FERRARIO Giulio, Le Costume Ancien Et Moderne
FERRARIO Giulio, Le Costume Ancien Et Moderne
FERRARIO Giulio, Le Costume Ancien Et Moderne
v
DE 1/ E U R O P F,
DISCOURS PRÉLIMINAIRE
DE
ROBUSTINIEN GIRONI
Lvlgré que , des quatre continens qui composent notre globe , Lnpunmiee
loi VI
° Ï3 I S C O U R S FRELIBUSTAIRE
plus vaste à parcourir parmi une foule de peuples divers, de mo-
Biamens insignes et de chefs-d'œuvre de la magnificence des beaux
arts (i). Qu'il nous soit donc permis de rappeler ici, au
cette terre fameuse 3 ces paroles de Pline : Altrix victoris sujet de
omnium
gentium populi s longeque terrarum puîcherrima Europa.
scènes Mais d'où est venu à ce continent le nom qu'il porte ? com-
revherches ., , , IL
au sujet nient a-t-il ete peuplé? qu'elles étaient les limites de l'ancienne
de ï Europe. --, , * JL
Europe, et quelles sont les révolutions qu'elle a subies? Telles
sont les questions sur lesquelles s'exerce ordinairement l'érudition
des savans. Nous dirons d'abord qu'on ne peut assurer rien de po-
sitif sur la dénomination de V Europe , ni au sujet des noms sous
Ses rVffcrcm lesquels elle a été anciennement connue. Ortelius et Brietius s'ac-
cordent àdire , d'après la Bible , que les écrivains sacrés lui don-
nèrent le nom de Japetia; mais ils n'apportent aucune raison solide
à l'appui de leur opinion fa). Brietius assure encore que l'Europe fut
jadis appelée Galazia , et il s'appuye en cela de l'autorité de Dio-
dore et de Sol in , qui pourtant ne désignent point sous ce nom l'Eu-
rope entière, mais seulement quelques-unes de ses contrées. Ptolémée
dans le second livre de son opus quadripartitum , lui donne celui
de Celtica ; et on la trouve désignée sous le même nom dans d'autres
écrivains de l'antiquité ; mais encore cette dénomination ne peut
s'appliquer h tous les pays qui composaient autrefois cette partie
du monde. Il n'est guères facile de déterminer l'origine du mot
Europe , qui est le nom le plus général et peut être le plu3 ancien
(i) Si l'on veut considérer les Européens sous le rapport des arts et
des sciences , quel est le peuple qui peut leur être comparé ? Les autres
nations ne sont jamais sorties des limites et des époques de leur empire.
Semblables à ces arbres qui ne peuvent prospérer que sur leur sol natal,
les arts ne se sont jamais étendus chez elles au delà des besoins de la
vie. L'Européen , franchissant les bornes du présent , a embrassé dans l'ac-
tivité de son imagination et de ses travaux le passé et l'avenir. Il a re-
cueilli avec des peines infinies les débris des arts ; et fier de ces riches
dépouilles , il a su conduire à la perfection ce que le génie des anciens
n'avait fait qu'ébaucher , ajouter de nouvelles découvertes à celles qu'ils
lui ont transmises, imposer des lois aux élémens , parcourir tous les pays,
€t dans sa noble audace, aller interroger la nature jusques sous les pôles. »
Telles sont les éloquentes expressions dont s'est servi M r Masson de Mor-
*villiers en parlant de l'Europe.
(2) Ortel. Geogr. Pars 2 lib. £ cap. 4. Briet. Parai. Geogr. Pars po-
ster, tom. 1. lib. s.
m
sur l'Europe. g
elurcs
nom
de ce continent. Festis le fait dériver à1 Europa fille d'Agenor , Cow
qui fut enlevée par Jupiter , et transportée dans un pays auquel dans Europa
la suite passa son nom. et il cite à l'appui de son sentiment le té-
moignage de plusieurs écrivains qui attestent , qu'Agenor et les
Phéniciens avaient fait la conquête de ce pays , sous le prétexte
de l'enlèvement d'une jerne fille, qui portait peut-être le nom d' Eu-
ropa. D'autres enfin prétendent que ce nom lui est venu des Phé-
niciens dans
, la langue desquels le mot Europa , ou XJr-Appa si-
gnifie une terre dont les habitans ont le visage blanc (i). Entre
toutes ces opinions et autres semblables , que la crainte d'être pro-
lixes nous fait passer sous silence , il serait embarrassant de porter
un jugement certain : c'est pourquoi nous nous contenterons de les
avoir indiquées. Eh! qu'importe d'ailleurs pour notre instruction;,
que les Phéniciens ayent donné à l'Europe le nom à'Ur-Jppa ,
visage blanc , parce que cetie couleur est celle des peuples qui l'ha-
bitent, ou qu'il se soit formé du mot oriental ourab , qui veut dire
pays de l'occident (a)?
Il ne nous sera peut-être pas aussi difficile de découvrir quels ^"/T
ont été les premiers hommes qui ont peuplé l'Europe. Nous avons de l^uroPe
déjà dit , qu'après le déluge universel 3 les restes de l'espèce hu-
maine échappés à cette grar.de catastrophe , allèrent se réfugier
dans les hautes régions de l'Asie, et que c'est delà sans doute que
l'Europe aura reçu dans la suie ses premières colonies, lesquelles
après s'être avancées à travers les pays qui joignent les deux con-
tinens à l'est, ou les lies nombreuses dont l'Archipel est parse-
mé, seront venues s'établir d'abord dans ses contrées orientales,
d'où elles se seront ensuite répandues peu-à-peu sur toute sa sur-
face. Et en effet Moyse , parlant des enfans de Japhet , ou plu-
tôt des peuples qui étaient leurs descendans , dit qu'il se parta-
gèrent entre eux les îles des gentils , et les divers pays s chacun
selon son langage (3). Or les interprètes sont d'avis pour la plu-
part que , par ces mots insulœ gentium , on d»it entendre l'Europe.
Cette expression asiatique s'accorde en effet avec ce qu'il y a de
plus certain en géographie, car la première chose qui se présente
à quiconque veut passer de l'Asie Mineure enEurope , est cette mul-
titude d'îles qui s'étendent dans tout l'Archipel. Le Clerc croit même
que l'Europe entière passait pour être une île dans l'esprit des an-
ciens peuples de l'Asie. C'est aussi l'idée {ue semble en avoir eue
Pomponius Mêla. On lit encore dans le second livre des Machabées ,
qu'après avoir réduit ses ennemis à ne pcqvoir plus troubler la tran-
quillité de ses états, Démétrius Nicanqr licencia son armée, à
l'exception des troupes étrangères, qu'il avait appelées ex insulis
gentium , c'est à dire de la Grèce. Il parûtrait donc que la Créce ,
ou les autres contrées qui en sont voisines, ont été les premières ha-
bitées en Europe ; et il est à présumer que delà sa population se
sera étendue dans les Gaules , en Espagne et en Etrurie , par suite
du penchant naturel qui devait porter (es hommes de ces premiers
tems à s'établir clans des pays fertiles st d'une douce température ,
plutôt que dans les climats stériles et glacés du nord ; de quoi nous
aurons occasion de parler plus amplement dans les recherches que
nous aurons à faire > sur le costume de chacun des peuples de ce
continent.
desEurope Mais les anciens n'eurent
anciens. encore que
J- des connaissances fort
imparfaites sur la configuration et l'étendue de l'Europe. Héro-
dote , ce père de l'Histoire , qui vivait environ quatre siècles
après Homère , croyait que l'Europe égalait en grandeur l'Asie
Homère. et la Lybie prises ensemble. Homère , le prince des poètes et des
historiens de l'antiquité , regardait le mont Olympe en Thessalie
comme le centre de l'univers, et file de Scherie , depuis Co?cyre0
maintenant Corfou , comme la partie la plus occidentale de ce
continent (i). Il place au nord de la Grèce les vastes contrées de
la Thracc, mais il ne nous dit rien de l' Hébre , ni du Danube dont
il est fait mention pour la première fois dans Hésiode sous le nom
à'Jster. L'Italie même est à peine indiquée, et encore confusément,
dans l'Odyssée. La Sicile (a) et les îles adjacentes y sont décrites
d'une manière bien peu conforme à leur véritable position , et com-
me étant le séjour de monstres, de nymphes dangereuses, et de peu-
p:in
d'un triangle ou d'un carré.
Pline aussi doit être considéré comme un compilateur soigneux
de toutes les relations qui avaient été faites avant lui et de son tems ,
sur la géographie universelle ; mais comme il avait puisé en partie
aux mêmes sources que Strabon , on trouve également dans ses
écrits des contradictions choquantes ; et un étrange assemblage de
vérités et de fables, surtout lorsqu'il parle de l'Europe septentrio-
nale. Admirable par la précision et l'étendue de ses connaissances^,
quand il décrit quelqu' objet d'Histoire naturelle appartenant même
à des pays très-éloignés de Rome, il admet avec une crédulité
puérile l'existence de certains peuples, dont les uns avaient des
pieds de chevaux , et les autres des oreilles si grandes qu'elles leur
servaient comme de coussin dans leur lit. Son ouvrage cependant ,
malgré le grand nombre d'erreurs dont il est semé, nous fournit des
éclaircissemens précieux , pour déterminer quelles étaient les limi-
tes de l'Europe septentrionale dans les premiers siècles de l'em-
pire Romain.
Itinéraires
Piomains. Ce qui contribua encore beaucoup aux progrès de la géogra-
phie ,ce fut ce qu'on appela les itinéraires , que certains Empe-
reurs firent dresser pour indiquer, non seulement les routes, mais
encore les confins, les revenus, et l'étendue des provinces qui étaient
sous la domination Romaine. Malgré qu'il y eût des ordres très-
sévères pour empêcher que ces itinéraires ne fussent connus, (i)
il était bien difficile , pour ne pas dire impossible , qu'ils échap-
Europe passent àla curiosité des géographes et dos voyageurs. Et en ef-
2 Pioiëmêe. fet , Ptolémée , astronome d'Alexandrie „ le dernier et le plus
grand des géographes de l'antiquité 3 qui vécut sous le régue des
(1) V. Gibbon. Hisbory of tlie décline and fail of the Roman an-
pire. Beau. Histoire du Bas-Empire. Montesq. Décadence etc.
Europe- Vol, I. 3
i8 Discours préliminaire
Progrès d* la Ces irruptions de Barbares contribuèrent néanmoins aux pro-
gres de la géographie, et à reculer les limites de l'ancienne Eu-
rope. Les relations qu'ils donnèrent sur les pays dont ils étaient
originaires , furent recueilies , bien que grossièrement , dans les chro-
niques des siècles modernes. Elles furent la source de connaissan-
ces plus étendues et plus précises sur les légions du nord. Mais
c'est encore moins à ces relations qu'à la propagation de la reli-
gion Chrétienne 9 que l'Europe est redevable de l'avancement de
sa géographie. Les moines lui ont rendu des services importons
ainsi qu'aux autres sciences. C'est d'eux que nous tenons, non seule*
ment les annales des siècles du moyen âge , mais encore les diffé-
rentes descriptions des pays dont ils ont douné l'histoire, (i). Le zélé
des missionnaires pénétra dans des climats, jusqu'où les conquérana
n'avaient point osé s'avancer. Ce furent eux qui les premiers nous
firent connaître la véritable position du Dannemark s de la Suéde,
et de l'Irlande. Ils parcoururent les bords de la Vistule et de
VOder , et donnèrent la description de ces contrées , ainsi que des
mœurs de leurs habitons (a). Des Princes qui sentaient tous les
avantages que pouvaient leur procurer de ces connaissances , firent en-
treprendre des voyages vers toutes les extrémités de l'Europe. Dès
le neuvième siècle , les Normands avaient découvert les îles de
Féroer et l'Islande (3). On était même parvenu dans le dixième
siècle jusqu'aux plages lointaines du Groenland (zf). Les Danois
s'aventurèrent les premiers dans la mer glaciale au delà du 7Ô.e
degré de latitude 9 et en i553 ils découvrirent les îles sauvages et
glacées du Spitzberg.
Nous avons parcouru toutes les époques les plus remarquables
de l'Europe, depuis la plus haute antiquité jusqu'aux dernières dé-
DE LA GRÈCE
PAS
M.r GIRONI
ET CÏÏÏSEl'».
INTRODUCTION
Athéniens ,
tiques et militaires qui peuvent avoir quelque liaison avec l'objet du
costume. Mais comme de tous les peuples de la Grèce , les Athéniens
principal
de le Grèce. méritent le plus de fixer notre attention, nous nous attacherons à
peuple
décrire le leur d'une manière plus particulière. Parmi les villes
Grecques , Athènes fut sans contredit la plus polie et la plus remar-
quable. C'est d'elle que les autres empruntèrent leurs connaissances
dans les arts et dans les sciences , aussi bien que leurs vices. Les
modes Athéniennes furent recherchées et suivies par tous les Grecs
qui avaient quelque prétention au bon goût. D'ailleurs le territoire
d'Athènes nous est beaucoup mieux connu que tout autre lieu de
la Grèce ; et les descriptions que nous avons sur le costume Atti-
tique sont en si grand nombre , qu'il nous sera aisé d'en former un
tableau , d'après lequel on pourra se faire une juste idée du carac-
tère de ce peuple, qui fut autrefois le premier de la terre.
ïiiulililê
des recherches
Mais en nous proposant de traiter ici du costume des Athé-
minutieuses. niens et de celui des autres peuples de la Grèce, notre inten^
tion n'est pas d'entrer dans des recherches minutieuses , ni dans
des raisonnemens subtils , qui ne tendraient qu'à faire pompe d'une
vaine érudition s sang aucun profit pour le lecteur. Qu'aurions nous
gagné en effet dans l'étude de l'antiquité , lorsqu'après bien de»
conjectures, nous parviendrions à savoir quelle était la forme du lit
de Junon , ou du vaisseau qui transporta les Argonautes à la con-
quête de la toison d'or? Bien loin donc de vouloir imiter le docte
Introduction 2,5
Saumaise, qui, après avoir démontré dans deux longues et savantes Critique
d~ de ôaumuisc
issertations , que les pommes d or du jardin des Hespérides n'é-
taient, selon le témoignage de divers auteurs,, que des oranges de
la plus grande beauté, finit par déclarer avec un Docteur Al-
lemand, que ces pommes n'étaient point des oranges, mais des ci-
trons ,nons laisserons de côté tout ce qui ne fournirait matière qu'à
de vaines arguties, et n'aurait d'autre mérite que de grossir inuti-
lement cet ouvrage. Car, encore une fois , notre but n'est pas d'y Noire butdans
rassembler tout ce qui a été dit au sujet de la Grèce ; mais seule-
ment d'y exposer avec choix les notions dont la certitude ou au
moins la probabilité sont reconnues, et surtout celles qui peuvent
être de quelqu'utilité pour les artistes. Nous ne prétendons donc
point à l'honneur de publier des choses nouvelles, ou que personne
n'ait jamais dites; notre ambition se borne seulement à recueillir
ça et là , et à réunir en un seul corps , tout ce qui concerne le cos-
tume Grec, et dont on ne pourrait s'instruire autrement, qu'en
lisant une multitude de volumes, qui ne se trouvent que dans les
plus riches bibliothèques. Et que pourrait-on dire de neuf sur un
sujet, qui a été traité par tant d'auteurs célèbres anciens et mo-
dernes ?Nous ne marcherons pourtant point pour cela servilement
sur les traces de ceux que nous prendrons pour guides , quelque soit
du reste le poids de leur autorité ; nous n'hésiterons même pas à
nous écarter de leur jugement , toutes les fois que les lumières d'une
saine critique nous feront appercevoir qu'ils peuvent être tombés
eux mêmes dans l'erreur. nécessaire
Nous éviterons également de nous arrêter sur certains vices *?*««*
grossiers , et sur quelques déréglemens particuliers aux Grecs. Les l d'"
mœurs Athéniennes surtout, même dans le beau siècle de Périclés , du riptio,
nêcess-'"—
étaient souil liées de taches honteuses, que la pudeur ne permet
point de montrer à nu. C'est pourquoi nous n'en dirons que ce qui
sera indispensable pour en donner une juste idée , et pour que no-
tre ouvrage ne soit pas incomplet à cet égard ; mais nous aurons
soin d'observer dans nos expressions la décence la plus scrupuleuse,
à l'exemple de Socrate , qui voulait que les grâces , ces volupteuses
compagnes de Venus , ne parussent jamais que couvertes d'un voile.
Un autre écueil , et sans doute bien dangereux , vient encore />>?; ^
s'offrir à nous dans cette tâche laborieuse, c'est la difficulté de ef^Tîï^/'''î"
trouver un guide sûr, d'après lequel nous puisions juger de ce fabuleux-
."1'
qui appartient aux tems fabuleux. Il est des écrivains et des ar~ Crie'
Europe. Vol. L >
2,6 sur la Grecs,
listes qui se montrent peu délicats sur ce point 3 et qui , sans res-
pect pour ia vérité , représentent les Grecs , des teras par exemple
d'Hercule et de Thésée, avec un costume qui ne convient qu'aux
Grecs déjà policés , et devenus maîtres dans les arts de tout genre.
Que de fois n'avons nous pas vu sur la scène, Euridice et Ariane,
habillées en Aspasîes, et comme les belles Grecques du tems d'Ale-
xandre ?Que de fois ne nous a-t-on pas présenté la ville de Thé-
bes assiégée par les sept chefs , bâtie avec cette magnificence d'ar-
chitecture cpiine se développa que plusieurs siècles après la seconde
guerre Thébaine ? C'est pourquoi nous avons cru ne pouvoir con-
sulter, dans la description du costume propre aux tems fabuleux,
d'autorité plus respectable que celle d'Homère et autres poètes de
Les Poètes
historiens
la plus haute antiquité. Personne n'ignore que les premières rela-
de la Grèce tions historiques ont été écrites en vers , et qu'on n'y mêla le mer-
prem
veilleux, que dans la vue de les graver plus profondément dans
l'esprit du peuple, en frappant plus vivement son imagination. En
même teras que nous offrirons à l'attention de nos lecteurs quel-
qu'un des monumens appartenant à ces siècles reculés , nous nous
ferons un devoir de les instruire des motifs qui nous ont déterminé
à le leur présenter préférablement à d'autres. Nous avons donc
rangé tout ce qui tient à ces tems fabuleux sous trois époques dis-
tinctes, quisont; l'expédition des Argonautes, la seconde guerre de
Thébes , et la guerre de Troie.
Tems Après cette dernière guerre , le flambeau de l'histoire com-
sec
de lsLord/Udge
mence à jetter quelques rayons de lumière 3 au moyen desquels
l-a Grèce
nous voyons se développer peu à peu des scènes imposantes qui
étonnent l'imagination , et mettre en pratique les grandes maximes
de la politique et de la philosophie. Au retour de cette entreprise
fameuse, les Grecs devinrent la proie de révolutions affreuses et sans
cesse renaissantes ; on ne vit de toutes parts que des trônes teints
de sang, des villes opprimées par de cruels tyrans, et des divisions
intestines et sanglantes. Quelques villes secouèrent enfin le joug ,
et la nation entière se forma en république. C'est à cette époque,
qu'on peut regarder comme le second âge de la Grèce , que pa-
rurent les plus grands capitaines et les plus sages législateurs ; que
les arts et les sciences parvinrent au plus haut degré de splendeur;
que la population s'accrut, au point qu'il fallut envoyer au dehors
des colonies pour s'y procurer une vie plus commode; et que les
Grecs enfin devinrent le premier peuple du monde.
INTRODUCTION H7
fousLa lesGréée
Turcs.
La Grèce ne nous offrira plus désormais qu'une suite d'évé-
nemens déplorables. Prise et dévastée tour à tour par cent peuples
divers^ Goths, Scythes, Alains , Gépides , Bulgares, Africains,
sur la Grèce. 29
Sarrazins _, Croisés, elle devint enfin, vers le commencement du
XIV.% siècle la proie des Turcs , sous le joug desquels elle gémit en-
core ,et ne présente plus aujourd'hui à l'œil du voyageur,, que des
pays incultes, de tristes chaumières, et des habitans plongés dans
Grecs
l'ignorance et la misère. Malgré cet état d'abjection , la Grèce modernes.
compte encore quelques âmes nobles qui, tout en gémissant sur les
restes précieux de leur ancienne patrie , conservent des sentimens
généreux , et attendent que quelque main bienfesante vienne lui
rendre son premier éclat. C'est dans les campagnes et sur les monts,
ajoute le même auteur, qu'il faut chercher aujourd'hui les descen-
dais véritables des anciens Grecs. C'est sur ces monts escarpés , que
se formèrent ces terribles phalanges qui , sous la conduite de Pyr-
rhus , envahirent l'Italie, et portèrent l'épouvante jusque dans les
murs de la capitale du monde: c'est laque le fameux Scanderberg,
le héros de la Chrétienté , le vainqueur à'A murât et de Mahomet II,
renouvella, avec une poignée de braves dans le XV. e siècle., les pro-
diges de valeur dont furent témoins, dix huit siècles auparavant, les
champs de l'Attique et de la Béotie : c'est là enfin que vivent les
rejetons des anciens Spartiates, connus sous le nom de Maniottes } qui ManioUes-
n'ont jamais plié sous le joug Ottoman. Déjà quelques rayons de
lumière semblent se répandre sur ces malheureuses contrées, depuis
que les Grecs modernes, surtout dans l'Ionie , ont commencé à cul-
tiver leur esprit et leur cœur par l'étude des arts et des sciences,
dont ils ont hérité de leurs ancêtres. Puissent'ils recouvrer un jour
leur gloire primitive 3 et faire revivre les noms de ces grands hom-
mes,dont la mémoire nous enflamme avec eux du p'us noble en-
thousiasmPleins
e! de cette espérance , nous avons , à l'exemple du
même Choîsseul , représenté à la planche 6 la Grèce, sous la figure de la Grèce,
d'une matrone dans les fers : elle est entourée de monumens funé-
raires élevés en l'honneur des illustres personnages qui l'ont rendue
si célèbre ; un de ses bras est appuyé sur la tombe de Léonidas :
derrière elle s'élève une pierre , où on lit l'inscription faite par Si-
monide pour les trois cents Spartiates qui périrent à la bataille
des Thermopyles: Passant , vas dire à Sparte que nous sommes morts
ici pour obéir à ses lois. La Grèce ne semble attendre que le se-
cours de quelque grande puissance, pour se relever de son avilisse-
ment. Sur une roche voisine sont gravées ces paroles de Didon dans
le IV.e livre de l'Enéide :
EXORIARE ALiqVIS NOSTRIS EX OSSIBUS ULTOR,
CATALOGUE DES PRINCIPAUX OUVRAGES
<JUI ONT ÉTÉ CONSULTÉS
us 5 , ,Dic
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TOPOGRAPHIE
DE LA GRÈCE.
qu'il soit, diffère peu de celui de Gillies (a) y non plus que des
anciennes traditions, qui font remonter la population de la Grèce
a environ dix huit siècles avant Fére vulgaire: il parait môme,
aux yeux de ceux qui partagent cette opinion , que ces premiers
peuples n'étaient pas aussi sauvages qu'ils ont été représentés par
la plupart des écrivains ; et qu'ils ne tombèrent depuis dans la
plus grossière barbarie , que par suite de quelqu'une de ces gran-
des catastrophes qui ont boulversé à diverses époques toutes les
parties de notre globe , laquelle aura , pour ainsi dire , totalement
défiguré cette contrée , comme nous nous proposons de le démontrer
dans un autre lieu. Nous ne croyons pas pourtant pour cela devoir
adopter entièrement l'hypothèse que nous avons exposée aupara-
(i) Cette opinion parait être aussi celle de Boccart dans ses savantes
recherches sur les racines et l'origine des langues.
(2) Hist. of anc. Greece vol. 1. pag. 3.
Do Topographie
Premit
qu'elle même y a établies.
habita Il est probable que les premiers peuples qui se sont fixés en
deiaG.ece. Grèce étaient venus de l'Asie, eu passant Y Hellespont qui n'est
qu'un bras de mer très-étroit. Les bateaux les plus ordinaires pu-
rent leur suffire pour ce passage , car plusieurs siècles après, quinze
mille Bulgares osèrent le traverser à cheval, sans le secours d'au-
cune barque. Arrivées au Danube 3 et ne pouvant s'avancer plus
loin au nord , faute de moyens pour franchir ce fleuve, ces colonies
se dispersèrent le long de F Adriatique , et s'étendirent de proche
en proche jusqu'au bout du triangle. Retranchant maintenant de ce
triangle la Thrace qui ne fit jamais partie de la Grèce , ainsi que
' la G; ce la Macédoine qui ne fut aggrégée à la Grèce proprement dite
générale
que du tems de Philippe, nous aurons pour nouvelle base la chaîne
de l'Olympe qui sépare la Thessalie de la Macédoine , et la Grèce
se trouvera ainsi divisée par la nature même en deux parties , savoir;
(x) Nous ne devons point taire n'ont plus celle du célèbre Lareher
à cet égard , qui est que tout le pays appelé Grèce ou Hellade du tems
d'Hérodote, n'était connu avant la guerre de Troie , et encoi~e long
tems après , que sous le nom des divers peuples qui l'habitaient. Homère
parle bien des Dauniens , des Arglens , des Achéens etc. , mais il ne
désigne jamais sous un même nom tous les Grecs ensemble.
(2) Dict. Etymol. de la Lang. grecq. dise. prél. pag. xxxin.
de la Grèce. 3o,
(t) M.r Dongîas, dans son essai sur les Grecs anciens et modernes,
est d'avis que c'est dans les îles de l'Archipel plutôt que sur le continent,
que le sang de cette nation paraît s'être conservé dans sa plus gande pu-
reté. V. Bib. Britan. Tom. 57 , pag. 479.
(2) Histoire de l'art. Vol. 1 , pag. 317.
(5) Ces observations doivent s'entendre particulièrement du climat
d'Athènes , car on trouve dans les Recherches philosophiques de Paw ,
qu'en divers cantons de la Grèce , l'hyver est très-rigoureux, et l'été brû-
lant. Vol.I, part. \, pag. 84. Les relations de cet écrivain sont confir-
mées à cet égard par les voyageurs modernes. Ponqueville , en parlant de
l'Arcadie , dit qu'en hyver il y tombe beaucoup de neige.
de la Grèce. /^
image n'est point celle du héros dans la fleur de la jeunesse , mais
déjà sur le déclin de l'âge. Ses traits ont bien en effet quelque
chose de noble et môme encore des grâces, mais on y remarque
aussi l'empreinte des chagrins et du malheur. Ces deux têtes sont
prises de l'Iconographie Grecque du même antiquaire. La figure
sous le n.° 3 est encore une tête d'Alcibiade dans sa jeunesse , et
a été dessinée sur une cornaline du cabinet de Fabius Ursin (i).
Nous donnerons en outre dans ce traité , des dessins d'autres monu-
mens , au moyen desquels on pourra encore mieux juger du carac-
tère de la physionomie des anciens Grecs; et nous ferons con-
naître celle des
les tems modernes.Grecs de nos jours, d'après des figures prises dans
Jusqu'ici nous n'avons fait que tracer une esquisse rapide de Description
l'état physique de la Grèce. L'ordre des matières exige maintenant S6°sraphu'1^
que nous disions quelque chose de sa division politique et géogra-
phique. Cette contrée, comme nous l'avons déjà observé, est entre-
coupée de montagnes et de rivières qui la partagent en cantons
distincts et séparés les uns des autres. Nous allons donc examiner
sa géographie sous trois aspects qui sont ; la géographie des tems
héroïques , ou la géographie d'Homère ; la géographie des tems his-
toriques ;et la géographie des colonies.
La géographie d'Homère se trouve dans la seconde partie du Géographie
second livre de l'Iliade, où le poète passe en revue les différens d^ontére-
peuples qui prirent les armes contre Troie. Il n'y est point parlé
des Macédoniens ni des Epirotes ; et les seuls peuples dont il fait
mention sont ceux, de Y Etoile, de la Phocide , de la Béotle , de
la Locride , de l'Argolide, de la Laconie , de la Messénie,de YAr-
cadie , de la Thessalie, des grandes îles de Samos et de Cépha-
lonie, de VEubée , de la Crète, de Rhodes , et des petites îles qui
sont disséminées tant dans la Mer Egée ou l'Archipel , que dans la
mer Ionienne à l'occident du Péloponnèse. Il ne parle point de
VAttique, mais seulement d'Athènes, peut-être parce que les diver-
ses tribus que comprenait ce canton avaient été réunies ensemble
par Thésée, et ne formaient, comme l'observe également M.r Cou-
sin qu'une seule peuplade. Les épithétes dont se sert ce poète cé-
lèbre pour caractériser chaque j)ays et chaque ville , donnent une
(i) « Le dénombrement des deux armées qu'on lit dans le second livre
de l'Iliade présente la première carte géographique de la Grèce et de la
côte d'Asie , tracée avec une précision admirable. L'ouvrage de Strabon
n'est en partie qu'un commentaire et une apologie de cette carte: et Wood
qui a traversé l'Archipel avec un Homère et un Strabon à la main , ne
cesse d'exalter l'exactitude du poète dans ses descriptions topographiques. »
Cesarotti Raison. Histor. critique sur les œuvres d'Homère I.rc part. 3 l'IL.e sec
(r?) Science de l'Histoire Vol. II. pag. 564.
49
de la Grèce.
TABLEAU
DE LA GÉOGRAPHIE COMPAREE DE LA GRECE.
Tels étaient les pays de l'ancienne Grèce sur le continent. Il faut maintenant y ajouter les îles nom-
breuses répandues dans ses mers, et dont les principales sont; Lesbos , à présent Métélin; Chio ; Samos ;
^oos , actuellement Stanchio ; Pathmos , appelée encore Patino ; YEubée aujourd'hui le Négiepont;
Rhodes -, Chypre ; Corcyre maintenant Corîou , ainsi que plusieurs autres dont on peut voir les noms
ûans la carte géographique sous le n.° 6.
Europe. Vol. /, q
5o Topographie
Colonies
Grecques, Mais, soit par un effet de leur penchant à la nouveauté et
au changement , soit par suite de l'accroissement excessif de leur
population ou de leurs guerres intestines , soit enfin qu'ils fussent
pressés par le besoin d'aller chercher ailleurs des moyens de sub-
sister, comme il était déjà arrivé à d'autres peuples, les Grecs
envoyèrent des colonies , non seulement dans les îles voisines , mais
même jusques sur les côtes de l'Italie, des Gaules, de l'Asie et de
l'Afrique. On raconte qu'avant la guerre de Troie , Iolas neveu
d' Hercule , avait amené de Thébes, ville de Béotie , en Sardaigne une
colonie Grecque , qui y fut assaillie et presqn'entièrement détruite
par les Phéniciens et les Carthaginois (i). Vers la fin de la guerre
de Troie, quelques Athéniens vinrent bâtir la ville d'£7ée dans
l'Asie mineure , presqu'en face de File de Lesbos. Cette ville de-
Colonie
vint dans la suite un port fameux , et l'arsenal de la grande ville
de Doriens.
de Pergame. Les Doriens qui habitaient entre le Parnasse et la
Thessalie , réduits à l'impossibilité de pourvoir aux besoins de leur
nombreuse population . expédièrent une colonie composée d'une
jeunesse choisie, qui alla s'établir, partie dans File de Rhodes,
et partie sur le continent voisin. Cette colonie , à laquelle se réu-
nirent ensuite des Cariens venus de Crète, jetta les fondemens des
villes de Gnide et d'Halicarnasse.
Colonie Mais de toutes les émigrations des Grecs depuis la guerre de
des Eolieus.
Troie , la plus fameuse est celle des Eoliens qui , partis de la
Laconie sous la conduite de Pentlle fils d'Oreste , se rendirent maî-
tres de l'île de Lesbos aujourd'hui Mètèlin , et y bâtirent la célè-
bre ville de Milylène. Guidés par les fils de Pentile , les Eoliens
firent de nouvelles entreprises, et ils construisirent sur le conti-
nent 3 entre la Mysie et la Phrygie, la ville de Cumes ainsi que
plusieurs autres, qui, avec l'île de Lesbos, formèrent ce qu'on ap-
pela depuis YEolie. Après la mort de Codrus dernier Roi d'Athè-
Colonie
nes, environ uSa ans avant l'ère vulgaire 3 sou fils Nélée quitta
des Auidens. Y Attique avec une forte colonie , et vint se fixer sur la côte mari-
time d'une partie de la Lydie. C'est à cette colonie qu'est due la
fondation de plusieurs villes considérables, telles que, Phocée ,
Smyrne , Colophon , Ephcse et Milet. De tons ces divers établisse-
mens réunis , il se forma peu-à-peu une nouvelle Grèce , qui prit le
nom de Grèce Asiatique, et dont voici le tableau.
TABLEAU
Fesait partie de la
Mœsie. Elle fut
appelée Eolie, du
nom des Eoliens
DéPf d , Eloea. .
qui, après la guer- auiourd nui du n Castro.
Eolia, l'Eolide. re de Troie , vin- Gouvernement n; Fokia.
rent du Pélopon- de Kutaieh.
nèse s'établir dans
l'Asie mineure.
L'île de Lesbos
en fesait partie.
Ainsi appelée de
lone, lequel après
avoir établi les/o-
niens dans YAt- Smyrna . :
Clazomenae Smyrne^oulsmir,
Vourla.
tlque , vint avec Appartient au
Gouvernement Theos. . . .
Seagi.
Ulonie. une petite colonie de Kutaieh , Colophon. . Alto-Bosco.
en Asie. Nélée y Phocoea . . Fokia-Vecchia.
Sangiagato
d'Aidinlli.
transporta depuis Aïa-Salouk.
une autre colonie Ephesus . .
plus nombreuse
que
te. la précéden-
Se divisait en Ca-
rie proprement
dite , et en Do-
ride , ainsi appe-
lée des Doriens
Haîicarnassus. BodrouiiiQ,
qui vinrent
établir. Elle prit s'y auxAppartient
à'ASangiakats
idinlli f Mile tus. . . . Milet.
La Carie. Gnidus ....
encore le nom de Gnido.
et de
Pentapole, de ses Myndus . , , Sari-Pietro.
Mentechek.
cinq villes prin-
cipales, dont trois
étaient dans File
de Rhodes qui en
fesait partie.
5a Topographie
Colonies
Grecques Dès les tems les plus reculés 3 des colonies Grecques étaient
en Sic iie.
venues s'établir dans la Sicile. Les plus célèbres sont celles qui
jettèrent les fondemens de Messine et de Syracuse. Messine s'ap-
pelait auparavant Zanclé , nom sicilien qu'elle avait emprunté, selon
Thucydide , de la forme de son port qui ressemblait à une faulx.
Chassés du Péloponnèse par les Spartiates s les Messénierts , aidés
d' Auassila , Messénien lui même et tyran de Reggio, débarquèrent
en Sicile , et s'emparèrent de Zanclé , qui prit depuis lors le nom
de Messana. Cette événement date d'environ 94 ans après la fon-
dation de Rome. Néanmoins la plus considérable de toutes les co-
lonies Grecques qui passèrent dans cette ile , fut celle qu'y con-
duisit Arcade Corinthien , quelques années après la fondation de
Rome , et environ sept siècles et demi avant l'ère vulgaire. Arcade
ayant débusqué les Siciliens de la petite ile à'Ortygie , fit cons-
truire quelques ouvrages autour du lac de Syracus pour en former
un port : ce qui fit donner le nom de Syracuse à la petite ville
que renfermait cette île. Autour de cette ville, Arcade en fit en-
core bâtir quatre autres petites , qui ayant été entourées dans la
Colonies
suite d'une même muraille, prirent ensemble le nom de Syracuse.
Grecques Avant l'établissement de ces colonies en Sicile , d'autres s'é-
eu Italie.
taient déjà fixées dans le midi de l'Italie. Plusieurs des héros Grecs
n'ayant pu rentrer dans leurs domaines à leur retour de la guerre
de Troie , prirent le parti d'aller se chercher une autre patrie ,
et se dispersèrent principalement dans l'Italie méridionale, dont
le climat est à peu-près le même que celui de la Grèce. Le ter-
ritoire qu'ils occupèrent comprenait tous les pays situés entre celui
des Salentins (maintenant la terre d'Otrante), et le détroit', et
on l'appela la Grande Grèce , parce qu'au rapport de Pline (1), il
parut aux Grecs qui s'y étaient réfugiés d'avoir trouvé un pays plu*
vaste , plus beau et plus heureux que celui qu'ils avaient quitté.
Diomtâe et Tdoménée furent les principaux fondateurs de ces co-
lonies. Le premier ayant trouvé ses états dans le plus grand dé-
sordre à son retour du siège de Troie , quitta Argos } et vint avec
Philoctecte et quelques autres chefs s'établir à la pointe de l'Italie.
Effrayé du soulèvement qu'il avait excité parmi ses peuples , en
sacrifiant impitoyablement son propre fils à Neptune, Jdomenée
Roi de Crète se réfugia , avec un bon nombre de sujets qui lui
étaient restés fidèles, sur la côte orientale de cette péninsule, à
peu de distance du golphe de Tarente. Voici également le Ta-
bleau comparé de la Grande Grèce.
Division Peuples
ANCIENS MODERNES
ancienne. Noms modernes. qui l'habi- DES VILLES PRINCIPALES.
Venusia . . Venosa.
Apulia. La Gapitanate.
Dauniens. Cannae . . Cannes.
On croit que c'est là Messapiens. Tarentum . Tarente.
que Dioméde établît
sa colonie , et fonda
la ville de Venusia ,
dont le premier nom
fut viphrodisia , ou la
Ville de Venus. Frè-
re t fait descendre les
Apuliens des Libur- re
|
niens , peuples qui
étaient passés de l'il-
lyrie en Italie environ
seize siècles avant l'ère
vulgaire.
de Bari . . Brutiens. Croton. Crotone.
Brubium. La Terr d'Otrante.
Locri. . Mota di Burzano.
Fréret prétend que le
nom de Brutium dé- Regium Reggio.
rive des mots celti-
ques ber, bret , arbre ,
forêt , parce que ce
pays était ancienne-
ment couvert de forets.
(1) Il n'est nullement hors de probabilité que le6 Grecs ayent poussé
leurs colonies jusques dans le Nord. Voici ce que rapporte à ce sujet le
docte Lanzi dans son Mémoire sur les vases antiques , pag. 42. « J'en
donne pour preuve une lettre écrite par M.r Luaff Chevalier Moscovite à
M.r Jacques Byres Anglais, qui, il y a peut-être 20 ans, m'en commu-
niqua à Rome un fragment de la teneur suivante : On a trouvé aux en-
virons de Coliran dans une grotte artificielle une inscription en carac-
tères inconnus aux Chinois , aux Tartares et aux Japonais , et qu'on na
vu déchifrer. Un peu plus loin dans la grotte , qui est une galerie de 200
toises j on a découvert deux vases dont l'un était d'argent, d'une forme
parfaitement grecque , avec des bas-reliefs d'un beau travail , et Vautre
était étrusque ; qu'est ce que cela signifie au fond de la Sibérie ? Je
ne suis point éloigné de croire qu'il n'y ait eu jadis par là quelque co-
lonie Grecque, comme il y en eut à Tomes, dont le dialecte conservait
encore du tems d'Ovide quelques restes d'hellénisme, »
de la Grec e. 55
Ancien
coutume
.Il n'est x
personne qui
L
ne sache1 aujourd'hui
i •
, que les peuples de•
propre de tous tous les pays ont eu plus ou moins , dans le principe, un costume qui
leur a été commun , et dont la nature et le besoin leur ont donné
les premières leçons. Des herbes, des racines et des fruits formaient
leur unique nourriture ; ils cherchaient dans des grottes , dans des
cavernes , dans des troncs d'arbres , un abri contre l'intempérie des
saisons 3 et un asile contre la fureur des bêtes féroces; le soupçon,
la vengeance et la crainte étaient les principaux mobiles de leurs
actions. Ainsi l'histoire des commencemens d'une nation, est,, pour
ceux qui ne recherchent ni les dates, ni les noms, celle de toutes
les autres à leur berceau (i). On peut donc se figurer, que le cos-
tume des premiers habitans de la Grèce , aura été à peu près le
môme, que celui des peuples les plus sauvages de l'Afrique et de
l'Amérique. Malgré les soins continuels qu'exigeait leur conserva-
tion ,et le besoin où ils étaient de lutter sans cesse contre une na-
ture ingrate et barbare , ils auront néanmoins conservé comme ces
derniers quelques idées confuses de religion , qu'ils auront reçues
idées par tradition de leurs premiers pères. Les Pélasges, qui étaient les
A''auiï}efs plus anciens peuples de la Grèce , avaient , au dire d'Hérodote ,
de leursDœux. ^ notions de quelques divinités ; mais ils ne savaient pas encore
les distinguer par des noms propres. Leurs connaissances à cet égard
se seront bornées à savoir, qu'il y avait des êtres dont la puissance
gouvernait toutes choses. La première révolution qui s'opéra chez
les Grecs , ou leur passage de l'état de barbarie à l'état social ,
est dû , selon le même auteur , aux colonies étrangères , et par-
ticulièrement àcelles venues de l'Egypte. Ce fut d'elles qu'ils ap-
prirent àdistinguer les dieux du premier et du second ordre , et
à fonder des lois , des coutumes et des institutions sur des princi-
pes raisonnes de religion. Il résulte donc du témoignage de cet
écrivain, qu'avant l'arrivée de ces colonies, les Grecs avaient déjà
quelqu'idée passable de l'être suprême; et que par conséquent ce
(i) Hist. des caus. premier, pag. 97. Cet auteur ajoute que ceux qui
regardent comme supposés les hymnes d'Orphée , les attribuent à un cer-
"6o Costume
le système de la mythologie déjà solidement établi. Ils y exposent
les choses telles qu'ils les ont trouvées , et telles cju' elles étaient
crues de leur nation, ensorte que leur autorité pourrait suffire en
quelque manière à la partie historique de nos recherches ; mais
comme la partie philosophique exige que nous remontions à une
époque plus éloignée , nous aurons recours aux conjectures , pour
découvrir l'origine de la mythologie et du polythéisme , qui ont
eu tant d'empire sur le costume des Grecs.
deMontfaLon ^e célèbre Montfaucon est d'avis, qu'on ne peut dire rien de
positif sur les commencemens de l'idolâtrie , ni déterminer l'épo-
que à laquelle ses différens cultes se sont propagés sur la terre (i).
INembrod passe , aux yeux de quelques-uns , comme le premier .
homme auquel il a été rendu des honneurs divins, et qui, sous les
noms de Bel ou Baal 3 a eu des autels dans tout l'orient. Les pre-
mières idoles dont il est fait mention dans l'histoire sacrée sont
celles de Thare , d'où elles passèrent dans la famille de Laban.
L'auteur que nous venons de citer croit voir une des principales
causes de l'idolâtrie , dans les statues élevées chez divers peuples de
l'antiquité qui n'avaient que de faibles notions de la divinité, à
des hommes qui s'étaient illustrés par de grandes actions,, par quel-
que découverte utile à l'humanité , ou qui s'étaient acquis par leurs
vertus la considération de leurs semblables. Chaque peuple se créeait
Sentiment, deg dieux à sa fantaisie; et comme dit le prophète Isa ïe , du même
bois qui servait à le chauffer, l'homme se lit des statues qui de-
vinrent l'objet de son culte , et dans lesquelles il plaça tonte sa
confiance (a).
desF,T,sZ!ide Quelques écrivains, d'un nom même assez marquant , après avoir
%MJïaBÏiîe employé toute leur sagacité à trouver quelques rapports entre la
tain Onomacrite Athénien , qui vivait 600 ans avant l'ère vulgaire. L'an-
cienneté de cette date n'est pas moins respectable, que ne le serait celle
même d'Orphée.
(1) Montfaucon. & 'Antiquité expliquée. Tom. I. Par. I. pag. XCII.
(2) Isaïas, Chap. 45, i5. L'auteur du livre de la Sagesse indique
comme une des sources de l'idolâtrie la douleur d'un père qui a perdu
son fds par une mort prématurée. Pour se consoler de cette perte , il fait
faire une image de ce fils chéri , et lui rend, au sein de sa famille, des
honneurs qui ne sont dus qu'à la divinité. Ce culte se propage bientôt
du foyer de cette famille dans toute la ville , et d'un dieu privé il se
fait ainsi peu-à-peu une divinité publique.
de la Grèce. 61
Bible et la Mythologie 3 ont prétendu que plusieurs des événement
rapportés dans l'histoire sacrée _, ont. été empruntés de la Mytho-
logie ;et que par conséquent , quelques-uns des Dieux et des Héros
de cette dernière, ne sont que des persounages illustres dont parle
l'ancien testament (i). Par exemple, le Tubalcain de la Cénêse ,
serait, selon eux, le Vulcain des poètes Grecs: opinion des plus
étranges , qui n'est appuyée d'aucune autorité , et ne repose que
sur des simples conjectures (a). Les Juifs formaient une nation trop
méprisée de ses voisins, et trop ignorée des peuples de l'antiquité ,
pour que les Phéniciens 3 les Egyptiens et les Grecs ayent pris
chez elle aucune idée de religion ni de mythologie. Cette nation
était d'ailleurs si jalouse de ses dogmes et de ses cérémonies reli-
gieuses qu'elle
, se fesait un devoir le plus scrupuleux d'en dérober la
connaissance aux étrangers ; et il ne parait pas en effet que les Grecs
en eussent la moindre notion , avant la conquête d'Alexandre (3).
L'abbé Bannier pense (A) qu'on doit regarder la mythologie Opinion
comme un grand et précieux dépôt d evenemens remarquables , ar-
rivés dans les tems les plus reculés , immédiatement après 3e dé-
luge , et rétablissement des enfans de Noè en diverses contrées ; et
il croit fonder son système sur une base solide , en Pétayant de la
doctrine de certains pères de l'Eglise , et de savans écrivains tels
que, Boccard , Vossius , Einsius , le père Tournemine et autres.
Ainsi, c'est avec le plus grand sérieux qu'il parle, du Roi Tems0
(i) Ce n'est pas ici le lieu de rechercher quel a été l'inventeur des si-
gnes alphabétiques: nous en parlerons en traitant du costume des Chaldéens.
64 Coutume
faucon (1), avaient pris naissance dans le sein de cette même Grèce ,
dont le génie fut si fécond en fictions de tout genre. Il ne suffit
pas d'appercevoir quelque ressemblance dans le culte des divinités
des nations différentes, pour en conclure aussitôt qu'elles se sont
communiquées leurs idées religieuses : car en raisonnant ainsi , on
pourrait dire également, que les Péruviens et les Mexicains ont pris
aussi leur culte des Egyptiens, ou les Egyptiens des Mexicains et
des Péruviens, parce que les monumens des uns et des autres, pré-
sentent des figures emblématiques du zodiaque, ainsi que de di-
vers objets physiques et moraux , comme on peut le voir dans le
voyage du célèbre Humboldt. D'habiles écrivains ont prétendu trou-
ver effectivement des rapports frappans, entre les divinités Indien-
ConformUé nés, et celles de la Grèce et de Rome (2). Cette conformité, qu'on
le divers
uaiions remarque aussi entre les idoles et les signes symboliques usités chez
des peuples, de costumes bien différens, et séparés par de grandes
distances, ne peut avoir, selon nous, d'autre cause que l'identité
des besoins et des passions qui se font sentir aux hommes , dans des
circonstances semblables. Avec les mêmes facultés physiques et in-
tel ectuel esles
, hommes agiront plus ou moins de la même ma-
nière lorsqu'ils
, y seront déterminés par les mêmes motifs ; et ils
exprimeront leurs idées par des signes, qui seront à peu-près les mê-
mes. C'est pour cela sans doute, que les arts encore au berceau ,
chez les Egyptiens, les Etrusques, les Grecs et les Romains, aussi
bien que chez les Péruviens, les Mexicains, et les Indiens, mon-
trent tant de ressemblance dans leurs productions, surtout en peinture
et en architecture. Aussi le Chevalier Boni a-t-il eu raison de dire ,
que les lois d'après lesquelles l'homme agit? sont 9 à parité de cir-
constancespartout
, les mêmes (3).
Système De tous les systèmes modernes , celui qui a obtenu le plus de
de Dupuis.
crédit, bien qu'il ne soit fondé que sur une simple hypothèse , est
sans contredit le système de Dupuis (4). Ce philosophe établit pour
principe de sa doctrine, que Dieu est l'univers , ou que l'ensemble de
tous les corps est le Dieu universel. Dès que les hommes ont voulu
(1) C'est avec raison que S. Augustin s'exprimait ainsi contre la doc-
trine de ces philosophes : Sed cum conantur vanissimas fabulas , slve ho~
minum res gesbas velub naturalibus interpretationïbus honorare } alias
homines acubissimi banbas pabluntur angusbias ,ub eorum quoque vaniba-
ùem dolere cogamur. De Civ. Dei. 7. 18.
(2) EncycL mèbhocl. Antiq. Mibologie. Tom. IV. pag. 236.
68 Costume
terne, c'est à dire un art propre à tout expliquer, sans rien en-
seigner ,que de vouloir envisager l'antiquité sous un seul point de
vue, en rapportant tout à l'histoire sacrée, à la morale, ou à la
physique, et en croyant voir partout du mystère. Comment une
seule clef peut'elle nous ouvrir la porte à toute la Mythologie ,
qui est un composé de choses si disparates, inventées, amplifiées
et enseignées par des personnages divers , à des époques et dans des
tems différens ? „
Dès les premiers pas qu'ils auront fait dans la civilisation, ^gJ"j»J
les Grecs se seront sans doute montrés jaloux de cette apparence
d'antiquité qu'ils ont ensuite recherchée avec tant d'ardeur; et ils
n'auront certainement rien négligé pour voiler aux yeux de la
postérité l'état de barbarie dans lequel leurs ancêtres vécurent
pendant long tems , sans frein et sans lois , et à la manière des
brutes. Ils auront en conséquence imaginé d'être descendus , dans
les siècles les plus reculés, de héros enfans de ces mêmes Dieux,
qui auront eu commerce avec quelque nymphe , ou mortelle hono-
rée de leurs faveurs. Voilà une autre source de la Mythologie chez
cette nation. De nouvelles circonstances , et par conséquent de nou-
velles fables seront venues successivement fortifier cette opinion ,
Jaa^TJil. IST°US ne devons Pas n0ïl Plus passer sous silence l'opinion de
M.r d'Hancarville à ce sujet , comme présentant beaucoup de vrai-
semblance (i): « Long tems avant que la peinture, la sculpture , et
l'art d'écrire fussent connus des Grecs, pour rappeler le souvenir
des événemens qui les intéressaient, celui de leurs Héros, et de
leurs Dieux, ils donnèrent les noms des uns et des autres aux ter-
ritoires, aux mers, aux fleuves de leurs pays, aux villes qu'ils
construisirent, aux montagnes , et aux fontaines qui leur parurent
distinguées par quelques singularités. Leur imagination brillante,
et plus encore les fictions de leurs anciens poètes, leur représen-
tèrent ces mêmes objets comme étant protégés par les divinités
dont ils portaient les noms; quelquefois même ils leur attribuèrent
les actions de ces divinités. De pareilles idées ne pouvaient qu'être
accueillies avec transport, par un peuple dont la vanité croissait en
raison des progrès qu'il fesait dans la civilisation. „ Voilà une des
autres sources de la Mythologie. Ainsi , dit encore le même au-
teur, les rochers du mont Sypile d'où sortaient plusieurs fontaines ,
étaient Niobé même entourée de ses enfans, accablée de tristesse,
changée en pierre, et pleurant encore les malheurs de sa famille.
Nous reviendrons sur l'opinion de cet écrivain, lorsque nous aurons
à parler du culte et de la sculpture des Grecs.
(i) Parmi les livres qu'on peut consulter à ce sujets les meilleurs,
selon nous sont ; les Dictionnaires de Millin et de Noël , X Iconographie
de Ripa , les Images de Cartari , et le Dictionnaire de Sabathier.
(2) Toute la Mythologie peut se diviser en deux générations, l'une
des Dieux , et l'autre des Héros. Au commencement: , dit Critias dans-
SUCCESSION DES ROIS
Inachus , venu
Io , Prêtre
ca'die
Jupiter, e
donne 1
selon q
vient et
et seloij
elle est
Epaphus ( ensi
Lil
12 Lyncée., un des
tue Danaùs et 5o
luifils d'Eg]
succède.
i3 Abas é^
et fo
1,4 Prœtus chassé d'Argos par son frère , i5 Acrise épouse Euridice fdle de Lacédémc 1,
va en Lycie près Jo bâtés. Il y épouse 1
Sthénobée, ou Anthèe , ou Antiope.
Danaé et Jupiter en pluie d'or.
Retourne en Argolide , se fait Roi 1
de Tyrinthe. Poursuit Bellérophon. 16 Persée épouse Andromède fille de Ce]
Roi d'Ethyopie, et fonde Mycéne.
par
Tantale épouse 23 Egisthe
tue Atrée Télephe fils d'Auge Hyllus ayant envahi le Pélo-
Clytemnestre et d'Hercule ponnèse se retire à caiise de
fille de Tyndare et ensuite devient Roi de Mcesye la peste. Trois ans après il
Ploî de Sparte, Agamemnon: et est blessé par Achille. revient et est tué en duel :
mais il est tué régne à Argos ,
et est tué pour cette raison les Héracli-
par Agamemnon. des ne font plus guerre au Pé-
par Oreste. loponnèse pendant 100 ans.
) Deucalion
XAOS
CHAOS.
"V. 116.
re femme Minerve III.e , on la figure née du cerveau de
fille de Ura- Jupiter même v. 886.
I.e femme. ( Heures.
Eunomie
Justice.
Paix
Parques ( Moïpat ) qui sont Clothon , etc. On les
dit encore filles de l'Ere be et de la Nuit.
u Eurynome III.e f.e les Grâces , Aglaya, Euphrosyne , Thalie»
^ Sat. II ,e f> Proserpine.
d'Ur. IV .e f.e les 9 Muses, v. 917.
de Cœus, VI.e f.e Apollon.
Diane , Apnfiis.
le Sat. VII.e f.e Jeunesse , H/S*.
Mars , Apus.
Lucine , KimIùviu..
Vulcain , ntpctunos.
Atl. VIII.e f.e Mercure , h,.^.
Dionysus ou Bacchus de Sémélé.
Hercule d'Amphytrion.
Europe. Vol. I. Pog. -)i-
(j Epiméthée
Thérmére , v. 41 i-etc.
Hypérion , de qui Jone
Brontés , Stérope et Argés , appelés Cyclopes. Thia } Circé. v. 966.
L'Aurore
Le Soleil \ Oetus
£°.ttu,s i Echidna mère de plusieurs 1 *&. et Sphinx La Lune
Gigés > Gérion.
monstres,v. v.3og.
3og. f.° de l ' ' et Cetus.
Electre
i des Ethiopiens. Phaëton. Egiz.
Callirhoe , v. 287. I. Idra , Memnon R<
La héu-
Chimère.
Crysare-Gérion. • Vesta, urh v. 453.
f.e de Neptun.
XAOS Cérés , An/n'rsf v. 4. — Pin ton le riche.
CHAOS, Amour z?°i IV.e femme de Jupiter — Pluton , v. 968.
\ v. 120. Junon Km , VII,8 femme de Jupiter.
v. 116.
AiU , Pluton. • de Métis
f de I.» femme
Métis ,, I.re Minerve III.» , on la figure née du cerveau de
femme
de nus
Thémis , fille
. et IIe de Ura- (
femme.
Jupiter même v. 886.
Heures.
v SATURNE , kîonoz , de qui
1 Eunomie
Justice.
n.«,<f«,. NEPTUNE -- Triton I Parques ( M»7f*. ) qui sont Clothon , etc. On les
Vénus. Aif f »tf/n , III.e femme de Jupiter. I dit encore filles de l'Erébe et de la Nuit.
de Vénus ou Eurynome III.0 f.° les Grâces , Aglaya, Euphrosyne, Thalie.
Tartare - Typhée - Vents umides. de Cérés de Sat. II.» f.e Proserpine.
z,h. JUPITER, de qui naquirent ...... \ de Mnemos d'Ur. IV.0 f.° les 9 Muses, v. 917.
' Le
ETHER
Jour de Cicéron qu'on dit père d'URANUS de Latone de Cœus , VI.0 f.0 Apollon.
Diane , Apnfiis.
\ Paix
I1 Le Destin, v. 210.
La Parca de Junon de Sat. VII.0 f.° Jeunesse , h/3b.
Mars , Aftis.
i La Mort
1 Le Sommeil Vulcain
Lucine , ,■B.i^tlvia.
n<p«.ims-
Erébe. I Momus de Maïa d'Atl. VIII.e f.e Mercure , H>fo.
v ia3. I Le Travail de Séméle Dionysus ou Bacchus de Sémélé.
l Les Héspérides d'Alcméne Hercule d'Amphytrion.
Nuit. J Les Destins Mo7f«<
v. ia3. 1 Les 3 Parques , savoir ; L'Oubli
f Clothon , Lachésis et Atropos. La Fatigue, v. 227.
J Némésis La Peste
f! La
L'Amitié
Fraude La Douleur
La Vieillesse Les Combats
V La Discorde ou Dispute Ef«, de qui Les Massacres
Les Batailles
La Victoire
La Licence et la Perte
Le Serment , ou Orcus ,
Platon, les Dieux régnèrent sur la terre dans les lieux qui leur échu-
rent par le sort. Voilà la Théogonie , ou génération des Dieux. Les hom-
mes bons et sages , selon le même Gritias , qui prirent à tâche d'imiter les
Dieux , formèrent VHérogonie , ou génération des Héros.
(1) Hom. Carmina. Tom. VIII. Excursus IV. pag. 83i.
(2) La même année Adraste Roi d'Argos célébra pour la première
fois les jeux Pythiques.
(3) Nous nous sommes servis des Tables chronologiques de Blair
pour déterminer les années de ces époques.
(4) Troie fut incendiée par les Grecs dans la nuit du s3 au 2.4 du
mois de Targelion , qui correspond à celle du n au 12 juin , d'après les
marbres RArondei, 408 ans avant la première Olympiade selon Apollo-
dore. Les marbres & Arondel _, connus encore sous les noms de marbres
Europe. Vol, I, i0
74 CoSTÏÏME
dent <jue la toison âJor n'était autre chose que la belle laine de
Colchos, et que par conséquent l'expédition des Argonautes ne
doit être considérée que comme une expédition de commerce. Tel
est aussi le sentiment de Le Clerc et antres écrivains distingués,
(i) Heraclite dit que ce mouton était une homme appelé #/»*«*; Ckrios,
qui veut dire aussi Mouton , et qu'on lui donna l'épithéte d'or à cause
de sa fidélité. Palefate croit que ce personnage était le trésorier d'Atha-
mante , lequel avait entre autres choses sous sa garde une statue d'or.
Suidas prétend que ce n'était autre chose qu'un livre couvert d'une peau
de mouton , dans lequel on apprenait à faire de l'or. Bochart s'efforce
d'expliquer toute l'histoire des Argonautes par des conjectures étranges
sur l'étymologie de mots Phéniciens.
(a) Strab. Liv. I.
(3) Liv. IV. Que la Coîchide fût riche autrefois en or et en argent,,
c'est ce qu'on peut déduire de ce passage de Pline : Jam regnaverat in
Colchis Salauces et Esuprobes , qui terrain virginem nactus , plurimum
argentin aurique eruisse dicitur , in suap.te génie, et alioquin i)elleri-
bus inclyto regno. Hist. nat. liv. 53 , chap. 3. Que si cette contrée ne
présente plus aujourd'hui aucuns trésors , on ne doit pas en conclure pour
cela qu'elle n'en renfermait pas avant la guerre de Troie. Combien de
pays jadis renommés par leurs richesses , qui sont à présent pauvres et
misérables? Que de mines d'or, maintenant épuisées , qui jetaient ancien-
nement d'un rapport immense ?
>
7*-* Costume
jNous ne saurions pourtant adopter à cet égard l'opinion d'un au-
teur moderne, qui a prétendu prouver, avec un grand étalage
d'érudition , que la toison d'or indique les draps de soie que Jason
rapporta de la Colchide en Grèce, et que par conséquent les Grecs
eurent, dans les tems reculés, des relations commerciales avec la
Chine (i). Les raisons qu'il donne sont d'un si faible argument.,
l'interprétation qu'il fait de certains passages des auteurs Grecs et
Latins est si arbitraire, et la première connaissance qu'on a eue
de la soie en Europe est si éloignée de Fépoque de l'expédition
des Argonautes ^ qu'il lui sera bien difficile de trouver quelqu'un
de son avis. (a). On peut donc regarder cette expédition comme le
premier voyage qui ait été entrepris pour des intérêts de commer-
ce ; et cette opinion nous parait au moins la plus problable de
toute celles qu'a fait naitre cet événement fameux , qui forme la
première époque des tems héroïques.
d'où doit-on Néanmoins, avant de donner la description d'aucun monument
lesmonumpns relatif à cette époque et à celles qui suivent, nous observerons
eoHcenians les -, -i -■ . , .
tems héroïques, deux choses que nous ne devons point laisser agnorer. La premiè-
re, c'est qu'à défaut de monumens qui appartiennent aux siècles
héroïques, nous serons obligés , non seulement de recourir à des tems
postérieurs, mais encore à sortir quelquefois de la Grèce, pour
rechercher en Italie ceux qui peuvent avoir rapport à l'histoire et
à la Mythologie des Grecs : car après les monumens Egyptiens ,
les plus anciens sont ceux qui ont été trouvés en Etrurie et dans
le Latium. Nous verrons même que le souvenir de certains événe-
mens particuliers à la Grèce, s'est moins conservé dans les ouvra-
ges des Grecs, que dans ceux qui ont été improprement appelés
Vases
improprement
Etrusques. _ .
Et en effet,
. . ,
les,,,«-,
peintures . qui embellissent les vases et
appelés autres objets d antiquité de 1 Etrurie , sont pour la plupart dans
Etrusques. ta * i • ,-,
le goût et représentent des sujets Grecs. « Il semble , dit Winckel-
m&nn (3), que Fart du dessin a été professé chez les Tyrrhéniens,
ou en Etrurie par des Grecs; c'est ce qu'on peut conjecturer de
l'établissement que firent quelques colonies Grecques dans ce pays,
et plus encore du penchant qu'on voit dans les artistes Etrusques
à ne retracer , pour ainsi dire , que des sujets de la fable ou de
et AriUgone.
et l'arrosait de ses larmes, lorsqu'Antigone fille d'QEdipe , sortie
de la ville pour enlever les cadavres de ses frères, survint dans le
même lieu; s'étant reconnues l'une et l'autre, elles confondirent
leurs larmes , et placèrent ces deux Princes infortunés sur le même
bûcher. Créon en ayant été instruit , ordonna qu'elles fussent enseve-
lies toutes vives. Adraste , aidé du secours de Thésée et des Athéniens ,
revint ensuite sous les murs de Thébes. Thésée tua Créon, et con-
traignit les Thébains à permettre aux Grecs de rendre à leurs
morts les honneurs de la sépulture. Environ dix ans après cet évé-
nementles
^ fils de ces sept Chefs s'étant ligués entre eux, entrepri-
rent une nouvelle expédition contre Thébes afin de venger la mort
de leurs pères; ce qui leur fit donner le nom d'Epigones (i). Ils Ep'igmes.
tuèrent Laodamante fils d'Etéocle , forcèrent les Thébains d'aban-
donner leur patrie, et démolirent les murs de la ville après en
avoir emporté un riche butin. Cette expédition est connue dans
l'histoire sous le nom de seconde guerre de Thébes.
Premier
Le n.° i de la planche 12, est pris d'un scarabée Etrusque en monument
de la guerre
corniole du musée Stoschano (a). Il représente Tydée , Polynice , de Thébes.
Amphiaraùs, Adraste et Parthénope , cinq des sept héros de cette
expédition qui tiennent conseil entre eux. Les trois premiers noms
sont écrits de droite à gauche , et les deux autres de gauche à Prix de ce
droite. Ce monument est non seulement le premier qu'on connaisse monument.
sur cette guerre fameuse , mais il doit encore être regardé comme
le plus précieux reste que nous ayons de l'art Etrusque en ce gen-
re, et même de l'art en général (3). La forme des lettres et la
composition des mots diffèrent beaucoup de l'écriture ordinaire
des Etrusques, et semblent plutôt appartenir à la langue pelas ge ,
que les savans croyent avoir été la mère des langues Etrusque et
(1) Descendais , du grec y*U*it*t , qui veut dire naître , être engen-
dré , parce que les chefs de cette seconde expédition étaient nés des sept
qui commandèrent la première.
(2) Descr. des Pier. gr. du Gab. de Stosch. pag. 644.
(3) Winckelmann , Hist. de ï 'Art. Vol. I.er pag. 225 , et monum.
antiques , vol, I.er pag. 140.
°4 Costume
Grecque. La gravure en est d'une beauté et d'une finesse qui sur-
passent toutes les idées qu'on pourrait s'en former à une époque
aussi reculée , malgré qu'on n'y trouve point cette variété de com-
position dont le mérite ne s'est acquis que dans des tems posté-
rieurs (i). Une des choses qui frappent le plus dans cette pier-
re, c'est la position de Parthénope les genoux croisés l'un sur
l'autre., tel que Polignote représenta depuis Hector à Delphes, et
serrant de ses mains son genoux gauche , attitude qui peint par-
faitement l'homme absorbé dans une affliction profonde : il est en-
veloppé dans son manteau , comme Priam est dépeint dans Homère ,
c'est à dire que la draperie est tellement appliquée sur ses mem-
bres qu'elle en dessine toutes les formes. Le bouclier d'Adraste
mérite encore d'être remarqué par sa forme ovale avec deux en-
tailles semi-circulaires , comme on en voit aux boucliers retracés sur
les médailles d'Argos.
