Droit Constitutionnel I

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Introduction générale

Le droit constitutionnel se rapporte au fonctionnement du pouvoir politique, en d’autres


termes, au fonctionnement des institutions politiques, au statut des citoyens, à leur participation
à l’activité politique… Cette définition brève et platonique n’est pas susceptible de nous fournir
le véritable visage du droit constitutionnel. Nous allons tenter d’y parvenir en découvrant ce
qui constitue la matière de ce corps de règles, c’est-à-dire (ce) à quoi se rapporte le droit
constitutionnel (I) ainsi que la manière par laquelle il convient d’appréhender cette discipline
(II).

I. La matière du droit constitutionnel

Le droit constitutionnel est un corps de règles. Mais à quoi se rapporte-t-il ?

A. L’objet du droit constitutionnel

L’objet du droit constitutionnel, c’est le pouvoir politique au sein de l’État, c’est-à-dire,


pour emprunter la définition de Max Weber, c’est la relation de domination qu’entretient un
homme ou un groupe d’hommes dans un espace donné, au besoin par le recours à la force, sur
une société humaine1. Le droit constitutionnel est ainsi déterminé, pour reprendre l’idée de Léon
Duguit, par la relation gouvernants-gouvernés2. On aperçoit immédiatement que le droit
constitutionnel veut saisir un domaine dans lequel règnent la violence, le sacré et l’irrationnel.
Les règles de droit constitutionnel ont donc pour objet de rationaliser les phénomènes
politiques. Il reste à savoir si les règles juridiques parviennent à encadrer efficacement l’activité
politique. Peut-on alors réduire le droit constitutionnel aux seules règles de droit posées ?

B. La mission du droit constitutionnel

En ayant à l’esprit ce premier postulat, celui du caractère politique du droit


constitutionnel, nous pouvons dire, à la suite de Maurice Duverger et Jean Gicquel, que la
mission du droit constitutionnel est de concilier autorité et liberté3. Pendant longtemps, le
droit constitutionnel est défini comme un droit qui ne met en évidence que les manifestations
du pouvoir. Il apparaît aujourd’hui de plus en plus que c’est aussi un droit de la liberté. Cette
évolution a été favorisée par les principes du libéralisme et de l’État de droit. Mais cette
approche présente l’inconvénient d’être extensive et compréhensive. C’est pourquoi certains

1
2
3

1
auteurs lui préfèrent l’approche formelle de la matière du droit constitutionnel. Celui-ci se
réduirait alors à l’ensemble des prescriptions juridiques énoncées dans la Constitution. En
adoptant une telle position, on réduit la substance du droit constitutionnel à des données
formelles qui sont elles-mêmes réductrices.

On peut alors tenter un rapprochement en considérant que la substance du droit


constitutionnel est constituée des modes de régulation politique tels qu’ils sont énoncés
par le droit et vécus par certaines pratiques politiques.

Cette approche a certainement une influence sur la méthode en droit constitutionnel.

II. La méthode du droit constitutionnel

La connaissance du droit constitutionnel doit tenir compte d’un certain nombre de


considérations.

A. L’universalité et la diversité du droit constitutionnel

1. L’universalité du droit constitutionnel

Elle est due à :

- l’universalité de l’État. Comme le dit le philosophe Paul Valéry : « Il n’y a plus


aujourd’hui un seul roc qui ne soit habité et l’État est partout le mode
d’organisation des sociétés politiques4 » ;
- et l’universalité des principes. Le droit constitutionnel, tel qu’il est enseigné, a
pris naissance au siècle des Lumières. Il est fondé sur le constitutionnalisme,
c’est-à-dire sur l’idée que le pouvoir des hommes a pour assise la Constitution
et qu’il est limité par la Constitution. Aujourd’hui, avec l’universalisation de la
démocratie libérale et de l’État de droit, les principes constitutionnels deviennent
communs à l’humanité. C’est pourquoi l’apprentissage du droit constitutionnel
commence par la connaissance des rudiments théoriques par lesquels tout
système constitutionnel peut être saisi.

2. La diversité du droit constitutionnel

Elle découle de la diversité des États et des systèmes politiques. Il faut recourir à
l’analyse systémique pour découvrir la réalité du régime politique. Chaque système politique

4
Paul VALERY

2
doit être analysé en lui-même et compte tenu de son environnement. Pour saisir sa spécificité,
il apparaît par conséquent qu’au-delà des règles, il faut appréhender la pratique politique et
l’esprit des gens.

B. L’association du droit constitutionnel et de la science politique

Il a existé une querelle entre les constitutionnalistes sur le point de savoir par quel bout
appréhender la discipline. Pour les uns, il faut mettre en évidence la dimension politique (c’est
l’école de Maurice Duverger). Pour les autres, c’est le droit qui prime (c’est l’école de Favoreu).
La véritable question se trouve dans le degré d’efficacité avec lequel le droit saisit la politique.
Les deux matières ne sont pas opposées. Il faut associer droit constitutionnel et science
politique. La querelle entre droit constitutionnel politique et droit constitutionnel positif n’a
pas lieu d’être.

C. L’humilité et l’objectivité du droit constitutionnel

Il faut éviter l’excès de normativisme qui consiste à faire croire que le droit peut saisir
toute la politique. Il existe en droit constitutionnel la distinction faite par un auteur entre le droit
constitutionnel normatif, celui par lequel la norme et la réalité se rapprochent, et le droit
constitutionnel nominal, celui qui n’est le droit que par le nom.

Il faut faire preuve d’objectivité dans une matière où les convictions politiques peuvent
l’emporter sur des considérations scientifiques. Le combat des constitutionnalistes cache
quelques fois un combat des politiques.

Le cours de droit constitutionnel s’articulera autour de deux grandes parties : la théorie


générale du droit constitutionnel et les régimes politiques.

3
Première partie : Théorie générale du droit constitutionnel

Objectif général du cours. L’objectif de ce cours est de permettre aux étudiants d’avoir
une connaissance parfaite des règles de formation, d’organisation et de fonctionnement des
États.

Objectifs spécifiques du cours. Ce cours a pour objectifs spécifiques de permettre à


l’étudiant :

- de connaître les éléments constitutifs de l’État ;


- de maîtriser les différentes formes de l’État ;
- de maîtriser les différentes fonctions de l’État.

Mode d’évaluation. Les étudiants seront évalués à partir d’une épreuve écrite de 3
heures maximum. Il s’agira soit d’une dissertation juridique soit d’un questionnaire.

Dans cette partie, nous allons étudier les concepts fondamentaux du droit
constitutionnel. Il s’agit de notions que l’on retrouve dans tous les systèmes politiques. Il existe
une théorie générale du droit constitutionnel construite autour des notions d’État (Chapitre I),
de Constitution (Chapitre II) et de représentation politique (Chapitre III).

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Chapitre I : L’État

Apparemment, l’État est une notion simple. Ce n’est qu’une apparence. En réalité, le
terme tend à désigner plusieurs institutions et situations. La notion d’État s’applique en effet
aussi bien au gouvernement et à l’administration qu’au pays.

Pour bien saisir la notion d’État, nous en examinerons successivement la notion (Section
1), les formes (Section 2) et les fonctions (Section 3).

Section 1 : La notion d’État

De l’État, on peut donner une définition sociologique et une définition juridique.

§ 1 : La définition sociologique

Au sens du droit constitutionnel, l’État peut se définir, au regard de ses éléments


sociologiques, comme l’organisation d’une collectivité humaine sur un territoire donné
autour d’un pouvoir politique. Il ressort de cette définition que pour qu’il y ait État, il faut
nécessairement réunir trois éléments : la population, le territoire et le pouvoir politique.

A. La population

Avant tout, l’État est une collectivité humaine. Mais l’existence d’une collectivité
humaine sur un espace donné est en elle-même impuissante à donner naissance à un État. Ce
qui est important, c’est le fait que cette collectivité vivant sur une sphère politique donnée se
sente distincte d’une autre collectivité lointaine ou voisine.

D’un point de vue qualitatif, la population est valorisée par le critère de la nationalité
et par les concepts de « nation » et de « peuple ». À l’intérieur de l’État, une distinction
essentielle est en effet faite au plan juridique entre nationaux et étrangers. La nationalité est le
lien juridique de rattachement d’une personne à un État ; les personnes qui ont un lien juridique
de rattachement avec d’autres États sont des étrangers et celles qui ne bénéficient d’aucun lien
de rattachement sont des apatrides. Certaines personnes ont la double nationalité lorsque cela
est autorisé. En cas de double nationalité, la protection diplomatique est exercée par l’État qui
a le plus de liens effectifs avec l’individu.

