Chapitre 5 Mythe Et Philsophie

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Université Cadi Ayyad - Marrakech

Faculté des lettres, des arts, et des sciences humaines

DLLF- Filière : Etudes françaises

Cours des Grands Mythes 2021

Professeur Youssef Ait hammou

Chapitre 5 :
Mythes et philosophie
Du muthos au logos
Pour comprendre la condition humaine et pour expliquer les mystères de la vie et les énigmes de
l’univers qui taraudent l’humanité (qui sommes-nous ? d’où venons-nous, où allons-nous ?comment
l’univers est organisé ? Comment pouvons-nous vivre ensemble), l’homo sapiens a développé
plusieurs formes culturelles plus ou moins complexes, plu ou moins convaincantes, transcendantes
ou immanentes, à savoir : la technique, la mythologie et la pensée magique, la religion et la
métaphysique spirituelle, la philosophie, les sciences, et les arts…
En principe, la philosophie (amour de la sagesse) s’oppose à la mythologie (système de récits
fabuleux)et aux mythes, étant donné que le logos (pensée rationnelle , argumentative, basée sur
quête de la vérité) ne reconnait aucun autorité au muthos (pensée mythique, récit fabuleux
imaginaire basé sur le mensonge et l’illusion).
Mythologie- MUTHOS Philosophie - LOGOS
- Parole, discours - parole, discours
- Explication du monde - explication du monde
- Récit concret - l’abstraction des concepts
- Quête du sens flou - quête du sens précis
- Récit fabuleux - de faits réels, témoignages historiques
- Imaginaire - rationalité
- Usage de la métaphore, de la poésie - usage du texte explicatif
- Polyphonie, polysémie des sens - unicité, monosémie du sens
- Décret de principes invérifiables - analyse de concepts
- Narration fictive - recherche de lois vérifiables
- populaire - argumentation
- élitiste

Mais, durant l’évolution de la pensée humaine, on constate aisément que le processus normal de la
compréhension des énigmes et mystères du monde passe par le mythe pour atteindre et accéder aux
sphères supérieures de la philosophie et de la science. Il existe donc un cheminement logique qui
mène du muthos au logos. La philosophie est considérée ici comme un dépassement, un progrès par
rapport à la mythologie. Le logos est né de la critique du muthos.
De plus, certains philosophes, comme Platon, n’ont pas hésité à avoir recours au mythe comme
allégorie pour leur système de pensée. Le mythe devient alors une sagesse comme la philosophie
(amour de la sagesse) et il est un excellent support de la réflexion philosophique. Autrement dit, la
mythologie est une étape fondamentale, un préalable indispensable pour accéder à la réflexion
philosophique.
Dans son livre la République, Platon explique sa théorie de la connaissance à travers du mythe de la
caverne ; dans le Banquet il propose une vision de l’amour au moyen du mythe de l’androgyne.
Le mythe devient allégorie des pensées philosophiques, mais il est aussi moyen d’exprimer ce que le
logos ne peut pas dire. Il existe une complémentarité réelle entre le mythe et la philosophie : par sa
poésie, par ses images, par sa fantaisie, le mythe arrive à dire ce que le carcan rigide de la rationalité
ne saurait comprendre ni formuler. Le mythe peut exprimer l’irrationnel, le mystère, l’inconscient, le
refoulé (selon Freud)
Pour expliquer sa philosophie, Platon a fait appel au mythe (allégorie) de la caverne. Ce mythe
permet d’exprimer l’organisation de la société, de distinguer la connaissance de l’ignorance,
d’opposer la vérité au mensonge et de réfléchir sur le statut du philosophe dans la société.
L’allégorie de la caverne de Platon
"Nous sommes comme des prisonniers enchainés dans une caverne,

et qui ne voient du vrai monde que les ombres projetées

par la lumière du dehors sur le mur de la paroi du fond"

Platon
Introduction
Allégorie, mythe ou métaphore absolue ?

Le terme « ’allégorie » signifie une représentation matérielle ou imagée d’une idée abstraite.