Awphiaraûs. Les ii. % , 3 et 4 de la même planche représentent un fait qui
appartient aussi à l'expédition de Thébes. Amphiaraûs un des sept
Chefs et devin fameux , était persuadé que les chefs de cette entre-
prise devaient tous périr sous les murs de cette ville, excepté Adraste:
il s'efforçait par conséquent d'eu détourner ses compagnons, pour
échapper lui même à cette destinée. Mais, par un engagement so-
lennel qu'il avait pris avec Adraste, il s'était obligé de suivre
les conseils de sa femme Eryphile dans toutes les questions qui
pourraient s'élever entre eux. Flattée par l'appât d'un collier d'or
dont Polynice lui fit présent , Eryphile décida que son mari deva it
aller à la guerre.
Le monument est copié sur une des peintures des vases anti-
ques du Chevalier Hamilton (a). Les deux figures n.° a sont Am-
phiaraûs avec l'habillement et le bâton de devin, et Eryphile don-
nant son avis en faveur d'Adraste. Le n.° 3 représente Amphiaraûs
méditant sur le parti qu'il cloit prendre. On apperçoit un génie
qui lui présente un casque , et le détermine à mourir victime de
sa parole. Le n.° 4 est Eryphile menacée par son fils Alcraéon &
auquel son père avait recommandé le soin de le venger.
Les artistes trouveront encore à acquérir des connaissances pré-
cieuses dans les gravures de Flaxman, où sont représentés , avec un
soin et des travaux infinis, tous les sujets des tragédies d'Eschyle ,
du nombre desquelles est aussi celle des sept Chefs contre Thé-
bes (r).
Guerre de Troie.
Ce serait tropL
nous écarter de notre objet
J , que
* de vouloir trai- SUT NoOoua
la querpc:
ter ici toutes les questions agitées entre les érudirs au sujet de cette ^ Troili-
guerre fameuse. Nous croyons d'ailleurs qu'il est parfaitement inu-
tile .d'en retracer l'histoire 5 en ce qu'il n'est personne d'un esprit
un peu cultivé, et ami des beaux arts, qui n'ait quelque teinture
des œuvres divines d'Homère et de Virgile. Nous nous bornerons
donc à exposer succinctement quelques notions préliminaires, qui
seront comme autant de corollaires aux recherches laborieuses que
les écrivains les plus savans ont faites sur la guerre de Troie , nous
accompagnerons ces notions de quelques monumens qui ayent rap-
port aux événemens les plus remarquables de cette guerre.
On ne, .peut
» 1
plus
« .
douter , aujourd'hui
. ,
que la .guerre
, ,
de Troie.ne Vérité
de la guerre
soit une vente de lait, maigre que le plus ancien écrivain qui en de Troie.
ait traité soit un poète, qui est Homère. On ne doit donc point
regarder l'Iliade et l'Odyssée comme de simples productions d'un
génie poétique, mais encore comme un recueil précieux des tradi-
tions les plus antiques de la Grèce. Plusieurs des événemens qui
sont exposés dans ces deux poëmes célèbres , sont confirmés non
seulement par les relations de Thucydide, de Pausanias et autres
historiens Grecs , mais encore par tous les monumens les plus anti-
ques ,et entre autres par les marbres à'drundel (a). Il faut pour-
tant savoir y distinguer ce qui est réelement historique de ce qui
1
80 Costume
ciel avec la terre , jusqu'au terme des voyages d'Ulysse (fi). C'est
pourquoi les savans distinguent ordinairement deux cycles poétiques 9
ou deux périodes d'événemens mythologiques et historiques : le pré-
cède mkycpe. mier s'appelle cycle, mityqim ou fabuleux, et comprend tous les
tems de la fable, depuis la généalogie des Dieux jusqu'à la ruine
Cycle Troyen. de Troie ; et le second, qui est le cycle Troyen , comprend tous
les événemens de la guerre de Troie , tant vrais que fabuleux.
Ces deux espèces de cycles ont donné naissance à deux sortes de
(1) On trouve représentés sur cette table presque tous les principaux
événemens de la guerre de Troie. Il semble que i'artiste ait voulu y ras-
sembler tout ce qu'il a pu recueillir , non seulement dans Homère , mais
encore dans Virgile , et même dans les poètes cycliques. V. Fabretti. Exr
plicabio veteris Tabellae anaglyphae Homeri Iliadem , atq. ex Stesi-
choro Arctino et Lesche Ilii excidium continentis , et Begerus : Bellum
et excidium Trojanum etc. La matière dont est formée cette table est
un composé de chaux et de sable si habilement travaillé , qu'il parait être
une pierre de la plus grande dureté. Vitruve dans son liv. 7 ch. 3 parle
de cette composition comme d'un invention des Grecs.
(2) Aeneid. Hb. II. v. 4°5-
de la Grèce. g3
me érudition , dans un livre élégamment imprimé à Weiraar en
1794 (0-
Le n.° 3 retrace l'image du sacrifice d'Ipïiigénïe en Àulide ; Sacrifier
il est copié sur une portion de bas-relief d'un vase antique en d,IPh''semc-
marbre, qu'on voyait autrefois dans les jardins des Médicis à Ro-
me (a), et qui fait partie maintenant du Musée de Florence. Iphi-
génie s'est assise par terre auprès de l'autel de Diane , et pleure sur
sa destinée. Selon l'usage le plus généralement suivi dans les anciens
bas-reliefs, les assistans sont debout, posture que tenaient ordinai-
rement ceux qui se trouvaient présens à quelqu' événement doulou-
reux. I/Heyne n'est pas éloigné de croire , que le héros qu'on voit
tout pensif en face d'Iphigénie ne soit Achille , et que les figures
qui sont à côté de lui ne soient celles de Ménélas et d'Agamem-
non qui a la tôte enveloppée dans son manteau, ou peut-être même
du grand prêtre Calchas. L'autre héros qui est derrière la jeune?
fille , est probablement Pa troc le ou Dioméde.
Le n.e 4 est la copie d'une belle gravure tracée sur un jaspe Achille
et Ifeslor*
du Musée de Florence. L'Heyne croit encore y reconnaître trois
des neuf capitaines Grecs, tirant au sort dans une urne à celui
d'entre eux qui ira le premier attaquer Hector, comme il est dit
dans le VII. e livre de l'Iliade. Nous regardons néanmoins comme
plus probable l'opinion du savant antiquaire Antoine François
Gorio (3), qui voit dans cette pierre Achille offrant en présent à
Nestor cette urne précieuse. Et en effet, la colonne sur laquelle?
on distingue deux sphinx., semble indiquer le tombeau qu'Achille
avait élevé à Patrocle, en l'honneur duquel il avait encore fait
célébrer des jeux solennels. Après la distribution des prix aux vain-
queurs il
, restait un vase que le héros présenta au vieux Roi de
Pylos , comme un témoignage des honneurs funèbres qu'il avait fait
rendre à son ami. Achille est celui qui va pour prendre l'urne s
ou qui vient de la déposer. Nestor , à la barbe vénérable , est de-
bout devant Achille 3 armé d'une lance, d'un bouclier et d'une
(i) Ce sujet eut tant d'attraits pour les artistes de l'antiquité , qu'au
dire de Pausanias , il fat représenté non seulement par Phidias dans le
trône de Jupiter , mais encore auparavant sur l'urne de Cipséle > et ensuite
par Polignote dans le temple de Delphes et ailleurs.
(2) Admirancla Pwmae. Tab. 18. 19.
(5) Mus. Florent, tom. IL tab. XXIX.
94 Costume
épée. Le jeune guerrier en face de Nestor, est probablement un
des capitaines qui sont entrés en lice pour la course des chars ; c'est
peut-être Antiloque fils de Nestor lui même, qui y avait remporté
le second prix (i).
Pénélope Nous croyons à propos de présenter encore à nos lecteurs un
autre monument dont le sujet se rapporte à l'Odyssée; et nous le fai-
sons avec d'autant plus de gré , que ce sujet étant d'un genre gra-
cieux ,il forme un contraste agréable avec les précédons, et peut
donner une juste idée de l'habillement des femmes Grecques dans
ces tems héroïques. Il est pris d'une des peintures des vases d'Ha-
snilton qu'on voit à la i5.e planche de l'édition Italienne, et re-
présente Pénélope qui a fini de s'habiller : derrière elle est une
femme qui porte ailleurs le miroir dont s'est servi la Princesse ,
tandis qu'une autre lui apporte, dans un des pans de sa robe, les
choses dont elle a besoin pour continuer un ouvrage commencé par
ees mains. On lit au-dessus de ce vase le mot grec k*a? qui veut
dire k*a6? , ou beau , qu'on trouve écrit dans la plupart des vases
antiques d'un travail achevé. Cette peinture a fourni à Angélique
Kaufifman
tableau (a). , à quelques changemens près , le sujet d'un fort beau
GOUVERNEMENT DE LA GRECE.
'ancienne
T'
justes sur la terre , sans police et sans loix. Les belles actions d'Her- Grece'
cule et de Thésée font voir l'état où se trouvait ce peuple naissant.
Il semble que la religion seule leur tenait lieu de lois civiles. Et
en effet, que pouvait elle faire de plus que ce qu'elle fit pour donner
de l'horreur du meurtre ? Elle établit qu'un homme tué par vio-
lence était d'abord en colère contre le meurtrier , qu'il lui inspi-
rait du trouble et de la terreur, et voulait qu'il lui cédât les lieux
qu'il avait fréquentés; on ne pouvait toucher le criminel ni con-
verser avec lui sans être souillé ou intestable (<a) ; la présence du
meurtrier devait être épargnée à la ville, et il fallait l'expier (3). „
Il semble par conséquent , qu'aux terns d'Homère , l'opinion commune?
des Grecs était que les Dieux intervenaient dans les actions humai-
nes ; c'est ce qui est formellement attesté dans l'Iliade et dan»
l'Odyssée , et surtout au commencement du premier de ces deux
poèmes, où le poète affirme que, Jovis perficiebatur consilium (4)«
La Grèce , comme nous l'avons déjà remarqué, doit à des Monarchie.
colonies étrangères les premiers pas qu'elle a fait , de l'état de gow'J'nemL
barbarie vers la civilisation. Mais outre la colonie Egyptienne qui J^SSk
vint s'établir en Grèce sous la conduite de Cécrops , il en arriva
encore plusieurs autres de la Phénicie et autres contrées de l'o-
rient (5). C'est là le motif pour lequel la Grèce ne passa que fort
tépfrL' 0n 1H dans Jastin l'historien («), que les sceptres des an-,
iuiqm* ciens n'étaient autre chose que des lances : Per ea adhuc ternpora
Reges hastas pro diademate habebant , quas Gratci **Urf« dixere.
Narn et ab origine rerum pro Diis immortalibus Vêler es hastas co-
luere. Les Rois prenaient le sceptre en main dans toutes les fonctions
publiques qu'ils avaient à remplir. Il est dit dans le IILe livre de
l'Odyssée, que Nestor devant offrir un sacrifice à Minerve, s'assit le
matin devant la porte de sa demeure, le sceptre en main,, entouré
de ses enfans , de sa femme et de plusieurs autres personnes. C'est'
ainsi qu'Agamemnon se présente aux chefs de l'armée pour les ap-
peler au conseil : de môme Ulisse voulant empêcher les Grecs d'a-
bandonner les rivages de Troie, affronte Agamemnon, prend le
sceptre de ses mains , et parcoure les vaisseaux des loricati Achi-
vi (a). Aristote dit que les Rois fesaient encore usage du sceptre
lorsqu'ils administraient la justice , et que l'acte seul de le lever
en l'air avait la force du serment et en tenait lieu (3). C'est ce qui
fait qu'Homère donne un sceptre à Mi nos juge des enfers , et que
Virgile dit (4) :
et Formi;
matière Le sceptre,
l 'bien qu'il
*■ fût en bois,
■ ' se terminait ordinairement
du seepire. en haut par un ornement en or semblable à une tête de clou. On
lit même dans Homère et autres écrivains, que le sceptre était quel-
quefois tout d'or. Tel était selon le même poète celui de Minos et de
Tyersias. Et en effet il dit dans le premier livre de l'Iliade, v. i5.
que Chrysés tenait en main la guirlande d'Apollon z^h *■>« «ï"p?,
qui lance les flèches au loin , entrelassée autour de son sceptre d'or.
Nous observerons même que, dans les tems les plus reculés, la mas-
sue tenait lieu de sceptre: car Pindare, 01. VIL v. 5i, dit que
Tlepoléme tua Licinius avec un sceptre d'o'ivier d'une extrême
dureté. On voit aussi parmi les antiquités dHerculanum certains
sceptres à trois pointes , qui ont à-peu-piès la forme d'une chaiv
de composition qni offrent ces peintures , ainsi que l'action des per-
sonnages qui y sont représentés , nous avons cru à propos d'y réunir
par fois les figures des autres personnages qui ont part à l'action,
en leur donnant la position qu'elles ont dans l'original. Le n.° i de
la planche 16 offre l'image d'un Roi habillé à-peu-près comme l'A-
gameranon d'Homère; quant à l'action qui est exprimée ici , on ne sau-
rait guères la déterminer. La planche 17 est la copie d'une pein-
uijrsse
et Alcinoùs. t.ure,
t ■ 1 quet tl M. D'Hancarville
•> explique ains : «Il me semble voir ici
dit-Jl, Ulysse s entretenant avec Alcinoùs, tandis que la femme et
la fille de ce dernier , à l'ombre d'un parasol à la manière des Thes-
sâliens , écoutent la réponse du héros à la proposition que le Roi
semble lui avoir faite d'épouser Nausicaa. On reconnaît Ulysse à la
forme de son bonnet, à son manteau, et à la tunique brodée dont
naître de quelle nature étaient ces vases , il n'y avait pas d'autre moyen
que de chercher dans les mêmes lieux quelqu'un de ces anciens sépul-
cres , qui fut échappé aux recherches de cette colonie. On. trouva en
effet dans le dernier siècle , et même il y a peu d'années , plusieurs
tombeaux qui correspondent , non seulement à ce qu'en dit Suétone ,
mais encore qu'une foule d'autres raisons doivent faire regarder comme
des monumens d'une antiquité très-reculée. Ces tombeaux diffèrent beau-
coup de ceux des anciens Romains : ils sont fabriqués sans chaux et avec
des pierres carrées et si grosses , que deux mulets ou deux bœufs pour-
raient à peine les traîner ; en un mot ils sont d'une construction semblable
à celle des murs de Tyrinthe ville qui fut ruinée par les Grecs , et de
îa porte de l'antique Mycénes., ouvrages qui passaient l'un et l'autre pdur
«voir été faits par les Cyclopes , et qui marquent l'époque la plus an-
cienne dans l'art de bâtir. On n'y apperçoit ni inscriptions , ni portes >
ni fenêtres , de sorte que pour savoir ce qu'ils renferment , il faut abso^
lument les démolir. Enfin les caractères imprimés sur les vases qui ont été
trouvés dans ces tombeaux sont entièrement Grecs. Si donc ils étaient déjà
vetustissima du tems de Jules César , il faudrait remonter à une antiquité
bien reculée pour déterminer l'époque de leur construction , c'est à dire
jusqu'à celle où les Grecs vinrent s'établir en Italie. Ainsi ces vases sont
probablement antérieurs au régne de Numa Pompilius : ils furent jugés
d'un grand prix sous César même, non à cause de la matière dont ils
sont faits : car à l'exception d'un petit nombre qui étaient en bronze , tous
les autres étaient en terre cuite , mais en considération de leur antiquité ,
et de la beauté de leur travail : ce sont enfin des monumens inappré-
ciables par la certitude et l'authenticité des notions qu'ils nous donnent
«n ce qui concerne le costume et les arts. Nous reviendrons sur cet ar-
ticle lorsque nous traiterons des beaux arts.
ïï è la Grec ë. ïoS
Nausicaa lui avait fait présent; et dans ces parties de son habille-
ment comme dans tout le reste 3 on distingue aisément le luxe des
Phéaciens. „ Winkelma nn présente dans ses Monumens antiques ,
sous les n. 64 et 65 s le bas-relief d'une cuvette en marbre blanc „
que l'on conservait autrefois dans la maison de plaisance Albani ,
lequel représente Eurysthée Roi d'Argos et de M'ycénes, auquel Eurysthée
Hercule était subordonné. L'habillement d'Eurysthée semble y être
tel que le dépeint Euripide., et diffère peu de celui dont nous ve-
nons de donner la description.
Quant aux Reines, nous ne pouvons en dire que fort peu de cho- Reiaer.
ses: car , à l'exception de la pourpre et du diadème, leur vêtement
était le même que celui du reste des femmes Grecques dont nous par-
lerons en son lieu , si ce n'est qu'il était plus ample et plus riche.
Elles ont dans certains monumens la tète ceinte d'un simple bandeau,
et dans d'autres le diadème proprement dit, ou une lame de mé-
tal triangulaire ou ronde, qui s'appliquait ordinairement sur les che-
veux au dessus du front. Nous avons vu dans la planche précédent©
les figures de Nausicaa , et de la Reine sa mère. Les numéros 1 et
n de la planche 18 représentent deux Reines , qu'il est aisé de re-
connaître pour telles , à la richesse de leur habillement , et au
siège qu'elles occupent dans les peintures des vases d'où elles sont
prises (1). L'une d'elle se regarde dans un miroir que tient devant
elle une de ses femmes. On trouve dans Winkelmann un bas-relief
en terre cuite qui représente le rapt d'Hélène. Cette femme celé- Rapt A'mièaé.
bre habillée, dit cet auteur, plus en matrone qu'en femme élégante
et lascive comme la dépeint Homère > fait un mouvement avec la,
main comme pour se couvrir le visage , ou qui annonce qu'elle vient
de se le découvir : la tranquillité de son maintien indique qu'elle
consent à quitter son mari et à se faire enlever , comme l'atteste le
poète Sresicore. Paris , vêtu à la Phrygienne, la conduit sur un char 9
selon l'usage , de la maison de son père à la sienne propre. Il est
même dit dans Euripide que Ménélas transporta Hélène sur un
quadrige (2). l'habillement d'Hélène, dans ce monument, ne dif-
fère pas beaucoup de celui des Reines que nous venons de décrire.
Le trône , pris dans le sens que nous y attachons ordinaire- Trône*.
ment, ne devint un attribut de la Royauté que dans des tems bien
Prima Ceres .
Prima dédit lea.es , Cereris sumus omnia munus (a).
vernement et des différens systèmes politiques adoptés par les divers dep^'PQr
de la Grées*
peuples qui composaient cette nation. Nous ne ferons mention à cet
égard que des principaux, et de ceux qui sont l'ouvrage des plus
célèbres législateurs, laissant à part tout ce qui ne présente que
des doutes , ainsi que toutes les questions de généalogie et de chro-
nologie ,comme étrangères à la connaissance du costume qui forme
l'objet de nos recherches. Nous diviserons donc la Grèce selon ses
trois principales constitutions politiques ; et prenant pour guides
les écrivains les plus accrédités, nous traiterons successivement des
gouvernemens d'Athènes, de Crète et de Sparte, qui ont servi de
modèle à ceux de presque tous les autres peuples de la Grèce (i),
sans omettre ceux de ses colonies dont nous dirons aussi quelque
chose.
ATHÈNES.
J d Athènes
L'histoire ne nous offre rien de certain sur l'état de TAttique 'Gawememmà
avant l'arrivée de Cecrops. J- Ce n'est donc qu'à
* partir de cette épo-
x ■* enparcommençant
Lecrops,
que que doivent commencer nos recherches. On prétend que Ce-
crops vint dans cette contrée avec une colonie Egyptienne vera
l'an i856 avant l'ère vulgaire, ou selon les tables chronologiques
de Blair, 780 ans avant la première olympiade, et qu'il y fonda
la ville d'Athènes. C'est lui qui le premier fit dresser un autel à
Jupiter et institua des cérémonies religieuses ; et comme le peuple
de l'Attique n'avait encore que des notions imparfaites sur la société
conjugale , la première loi qu'il établit fut celle par laquelle il
défendit à l'homme d'avoir plus d'une seule femme (a). Il partagea
(i) De legib. lib. II. L'usage de brûler les cadavres fut introduit dans
îa suite chez les Grecs , comme on le voit dans Homère.
(2) Nous ne savons également rien de certain sur l'étymologie du
mot aréopage. Ceux qui voudraient s'instruire de toutes les recherches
qui ont été faites sur ce fameux tribunal , n'ont qu'à lire la savante dis-
sertation de M.r l'abbé De Carnage dans les Mémoires de Académie R.
des Inscriptions. Vol. VIL
{3) Vitruv. 1. V. c. 1. Le Spon dans son Voyage en Grèce ( t. IL
j>ag 199 ) observa sur la colline de l'Aréopage des débris de pierres énor-
mes taillées à pointe de diamans, et en demi-cercle. Il est d'opinion que
ces pierres formaient les fondemens de l'édifice , dans lequel était enclavé
l'Aréopage. Smart a tracé aussi dans sa carte topographique d'Athènes le
lieu qu'occupait ce tribunal,
»e ia Grèce, fîf
(i), Thucydide liv. II. parag. i5. V. aussi Piutarque dans la vie de
Thésée. Il en est qui croyent que ce nom vient des mots grecs *vfU rapuo*,
parce qu'on conservait dans le Prytanée le feu inextinguible ; d'autres le
font dériver de ^«r t*^i7«v5 parce qu'on y tenait le dépôt des grains publics.
V. Suidas , et VEbymolog. magnum. V. encore Gronove Thés. Graecar.
antiquitab. Vol. IV. col. 846. et suiv.
(2) Au sujet du Prytanée on peut encore consulter , outre Gronove,
le savant Corsini Fastl attici. Pars. I. , Dïssert. II. parag. XXVII. pag.
10 1. Dissert. VI. parag. IV. V. pag. 265. etc. V. aussi l'Hérodote com-
menté par Larcher , vol. I. pag. 440. et suiv. et vol. IV. pag. 309. et suiv.
(5) C'est peut-être dans le même but , c'est-à-dire pour distraire les
esprits de tout sentiment inhumain, que Cecrops avait défendu d'offrir
aux Dieux en sacrifice rien de ce qui avait eu vie.
Europe. Vol. I. i5
1 14 Gouverne m ENf
Mais dans la suite , et particulièrement du vivant cïe Solon , son
dfcézte autorité fut augmentée de beaucoup. Elle embrassait en même tems
magistrature, l'administration suprême de la justice , la distribution des vivres ,
la police générale de l'état, et celle de la ville en particulier,
les déclarations de guerre, la conclusion de la paix, la nomina-
tion des tuteurs, et enfin le jugement de toutes les causes qui avaient
été portées par devant les tribunaux subalternes 3 et dont on avait
appelé à cette cour supérieure.
Thésée donna Au moyen de cette magistrature , dans laquelle étaient admis
a Athènes un ~ l
gouvernement des citoyens de toutes les classes, Thésée avait donné à Athènes
presque J
démocratique, la forme d un gouvernement presque démocratique. C'est pourquoi ,
dans les tems que la population d'Athènes était partagée en quatre
tribus, on tirait de chacune cent individus au sort, et ces quatre
cents citoyens composaient le Sénat; mais le nombre de ces tribus
ayant été porté à dix par Clisthéne , dans la IV.e année de la
LXVII.e olympiade, celui des citoyens à élire dans chaque tribu
fut réduit à cinquante : ce qui porta à cinq cent le nombre des
membres composans le Sénat , comme on le voit par plusieurs pas-
sages des orateurs Grecs. Ces dix tribus ayant encore été augmen-
tées de deux autres dans la Ill.e année de la CXVIII.6 olympiade,
les sénateurs se trouvèrent enfin au nombre de six cent (i). Cha-
que tribu avait tour-à-tour la primauté sur les autres. L'élection
des sénateurs se fesait au sort. On appelait Prytanes les cinquante
d'entre eux qui étaient en fonction , et Prytanie les trente cinq
Prytanes 3 jours que durait leur service (a). Les Prytanes se divisaient en cinq
et EpistaTes. classes , chacune de dix Prytanes, qui s'appelaient Proédres. On
choisissait sept de ces derniers, auxquels on donnait le nom ÏÏEpis-
tates , chacun desquels avait successivement la présidence sur le reste
des Prytanes et des Proédres (3). Un sénateur ne pouvait être Epis-
JÂAUA À À À À À A' ± A À. A. A. 1 ^ À. X A J
DE LA G .RÉ CE. 121
(i) Dans les fonctions sacrées dont l'exercice lui appartenait , l'Ar-
chonte Roi se fesait assister de deux adjoints choisis par lui. Mais pourtant
ils ne pouvaient être admis à cet honneur , qu'après avoir passé au scru-
tin dans le sénat des 5oo , et subi un examen par devant un juge à ce
destiné. V. Poil. liv. VIII. sect. 92.
(a) Poil. liv. VIII. sect. 16. On lit dans YEtymologiste , que le bâ-
ton droit était porté par ceux qui avaient une -prééminence , et par les
juges. C'est pourquoi on notait dans Athènes , comme marques d'un esprit
altier , et qui voulait paraître au-dessus des autres , ces trois choses-ci ;
marcher vite , parler haut, et porter un baron. V. Démosth advers.
P antaenet. , et le Casaubon , Théophraste , Char, chap. 7. Des formes et
usages divers des hâtons.
(3) Prassagoras dans une comédie d'Aristophane suggère aux femmes
qui allaient à son école, d'imiter aussi en cela les orateurs. Aristoph.
Prassagoras , vers. 267.
(4) Graecarum quippe urbium multae ad lyram leges , decrçtaque
publica recUalian^ Martian, Gapella de Nupt, Philolog. etc.
dé ha Grèce. ia3
(i) Nous ne nierons pourtant pas pour cela , que les Athéniens ayent
eu des lois écrites même avant Dracon. Démosthéne (m Naeram} parle
d une loi de Thésée qui était gravée sur une colonne. Nous voulons dire
Seulement
lois écrites. , qu'avant Dracon ils n'eurent point un code , une collection de
(2) Clément. Alexandr. Stromat. lib. I. pag. 366.
(5) La mort de Dracon fut tragique et glorieuse. S'étant montré un
jour au théâtre , il y fut accueilli au milieu des plus vives acclamations ;
et pour lui donner un témoignage spécial de leur amour et de leur res-
pect ,les spectateurs lui jettérent de tous côtés une si grande quantité de
-vêtemens, qu'il fut étouffé dessous.
1^4 Gouvernement
Solon , et sa
accepter que la dignité d'Archonte (a).
■ canslituLion. Solon commença sa réforme par l'abolition des lois de Dracon,
dont on ne conserva que celles qui concernaient l'homicide ; et
comme les troubles publics avaient eu leur principale cause dan*
l'extrême inégalité des fortunes entre les citoyens , dont les uns
étaient immensément riches, et les autres réduits à la plus grande
pauvreté , il voulut d'abord affranchir le grand nombre des débi-
teurs du payement de leurs dettes, et rendre la liberté aux escla-
Division
ves , ce dont il donna le premier l'exemple. Il donna à Athènes
de la
une constitution démocratique , et divisa la population en quatre
population classes. Les trois premières comprenaient les riches, auxquels étaient
tribus, réservées exclusivement les charges et les dignités. Ces trois classes
furent divisées dans la proportion des richesses de chaque indivi-
du (3). La quatrième classe était composée des artisans et des mer-
(i) Qu'on lise ce que dit Hérodote, Thersic. liv. V. parag. LXXI.
édit. de Larcher , au sujet de ce devin fameux. Il éleva , à cette occasion ,
quelques autels aux Dieux inconnus , qui subsistaient encore du tems
de Saint Paul , et qui fournirent à cet Apôtre le sujet de l'éloquent dis-
cours dont il est parlé dans les Actes des Apôtres.
(2) Ce fut la seconde année de la XLVI e olympiade , 594 ans avant
l'ère vulgaire. V. Plutarq. dans Solon , eu Diog. Laerb. liv. I. segm. 62.
Solon fut le quatre vingt seizième Archonte annuel.
(3) La première classe se composait des riches, dont le revenu se
montait à cinq cent mesures de grain et autres productions ; la seconde ,
de ceux qui eu recueillaient trois cents mesures^ et qui pouvaient en tems
o e la Grèce, ino
.ccnaires. Malgré que les citoyens de cette dernière classe fussent
exclus des emplois, ils n'en avaient pas moins le droit de voter
dans les assemblées générales, droit qui rendit bientôt le peuple
l'arbitre absolu des délibérations publiques. Solon releva l'autorité Jutorité
. de t-'Jràop.'igr
de l'Aréopage, et donna au Sénat l'organisation dont nous venons de relevée
parler. Il confia à l'Aréopage le soin de veiller à l'éducation des
enfans ,' et voulut qu'on les instruisît dans les sciences spéculati-
ves , afin qu'accoutumés de bonne heure au raisonnement, ils pus-,
sent, dans un âge plus avancé, étudier avec plus de fruit l'histoi-
re, la politique et les lois. Il puisa un moyen d'instruction non
moins utile , dans le goût des Athéniens pour les plaisirs , en don-
nant pour sujet des représentations théâtrales les funestes effets
des dissensions et des désordres de toutes sortes, qui font la ruine
des états. C'est depuis cette époque, qu'on vit mettre en scène le*
belles actions et les vertus des grands hommes, ainsi que les pas-
sions et les vices du peuple et des magistrats. Ce sage législateur
établit en outre une juste proportion entre les délits et les peines;
mais il n'en prononça aucune contre le parricide , ne croyant pas
que la nature pût produire de monstre capable de commettre un
tel forfait. L'extrême rigidité des Athéniens en tout ce qui tenait
au culte, fit qu'il ne leur donna que peu de lois en matière de
religion. Il ,conserv) , celles deT Dracon
. 1contre
1 • r» les i
• oisifs, • x. en
• rédui-
1 Lot
tes contre*
oisifs*
gant cependant à une simple peine d inlamie la punition de ce
délit; et il y ajouta ce sage règlement, pris des institutions Egyp-
tiennes, qui obligeait chaque individu à se présenter tous les an»
devajit un magistrat pour y justifier de ses moyens d'existence. Si
ces moyens étaient contraires à l'honnêteté , il était condamné pour
la première fois à une amende de cent drachmes (i), et à la troi-
sième il encourait la peine d'infamie.
Mais, parmi les lois dont Solon fut l'auteur , on doit citer par- toir&tit*
ticuliérement celle qu'il regardait comme le palladium de son édi-
fice politique , et qui était conçue en ces termes. « Si l'esprit de
faction vient à diviser le peuple en deux partis , au point de le
faire courir aux armes , celui qui dans cette circonstance ne se
(i) go francs.
ï^6 G-OUVERNEMEMT
prononcera pour aucun des deux partis, et qui chercherait ainsi à
se soustraire aux malheurs de la patrie, sera condamné à l'exil
perpétuel et à la confiscation de ses biens. „ L'expérience de tous
les siècles a justifié l'utilité de cette loi: car on a toujours vu dans
les révolutions politiques, les individus qui étaient demeurés specta-
teurs timides ou indifférens de la lutte de deux partis contraires ,
se repentir, mais trop tard, de leur neutralité, après que la fac-
tion victorieuse avait renversé le gouvernement, et imprimé sur leur
front Panathême de la proscription et de la mort (i).
lois de Soion, Nous nous bornerons à ce peu d'observations sur les points les
Jnt'ZrLs. plus remarquables de la législation de Solon , notre tâche n'étant
pas d'entrer dans de plus grands d'étails sur cette matière (a). Ses
lois furent écrites sur des cylindres de bois encadrés dans un châs-
sis où ils étaient mobiles. On plaça d'abord ces cylindres dans
V Acropolis , c'est-à-dire dans la citadelle, qui était l'endroit le pins
fort d'Athènes; puis on les transporta au Prytanée , pour qu'il fût
libre à tout citoyen d'y venir consulter les lois. Plutarque assure que
de son tems on voyait encore quelques-uns de ces cylindres. Les
Athéniens s'engagèrent par serment à ne rien changer aux lois de
Solon pendant dix ans; mais ce sage législateur qui connaissait, la
légèreté et l'inconstance de ses concitoyens, crut à propos d'allé-
écrivains est partagé à cet égard. Diodore de Sicile dit , que l'ostracisme
fut institué après l'expulsion des Pisistratides d'Atk4ïies. On lit dans Plutar-
que , que le premier condamné à l'ostracisme fut Hipparque fils de Timarque
beau-frère d'Hippias. Héraclide de Repub. l'attribue au même Hippias fils
de Pisistrate. Phocius lui donne pour auteur Achille fils de Lyson. Suidas
et Eusébe en font remonter l'origine jusqu'à Thésée. On peut cependant
regarder comme chose certaine , qu'il n'est fait mention de l'ostracisme }
pris dans son vrai sens , que depuis la réforme de Glisthéne. V. Meurs.
Attiq. lection , liv. V. chap. 18. Gillies. Hist. of Greece : ce dernier sem-
ble d'avis, que l'ostracisme a été établi à deux époques différentes,
(i) Aelianus liv. X1JL Var. Histor. chap. 24.
i 3j2 Gouvernement
au pouvoir suprême. Devenu ainsi un démagogue turbulent et am-
bitieux il
, ne tarda pas à s'attirer le mépris et îa haine des Athé-
niens. Tel est souvent le sort des états démocratiques , d'être gou-
vernés par des gens de la lie du peuple y dont tout le mérite con-
siste dans une coupable audace. Il subit donc la loi de l'ostracis-
me (i); mais les Athéniens en furent tellement pénétrés de honte ,
qu'ils l'abolirent pour toujours. Thucydide a peint en peu de mots
cet Hyperbolus, ainsi que le siècle où il vivait (a). « Hyperbolus
d'Athènes s dit-il , homme pervers , avait été banni par la voie de
l'ostracisme , non parce que son pouvoir ou son mérite fussent à crain-
dre , mais parce que tout était corrompu dans la république "(3). }>
Après l'expulsion de cet homme , Athènes fut gouvernée pendant qua-
tre mois par un conseil de quatre cents citoyens , appelés pour cela
ffus'Tet TetpxéffLoi (4). Mais à peine l'ordre y était-il rétabli y qu'il fut trou-
-imcédémomens j^ ^e nouveau d'une manière encore plus terrible , par la con-
quête que firent de cette ville les Laeédémoniens , au printems de
la /f.e année de la XCIIT.6 olympiade, 4°4 ans avant l'ère vulgaire,
Alexias étant Archonte : conquête qui mit fin à la fameuse guerre
du Péloponnèse. Lysandre, général des Spartiates, donna alors à
Athènes un gouvernement composé de trente magistrats , si connus
sous le nom des trente tyrans. Mais huit mois étaient à peine écoulés ,
que cette tyrannie fut détruite par le valeureux Trasibule. Le
gouvernement démocratique fut rétabli , et l'amnistie réunit tous
les citoyens. Cependant la jalousie et l'ambition ne perdirent rien
de leur activité dans Athènes. Les généraux et les orateurs se dis-
putaient entre eux le pouvoir suprême; mais ils ne purent, ni les
uns ni les autres , sauver la ville de la supériorité des forces du
conquérant Macédonien.
&S
Sous
Romains.
Après
x
la■ lis;ue
°
Achéene , les
-
Athéniens
■. ,
respirèrent
. ..
encore
quelque souffle de liberté; mais quelle barrière pouvaient-ils opposer
CRETE.
Les enfans étaient nourris et élevés tous ensemble, pour qu'ils Education
se formassent de bonne heure au même genre de vie et aux mêmes
maximes. Ils étaient sous la direction de quelques citoyens des plus
distingués par leur naissance et leur sagesse, qu'on appelait Kyelô.-
têç, du mot^e/lj?, qui veut dire troupeau; parce qu'ils gouvernaient
le troupeau des enfans. Leur vie était sobre et austère. On les ac-
coutumait àse contenter de peu, à souffrir le chaud et le froid >
à courir sur les lieux escarpés et difficiles , à combattre en trou-
pes ,à supporter courageusement les coups qu'ils se portaient réci-
proquement, às'exercer à une sorte de danse guerrière à laquelle
on donna dans la suite le nom de pyrrhique , et dont l'invention
était en effet attribuée aux Cretois, comme l'attestent Diodore ,
Denis d'Halicarnasse et autres : on leur donnait aussi quelque no-
tion des lettres, mais très-superficielle : ils s'appliquaient à l'étude
des lois, qui se chantaient sur une espèce de musique grave, ani-
mée et propre à faire naître des transports belliqueux : enfin on
Jeur apprenait à jouer de la fuite et de la lyre, instrurnens au son
desquels on les menait au combat. Mais leur occupation la plus or-
dinaire était de s'exercer à lancer des flèches 3 en ce que la nature
■du sol de l'île, couvert de bois et de rochers, ne permettait d'y faire
qu'une petite guerre d'archers et de troupes légèrement armées.
Parmi ceux de ces enfans qui étaient parvenus à l'âge de pu-
berté ,on choisissait les plus robustes et les plus propres au mariage.
Cependant l'épouse ne venait à la maison du mari, que lorsqu'elle
était jugée capable de gouverner une famille. Le mariage était permis
même entre frère et sœur; et , dans ce cas, l'époux recevait pour dote
la moitié de la portion qui revenait à sa sœur de l'héritage paternel.
Eujope. Fui. I. tg
I 38 G 0 V V E R N E M E IM?
ÎclDéfauts de
constitution Parmi les institutions de Mi nos , Platon fait sur tout l'éloge
de ûlinos.
de celle qui défendait aux jeunes gens d'élever aucun doute , ni de
proposer aucune question sur les lois de l'Etat. Cependant, si d'un
côté il importe que les peuples obéissent aux lois tant qu'elles
existent, on ne peut nier aussi de l'autre qu'il né leur soit utile
d'écouter les leçons de l'expérience sur ce qu'elles pourraient avoir
de défecteux , pour y faire les cliangemens nécessaires. Une pareille
maxime ne peut être considérée au contraire que comme un vice
dans la législation de Minos. Il voulut en outre que la population
fût proportionnée à l'étendue de l'île; et pour qu'elle n'excédât
point ce ternie, il permit non seulement le divorce, mais encore
il fut le premier à introduire parmi les Grecs uii genre d'amour
honteux et contraire au vœu de la nature (i), autre défaut encore
plus condamnable dans sa constitution.
Vices
des Cretois, Malgré ces lois, il n'y eut pas dans la Grèce de peuple plus
débauché, plus séditieux, plus avare et plus sordide que les Cre-
tois (a). Ils étaient continuellement en guerre les uns contre les
autres, et ne se ralliaient que quand il s'agissait de repousser les
attaques d'un ennemi extérieur: ce qui, selon Plutarque, a donné
naissance à ce proverbe des Grecs sincrctuer , pour exprimer la
réunion de divers partis contre une faction ou un ennemi. Mais
9 P A RT E.
(i) Lycurgue naquit vers l'an 0,2.4 avant l'ère vulgaire : il publia
ses lois en l'an 866 , la troisième année de la V.e olympiade d'Iphitus ,
et mourut en l'an 840 , la première année de la XII.e olympiade. V. l'Hé-
rodot. corara, par Larcher , ainsi que les tables chronologiques de Blair,
DE LA GrÉCÈ. 1^3
des Grecs. Les institutions de Licurgue sont si connues, que nous
nous bornerons à rappeler ici les principales, d'après les relation»
d'Hérodote, de Gillies , et de Robertson.
L'autorité des deux Rois fut restreinte en détroites limites. Çornûaute*
Pendant la paix, ils ne pouvaient rien faire sans l'approbation du
Sénat ; mais en tems de guerre , ils exerçaient un pouvoir absolu
sur toute l'armée. Néanmoins leur conduite militaire était sujette
à une rigoureuse censure , et souvent ils étaient condamnés à des
peines très-graves.
Le Sénat , qu'on doit regarder comme la plus sage des insti- Le sénat,
tutions de Lycurgue , tempérait par son autorité celle des Rois et
ciel le du peuple. Il était composé de trente membres appelés Gé-
Tontcs , y compris les deux Rois qui en étaient les présidens , et
dans ce corps résidait toute la puissance législative. Le lieu où il
tenait ordinairement ses séances était une salle, ou plutôt une grande
cabanne , qui n'était couverte que d'un toit de paille et de joncs ,
pour que la magnificence du local ne fût point un sujet de dis-
traction dans les délibérations.
(i) On les appella TLtpôpoi , du mot êfiopd& , qui veut dire foi-
s en
re, parée qu'ils étaient chargés d'observer la conduite des Rois et des
Sénateurs. Certains écrivains attribuent l'institution des Ephores à Théo-
pompe , qui régna environ i3o ans après Lycurgue. C'est aussi l'opinion
d'Aristote, de Plutarque , de Cicéron et de Valerius Maximus. On pour-
rait cependant leur opposer le témoignage d'Hérodote , qui les a tous pré-
cédés , et qui ayant fait à cet égard les recherches les plus soigneuses ,
ne mérite pas peu de confiance sous ce double rapport. L'opinion d'Héro-
dote est encore appuyée de celle de Xénophon , lequel ayant demeuré
long tems sur les terres de Sparte, avait eu par conséquent tout le loisir
d'étudier les lois de son gouvernement. Or ces deux auteurs attestent éga-
1 44 Gouvernement
de cinq , étaient élus chaque année le huit d'octobre (1), et pris
parmi le peuple. Le premier s'appelait Ephore éponyme, et donnait
5on nom à l'année , comme l'Archonte èponyme à Athènes. Les
Ephores avaient beaucoup de rapports avec les Cosmes de Crète:
revêtus d'une autorité, supérieure en quelque sorte à celle des Rois
même 0 ils ne se levaient point devant eux, et ne leur donnaient
aucune marque de soumission. Cléoméne fils de Léonidas, et tyran
de la dynastie des Agides, les fit massacrer vers l'an 22.6 avant l'ère
vulgaire, et depuis lois il n'en est plus fait aucune mention dans
l'histoire (a).
«Ordre erjuestre-
Enfin Lycurgne donna aussi à Lacédémone un ordre équestre,
sur le modèle de celui que Minos avait établi en Crète, avec cette
différence pourtant, que les chevaliers Cretois avaient des chevaux,
lement que l'institution des Ephores est due à Lycurgue , et Platon sem-
ble aussi s'accorder avec eux sur ce point ( Epit. VIII. ). Barthélémy a
cherché à concilier ces deux opinions dans son voyage d'vVnacharsis, vol.
IL pàg. 5^7 , et dans la note pag. 63o : nous renvoyons donc nos lecteurs
à cet ouvrage.
(1) Dodwell de Cyclis. Dissert. VIII. Sect. V.
(a) Outre les Ephores , Pausanias fait mention des cinq Momophila-
gjues , ou gardiens des lois , qu'on appelait encore Bidiéniens. On ignore
quel a été fauteur de cette institution. Cependant Larcher l'attribue à
Lycurgue. Il parait que ces magistrats étaient aussi chargés de présider
,aux jeux et aux exercices de la jeunesse.
(3) Hérodot. , Clio , liv. VIII., parag. 124. et Strab. liv. X. etc.
de la Grèce. 1^5
(i) Gicëron rapporte dans ses questions tusculanes que Denis tyran
de Sicile , curieux de goûter de cette sauce noire , fit venir exprés un cuisi-
nier de Sparte , et qu'ayant montré un extrême dégoût après l'avoir à peine
touchée des lèvres , il en témoigna son mécontentement au cuisinier , le-
quel lui répondit , quil y manquait V assaisonnement. Denis lui ayant
demandé quel était cet assaisonnement , ce sont _, lui répondit le cuisinier ,
les fatigues de la criasse , les courses sur les rives de l'Eurotas , la faim
et la soif des Lacédémoniens.
La sauce noire , selon Meurs , était une espèce de jus ou de ragoût ,
fait avec de la viande de cochon , dans lequel il entrait du vinaigre et du
sel : c'est aussi ce qu'en dit vithénée.
(2) Nous nous dispenserons de citer ici aucun exemple de ces vertus
des mères Spartiates , en ce que tous les livres en sont remplis,
Europe. Vol. /. iq
*4^ Gouvernement
mens des époux étaient rares , difficiles et de peu de durée : ce
qui modérait en eux l'ardeur de leurs premiers feux 3 et les empê-
chait de s'énerver. Un des usages les plus célèbres qu'il y eût à Sparte
était celui qui, à certains jours de fête, obligeait les jeunes gens à
faire pour ainsi dire, la conquête de leurs épouses, en triomphant
d'elles à la course , à la lutte , et autres jeux gymnastiques. Dans
ces fêtes , les jeunes filles , qui vivaient tout le reste du tems , re-
tirées et loin du commerce des hommes, paraissaient presque nues,
et dans toute la pompe de leurs charmes.
Les enfans nouveaux-nés étaient soumis à l'inspeetion du ci-
toyen le plus ancien de la tribu , lequel fesait mourir aussitôt ceux
en qui il appercevoit quelque vice de conformation , ou des symptô-
mes d'une faible complexion. On n'emmaillottait jamais les enfans;
abandonnés à la nature , ils croissaient pleins de force et de vi-
dîlï"fZ. Sueur- °n avait som de choisir leurs nourrices parmi les femmes
les mieux conformées, les plus habiles et les plus diligentes (i).
Arrivés à l'âge de sept ans , ils passaient de la maison paternelle
sous la direction d'un magistrat appelé Paidonome, qui veut dire
instituteur des enfans (a), lequel était chargé de les accoutumer à
une vie sobre et extrêmement dure , à souffrir les excès du froid
et du chaud, à marcher nu-pieds, et à supporter, la tête nue et
rasée , toutes les intempéries de l'atmosphère. Lorsqu'ils avaient at-
teint leur douzième année , ils entraient dans la classe des jeunes
gens , où ils étaient soumis à un genre de vie encor plus austère.
Là , on leur inspirait l'amour de la patrie , comme l'unique affec-
tion de leur cœur , et on les élevait dans les maximes qui étaient"
les plus propres à les enflammer de zélé pour l'honneur et la gloire
de la nation. Leur première leçon était celle-ci: ne jamais fuir ,
vaincre ou mourir. Les exercices militaires formaient leur principale
occupation. Ils combattaient l'un contre l'autre avec un acharne-
(i) Les Spartiates avaient juré de n'abroger aucune des lois de Ly-
curgue avant qu'il ne fût de retour à Sparte. Ce législateur étant allé
consulter l'oracle de Delphes , et ayant reçu de lui la réponse que La-
cédémone serait heureuse tant que ses lois y seraient en vigueur, résolut
de n'y plus retourner, pour que les Spartiates ne pussent jamais se dé-
gager de leur serinent. Il passa à Chrysa où il se tua , ou selon Plutarque ,
se laissa mourir de faim. Les Lacédémoniens ayant appris sa mort , lui éle-
vèrent un temple et un autel , sur lequel ils lui faisaient chaque année des
sacrifices comme à un héros. Hérodote atteste que ce temple existait en-
core de son tems. Hérod. Clio. liv. Ler § 66. Le même tribut d'hommages
est rendu à Lycurgue par Macchiavelli. De tous les législateurs qui se
sont distingués , dit-il , par de semblables constitutions , celui qui a mé-
rité le plus d'éloges c'est Lycurgue , qui en Sparte donnant des lois
aux Rois , aux principaux citoyens et au peuple , il fonda un état , dont
V existence se soutint en paix et avec éclat pendant plus de huit cents
ans. Il arriva le contraire du gouvernement démocratique que Solon
établit à Athènes , et qui fut de si courte durée , qu'avant de mourir
il vit naître la tyrannie de Pisistrate. Des Discours etc. liy. I.er pag. 24 ,
édit. des Classiques Italiens.
i5o Gouvernement
gir de leur ancienne simplicité. Les mœurs se corrompirent, le
vice leva sa tête orgueilleuse et triomphante , et les lois tombè-
rent dans le dernier mépris. Vinrent ensuite les dissensions 3 les
troubles > les crimes de tout genre, funestes précurseurs de la ruine
prochaine des empires (i). Ces vicissitudes, ajoute Larcher, s'étaient
déjà vues en d'autres tems et en d'autres lieux: ce qui ne s'était
encore jamais vu , ce fut le triste spectacle d'un Roi jugé et traîné
au supplice par ses propres sujets. Les Spartiates furent les premiers
à donner ce terrible exemple à l'univers. Agis, le troisième de ce
nom, de la dynastie des Euripontides, et Prince en qui brillaient
les antiques vertus de la république, avait tenté de faire j-revivre
les lois de Lycurgue : la mort en fut sa récompense (a). Après un
tel forfait, Sparte devint la proie des plus cruels tyrans } qui se suc-
cédaient les uns aux autres avec autant de rapidité que de violen-
ce (3). Plongés dans l'avilissement, et déchirés par des divisions
et des révolutions continuelles , les Spartiates tombèrent enfin sous
le joug des Achéens , qui les obligèrent à abroger toutes les lois de
Lycurgue; et ils restèrent dans cet état, jusqu'à l'époque où les uns
et les autres se virent engloutis, avec la Grèce entière., dans le
goufre de la puissance Romaine.
Fases
représentons
Nous terminerons nos recherches sur le# gouvernement
Y
de Sparte,
Hercule. par la description de deux monumens qui font partie de la collec-
tion des vases d'Hamilton. Le premier ( voy. la planche ai n.° i )
représente un fait qui appartient aux tems héroïques , ou à l'épo-
que qu'Hercule parcourait le Péloponnèse. Hercule assiste à un
sacrifice expiatoire : son port et son aspect annoncent l'état de fré-
nésie dans lequel il se trouvait. Déiphobe Roi d'Amiclée , ville
de Laconie , qui avait donné au héros l'hospitalité, est dans l'atti-
tude d'un homme qui parait désirer la guérison du malade : il tient
de la main gauche le sceptre , ou bâton recourbé à son extrémité
(0 ^°y- 'A ce sujet les belles réflexions de Larcher dans son Héro-
dote ,tom. VIL , pag. 729.
(2) Ce fait arriva vers l'an s35 avant l'ère vulgaire. La dynastie des
Agides finit avec Agesipolis , le troisième de ce nom , qui ayant été chassé
par Lycurgue le tyran , et parti sur un vaisseau pour venir en Italie im-
plorer le secours des Romains , fut tué par les pirates environ 200 ans
avant la même ère.
(3) Nous verrons que malgré les tyrans et les calamités auxquelles
Lacédémone a été en proie , les Spartiates ont conservé jusqu'à nos jours
quelques restes de leur ancien costume.
dé la Grèce. i5i
(i) Ce devin avait fait parler les Dieux contre la personne d'Agé-
annoncé qu'un ancien oracle défendait aux Athéniens d'avoir
un Roiet boiteux.
silas,
(i) Diod. SicuL liv. XII. JuAt. Lips. Monit. et Exemp. Pol. liv,
3QI. chap. g.
de la Grèce. i55
des Locriens et comme lui disciple de Pythagore , se rendit égale-
ment célèbre (i). 11 ne nous reste de lui qu'une espèce d'intro-
duction àses lois, et que Scaliger appelle divine. Zaleucus com-
mence par démontrer l'existence d'un Dieu , dont il déduit les
preuves de l'ordre admirable qui régne dans la nature : il défend
que les baines soient éternelles 3 et recommande aux juges de ne
point sévir contre les accusés, avant d'avoir rendu leur jugement.
Il eut recours à un singulier
CJ expédient
l. pour bannir le luxe de
x Son «**»»•
pour bannir
(i) La ville de Locres , ainsi appelée pour avoir été fondée par une
colonie Grecque venue de la Locride, était située au nord du promontoire
Zephyrius , appelé aujourd'hui cap Burzano
(2) Pollien parle d'une loi qui était en vigueur à Milet, et semble
avoir quelques rapports avec celles de Zaleucus. Les jeunes filles de Mi-
let étaient devenues sujettes à un mouvement de fureur qui les portait à
s'étiangler. Sur la proposition d'une sage matrone , il fut ordonné par une
loi , que les cadâ-vres des jeunes filles qui se tueraient ainsi , seraient expo-
sés nus dans la place publique Cette mesure suffit pour les guérir toutes
de cette étrange manie. Voy. De-Réal. Science du Gouvern. etc. pag 236.
(3) Des anciennes Syracuses. Palerme , Aiccaido, 1717. 4-° II. e vol.
pag 5. Voy. en outre De Republica Syracusana Urbvnis Hemmii in.
.(ironov. "VI. e vol. col. 63 1. et suiy.
r56 GotTVËRNEMEïîT
mcisshuàes
des Syracusains
a,'...,
Les Syracusains se gouvernèrent d'abord selon les lois et les
institutions des _JDoriens
.
, sous ,, . , ,,
1 autorité ,
d un seul; mais a, ,la mort
d'Archias (i), ce gouvernement fit place à celui des notables,
qui dura jusqu'à ce que, par l'effet des séditions et des discordes
civiles, il vint à se concentrer dans la personne de Gélon premier
Roi de Syracuse (a). Son régne fut suivi de ceux de Géron et en-
suite de Trasibule, dont l'audace, l'orgueil et la cruauté devinrent
si insupportables aux Syracusains , qu'ayant pris les armes ils abo-
lirent la tyrannie , et recouvrèrent la liberté. Ayant rétabli le gou-
vernement des notables , ils se rendirent fameux par les armes ,
et se défendirent contre les attaques d'ennemis puissans, et en par-
ticulier contre les Athéniens, sur lesquels ils remportèrent une
victoire célèbre. Enorgueilli de ces succès, le peuple de Syracuse
Pétalisme. voulut introduire dans le gouvernement la loi du Pétalisme (3) ,
qui condamnait à l'exil tous ceux dont on écrivait les noms sur
certaines feuilles: cette loi entraîna la ruine de la république:
car les Carthaginois ayant fait une irruption en Sicile durant les
Tyrannie troubles civils dont elle fut la cause , Denis , qui dans ces cir-
&e Denis.
constances avait été le sauveur de sa patrie , n'eut pas de peine
à s'en rendre le maître absolu, et il la gouverna pendant qua-
rante deux ans avec le titre de Roi : il laissa la couronne à son
fils appelé aussi Denis , de la domination duquel Dion de Syra-
cuse voulut délivrer son pays, et qu'il vainquit dans une bataille;
le môme Denis étant rentré ensuite dans ses états , il en fut chassé
<Je nouveau par Timoléon de Corinthe, et Syracuse encore une fois
(i) L'Archias, dont est ici question, est le même que l'Arcadien
dont nous avons parlé dans la Topographie de la Grèce , et il était de la
descendance des Héraclides.
(2) Les fastes et les événemens les plus certains de la Sicile datent du
tems de Gélon. Il s'empara de Syracuse la première année de la LXXIV.6
olympiade , 484 ans avant l'ère vulgaire. Vaillant capitaine non moins
que politique habile , il se fit admirer de ceux même des Syracusains qui
étaient encore chauds partisans de la liberté. Voy. Hérod. tom. III pag 3o,i,
(3) Le pétalisme eut la même origine à Syracuse que l'ostracisme à
Athènes , c'est à dire qu'il fut l'ouvrage de la jalousie du peuple , con-
tre les citoyens qui étaient devenus trop puissans par leurs richesses ou
par leurs grandes actions. Mais le pétalisme était encore plus funeste
et plus cruel que l'ostracisme , car à Syracuse il ne fallait que montrer
dans la main une feuille d'olivier, pour envoyer en exil un personnage
des plus marquans : ce qui la privait souvent de ses meilleurs citoyens. Le
mot pétalisme dérive du mot Grec xêraùov , qui veut dire feuille.
il la Grèce, i 57
recouvra sa liberté. Mais elle n'en jouit pas pendant long tems , car
vingt deux ans après, tandis qu'elle avait à se défendre contre les
entreprises des ennemis du dehors , elle succomba sous l'effort des
factions qui s'étaient renouvellées avec plus de fureur que jamais s
et dont Agatoclc, homme puissant, sut profiter, pour s'emparer du Jgaiocie,-
gouvernement: après sa mort, les Syracusains se voyant assaillis
par les Carthaginois, appelèrent à leur secours Pyrrhus Roi des
Epirotes; mais ce dernier ayant été vaincu par les Romains et
obligé de s'enfuir, ils se jettèrent d'eux mêmes entre les bras de
Géron un de leurs concitoyens et en firent leur Roi: la guerre Géron.-
que ce nouveau Monarque soutint seul contre les Romanis se termina
par un traité de paix, qui rendit le repos à la République pen-
dant quelque tems : ce qui arriva du vivant d'Archiméde. Après
sa mort , Géron eut pour successeur son neveu Jérôme que les Ro- Jérôme.
mains regardèrent comme leur ennemi, à cause du penchant qu'il
montrait pour la faction Carthaginoise; mais peu de teins après il
mourut à Léontium -, , victime
. -,d'une conspiration
T"» ' 1 1• • de ses
)( proches., ,Sy- Syracusepar
conquise
racuse se gouverna depuis iors en République, jusqu a ce que s étant les Romain*.
laissée entraîner de nouveau par la faction Carthaginoise , elle arma
contre elle la jalousie des Romains: Marcellus mit le siège devant
ses murs avec une armée formidable , et après trois ans de travaux
et de combats inutiles, il la prit enfin par trahison, et la soumit
à la domination Romaine l'an 5^2. de la fondation de Rome, aia
ans avant l'ère vulgaire. „
Parmi les grands hommes qui ont illustré Syracure , Dioclés est Diodes,
le seul qu'on puisse regarder comme législateur. Diodore nous le
dépeint comme un homme de mœurs austères, d'une éloquence
prompte, et d'une politique sage et éclairée (1). Cinquante ans
après s'être délivrés de la tyrannie de Trasibule , et avoir défait
les Athéniens par terre et par mer, les Syracusains s'abandonnè-
rent aux factions les plus funestes (a), et à un tel excès de li-
cence, que ne connaissant plus de frein , ils se virent bientôt en
proie à la plus affreuse anarchie. Ce fut alors, au rapport du
même Diodore, que Dioclés qui appartenait à une des familles
(t) Athénée dans son XII. e livre affirme, sur la foi de Philarque ,
qu'il fut proclamé à Syracuse une loi semblable à celle de Zaleucus , par
laquelle il était défendu aux femmes de bonnes mœurs de porter des
vêteméns de pourpre et brodés ; et il ajoute que cette loi défendait aussi
aux hommes d'être trop recherchés dans leur habillement , et aux femmes
de sortir de chez elles après le coucher du soleil , à moins que ce ne
fussent des courtisannes.
(2) Diodore rapporte dans son XIII. e livre que les Syracusains avaient
élevé à Dioclés un temple , que Denis fit abattre dans la suite lors de la
construction des murs de la ville.
D E LA CrÉCE. r 5q
des communications faciles avec les peuples les plus civilisés et les
plus puissans, elles s'élevèrent dans le sein d'une longue paix au
plus haut degré de splendeur, tandis que l'ancienne Grèce leur
mère patrie était déchirée par les factions , ou menacée par les
barbares (i). Mais les fastes de ces colonies sont encore plus in téres-
sans sous le rapport des arts , des sciences, du commerce et de la re-
ligion que
, du côté de la législation et de la politique. L'histoire ne
nous apprend rien de leur gouvernement , sinon que divisées dès
Leur
leur origine en petits royaumes, elles conservèrent la forme du gou-
vernement monarchique , selon les idées qu'elles tenaient de leur gouvernement.'
pays natal. Les Ioniens , les Eoiiens et les Doriens , ou Grecs de
l'Asie, passèrent dans la suite de l'état monarchique à une démo-
cratie organisée à-peu-près comme celle d'Athènes, qui se maintint
jusqu'à ce que l'autorité suprême devint enfin le prix des intri-
gues, des violences et de la trahison de quelque citoyen puissant.
Parmi les tyrans qui ont dominé dans ces colonies, ceux de Milet
sont les plus fameux.
Les Grecs Asiatiques furent en outre victime de la politique
de Sparte : car dans le traité conclu entre les Lacédémoniens et les
,eurs revers*
Perses, il fut solennellement stipulé que toutes les villes Grec- L
ques de l'Asie resteraient dans la dépendance du Roi de Perse, dont
elles portèrent le joug, jusqu'à l'époque des conquêtes d'Alexandre,
qui leur rendit leur liberté et leurs anciens droits. Après la mort
d'Alexandre, ces mêmes Grecs énervés par le luxe et les vices
sans force et sans courage, n'opposèrent aucune résistance aux ar-
mées des Séleucides, successeurs du conquérant Macédonien, et
devinrent sujets des Rois de Syrie. Les Romains leur rendirent de
nouveau la liberté, c'est à dire cette liberté qu'ils avaient accor-
dée aux Grecs Européens , assujettie à des conditions dures , et
plus apparente que réelle. Mais s'étant révoltés contre les Romains
pour embrasser le parti de Mithridate Roi de Pont, et ce Monar-
que , après une guerre longue et sanglante, ayant enfin succombé
Accablés
sous les armes de Syila, ils se trouvèrent exposés à toute la vengeance
du proconsul irrité, lequel les condamna à payer des contributions par Sylith
(i) Gillies. Hist. of Greece , vol I pag. 76, et Hérod. Glio. liy. I. 142.
(2) Appien dans Mitrhidat. et Plut, dans Sylla.
160 Gouvernement
core deux sur la place de Pola ville dis trie , d'une forme, d'une gran-
deur et d'un genre d'architecture parfaitement semblables.
de la Grèce. i6ï
; PORTRAITS
-1_Jes sept sages tant vantes dans 1 histoire Grecque doivent Recherches suF
•i■ ,
être encore considères .,- i
comme législateurs: car, a, 1i3 • de
exception i les sept toge*--
Thaïes , tous ont été , ou à la tête de quelqu'Etat , ou se sont
appliqués à donner aux hommes des leçons de morale et de po-
litique (a). Mais nous ne savons rien de positif sur leur nom ni
sur leur nombre ; et il serait, fort difficile de vouloir déterminer
les maximes propres à chacun d'eux (3). Néanmoins les person-
nages qui ont été décorés de ce nom sont, selon l'opinion la plus
commune, Périandre Roi de Corinthe , Solon législateur d'Athè-
nes ,Bias né à Priéne en lonie , Thaïes de Milet , aussi Ionien ,
(1) Antipater Sidon. Analecta, ep. LX. Hygin. Fab 221. Auson. Lud.
VII. Sidon Apollin. Carm XV. A la place de Périandre, Platon met un cer-
tain Myson du mont Oeta. Nous nous dispenserons de rapporter ici l'his-
toire fabuleuse et si connue du trépied d'or , qui , selon Ausonius et Va-
lerius Maximus , a donné le nom de Sages à ces sept personnages.
(2) Plin. liv, XXXV. §. 5. 43 et 44-
(3) Visconti Iconogr. grec. Disc, prélimin.
(4) Apollod. liv. II. c. 6. §. 3. et liv. III. c. 12. §. 3.
de la Grèce.. i63
culiers fesaient un des principaux ornemens des sépulcres; et sou-
vent même , parmi celles des morts , on voyait aussi les images de
leurs parens ou de leurs amis encore vivans , ou celle de quelqu'hom-
me célèbre qui avait été de la même profession que le défunt. C'est
ainsi que , près d'Athènes , on voyait les tombeaux de l'orateur Iso-
crate , et de Theodétes poète tragique , décorés des images de poètes
et orateurs divers (i). L'art monétaire nous a aussi conservé les por-
traits de plusieurs grands personnages de l'antiquité : car malgré
que les monnaies les plus anciennes de la Grèce , portent en gêné- Portraits
les
rai pour type , les images et les emblèmes des divinités tutélaires , monnaies.
ou certains caractères symboliques des peuples ou des villes où elles
ont été frappées, il y eut néanmoins des villes Grecques, même
dans les tems les plus reculés, qui retracèrent sur leurs monnaies
les images d'hommes illustres auxquels elles avaient donné le jour.
Par exemple , celle d'Homère fut prise par plusieurs peuples pour
type de leurs monnaies, et les Mytileniens donnèrent aux leurs
celle de Sapho (a). Mais , depuis qu'à l'exemple des Rois de Perse,
Alexandre voulut que ses monnaies ne portassent d'autre empreinte
que son propre portrait figuré en Hercule, il passa en usage, dans
les Etats monarchiques , de représenter sur les monnaies l'effigie
du Souverain régnant. Si nous avons maintenant un grand nombre
de portraits, historiques surtout, c'est précisément aux monnaies que
nous en sommes redevables ; et ces portraits portent en eux le plus
haut degré d'authenticité , pour avoir été exécutés d'après les or-
dres de quelqu' autorité publique 3 et par des artistes contemporains
des Princes qu'ils ont représentés (3). Après les monnaies et les mé-
(i) Cet usage se retrouve aussi chez les Romains. La statue du poète
Ennius avait été placée dans le mausolée des Scipions sur la voie Ap-
pienne : les images de Sophocle et de Ménandre furent découvertes près
de Rome dans le tombeau d'un poète. Ces images étaient pour la plupart
en marbre , en plein ou en bas-relief,, et n'offraient souvent que le buste
du personnage représenté. Visconti est même d'avis que la dénomination
de buste dérive du mot bustum , qui dans la basse latinité voulait dire
sépulcre , peut-être de combustum , brûlé , parce qu'anciennement on était
dans l'usage de brûler les cadavres.
(2) Strab. liv. XIV. pag. 646. Pollux , Onomasù. liv. IX. num. 84.
