-
des variations individuelles importantes. Il diffuse dans le tème nerveux central avec ou sans convulsions. L’atteinte
foie, les poumons et les reins. Les taux sanguins et tissu- musculaire peut conduire à un arrêt respiratoire fatal. Des
laire restent constants pendant 24 heures après exposition signes d’hypotension parfois sérieux peuvent se compliquer
orale chez le rat avec un taux croissant du sang au foie, d’une insuffisance rénale, d’une acidose métabolique et
aux poumons et aux reins [18]. Après injection intravei- d’une cytolyse hépatique avec augmentation des ALAT et des
neuse ou intra-artérielle, la concentration sanguine chute ASAT. Des lésions d’irritation sont observées sur les tissus du
rapidement après 30 minutes, puis se stabilise ; la demi-vie tube digestif. Le chlorure BAC provoque des irritations de la
sanguine est comprise entre 1h30 et 2 h. Les concentrations peau, des yeux et des muqueuses respiratoires. Les solutions
pulmonaire et rénale sont 10 fois supérieures à celle du sang concentrées peuvent entraîner une nécrose cutanée ; des
suggérant pour ces organes, un rôle de réservoir et de cible. solutions à 10 % sont déjà irritantes pour la peau. Au niveau
Le BAC est éliminé lentement dans l’urine et les fèces sans de l’œil, des concentrations de 0,1 à 0,5 % peuvent entraî-
métabolisation préalable. ner des conjonctivites graves. A partir de 10 %, l’atteinte de
la cornée est redoutable.
Génotoxicité
Les dangers génétiques potentiels du BAC ont pu être rappor- Toxicité chronique [18]
tés grâce au test d’Ames qui consiste à examiner la survenue Elle est dominée par la survenue de manifestations aller-
de mutations spécifiques chez différentes souches de Salmo- giques. En cas d’utilisation répétée de préparations topiques
nella typhimurium au test d’électrophorèse sur gel d’ADN contenant du BAC peuvent survenir des allergies cutanées.
des hépatocytes de rat et au test du micronoyau sur lympho- De rares cas d’asthme professionnel aux ammoniums qua-
cytes humains et sur des cellules de racine de Vicia faba. ternaires, dont le BAC ont été décrits particulièrement chez
Une induction significative de la migration de l’ADN a été des personnes effectuant des désinfections, notamment par
détectée dans les cellules de foie pour du BAC à 1 mg/l ou pulvérisations en milieu hospitalier, et des tests de provo-
10−4 % [23]. Pour mémoire la concentration commune utili- cation bronchique peuvent être positifs. Quelques études
sée dans les collyres est de 10−2 %. Le test du micronoyau indiquent que l’emploi chronique de sprays nasaux à base
est positif pour des concentrations de BAC de 1 et 3 mg/l. Le de BAC dont la concentration ne dépasse pas 0,1 %, favori-
Les conservateurs des collyres 513

serait l’apparition d’une rhinite médicamenteuse chez des à l’alcool phényléthylique (0,125 %) ou à l’association de
sujets souffrant de rhinite allergique, le rôle des autres méthyl/propylparaben (0,033/0,017 %) et au BAC (0,001 %)
composants de ces traitements ne pouvant être toutefois a diminué significativement la fréquence des battements
totalement exclu. ciliaires de manière irréversible pour ce dernier. Cette toxi-
cité du BAC dans les solutions nasales a été confirmée in
Hygiène et sécurité du travail vitro [28].
Les travaux de désinfection et de stérilisation exposant à
Action spermicide
des émanations de chlorhexidine, d’hexachlorophène, de
benzisothiazoline-3-one et ses dérivés, d’organomercuriels, Le BAC est présent dans la composition de certains médi-
d’ammoniums quaternaires et leurs dérivés, notamment le caments contraceptifs locaux. Le BAC est un surfactant
benzalkonium et le chlorure de lauryldiméthylbenzylam- détruisant les spermatozoïdes par déséquilibre osmotique.
monium sont classés dans le tableau n◦ 66 des maladies Il provoque la rupture de la membrane du spermatozoïde
professionnelles (rhinite et asthmes professionnels) d’après et sa destruction s’effectue en deux temps, d’abord par
le décret n◦ 2003-110 du 11 février 2003 révisant et complé- la destruction du flagelle, puis par éclatement de la tête.
tant les tableaux des maladies professionnelles annexés au L’efficacité théorique évaluée au laboratoire est de 100 %,
livre IV du code de la sécurité sociale [18]. car toute vie spermatozoïdaire est impossible en présence
du principe actif, même à l’état de traces.
Classification et étiquetage
Résistance des bactéries [29]
Le BAC correspond à la classification suivante : R21/22 Nocif
par contact avec la peau et par ingestion, R34 Provoque des L’utilisation large des ammoniums quaternaires dans
brûlures et R50 Très toxique pour les organismes aquatiques l’industrie et la cosmétologie a été accusée depuis plu-
d’après l’arrêté du 8 octobre 1999 (JORF du 16 octobre 1999) sieurs années de favoriser des résistances croisées avec
modifiant l’arrêté du 20 avril 1994 (JORF du 8 mai 1994). des antibiotiques ou d’autres antiseptiques, ce qui pour-
Ces risques doivent être mentionnés sur l’étiquetage qui rait constituer à terme un grave problème de santé
doit aussi indiquer les conseils de prudence suivants : publique [30]. P. aeruginosa est un germe ubiquitaire dans
S24/25 Éviter le contact avec la peau et les yeux, S26 En l’environnement qui montre une résistance intrinsèque pour
cas de contact avec les yeux, laver immédiatement et des taux élevés d’ammoniums quaternaires. Cette résis-
abondamment avec de l’eau et consulter un spécialiste, tance est due à sa membrane cellulaire. Par exemple, les
S36/37/39 Porter des vêtements de protection appropriés, antibiotiques ne peuvent pas accéder facilement au niveau
des gants et un appareil de protection des yeux et du visage, de leur site d’action en raison d’une faible perméabilité de
S45 En cas d’accident ou de malaise, consulter immédia- la membrane extérieure, et les pompes d’efflux provoquent
tement un médecin (si possible lui montrer l’étiquette), une augmentation de l’efflux des agents antimicrobiens. Les
S61 Eviter le rejet dans l’environnement [18]. changements phénotypiques des P. aeruginosa correspon-
dant à l’augmentation du taux de résistance aux ammoniums
quaternaires ont fait l’objet de nombreux travaux. Ces
Effets du BAC utilisé hors ophtalmologie et changements phénotypiques sont des modifications des pro-
impact sur l’environnement téines de la membrane extérieure, des modifications des
acides gras, des lipides, des lipopolysaccharides, de la
Rhinite médicamenteuse paroi cellulaire et de l’hydrophobicité de la surface cel-
La rhinite médicamenteuse est définie comme une hyper- lulaire. La fréquente utilisation des désinfectants dans
activité nasale avec un gonflement des muqueuses. Elle l’environnement alimentaire a augmenté les inquiétudes
consiste en l’apparition de signes de rhinite induits par la quant à l’émergence possible de cas isolés de résistance
prise de médicament, par voie générale ou nasale. Il s’agit aux désinfectants. Des résistances aux ammoniums quater-
parfois de l’effet secondaire d’un traitement institué pour naires ont été rapportées avec de nombreuses bactéries
une autre pathologie. La plus connue est la rhinite aux Gram positives et Gram négatives associées à la nourriture.
décongestionnants nasaux qui succède à l’abus de décon- Les systèmes d’efflux actifs jouent un rôle important dans
gestionnants topiques alpha-mimétiques essentiellement les la résistance des bactéries aux antibiotiques. Ces systèmes
dérivés de l’oxymétazoline et de la phényléphrine. Graf et sont des transporteurs membranaires dont la fonction est de
al. [26] décrivirent dans ce cadre les effets indésirables bio- rejeter à l’extérieur des composés toxiques pour la cellule.