Par ailleurs, la valorisation politique de la population se mesure au niveau collectif par


le degré de cohésion et de solidarité de cette population qui sont ici les liens affectifs nourrissant
le sentiment de solidarité et transformant un groupe hétérogène en un ensemble homogène et
solidaire, c’est-à-dire une nation ou un peuple. Le sentiment de solidarité qui fonde la nation

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peut être axé sur certaines considérations telles que la race, la religion, la langue ou la
géographie ; c’est la thèse objective de la nation, forgée en Allemagne par des auteurs comme
Fichte. Cette conception de la nation est très discriminatoire en ce que la nation s’identifie à la
race ; elle est d’ailleurs utilisée par Hitler comme l’une des bases du national-socialisme
(nazisme). Le sentiment de solidarité qui unit les individus dans leur volonté de vivre ensemble
peut, en plus des éléments objectifs, se fonder sur des éléments subjectifs. En effet, l’histoire
commune des guerres, des calamités ou des réussites communes sont autant de facteurs qui
forgent une nation : c’est la thèse subjective de la nation mise en évidence par des auteurs
français comme Ernest Renan et Jules Michelet5.

La nation, quoi qu’il en soit, est l’œuvre du temps. C’est ce que nous enseigne l’histoire
des pays occidentaux où la nation s’identifie à l’État. En Afrique, il faut le reconnaître, il y a
une dissociation entre la nation et l’État : ce sont les États établis qui cherchent à construire des
nations.

B. Le territoire

Il ne peut y avoir d’État véritable sans territoire. L’espace territoriale est la zone de
juridiction de l’État, c’est-à-dire l’espace sur lequel s’exercent la réglementation et la plénitude
de sa souveraineté. On ne peut concevoir un État aux frontières indéterminées ou extensibles.
Les frontières permettent de délimiter l’espace sur lequel vit la population.

C. Le pouvoir politique

Pour que l’État existe, il est nécessaire que le comportement de la population sur le
territoire soit ordonné par le pouvoir politique. Celui-ci a la charge d’assurer l’ordre et la
sécurité, de construire et de maintenir l’unité de l’État et de la nation. Et pour ce faire, le pouvoir
politique doit être effectif et légitime.

§ 2 : La définition juridique

Deux éléments permettent au plan juridique d’identifier l’État, à savoir la personnalité


juridique et la souveraineté.

A. La personnalité juridique

5
Dans Qu’est-ce qu’une nation ? (1882), Renan écrit : « Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la
même langue, ou d’appartenir à un groupe ethnographique commun, c’est d’avoir fait ensemble de grandes
choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir… ».

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Elle confère à l’État, en tant qu’entité souveraine, des droits et lui impose des
obligations. Elle le place en position d’assumer ses responsabilités. La personnalité juridique
est appelée à renforcer l’existence et le fonctionnement tant interne qu’international de l’État.
Elle assure la pérennité et la continuité de l’État et du pouvoir.

Au-delà de sa qualité formelle de sujet de droit, l’État est une institution : on passe ainsi
de la souveraineté du chef à celle de l’État.

B. La souveraineté

Comme l’écrit un auteur, « aussi longtemps que subsista pendant les premiers siècles
du Moyen-Âge, l’idée d’un peuple chrétien d’Occident soumis à la seule potestas de l’empereur
et à l’unique autoritas du Pape, le problème de la souveraineté ne se pose pas6 ». La rupture
avec le Pape et l’avènement de l’Empire donnent à la souveraineté son existence et son sens.
Pour Jean Bodin, la souveraineté est l’expression par laquelle on désigne un pouvoir suprême.
En d’autres termes, c’est un pouvoir qui ne relève d’aucun autre pouvoir. Le pouvoir souverain
n’est soumis à aucun autre pouvoir ni dans l’ordre interne ni dans l’ordre international. La
notion de souveraineté exclut par définition toute possibilité de contrôle sur le pouvoir d’État.

Section 2 : Les formes de l’État

On peut distinguer l’État unitaire et l’État composé.

§ 1 : L’État unitaire

La notion d’État unitaire se définit à partir d’une idée simple. Mais ses modalités
d’organisation sont variables.

A. La notion d’État unitaire

L’État unitaire, appelé aussi « État simple », est la forme la plus simple d’organisation
de l’État. C’est une forme caractérisée par l’unicité de chacun de ses éléments constitutifs.
De cette unicité découle une simplicité de fonctionnement de l’État. Dans ce type d’État, il
existe un seul centre d’impulsion politique. Il existe aussi un seul ordonnancement juridique.
Une seule volonté politique s’impose à l’ensemble des citoyens sur le territoire de l’État et
l’ensemble de la population est soumise aux mêmes lois. La très grande majorité des États
africains, dont la Côte d’Ivoire, adopte ce type d’État.

7
Mais l’État unitaire peut être diversement aménagé (organisé).

B. L’organisation de l’État unitaire

L’État unitaire peut être centralisé ou décentralisé.

1. La centralisation

Lorsque l’État unitaire est centralisé, les décisions aussi bien politiques
qu’administratives relèvent du pouvoir central : il n’y a pas d’intermédiaires entre le pouvoir
central et les gouvernés. Historiquement, cette forme d’organisation du pouvoir étatique est
rendue nécessaire par la volonté que manifestent les systèmes étatiques naissants et/ou fragiles
à contenir les risques de désintégration et les velléités séparatistes.

L’État unitaire centralisé comporte lui-même en théorie deux modèles d’organisation :


la concentration et la déconcentration. L’État concentré met directement en relation le
pouvoir central avec la population : il n’y a pas de relai entre ces deux niveaux même lorsqu’il
s’agit de l’application des décisions gouvernementales. Dans la réalité, un tel État unitaire
n’existe pas à cause des problèmes qu’il susciterait. Son fonctionnement conduirait en effet à
la paralysie de l’appareil d’État. On a donc aménagé des correctifs dont le plus élémentaire est
la déconcentration. Avec la déconcentration, le pouvoir central nomme les agents qui le
représentent dans les localités. Les agents ainsi nommés sont soumis au pouvoir hiérarchique
du pouvoir central et responsables de leurs actes devant cette même autorité centrale. De ce fait,
ils peuvent être révoqués à tout moment par l’autorité centrale qui n’est pas tenue de justifier
sa décision de révocation. Les agents nommés dans les localités exercent des compétences
administratives qui leur sont attribuées par l’autorité centrale. Ils agissent pour le compte de ce
pouvoir et sont le relai entre le gouvernement et les citoyens : préfets, sous-préfets, chefs de
village.

2. La décentralisation

La décentralisation est une technique par laquelle l’État reconnaît à des collectivités
territoriales (décentralisation territoriale) et à des services publics (décentralisation technique)
qu’il crée le pouvoir de s’auto-administrer. En Côte d’Ivoire, les collectivités territoriales
décentralisées sont les communes et les régions. La décentralisation est régie par un certain
nombre de principes parmi lesquels la détermination des principes de fonctionnement par
la loi, l’élection des personnes et des organes décentralisés par les citoyens, l’attribution
d’une personnalité juridique aux collectivités décentralisées et l’existence d’un rapport de

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tutelle entre le pouvoir central et les collectivités décentralisées. L’autorité décentralisée
n’est pas sous la dépendance directe du pouvoir central.

§ 2 : Les États composés

Il a existé plusieurs types d’États composés. Il en reste deux principalement


aujourd’hui : la Confédération d’États et l’État fédéral.

A. La Confédération d’États

On l’appelle aussi association d’États parce que chaque État membre de la


Confédération conserve toute sa personnalité juridique, c’est-à-dire son indépendance et sa
souveraineté. Au plan international, au sein de la Confédération d’États, les États confédérés
sont souverains et égaux. Ils sont liés par un traité international qui donne naissance à la
Confédération : c’est le pacte confédéral. Par ce traité, les États confédérés décident
souverainement de mener en commun dans des domaines déterminés et limités une seule et
même politique. Ils créent, pour ce faire, des organes confédéraux qui exercent des compétences
dans des domaines choisis. En règle générale, ce choix porte sur la monnaie et la défense.
Les États confédérés créent souvent des organes au sein desquels ils sont représentés sur une
base égalitaire. Les décisions sont prises à l’unanimité, ce qui peut constituer une cause de
paralysie. L’exemple de la Confédération de la Sénégambie, constituée par un traité en
décembre 1981 et entré en vigueur en février 1982, est édifiant : elle fut paralysée cinq ans
seulement après sa création (en 1986).