(3) « Dans ce» monumens solides, (dit encore Visconti au même en-
droit,) qui en raison de la matière dont ils sont faits , de leur forme cir-
culaire etde leur peu d'étendue , sont moins faciles à se détériorer , noua
164 Gouvernement et Lois
Portraits
éir les camées. dailles viennent les camées et les gravures en pierre dure ; maïs ,
dépourvus pour la plupart d'inscriptions ou d'emblèmes analogues
au personnage qui y est représenté , ils ne peuvent être que d'un
Authenticité
faible secours dans l'étude de l'iconographie antique.
des anciens En second lieu , il faut observer que les portraits des grands
■t portraits. hommes de la Grèce, même ceux qui ont été faits long tems après
la mort du personnage dont ils offrent l'image, ne laissent pas de
présenter assez généralement un autre genre d'authenticité , dans
l'usage où l'on était d'en faire un grand nombre de copies, qui
étaient destinées à servir d'ornement , non seulement dans les édi-
fices publics et privés , mais encore sur les ecus votifs les vases
et les bas-reliefs , ainsi que sur les patères en terre cuite 3 et
autres ustensiles domestiques ; en sorte que ces copies se renou-
vellant ainsi d'âge en âge, se transmettaient d'une génération à l'au-
tre avec une espèce de respect religieux. Ainsi donc , en supposant
que le tems nous ait ravi les portraits qui ont été faits du vivant des
personnages qu'ils représentent , il est à croire que dans les copie9
faites postérieurement et qui sont parvenues jusqu'à nous , les ar-
tistes auront cherché à imiter de leur mieux, si non les originaux,
au moins les copies les plus authentiques et les plus estimées de
leur tems , qui leur auront servi de modèle.
Médailles
Contournées.
C'est pour cette raison que Visconti regarde jusqu'à un cer-
tain point comme authentiques quelques portraits, qui ne se trou-
vent que sur les médailles appelées contournées, et frappées à l'épo-
que de la décadence des arts , c'est-à-dire dans les IV.e et V.e siè-
cles de l'ère vulgaire. Rome et Constantinople avaient encore à cette
époque des collections de monumens antiques et rares en tout genre,
qui offraient aux graveurs de médailles des modèles précieux à
imiter , et sur lesquels ils ont en effet exercé leur talent avec suc-
cès, comme on à lieu d'en être convaincu par la comparaison de
certains portraits représentés sur les médailles contournées , avec
ceux qu'on voit encore aujourd'hui dans des monumens de la plus
haute antiquité. La même raison a encore porté ce savant anti-
quaire, àaccorder un certain degré d'authenticité à d'autres por-
traits d'une date encore plus récente , qui nous sont conservés dans
trouvons les portraits de tous les Empereurs Romains , ainsi que ceux de
la plupart des Rois postérieurs à Alexandre , lequel a été , selon moi , le
premier Souverain, qui, de son vrvant, ait fait imprimer son effigie sur
les monnaies. »
DE LA GrIcE. 1 65
des miniatures dont sont décorés quelques anciens manuscrits , pourvu Miniatures.
toutefois qu'elles ne soient point évidemment un ouvrage de fantai-
sie, et qu'on reconnaisse dans le costume ou autres accessoires un
caractère d'originalité tel , qu'on puisse raisonnablement présumer
qu'elles ont été faites sur des copies plus antiques , et d'une époque
plus rapprochée des vrais originaux. Il ne faut donc pas en croire
trop légèrement M.r Mongez , aux yeux duquel les portraits que
représentent ces anciennes gravures, n'offrent , pour ainsi dire, au-
cun caractère d'authenticité (i).
Il est une troisième et dernière observation que nous ne de- Ponraip
vons pas passer sous silence ; c est 1 erreur ou sont tombes même des
auteurs distingués , en prenant pour les portraits d'anciens person-
nages Grecs, les effigies gravées sur des médailles et en pierres du-
res; et voici comment. Par une suite de l'usage où étaient la plupart
des villes de la Grèce 3 de donner à l'année le nom de leur pre-
mier Magistrat ou de leur premier Archonte , souvent aussi les artis-
tes gravèrent son nom et son image sur leurs médailles. Mais comme
il y avait eu divers personnages portant le même nom, il arriva,
îors de la restauration des arts et des lettres , que les têtes de
ces magistrats furent prises pour celles des grands hommes qui avaient
porté le nom dont ces médailles étaient décorées : or c'est ainsi
que certains antiquaires ont cru voir dans quelques-unes d'elles la
tête du philosophe Socrate , tandisque que ce n'était que celle d'un
magistrat inconnu qui avait eu le même nom. Il en est de même
des portraits qu'on trouve sur les camées et les pierres dures. Le
nom qui y est gravé est le plus souvent celui de l'artiste s et rare-
ment celui du personnage qui y est représenté. Par exemple on
prit pour le législateur d'Athènes (a) certain Solon graveur , dont
le nom , qui fait au génitif coaqnoc , et par abbréviation coaok se
lit sur divers camées. C'est pourquoi dans le choix que nous avons
fait du petit nombre de portraits insérés dans ce traité, nous n'a-
vons pris que ceux qu'une saine critique nous a fait regarder com-
me authentiques, ou à-peu-près comme tels; et nous nous en sommes
rapportés pour cela presque toujours au jugement du célèbre anti-
quaire M.r Visconti , lequel est à tous égards le savant le plus
distingué que nous ayons dans cette science.
e Portrait
Périandre. •D'après ces1 considérations
1 , nous commencerons par Périandre
-i
qui passe pour le plus ancien des sept sages , quoique tous les au-
tres ayent été ses contemporains. Il était fils de Cypséle , et régna
à Corinthe pendant près de quarante quatre ans : il e9t regardé
comme un des premiers législateurs qui ayent donné aux hommes
des régies de gouvernement (i). Son image nous a été conservée
dans le buste , ou hermès en marbre ( voy. le n.° i de la plan-
che 2,4) , monument précieux du Musée Vatican , qui fut décou-
vert en 1780 aux environs de Tivoli , dans les excavations de la
maison de campagne de Cassius , avec Thermes de Bias , et des
fragmens de celles de Solon, de Thaïes, de Pittaque et de Cléo-
bule. Le sculpteur a donné à son regard un caractère ferme et
Selon.
résolu. Le n.° a représente Solon , et est pris d'un buste en mar-
bre de la galerie de Florence. Le sage a la tête ceinte d'un cordon ,
symbole de son apothéose: le bout de son pallium ou manteau lui
retombe sur l'épaule gauche : sa physionomie annonce le calme et
la force de l'âme. Suit , sous le n.° 3 , l'image de Bias dans un buste
en marbre , qui a également été découvert dans les excavations
faites à Tivoli. Le sage de Priéne s'était rendu célèbre par l'élo-
quence avec laquelle il servit les intérêts de sa patrie, par l'activité
de sa bienfesance, et par l'inaltérable égalité de sa conduite.
Il expira à la tribune entre les bras de son neveu, à la fin d'une
harangue qu'il prononça pour un de ses amis. Le n.° 4 représente
Thaïes. Thaïes, le fondateur de la secte Ionique, et le père de la philo-
sophie Grecque , dont nous aurons occasion de parler ailleurs. Ce
philosophe fut le premier qui, au dire d'Hérodote, conçut le pro-
jet d'un état confédéré , système qui fut d'abord rejette par ses
concitoyens , mais qu'on regarda dans la suite comme un bienfait
de la plus sage politique. Cette hermès fait partie du Musée du
Vatican, et fut trouvée dans les fouilles du mont Celius. La mé-
fittaque. daille n.° 5 offre l'effigie de Pittaque. Cette précieuse médaille en
bronze, qui est l'unique, appartenait dans le XV.e siècle au cé-
lèbre Fulvius Ursin : elle passa ensuite dans la collection Gotofredi
à Rome , et de là dans le cabinet de la Reine Christine. Pie VI
en fit l'acquisition pour en enrichir la collection du Vatican, d'où
heur n'y fat pas de longue durée. Après s'être élevé par son génie et
son savoir, de l'état le plus abject à une condition honorable, il
périt à Delphes , victime de la plus noire calomnie , qui le fit pré-
cipiter comme sacrilège de la roche Iampea., (i) l'an 56o avant
l'ère chrétienne (a). Le n.° a représente lliermès d'Esope , dont on
voyait autrefois l'original dans la maison de plaisance Albani à
Rome. La forme de cette hermès ou therme , observe encore le
même Antiquaire , usitée chez les anciens nour les portraits des hom-
mes illustres, la gibhosité et les défauts de conformation du per-
sonnage figuré dans ce monument, avec son ventre saillant et sa tête
pointue, tel enfin qu'on représente Esope , ne permettent aucune-
ment de douter que ce ne soit là l'image du fameux auteur d'apo-
logues. Les défectuosités de sa personne y sont compensées par une
certaine vivacité de physionomie, qui diffère extrêmement de celle
que les anciens donnaient ordinairement aux portraits qu'ils fe-
saient des nains et des bouffons , dans la figure desquels on apper-
cevait toujours quelque chose de ridicule et même de stupide.
Zaïeucm Les portraits des deux législateurs de la Grande Grèce Za-
•gf; Cliarondas. x «»
Jeucus et Cliarondas devraient aussi trouver ici leur place; mais ils
ne sont point parvenus jusqu'à nous. La médaille d'argent des Lo-
criens d'Italie rapportée par Faber, par F. Ursin et par Gronove ,
sur laquelle certains antiquaires ont cru voir le portrait de Zaleu-
eus , est reconnue aujourd'hui comme fausse; et la même erreur a
été le partage de quelques autres érudits, qui ont pensé découvrir
l'effigie de Cliarondas dans une tête chauve et barbue, gravée sur de
petites médailles d'argent qui ont été frappées à Catane en Sicile.,.
Les figures que représentent ces médailles sont celles de Silène et
de Pan, comme le démontrent évidemment les accessoires et^autrea
indications analogues (3).
CweiL
DE LA GeÉCÊ. - 171
d'argent n.° 1 représente Hiéron , qui gouverna Agrigente depuis Hiêronl
Tan 487 jusqu'en 472 avant l'ère vulgaire, et que Pindare fait de-
scendre de héros Thébains. La faction des Emmérides, qui formait
dans cette ville un corps politique , dont les membres étaient étroi-
tement unis entre eux par les liens de certaines cérémonies religieu-
ses,l'avait élevé au pouvoir suprême, et il en fit un usage égale-
ment utile à sa patrie et à la Sicile entière, en délivrant cette île
du joug des Carthaginois, au moyen de l'alliance qu'il fit avec Gélon
chef de Syracuse. Cette médaille se trouve dans la collection Ca-
relli de Naples. L'écrévisse qu'on voit sur le revers, et qui s'appe-
lait xpay&v eu grec, était devenu l'emblème d'Âgrigente, à laquelle
les Grecs donnaient pour cela le nom d'Àcragos. Le bandeau qui
ceint le front du personnage , annonce qu'on le mettait au rang
des anciens héros.
(1) Gélon inséra dans son traité avec les Carthaginois un article, qui
les obligeait à l'abolition de l'usage barbare où ils étaient de sacrifier des
gnfans. Voy. Montesquieu , Esprit des lois , liv. X chap 5,
(2) Description de médailles etc. tom. I. Rois de Sicile ,na % et. 5,-
i7a Gouvernement
deux médailles, ainsi que la lettre E qui est au dessous des che-
vaux du n.° a. Elles portent l'une et l'autre une légende en Grec,
qui , sur l'une , signifie : Les Syracusains ( à la mémoire )de Gélon ^
et sur l'autre simplement ( à la mémoire ) de Gélon.
méroni. Le n.° 4 représente Hiéron I.er frère de Gélon (i). Sous ce
Prince le trône de Syracuse acquit un nouvel éclat. Il fut ami
des lettres et des arts; et malgré son ambition, et les autres dé-
fauts que lui impute Diodore (2), on l'a toujours regardé comme
le modèle des Princes. Il avait fondé la ville d'Etna, dans la-
quelle ilobtint les honneurs héroïques , qu'ont avait coutume de
rendre, selon le témoignage du môme écrivain , aux fondateurs
d'une ville qui ne renfermait pas moins de dix mille habitans.
Cette médaille est en bronze , et porte à son revers les mèmer
emblèmes que celle de Gélon.
La médaille d'argent, n.° 5, a tous les caractères que nous avons
remarqués dans celles de Gélon et de Hiéron , d'où l'on peut con-
clure avec quelque vraisemblance , qu'elle a été frappée à la môme
époque et au même atelier que les premières, c'est à dire à Syra-
cuse sous Hiéron II. La légende Grecque qui est sur le revers si-
Pkiiisie. gnifie : ( à la mémoire ) de la Reine Philiste. On retrouve le nom
de cette Philiste sur diverses médailles , ainsi que sur quelques
monumens Paléo graphiques de la Sicile ; mais les antiquaires ne
sont pas encore d'accord entre eux sur la place à assigner à cette
Reine dans l'histoire et la chronologie. De toutes les opinions qui
ont été émises à cet égard , la plus probable selon nous est encore
celle de Visconti , qui croit que cette image est celle d'une Phi-
liste fille de Hiéron I.er , de laquelle descendait vraisemblablement
Hiéron II., et que ce dernier fit frapper cette médaille avec celle
du premier Hiéron. Le char de victoire fait peut-être allusion
aux triomphes que le père et l'oncle de cette femme avaient rem-
(i) Il y eut deux Hiéron. Le premier, qui était fils de Dioméne ,
jégna io ans , et mourut l'an 467 avant Lère vulgaire : le second régna
54 ans , et mourut l'an 2i5 avant la même ère. Le portrait que présente
la médaille dont est question est celui de Hiéron Ier, malgré que, selon
toutes les régies de la bonne critique , elle ait été frappée sous Hiéron II
qui voulut par là honorer la mémoire de ce grand homme. Voy. l'ouvrage
du même Mionnet, ( Rois de Sicile n.° 20 ) , et Visconti Iconogr. Grec,
vol. IL pag. i5 et suiv.
(2) Diodor. XL § 67.
be la Grèce. 173
(1) Visconti observe que les Grecs, n'ayant pas de noms de famille,
fesaient un grand usage de cachets pour se distinguer les uns des aurres.
« Je ne crois pas , dit il , qu'il existe de monument qui prouve mieux cet
usage , et qui soit plus propre à expliquer les emblèmes et les caractères
qu'on trouve sur les anciennes médailles , que la célèbre inscription: ou
table en bronze d'Héraclée : on y lit les noms des magistrats de cette
ville ; et chaque nom est accompagné de son signe emblématique ou du
type de son cachet , et de quelques lettres qui probablement y étaient
gravées. » On peut lire encore ce que dit à ce sujet Mirabella , Des an-
ciennes Syracuses , vol. IL, part. II. pag. 12a.
(2) Mirabella, ibid. Médaille XXXI.
ï 74 Gouvernement
h MaSdZieri. nat*onaie- Philippe, en suite d'une convention entre son père Amyn-
tas et le Thébain Pélopidas, avait été envoyé comme otage à Thé-
bes. Il y fut élevé dans la famille d'Epaminondas , où, pour le
malheur de la Grèce, il apprit l'art de la guerre à l'école de ce
grand capitaine. Monté sur le trône de Macédoine , et sûr de
l'obéissance de ses sujets, il tourna ses vues du côté de la Grèce,
dont la faiblesse , fruit, de la corruption des mœurs et de l'esprit
de faction qu'il y avait remarqués, lui firent sans doute regarder
la conquête comme peu difficile. Les traîtres qu'il soudoyait à tout
prix dans chaque état l'aidèrent dans l'exécution de son projet (i).
Ses premiers mouvemens le rendirent maître des Thermopyles et
de la Phocide , dont les villes, par un acte de sa volonté, furent
réduites en simples villages. Ensuite il obtint d'être admis solen-
nellement dans le conseil des Amphyctions , avec le privilège de
deux voix dans les délibérations. Les Thébains et les Athéniens
tentèrent vainement d'opposer une barrière au torrent des phalan-
ges Macédoniennes ; ils furent enfin vaincus à la fameuse bataille
de Chéronée , et Philippe aurait dès lors achevé son entreprise ç
s'il eût su profiter de la victoire , et n'eût pas regardé comme une
chose imprudente et prématurée de pousser les Grecs à une résis-
tance désespérée. Cette crainte fut sans doute ce qui le détermina
à se faire proclamer par tous les Etats chef suprême de toutes
les troupes Grecques , pour une expédition qu'il méditait contre
les Perses, et qu'il aurait peut-être exécutée, s'il n'avait point été
Mon tué par Pausanias jeune Macédonien dans la XLVIl.e année de
& Philippe. ,,, J . .,, . .
son âge , et doo ans avant I ère vulgaire.
4iexanàre. L'entreprises que Philippe n'avait pu terminer fut heureuse-
ment conduite à sa fin par son fils Alexandre (fi). Celui-ci nacquit
à Pella en Macédoine 356 ans avant l'ère vulgaire: il descendait
des Héraclides du côté paternel, et des Eacides du côté de sa
(i) Les Spartiates furent les seuls qui surent se préserver de la con*
tagion de Tor de Philippe. Pausanias comparait cette contagion à la peste
qui avait dévasté toute la Grèce dans la guerre du Péloponnèse. Les fié-'
ehes d'Apollon , dit un écrivain illustre , furent moins funestes aux Grecs
dans les champs de Troie que l'or répandu par Philippe dans leurs pro-
pres foyers. Voy. Sainte- Croix. Exam. etc.
(2) Nous ne rapporterons d'Alexandre que ce qui a nos une relation im-
médiate avec les événemens de la Grèce , en renvoyant lecteurs pour
le reste au grand ouvrage de Sainte- Croix , Examen critique d&s atir-
siems. historiens iï Alexandre-le-grandK
î)e là Grec e. i^5
trière Olympie* c'est pourquoi il se vantait d'origine divine, comme
issu d'Hercule , d'Achille et de Jupiter. Son père lui donna pour
précepteur Aristote, qui se proposa d'en faire un grand Boi, en Son éducations
quoi il réussit parfaitement : car dans le transport de son admiration
à la vue des progrès rapides que fesait son fils, Philippe ne put
s'empêcher de s'écrier , d mon fils , cherche un autre Royaume qui
soit digne de toi , car désormais la Macédoine ne peut plus le con-
tenir. Après avoir pris les rênes de l'Empire à l'âge de vingt aus,
et vengé la mort de son pète, il subjugua les Illyriens et les Thra-
ces. La prise de Théhes , qu'il détruisit entièrement ,jetta une telle Ses première*
épouvante parmi les Grecs, qu'ils se soumirent tous à lui , et l'élu- enirei]nses-
rent pour leur Généralissime contre les Perses leurs mortels enne-
mis. A vingt deux ans il passa PHelïespont, et plein de confiance
dans le succès de ses armes, il distribua entre ses amis tous les do-
maines de sa couronne, ne gardant pour lui que l'espérance. Les llJepjfè'
batailles du Granique, de l'Issus, et d' Ai -belles , les sièges d'Hali-
carnasse et de Tyr s et une foule d'autres exploits, rélevèrent
au trône de l'Asie dans l'espace de cinq ans : la fondation d'Ale-
xandrie, larestauration de villes fameuses, et la ruine de plusieurs
autres, forment une des plus belles parties de l'histoire Grecque,
et peut-être la relation la plus importante des expéditions militai,
res de l'antiquité. Parvenu au plus haut degré d'élévation qu'un
homme puisse atteindre, Alexandre ne s'endormit point au milieu
cle ses triomphes; mais poursuivant sa marche victorieuse à travers
d'immenses régions 3 il excita l'admiration et la terreur chez tous les
peuples, et poussa ses conquêtes jusqu'aux bords de l'Hydaspe et
de l'Indus. Salué fils de Jupiter par l'oracle d'Ammon , il sut
mettre à profit cette flatterie pour s'attirer l'admiration des peu-
ples , et accomplir le grand projet qu'il avait conçu, et qui peut-
être ne pouvait s'effectuer par la force seule des armes. Ce projet
était de ne former, des peuples de l'Asie et de la Grèce, qu'une
seule nation et un seul empire, capable d'assurer la tranquillité
des peup!es dont il serait composé, et de contenir dans une certaine
dépendance les nations étrangères dont il serait environné. Mais
la mort l'empêcha de réaliser cette grande entreprise: frappé d'une
fièvre violente à Babylone , il y mourut à l'âge de 3a ans , 3o3 Sa mon,
avant l'ère chrétienne (i).
valent pas été totalement éteints dans l'âme des Grecs. Les Cel-
tes ou Gaulois, sous la conduite de Brenuus, firent une irruption en
Grèce avec une armée formidable; mais à peine eurent-ils franchi
les Thermopyles qu'il furent battus. Ce premier échec n'empêcha
pourtant pas qu'une de ces hordes barbares, au nombre de qua-
rante mille hommes, ne s'avançât en Etolie où elle commit toute
sortes d'atrocités, sans le moindre égard pour les vieillards et les
enfans à la mamelle. Revenus de leur première épouvante, et ren- Victoiré
des Etoliens.
forcés par d'autres Grecs , les Etoliens l'attaquèrent avec tant
d'impétuosité , qu'il ne s'en retourna que vingt mille aux Ther-
mopyles ,où se trouvait encore ie nerf de leurs forces. Ces barba-
res tentèrent néanmoins une autre expédition contre Delphes, dans
la vue de piller le temple fameux qui existait dans cette ville ;
mais les Grecs accourus de toutes parts à sa défense détruisirent
Mort
entièrement l'armée ennemie, et Brennus lui même se voyant blessé de Brennus
et sans espoir de salut, se donna la mort d'un coup de poignard (i).
Si, après cet avantage signalé, les Grecs avaient su conserver l'énergie
qui les avait réunis dans le danger dont ils venaient de se délivrer „
peut-être auraient-ils pu recouvrer leur ancienne liberté, et se-
couer tout-à-fait le joug étranger qui pesait sur eux ; mais dans
cette entreprise , chacun avait suivi l'impulsion de l'intérêt privé
plutôt que celle du bien public ; c'est pourquoi s le danger passé ,
la corruption et les divisions intestines reprirent leur cours.
De tous les peuples de la Grèce, les Achéens furent les seuls Ligue
Achéetme.
qui , nourrissant encore quelqu'étincelle des antiques vertus, osèrent
chasser les Macédoniens, et s'ériger de nouveau en république. Ils
avaient eu anciennement pour Roi un fils d'Oreste appelé Tisamé-
ne , qui, chassé de Sparte après le retour des Héraclides, s'était
rendu maître de l'Achaïe, où ses descendans continuèrent à ré-
gner jusqu'à Ogygés (a). Mais le gouvernement des enfans d'Ogygés
(i) M.r de Folard dit dans ses commentaires de Polybe , que la ré-
publique Achéenne pourrait être mise en parallèle avec celle d'Hollande ;
et en effet , on remarque entre ces deux républiques une singulière con-
formité d'événemens , de conduite , de courage , et de gouvernement. Hist
de Polybe etc. Amsterd. 1774 in 4-° vol. III. pag. 2Ô2. Nota (a).
1 04 Gouvernement
qui refusait de se soumettre aux délibérations de l'assemblée., ou
d'envoyer son contingent de troupes en tems de guerre, pouvait
y être contrainte par la force des armes. Cette ligue avait une
Loi tressage. ]0i remarquable, et bien propre à maintenir la paix et l'union entre
les villes qui la composaient; c'était celle qui empêchait qu'aucune
d'elles ne pût envoyer directement, et de son propre mouvement,
des ambassadeurs à l'étranger. Nous passons sous silence, pour plus
de brièveté, une foule d'autres lois non moins admirables, qu'on
peut voir dans Polybe et dans Tite Live (i). Nous ne devons pour-
tant pas omettre de dire que plusieurs peuples de la Grande Grèce,
et entre autres ceux de Crotone, de Sybaris et de Caulon , avaient
adopté la constitution de Achéens , qu'ils perdirent ensuite sous la
tyrannie de Denis, et l'oppression des Barbares leurs voisins (2).
desJalousie
Romains ., La ligue Achéenne
. était arrivée en• \ peu> d'années
> i
à un si haut
r
contre point de gloire et de splendeur, et avait déployé des forces si im-
les Achéens. l , i. , • , ■ -i ■ , . i
posantes, quelle devint un objet de jalousie et de craintes pour la
république Romaine: c'est pourquoi, malgré qu'ils se fussent, servis
des Achéens dans plusieurs de leurs entreprises, et surtout dans la
guerre de Macédoine contre Philippe V., ou Philippe fils de De-
metrius, les Romains firent tout leur possible pour rompre ou au moins
affaiblir cette union formidable. Les querelles des Lacédémoniens
qui s'étaient retirés de la ligue, et les ravages que les Achéens
commettaient sur leur territoire, fournirent enfin aux Romains une
occasion favorable pour réaliser les projets de leur astucieuse po-
litique. Le Sénat de Rome ayant été invité par les Spartiates à
venir à leur secours 3 il leur répondit qu'il enverrait des commis-
saires pour vérifier les faits, et venger leurs torts. Ces commissaires
ayant convoqué à Corinthe une assemblée générale des chefs de
toutes les villes de la Grèce, ils leur donnèrent lecture d'un dé-
cret, par lequel le Sénat ordonnait qu'on retranchât de la ligue
toutes les villes qui ne fesaient pas partie de l'Achaïe proprement
dite. Ce décret irrita tellement les Achéens, qu'ils massacrèrent
tous les étrangers , et les commissaires Romains eux mêmes n'au-
raient point été épargnés , s'ils n'eussent trouvé le moyen de s'éva-
der à la faveur du tumulte. A peine reçue à Rome la nouvelle de
(i) De tous les Rois et les hommes illustres des tems historiques ,
dit Winkelmann , ( Hist. de l'Art Paris etc. tom. II , pag. 3o6 ) , Ale-
œandre est le seul qui ait eu le privilège d'être représenté sur des bas-
reliefs. L'histoire même de cet homme surprenant en explique la rai-
son ; c'est que le grand nombre de faits éclatans
lui ayant donné en quelque sorte le merveilleux dont elle est remplie ,
de la poésie , elle res-
semble àun récit d'aventures héroïques. D'ailleurs les arts amis de
tout ce qui est extraordinaire , ne pouvaient trouver un sujet plus ana-
logue àleur objet, que la vie de ce fameux conquérant, dont les ex-
ploits connus du monde entier, n'étaient pas moins importuns que les
gestes d'Achille et les aventures dU lisse. Voj. encore Pline liv. XXXV.
chap. 10. sect. 36. § io.
£urope. Fol. /. 3'
1 86 Gouvernement
que l'on doit présumer en avoir été faite?, par une conséque
nce
nécessaire du goût général des anciens pour l'imitation (i). Nous
avons en effet un monument authentique et précieux en ce p-enre, qui
Caractère
du portra Selon
it le témoignage
t de Piutarque et d'Elien , on distingue or-
d'Akxandre. dniairement a trois caractères les portraits du héros Macédonien :
(1) On. rapporte, qu'à la vue d'une image d'Alexandre qui était
consacrée dans le temple d'Hercule à Cadix , Gésar éprouva une telle im-
pression que , laissant là l'Espagne , il se rendit précipitamment à Rome ,
où il se jeta à corps perdu dans les troubles qui agitaient la république,
et commença sa grande carrière qu'il termina par la conquête du monde.
Sveù. Jul. Caes. § 5. Trabellius Pollion dit que dans le IILe siècle de l'ère
vulgaire , c'était encore une opinion généralement répandue chez les Ro-
mains ,que ceux qui portaient sur eux l'image d'Alexandre en or ou en
argent , étaient heureux dans toutes leurs entreprises. Aussi cette image se
voyait elle sur les anneaux , les bracelets , et tout ce qui tenait à la pa-
rure ;et les grandes actions de ce héros étaient également représentées
sur les meubles et les vaisselles les plus précieuses. Cet usage passa même
jusques chez les Chrétiens , qui portaient comme une espèce d'amulette
l'image d'Alexandre sur des médailles en cuivre. S.1 J. Chrysost. Ad illuni
Cailiecumenos .
(2) Visconti observe que la forme de cette inscription , le marbre
penthèlique dont l'hernie est fait, et la conformité de style qu'on y aper-
çoit avec celui des hermes de Périelés et des sept sages, qui furent éga-
lement découverts à Tivoli , offrent la preuve que celui dont il s'agit
fut fait à Athènes, vers les derniers tems de la République Romaine.
« Les sculpteurs d'Athènes, dit-il, stimulés, comme le sont à présent
ceux de Carrara , par la quantité et la beauté des marbres de Pentelos
et de l'Hymette t ne laissaient pas de faire revivre encore sous le ciseau
tout ce que les arts de la Grèce leur présentaient d'intéressant, et leurs
ouvrages étaient ensuite envoyés à Rome pour l'ornement des maisons de
plaisance et des jardins des maîtres du monde » . Cette image , malgré
qu'elle ne soit qu'une copie , n'en doit pas moins être regardée comme
authentique , parce que celles des grands hommes passent de copie en co-
pie à la postérité la plus reculée , et leur physionomie reste ainsi gravée
dans l'esprit; des peuples et surtout des artistes,
a7:
de la Grèce. 187
i.° à sa chevelure qui se relevait au mi^u du front, et retombait
en arrière, a.0 au gonflement du muscle mastoïde, qui lui tenait
la tête penchée vers l'épaule ; 3.° à la physionomie , qui malgré
un certain air de beauté, avait quelque chose de terrible, et déno-
tait un naturel porté à la colère : car ses yeux brillaient de beau-
coup d'éclat, et la vigueur de son âme se peignait dans la vivacité
de leurs mouvemens; sa face avait une sorte de ressemblance avec
celle du lion (j). Ces trois caractères ressortent éminemment dans
l'image dont il s'agit. Le sculpteur, dit l'illustre Visconti, unique-
ment occupé du soin de rendre avec la plus grande vérité les traits de
la physionomie , a négligé tous les accessoires. Il a même omis le
diadème, mais il l'a marqué en quelque manière par une rainure cir-
culaire qu'on voit imprimée sur les cheveux du derrière de la tète.
Le n.° a représente un camée antique, ouvrage vraisemblable- Camêex.
ment de Pirgotéle. On retrouve dans le portrait qui y est retracé
tous les caractères du précédent, malgré que le personnage y pa-
raisse d'un âge plus avancé (a). Sa tête est ceinte du diadème, or-
nement dont Alexandre se para le premier chez les Grecs à l'imi-
tation des Rois de l'Asie , et que ses successeurs prirent ensuite
comme marque distinctive de la dignité royale.
Parmi le g;rand nombre de médailles qui furent frappées du Médailles
. '. d'Alexandre.
vivant même di^»i Alexandre,
1 on en trouve plusieurs
1 • «*
ouv 1»1 effigie de ce
monarque présente les trois caractères que nous venons d'indiquer.
M.r Visconti est même d'avis que ce conquérant est le premier en
l'honneur duquel il a été frappé des médailles portant son image ,
étant encore vivant. « Une innovation 'de ce genre, ajoute cet il-
lustre antiquaire, convenait plutôt à Alexandre qu'à aucun de ses
successeurs 3 et cela d'autant plus, qu'ayant été mis au rang des
Dieux avant sa mort, son portrait pouvait être gravé sur des médail-
Babillé
les, sans enfreindre l'usage qui ne réservait qu'aux Dieux seuls cet
honneur. On voit aussi des médailles où Alexandre est représente
e.n Hercule.
vêtu d'une peau de lion, et avec les attributs d'Hercule, genre
d'adulation qui le flattait beaucoup, car il aimait à paraître quel-
quefois en public, habillé à la manière de ce demi-Dieu, dont
sa race descendait. Teî est le médaillon sous le n° 3. La tête est
recouverte de la peau de lien, et les cheveux ont sur le front la po-
sition que nous avons remarquée daus l'herme sous le n°. i. Le revers
présente Jupiter assis. Les lettres grecques P. O. qu'on voit au des-
sous du siège de ce Dieu , et de la fleur qui est devant cette figu-
re ,signe emblématique de Rhodes , attestent que ce médaillon a été
frappé dans cette lie (i). Nous ne dirons rien ici de la statue équestre
d'Alexandre qui a été découverte dans les ruines d'Herculanum , ni
de celle trouvée à Gabies qui est fort-belle quoique petite , parce
que la forme de l'habillement et les marques dLtinctives qu'a le
héros dans l'une et l'autre, tiennent plus du costume militaire que
du civil. Nous remettons donc à en parler à l'article de la milice,
et nous y joindrons encore aux autres monumens relatifs à cette
partie le beau bas-relief rapporté par Sainte-Croix dans sou Exa-
men critique des historiens d'Alexandre, lequel représente la ba-
taille d'Arbelles.
Démétrius Le n.° 4 °ffre l'image de Démétrius Poliorcète fils d'Antigo-
Poliorcète.
ne 5 le plus hardi et le plus ambitieux des capitaines d'Alexandre.
Démétrius étant encore fort jeune , remporta une victoire navale
Flatté
près de Chypre sur la flotte de Ptolémée fils de Lagus. Depuis
par les Grecs.
lors Antigone ceignit le diadème d'Alexandre, et le fit prendre
également à son fils. Non content du titre de Roi, il osa encore 0
au milieu de la Grèce et dans Athènes même , se faire proclamer
Dieu et adorer comme tel. Les Grecs lui donnèrent en effet ainsi
qu'à son père, le nom de Dieux sauveurs ou tutélaires , ainsi, que
nous l'avons observé , et il voulut que ce titre servit de formule
dans les actes publics, et fût invoqué par les Athéniens dans leurs
sermens. On lui donna encore le surnom de Poliorcète , ou maître
dans l'art des sièges , parce que nul ne savait mieux que lui dis-
(1) Démétrius était d'une beauté presque divine , si Ton en doit croire
Diodore et Elien. Il aimait tellement les beaux arts, qu'au dire de Pline ,
il ne voulut pas entrer dans Rhodes de vive force , dans la crainte qu'un
tableau de Protogéne ne vint à être endommagé dans la chaleur du com-
bat. Aussi ne dit-on pas être étonné de la multitude des portraits qu'en,
ont fait, comme à l'envi, les artistes Grecs. Tisicrates en fit un grand
nombre en bronze ; et les peintres Théodore et Diogènes qui vivaient £
sa cour , le reproduisirent dans plusieurs de leurs ouvrages.
*90 Gouvernement
exerça même contre sa famille. Ses guerres avec les Romains ses
terminèrent par une paix honteuse, et par la ruine de ses propres
Etats. Convaincu , mais trop tard , de l'innocence de sou fils Dé-
métrius qu'il avait condamné à la mort, il tomba dans une noire
mélancolie , qui le conduisit au tombeau Fan 178 avant l'ère vul-
&m portrait gaire. Une particularité remarquable dans le portrait de ce Prince
cl particularité. , , , ,, , , L '
c est la barbe, a cause de la défense qu'avait faite Alexandre à
ses troupes de la laisser croître. Cet usage devint même général, non
seulement parmi les Princes de la Macédoine , mais encore chez
les lettrés de la Grèce. On doit donc conclure de ce portrait,
ainsi que de ceux de Persée et autres Princes de cette époque, que
sous le règne de Philippe, l'usage de porter la barbe longue se re-
xiouvella : circonstance dont les artistes doivent avoir bien soin de
se rappeler. La légende Grecque qui est au revers signifie , du
.Roi Philippe: la massue d'Hercule et la couronne de chêne, em-
blèmes du Roi des Dieux , en forment le type par allusion à la
double origine de Philippe , qui se disait issu d'Hercule et de
Jupiter.
JSwidice Heine Pour rendre cette planche encore plus complète, nous y join-
Miccdoint. drons, sous le n.° 6, la médaille qui fut frappée en honneur d'une
Euridice Reine de Macédoine. Ce royaume a eu cinq Princesses
de ce nom, mais on ne sait pas précisément laquelle est ici repré-
sentée. La légende Evpyfoxet&v indique néanmoins que cette mé-
daille fut frappée à Euridicée , ville à laquelle cette Reine avait
probablement donné son nom, les successeurs d'Alexandre surtout
ayant été dans F rasage de donner aux villes les noms de leurs mères
ou de leurs épouses. L'ajustement de la tête est à peu-prês le mê-
me que celui de Philistis, dont nous avons donné la description.
Le trépied du revers est un symbole des sacrifices et des jeux so-
Reine. lennels, qui avaient sans doute été institués en l'honneur de cette
♦
propres vices , n'offrent plus qu'une idée confuse cle ses premiers
charmes, et semblent indiquer une de ces femmes ridicules, qui sur
les portai ts de leur première jeunesse cherchent encore quelqu'ap-
pât à leur vanité. Nous serons donc très-laconiques dans ce qui
nous reste à dire sur l'état politique de la Grèce , postérieurement
à l'époque de sa splendeur. Pour mettre plus d'ordre et de clarté
dans cette partie , nous la diviserons en trois périodes dans les-
quelles nous considérerons la Grèce; d'abord, sous les Romains,
ensuite sous l'empire d'Orient , et enfin sous la domination des Turcs.
La chute de Corinthe porta le dernier coup à la liberté de la EtalGréées.
de la
Grèce: le gouvernement populaire fut aboli dans toutes ses villes; loi Romains.^
les impositions y furent les mêmes que dans toutes les autres pro-
vinces soumises à la puissance Romaine , toute assemblée nationale
fut défendue , et les gens riches n'eurent pas même la faculté
d'acheter des terres hors de leur pays. La Grèce enfin fut réduite
à l'état de province Romaine , et eut pour magistrat suprême un
Préteur qui lui était envoyé de Rome tous les ans; et comme les
Achéens s'étaient acquis dans ces derniers tems une grande célé-
brité ,on donna à la Grèce entière le nom (YJcJtaïe, Les Ro-
PrîoMdgi
mains conservaient néanmoins tant d'égards pour: cette contrée ,
que peu d'années après en avoir fait la conquête, ils adoucirent
la rigueur de son sort , en lui laissant l'élection de quelques ma-
gistrats,et en lui accordant plusieurs privilèges qui ne l'avaient sonTLcZ^
'.eoii.
jamais été à aucun autre province (i). Cette considération des Ro- qui lui
mains pour les Grecs n'a rien de surprenant: car malgré son avilis-
sement }et l'extinction de cet esprit d'émulation qui avait été au-
trefois Saprincipale cause de sa grandeur , elle exerçait encore une
souveraineté presqu'absoîue dans les beaux arts comme dans les
sciences. Il n'y avait pas de Romain, jaloux de se distinguer par desVêtirai,Romains
la politesse de ses manières et par son savoir, qui ne se vantât d'avoir PÎZ £"ïUw
fait ou achevé son éducation dans quelqu'une des villes Grecques ,
et surtout à Athènes qui était regardée comme la patrie des scien-
ces et des muses (a). D'un autre côté , Rome voyait sans cesse ar.
(i) Voy. Polyb. liv. II. dhap. 62. Ubbon. Emm. dans Gron. Thés/
yol. IV. et Dav. Hume Discours -politiq. vol II. pag. 270. Amsterd. 1764,
(2) Germanicus accorda à Athènes un licteur , ce qui était une mar-
que distinct! ve de souveraineté Ce privilège lui fut confirmé par Tibère
et ses successeurs , jusqu'à Yespasien qui le lui Qta % en disant que les
Athéniens n'étaient pas faits pour la liberté^
192, Gouvernement
river dans ses murs des hommes de lettres et des artistes de la Grèce ,
dont plusieurs, après s'être acquis le plus grand crédit dans les mai-
sons des grands par leurs lumières ou leur habileté dans un art
quelconque , s'en retournaient chez eux comblés d'honneurs et de
richesses. La passion des Romains pour tout ce qui était Grec
vint à un tel point , que plusieurs personnages des plus distingués
affectaient , non seulement les usages 3 mais encore prenaient des
noms Grecs : ce qui a donné lieu à ce bon mot si connu de Ve-
nosius : Grœcia capta ferum victorem cepit , et artcs intulit agre-
sti Latio.
tfâuutim
des (jiecs Cette supériorité
*■ dans les arts et dans les sciences, ' et cet em-
tnrers Amoine. pire du ]30Q ton qui prit dans la suite le nom d'atticisme , étaient
bien propres à nourrir chez les Grecs ce noble orgueil , qui dans
une nation , malgré l'avilissement où on l'a réduite , nait du senti-
ment de son propre mérite , et du souvenir de son antique gloire.
Mais la Grèce était devenue alor» l'école de la flatterie. Que ne
firent point les Athéniens en l'honneur du triumvir Marc Antoine ?
Ils poussèrent l'adulation jusqu'à chanter ses louanges dans les spec-
tacles publics. Faut-il s'étonner après cela s'il se vantait d'être ap-
pelé amant
Y de la Grèce? Lorsqu'il se porta à Ephèse, les fem-
mes vinrent à sa rencontre habillées en Bacchantes, et accompa-
gnées de chœurs de jeunes garçons travestis en Faunes et en Satyres.
L'air retentissait de ces acclamations, au nouveau , au gentil, à
l'aimable Bacchus. Cet esprit d'adulation alla toujours croissant sous
Supers Néron, les Empereurs Romains. On rapporte que les Grecs ayant envoyé
à Néron , comme fameux joueur de harpe , des ambassadeurs avec
la couronne destinée aux vainqueurs dans l'art de jouer de cette
instrument, cet Empereur les invita à un repas de cérémonie, à la
suite duquel ils le supplièrent de vouloir bien leur donner qnelqu'es-
sai de son talent: s'étant rendu à leurs prières, il en reçut tant
d'applaudissemens, qu'il ne put s'empêcher de dire lui même, qu'il
n'y avait que les Grecs qui eussent une bonne oreille , et qu'eux seuls
s'entendaient en musique et en harmonie. Il les paya bientôt après
de cette flagornerie: car s'étant rendu en Grèce avec une suite
tellement nombreuse , an dire de Dion , qu'il aurait pu subjuguer
tout l'orient _, si les gens qui la composaient eussent portés d'autres
armes, que des harpes , des flûtes, des masques et autres instru-
mens de théâtre , il y fit pompe aux jeux olympiques de son ha-
bileté en musiquej dans la danse , dans la pantomime et dans là
de la Grèce. 193
course,- des chars. Fier de sou triomphe,
L il restitua à îa Grèce La Gréc'e
recouvre
son indépendance, et fit lui même, dans les jeux isthmiques de sa liberté.
Corinthe, l'office d'un héraut public, en proclamant la liberté des
Achéens. Mais tout en caressant les Grecs d'une main, Pséron les
dépouillait de l'autre de tout ce qu'ils avaient de plus précieux en
peinture, en sculpture, et en monumens des beaux arts: ce qui
a donné lieu de dire à quelques écrivains, qu'il fit plus de mal à
la Grèce comme umi , que ne lui en avait fait Xerxès, en y en-
trant comme ennemi et en conquérant (1).
La Grèce ne conserva la liberté crue x Néron lui avait rendue sousLa yespasiel
Grèce
que jusqu'au règne de Vespasîen. Elle fut de nouveau réduite en et ^w*<
province Romaine sous ce dernier Empereur , et ne s© releva plus
jusqu'au tems d'Adrien , qui tournait particulièrement vers Athènes
toutes ses sollicitudes. Il avait été Archonte l'an IV de la CCXXII.6
oliympiade (a). Parvenu au trône du monde, il rendit aux Athéniens
leurs anciens privilèges , rétablit à ses propres frais les deux ports
du Pyrée et de Munichia , fit achever le temple de Jupiter olym-
pien, et augmenta la ville d'un nouveau quartier, qui, de son nom,
prit celui d' Àdrianopolis : enfin il fit tant pour Athènes, qu'il en
fut regardé comme le nouveau fondateur , ce dont rendent témoi-
gnage les inscriptions et les monumens qu'en y voit encore (3).
Les Grecs, à leur ordinaire % n'omirent aucun genre de flatterie
pour témoigner à cet Empereur toute leur reconnaissance : car ou-
tre l'arc de triomphe qu'ils érigèrent en son honneur à Athènes
ils se firent encore une gloire de mettre au rang des Dieux le
charmant Antinous son favori , auquel ils consacrèrent des statues,
des temples 3 des prêtres et des feux solennels.
Mais de tous les Empereurs Romains , celui qui fit le- plus pour La -Grée* m»
la Grèce fut le grand Constantin, en régénérant sou état politique, Censlaniirt-
(1) Néron fit éclater aussi en Grèce sa cruauté , dont Philo-strates nous
rapporte le trait suivant Un acteur , dans une tragédie qui se joua aux
jeux isthmiques s'était attiré par son chant les plus grands applauclisse-
înens; mais plus habile dans son art que dans celui de la flatterie, il re-
fusa de modérer sa voix qui couvrait entièrement celle de 1 Empereur
lequel le fit étrangler de colère sur la scène même , en présence de toute
la Grèce. Quoi de surprenant d'après cela, si Néron remportait toujours
la palme dans les jeux publics ?
(2) Sporti anus , Vita Aihiani , ohap. XIX.
(5) V. Smart , Antiq. of Ath. vol. III.
Ewope. yol. I. ^
194 Gouvernement
et en y établissant un nouvel ordre de choses, qui la mit dans
le cas, si non de faire revivre les jours de son ancienne splendeur,
au moins de se distinguer de nouveau, et de jouer un rôle impor-
tant sur la scène du monde. Soit animosité contre les Romains
qui étaient offensés de ce qu'il avait embrassé la religion chré-
tienne fi), soit dessein de faire pompe de son pouvoir en fon-
dant une ville égale à Rome même,, qui était regardée comme îa
première merveille du monde (a) , Constantin fit bâtir sur les
ruines de Bysante , petite ville de la Thrace vers les confins de
la Grèce, une ville à laquelle il donna le nom de Constantino-
Fondation de pie (3). 11 en traça lui même l'enceinte, dans laquelle il enferma
,xm$tantmoV . gept c0]jmes comme à Rome. Cette nouvelle Rome, (
car elle
prit aussi ce nom) fut construite avec une telle célérité, que
les fondemens en ayant été jetés le 26 novembre, l'an 827 de
l'ère vulgaire , son achèvement fut solennellement proclamé le
11 du mois de mai suivant (4). Constantin n'épargna rien pour
rendre sa ville en tout semblable à Rome. Il l'orna de temples
magnifiques, de places, de fontaines, d'un cirque, de deux palais
impériaux , même d'un capitole , et embellit tous ces monumens
Division
as transportant le trône du monde dans sa nouvelle ville , de L'empire,.
Constantin avait déjà donné un choc fatal à la puissance Romai-
ne; mais il lui porta un coup bien plus funeste encore, par le par-
tage qu'il fit de l'empire entre ses trois fils Constantin, Constance, Fondation
ded'orient.
l 'empira
et Constant. Néanmoins la fondation de l'empire des Grecs, ou d'orient,
n'eut lieu que sous l'empereur Valentinien l'an 36^ de l'ère vulgai-
re (i). Valentinien, mu par un sentiment d'amour fraternel , plutôt
que par des vues d'intérêt public et les conseils d'une prudence éclai-
rée , partagea , la même année, l'empire avec son frère auquel il céda
la partie de l'orient, gardant pour lui celle d'occident. C'est à cette
époque que prit naissance l'empire des Grecs, plus fameux par la
mollesse , par l'hypocrisie , par la cruauté , par les fureurs théologi-
ques, que par les vertus et les exploits des Princes qui en occupèrent
le trône. Valent était lui même sans connaissances, sans talens mi-
litaires, et partisan outré des Amena. On rapporte qu'au sujet de
l'incertitude que manifestait encore Valentinien sur le choix de
son frère pour collègue à l'empire , un de ses officiers lui ré pou -
(i) Art de vérifier les dates. T. I. pag. 3q5 , et Blair , Tab. Chronol.
N.° 16.
*9^ Gouvernement
dit : <i Si vous voulez User de partialité pour votre famille , voua
nommerez votre frère ; mais si vous avez à cœur le bien de vos
Caractère peuples , vous vous donerez un tout autre collègue „. Valent n'ac-
h lKaZ?u' quit en effet que la triste célébrité des Princes faibles, qui ont
tourmenté les consciences de leurs sujets par leurs opinions : il se-
conda l'opiniâtreté d'Arrien , et fut l'instrument de ses cruelles
persécutions contre les catholiques.
aiiêodose. Parmi les successeurs de Valent, on en compte bien peu qui
pgra ' se soient montrés vraiment clignes du diadème impérial. Il ne fau
pourtant pas confondre dans ce nombre Théodose, qui, par ses
opérations militaires et politiques, et plus encore peut-être par son
extrême piété , et son zèle pour la religion chrétienne , mérita le
surnom de grand, Mais après sa mort, l'empire alla toujours en
déclinant,, et dans la longue série des Empereurs Grecs, à peine
aperçoit-on de loin en loin quelqu'étincelle de vertu et de grau*-
£a Grèce sous deur.
les successeurs . « ,L'histoire
A. -,de , l'empire
,,, - ... . s dit ,Montesquieu
des , Grecs <■%».— n'est
de Théodose, plus qu un tissu de rebellions, de séditions et de perfidies. Les sujets
n'avaient pas même l'idée de la fidélité qu'ils doivent au Prince; et la
succession des Empereurs fut si souvent interrompue, que le titre de
porphlgnorète , c'est-à-dire venu à la lumière dans l'appartement des-
tiné à l'accouchement des Impératrices, fut un honneur si relevé,
qu'il réussit à bien peu de Princes d'en être décorés. Il n'est pas
de délit qui n'ait été tenté pour arriver à l'empire : on y parvint
par le moyen des soldats , du clergé , du sénat , des gens de la
campagne, des habitans de Constantinople , et de ceux des autres
villes Une vénération telle quelle pour les ornemens impé-
riaux attirait aussitôt les regards sur celui qui osait s'en revêtir.
C'était un crime que de porter ou de teuir chez soi une étoffe de
pourpre; mais dès que quelqu'un se montrait avec cette parure,
il avait tout-à-coup une foule de suivans , car le respect s'attache
ordinairement plus à l'habillement qu'à la personne (i);>. L'asceu*
dant des femmes, le pouvoir des eunuques , la minorité et l'inexpé-
rience des Princes , la courte durée des règnes , et les atteintes
que portaient successivement au corps de l'état , non seulement les
Décadence incursions des barbares, mais encore la perfidie des Princes alliés 7
^eë'eT'e voilà les causes principales qui ont insensiblement amené la chute
4e l'empire des Grecs. De ce cahos , comme de celui des succès»
(1) Les latins ( c'était le nom qu'on donnait aux Européens qui
avaient pris Constantinople ) regardaient les Grecs avec un tel mépris ,
qu'après la guerre , ils n'en voulurent recevoir aucun dans leurs troupes ,
de quelque condition qu'ils fût.
(2) Baudouin I.er qui fut couronné Empereur dans l'Eglise de sainte
Sophie le 16 mai en 1204.
(3) On rapporte que les Turcs , dans leurs premières incursions sur
le territoire de la Grèce , enchantés de la beauté des femmes , se dégoû-
tèrent des leurs qui étaient laides et mal habillées; et que c'est à cette
passion pour les femmes Grecques, qu'il faut attribuer en partie le féroce
enthousiasme qui les entraînait à la conquête du siège de l'empire. Voy.
Michel Ducas , histoire de Jean Manuel etc. , chap. IX.
(4) V, Montesquieu endroit, cit.
i5E la G ré (3e. 199
l'armée des alliés: c'en était fait d'elle, si Bajazet n'eut pas da
porter toutes ses forces contre Tamerlan qui Pavait inopinément
attaqué. Mais cette expédition fut renouvetlée avec plus de succès
par Mahomet II, la huitième année du règne de Constantin XII
on de Constantin Paléoîogue. La ville, dont la garnison n'était que de
huit mille hommes, se défendit avec un courage héroïque contre
une armée des pins formidables. Mais à la fin, le bouillant fanatisme mietomia
des Turcs triompha de la mémorable résistance des Grecs, et la deMahometit
malheureuse Constantinople fut emportée d'assaut le 29 mai de l'an
i453. Constantin y périt les armes à la main dans la cinquantième
année de son âge. Les Barbares la saccagèrent, et y commirent
pendant trois jours tout ce que l'on peut imaginer de plus cruel
et de plus affreux. Telle fut la fin de l'empire d'orient. Constan-
tinople, fondée par Constantin le grande après avoir été pendant
près de onze siècles le siège de l'empire des Grecs, succomba sous
un monarque qui portait le même nom que son premier Empereur,
de la même manière que l'empire d'occident, fondé par Auguste ,
finit dans la personne d'un Auguste. Démétrius et Thomas, frères
de Constantin Paléoîogue, se soutinrent encore quelque tems dans
le Péloponnèse , c'est à dire jusqu'à l'an i458 que Mahomet s'en
rendit maître. Trébisonde était encore au pouvoir des Grecs, et
avait pour Roi David Comnène ; mais Mahomet finit aussi par
s'en emparer, et conduisit David à Constantinople , où il le fit
mourir (1).
Nous ne dirons rien ici de l'état politique de l'empire Grec, Gomûmim
parce que les Empereurs Romains transplantèrent à Constautino- de g,'"?.'"*
pie, non seulement la plupart des usages de Rome, mais encore
tout !e système de son gouvernement; c'est pourquoi il faudra se
rappeler à cet égard tout ce qui sera dit, en son lieu dans cet
(1) Art de vérifier les dates , vol. I.er pag. 455. Les principales fa-
milles qui régnèrent à Constantinople pendant les onze siècles que dura
l'empire Grec , sont ; la Théodosienne , la Justiniane , Y ' Héraclienne ,
Y Isaurienne , la Phrygienne , la Macédonienne , celles des Ducas : des
Comnen.es, àPsaac Y Ange , des Comtes de Flandres , des Courtenay
des Briennes , des Cantacuzènes , et des Peléologues. Il existait encore
il y a peu de tems , quelques rejetons de ces anciens familles. Louis XVI
a reconnu par des lettres diplomatiques les descendans des Comnénes.
Cette famille a donné six Empereurs à Constantinople , onze à Trébi-
sonde., dix Prorogé rondes ou chefs à la Laconie î et trois à la Corse.
30$ GoUVERKEMERT
Code.
toutes les nations de l'Europe sous la dénomination de Code , ou
Code Romain. Le i5 février de l'an 4^6, Théodose le jeune pu-
blia son code, qu'il composa de toutes les constitutions des Empe-
reurs Romains depuis Constantin jusqu'à lui; et il abrogea toutes les
lois qui ne s'y trouvaient pas comprises. Ce code servit ensuite de base
à la législation des Goths , des Lombards et des Francs. Mais Justi-
nien Ler ayant remarqué que plusieurs lois y avaient été omises , et
que le code même était presque tombé en oubli dans le petit nom-
bre de provinces qui fesaient encore partie de l'empire d'occident p
cet Empereur chargea Tribonius son chancelier de faire une com-
pilation de toute la jurisprudence Romaine depuis Adrien jusqu'à
lui. Cette collection fut publiée le 16 avril de l'an 5ao, , sous le
nom de Code par exellence. C'est encore du même Empereur que
Digesic. nous tenons , le Digeste > qui est un recueil de divers fragmens
de jurisconsultes Romains, dont les écrits ne composaient pas moins
ïns Ululions.
de deux milles volumes; les Institutions qui contiennent les pre-
Novelles. miers éîémens de la jurisprudence , et les Novelles qui forment
le recueil de ses dernières lois. Mais, comme nous venons 'de le
dire , toutes ces constitutions et ces lois, appartiennent plutôt à la ju-
risprudence Romaine qu'à celle de l'empire des Grecs; c'est pour-
quoi nous remettons à en parler plus au long, lorsque nous traite-
rons du gouvernement des Romains.
Marques
disthiclives Nous n'avons guères de particularités à offrir à la curiosité
■des Empereurs
Grecs. de nos lecteurs, en ce qui concerne l'habillement, les ornemens ,
et les marques de la dignité des Empereurs Grecs: car, à. l'ex-
ception de quelques temples, tous les édifices remarquables de
Constantinople furent ou rasés par les Barbares, ou abandonnés à
la faux du tems , dont ils ont été la proie. Les Turcs élevèrent
ensuite sur les ruines de l'ancienne ville d'autres édifices d'archi-
tecture Arabe : ce qui acheva la destruction des statues , des pein-
tures et des bas-reliefs qu'on y voyait encore. Néanmoins , pour ne
j'en laisser à désirer dans cet ouvrage , nous produirons le petit
nombre de tnonumens que nous avons pu recueillir dans les auteurs
des annales bysantines. Avant tout , nous devons avertir le lecteur
de deux choses; la première, c'est que le costume des Empereurs
Grecs et de leur cour , est en grande partie le même que celui des
de la Grèce. 2,0 f
(1) Cette consécration fut faite par l'évêque saint Maximin en l'an
547. Giampini parle au long de ce précieux morceau de mosaïque dans
ses Vetera monumenta etc. pag. 73. On en trouve aussi la description dans .
les auteurs de l'histoire Bysantine , et M.r Séroux et ' Agincourt le rapporte
en partie dans son histoire de Fart ( Peinture pag. 16 ) : on le voit dans
le chœur de Saint Vital à Ravenne. Winkelmann dit ( vol. IL pag. 420
édit de Reina ) , que sur cette mosaïque , on -peut se former une idée de ce
qu étaient les statues équestres en bronze de Constantin et de sa femme
Théodore qui étaient autrefois à Cons tantinople , car elle fut faite dans le
même tems que ces statues. Il est bon d'observer cependant que la pre-
mière de ces deux statues était vêtue en Achille , comme le dit Pro-
cope , avec des semelles attachées au pied , les jambes nues ou à l'hé-
roïque. On ne doit point s'étonner que nous ayons cité ici une mosaïque
faite en Italie : car Ravenne , comme tout le monde le sait , fut pendant
long tems sous la puissance des Empereurs Grecs. Nous dirons même à
cet égard , que l'Italie n'ayant pas de peintres dans les tems du bas-em-
pire ,on les y fesait venir de la Grèce ; et comme ils ignoraient les usa-
ges des lieux où ils travaillaient , ils continuaient à donner à leurs Saints
l'habillement Grec de cette époque , comme nous le verrons ensuite. Voy.
Giampini pag. 14, et Léon d'Ostie , Chronic, Monast. Cassinensis.
206 Gouvernement
qui est sous le manteau est d'un blanc un peu luisant : de riches
agrafes semblent orner sa poitrine et ses épaules, et elle tient dans
Femmes, une de ses mains un vase fait de pierres précieuses. La première
des femmes qui sont à sa gauche a le manteau blanc et la robe
violette : de sa poitrine descendent jusqu'aux pieds deux écliarpe3
ou bandes d'étoffe parsemées de pierreries : la seconde a la robe
tressée de fleurs en vert et en or avec de longues manches : la
troisième a le manteau blanc , et la robe aussi à fond blanc avec
des fleurs vertes entrelacées; la quatrième porte le manteau écar-
late avec la robe blanche brodée de fleurs en or. La première des
deux femmes qui sont à la droite de l'Impératrice a la tunique
blanche, et la seconde de couleur violette. L'habillement de ces
Femmes leur couvre le corps , de manière à ne laisser voir que la
tête , le cou et les mains.
Basile II.
Le n.° 4 représente l'Empereur Basile II. qui régna avec Cons-
tantin X, depuis l'an 976 jusqu'en io2,5. Il est au moment de re-
cevoir les bénédictions du Ciel et les hommages de la Terre : ce
portrait est tiré des miniatures d'un pseautier grec en parchemin
du X.e siècle } qui appartenait autrefois au monastère de la Vierge
appelée Cospicua à Constantinople , et se trouve aujourd'hui dans
la Bibliothèque de Saint Marc à Venise (1); son authenticité mé-
rite par conséquent beaucoup de confiance. L'Empereur y est ha-
billé militairement; mais outre le diadème qui est enrichi de pierres
précieuses, il a encore le hoqueton , le sceptre et autres marques
distinctives de la dignité impériale.
Habillement
impérial.
De toutes ces figures il nous sera facile maintenant de déduire,
comme autant de corollaires, les diverses parties de l'habillement
qui composaient le costume des Empereurs. La première marque
Diadème.
de cette dignité était le diadème. Nous avons déjà vu qu'après
avoir vaincu Darius, Alexandre quitta le diadème des Rois de
Macédoine, qui n'était qu'un simple bandeau d'étoffe blanche,
pour prendre celui des Monarques de la Perse , composé d'une
bande de lin blanc avec une raie rouge, sur lequel il plaçait quel-
quefois des cornes de bélier comme fils de Jupiter Àmraon : nous
avons vu aussi que Constantin ajouta au diadème les perles et les
iL
2o3 Gouvernement
Diadème
avec le casque. le n.° a, pris des Las-reliefs de l'arc de Constantin (i). Le dia-
dème se joignait quelquefois tellement avec le casque, qu'ils ne
formaient ensemble qu'un même tout , ainsi qu'on le voit par le cas-
que n.° 3 qui forme la coiffure de l'Empereur Héraclius , célèbre
dans les fastes de l'église, pour avoir enlevé la croix à Cosroès Roi
de Perse : ce qui fait que ce diadème s'appelait g aléa diademata.
TNous avons remarqué dans le portrait de Justinien, que son diadème
Ornement
du Diadème. est orné de fils de perles et de pierres précieuses qui lui tombent
sur les épaules. La même chose se voit dans ceux de Constantin,
d'Irène et de Basile dont nous avons aussi fait mention ; et l'on
en a une preuve encore bien plus claire dans le diadème de Justi-
nien sous le n.° 4- Cet usage fut généralement adopté par tous les
Empereurs , de manière cependant que plus on s'éloigne de l'épo-
que de Constantin , et plus ces diadèmes ainsi que tous les autres
ornemens impériaux vont perdant de leur ancienne simplicité, et se
surchargent d'or, de perles, de pierreries et d'ornemens de tout gen-
re, selon l'esprit particulier à cette époque où les beaux arts étaient
entièrement tombés : ce dont il est aisé de se convaincre, par le seule
confrontation de ces figures entre elles. Nous ne devons pas passer ici
Sonmt sous silence la forme extravagante du camelaucum ou bonnet, n°5 ,
Patiohgue. qu'on voit sur une grande médaille de Jean VIII Paléologue , frappée
en Italie , et citée par Baucluri et Du-Cange (a). Les Empereurs
avaient encore quelquefois autour du corps une autre marque de
leur dignité, c'était un cercle d'or ou de lumière, appelé par les
des espèces de bandes de même étoffe, ou d'une autre plus fine, pour cou-
vrir les oreilles ; ce qui a peut-être donné l'origine aux queues des mitres
de nos évêques.
(i) Constantin Porphignorète {De Adm. Imper, cap. i3 ) dit que
cette espèce de bonnet avait été apporté par un ange à Constantin , et
que les Empereurs ne le portaient que dans les grandes solennités.
(2) Ce médaillon est un ouvrage de Victor Pisano ou Pisanello pein-
tre de Vérone ; qai, au rapport de Vasari , fit en médaillons de jet une
quantité de portraits de Princes de son tems et autres. Voici ce que dit
Monseigneur Giovio du médaillon et de l'artiste de dans une lettre qu'il écrit
au Duc Cosimo. J'ai encore une belle médaille Jean Paléologue Em-
pereur de Constantinople avec ce chapeau bizarre à la Grecque, que les
Empereurs étaient dans l'usage de porter ; elle a été faite par Pisano à
Florence lors du concile d'Eugène auquel assista cet Empereur : elle a
pour revers la Croix du Christ soutenue par deux mains , qui représen-
tent sans doute les deux églises grecque et latine.
de' la Grèce. 209
antiquaires nimbus. Cet attribut n'appartenait anciennement qu'aux WfoOm;
Dieux , " et entre autres à Apollon. Pline rapporte que Galigula
fut le premier des mortels qui osa s'en décorer; mais Antonin le
Pieux est le premier des Empereurs qu'on voit sur les médailles avec
cet ornement. Les Empereurs et les Impératrices du bas-empire
en ont toujours la tête parée ; et , comme l'observe Mongez , les
artistes ne doivent point l'oublier lorsqu'ils veulent représenter un
Empereur de cette époque. L'origine de cet ornement dérivait
■d'une aveugle et basse adulation , de la part des Romains , qui vou-
laient indiquer par là que les Augustes étaient admis au conseil
des Dieux (1).
Nous ne voulons pas finir cet article sans faire mention de Couronne
la couronne de fer , qui , selon les chroniques de Monza , après
avoir servi pendant long tems au sacre des Empereurs Grecs, passa
de Gonstantinople à Rome, d'où le Pape Saint Grégoire le Grand
l'envoya en présent à Théodolinde Reine des Lombards, qui fesait
sa résidence à Monza. Si de pareilles assertions pouvaient être ad-
mises il
, s'en suivrait ; d'abord , que la couronne de fer dont il
s'agit n'était originairement que le diadème des Empereurs de Cons-
tantinople ; en second lieu qu'elle a été faite avec un des clous
qui ont servi au crucifiement du Christ: ce qui lui a fait donner le-
pithète de de fer. Or quant à la première conséquence , il suffit de Différence
comparer la couronne de Monza n.° 6, avec celle que portent les Ife^eSwT
Empereurs dans les divers monumens que nous venons de rapporter 3 cdls "nPenale-
pour avoir la preuve évidente que celle-ci diffère considérablement
chiamyde. Par dessus cette tunique impériale était une longue chlamyde de
pourpre marine , qui tenait par une large agrafe en or , avec des
chaînes du même métal, et parsemée de pierreries (a)
-..-
Le même Codin Curopalata nous a encore
.._-, /-it
laissé une ample Couronnement.