Littéralement, l’allégorie est une façon de parler dans l’agora. Dans ce cas, la philosophie de

Platon est personnifiée et matérialisée par le mythe de la caverne. Ex : la balance est

l’allégorie de la justice, la colombe celle de la paix…

La métaphore est une figure de style qui permet une comparaison entre deux objets : cet

homme est un lion(lion est une métaphore) : le mythe de la caverne est une métaphore de la

vie humaine (nous sommes comme ces prisonniers)

Le mythe est une création humaine permettant d’expliquer la vie, la société, le monde à

travers des personnages et des lieux fantastiques.

Le philosophe grec Platon ((424-347 av. J.-C.) opère une symbiose entre le mutos et le logos

pour mettre en valeur sa philosophie et sa conception de la vérité. Pour lui, l’homme nait

dans l’ignorance et doit partir à la quête de la connaissance et de la vérité au moyen d’un

effort rationnel basé sur le doute et sur le questionnement. L’homme cherche toujours à

s’arracher à son ignorance innée ou acquise. Platon montre dans ce récit , le mouvement et

le cheminement pour atteindre la vérité et la sagesse.

Par un récit concret, accessible à tous et émouvant, Platon réussit à expliquer l’organisation

sociale (ignorants/savants, citoyens/manipulateurs) et à monter le statut de l’homme sur

terre (ignorance/connaissance).

Le texte

L’allégorie de la caverne fait partie du livre 7 de la République e Platon. Elle exprime la

philosophie platonicienne sur la primauté du monde des idées sur le monde sensible. C’est

une invitation à réfléchir sur le bien, le savoir et la vérité. C’est aussi une manière de

montrer le pouvoir libérateur de la philosophie.

Le texte se base sur l’opposition binaire entre la réalité et l’illusion, entre le monde des

idées et le monde sensible…


Le texte se compose de quatre parties :

- (i) à l’intérieur de la caverne : depuis leur naissance, des hommes enchainés en

direction du mur et regardant des ombres projetées. Les hommes vivent dans

l’illusion et le mensonge fabriqués par d’autres hommes(les marionnettistes)

- (ii)la libération du philosophe : après un effort physique et intellectuel, le philosophe

se libère de ses chaines pour sortir progressivement de la caverne et découvrir la

vérité

- (iii) découverte de la lumière, de la vérité, de la connaissance


- (iv)après la découverte de la réalité et de la connaissance, le retour du philosophe :

dès son retour, le philosophe, qui cherche à partager ses idées et à construire une

société juste, est raillé et harcelé, voire tué par les prisonniers qui ne le croient

pas( voir le cas de Socrate, de Gandhi, de Jésus-Christ, de Mahomet…)


