Œil Et Sclerose en Plaques
Œil Et Sclerose en Plaques
Œil Et Sclerose en Plaques
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune entraînant la formation de foyers de
démyélinisation au sein du système nerveux central.
La neuropathie optique – encore dénommée névrite optique ou névrite optique rétrobulbaire (NORB) – est
une neuropathie optique inflammatoire démyélinisante ; elle est une des manifestations les plus fréquentes de
la SEP, dont elle peut être inaugurale (20 % des cas).
I. Généralités
La névrite optique affecte typiquement des adultes jeunes, le plus souvent entre 20 et 40 ans, avec une nette
prédominance pour le sexe féminin (environ 75 %).
Elle est le premier signe de la maladie dans un tiers des cas.
Les autres atteintes oculaires sont plus rares ; il s'agit principalement de paralysies oculomotrices.
A. Neuropathie optique
1. Signes cliniques
Elle se manifeste typiquement par une baisse d'acuité visuelle rapidement progressive, sur quelques heures à
quelques jours, importante, le plus souvent unilatérale. Son diagnostic est clinique.
Des douleurs rétro-oculaires sont très fréquentes, augmentées lors des mouvements oculaires ; elles
accompagnent ou précèdent la survenue de la neuropathie optique. Ces douleurs sont un signe important
d'orientation car elles évoquent le caractère inflammatoire de la neuropathie. Elles sont présentes dans 80 %
des cas.
À l'examen :
• la baisse visuelle est d'importance variable, pouvant être inférieure à 1/10 ;
• un déficit pupillaire afférent (pupille de Marcus Gunn) du côté atteint est mis en évidence : l'éclairement
alterné des pupilles, en obscurité, relève une dilatation paradoxale de la pupille du côté atteint (vidéo 10).
L'examen du fond d'œil est normal dans la grande majorité des cas ; une inflammation antérieure du nerf
optique (papillite) se manifeste par un œdème papillaire non spécifique dans de rares cas.
Une inflammation intraoculaire modérée, antérieure ou postérieure est possible mais rare également (5 %) et
si celle-ci est présente, elle doit faire suspecter une cause infectieuse (syphilis) ou inflammatoire systémique
(sarcoïdose) avant de l’attribuer à la sclérose en plaques.
2. Examens complémentaires
L'examen du champ visuel montre un scotome central ou cæcocentral (fig. 19.1 à 19.3) du côté de la NORB
(flèche).
L'examen de la vision des couleurs montre classiquement une dyschromatopsie d'axe rouge-vert.
L'OCT peut retrouver un épaississement des fibres ganglionnaires péripapillaires en cas de névrite optique
aiguë. Au stade séquellaire ou lors des SEP anciennes, on peut constater une perte de cette épaisseur des
fibres ganglionnaires maculaires et péripapillaires (évolution vers une atrophie optique de degré variable).
Devant une névrite optique, l'IRM encéphalique, de réalisation systématique, permet d'évaluer le risque
d'évolution ultérieure vers une SEP, en recherchant des anomalies associées de la substance blanche
encéphalique, notamment en situation périventriculaire. Des séquences IRM dédiées à l'exploration de l'orbite
mettent en évidence dans la majorité de cas un hypersignal du nerf optique en cas de neuropathie optique.
Celui-ci se réhausse après injection de gadolinium traduisant le caractère récent de la lésion.
Une ponction lombaire n'est pas systématique, elle recherche des anomalies en faveur d'une inflammation
(bandes oligoclonales d'immunoglobuline G), en excluant les autres processus méningés (infectieux,
infiltratifs).
Les PEV ne sont pas systématiques – ils sont très altérés au stade aigu ; ils peuvent montrer sur l'œil
controlatéral sain un allongement des temps de latence traduisant un ralentissement de la conduction
évoquant des lésions de démyélinisation.
3. Évolution
L'évolution se fait vers la régression avec le plus souvent une bonne récupération visuelle, en environ 3 à 6
mois.
Après un premier épisode, la grande majorité des patients récupère une acuité visuelle normale. Toutefois, de
nombreux patients se plaignent de troubles des contrastes ou des couleurs parfois persistants.
Le principal risque après une névrite optique est celui d'une évolution vers une sclérose en plaques, qui est
globalement de l'ordre de 50 % après 15 ans d'évolution. Si l'IRM initiale est normale, ce risque est réduit à
25 %. Les patients porteurs d'une seule ou plusieurs lésions encéphaliques à l'IRM ont un risque d'évolution
vers la SEP d'environ 75 % des cas.