logiques du BAC en définissant le mécanisme responsable des Ce sont surtout les systèmes d’efflux Multi-Drug Resistant
rhinites médicamenteuses par utilisation abusive de décon- (MDR) qui sont préoccupants, dans la mesure où ils sont à
gestionnant vasoactif. L’ajout de BAC comme conservateur large spectre. Ces systèmes, naturellement présents chez
dans les décongestionnants nasaux conduit à l’aggravation tous les procaryotes, peuvent être surexprimés sous l’effet
de la rhinite. Une étude a comparé les effets de cinq de mutations dans le(s) gène(s) de régulation, conduisant
conservateurs sur la fréquence des battements ciliaires de à une multirésistance. Même lorsque cette résistance est
cellules épithéliales nasales humaines : BAC, alcool phénylé- faible, elle peut faciliter l’émergence de mutants haute-
thylique, méthylparaben, propylparaben et chlorbutol [27]. ment résistants. La découverte d’inhibiteurs des pompes
Le méthylparaben (0,0033 %), le propylparaben (0,0017 %) d’efflux (EPI pour efflux pumps inhibitors) permettant de
et le chlorbutol (0,005 %) n’ont pas eu d’effet ni après restaurer la sensibilité aux antibiotiques de ces souches
une exposition de courte durée ni après une exposition hyperproductrices est une voie de recherche essentielle en
de longue durée. En revanche, l’exposition à long terme chimiothérapie anti-infectieuse.
514 D. Vaede et al.

Il a été montré qu’un mécanisme de pompe d’efflux simi- tionnées au journal officiel des communautés européennes.
laire peut être induit par le BAC chez certaines souches Au numéro d’ordre 54, de la première partie de l’annexe VI
de Listeria monocytogenes [31]. Deux pompes d’efflux de la directive 76/768/CEE du Conseil concernant le rap-
ont été trouvées chez Listeria monocytogenes : MdrL qui prochement des législations des Etats membres relatives
peut expulser des antibiotiques (macrolides et céfotaxime), aux produits cosmétiques, il est mentionné : En tant que
des métaux lourds et le bromure d’éthidium, et Lde, qui conservateur, la concentration maximale autorisée est de
est impliquée dans la résistance aux fluoroquinolones, à 0,1 % calculée en BAC avec la mention obligatoire : « Eviter
l’acridine orange et au bromure d’éthidium. L’adaptation le contact avec les yeux ». À l’annexe III, première par-
des souches naturellement sensibles de Listeria monocyto- tie, au numéro d’ordre 65 de la directive 76/768/CEE du
genes aux ammoniums quaternaires est en partie due à la Conseil concernant le rapprochement des législations des
superexpression de la pompe d’efflux MdrL. Des souches sen- Etats membres relatives aux produits cosmétiques, il est
sibles au BAC (CMI < 1 mg/l) ont été adaptées au BAC au bout mentionné : Dans les autres cas, la concentration maximale
de deux à trois semaines (30). L’adaptation au BAC a conduit autorisée pour les produits pour les cheveux, à éliminer
à une augmentation de deux à quatre fois la CMI aux antibio- par rinçage, est de 3 % de BAC. De plus, dans le produit
tiques gentamicine, kanamycine, ainsi qu’au désinfectant fini, les concentrations de chlorure, de bromure et de sac-
Clinicide® (mélange de deux ammoniums quaternaires 60 % charinate de benzalkonium dont la chaîne alkyle est égale
de chlorure de didécyl diméthylammonium et 40 % de BAC, ou inférieure à C14, ne doivent pas dépasser 0,1 % de BAC.
MTC Animal Health, Cambridge, ON, Canada), et au chlo- La concentration maximale autorisée pour les autres pro-
rure de myristalkonium, un autre ammonium quaternaire. duits est de 0,1 %. Dans tous les cas, la mention obligatoire
Une des souches adaptées a également révélé une augmen- suivante devra être écrite : « Eviter tout contact avec les
tation de sa résistance à l’acide acétique (CMI × 4) et au yeux ».
peroxyde d’hydrogène (CMI × 2).

Impact sur les espèces aquatiques Effets indésirables en ophtalmologie [1]


La quantité de BAC trouvée dans l’environnement est consi- Réactions allergiques
dérable, en raison d’un grand nombre de produits contenant
du BAC et les fréquents relargages dans les eaux de sur- L’application répétée et prolongée des conservateurs sur
face en provenance des équipements de traitement des l’œil peut engendrer une sensibilisation et le dévelop-
eaux usées. De plus, le BAC a montré sa toxicité sur les pement de réactions allergiques. La sensibilisation aux
organismes aquatiques, même à faible concentration. Par conservateurs a plutôt tendance à augmenter étant donné
exemple, pour les poissons, les concentrations létales LC0 leur présence, non seulement dans les préparations oph-
(concentration n’entraînant pas de mort) et LC100 (concen- talmiques, mais aussi dans toute sorte de produits d’usage
tration donnant 100 % de mortalité) sont respectivement de courant. Les dérivés mercuriels sont fortement allergi-
0,5—4 mg/L et 2—5 mg/L (2—5 × 10−4 %) et pour les daphnies sants (13 à 37 % des tests cutanés positifs selon les séries)
de 0,1 mg/L et 1 mg/L (10−4 %) avec une LC50 chez le pois- [34,35]. Les sels de benzalkonium sont considérés comme
son Danio rerio à 96 heures de 0,31 mg/L (3,1 × 10−5 %) ; en modérément allergisants (4—11 % selon les séries) [36].
outre, pour des petits crustacés du genre Daphnia magna, La sensibilisation aux autres conservateurs (chlorhexidine,
une concentration efficace (EC50), concentration donnant chlorobutanol) est plus rare. D’un point de vue clinique,
50 % de réduction de la prolifération, à 48 heures a été l’allergie au conservateur se manifeste généralement par
déterminée à 0,02 mg/L (2 × 10−6 %) et pour les algues un tableau de conjonctivite ou de blépharite : il peut s’agir
d’eau douce, Pseudokirchneriella subcapitala, de 0,07 mg/L d’une simple hyperhémie conjonctivale ou d’une conjonc-
(7 × 10−6 %) à 72 heures [32]. tivite papillaire avec ou sans eczéma des paupières. Les
réactions observées sont très souvent des allergies de
Impact sur la chaîne légère de la myosine contact. Il s’agit de réactions retardées d’hypersensibilité
de type IV que l’on peut mettre en évidence avec des tests
La phosphorylation de la chaîne légère de myosine est cutanés [37,38]. La réaction d’hypersensibilité retardée
essentielle à la contractilité du cytosquelette d’actine qui passe par un processus de sensibilisation de 10 à 14 jours,
joue un rôle essentiel dans la motilité, l’adhésion et le mais se déclenche ensuite dès la huitième heure avec un
maintien de la polarité cellulaire. L’exposition de cellules maximum vers la 48-72e heure. Ce stade est alors mar-
de l’épithélium cornéen de bœuf au BAC pendant dix à qué par un important œdème épithélial et sous-épithélial,
20 minutes aux concentrations de 0,005, 0,001 et 0,003 % et des infiltrats de cellules de Langerhans et de lympho-
réduit la phosphorylation de la chaîne légère de myosine cytes CD4, avec parfois quelques mastocytes et basophiles.
de plus de 30 % [33]. De plus, le BAC provoque un amincisse- Cette réaction type, rencontrée avec des agents fortement
ment de l’actine corticale et une diminution de l’adhésion sensibilisants, nécessite parfois de longues durées de sen-
cellulaire. L’exposition au BAC entraîne aussi une libération sibilisation, se comptant en mois ou même en année, pour
accrue d’ATP. La déphosphorylation de la chaîne légère de des allergènes moins puissants. La plupart des médicaments
myosine due à la perte d’ATP est indicative d’une perte de ont une masse moléculaire faible, comprise entre 500 et
contractilité du cytosquelette d’actine. 1000 daltons, et ne sont pas immunogènes directement.