-1-r-ç des Empereurs,
description du couronnement des empereurs Grecs. Le nouvel Em- Grecs.
pereur commençait par envoyer sa profession de foi écrite de sa
propre main au Patriarche, qui l'attendait avec le clergé dan*
l'église de Sainte Sophie: ensuite il montait au Triclinium , qui
était une salle magnifique située au bout de VJugustée , d'où l'on
voyait l'année et le peuple assemblé (i). De là, plusieurs séna-
teurs jetaient , par ordre de l'Empereur, à la multituda des mil-
liers à'épicombes , ou petits morceaux d'étoffe dans lesquels étaient Epico®best
enveloppées quelques pièces d'or et d'argent. Après cela , l'Empe-
reur assis sur son bouclier, et porté par des membres de sa famille ,
était présenté par le Patriarche 9 accompagné des premiers dignitai-
res, à la foule du peuple qui l'accueillait au milieu des acclama-,
tions. Cette cérémonie achevée, on le conduisait dans l'église de
Sainte Sophie, où après s'être revêtu d'une simple tunique rouge et
blanche, et le front ceint d'un bandeau, ou d'une simple couron-
ne, ou seulement couvert d'un bonnet selon son gré , il montait
dans une espèce de chambre ou tribune en bois tapissée en rouge ,
et construite à ce dessein à l'entrée de l'église. Alors commençait
la liturgie, durant laquelle le Patriarche et les anciens du clergé,
en habits pontificaux, et avant qu'on entonnât l'hymne Trisagio fa) Trisagfr,
montaient à Vambone qui était un autre sorte de tribune. A un
signal que fesait le Patriarche , l'Empereur s'y rendait aussi , et
se découvrait la tête , après que le premier avait fini de réci-
ter la prière analogue au sacre. Le Patriarche oignait alors avec
l'huile sainte, et en forme de croix, la tête de l'auguste person-
nage ,en chantant à haute voix le mot Ày«« sanctus , que le cler-
gé et le peuple répétaient trois fois. Le Patriarche lui posait en-
suite le diadème sur la tête en chantant Agn* , c'est-à-dire di-
gnus , que répétaient encore le clergé et le peuple (3). Les prières Counmwmem
finies , l'Empereur descendait de Vambone par un escalier opposé impl-ll-iees*
Porphyr. JLïbri duo de caeremoniis Aulae Byzantinae , gr. lab. opéra. 1. 1.
Reiskii , Lipsiae , iy5i , in fol.°
(i) \J Augusbée était une vaste place, carrée, entourée de portiques
et d'édifices magnifiques , et qui servait comme de cour à l'église de
Sainte Sophie et au palais impérial.
(2) Ainsi appelé , parce qu'on répétait trois fois le mot hyioç, sanctus.
(3) Si le père de l'Empereur était présent , il plaçait la couronna
sur la tête de son fils avec le Patriarche»
32,2, Gouvernement
, la?taX
de ,
(xièce J-l ous avons parcouru l l'histoire de la Grèce depuis
. * les tems
mode,™. les plus reculés , jusqu'à l'époque fatale où elle est tombée sous
le joug des Mahométans ; et nous avons vu comment , d'une fai-
ble origine , elle s'est élevée au premier rang parmi les nations
les plus civilisées, puis de quelle manière, après une foule de ca-
tastrophes, elle est passée sous la domination des Romains. Considé-
rant ensuite son état sous l'empire d'orient , nous l'avons vue sous
des formes nouvelles livrée au luxe, à la mollesse, et plongée dans
une si honteuse létargie , qu'elle ne nous a plus offert , au lieu d'une
auguste matrone, que l'image d'une chétive femmelette. Après tant
de vicissitudes, elle gémit à présent sous l'oppression des Turcs , et
ne conserve plus qu'un triste souvenir de sa grandeur passée. Con-
eovveniement
Ottoman. tente d'avoir gardé en partie ses usages, orgueilleuse encore d'un
vain nom, son unique héritage, elle s'est accoutumée peu-à-peu à
souffrir le poids de ses chaînes. Dans les îles de l'Archipel, dit un
illustre écrivain, tu ne vois qu'un peuple vil en proie à la misère,
à l'ignorance et à l'esclavage : dans les villes de terre ferme tu ne
trouves que des esclaves riches et superbes. Les différentes con-
MILICE DE:
Système suivi J-J histoire nous a fait connaître les divers gouvernemens qui
par nous ' 1 ' 1 I r~\ ' •• 1 -• r r
jusqu'à pèsent, se sont succèdes dans la C^-rece, ainsi que les principaux evenemens
qui ont rendu cette contrée si célèbre. Nous avons fait ensorte jus-
ques ici de ne rien affirmer, qui ne pût être prouvé par l'autorité
T '
des monumens } conformément au plan que nous nous avons adopté
dans cet ouvrage. Cependant, sans nous engager dans une infinité
de questions qui nous auraient trop éloignés de notre but , nous
n'avons pas laissé de nous opposer quelque fois aux opinions les plus
accréditées, et même de remarquer, comme en passant, les erreurs
dans lesquelles sont tombés quelques écrivains des plus estimés (i).
(1) G'est ce que nous avons fait , à l'égard des questions géologiques ,
dans notre Discours préliminaire sur le globe terrestre,, et successivement
dans nos recherches sur la Mythologie Grecque , dans l'explication que nous
avons donnée de divers monumens de l'antiquité , et enfin dans nos con-
sidérations sur la couronne de fer. Nous croyons même à propos d'ajouter
ici , qu'on pourrait faire sur ce dernier sujet trois questions , qui seraient ;
la première , si la couronne de fer n'est point toute autre chose que le
diadème de Constantin dont parle saint Ambroise ; la seconde , si elle
servait anciennement au couronnement des Rois d'Italie ; la troisième , si
cette couronne renferme réelement un des clous de la passion du Sauveur.
de la Grèce. aa?
Nous suivrons constamment la même marche, toujours guidés par
ce précepte de .Cicéron : ne plus ei tribuas quam res et Veri-
tas ipsa concédât. Prenant donc la milice des Grecs pour sujet
de nos premières recherches, nous entrons d'abord dans le vaste
champ des guerres appartenantes aux tems héroïques , dont la trom-
pette du divin Homère fait encore retentir le bruit à nos oreilles.
•« «- . , Deux époques
Majs ces guerres sont encore moins mémorables que celles des de fa miiioa
Grecque,
Observations générales.
âe fataGrëce Avant les tems héroïques , les Grecs étaient un peuple sau-
RVht!ZTs vaSe et kart>are, comme le furent tous les hommes avant de se
réunir en société, et de se donner une forme quelconque de gou-
vernement. Ilne faut donc chercher rien de remarquable , ni qui
soit digne de notre admiration dans ces siècles obscurs, dont Thucy-
dide nous fait une peinture effrayante au commencement de son
histoire , et en parlant desquels Plutarque, dans la vie de Thésée ,
s'exprime en ces termes. « Il n'y avait point de pays qui ne fût
« infesté de voleurs et de brigands , ou exposé à leurs attentats : car
" cette époque avait produit des hommes d'une dextérité de main ,
» d'une agilité à la course et d'une audace extraordinaire, qui n'em-
« ployaient ces dons de la nature à rien d'utile ni de juste, mais
« qui au contraire se plaisaient à faire des insultes et des surpri-
« ses, et ne fesaient usage de leurs facultés que pour commettre des
« actes de violence et de cruauté, ne cherchant qu'à usurper, à vkn
" 1er, et à corrompre tout ce qui se présentait à eux, et regardant
« la justice, la pudeur, l'équité et l'humanité comme des choses de
« nulle considération pour quiconque pouvait les fouler aux pieds „.
Mais à l'époque des tems héroïques, les habitans de la Grèce pas-
sèrent de cet état d'indépendance et pour ainsi dire de férocité,
à celui de société , dans lequel ils se donnèrent des lois et s'uni-
Premier iumnt rent par de nouveaux liens. Voilà, dit un illustre écrivain . le pre-
*« l'héroïsme. . . , ,,1 , _ ,
mier instant de 1 héroïsme (i). L enthousiasme produit par de nou-
(i) Piochefort. Mémoire sur les moeurs des siècles héroïques . Hist.
d$ l Ace ad. Roy. des Inscript, etc. T. XXXVI. pag. 398 et suiy.
de la G r i d e. aa^
relies sensations, les jouissances d'une vie plus heureuse , Pexempîe,
l'émulation, le développement des vertus sociales, qui étaient étouf-
fées auparavant par l'intérêt privé , furent les causes qui concou-
rent à élever l'âme , et à allumer en elle cette ardeur puissante
et créatrice , qui peut seule enfanter les grandes choses. Mais cet
héroïsme , qui changea les mœurs de la Grèce , ne pouvait pas Décadence
' * & _ / r t l de l'héroïsme
conserver long-terris sa première vigueur. Il devait nécessairement dutem»
s affaiblir en proportion des progrès que fesait P la
,. civilisation
.,.. , et d'Homère:
s vaincus.
étaient incendiées et détruites jusqu'aux foudemens : les peuple* h
étaient massacrés ou mis en esclavage; les Rois égorgés, et leurs
cadavres jetés aux chiens et aux vautours; les enfans taillés en piè-
ces, et les Reines chargées de chaînes ou condamnées aux plus
vils emplois. Hector dit à Andromaque dans le VLe livre de l'Ilia-
de , que la chute d'Iîion la réduirait à s'entendre commander d'our-
dir la toile, ou d'aller puiser de l'eau à la fontaine de Mes-
séide ou d'Hypérée ; et on lit dans le XXIl.e livre les terribles
Europe. Vol, 1 30
z%4 Milice
prédictions de Priam et d'Hécube sur leur destinée future et celle
de toute leur famille , dans le cas où la ville de Troie viendrait
à tomber au pouvoir des Grecs. On trouve un affreux exemple de
cet usage dans la vengeance d'Achille, qui immola douze guerriers
Troyens sur la tombe de Patrocle , et. accabla d'outrages le cadavre
d'Hector , auquel il voulut que chaque soldat fit une insulte , ac-
compagnée d'un coup de dard ou de pique.
Solde Les Grecs, dans les tems héroïques, fesaient la guerre à leurs
des guerriers*
irais et sans aucun traitement. L'unique avantage qu'ils pouvaient
retirer de leurs exploits, était dans les dépouilles et le butin pris
sur l'ennemi , qui se partageaient équitabiement. Ce partage se fe-
sait par le chef suprême de l'armée , auquel par conséquent cha-
que soldat portait tout ce qu'il avait-pris à la guerre. C'est pour
cela que , dans l'Iliade, Achille se plaint, qn' Agamemnon auquel
il avait remis les dépouilles de vingt trois villes , n'en avait jamais
fait une juste distribution. Les chefs étaient dans l'usage de pro-
mettre,avant le combat, une portion choisie et plus considérable
du butin de l'ennemi, aux soldats qui se distingueraient par leur
valeur. Ainsi Àgamemnon promet à Teucer un trépied , un char
attelé de ses chevaux, ou une jeune fille des plus belles, selon son
choix , dans le butin qui se ferait à la prise de Troie. Il y avait
aussi des occasions, où les guerriers qui s'étaient illustrés par quel-
que action d'éclat, recevaient dans les banquets, comme marque
de distinction et d'honneur, une portion de viande plus considérar
ble et meilleure que celle des autres (i). Les esclaves faits à la
guerre pouvaient obtenir leur rançon avec de l'or ou autres objets
précieux. Chry-és, dans l'Iliade, offre à Agamemnon de riches pré-
sens pour racheter sa fille, et c'est aussi ce que fait Priam (2). On
pourrait citer une infinité d'autres exemples à l'appui de cet usage.
Conseils Nous avons déjà vu ailleurs que, dans les assemblées publiques,
d,
l'autorité des anciens Rois était balancée par la volonté des peu-
ples. Elle l'était également dans le commandement des armées.
Àgamemnon, le Roi des Rois, était bien le chef suprême de l'ar-
mée campée devant Troie, et il avait même le droit de vie et de
mort dans les batailles (3), où le commandement appartenait à lui
seul; mais hors de là, il ne pouvait rien sans l'avis du conseil. Ho-
mère distingue trois sortes de conseils de guerre. Le premier était
général, et formé de tous les soldats composans l'armée. Le second
et le neuvième livre de l'Iliade noos offrent deux exemples de ce
conseil , à l'occasion de la proposition qui y fut faite par Aga-
memnon de retourner en Grèce. On reconnaît encore dans les
(t) Eustath. ad Iliad. A. V. encore Poter. Arcliael. Gr. liv. I. chap. VIII.
(2) Hom. Odys. liv. XI. v. 261 et suiv.
(5) Cette description s'accorde parfaitement avec celle que donne So-
phocle dans les Trachlnies. Tels sont aussi les restes des murs cyclopéens ,
qu'on voit encore en Grèce et en Italie.
(4) Pour avoir des notions précises sur les fortifications des anciens
Grecs et les murs cyclopéens, il faut lire la belle dissertation de [Guil-
laume Hamilton dans \ Archéologie : or Miscellaneous Tracts , relating
ùo Antiqutiy etc. London , 1806, vol, XV. pag. 3î5.
Nous avons déjà observé ailleurs , que les principes des arts fu-
rent les mêmes presque chez tous les peuples , parce que leur position et
leur besoins furent les mêmes. Les restes des murs bâtis par les Incas ne
diffèrent guères des cyclopéens. Ypj. l'Atlas pittoresque du voyage de
de la Grèce. 2,37
étant saillantes , ou portées en dehors , elles défendaient le flanc
des murs , et donnaient aux assiégés l'avantage de pouvoir combat-
tre l'ennemi d'un point plus élevé., sans avoir beaucoup à craindre
de lui. Telles étaient les fortifications des forts ou citadelles que cuadvik»
l'art avait élevées dès les teras héroïques , et qui formaient com-
me une espèce d'appendice aux villes. C'était là qu'on renfermait
les choses précieuses et sacrées, et que se retiraient les prêtres
et les magistrats dans les tems de danger. Ces citadelles étaient bâ-
ties sur des rochers , sur des collines , ou sur le flanc des monta-
gnes,de manière à ce qu'elles pussent dominer sur la ville. La
plus fameuse était celle de Mycènes, qui avait une quadruple en-
ceinte de murs , et à la porte de laquelle on voyait deux figures
de lion en pierre. On y garda pendant long-rems les trésors d'A- mum
cyclojjsens
dans
trée. L'ancien Latium, dont les premières villes furent bâties, se- le LatiuiU.
puyent leur opinion sur le trait qu'on rapporte de Gapanée , qui fut ren-
versé d'un coup de foudre en voulant escalader les murs de la ville en-
nemie. Mais cette interprétation n'est qu'une faible conjecture , commune
à ceux, qui, à l'exemple de Bannier , croyent toujours voir quelque al-
légorie dans les traditions mythologiques. Car, si les machines de guerre
n'étaient point encore connues à l'époque de la guerre de Troie , comment
pouvaient-elles l'être lors du premier siège de Thèbes ? D'autres de , comme
nous l'avons dit plus haut , ont cru voir dans le fameux cheval Troie
une machine destinée à abattre les murs de cette ville : opinion que ,
sur la foi de Pausanias , Pline même semble avoir embrassée ■ mais Ho-
mère ,dans le VI. e livre de l'Odissèe v. 272 , dit clairement , que ce che-
val ne fut qu'une ruse grossière pour surprendre Troie , et non pour en
renverser les murailles. C'est donc à tort que Stace, dans ce vers
affirme que les villes de Pylos et de Messène ont fourni les machines
pour le siège de Troie, V. Heyne , Vkg. liv. II. Excursus III et VII.
DE LA GeÉCE. 2/jl
gordre dans tonte l'armée ennemie. Néanmoins les Grecs avaient su du camp.
Description
choisir pour leur camp une position heureuse 3 qui rendait difficiles
à l'ennemi les moyens de le surprendre. Ce camp avait devant lui
le Scamandre , qu'il fallait traverser pour aller vers la ville ; il était
divisé par des rues en plusieurs quartiers : au milieu , et en avant
le quartier d'Ulysse, était le forum âyopà , où se trouvaient les au-
tels des Dieux , et les magasins des vivres , et où l'on administrait
la justice: entre ces quartiers, il y avait des espaces vuides où se
célébraient les jeux funèbres , et dans l'un d'eux fut élevée la tombe
de Patrocle. Les vaisseaux fasaient partie du campement , ayant
été tirés à sec selon l'usage des anciens : ils formaient deux li-
gnes; l'une, du côté de la ville, qui se composait des vaisseaux
les premiers arrivés; et l'autre, au bord de la mer, qui compre-
nait ceux qui étaient arrivés les derniers. Il parait: que les Grecs
n'avaient pas pensé d'abord à fortifier le front de leur camp, croyant
sans doute avoir suffisamment pourvu à sa sûreté , en confiant la
garde des deux points les plus exposés, à deux de leurs plus bra-
ves guerriers, qui étaient Achille et Ajax. Mais ayant été re poussés
jusques dans le camp par les Troyens à la suite d'un combat san-
glant iils se mirent , d'après les conseils de Nestor , à construire de- tion
vant eux un mur de circonvallation (1). Dabord ils dressèrent en Circonvalla-
du Camp.
(1) Dans les tems héroïques il n'y avait pas encore de cavalerie propre-
ment dite. Néanmoins , quelques érudits ont cru voir la preuve du contraire
dans trois différens endroits des œuvres d'Homère. Le premier est dans le
liv. XX. de l'Iliade , où il est dit que Dioméde , aux instances de Minerve ,
monta sur les chevaux de Rhésus, et les conduisit aux vaisseaux des Achëens
laissant le char auquel ils étaient attelés, dans la crainte des Troyens. Le se-
cond est dans le liv. XV , où vVjax est comparé à un homme habile à
sauter d'un cheval à un autre , qui, ayant su atteler le premier quatre
chevaux de front , les poussa vers la grande ville par la voie publique :
exercice dont la difficulté prouve , que l'art de monter à cheval était déjà
porté à un haut degré de perfection. Le troisième est dans la description du
bouclier d'Achille , où le poète raconte que les assiégés ayant été surpris
par
l'ennemi montèrent sur des chevaux. Les deux premiers passages
ne
lent" dire autre chose sinon , que l'art de monter à cheval était connu veu-
dés les tems d'Homère ; mais on ne peut guéres en conclure, que,
les guerres héroïnes on fit usage de la cavalerie proprement dite. dans Ho-
mère n'aurait certainement pas oublié d'en parler, surtout s'agissant d'une
chose qui pouvait donner un nouveau lustre à son poème. Dioméde monte
*44 Milice
a deux roues ,. légers ., bas , et faits de manière à pouvoir y mon-
ter aisément par derrière. Les cavaliers , qui étaient en même
tems princes et capitaines, ne combattaient pas toujours de la mê-
me manière: tantôt ils s'élançaient avec leur char au milieu des
phalanges ennemies, et se fesaient jour à travers le plus fort de la
mêlée; tantôt ils en descendaient pour combattre à pied , sans s'en
éloigner, afin de pouvoir y remonter aussitôt qu'ils se trouvaient
vivement pressés par l'ennemi. Il y avait toujours deux guerriers
sur le char , l'un appelé nvio^oç qui combattait , et l'antre nommé
TcapaBârriç qui conduisait les chevaux. On voit par les vers i56
et 167 du XX.e livre de l'Iliade (i), qu'on savait déjà harnacher
les chevaux dans les tems héroïques. On mettait encore sur le char
les armes de l'ennemi qui avait été terrassé, et l'on y plaçait éga-
lement le cadavre du héros qui le montait, lorqu'il avait péri
sur les chevaux de Pihésus , mais par Tordre de Minerve , et pour em-
pêcher qu'ils ne fussent pris par l'ennemi , et non dans l'intention de
s'en servir pour combattre. Pour mieux représenter Ajax sautant d'un
vaisseau à un autre , il le compare à un homme habile dans V art de
sauter d'un cheval sur un autre ; mais une simple comparaison ne peut
pas tenir lieu de preuve ; elle n'a d'autre mérite que celui de fournir au
poète un moyen de rendre ses descriptions plus sensibles au peuple dont
il emprunte les idées , afin de faire ressortir d'avantage les objets qu'il
veut graver plus fortement dans l'esprit des lecteurs. Dans la description
du bouclier d'Achille , Homère emploie l'expression dont il se sert ail-
leurs pour désigner les cavaliers sur les chars , comme nous le verrons
plus bas. Nous reviendrons sur ce sujet à l'article de la milice des tems
historiques. On ne peut nier du reste que l'usage de ces sortes de chars
ne dût être sujet à beaucoup d'inconveniens. Un fossé , une haie , une
grosse pierre , un terrein inégal pouvaient aisément les faire verser , ou
les arrêter. Des deux guerriers qui étaient sur le char , il n'y en avait
qu'un qui combattait , ainsi l'autre n'était d'aucune utilité : ces chars
étaient attelés de deux, de trois et même de quatre chevaux, autre dé-
pense aussi superflue que nuisible pour l'armée. Il faut avouer pourtant _,
que dans les combats d'Homère , on ne voit guéres que des chars à deux
chevaux, et il parait même que le quadrige n'était en usage que dans
les jeux.
(i) Il parait que l'usage de ferrer les chevaux n'était pas connu de
même alors , quoique disent du contraire Eustase , et d'après lui Madame
Dacier. En effet , Homère n'en parle en aucun endroit , et Xéuophon.
n'aurait pas oublié d'en faire mention dans son traité sur la manière de
soigner les chevaux.
de la Grèce. 2Zj5
dans la mêlée. Ce char avait un timon, au bout duquel
1 était .un Forme
des chars-
Combat pour
le cadavre f^ Nous avons jusqu'ici
vu i '
ce qu'était l'art militaire chez les
de Pau-ode Grecs dans les tems héroïques. Avant d'aller plus loin dans nos re-
par Homère, cherches , nous croyons à propos de présenter à nos lecteurs , à
la planche 34, l'image d'un des combats les plus célèbres de la
, vol.
1796 (7) n.° 9. La peinture du vase représente un combat entre A-
PI. I.XLIX.
cjiille. et Memnon. Achille y est désigné par son nom.
de la Grèce. 253
Casque
livre de l'Iliade, v. 2$7, que les casques n'avaient pas tous, la cri- des jeunes ira lis.
nière ni le cône , et que ceux des jeunes gens n'étaient qu'en cuir
et sans crinière : motif pour lequel , en parlant du casque que Dio-
inède, le plus jeune des héros, avait reçu de Trasiméde en place du
sien , le poète dit qu'il était fait de cuir de taureau, sans frontal
et sans cimier , et ajoute qu'on l'appelait **t»n#l barbu , et que c'était
là la coiffure des jeunes guerriers. Nous croyons distinguer la même Casque
d'Amphion,
forme dans le casque d'Amphion , n.° 3 de la planche 35, qui est
pris d'un has-relief de la maison de plaisance Borghèse ; et tel est
aussi celui qu'a encore Dioméde dans une pierre précieuse que
possède le musée Stoschiano. Eustase nous apprend que les casques
d'Ajax.
s'attachaient avec une courroie , qu'Homère appelle ô%tus , et qui Casque
passait sous le menton (1). Voy. le n.°4, où est représenté le casa-
que d'Ajax fils d'Oïlée , copié sur une pierre gravée des Monumens desCasque
siinplej
antiques de Winkelmann (2). Les casques des simples soldats étaient soldats.
sans crête et sans crinière, et se terminaient insensiblement en un
bouton, ou en pointe, comme on le voit par celui d'Amphion,
ou en une surface lisse et convexe , comme celui du n.° 5. Ce pe-
tit casque de bronze est recommandable , dit M.r de Caylus , pour
l'exactitude de la forme et la précision du travail ; il nous montre
quelle était anciennement la forme particulière de cette arme chez
les Grecs Fai fait dessiner ce petit monument avec
tout le soin possible. (3). La planche 3^ offre, dans la bataille qui
y est représentée , l'image de plusieurs autres casques d'une forme Bonnet
singulière. Nous observerons pourtant , avant de finir cet arti- et doublure
ous Le casque:,
cle, que pour empêcher que la tête ne fut blessée par les cas-
ques de métal , on mettait par dessous un bonnet qui descendait
jusqu'aux oreilles, et était de laine au rapport d'Ammien Marcel-
lin : usage dont on trouve quelque trace dans Homère ( Iliad. X.
v. 2Ô5 ). Le casque était quelquefois garni intérieurement d'une espèce
(1) Eust. Iliad. III. v. 371.
(2) On voit également dans plusieurs monumens des casques avec la
courroie qui passe sous le menton, et Spallarcl en présente un qui est
pris d'un bas-relief de Grotta Ferrata près Fraseati. Versuch ùber das
Kostuni cler vorzùgltchsten Volker etc. Wien 1796. Ers t. Theil. F. n.° 6.
(3) Recueil cl' Antiquités Egyptiennes , étrusq. , grecq. etc. Tom. III.
pag. 235. Ce petit casque a deux pouces de long , sur un pouce et trois,
lignes de haut. Il semble avoir été fait pour un voeu , ou pur varier le.s
attributs de Minerve dans les petites statues des Dieux Lares.
âJ>4' Milice
de doublure, ou d'épongé (i). On peut donc conclure de tout ce que
nous venons de dire : premièrement , que la visière mobile n'était
point connue dans le tems héroïques ; secondement, que les artistes
du meilleur siècle de l'art n'ont jamais représenté les héros de l'an-
tiquité avec des casques garnis de joues ou comme d'appendices
pour couvrir ou défendre les joues (a); troisièmement, que l'u-
sage des panaches, ou des crêtes faites de plumes était également
inconnu.
Nous mettrons au rang des armes défensives Je la seconde espèce ,
celles qui étaient destinées à couvrir ou à préserver le corps du soldat.
Nous avons vu plus haut , que les anciens héros n'avaient pour armure
que la peau des animaux qu'ils avaient tués , et qu'ils portaient ces
dépouilles comme une marque de leur courage et de leur force : ce dont
les poètes nous offrent des exemples multipliés. Mais dans la suite,
ces mêmes guerriers ne dédaignèrent pas de se revêtir d'une armure
plus noble et plus solide, à laquelle on donna le nom de kJ/*ef ,
ou cuirasse. Elle était composée de trois parties. La première s'ap-
Ses parités.
Baudrier: pelait ft/rp» , ou le baudrier, qui était une ceinture faite de la-
mes de métal ; elle serrait le ventre au dessons de la cuirasse , et
était garnie en laine pour ne point blesser la peau. Homère dit
que la flèche lancée par Pandare contre Ménélas 3 après avoir tra-
versé toute l'armure du héros, s'amortit dans sa ceinture et n'atta-
qua que ta peau : elle pénétra jusqu'à la ceinture qu'il portait
pour lui servir de défense, et comme de plastron contre la pointe
des dards ; mais pourtant le trait la perça de part en part , et effleura
la peau du héros (3). La seconde, appelée le thorax, était la cui-
(i) Rec. d'Antiquités etc. T. II. pag. 279. Quelques-uns sont d'avis
que le nom de lorica donné par les latins à la cuirasse , dérive du mot
lorum , cuir , précisément parce que les plus anciennes cuirasses étaient
en cuir. V. Potter. Arch. graeca.
(2) Ad. IV. Iliad. pag. 991 et suiv,
DKBondffi"àixe«
de la Grec e. 2^7
remarque entre l'habillement militaire des Romains et celui des
Grecs , l'opinion de cet écrivain ne semble guères pouvoir se con-
cilier avec Pétymologie du mot , «.»gv^iT« qui dérive du verbe «wr^.»,
dont le sens est., lever ses vêtemens et montrer sa vergogne. Il est à
présumer, selon nous, que le vêtement dont parle Homère, n'était
qu'une espèce de tablier qui enveloppait les cuisses , ou bien en-
core la partie inférieure de la tunique qui s'attachait aux reins ,
pour ne pas embarasser le guerrier. L'autorité des monumens vient
en cela à l'appui de notre opinion. On voit à la planche XXXIX
du IL vol. des vases de Millin un jeune guerrier, qui se met la cui-
rasse par dessus sa tunique, laquelle est ceinte en deux endroits,
et laisse à découvert le bas des cuisses. Une femme , d'un air pensif
et affligé , lui présente de la main droite le casque et une bande-
lette ,et de la gauche le bouclier. Nous avons copié ces figures
sous les n.os 3 et 4 de la planche 87, telles qu'elles sont dans le
monument. Nous nous sommes contentés de donner, sous les n.os 6
et 7 de la planche 35 , les dessins de deux cuirasses pris l'un et Figures
l'autre des vases d'Hamilton; parce que cette armure ayant presque de cuirasse
toujours la même forme dans les monumens , et nos lecteurs pouvant
en voir un grand nombre dans la planche qui a pour sujet le com-
bat, où les Grecs et les Troyens se disputent le cadavre de Patro-
cle , il aurait été superflu d'en présenter une plus grande quantiîé
d'exemples. Dans la première, on ne voit pas les deux parties de
la cuirasse attachées sur les côtés, mais elles semblent au contraire
jointes ensemble sur la poitrine et aux reins par une espèce de
bande. On distingue dans l'une et l'autre , non seulement la tunique,
qui dépasse le bas du ceinturon , mais encore le manteau ou la
chlamyde, qui est attachée dans l'une sur la poitrine, et dans l'au-
tre sur le ventre: car la chlamyde était une des marques dïstincti- chiamyde.
vos de l'état militaire; elle se portait en tems de guerre sur îa cui-
rasse ,et en tems de paix sur la tunique. Sa forme en général était
celle d'un carié long: sa largeur était le plus souvent égale à la
distance qu'il y a du cou à la moitié des jambes d'un homme de
haute stature, et elle avait en longueur le double de sa largeur (1).
.flectuntque salignas
Jmbonum crates
nuls les coups des armes offensives , mais encore à heurter l'ennemi
et à le mettre en désordre. Mais il n'est pas aussi facile d'expli-
quer la manière dont les Grecs se servaient de cette arme dans les
tems héroïques : car on ne trouve nulle part dans Homère qu'elle
eût un manche , ou des attaches , ou quelqu'autre chose par où on
pût la saisir. Ce poète donne même à entendre clairement en plu-
sieurs endroits, que le bouclier s'attachait au cou avec une bande
de cuir qu'il appelle ni»/»«. Par ce moyen , le guerrier , au mo-
ment de combattre , le fesait glisser sur l'épaule gauche 3 et le te-
nait avec le bras gauche contre la poitrine : dans la marche il se
remettait derrière les épaules , et battait sur les talons. C'est pour
cela qu'Homère donne l'épithète de talare au bouclier d'Achille ,
et dit que ce bouclier tomba des épaules de Patrocle avec la ccm>
roie , lorsque ce héros fut blessé par Apollon (1).
Les boucliers , et surtout ceux des Princes ou des héros 3 por* Ornement
raient ordinairement à leur surface extérieure des figures d'aigles ,
de lions et autres animaux généreux qui y étaient sculptées 3 ou
l'image de quelque divinité, ou bien encore le tableau d'une par-
tie quelconque de la nature ou de quelqu'une de ses opérations :
usage qui , selon Hérodote , doit son origine aux Cariens. Ainsi
Ton voyait sur le bouclier d'Agamemrion une Gorgone; sur celui Bouclier
d'Ulysse un d'auphin , emblème de la navigation ; et sur celui d'Js«'»e»w°n.
de Parthénope un sphinx serrant un homme entre ses griffes. Le
n.° 8 de la planche 35 représente le bouclier de l'aîné des Atrides.
Il est pris d'un bas-relief qui a été trouvé dans les fouilles près de
Frascati , et a pour sujet, selon Winckelmann , la translation du
cadavre d'Hector. Mais il convient , pour en rendre l'intelligence
plus facile , de rapporter ici les propres paroles de cet illustre a n^
tiquaire : " On voit ce bouclier , comme celui d'Agamemnon ,
" décoré au milieu , ainsi qu'il était d'usage , d'une tête de Mé-
«« duse ; et cela à limitation de celui de Pallas, au milieu du-
(1) Iliad. XVI. v. 802. Voici ce que dit Goguet du défaut de ces
boucliers , et de la difficulté de les manier. Cette arme ne pouvait être
que d'une faible utilité } et devait causer beaucoup d 'embarras et d'in-
com odité ,eu égard surtout à son volume immense. Comment un sol-
dat pouvait-il se battre ? à peine était-il en état de se remuer. Il ne
devait pas avoir les mouvemens libres. D'ailleurs on perdait la princi-
pale utilité du bouclier , qui parlait avoir été particulièrement destiné à
parer les coups qui menaçaient la tête.
a6a Milice
« quel la Déesse plaça cette tête , qu'on suppose encore avoir été
« ainsi employée, pour donner plus de courage aux guerriers, qui
« en effet se croyaient, en la portant, à l'abri de tout événement
« sinistre; ensorte qu'elle était pour eux une espèce d'amulette .
« Les têtes de Méduse qu'on voit sur les boucliers et autres armu-
« res, sont ordinairement applaties et tirées dans le sens de leur
« largeur, comme celle d'un visage qu'on aurait écorché. On trouve
*< une preuve de la haute antiquité de cet ornement dans la notice
« qui nous est parvenue sur le bouclier, qu'en partant de Troie,
« Ménélas suspendit dans le temple d'Apollon , appelé Branchide
« chez les Milésiens , auquel il en fit hommage : il y est dit que
« Pitagore le trouva réduit en putréfaction, en ce qu'il était de
<« peau , à l'exception de la tête de Méduse en ivoire qui était au
" milieu. Cet ornement est blanc également dans les boucliers qu'on
« voit représentés sur deux vases en terre cuite de la Bibliothèque
« du Vatican , sans doute pour indiquer que cette partie de l'ar-
(i mure présentait un ouvrage en ivoire : . cet ouvrage étant d'une
" matière différente que celle du bouclier, il est à présumer qu'il
« y était fixé par des clous (i). „
Bouclier Mais de tous les boucliers héroïques, le plus célèbre est ce-
lui dont il est parlé dans le XVilï.e livre de l'Iliade, et que le
poète feint d'avoir été fabriqué par Vulcain pour Achille. Nous
croyons à propos d'en donner le dessin à la planche 36 , en pre-
nant pour guide la description savante qu'en a faite M.r Quatremère
de-Quincy (2). Les événemens et les usages qui y sont représentés
n'appartenant pas tous à l'art militaire, nous n'en exposerons les dé-
tails que successivement et à mesure que les occasions s'en présenteront
dans cet ouvrage , nous bornant pour le moment à ne décrire que
les parties de ce bouclier qui ont rapport à l'art militaire , et à
ne faire que la simple énumération des autres. Ce ne sera pas nous
écarter non plus de notre but , que de remarquer en passant les
questions presqu'infinies auxquelles il a donné lieu parmi les cri-
tiques et les savans. Ceux qui voudront voir ce sujet traité à fond
pourront consulter , parmi un grand nombre d'autres écrivains ,
Dacier , Pope, Goguet , Caylus, Cesarotti , Lessiugs, Hancarvilie,
le n.° 10 V'océan. Mais comme nous ne devons nous occuper ici que
de ce qui regarde la milice , nous allons rapporter littéralement
ce que dit Homère de la ville en guerre, qui fait le sujet du n.° vuie
8^ L'autre ville était étroitement cernée par deux armées qui V as-
en guerre
siégeaient ,et dont les guerriers étaient revêtus d'armes éclatantes .
Le conseil des assiégeans était divisé d'opinions* Les uns voulaient
que la ville fût mise au pillage , les autres quon fît le partage de
tout ce qu'elle renfermait. Mais de leur côté les assiégés n'étaient
pas disposés à se rendre , ils se préparaient au contraire en secret
pour un coup de main. Les femmes et les en fans étaient restés sur
les remparts avec les vieillards retenus par l'âge, pour en faire la
garde. Les autres s'étaient mis en marche, précédés de Mars (t de
P allas , qu'il était aisé de reconnaître à leurs vêtemens tout brillans
d'or , à l'éclat de leurs armes , et surtout à la hauteur et à lu n a-
jesté de leur taille , tandis que les guerriers étaient d'une stature
un peu inférieure. Arrivés à un lieu qui leur paru propre à C em-
buscade qu'ils méditaient , et qui était l'endroit où les troupeaux ve-
naient s'abreuver , Us s'y cachèrent enveloppés dans l'airain resplen-
dissant dont leur armure était faite. Ils avaient à l'écart deux es-
pions ,pour observer la marche des troupeaux de moutons et de bœufs.
Un de ces troupeaux vint en effet, suivi de deux pasteurs, qui
comme l'histoire des opinions, des usages, des arts, des sciences et
des mœurs propres au teros d'Homère, ou dont la tradition avait
jusques là perpétué le souvenir. C'est pourquoi le poète que nous avons
cité plus haut , donne avec raison à l'immortel auteur de ces deux poè-
mes le nom de , Premier peintre des relations historiques de l'antiquité.
Pourquoi ne uous serait-il donc pas permis de suppléer au manque
de monumens, et d'emprunter les secours du dessin , de la gravure ,
et de la peinture, pour la représentation des ohjets ou des choses ,
dont le poète nous offre non seulement la description, mais encore
pour ainsi dire le modèle? Et n'est-ce pas ainsi qu'ont fait Flax-
man , Bartolozzi , Tischbeîn et une foule d'autres artistes renommés ,
tant d'Italie qu'ultramontains ? La seconde observation, c'est que les
monumens même que nous avons concernant des faits qui ont eu
lieu durant la guerre de Troie , appartiennent à des tems posté-
rieurs au siècle d'Homère; de sorte que les auteurs de ces ouvrages
n'ont fait que suivre les traces du poète dans la représentation des
événemens historiques qu'ils y ont figurés. Nous ne croyons donc
pas qu'on puisse nous faire un reproche, d'avoir voulu, à leur
exemple, donner la description graphique de certains faits, dont
l'antiquité ne nous a laissé aucun monument.
Les armes dont nous avons fait mention jusqu'à présent, n'é- -*■««
taieot à proprement parler que défensives: il nous reste mainte- °Jfenswes'
liant à discourir des armes offensives. Anciennement, les peuples
ne se servaient, pour attaquer, que des armes que leur fournissait la
nature, telles que les pierres, les massues, le feu, les cornes et
les ongles. On ne connaissait pas alors ces machines fatales , dont
une cruelle nécessité, et la coupable soif de l'or et de la gloire
firent inventer l'usage. C'est ce qui a fait dire à Horace, en par-
lant de ces tems reculés ,
Massue. Ainsi la massue est l'arme propre des héros appartenans aux tems
fabuleux, et la plus ancienne; l'antiquité de son origine est peut-
être ce qui l'a fait prendre pour signe emblématique de la tragé-
die , comme on le voit souvent dans les monumens. Cette arme était
tantôt de cuivre, ou de fer, et tantôt garnie de pointes, surtout à
son extrémité. Telle est la massue que tient dans sa main droite
une statue de Mars transportée d'une peinture antique dans les mo-
numens de Winckelmann : voy. le n.° 3 de la planche 38. De fer
était aussi celle d'Aréitoùs , surnommé dans Homère le clavigère,,
parce qu'il ne fesait usage d'aucune autre arme que de la massue (i).
Mais depuis que la nature a dû céder aux efforts d'une sagacité
ingénieuse et barbare } dans l'art de créer de nouveaux instrumens
pour moissonner la vie des hommes, la massue a fait place aux
lances, aux dards, aux épécs, aux flèches et aux javelots.
p^ue ou lance. Dans la pique ou la lance, nous avons deux parties à distin-
guer ;la première , c'est le fut qui était de bois , et le plus sou-
vent de frêne. C'est pour cela que Pline, en parlant de cet arbre,
dit: Procera haec ac turcs, pennata et ipsa folio , multumque Ho~
mcri praeconio , et Jchillis hasta nobilitata (a). La seconde est la
cime qui était en cuivre, ayant la figure d'un dard, ou pour mieux
j)çuiie peinte, dire, de deux pyramides tronquées, jointes ensemble par la base,
dont les côtés étaient tranchans, et le sommet très-aigu. Du tems
d'Homère cette arme avait quelquefois deux pointes, l'une à cha-
que bout du fût , avec cette différence pourtant , que celle d'en
bas était plus étroite et moins longue que celle d'en haut. Voy. le
n.° 9 de la planche 35 , où est représentée une lance des tems
d'Homère, prise des monumens de Winckelmann. La pointe d'en bas
servait à ficher la lance enterre après le combat (3). Quelquefois le
guerrier agitait sa lance en plusieurs sens de manière à frapper avec
ses deux pointes (4)- La lance levée, droite, et comme immobile
était le signal pour parlementer, ou demander une suspension d'ar-
mes (5). Néanmoins la lance ordinaire, c'est à dire celle des sim-
ples soldats, n'avait pas de pointe à son extrémité inférieure, ainsi
qu'on le voit au n.° 10 de la planche 35, (pi est pris des monu-
mens de Winckelmann. Outre tout ce que nous venons de dire des
lances en général , il est encore à remarquer que les anciens écri-
vains en distinguent de deux sortes; les unes servaient à combattre
de près ., et les Àbans (1) sont célèbres dans Homère par leur adresse
à les manier; les autres se lançaient de loin contre l'ennemi, et
peuvent se ranger par conséquent dans la classe des dards et des D"râ.
javelots. Et en effet il est parlé dans le VIII.6 livre de l'Odyssée
d'un certain Thrasoa , qui se vantait d'être plus sûr d'atteindre un
Lut avec sa lance, qu'aucun autre ne pût le faire avec une flèche.
Mais il n'est pas facile d'indiquer la différence qu'il y avait entre
ces deux espèces de lances. Il parait que celles-ci étaient moins
longues, plus légères et sans pointe au talon. Cette espèce de dard
ou javelot était quelquefois attaché vers le milieu à une corde ou
courroie, pour donner plus de facilité à le lancer. Voy. le n.° 11 de la
planche 35 pris des vases Grecs de ïischbein. Les héros de la guerre
de Troie en portaient ordinairement deux. La lance proprement
dite ne dépasse guères dans les monuraens la tête du guerrier. Ainsi
sa longueur ordinaire pouvait être d'environ un mètre et 95 c. , ou Longueur
de deux mètres et 11 c. , c'est-à-dire de six pieds, à six pieds et delala»c3'
demi (2,). On voit pourtant aussi des lances fort-lougues, dont l'usage
était particulier aux guerriers qui combattaient sur des chars; et
telles étaient, à ce qu'il semble, celles dont se servirent les Grecs
pour défendre leurs vaisseaux, et qu?on appelait pour cela novrôi (3).
Il y en avait aussi -d'extrêmement pesantes , et de ce nombre était
celle d'Achille, qui, au rapport d'Homère, ne pouvait être maniée
par ancun autre héros (4)- Les combats s'engageaient ordinairement
à la lance , et les guerriers ne se servaient de leur épée que lors-
que la première s'était brisée , ou après l'avoir lancée contre l'ennemi.
L'épée n'était pas plus longue que le bras d'un homme. Elle fyfy
allait en s'élargissant un peu vers les deux tiers de sa longueur , et
0) lliad. IL y. 544.
(2) V. gncyclop. méthod. Antiq. PI. f. I- pag. 5i.
(3) Du verbe xovteÎv } qui veut dire, pousser le navire pour le faire
aller en avant.
(4) En tems de paix la lance se gardait soigneusement dans un étui,
ou dans une armoire. On lit dans le premier livre de l'Odyssée, v. 529,
que Télémaque ayant' pris la lance de Minerve, la mit dans une belle
armoire, qui renfermait d'aujres lances à'Uljsse le souffrant.
^7© Milice
se terminait en une pointe peu aiguë. Telle est la forme qu'a celle
des héros Grecs, dans les peintures des vases antiques et dans les
bas-reliefs: Voy. les n.os 4 et 5 de la planche 33; on pouvait s'en
Garde. servir pour frapper d'estoc et de taille. La garde se terminait
par un pommeau, qu'on appelait f»»arç<r* qui veut dire champi-
gnon, parce qu'il en avait le plus souvent la ligure (1), ainsi que
le bout du fourreau, qu'on désignait aussi sous ce nom. Ce four-
reau était d'une largeur partout égaie. Le n.° 12, de la planche
35 représente une épée dans son fourreau : Winckelmann l'a co-
pié d'une pierre antique, sur laquelle ce savant antiquaire croit
voir Achille retiré dans son camp. On y aperçoit cette épée accro-
chée au tronc d'un arbre. Les héros la portaient suspendue à un
Baudrier, baudrier qui leur passait par dessus une épaule. Elle leur pendait
ainsi sous l'aiselle gauche dans une position fort-peu inclinée, en-
sorte que la garde touchait la mamelle du même côté. Le ceintu-
ron était une espèce d'écharpe , ou même une simple bande de
cuir, comme il semble qu'était celui de l'épée, dont Achille fit
présent à Dioméde (3). Cette écharpe était nouée par un des bouts
vers le bord ou l'ouverture du fourreau , et s'y rattachait par l'au-
tre bout, après avoir passé par dessus l'épaule droite. C'est ainsi
que les guerriers portent ordinairement l'épée dans les statues an-
tiques, et Winckelmann en prend argument pour recommander
aux artistes de ne point s'écarter de cet usage (3). Au fourreau
Poignard. était encore souvent suspendu un poignard, dont les Grées, à ce
qu'il semble , se servaient rarement dans les combats , et qui plu-
tôt leur tenait lieu de couteau pour leurs besoins particuliers : on
en trouve un exemple dans le III.6 livre de l'Iliade où il est dit,
qu'Atride ayant tiré avec ses mains le couteau qu'il portait toujours
pendu au fourreau de son épée , il coupa le poil de la tête des
agneaux. Il n'est guères facile de déterminer la forme de ces poi-
gnards, àcause de la petitesse des dimensions qu'ils ont dans les
monumens , et de la peine qu'on a à les y distinguer. Homère dit
dans le XV. e livre de l'Iliade, que tes beaux couteaux dont les
Grecs et les Troyens firent usage dans le combat qu'ils se donné-
,
Il est -,
aisé, de
, voir
, , par tout ce.que nous, venons
-, d'exposer
«T-r . • ,-t.
que Matière
des armas.
les armes des héros étaient en cuivre , métal qu Homère indique Cuwre.
presque toujours pour être la matière dont elles étaient faites. Hé-
siode dit aussi qu'elles étaient de ce métal , dont on fesait encore
usage dans la construction des maisons,, parce que le fer n'était pas
connu (3). Pausanias en offre une foule d'exemples , qu'il est inu-
tile de rapporter ici. Plutarque dit, dans la vie de Thésée, que Ci-
mon fils de Miltiade, trouva dans le tombeau de ce héros à Saros
ses armes d'airain (4) parmi ses ossemens. A l'appui de toutes ces
observations ou peut encore citer ces deux vers de Lucrèce :
Posterius ferri çis est aerisque reperla ;
Sed prlus aeris erat } quarn ferri cognilus usus.
(1) Tout ce qui est dit ici des Lacédémoniens doit être pris dans un
sens général : car la Grèce a encore eu d'autres républiques qui sont par-
venues àce degré de prééminence par l'effet de quelqu'événement heu-
leux , témoins les Thébains qui , sous la conduite d'Epaminondas et de
Pélopidas , s'élevèrent tout à coup , de l'état le plus abject , aux honneurs
du premier rang , et eurent pour quelque tems une brillante existence.
(2) Poùer. Arch. gmeca, liv. III. c. I.
DE LA GeÉCE. 2-77
(1) Lycurgue avait prescrit qu'on donnât aux camps la forme circu-
laire ,afin d'éviter les angles du carré qui sont inutiles % et même une
cause de faiblesse. V. Xenop. de Lacaed. Repub.
(2) Qvhch^àç confecCum agmen , troupe serrée.
de la Grèce. 279
dix capitaines avaient tour à tour le commandement en chef, e£
pour un jour : comme ils étaient égaux en pouvoir , il était arrivé
souvent que cinq étaient d'un avis et cinq d'un autre , ensorfe que
les délibérations les plus importantes se trouvaient ainsi paralysées.
Pour remédier à cet inconvénient, on adjoignit aux dix capitaines
un Polémarque , dont le suffrage avait la prépondérance dans les Polémarqn
conseils de guerre. Les premiers étaient nommés par le peuple , et
leur emploi ne durait qu'un an ; c'est pourquoi il n'y avait guères
d'opérations militaires, qui ne fussent toujours achevées par de nou-
veaux chefs. Il ne faudrait pas beaucoup de raison nemens pour prou-
ver le vice d'un pareil système , et combien la constitution mili-
taire des Athéniens était inférieure à celle des Spartiates. Aussi
Plutarque cite-t-il dans ses Jpophtêmes ce mot célèbre de Philippe »
père d'Alexandre le Grand : j'admire , dit-il , le bonheur des Athé-
niens je
; ne leur ai trouvé dans toute ma vie qu'un seul général 9
qui est Parménion ; mais, pour eux, ils savent s'en trouver un
tous les ans. Les Stratèges étaient obligés de rendre un compte ri-
goureux de leur conduite; c'est pourquoi il fallait, pour être ap-
pelé au commandement des troupes , avoir des enfans et un champ
dans le territoire de l'Àttique , afin d'offrir une garantie suffisante
dans tout ce que l'homme peut avoir de plus cher et de plus pré-
cieux. Il y avait cependant des cas extraordinaires où l'on donnait
le commandement de l'armée à un seul capitaine , qu'on appellait
Avroxpàt&p , ce dont on trouve plusieurs exemples dans Plutarque.
Ainsi Aristide commandait en chef à la bataille de Platée, et cet
honneur fut décerné par le peuple à Phocion quarante cinq fois.
CommanoLe-
vient générai
Après les Stratèges venaient les Tassiarques , qui étaient aussi au et absolu..
(i) Escliile nous donne la preuve la plus convaincante de cet usage dans
sa tragédie d'Agamemnon Après avoir annoncé la prise de Troie , Clytem-
nestre est priée par le Choeur de dire comment elle a su cette nouvelle , à
quoi elle répond ainsi : nous en sommes redevables à Vulcain; l'éclat de ses
feux est; arrivé jusqu'à nous : un signal a fait allumer un autre signal.
Les premiers feux qui ont été aperçus sur le mont Ida , ont fait allu-
mer ceux du mont consacré à Mercure dans Vile de Lemnos, L'éten-
due des eaux qui sépare cette ile du mont Alhos à été b tentât éclairée
par des flammes } et le mont de Jupiter a été aussitôt couvert d'autres
feux De longues traînées de lumière , sont arrivées jusques sur
le mont Arachnê (c'était l'endroit le plus prés d'Àrgos, et du palais des
Atrides \ Voilà comment nous est parvenue la grande nouvelle que je
vous annonce, y. Aesch. Agam. vers. 289 et suiv.
a86 Milice
les plus fâcheux, soit par les retards qu'elle pouvait occasionner au
moment d'une action, soit par les facilités qu'elle offrait à la trahi-
son, comme il arriva, au rapport de Thucydide, dans le combat entre
les Athéniens et les Syracusains. Les sentinelles étaient de deux sor- Sentinelles,
tes, les unes diurnes et les autres nocturnes: il y avait des capitaines
ou préfets qui parcouraient le camp de nuit , pour s'assurer de leur
vigilance. Quelquefois encore on sonnait tout-à-coup une petite clo-
che appelée niman , à laquelle les sentinelles étaient obligées de ré-
pondre par un cri: sur quoi on peut voir Svidas et Aristophane dans
les Grenouilles. Il était défendu aux sentinelles de Sparte d'avoir un
bouclier, pour que la privation de cette arme défensive les rendît plus
attentives à ne pas se laisser surprendre par l'ennemi. Svidas , et le
Scholiaste de Thucydide, mettent encore au nombre des signes du
commandement les enseignes militaires , qui , levées , étaient le si- Enseigne»,
gnal du combat, et baissées celui de la retraite. Nous avons vu
dans Homère , qu'Agamemnon agita en l'air un morceau de pour-
pre pour rallier les soldats. Dans les tems historiques , l'enseigne
consistait en une espèce de casaque de pourpre ou autre cou-
leur , attachée au bout d'une pique (a). Cette casaque portait
l'image de quelqu'animal , ou autre objet allégorique à la ville
à laquelle elle appartenait. Ainsi Athènes avait sur ses ensei-
gnes une chouette et un olivier, parce qu'elle était consacrée à
Mercure ; à Thébes c'était un sphinx en mémoire du fameux
monstre tué par (Edipe ; à Mécènes la lettre M des Grecs, et à
(1) V. Potter. Arch. Gr. liv. III, cliap. XIV. Pindarl Scholiast.
Ode VI. Olymp. Plut, in Lysandro.
(2) Voy. Potter, ainsi que Polybe vers la iin de son second livre.
'a88 « Milice
Lacédémone le A (i). Nous avons déjà vu, qu'à l'époque des teim
Trompettes, h 'roïques , on ne connaissait pas l'usage de la trompette dans les
combats, car Homère n'en fait mention que dans les comparaisons
qu'il prend du costume de son teras , comme le fait observer Eus-
tase (a). Or ce Scholiaste nous apprend, que les trompettes en
usage chez les Anciens (3) étaient de six sortes différentes , sa-
voir; la trompette de Minerve, celle d'Osiris , celle des Calâ-
tes, la Paphlagonique , la trompette des Médes , et la Tyrrhé-
nienne. Cette dernière parait avoir été celle qui était la plus usi-
Trompeue tée chez les Grecs (4). On raconte qu'ils la tenaient d'un Tyrrhé-
jnwiuenne. ^^ nomm£ Arcondas, qui était venu au secours des Héraclides ,
environ quatre vingts ans après la prise de Troie. Cette trompette
était longue, droite, avec une ouverture très-large, et elle rendait
(i) Les anciens monumens ne nous offrent aucune trace delà forme
des enseignes militaires : car il ne faut point prendre pour telles , comme
nous le verrons ailleurs , les banderolles qu'on aperçoit entre les mains
de quelques cavaliers dans les peintures des vases Grecs. Gonon et Cléo-
anène firent aussi usage d'un manteau rouge attaché au bout d'une lance
en guise de signal. V. Polyen. Sbrategem. , Conon. et Plutarch. in Cleo-
mene. Gurtius rapporte aussi qu'Alexandre , pour suppléer au son de la
trompette que ses soldats n'entendaient pas bien , perticam quae undique
conspici possit , supra praetorium statua. Ex qua signum eminebab
pariter omnibus conspicuum , et il ajoute que observabatur ignis noctu ,
fumus inberdiu, Liv. V. chap. 2. §. 7.
(2) Eustat. Tom. II. pag. ii5g lign. 54 et suiv. édib. de Rome.
(3) Avant l'invention des trompettes , on se servait de conques mari-
nes ou de buccins. Quum vero a Tyrrhenis , dit Tzetzè , Comment, in
Lycophr. Cassandram , invenbae fuere tubae , tum vel buccinandi con-
„ suetudo per cochleas cessavib. Ce Scholiaste croit néanmoins que la trom-
pette était en usage dés la guerre de Troie , induit en erreur sans doute
par le 219e vers, du VI. e livre de l'Iliade., où Homère prend une com-
paraison du son de la trompette. L'opinion de Tzetzé est combattue par
Politi , qui, au contraire, loue Lycophron de ce que apposite ad personam
Cassandrae loquentis , Heroicorum , seu Trojanorum temporum morem
sitnpliciter repraesenbaverib , cum , ante inventant bubam , concha seu
buccina utebantur. Quod enim Homerus tubae ebiam apud Graeeos
meminerib , non pro Trojanis certe bemporibus , sed pro bemporibus suis
ipse esb locubus. Ad Iliad. E. pag. 1288 num. 6.
(4) Diod. de Sic. liv. V. Sophocl. Scholiast. dans Ajac. , v. i5. Clé-
ment d'Alexandrie Stromabum liv. I.er On pourrait encore joindre au té-
moignage de ces écrivains celui de plusieurs autres.
de la Grèce. 2,89
un son aigu et clair, auquel Ulysse dans Sophocle compare la voix
de Minerve (1). Nous pensons que telle est celle dont se sert le
guerrier représenté à la planche XXXVIII des peintures des vases
Grecs de Millingen , vêtu d'une chlamyde et d'une tunique riche-
ment brodée , pour ranimer le courage des Grecs dans une bataille
contre les Amazones. Voy. le n.° 1 de la planche 4° (a)« ^ est
encore fait mention tlans Végéce d'une autre espèce de trompette,
Buccin.
qu'il dit être de cuivre ou autre métal, et se replier sur elle même
en forme de cercle (3). Mais comme cet auteur parle de la milice
Romaine, nous ne samious guères décider, si ce qu'il dit à ce sujet
peut toujours s'entendre des Grecs: car nous n'avons trouvé jusqu'à
présent dans les monumens , rien qui puisse résoudre cette ques-
tion. Nous ne pouvons donc rien dire de positif sur la forme de la
trompette de Minerve , qu'Eustase a été le premier à nous désigner.
Néanmoins nous croyons à propos , pour complément de nos recher-
ches, de représenter au n.° a, une trompette spirale, qu'on voit Trompette.
dans les peintures des vases d'Hamilton, et qui pourrait bien être sPirale-
le buccin des Grecs (4)- Dans l'original , le guerrier qui porte la
trompette précède un quadrige. Il tend la main droite , en signe
d'hospitalité ou d'amitié , à un vieillard qui est assis sous un por-
tique. Au bout de cette trompette pend un morceau d'étoffe ou de
toile , dont on ne peut distinguer précisément la matière (5).
Les détails dans lesquels nous sommes entrés sur les armes des
tems héroïques s ne nous laissent que peu de chose à dire mainte-
nant sur celles des tems historiques ; car , à la réserve de leur plus ou
moins de grandeur, ces objets n'ont éprouvé que fort-peu de varia-
tion. A commencer par les casques , on remarque qu'ils conservèrent Casques,
toujours à-peu-près la même forme ; mais les changemens qui se
firent clans leurs diverses parties et leurs ornemens furent si mul-
tipliés ;,qu'il serait difficile de les classer par ordre. Ajoutons à cela
l'embarras où l'on est, de pouvoir distinguer les casques Grecs des
Romains. Dans les monumens des tems historiques , on trouve quel-
quefois des casques avec le frontal qui parait avoir été mobile. Tels Frontal
mobile •
(1) On lit dans Plutarque que le casque du Roi Pyrrhus était sur-
monté de deux cornes de bélier. On voit dans le Musée Capitolin ( Tora.
III. pi. 48 ) une statue , que quelques antiquaires ont prise pour celle du
$oi Pyrrhus , et dont Spallart a tiré un superbe casque , qu'il donne com-
me authentique. Mais il a été solidement réfuté par Winckelmann , Echel que
et Visconti. Ce dernier antiquaire croit reconnaître au contraire le Dieu
Mars dans cette statue. Lens et Roceheggiani , partageant l'opinion vul-
gaire l'ont
, aussi rapportée comme représentant le Roi Pyrrhus.
(2) Lens. Le costume etc. par Q. H. Martini pag. 77 et 78.
Europe, F^qI. If 3§
29B Milice
tems le diadème ; car Alexandre ayant blessé Lysimaque au front
en poursuivant l'ennemi, délia son diadème pour bander sa plaie (1),
On vit ensuite les Empereurs Bysantins avec des diadèmes galeati^
ou des casques qui ont à leur partie inférieure un diadème , enri-
chi quelquefois de perles et de pierres précieuses, usage dont nous
avons déjà parlé à la page 206. Mais ce fut principalement sous-
Huxeiani les successeurs d'Alexandre que la richesse, le luxe et la magni-
des successeurs fïcence furent étalés , non seulement dans le casque 3 mais en-
d' Alexandre. iAin it
core dans toute 1 armure : les ,
deux camées ,.
précieux rapportés sous
les n.° 1 et a de la planche fa nous en fournissent un exem-
ple. Nous avons déjà donné à la planche 10 n.° 4 du costume des
Egyptiens, copie du beau camée représentant Ptolémée II Phi-
ladelphie savec Arsinoè fille de Lysimaque , sa première fem-
me. « Les ornemens du casque et de l'armure , dit Visconti dans
son Iconographie Grecque , y sont dignes de remarque. Un grand
serpent ailé déploie ses replis sur la partie la pins convexe du
casque: c'est le serpent de Gérés, divinité que les Grecs d'Ale-
xandrie confondaient avec l'Isis des Egyptiens. L'astre Sothis , ou
la canicule, consacré par Memphis à celte Déesse, brille au des-
sus de la tête du serpent. Ce casque est ceint d'une couronne de
laurier. La belle chevelure de Philadelphe , qu'un poète Grec
contemporain chanta dans ses vers, retombe en boucles ondoyantes
sur son cou (a). La divine égide faite eu écailles, et garnie de ser-
pens , lui tient lieu de cuirasse: on y voit le masque de la Gorgo-
ne ï et un autre masque barbu avec des ailes aux tempes : c'est
sans doute l'image de Phobos, Dieu de la terreur, qu'Homère avait
déjà placé sur cette fatale armure (3) , qui eut des temples à Ro-
me , et que les Grecs regardaient comme le fils et le compagnon
de Mars „ (4). Le camée n.° 1 qui se voit dans le cabinet Impé-
rial de Vienne , n'est pas moins admirable. Il représente égale-
ment Philadelphe , mais moins jeune : ce qui donne à penser que
(1) Cette peinture est prise de la planche X.LI. vol. i.er des vases
de Miilin. Ce commentateur habile est d'avis , que le personnage qu'on y
voit représenté, est Issipile donnant à boire à deux héros de la première
guerre de Thébes. Ce ne serait pas là le seul exemple que nous ayons
d'un fait héroïque , exprimé sous des traits qui ne convienent peut-être
pas au teins où il eut lieu. Miilin observe que le petit corps circulaire
qu'on aperçoit dans le champ de la peinture , représente un gâteau sa-
cré ,ou un de ces emblèmes religieux ou mistiques , qu'on rencontre sou-
yent sur les vases, pour indiquer qu'ils ont servi aux initiations.
(2) On trouve encore une cuirasse semblable à la planche LV. du
i.er vol. des vases d'Hamilton , édition de Naples.
(3) Au sujet des HèXtai , pehae , voy. la note n.° 17 de Larcher
gnj le premier livre de l'Expédition de Çyrus dans l'Asie supérieure,
de la Grèce. Soi
(1) M.r l'abbé Fourmont , dans le voyage qu'il fit au levant en 1729
et 1730 , découvrit parmi les ruines du temple d'Apollon à Amiclée , ville
de Laconie , située au pied du Taigéte , trois boucliers Spartiates , dont
deux étaient sculptés en relief sur une pierre d'un gris obscur , et le troi-
sième sur une pierre presque noire. Ils étaient de forme ovale , qui cepen-
dant se terminait en pointe aux extrémités de sa longueur , à l'exception
du troisième , dont une autre pierre sur laquelle il était posé comme un
trophée , ou comme un monument sépulcral , ne permettait guéres de dis-
tinguer lapartie inférieure. Le premier de ces boucliers avait 3 pieds et
8 pouces de longueur , sur 2 pieds et 8 pouces de largeur , et 6 pouces
d'épaisseur. Il n'avait qu'une seule écbancrure t ce qui donne à présumer
que le guerrier ne s'en servait que de la main droite. A l'une des extré-
mités était gravée la lettre a , et à l'autre la lettre k, qui _, selon M.r Four-
mont , indiquent le mot aaiun. Au milieu était une massue , sur un des
côtés de laquelle on lisait en Grec Archidamus , et cle l'autre Agesilavi
filius. Voy. Y Histoire de V Académie Royale des Inscriptions etc. Tom^
?LVI. pag' 10 1.
Sôa Milice
ques de Winckelmann , et laisse distinguer suffisamment la disposi-
tion des anses ou liens , par le plus grand desquels , qui est vers
le milieu du bouclier, le guerrier passait son bras , et saisissait avec
la main l'autre plus petit qui est vers le bord (i). Au contraire
dans les boucliers ovales > le plus grand de ces liens se trouvait
ïdta. au bord , et non au centre. La pelta était un bouclier petit , léger
et facile à manier ; elle avait d'un côté une échancrure , qui lui
donnait la forme d'une demi-lune. Ce bouclier était particulier aux
Amazones et aux Thraces , avec cette différence , que celui des
Amazones n'avait qu'une échancrure , tandis que celui des Thraces
en avait deux. Il est inutile que nous en retracions ici la figure ,
après ce que nous en avons dit en parlant des Amazones. Nous
observerons seulement que les Grecs , ainsi que les autres peuples
Emblèmes snr de.l'antiquité
ies boucliers. .. - 3 portaient . sur
. Ainsi,. . leurs
. .boucliers
, ' . l'emblème de leur pa-
trie ou de leur nation. les Athéniens avaient pour la plupart
sur le leur une chouette, les Mycéniens un lion, les troupes d' A r-
gos un loup , les Macédoniens et les Thessaliens un cheval , et les
Siciliens la Triquetra , qui était une figure composée de trois jam-
bes, représentant les trois caps ou promontoires de la Sicile. Au
lieu de cet emblème, on ne voyait quelquefois que la lettre initiale
du nom de la ville à laquelle le guerrier appartenait; c'est pour-
quoi on lisait la lettre A sur les boucliers de Lacédémone , et la
lettre A sur ceux d'Argos: d'autres fois aussi ces lettres s'y trouvent
réunies avec les emblèmes (a).
Surisse, Quant aux armes offensives, nous n'avons rien à ajouter à ce
Macédonienne, que nous en avons dit en parlant des tems héroïques , car leur for-
me n'a pas changé dans les tems historiques , et la différence des
unes aux autres ne consiste peut-être que dans leur plus ou moins
de grandeur. Par exemple , la sarisse ou lance Macédonienne avait
quatorze coudées de longueur , qui valent 6 mètres et 82 cent. , et
(i) Cassii Dionis Histor. Rom. Hamb, 1862 liv. LXXIV. §. 10 et ji,
ce la Grèce. 3o5
pêcher l'ennemi d'y monter. Mais Alexandre, dans sa guerre contre jkjgjjjjjj
Darius, trouva le moyen de paralyser l'effet de ces armes meur- contre les chars
t 1 t • armés de faux.