À la phase chronique, ou après récupération visuelle, on peut observer un phénomène d'Uhthoff qui exprime la
thermolabilité des axones démyélinisés : elle se traduit lors de l'élévation de la température corporelle (ex. :
effort physique, prise d'un bain chaud) par une baisse transitoire, réversible, de l'acuité visuelle.
Une récidive homo- ou controlatérale survient chez 30 % des patients.
4. Traitement
L'optic neuritis treatment trial (ONTT) a montré l'efficacité de la corticothérapie par voie intraveineuse à forte
dose, qui accélère la récupération visuelle et retarde la survenue d'un second épisode, sans toutefois modifier
le pronostic final.
5. Pronostic
Le pronostic fonctionnel de la névrite optique typique, idiopathique ou de la SEP, est le plus souvent
favorable ; des séquelles visuelles sont possibles, notamment dans les formes sévères avec baisse d'acuité
visuelle initiale profonde. L'acuité visuelle initiale est en effet le meilleur facteur prédictif de l'acuité visuelle
finale.
6. Diagnostic différentiel
C'est celui des autres neuropathies optiques, qui doivent être éliminées devant un tableau atypique (voir
chapitre 7, Altération de la fonction visuelle).
Autres névrites optiques démyélinisantes :
• La neuromyélite optique (NMO) ou neuromyélite de Devic est une maladie inflammatoire du système
nerveux central, différente de la SEP.
Elle atteint électivement les nerfs optiques (névrite optique) et la moelle épinière (myélite), et a un pronostic
beaucoup plus réservé que la SEP. Ainsi, la prise en charge d'une neuromyélite de Devic est très différente
d'une SEP, d'où la nécessité de son diagnostic précoce. Dans ce cadre, la névrite optique est plus sévère,
souvent bilatérale, parfois à bascule, se manifestant par une baisse visuelle profonde, d'installation rapide.
Une myélite est souvent associée, concomitante ou non de la névrite optique. La plupart des patients
souffrant de NMO portent des auto-anticorps sériques très spécifiques (autoanticorps anti-aquaporine-4 ou
anticorps anti-NMO), ayant une valeur pronostique de la maladie. Ils peuvent être initialement négatifs et
devenir positifs ultérieurement. Un tableau similaire de neuromyélite optique a été décrit chez des patients
n’ayant pas de anticorps antiNMO (AQP4) mais ayant des anti-MOG (myelin oligodendrocyte ganglioside).
• Névrites optiques non démyélinisantes
De nombreuses maladies systémiques (lupus erythémateux disséminé, panartérite noueuse, maladie de
Behçet, sarcoidose) ou infections (maladie de Lyme, syphilis, tuberculose, famille des herpes visus) peuvent
être responsables de névrites optiques non démyélinisantes.
B. Autres atteintes
1. Atteintes oculomotrices
Il peut s'agir de toute atteinte oculomotrice, le plus souvent :
• paralysies du VI, avec :
– diplopie binoculaire,
– convergence de l'œil atteint en position primaire,
Fig. 19.4 : Paralysie internucléaire : le parallélisme des deux yeux est conservé en position primaire (A), mais il existe une
limitation de l'adduction de l'œil droit dans le regard latéral gauche (B).
2. Nystagmus
Typiquement d'allure pendulaire, ou à ressort, le nystagmus est présent chez plus d'un tiers des patients
présentant une SEP évoluant depuis plus de 5 ans.
Le nystagmus est souvent responsable d’oscillopsies ou d’une baisse d’acuité visuelle en rapport avec
l’instabilité de la fixation du regard.
3. Périphlébites rétiniennes
Il s'agit d'engainements blanchâtres des veines rétiniennes périphériques ; ces périphlébites sont présentes
chez 5 % des patients (fig. 19.5).
Fig. 19.5 : Uvéite intermédiaire chez un patient avec sclérose en plaques. Le reste du bilan étiologique est négatif par
ailleurs. On note la présente de lésions de vasculites périphériques (flèches).
MOTS CLÉS
• Champ visuel, déficit altitudinal, scotome cæcocentral
• Corticothérapie 1 g/jour pendant 3 jours
• Traitement de fond (interféron : Copaxone®, Tisabri®, Gilenya®)
• IRM, ponction lombaire, PEV, champ visuel
• Névrite optique rétrobulbaire
• Paralysie oculomotrice internucléaire