Pour le devenir, ils doivent former avec les protéines du
BAC et cosmétiques sujet des conjugués stables qui seront alors sensibilisants :
Le BAC est présent dans très peu de produits cosmétiques. ils se comportent ainsi comme des haptènes. Un haptène
Il existe des restrictions concernant le BAC qui sont men- est une substance de faible masse molaire atomique qui, à
Les conservateurs des collyres 515

elle seule, n’entraîne pas la formation d’anticorps mais la culture primaire [44]. L’effet toxique des conservateurs est
provoque lorsqu’elle se combine à une molécule porteuse. très rapide in vitro : en présence de BAC à 0,007 %, la lyse de
Parfois c’est un métabolite ou un produit de dégrada- 50 % des cellules épithéliales en culture survient en moins de
tion du médicament, voire une impureté, qui constituent 2 minutes [56]. L’inhibition de l’adhésion cellulaire peut être
l’haptène sensibilisant. Après leur liaison aux membranes observée à des concentrations 40 à 200 fois inférieures aux
cellulaires, certains conservateurs vont pouvoir modifier concentrations des spécialités présentes sur le marché. Par
les protéines cellulaires [39] et induire ainsi une stimu- comparaison, le thiomersal peut agir à des concentrations
lation des cellules immunocompétentes ne tolérant plus 30 fois inférieures. En utilisant la vidéomicrographie, Tripa-
l’antigène altéré et le reconnaissant comme étranger. Deux thi et al. ont montré qu’une simple dose de BAC (0,01 %), de
types de réponses immunitaires sont ensuite possibles : soit thiomersal (0,001 %) ou de chlorobutanol (0,5 %) produisait
une sensibilisation de l’organisme envers la partie modifiée une inhibition immédiate de la cytokinèse et de l’activité
de ce nouveau composé appelé adduit, ce qui se manifes- mitotique de cellules épithéliales cornéennes en culture
tera par un phénomène allergique, soit une réponse dirigée primaire [57,59]. La dégénérescence cellulaire est obser-
contre la partie protéique constante et il en résultera une vée après deux heures d’exposition pour le BAC et 9 heures
auto-immunisation avec une production d’auto-anticorps et d’exposition pour le chlorobutanol ou le thiomersal. Les
une réaction cytotoxique [40]. Ces réactions allergiques études in vitro laissent à penser qu’une grande partie de la
de contact ont été reproduites expérimentalement chez toxicité des préparations ophtalmiques disponibles est due
l’animal [41,42], comme le cobaye pour le BAC [41] et le aux conservateurs. De Saint Jean et al. [55] ont montré que
lapin pour le thiomersal. Baines et al. [42] ont provoqué la viabilité de cellules conjonctivales en culture était bien
chez ce dernier une réaction conjonctivale gigantopapil- plus altérée par des préparations de timolol (0,1—0,25 %)
laire par application d’une lentille de contact contenant contenant du BAC (0,01 %) que par celles sans conserva-
des traces de thiomersal. La réaction inflammatoire est teur. Williams et al. [46] ont montré que la cytotoxicité
caractérisée par une infiltration cornéo-conjonctivale de des préparations de timolol vis-à-vis de la prolifération des
polynucléaires et de cellules mononucléées. En fonction de fibroblastes de capsule de Tenon en culture primaire était
la sévérité de la réaction, on peut noter une hyperhémie fortement potentialisée par la présence de BAC.
et un œdème conjonctival, une sécrétion muqueuse signifi- Les conditions expérimentales mises en œuvres in vitro
cative, un œdème et une néovascularisation de la cornée, peuvent parfois paraitre exagérées et plus sévères que
une inflammation de l’iris et une infiltration de la chambre dans la réalité clinique. Etant donné que la concentra-
antérieure. tion des gouttes ophtalmiques est immédiatement diluée
après application dans l’œil par le volume lacrymal basal, la
concentration appliquée est ainsi différente de celle réel-
Effets toxiques lement en contact avec les cellules cornéo-conjonctivales.
Les conservateurs sont potentiellement toxiques pour toutes Les effets produits in vitro par les conservateurs à faibles
les structures de l’œil, en surface (conjonctive, cornée) ou concentrations et à très court terme (dans les minutes,
en profondeur (trabéculum, cristallin, rétine). In vitro, la voire les secondes suivant l’application du conservateur)
toxicité des conservateurs a été mise en évidence sur dif- sont donc probablement plus proches de la réalité clinique.
férents types de cellules en culture : cellules épithéliales Un temps d’exposition au BAC de 30 secondes à la concen-
de la cornée ou de la conjonctive, kératocytes [43—45] tration de 0,01 % provoque 50 % d’altérations cellulaires, ce
cellules endothéliales de la cornée [43], fibroblastes de qui est proche du temps de contact estimé sur l’œil humain
la capsule de Tenon [46], cellules trabéculaires [43] ou après administration d’une goutte de solution ophtalmique
cellules épithéliales du cristallin [47]. La cytotoxicité des [56,60]. Aux concentrations inférieures, le temps de contact
conservateurs in vitro touche plus particulièrement la via- produisant 50 % de dommage est augmenté (respective-
bilité cellulaire (altération de l’intégrité de la membrane ment 90 secondes et 190 secondes pour les concentrations de
plasmique ou du métabolisme énergétique mitochondrial) 0,005 et 0,0025 %). Les expositions prolongées sur plusieurs
[20,45,48,49], la prolifération [50—53], ou l’adhésion cellu- minutes ou plusieurs heures seraient plus proches d’une uti-
laire [46] et altère les jonctions serrées comme l’occludine lisation au long cours des collyres dans certaines situations
et ZO-1 [53]. Ces effets cytotoxiques augmentent avec la cliniques comme le glaucome ou les syndromes secs.
concentration du conservateur et la durée d’exposition.
Ils s’observent à des concentrations inférieures à celles
présentes dans les préparations commerciales [44,54]. À Mécanismes responsables de la toxicité
fortes concentrations, les conservateurs sont cytotoxiques Effet détergent
dans les minutes suivant l’application [49,50,55]. Certaines La plupart des conservateurs (ammoniums quaternaires,
modifications cellulaires sont irréversibles et le retrait du chlorhexidine, alcools, parabens) sont des détergents. Les
conservateur ne suffit pas toujours au rétablissement des ammoniums quaternaires sont les plus cytotoxiques. Ils pos-
cellules [55,56,57]. Les ammoniums quaternaires sont les sèdent une tête hydrophile chargée positivement et une
conservateurs les plus toxiques. Ils provoquent une toxi- partie non chargée hydrophobe permettant leur ancrage
cité similaire in vitro, entraînant une altération précoce de dans les membranes. Les interactions ioniques perturbent
l’intégrité membranaire (15 minutes) aux concentrations de fortement la bicouche lipidique des membranes plasmiques.