B. L’État fédéral

1. La notion

L’État fédéral est une union d’États qui prend normalement naissance par une
Constitution (acte juridique de droit interne). Il existe deux procédés de passage au
fédéralisme :

- par intégration (association) : on parle de fédéralisme par agrégation ;


- ou par désintégration (dissociation) : on parle de fédéralisme par
désagrégation7.

On parle de fédéralisme par intégration (association) lorsque plusieurs États unitaires


décident de former un seul et même État. C’est l’exemple des États-Unis, du Canada, de la

7
C’est George SCELLE qui est à l’origine de cette distinction.

9
Suisse (où l’on parle faussement de Confédération helvétique)… Il se construit le plus souvent
entre des États unitaires qui conviennent, dans un premier temps, de constituer une
Confédération et, dans un second temps, de passer à la Fédération en tentant de réaliser un
équilibre entre, d’une part, des intérêts et des structures étatiques et, d’autre part, la préservation
des formes étatiques plurielles.

On parle de fédéralisme par dissociation lorsque, à la suite d’une décentralisation


réussie, des collectivités décentralisées se transforment en entités fédérées dans le but d’une
meilleure organisation.

Le fédéralisme repose sur certains principes.

2. Les principes d’organisation

Le fédéralisme repose sur trois principes : l’autonomie, la participation et la


superposition.

2.1. L’autonomie

Le principe d’autonomie signifie que chaque État fédéré a des compétences propres qui
sont distinctes des compétences de l’État fédéral. Quel que soit le mode de répartition des
compétences, certaines questions relèvent de la compétence des organes fédéraux :
monnaie, finance, défense, affaires extérieures, etc.

2.2. La participation

Le principe de participation tient de ce que l’État fédéral est un groupement de plusieurs


États fédérés. Il s’entend comme une participation des entités fédérées aux organes fédéraux.
Ainsi, le bicamérisme (bicaméralisme) se présente comme une caractéristique essentielle
du fédéralisme. Il signifie que le Parlement d’un État fédéral est composé de deux chambres :
une chambre représentant les populations (ex. de la Chambre des Représentants, aux États-
Unis) et une chambre représentant les États fédérés (ex. du Sénat américain).

La participation aux organes fédéraux étant acquise, les entités fédérées prennent
logiquement part sur une base égalitaire à l’élaboration des décisions valables pour l’État
fédéral (élaboration des lois, révision constitutionnelle, etc.).

2.3. La superposition

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Le principe de superposition permet d’avoir constamment à l’esprit le fait que
l’État fédéral, malgré la complexité de sa structure, est un État et non un composé d’États
souverains. La suprématie tient à la superposition des ordres juridiques, l’ordre juridique
fédéral étant l’ordre de référence de toutes les normes. C’est en référence à la Constitution
fédérale que se détermine l’organisation des entités fédérées. Au plan organique, on a également
la superposition jusqu’au sommet de l’État : il y a le Parlement fédéral, l’exécutif fédéral et la
juridiction constitutionnelle suprême.

Grâce à la superposition, l’État fédéral fonctionne sous le sceau de l’unité : unité du


territoire, unité de population et unité de pouvoir.

On note qu’en Afrique, c’est un mode d’organisation étatique peu pratiqué : certaines
fédérations ont disparu (c’est le cas de la Fédération du Mali qui englobait le Soudan français
(Mali actuel), le Sénégal, la Haute Volta (Burkina Faso) et le Dahomey (Bénin actuel)… ; de
la Fédération du Soudan (scindée en Soudan et Soudan du Sud) ; du Cameroun (devenu un État
unitaire), etc.), d’autres présentent un caractère artificiel (c’est le cas du Nigéria). Les rares
États fédéraux existants sont l’Afrique du Sud, les Comores… Mais la plupart de ces fédérations
sont confrontées à un dysfonctionnement structurel au point où l’on se demande si le
fédéralisme convient au contexte africain. Au total, on retient que le fédéralisme africain est
fragile et inopérant : il y a le problème du séparatisme comorien, l’inscription au droit à
la sécession des entités fédérées éthiopiennes (cf. la guerre récente contre les séparatistes
du Tigré), le caractère artificiel du fédéralisme nigérian, etc.

Section 3 : Les fonctions de l’État

L’on peut retenir deux lectures possibles de cette question : l’une qui est politique,
mettant l’accent sur la raison d’être de l’État et sur sa finalité (§ 1), et l’autre qui est juridique,
reposant sur les différents actes accomplis par l’État (§ 2).

§ 1 : Analyse politico-sociale de l’État

À quoi sert l’État ou, du moins, à quoi devrait-il servir ? À rien, répondent les
anarchistes. L’État est un instrument de domination d’une classe (la bourgeoisie) sur les autres
(le prolétariat), selon les marxistes. D’autres conceptions de l’État paraissent cependant
répondre à l’idée de lui reconnaître certaines missions ; elles se rattachent à la philosophie
libérale de l’État : il s’agit de l’État-gendarme et de l’État-Providence.

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A. L’État-gendarme

Au sortir du Moyen-Âge, l’État est considéré dans la pensée politique occidentale


comme fondé essentiellement sur des considérations de sécurité. Il s’agit des absolutistes
comme Thomas Hobbes ou des contractualistes comme Jean-Jacques Rousseau. Pour eux,
l’État doit intervenir le moins possible, il est censé laisser aux particuliers la plus grande liberté
possible, notamment dans la sphère économique et sociale. Cette conception est indissociable
du capitalisme.

B. L’État-Providence

« Ne pas intervenir », « laisser passer », c’est donner la possibilité aux plus riches ou
aux plus puissants d’écraser les moins nantis, les plus faibles. Avec l’État-Providence, l’État
est au contraire un acteur politique. Il est aussi un acteur économique : il oriente vigoureusement
l’activité économique. Pour tout dire, l’État est entrepreneur, il est même un acteur social. En
somme, l’État est interventionniste. Cette conception est liée au dirigisme.

§ 2 : Analyse juridique des fonctions de l’État

On peut convenir qu’il existe trois fonctions correspondant à une distinction tripartite
de Montesquieu (séparation des pouvoirs) :

- la fonction législative, qui vise à élaborer les lois, les actes juridiques de portée
générale et impersonnelle. Cette fonction relève principalement de la
compétence des parlementaires dans un système représentatif et démocratique ;
- la fonction exécutive, qui consiste à exécuter les lois, à les mettre en
application ;
- et la fonction juridictionnelle, qui a pour objet de sanctionner les atteintes à la
loi.

Chapitre II : La Constitution

Tout État possède une Constitution dans la mesure où tout État est régi par un système
de gouvernement lui-même défini par des règles. Même dans les États de tyrannie pure, et s’il
y a un minimum de rationalité politique, il existe des règles, à tout le moins une règle, qui
gouvernent l’exercice du pouvoir. Dans un État de droit, les gouvernants n’exercent le pouvoir

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qu’en vertu d’une désignation et non sur la base d’une vertu ou d’une qualité qui leur serait
propre. Cette affirmation vaut pour les États modernes où la référence à la Constitution est
constante et générale. Dans tous les régimes politiques, gouvernants et gouvernés font
constamment référence à la Constitution pour affirmer leur autorité et leur légitimité. C’est dire
l’importance de la Constitution que nous allons maintenant définir tout en voyant ses formes
(Section 1), son mode d’élaboration et de révision (Section 2) et la question du contrôle de
constitutionnalité (Section 3).

Section 1 : La notion de la Constitution

La définition s’attache à la notion de « Constitution » tant du point de vue formel que


matériel (§ 1). Ce qui permet de constater l’existence de diverses formes de Constitutions (§ 2).
À partir de là, on peut faire quelques réflexions sur la structure des Constitutions (§ 3).

§ 1 : Définition de la Constitution

On dit de la Constitution qu’elle détermine le statut du pouvoir (politique) dans l’État.