Extraits du livre 7 de la République :
“Voici des hommes dans une habitation souterraine en forme de grotte, qui a son
entrée en longueur, ouvrant à la lumière du jour l’ensemble de la grotte ; ils y sont
depuis leur enfance, les jambes et la nuque pris dans des liens qui les obligent à
rester sur place et à ne regarder b que vers l’avant, incapables qu’ils sont, à cause
du lien, de tourner la tête ; leur parvient la lumière d’un feu qui brûle en haut et au
loin, derrière eux ; et entre le feu et les hommes enchaînés, une route dans la
hauteur, le long de laquelle voici qu’un muret a été élevé, de la même façon que
les démonstrateurs de marionnettes disposent de cloisons qui les séparent des
gens ; c’est par-dessus qu’ils montrent leurs merveilles. […]
– Vois aussi, le long de ce muret, des hommes qui portent c des objets fabriqués de
toute sorte qui dépassent du muret, des statues d’hommes et d’autres êtres
vivants, façonnées en pierre, en bois, et en toutes matières ; parmi ces porteurs,
comme il est normal, les uns parlent, et les autres se taisent.
– C’est une image étrange que tu décris là, dit-il, et d’étranges prisonniers. “-
Semblables à nous, dis-je. Pour commencer, en effet, crois-tu que de tels hommes
auraient pu voir quoi que ce soit d’autre, d’eux-mêmes et les uns des autres, que
les ombres qui, sous l’effet du feu, se projettent sur la paroi de la grotte en face
d’eux ? […]
– Examine alors, dis-je, ce qui se passerait si on les détachait de leurs liens et si on
les guérissait de leur égarement, au cas où de façon naturelle les choses se
passeraient à peu près comme suit. Chaque fois que l’un d’eux serait détaché, et
serait contraint de se lever immédiatement, de retourner la tête, de marcher, et de
regarder la lumière, à chacun de ces gestes il souffrirait, et l’éblouissement le
rendrait incapable de distinguer les choses dont d tout à l’heure il voyait les
ombres ; que crois-tu qu’il répondrait, si on lui disait que tout à l’heure il ne voyait
que des sottises, tandis qu’à présent qu’il se trouve un peu plus près de ce qui est
réellement, et qu’il est tourné vers ce qui est plus réel, il voit plus correctement ?
Surtout si, en lui montrant chacune des choses qui passent, on lui demandait ce
qu’elle est, en le contraignant à répondre ? Ne crois-tu pas qu’il serait perdu, et
qu’il considérerait que ce qu’il voyait tout à l’heure était plus vrai que ce qu’on lui
montre à présent ?
– Et de plus, si on le contraignait aussi à tourner les yeux vers la lumière elle-
même, n’aurait-il pas mal aux yeux, et ne la fuirait-il pas pour se retourner vers les
choses qu’il est capable de distinguer, en considérant ces dernières comme
réellement plus nettes que celles qu’on lui montre ?