0,005 et 0,01 % [58]. Chez le lapin, la concentration de BAC Les conservateurs détergents peuvent ainsi créer des ouver-
induisant 50 % de mort cellulaire (LC50) après une heure tures pour les substances aqueuses ou ioniques dans les
d’exposition a été estimée à 0,0003 % pour les cellules épi- espaces intracellulaires ou intercellulaires [61]. Ces effets
théliales de cornée et à 0,01 % pour les kératocytes en suffisent à altérer fortement les cellules épithéliales et à
516 D. Vaede et al.

créer une pénétration exagérée de fluide dans le stroma, ciées à une diminution de la viabilité cellulaire après
son hydratation et le développement d’un œdème cor- exposition des cellules à faibles concentrations de BAC
néen [61]. Les réactions sévères que pourraient produire (0,0001 %).
les ammoniums quaternaires sur l’œil sont illustrées par
plusieurs études en microscopie confocale qui est deve-
Stress oxydant
nue une méthode de choix pour l’évaluation de la toxicité
L’anion superoxyde O2 ·− est cytotoxique pour les cellules en
oculaire in vivo à un niveau histologique [4,53,62—65].
culture : il peut dégrader les polysaccharides et l’ADN, modi-
Chez le lapin et chez le rat, l’effet d’une goutte de
fier la structure des membranes par peroxydation lipidique,
surfactant cationique à forte concentration (chlorure de
altérer la perméabilité vasculaire et potentialiser les réac-
cétyltriméthylammonium à 50 %) sur l’épithélium cornéen
tions inflammatoires. Debbasch et al. [21] ont montré que
produit une irritation sévère avec larmoiement, hyperhé-
les collyres contenant des ammoniums quaternaires (0,01 %)
mie, photophobie et œdème, associée à une diminution
produisaient une augmentation significative de la généra-
de l’épaisseur de la couche épithéliale de la cornée, un
tion d’anions superoxyde par comparaison aux collyres non
épaississement de la cornée, une lyse des kératocytes et
conservés. La génération de l’anion superoxyde était corré-
une atteinte de l’endothélium cornéen. Les mécanismes de
lée à la perte d’intégrité membranaire et à l’apoptose des
régénération cellulaire mis en place sont observables après
cellules en présence de BAC. La préincubation d’antioxydant
3 jours : présence de kératocytes, disparition des ponc-
(vitamine E) protégeait les cellules en culture et rédui-
tuations superficielles, présence d’un exsudat de cellules
sait de façon significative les dommages membranaires et
polynucléées au niveau de l’endothélium. Au 35e jour on
l’apoptose produits par BAC 0,001 %.
observe des cellules caliciformes à la surface épithéliale cor-
néenne, témoignant d’une conjonctivalisation cornéenne
pathologique. On note une néovascularisation et une fibrose Inflammation
caractérisée par la présence d’une membrane fibreuse cor- Chez le rat, Baudouin et al. ont montré une infiltration
néenne. de cellules inflammatoires au niveau de la conjonctive et
du trabéculum après instillations de timolol contenant un
Nécrose/apoptose conservateur pendant un mois [67]. Cette infiltration n’était
Deux mécanismes de mort cellulaire ont été proposés pas observée avec du timolol non conservé, suggérant
selon la concentration du conservateur. À de relativement fortement le rôle du conservateur dans le développe-
fortes concentrations d’ammoniums quaternaires (0,01 et ment de la réaction inflammatoire. Il est fort probable
0,05 %), la perte de viabilité cellulaire et la mort cellu- que l’application des conservateurs sur la surface oculaire
laire observées dans les cultures de cellules épithéliales puisse dénaturer les protéines cellulaires et induire une
conjonctivales humaines mettent en jeu des altérations stimulation des cellules immunocompétentes. Les cellules
caractéristiques de nécrose cellulaire [20] : les cellules de Langerhans sont présentes au niveau de l’épithélium
sont lysées et les débris membranaires sont visibles dans conjonctival et du chorion cornéo-conjonctival. Elles sont
les cultures, les volumes cellulaires sont très faibles et en première ligne lors de l’application de substances oph-
non homogènes, l’ADN sur gel d’agarose présente une talmiques. Après activation, elles pourraient migrer à partir
migration caractéristique. À plus faible concentration, les des espaces sous-épithéliaux et entretenir une réaction
ammoniums quaternaires arrêtent la croissance cellulaire et immuno-inflammatoire et le développement d’une fibrose
déclenchent un processus de mort programmée. La mort cel- sous-conjonctivale. Sur des biopsies de conjonctive de
lulaire est retardée avec des modifications morphologiques patients traités au long cours avec des antiglaucomateux en
et métaboliques caractéristiques de l’apoptose (rétraction monothérapie ou multithérapie, Baudouin et al. [67] ont mis
cellulaire, condensation de la chromatine, fragmentation en évidence une augmentation significative de l’expression
de l’ADN et expression de marqueurs apoptotiques) [20]. des antigènes HLA-DR, des molécules d’adhésion, en par-
Des cellules épithéliales cornéennes humaines ont été ticulier ICAM-3, ainsi que des intégrines bêta-2 (CD 11a et
mises en culture en présence ou non de BAC à diffé- CD 11b) et le CD45RO (phosphatase membranaire exprimée
rentes concentrations pendant 10 minutes. Un marqueur par les cellules immunitaires) dans la substantia propria
de d’apoptose Apo2.7 a été mesuré 24 heures après par des patients traités en monothérapie ou plurithérapie par
immunofluorescence [49]. En absence de BAC, aucune cel- comparaison aux patients jamais traités. Baudouin et al.
lule épithéliale cornéenne humaine n’a exprimé Apo2.7. ont également mis en évidence une expression anormale
À une faible concentration de BAC (0,0001 %), 44 % des d’antigènes HLA-DR, de CD23 (récepteur IgE de faible affi-
cellules épithéliales cornéennes humaines ont exprimé le nité), d’interleukines 6, 8 et 10, des récepteurs CCR4 et
marqueur d’apoptose Apo2.7. À une plus forte concen- CCR5 à la surface des cellules épithéliales sur les empreintes
tration de BAC (0,001 %), 69 % des cellules épithéliales conjonctivale de patients traités avec des antiglaucomateux
cornéennes humaines ont exprimé le marqueur d’apoptose [15,68,69]. En revanche, l’expression des molécules HLA-DR
Apo2.7. Celui-ci a été exprimé chez 89 % des cellules n’était pas augmentée de façon statistiquement significative
épithéliales cornéennes humaines après exposition à une chez les patients recevant un bêtabloquant non conservé par
forte concentration de BAC (0,01 %). D’autres modifica- rapport à des sujets sains sans problème oculaire, suggé-
tions métaboliques peuvent être reliées à l’apoptose. rant directement le rôle du conservateur dans l’infiltration
Ainsi, Grant et al. [66] rapportent, dans des cultures inflammatoire. La présence d’IL-6 et IL-8 dans les cellules
primaires de cellules épithéliales de cornée de lapin, épithéliales conjonctivales exprimant les antigènes HLA-
une diminution de 70 % du calcium intracellulaire et une DR souligne le rôle proinflammatoire potentiel de ces
augmentation significative du pH intracellulaire, asso- cellules.
