Exercice 4 DRM 002 Corrigé
Exercice 4 DRM 002 Corrigé
Exercice 4 DRM 002 Corrigé
M. Rasoir revendique une partie de la propriété que les époux Mignon viennent d'acheter. Cette
action en revendication, en tant qu'action pétitoire « par excellence », soulève deux problèmes.
– En premier lieu, il faut noter la passivité de M. Rasoir qui ne s'est jamais manifesté. Le problème est
de savoir s'il peut agir en revendication alors qu'il est propriétaire depuis 42 ans ?
Depuis la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile,
l'article 2227 du Code civil dispose que « le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve,
les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un
droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». Dernièrement, une
jurisprudence contra legem est venue conforter la solution en considérant que « l'action engagée en
vue de faire cesser une atteinte au droit de propriété et d'en revendiquer l'ensemble des attributs
est, par nature, imprescriptible » (Civ. 3e, 21 févr. 2019, no 17-25.733). Mais, il faut préciser qu'en
droit, un Décret no 2019-912 du 30 août 2019 est venu accorder au tribunal judiciaire compétence
exclusive en matière d'action réelle immobilière. Il en résulte que, depuis le 1er janvier 2020, M.
Rasoir peut agir perpétuellement en revendication de sa propriété immobilière devant le tribunal
judiciaire.
– En second lieu, un problème de preuve de la propriété immobilière se pose entre les époux Mignon
et M. Rasoir. Il s'agit, plus précisément, d'un litige opposant deux prétendus propriétaires, munis de
deux titres. Rien n'est dit sur l'origine des deux titres. Deux situations peuvent se présenter :
– soit les titres émanent du même auteur. Deux hypothèses doivent être envisagées : si les
deux titres ont été publiés, on fait application des règles de la publicité foncière qui attribue la
propriété à celui qui a le premier publié à condition qu'il soit de bonne foi en vertu de l'article 1198
du Code civil (Décr. du 4 janv. 1955, art. 30.1) ; en revanche, si les deux titres n'ont pas été publiés,
c'est le titre le plus ancien ayant date certaine qui doit l'emporter (Civ. 3e, 18 juill. 1972 ; Civ. 3e, 31
mai 1978 ; Civ. 3e, 10 mai 1983) ;
– soit les titres émanent d'auteurs différents, c'est le titre « le meilleur et le plus probable qui
l'emporte ».
CAS N°2
Lors de son installation dans sa nouvelle maison achetée récemment, Juliette découvre avec effroi
que beaucoup de choses ont disparu. En effet, les volets extérieurs ont été retirés et sont
introuvables. De plus, il ne reste plus aucune trace des radiateurs qui étaient accrochés au mur, lors
de sa première visite avec les anciens propriétaires. Pourtant, l'acte de vente de la maison
mentionnait clairement que les radiateurs étaient inclus dans la vente. Encore pire que cela, il ne
reste plus aucune trace de la fresque, représentant des animaux de la forêt, qui décorait le salon. Or
lors de sa visite avant l'achat, celle-ci semblait bien incorporée au mur. Quelques temps après,
Juliette entreprit de faire des travaux pour agrandir sa chambre. Pour cela, elle engagea une
entreprise réputée dans la région. Lors des travaux, un des ouvriers découvrit, en abattant une
cloison, un sac rempli de pièces d'or. Juliette revendiqua alors immédiatement cette trouvaille mais
le maçon prétendit qu'elles lui appartenaient. Juliette vous consulte. Qu'en pensez-vous ?
Depuis son installation dans sa nouvelle maison, l'acquéreur de cette dernière constate la disparition
de certains biens qui y figuraient lors de l'achat. Les volets, d'abord, ont disparu. Les radiateurs inclus
dans l'acte de vente n'y figurent plus. Enfin, la fresque qui décorait le salon et qui était incorporée au
mur avant l'achat est manquante. L'acquéreur vous consulte afin de pouvoir revendiquer tous ces
objets. Cela suppose, au préalable, de qualifier juridiquement chacun de ces biens (A) puis d'en
déterminer la propriété en fonction de leur nature (B).