En d’autres termes, elle comprend l’ensemble des règles relatives à la désignation des
gouvernants ainsi qu’à l’organisation et à l’exercice du pouvoir politique dans l’État. Une bonne
Constitution doit faire apparaître la diversité des institutions gouvernantes, elle doit également
expliquer les principaux mécanismes de gouvernement et définir les droits des gouvernés. La
Constitution est d’abord une loi et, tant qu’elle est en vigueur, elle détermine le droit
constitutionnel positif de l’État. Mais la Constitution n’est pas une loi quelconque : c’est la
Loi fondamentale, une loi qui possède une force supérieure aux autres lois. C’est pour cette
raison qu’on l’appelle tantôt Charte constitutionnelle tantôt Loi fondamentale et, dans
l’expression anglo-saxonne, Supreme Law ou Law of The Land. Apparemment, la notion de
Constitution semble simple. Mais ce n’est qu’une apparence, la situation étant beaucoup plus
complexe. C’est pour cela qu’on recourt à sa définition au sens matériel et au sens formel.

A. Définition au sens matériel

Dans cette définition, on s’attache au contenu de la Constitution. Cette dernière


s’appréhende ainsi comme l’ensemble des règles, quelles que soient leur nature (règles
proprement juridiques, usages politiques) ou leurs formes (écrites ou coutumières),
relatives aux principaux organes de l’État, à leur désignation, à leurs compétences et à
leur fonctionnement. À propos de la nature des règles constitutionnelles, il faut préciser qu’au

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noyau des règles proprement juridiques, s’ajoutent une série d’usages qui concernent le
fonctionnement des institutions politiques.

Cette définition a des limites qui sont au nombre de deux. Tout d’abord, elle ne se
rapporte qu’à la matière ou à l’objet de la Constitution sans aucune référence à la forme et à la
valeur, en d’autres termes à son autorité dans l’ordonnancement juridique. Ensuite, cette
définition est imprécise et extensive, elle suppose une confusion entre pouvoir constituant et
pouvoir législatif. On comprend pourquoi on aura recours à la définition au sens formel.

B. Définition au sens formel

Au sens formel, la Constitution est un document écrit, élaboré le plus souvent et


révisé toujours selon une procédure spéciale. Sous cette définition, la Constitution contient
des règles de valeur supérieure à toutes les autres normes internes. Cela en fait un texte solennel.
Cette définition contient certes des limites mais elle emporte des conséquences juridiques
importantes.

S’agissant de ses limites, il est évident que certaines règles d’importance réelle ne sont
pas prises en considération alors même qu’elles ont une valeur constitutionnelle au regard de la
définition matérielle (ex : les lois électorales importantes pour la dévolution du pouvoir en
régime démocratique).

En ce qui concerne la valeur juridique de la définition formelle, certains auteurs ne


retiennent que cette définition et considèrent que la définition matérielle est dépourvue de toute
valeur juridique.

Cependant, on observe avec Jean Gicquel que les définitions matérielle et formelle de
la Constitution sont certes dissociables mais restent complémentaires.

§ 2 : Les formes de Constitution

Au plan de la forme, on établit une distinction entre les Constitutions eu égard aux
techniques d’élaboration et de révision et aussi en fonction de l’autorité de la Constitution. À
partir de là, on fait les distinctions suivantes : Constitution matérielle/Constitution formelle
(supra), Constitution coutumière/Constitution écrite et Constitution souple/Constitution rigide.

A. Distinction Constitution coutumière/Constitution écrite

Certaines Constitutions sont coutumières mais la plupart d’entre elles sont écrites.

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1. Constitution coutumière

C’est une Constitution dont le contenu réside dans un ensemble de traditions et d’usages.
Ce sont des pratiques non écrites. Les règles qui forment une Constitution coutumière ne sont
pas codifiées dans un texte officiel. C’est le cas de la Grande-Bretagne. Dans ce pays, on ne
trouve pas de document unique et écrit appelé « Constitution ». En fait, la Constitution
britannique est constituée d’un ensemble d’éléments épars comprenant la Common law,
c’est-à-dire un ensemble de coutumes sanctionnées par le juge, et les usages (par ex., le
choix du Premier Ministre dans le parti majoritaire au Parlement).

2. Constitution écrite

C’est le type de Constitution le plus répandu. Il caractérise toutes les Constitutions


modernes. La règle écrite a le mérite de la clarté et de la précision. Avec la Constitution écrite,
gouvernants et gouvernés savent les conditions exactes du fonctionnement des institutions
politiques. Un autre avantage de la Constitution écrite, c’est son mode d’établissement : il est
généralement démocratique parce que le peuple peut être appelé à se prononcer sur son adoption
ou sa révision par voie référendaire, ce qui est exclu dans les Constitutions coutumières.

La distinction Constitution coutumière/Constitution écrite n’est pas tranchée : aucune


Constitution n’est exclusivement coutumière ou entièrement écrite.

B. Distinction Constitution souple/Constitution rigide

Les procédés de modification d’une Constitution déterminent logiquement son autorité.


On distingue sur cette base une Constitution souple d’une Constitution rigide.

1. Constitution souple

Elle est dite ainsi quand sa procédure de révision est identique à celle applicable à la
modification d’une loi ordinaire. La Constitution peut alors être révisée par le législateur selon
la procédure commune d’élaboration des lois. Il va de soi que, dans ces conditions, la
Constitution ne bénéficie d’aucune autorité supérieure à un acte législatif ordinaire.

2. Constitution rigide

Une Constitution est dite rigide lorsque sa procédure de révision est solennelle et la
révision est effectuée par un pouvoir constituant dérivé ou institué (PCD). Il y a des
conséquences juridiques qu’on dégage de la notion de Constitution rigide :

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- certaines dispositions de la Constitution sont intangibles, notamment en
matière de droits et de libertés ainsi que toutes les dispositions formellement
déclarées intangibles (forme républicaine du Gouvernement, laïcité, etc.) ;
- la procédure de révision constitutionnelle est solennelle et le pouvoir
constituant doit s’y soumettre ;
- la Constitution étant la norme supérieure de l’État, un contrôle de
constitutionnalité est organisé pour assurer sa suprématie dans l’ordre
interne.

§ 3 : La structure de la Constitution

Cette question renvoie à la fois à la substance et à la forme. L’analyse tiendra compte,


d’une part, de la superposition de deux idées de droit dans une même Constitution et, d’autre
part, de la coexistence de plusieurs instruments juridiques qui participent tous à donner une
consistance à l’ordre constitutionnel. Ce qui nous conduit à une analyse substantielle et à une
analyse formelle de la Constitution.

A. L’analyse substantielle : la superposition des idées de droit

Certains auteurs du début du XXe s. ont décelé dans la Constitution la superposition de


deux idées de droit (Maurice Hauriou et George Burdeau). Sous la distinction qu’ils établissent
entre Constitution sociale et Constitution politique, il s’agit pour eux de démontrer
l’emboîtement entre deux données constitutionnelles. La première est l’expression de la
philosophie politique du régime qui traduit toutes les données culturelles, sociologiques,
anthropologiques, philosophiques et économiques. Elle est le fondement de l’idée que l’on
se fait du pouvoir politique. Elle détermine les principes fondamentaux à protéger et les idéaux
à promouvoir (liberté, égalité, fraternité, citoyenneté, etc.). Dans cet esprit, les droits de
l’homme constituent, depuis l’avènement du constitutionnalisme et avec le soutien de l’État de
droit, la pierre angulaire de la Constitution sociale. Quant à la Constitution politique, elle est
l’aspect le plus visible de l’iceberg constitutionnel. Elle précise les compétences et les
pouvoirs des institutions politiques, détermine les relations entre celles-ci, etc. La
constitution politique est le statut du pouvoir.