11
trières, eu donnant l'ordre à ses phalanges de s ouvrir et de lais-
ser passer en silence les chars qui les portaient, s'ils étaient pous-
sés contre elles avec fracas; et au contraire de les acceuillir à
grands cris , et de chercher à épouvanter tes chevaux , et à les
blesser à coups de dards, s'ils s'avançaient sans bruit (i). Curtius
dit que le premier expédient eut un heureux effet : car les Macé-
doniens ayante par une évolution subite, enveloppé les chars, as-
saillirent les chevaux avec leurs longues piques, et mirent l'armée
entière en déroute. Le second expédient n'eut pas moins de succès ,
au rapport de Diodore } dans une autre occasion: les chevaux épou-
vantés par le bruit des armes et les cris des Macédoniens se re-
tournèrent contre • l'armée des Perses, et y portèrent le désordre
et le carnage. Alexandre sut aussi rendre inutile le secours des
éléphans dans les combats. Lorsque dans la guerre contre Porus Etàpkans
Roi des Indes, les Macédoniens .virent pour la première fois ces les combats.
animaux terribles, qui formaient la première ligne de l'armée en-
nemie ,ils en furent tellement épouvantés, qu'ils ne purent conser-
ver l'ordre dans leurs phalanges. Diodore compare cette file d'élé-
phans aux remparts flanqués de tours d'une ville fortifiée : ce qui
donne à présumer qu'ils portaient sur leur clos des tours garnies de
soldats , comme chez les Ethiopiens et les Indiens. Majs Alexandre
s'aperçut bientôt de la faiblesse de ces machines ambulantes : An-
ceps auxïlii genus , disait-il à ses soldats effrayés à l'aspect des
éléphans , et in suos acrius furit. In hostem enim imperio , in suos
pavore agitur (2). Ils les fit d'abord attaquer avec des lances for-
tes et longues; mais voyant que la phalange ne pouvait tenir con-
tre le choc de ces animaux monstrueux , il fit marcher contre
eux ses troupes légères, qui les accablèrent d'une grêle de traits.,
les effrayèrent, et rétablirent ainsi l'ordre dans les rangs. Le hé-
ros Macédonien employa un moyen encore plus efficace , pour
3i 1 Pausan.
pag. (a) et sui-v. liv. V. 394.
(3) Cette statue , au dire de Pausanias liv. III. 255 , était très-an-
cienne ,et si grossièrement faite , qu'elle se ressentait entièrement de
l'enfance de la sculpture ; elle ressemblait moins à un corps humain qu'à
un gros cylindre : il n'y avait que le visage , les mains et les pieds qui
eussent une forme humaine; elle était en airain } et avait trente coudées
de hauteur.
de la Grèce. 3iï
(i) Plin. liv. XXXIV. chap. HI. Il semble qu'on peut déduire des
monumens et du témoignage des anciens écrivains , que l'usage des chars
chez les Grecs était antérieur à l'art de monter à cheval. Lucrèce est d'un
sentiment contraire dans ces vers du V.e livre.
(1) V. Encyel. met. PL antiq. I.er vol. pag. 35. Les anciens étaient
néanmoins dans l'usage de ferrer leurs mulets , en leur enfermant le pied
dans une espèce de sabot. Ibid.
(2) Nous parlerons ailleurs de ces cavaliers qui savaient manier à' la
fois plusieurs chevaux , sautaient de l'un à l'autre , et qu'Amen appelle
Amfibbi.
(3) Lampes et candélabres pag. 114.
^.&.mc,x//'^CT.
de la Grèce. 3 15
PORTRAITS
Ci) Voy. Hérodote liv. VIII. Thucydide liv. Ier Diodore de Sicile
liv. II. Cornélius Nepos, et Plutarque,
de la Grèce. dicj
pies. Persécuté de la fortune presque dès son berceau, il conquit,
perdit et reconquit l'Epire , royaume qui loi appartenait par droit
de succession. L'ambition des conquêtes et l'inconstance de ses vues
lui firent abandonner plusieurs fois les avantages du sort et les rênes
de ses états , pour courir après la gloire chez les nations étrangères.
Il fut deux fois maître de la Macédoine,, et se la vit enlever deux
fois. S'étant allié avec les Tarentins, sous le prétexte de vouloir
mettre un frein à l'ambition des Romains , il conquit la Grande
Grèce presque toute entière; mais rebuté delà valeur d'un ennemi
que les Grecs n'avaient pas encore assez connu 5 il porta ses armes
dans la Sicile, qui l'appelait à sou secours contre les Carthaginois.
Devenu odieux aux Syracusains , qu'il traitait en sujets plutôt qu'en
alliés, il éprouva une suite de revers qui l'obligèrent à tourner ses
forces contre la Grèce : enfin , au milieu de la mêlée qui eut lieu dans
les rues d'Argos entre ses troupes et celles d'Àntigone Gonatas réunies
aux Grecs, à Ja suite d'une surprise qu'il avait tentée contre cette
ville, 'il fut mortellement blessé d'une tuile que lui lança une vieille
femme du haut de sa maison , pour sauver son fils. Alexandre II. lui
succéda en Epire l'an 37a avant l'ère vulgaire. Nous avons déjà vu
que la fameuse statue capitoline , qu'on avait prise pendant long-
tems pour l'image de Pyrrhus, était celle du Dieu de la guerre. Médailles
M.1' Visconti a découvert dans le Cabinet de la Bibliothèque de de Pr'rhus-
Paris une médaille précieuse ( n.° 5 ) , où, d'après des raisonnemens
de la plus grande probabilité, il croit reconnaître le portrait de
ce Monarque. « La légende , dit-il , Basileos Pirrou ( monnoie ) du
Roi Pyrrhus le prouve assez. On voit en outre sur un des côtés de
cette médaille la tête d'un guerrier avec un casque. Théfis montée
sur un cheval marin, et portant à son fils Achille le bouclier fa-
briqué par Vulcain , forme îe type du revers. Le rapport de ce
type avec Pyrrhus issu du sang des Eacides , et descendant d'Achil-
le, semble être de toute évidence; et comme la tète du guerrier
qui est gravée sur l'autre côté de la médaille a tout l'air d'un por-
trait je
, crois qu'on peut , avec la plus grande vraisemblance 5 la
regarder comme celle de Pyrrhus „. Ce savant commentateur ap-
puyé ensuite son opinion de conjectures non moins solides, et ajoute
qu'il n'est pas hors de probabilité que cette médaille ait été frappée
chez les Bruses , peuple de la Grande Grèce , qui s'était ligué
avec Pyrrhus contre les Romains (1).
ZêZâmuL La ïig"6 Achéene dont nous avons déjà parlé , doit être con-
Grecque. g^érée comme le dernier effort de la valeur des Grecs, et presque
comme la lueur pâle et tremblante d'un flambeau prêt à s'étein-
dre. Tombée sous la domination des Romains,, la Grèce perdit tout
son courage et toute son énergie ; elle vit d'un œil tranquille les
vainqueurs s'emparer de ces positions inexpugnables, qui avaient été
jadis la sauve-garde de sa liberté et de sa grandeur; et elle de-
meura spectatrice indifférente des combats sanglans que se livrèrent
dans son propre sein ces mêmes conquérans, pour l'empire du monde
qu'ils se disputaient entre eux. Elle ne se reveilla pas de cette pro-
fonde létargie , lors même que Bysance devenue la capitale de l'empire
d'Orient, fit oublier l'éclat et la puissance de l'ancienne Rome. Bien
plus, c'est que depuis cette époque elle ne conserva plus rien de
Grec que le langage: car elle prit, pour ainsi dire., tout le costume
des Romains, ainsi que leurs usages: la même imitation s'introdui-
sit dans sa tactique militaire et dans son armée, où les descendans
des Tbémistocles , des Léonidas , et des Epaminondas combattaient
dans les mêmes rangs à côté des Latins et des Barbares. Ainsi nous
n'avons rien à dire de la milice des Grecs depuis leur assujétisse-
ment à la puissance Romaine ; et nous ne pourrions ajouter que bien
peu de cbose sur celle de l'empire Grec, sans être obligés d'anti-
ciper sur ce que nous en avons à dire à l'article du costume des
Romains, auquel nous renvoyons uos lecteurs. D'un autre côté, le
a Manque manque presque total de monumens relatifs à ces deux époques
ne nous permet pas de nous arrêter long-tems sur ce point, notre
but étant d'offrir dans cet ouvrage des images et des figures, plutôt
que des dissertations ou des recherches, qui n'auraient que peu ou
point d'importance. Nous nous dispenserons encore de parler des
changemens , que la tactique et le costume militaire des derniers
tems de l'empire Grec ont subis dans les tems modernes et de-
puis l'invention de l'artillerie, attendu que nous n'avons aucun mo-
nument qui en rende témoignage, et que d'ailleurs Se costume mi-
litaire devint presque uniforme par toute l'Europe à cette époque
et depuis les croisades , comme nous aurons occasion de l'observer
en son lieu. Cependant , pour ne pas laisser une, trop grande la-
cune dans cette partie de notre ouvrage , nous avons cru à propos
de la Grèce. 3a ï
de représenter à la planche 47 , comme pour complément de nos
recherches, un fragment
° de la colonne Théodosienne ,'où l'on voit rri€olJonn' .
Theodasienne.
Porte d'or. d'or , que fit élever Théodose le Grand , après avoir défait le
tyran Maxime. Cette porte est d'une construction singulière, et
n'a rien de commun avec les arcs de triomphe qu'on voit à Rome.
L'Empereur va pour passer dessous. On le reconnaît à son sceptre,
à la richesse de l'équipage de son cheval, et à l'aigle dont son cas-
que est orné; mais on ne peut assurer précisément si ce personnage
est Théodose même, ou Gratien , que le premier avait élevé à l'em-
pire ,et qui avait vaincu les Allemands et les Goths; il est pré-
cédé du préfet ou capitaine des gardes qui est aussi à cheval. Nous
laisserons à la curiosité des lecteurs le soin d'examiner les costumes
militaires et les armes que présente ce dessin, ainsi que l'analogie
ou la différence qu'on y observe avec ceux dont nous avons déjà
donné la description.
Cataphraeies. Il y avait dans les armées de l'empire d'orient un corps de ca-
valerie, connu sous le nom de Cataphractes ^ qui était très-renommé.
Sa formation vient proprement des barbares. Les Romains, au dire
de Tite-Live, virent pour la première fois cette espèce de cavale-
rie dans les troupes d'Antiochus. Constance , fils de Constantin, fut
le premier à en introduire l'usage dans les armées de l'empire.
Nous croyons à propos de rapporter ici la description qu'en fait
Héliodore. « C'est (le cataphracte) un homme d'élite, et qui doit
« être très-fort ; il a pour coiffure un armet qui n'a qu'une seule
" ouverture , et ressemble par devant à un visage d'homme : cette
« armure lui couvre la tète toute entière , à l'exception des yeux,
» depnis le sommet jusqu'à la nuque. De la main droite il porte une
« longue lance armée au bout d'un fer aigu; de la gauche il gouverne
« les rênes de son cheval. Une épée peud à sa ceinture, et tout
« son corps est enveloppé d'une cuirasse. Voici comment cette cui-
« rasse était fabriquée. On formait, avec du cuivre ou du fer , des
« plaques carrées, de la grandeur d'une palme en tous sens : on dispo-
«< .sait ces plaques les unes à côté des autres depuis le haut jusqu'en
« bas, de manière que le bout et les côtés de celles de dessus s'ap-
» pliquaient sur celles de dessous et des côtés , et ainsi de suite. A
" l'endroit où se rapprochaient les jointures, il y avait de petits cro-
« chets en forme de hameçon , auxquels était agrafée une espèce de tu-
« nique couverte d'écaillés de poisson , qui ceignait le corps du cavalier
" sans l'incommoder, et sans le gêner dans aucun de ses mouvemens.
« Cette tunique avait des manches, et descendait du cou jusques
« sur les genoux ; elle était ouverte entre les cuisses , c'est-à-dire
de la Grèce. 3a3
« à la partie qui posait sur les épaules du cheval. Telle était la
« forme de cette cuirasse, dont la solidité pouvait résister aux flè-
« ches et aux coups les plus violens. Les jambiers qui prenaient de-
« puis le pied jusqu'au genou , tenaient à la cuirasse , et au bout
« étaient attachés des souliers aussi en fer. L'armure du cheval était
« la même; sa tête était couverte d'une têtière en fer, et de cha-
« que côté tombait de ses épaules jusqu'au ventre une couverture en-
" trelacée de fer, qui lui servait de défense, et ne l'empêchait pas de
« courir en plaine. Le cavalier ainsi armé se trouvait comme soudé
« sur son cheval : le poids de son armure ne lui permettant pas
« d'y monter lui même , il y était placé par d'autres. Au signal du
« combat, il lâchait les rênes, et dans sa course précipitée contre
« l'ennemi, il ressemblait à un homme de fer , ou à une statue mo-
« bile fabriquée au marteau. Un cordon attaché au cou du cava-
« lier retenait la lance à l'endroit ou le fer est long et droit , et
« à celui de sa courbure un autre cordon la retenait près des cuis-
« ses du cheval , et servait en même tems dans le combat à rendre
« l'animal docile à la main du cavalier, lequel n'avait besoin alors
« que de tenir sa lance droite , et de la pousser avec force devant
« lui, pour que le coup en fût plus rude et plus meurtrier. Rien
" ne résistait à l'impétuosité de son choc , et souvent d'un seul coup
« il abatait deux ennemis (i)„. Nous n'avons aucun monument qui
nous retrace l'image des Cataphractes des empires Grec et Romain ;
mais comme Constance avait introduit dans son armée cette espèce
de cavalerie à l'imitation des barbares, et pour qu'il ne reste rien à
souhaiter à nos lecteurs sur ce point, nous avons cru devoir leur
présenter à la planche 44 ■> n-° a 5 quelques Cataphractes de milices
auxiliaires de l'empire Romain , qu'on voit dans les bas-reliefs de
la colonne Trajane. Il est à remarquer ici que le cavalier n'a point
3e visage couvert, et que ses mains sont également nues; il n'a mê-
me point de pique.
Nous ne devons pas omettre non plus de faire mention du La- Labarum.
barum , espèce d'étendard, que Constantin le Grand avait donné
aux armées des deux empires pour enseigne militaire. C'était une
la composition du feu grégeois, ainsi que la manière de le prépa- & feu grégeois.
rer : ces ingrédiens sont du soufre, de la poix, du pétrole, du
tartre, du sel décrépité; et le procédé est de faire bouillir le tout
ensemble , et d'y mêler de Vétoupe (a). Gallinique fit usage pour la
première fois de cette composition dans un combat naval, entre
Constantin Pogonate et les Savrazins, près de Cysique sur PHelles-
pont. L'effet en fut si terrible, que la flotte ennemie, portant envi-
ron trente mille hommes, fut entièrement détruite par les flammes.
Les successeurs de Constantin
.
l'employèrent
,
ensuite . dansTplusieurs Le fou grégeois
,
de leurs
,.
guerres,
,...
et toujours
.
avec
i,
beaucoup
i,
de succès. Le soin
,
par- , misdesau secrets
nombre
ticuher qu ils prirent toujours d en cacher le secret nous donne a de PEtau
(i) Le chevalier Venturi, que nous avons suivi dans nos recherches
sur le feu incendiaire, dit que c'est peut-être à l'usage de ce feu qu'il
faut attribuer , ce que Philostrates regarde comme l'effet d'un prodige inoui,
savoir ; qu'Hercule et Bachus s' étant engagés dans un combat avec
un peuple de l'Inde favorisé du ciel , ils furent assaillis par des tour-
billons de feu et des foudres qui tombaient d'en haut sur les armes de-
leurs troupes. On peut lire à cet égard le savant Mémoire qu'il a fait in-
sérer dans le VI. e tome de la Bibliothèque Italienne , pag. 343 et suiv. ,
ainsi qu'un autre Mémoire lu par lui à l'Institut R. le 8 juin i8i5.
(2) Sur la composition du feu grégeois il faut lire en outre Alberto
M. De mirabilibus mundi , Valturio , Biringuccio , Cardan et autres , qui
pourtant n'ont fait que copier ou répéter ce qu'ils ont lu dans l'opuscule
de Marc Greeo.
32,6 Milice
dont ils sont armés, leur air taciturne, et le mépris farouche qu'ils
montrent pour leurs oppresseur? , décèlent en eux des âmes fières
(i) Pouqueville. Ibid. pag. 276 et 276,, et Holland. ifcid. pag. 80,
de la Grèce. Bù-.g
et ardentes , qui n'attendent qu'un moment favorable pour secouer
le joug;, et rendre tout son éclat à cette superbe Sparte, dont ils
se vantent encore d'être les enfans (i). A côté des Spartiates et
des Albanais il faut mettre aussi les Gariens , dont le pays fournit Carient.
beaucoup de soldats. La Carie 3 dès les tems les plus reculés, ne
connaissait pas d'autre métier que celui des armes. Ses habitans ,
nés en quelque sorte pour la milice, s'enrôlaient habituellement;
au service de quiconque leur offrait un engagement. Qenus , dit
Pomponius Mêla, us que eo quondam armorum , pugnaeque amans ,
ut aliéna etlain bella mercede ager&t. Les descendans des Cariens
ont conservé en cela tout le caractère de leurs ancêtres. Soldats de
profession , ils abandonnent volontiers leurs foyers pour suivre l'éten-
dard du P.jslias , de l'usurpateur ou de l'aventurier quelconque qui
leur offre une meilleure solde. C'est pourquoi ils changent souvent
de maître, et se vantent de ne consulter dans toutes leurs actions
que leur propre intérêt: redoutables à leurs tyrans même, ils jouis-
sent d'une liberté à laquelle aspirent en vain les autres peuples de
la Grèce. Leur état ou leur condition se distingue à la forme de leur
turban qui est noir, et à la couleur des rubans ou cordons dont il
est orné: voy. les n.os a , 3 et 4 de la planche 48, ainsi que le
cavalier de la même nation qui y est représenté. Ces trois figures
sont prises de la Ç;3.e planche du voyage de Choisseul.
Ici s'ouvre un vaste champ, où les amateurs des beaux arts et Grecqu
Vann
de l'archéologie peuvent donner carrière à leur génie, et faire une Mythologue
abondante moisson de connaissances aussi utiles qu'agréables. La re-
ligion ,ou plutôt ia mythologie des Grecs présente une suite con-
tinue d'idées ingénieuses, d'images riantes, de sujets sublimes, d'em-
blèmes, d'allégories, et autres objets aussi admirables parleur goût
que par leur variété. « Tout est en action , dit un illustre écrivain 9
tout respire dans ce monde enchanté , où les êtres spirituels ont
un corps, et les êtres matériels un âme; où les champs, les bois,
les fleuves, les élémens ont leurs divinités particulières : personnages
(1) Voy. ce que nous avons déjà dit au sujet des Maniottes , pag. 224
et ailleurs.
Europe, Vol I. /' /p
030 Religion
chimériques sans doute, mais qui, pour nous, sont devenus réels et
animés , par le rôle qu'ils jouent dans les ouvrages des anciens
poètes , et les allusions que ne cessent d'y faire encore les écrivains
modernes „. Aussi n'a-t-on jamais fait que de vains efforts, toutes
les fois qu'on a voulu renverser les Dieux de l'Olympe, et enlever
aux Muses l'empire de la poésie et des beaux arts. Nous avons parlé
assez au long, à l'article des tems mythologiques ou fabuleux, de
l'origine de la Mythologie Grecque, et des allégories que certains
écrivains ont cru y apercevoir sous les images et [m divers attributs
des Dieux; c'est pourquoi nous nous dispenserons d'entrer dans de
dïfdïvlnïiés nouveaux détails à ce sujet (i). Nous ne voulons pas non plus passer
Grecques, en revue la multitude infinie des divinités Grecques , notre but n'étant
pas de nous arrêter à des recherches de pure curiosité et tout-à-fait
inutiles , mais de recueillir dans les monumens et les ouvrages des
anciens tout ce qui peut nous donner une juste idée du costume de
cette nation, et de n'en prendre que ce qui peut tourner au profit
des arts. Les mêmes raisons nous engagent à passer sous silence
l'histoire particulière de chacune de ces divinités: car il n'est per-
sonne d'un esprit un peu cultivé, qui n'ait acquis quelques connais-
sances de Mythologie dans les nombreux recueils que nous en avons.
DUnsion Nous traiterons donc: premièrement, des divinités et de leurs atfri-
de cette pâme, j^g . secorK]ement , des temples, des autels et des ustensiles sa-
crés; troisièmement, des prêtres, des rites et des sacrifices; qua-
trièmement, des mariages, des funérailles et des fêtes religieuses;
cinquièmement des mystères; sixièmement enfin, des jeux et des
spectacles sacrés. Nous passerons ensuite à quelques observations sur
la religion des Grecs modernes.
Religion Hérodote, le plus ancien des historiens delà Grèce, est celui
es easges, , nous donne les notions les plus exactes sur la religion des Pe-
lages, ou des anciens Grecs. » Les Pelages (2), dit il, lésaient
(3) Les plus célèbres d'entre les artistes Grecs se vantaient d'avoir
emprunté leurs modèles des divinités mêmes , en feignant qu'elles leur
étaient apparues sous les formes qu'ils leur prêtaient. Ainsi Praxitèle di-
sait avoir fait l'Amour, tel qu'il l'avait vu auprès de la belle Phryné>
Anthol. Liv. IV. Chap. XII. N. §9.
djs la Grèce. 33^
Homère
■r-. . ,. .-, , ,
dans le III. e livre
, de,son Iliade,
,.,P. nous Areprésente
. les Quatre classe*
ds Divinités.
Dieux distribues en quatre classes lorsqu il tait paraître Agamem-
non appelant en témoignage de son serment, d'abord le Grand Ju-
piter, puis le Soleil , les Fleuves, la Terre et les Dieux qui punis-
sent les morts. Cette idée est fondée sur l'opinion où étaient les
Grecs, que l'univers était divisé en quatre parties, à chacune
desquelles était assignée une classe de ces Dieux, qui, pour cette
raison, se distinguaient en déités célestes, aquatiques, terrestres et
souterraines ou infernales. Mais comme une dissertation particulière
sur chacune d'elles serait aussi longue qu'inutile , nous nous borne-
rons à parler des principales , de manière pourtant à mettre nos
lecteurs dans le cas de distinguer nettement celles qui appar-
tiennent à chacune de ces classes. On comptait douze Dieux priu- Divinités
cipaux, qu'on appelait maximi , et dont le culte, au raport dTIé- suPen^res\
rodote , avait été transmis aux Grecs par les Egyptiens. Ces divi-
nités étaient Jupiter, Junon , Neptune, Cérès , Mercure, Vesta ,
Vulcain , Phébus , Mars, Pallas , Vénus et Diane. Après elles ve-
naient les divinités inférieures , dont le nombre était infini , corn- Divinités
me nous l'avons observé plus haut , puis la troupe des Demi-Dieux Dlnî-hYeux.
et des Héros. Quoiqu'elles eussent toutes un séjour particulier qu'el-
les préféraient à tout autre, nous les voyons cependant, selon (es
idées mythologiques, se rassembler souvent sur le mont Olympe,, qui
est pris quelquefois par les poètes pour le ciel même , ou comme
le lieu où les Immortels tenaient leur conseil (r). Nous commence-
Morphée la tête couronnée de pavots; Saturne appelé par les Grecs Saturne.
Chronos, ou le tems, qui est courbé sous le poids des ans, et tient
Mars , ,
Pluton
dans sa main la faux, pour indiquer qu'il moissonne les tems et Proserpine ,
Bacchus ,
préside à l'agriculture; Proserpine portant un diadème comme Reine Bellone ,
de l'Averne; Pluton avec son trident; Bacchus avec son rhyrse; Cérès
Mars, Bellone, Cérès, Cybèle ou Rhée couronnée de tours et as-
sise sur un trône , tenant en main dtes clefs , emblème des trésors Cybèle ,
qu'elle cache dans le sein de la terre , dont elle est aussi le sym-
(1) Winkelmann. Monum. inédits pag 6a.
(2) « C'est une grande coraline du Cabinet du Roi parfaitement
circulaire ,, d'un pouce et dix lignes environ de diamètre , où l'Olympe
est indiqué par un Jupiter qu'on voit en face , et qui est assis sur son.
trône , ayant sous ses pieds un grand arc aplati et sensiblement ellipti-
que, dont la largeur est partout uniforme, comme l'est presque toujours
celle du bord de l'Aurore boréale Le Dieu tient le foudre de la main
gauche , et une lance ou long sceptre de la droite . , . . sur le contour
de la pierre est tracée une zone ou couronne concentrique , où sont mar-
qués les douze signes du Zodiaque ». Mairan , Conjecture sur l'Olympe etc. »
34° Religion
page 286 : non content du choix qu'il a fait des plus belles formes
humaines , et de l'harmonie qu'il a mise dans l'exécution de son ouvra-
M
de h a Grèce. 345
se rencontrent souvent dans les têtes de Jupiter, on ne peut pas dire
cependant qu'ils constituent absolument les traits propres et distinc-
tifs de sa figure. Et en effet , le regard de ce Roi des Dieux ne pouvait
pis être serein, lorsqu'on le représentait comme Tonnant et Vengeur.
« Le Jupiter Eleuthère , dit le même antiquaire , a une si longue barbe
Eleulhèra.
Jupiter
« dans les monnoies de Syracuse où son effigie est supérieurement
« faite, qu'il diffère entièrement de la ressemblance qu'on lui donne
« ordinairement. L'autre Jupiter, non moins beau , qu'on voit sur les
« médaillons desProlémées, a la chevelure si négligée,, qu'au jugement
« de Wiukelmann, on le prendrait, plutôt pour un Pluton: mais l'ai-
" gle et la foudre du revers lèvent tout doute à cet égard. Le Jupiter Jupiter
Helléniea.
« Hellénlen est lout-à-fait sans barbe, tant il est difficile de fixer en
« cela de règles certaines, auxquelles , soit à cause de la distance des
" tems et des lieux où ils ont vécu , ainsi que de la diversité des éco-
« les qu'ils ont fréquentées, soit par l'effet des superstitions et des
" traditions différentes qui leur ont servi de guide , les anciens artis-
« tes n'ont jamais pu se conformer „. Il parait néanmoins que les sa-
vaus commentateurs du Musée Chiaramonti sont de l'avis de Winkel-
raann: car ils assurent également que dans les têtes de Jupiter on
observe généralement un caractère , qui , par une espèce de conven-
tion entre les artistes, était devenu particulier au Souverain de
l'Olympe. « La sérénité de son front, disent-ils , est l'image de celle
« du ciel, et se distingue dans toutes ses têtes, quoiqu'il soit plus ou
« moins ombragé de cheveux bizarrement arrangés .... Ses che-
« veux , auxquels Homère donne Pépithète à'ambrosii , sont partagés
« eu grosses tresses 3 mais ils laissent toujours apercevoir sur le front
« le trait caractéristique de Jupiter, judicieusement remarqué par
« Wiukelmann, pour n'être pas particulier à lui seul, mais encore
« à toute sa descendance (1) „. C'est d'après ces considérations , que
nous allons passer à L'examen des divers portraits de Jupiter, qu'on
voit représentés à la planche 5i suivant ses principaux attributs.
Sérapis.
Le n,° r est le Jupiter Sérapis , dont le culte était passé de
Jupiter
la Grèce en Egypte. Parmi le grand nombre d'images qu'on trouve
celle d'un Cerbère : ce qui fait qu'on le trouve aussi désigné chez
les Mythologistes sous le nom de Pluton Sérapis. Mais , comme
l'observe Visconti , les Plutons absolument Grecs en diffèrent encore
par l'habillement. Le n.° 3 est la tête de Jupiter Dodonien , sculp-
tée en marbre Grec, et dont nous avons emprunté la copie du
Musée Chiaramonti. On a donné à ce Dieu le surnom de Dodonien ,
Dodoniea.
par allusion à fautique forêt de Dodone qui lui était consacrée , Jupiter
et dont les chênes rendaient des oracles. C'est pour cela qu'il a
la tête couronnée de chênes , de la même manière que l'avait
l'aigle comme Roi des oiseaux. Le camée n.° 4 représente Ju-
piter Egiochus , c'est-à-dire qui porte l'Egide, arme redoutable
dont se servit ce Dieu pour se défendre contre les Géans. Cette Jupiter
Egïocus.
Egide était faite avec la peau de la Chèvre Amalthée , et par-
semée en outre de serpens et de Gorgones. Jupiter la porte ici sur
l'épaule gauche, et sa tête est également couronnée de chêne (1).
La médaille n.° 5 présente une tête de Jupiter Ammon , Divinité
Ammon.
Jupiter
originaire de Lybie ou d'Egypte, que les Grecs avaient aussi ac-
cueillie chez eux. Cette médaille est prise lde Spanhemius., et rap-
portée par Millin (2)1 ces deux auteurs croient qu'elle a été frappée
à Mitylène. Les cornes qui s'élèvent en croissant sur son front, sont
regardées par quelques-uns comme l'emblème du bouc , sous la figure
duquel on dit que Jupiter apparut à Bacchus dans les déserts de l'A-
rabie 3 et dont il prit encore la forme lorsqu'il fut assailli par
Tiphée; mais d'autres prétendeut que ces cornes indiquent seulement
la force des rayons du soleil, qui en effet sont très-ardens dans la Ly-
bie: ce qui a fait croire à quelques auteurs qne Jupiter Ammon n'est
autres chose que le soleil (3). Le d.° 6 offre l'image de Jupiter
Tonnant', voici la description que Bacci a donnée de ce précieux Japiler
Toaaant.
camée. « Jupiter y est représenté avec un air majestueux, mais
« bouffi de colère , monté sur un char attelé de quatre chevaux ,
" et tenant dans la main droite un sceptre orné d'une fleur à son
« sus, qui est orné d'une espèce de broderie rapportée pour plu*
« d'élégance. Ces plis çroWeç , étaient appelés par les Grecs stoïides ,
« et les robes ainsi pliées çToûiB&Toi: Xénophon fait mention d'une
« de ces robes, qui descendait jusqu'aux talons. Pollux dit qu'elles
« étaient de lin , et que la ceinture dont on les serrait leur fesait
« prendre ces plis. Les Grecs donnaient à la garniture d'en bas le
« nom de ^èa , instita , et les Latins celui de segmentum etc. „.
Emblèmes
Les médailles et autres anciens monumens représentent cette Dées- de Junon
che elle tient des épis et des pavots, symboles de la fécondité qui
appartiennent aussi à Gérés ; mais on ne saurait rien dire de posi-
tif au sujet de la tête, fjr/^lle porte dans l'autre main (i). Le ca-
mée n.°2 présente à son milieu Neptune , qu'on reconnaît de suite Neptune.
à la vigueur de ses membres, à la fierté de son regard, et à la
position dans laquelle il est représenté, tenant un pied sur la cime
d'un roc , pour faire allusion à la puissance que ce Dieu exerce
aussi sur la terre , qu'il ébranle quelquefois d'un coup de son tri-
dent. Le cheval lui était particulièrement consacré; mais quant
aux autres figures qu'on voit sur ce camée, nous ne saurions don-
ner également aucune explication (a). La pierre n.° 3 porte l'image Minerve
de Minerve Polyade , protectrice d'Athènes; elle a l'air de marcher
sous un portique : de la main gauche elle tient la lance et le bouclier, Poîyade.-
(i) Eckel, Choix des Pierres gravées du Cab. Imp. etc. PI XII.
Cet illustre auteur nous avertit que ce camée est d'une belle exécution ,
mais que le graveur a outrepassé toute proportion dans les mains.
(a). Ibid. PL XIV. Le graveur n'a également donné aucune grâce
aux chevaux dans ce camée , qui est aussi d'un beau travail.
(3) Mus. Flor. T. IL PL LXXVII. 3. Nous observerons en outre,
que les Grecs donnaient à Minerve un air mâle et imposant , qui , au dire
de Furnuto , se manifestait encore dans la couleur de ses yeux qui étaient
bleus. Le même auteur ajoute , que son image était toujours accompagnée
de serpens et de chouettes , auxquels elle ressemblait par la couleur de
ses yeux : ce qui la fesait surnommer Glaucopide , c 'est-à-dire qui a
les yeux bleus comme la chouette. Visconti , Mus. Pio-Glément. I. 12 dit
aussi , que les anciens qui avaient fait une étude particulière des pro-
priétés ,observaient que cette couleur était précisément celle des yeux
des animaux les plus belliqueux et les plus féroces ; et que par cette
raison ils latoute donnaient
des Dieux armée ,àetP ne
allas , qui était" sortie de la tête du père
respirant que les combats et le carnage*
(4) Eckel. etc. PL XIX.
d5a Religion*
net semblable à celui qu'on donne ordinairement à Ulysse; sa tu-
nique est relevée, comme il l'a le plus souvent dans le monumens
et les médailles des anciens, pour être moins gêné dans ses travaux;
il tient de la main droite un marteau comme nous le représente
Homère, et de la gauche, au lieu des tenailles qui sont ici à ses
pieds, un flambeau allumé, symbole du feu dont quelques-uns lui
attribuent la découverte, et peut-être même du mariage auquel Eu-
ripide l'a fait quelquefois présider. Athènes lui rendait le même
culte qu'à Prométhée et à Pallas, avec lesquels il partageait éga-
lement les honneurs décernés aux Lampadophores , ou porteurs de
flambeaux, à la suite de jeux dans lesquels (es jeunes gens, après
avoir allumé chacun un flambeau à cet autel , couraient par toute
la ville, et se disputaient à qui arriverait le premier, et sans avoir
éteint son flambeau, à un but indiqué, où le vainqueur recevait
un prix (i). Le n.° 6 est la copie du bas-relief du fameux sarcopha-
ge* Muses, ge capitoliu, où sont représentées les neuf Muses. Nous ne pouvons
mieux parler de ce monument qu'en rapportant la savante descrip-
tion qu'en a faite Visconti, et dans laquelle il a rectifié plu-
sieurs erreurs, que sa sagacité lui avait fait remarquer dans la plan-
che du IV.e tome du Musée Capitoliu , où ce bel ouvrage est retracé.
ciio. a La Muse sous le num. i, dit-il, sera Clio tenant en main un
« livre 3 emblème de l'histoire. Le num. 2, est Thalie, Muse de la
« comédie; elle a pour emblèmes le masque mimique, qu'on dis-
" tingue à sa figure grotesque, la houlette qui fait allusion à la poésie
« pastorale, et le cothurne , qui ne rehausse point la stature cora-
Erato. a rne dans la tragédie. Le num. 3 est Erato; elle a sur la tête
" une espèce de coiffe ou de réseau, telle que nous en remar-
a quons dans les portraits de Sapho, la nouvelle Erato de la Gré-
« ce .... ; elle est représentée ici à la fois comme Muse de l'a-
Euterpe (l raour et de la philosophie. Le num. A indique Euterpe : des flûtes
« forment son caractère distinctir. Le. num. o représente rolymme
« concentrée en elle-même comme Muse de la mémoire; elle était
« aussi la Muse de la fable et de la pantomime, motif pour lequel
a on la voit aussi avec un masque à ses pieds dans un bas-relief
Therpncore. « du palais Mattei . . . . Au num. 6 est Therpsicore avec sa lyre.
&ûrlme! « Le num. 7 est Calliope avec ses tablettes, sur lesquelles elle écrit
Mécène. (ç dps vers> Le num^ 8 m0lltre Urauie avec sou globe. Eufiu Mel-
(1) Cette image est copiée sur les peintures d'un vase , dont le su-
jet est le châtiment de Lycurgue Roi de Thrace , qui avait grièvement
offensé Bacchus. Millingen , Peinture etc. pi. ï.
(2) Millin etc. T. I. pi. LXV.
(3) Tischbein , Pitture de' n a si antichi. T. III. pi. IV.
(4) Tischb. ibid. pi. XXVII. On ne voit que deux Grâces dans la
peinture d'où est prise cette image ; et en effet , les Athéniens et les
Lacédémoniens , au dire de Pausanias , n'en reconnaissaient anciennement
que deux.
(5) Baxter, An illustration of the Egyptian , Grecian , Roman
etc. costume pi. V.
de la Grèce. ' 355
ce Dieu se distingue surtout par la largeur de sa poitrine et la
vigueur de ses formes ; et que c'est pour cela qu'il n'est pas repré-
senté sur les pierres gravées avec la tète seule comme les autres
Dieux, mais encore avec le buste. Le n.° 9 est pris d'un vase du
Musée Vatican 3 qui a déjà été publié par Passer i : il offre le
haut du 11
corps d'uue furie , dont
i
les cheveux
t • i
sont entrelacési
•
de ser- des Une
Furies..
pens; elle en serre un autre de la main droite, et tient de la gau-
che un flambeau. C'est aussi sous ces traits qu'on représentait la
Discorde (r).
d'elles. Ajoutons à cela maintenant que, de plusieurs, les anciens qui n 'étaient
Grecs ne uous ont transmis que le nom. C'est ce qui est arrivé
à'Fnyo, Déesse de la guerre, laquelle fut dans la suite adorée des
leur nom.
que par
(i) Nous remarquerons ici qu'il y avait plusieurs de ces Dieux incon-
nus ;qu'ils n'avaient que des autels , et point de simulacres. Et en effet
S.' Paul ne parle que de l'autel qu'il avait vu en passant avec cette ins-
n , Dieu inconnu. On raconte, qu'à l'occassion d'une maladie con-
criptioAu
, Athéniens appelèrent à leur secours Epiménide de Festos ,
tagieuseles
célèbre devin. Cet Epiménide purifia la ville de la manière suivante ; il
conduisit avec lui un certain nombre de brebis blanches et noires , et quand
il fut prés de l'Aréopage , il les laissa libres , et ordonna en même tems
qu'on les suivît, et qu'on immolât chacune d'elles au Dieu •iïpoffiixovTi ,
qui veut dire convenable, dans le lieu où elle aurait été arrêtée. Voilà
pourquoi on rencontre encore aujourd'hui dans l'Attique des autels, qui
ne portent le nom d'aucune divinité Ces autels furent élevés pour con-
server la mémoire de cette expiation , et , comme le dit Pausanias , ils fu-
rent consacrés aux Dieux inconnus. V. Marcher. Hérocl. T. IV. pag. 3i6.
//
358 Religion
diadème. Troisièmement 3 les Déités se représentaient quelquefois
Ailes. avec des ailes , et cet attribut se donnait même à Minerve, à Diane
et à Vénus. Celles qui avaient quelques rapports avec le tems ou
avec l'air avaient toujours des ailes. Ainsi la Nuit était figurée avec
des ailes brunes, l'Aurore avec des blanches , l'Iris avec des ailes
d'or etc., ce dont on trouve une foule d'exemples dans les peintures
Voile flouant. d'Herculanum. Quatrièmement, le voile flottant en forme
d'arc sur
la tête était particulier aux divinités de la mer, et c'est ainsi qu'on
voit souvent représentés sur les marbres , sur les pierres gravées et
les médailles, les Fleuves, les "Néréides, et même la Vénus marine,
comme pour exprimer par cette disposition du voile l'action du
vent qui l'agite (j). Cinquièmement, les divinités, principales surtout ,
avoient quelquefois le nimbe dont nous avons déjà parlé , et que
les peintres figuraient sous la forme d'un disque , d'une lune ou
de rayons : souvent même on le représentait par une lumière , qui
semblait sortir du corps de la Déitée. Sixièmement , le nimbe
Aureoh. s3mple, appelé auréole , était encore le symbole des Dieux qu'on
croyait issus de Jupiter. Septièmement enfin, chaque Dieu avait ses
Couleurs vêtemens
CLCS "GC6ÎTIGÎIS d'une couleur analogue
C à ses attributs. « On donna, ) dit
des Dieux. a Winkelmann, la couleur rouge à Jupiter (a). Neptune aurait
" dû avoir le vert de mer, qui était la couleur dont on représentait
« l'habillement des Néréides : c'était aussi celle des bandelettes
« dont étaient ornées les victimes qu'on sacrifiait aux Divinités ma-
« rines : on peignait de la même couleur la chevelure des fleuves
« personnifiés dans les ouvrages des poètes; et tel était en général
« l'habillement des Nymphes dans les peintures antiques , que le
« nom même de fNw?^, Ibptpu ) leur vient des eaux. Apollon a le
« manteau bleu ou violet, et Bacchus qui devrait l'avoir couleur de
« pourpre, est souvent vêtu de blanc. Marzian Cappella habille
« de vert Cybèle comme Déesse de la terre, et mère de la végéta-
" tion : Junon , que le même écrivain nous représente avec un voile
« blanc, devrait avoir ses vêtemens de couleur bleu-céleste, par
« analogie à l'air dont elle est le symbole. Le manteau jaune con-
« vient à Gérés , comme étant de la couleur des épis mûrs, ce qui
« lui a fait donner l'épithète de jaune par Homère. Dans le dessin
« colorié d'une peinture antique de la Bibliothèque du Vatican ,
quoi M.r Millin est d'avis que les quatre Déités qu'on voit ici peu-
vent se considérer comme placées dans l'Olympe , ou sur quelque
lieu élevé où elles se plaisaient. Ainsi la première figure à gau-
che, et près de l'arbre, est Junon , Hara ou Héré; elle est voilée r Junon.
parce qu'étant une des Déesses garnélies , elle préside aux mariages:
il est bien naturel qu'elle prenne part à l'action , car elle avait
eu ce fameux arbre en présent le jour de ses noces avec Jupiter ,
d'ailleurs la Déesse ne doit point être indifférente au succès qu'aura
Hercule dans cette entreprise. Vis-à-vis d'elle, et de l'autre côté de
l'arbre, est Mercure revêtu de la chlamyde; il porte le caducée, Mercure,
etlepétase, ou chapeau des voyageurs qui retombe sur ses épau-
les. Près de Junon est Pan, suffisamment caractérisé par la ne-
brida ou peau de faon , qui est nouée par les pattes sur sa poitrine
comme une chlamyde; il a des cornes de bouc, une barbe épaisse,
le visage velu, les narines gonflées, les oreilles pointues et la physio-
nomie d'une brute. Il a été vraisemblablement placé ici comme
fils de Mercure , et protecteur du pays riche en troupeaux où
l'action est supposée se passer. Donakis^ une des Nymphes aimée Donakis.
de Pan, est derrière Mercure; elle a comme Junon la tête ceinte
d'un bandeau parsemé de perles. Cette peinture est d'autant plus
précieuse , qu'on lit au bas de l'arbre le nom de l'artiste qui l'a
faite, chose qui est extrêmement rare. Assteas e graphe , Astée
peignait.
haute montagne. C'est pour cela que, chez les Grecs, les monts les aux Du
plus élevés étaient consacrés à Jupiter , à Saturne et autres Divi-
nités. On trouve dans l'hymne à Apollon, dont Homère passe pour
être l'auteur, que les sommets des montagnes étaient également con-
sacrés àce Dieu (i). Ce culte parait être dérivé' de l'opinion où
etLdimenZL. ^es temp'es des Grecs étaient généralement d'une figure carrée,
de manière pourtant que leur longueur était le double de leur lar-
geur. C'est d'après cette forme que Vitruve a établi en principe,
qu'un temple qui a cinq entre-colonnemens sur le devaut , doit en
avoir le double sur les côtés. Telles étaient les proportions du temple
de Jupiter à Girgente en Sicile. Pausanias ne fait mention dans son
voyage, que d'un très-petit nombre de temples ayant une voûte ou une
ïnvïûtl. coup0'®- De ce genre étaient, celui qu'on voyait à Athènes à côté du
Prytanée,un autre à Epidaure près le temple d'Esculape, et un
troisième à Sparte où Jupiter et Vénus avaient chacun une statue (i).
Winkelmann observe « que ces temples carrés n'avaient en général
point de fenêtres , et ne recevaient de jour que par la porte , pour que
Temples leur intérieur, qui était éclairé par des lampes , présentât un aspect
uiwninès. plus auguste (2); et il ajoute que les temples en rotonde étaient
éclairés par le moyen d'une ouverture circulaire pratiquée en haut,
comme on le voit dans le Panthéon (3). L'opinion de ce savant an-
tiquaire sur ce point est néanmoins sujette à une grande difficulté
relativement aux temples carrés: ceux qui avaient cette forme chez
« coupole sur le tambour d'un temple carré , dont l'image est tracée sur
« le plus grand sarcophage que nous ayons de l'antiquité , lequel se trouve
k aujourd'hui dans une yigne de la maison Moïrani près la porte de S.1 Sé>
u ha g tien »,
de la Grèce. 365
Jes Romains pouvaient bien être à la vérité suffisamment éclairés
par la porte, en raison de leur peu d'étendue; mais on ne peut
pas en dire autant de ceux des Grecs , dont quelques-uns étaient
fort-grands et à deux rangs de portiques ou de colonnes : ce qui
fait supposer à M.r Quatremère, qu'ils recevaient aussi le jour par
une ouverture, ou espèce de lanterne, comme nous le verrons bientôt.
Les temples carrés, dans des tems encore plus rapprochés de nous, Leur plafond.
étaient plafonnés en bois. Celui d'Apollon à Delphes l'était en
cipiès, d'autres l'étaient en cèdre. Les temples de Sainte Sophie
et des Apôtres à Gonstantinople avaient également leur plafond en
bois (r). Leur intérieur était divisé en trois nefs. Tel était celui
de Pailas à Athènes. Selon Lucien, Porphyre et autres écrivains,
les temples des anciens avaient la façade tournée à l'orient, pour
qu'ils fussent éclairés des premiers rayons du soleil. Iginus dit que Luer position.
telle était en effet la position des temples dans les premiers tems;
mais après il observe que cet usage fut depuis abandouné , et que
la façade de ces édifices fut tournée à l'occident. C'est aussi le
précepte que donne Vitruve: « Les temples, dit il, pour être si-
« tués convenablement , doivent être tournés, à moins qu'on n'ait
« des raison qui en empêchent , de manière à ce que la statue
« qui est au fond regarde le couchant , et que ceux qui vont à
« l'autel pour y faire des offrandes s des sacrifices, ou simplement
« leur prière aient en face l'orient et la statue , qui paraîtra
« ainsi avoir le yeux fixés sur eux: c'est pourquoi les autels doi-
« vent toujours être tournés vers le levant. Si cependant la nature
« du lieu ne le permettait pas , il faudrait faire ensorte alors que,
" de ce temple, on découvrit la plus grande partie des édifices qui
" l'environnent; ou, s'il est situé sur le bord d'un fleuve comme
« ceux d'Egypte, qu'il regardât ce fleuve; ou enfin s'il est près
« d'une voie publique, que les passans puissent le voir et s'incliner
« devant sa façade (a) „.
(i) Nous avons dit que les temples carrés avaient généralement le
plafond en bois , car on ne peut pas nier qu'il n'y eût de ces temples
dont le plancher était voûté , comme l'était celui de Pailas à Athènes.
y. Winkelmann.
(2) Vitruv. Liv. IV. chap. V. Le Bar. Riedsel , en parlant du tem-
ple de la Concorde à Girgente dit , que la porte du sanctuaire est tournée
en effet vers le couchant ; mais que pour y entrer , il faut monter à la
colonnade par le côté opposé., et en faire le tour.
ELIGION
366
Architecture
R.
des
les klffét
divinités
■> parce que ces
Divinités se montrent aux mortels à découvert et brillans de
lumière
Dans ceux élevés à Vénus, à Flore, à Proserpine et aux
Nymphes
des fontaines, il recomande l'ordre Corinthien, comme le plus
gra-
cieux et le plus analogue aux charmes et à l'élégance de ces Divi-
nités. «Pour Junon , Diane, Bacchus et autres Déités, ajoute-t-il
« on prendra le milieu, en fesant mage dans la construction de
« leurs temple de l'ordre Ionique qui leur convient, en ce qu'il
« participe de la gravité du style Dorique, et de la grâce du
Division
des temples « Corinthien „. Le même auteur divise ensuite les temples selon
selon
leurs formes. leurs formes ou leurs figures. La première , qui est la plus simple
Temples et appelée Naàç èv Trapâaratriv par les Grecs, est celle des tem-
en parasiasin.
ples qui avaieut des pilastres à leurs angles, ou aux extrémités
des murs formant l'enceinte du sanctuaire , et qui avaient deux
colonnes entre ces pilastres. Leur frontispice ou tambour devait
être en hauteur le neuvième de toute sa largeur (i). La seconde
Prosuies.
forme était celle des temples appelés Prostiles (a), ils n'avaient de
colonnes que sur le devant , et tel était le temple Dorique de Gérés
Anfiprostiles.
à Eleusis. À la troisième appartenaient les temples Anfiprostiles
ou à double prostile , qui avaient devant et derrière le même nom-
bre de colonnes et le même frontispice ; à la quatrième les temples
Périptères. Périplères (3) , qui étasent entourés d'un portique formé de colonnes,
dont cinq sur le devant , et onze de chaque côté et assez éloignées
de l'édifice, pour qu'on pût se promener commodément sous le port i-
Dipières. qUe . £ ja cinqUième les Diptères , ou à deux rangs de colonnes sur
les ailes: ces colonnes étaient au nombre de huit sur chaque front,
et doubles le long des côtés du sanctuaire, Tel était le temple de
Diane à Ephèse , d'ordre Ionique. Cette forme était aussi à-peu-
Pseudodiptères. près celle des temples appelés Pseudodiptères , ou faux Diptères.
Ils avaient huit colonnes sur chaque front, et quinze sur les côtés,
y compris celles des angles: disposition qui, dans ce dernier sens,
semblait former un double rang de colonnes» C'est ainsi qu'était
(i) Cette forme est encore appelée par Vitruve in antis. Il parait
néanmoins qu'elle était plus particulière aux Romains qu'aux Grecs.
(2) De ftpo , avant , et çrvùoç , colonne.
(3) De vtepi , autour , et %%ef>ov , ala , c'est-à-dire ailé autour.
de la Grèce. 367
Je temple de Diane à Magnésie. Enfin on appelait Jpètres les tem- ipfetres.
pies qui avaient dix colonnes sur chacun des deux fronts , et dans
l'intérieur un double rang de ces mêmes colonnes posées les unes
sur les autres, et assez distantes du mur pour former une espèce
de portique. On donnait à ces temples le nom A'Ipètres (1), parce
des temples
qu'ils étaient sans toit. Après avoir traité des sept formes de temples, Espèces
tispîce l'image d'une aigle ayant les ailes déployées. Winkelmann est d'avis
que dans les commencemens on aura placé un aigle sur le frontispice des
temples , parce qu'ils étaient tous consacrés à Jupiter , et que c'est de là
qu'est venue la dénomination que leur ont donnée les Grecs. Béger parait
être de ce sentiment.
(1) Pausanias raconte qu'on voyait suspendus dans le temple d'Apol-
lon à Delphes deux boucliers d'or , faits [avec les dépouilles qu'on avait
prises aux Perses après la bataille de Marathon.
(2) L'usage de ces gradins , par où l'on montait aux temples tant sa-
crés que profanes, était très-commun chez les anciens. On voit sur la Ta-
ble iliaque la mère et les sœurs d'Hector assises et pleurant sur les gra-
dins dont est entouré le sépulcre du héros. Pausanias rapporte que le
palais , où s'assemblaient les députés de la Phocide près de Delph es , avait;
des gradins qui servaient de sièges.
de là Grèce. 36g
Intérieur
L'intérieur de ces temples était généralement divisé en deux des temples.
parties. La première était la celle c'est-à-dire le sanctuaire l'ha-
bitation du Dieu, ou le temple proprement dit, qui s'appelait
vaoç, et où se trouvaient le simulacre et l'autel de la Divinité à
laquelle le temple était consacré; la seconde était le Pronaos ou
vestibule , c'est-à-dire la partie antérieure du temple , avant d'en-
trer dans le sanctuaire où l'on plaçait quelquefois l'autel et le si-
mulacre de la divinité, surtout quand il s'agissait de faire des sa-
crifices en présence du peuple. Quelques-uns de ces temples avaient
deux vestibules l'un à la partie antérieure, et l'autre à la partie
postérieure, et ce dernier est ce que les Latins appelaient Posticum.
Dans le Pronaos était un vase en marbre ou de bronze rempli
d'eau lustrale , dont on aspergeait ceux qui étaient admis aux sa-
crifices età la célébration des rites. Quelquel-uns de ces temples
n'avaient que le sanctuaire absolument nu : dans d'autres cet édi-
Pleroma.
fice était entouré d'une colonnade appelée pteroma , qui veut dire
en quelque sorte forme d'ailes, et cette colonnade était simple,
ou double ou même faux double , de la manière que nous avons
dit qu'elle était usitée dans la construction de certains temples.
Il y avait dans d'autres , entre le sanctuaire et le posticum un
lieu clos , appelé opisthoclome , où l'on conservait les offrandes du Opisihodomo.
peuple, et quelquefois le trésor de la ville ou de l'état. On don-
nait ce nom au trésor public d'Athènes , précisément parce qu'il Peintures
était derrière le sanctuaire du temple de Minerve. Le mur du pro- du Pronaos.
naos à l'entrée du temple était souvent orné de peintures : celles
qui décoraient le temple de Pallas à Platée représentaient Ulysse
vainqueur des Procis. Ces temples étaient quelquefois au milieu d'une
enceinte sacrée, qu'on appelait. kpov , mot dont on se servait aussi
pour désigner un édifice sacré. Hérodote distingue en plusieurs en-
En ec in te
droits cette enceinte du temple qui y était renfermé. Cet espace sacrée.
était entouré de murs et comprenait des cours, un bocage, des fon-
taines ,souvent même les habitations des prêtres , et enfin le tem-
ple. Pausanias rapporte que dans l'enceinte sacrée du temple d'Es-
cuîape à Epidaure , il y avait un théâtre qui l'emportait sur tous
ceux de la Grèce et de Rome par la beauté de ses proportions (i).
Omemens
L'intérieur des temples était orné de tableaux et de peintures intérieurs.
plus grands maîtres : on y voyait des statues en or 5 en ivoire et des en
47
(i) Les temples des Romains peuvent passer pour de grands édifi-
ces ,à ne considérer que leur masse extérieure ; mais ils deviennent bien
petits en comparaison de ceux des Grecs , lorsqu'on en juge par l'étendue
de leur intérieur. Le temple d'vlssise a le péristile le plus grand après
celui du Panthéon ; mais l'intérieur du sanctuaire n'a que 40 pieds de lar-
geur ,et pouvait par conséquent être suffisamment éclairé par la porte.
Antolini Temple d'Assise.
(2) Paus. Liv. V. Ghap. XII.
DE la- Grec e. 375
ble pratiquée dans le toit. Vitruve ne dit pas en effet tout l'inté-
rieur ,mais seulement le médium, le milieu', ce qui donne à croire
que la partie du milieu était seule à découvert. Gette supposition
devient d'autant plus probable, que les temples qui avaient deux
rangs de portiques dans l'intérieur, étaient plus propres à suppor-
ter un plafond eu bois, qu'une voûte en pierre, surtout si l'on ré-
fléchit au talent particulier qu'avaient les anciens pour les ouvrages
en bois, et la construction de plafonds mobiles, dont les pièces
étaient jointes ensemble avec un art infini , et pouvaient se sépa-
rer à volonté. Il ne serait donc pas hors de vraisemblance , qu'avec
un pareil moyen , les Grecs fussent parvenus à pratiquer au sommet
de leurs temples les plus grands, des espèces de fenêtres verticales,
qui pouvaient s'ouvrir et se fermer selon que le besoin l'exigeait (a).
(i) Le mot Autel chez les Romains indiquait un lieu un peu ex-
haussé de terre , et sur lequel on immolait aux Dieux supérieurs : motif
pour lequel on l'appelait altare , du mot hauteur , altitudine. On appe-
lait Arae , les autels moins élevés , sur lesquels on sacrifiait générale-
ment aux Divinités terrestres Varron ( cité par Servius sur l'Ecl. V. )
donne superis altaria , terrestribus aras , inferis focos. Mais ces mots se
trouvent néanmoins employés souvent dans le même sens. Les Grecs ap-
pelaient les autels B&^ioi , sans aucune distinction.
(2) V. Sauhrt , De sacrif. Gap. XV. La hauteur commune des au-
tels était de deux à trois pieds Grecs. Nicomaque de Gérase dit , que les
autels les plus anciens , et surtout les ioniques , étaient plus hauts que
larges; et que la dimension de leur base n était pas la même que celle
de leur corniche ou de leur sommité.
Europe. Fol. I, tu
BjS Religion
deux pieds de hauteur. Ces autels devaient par conséquent être en-
tourés de gradins. Ceux des Divinités terrestres étaient moins hauts:
Vitruve veut même que ceux de Vesta , de la Terre et de Mer la
soient très-bas. Les autels consacrés aux Héros s'élevaient à peine
au dessus du sol, et n'avaient, selon le Scholiaste d'Euripide, qu'un
seul gradin. Les Divinités souterraines ou infernales avaient pour
autels certaines fosses, dans lesquelles on fesait couler le sang des
victimes. Porphire ajoute, qu'à l'Univers, aux Nymphes et autres
Divinités de ce genre, on sacrifiait dans des antres, qui leur te-
naient lieu de temples et d'autels. Selon les préceptes de Vitruve ,
les autels devaient être tournés vers l'orient, et toujours moins hauts
que les idoles. Lorsque le moment du sacrifice était arrivé , on
ouvrait la porte du naos , pour que le peuple pût voir l'autel et
la victime : car il n'y avait que les prêtres et les premiers ma-
Leur madère. gistrats qui pussent entrer dans le sanctuaire. Dans les tems recu-
lés, les autels consistaient en un monceau de terre, ou étaient
faits de gazon, simplicité dont les poètes font souvent l'éloge. Ces
sortes d'autels s'élevaient sous des arbres consacrés à la Divinité à
laquelle ils étaient dédiés, ou bien on les parait du feuillage de
ces arbres. A la terre dont ils étaient construits on substitua des
pierres, des briques, des marbres et enfin les métaux les plus
précieux. Il y avait d'autres autels qui étaient faits de la cendre
des holocaustes, tel que celui de Jupiter Olympien dont nous avons
parlé plus haut: l'autel d'Apollon à Délos était en cornes, et ce
Dieu passait pour avoir fait cet ouvrage merveilleux avec les cornes
des chèvres sauvages , que Diane sa .sœur avait tuées sur le mont
Cornes
des autels. Cynîhius. Anciennement les autels carrés avaient aussi des orne-
mens en corne; mais bientôt le luxe succédant à la simplicité 3 on
substitua aux cornes véritables des figures de cornes faites de mé-
taux précieux. Ces ornemens servaient à plusieurs usages; on y
attachait les victimes , et l'on y suspendait les instrumens sacrés ,
les couronnes votives et autres objets semblables : les dévots qui avaient
le plus de ferveur les embrassaient même des deux mains, lorsqu'il
Deux espèces
leur était permis d'en approcher pour faire leurs prières.
délite/s, Il y a aussi deux espèces d'autels à distinguer, quant à leur usage
et à leur objet, Les premiers s'appelaient 'ûnvpoi , apuroi, c'est-à-
dire sans feu , et on n'y fesait jamais de sacrifices avec le feu
ou effusion de sang. Tel était celui que Cécrops avait élevé dans
FAttique à Jupiter P et sur lequel on ne fesait que des offrandes
de la Grèce. 379
de gâteaux , ce législateur ayant défendu , au rapport de Pausanias,
qu'on y sacrifiât aucun être vivant; et tel était encore un autre
autel qu'on voyait à Délos près de celui de cornes dont nous venons
déparier, et qui, selon Laerce , reçut l'offrande de Pithagore , aux
yeux duquel le sacrifice d'un animal quelconque était un crimes
Les autels de la seconde espèce s'appelaient 'fampet 5 c'est-à-dire
ardens: on y brûlait les victimes, qui, pour cette raison portaient
le nom de èV^*,
La consécration des autels , ainsi que des idoles et des temples àlTtmu?
se fesait solennellement. La plus ancienne cérémonie de ce genre des aulels ete'
consistait en une offrande d'une marmite pleine de légumes bouillis.
Une femme habillée de diverses couleurs portait cette marmite sur
sa tète. Cette offrande passait pour être très-agréable aux Dieux ,
parce qu'elle se fesait en mémoire de ce qu'ils s'étaient nourris eux-
mème de ces alimens sur la terre (1). Mais il s'introduisit peu-à-peu
dans la célébration de ces cérémonies de nouveaux usages, qui va-
riaient selon la nature des Divinités. En parlant de la consécration
d'une idole de Jupiter, Athénée raporte, qu'on s'y servait d'un vase
neuf et à deux anses, à l'une desquelles était attachée une petite
couronne de laine blanche, et à l'autre un ornement semblable en
laine jaune; que dans la suite on couvrit ce vase, et qu'enfin on
répandit devant l'idole une libation appelée ambroisie, qui était un
mélange d'eau , de miel et de toutes sortes de fruits. Cependant l'usage
le plus général dans ces consécrations, était de les accompagner de
prières et de sacrifices, d'orner de couronnes les statues et les autels ,
de les oindre d'huile, d'y apposer le nom de la Divinité à laquelle
ils étaient dédiés, d'y joindre quelquefois des imprécations terribles
aux Dieux de l'Averne contre ceux qui auraient osé les profaner, et
enfin de les célébrer par des banquets et des fêtes magnifiques. La
consécration des arbres se fesait d'une manière à-peu-près sembla-
ble : ce dont nous avons un exemple remarquable dans la XVIII.6
Idylle de Théocrite , où les vierges de Sparte promettent de consa-
crer un arbre en l'honneur d'Hélène : « C'est nous qui les premières,
« pliant en couronnes la fleur du lotos, irons la suspendre sous l'om-
« bre du platane: c'est nous qui les premières, portant dans un
« vase d'argent , des essences parfumées , les verserons goutte à goût»
« te, sous l'ombre du platane: et sur l'écorce , ( afin que les voya-
(i) Winkeïm. Monum. ant. n.° 181. Cet auteur observe que « Mont-
faucon , en rapportant deu* autres yases en terre cuite , a pris les rigoles
des autels qui y sont représentés , dans l'un pour une flèche , et dans
l'autre pour un cordon tendu par un anneau » ; et il ajoute un peu
plus bas que, «d'après ce que dit Nicomaque de Gèrase , savoir, que
les autels les plus antiques , et surtout les ioniques n'avaient pas au-
tant de largeur que de hauteur , ni la base égale à la corniche , comme
dans l'autel dont il s'agit , on ne peut pas croire que ce vase soit d'une
de la Grèce. 38 i
antiquité aussi reculée , et moins encore conclure avec Saumaise , que les
autels étaient pour l'ordinaire de forme carrée ou cubique , puisque l'évi-
dence prouve le contraire.
(.) Voy: en Grèce, T. I. pag. 37. «Au fond de la chapelle, dit
l'auteur, est un autel orné de têtes de cerf et de guirlandes , à côté d'une
belle statue de femme ». Il n'y a rien qui y annonce le Christianisme , ex-
cepté une petite image enfumée de la Vierge, que les Grecs ont placée
dans ce lieu, après avoir mutilé cette statue, dans la vue de la rendre
plus propre à porter une lampe.
(2) Winckelm. Monum, anb. pag. 252.
38a Religion
les sacrifices et les cérémonies religieuses. Nuis ne voulons pas
non plus imiter ces écrivains, qui, pleins d'admiration pour tout
ce qui a un caractère d'antiquité, ont cru apercevoir des ustensi-
les sacrés dans tous les vases, et presque dans tous les monumens
qu'ils ont eu occasion d'examiner. Ajoutons à cela qu'il n'y avait
que peu ou point de différence entre ceux des Grecs et des Ro-
Trépieds. mains. Nous commencerons par les trépieds _, dont l'usage était très-
commun , et la forme extrêmement variée „ et nous ne parlerons
que de ceux qui servaient aux fonctions religieuses. Le plus célè-
bre de tous était celui qui se trouvait dans le temple de Delphes,
et sur lequel la prêtresse d'Apollon, appelée Phébade ou Pythie, se
Trépied plaçait pour rendre ses oracles (i). Hérodote rapporte, qu'avec le
ÏÊeiph™. dixième du produit des dépouilles enlevées aux Perses,, les Grecs
firent un trépied en or, qu'ils consacrèrent à Apollon de Del-
phes; et il ajoute que, de son tems , on voyait encore ce trépied, qui
reposait sur un se .peut de bronze à trois têtes. Il résulte de ce
passage d'Hérodote, que ce serpent était une chose tout-à-fait dis-
tincte du trépied , dont il n'était même que le support ; et que
par conséquent les antiquaires qui ont cru que ce trépied avait la
forme d'un serpent, se sont trompés d'une manière évidente. Le té-
moignage d'Hérodote s'accorde à cet égard avec celui de Pansanias*
qui dit que le trépied d'or consacré par les Grecs après la bataille
de 'Platée, était supporté par un dragon eu bronze (2). Zozime rap-
porte que Constantin le Grand plaça dans J'Hyppodrome le trépied
de Delphes, qui renfermait en lui la statue d'Apollon. Sozomène
de Salamine ajoute, que ce trépied était le même que celui que les
Grecs avaient consacré à Apollon, après la victoire qu'ils rempor-
tèrent sur les Perses. Or Eusèbe dit clairement que le trépied de
Delphes, placé par Constantin dans l'Hyppodrome , était entouré
d'un serpent qui l'enveloppait de ses replis (3). Il faut donc con-
(1) Les trépieds, et en général tous les ustensiles à trois pieds étaient
particulièrement consacrés à Apollon. On a beaucoup disputé sur l'origine
de cette espèce d'ustensiles. Quelques-uns la font dériver du préjugé , d'après
lequel les anciens regardaient comme mystériux et sacré le nombre trois.