– Et si on l’arrachait de là par la force, dis-je, en le faisant monter par la pente
rocailleuse et raide, et si on ne le lâchait pas avant de l’avoir tiré dehors jusqu’à la
lumière du soleil, n’en souffrirait-il pas, et ne s’indignerait-il pas d’être traîné de la
sorte ? et lorsqu’il arriverait à la lumière, les yeux inondés de l’éclat du jour, serait-
il capable de voir ne fût-ce qu’une seule des choses qu’à présent on lui dirait être
vraies ? “
Le tableau suivant permet de schématiser l’opposition (le dualisme) entre deux
mondes, entre deux aspects du réel : l’intérieur de la caverne et l’extérieur de la
caverne ;
Le monde sensible : Le monde intelligible :
l’intérieur de la caverne l’extérieur de la caverne
Illusions Réalité
- Les sens, la perception - Intelligence, les idées
- Les illusions - La vérité
- L’obscurité - La réalité
- Monde souterrain, nocturne - La lumière, le soleil
- L’ignorance - Monde céleste, diurne
- Le mensonge - La connaissance
- L’erreur - La pensée
- Les préjugés - LE MONDE DES IDEES
- Les a priori - La vérité
- Le prêt-à-penser - La liberté
- LE MONDE MATERIEL - La pensée
- L’opinion - Monde invisible
- Les ombres considérées comme - La cause première
réalité par ce qu’on ignore l’existence - CULTURE
de l’extérieur - Le risque, l’aventure
- Le prisonnier ne connait pas les - savoir
causes des images ; les images ont là, - L ELITE (aristocratie)
elles ne sont pas « images de »
- L’artificiel
- Les apparences
- La croyance
- Superstitions
- Les erreurs
- La prison, le conditionnement
- La naïveté
- Aliénation
- L’effet, la conséquence
- NATURE
- Obscurité protectrice
- Croire savoir
- LA MASSE
Le passage de l’intérieur de la caverne à l’extérieur exige beaucoup d’effort, une dialectique infaillible
et une contemplation, la remise en question de nos certitudes, une éducation(la paideia de l’éveil),
les mathématiques, la géométrie…Le philosophe opère deux voyages entre l’intérieur et l’extérieur :
le premier lui permet de découvrir la vérité et la réalité, le second il l’accomplit pour ramener la
lumière aux autres prisonniers pour les éveiller et leur faire prendre conscience de leur situation.
Le processus de la connaissance est difficile et il est source de souffrance : il faut désapprendre
(oublier les préjugés, les illusions, la matière)pour apprendre (découvrir la vérité, se libérer des
préjugés)et pour transmettre cette connaissance aux prisonniers de la caverne. Le processus de la
connaissance est un acte de désobéissance, de rébellion et de révolte contre l’héritage fallacieux,
contre les marionnettistes(les sophistes, les politiciens, les prêtres, les médias) qui nous manipulent.
Mais, les esclaves sont souvent contre le prisonnier libéré (le philosophe) parce qu’il dérange leurs
certitudes et leurs croyances.