Les conservateurs des collyres 517

Tableau 3 Modifications histopathologiques produites chez le lapin après une seule instillation [77] a montré que
par les antiglaucomateux conservés d’après Liesegang la demi-vie du BAC est de 20 heures sur la conjonctive et que
[82]. des résidus de BAC sont détectés au niveau de l’épithélium
conjonctival neuf jours après une administration unique
Réduction du nombre de cellules à mucus (goblet cells) de conservateur. Dans les expériences réalisées in vitro
Kératinisation épithéliale sur cultures de cellules épithéliales conjonctivales, le BAC
Métaplasie squameuse à faibles concentrations, de l’ordre de 10−4 %, n’a pas
Perte de microvillosités d’effet nocif sur l’homéostasie cellulaire. En revanche
Augmentation du nombre de desmosomes aux concentrations de l’ordre de 10−1 à 5.10−2 %, une
Dystrophie bulleuse de l’épithélium lyse cellulaire importante survient dès les trois premières
Augmentation du nombre de fibroblastes heures, tandis qu’entre 10−2 % (concentration des collyres)
sous-épithéliaux et 10−4 %, les effets sont retardés et progressifs en fonction
Fibrose sous-épithéliale de la concentration, ce conservateur pouvant induire
Réduction des espaces intravasculaires soit une apoptose soit une nécrose cellulaire. Becquet et
Augmentation des lymphocytes et plasmocytes al. [76] ont mis en évidence chez le rat traité pendant
sous-épithéliaux un mois avec différentes solutions de conservateur (en
Epaississement de la membrane basale particulier BAC 0,01 %, méthylparahydroxybenzoate 0,05 %
Présence d’immunoglobulines sur la membrane basale et thiomersal 0,004 %), une infiltration de cellules immu-
(dans la plupart des cas) nocompétentes au niveau du limbe et de la conjonctive
bulbaire. Les cellules exprimaient en particulier les anti-
gènes membranaires HLA de classe II et CD11b (intégrine
Altérations du film lacrymal leucocytaire). Cette réaction était également associée
De par leurs propriétés physico-chimiques les conservateurs à une forte altération de la surface oculaire : perte des
détergents sont capables de dissoudre la couche lipidique cellules caliciformes, kératinisation, et augmentation des
du film lacrymal. Cela conduit à une rupture rapide du film couches épithéliales superficielles. Des résultats similaires
lacrymal facilitant l’évaporation de l’eau et produisant une ont été rapportés par Baudouin et al. chez des rats traités
sécheresse oculaire. Ainsi, l’instillation de trois gouttes de avec du timolol 0,05 % contenant du BAC 0,01 % [67]. Par
BAC produit une diminution de plus de 50 % du temps de comparaison le timolol non conservé n’a pas produit de
rupture du film lacrymal, même a très faible concentration modification histopathologique significative par rapport aux
(0,001 %) [70]. Le BAC est plus agressif que la chlorhexi- animaux contrôles, ce qui confirme qu’une grande partie
dine, le chlorobutanol ou le thiomersal. À des concentrations de la toxicité des préparations commerciales est due au
supérieures à 0,005 %, sa tension de surface est inférieure conservateur. De même Noecker et al. ont mis en évidence
à celle du film lacrymal [71], ce qui empêche l’étalement une infiltration de lymphocytes dans les différentes couches
des sécrétions lipidiques issues des glandes de Meibomius conjonctivales (épithélium, stroma superficiel et profond)
sur la surface de la phase aqueuse du film lacrymal [72]. chez des lapins traités pendant 30 jours par différentes
Une réduction significativement plus marquée du temps de préparations antiglaucomateuses contenant du BAC [78].
rupture du film lacrymal a pu être mise en évidence par L’infiltration de fibroblastes et l’installation d’une fibrose
Pisella et al. [73] chez des lapins albinos traités pendant chronique produite par les conservateurs ont été suggérées
60 jours avec un collyre bêtabloquant conservé, en compa- par différentes études effectuées chez l’animal. Mietz
raison avec des lapins traités avec un bêtabloquant sans et al. ont ainsi montré que l’instillation de métipranolol
conservateur. Chez l’homme, le même constat a été fait 0,3 % conservé avec du BAC (une goutte deux fois par jour
chez des volontaires sains traités avec du cartéolol conservé pendant six mois), produisait une altération de la compo-
ou non conservé [67]. sition de la matrice extracellulaire et de l’organisation
du stroma conjonctival, associée à une augmentation
sous-épithéliale du nombre de fibroblastes activés, de
Altérations de la conjonctive induites par le BAC dépôt de collagène et de l’épaississement de la membrane
L’instillation de conservateurs sur la conjonctive basale de l’endothélium [79]. Des résultats similaires sont
peut avoir plusieurs conséquences étroitement liées observés avec la pilocarpine 2 % conservé dans du chlorure
(Tableaux 3 et 4) : cytotoxicité, activation d’une réaction de cétrimonium 0,004 % [80]. Ces changements paraissent
immuno-allergique infraclinique, développement d’une permanents et irréversibles et pourraient être dus en partie
fibrose sous-conjonctivale, pouvant aboutir à une cicatrisa- aux conservateurs [80]. Ces études corroborent les premiers
tion conjonctivale progressive [74]. Les conséquences sur le résultats publiés par Young et al. [81] montrant une aug-
système lacrymal (perte de cellules à mucus, dissolution de mentation de la prolifération fibroblastique conjonctivale
la composante lipidique du film lacrymal, sécheresse ocu- après chirurgie filtrante chez des lapins préalablement
laire) peuvent être sérieuses et conduire à une sécheresse traités avec des collyres contenant des conservateurs
oculaire elle-même péjorative pour la conjonctive et la (timolol 0,5 %, pilocarpine 4 %, ou larmes artificielles). Les
cornée. Une diminution de la densité des cellules à mucus a empreintes conjonctivales de patients traités au long cours
été observée à la suite d’instillations de collyres contenant avec des antiglaucomateux présentent des caractéristiques
un conservateur aussi bien chez l’homme [75] que chez bien déterminées [82].
l’animal [76]. La première conséquence de cette perte Les couches épithéliales conjonctivales désorganisées, la
cellulaire est une modification de la composition et de la perte de la cohésion tissulaire, la modification de la mor-
qualité du film lacrymal. Une étude pharmacocinétique phologie des cellules épithéliales, la kératinisation et la
518 D. Vaede et al.

Tableau 4 Les effets du BAC sur l’œil à différentes concentrations [1,4,39,56,63].


Concentration du BAC Effets
À 0,004 % Le BAC réduit significativement le temps de rupture du film lacrymal
À 0,005 % Il entraîne une toxicité directe pour les cellules superficielles, avec des
érosions épithéliales
À 0,007 % Le temps nécessaire pour entraîner la lyse de 50 % de cellules de
culture d’épithélium conjonctival n’est que de 90 à 100 secondes
À 0,01 % (celle de la plupart des collyres) Le BAC altère de manière importante l’épithélium, stimule l’infiltration
du limbe et de la conjonctive par des cellules inflammatoires
À 0,02 % Il retarde la cicatrisation cornéenne
À 0,1 % Par voie intracamérulaire (injection de la chambre antérieure de l’œil)
ou en installation à la concentration de 0,1 %, il détruit l’endothélium
et cause un œdème cornéen irréversible. Cela a été observé en
clinique lors d’instillations multiples chez des patients présentant des
ulcères cornéens
De 0,1 à 0, 5 % En instillations répétées, le BAC induit chez le rat une kératite toxique
majeure, avec métaplasie épithéliale, infiltration inflammatoire de la
cornée et néovascularisation
Chez l’animal à des concentrations plus Le BAC détruit totalement le segment antérieur de l’œil (conjonctive
fortes encore, de 1 à 2 % et cornée) en moins d’une semaine
Chez l’homme, la toxicité du BAC risque d’être potentialisée par le port de lentille de contact, notamment en HEMA (2-Hydroxy-Ethyl
Methacrylate), matériau pour lequel il possède une forte affinité.