Sosibe dit que le trépied fut consacré à Apollon, comme le symbole des
trois cercles , dans lesquels les anciens supposaient le ciel divisé , ou parce
que ce Dieu était appelé Soleil dans les cieux , Liber ou Bacchus sur
la terre , et Apollon aux enfers V. Bulenger, De oraculis et vatibus.
(2) Pausan. In Phoc. Lih. X,
(3) Gyllius. Constantinop. Topographie, Liv. II. Chap. XlU.
de la Grèce. 383
(1) Costume of the ancients. London , 1 8 12. Vol. II. Plates 2o3, 21 8.1
(2) Odvss. VIII. 437.
S&f Religion
nunij, et il s'en trouve un grand nombre d'autres dans les diverses
collections d'antiquités ; mais jusqu'à présent on n'en a découvert
aucun , qui eût une douille ou un trou à son extrémité pour y met-
Lew forme, tre le cierge. Ils se terminent tous en une espèce de vase propre
à contenir de l'huile , de l'encens , du bitume et autres matières
combustibles et odorantes, ou en une surface plate et large faite
pour y recevoir une lampe , ou même les poêles destinées à re-
cueillir ces matières, et quelquefois encore les libations. Pausa-
nias raconte que ceux qui venaient consulter l'oracle de Mercure
à Patras, ville d'Achaïe, commençaient par mettre de l'encens sur
l'autel , et versaient ensuite de l'huile dans les lampes des candé-
labres ,attendu que cet oracle ne donnait ses réponses que de nuit.
On voit dans les monumens plusieurs exemples de candélabres, sur
lesquels brûle une large flamme qui en embrasse tout le bassin ou
Leur matière, le sommet (1). Ces candélabres étaient ordinairement en métal et
d'un travavail admirable, ainsi que nous l'apprend Cicéron dans ses
Oraisons contre Verres. On voit à la planche 61 plusieurs de ces
ustensiles. Le n.° i représente un beau candélabre en marbre, ap-
partenant autrefois au palais Barberini , et rapporté aussi par Win-
ckelmann. Sur l'un des côtés de sa base est gravée l'image de Ve-
nus tenant en main une fleur, emblème des jardins qui lui étaient
aussi consacrés, comme on le voit par un passage de Philostrates:
Mars et Pallas sont représentés sur les deux autres côtés. Les can-
délabres,sous les n.os a , 3 , 4 et 5 sont pris de l'ouvrage deHope,
que nous avons cité plus haut. Le n.° 2, est surmonté d'une lampe
ou poêle mobile avec son manche pour la prendre , et un couver-
cle qu'on voit ici levé. Le n.° 6, où sont figurées deux Pallas , est
pri9 d'un vase en terre cuite de style Grec, que possédait autrefois
le chevalier Piranesi. Ces deux derniers candélables sont aussi rap-
des°ca7dë!abres Vort^s Par Poccheggian i. Winckelmann observe que presque tous
les candélabres d'Herculanum n'ont qu'un pied , qui se divise gé-
néralement en trois griffes de lion. Au dessus du pied est un dis-
que partagé en plusieurs bandes, où l'on voit sculptés en bas-relief des
ornemens de tout genre. Le calice, ou l'extrémité supérieure, est
ordinairement décoré de fleurs , de feuillages , quelquefois de figu-
res d'animaux également en bas-relief. Le pied du plus grand can-
délabre de la collection d'Herculanum a un palme et demi Romain
lampe hmcne. Cybèle. La lampe bUicne ou à deux mèches, n.° 5 5 est peut-être
Tunique au monde, et la plus remarquable de tout le musée d'Her-
cuîanum , à cause de la particularité qu'elle a, outre l'élégance
Mèche. de sa forme , d'avoir conservé sa mèche. Nous observerons cependant
que cette mèche ne se trouvait point dans le bec , comme on la
voit dans la figure, mais dans l'intérieur de la lampe, autour de
laquelle s'était formée une croûte de cendre ou de terre, qui la
couvrait toute entière. Exempte dans cet état de toute humidité et
de l'influence de l'air extérieur, cette mèche a pu se conserver
ainsi, de la même manière que les bonnets de laine qui servaient
de doublure à certains casques trouvés dans les fouilles de Pompeïa ,
et qui étaient parfaitement intacts. Elle est de lin à la vérité pré-
paré et un peu tors, mais non filé, de sorte quen la doublant ,
elle dent à former une corde imparfaite à deux brins , selon Fex-
l pression des académiciens d'Herculanum (i). Les n.os 6 et 7 repré-
santent deux de ces espèces de supports auxquels on suspendait
Lampadaires, les lampes, et qu'on appelait vulgairement lampadaires. Nous ne
ferons que rapporter la description qu'on en trouve à la page 3o5
du VIÎI.e vol. de ce Musée. « Le lampadaire en bronze n.° 6 est
« d'une forme vraiment curieuse et même bizarre; il ressemble en
(i) Tit Liv. liv. XXXI chap. 44- Voy. le Tome XXXI. de l'His-
toire de L'Académie Royale des Inscriptions etc. Sur les honneurs ac-
cordés aux Prêtres , dans les religions profanes.
Europe. Fol. I. tfo
3g4 Religion
ctVmuàïtude ^ serait bien . difficile de parler de tous les ordres des prêtres
de prêtres, répandus dans la Grèce, car ce pays doit moins se considérer com-
me un seul et même état , que comme un assemblage de plusieurs
républiques, de mœurs et de constitutions tout-à-fait différentes,
et unies entre elles par une religion, qui était, à la vérité , partout
la même quant au fond, mais dont la variété dans les formes et
les rites , avait une grande influence envers ses ministres. La ma-
nière dont ils étaient élus, leurs fonctions, leurs prérogatives,
leur grade , leurs devoirs présentaient des différences marquan-
tes selon la diversité des lieux. Dans une ville de FAchaïe le sa-
cerdoce de Jupiter se conférait à ceux qui avaient reçu de la
nature la plus belle physionomie et les plus belles formes: ailleurs
on ne l'accordait qu'à la naissance. A Thèbes , le pontife d'Apollon
Ismenius devait réunir la vigueur et la force à la naissance et à
la beauté. Dans certains pays la chasteté était un obstacle au sa-
cerdocedans
, d'autres elle était indispensable. Chez les Mésseniens ,
un prêtre qui avait perdu un fils ne pouvait plus continuer l'exer-
cice de ses fonctions. A Elatée, c'était un enfant qui présidait au
culte de Minerve. A Egide, la Terre avait un temple dont la prê-
tresse devait être veuve , et renoncer au mariage pour le reste de
ses jours. A Argos, la prêtresse de Junon jouissait d'une grande au-
torité 3et donnait son nom aux années. Mais les ministres de Gi-
bèle et de Bellone n'étaient honorés que d'une populace ignorant
et superstitieuse (i). Quelques-uns de ces prêtres étaient constam-
ment attachés au service d'un temple , et avaient une demeure
fixe; d'autres étaient errans , comme les divinités qu'ils servaiente,
et traînaient partout avec eux les misérables objets de leur culte
et de leur fanatisme: enfin, dit l'illustre Bougainville , il n'est
pas possible de faire un pas dans la Grèce , sans rencontrer une
foule de variétés relativement à la religion et à ses ministres (a).
Prêtres
$ Athènes. Quoiqu'il ne soit guères possible de ramener à un seul point tout
ce qui concerne le sacerdoce des républiques de la Grèce , nous
trouverons néanmoins à nous fixer une règle générale à cet égard ,
si 9 comme l'ont fait d'autres écrivains, nous voulons nous en tenir
(i) Pausan. liv. IV. chap. 54. liv. VII. chap. 24 , 25 et 27. liv. IX.
chap. 10. liv. X. chap. 34 Thucydicl. Hist. liv. II.
(2) Bougainville , Mémoire etc. concernant les Ministres des Dieux
à Athènes. Hist. de VAcad. R. des Inscriptions etc. T. XVIII. pag. 60 etc.
de là Grège. 3o,5
doceligion
chezdes Grecs, nous n'avons qu'à rechercher ce qu'était le sacer-
les Athéniens.
Alliance
(i) Les Onze, et %,f,M } étaient élus par le peuple. Chacune des dix
tribus fournissait un juge à ce tribunal , auquel on attachait un écrivain ou
secrétaire , y,w*r8is , ce qui formait le nombre de onze. Ce tribunal était
chargé
étaient de l'arrestati
rendues on des
contre eux. coupables, et de l'exécution des sentences qui
(2) L'Aréopage même n'était pas un tribunal immédiat et absolu
dans les affaires de culte. Solon lui avait bien donné aussi quelques pouvoirs
sur la religion , mais ces pouvoirs ne le rendaient que dépositaire des lois.
Il n'était donc chargé que de veiller à ce qu'il ne fût point introduit dans
l'état un nouveau culte , ni aucune cérémonie qui ne dérivât de l'ancienne
religion ; mais son autorité ne s'étendait point aux transgressions , ni aux
délits contre le culte dominant. Socrate ne fut jugé par ce tribunal
comme un novateur, dont les maximes tendaient à introduire dans l'état que
une religion contraire au polithéisme. S.* Paul y fut traduit pour le
mê-
me motif. Voy. les mémoires déjà cités de M.r de BougainyiUe.
4^0 Religion
Election
(.l€S pi CCI es»
Le sacerdoce chez les anciens se tirait ordinairement au sort. 5
on se conférait au choix, c'est-à-dire aux vœux du peuple (i). C'est
ainsi que les Troyens nommèrent Théano prêtresse de Minerve
(i) Platon, liv. IV. De legibus, Denys. d'Halicar. Antiquib. liv. II.
de la Grège. ^oi
de la population , ou du Bourg où il fesait sa demeure ( t). Le candidat
après avoir satisfait à cette formalité, et justifié qu'il appartenait
à une famille sacerdotale, pouvait aspirer à la dignité de prêtre,
pourvu qu'il n'eût exercé aucune profession mercenaire ou ignoble;
qu'il fût robuste 3 bien conformé, exempt de défauts et sain de
tous ses membres; qu'il eût l'exercice de toutes ses facultés morales ,
et fût d'une conduite irréprochable. La seconde formalité était la
consécration , qui était accompagnée de prières , de vœux et de sacri-
fices. Les prêtres prononçaient leurs vœux devant Y Archonte
Roi , et Engagement
les prêtresses devant la Reine des sacrifices, comme nous l'apprend dewélres-
Démosthènes in Neaeram. Parmi les engagemens que prenait le
prêtre au moment de sa consécration , le principal était de mener
une vie chaste , sobre et tempérante. Euripide assure qu'il était
prescrit aux ministres du Jupiter de Crète de s'abstenir non seule-
ment de viande, mais encore de tout mets bouilli et recherché.
On rapporte même que les prêtres de Cibèle avaient recours à la
mutilation , pour que leur chasteté fût à l'abri de tout danger. Les
Jérofantes d'Athènes, avant la célébration des grandes cérémonies ,
fesaient usage du suc de ciguë ou autres plantes, pour amortir en
eux le feu de la concupiscence. On lit dans Eustase (a) que les prêtres
se couchaient sur l'herbe appelée vyv&ç, ou agno casto , comme étant
contraire à la génération. II n'y avait point de loi cependant qui
les obligeât au célibat : seulement il leur était défendu, à ce qu'il
parait, de contracter un second mariage, comme on le voit par ce
passage de Servius dans ses commentaires sur le IV. e livre de l'Enéï-
de au sujet des prêtresses, quod antiqui repellebant a sacerdolio bis
nuptias.
On ne peut rien dire de positif sur les divers ordres de prêtres, /w, •rdn.
chaque Dieu en ayant plusieurs selon le lieu et les circonstances. d° prifr"'
(i) Les Athéniens , comme nous l'avons déjà observé \ étaient divisés
en tribus: chaque tribu était composée de trois curies , et chaque curie
subdivisée en trente familles. Le mot famille ne doit pas se prendre ici
dans le sens rigoureux de personnes unies entre elles par les liens du sang.
Il signifie^ un corps politique composé de diverses familles , qui , par leur
incorporation dans une même curie, avaient contracté entre elles une es-
pèce de société : la réunion de toutes ces familles en formait une générale
sous le nom de Peuple ou de Bourg. Du tems de Thésée on comptait à
Athènes quatre tribus , douze curies et trois cent-soixante familles.
(2) Ad. Iliacl. VI. pag. 768. Edit. Basil.
Europe^ Vol. I. g
402" Religion
Nous ne ferons que remarquer ici les principaux. Nous avons vu
plus haut que le caractère des grands prêtres qui avaient la préé-
minence sur les ministres inférieurs, variait à Athènes suivant les
Grands prêtres, différentes Divinités. Dion Chrisostome les appelle Archontes des
prêtres. Il y en avait, deux chez les Opuntes; l'un qui présidait aux
ministres des Dieux de l'Olympe, et l'autre à ceux de Petifer et des
Demi-Dieux (i). A Delphes on en comptait cinq , dont l'un présidait
aux oracles et s'appelait A(p^top , surnom qui fut donné par Ho-
mère à Apollon, et qui veut dire, celui qui rend les oracles. 4 près
îféocores. ]es grands prêtres viennent dans les écrits des anciens les Néocores ,
les Parasites et les Chéruces. Les INéocores étaient chargés de la
garde des temples, du soin de les tenir propres, d'empêcher qu'ils
ne fussent profanés, et de pourvoir à l'achat et à l'entretien des us-
tensiles sacrés. Cet emploi était bas et vil dans son origine (a) ; mais
peu à peu il devint important, surtout depuis que la somptuosité
des temples exigea, pour le remplir, des personnes ri hes et dis-
tinguées, et que les dépenses du culte, des fêtes et des jeux pu-
blics intéressèrent tout un peuple. C'est ce qui arriva particuliè-
rement à l'époque où les Grecs asservis à la domination Romaine,
élevèrent aux Empereurs des temples et des autels , et se crurent
honorés d'en être nommés Néocores. Mais alors ces Néocores exer-
çaient,selon Théodoret, deux antres fonctions; la première était
d'asperger avec l'eau lustrale ceux qui entraient dans le temple;
la seconde de faire la même aspersion sur les mets qu'on servait
à la table des Empereurs, et d'être comme les Aumôniers de
ces Monarques. Il n'en fut pas de même du nom de Parasite ,
dont la noble origine fut dégradée par l'application qu'on fit de ce
nom à l'homme d'une condition basse et méprisable. Vue loi de
parasites. Solon avait mis les Parasites au rang des dignitaires les plus dis-
tingués, et Athénée parle d'une autre loi qui fixait leur demeure
dans l'enceinte sacrée. Ou appelait donc Parasites chez les an-
cieus Grecs les ministres, à qui appartenait le soin de choisir et
aéruces. (je garder le froment destiné à l'usage du culte (3). Les Chéruces
(i) Cette figure n'ayant pas sur la tête les tours qu'on voit ordinai-
rement dans les images de Cibèle , il est à présumer que c'est plutôt le
portrait d'une grande prêtresse de cette Divinité. Mongez croit aussi voir
en elle un Archigal , car les prêtres de Cibèle étant presque tous eu-
nuquesil
, n'est pas aisé de prononcer sur le sexe de cette figure. On
ne peut pas non plus la regarder comme particulière à la religion des
Romains , parce que ce peuple avait reçu des Grecs le culte de Cibèle.
Et en effet Denis d'Halicarnasse , qui fut antérieur d'un siècle à 1ère
vulgaire , dit que jusqu'à l'époque où il vivait , le sacerdoce de ce culte
bizarre n'avait été exercé que par des étrangers. On voyait aussi quel-
quefois représentés avec un fouet à la main les Dieux , ou Génies appelés
par les Grecs A^ef /x**** , qui chassent les maux , et par les Latins Aver-
runci , mot dont l'origine semble être Egyptienne.
delà Grèce. z|oq
(i) On était dans l'usage, à Athènes, de faire passer par une robe de
femme ceux qu'on avait crus morts pendant quelque tems. C'était une es-
pèce de purification , au moyen de laquelle ils étaient régénérés. V. Pott.
Arch. gr. lib. II. cap. IV,
Europe. Fol. I. 5a
4io Religion
qu'il serait trop long de rapporter ici (i). Les souillures qu'elle
enlevait étaient jetées à la mer, ou enfouies dans la terre comme
Aspersion, des choses immondes. On ne pouvait se présenter à la célébration
des sacrifices qu'après s'être aspergé d'eau lustrale , qui se conser-
vait, comme nous l'avons observé plus haut, dans un vase placé à
l'entrée du temple, ayant à côté une branche de laurier ou d'olivier,
qui servait d'aspersoir (2). C'est pour cela qu'un prêtre criait par
intervalles que les profanes s'éloignassent , c'est-à-dire ceux qui ne
s'étaient pas purifiés ("3). Tbéophraste fait mention de deux autres
purifications. La première, dont il est parlé dans Lucien, consis-
tait à se frotter le corps avec un oignon; la seconde était de porter
en procession un petit chien ; et celle-ci , au rapport de Plutarqué,
était usitée dans presque toute la Grèce.
Prières. On priait les Dieux en levant les yeux et les mains vers le
ciel, qui était regardé comme la demeure des immortels, ou vers
la mer si la Déité était marine. On trouve plusieurs exemples de
cet usage dans Homère et autres écrivains de l'antiquité. Celui de
se tenir la tête couverte en priant parait aussi avoir existé chez
presque tous les anciens peuples. Dans V Arnphitrion de Plaute ,
un des personnages dit en parlant à un autre; qu'il avait coutume
d'invoquer les Dieux la tête couverte, et les mains pures. Apulée,
Adorations, dans le IV. e livre des Métamorphoses, décrit aussi le signe dont se
servaient les anciens pour exprimer le sentiment de leur adoration
envers leurs divinités: Frappés , dit-il, de la beauté merveilleuse
de Psiché , ils lui rendaient des hommages divins comme à Vénus
même , en portant leur main droite à la bouche, et tenant le pre-
mier doigt joint au pouce , qui était étendu. Les anciens étaient
(1) On lit dans le I.er livre de l'Iliade , que, pour appaiser le cour-
roux d'Apollon , Agamemnon ordonna qu'on fit une lustration générale
dans l'armée. Pausanias dit qu'elle eut pour objet de purifier les Grecs de
la peste qui les avait affligés.
(a) Dans certains endroits il était défendu , non seulement aux escla-
ves et aux gens de service , mais encore aux enfans illégitimes d'assister
aux cérémonies religieuses ; ils avaient néanmoins accès dans le temple
d'Hercule , parce que ce Demi- Dieu était regardé comme bâtard.
(3) Voy. l'hymne de Gallimaque à Appollon , vers 2. Le lieu sacré
était quelquefois séparé du profane par une corde. C'est pour cela que
Démosthéne , en parlant contre Aristogiton , appelle «/rE^y/V,^/™* . qui veut
dire séparés par une corde } ceux qui avaient été exclus des rites sacrés,
de la Grèce. 411
encore dans l'usage de s'agenouiller en priant, et de baiser la bou-
che ,les genoux et les pieds des images de leurs Déités. Cicéron ,
dans sa quatrième oraison contre Verres , en parlant d'un Hercule en
bronze que ce pubiicain avait enlevé aux Agrigentins , dit n'avoir
jamais vu de statue plus belle que celle-là , quoique rictum ejus ac
menium paullo sit attritius . quod in pre.cïbus , et gratulationibus
non soJum id venerari , verum étiam osculari soient. Les Grecs
avaient en outre coutume , avant de prier , de se ceindre la tête et
le cou de feuilles de laurier ou d'olivier , pour faire allusion à la
victoire, au bonheur, à la joie, à la paix et à la bienveillance
dont ces arbres étaient les emblèmes. On entortillait de laine ces
feuilles, en mémoire de la simplicité et de l'innocence des premiers
hommes. Il faut voir l'Archéologie Grecque de Potter au sujet de
ces différens usages. Dans les grandes calamités , les femmes cou-
raient eu poussant des hurlemens , comme des forcenées , autour des
simulacres et dans les temples , dont elles nettoyaient le pavé avec
leurs cheveux. Elles se couvraient d'un grand voile pour prier, et eu
couvraient quelquefois les images même de leurs Divinités. L'usage des
vœux était également familier aux Grecs, comme un moyen propre
à fléchir en leur faveur la volonté des Dieux. Ainsi Nestor dans
l'Iliade fait à Minerve le vœu de lui sacrifier neuf taureaux, si
les Grecs retournent heureusement dans leur patrie. Winckelmann
rapporte une birème exécutée en marbre, et il ajoute, « qu'on pour-
« rait regarder ce monument comme un vœu fait par un guerrier
« dans le temple de la Fortune à Préneste , pour la remercier de
« lui avoir sauvé la vie dans un combat naval , à l'exemple des an-
« ciens qui étaient dans l'usage de dédier des barques et des navi-
" res dans leurs temples: ou dit même de Jason qu'il avait consa-
« cré à Neptune le navire Argos (1) „. On fesait également hom-
mage aux Dieux des figures des membres humains, dont on croyait
avoir obtenu d'eux la guérison. A cette espèce de vœux appartien-
nent un doigt publié par Fabretti, sur lequel est gravé un nom
qui est peut-être celui du donateur , et un pied avec le serpent
d'Esculape, qu'on voit dans le musée de Kircher. M.r Fauvel vice-
Consul à Athènes 3 et correspondant de l'Institut de Paris écrivait
en 1806 , d'avoir trouvé dans les fouilles d'Athènes une statue d'ïgie ,
avec un grand nombre de vœux en marbre , le torse d'un homme ,
la partie antérieure du corps d'une femme, des oreilles, des yeux,
(i) Le mot libation dérive du. Grec Xeipe.w , qui veut dire répandre,
auquel , selon Isidore , correspond le mot latin Libare , répandre , ver-
ser etc.
(2) De Abstin. lib. JI. Sacrorum libaminum maxima pars apud
veteres sobria fuit : sobria autem vocanlur , quae ex aaua constant',
postea ex melle Jîebant , auod ab apibus elaboratum est in promptu ;
huic oleum suççessiù ; et ppst omnia vinum adhiberi soliturn est,
de la Grèce. 41 3
Phénix, datas le IX.e livre de l'Iliade, en parlant des moyens d'ap-
paiser le courroux des Dieux, joint aux libations et aux prières les
parfums odoriférans. Pline est cependant d'avis, que l'encens n'était
point encore en usage au tems de la guerre de Troie: lliacis tem~
poribus , dit-il, thure non supplicabatur : Cedri tantum et citri suo-
rum fructicum in sacris fumo convolutum ardorem verius , quant
odorem noverant (i). Arnobe, qui pense de même , ajoute que les
anciens ne font aucune mention de l'encens dans leurs écrits. Aux
libations et aux parfums il faut encore réunir les gâteaux , ou fa- Gdieaux.
rines salées appelées par Homère dvûai et ovXo%vt(u , et par les La-
tins molae , dont l'offrande était regardée comme infiniment agréa-
ble aux Dieux. Elles étaient généralement faites d'orge moulu, et
de sel. Ces gâteaux ou farines étaient tellement en vénération } au
dire de Pline, qu'on en fesait usage dans tous les sacrifices, et
qu'on en saupoudrait les autels et même les ustensiles sacrés. Le
scholiaste d'Homère fait dériver l'origine de ce rite , de l'usage où
l'on était dans les tems les plus reculés, de ne faire aux Dieux que
des offrandes de grains et de fruits.
Nous avons représenté à la planche 65 une libation , qui a Libation prise
été copiée sur les vases antiques d'Hamilton. " Le premier person- d'Handîcon.
« nage à main gauche, dit l'illustre commentateur,, est celui qui
« fait la cérémonie , comme l'indique la branche d'olivier qu'il
« tient dans la main gauche: car on voit, par la description que
« fait Stace dans le Xll.e chant de la Thébaïde de l'autel de la
« Clémence élevé dans Athènes, que pour adresser des prières aux
« Dieux il fallait avoir une branche de laurier ou d'olivier, qu'on ap-
« pe liait uesr^tai. On y attachait le plus souvent des bandelettes appe-
rt lées Vittaeet Stemmata. La coupe qui se tenait de la main droite,
« était destinée à recevoir une portion du vin dont on fesait la li-
" bation: on la buvait aussitôt , comme cela arrivait quelquefois, ou
" bien on l'emportait chez soi, comme une chose sacrée, et pro-
« pre à préserver de maladie ou de toute autre disgrâce Le
« second personnage est un Prospolos ou serviteur , qui tient de la
« main gauche une espèce de plat contenant de l'orge mêlé avec du sel,
« et de la main droite un verre plein de vin. Le prêtre commençait
" par faire le tour de l'autel, en répandant de l'orge en grain ou
« en farine, et en aspergeant le plus souvent d'eau lustrale l'autel
loup par les 'Dieux, pour avoir immolé une victime humaine. On
(i) Une loi de Solon défendait aux Athéniens de sacrifier des bœufs,
parce que ces animaux étaient les plus utiles à l'Agriculture , et comme
les compagnons de l'homme. Elien assure cependant que cette loi ne con-
cernait que les boeufs élevés à la charrue. Cet animal était tellement en
honneur chez les anciens pour les sacrifices , que les pauvres qui n'avaient
pas le moyen d'en immoler un véritable , en offraient un de farine, qu'on
appelait le septième bœuf. Voy. les Antichità d'Erculano. Bronzi etc.
pag. a3 n,° 4.
4i6 Religion
que des animaux Belliqueux et féroces, tels que le taureau. On n'im-
molait également aux Dieux de PÀverne que des victimes noires (i\
Les cornes des bœufs et des taureaux étaient dorées. Entre autres
preuves de la magnificence des Athéniens, Platon cite le povç >;pv<roxè-
Ornemens povç , ou le bœuf aux cornes dorées. Le bélier , le bouc et les autres qua-
âes victimes- - , _ , 1 _. t ' *
drupede , étaient pares de couronnes faites avec les feuilles de l'arbre
consacré à la Déité, en l'honneur de laquelle se fesait le sacrifice.
On pouvait immoler plusieurs victimes en même teras à une seule
Divinité. La renommée a rendu célèbres les sacrifices appelés E%a-
■tô^fzai 3 dans lesquels on immolait cent bœufs, comme l'indique le
Hécatombe, mot même. Cependant Vhécatombe se composait quelquefois de cent
victimes d'une autre espèce. II est parlé dans le I.er livre de l'Iliade
d'un hécatombe de taureaux ou de chèvres, et dans le XXII. e d'un
hécatombe d'agneaux premiers-nés. Les érudits n'ont pas même tou-
jours été d'accord sur le nombre de victimes composant Vhécatombe :
car Eustaze dit qu'il y avait des auteurs, selon lesquels elle était
seulement de vingt-cinq quadrupèdes, qui fesaient cent pieds, et
que d'autres la prirent pour un nombre considérable et indéfini
d'animaux. Les victimes inférieures , telles que les brebis, les agneaux
et autres animaux semblables étaient conduites à l'autel saus être
attachées ; mais le taureau , la vache et autres de cette espèce se
tiraient avec une corde entrelacée autour de leurs cornes. Cette corde
devait être longue, et arrangée de manière à ce que la victime ne
parût point conduite avec violence.
Cèiémomes
4ss sacrifices, „ Homère
___. „ , dans
T_.r „ . les
., -. l.er
■ et, II. e
,livres 1de i
l'Iliade,
• . ainsi
i que, /dans
les III. et IV. de l Odyssée, donne la description des cérémo-
nies relatives aux sacrifices, qui, au dire de Denis d'Halicar-
nasse , ne différaient nullement de celles qui étaient en usage de
son tems chez les Romains. Premièrement, les sacrificateurs se la-
vaient les mains avec l'eau lustrale, qui se fesait en plongeant dans
l'eau un tison ardent pris sur l'autel. Secondement , on répandait sur
la tête ou sur le dos de la victime la farine ou mola salsa , dont
nous avons parlé plus haut; et cette cérémonie était ce que les
latins appelaient proprement immolare. Troisièmement, on arrachait
ou on coupait de la tête de la victime quelques poils, qu'on jetait
Mariages.
liage (i): c'est pour la même raison peut-être qu'il était aussi
en honneur à la Muse Uranie. Les Parques et les Grâces rece-
vaient de même leur portion d'hommages dans cette cérémonie ,
en considération du pouvoir qu'on leur attribuait d'unir les cœurs ,
et de conserver l'amour entre les époux (a). Le nombre des divinités
qui présidaient aux mariages, selon les différeus pays de la Grèce ^
pourrait s'accroître encore de beaucoup d'autres , qu'on appelait
gamelles , du mot yapoç, qui veut dire noces (3). De ces Dieux
gamélies le plus renommé est Hy menée. C'était, selon le Scoîiaste Hyménée.
d'Homère, un beau jeune homme Grec, auquel on avait décerné
de grands honneurs, pour avoir sauvé par sa valeur plusieurs jeunes
filles d'Athènes de la lubricité et de la cruauté d'une horde de
Pelasges (4)- Les poètes lui donnèrent dans la suite une origine
divine, en le déclarant fils, les uns de Bacchus et de Vénus 3 les
autres d'Apollon et de Calliope : quelques-uns ne nommèrent que
sa mère, qu'ils dirent être Uranie ou Therpsicore (5).
Convaincus que toute la force d'un état consiste dans le nombre lesLôù contre
célibataires.
de sa population , les Grecs avaieut décerné des peines sévères, non
seulement contre ceux qui répugnaient au mariage, en les regar-
dant comme des hommes sans amour pour la patrie et qui refusaient
de contribuer à sa grandeur, mais même contre ceux qui tardaient
trop long-tems à prendre une compagne , ou qui la prenaient inha-
bile à leur donner des enfans ; c'est pour cela qu'à l'inculpation
à'agamie ils ajoutèrent, comme le dit Pollux, celles (Yopsigamie
et de cacogamie (6). Démosthène nous apprend dans Dinarque , qu'à
Athènes il était défendu d'élever à aucune dignité celui qui n'avait
YaàuUè™ ^s ^es tems héroïques l'adultère passait chez les Grecs pour
îe crime le plus infâme et le plus odieux. Les terribles catastro-
phes d'Atrée et Thyeste , d'Egiste et autres qui ont été mises en
scène pour l'exemple et l'effroi des adultères, argument sublime et
inépuisable d'actions tragiques, nous offrent une preuve de l'horreur
qu'inspirait aux Grecs la violation du lit nuptial. L'enlèvement
d'Hélène épouse de Ménélas alluma dans la Grèce entière le feu
de la vengeance, et entraîna la ruine de Troie. Les adultères étaient
lapidés, ou avaient les yeux arrachés (3). Les lois n'étaient pas
(i) Potter. Areh. gr. liv. IV. chap. XI. et Montfaucon . T. VI. pag. 2i3.
(2) Voy aussi Stobeo , De laud. Nuptlarum , Sermon. LXV. et
Athénée Deipnosoph. liv. XIII.
(3) Iliad. III. vers. 67. Natalis Cornes , Mytholog. etc.
de la Grège. ^2,3
moins sévères à leur égard dans les tems historiques. Zeleucus chez
les Locriens les avait condamnés à cette dernière peine (i): en Crète
on les enveloppait de laine, comme par allusion à leur mollesse,
et dans cet état on les conduisait au milieu des huées publiques
en présence des Magistrats , qui les condamnaient à l'ignominie (a).
Il serait trop-long de rapporter ici les divers genres de peines dont
on punissait l'adultère dans chacune des républiques de la Grèce.
Nous parlerons seulement des Athéniens. Dans les premiers tems ils sMrkS
n'avaient aucune loi contre ce crime. L'Archonte Hippomène , de- des ^uer'fenr
scendant de Codrus, condamna sa propre fille et son amant à traîner fadultér°<
un char: ce qui ayant occasionné la mort de ce dernier, il fit en-
fermer sa fille avec le cheval dans une prison, où elle mourut de
faim (3). Dracon publia dans la suite une loi qui mettait l'adul-
tère à la discrétion de celui dont l'honneur avait été outragé, et
il lui était permis de le mutiler, de le tuer, ou d'en tirer toute
autre espèce de vengeance que bon lui semblait (4). Cette loi fut
confirmée par Solon, qui prononça en outre des peines pécuniaire?
selon les circonstances du délit. Les femmes surprises en adultère
étaient condamnées à l'esclavage, ou bien il leur était défendu de
porter des vêtemens riches et élégans, et si elles osaient paraître
en public avec un habillement recherché , il était permis à qui que
ce soit de les insulter et même de les frapper.
L'histoire Greque ne nous offre aucun exemple de polygamie PoiISamic.
proprement dite. M.r de Rochefort observe à ce sujet, qu'Homère
qui est toujours très-attentif à distinguer le costume des Grecs de
celui des Barbares , donne bien plusieurs femmes à Priam , mais
une seule aux Grecs. C'est pourquoi, après avoir dit dans son cin-
quième livre que le Spartiate Anaxandride eut deux femmes en
même tems , Hérodote se hâte d'ajouter que cela était contraire à
(1) La pluralité des femmes semble néanmoins avoir été permise dans
certaines circonstances , à la vérité fort rares , telles qu'une guerre san-
glante ,une peste ou quelqu'autre calamité funeste à la population ; c'est
pourquoi on lit d'Euripide qu'il haïssait mortellement les femmes , pour
avoir été tourmenté par deux à la fois : fatalité qu'on dit aussi avoir été
commune à Soorate. Gellius , Noct. A th. liv. XV. chap. XIX.
(2) Plut, in Alcibiad. et Demosth. in Neaeram. Ariston Roi de
Lacédémone fut le premier qui donna chez les Grecs l'exemple de la po-
lygamie et du divorce. N'ayant point eu d'enfans de sa première femme ,
il en prit un autre -, ce mariage n'ayant pas été plus heureux que le pre-
mier ,il en prit une troisième , et répudia la seconde. Il est bon d'obser-
ver néanmoins qu'Ariston fut père de Demaratus , qui vivait du tems de
Darius , c'est-à-dire à une époque où les mœurs des Grecs étaient déjà
très-corrompues. V. Potter , et De Roche fort loc. cit.
de la Grège. 42^
cond. Flutarque nous cite un exemple de cet usage dans la vie de
Périclés 9 qui ne pouvant vivre avec sa femme pour cause d'incom-
patibilité de caractère, la céda du consentement d'elle-même à un
autre mari. Il n'était pas défendu néanmoins aux époux de contrac- Secondes note*
ter un second mariage après la mort de l'un d'eux. Mais ces exemples
étaient rares chez les veuves dans les tems héroïques, tant la femme
avait de respect pour le serment de fidélité qu'elle avait fait à son
premier époux ! Ce fut ce respect pour l'opinion et pour le lit
conjugal, qui empêcha Pénélope de céder aux instances et aux me-
naces des Procris. Nous passerons ici sous silence certains usages li-
centieux qui eurent lieu chez les Grecs à l'époque de leur plus
grande dépravation ; et nous tirerons également, un voile sur les
lieux de prostitution qui furent permis par Solon même à Athè-
nes, et dont il répugnerait à une âme honnête de faire ou d'enten-
dre la description. Nous observerons seulement qu'il ne faut pas
toujours regarder comme la preuve d'un usage général , ce qu'on ra-
conte des déréglemens et du libertinage de certaines femmes: car
il n'est pas de peuple, quelle que soit d'ailleurs la sagesse de
ses institutions et de ses mœurs, qui ne soit contraint souvent de
tolérer les vices et la conduite scandaleuse de certaines personnes,
que le frein de la religion et des lois ne peut contenir. Ainsi ce
serait s'abuser étrangement, que déjuger d'après les mauvaises actions
de quelques particuliers, du costume général d'une nation.
Par la môme raison on ne doit point considérer comme d'un Mariage
usage général, ou comme non défendus par les lois chez les Grecs, entreprîmes
les mariages entre proches parens , tels que celui de Cimon avec Parens-
Elpiuice sa propre sœur. Ces mariages étaient en horreur, et pas-
saient pour être usités seulement chez les Barbares (i): la même
exécration était attachée aux unions incestueuses , lors même qu'el-
les n'étaient qu'un effet du destin. C'est ce dont nous offrent un
exemple terrible les funestes catastrophes d'dEdipe et de Phè-
dre (a). On ne peut pas nier cependant qu'il n'existât chez les
défendu
Les mariages ne pouvaient se contracter chez les Grecs qu'entre
personnes d'une même ville ou «l'une même république (r), tant
était sacré pour eux le droit de cité! C'est pourquoi les lois d'Athènes
condamnaient à un esclavage perpétuel les en fans nés de mariages
mixtes.
te mariage
.Âge poin- II n'est pas aisé de déterminer l'âg* auquel on pouvait se marier.
Cet âge variait à ce qu'il parait, selon les Constitutions de cha-
que état. A Sparte il fallait pour cela que le corps de l'homme
eût pris tout son accroissement et acquis toute sa force , ce qui
donne à présumer qu'il n'y avait point d'âge fixe pour contracter
ce lien (a). II parait qu'à Athènes il fallait avoir trente-cinq ans:
car Selon, qui avait partagé la vie humaine en dix semaines, disait
que ce n'était qu'à la cinquième que l'homme était propre à en-
gendrer des enfans sains et vigoureux (3). Hésiode fixe l'âge du ma-
riage pour les femmes à i5 ans (i), Aristote à i3 3 et. les ancien-
nes lois d'Athènes l'avaient porté jusqu'à 2,6.
Le consentement des parens était nécessaire pour que le ma- Consentement
riage fût légitime. C'est pour cela que Héron, selon Musée, dit a
Léandre qu'elle ne pouvait point l'épouser, parce que ses parens
ne le voulaient pas. Achille refusa d'accepter pour épouse la fille»
d'Agamemnon , en disant (n): Si les Dieux me permettent de revoir
mes Pénates , c'est Pelée lui-même qui me choisira une épouse
Les filles qui n'avaient plus ni père ni mère, devaient obtenir
l'assentiment de leurs frères , de leurs oncles ou de leurs plus pro-
ches parens. Quelquefois le mari même, sur le point de mourir, pro-
mettait sa femme en mariage à un autre. Ainsi le père de Démos-
thène., avant de succomber sous le poids de ses infirmités, promit
sa femme Gléobuîe à A phobus avec une dot considérable.
Avant leur civilisation les Grecs achetaient leurs femmes, d'où Dot.
Aristote conclut qu'anciennement leurs mœurs étaient extrêmement
barbares (3). Mais c'était un usage établi dès les tems héroïques,
que les femmes devaient apporter à leur mari une dot proportionnée
à leur fortune et à leur naissance (4). A mesure que le luxe fit
des progrès, cette dot devint plus considérable: ce qui fut la cause
de deux inconvéniens ; l'un, que le nombre des mariages diminua,
et l'autre que les épouses riches prétendaient de commander au mari.
Pour que le défaut de fortune ne mît point d'obstacle au mariage (5)
Lycurffue
3 ° abolit à Lacédémone l'usage ° de la dot. Selon en fit de foh
de Lycurgue
même à Athènes, en ordonnant que les jeunes filles n'apporteraient <* de Soto»
en mariage que trois robes, et quelques ustensiles de ménage.
Cependant 3 pour conserver ies fortunes dans chaque famille, ce
dernier législateur avait prescrit en outre que les filles uniques se
marieraient avec leur plus proche parent. Mais les lois de l'un et de
l'autre n'eurent pas grand'force à cet égard : car on lit dans PIu-
tarque que, du tems de Lysandre, les hommes ne regadaient guè-
dès époux.
était également ornée de guirlandes. Une jeune fille précédait l'é-
pouse, tenant un crible, une navette, ou tout autre ustensile à
l'usage des femmes: l'épouse portait elle-même un vase de terre
plein d'orge, par allusion à l'engagement qu'elle prenait de veiller
aux soins du ménage (4)- Vers îe commencement de la nuit on con-
duisait l'épouse sur un char de la maison paternelle à celle de l'é-
poux, comme pour cacher, à la faveur des ténèbres, la pudeur vir-
ginale (5). A l'un de ses côtés était assis l'époux , et de l'autre son
plus proche parent ou l'ami le plus intime. Des chœurs de chan-
teurs et de danseurs accompagnaient le char. Arrivé à la maison
de l'époux on en jettait les ptanches sur le feu s pour indiquer que
lepouse ne retournerait plus à la maison paternelle (6). A la porte on
posait quelques figues et autres fruits sur la tête des époux , com-
me un présage de l'abondance dont ils allaient jouir , selon l'opi-
nion du Scoliaste d'Aristophane.
Banquet
Il y avait ensuite un repas splendide auquel on donnait l'épi-
gamélie. thète de gamélie. Un enfant couronné d'aubépine et de chêne en-
trait avec un panier plein de pain , et allait chantant ïcpvyov xaxov.
sïpov arieivov , f ai fui le mal, j'ai trouvé le mieux, fesant ainsi al-
f
m r= ^JL iijAî^
%t LA CaIg£ 453 .
§ dont il s'agît. Jupiter donna des ailes à Thétis; Vénus une coupe
à Pelée, sur laquelle était gravé un petit amour: Neptune lui fit
présent de deux chevaux fameux par leur nom , et Junon de la Heures .
chlamyde .... Pallas est suivie des quatre Heures , ou Déesses
des Saisons, filles du Soleil, et en même teras Déesses de la et saisons*.
beauté 3 que Nonnus fait aussi intervenir aux noces de Cadmus ?
et par qui Môschiou fait préparer le lit de Jupiter et d'Europe :
« ce sont elles qui portent les présens pour la table. La première,
ffifâ.
« qui représente l'hiver, est plus habillée que les autres; elle porte
« un lièvre et un oiseau attachés à un bâton , et traîne après elle
un sanglier, emblème de la chasse pour laquelle l'hiver est la
i saison la plus favorable. Elle précède les autres, parce que cette
saison est aussi la plus propre aux mariages .... Après elle
AatonffTe.
vient l'Automne , qui est moins vêtue, tenant par une patte de
* devant une chèvre, et portant un panier de fruits qu'on appelait
carpoi oraioi , ou fruits mûrs , qui étaient de l'été et de i'automne. Eté.
'(■ Suit l'été , légèrement habillé et avec une guirlande , puis le Prin-
"< terns, qui semble porter dans un pan de son vêtement des petits
pois écossés , production particulière à cette saison, et qu'on
{ voyait alors sur les tables des Grecs, comme aujourd'hui sur les nô-
« très .... Le Printems porte sur sa physionomie et dans son
'< maintien un air innocent et virginal , et tient les yeux modestement
baissés , tel que les poètes nous dépeignent les femmes non ma-
riées ;il a la chevelure nouée sur le haut de la tête comme les
jeunes filles .... Après les Heures vient Hyménée fils de ïherp- Hyménëe.
sicore 5 ayant une longue chevelure retroussée , et une couronne
de fleurs comme le dépeint Ovide : il est éclairé par Hes pénis
HespéruSS-
< également couronné de fleurs, et portant un flambeau renversé,
par allusion au tems des cérémonies et des fêtes nuptiales , qui
« se fesaient ordinairement le soir .... La divinité qu'on voit du
côté droit avec un diadème , repoussée par un petit amour , pour-
« rait représenter la Discorde 5 qui > pour se venger de l'affront de
'« n'avoir point été invitée à ces noces, jeta dans la salle du fes-
;< tin la pomme d'or , qui devint dans la suite la cause de tant de
« querelles et de la guerre de Troie. On ne voit pas néanmoins
que cette figure ressemble beaucoup à la Déité de ce genre, dont
« Homère et Virgile nous ont tracé le portrait .... d'où l'on
c pourrait conclure que le sculpteur a peut-être voulu représenter Thé '/>lis..
âe tfoces
Pénélope
parasol.
/-. , La planche» 67 représente les noces
, de Pénélope
-,. et d'Ulysse,
et d-Uiysse. (Quelques-unes des hgures sont prises des vases d Hamilton , et d au-
tres des anciens bas-reliefs de Winckelmann et de Zoega , auxquels
appartiennent également les parties accessoires, ainsi que l'archi-
tecture de cette composition pittoresque. La cérémonie est celle
qui se fèsâït immédiatement avant de conduire les époux à l'ap-
farfums. partement nuptial. Ulysse couronné de myrte, et coiffé de son
bonnet accoutumé , présente à Pénélope un vase contenant les es-
sences dont il s'est déjà parfumé , et qu'il a destinées aussi pour
elle. La robe de l'épouse est parsemée de points disposés trois à
trois: nombre qui, selon la remarque de M-FS Hancarville et Ita-
linski , et d'après les idées de Platon, d'Aristote et de Plutar-
EmLMmes que , passait pour sacré , et pour être V emblème de la perfection et
afecsn ae- de la création , peut-être parce qu'en multipliant ces trois nombres
par eux-mêmes , on venait à former un solide: tout ce qui a la for-
me de matière ou d'un corps étant jugé avoir les trois dimensions.
L'enfant qui lave les pieds de l'épouse représente le Génie de la
fécondité, et exprime en outre le grand objet de l'institution du
mariage. Le parasol , que Pénélope tient d'une main, était, ainsi
que le marchepied ^ la marque d'une naissance illustre et d'un haut
■Paranjmphe. rang. Le paranymphe , ou, selon certains auteurs, le -prêtre, va
pour présenter la pomme aux époux. La femme qui préside au
mariage tient en main le ruban , avec lequel on attachait la che-
velure de ['épouse avant quelle entrât au lit; et. c'était ordinaire-
ment la mère qui s'aquittait de ce soin. Le héros debout devant
les époux, et qui tient un sceptre en main, est Icare père de
Pénélope. L'action se passe dans le Parastadium , qui, d'après la
description que nous a donnée Vitruv des maisons des Grecs, étalé
(x) Winkelmann. Monum,. pag. i5r. N.° III. Ce monument est aussi
rapporté par Zoega, Bossi-rilievl antichi , LU. et par Millin. Gai. my-
lliolog. N.° 55 ï. PL CLII.
DE LA GnÈCE. 4^
un corridor ouvert , communiquant avec le péristîle ou le baîeon ,
et qui se trouvait entre les deux chambres à coucher.
La planche 68 est prise des peintures d'un vase qui a été trouvé Se&>nd0
dans les ruines d'Athènes , et dont M.r Wagner, artiste d'un talent
distingué, a communiqué le dessin à M.1 Millingen : la copie qu'on
en voit ici est parfaitement conforme à l'original. Le sujet qui y est
représenté peut être considéré comme divisé en trois parties. Dans
celle de gauche est l'épouse couverte du voile nuptial, que le pa-
ranymphe et la femme qui préside au mariage accompagnent à la
maison de son époux. J- Lorsqu'un
-l homme se remariait, . le paranvm- RUesr
particulier^
phe seul accompagnait l'épouse, contre l'usage ordinaire, qui vou- aux veufs.
lait qu'elle le fût par l'époux et le paranymphe. Il semble par
conséquent que le sujet dont il s'agit ici est un mariage en secon-
des noces. Et en effets l'époux qu'on voit dans la partie de droite
a une barbe épaisse, et parait déjà avancé en âge. A la lance
qu'il tient en main on le reconnaît pour un guerrier. Il est à la
porte de sa demeure, attendant l'arrivée de l'épouse , tandis qu'une
femme a l'air de l'agacer par des plaisanteries, comme cela arrive
dans ces sortes d'occasions. On voit au milieu deux Déesses gamé-
liesj avec Apollon tenant une feuille de laurier, et Diane qu'on
distingue à l'arc et au carquois qu'elle porte. L5habillement des per-
sonnages est ample et riche, comme il était usité à Athènes, dont
le climat est assez froid en hiver. M.r Millingen observe à cet
égard , que la même sorte de vètemens se retrouve sur les vases de
la fabrique de Nola , qui était une colonie Athénienne. La pein-
ture que nous venons d'examiner est d'autant plus précieuse encore ,
qu'elle présente sur les mariages certaines particularités , qu'on cher-
cherait eu vain dans les autres monumens.
Le principal but que se proposaient les Grecs en se mariant,
était , comme nous l'avons observé plus haut , d'avoir des enfans. Dans
cette vue, les époux fesaient des offrandes et des sacrifices aux di-
vinités qui présidaient à la génération. Ces divinités étaient connues'
des Athéniens sous le nom de Tritopatori , qui veut dire troisièmes »««*
pères; mais il n est gueres laciie de déterminer 1 origine de ce
nom, ni de dire précisément quelles étaient les Déités qu'on appe-
lait ainsi. C'est pourquoi nous renvoyons nos lecteurs à Suidas, au
grand Etymologique, à Favorin, à Esichiin et à Porter. Les fem-
mes' en couche invoquaient la Déesse Elithyla , qu'on appelait
aussi (bQff.popoç , ou qui apporte la lumière, laquelle était la même
4^6 Religion
que la Lucine des Latins (i). Potter est d'avis que, sous le nom
à'Elithya on entendait toutes les Déesses qui présidaient aux accou-
chemens, entr'autres Junon et ses filles, comme on le voit par un
Déesses passage du XLe livre de l'Iliade. A côté de Junon on doit
tute'atres Iplacer
mcouchvnens Lune5 qui ■> a« rapport des anciens philosophes, avait beaucoup
d'influence sur la génération de l'espèce humaine: on peut y join-
dre aussi Diane et Proserpine, parce que c'était la même Déesse qui
était honorée sous ces trois noms. On invoquait ces Divinités pour
en obtenir un accouchement exempt de douleurs : ce qui était re-
gardé comme une marque de la faveur céleste, et la preuve d'une
chasteté particulière. C'est pour cela que dans sa XVII.e Idylle,
Théocrite dit que ce fut par l'effet d'une bénédiction divine,
que Bérénice enfanta Ptolémée sans douleur: la naissance de ju-
meaux ou de plusieurs enfans dans une même couche , était consi-
dérée aussi comme un bienfait des Dieux (a). Les femmes en
couche tenaient en main une branche de palmier , dans l'opi-
nion que cet arbre avait la vertu de les soulager, et parce qu'il
était regardé comme un signe de victoire et d'allégresse (3). Nous
4£couc7ieuses. observerons ici, que les hommes seuls pouvaient assister les femmes
en couche, à cause de la défense qui était faite aux femmes d'exer-
cer aucune partie de la médecine. Une certaine Agnocide fut môme
citée par les médecins devant l'Aréopage , pour avoir accouché
plusieurs femmes, étant déguisée en homme. Mais- la loi qui inter-
disait aux femmes cette faculté fut abolie dans la suite, et il leur
(i) Anthol. li?. III. chap. XXIII. èpigr. IX. Nonn. in Dionys,
liv. XL! Théocr. ldyll. XVII vers. 6o.
(2) Plaut. Amphitr. Act. V-.
(3) Théogn. Gnom. vers. 5.
(4) Voyez ce que nous avons dit du gouvernement, pag, 145.
r*E la Ghègë: ^07
elier de Minerve, qui, était la Déesse tutélaire d'Athènes. 'Le*
Spartiates ne donnèrent jamais à leurs nouveaux-nés d'antre ber-
ceau qu'un bouclier ([). Chez les autres peuples de la Grèce, le
berceau avait la forme d'un crible, à cause de l'idée d'abondance
et de richesse qu'on attachait à cet instrument, selon le témoignage
du Scoliaste de Calîimaque. Ce poète dit que Jupiter fut mis par
sa mère Némésis sur un crible d'or. Dans les grandes familles d'A-
thènes, on posait les enfans sur des dragons ou des serpens d'or ,
en l'honneur d'Eridhone un de leurs anciens Rois, qu'on disait
avoir eu les pie.ds comme des serpens, et avoir été confié par Minerve
à la garde de deux dragons (a). Le cinquième jour après l'accou- Jgrêgaim
chenient , la sage-femme, ou la personne qui en tenait lieu, s'étant " " '
lavé les mains, prenait l'enfant, et le portait autour du foyer: par
cette cérémonie il était comme agrégé à la famille, et mis sou.:
la tutèle des Pénates, auxquels le foyer servait d'autel: on célé-
brait ce jour par des réjouissances et des festins , et l'on y fesait
des présens à l'accouchée. Si le nouveau-né était un garçon , on
décorait la porte de la maison d'une couronne d'olivier: si c'était
une fille, on y suspendait des bandelettes de laine pour indiquer
le genre d'occupations auquel la femme était destinée (3). Le hui-
tième jour on donnait ordinairement un nom à l'enfant (4) , et cette
nouvelle cérémonie était encore accompagnée de fêtes. C'était au jyont.
père à donner ce nom , qui était souvent celui de quelqu'un de ses
ancêtres, ou d'un personnage distingué par ses vertus. Quelquefois
il désignait le caractère, ou une action éclatante d'un des ayeux
de l'enfant. Homère dit dans le XîX.e livre de l'Odyssée qu'Ulysse,
Oiïwo-evç , fut ainsi appelé par allusion à la colère qui dominait
Antolicus un de ses ayeux. Le nom se prenait aussi de la coraple-
^ion, du teint, de quelque marque , ou d'un accident quelconque
(1) Théocrite dit dans sa XXV. Idylle , qu'Alcmème coucha ses deux
fils Hercule et Iphite sur un bouclier d'airain , qu'Amphitrion avait enlevé
à Ptérélas.
(2) Euripid. Joue , vers. i5 , et 1427.
(3) Athén. Deipnosoph. liv. IX. chap. II.
(4) Aristote explique dans Harpocration le motif pour lequel on ne
donnait un nom à l'enfant que le huitième jour après sa naissance
: cest ,
Oit-il , parce qiûon avait alors V espoir au il vivrait : car les enfans d'une
complexion faible et malsaine meurent ordinairement avant
le septiè- J
me jour.
4-38 " Religion
que pouvait présenter le corps de l'enfant. (Edipe fut ainsi nommé
parce qu'il avait les pieds troués. Le fils d'Achille fut appelé Pvr-
rhusj parce qu'il avait les cheveux roux. Piutarque observe daus
la vie de Coriolan , que c'était un usage commun chez les Grecs et
les Romains , d'ajouter au nom de la personne , dans un â^e un peu
Sumom. avancé , un surnom qui fît allusion à certaines choses: par exemple;
aux actions , comme « Soter ( Sauveur), et CaUimique (de la belle vic-
« toire ); à la figure , comme Fiscon ( Ventru) et Qripo ( Nez-crochu ) ;
« à la vertu , comme Evergètes ( Bienfaiteur), et Philadelphe (Aimant
« ses frères); à la bonne fortune, comme Endémon (Bienvenu): ce
« dernier surnom fut donné au second Battus. Certains Rois ont pris
« aussi leur surnom de mots piquans qui leur étaient appliqués , tels
« qu'Antîgone 3 qui fut appelé le Dosone , ( Que donnera-t-il ?) parce
« qu'il s'épuisait en promesses et ne donnait jamais rien), et Ptolé-
« mée qui fut surnommé le Lamire ( Babillard ) „. Le quarantième
jour, après lequel les dangers de l'accouchement étaient passés,
Tessaracostos. on célébrait une fête qui prenait son nom, Tèssaracèstos , de ce
même nombre de jours. Après s'être purifiée par l'ablution d'usage ,
l'accouchée se rendait au temple de Diane pour y faire des sacri-
fices ,en actions de grâces de son heureuse délivrance (i). Les mères
consacraient en outre à cette Déesse leurs ceintures après leurs pre-
mières couches: ce qui lui fit donner le nom de Avcn&v}? , qui
délie les ceintures , sous lequel, au rapport du âcoliaste d'Apollonius,
elle eut un temple à Athènes.
Rites funèbres.
sur le rivage (a). Celui qui aurait négligé ce soin envers un cada- sollicitude
vre qui se trouvait sur son passage, était exclus du commerce des à donner
la sépulture
hommes, ainsi que des cérémonies religieuses^ et on le regardait aux morts.
(i) Cette croyance semble avoir pris son origine de l'influence que
les anciens attribuaient aux planètes sur les choses humaines : car Apol-
lon et Diane étaient la même chose que le Soleil et la Lune. V. Héracl.
Ponde. De Allegor. Hom. ed Heustath. ad Iliad. XIV. 2o5 et XIX. 5g.
(2) Mercure est quelquefois désigné dans la théologie Grecque comme
celui qui pèse les âmes, parce qu'on lui attribuait la fonction de peser
les vertus et les vices des morts.
Europe. Vol I. 56
443 Religios
Désirs envers
la morts. - Le premier devoir qu'on. s'empressait
. de rendre au mort étaiÉ
de lui fermer les yeux, d abord pour ne pas laisser exposé aux re-
gards des spectateurs un objet hideux; et en second lieu, parce que
c'était un vœu presque général chez les anciens, d'avoir les mem-
bres bien rangés en mourant : soin qui regardait le plus proche
de ses parens (i). C'est pour cela que, dans le onzième livre de
l'Odyssée, Agamemnon se plaint de ce que, lors de son passage à
la cour de Pluton^ Ciitemuestre ne lui a pas fermé les yeux et
la bouche. On couvrait ensuite le visage du défunt. Hyppolite près
de mourir, prie son père Thésée, dans Euripide, de lui rendre
ce dernier devoir. Avant que les membres eussent perdu tout-à-fait
leur couleur naturelle., on les étendait dans toute leur longueur,
et c'était aux esclaves de l'un et de l'autre sexe qu'appartenait ce
soin (a). On lavait le cadavre, et ron l'oignait avec de l'huile et des
Leur vëiemcni. parfums odoriférans (3). Après cela on l'enveloppait d'abord dans
un simple manteau , puis on le revêtait d'une belle et riche chla-
myde blanche, emblème de l'innocence (4)- Ainsi Socrate, avant
de boire la cigùe , se fit apporter par Apoilodore la tunique et
un manteau précieux, pour mourir en habit de funérailles (5). Eu-
fin on ornait le mort de guirlandes et de feuilles vertes et odori-
férantes, ce qui signifiait qu'il avait honorablement achevé sa car-
êmes des rière. Nous remarquerons encore ici une autre différence dans les
Lacédémoniens ■
usages des Lacédémoniens à cet égard. A Sparte, le législateur avait
ordonné que les personnages distingués par leurs vertus ou leurs
exploits militaires, fussent revêtus après leur mort d'une tunique
(i) Suétone cite un exemple mémorable de cet usage dans ces paro-
les d'Auguste : Die supremo , petlto speculo , capillum sibi comi , ac ma-
las labentes corrigi praecepit.
(2) Euripid. in Hippol. 'vers. 786.
(3) Pline dit dans le cliap. I. du XIII. e livre de son histoire natu-
relle ,que les Grecs ne commencèrent à se servir de parfums que du
tems d'Alexandre , qu'ils en apprirent l'usage des peuples de la Perse.
Homère même, en parlant de celui d'oindre les cadavres , ne fait men-
tion que de l'huile. Mais Athénée , Deipsonoph. liv. XV. , prétend que
l'huile d'Homère est la même chose que le (ivpov , ou le parfum pro-
prement dit , et que Solon en avait permis aux Athéniens l'usage , qui
n'était interdit qu'aux esclaves.
(4) Homer. Iliacl XVII. 3o2. Odyss. II 96.
(5) Laertius in Socrate. Aelianus Var. U'ist. liv. I chap. XVJ.
de la Grège. 44^
rouge, qui , comme nous l'avons vu plus haut , était l'habit militaire
de ce peuple; et que les autres citoyens fussent enterrés nus. Le
même législateur avait en outre défendu pour eux l'usage des par-
fums, pensant que ce serait une contradiction ridicule, que d'ha-
hiller richement et de parfumer après leur mort , ceux qui avaient
souverainement méprisé pendant leur vie le luxe et la mollesse (i).
Quant aux personnages marquans, qui mouraient en pays étranger,
leurs cendres étaient recueillies dans une urne et transportées dans
leur patrie pour y recevoir les mêmes honneurs, comme il arriva
de Deraetrius et de Philopomène, selon que nous l'apprend Plutar-
que. Après que le cadavre avait été arrangé, comme nous venons de
le dire, ses plus proches parens le posaient d'abord à terre; en-
Litière
suite ils le mettaient sur un brancard , ou sur une litière appelée ou brancard.
(pèperpov , les pieds tournés vers la porte, pour indiquer par là,
selon le sentiment du Scoliaste d'Homère, qu'une fois sorti de la
maison il n'était plus pour y rentrer. Jusques là on le gardait soi-
gneusement, pour qu'il ne lui arrivât aucun accident. Achille 3 dans
le XïX.e livre de l'Iliade, veille le corps de Patrocle, pour em-
pêcher qu'il ne soit entamé par les mouches et les vers. Quelques
momens avant l'heure de la sépulture, on mettait dans la bou-
che du cadavre une pièce de monnoie pour payer son passage à Monnoie
et gâteau poiCr
Caron, et on plaçait dans sa main un gâteau fait de fleur de farine les morts»
donnée d'un bas-relief où le même sujet est représenté , ont cru recon-
naître dans l'objet que la femme présente au héros , un remède au lieu
d'une pièce de monnoie. Mais la forme de cette pièce nous parait trop
évidente pour en douter ; et en effet elle convient bien davantage à l'état
de Méléagre , qui a ici les yeux fermés , et semble n'exister plus.
(i) V.
vrfEneid. Pollux34o., Ouomasù, liv. V. chap. III. segm. 18. et Virg'd.
I. vers.
(a) De est(pèpELV , efferre , transporter, emporter hors. V. Kirchmann.
et Pott. Arch. gr. liv. IV. chap. IV.
(3) Alexan. ab. Alexand. Génial. Dier. liv. III. chap. VII.
D3Ë LÀ OïlÈCE, ^Ar-
(1) Anthol. liv. III. chap. VI ëpigram. 58. Edition de Naples , 1792.
(2) C'est à cet usage que les interprètes de la mythologie attribuent
l'origine de la fable de tant de jeunes gens enlevés par l'Aurore , parce
que quand un jeune homme bien fait et de belle espérance était enlevé
par une mort prématurée , on disait , pour adoucir le sentiment de cette
perte , que l'Aurore s'était éprise d'amour pour lui. V. Héracl. Pontic.
de Allegor. Hom.
(3) Démost. Orat. in Macart. Cic. De legib. lib. IL
(4) Euripid. Alcesb. vers. 607.
(5) Iliad. XXIII. ,56.
44^ Religion
du défunt; et si c'était un magistrat ou quelque grand personnage,
il s' y joignait un nombre considérable d'hommes et de femmes
sans cependant que les deux sexes y fussent confondus l'un avec
l'autre (i). Les assîstans y étaient tous en habits de deuil. Les fu-
nérailles de ceux qui s'étaient distingués par leur courage ou leurs
vertus n'étaient point accompagnées de cette marque de douleur:
on les célébrait au contraire avec pompe , comme si les âmes de
ces personnages avaient déjà pris leur place au rang des Dieux.
Plutarque rapporte que les obsèques de Timoléon furent suivis de
plusieurs milliers d'hommes et de femmes habillés en blanc, et avec
des couronnes , comme pour un jour de fête , et que celles d'Ara-
tus furent célébrées par des chants et des danses. On voyait en ou-
tre à ces pompes funèbres des chars et des hommes à cheval. Le
cadavre était le plus souvent à la tête du convoi : venaient ensuite
les parens du défunt, et à quelque distance d'eux le reste des as-
sîstans, d'abord les hommes qui avaient, la tête découverte , et après
eux les femmes. Si le mort était un guerrier , les soldats portaient
leurs armes renversées vers la terre. Au moment où l'on emportait
le cadavre hors de la maison , la famille lui donnait le dernier
adieu (a).
(i) Cependant, il n'y avait que les parens du défunt, qui pussent ,
en certains lieux , assister à son convoi , et cela peut-être pour éviter le
désordre et des dépenses excessives. Pittacus en avait même fait une loi
à Mytilène. Solon avait aussi prescrit à Athènes , qu'aucune femme , à
l'exception des parentes du défunt, ne pourrait intervenir à ses funé-
railles à, moins d'être âgée de soixante ans.
(2} Euripid. ^ilcesL vers. 609.
de la Grèce. 449
dans son second livre. Trois jours avant la pompe funèbre, on expo-
sait le cadavre sous une tente , où chacun venait lui rendre les
derniers devoirs; on l'enfermait ensuite dans un cercueil de cyprès,
puis on le mettait sur un char pour l'emporter. Chaque tribu avait
son char et son cercueil; il y avait encore un autre cercueil , qui ne
servait que de cénotaphe en mémoire de ceux dont on n'avait pas re-
trouvé le corps. Une foule de citoyens et d'étrangers accompagnait
le convoi. Les parens du défunt pleuraient pendant ce tems sur le
lieu de la sépulture: c'était, une espèce de cimetière situé dans le
plus beau faubourg de la ville, où avaient été enterrés tous ceux
qui étaient morts à l'armée, à l'exception des guerriers qui avaient
péri à Marathon , auxquels on avait donné la sépulture sur le champ
de bataille même. On recouvrait de terre ie cadavre, et le persoo- Eloge fanèbft
nage le pins distingué, ou le plus éloquent de l'assemblée, récitait
l'éloge du défunt. Périclés s'acquitta de ce soin envers les citoyens
qui étaient morts à la guerre de Samos ; et son discours fit une
telle impression sur les esprits, que toutes les femmes coururent l'em-
brasser, et lui posèrent une couronne sur la tête, comme cela se
pratiquait envers les athlètes qui revenaient vainqueurs dans leur
patrie. Thucydide nous a aussi conservé , dans son second livre, l'orai-
son funèbre que prononça le même Périclés, après la première cam-
pagne de !a guerre du Péloponnèse (i).