Les principaux symboles du texte sont :


- La caverne est l’allégorie du monde, de la vie, de la société, de la cité où tout est mensonge
- Les prisonniers renvoient à la condition humaine
- Les chaines renvoient aux préjugés, aux erreurs, à la croyance
- Les marionnettistes sont les politiciens, les démagogues, les idéologues qui fabriquent des
illusions
- Les ombres sont les illusions
Tout le mythe porte la morale suivante : l’homme ne peut s’accomplir, ne peut se libérer que par le
savoir, la philosophie.
Il est intéressant de mettre ce mythe en relation avec un autre mythe grec tout aussi important : le
mythe de Prométhée qui a défié les dieux de l’Olympe et leur a volé le feu (symbole de connaissance,
d’art, d’intelligence, de lumières…) pour le donner aux humains.
Prométeus

Le mythe de la caverne dans les arts


Les mythes grecs ont tous été repris dans la littérature, le théâtre, la peinture, le dessin, le cinéma.
Cette reprise (ou réécriture) permet de les garder en mémoire et de les améliorer.

1- En peinture : le peintre Magritte a produit ce tableau pour exprimer les


illusions de notre vie et des symboles qui nous entourent

la condition humaine de Magritte

la trahison des images de Magritte


2- Dans le cinéma, quatre films sont importants à signaler :
-Matrix de Les Wachowski 1999 qui raconte l’histoire de « Thomas A. Anderson (Keanu Reeves),
un jeune informaticien connu dans le monde du hacking sous le pseudonyme de Neo17, est contacté
via son ordinateur par ce qu’il pense être un groupe de hackers. Ils lui font découvrir que le monde
dans lequel il vit n’est qu’un monde virtuel dans lequel les êtres humains sont gardés
inconsciemment sous contrôle. Morpheus (Laurence Fishburne), le capitaine du Nebuchadnezzar,
contacte Néo et pense que celui-ci est l’Élu qui peut libérer les êtres humains du joug des machines
et prendre le contrôle de la matrice (selon ses croyances et ses convictions). »(voir wikipédia) (voir
Trucs de philo, Matrix la caverne de Platon)
-The Truman Show de Peter Weir, sorti en 1998 qui raconte l’histoire de « Truman Burbank
est un agent d'assurances, marié à Meryl, qui est infirmière. Ils vivent paisiblement dans la cité
paradisiaque de Seahaven remplie de gens sympathiques, de maisons identiques et de jardins bien
entretenus. Truman a néanmoins envie de voyager à l'étranger, de découvrir de nouvelles choses et,
surtout, de retrouver une femme, Sylvia, dont le regard l'a envoûté dans sa jeunesse. Cependant,
tout semble contraindre Truman à rester dans la ville. Sans le savoir, il est en effet le héros d'une
émission de télé-réalité qui le suit depuis sa naissance. »(wikipédia)
-Invasions Los Angeles de J. Carpenter 1988 qui parle de « John Nada parcourt les routes à la
recherche d'un emploi comme ouvrier sur les chantiers. Embauché à Los Angeles, il fait la
connaissance de Frank Armitage qui lui propose de venir loger dans son bidonville. John va y
découvrir une paire de lunettes de soleil hors du commun : elles permettent de voir le monde tel qu'il
est réellement, à savoir gouverné par des extraterrestres ayant l'apparence d'humains et maintenant
ces derniers dans un état apathique au moyen d'une propagande subliminale omniprésente. Après
avoir tué à l'arme à feu quelques extraterrestres, il s'efforce de convaincre Frank de la réalité de cette
invasion. Tous deux entrent ensuite en contact avec un groupe de rebelles organisés et décidés à
éradiquer les envahisseurs. »(Wikipédia)
-Le Conformiste de Bernardo Bertolucci, sorti en 1970 qui parle de Marcello : « Depuis
son enfance, Marcello est hanté par le meurtre d’un homosexuel qu’il croit avoir commis. En quête
obsessionnelle de rachat, il s’efforce de rentrer dans le rang. Il épouse Giulia, une jeune bourgeoise
naïve. Fasciste par conformisme, il est envoyé par les services secrets de Mussolini en mission en
France pour approcher et supprimer son ancien professeur de philosophie en exil qui lutte au sein
d’un groupe de résistance antifasciste. A Paris, Marcello rencontre le professeur en compagnie de sa
séduisante femme Anna, du même âge que Giulia. (Allo Ciné)
EN PHILOSOPHIE, on a deux livres :