B. L’analyse formelle : la coexistence des instruments juridiques

Deux situations peuvent être décrites :

16
- la coexistence du dispositif constitutionnel avec une ou des déclaration(s) de
droits : les préambules des Constitutions renvoient le plus souvent à une ou des
déclaration(s) de droits qui ont été séparément adoptés de la Constitution. Ainsi,
une Constitution peut renvoyer à la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 et, plus généralement, à la Déclaration universelle des droits
de l’homme de 1948 ou à un autre instrument juridique (Charte des Nations
Unies, Acte constitutif de l’Union africaine…) (Cf. Constitution ivoirienne de
2016) ;
- la coexistence de la Constitution annoncée avec une Proclamation ou une
Charte fondamentale. Dans certains pays, une proclamation politique ou une
Charte précède et fonde l’élaboration de la Constitution. L’une ou l’autre est le
document de référence idéologique de la Constitution. C’est le cas généralement
dans les pays où il y a un putsch ou une révolution. L’une ou l’autre peut être
considérée comme l’expression de la Constitution sociale.

Section 2 : L’élaboration et la révision de la Constitution

L’écriture d’une Constitution est avant tout déterminée par la question du pouvoir
constituant, c’est-à-dire de l’autorité investie du pouvoir et de la compétence pour donner corps
à la Constitution. La désignation de ce pouvoir constituant est elle-même déterminée par des
rapports de force et par la nature du régime politique. Cela dit, l’opération d’écriture de la
Constitution se présente différemment selon qu’il s’agisse d’établir une nouvelle Constitution
ou d’apporter une ou des modifications à une Constitution existante. Dans le premier cas, on
utilise le terme d’établissement de la Constitution et l’autorité compétente est le pouvoir
constituant originaire (PCO). C’est un pouvoir inconditionnel et souverain. Il est à la fois
politique et juridique : il est fondateur des institutions et du régime. Dans le second cas, on parle
de révision constitutionnelle entreprise par le pouvoir constituant dérivé (institué) (PCD).
C’est un pouvoir institué, conditionné et limité. Le pouvoir constituant, qu’il soit originaire ou
dérivé, est un pouvoir suprême.

§ 1 : L’établissement de la Constitution

L’établissement d’une Constitution s’impose dans deux cas : quand il y a un nouvel


État soit par décolonisation ou par désagrégation d’un État en plusieurs États souverains (ex.
Tchécoslovaquie, Éthiopie, Soudan, etc.) soit par association de plusieurs États souverains en
un État fédéral et quand un pouvoir politique s’effondre à la suite d’un putsch (ex. Côte

17
d’Ivoire, en 1999-2000), d’une révolution ou d’une guerre (France, en 1946) et qu’il est pourvu
à son remplacement8. Cela dit, dans l’établissement de la Constitution, une distinction peut être
faite entre les procédés non démocratiques et les procédés démocratiques.

A. Les procédés non démocratiques

La principale caractéristique de ce procédé, c’est d’exclure le peuple de l’élaboration de


la Constitution. Deux procédés sont connus au regard de l’histoire constitutionnelle. Il s’agit de
l’octroi et du pacte constitutionnel.

1. Un procédé autoritaire : l’octroi

Avec ce procédé, la naissance de la Constitution est le fait d’un acte unilatéral du (des)
titulaire(s) du pouvoir. Concrètement, un individu élabore une Constitution et la donne au
peuple (ex. de la Charte de 1814 par laquelle Louis XVIII donne une Constitution aux Français).

2. Un procédé semi-autoritaire : le pacte constitutionnel

Dans ce procédé, il y a un compromis entre un homme et un peuple, mais celui-ci ne


joue qu’un rôle passif puisqu’il n’est consulté qu’après que la Constitution a été élaborée par le
détenteur du pouvoir politique. L’accord entre le détenteur du pouvoir politique et l’Assemblée
élue est aussi désigné sous le nom de pacte constitutionnel. Celui-ci peut être soumis à un
plébiscite, c’est-à-dire à une ovation populaire (ex. la Charte de 1830 en France, dans laquelle
une Assemblée propose et un roi accepte).

B. Les procédés démocratiques

Dans ce cadre, la Constitution est l’œuvre soit d’une Assemblée élue soit du peuple lui-
même à travers le procédé du référendum constituant.

1. L’Assemblée constituante

Avec ce procédé, le peuple est invité à élire une Assemblée, dite Constituante, chargée
de rédiger la Constitution. Il s’agit d’une Assemblée ad hoc spécialement élue pour élaborer et
voter la Constitution et cette Assemblée n’exerce pas de pouvoir législatif. L’existence de cette
Assemblée s’achève avec la naissance de la Constitution. L’Assemblée constituante peut être :

- souveraine, c’est-à-dire qu’elle élabore la Constitution et l’adopte ;

8
Autrement dit, l’effondrement d’un régime politique ou d’un pouvoir politique n’entraîne pas nécessairement
la disparition de la Constitution : par exemple au Mali, la Constitution de 1992 a survécu aux putschs de 2012
contre Amadou Toumani Touré et de 2020 contre Ibrahim Boubacar Kéita.

18
- non souveraine, c’est-à-dire qu’elle doit s’en remettre au peuple pour faire
adopter la Constitution.

Ce procédé n’est réellement démocratique que si les différentes forces sociales et


politiques du pays sont représentées à l’Assemblée constituante. De cette façon, la Constitution
apparaît comme l’œuvre de la volonté nationale. C’est cet argument qui a motivé les
conférences nationales en Afrique9. Sans avoir adopté la voie de la désignation par élection de
ses membres, la Commission consultative constitutionnelle et électorale (CCCE), mise en
place par le Conseil national de salut public (CNSP), à la suite du putsch du 24 décembre
1999 contre Henri Konan Bédié, procède d’un système semi-démocratique de représentation
des partis politiques et de la société civile. Quid de la procédure d’établissement de la
Constitution de 2016 ?

2. Le référendum constituant

Ici, la Constitution est élaborée par une Assemblée constituante car le peuple, dans son
ensemble, ne peut exercer cette prérogative. Cependant, si la Constituante n’est pas souveraine,
la Constitution ne produira d’effets juridiques qu’après avoir été soumise à la ratification du
peuple et adoptée par référendum.

§ 2 : La révision de la Constitution

Toute Constitution peut être révisée, c’est-à-dire qu’elle peut être modifiée. La
modification s’impose lorsque l’évolution de la société rend la Constitution inadaptée. Les
Constitutions écrites prévoient elles-mêmes généralement leur propre révision. Elles prévoient
aussi l’autorité qui est spécialement chargée de cette opération ; cette autorité, c’est le pouvoir
constituant dérivé ou institué.

A. La procédure de révision

Elle passe par trois étapes : l’initiative de la révision, la prise en considération de


l’initiative et l’adoption du texte portant révision.

1. L’initiative de la révision

On appelle initiative de la révision le pouvoir de déclencher la révision constitutionnelle.


Dans certains États, cette initiative appartient exclusivement à l’exécutif (Constitution du

19
Maroc de 1970, où seul le Roi peut déclencher la révision)10. Dans d’autres États, l’initiative
est au contraire laissée au seul Parlement (Constitution du Portugal de 1976). Parfois, elle est
même laissée au peuple (en Suisse, où la signature par 100 000 personnes d’une pétition tendant
à modifier la Constitution rend obligatoire la révision : c’est le système de la votation
populaire). Le plus souvent, l’initiative de la révision est partagée par plusieurs instances ou
organes, par exemple en Côte d’Ivoire, où elle est partagée entre le président de la République
et le Parlement.

2. La prise en considération de l’initiative

Cet aspect de la procédure a pour objet de permettre à l’organe compétent de prendre en


considération l’initiative de la révision, de discuter de son bien-fondé et de décider de donner
ou non une suite à l’initiative.

(L’instance compétente pour la prise en considération…)

3. L’adoption du texte portant révision

C’est la phase la plus solennelle de l’opération de révision. À ce niveau, le pouvoir


constituant est amené à produire l’acte de volonté. C’est l’adoption du texte par référendum ou
par une Assemblée constituante qui consacre la révision. À propos des modalités d’intervention
du peuple et/ou de l’Assemblée constituante, on constate une variation selon les Constitutions.

Certaines Constitutions, peu nombreuses, font de l’adoption par référendum une


procédure obligatoire et même impérative. La consultation du peuple est imposée soit
immédiatement après que la proposition de révision a été présentée (Suisse) soit après la prise
en considération (Danemark, Autriche) soit après l’adoption du texte par l’organe institué
(Constitution du Maroc de 197211).

Dans d’autres Constitutions, le référendum est un moyen alternatif d’adoption. La


révision est acquise par référendum ou par une Assemblée constituante. En adoptant cette
formule, les États font du référendum constituant la procédure de principe, en considérant
l’Assemblée constituante comme intervenant par défaut. Mais en pratique, c’est le référendum
qui est accessoire et même inexistant (Constitution française de 1958).