Il s'agit d'analyser préalablement la nature juridique de la maison, puis celle des volets extérieurs,
des radiateurs et de la fresque :
Selon l'article 518 du Code civil, « les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature
». La jurisprudence prend en compte la manière dont est fixé le bâtiment (Com. 10 juin 1974, no 73-
10.696). Si la fixation est bien ancrée au sol, les juges considèrent qu'il s'agit d'un immeuble par
nature. En l'espèce, la maison achetée, à défaut de précision, est un bâtiment ancré au sol. En
conséquence, elle est un immeuble par nature.
Selon l'article 528 du Code civil, « sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter
d'un lieu à un autre ».
En l'espèce, les volets extérieurs sont des biens qui peuvent être déplacés par la force de l'homme. Il
s'agit donc de meubles par nature.
Toutefois, l'article 524 Code civil apporte une exception à cette qualification de meuble par nature.
Un meuble par nature peut être qualifié d'immeuble par destination, sous certaines conditions, pour
ainsi pouvoir bénéficier des conséquences d'une telle qualification. Il faut que le bien meuble par
nature soit affecté au service d'un bien immeuble par nature et ces deux biens doivent avoir le
même propriétaire.
En l'espèce, la maison achetée et les volets appartenaient au même vendeur. De plus, les volets
peuvent avoir plusieurs utilités pour une maison (protection contre la température extérieure ;
occultation de la lumière). On peut y voir une affectation civile. Dès lors, les volets extérieurs sont
des immeubles par destination et suivent ainsi le sort de la maison achetée.
En conséquence, les volets appartiennent donc au nouvel acquéreur. En tant qu'immeuble par
destination, ils s'associent à la maison, immeuble par nature.
En vertu de l'article 528 Code civil, les radiateurs peuvent être déplacés par la force de l'homme. Ils
sont donc des meubles par nature. Néanmoins, la jurisprudence est intervenue concernant la
qualification juridique des convecteurs électriques. La Cour de cassation (Civ. 3e, 23 janv. 2002, no
99-18.102) a pu considérer : « qu'en qualifiant d'immeuble par nature des convecteurs électriques,
sans rechercher si ces appareils, et non leur installation électrique, étaient indissociablement liés à
l'immeuble et ne pouvaient être enlevés sans porter atteinte à son intégrité ». Ainsi, pour que les
radiateurs soient qualifiés d'immeubles par nature et non de meubles par nature, ils doivent réunir
les conditions imposées par les juges.
Dans le cas où les radiateurs ne sont pas qualifiés d'immeubles par nature, il est toujours possible de
vérifier s'ils peuvent être des immeubles par destination. Il s'agit alors d'étudier les conditions
imposées par les articles 524 et 525 du Code civil qui définissent la qualification d'immeuble par
destination. Il faut toujours une unité de propriétaire entre un meuble par nature et un immeuble
par nature et il faut un lien de destination qui peut être le cas d'une affectation du bien meuble par
nature au service d'un immeuble par nature ou le cas d'une attache à perpétuelle demeure du
meuble par nature à l'immeuble par nature. Toutefois, « n'étaient pas immeubles par destination des
radiateurs électriques simplement vissés à l'installation par des dominos et dont l'enlèvement avait
seulement laissé sur le mur quelques traces faciles à cacher, sans fracture ni détérioration » (Civ. 3e,
7 juill., 1981, no 80-12.516). De plus, le lien de destination entre le meuble par nature et l'immeuble
par nature n'est pas obligatoirement un lien de destination légale. Il peut également s'agir d'une
destination conventionnelle mais il faudra qu'un acte juridique mentionne explicitement la volonté
de faire acquérir la qualification d'immeuble par destination à un meuble par nature (Civ. 1re, 7 avr.
1998, no 95-20.504).