Mais une des cérémonies les plus pompeuses qui aient jamais été Bûrhev
(i) Les Athéniens avaient porté à l'excès le luxe dans leurs funé-
railles. Xénophon , qui réunissait toutes les vertus morales aux plus grands
talens militaires , tint un jour ce langage à ses enfans : Lorsque je serai
mort , gardez-vous de renfermer mon corps dans Vor ou ï'argent , mais
rendez-le à la terre. Quoi de plus désirable , que d'être mêlé à la terre,
qui produit et conserve de si belles choses ? Paroles pleines de sagesse ,
et dignes de cet illustre philosophe,
Europe. Vol. I. 5j
4^0 Religion \
aigle au sommet et un dragon à la base ; qu'on y avait figuré des
chasses d'animaux de toute espèce , des combats de centaures , de
lions et de taureaux; et que tout le bûcher était décoré de tropbées ,
qui attestaient les victoires des Macédoniens, et la défaite des Bar-
bares. Cet immense catafalque avait plus de cent-trente coudées de
hauteur; il était recouvert de troncs de palmier, et sur le haut il
y avait des figures de Sirènes faites de manière à pouvoir contenir
les musiciens , qui devaient chanter l'éloge du défunt. Le même his-
torien assure que la construction de ce bûcher coûta plus de douze
mille talens, qui font plus de soixante-dix millions de notre mon-
ciwr fM,èbre naie. A côté de ce monument de magnificence on peut placer le
char funèbre, sur lequel fut transporté de Babylone à Alexandrie
le cadavre du héros Macédonien: « machine étonnante, dit un
illustre écrivain, tombeau des grandeurs et des vanités humaines,
où gissait le corps immobile et glacé de ce conquérant redoutable,
dont l'esprit ardent et inquiet avait troublé le repos de la moitié
de la terre, et se disposait déjà à troubler le reste „. Deux ans
furent employés à la construction de cette machine, dont le poids
était si considérable, qu'il fallut y atteler soixante-quatre mulets
pour la traîner. Nous nous bornerons à ce peu de mots sur ces deux
monumens funèbres, dont il serait trop-long, et même fastidieux 9
de donner une description détaillée. Il n'y aurait même pas d'uti-
lité à les représenter ici, attendu que leur dessin et leur cons-
truction devaient plutôt tenir du goût Persan ou oriental , que
de la perfection de celui des Grecs. Ceux qui désireraient néan-
moins avoir des notions plus étendues à cet égard, pourront consulter
ïe XXXI.e tome de l'histoire de l'académie des Inscriptions, ainsi
que le savant ouvrage de Sainte-Croix (i). Nous nous dispenserons
également d'offrir à nos lecteurs le dessin d'un convoi funèbre: car
d'après les observations critiques de M.r Foggiui, les funérailles qui
font le sujet des bas-reliefs rapportés par Montfaucon et Santo Bar-
toli, ne semblent point être dans le costume des Grecs ni des Romains.
Il n'y a également rien de bien intéressant pour nous dans le bas-
relief Capitolin , où le même Foggini croit voir les obsèques de Mé-
Mcher. léagre, et qui du reste n'est pas d'un beau style. Nous avons cru
devoir néanmoins extraire de ce monument la figure n.° i de la
(1) Nous disons aux prétendus vases lacrymatoires , car il est bien
reconnu aujourd'hui que ces vases étaient destinés à tout autre usage qu'à
celui de recevoir des larmes. >■> Ceux qu'on trouve dans les urnes cinérai-
res et dans les tombeaux , dit M.r Mongez , sont en verre , ou en terre
cuite. Leur grandeur varie de cinq centimètres à trois décimètres. Ce
fut vers la fin du XV.e siècle qu'on imagina que ces vases avaient servi
à recueillir les larmes des parens et des femmes payées pour pleurer aux
funérailles , et on leur donna un nom analogue. J'ai fait voir dans ua
mémoire que j'ai lu à l'Institut la frivolité de cette opinion , qui semble
n'avoir jamais eu d'autre fondement , que l'explication littérale de ces phra-
ses métaphoriques des épitaphes , comme celle-ci , cum lacrymis ponere.
Cette opinion fut renouvellée depuis , et pour la confirmer on a eu re-
cours à un bas-relief, qui existait avant la révolution dans l'église de la
Charité à Clermont en Auvergne , et sur lequel on voyait un personnage
assistant à des funérailles , qui tenait sous ses yeux un prétendu lacry-
toire. Mais , d'après l'examen que des antiquaires et des artistes ont fait
du dessin de ce bas-relief ( la pierre ne s'étant plus retrouvée ), il a été
reconnu que ce n'était point un ouvrage antique , mais bien du XVI. e
siècle , et comme une conséquence de l'opinion que j'ai combattue , ( ainsi
que l'avait déjà fait Schœffling et Paciaudi .... Je persiste donc à
croire avec ces deux érudits , que les vases appelés lacrymatoires , ont
servi àcherscontenir les essences et les parfums , qu'on répandait sur Içs bû-
ou les tombeaux.
^5a Religion
« Reine, ni Princesse, ce qu'on lui voit à la tête n'est point un
« diadème, mais un de ces rubans, dont se servaient les darnes
« Athéniennes pour lier leurs cheveux , et qui s'appelaient cy-
<i clades (i) „. Selon cet auteur, la chose qu'a cette femme dans la
main serait la corde avec laquelle elle avait résolu de se pendre;
mais Baxter ne voit dans cette espèce de corde qu'une tresse de
cheveux, qu'elle a arrachés de sa tête, ou que les femmes étaient
dans l'usage de déposer sur le tombeau de ceux dont elles pleuraient
la mort. I! y a encore ici deux choses à remarquer quant au cos-
tume ;îa première, c'est le péplum dont la femme a la tète envelopr-
pée ; la seconde, est la tunique noire. On ne trouvera pas moins
beau, ce semble, le costume de la figure n.° 3, qui représente
une femme allant pour remplir une fonction funèbre. Cette figure
appartient aussi aux vases antiques, et se trouve également dans l'ou-
vrage de Hope.
Deuil. Les Grecs s'interdisaient, pendant tout le tems de leur deuil!
les festins, la musique, la danse, les promenades publiques, et
tout ce qui pouvait donner en eux l'idée d'amusement ou de gaie-
té; ils se dépouillaient de toute espèce d'ornemens et de parure ,
et se revêtaient d'habits noirs, et d'une étoffe grossière. C'est pour
cela que Périodes se vantait de n'avoir fait prendre le deuil à
personne. Souvent ils se rasaient la tète , ou s'arrachaient les che-
veux ,qu'ils jetaient sur le cadavre ou le bûcher , ou qu'ils dé-
posaient sur le tombeau du défunt : cérémonie dont l'accomplis-
sement s'étendait jusqu'aux animaux. Et en effet, on lit dans
Pintarque, qu'à la mort de Pé'opidas, les Thessaliens coupèrent leurs
cheveux , ainsi que les crinières de leut's chevaux (a). Alexandre
(i) Lycurgue avait ordonné par une loi, qu'on ne pourrait jeter sur
le bûcher qu'un seul vêtement rouge, avec quelques branches d'olivier.
^56 Religion
vie. Ainsi Admète demande, dans Euripide, d'être rais dans le
tombeau d'Alceste son épouse.
Platon nous apprend que , chez îes anciens Grecs , chaque mai-
Emplacement son avajf ses sépulcres dans son enceinte. Mais dans les tems nos-
des se/nUcres. l ~ r
térieurs, l'usage pvévalut d'enterrer les morts hors des villes, et
particulièrement le long des routes (i). On élevait néanmoins dans
les endroits les plus marquans des villes , et même dans les temples,
des tombeaux à ceux qui avaient bien mérité de la patrie : PIu-
tarqne et Xénophon nous en citent plusieurs exemples. Chaque fa-
mille avait sa sépulture particulière , où l'on regardait comme une
disgrâce de ne pas être enterré. Résolus de vaincre ou de mourir
dans la guerre des Messéniens , les Spartiates s'attachèrent au bras
droit une espèce de billet ou de tablette , sur laquelle était inscrit
3e nom de leur famille , pour que le corps de chacun d'eux pût
être facilement reconnu après la bataille, et transporté dans la sé-
pulture de ses ancêtres (2). Dans des tems plus éloignés, les sé-
ékur forme, pulcres n'étaient que des fosses creusées en terre , sur lesquelles on
élevait une colonne, on qu'on recouvrait simplement d'un tas de
terre ou de pierres en forme de cône ou de monticule, lorsqu'elles
renfermaient le corps de quelque personnage marquant. Mais l'art et
la magnificence s'introduisirent aussi peu-à-peu dans la construction
des tombeaux. On les fit de diverses formes, et quelquefois d'une
telle çrandeor , que les parens du défunt pouvaient y entrer pour
pleurer sur son urne ou sur son cadavre, comme l'atteste Pétrone
dans l'histoire de la matrone d'Ephèse (3). On voit même par di-
verses inscriptions Grecques, dont Montfaucon (4) à rapporté quel-
ques-unes ,qu'on pratiquait quelquefois dans ces tombeaux des
appartenons semblables à ceux qu'habitaient les vivans. Voici la
traduction latine d'une de ces inscriptions , qui a été trouvée dans
un tombeau à Smyrne. Behla hasce structuras et thecas , et
(1) On peut voir plusieurs de ces petits temples dans les peintures
des vases antiques , et même dans les bas-reliefs.
(2) Pausanias nous apprend que la forme des tombeaux variait chez
les différens peuples de la Grèce. Il en cite néanmoins plusieurs , qui sont
semblables à celui que nous venons de décrire. Cet auteur parle aussi des
images qu'on était dans l'usage de tracer sur les tombeaux , et dit ; que
sur celui de Gorëbe près Mégare , le plus ancien des sépulcres en mar-
bre , ce personnage était représenté tuant Pœna ; que , sur la route de Fa-
réra à Athènes, on voyait un tombeau , que Praxitèle avait décoré de la statue
d'un guerrier avec son cheval; que, sur celui d'Echemus près de Tergée ,
était figuré le combat d'Echemus et d'illus ; que deux guerriers morts sur
le champ de bataille étaient également représentés à cheval sur un tom-
beau près Mégare; enfin, que le monument était quelquefois décoré de pein-
tures ,comme l'était celui de Senodicas. Pline fut aussi mention d'un tom-
beau près de Sycione , qui avait été peint par Nicomaque. V. Millingen.
Europe. Vol. I. 5§
^58 Religion
ïa planche 71 , qui représente le tombeau , ou le monument héro'i
que d'un guerrier: le dessin en est pris d'un vase du Musée Vati-
can, qui a été aussi rapporté par Millingen, Au milieu est l'ima-
ge du défunt, qui est vêtu d'une simple chlamyde, et tient en
main le pylée , ou le bonnet. Son bouclier et ses jambiers , sont
suspendus au mur; et l'on voit à ses pieds sa ceinture, avec une
branche de laurier ou de myrte. Le champ du tableau est orné
d'une fleur, d'un pain sacré et d'une bandelette, qui étaient les
Sarcophage, offrandes d'usage envers les morts (1). Le n.° 1 de la planche 73
représente la partie intérieure d'un sarcophage en pierre grise rap-
porté par Choisseul , qui l'a remarqué près les ruines de Thelmîsse ,
autrefois ville de la Carie, selon le témoignage de Cicéron et d'E-
tienne le Bysantin. Les parties latérales en sont beaucoup plus lar-
ges que celies de devant et de derrière. On y aperçoit une ouver-
ture carrée , par où l'on y introduisait sans doute le cadavre , et qui
se fermait probablement avec une pierre. Ce monument nous prou-
ve , ainsi que plusieurs autres rapportés par le môme auteur, que
les anciens étaient dans l'usage de donner à leurs tombeaux la for-
me de leurs maisons. On reconnaît même dans un des sarcophages
Sépulcres
tClll-GS en pierre l'imitation d'un édifice en bois, où l'on distingue les mo-
dms ic roc. diilons et les petites planches (a). On trouve aussi près de Telmisse
Q$J/;nl- F
de la Grèce. ^5o,
on roc, dans lequel on a taillé de grands sépulcres plus ou moins
décorés, dont le style dénote des ouvrages Cirées dans le goût des
Egyptiens et des Perses. Le n.° a de la planche 7 a représente un
de ces sépulcres , avec les dimensions que Choisseul lui a donnée»
dans son ouvrage. Il a beaucoup de ressemblance avec ceux qu'on
voit encore sur le mont Naxi-Rustan (1) près de Persépolis. « L'ordre
qui règne dans ce monument, dit l'illustre auteur, ne nous permet
pas de le croire très-ancien; mais pourtant on y voit l'effort qu'on
a fait, pour lui donner un caractère sévère et convenable à l'usage
auquel il était destiné. Les corniches né sont composées que de piè„.
ces carrées, les modillons sont très-forts, la frise est supprimée, et
l'architrave est formée de deux corps extrêmement pesans: les trois
masses qui couronnent les angles du fronton ajoutent encore de la
gravifé au monument, et approchent davantage du style Egyptien.
Le désir de les imiter dut être en outre soutenu d'une grande pa- ;
tience , pour tailler dans le roc vif de pareils édifices. La porte, qui
est parfaitement sculptée, n'eut jamais d'autre ouverture qu'une des
petites planches on parties inférieures, par laquelle on a pénétré dans
le roc, pour y former une chambre d'onze pieds et trois pouces de
longueur, sur neuf pieJs et deux pouces de profondeur, et cinq
pieds et dix pouces de hauteur: autour de cette chambre règne une
banquette de trois pieds et deux pouces de longueur , sur deux pieds
et neuf pouces d'élévation L'entrée du tombeau semblait se
fermer avec une pierre, qui s'encastrait dans des rainures faites pour la
recevoir, et dont la superficie extérieure repondait aux petites plan-
ches que nous avons remarquées à la porte. Sur la petite planche gauche
de cette porte est une inscription Grecque, mais tellement endom-
magée par le tems , que, malgré toutes les peines que nous nous
donnâmes pour la laver, il nous fut impossible de la déchiffrer „.
L'entrée étroite de ce monument semblerait indiquer qu'il n'était
pas destiné à renfermer des sarcophages , dont on ne voit aucun ves-
tige, mais seulement les cadavres , ou les urnes qui contenaient leurs
cendres, et qu'on plaçait peut-être encore sur la banquette dont
il vient d'être parlé.
Ce serait trop nous écarter du but de notre ouvrage , que de vou- Grand nombre,
loir rapporter ici tous les sépulcres et les sarcophages qu'on voit dans e *«/"»«" «*•
les antiquités Grecques: car il n'est point de voyage au Levant, ni
(1) Ce monument avait été aussi décrit par Satyre et par Pythée:
V. Vitruv. liv. VIL
(2) Histor. natur. liv. XXXVI. chap. 5. Le Comte de Caylus avait
déjà interprété ce passage de Pljne ; mais M.r de Choisseul remarqua plu-
sieurs erreurs dans le dessin que ce savant antiquaire en avait liât faire :
erreurs , qui me semblent, dit-il, -provenir d'une édition vicieuse à la-
quelle il donna la préférence. La dissertation de M.r de Caylas sur le.
tombeau de Mausole se trouve dans le XXVII.e Tome des Mémoires dç
littérature etc.
!de la Grèce. /,6i
Matière
moins tous ses ossemens, qu'on avait soin d'y ranger dans leur po-
des urnes sition naturelle. Les plus communs cependant étaient les urnes ci-
sépulcrales. néraires; elles étaient en or, en argent, en cuivre, en marbre, en
matériaux qui l'a fait détruire. On n'a aucun indice sur l'époque de sa
destruction -, mais il ne serait peut-être pas téméraire d'en accuser les ca-
valiers de S.1 Jean, qui plus habiles dans le métier de la. guerre que dans
la connaissance des arts, ne songeaient qu'à se mettre en état de défense
cpptre les attaques des Musulmans. Il pourrait bien se faire que le château
(de "Rhodes) ait été construit et souvent réparé avec ces décombres pré-
cieuses. On voit en effet plusieurs statues employées comme matériaux dans
la construction de ses murs ; et Thévenot dit avoir vu dans l'intérieur
plusieurs bas-reliefs et quelques inscriptions : il ne m'a pas été possible
d'obtenir de l'Aga la permission d'y entrer ». Choias. Tom. I.cr pag. i5S.
de la Grèce. ^63
terre cuite ou autre matière, selon la dignité , la classe ou l'état du
défunt. Achille 3 dans Homère, renferme les ossemens de Pafrocle dans
(1) Voy. Montfauçon Antiq. etc. Tom. IX. Beger. Bonanni etc.
464 Religion
mort pendant la cérémonie des funérailles (1); secondement, au-
tant qu'on peut le conjecturer, les vases où était l'eau lustrale qu'on
mettait à la porte de la maison où se trouvait le défunt; troisiè-
mement, les vases qui avaient servi dans le banquet, que les parens
et les amis du mort donnaient après les obsèques; quatrièmement, les
vases auxquels le défunt tenait le plus, tels que ceux qui lui avaient
été décernés comme prix dans les jeux gymnastiques , ou dont on
lui avait fait présent le jour de ses noces , ou qu'il avait reçus de
l'amitié ou à titre d'hospitalité, et en général tous ceux sur lesquels
on lit Fépithète Ea?,oç et K«/tç, qui accompagne le plus souvent
le nom de la personne à laquelle le présent a été fait (2). Outre
ces vases, il en est d'autres qui paraissent avoir été particulière-
ment destinés à être placés dans les sépulcres. Tels sont probable-
ment ceux sur lesquels on voit représentés des tombeaux, des liba-
tions, et des offrandes funéraires: souvent même on distingue dans
le nombre de ces dernières, des objets symboliques et relatifs à l'ini-
tiation aux mystères. Les vases se trouvent tantôt rangés avec ordre
dans les tombeaux, et tantôt placés pêle-mêle , et quelquefois mê-
me brisés : ce qui provient peut-être de la qualité de ces vases,
ou de l'usage auquel ils servaient. On voit représentés sous le n.° 4
de la planche 71 plusieurs vases de terre, ainsi que des fioles de
verre et un plat aussi de terre vu de profil et de front 3 avec deux
petites idoles ou Pénates de terre, divers ustensiles domestiques, et
Une inscription sépulcrale gravée sur le marbre. Ces différens objets
(1) M.1' Millingen observe qu'on trouve presque toujours les cadavres
avec un lecithus , ou vase d'huile ou de parfums sur la poitrine , selon
un usage dont fait mention Aristophane.
(2) Ces vases se posaient quelquefois sur les tombeaux. On lit dans
Vitruve (liv. IV. chap. V. ) un témoignage marquant de cet usage. Virgo ,
dit-il _, civis Corinthia jam matura nupùiis , implicita morbo decessit :
-post sepulturam ejus , quibus ea viva , poculis delectabatur , nubrix col-
lecta et composita in calatho pertulit ad monumentum et in summo col-
locavit : et uti ea permanerent diutius sub divo , tegula texit. On trouve
quelquefois des vases d'une autre espèce hors des sépulcres , et qui sont
probablement ceux qu'y laissaient les parens et les amis du mort après
s'en être servis pour quelque libation ; et en effet , il est bien à présu-
mer que ces vases étaient abandonnés sur les tombeaux , à cause de l'idée
d'impureté qu'on attachait à tout ce qui avait été employé à quelque cé-
rémonie expiatoire ou funèbre.
delà Grèce. 465
ont été trouvés dans les anciens tombeaux de Mégare, et sont rap- tampe*
sépulcrales.
portés par Stuart dans ses Antiquités d'Athènes,
Il y avait plusieurs manières d'honorer les tombeaux ; d'abord
en tenant des lampes allumées dans les ipogées, qui étaient des sé-
pulcres faits en forme de maison souterraine , ou en plaçant ces
lampes également allumées dans les tombeaux même, avec les autres
objets qu'on était dans l'usage d'y enfermer. Ces lampes avaient la
figure d'un œil, peut-être par allusion à l'âme qui est la lumière
du corps , et dont la lampe est l'emblème (1). Voy. les deux
lampes au n.° 4 de la planche 70, qui sont prises des antiquités
d'Herculanu'm. Elles n'avaient, selon Pétrone, qu'une seule mèche;
c'est-pourquoi Dion , en parlant du souper funèbre donné par Do-
rnitieu , dit qu'il y avait une petite lampe comme celle qu'on sus-
pend dans les sépulcres (2). Les tombeaux étaient en outre décorés
de rubans, de touffes de cheveux et de toutes sortes de fleurs et
de plantes , surtout (Tache , et de guirlandes faites avec des bran-
ches d'arbustes odoriférans, parmi lesquels le myrte tenait le pre-
mier rang. On y sacrifiait aussi des victimes funèbres , telles que
(i) Les lustrations pour les morts ne différaient point de celles dont
nous avons déjà donné la description. Il est néanmoins parlé dans Plu-
îarque d'une lustration particulière pour ceux qui , frappés d'une mort
apparente , étaient revenus à la vie après leur funérailles , ou qui crus
morts en pays étranger , étaient retournés dans leur patrie après qu'on
avait fait leur cénotaphe. On commençait par les bien laver , puis on les
emmaillottait comme les enfans qui viennent de naître. Il n'y avait que
les Spartiates qui traitaient de niaiseries les lustrations funéraires , et ils
plaçaient même à côté des temples les ossemens des grands personnages
qui avaient bien mérité de la patrie. V. Pott. Arch. gr. liv. IV. chap. VIII,
£> s la Grèce. 467
ïement , au rapport d'Athénée et d'Esichius , avait même lieu tous
les ans au mois d'Antestérion. Ces anniversaires étaient appelés, Ne- Anniversaires
pépiai parce qu'ils tombaient aux fêtes de Némésis , Déesse, qui.,
selon Moscopule et Suidas, présidait aux cérémonies funèbres. Ce
dernier écrivain, et môme Esichius, Favorinus et autres, assurent
qu'on donnait quelquefois à ces jours le nom de Tevema, parce que
certains honneurs funèbres, proprement appelés Nexvma, se célé-
braient avec les mêmes cérémonies que les jours de naissance. Nous
avons rapporté jusqu'ici tout ce qu'il y a de plus important dans
les rites funèbres des Grecs. Ceux qui désireraient s'instruire plus
amplement sur cette matière , pourront consulter les traités qu'en
ont donnés Potter et Nicolaï (1).
Nous ne voulons pas cependant terminer cet article , sans dire Aooihéose
quelque chose de V apothéose ou déification, qui prit son origine eq. ou défk*UoK*
Grèce , d'où elle passa ensuite chez les Romains. Dans les com-
mencernens, l'apothéose se bornait à mettre au nombre des héros
les hommes qui avaient rendu de grands services à la patrie. Le
premier exemple qu'on trouve de cet usage dans les tems historique?
est peut-être celui de Brasidas, qui est rapporté par Thucydide.
Brasidas, célèbre capitaine de Sparte, ayant été tué près Àm-
phi polis, fut inhumé avec pompe par ses soldats dans le lieu le
plus éminent de la ville, où l'on fit ensuite le marché. Les habi-
tans élevèrent une enceinte autour de son tombeau; ils lui rendirent
les honneurs réservés aux héros, décidèrent qu'il lui serait célébré
tous les ans des jeux et des sacrifices^ et le considérèrent toujours
comme le fondateur de leur colonie. Tels furent sans doute les hon-
neurs qui accompagnèrent, comme nous venons de le dire , les funé-
railles de Miltiade et de Timoléon. Mais dans la suite des tems,
et lorsque les mœurs se furent corrompues, l'adulation en vint au
point de mettre, non plus seulement au nombre des héros, mais au
rang des Dieux même les grands capitaiues, les chefs illustres 3 en un
mot tous ceux qui s'étaient distingués parmi leurs concitoyens : genre
de dérèglement dans lequel les Athéniens surpassèrent tous les autres
peuples de la Grèce. Tels furent encore les honneurs rendus à
Ephestion par Alexandre. Non content d'avoir fait célébrer les
funérailles de son ami avec toute la pompe imaginable, ce con-
quérant voulut encore l élever au rang des Dieux. Les peuples s'eu-
(1) Les contradictions des antiquaires, dans les illustrations qu'ils ont
données de ce monument^ sont une preuve des difficultés et des erreurs
auxquelles l'archéologie a toujours été sujette. Nous croyons même à pro-
pos de rapporter ici ce qui a été dit au sujet de ce monument par les
auteurs de l'Encyclopédie méthodique. // n'est pas de V étude des monu-
mens antiques } ùomme de l'étude des autres sciences. C'est un champ
'vaste , ouvert aux conjectures de ceux qui veulent s'y donner carrière ;
et quelqu'opp osées qu'elles soient entre elles , pour peu qu elles soient
ingénieuses , et qu'on sache les appuyer de quelques autorités des an-
ciens , elles ne manquent guères de procurer à leurs auteurs la ré-
putation qu'ils espèrent: réputation qu'acquièrent bien plus difficile-
ment ceux qui s'attachent à des sciences, qui demandent quelque chose
de plus que des conjectures et des vraisemblances. Le célèbre monu-
ment de l' apothéose d'Homère en est un exemple très-convaincant. Plu-
de la Grège. ^6g
sieurs savans antiquaires l'ont expliqué , chacun selon ses vues. Leurs
explications , quoique fort différentes les unes des autres , leur ont fait
honneur à tous. Antiq. mytol. etc. Vol. I. pag. 240.
(1) Tablettes revêtues d'une couche de cire,, appelées en Gxecpinacides,
4'jo Religion
'< au Dieu les offrandes: je crois que c'est Phémone , une des plus
i anciennes dans ce ministère, et qui a eu part à l'invention du
« vers hexamètre. Ces deux figures se trouvent dans l'antre Co-
« ryce , d'où, les Muses ont pris aussi le nom de Nymphes Corycides
'<• La figure n.° i3, qui est devant le trépied est, selon Spanhe-
'« mius et Schott 3 Bias compatriote d'Archelaùs fils d'Apollonius,
* dont ce bas-relief est l'ouvrage, comme L'indiquent ces mots qu'on
< lit au dessous de la figure de Jupiter APXEAAOS ATIOAAQNIOT
EIIOIHSE nPIHNETS, Archelaùs de Priennc fils d'Apollonius fecit.
'* Le trépied sur lequel il s'appuye est un présent que lui fit l'ora-
Olcne Lfcien.
'« cle. J'ai exposé à la planche XXVIII les motifs qui me font présu-
« mer que ce peut être Olène Lycieu, fondateur de l'oracle de Del-
phes figuré
, sous l'emblème du trépied , et qui chanta le premier en
« vers hexamètres (1). On voit dans le plan inférieur sous un portique
Womère.
« orné de tapisseries OMHPOS ou Homère, n.° 16 , qui est assis sur un
trône comme une Divinité, à laquelle plusieurs figures allégoriques
« aux vertus et aux talens offrent des sacrifices; il est couronné par
1»' Univers.
'« l'Univers sous la figure d'une femme, qui est elle-même couron-
* née de tours ( n.° 14 ) , avec l'épigraphe OIKOÏMENH qui est au
Tems. « dessous: au n.° i5 est le Tems avec ses ailes XPON02 , qui garde
L'Iliade } '< soigneusement les œuvres de ce poète immortel. Au pied du
« trône sont assises, sous le n.° 17, l'Iliade 3 IAIAS, ayant une épée
lîOdjssêe.
<■ en main, et sous le n.° 18 l'Odyssée, OAIZ2EIA, avec un aplus-
tre de navire. Autour du marche-pied on voit des rats , par al-
'« lusion à la Batrachomiomachie , ou, comme d'autres le préten-
dent, aux censeurs d'Homère. Devant la figure du poète est un
;< autel rond , orné de bucranes et de festons, sur la plinthe du-
i quel on voit deux lettres Greques , qui semblent être AA , ou
AA . Dans le premier cas, c'est, selon Schott, le chiffre du sculp-
teur Archelaùs fils d'Apollonius; dans le second, ces lettres pour-
raient indiquer le nombre XXXI, pour distinguer ce bas-relief
des autres ouvrages du même sculpteur, ou d'autres marbres ap-
parten'ans à une même personne, comme on en a plusieurs exem-
ples. Près de l'autel est un bœuf qui est la victime; et au n.° 19
est représentée, en habit de ministre avec un vase sacré et la patère ,
La Fable.
la Fable sous la figure d'un jeune homme, par rapport au genre
Les fêtes.
(1) V. Potier. Arch. gr. liv. II. chap. XIX. ainsi que Meursirrs et
Castellano in Thés antiq. graec. etc.
(2) Les fêtes appelées Adoniennes , qui se célébraient en l'honneur
de Vénus , étaient communes à presque toutes les villes de la Grèce ; elles
duraient deux jours , dans le premier desquels on portait en procession ,
au son des flûtes et en grande pompe , les statues d'Adonis et de Vénus.
On y célébrait aussi les cérémonies et les sacrifices particuliers a.'x rites
funèbres, en mémoire de la mort d'Adonis, et l'on y portait des vases
remplis de toutes sortes d'herbages et surtout de laitue , par allusion au
lit de laitue , sur lequel on croyait que Vénus avait déposé Adonis expi-
rant. Le second jour était consacré à la joie , en reconnaissance de la fa-
veur que Proserpihe avait accordée à Vénus en rendant à la vie son cher
Adonis , et en lui permettant de passer avec lui la moitié de chaque année.
de r, à Grèce. 4? 3
illustré son propre pays. Telles étaient les fêtes aphrodisiennes ou Fàes
-r-r r i i fi / 1 />•■.» i < t» i aphrodisiennes*:
de venus , donf la célébration se lésait a Amathoute et a Paphos.
Cynîre, clans la famille de qui on prenait les prêtres de cette
Déesse , en avait été le fondateur. Un des rites les plus remarqua-
bles qui accompagnaient cette solennité , était celui qui obligeait
les candidats à faire hommage d'une pièce de monnoie à Vénus
comme prostituée , eu échange de laquelle on leur donnait une
mesure de sel , par allusion à la naissance de cette Déesse fille
de la mer , et un cpaûùov , pour indiquer qu'ils étaient consacrés
au culte d'une Déesse lascive. Telle était encore la fête de la fé- Fêta
dération des Ioniens, que les habitans de sept villes de cette na- ' x e/""" *
tion célébraient en l'honneur de Neptune dans un désert près de
Micala ; et du même genre était aussi celle que les Spartiates cé-
lébraient en l'honneur de Brasidas, un de leurs héros. Les fêtes
nuptiales, généthliaques et funèbres, dont nous avons déjà parlé,
composaient la dernière des trois classes que nous venons d'indiquer.
Les Athéniens avaient plus de divinités , et par conséquent Fête»
- , .-.. , ii,-,. , ' , des Athéniens.
plus de letes que tous les autres peuples de la Grèce : aussi n y
avait-il presque pas de jour chez eux , qui ne fût un jour de
fête ...
(i). Démosthène, parle
. , , d'une
.loi qui , . défendait
À , toute
, sorte
, de, Loi
aux relative
féies,
travail dans ces solennités , qui suspendait le cours même de la
justice et du commerce, qui interdisait toute marque de deuil, et
enjoignait aux citoyens de se livrer uniquement aux plaisirs et à
la joie. Les fêtes avaient à Athènes une magnificence , qui pouvait
les faire comparer à des représentations théâtrales. Les frais en
étaient à la charge du trésor public. Les trésors des trente tyrans Dépense*
expulsés par Trasibule furent destinés à cet objet. La république v°w k'SiUs'
étant rentrée dans son premier état de démocratie, les citoyens les
plus riches dont on redoutait l'opulence, furent souvent obligés de
donner une grande partie de leurs biens pour les fêtes publiques.
Mais ce serait infinitum opus , dit Potter, que de vouloir faire rénu-
mération de toutes tes fêtes de la Grèce , attendu qu'il n'y avait
presque pas d'homme qui eût bien mérité de la patrie, auquel on
n'eût décerné des honneurs de ce genre. Nous ne pouvons donc
mieux faire à cet égard, que de renvoyer nos lecteurs aux ouvra-
ges de Meurs } Castellano , Potter et Montfaucon , où ils trouveront
les principales fêtes des Grecs , décrites avec beaucoup d'érudi-
(1) Nous avons tracé ces planches d'après les dessins de Stuart , en
ayant soin cependant de les comparer avec les marbres de Lord Elgin
( London , Th. Dar vison , 1818 ) , et en y ajoutant les restaurations qui
ont été faites à ces marbres. La frise a 3 pieds 4 pouces de hauteur , ec
se prolonge tout autour de la façade extérieure du mur du sanctuaire , en-
sorte qu'elle a au moins Ô20 pieds de longueur. V. les Antiquités d'Athè-
nes de Stuart , édit. franc. Tom, II. pag. 26.
ÈE la Grèce. 477
de 60 pieds de chaque côté, comprenait les cavaliers dont une par-
tie du cortège était composée. Leur habillement présente trois dif-
férences remarquables: les uns portent la chlamyde et la tunique;
les autres la tunique sans la chlamyde , et les troisièmes n'ont pour
tout vêtement qu'une draperie flottante. Stuart ne nous a donné que
quatre autres dessins de cette cavalerie , n.os 2, s 3 , 4 et 5 , qui lui
semblent comprendre tous les différens costumes qu'on trouve dans
l'original. Le premier et le dernier de ces numéros appartiennent
au côté septentrional du temple , et les deux autres au côté méri-
dional. Les cavaliers sont précédés des conducteurs des chars 3 n.° 6, Conducteurs
7 et o. Un remarque dans le dernier un jeune homme , qui est
peut-être un vainqueur à la course des chars, et près de lui un
homme qui va pour le couronner. L'espace qui est entre ce dernier
numéro et le premier de la planche suivante offre un grand vide,
occasionné par la destruction totale de cette partie de la frise, le
n.° 1 de la planche 75 représente trois scaféphores , ou hommes qui Scaféphores,
portent les navettes, il y a dans l'original une autre lacune con-
sidérable,jusqu'au sacrificateur et au taureau n.° a, qui appar-
tient au front septentrional de la gouttière, formant .l'angle de la
frise entre le nord et le raidi. Le n.° 3 présente l'autre front de
cette gouttière angulaire, et par conséquent l'extrémité septentrio-
nale de la façade orientale du temple : on y voit deux jeunes fem-
mes qui portent des patères. Au n* 4 sont les Hydriaphores , ou Hydriaphores.
porteuses d'eau avec des amphores , précédées d'une femme qui ap-
proche la main à un candélabre , comme pour aider ceux qui le
portent. Après une autre grande lacune la frise se montre en une
seule masse, qui est la plus étendue et occupe presque tout Je mi-
lieu de la façade orientale: on y voit un Dieu ou une Déesse-, qui
sont peut-être Neptune et Gérés , avec deux autres figures , dont
l'une est un jeune homme qui présente une draperie piiée en plu-
sieurs doubles, ou qui aide à la soutenir avec l'autre figure, qui a
l'air d'un homme occupé à l'examiner bien attentivement. Stuart
croit que cette draperie pourrait bien être le péplum. On voit en- PeP!«m.
core dans' la même raassse la prêtresse, qui pose une corbeille Mlrç**
sur la tête d'une jeune fille, et lui donne une torche, taudis
qu'une autre femme a déjà sur la tête une corbeille semblable,
et tient une tablette à la main (1). De ce nombre sont trois Déi-
Metagene est ins tituba : c/uam postea Demetrlus ipsius Diaiiae servus ,
et Poenius Ephesius dicuntur perfecisse. On lit dans Pline que ce temple
fut rebâti sept fois.
(1) Il faut voir, au sujet de ce temple fameux, le savant mémoire
du Marquis Poleni , inséré dans les Actes de l'Académie de Cortona : Saggi
dj, Dissertazioni , tom. I. part. II. n.° i5 et 14.
(2) Venturi , Mus. Alb. L. XIV. Est aussi rapporté par Millin _,
Gall. Myth. XXX. 109. Dans l'exergue on lit JE$ECliiN , monnoie des
Ephé siens.
(3) Liv. XVI. chap. 40.
4^4 Religion
statue de Diane semblable à celle d'Ephèse , avec cette seule dif-
férence que celle-ci était d'or, et la sienne de cyprès.
detfuaTue Qu'elle que fût la matière dont cette statue était faite, les
de Diane. images qui nous en sont parvenues , soit sur des inarbres , soit sur
des pierres précieuses ou des médailles, portent toutes un grand nom-
bre de mamelles sur la poitrine et même sur les flancs (i) ,, et ne dif-
fèrent entr'elles que par le nombre ou la nature des emblèmes (a).
Plusieurs de ces statues ont le visage et les mains d'un marbre noir,
et le reste du corps eu marbres de différentes couleurs: ce qui
donne a présumer, que la Diane d'Epbèse avait en effet le fond , ou
Yâme, en ébène ou en bois noir. Le corps était ordinairement par-
tagé par bandes, qui le fesaient paraître comme emmailloté. Ces
bandes présentaient les attributs ou les emblèmes de la Déesse.
Le n.° a de la plancbe 77 est une image de Diane . gravée sur
une cornaline , qui a été publiée par Dominique Rossi, et dont
Alexandre Maffei a donné la description (3). On y voit toutes
les bandes couvertes de mamelles. Le savant commentateur n'est
pas éloigné de regarder ces bandes comme les signes hiérogly-
phiques des globes célestes , sur lesquels se meuvent les planètes.
C'est pour cela , ajoute-t-il , que dans le fameux coffre de Cyp-
selus , Diane a à sa droite le lion (animal qui, selon les mytho-
îogistes, participe de la nature du Soleil ) , et à sa gauche une
(1) Voici ce que dit S.1 Jérôme., d'ans l'explication qu'il donne delà
lettre de S.1 Paul aux Ephésiens , au sujet des mamelles qu'on voit dans
toutes les statues de Diane : Dianam , dit-il , multimammiam colebant
Jlphesii ; non hanc venatricem , quae arcum tenet , atque succincta
est, sed illam multimammiam , quant Graeci TtoXvfiaarov vocant , ut
scilicet ex ipsa quoque effigie mentirentur , eam omnium hestiarum et
viventium esse nutricem. Que la Diane d'Ephèse ne fût qu'une représen-
tation emblématique de la Nature , c'est ce qu'attestent clairement les
inscriptions Grecques gravées au pied de deux de ses statues , et rapportées
par Montfaucon. Elles signifient , l'une ; la Nature toute pleine de va-
riétés ,mère de toutes choses ; et l'autre , la Nature pleine de variétés.
(2) Barthélémy est d'avis , que les images de la Diane d'Ephèse
sont d'autant moins anciennes qu'elles sont plus chargées d'ornemens.
«Sa statue, dit-il, ne présente d'abord qu'une tète, des bras, des pieds
et un corps en forme de gaine. On y a ensuite appliqué les emblèmes
des autres divinités, et surtout ceux qui caractérisent Isis , Cybèle, Cérès t
etc. » Voy. du jeune Anacharsis etc. Tom. VI, pag. 5oi. Paris , 1790.
(5^) Gemrne antiche figura te etc. Vol, II. PI. 62,
»e là Grège. z|85
(i) Dans quelques images de Diane on voit sous la tour une cou-
486 Religion
la tête une espèce de nuage ou d'auréole, qui est pput-être l'em-
blème du disque lunaire, sur lequel on voit des animaux ailés, qui
semblent être des aigles ou des griffons; elle a deux lions sur cha-
que épaule, et sur la poitrine divers signes du Zodiaque, tels que
le taureau , les gémeaux } le cancer , et quatre femmes dont l'une a
des ailes: ces femmes sont peut-être des emblèmes des quatre saisons
ou des heures; elle tient en outre deux guirlandes, composées l'une
de divers fruits, et l'autre de gland dont les hommes ont fait leur
première nourriture. Le reste du corps, depuis les mamelles jusqu'aux
pieds, est divisé en compartimens où sont représentés des bœufs,
des cerfs, des lions, des griffons et des victoires: des abeille et des
fleurs sont semées sur les côtés, et une partie du vêtement sort de
dessous la gaine ou l'enveloppe, de manière à laisser à découvert
îa partie antérieure des pieds (i),
Les mystères.
Difficulté 11 y à une relation si étroite entre les fêtes et les mystères,
le/mystèrZ, que les uns se confondent souvent avec les autres. Et en effet, les
initiations aux mystères feraient parties des cérémonies religieuses,
et l'objet le plus important des grandes solennités. Mais comment
soulever (e voile qui les dérobait aux yeux des profaues ? L'obscurité
dont ils sont enveloppés a donné lieu à une foule de systèmes, qui
n'ont peut-être contribué qu'à en rendre la connaissance plus diffi-
cile (a). Les anciens écrivains , et surtout les Apologistes de l'église,
dition entre-mêlée de fables. Selon la tradition seule, Cérès n'est Cérès selon.
que l'Isis des Egyptiens, le principe passif, ou la Terre, mère
commune du genre humain (1). La connaissance de cette Déité
fut apportée en Grèce par les iilles de Danaus , qui introduisirent
son culte dans le Péloponnèse, d'où, selon les mêmes marbres de
Paros, il ne passa dans PAttique que vers l'an i5ii. Les premiers
habita os de la Grèce ne vivaient que de gland et de fruits : l'ac-
croissement dela population aurait bientôt rendu cette nourriture
insuffisante à leurs besoins , si l'agriculture ne leur avait été ensei-
gnée avec le culte de Cérès. L'introduction de cet art amena le
partage des biens , et fit naître les lois. Ces hommes grossiers com-
mencèrent alors à regarder la terre comme le moyen d'une meil-
leure existence , et la Déesse qui la représentait fut bientôt à leurs
yeux la législatrice du genre humain (a). Triptolème , sous les aus-
pices de Cérès, transporta l'usage de l'agriculture, de PAttique
dans tout le reste de la Grèce. Mais la fable ne tarda point à se
mêler à la tradition. Cérès, sous la figure d'une vieille femme, par- Cdrès
courut diverses contrées, un flambeau à la main , pour chercher sa sslon lu fabh
fille Proserpine. Arrivée chez les Eleusiens , au dire de Callima-
que , elle s'assit trois fois au bord de la fontaine de Callirhoè, toute
couverte de poussière , et n'ayant bu ni mangé depuis long-tems.
La pierre qui lui avait servi de siège fut appelée Âgelasta , qui
veut dire triste. Cérès entra ensuite dans le palais de Celée Roi d'E-
leusis, où elle rencontra la vieille Jambe , qui la fit rire par ses
rtésie , courant ainsi nus par les rues en mémoire de la mutilation qu'avait
subie Atys , à cause de la jalousie de la Terre sa mère , c'est-à-dire de
Rhée ou de Cybèle.
(0 Cyriac. ^incon. -pag. 96. Mu>utor. Thesàur. etc. pag. 571. Corsin.
Jnscr. Attic. pag. 27. Pocock pag. 57. Ghandl. etc. etc. V. Sainte-Croix etc.
(2) Plutarque dit , dans la Vie d'Aristide, que le Dadouque Callias fut
pris pour un Roi à la bataille de Marathon, à cause de la forme de ses
"bandelettes cpi représentaient un diadème.
494 ' Religiok
sacrées, dont ils avaient le front ceint, ces prêtres portaient tous
des couronnes d'if et de myrte , avec un manteau de pourpre et
une clef qui leur pendait derrière les épaules, comme l'emblème
Piètres
du secret inviolable qu'ils devaient garder sur les mystères (i).
inférieurs. L'ordre inférieur des prêtres comprenait Wîacchogogue , qui prési-
dait aux Mystes dans la procession d'Iacchus; i'Hydrane, qui pu-
rifiait les Candidats; le Spondopohore , qui était chargé des liba-
tions; lePyrphore , qui portait le feu; le Licnophore , qui tenait
le crible mystique, ainsi que plusieurs autres ministres cités par
Pollux et Esichius, et dont il est fait mention dans les inscriptions
que Spon et Chandler ont recueillies. Gérés et Proserpine avaient
Prêtresses,
aussi leurs prêtresses, auxquelles on donna anciennement le nom de
Métropoles, et dans la suite celui de Mélisses (a). Ces prêtresses
étaient sous la direction d'une Hiérophantide prise dans la fimille
des Philléides , à laquelle appartenait le droit d'initier les fem-
mes, qui, selon S.f Epiphane3 devaient se présenter nues à cette
cérémonie.
Division
des mystères,
Les mystères se distinguaient aussi en petits et en grands. Les
premiers se célébraient dans le mois à\4ntesterion ou de janvier
à Agra , petit bourg à trois stades d'Athènes, où il y avait un pe-
tit temple sur les bords de Pllyssus. C'est dans les eaux de cette
rivière que se fesaient les purifications, qui étaient toujours pré-
inuuaions
aux petits cédées
1,1 d'un i jeûne i
(3). Le Didouque
i •fesait ensuite
• .mettre . au Candi-
mystères. dat les pieds sur les peaux des victimes, qui avaient ete immolées
à Jupiter Meilichios et Ctesios. Après cela , le Mystagogue , pour
(i) C'est delà qui vient le mot y epvpi&LV , qui veut dire railler sur
un pont. Scurrili et petulanti jôco petere et obtrectare. Valcken. ad
Ammon. L. III. chap. i3.
(2) Marm. Oxon. Epoch. 17. Schol. Pind. Isthm. Od. I. Olymp. Od. IX.
Inscr. in Marm. Oxon. pag. 83.
be la Grèce. 497
avait mangé du pain : sa réponse affirmative le fesait aussitôt chas-
ser comme profane; mais s'il répondait, non , j'ai bu de la boisson
mélangée , il donnait à entendre par là d'avoir participé aux pe-
tits mystères, et on l'admettait aux grands. Il devait se présen-
ter nu : dans cet état on l'enveloppait d'une peau de faon , qui se
serrait autour de ses [reins en forme de ceinture : cette cérémo-
nie , qui se fesait en secret , était une allusion à l'état sauvage des
premiers hommes, et en même tems à la vie corrompue et mortelle
des profanes. Le Myste, après qu'on lui avait ôté cette peau, pre-
nait une robe de laine teinte en pourpre : on le couronnait de
myrte 3 et on le fesait asseoir sur un lit orné de bandelettes de
pourpre. Après cette cérémonie on l'appelait {taxapioc , qui signifie
heureux (i). Les portes du temple étaient toujours fermées, et les
Mystes restaient dans le pronaos en attendant qu'on les ouvrît : pen-
dant ce tems, des sons horribles, des fantômes qui avaient la figure
de chien, et mille images monstrueuses que la lueur des éclairs
et les éclats de la foudre rendaient encore plus terribles, rem-
plissaient leur âme de trouble et d'épouvante. Enfin le Mystagogoe
ouvrait les portes; la statue de Cérès paraissait environnée d'une
lumière flamboyante produite par un artifice ; les ténèbres se dis-
sipaientl'initié
; adorait la Déesse : on le conduisait ensuite dans
des prés fleuris où il se voyait entouré de chœurs de musiciens , de
danseurs et de fantômes agréables (a); après quoi il était déclaré
Epopte ou contemplateur (3).
On demande en troisième et dernier lieu, qu'elle éfait la doc- Doctrine
secrète.
trine secrète des mystères. Nous avons traité plus haut assez au
(i) Plat. Phaedon. Diog Laerù. liv. V. chap. II. Schol. A ris t. Ran.
v,. 775. Nous ne voulons pas prétendre par là cependant , que le dogme
des récompenses et des peines après la mort fit partie de la doctrine secrète;
car il était déjà répandu en Grèce dès les tems d'Homère et d'Hésiode.
Peut-être que la seule origine de ce dogme , c'est-à-dire la métempsy-
cose , était considérée comme un mystère , qui devait d'ailleurs être aus-
sitôt révélé aux Mystes , ou aux initiés dans les petits mystères.
(2) Cicér De Nat. Deor. L I. § 42. S.1 Clément d'Alexandrie
( Strom. L. IV. ) assure aussi que VEpoptée était une espèce de Physiologie.
(5) Ap. S. Epiph L. III chap. 9. T. I. pag. iogo,
(4) Outre l'ouvrage de Sainte-Croix sur les mystères d'Eleusis, il faut
encore lire celui de Meurs intitulé Eleusinia , etc. , ainsi que l'ingénieux écrit
de Warburton , The Divine Légation of Moses. Ge dernier écrivain range
5oo Religios"
Thesmophories. Quelques écrivains , entr'autres le célèbre Millîn , sont d'avis
que les principales fêtes de Cérès étaient les Thesmophories , ou les
fêtes de Cérès législatrice: ce qui don aérait à présumer que les mys-
tères les plus secrets en fesaient partie; d'autres ont confondu les
Thesmophories avec les fêtes Eleusienues. Néanmoins la nature de
ces fêtes, et les assertions des écrivains les plus accrédités ne per-
mettent pas de douter qu'elles ne fussent particulières aux fem-
mes exclusivement, quoique les cérémonies n'en différassent guè-
res de celles d'Eleusis. Les hommes n'étaient point admis dans les
Thesmophories , et les fonctions sacerdotales y étaient remplies par
les Mélisses dont nous avons parlé plus haut (i). On les célébrait dans
le mois de Puanepsion , ou d'octobre, et elles duraient cinq jours.
Les femmes accompagnaient jusqu'au Thesmophorion , ou temple
de Cérès Thesmophore , le Calathos mystérieux, qui était traîné
par quatre chevaux blancs, et entouré de jeunes filles portant
des cribles tissus en or. Après un sacrifice expiatoire, les initiées
portaient de là jusqu'à Eleusis sur leur tête et en procession le
livre des lois, en invoquant à haute voix C alli génie , qui, selon
l'opinion de Villoison , signifie le mère de la belle Proserpine , ou
la mère des fruits et des moissons. Les Thesmophories se célébraient
aussi de nuit. Chaque femme y avait un flambeau allumé, qu'elle
éteignait et rallumait aussitôt. Le Ctéis était l'objet de la vénéra-
tion publique dans ces cérémonies, et rappelait au souvenir des
inîiées l'aventure de Baubone : d'où l'on peut conclure que toute
décence en était bannie (n).
pag. O)
276. Miliin. Gall. T. I. pag.'ôo. N.° 2.2.0. Acad. des bell. lettr. T. I.
(3) Collection of Etruscan } Greeh etc. Antiquités etc. T. III,
PL 47.
502 Religion
se fesait aussi, dans le stade, qu'on appelait pour cette raison Hip-
podrome. Les plus riches citoyens se piquaient d'avoir les chevaux
les plus légers à la course. Des villes, des républiques et des Sou-
verains aspiraient souvent au prix de l'Hippodrome ; et dans cette
vue i!s recherchaient les plus habiles cavaliers, pour leur don-
ner leurs chevaux à monter (i). Ces cavaliers couraient quelque-
fois avec deux ou plusieurs chevaux , en sautant de l'un à l'autre
au moment où ils franchissaient le but. Ces chevaux s'appelaient
en latin desultorii , et les cavaliers dcsul tores ; nous avons dit ail-
leurs quelque chose de ces derniers. Il fallait pour cet exercice
beaucoup d'adresse et d'habitude, attendu qu'on ne s'y servait ni
de selle ni d'étriers, dont l'usage n'était pas encore connu. Les
chars étaient attelés de deux, trois, quatre chevaux et plus encore ,
tous rangés de front. Ils devaient parcourir douze fois l'Hippodro-
me. L'art des conducteurs consistait particulièrement à tourner au-
tour de la borne , où le passage était très-étroit et d'autant plus
difficile , qu'il fallait le franchir douze fois de suite. L'amour de
la patrie , et le désir de l'immortalité enflammaient leurs cœurs
d'une généreuse ardeur. Ils n'étaient vêtus que d'une simple tuni-
que fa). Les vainqueurs n'étaient couronnés que le dernier jour des
fêtes ou des jeux , et en attendant on leur donnait une palme.
Dans l'exercice du saut , les athlètes se chargeaient d'un poids Le saut.
de métal, qu'ils tenaient sur leur tête, sur leurs épaules ou dans
leurs mains. Ces masses étaient de diverses formes, mais le plus
souvent ovales et recourbées au milieu ; elles étaient en outre per-
et les cheveux flottans sur leurs épaules. Celle qui avait remporté le prix
recevait une couronne d'olivier ; et il lui était permis de placer son por-
trait dans le temple de Junon : honneur qui la flattait encore beaucoup
plus que la couronne.
(i) Philippe, Roi de Macédoine , fut si enchanté d'une victoire rem-
portée en son nom dans l'Hippodrome , qu'il pria la Fortune de tempé-
rer ses faveurs par quelque disgrâce : car, vers la même époque, Parménion
un de ses Généraux battit les Illyriens , et sa femme Olympie acoucha
d'Alexandre.
(a) Pausanias , liv. I.er chap, 20 , rapporte qu'il y avait dans l'Hip-
podrome d'Olympie un dauphin en bronze au milieu de la carrière , avec
un aigle du même métal sur un autel ; et qu'au moment où le signal de
la course était donné, le dauphin disparaissait sous terre, tandis que l'ai-
gle déployait ses ailes, et s'élevait en l'air à. la vue des spectateurs.
Europe. Vol. I. 6j
5o6 RlîLIGlOK
(i) Les Latins donnèrent par dérision aux femmes grasses l'épithête
de vugiles , pour dire propres au pugilat. Terent Eunuch. Ac. II. Se. III.
Si quci est habiUor paulla , pugilem esse ajunb.
Quelques écrivains parlent de Yamphotide , qui était une espèce de ca-
lotte dont
, il semble que les athlètes se servaient quelquefois pour se
mettre le crâne et les oreilles à l'abri des coups ; mais on n'en trouv©
aucun exemple dans les monumens.
(2) Elien rapporte qu'un aLliléte qui avait eu la mâchoire brisée d'un
coup rie son adversaire , au lieu de se retiter du combat eut le courage
d'avaler ses dents : ce qui obligea son rival à s'avouer vaincu. On peut voir
la belle description que Barthélémy fait de ces combats dans son voyage
d'Anaeliarsig.
de la Grèce. 009
versaire à lever un doigt en signe de sa défaite (1). Le pugilat se
fesait quelquefoi avec la lutte, et cet exercice prenait alors la
nom de Paner ne, avec cette différence pourtant, que les combat-
tans n'avaient >as les bras armés de cestes (fi). Il était défendu %
sous des peines rigoureuses, de tuer son adversaire tant dans la lutte
<jue dans le pugilat. Il y avait un autre jeu, appelé Peniathlo y
où les concurrent disputaient le prix dans les cinq genres d'exerci-
ces que nous venons de rapporter. Pour l'obtenir, il fallait que
l'athlète eût remporté la palme, au moins dans les trois premiers
exercices pour lesquels il s'était présenté. Le lieu où se feraient ces
jeux s'appelait aussi Palestre, du mot -yraXaicrrr , qui veut dire lutte (3).
La planche 81 offre le spectacle du Pancrace (à). " Les deux Athlètes
V r 1 d" Pariée
« jeunes
,. n
gens,( dit .
Visconti dans .l'explication
.
qu'il donne
.
de ce bas- du =.«<•«
Pio-Uêmeritiiir*
« rehet , qu on voit nus, et qui semblent se mouvoir avec autant
" de vigueur que de souplesse pour s'attaquer et se défendre, ne
<f sont point , à mon avis, des athlètes pour le pugilat, mais pour le
« pancrace. Diverses circonstances me les font considérer comme
" tels : la première, c'est que leurs mains et leurs bras ne sont point
» armés du ceste , instrument terrible et propre au pugilat; la se-
<i conde , c'est de voir qu'ils ne cherchent point à se frapper,
<« mais plutôt à en venir aux mains et à se renverser: action qui
« appartient an pnnernre ., <î'aprés la loi qui défendait aux athlè-
te tes de se battre à coups de poing dans la simple lutte, et de
« chercher à se renverser dans le pugilat , . . . . La manière
" dont il était permis aux athlètes de s'attaquer dans le panera-
it ce, prête évidemment à l'attitude de celui de droite, l'iuteu-
a tion de se servir des pieds La position de leurs bras
a levés indique parfaitement cette espèce d'escrime , où les deux
oersaire , ce gwi ra'erf pas facile, et le tenir enlacé dans celte po-
sition, de manière à l'obliger à demander quartier. Il faut pour cela
qu'il sache le saisir , et V enchaîner pour ainsi dire dans tous les
sens. Il est permis en outre aux lutteurs de se donner du croc-en-
jambe 5 et de se forcer la ihain 3 pour se procurer un moyen de se
surprendre et de se renverser. Ils peuvent même se frapper et se
mordre, pour arriver à ce but (i).
Les athlètes combattaient nus : motif pour lequel on donnait Nuàue
, , » »,, . | , , . . • des athlètes.
a leurs combats 1 epithete de gymniques, du mot yv^ivoç , qui veut
dire nu : la même raison avait fait appeler gymnases les lieux où
se donnaient ces exercices. C'est encore pour cela qu'il était dé-
fendu aux femmes d'assister aux jeux Olympiques; et celle qui du-
rant ces jeux aurait traversé l'AIphée, au bord auquel était, le Stade
où on les célébrait, étail , au rapport de Pausanias , précipitée du
haut d'un rocher. On dit qu'en instituant les jeux Olympiques,
Hercule avait lui même ordonné que les athlètes y paraîtraient nus.
La nature même de la plupart de ces jeux , jointe à la chaleur du
climat, et au terus.de leur célébration, qui était toujours au solstice
d'été, rendait cette précaution nécessaire. .Néanmoins, dans les
premiers teins de cette institution , les athlètes avait soin de ca-
cher ce que la pudeur défend de montrer; et pour cela ils se
servaient d'une espèce d'écharpe ou de ceinture , appelée dans Ho-
mère l<d(ji.a, et dont on attribuait l'invention à Palestre fils de Mer-
cure (a). Mais cet usage ne dura , selon Denis d'Halicarnasse ,
que jusqu'à la LXXV.e Olympiade, époque à laquelle les Spartia-
tes , au rapport de Thucydide, commencèrent à venir tout-à-fait
nus dans la palestre (3). Ce qui donna lieu, dit-on, à ce change-
Pliae, que triompha aux jeux Olympiques Diosyppe , célèbre lutteur } qui ,
aux jeux Néméens , eut au contraire beaucoup de peine à remporter la
victoire : Alchimachus pinxit Dioxippum , qui P ancratio Olympia f
citra pulveris ùacùum ( (juod vocanc aconiti ) vicib: coniti Nemaea. Ibid.
chap. XI.
(i) On voit , par tout ce que nous venons dédire, que les combats
des gladiateurs , genre de spectacle tout-à-fait particulier aux Romains ,
n'étaient point en usage parmi les athlètes de l'ancienne Grèce. Persée ,
selon Tite-Live , avait seulement fait connaître ces combats aux Macédo-
niens ils
; ne furent introduits en Grèce que cinquante ans environ avant
l'ère vulgaire par la colonie Romaine qui s'était établie à Corinthe , après
que César eut relevé les mujcs rie nette ville. Depuis cette époque, pres-
que tous les peuples de la Grèce adoptèrent cei- adieux spectacle , que
les Romains avaient emprunté des Etrusques. Peut-être que la seule dif-
férence qu'il y avait entre les spectacles des anciens Grecs et des Ro-
mains consistait , en ce que les premiers n'avaient point de gladiateurs :
car environ i5o ans avant la même ère , les Romains avaient déjà admis chez
eux les combats de la course , du pugilat , de la lutte , du disque etc.
Il y avait aussi une grande différence entre les gladiateurs et les athlètes.
Ceux-ci étaient des hommes libres, qui n'auraient jamais voulu s'avilir à en-
trer en lice avec des esclaves ; ils combattaient volontairement et pour la
gloire, et jamais à mort: leur maintien et leurs mouveraens avaient une
dignité et une noblesse , telles qu'il convenait à des disciples et à des
rivaux de Mercure et d'Hercule , comme les appelle Denis d'Halicarnasse.
Les gladiateurs au contraire étaient des esclaves , des barbares ou des hom-
mes vils et infâmes , qui se battaient jusqu'à la mort.
(2) Pitture e v.asi antichi etc. édition de Florence , vol. IL pi. 2 5.
(3) Paus. liv. I. chap. 3o. Pind. Olym. Od. XIII.
Europe, VoL î, SS
5i4 Religion
« mîer qui l'atteint est déclaré vainqueur „. La course semble
avoir lieu à Goriuthe , et dans le tems de la fête à'EUozia , surnom
que les habitans de cette ville avaient donné à Minerve, en l'hon-
neur d'Ellotis ou Ellotide prêtresse de cette Déesse , dans le temple
de laquelle cette prêtresse fut brûlée lors de la prise de Corinthe par-
les Doriens (i). Voici la description que Ie3 savans commentateurs
nous donnent de cette peinture « Le premier coureur est arrivé au but
avec son flambeau éteint, qu'il a jeté à terre: son maintien annonce
le dépit. Le second est proclamé vainqueur, et le Génie qui repré-
sente laVictoire lui attache un bandeau au bras .... Le personnage
en robe de magistrat est un Athlothète , on juge du combat; la cou-
ronne qu'il porte, semble faite d'une plante marine appelée Alga
tinctoria, parce que Corinthe était sous la protection spéciale de
Neptune. Les couronnes des trois jeunes gens sont de feuilles de
palmier , et ressemblent à celle dont parle Apulée , en disant que ,
durant la cérémonie de l'initiation , l'initié portait une couronne
de palmier , dont les feuilles formaient des espèces de rayons autour
de sa tête. Pausanias observe de même que dans les jeux publics ,
les concurrens portaient le plus souvent des couronnes de palmier, (a).
Les âmes douces et sensibles se plaisaient encore davantage
aux jeux soéniques , et à ceux où l'on disputait du prix de la poé-
Jeuxsc4niqv.es, sie , des beaux arts et même de la beauté. Les jeux scéniques se
fesaient au théâtre et avaient pour objet le chant ,et la danse.
Quelquefois les chanteurs et les danseurs se partagèrent en chœurs,
à la tête de chacun desquels il y avait uu homme , âgé au moins
de quarante ans, qui s'appelait Choregue , et devait en faire les
frais. Aristide, Epaminondas et autres personnages illustres se fe-
saient un honneur d'avoir été élus Choregues. Aux Panathénées cha-
cune des tribus de l'Attique envoyait un chœur avec un Chore-
gue à Athènes. Le Choregue choisissait les acteurs, qu'il prenait le
musique vocale et instrumentale, sans chœurs, se fesaient à l'Odéon ( r). entre tes poètes,
Elien rapporte que , dans la XCLe Olympiade, Euripide et Xé-
noclès disputèrent entr'enx le prix du drame. Selon Athénée ,
Cléomène entra en liée aux jeux Olympiques , pour réciter quelques
vers p^P^'nrai d'Euipé.Jocie. Mais ces exercices avaient particulière-
ment lieu aux jeux Py hiques , qui se célébraient près de D-l plies.
Ou y représentait le combat d' Apollon avec le serpent Python;
et le chant y était divisé en cinq parties, et accompagné du son
des flûtes. Ce combat y était encore figuré par une daine, qui se cw<™«
divisait également en cinq parties. Dans la première, Apollon me- pour La duaie-
surait de Pceil l'ennemi qu'il allait atiqner; dans la seconde, il
provoquait le monstre; <\\n* la troisième il engageait le combat,
durant lequel le mètre iambiguë exprimait le son éclatant des trorn-
(i) V. Jul. Scaliger. Poetices liv. I. chap. XXIII. et Pollux liv. VI.
chap. X. sect. V.
(2) Plusieurs écrivains parlent de ce concours , comme on peut le
voir dans Winckelmann , Storia délie arti del disegno. T. I. p. 242 et
suiv. , et dans Mengs , qui s'exprime ainsi à cet égard à la pag. 96 de
son premier volume. On pourrq.it citer une foule d'exemples du cas que
cette nation délicate fes ait de la beauté ; mais qu'il nous suffise de sa-
voir que , dès les premiers tems , il y avait à Elide un concours ou les
femmes se disputaient cette prérogative , et des juges qui décernaient le
prix à la plus belle. Des concours semblables étaient ouverts à Sparte ,
à Naxos et autres lieux. Les concurrentes devaient exposer leurs mé-
rites devant des peintres et des sculpteurs , qui étaient les juges compétent
de la Grège. 5 17
en matière de ce genre; et ces juges avaient sous les yeux les plus heauoù
modèles pour leur servir de règle dans cet examen. Anacréon dit , que
la Nature ayant épuisé tous ses trésors dans la formation de V homme
et des autres animaux , auxquels elle a départi la force , l'intelligence ,
V 'agilité, , f.f. autres qualités précieuses , et n ayant plus rien à donner à
la femme , elle lui Jîû présent Je la beauté, qui vaut mieux seule, que
tout ce qu'elle a accordé à l'homme Knfin ce peuple galant
porta la délicatesse du sentiment à cet égard, jusqu'à imaginer que les
âmes renfermées dans de beaux corps avaient beaucoup plus de peine
à s'en séparer, que celles qui habitaient dans des corps mal conformés :
et qu elles n'en sortaient que par une gradation insensible , comme
pour les laisser endormis dans un sommeil doux et paisible. Philostrat.
Icon. liv. I. chap. IV. M.r Errante , peintre renommé , a représenté le con-
cours de la beauté dans un grand tableau qu'il a fait pour M.r le Comte
Sommariva : ouvrage qui se voit maintenant dans la belle maison de cam-
pagne ,que M/ Sommariva possséde sur le lac de Como , et qu'on peut
regarder comme un temple consacré aux beaux arts. Voyez l'épitre qui a
été publiée à ce sujet en 1807 à Milan par l'Imprimerie des éditeurs des
Classiques Italiens.
(i) A la fête d'Apollon de Philésie , qui se célébrait à Mégare prés
du tombeau de Dioclés , on donnait un prix à quiconque savait imprimer
le baiser le plus âoux.Suidas , Antholog. liv, VI. c. VIII, Athén. liv. XUI,
5 18 Religion
Jufs
et règlement Les jeux Olympiques se célébraient au solstice d'été de la
dam les jeux
première année de chaque Olympiade, et duraient cinq jours. Ou
Olympiques.
en fesait l'ouverture par un grand sacrifice à Jupiter, et l'on y
observait le même ordre que dans ceux dont nous avons parlé plus
haut. Ils étaient présidés par des juges appelés Hellanodices , dont le
nombre a varié selon les tems, jusqu'à la CVIII.e. Olympiade qu'il fut
fixé à dix , nombre qui était encore le même du tems de Pausanias.