perte de cellules à mucus, signent la métaplasie cellulaire. conservé par du BAC à une concentration double (0,02 %)
Les patients traités au long cours présentent en effet une [84].
métaplasie de l’épithélium conjonctival par rapport à des Le développement d’une fibrose sous-conjonctivale pro-
glaucomateux non traités [83] ou à des sujets témoins sans gressive en l’absence de signe clinique d’intolérance est
anomalie oculaire [75]. La métaplasie épithéliale est obser- également documenté et assez fréquent chez les patients
vée sur les conjonctives palpébrale et bulbaire [83]. Les traités avec des collyres antiglaucomateux au long cours
modifications histomorphologiques de l’épithélium peuvent [88]. L’infiltration de cellules inflammatoires observée chez
apparaître rapidement, deux semaines après le début d’un ces patients est généralement associée à une augmentation
traitement antiglaucomateux [84]. En revanche, Turaçli et significative de la densité des fibroblastes dans la substan-
al. ne retrouvent aucune relation entre le degré de la méta- tia propria sous-épithéliale [67,87]. Baudouin et al. ont
plasie et la durée du traitement antiglaucomateux chez des analysé par immunohistochimie des biopsies conjonctivales
patients traités depuis plus de trois mois [85]. Mais plu- et trabéculaires de patients traités par des collyres anti-
sieurs études ont clairement établi une association entre glaucomateux conservés ou non conservés. Ils ont montré
le nombre de collyres antiglaucomateux utilisés et le degré une augmentation significative de l’expression de marqueurs
de la métaplasie épithéliale [83,86]. La perte de cellules fibroblastiques et inflammatoires, plus prononcée chez les
à mucus est le premier signe de la métaplasie squameuse, patients multitraités [67].
suivie par une augmentation de la stratification cellulaire,
puis par la kératinisation [82]. Les patients traités au long Cytotoxicité cornéenne
cours avec des collyres antiglaucomateux présentent sou-
L’instillation de collyres contenant des conservateurs peut
vent une diminution significative des cellules à mucus en
produire des modifications morphologiques de la cornée
comparaison avec des patients glaucomateux non traités
telles qu’une perte des microvillosités ou la rupture des
[87] ou des sujets sains sans anomalie oculaire [75]. Les
jonctions intercellulaires augmentant la perméabilité et
conservateurs, le BAC en premier, sont fortement suspectés
la pénétration des solutions ioniques, des substances lipo-
de provoquer ou d’entretenir les modifications morpho-
philes et des microorganismes. Les conséquences sur un
logiques épithéliales observées lors de l’utilisation des
œil malade peuvent être sérieuses : épaississement de la
collyres antiglaucomateux. Dans une étude randomisée croi-
cornée, atteinte de l’endothélium, opacité cornéenne. Les
sée, il a été montré que les modifications morphologiques
expériences menées par Furrer et al. ont montré que
des empreintes conjonctivales produites par l’instillation
l’instillation des conservateurs (ammonium quaternaires,
du timolol conservé, à raison de deux fois par jour pen-
dérivés mercuriels, alcools, chlorhexidine, parabens) chez
dant deux semaines, étaient inférieures aux altérations
la souris produisait des microlésions mises en évidence par
produites par l’instillation de latanoprost (une fois par jour)
coloration à la fluorescéine [89]. Chez le lapin, l’application
Les conservateurs des collyres 519

de bêtabloquant conservé avec du BAC 0,01 % ou du bromure partielle au sixième jour. La guérison complète nécessite
benzododécinium 0,012 % produit des microlésions pouvant l’arrêt des instillations de BAC 0,02 %. Ces résultats sug-
couvrir près de 15 % de la surface cornéenne après 28 jours gèrent que le traitement des ulcères cornéens avec des
de traitement (une ou deux gouttes par jour). Cet effet a substances contenant un conservateur pourrait contribuer
été attribué au conservateur, les bêtabloquants non conser- à une diminution de la ré-épithélialisation. Klip et al. rap-
vés ne produisant pas de toxicité particulière [90]. Imayasu portèrent le cas d’une femme de 46 ans instillant, pour un
et al. ont montré que l’instillation répétée (deux gouttes syndrome sec, des larmes artificielles contenant du BAC
à cinq minutes d’intervalle pendant une heure) de BAC (de toutes les deux heures, puis toutes les 30 minutes, qui a
0,005—0,02 %) ou de chlorhexidine (0,01—0,03 %) produit un développé une kératite superficielle avec une hyperpla-
relargage de lactate déshydrogénase et d’albumine dans les sie épithéliale en vagues [95]. La kératopathie a régressé
larmes chez le lapin, signe de souffrance cornéenne et cor- au bout d’une semaine après l’arrêt du conservateur. Les
rélé aux lésions de la surface oculaire observées à la lampe à tests cutanés effectués n’ont pas montré d’allergie au BAC.
fente [91]. Chez le lapin, un contact prolongé (1,5—3 heures) Bien que dans la plupart de ces kératopathies toxiques
de la cornée avec des larmes artificielles contenant du l’endothélium cornéen ne soit pas endommagé, Lemp et al.
BAC (0,01 %) augmente d’un facteur 10 à 100 la captage rapportèrent le cas d’une endothéliopathie toxique sévère
de carboxyfluorescéine (plus hydrophile que la fluorescéine clairement due au BAC chez un homme présentant une kéra-
et présentant une pénétration restreinte dans les espaces toconjonctivite sèche bilatérale, traitée plusieurs années
péricellulaires) [92]. Les larmes artificielles contenant du par l’instillation de larmes artificielles contenant du BAC
thiomersal 0,004 % et du polyquad 0,001 % augmentent éga- [96]. Ce patient montait une dégénérescence avancée de
lement ce captage, mais d’une façon plus modérée (jusqu’à la cornée nécessitant une kératoplastie. L’histopathologie
quatre fois). En utilisant du rouge de ruthénium (un colorant du bouton cornéen excisé a révélé une fibrose stromale et
se fixant sur les groupements anioniques des mucopolysac- un œdème cornéen. Apres l’opération, les symptômes du
charides à la surface des membranes latérales des cellules patient ont persisté jusqu’à ce que la médication conser-
épithéliales), Lopez Bernard et al. ont pu mettre en évi- vée soit définitivement remplacée par une solution saline
dence une destruction complète de la barrière épithéliale ne contenant pas de conservateur. Une amélioration spec-
avec une perte des couches cellulaires les plus superficielles taculaire des symptômes a été observée au bout de deux
[92]. Le contact du BAC 0,01 % sur les yeux de lapin a produit semaines. Lors des anesthésies générales, la cornée est
une accumulation du rouge de ruthénium dans les espaces particulièrement sensible à la diminution de la production
intercellulaires de toutes les couches épithéliales, indi- lacrymale, à la diminution de la stabilité du film lacrymal, à
quant une pénétration en profondeur du BAC. Les cellules la lagophtalmie. Des lubrifiants oculaires sont souvent pres-
avaient perdu leur morphologie normale et contenaient de crits. Manecke et al. rapportent une agression cornéenne
nombreuses vacuoles. En revanche, pour les autres conser- sévère (hyperhémie conjonctivale, vision floue, photopho-
vateurs étudiés (thiomersal 0,004 %, polyquad 0,001 %), la bie, diminution bilatérale de l’acuité visuelle) accompagnée
coloration était restée localisée à la surface des couches de maux de tête lors d’une anesthésie chez un homme de
superficielles. Le niveau de pénétration du ruthénium après 47 ans ayant reçu un lubrifiant oculaire contenant du chloro-
exposition au BAC indique que les cornées altérées pour- butanol 0,5 %, un conservateur théoriquement moins toxique
raient ainsi être plus sensibles à l’invasion de pathogènes. que le BAC [97]. La coloration à la fluorescéine a révélé des
L’application répétée de BAC sur la cornée peut cau- zones désépithélialisées. Les symptômes se sont améliorés
ser une perte de cellules jusqu’aux couches les moins après trois jours de traitement avec des antibiotiques et
différenciées de l’épithélium et retarder, voire inhiber la des anti-inflammatoires topiques ainsi qu’un lubrifiant non
régénération cellulaire et la réparation de la barrière épi- conservé. Liu et al. rapportent des œdèmes cornéens per-
théliale. Dans un modèle expérimental de lésions, créées in manents par atteinte endothéliale sur une série de patients
vitro sur une monocouche de cellules épithéliales de cor- ayant subi une chirurgie de la cataracte par phacoémulsi-
née de chien en culture primaire, les cellules épithéliales fication [98]. Les recherches effectuées après la chirurgie
à la périphérie de la lésion présentent de façon caracté- ont mis en cause l’administration accidentelle d’une solu-
ristique des pseudopodes s’étendant vers les lésions [93]. tion contenant du BAC à 0,013 % dans la chambre antérieure
On peut observer une diminution progressive de la super- des patients lors de la chirurgie. L’amélioration de l’acuité
ficie de la lésion dans les cultures non exposées au BAC visuelle ne s’est manifestée que chez un seul patient après
0,0025 % ou au timérosal 0,025 %. Dans les cultures conte- six mois. Les altérations cornéennes observées incluaient
nant du BAC, les cellules ne développent pas de pseudopodes des plis de la membrane de Descemet et une augmentation
et la migration est inhibée [93]. Le processus de réépi- de l’épaisseur du stroma cornéen [99].