LE FILM MATRICE SE BASE SUR LA THEORIE DE GUNTER ANDERS


La caverne numérique
Aujourd’hui, nous vivons sans le savoir dans le monde de la caverne numérique ,dominés par les
FAKE NEWS, les Deepfake, les trucages, la désinformation, les faux profils, les visages et voix falsifiés,
et surtout la plupart des internautes n’ont pas les moyens intellectuels et techniques pour distinguer
le vrai du faux.
Nous vivons comme des prisonniers parmi les écrans et nous communiquons par leur intermédiaire
avec le monde non-numérique.
Les ombres et les marionnettes de PLATON sont remplacées aujourd’hui par les pièges numériques
( les tablettes, les écrans, les jeux vidéo, la télévision, Facebook, Wathsapp)… manipulés par les GAFA
et les multinationales du numérique.
Les enfants (digital native) naissent et grandissent dans les mondes virtuels des tablettes et des
Smartphones et croient que c’est la réalité possible. Mais grâce à la philosophie, les arts, les sciences,
il est possible de les amener à prendre conscience que la vérité est ailleurs : dans la vie sensible,
matérielle, dans les livres, dans les arts et dans la rencontre réelle avec les autres.
Le mensonge numérique est toléré, accepté et même intégré comme norme de la vie. De plus, nous
vivons une dictature invisible du numérique, du virtuel et des algorithmes inventés par Silicon Valley
La caverne marocaine
Les médias, les institutions éducatives, la vie culturelle au Maroc cherchent à maintenir les citoyens
dans l’ignorance, la croyance, l’illusion, le minimum de savoirs et surtout ils incitent le citoyen à
croire que la détention d’un diplôme vaut mieux que le savoir lui-même. Dans la religion, dans les
sciences, dans les arts, l’apparence et les tartuffes priment sur la vérité essentielle. Au Maroc, il
n’existe aucune démocratisation réelle de la culture et des arts. Pour maintenir la hiérarchie sociale
et culturelle, les riches sont exposés au meilleur de l’intelligence humaine et marocaine et à la
beauté des arts ; tandis que les pauvres et les démunis( les damnés de l terre de F.Fanon) sont
exposés à la médiocrité et aux arts de bas de gamme.
La fracture culturelle entre les info-riches et les info-pauvres se manifeste aussi bien au niveau
régional (le sud et l’est du Maroc souvent éloignés de la vie culturelle nationale ou mondiale), qu’au
niveau social (le centre est privilégié par rapport à la périphérie). Les arts et le cinéma sont interdits
dans les écoles du peuple mais encouragés pour les élites et les riches. L’aboutissement de cette
rupture s’exprime dans la différence entre le Maroc utile et le Maroc inutile, dans l’opposition entre
le pays du Makhzen et le pays de Siba.
A travers cette analyse, on voit bien que le Maroc actuel n’échappe pas à la réflexion platonicienne ni
à la vision mythique.
La caverne marocaine est à la fois politique, sociale, anthropologique et culturelle. Elle est renforcée
aujourd’hui par la prolifération des réseaux sociaux (Facebook, Whatsapp) et des tablettes
numériques : la dictature du divertissement contrôle le rapport des damnés de a terre avec la
nouvelle technologie de l’information. Pour le peuple marocain, les NTIC ne sont que de simples
moyens de divertissement et de délassement et non pas des outils de connaissance, d’expression
artistique et de découverte du monde et de l’altérité. Les NTICS sont devenus le nouvel opium du
peuple (K. Marx) capables de de le détourner des vrais problèmes et capables de l’abreuver de
futilités et de médiocrités des crétins.
Allégorie de la caverne de Platon :
le texte tiré du Livre 7 de la République
La caverne
Socrate— [514] Représente-toi de la façon que voici l'état de notre nature relativement à
l'instruction et à l'ignorance. Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de
caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière. Ces hommes sont là depuis leur
enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu'ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant
eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête. La lumière leur vient d'un feu allumé sur une
hauteur, au loin derrière eux. Entre le feu et les prisonniers passe une route élevée. Imagine que le
long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes
dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.
Glaucon— Je vois cela.
Socrate— Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute
sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d'hommes et d'animaux, en pierre, en bois et en toute
espèce de matière. Naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent.
Glaucon— Voilà, un étrange tableau et d'étranges prisonniers.
Socrate— Ils nous ressemblent, répondis-je. Penses-tu que dans une telle situation ils n'aient jamais
vu autre chose d'eux mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la
caverne qui leur fait face ?
Glaucon— Comment cela se pourrait-il s'ils sont forcés de rester la tête immobile durant toute leur
vie ?
Socrate— Et pour les objets qui défilent n'en est-il pas de même ?
Glaucon— Sans contredit.
Socrate— Mais, dans ces conditions, s'ils pouvaient se parler les uns aux autres, ne penses-tu pas
qu'ils croiraient nommer les objets réels eux-mêmes en nommant ce qu'ils voient ?
Glaucon— Nécessairement.
Socrate— Et s'il y avait aussi dans la prison un écho que leur renverrait la paroi qui leur fait face,
chaque fois que l'un de ceux qui se trouvent derrière le mur parlerait, croiraient-ils entendre une
autre voix, à ton avis, que celle de l'ombre qui passe devant eux ?