On pouvait néanmoins appeler de leurs décisions au sénat d'Olyrn-
pie, par qui elles étaient quelquefois annulées (i). Le rang des
athlètes et leur disposition par couples y étaient tirés au sort. A
cet effet, on mettait dans une urne d'argent, consacrée à Jupiter
de petites boules de la grosseur d'une fève , dont deux portaient la
lettre A , deux la lettre B, deux la lettre G, et ainsi de suite se-
lon l'alphabet Grec, et le nombre de ceux qui s'étaient présentés
pour combattre. Après avoir fait leur prière à Jupiter, les athlètes
tiraient chacun une de ces boules. Il leur était défendu de regar-
der la lettre qu'elle portait. Il y avait près de l'urne un héraut
tenant une baguette à la main, pour en frapper ceux qui auraient
enfreint cette défense. Un des Hellanodices , qu'on appel lait Ali-
tarque , prenait la boule des mains des athlètes, qui se rangeaient
successivement en cercle autour de lui; et après l'avoir examinée,
il mettait ensemble ceux qui avaient tiré la même lettre. Si le
nombre des athlètes était impair, celui dont la lettre n'était point
accompagnée , devait combattre contre le vainqueur: circonstance
qui lui était favorable, en ce qu'il n'avait a/Taire qu'à un homme
déjà fatigué, tandis qu'il était encore, lui , dans la plénitude de ses
forces. Le sort réglait également le lieu que les concurrens pour la
course devaient prendre dans la file qu'ils formaient au point d'où
(i) Hérodote, Euterp. liv. IL §. i55 , rapporte que les Eléens com-
muniquèrentpar
, le moyen de leurs ambassadeurs, à Psammis Roi d'E-
gypte les
, réglemens qu'ils avaient établis pour les jeux Olympiques , dans
la persuasion où ils étaient que les Egyptiens , qui passaient pour le plus
sage des peuples, n'en pourraient faire de meilleurs. Les juges à l'exa-
men desquels ces réglemens furent soumis par l'ordre de Psammis , de-
mandèrent aux ambassadeurs, si les Eléens étaient aussi admis à concou-
rir dans ces jeux. Sur la réponse affirmative des ambassadeurs , les juges
déclarèrent que cette circonstance était contraire à toutes les lois de l'équi-
té ,parce qu'il était impossible qu'ils ne favorisassent pas leurs concitoyens
au dépens des autres Grecs.
de la Grèce. 5a r
ftliade.
(q.~) Il n'y a pas encore long-tems qu'on voyait à Athènes une inscrip-
tion, qui, sans doute, avait été faite par ordre du peuple en honneur d'un
athlète mort , lequel y était qualifié de héros. Euthyme de Locres et Théa-
géne de Taso , qui avaient été vainqueurs dans les jeux Olympiques , re-
çurent les honneurs divins.
de la Grège. 5a3
remparts (i). A Athènes , une loi de Solon leur accordait une gra-
tification de cinq cents drachmes , et dans la suite ils furent en-
tretenus dans le Prytanée au frais du trésor public. A Sparte ils
avaient le droit de combattre à côté du Roi. Leur gloire rejaillis-
sait même jnsques sur la ville où ils avaient pris naissance: aussi
vit-on des villes montrer le plus grand désir, que quelqu'un de
ces vainqueurs voulût s'en déclarer citoyen. Parmi le grand nombre
d'exemples qu'on pourrait en donner, nous nous contenterons du sui-
vant. Denis , tyran de Syracuse, voulait engager , pour une somme con-
sidérable, lepère d'un vainqueur aux jeux Olympiques à se déclarer
citoyen de Syracuse; mais le jeune homme dédaignant l'or du tyran,
s'écria qu'il était de Milet, et fit graver sous sa statue cette inscrip-
tion :Antipatro , fils de Clinopatro , Milésien , le premier d'entre les-
Ioniens , remporta la palme aux jeux Olympiques. Il y avait en con- Maures
séquence dans chaque ville un lieu d'exercices, auquel présidaient de gymnastique
les citoyens les plus distingués , et où venaient se former les athlètes.
Tyrtée, poète célèbre, et plus célèbre encore pour avoir obtenu
des Spartiates le commandement dans la guerre contre les Messé-
niens, n'était qu'un simple maître de gymnastique à Athènes. Le
même motif avait fait également décerner des prix aux jeunes garçons
et même aux en-fans , comme L'attestaient diverses statues , parmi le
grand nombre de celles qui fesaient l'ornement d'Olympie (a). Les
statues des athlètes étaient ordinairement ce qu'il y avait de plus
Jjeau en ouvrages de sculpture: car outre la force et l'agilité que
: Sainteté Le
l'ancienne flambeau
_
de l'évangile
,
brilla dans la Grèce avant d'éclai-
a
ise Grecque, rer l'Italie. De la chaire de S. Pierre, qui s'éleva d'abord à An-
tioche , sa lumière se propagea dans tout le Levant. On ne peut
imaginer rien de plus grand ni de plus vénérable dans les premiers
siècles de l'ère Chrétienne que l'église Grecque , qui eut pour fon-
dateurs les Apôtres mômes , et pour soutiens les Basiles , les Grégoires ,
les Chrysostômes et autres Pères, dont les noms sont célèbres dans les
fastes de la religion. Mais l'église Grecque ne tarda pas à éprouver
les revers, qui amenèrent insensiblement la ruine de l'état politique.
(i) On comprend , sous le nom A" église Grecque, non seulement cette
partie de la Chrétienté , qui fait usage du grec littéral dans sa liturgie,
mais encore les églises où le culte se célèbre en langue esclavonne, quoi-
qu'elles aient toujours conservé les coutumes et la discipline de l'église
Grecque proprement dite. Parmi les Chrétiens des rites Grec et Esclavon ,
il en est, et c'est le plus petit nombre, qui reconnaissent l'autorité du
Pape, et qu'on appelle pour cela Grecs unis. Ceux du rite esclavon se
trouvent dans les états de la maison d'Autriche, en Prusse, en Russie,
et surtout dans les pays qui composaient anciennement la Pologne. Les
Catholiques du rite Grec proprement dit, sont répandus dans l'orient,
dans la Turquie Européenne , et même en Italie , particulièrement dans
certaines contrées du royaume de Naples. Les Grecs de l'Italie ont un
Archevêque , qui réside à Rome dans le collège de S.* Athanase. La Corse
a aussi une colonie Grecque Catholique , sur laquelle Saussin , l'abbé de
Germanes et autres écrivains nous ont donné des notions intéressantes.
Cette colonie est le reste des Lacédémoniens , de ces braves Maniottes ;
dont six cent, obligés de céder aux forces Ottomannes qu'ils avaient vail-
lamment combattues, abandonnèrent leur terre natale et se réfugièrent
à Gêne-, en 1676. La république de Gênes leur donna un asile en Corse ,
et leur y procura du bétail et des instrumens d'agriculture , à l'aide des-
quels leurs descendons sont parvenus, à fertiliser les plaines de Vico prés
d'Ajaccio. En 1776, c'est-à-dire un siècle après leur établissement } iU
Europe. Vol, 1. ,3
53o Religion
Pour ce qui est des dogmes, nous allons rapporter le cata-
logue qu'en a donné Caur.us gentilhomme Vénitien et Archevêque
de Corfou (i), en l'accompagnant cependant d'observations, mi-
ses au bas de la page, qui nous ont paru nécessaires pour éclaircîr,
modifier et quelquefois même rectifier les opinions de ce prélat ,
Dogme»
des Grecs dans
.-, les , endroits
-, où il
i nous
, • a semblé
t s'écarter
t tde la vérité. i.° Les
sthumatiqu.es. Grecs schismatiques baptisent de nouveau les Latins qui entrent
dans leur communion (a). z.° Ils diffèrent l'administration du bap-
tême jusqu'à l'âge de trois, quatre, cinq et même dix-huit ans (3).
3.° Ils n'admettent point au nombre des sept sacremens la confir-
mation ni l'extrême-onction (4). 4° ^s n,ent l© purgatoire, quoi?.
gae priant pour les morts. 5.° Ils ne reconnaissent nullement la su-
prématie du Souverain Pontife > et nient conséquemment que l'église
Romaine soit la véritable église Catholique ; et ils excommunient tous
les ans au jeudi Saint , le Pape et les Evoques Latins. 6.° Ils nient que
le Saint-Esprit procède du Père et du Fils: néanmoins ils croient à
la divinité du Saint-Esprit, et administrent le baptême au nom des trois
personnes; mais dans le signe de la Croix ils portent la main de droite
à gauche. f.° Ils ne reconnaissent point la présence du Saint Sa-
crament dans la Messe des prêtres Latins, qui consacrent avec le
pain azime , selon l'ancien usage de l'église Romaine, qui a été
confirmé par le Concile de Florence. 8.° Ils prétendent que les pa-
roles,dans lesquelles les Latins font consister leur consécration,
ne suffisent pas pour opérer la transubstantiation , et qu'il faut pour
cela y ajouter d'autres paroles , et des bénédictions prescrittes par
les Pères. 9.0 Ils soutiennent qu'on doit communier les en fans sous
les deux espèces, quoiqu'ils ne puissent encore avoir aucune idée
de la sainteté du sacrement: c'est pourquoi ils leur donnent la com-
munion aussitôt après le baptême, et accusent d'hérésie les Latins
qui sont d'une opinion contraire ; ils prétendent en outre qu'il est
d'institution divine d'administrer aux laïcs la communion sous les
deux espèces. io.° Ils disent que les fidèles une fois parvenus à
l'âge de raison , ne peuvent plus être obligés à faire tous les ans la
communion à Pâques, et que toute liberté de conscience doit leur
être laissée à cet égard. n.° Ils ne montrent aucune vénération
ni aucun respect pour l'hostie consacrée non seulement lorsqu'ils
la portent aux malades, mais même pendant le sacrifice divin; ils
la mettent dans une espèce de bourse, ou datas une petite boîte
qu'ils suspendent à un mur, tandis qu'ils allument des lampes de-
vant leurs images (c). 12.0 Ils croient que l'hostie consacrée le jeudi
tiqué dans l'église d'orient. Aussi est-ce pour cela que chez les Grecs ,
les simples prêtres ont le pouvoir de donner la confirmation. Il est cer-
tain également qu'ils n'attendent pas les derniers instans de la vie pour
recevoir l'extrême-onction ; les malades viennent la demander eux-mêmes
à l'église , croyant que S.1 Jacques dans son Epitre parle des malades , et
non de ceux qui sont à l'article de la mort. Nous tenons même de quel-
ques Grecs très-dignes de foi , que nous avons consultés sur ce point , qu'ils
mettent la confirmation et l'extrême-onction au nombre des sacremens.
(1) Il parait reconnu aujourd'hui que les Grecs admettent la Tran-
ssubstantiation dans l'eucharistie. Cela est attesté par la plupart des écri-
53a Religion
saint a plus de mérite que celles qui le sont les autres jours. i3.*
Ils nient l'indissolubilité du mariage , et le rompent en effet pour
des prétextes quelquefois frivoles; ils taxent par conséquent d'er-
reur l'église Romaine, dans laquelle le mariage fie peut être dis-
sous, pas même pour cause d'adultère. i^.° Us condamnent comme
sacrilège le mariage en quatrièmes noces. i5.° Ils ne célèbrent point
les fêtes de la Vierge, des Apôtres ni des autres Saints les jours
qu'elles le sont dans l'église Catholique, et rejettent le culte de
plusieurs Saints quoique très-ancien; ils réprouvent le culte des
images en statues ou en bas reliefs, tout en exposant dans leurs,
églises des tableaux de Saints, et autres peintures sacrées. 16. ° Ils
nient que l'usure soit un péché mortel. 17.0 ils ne comptent pas
le sous-Diaconat an nombre des ordres supérieurs. 18.0 Ils ne re-
connaissent les Conciles œcuméniques que jusqu'au septième, qui
est le second de Nicée , lequel fut convoqué contre les adversaires
du culte des images. 19. ° lis nient que la confession auriculaire
fans. .... Tout bâtiment Grec est pourvu d'une gousse d'ail renfer-
mèe dans un petit sac, comme un préservatif contre les tempêtes; eu
ce petit sac est suspendu au bâtiment , aussitôt que le capitaine , qui eti
est le propriétaire, Va épousé en y attachant une couronne de laurier;
Pouqueville , Voy. en Morée. Tom. I. chap. XXV.
(i) La cre'dulité dans les songes était presque générale chez les an-
ciens ,et l'on connaît assez le culte qu'ils rendaient à certaines Déités
appelées DU somnia tores. Voyez l'explication des songes dans le Roman
Grec de Théagène et Cariclée. Quelques vieilles sibylles , quelques sorciè-
res décharnées , reste impur de ces magiciennes , dont la Thessalie a
toujours eu à foison sont encore en possession , dans toute la Morée ,
du droit d' expliquer les songes , d'interpréter les signes , et de commen-
ter tous les délires de Vimagination Il est aisé de juger quel
doit être , sur V esprit ardent des femmes Grecques , l'empire de ces mi-
sérables aventurières , connues parmi nous sous le nom de Bohémiennes
ou Egyptiennes. Pouq. ibid.
(2) Guys, Voy. etc. Lett. XXIII. Pouqueville ( ibid. ) dit qu'en
Morée , les plus hardis , jurent par leur âme , et par la tête de leurs
enfans , mais sans jamais oser prononcer le nom du Diable. S'ils font
contre quelqu'un cette imprécation ordinaire , que le Diable t'emporte ,
ils tournent ainsi leur phrase : que celui qui est dehors et loin d'ici
t'emporte. Cette modification ridicule n'a cependant pas lieu dans les
églises, où. le Diable ne peut entrer. Ainsi dans un lieu saint , continue
le même voyageur, j'ai entendu quelques Papas donner leurs ouailles
au Diable , se provoquer , s'injurier avec le nom du Diable toujours dans
la bouche , et s'adresser mutuellement V imprécation d'être emportés par
celui, dont ils dosaient proférer le nom hors de ces mêmes églises ....
Parmi les signes de malédiction usités des Grecs , te plus terrible est
la vue des cinq doigts en même tems. Cet usage nous explique un pas-
sage de V Andria de Térence , où un personnage dit, en Jesant un ges-
te: Ecce tibi dono quinque. Le nombre de cinq passe pour être de si
mauvais augure, qu'on n'oserait le prononcer dans une conversation ^
sans le faire précéder d'une excuse. Il ne serait guéres facile de re-<.
monter à l'origine d'une pareille extravagance.
536 Religion
sont encore usitées crez eux. M.r Peysonel , Consul Français à
Smyrne, dans une lettre qu'il écrit à Guys le 3 octobre 1768,
dit avoir été témoin de cette cérémonie à l'occasion de la mise en
mer d'une chaloupe Grecque, " Avant , dit-il, de mettre la main à
« l'œuvre, le constructeur fit apporter du vin, et prenant le vase
<t il en arrosa la proue de la chaloupe, en fesant des vœux pour
« la prospérité du voyage et du propriétaire, puis il but et fit
« boire tous les assistans. Je vis enfin une libation dans toute les
« formes „. La même cérémonie a lieu à la fin des banquets et
dans les convois funèbres (1).
Il résulte de tout ce que nous venons de dire: premièrement,
qu'à l'exception des erreurs de dogme sur la procession du Saint-
Esprit , et du manque de soumission au Saint Siège, la croyance
des Grecs schismatiques ne diffère pas beaucoup de celle des La-
Fwmarques tins et des Grecs orthodoxes; secondement, que l'aversion des pre-
r°'ïe^GrtcT' miers pour l'église Latine, vient peut-être uniquement d'un or-
modcmes. gUeji invétéré, et d'une jalousie mal entendue, qui a peut-être son
origine dans l'arrogance de Photius et des autres Patriarches; troi-
sièmement ,que les actes de superstition dont on les accuse, doivent
être attribués en grande partie au caractère même de la nation ,
sur qui l'imagination et la crédulité exercent toujours le même
empire. Ajoutons à cela, qu'il n'est pas de peuple, quelque civi-
lisé qu'il soit, qui n'ait ses superstitions; qu'il est même certaines
gens du vulgaire , dans la communion catholique, chez qui l'on voit
encore en usage des pratiques de ce genre, et qu'il serait témé-
raire de juger de tonte une uation par un individu. « Du reste,
« comme l'observe Guys , ce serait mal connaître les Grecs que
« de s'en former une idée en prenant à la lettre ce que Tournefort
« et autres voyageurs en ont rapporté, attendu qu'ils ne les ont
. « vus de près que dans les îles de l'Archipel, où régnent une
« ignorance et une pauvreté , qui n'ont pu que leur donner une
« opinion désavantageuse du reste de la nation. S'ils les avaient ob-
<i serves avec plus de soin, ils en auraient conçu nue tonte autre
" idée; ils auraient trouvé parmi eux, quoiqu'en petit nombre, de
« saçes Evêques, des prêtres instruits, et des hommes de goût et
a de génie. J'ai vu chez un Grec nommé Dra go , homme riche
« et éclairé 9 une bibliothèque choisie „. Quant à la morale, les
(i) Grégoire } Hisb. des sectes Religieuses. Tom. II. pag. 287, et
Àrcudius, De concordia etc. Liv. IV. ehap. V. tit. i3.
(2) M.r de Nointel , ambassadeur de France à la Porte , dit qu'en 1671
il y avait quatre Patriarches vivans De la Perpétuité de la Foi, Tom 111.
(3) Le clergé, (dit Caucus in Hist. de Graecor. erroribus , avec qui Pou-
queville et autres voyageurs s'accordent), est forcé de vendre les mystères
divins dont il est dépositaire. Et en effet , nul ne peut être admis à la
confession , recevoir l'absolution, faire baptiser ses enfans , se marier , ni
obtenir une excommunication contre quelqu'un , ( car les Papas lancent
l'anathème pour le plus léger motif ), s'il n'a fait auparavant son prix
avec les Papas ». Enfin v la cupidité de ces ministres envers leurs parois-
siens est poussée au point , qu'ils ne jettent pas une goûte d'eau bénite
.sais en avoir été payés d'avance.
Europe. Fol. I. S3
538 Relicio*
Entretien
ques , mais il est permis aux prêtres avant leur ordination, d'après
eu clersè- un usage antique et général de l'église d'orient (i). Le clergé sécu-
lier pour l'entretien desquels l'église Grecque n'a pas de fonds, n'a
d'autre ressource pour vivre que dans le produit des taxes et la li-
béralité des fidèles. Chaque paroisse est obligée de pourvoir à l'en-
tretien de son curé ; ^t à cet effet chaque famille donne un tant
par an en argent ou en denrées. L'Evéque tire également son trai-
tement d'une imposition sur son diocèse, dont il tient, ou pour
Mœurs
mieux dire, dont il achète l'investiture du Pacha ou du Vizir qui
des Evêques, gouverne la province. La simplicité des mœurs et du logement des
Evêques rappelle celle des pasteurs de l'église primitive. " Le luxe,
« dit Pouqueville, ne les entoure que dans les cérémonies du culte.
« Sans cesse sous la surveillance des Turcs qui les détestent , ils
" sont obligés, lors même qu'ils ne s'en feraient pas un devoir,
« de mener une vie exempte de tout reproche. S'ils perdaient un©
" fois l'estime publique, ce serait envahi qu'ils chercheraient à
« recouvrer la bienveillance des Pachas , dont ils ont souvent oc-
« casion d'appaiser la colère. On les voit parcourir leur diocèse
" à pied, ou montés sur un âne, la crosse en main .... Empres-
" ses non seulement à consoler leur troupeau, mais encore à le pro-
« téger par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, ils se ren-
« dent les médiateurs de toutes les contestations qu'il convient de
(i) Voici ce que dit Tournefort au sujet du mariage des prêtres Grecs.
« Il est permis aux prêtres de se marier , mais une seule fois en leur vie ,
et pourvu qu'ils le fassent avant leur ordination. A cet effet , le Diacre
qui est dans cette intention doit déclarer à un Papas en confession , qu'il
est vierge, et qu'il veut se marier avec une vierge Après avoir
reçu cette déclaration , le confesseur en instruit 1 Evêque Le Dia-
cre est marié , et reçoit l'ordre de la prêtrise; mais alors il ne peut plus
contracter un second mariage. Aussi a-t-on soin de lui donner la fille la
plus belle et la plus robuste du pays , et dont le tempérament promette
une longue vie ». Mais ccuk qui entrent dans les ordres sans s'être mariés
gardent toujours le célibat. Le peuple qui accorde souvent son estime
aux privations, a plus de respect pour ces prêtres que pour ceux qui sont
mariés ; mais les turcs qui ne jugent que l'homme , les surveillent avec
plus de rigueur. Malheur à eux s'ils étaient surpris avec une femme. Pou~
quev. Tom. I. Lett. XXVIII.
de la Grèce. 53g
« dérober à la connaissance des Turcs .... Mais ces hommes évan.
(i) Le sujet de cette planche est pris du voyage fait par Henri
Holland dans les îles Ioniennes , en Albanie , en Thessalie , et en Ma-
cédoine etc. durant les années 1812 et i8i3.
(2) M.r Pouqueville , ibid. , rapporte d'avoir rencontré un jour en
Morée un de ces Missionnaires , accompagné de plusieurs prêtres , qui
revenait d'une maison où il avait administré l'extrême-onction à une fa-
mille entière composée de gens tous en santé. Ayant demandé la raison
d'un usage aussi étrange , on lui répondit que ce n'était qu'une simple
précaution qu'avait prise cette famille , parce qu'elle ne trouverait pas
tous les jours pour cela un homme aussi saint que celui qui lui avait ad-
ministré lesacrement.
de la Grèce. $45
On trouve aussi en Grèce quelques couveiis de religieuses , qui Reiigîaeitu
observent également la règle de S.' Basile. Ces religieuses, ainsi
que les Calogers , sont assujéties aux jeûnes, aux prières et à toutes
les rigueurs de la vie monastique, et vivent sous la direction d'une
Abbesse choisie par elles parmi les plus âgées et les plus sages du
monastère. Elles sont en outre sous la juridiction d'un abbé de
Calogers, qui leur donne un de ses moines pour directeur spirituel.
Après avoir satisfait aux devoirs de leur état, elles s'occupent d'ou-
vrages àl'aiguille et de broderie. Les Turcs ont pour elles beau-
coup de respect , et vont dans leurs couvens pour y acheter des
ceintures et autres objets faits par elles. Les plus riches ont une
servante pour leurs besoins, et quelques-unes prennent en outre
avec elles une jeune fille } qu'elles élèvent dans la piété, et dans
la pratique des devoirs de la religion. Toutes portent le même ha- Lew-
billement, qui est simplement de laine, et consiste en une tuni-
que noire , et en un manteau de même couleur. Elles ont les bras
et les mains couverts jusqu'au bout des doigts et les cheveux rasés.
Chacune a son habitation à part, qui se compose de quelques cel-
lules au rez-de-chaussée et au premier étage (i). On rencontre
encore à Constantinople quelques femmes nommées aussi Calogères ,
et qui restées veuves portent en tête un voile noir, eu signe de la
résolution où elles sont de ne plus se remarier.
Passant ensuite à la liturgie nous commencerons par les sa- Litw-gts,
cremens; et laissant à part toutes les cérémonies qui sont commu-
nes aux deux églises, nous ne parlerons que de celles qui sont
particulières à l'église Grecque. Dans le baptême, le prêtre prend Baptême.
l'enfant à l'entrée de l'église., l'élève sur le seuil de la porte ou
devant une image de la Vierge , et fait sur lui plusieurs signes de
croix: après les exorcismes d'usage , il le plonge trois fois dans le
bassin , en nommant à chaque immersion une des personues de la
(i) Picart, vol. III pag. 70, parle d'un usage religieux des Chrétiens
de Syrie , qui a beaucoup de rapport avec le baptême. « Les Chrétiens de
tout genre, dit-il', Grecs, Nestoriens , Cophies etc. "vont se baigner tout
nus par dévotion dans îe Jourdain , en honneur de Jésus Christ et de son
baptême. Là , sans aucune distinction de sexe ni de sectes les hommes
et les femmes entrent pêle-même dans le fleuve , et se font verser de
l'eau sur la tête. Les plus dévots y trempent des linges, d'autres y rem-
plissent d'eau des bouteilles, et même en emportent de la vase etc. ».
(2) Picart, ibiâ. , pag. 11 5. Ricaut dans la Préface de l'état de
l'Eglise , Christoph. Angélus, De statu Graec. Allatius etc.
de là Grège. 54S
du côté droit, et l'autre en or du côté gauche. Après les prières
d'usage entre le chœur et le diacre, pour le bonheur , îa concorde
et la fécondité des nouveaux époux 3 le prêtre prend les deux
anneaux , et prononce trois fois ces mots : j'unis le tel et la telle ,
serviteur et servante de Dieu au nom du Père etc. Après avoir
fait avec ces anneaux un signe de croix sur la tête des époux,
il met l'anneau d'or au doigt de l'homme, et celui d'argent au
doigt de la femme. Un paranymphe ou témoin fait ensuite îe
changement des deux anneaux , tandis que le prêtre récite une lon-
gue prière, où la vertu et la dignité de l'anneau nuptial, sont
mystiquement comparées à celle des anneaux de Joseph, de Trn-
mar etc. Cette prière finie, le prêtre en commence une autre ,
en même tems qu'il pose sur la tête de chacun des époux une cou-
ronne de pampres, ornée de rubans et de dentelles (i). Enfin il
leur présente une coupe de vin dont ils boivent l'un et l'autre (a),
après quoi il leur ôte les couronnes et leur donne la bénédiction.
Les mariages en troisièmes noces sont permis dans l'église Grecque ,
mais ceux en quatrièmes sont regardés comme une polygamie et
frappés d'excommunication (3). ,iu mariage»
Venons maintenant aux usages civils du mariage, qu'il im- ' .^ «-w/i
porte de faire précéder de quelques circonstances dont JBpon à
été témoin à Athènes (zj)- Les jeunes filles ne sortent point de la
maison avant îe jour de leur mariage , ensorte que les jeunes gens
qui les recherchent ne peuvent entier en relation avec elles, que
par îe moyen d'une parente ou d'un tiers qui ait accès dans la mai-
son , et à la foi duquel ils doivent s'en rapporter (5). Ainsi l'amant
celle qui lui est proposée que sur le rapport d'autrui ; et dés qu'amenée
devant lui le voile qui la couvre est tombé , il se trouve engagé dans
des liens qu'il ne peut plus rompre.
(1) On trouve dans l'ouvrage de Guys ( Voy. etc. T. I. pag. 243 ).,
une gravure qui offre l'image d'une noce , où l'on aperçoit quelque res-
semblance avec celle , qui , au dire d'Homère, était représentée sur le
bouclier d'Achille. Dans les campagnes , l'épouse est conduite à la mai-
son du mari sur un char traîné par des buffles. Pouqueville nous a aussi
donné une belle description d'un de ces mariages champêtres. T. I.
ichap. XXIX.
(2) Cette figure est prise de l'ouvrage de Picart Cérémonies etc.
I. III. pag. i32.
de la Grèce. 547
(1) Guys Voy. litt. etc. T. T. pag. 2Z7 N. (2) raconte qu'un Patriar-
che Grec avait depuis peu lancé une excommunication contre les pères
qui donneraient en dot à leurs filles plus de trois mille piastres , ou plus
de trois mille écus.
(2) « Ces ornemens d'or ( dit Hermione dans Andromaque ) dont
a ma tête est parée , et tous ces vêtemens que j'ai , ne sont pas des pré-
« sens d'Achille ni de Pelée ; je les ai apportés de Sparte , et ils m'ont
« été donnés par Ménélas mon père avec une dot considérable , pour
« que je pusse parler en toute liberté ». Clitemnestre dit également dans
l'Iphigénie. en Aulide : « Qu'on tire des chars les présans que j'apporte
pour la dot de ma fille »,
5^8 Religion
i.° aux pénitens et â ceux qui se sont rendus coupables de quel-
que péché mortel, et dans ce cas elle s'appelle aussi Jpomuron ,
parce que , selon les Grecs, elle a son origine dans la parabole de
la Samaritaine: motif pour lequel ils mêlent à l'huile un peu de
vin, comme le lit le Samaritain pour panser les blessures du voya-
geur qui avait été assailli par les voleurs; a.0 aux malades, aux
infirmes et aux mourans; et celle-ci, qui est proprement l'extrême-
onction, est ordinairement administrée par l'Evêque assisté de sept
prêtres (i). Les onctions se font d'abord par l'Evêque en forme de
croix sur le front, le menton , Jes joues, le dos et la paume des
mains du malade; et pour cela il se sert d'une plume, ou d'un peu
de coton attaché au bout d'une petite baguette qu'il trempe dans
l'huile sainte. Les sept prêtres répètent ensuite successivement la
même cérémonie, et le plus distingué d'entre eux pose l'Evangile
sur la tête du malade, tandis que les autres lui tiennent les mains.
Picart rapporte que ces onctions se font aussi aux morts , et à-peu-
(i) C'est ce qui devrait se faire aussi dans la liturgie Grecque. L'Evê-
que devrait être assisté de trois prêtres pour donner la confirmation. Mais
pette règle est souvent violée , car la confirmation se fait quelquefois par
un seul et simple prêtre. Les moines du mont Athos , selon Tournefort ,
avares et simoniaques comme le sont tous les ecclésiastiques Grecs, soit
par l'effet d'une corruption invétérée , soit à cause de la misère et de
la profonde ignorance du peuple, parcourent toute la Grèce , et vont
anême jusqu'en Russie u pour y vendre leurs saintes huiles. Ils entrent
dans les maisons , écoutent les confessions et administrent Pextrême-onc-
tion même aux gens en santé : ce qu'ils exécutent en fesant au pénitent
sur l'épine du dos un nombre d'onctions égal à celui des péchés qu'il
a confessés , à condition pourtant que leur huile et leur tems ne seront
pas perdus. La moindre de ces onctions se paye un écu; celle qui se fait
pour les péchés de la chair est beaucoup plus chère. . , . . Ceux qui
mettent plus de régularité dans cette cérémonie se servent de l'huile con-
sacrée ,et prononcent à chaque onction ces paroles du pseaume ia3 le fd
a été rompu , et nous avons été délivrés. Plus bas le même auteur répète que
Jes Grecs administrent l'extrême-onction plus souvent aux gens en santé
qu'aux malades. Quant à ces derniers, continue-t-il , ils se servent d'huile
commune et non bénite pour les onctions, qu'ils leur font au front, aux
joues, au menton, et aux mains; ils répandent ensuite de cette huile
dans toute la maison, en récitant quelques prières, et en traçant avec
le coton, qui en est imbibé de grandes croix sur les murs et sur les poi>
fies, tandis qu'on chante le pseaume 90 ». Tourne/. Voy. Lettre 1IL
b« tÀ Grèce. 549
près de la même manière. Chacun des sept prêtres prend un mor-
ceau de papier imbibé d'huile , cm*il allume , et croit purifier , par
cette espèce de sacrifice, l'âme du défunt, et la délivrer des pei-
nes qu'elle a méritées : usage superstiteux qui rappelle les lustra-
tions des anciens. La consécration de l'huile pour l'extrême-onction
se fait le mercredi saint par l'Evèque, et pour toute Tannée : le
jeudi saint , le Patriarche ou l'Evèque donne l'onction en public
à tous les fidèles, selon un usage qu'on croit établi dès les tems
de S.1 Jean Damascène.
La cérémonie dont nous venons de parler nous conduit natu- Funérailles.
Tellement à celle des funérailles. Ces dernières paraissent commen-
cer à l'agonie du mourant, et Ricaut en traite au long dans son
ouvrage sur FEtat de V Eglise Grecque. On y lit entr'autres choses,
que le prêtre ceint la tête du malade avec le voile dont on couvre
le calice , et qu'il lui fait avaler un peu d'eau bénite , où l'on a
fait infuser quelques herbes odoriférantes, et qui a été consacrée
par l'attouchement d'u Crucifix ou d'une image de la Vierge.
Cette eau est regardée ^omme un remède propre à guérir les ma-
ladies de l'âme et du corps. Cest encore un usage établi chez les.
Grecs , de chercher à rendre la santé aux malades , en fesant à
Dieu ou à quelque saint l'offrande d'un œil, d'un bras, d'une jambe
etc., en or ou en argent. Aussitôt que l'agonisant est expiré , toute
la maison retentit de sanglots et de cris. « Le corps du défunt ou
de la défunte, dit Ricaut, est d'abord soigneusement lavé, selon
l'ancien Usage : on le revêt ensuite de ses plus beaux habits ( car
les morts sont portés au tombeau le visage découvert), puis on l'étend
sur le pavé ayant deux cierges allumés , l'un à la tête et l'autre
aux pieds (1). La femme, si c'est le mari qui est mort, les en-
Telles sont les couronnes nuptiales et funéraires qu'on voit sur un bas-
relief de M.r de Peyssonel , où Memius mort et couronné par son fils ,
et par quelques-uns de ses plus proches parens , couronne sa femme
Neiopolis qui était morte avant lui. Voyez Caylus , Antlq. Grecques ,
Pi. 74 , et Guys, Voyage etc. T. I. Lett. XVIII, Périclés qui, au dire
de Plutarque , n'avait pas versé une seule larme à la mort de la plupart
de ses enfans et de ses plus proches parens que la peste avait moisson-
nés, répandit un torrent de larmes lorsqu'il dut poser la couronne de
fleurs sur la tête du dernier de ses enfans , que la mort venait de lui
enlever.
(1) L'usage de cette prière et de quelques autres donne à présumer
que si les Grecs n'admettent point un Purgatoire dans le sens des Ca-
, reconnaissent au moins un lieu , où les âmes des élus sont
tholiquesils
plus au moins retenues , avant de pouvoir entrer dans le séjour des bien-
heureux. Ce lieu , selon les Chrétiens d'orient , n'est autre chose que
Y En fer , c'est-à-dire une noire et horrible prison , où sont renfermées
les âmes des pécheurs , et d'où les moins coupables peuvent être tirées
par la miséricorde divine. V. le livre de Pierre Arcadius de Corcyre ,
Utrum àetur Purgatorium , et an illud sit per ignem. Romae Typ.
Congreg. de Prop. 1717 in 4°
(2) Relativement à ces pleureuses , voyez Pouqueville Voyage en Mo-
rée etc. T. I. chap. XXX. où il fait la description des funérailles d'un
Geronte ou Codia-bachi. S.1 Jean Chrysostôme reproche aux Grecs de
son terns leurs pleureuses, et la vaine ostentation d'un deuil le plus sou-
de Là CaicE. 55 r
sont pas moins un asile inviolable et sacré. Les fosses sont recou-
vertes d'une pierre, avec une épitaphe et quelques orneraens qui
indiquent l'état et la profession du défunt. Ces épitaphes respirent
encore une simplicité antique. Il y a de ces tombeaux qui sont
décorés de petites colonnes, sur lesquelles est gravé le nom de celui
qu'ils renferment. L'usage s'est perpétué de les entourer de jeunes
ormeaux, qui forment avec le tems de jolis bosquets. Ils rappellent en
quelque sorte ce qu'Homère fait dire à Andromaque, que les Nym-
phes des montagnes entourèrent d'ormeaux le tombeau d'Action. Aux
fêles de Pâques, que les Grecs célèbrent par des réjouissances,
des festins et des danses publiques, il est un jour où ils vont eu
foule à leurs cimetières, pour y pleurer leurs parens , leurs amis,
et peut-être môme la perte de leur liberté (i). Mais à ces mar-
ques de douleur, il n'est pas rare de voir succéder des danses où
règne la plus grande gaieté (a).
Nous avons déjà dit quelque chose de l'eucharistie , et nous Sacrement
terrer les morts dans les temples ni dans les villes , et cet usage est
aujourd'hui généralement observé chez tous les peuples civilisés. Il est
dit également dans les douze tables des lois Romaines : Hominem mor-
tuum in urbe ne sepelibo , neve urito. Strabon , Gèograph. liv. 16, en
parlant des Arabes s'exprime ainsi: Morbua corpora haud magis quant,
stercus putant; ( quo sensu Heraclibus âixlb , cadavera hpminum magis
abjicienda foras , quam stercora ) ; quapropber Pièges etiam in sberqui-
liniis defodiuntur.
(1) Guys dit que les femmes Grecques se bornent maintenant à s'ar-
racher les cheveux sur les tombeaux de leurs parens et de leurs amis ,
tandis qu'autrefois elles coupaient leurs longues tresses , comme pour faire
au défunt un sacrifice de l'ornement dont elles sont le plus jalouses.
(2) Cet usage nous rappelle le fameux paysage peint par le Pous*
sin , où l'on voit des bergères d'Arcaciie suspendre tout-à-coup leurs
danses champêtres à l'aspect du tombeau d'une de leurs compagnes
■morte à la fleur de son âge , sur lequel elles lisent cette inscriptioa
«impie qui fait évanouir leur gaieté.: Et in Arcadia ego. Pouquev. Voyag
etc. T. I. Lebb. XIX.
554 Religion
abrégé succinct de ce qui est rapporté à ce sujet dans le pontifical
Grec d'Habert , et dans VEuchologion , ou Rituel de Goar. Les
ordres mineurs chez les Grecs sont ceux, de Lecteur, de Chan-
Ordination tre , et de Sous-diacre. Dans l'ordination, le lecteur se présente
à l'Evêque la tète nue, et avec l'habillement de clerc, c'est-à-
dire, en habit noir et modeste, et si c'est un moine, avec l'habit
appelé dans le pontifical manclyas , lequel est une espèce de man-
teau qui descend jusqu'aux pieds (i). L'évèque bénit trois fois le
candidat , auquel on coupe ensuite les cheveux en forme de croix ,
en même tems qu'on lui fait la tonsure cléricale. Après cela le
candidat, s'il n'est pas moine, reçoit de l'Evêque le Phenolium ,
mot par lequel on entend généralement la chasuble, mais qui, se-
lon Arcudius, n'est qu'une espèce de tunique ou de robe longue.
L'évèque fait de nouveau trois fois le signe de la croix sur la
tête du candidat , lui impose les mains et prie pour lui : ensuite
il lui met entre les mains l'Ecriture Sainte, où le nouvel ordonné
Oràinaiwi ^°^ ''re quelque verset. Il n'y a d'autre différence entre l'ordi-
du, chamre. nation du lecteur et celle du chantre, si ce n'est que celui-ci
chante ce que l'autre ne fait que lire. Le Chantre qui aspire
Ordination au Sous-Diaconat se présente à l'Evêque avec le Phenolium , ou
iuSous-duure. avec je Mandyas ë\ c>est un moine. Il reçoit alors le
Sticharium,
espèce de tunique blanche faite de lin, qui correspond à l'aube
ou au surplis des Latins, et se serre avec une ceinture ou un cor-
don. L'Evêque se fait ensuite apporter un bassin plein d'eau avec
une serviette 5 et après avoir fait trois fois le signe de la croix sur
la tête de l'ordinand , en lui imposant les mains et en récitant
des prières, il lui met la serviette sur l'épaule gauche, et lui
donne le bassin. L'ordinand baise ensuite îa main droite à l'Evêque,
et lui verse de l'eau sur les mains. Après cette cérémonie, il re-
çoit la bénédiction , et récite trois fois le Trisagium , hymne ainsi
appelé parce qu'il commence par le mot anoç , ou saint, qui se
répète trois fois. Les fonctions du Sous-Diacre consistent princi-
(i) Dans l'église Grecque les Evêques ont tous le droit de porter
ïe pallium. Les Grecs lui donnaient le nom de £h[LO<popiov > mot qui
signifie en Latin humerai ou ornement à couvrir les épaules ; il est en
laine , et regardé comme l'emblème de la brebis égarée que trouva le
Seigneur , et qu'il rapporta au bercail sur ses épaules. L'ancien pallium ,
tel qu'il est usité aujourd'hui chez les Grecs , a la forme d'une longue
bande parsemée de croix ou d'images sacrées. Il pend le long du dos et
sur la poitrine , et descend au dessous du genou.
(2) Selon le Pontifical Grec , le trône de l'Evêque était anciennement
placé prés de la sainte table, ou de l'autel. C'est pourquoi S.1 Athauase
( Epist. ad solllar. ) cite parmi les choses sacrées la sainte table de bois ,
le trône et les cscabelles ou bancs , c'est-à-dire les sièges des prêtres
qui. assistent l'Evêque.
{5) Apud Graec&s tamen non ita frequens est gcnufiexio^ et quia
mos antiquus standi in diebus dominicis aliisque solemnibus observatur^
in quibus benedici solet , raro aut nunquam ad benedictionem susci-
pieMdam populus ^enujlectit. Habert, Pontifie, pag. Soi,
de la Grèce. 55o,
espèce de draperie carrée qui pend des reins sur les genoux, et repré-
sente, selon le Pontifical, le linge avec lequel le Rédempteur essuya
les pieds à ses Apôtres ; et la chappe , appelée chez les Grecs Mandyas 5
nom commun aux autres vêtemens sacerdotaux comme on l'a vu
plus haut, laquelle a la forme de celle des Latins, mais diffère
de celle des simples prêtres par certaines bandes rouges et blan-
ches appelées rivières , qui sont tissues dans toute sa longueur.- Ces
bandes se voient également quelquefois sur la tunique et autres vê-
temens des Evêques (i). Nous remarquerons aussi que celle des
Evêques est toute panemée de croix , et se nomme pour cela Polys^
taurium , qui veut dire tissue à plusieurs croix. Les Patriarches et
les Archevêques ou Métropolitains portent en outre une espèce de
camisole courte et sans manche appelée aaxxoç , ou sac , par allu-
sion au sac ou à la robe dont le Rédempteur fut revêtu par dé-
rision. Le Polystaur'ium du Patriarche 3 outre ces croix, est encore
parsemé de triangles, qui signifient la pierre angulaire , ou Jésus
Christ.
Les ornemens sacrés dont nous venons de parler sont à-peu-près Anneau,
les mêmes que chez les Latins. On pourrait nous demander mainte- "^L'oT"
nant si les Evêques Grecs portent comme ceux-ci l'anneau, la croix
sur la poitrine > la mitre et le bâton pontifical. Selon Pachimère ,
les Evêques d'orient qui se présentèrent au Pape Grégoire X en
qualité d'ambassadeurs,, étaient décorés de ces ornemens. Cepen-
dant j,l'usage n'en parait pas général parmi eux, excepté le bâton,
et la croix qui, selon Goar s se donne à l'Evêque après le pallium9
laquelle est remplie des reliques, et suspendue à une petite chaîne,
qui pour cela s'appelle eyolmov. Les Evêques Grecs étant pris parmi
les moines n'ont pour coiffure que leur capuchon: ce qui fait qu'à
la consécration, au lieu de la mitre on leur donne l'Evangile, se-
lon la Liturgie de S.1 Chrysostôme (a).
(i) Voici quelques particularités rapportées sur cet article par Picarfe
Tom. III. pag. 76, et par le P, Simon, Biblloth. Critique tom, I. chap. a3.
Le Patriarche Metodius , déposé en 1670 par l'effet des intrigues de Par-
thenius , trouva le siège patriarchal endetté d'une somme de plus de trois
cent mille écus. Il en remboursa deux cent mille les deux premières année3
de son pontificat, c'est-à-dire depuis 1667 jusqu'à 1670. Parthenius, qui
lui succéda , fut obligé d'en payer cent mille au Grand Seigneur et aux
ministres , et ses brigues lui en coûtèrent cent mille autres. Ainsi son
élection vint à lui coûter deux cent mille écus, qui, avec les cent mille
dont Metodius était encore redevable , et les intérêts énormes de tout le
capital , formaient la dette totale de l'église. Dans ces sortes d'occasions t
le Patriarche fait des emprunts au 40 et même au 5o pour cent d'intérêt j
et les Turcs, à peine remboursés, s'empressent de provoquer la nomina-
tion d'un autre métropolitain pour lui offrir de l'argent au même prix.
Le revenu du patriarchat de Constantinople est d'environ quarante
mille écus par an. Cette somme provient, i.° de la nomination, ou pour
mieux dire de la vente des Evêchés et des bénéfices vacans ; 2.0 d'une
rétribution annuelle des Èvêques , des curés , des monastères , et même
des simples prêtres , qui , à Constantinople , payent au Patriarche un éeu
Europe. Vol J. ni
56a Religion
avait accordé de grands honneurs à Gennadius, premier Patriar-
che de Bysance après la conquête. Il lui remit lui-même le bâton
pastoral, lui fit présent d'un riche pailium, d'un cafetan de zi-
beline, qui dans le levant est la tunique des Grands, d'un cheval
blanc , et lui assura une pension considérable. Il lui permit en
outre d'aller à cheval par la ville, et de porter la croix d'or sur
le chapeau patriarchal , lui donna même quelqu'autorité sur le
temporel des Grecs. Trois Patriarches jouirent successivement de
ces privilèges. Ioasaf, le dernier d'entr'eux , fut déposé par ordre
de Mahomet, qui lui fit en même tems raser la barbe: ce qui est
une marque d'infamie pour les moines et les Evêques Grecs. Il eut
pour successeur un certain Marc Chilo Carabes, homme ignorant et
par an ; 3.° de la même taxe sur les mariages des Grecs dans la même
ville , taxe qui est du double ou du triple lorsqu'il s'agit d'un mariage en
secondes ou troisièmes noces; 4.0 de la succession des prêtres qui meurent
Sans enfans, et dont le Patriarche est héritier de droit; 5.° des legs de tout
genre , que lui font quelques riches avant de mourir ; 6° de plusieurs
autres petites sommes provenant des aumônes, des carêmes et autres
causes ^semblables. Toutes ces ressources formeraient un revenu considé-
rable ,si le produit ne devait pas en passer par tant de mains , avant
d'arriver dans celles du Patriarche.
Après lui , le plus riche est le Patriarche de Jérusalem. Ce prélat se
fait tous les ans une forte somme au moyen du Feu Saint , qui est une
cérémonie où il y a plus de bizarrerie que de dévotion. C'est une opinion
établie chez les Grecs que , tous les ans au samedi saint, Dieu envoie
du ciel un feu dans le saint sépulcre. Les Grecs s'y portent en foule pour
.allumer à ce feu sacré un cierge ou une lampe. Mais nul ne peut entrer
dans cette enceinte qu'en payant une somme convenue au Patriarche. L'em-
pressement des dévots pour y entrer est tel, qu'ils se jettent les uns sur
les autres, s'injurient, se battent et renversent le Patriarche et les Evê-
ques de sa suite. Les efforts de la garde Turque sont vains pour appai-
ser le tumulte , et la cérémonie ne se termine pas sans qu'il y ait du
sang de versé, et même quelque dévot de tué. On peut voir la descrip-
tion qu'en donne Picart à la pag. 143 de son III. e vol. Le plus pauvre
des Patriarches Grecs est celui d'Antioche. Le Patriarche dAlexandrie
jouit d'un grand crédit dans l'ordre ecclésiastique , et se fait craindre par
sa censure. Il est, ainsi que celui de Jérusalem, moins exposé que celui
de Constantinople à l'avarice des Turcs ; aussi régne-t-il plus de liberté
4&AS leur ékction.
de la Grèce. 563
(i) L'usage des cloches chez les Grecs ne remonte pas au delà de
l'an 895, époque où un patricien de Venise en envoya quelques-unes en
présent à l'Empereur Michel , qui les fit placer sur la tour de Sainte So-r ,
phie. Avant cette époque on se servait de pièces de bois , de verges ou
lames de métal , qu'on frappait avec des marteaux pour appeler les fidèles
h l'église : usage fort-ancien , dont il est fait mention dans les Actes du
VII.e Concile œcuménique. Les Grecs ont dû le reprendre depuis que les
Turcs leur ont défendu de se servir des cloches , dont ils croient que le
son trouble le repos des morts. Voy. au n.° 5 de la planche 86 ces es-
pèces de cloches , telles qu'elles existent chez les Galogers.
£2) '£ournefort t J^oyag. au Levant. Lettre ///.
de t Crece. 565
peinte et dorée. Cette cloison a trois portés: on appelle la porte Forte»
r i i • 71 t du sanctuaire;
it
• celle
sainte i
du •!•
milieu qui•est en lace de la sainte tablQ ou du
maître-autel , et elle ne s'ouvre que dans les grandes solennités ,
lorsque le Diacre sort pour lire l'Evangile , ou quand le Prêtre
accompagné du Diacre porte les espèces pour la consécration ,
ou enfin pour la communion qui se fait à ^on entrée. Les deux
portes latérales , moins grandes que la première, sont vis-à-vis les
deux autels des côtés, dont nous parlerons plus bas. Le sanctuaire
est la partie la plus élevée dans l'intérieur de l'église , quoique
pourtant il n'y eût anciennement qu'un seul degré pour y monter.
Il a au fond la forme d'un demi-cercle, au milieu duquel est le
trône épiscopal , avec des sièges alentour pour le clergé durant la
célébration de la Messe. Il y a trois autels dans le sanctuaire.
On voit sur le plus grand , qui est au milieu , des chandeliers , la
Croix et le livre des Evangiles, qui dans le rite Grec reste tou-
jours au milieu de l'autel , et devant lequel brûle sans cesse une
lampe. Cet autel s'appelle sainte table, et ne sert que pour le Sainte table*
service divin. Aux termes du Rituel, il n'a proprement que la figure
d'une table à manger, soutenue par quatre pieds ou espèces de co-
lonnes qui renferment des reliques de martyrs, ensorte que le des-
sous en est parfaitement libre: construction qui explique de quelle
manière, au rapport de Socrate l'historien, Alexandre, Patriarche
d'Alexandrie, avait pu se mettre en prière sous la sainte table le
visage penché vers la terre, et comment cet espace vide pouvait offrir
un asile. Le Rituel place aussi sous la sainte table le sacrarium,
ou la piscine destinée à recevoir l'eau qui a servi au prêtre pour
se laver les mains, et à nétoyer les linges et ustensiles sacrés (i).
La sainte table se trouve sous une espèce de tabernacle ou de cou- TahemacU.
pôle soutenue par quatre colonnes (a) , auxquelles étaient attachés
anciennement les rideaux ou les courtines dont eile était en vélo p~
(1) On ne célèbre qu'une seule Messe par jour dans les églises Grec-
ques ,c'est pourquoi on n'y voit qu'un autel pour le sacrifice divin ; et si
pour un motif quelconque on y en construit un second , il est totalement
isolé , ou entouré d'un mur , et forme comme un oratoire , ou un supplé-
ment fait au corps de l'église. L'usage d'un seul autel chez les Grecs est très-
ancien , et Eusèbe l'appelle (lovoysrèç SrvaiaçTvpiov. V. Goar. Rit pag. i5.
(2) Les Grecs , comme nous l'avons observé , font usage du pain fer-
menté pour l'eucharistie. Ce pain est quelquefois carré , mais plus sou-
dé là Grèce. 56^
pris du Rituel Grec (i). Le prêtre enfonçant le couteau dans le
côté gauche du pain , au signal que lui en fait le Diacre avec1
YOrario 3 l'élève en disant , sa vie a été prise de la terre , puis il
le pose sur la patène , après quoi le Diacre lui dit , immolez Sei-
gneur : aussitôt il entame avec le couteau le côté droit du pain ,
en mémoire de la blessure qu'un des soldats ouvrit avec sa lance
dans le côté du Rédempteur; et le Diacre, par allusion au sang
et à l'eau qui sortirent de cette blessure, verse immédiatament l'eau
et le vin dans le calice. On tire ensuite par ces ouvertures la mie
du pain , dont on fait un morceau carré qui sert à la consécration.
Le célébrant prend un second pain , qu'il bénit en l'honneur d»
la Vierge, puis il en prend un second , un troisième 3 un quatriè-
me etc. dont il fait la môme chose en l'honneur de S.1 Jean Bap-
tiste ,des Prophètes etc. : cérémonie qu'il répète encore avec d'au-
tres pains ou fragmens de pain pour le Patriarche , pour l'Evêque
de son diocèse, pour les prêtres, et même pour les morts. Après
cela il vient encenser Vastérisque (a.) , les linges qui enveloppent
vent rond et un peu convexe sur un des côtés, de manière qu'en enle-
vant la croûte avec les quatre parties coupées , on voit celle du milieu
ou la mie presque sous la forme de l'agneau divin , qui est prêt d'être
immolé. Le couteau s'appelle Aopei? , ou lance , en mémoire de cell»
qui perça le côté du Rédempteur. Le pain, selon Durand cité par Goar,
devrait toujours être rond , comme étant l'image des deniers donnés à
Judas pour prix de sa trahison. D'après le Rituel, ce pain ne peut être
apprêté que par des vierges , par les femmes des prêtres , ou bien par
les Diaconesses ou femmes des Diacres , pourvu qu'elles ne soient ni leg
unes ni les autres dans leurs cours. Les femmes des prêtres et des diacres
ont dans l'église une place distinguée , et prés du sanctuaire. Il est à ob-
server que les femmes en général y occupent le côté gauche en entrant.
Les premières se font encore remarquer par la modestie de leur habille-
ment } et par un voile blanc qui leur ceint la tête. Quant aux anciennes
Diaconesses , qui formaient aussi un ordre sacré et hiérarchique chez les
Grecs, il faut lire Goar. Rit. pag. 219 et suiv. Nous observerons encore
qu'avant la consécration réelle, les pains s'appellent dons consacrés : nom
qui se donne à tout autre pain présenté par les dévots à la Prothèsis ,
et qui se distribue au peuple après la Messe.
(1) Nous avons cru aussi à propos de représenter dans la même
planche, sous les n.os 5 et 6 , la ligure du pain dont les Grecs Cophtes
font usage dans l'Eucharistie.
(2) Selon Tourne fort } V Astérisque est une croix d'argent ou autre
568 Religion
le calice et la patène (i) , et un autre linge plus grand appelé
Aer , qui sert à couvrir les deux espèces. Viennent ensuite les priè-
res qui accompagnent l'offertoire , après lesquelles le célébrant en-
cense la Prothésis ; puis ayant fait d'autres prières et récité le
psaume L, il encense également le chœur, la sainte table et le tem-
ple. Telles sont les cérémonies préparatoires qui se font sur la
Prothésis (a).
métal , dont les bras sont recourbés de manière qu'en la posant sur la
patène , ou le bassin , où se trouvent les morceaux de pain destinés à la
consécration , elle tient soulevé le voile qui les couvre, et empêche qu'au-
cune parcelle n'y reste attachée.
(i) La patène, êtsxos , des Grecs est plus grande que celle des La-
tins, et a la forme d'un bassin, dont les bords sont un peu relevés. Au
milieu sont gravées ou tracées en relief les lettres initiales IG, XC, N , K.
(2) La véritable consécration ne se fait que sur la sainte table ,
quoi qu'il soit parlé de sacrifice et d'immolation dans les cérémonies
préparatoires: ce qni a fait donner par quelques-uns au pain de la
Prothésis le nom de corps mort de Jésus Christ. Les Grecs , et mê-
me quelques-uns de leurs Patriarches ont poussé l'exagération du sens
mystique ou des allégories, jusqu'à nommer corps de la Vierge le pain
ou la portion de pain , qui est bénite sur la Prothésis en son honneur.
Certains érudits, surtout parmi les Protestans , ont cru voir dans la divi-
sion du pain un usage emprunté des Gentils , qui partageaient leurs vic-
times en plusieurs portions, dont ils gardaient une pour la Déité. Il était
bien plus naturel de faire dériver cet usage des agapes ou banquets sa-
crés, que fesaient entr'eux les premiers Chrétiens. Dans les monastères du
mont Athos , un des religieux avant les repas, met devant L'image de
la Vierge un petit morceau de pain sur une assiette. Après la bénédic-
tion de la table., on apporte ce morceau de pain à l'abbé qui le goûte,
*t le passe ensuite aux autres religieux, dont chacun en mange un peu,
en récitant une prière en l'honneur de la Vierge.
delà Grèce. 56g
d'usage devant la sainte table, le Diacre, la tète inclinée devant
Je célébrant, et tenant son orario des trois premiers doigts de la
main droite lui dit, il est tems de sacrifier au Seigneur , bénissez etc.
Après les bénédictions, dont le Diacre et le chœur ont aussi cha-
cun la leur, on fait les prières pour la paix, pour le salut des
fidèles, pour le Patriarche, pour l'église , pour les Souverains etc.
Elles sont suivies de la prière secrète, de plusieurs antiennes, des
réponds (i), et de la bénédiction de Ventrée sainte , c'est-à-dire
de l'orient. Après les saluts ou marques de vénération envers l'E-
vangile qui est posé sur l'autel , les Chantres entonnent les tro-
paires , qui sont des chants en l'honneur du saint , dont on célèbre
la fête. Ou chante ensuite le Trisagium; puis le Diacre rient sur
la porte sainte et dit: soyez attentifs, à quoi le célébrant ajoute,
paix à tous. Le Diacre, précédé de l'encensoir et de cierges allu-
més, sort du sanctuaire tenant le livre d'Evangile, et monte à
VAmbone pour en faire la lecture (a). Après l'Evangile on fait les
prières pour les Cathécumènes. Le célébrant déploie ensuite sur la
sainte table le corporal , qui est un voile cane , sur lequel s'opè-
rent les saints mystères. Cette cérémonie est suivie de la translation
des deux espèces de la Prothésis au maître-autel. Le Diacre tient
d'une main l'encensoir, et porte sur une épaule VAer, et sur sa
•tête la patène avec le pain: le calice est porté par le célébrant.
(i) Parmi les antiennes nous remarquerons celle que les Grecs ap-
pellent Tritecto , qui répond à la tierce ou la sexte de l'office des Latins ,
celui des Grecs étant divisé en neuf chants , dont deux , le troisième et
le sixième qui forment le Tritecto , appartiennent à la Messe.
(2) VAmbone , ainsi appelé àicb rov a'va/îaiveiv à cause des deux esca-
liers par lesquels on y monte , l'un à i'orient et l'autre à l'occident , est
une espèce de tribune assez grande pour contenir plusieurs personnes f c'est
même là que se fesait le couronnement des Empereurs par les Patriar-
ches, et les chantres l'occupaient dans les grandes solennités. Mais son
usage était particulièrement destiné à la lecture de l'Evangile , aux ho-
mélies et aux publications. On en vit aussi dans les églises Latines , telles
que celles qui existent encore dans les églises de S.1 Ambroisp à Milan ,
et de S.1 Jean à Monza. Anciennement Yambone était hors du sanc-
tuaire ,et le plus souvent au milieu de la grande nef: les Grecs y sus-
pendent quelquefois une croix garnie de cierges allumés , selon un usage
qui est très-ancien chez eux.
Europe. Vol. J. yg
570 Religion
Ils sortent ensemble de la Prothésis suivis du bas clergé , s'avancent;
processionnelleraent par l'église, au milieu d'un peuple qui donne
les démonstrations de la plus étrange vénération , et. entrent dans
ïe sanctuaire par la porte du milieu. Les espèces posées sur l'autel ,
le célébrant en fait l'offrande secrètement. Après diverses prières
accompagnées de révérences multipliées , on récite le symbole et
la formule que les Latins appellent Prœfatio , et qui a pour objet
Consécration, de disposer le peuple à être attentif. Le Diacre lève l'astérisque ,
agite sur les espèces sacrées l'éventail , dont on voit la figure sous
le n.° a de la planche 88: le célébrant les bénit en prononçant les
paroles que le Christ adressa dans la dernière Cène à ses Apôtres,
lesquelles sont proprement les deux formules de la consécration com-
me pour les Latins , et fait l'élévation des deux espèces. Après l'in-
vocation au Seigneur pour qu'il fasse changer les espèces en son
corps et en son sang, car les Grecs ne paraissent pas bien persua-
dés que la formule des Latins soit suffisante pour la consécration •
après diverses autres cérémonies rapportées dans le Pontifical et
les encensemens prescrits à l'autel et aux diptiques (1), on fait de
nouveau la commémoration des vivans et des morts. Le Diacre s'étant
ceint Yorario en forme de croix, et se plaçant à la droite du célé-
brant l'invite
, à partager le pain : ce que fait ce dernier en le
divisant en quatre portions, dont il met une dans le calice, tandis
Communion, que le Diacre y verse un peu d'eau tiède. Le célébrant présente
au Diacre une des portions qui restent , et communie ensuite lui-
même sous les deux espèces; puis il donne le calice au Diacre,
pour qu'il participe aussi au sang de J. C. Après quelques prières
et autres cérémonies , le Diacre prend de nouveau le calice, met
dessus la patène, qu'il recouvre de Y astérisque et du voile ; et s'avan-
çant dévotement vers la porte sainte, il le découvre et le montre
au peuple en prononçant ces paroles : Approchez-vous dans la crainte
de Dieu et avec foi etc. Le célébrant donne au peuple la béné-r
diction, et lui administre la communion sous les deux espèces,
qu'il présente ensemble dans une cuillère appelée Labis par leg
Grecs , et qu'on voit représentée sous le n.° 7 de la planche ci-
dessus (1). Selon le Pontifical , une portion du pain eucharistique,
«oupée en forme de croix , et humectée du sang divin , est mise
à part pour les malades. La communion finie , le célébrant re-
tourne à l'autel , où après avoir fait ses actions de grâces , et
replacé la patène sur la tête du Diacre , il revient avec lui à la
Prothésis.
Après la Messe , le Prêtre sort du sanctuaire , récite quelques nutrib&ion
prières, auxquelles le chœur répond par une antienne qui corn- du pa"1 benb*
prend tout le psaume XXXIV. , et fait au peuple la distribution
du pain béni , qui est resté dans la Prothésis, et d'où ont été
prises les parties destinées à la consécration (a). Enfin il dontie au
peuple la bénédiction , retourne à la Prothésis où il lave à trois
reprises le calice, ensuite de quoi il passe à la table ou autel ap-
pelé Diaconicon , et se dépouille des ornemens sacrés. Il n'est pas
nécessaire sans doute d'observer que la célébration de la Messe se
fait avec plus ou moins de magnificence , selon la nature de la fête,
ou la dignité du célébraut. La cérémonie , au rapport de Ricaut ,
est suivie de la lecture de la vie de quelque saint , qui tient lieu
de sermon ou d'homélie, l'usage de la prédication, selon Tourne-
fort , étant à-peu-près aboli chez les Grecs. Le peuple est assis pen- 'Manière
Trinité, primer par là l'unité de Dieu dans les trois personnes de la sainte
Année Les Grecs commencent leur année ecclésiastique au premier
septembre, qu ils célèbrent par des danses et dans des transports
Filet. d'allégresse, persuadés que ces premières demostrations de joie sont
d'un heureux présage pour toute l'année. Leur plus grande fête
est celle de Pâques. Ce jour-là, et jusqu'à la Pentecôte, ils sont
dans l'usage de s'annoncer réciproquement la résurrection du Christ
en se saluant, et en s'embrassant trois fois, les deux premières sur
les joues, et la troisième sur la bouche (1). La semaine sainte est
consacrée aux exercices de pénitence et à la visite du saint sépul-
cre ,à peu près comme cela se pratique chez les Latins. Le deux
septembre les ordres religieux seuls célèbrent la fête de S. Jean
Baptiste, appelé par les Grecs le tempérant, comme ayant été le
premier, d'après le nouveau Testament , à donner l'exemple du jeûne.
Le vingt-six du même mois est consacré à la mémoire de S- Jean
î'Evangéliste. Les Grecs croient encore que ce saint a été enlevé
au ciel comme Hénoc et Elie. Mais ce serait abuser de la patience
des lecteurs, que de vouloir rapporter ici toutes les fêtes des Grecs.
Christophe Angelo n'eri compte que trente-six comme les plus solen-
(1) Goar , en parlant de cet habillement s'exprime ainsi : Illa vero hoc
pacto in officii fine demissa , dimissionis populi , omnisque conventus
soluti indlcium est. Nunc autem in ingressu sacerclotem procedentem
vircutnamhiens , Chris tum humana carne tectum , ejusque visibilem et
manifestum in terras adventum , neenon et virtutum donorumque cae-,
Jestium apparatum , quo circumarnictus mundi oculis innotuit , reprae-
isentat. Rit. pag. 24.
»î La Grèce. 5j&
maintenant aucune règle fixe à cet égard. Il semblerait pourtant,
d'après le Rituel, qu'ils aiment beaucoup le blanc et le rouge,
comme les couleurs les plus estimées dans le Cantique. Ils font
usage de la première selon le même Rituel , tous les jours de l'an-
née, et du rouge en carême et pour les funérailles, cette couleur
étant chez les Grecs une marque de deuil et de pénitence (i). Pour
compléter cet article, nous avons représenté à la planche 90 l'in-
•térieur de l'éslise
° de l'Apocalypse
r J I dans ^ l'île de Pathmos.
^ Elle est Eglise de
P Apocalypse.
à moitié chemin d'une montagne escarpée, à l'entrée d'une grotte ,
qu'on croit avoir servi d'asile à S.1 Jean l'Evangéliste lorsqu'il écri-
vit l'Apocalypse, et est deservie par les Calogers (a).
Nous ne croyons pouvoir mieux terminer l'article concernant;
la religion des Grecs modernes, qu'en rapportant ici quelques frag-
raens de l'onzième lettre de M.r Guys , qui présentent en quelque
sorte l'abrégé de tout ce que nous venons de dire à ce sujet.
« Que vous dirai-je , M.r, de la religion de ce peuple? Elle a dû
sans doute éprouver les mêmes révolutions, que l'Empire Grec. Elle
est couverte, ainsi que toute la nation, des ténèbres épaisses de
l'ignorance et défigurée par un amas des superstitions; elle n'a con-
servé fidèlement que les cérémonies, les ornemens, et les solemni-
tés, comme autant de signes auxquels on devait la reconnaître.