thélialisation est facilité par l’accrochage des cellules à la
matrice extracellulaire. Salonen et al. ont montré que le
BAC et le thimérosal à des concentrations 40 à 200 fois infé-
Complications de la chirurgie du glaucome
rieures aux concentrations utilisées dans les préparations L’échec de la chirurgie du glaucome est pour une part liée
commerciales pouvaient inhiber l’adhérence des cellules à l’ancienneté et à l’importance du traitement médical
à une couche de fibronectine et compromettre ainsi le préalable, et cette constatation a fait proposer le recours
processus de réparation cornéenne [54]. Les expériences précoce à la chirurgie. Cependant la présence de signes his-
effectuées chez le lapin après kératectomie montrent un tologiques d’inflammation conjonctivale est plus fréquente
retard de cicatrisation lorsque les yeux sont exposés au BAC chez les patients glaucomateux traités par collyres au long
0,01 % en présence d’EDTA 0,1 % [94]. À plus forte concen- cours (plus de trois ans), et certains échecs de la chirur-
tration (0,02 %), l’amélioration de la taille des lésions reste gie semblent liés à la présence d’une inflammation de la
520 D. Vaede et al.

surface oculaire [100]. Il est donc probable que la toxicité effet est spécifique du BAC, puisque l’apoptose n’est pas
des conservateurs joue également un rôle important dans les déclenchée dans les cultures de cellules exposées à des col-
échecs de la chirurgie du glaucome. Malgré les performances lyres non conservés [105].
des chirurgies filtrantes, le succès de ces interventions chi-
rurgicales est très variable, souvent décevant [101]. Dans Le cristallin
une série de 106 chirurgies filtrantes, Broadway et al. rap-
Des taux de cataracte significativement plus élevés ont été
portent un taux de réussite de 90 % chez les patients ayant
retrouvés dans l’étude OHTS (ocular Hyper-Tension Study)
subi une trabéculectomie primaire (patients non traités), de
et diverses études épidémiologiques, faisant suspecter les
93 % chez des patients traité par bêta-bloquant en monothé-
traitements antiglaucomateux et plus particulièrement le
rapie, de 72 % chez les patients recevant un bêtabloquant
BAC [106]. In vitro, Goto et al. ont montré que le BAC
et un myotique et de seulement 45 % chez ceux recevant
exerçait de façon dose-dépendante, un effet toxique vis-à-
un myotique et un sympathomimétique [100]. En outre,
vis des cellules de cristallin humain en induisant fortement
le taux de succès était significativement plus bas chez les
l’expression de médiateurs chimiques solubles (PGE2, IL-1,
patients traités depuis plus de trois ans (55 %), comparés
et IL-6) [47].
aux autres patients (94 %, p < 0,001), suggérant que la durée
du traitement antiglaucomateux et le nombre de traite-
ments sont liés au résultat de la chirurgie filtrante. Lavin La rétine
et al. rapportèrent, dans une étude rétrospective, un taux Les patients recevant un traitement antiglaucomateux au
de réussite particulièrement élevé (97,9 %) chez les patients long cours, développent plus facilement des œdèmes macu-
n’ayant reçu aucun traitement antiglaucomateux au long laires cystoïdes après une opération de la cataracte [107].
cours [102]. Par comparaison, les patients traités depuis Cet effet est observé avec différents types de collyres
au moins un an avec une association de plusieurs anti- (épinéphrine, dipivéfrine, timolol et latanoprost) conte-
glaucomateux avaient un taux de réussite statistiquement nant un conservateur. Les causes de cette induction ne
inférieur (79,1 %, p < 0,001). Cette étude montre également sont pas très bien établies. Un lien avec les réactions
que l’association de plusieurs traitements antiglaucomateux inflammatoires a récemment été suggéré. Le mécanisme
multiplie par cinq le risque d’échec des chirurgies filtrantes. vraisemblablement mis en jeu inclut la libération de média-
Il est admis que la principale cause d’échec de la chirur- teurs pro-inflammatoires (prostaglandines, cytokines) lors
gie filtrante est le développement exacerbé d’une fibrose de la chirurgie [107]. Chez des lapins pigmentés, l’injection
locale de la bulle qui empêche le passage de l’humeur sous-conjonctivale (200 ␮l par jour pendant deux semaines)
aqueuse [103,104]. Une thérapie médicale intensive pour- de collyres (timolol 0,5 % ou befunolol 1 %) contenant du
rait favoriser l’infiltration de cellules inflammatoires et la BAC produit des lésions rétiniennes mises en évidence sur
prolifération de fibroblastes augmentant, ainsi, le risque de l’électrorétinogramme par une diminution de moitié de
cicatrisation fibreuse et d’échec de la chirurgie filtrante. l’amplitude des ondes a et b après une semaine d’exposition
Sherwood et al. ont montré une infiltration significativement [108]. On observe ensuite un décollement de la rétine, une
augmentée de cellules inflammatoires, de fibroblastes et de perte d’acuité visuelle et l’atrophie de l’épithélium pig-
corps hyalins dans la substantia propria de la conjonctive et mentaire de la rétine et de la choroïde. On observe plus
dans les couches de la capsule de Tenon chez des patients particulièrement la disparition des granules de mélanine des
glaucomateux traités au long cours (plus d’un an) [87], en cellules épithéliales pigmentaires et la disparition des seg-
comparaison avec des patients ayant subi une trabéculecto- ments internes et externes des cellules photoréceptrices.
mie de première intention. Baudouin et al. ont également Ces effets semblent spécifiques du conservateur, puisque
mis en évidence une infiltration de cellules inflammatoires les collyres de timolol ou de befunolol non conservés n’ont
et de fibroblastes sur des biopsies de conjonctive et des montré que des effets non significatifs.