Glaucon— Non par Zeus.


Socrate— Assurément, de tels hommes n'attribueront de réalité qu'aux ombres des objets fabriqués.
Glaucon— De toute nécessité.
Socrate— Considère maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on les délivre de leurs chaînes
et qu'on les guérisse de leur ignorance. Qu'on détache l'un de ces prisonniers, qu'on le force à se
dresser immédiatement, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière. En faisant tous
ces mouvements il souffrira, et l'éblouissement l'empêchera de distinguer ces objets dont tout à
l'heure il voyait les ombres. Que crois-tu donc qu'il répondra si quelqu'un vient lui dire qu'il n'a vu
jusqu'alors que de vains fantômes, mais qu'à présent, plus près de la réalité et tourné vers des objets
plus réels, il voit plus juste ? Si, enfin, en lui montrant chacune des choses qui passent, on l'oblige, à
force de questions, à dire ce que c'est, ne penses-tu pas qu'il sera embarrassé, et que les ombres qu'il
voyait tout à l'heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu'on lui montre maintenant ?
Glaucon— Beaucoup plus vraies.
Socrate— Et si on le force à regarder la lumière elle-même, ses yeux n'en seront-ils pas blessés ? N'en
fuira-t-il pas la vue pour retourner aux choses qu'il peut regarder, et ne croira-t-il pas que ces
dernières sont réellement plus distinctes que celles qu'un lui montre ?
Glaucon— Assurément.
Socrate— Et si, reprise-je, on l'arrache de sa caverne, par force, qu'on lui fasse gravir la montée rude
et escarpée, et qu'on ne le lâche pas avant de l'avoir traîné jusqu'à la lumière du soleil, ne souffrira-t-
il pas vivement et ne se plaindra-t-il pas de ces violences ? Et lorsqu'il sera parvenu à la lumière,
pourra-t-il, les yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une seule des choses que maintenant nous
appelons vraies ?
Glaucon— Il ne le pourra pas, du moins au début.
Socrate— Il aura, je pense, besoin d'habitude pour voir les objets de la région supérieure. D'abord ce
seront les ombres qu'il distinguera le plus facilement, puis les images des hommes et des autres
objets qui se reflètent dans les eaux, ensuite les objets eux-mêmes. Après cela, il pourra, affrontant
la clarté des astres et de la lune, contempler plus facilement pendant la nuit les corps célestes et le
ciel lui-même, que pendant le jour le soleil et sa lumière.
Glaucon— Sans doute.
Socrate— À la fin, j'imagine, ce sera le soleil, non ses vaines images réfléchies dans les eaux ou en
quelque autre endroit, mais le soleil lui-même à sa vraie place, qu'il pourra voir et contempler tel
qu'il est.
Glaucon— Nécessairement.
Socrate— Après cela il en viendra à conclure au sujet du soleil, que c'est lui qui fait les saisons et les
années, qui gouverne tout dans le monde visible, et qui, d'une certaine manière, est la cause de tout
ce qu'il voyait avec ses compagnons dans la caverne.
Glaucon— Évidemment, c'est à cette conclusion qu'il arrivera.
Socrate— Or donc, se souvenant de sa première demeure, de la sagesse que l'on y professe, et de
ceux qui y furent ses compagnons de captivité, ne crois-tu pas qu'il se réjouira du changement et
plaindra ces derniers ?
Glaucon— Si, certes.
Socrate— Et s'ils se décernaient alors entre eux honneurs et louanges, s'ils avaient des récompenses
pour celui qui saisissait de l'oeil le plus vif le passage des ombres, qui se rappelait le mieux celles qui
avaient coutume de venir les premières ou les dernières, ou de marcher ensemble, et qui par là était
le plus habile à deviner leur apparition, penses-tu que notre homme fût jaloux de ces distinctions, et
qu'il portât envie à ceux qui, parmi les prisonniers, sont honorés et puissants ? Ou bien, comme le
héros d'Homère, ne préférera-t-il pas mille fois n'être qu'un valet de charrue, au service d'un pauvre
laboureur, et de souffrir tout au monde plutôt que de revenir à ses anciennes illusions et vivre
comme il vivait ?
Glaucon— Je suis de ton avis, il préférera tout souffrir plutôt que de vivre de cette façon là.
Socrate— Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et aille s'asseoir à son
ancienne place. N'aura-t-il pas les yeux aveuglés par les ténèbres en venant brusquement du plein
soleil ?
Glaucon— Assurément si.
Socrate— Et s'il lui faut entrer de nouveau en compétition, pour juger ces ombres, avec les
prisonniers qui n'ont point quitté leurs chaînes, dans le moment où sa vue est encore confuse et
avant que [517a] ses yeux se soient remis (puisque l'accoutumance à l'obscurité demandera un
certain temps), ne va-t-on pas rire à ses dépens, et ne diront-ils pas qu'étant allé là-haut il en est
revenu avec la vue ruinée, de sorte que ce n'est même pas la peine d'essayer d'y monter ? Et si
quelqu'un tente de les délier et de les conduire en haut, et qu'ils puissent le tenir en leurs mains et
tuer, ne le tueront-ils pas ?
Glaucon— Sans aucun doute.