10
Quid de la nouvelle Constitution marocaine ?
11

20
Enfin, d’autres Constitutions indiquent que seule une Assemblée constituante
adopte le texte de révision.

B. Les limites au pouvoir de révision

Pour diverses raisons, le constituant cherche parfois à retarder la possibilité de révision.


Cela relève de considérations tenant à l’objet, aux circonstances ou liées au temps.

1. Les limitations dans l’objet

Certaines matières tenant le plus souvent à la forme du régime sont frappées


d’interdiction de révision. En Côte d’Ivoire, la forme républicaine ne peut faire l’objet de
révision.

2. Les limitations dans les circonstances

Certaines circonstances limitent aussi l’exercice de la souveraineté. Dans de telles


circonstances, la révision est impossible. Par exemple, lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité
du territoire, aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie (art. 178,
Constitution de 2016). Par ailleurs, en cas de vacances de la présidence de la République, le
chef de l’État intérimaire ne peut faire usage du droit de l’initiative de révision.

3. Les limitations dans le temps

Dans certains cas, il n’est permis de réviser la Constitution qu’après un certain délai. De
telles précautions sont prises pour permettre la consolidation des institutions.

Section 3 : Le contrôle de constitutionnalité

Le contrôle de constitutionnalité ne va pas de soi. Son institution dans les systèmes


politiques est souvent discutée. C’est pourquoi il convient de lui trouver des justifications avant
de voir les modalités de son application.

§ 1 : Les justifications du contrôle

Contre les adversaires du contrôle de constitutionnalité, il existe au moins trois séries


d’arguments : le respect de la légalité constitutionnelle, la sauvegarde de la démocratie
représentative et, dans un système étatique fédéral, la protection de l’architecture fédérale.

A. Le respect de la légalité constitutionnelle

21
En admettant que nous sommes dans le cadre d’une Constitution rigide, où le législateur
(ordinaire) ne peut pas modifier la Constitution, celle-ci doit être protégée. Tout cela, car elle
est la Loi fondamentale. Le principe de légalité constitutionnelle implique le respect de la
hiérarchie des normes.

B. Le respect de la démocratie représentative

Dans la démocratie représentative, la loi est faite par les représentants du peuple. Ceux-
ci ne sont rien d’autre, dans le meilleur des cas, que la majorité gouvernante. Le peuple
souverain ne peut avoir de censeur que lui-même mais la majorité gouvernante, même
représentative du peuple, n’est pas le peuple. De plus, cette majorité peut faillir : elle peut par
exemple opprimer la minorité et mettre ainsi en péril les libertés fondamentales. Le contrôle de
constitutionnalité est donc nécessaire pour limiter la volonté de puissance de la majorité, pour
éviter la dictature de la majorité et ce contrôle correspond à la fin du légicentrisme.

C. La protection de l’architecture fédérale

Le juge constitutionnel, étant chargé de veiller à la répartition des compétences entre les
entités fédérées et les organes fédéraux, fait ainsi respecter la Constitution fédérale. C’est une
raison supplémentaire qui fonde le contrôle.

§ 2 : Les modalités du contrôle

De manière générale, on retient deux grandes modalités : le contrôle politique et le


contrôle juridictionnel. La distinction entre ces deux contrôles repose moins sur le mode de
désignation des personnes composant l’organe, la qualification et les compétences
professionnelles de ces personnes que sur la procédure juridictionnelle ou non juridictionnelle
qui conduit à la décision sanctionnant le contrôle et sur la portée de cette décision.

A. Le contrôle politique

Dans tous les États, il existe un système de contrôle politique de la constitutionnalité


des lois. Dans un sens large, on peut retenir toutes les manifestations de réprobation de décisions
politiques comme étant des formes de contrôle. Ces manifestations peuvent revêtir différentes
formes (sanction de l’opinion publique, putsch, etc.). Au plan institutionnel et dans une vision
restrictive, le contrôle peut être confié à un organe politique, c’est-à-dire à une assemblée
politique ou à une personnalité politique (en Côte d’Ivoire, la Constitution investit le chef de
l’État du pouvoir de veiller au respect de la Constitution).

22
B. Le contrôle juridictionnel

Le caractère juridictionnel tient ici au fait que la décision est couverte de l’autorité
de la chose jugée et qu’elle est en droit et non en équité. Des garanties sont accordées à
l’organe de contrôle ainsi qu’aux personnalités qui le composent, au caractère
contradictoire de la procédure et à la motivation en droit de la décision. Mais si l’on choisit
le contrôle juridictionnel, il restera posé le problème du choix entre le contrôle par voie
d’action et le contrôle par voie d’exception.

1. Le contrôle par voie d’action

C’est le modèle européen qui s’exerce a priori et par voie d’action.

2. Le contrôle par voie d’exception

C’est le modèle américain qui s’exerce a posteriori et par voie d’exception.

Chapitre III : Le régime représentatif

Sur quelle base repose le pouvoir d’État ? Sur quoi repose la souveraineté ? À ces
interrogations, le droit constitutionnel répond que la représentation est une exigence politique

23
insurmontable. Cela dit, comment la souveraineté s’exprime dans l’État ? Qui en est le
titulaire ? Et par quel mécanisme choisit-on les représentants ?

Section 1 : L’exigence de la représentation politique

La démocratie directe, c’est-à-dire la puissance exercée directement par le peuple, étant


pratiquement irréalisable, c’est au système représentatif qu’il convient avant tout de se référer
pour penser les modes d’aménagement du pouvoir politique. Mais la représentation est à la
fois factice et nécessaire.

Section 2 : Les formes d’expression de la souveraineté

Deux réalités s’affrontent, mais en fait elles se complètent. Il s’agit de la théorie de la


souveraineté nationale et celle de la souveraineté populaire. Logiquement, ces deux
théories rejettent la théorie de la souveraineté théocratique dans laquelle Dieu est le
titulaire du pouvoir d’État12. En effet, la conception traditionnelle voulait que la souveraineté
fût royale.

§ 1 : Deux formes opposées

Deux formes de la souveraineté s’opposent : la théorie de la souveraineté nationale et


celle de la souveraineté populaire.

A. La théorie de la souveraineté nationale

1. Signification

C’est à l’abbé Sieyès que l’on doit d’avoir élaboré dans Qu’est-ce que le tiers État ?
cette théorie qui postule que la souveraineté est l’attribution d’une personne morale : la
Nation. Selon lui, la souveraineté appartient au peuple pris dans son ensemble telle une
entité abstraite. Tous les individus ne peuvent cependant pas participer à l’exercice du pouvoir
en raison des considérations tenant à la capacité mentale, l’âge et au pouvoir économique. Il
faut donc donner à une entité dotée de personnalité juridique distincte de celle de ces
composantes et exprimant pour tous l’exercice du pouvoir. Cette entité s’exprime sans
considération du temps, elle englobe le passé (les morts), le présent (les vivants) et l’avenir (les
générations futures).

2. Implications

12
Sur la souveraineté théocratique, cf. Maurice DUVERGER,

24
Plusieurs implications découlent de la théorie de la souveraineté nationale :

- la souveraineté doit s’exprimer par des représentants puisque la Nation,


entité abstraite, ne peut s’exprimer par elle-même. Le pouvoir peut être celui
d’une aristocratie, d’un parti unique, d’une junte… ;
- la souveraineté est indivisible et inaliénable puisqu’elle est intemporelle et
qu’elle traverse les générations (art. 3 de la Déclaration des droits de l’homme
et du citoyen13) ;
- l’électorat est une fonction ; il n’est pas un droit : le suffrage peut être
restreint ou élitiste ; le vote est un devoir et il est une obligation qui est accompli
pour le bien de la Nation ;
- le mandat est représentatif : le représentant n’a pas d’obligation de rendre
compte aux électeurs de sa circonscription. Il ne peut être révoqué au cours de
son mandat. Il n’a de compte à rendre à personne et est censé agir pour la Nation
entière.

B. La théorie de la souveraineté populaire

1. Signification

C’est dans Le Contrat social de Jean-Jacques Rousseau que se trouve le fondement de


cette théorie : la souveraineté se trouve dans une entité concrète, le peuple, constituée par
l’addition des individus ; elle se trouve dans l’universalité des citoyens.