trabéculums de patients traités avec des collyres antiglau-
comateux [67]. Dans une autre étude, Broadway et al. ont
établi une relation directe entre la durée et l’importance Conclusion
du traitement antiglaucomateux, le profil cellulaire de la
conjonctive (en particulier les cellules inflammatoires) et le L’utilisation des conservateurs en ophtalmologie est un
résultat de la chirurgie filtrante [100]. important problème de santé publique car les conserva-
teurs présents dans les collyres sont utilisés par une large
catégorie de patients. En effet, les patients présentant une
Atteinte des tissus oculaires profonds : le sécheresse oculaire, des allergies oculaires fréquentes, des
trabéculum infections oculaires, ceux présentant un glaucome sont sou-
Dans certaines situations, notamment lorsque la surface vent traités avec des médications topiques contenant la
cornéo-conjonctivale est fortement atteinte, la pénétration plupart du temps des conservateurs. Le BAC est le conserva-
des collyres et donc du conservateur peut être augmentée teur le plus fréquemment utilisé dans les collyres classiques
et toucher les tissus profonds de l’œil. Les cellules trabécu- dits multidoses ou dans les solutions nasales pour préve-
laires semblent très sensibles aux conservateurs. In vitro, le nir toute contamination bactérienne. L’instillation oculaire
BAC inhibe la croissance des cellules trabéculaires humaines quotidienne, répétée, s’étendant sur plusieurs mois ou
après sept jours d’exposition à des concentrations particu- années, de solutions contenant du BAC qui a des propriétés
lièrement faibles (10−7 à 10−5 %) [43]. Le BAC peut induire cytotoxiques et détergentes provoque des effets néfastes
l’apoptose des cellules trabéculaires après une courte expo- non seulement sur le film lacrymal mais également sur les
sition (15 minutes) à faible concentration (0,0001 %). Cet différentes structures de la cornée et de la conjonctive et
Les conservateurs des collyres 521

des tissus annexes comme les paupières. Le BAC provoque, déjà utilisés dans les substituts lacrymaux et qui pour-
en outre, un ralentissement des processus de cicatrisation raient atténuer ces effets comme des carbomères ou des
des épithéliums. Il modifie l’équilibre de la flore bactérienne hyaluronates [58,109]. L’arrivée sur le marché internatio-
lacrymale et entraîne une déstabilisation du film lacrymal nal de nouvelles formulations avec des conservateurs moins
directement par ses effets sur la phase lipidique et indirec- toxiques que le BAC, comme le polyquaternium-1, le perbo-
tement en diminuant le nombre de cellules à mucus. Il induit rate de sodium (NaBO3 ) ou le chlorite de sodium (NaClO2 ,
des réactions allergiques et toxiques sur l’épithélium cor- ou Purite® ), ou utilisant la technologie des émulsions [64],
néen, se manifestant sous forme de desquamation, nécrose marque une étape décisive dans la prise de conscience des
ou œdème. Pour le malade, ces phénomènes se traduisent effets délétères des conservateurs. L’industrie pharmaceu-
par des picotements, des brûlures, un prurit, une sensation tique, en partenariat avec les médecins et les chercheurs
de sécheresse oculaire, une allergie. De plus, le cas des col- impliqués dans les pathologies chroniques les plus affectées
lyres antiglaucomateux est particulièrement préoccupant par cette toxicité, continuera les recherches afin d’assurer
puisqu’ils doivent être instillés au long cours, durant toute la aux patients le traitement le plus approprié à leur pathologie
vie, et peuvent ainsi compromettre, par les altérations de la sans induire d’effet nuisible.
surface oculaire, le pronostic fonctionnel d’une éventuelle
chirurgie de filtration, devenue indispensable après échec
du traitement médical. Le BAC ne concerne pas seulement Conflit d’intérêt
le domaine ophtalmologique, il est présent très largement
dans de nombreuses formulations thérapeutiques notam- Aucun.
ment dans les décongestionnants nasaux où il participe à
l’aggravation de la rhinite médicamenteuse. Il est retrouvé
dans l’environnement pour lequel il représente désormais un
danger car son important relargage dans les eaux de surface Références
conduit à la mort des espèces aquatiques. Enfin, l’utilisation
[1] Baudouin C, Labbe A, Liang H, Pauly A, Brignole-Baudouin F.
à grande échelle en particulier dans la chaîne alimentaire
Preservatives in eyedrops: the good, the bad and the ugly.
depuis de nombreuses années de désinfectants comme le
Progr Ret Eye Res 2010;29:312—34.
BAC a conduit à l’apparition non seulement de phénomènes [2] Gilbert P, Moore LE. Cationic antiseptics: diversity of action
de résistance bactérienne à ce conservateur, mais aussi under a common epithet. J Appl Microbiol 2005;99:703—15.
et surtout de résistance aux antibiotiques. Une prise de [3] Ioannou CJ, Hanlon GW, Denyer SP. Action of disinfectant
conscience globale des dangers de l’utilisation large des quaternary ammonium compounds against Staphylococcus
conservateurs n’est pas encore suffisante devant l’ampleur aureus. Antimicrob Agents Chemother 2007;51:296—306.
de la tâche qui attend les toxicologues avec le programme [4] Labbé A, Pauly A, Liang H, Brignole-Baudouin F, Martin C,
REACH. Les conservateurs semblent pour le moment passer Warnet JM, et al. Comparison of toxicological profiles of ben-
au second plan face à des toxiques plus largement répan- zalkonium chloride and polyquaternium-1: an experimental
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[5] Rajpal RK, Glaser SR. Antiseptics and disinfectants. In: Kooner
le problème des conservateurs est sérieusement considéré
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en ophtalmologie depuis plus d’une dizaine d’années où Lipppincott-Raven; 1997. p. 662—3.
les cliniciens et industriels collaborent étroitement afin [6] Rose FL, Swain G. Bisdiguanides having antibacterial activity.
de résoudre un véritable cercle vicieux qui, partant d’une J Chem Soc. 1956; Part IV, 4422-4425. In: P. Broxton, PM,
pathologie à traiter, conduit inexorablement à l’apparition Woodcock PG. A study of the antibacterial activity of some
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Le meilleur moyen de limiter ces complications ocu- 8739’’. J Appl Microbiol 1983;54:345—53.
laires passe par l’utilisation de collyres sans conservateur, [7] Hamed LM, Ellis FD, Boudreault G, Wilson FM, Helveston EM.
lorsqu’elle est possible, à défaut en privilégiant les associa- Hibiclens keratitis. Am J Ophthalmol 1987;104:50—6.
[8] Phinney RB, Mondino BJ, Hofbauer JD, Meisler DM, Langston
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férant les collyres à instillation uniquotidienne. Cela devrait
Hibiclens exposure. Am J Ophthalmol 1988;106:210—5.
permettre d’augmenter le confort du patient, l’observance [9] Darbre PD, Aljarrah A, Miller WR, Coldham NG, Sauer MJ, Pope
au traitement et d’assurer une meilleure efficacité de la GS. Concentrations of parabens in human breast tumours. J
prise en charge et le succès d’une future chirurgie filtrante. Appl Toxicol 2004;24:5—13.
Cependant, les unidoses sont plus onéreuses à la fabri- [10] Darbre PD, Harvey PW. Paraben esters: review of recent stu-
cation et moins écologiques que les multidoses. Certains dies of endocrine toxicity, absorption, esterase and human
laboratoires ont mis au point des conditionnements de col- exposure, and discussion of potential human health risks. J
lyres multidoses sans conservateur comme, par exemple, le Appl Toxicol 2008;28:561—78.
système ABAK® ou le système COMOD® , qui équipent des [11] Handa O, Kokura S, Adachi S, Takagi T, Naito Y, Tanigawa T,
et al. Methylparaben potentiates UV-induced damage of skin
flacons multidoses pouvant être utilisés un et trois mois,
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sans instillation de conservateur toxique pour l’œil. Ces sys-
[12] Ingram PR, Pitt AR, Wilson CG, Olejnik O, Spickett CM. A
tèmes d’administration de collyres, tout à fait intéressants, comparison of the effects of ocular preservatives on mam-
présentent cependant l’inconvénient d’être limités à un malian and microbial ATP and glutathione levels. Free Radic
nombre restreint de molécules. Enfin, malgré l’abondance Res 2004;38:739—50.
de collyres contenant un conservateur, des efforts sont [13] Kaur IP, Lal S, Rana C, Kakkar S, Singh H. Ocular preserva-
manifestes pour contourner et éviter les effets toxiques tives: associated risks and newer options. Cutan Ocul Toxicol
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