De la caverne à la lumière et de la lumière à la caverne


Socrate— Maintenant, mon cher Glaucon, il faut [517b] appliquer point par point cette image à ce
que nous avons dit plus haut, comparer le monde visible au séjour de la prison, et la lumière du feu
qui l'éclaire à la puissance du soleil. Quant à la montée dans la région supérieure et à la
contemplation de ses objets, si tu la considères comme l'ascension de l'âme vers le lieu intelligible, tu
ne te tromperas pas sur ma pensée, puisque aussi bien tu désires la connaître. Dieu sait si elle est
vraie. Pour moi, telle est mon opinion : dans le monde intelligible l'Idée du Bien est perçue la
dernière et avec peine, mais on ne la peut percevoir sans conclure qu'elle est la cause de tout ce qu'il
y a de droit et de beau en toutes choses ; qu'elle a, dans le monde visible, engendré la lumière et le
souverain de la lumière ; que, dans le monde intelligible, c'est elle-même qui est souveraine et
dispense la vérité et l'intelligence ; et qu'il faut la voir pour se conduire avec sagesse dans la vie
privée et dans la vie publique.
Glaucon— Je partage ton opinion autant que je puis te suivre.
Socrate— Eh bien ! partage là encore sur ce point, et ne t'étonne pas que ceux qui se sont élevés à
ces hauteurs ne veuillent plus s'occuper des affaires humaines, et que leurs âmes aspirent sans cesse
à demeurer là-haut.
Glaucon— Oui, c'est naturel.
Socrate— Mais quoi, penses-tu qu'il soit étonnant qu'un homme qui passe des contemplations
divines aux misérables choses humaines ait mauvaise grâce et paraisse tout à fait ridicule, lorsque,
ayant encore la vue troublée et n'étant pas suffisamment accoutumé aux ténèbres environnantes, il
est obligé d'entrer en dispute, devant les tribunaux ou ailleurs, sur des ombres de justice ou sur les
images qui projettent ces ombres, et de combattre les interprétations qu'en donnent ceux qui n'ont
jamais vu la justice elle-même ?
Glaucon— Ce n'est pas du tout étonnant.
Socrate— Un homme sensé se rappellera qu'il y a deux sortes de troubles de la vue, dus à deux
causes différentes : le passage de la lumière à l'obscurité et le passage de l'obscurité à la lumière.
Songeant que ceci vaut également pour l'âme, quand on verra une âme troublée et incapable de
discerner quelque chose, on se demandera si venant d'une existence plus lumineuse, elle est
aveuglée faute d'habitude, ou si, passant d'une plus grande ignorance à une existence plus
lumineuse, elle est éblouie par son trop [518b] vif éclat. Dans le premier cas, alors, on se réjouirait de
son état et de l'existence qu'elle mène ; dans le second cas on la plaindrait, et si l'on voulait en rire, la
raillerie serait moins ridicule que si elle s'adressait à l'âme qui redescend de la lumière.
Glaucon— C'est parler avec beaucoup de justesse.
Conclusion
Socrate— La méthode dialectique est donc la seule qui, rejetant les hypothèses, s'élève jusqu'au
principe même pour établir solidement ses conclusions, [533d] et qui, vraiment, tire peu à peu l'oeil
de l'âme de la fange grossière où il est plongé et l'élève vers la région supérieure [...[533e]...]

Il suffira donc d'appeler science la première division de la connaissance, pensée discursive la seconde
[534a], foi la troisième, et imagination la quatrième ; de comprendre ces deux dernières sous le nom
d'opinion, et les deux premières sous celui d'intelligence, l'opinion ayant pour objet la génération, et
l'intelligence l'essence ; et d'ajouter que ce qu'est l'essence par rapport à la génération, l'intelligence
l'est par rapport à l'opinion, la science par rapport à la foi, et la connaissance discursive par rapport à
l'imagination [...]

Exercices
1- Analysez cette phrase de Luc Ferry en expliquant l’origine des expressions citées : « Les
expressions issues de la mythologie grecque se sont inscrites par dizaines dans le langage
courant. On parle d'une « pomme de discorde », d'un « dédale » de rues, de « prendre le
taureau par les cornes », toucher le « pactole », « tomber de Charybde en Scylla », « suivre le
fil d'Ariane », « jouer les Cassandres ». On ne compte plus les métaphores des Sirènes, de
Typhon, Triton, Sibylle, Stentor, Mentor, Laïus, Œdipe… » in Mythologie et philosophie: le
sens des grands mythes grecs
2- Citez des cas de mensonge détectés dans les réseaux sociaux
3- Quels sont les outils actuels pour sortir de la caverne de l’ignorance ?
4- Que préférez-vous : un beau mensonge qui vous rassure et vous rend heureux ou une vérité
crue qui vous fait mal et vous rend malheureux ?
5- Que préférez-vous : vous soumettre au mensonge ou vous soumettre à la vérité ?
6- Cherchez d’autres œuvres artistiques qui s’inspirent de l’allégorie de la caverne

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