2. Implications

Plusieurs conséquences découlent de la théorie de la souveraineté populaire :

- la souveraineté s’exprime par la participation et s’il y a délégation de


pouvoir, il n’y a pas aliénation du pouvoir ;
- la souveraineté est divisible en autant de fractions qu’il y a de citoyens. Ce qui
signifie que chaque citoyen est sujet et porteur d’une part de la souveraineté ;
- l’électorat est un droit appartenant à titre originaire au citoyen et le suffrage
universel s’impose à condition de respecter les conditions minimales de
nationalité, d’âge et de capacité mentale. Ici, chacun doit exercer
personnellement son droit de vote (interdiction du vote par procuration) ;

13
« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut
exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »

25
- le mandat est impératif et le mandataire (l’élu) doit se conformer aux directives
de ses mandants (les électeurs de sa circonscription) qui peuvent en permanence
le révoquer.

§ 2 : Des formes combinées

La combinaison de ces deux formes de souveraineté procède de méthodes diverses.


Cependant, cette combinaison est à l’avantage de la souveraineté nationale14.

Section 3 : Le suffrage

C’est le moyen par lequel le peuple ou la nation manifeste sa volonté lorsqu’il lui est
reconnu le droit d’exprimer sa souveraineté. C’est le moyen par lequel le citoyen prend une part
active à l’action politique.

§ 1 : La jouissance du droit de suffrage

Le suffrage est un droit, on dit même que c’est le droit politique par excellence. Un
certain nombre de conditions formelles entoure la jouissance du droit de vote et concourt à
l’universalité du suffrage. Mais ces conditions ne suffisent pas car il faut être inscrit sur une
liste électorale.

A. L’universalité du suffrage

Afin de bénéficier du droit de vote, il faut accomplir des conditions de nationalité, d’âge,
de jouissance de droits civils et politiques.

B. L’inscription sur une liste électorale

C’est une formalité substantielle conditionnant la naissance de la qualité d’électeur.


Pour être électeur, il faut être inscrit et l’inscription sur la liste électorale est obligatoire et
rattache l’électeur à sa circonscription électorale.

C’est à partir des listes électorales que l’on détermine les suffrages exprimés. Les
suffrages exprimés sont constitués de l’ensemble des électeurs inscrits dans une circonscription
et qui ont manifesté leur volonté dans un sens positif ou négatif. Ne sont pas pris en compte
dans le calcul des suffrages exprimés les non-votants et les abstentionnistes ainsi que les
bulletins blancs et les bulletins nuls. Autrement dit, le nombre des suffrages exprimés (SE)

14

26
est égal au nombre de votants (NV) moins les bulletins (ou votes) blancs (BB) et nuls (BN)
:

SE = NV – (Bull. blancs + Bull. nuls))

§ 2 : Les principes gouvernant l’exercice du droit du suffrage

En tant que droit politique, le droit de suffrage est gouverné par un certain nombre de
principes fondamentaux. Ceux-ci, revendiqués par tous les systèmes politiques, sont :
l’universalité, l’égalité, la liberté, le secret du vote et la sincérité.

A. L’universalité du suffrage

Elle est liée à la jouissance du droit de vote sous réserve de conditions de nationalité,
d’âge, de capacité civile et politique et à l’exclusion des discriminations, telles que celles liées
à la fortune.

B. L’égalité du suffrage

Elle revêt trois aspects : l’égalité des citoyens, l’égalité des candidats et l’égalité des
circonscriptions.

1. L’égalité des citoyens

Il s’agit de mettre tous les citoyens capables d’exercer leur droit de vote dans des
conditions identiques de vote. Aussi chaque électeur dispose d’une seule voix. Ce qui exclut :

- le vote plural : on estime que des personnes (électeurs) ont un intérêt spécial
dans les affaires de l’État en raison de leur situation familiale (suffrage familial
ou de fortune) ; l’électeur a ici plusieurs voix. Il a existé à la fin du XIXe s. et
au début du XXe s. ;
- le vote multiple : l’électeur utilise sa seule voix dans plusieurs circonscriptions.
En Grande-Bretagne, les universités, jusqu’aux années 1980, pouvaient voter
dans deux circonscriptions. L’article 8 du Code électoral de 1994 dispose que
nul ne peut voter dans plusieurs circonscriptions15 ;
- le vote par procuration : l’électeur dispose, en plus de la sienne, d’une autre
carte d’électeur. Ce qui lui donne mandat de voter en ses lieux et place d’un autre
électeur. Il est également interdit en Côte d’Ivoire.

15
Quid du Code électoral en vigueur ?

27
2. L’égalité des candidats

Il s’agit de créer les conditions d’une concurrence loyale entre les candidats.

Une évolution législative se développe en Europe, tendant notamment à mettre en place


un système d’inégalité compensatrice au profit des femmes16. En France, par exemple, le
Parlement a imposé le principe d’imposition obligatoire des femmes sur les listes en
compétition de telle sorte qu’elles aient autant de chances que les hommes d’être élues.

3. L’égalité des circonscriptions

Il s’agit de faire en sorte que le découpage des circonscriptions électorales respecte un


minimum d’égalité (cf. infra).

C. La liberté de suffrage

Elle se manifeste à deux égards : pluralité des candidats (et liberté de choix entre les
différents candidats) et liberté de voter ou non.

D. Le secret du vote

Il s’agit d’assurer la sécurité de l’électeur, ses convictions politiques et d’éviter les


risques de fraude (isoloir). Le débat sur le bulletin unique a un rapport avec le secret du vote17.

§ 3 : La détermination de la circonscription électorale

La circonscription électorale est le cadre où concourent les candidats ou la liste de


candidats. Déterminer où siègent les circonscriptions électorales, c’est d’abord préciser le
nombre de circonscriptions à établir. Alors on envisage le découpage électoral. À cette fin, il
faut trouver la plus grande équité possible dans la répartition des populations et des partis
politiques.

§ 4 : Les modes de scrutin

Il s’agit de déterminer d’abord le nombre de voix nécessaires à la désignation du ou des


élus (scrutin majoritaire/proportionnel), le nombre d’élus à désigner ou le nombre de sièges
à pourvoir dans une circonscription (scrutin uninominal/plurinominal) et, enfin, le nombre
de tours nécessaires à la désignation du ou des candidat(s) (scrutin à un tour/deux tours).

16
Cf. les élections législatives ivoiriennes prévues pour mars 2021…
17
Cas de la Côte d’Ivoire…

28
A. Le scrutin majoritaire

C’est le mode de scrutin permettant d’attribuer la totalité des sièges (ou le siège) à
pourvoir à la liste (ou au candidat seul) ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Mais on
distingue : le scrutin à un tour et celui à deux tours.

1. Le scrutin à un tour

L’élection a lieu en un seul tour et le candidat (ou la liste) qui a obtenu le plus grand
nombre de voix est élu. Si le candidat est seul, on parle de scrutin uninominal ; s’il s’agit
d’une liste, c’est un scrutin plurinominal (ou de liste).

On recherche ici l’efficacité du système politique plutôt que la représentation


équitable des partis. En Grande-Bretagne, où il existe le scrutin majoritaire à un tour sous sa
forme uninominale, le système produit une majorité stable et homogène, mais conduit en
même temps à la déformation de la représentation parlementaire18. La France a connu ce
mode de scrutin, mais sous sa forme plurinominale, entre 1848 et 1871.

2. Le scrutin à deux tours

Au premier tour, on exigera la majorité absolue des suffrages (50% + 1 voix). À défaut,
c’est-à-dire si aucun candidat ou aucune liste n’a obtenu cette majorité absolue, un second tour
est organisé : on parle alors de ballotage. Dès lors, selon que tous les candidats du premier tour
sont reconduits ou, plus généralement, que les deux candidats arrivés en tête sont qualifiés,
l’élection sera acquise à la majorité relative ou à la majorité absolue.