En réalité, pour que les radiateurs soient qualifiés d'immeubles par nature, il faut qu'ils soient
indissociablement liés au bâtiment et qu'au moment de leur retrait, ils aient causé des dégâts à la
structure de la maison. Le cas pratique ne fournit pas assez de détails pour conclure sur une telle
qualification. Toutefois, en l'espèce, concernant la qualification éventuelle d'immeuble par
destination, le vendeur de la maison était bien le propriétaire de l'immeuble vendu ainsi que celui
des radiateurs. De plus, il sera aisé de prouver que les radiateurs ont une fonction importante dans
une habitation qui est celle de chauffer. De plus, s'agissant de la destination conventionnelle,
l'acquéreur semble pouvoir y prétendre puisque les radiateurs étaient inclus dans la vente. Ce qui
laisse présager qu'ils soient considérés comme des immeubles par destination par concrétisation de
la volonté des parties dans l'acte de vente.
Ainsi, même si les radiateurs sont, par essence, des meubles par nature, il sera possible de les
qualifier d'immeubles par destination.
Les fresques sont des peintures incorporées dans les murs de la maison. À ce titre, elles sont des
immeubles par nature selon l'article 517 du Code Civil. L'Assemblée plénière, à propos de fresques
catalanes, a pu considérer que « les fresques, immeubles par nature, sont devenues des meubles du
fait de leur arrachement » (Cass., ass. plén., 15 avr. 1988, nos 85-10.262 et 85-11.198). Il convient
dès lors de se positionner au moment de la vente pour rechercher la qualification juridique des
fresques.
En l'espèce, la fresque qui décorait le salon semblait incorporée au mur, elle est donc bien un
immeuble par nature au moment de la vente.
En fonction de la nature des biens, meubles ou immeubles, le propriétaire sera tantôt le nouvel
acquéreur, tantôt le vendeur. En droit, le nouvel acquéreur peut agir en revendication des biens
immobiliers en ce qu'il a acquis la propriété de la maison. En effet, l'article 2227 du Code civil dispose
que le droit de propriété est imprescriptible et une jurisprudence contra legem affirme que l'action
en revendication du droit de propriété l'est aussi (Civ. 3e, 21 févr. 2019, no 17-25.733 ; V. déjà, en ce
sens, Civ. 3e, 1er juill. 2014, no 12-21.485 ; Civ. 3e, 9 sept. 2014, no 13-18133). Son action demeure
donc envisageable.
En l'espèce, les volets extérieurs et les radiateurs peuvent être qualifiés d'immeubles par destination.
Quant à la fresque, il s'agit d'un immeuble par nature car il faut se placer au moment de la vente.
En conséquence, le nouvel acquéreur pourra réclamer la propriété des volets extérieurs, des
radiateurs ainsi que des fresques.
II. L'étude de la nature des objets trouvés permettra de déterminer leur attribution
En droit, selon l'article 716, alinéa 2 du Code civil « le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur
laquelle personne ne peut justifier sa propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard ».
Pour qu'un objet trouvé puisse revêtir la qualité de trésor, il faut qu'il réunisse plusieurs conditions
qui sont cumulatives. En effet, il faut que l'objet trouvé soit une chose mobilière et corporelle (T. civ.
Seine, 1er juin 1949), qu'il ait été caché ou enfoui, qu'il soit distinct de son contenant et que le
propriétaire soit inconnu.
En l'espèce, les pièces d'or sont des choses mobilières et corporelles. Le sac rempli de pièces d'or a
été retrouvé grâce à des travaux entrepris dans la maison, lors de la démolition d'un mur. De plus, les
pièces d'or étaient dans un sac et ils constituent des œuvres créées par la main de l'Homme. Enfin,
aucun propriétaire n'en revendique la propriété.
En droit, selon l'article 716, alinéa 1 du Code civil, « la propriété d'un trésor appartient à celui qui le
trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient pour moitié
à celui qui l'a découvert, et pour l'autre moitié au propriétaire du fonds ».
En l'espèce, le sac rempli de pièces d'or a été trouvé par le pur effet du hasard lors des travaux
entrepris par des maçons qui étaient mandatés par le nouveau propriétaire des lieux.
En conséquence, les pièces d'or reviennent pour moitié au propriétaire des lieux, Juliette, par voie
d'accession, et pour l'autre moitié au maçon, c'est-à-dire l'inventeur, par voie d'occupation.