Ce mode de scrutin a des effets sur la psychologie de l’électeur, la représentation


parlementaire et le système des partis. D’abord, il est possible à l’électeur de se prononcer
sur le candidat de son choix, même si celui-ci n’a aucune chance de l’emporter. Il fait ainsi
connaître son opinion et apporte son soutien à sa formation politique. Au second tour, l’électeur
doit se déterminer en fonction des nouvelles conditions qui sont particulières par rapport aux
forces en présence. Ensuite, les effets du scrutin à deux tours sont presque identiques à ceux du
scrutin à un tour sur la représentation parlementaire. Enfin, le scrutin favorise le multipartisme
dans des proportions raisonnables. En raison du désistement et de la logique des coalitions, on
assiste à une bipolarisation progressive de la vie politique de sorte que le parti qui refuse la
logique de coalition se marginalise et risque ainsi de disparaître. C’est un mode de scrutin

18
Cf. George BURDEAU, p. 151.

29
quelque peu injuste mais relativement efficace car il suscite des coalitions capables de
gouverner à condition d’être solidaires et disciplinées.

B. Le scrutin proportionnel

C’est nécessairement un scrutin de liste qui permet d’assurer à chaque parti une
représentation proportionnelle en rapport avec l’importance numérique des voix qu’il a
recueillies.

1. Les méthodes de calcul

Dans un scrutin proportionnel, on calcule d’abord le siège de quotient avant de


déterminer les sièges au reste.

1.1. Le quotient

Trois types de quotient peuvent être utilisés :

- le quotient par circonscription (Qc), résultat de la division du nombre des


suffrages exprimés par le nombre de sièges à pourvoir (dans le cadre de la
circonscription) :
Qc = Suffrages exprimés (SE)/Sièges à pourvoir (SP) ;
- le quotient fixe (Qf) ou nombre uniforme (Nu), est le nombre de voix fixé à
l’avance pour l’ensemble du territoire, que chaque liste doit réunir pour avoir un
siège. Autant de fois la somme des suffrages de la liste contiendra ce nombre,
autant de sièges lui seront attribués (ex. Italie ?) ;
- le quotient national (Qn) est le résultat de la division de l’ensemble des
suffrages exprimés dans toutes les circonscriptions par l’ensemble des sièges à
pourvoir. Le quotient national est utilisé comme nombre uniforme.
Qn = SE/SP

1.2. Les restes

Après la répartition des sièges au quotient, il y a des suffrages inutilisés. Exemple : dans
une circonscription où 100 000 suffrages se sont dispersés entre les listes A, B, C, D et E, on a
utilisé le Qc. Il y a cinq (5) sièges à pourvoir ; le Qc = 100 000/5 = 20 000. La liste A avec
36 000 voix aura 1 siège, la liste B avec 28 000 aura 1 siège, la liste C (19 000 voix), la liste D
(10 000) et la liste E (7 000) n’auront aucun siège. Il y a 60 000 voix inutilisées et il reste 3
sièges à pourvoir. Il y a trois solutions concevables :

30
- le procédé des plus grands restes. Il consiste à attribuer les sièges restants aux
listes qui ont obtenu le plus grand nombre de suffrages inutilisés. Dans l’exemple
précédent, les suffrages inutilisés pour A sont de 16 000, pour B de 8 000, pour
C de 19 000, pour D de 10 000 et pour E de 7 000. Les 3 sièges restants iront
donc respectivement aux listes C, A et D. Le résultat n’est pas très équitable
puisque la liste B avec 28 000 voix aura obtenu 1 siège comme la liste D avec
seulement 10 000 voix.
Au final, on aura : A (2 sièges), B (1 siège), C (1 siège) et D (1 siège) ;
- le procédé de la plus grande moyenne. Il est conçu pour corriger cette injustice.
Chacun des sièges restants est attribué à la liste pour laquelle la division du
nombre de suffrages qu’elle a recueilli par le nombre de sièges attribués plus 1
donne le plus fort quotient. Dans l’exemple précédent : A : 36 000 : 2 (1 siège
pourvu + 1 siège fictivement ajouté) = 18 000 ; liste B : 28 000 : 2 (idem) =
14 000 ; liste C : 19 000 : 1 (1 siège fictivement attribué) = 19 000 ; liste
D 10 000 : 1 (idem) = 10 000 ; et liste E : 7 000 : 1 = 7 000. La liste C, avec le
plus grand reste, se verra attribuer 1 siège restant.
On recommencera l’opération pour les deux (2) autres sièges restants. On
divisera cette fois les suffrages de la liste C par 2 (puisqu’elle vient d’obtenir 1
siège) : 19 000 : 2 = 9 500. Cette fois, c’est la liste A qui obtient 1 siège
supplémentaire.
Le dernier siège ira à la liste B qui, compte tenu des deux répartitions
précédentes, aura le plus grand reste.
Au final, les 5 sièges se répartiront comme suit : A (2 sièges), B (2 sièges) et C
(1 siège).
- et le système d’Hondt (voir les manuels de droit constitutionnel), qui aboutit au
même résultat.

2. La typologie de la représentation proportionnelle

En fonction de ce qui précède, la représentation proportionnelle est très variée. On peut


distinguer, en schématisant : la représentation proportionnelle intégrale et la représentation
proportionnelle approchée.

2.1. La représentation proportionnelle intégrale

31
Le territoire national constitue une seule et même circonscription et les listes
concourent au niveau national. L’objectif est la recherche de la plus grande justice possible
en permettant la représentation fidèle de l’opinion. On déterminera alors le quotient national
(Qn).

Le système a deux variables :

- la première peut être qualifiée, seule, de réellement intégrale (on la qualifie


de « pure ») : l’électeur vote pour une liste parmi celles présentes au plan
national. Chaque parti doit présenter une seule liste de candidats qui comporte
autant de noms que de sièges à pourvoir. Le nombre de siège obtenu par chaque
parti est défini par l’opération suivante :
Nombre de suffrages obtenus/Qn
Les restes seront répartis selon l’un des deux procédés susmentionnés. Ce
système est le plus juste mais il comporte beaucoup d’inconvénients : il exige
une comptabilité minutieuse et complexe et n’est pas très démocratique. Seul
Israël la pratique19 ;
- La seconde variante consiste, après une première répartition des sièges de
quotient au plan local, à attribuer les sièges restants au plan national. D’abord,
on additionne les sous-voix représentées pour chaque parti puis en recherchant
le Qn à partir du rapport (Suffrages non représentés/Sièges restants à
pourvoir) et enfin en faisant le calcul suivant (Nbre de sièges à pourvoir à
chaque parti = Nbre de voix non utilisées (pour chaque parti)/Quotient).
On peut obtenir le même résultat en divisant le nombre de voix non utilisées
pour chaque parti par un nombre uniforme (ex. Italie).

Les conséquences politiques de la proportionnelle intégrale sont la plus grande


représentation et le fractionnement de la classe politique.

2.2. La représentation proportionnelle approchée

Ici, la répartition des sièges de quotient et des sièges de reste se fait dans chacune des
circonscriptions et non au plan national.

19
Le système électoral favorise l’émergence de petits partis. Mais ceux-ci peuvent imposer leur volonté à un
parti au pouvoir et entraîner la dissolution d’un Parlement nouvellement élu… : la majorité est toujours
dépendante des « caprices » des diverses minorités (« Tout le monde se plaint du système électoral israélien…
», en ligne).

32
C. Scrutin uninominal et scrutin de liste

Dans un scrutin de liste, des questions se posent quant à la liberté de l’électeur et à


l’égalité entre les candidats d’une même liste.

Par rapport à la liberté de l’électeur, le choix entre listes bloquées et listes aménagées
(vote préférentiel et panachage). Dans les listes bloquées, le citoyen vote pour la liste
entière et ne peut ni aménager la liste ni y supprimer des noms. Ici, les partis ont une grande
influence sur l’électorat et sur les élus. La liberté de choix de l’électeur est paralysée. Le vote
préférentiel permet à l’électeur d’indiquer les candidats auxquels il souhaite que soient
attribués les sièges qui reviennent à la liste. Il peut modifier l’ordre de présentation des
candidats à l’intérieur de la liste. Ici, les partis sont moins puissants quant à la liberté de
l’électeur. Le panachage consiste de la part de l’électeur à rayer un ou plusieurs noms sur
une liste et à leur substituer des noms de candidats empruntés à d’autres listes. Ce procédé
permet de restituer à l’électeur la liberté de choisir ses candidats.

Par rapport à l’égalité entre les candidats d’une même liste dans un scrutin proportionnel
de liste bloquée, les noms de candidats situés loin de la tête ont moins de chances d’être élus.

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