Anne-Sophie Girard, Un Esprit Bof Dans Un Corps Pas Ouf (2023) PDF
Anne-Sophie Girard, Un Esprit Bof Dans Un Corps Pas Ouf (2023) PDF
Anne-Sophie Girard, Un Esprit Bof Dans Un Corps Pas Ouf (2023) PDF
Flammarion
© Flammarion, 2023.
« Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses
capacités à grimper à un arbre, il passera toute sa vie à croire qu’il est
stupide. » Albert Einstein
Aujourd’hui, nous devons constamment être positifs et chercher à nous
améliorer, travailler à devenir « la meilleure version de nous-mêmes », afin
d’être heureux, beaux, riches et en bonne santé, tout ça grâce au « pouvoir
magique de la volonté », parce que « si on veut, on peut » et que « sky is the
limit »…
Et si tout ça était faux ?
Et si nous n’avions pas de « potentiel infini » ?
Et si notre exigence était tout simplement en train de nous rendre tous très
malheureux ?
Un esprit bof dans un corps pas ouf est un livre de développement
personnel qui nous invite à être moins exigeants et à nous libérer de ces
injonctions au bonheur qui nous pourrissent la vie. Portée par une lucidité
désarmante, Anne-Sophie Girard nous offre ici un guide à contre-courant
qui va radicalement changer notre vision des choses et de nous-mêmes.
Remerciements
I.
« LA MEILLEURE VERSION DE MOI-MÊME »
1. L’injonction au bonheur
J’adore les listes, je fais des listes pour tout. J’ai des calepins, des carnets,
des cahiers de listes, un agenda papier avec des millions de « to do list »,
des centaines de notes dans mon téléphone. Je ne suis jamais aussi heureuse
que lorsque je finis une liste ; je suis même capable de recopier une liste de
choses déjà effectuées juste pour avoir le plaisir de les rayer à nouveau.
Ma préférée, ma liste no 1, le Graal, c’est bien sûr celle du 1er janvier,
celle des « bonnes résolutions », et la mienne commence toujours de la
même façon :
Résolution no 1 – Être heureuse
Un temps.
Oh putain.
Je suis malheureuse.
Le choc.
Aussitôt sortie de son cabinet, j’ai évidemment fait ce que n’importe qui
aurait fait dans ma situation : je suis allée acheter une dizaine de livres de
développement personnel, j’ai pris rendez-vous avec une hypnothérapeute,
un kinésiologue, un acuponcteur, j’ai téléchargé une application de
méditation, et, bien sûr, j’ai fait des listes.
2. Du développement personnel… à la toute-
puissance
Où est-ce qu’on signe ?! Parce que perso, j’en suis ! J’ai très envie
d’améliorer ma connaissance de moi-même et de valoriser mes talents et
mes potentiels, pas vous ?
Évidemment, les livres et les coachs sont là pour nous aider, nous
aiguiller, contre quelques euros… Mais qu’est-ce que l’argent quand on
peut accéder au bonheur ?
Parce que, attention spoiler, l’argent est le but ultime de toute cette
histoire.
(« Et toi, ton livre, il est gratuit peut-être ? » Oui, mais moi, c’est pas
pareil, j’ai un éditeur à nourrir, OK ?)
J’étais prête à tout essayer, un copain m’a même parlé d’un chaman qui
rotait les mauvaises énergies… Mais réellement ! Le mec vous masse et
rote. D’après le chaman, c’est tout à fait normal, comme il réceptionne le «
mal », il faut bien qu’il le recrache !
Bah oui, le pauvre chaman, il ne va pas rester avec tout ce mal en lui, il
faut bien qu’il le rejette, donc il rote.
Qui sommes-nous pour juger un homme qui rote, hein ? Je vous le
demande.
Bon, le chaman, c’était trop pour moi, alors on m’a conseillé « une
voyante incroyable », qui s’est avérée être une intermittente du spectacle
avec qui j’avais tourné dans une série pour TF1 quelques années
auparavant.
J’ai fait toutes sortes de choses loufoques, j’ai mis du gros sel dans mon
appartement pour éloigner les mauvais esprits (mais comme je n’avais pas
de gros sel, j’ai mis de la fleur de sel de Guérande, on fait comme on peut),
j’ai même fait brûler de la sauge blanche…
J’adore la sauge blanche, et j’aime l’idée que ça purifie une maison, et
puis ça m’amusait. Mais ça a arrêté de m’amuser au moment précis où je
l’ai payée 17 € et que j’ai pris deux cristaux avec, à 39,90 € l’unité.
Alors je fais une petite pause dans l’écriture de ce chapitre pour mettre
les choses au clair : je suis consciente que « burn-out » est un terme souvent
galvaudé (un peu comme « pervers narcissique » ou « haut potentiel »), et je
n’ai jamais voulu être de ces gens qui disent « j’ai fait un burn-out » avec
une suffisance insupportable, comme s’ils avaient fait, fabriqué, créé
quelque chose… T’as rien fabriqué du tout ! Ça t’est tombé dessus ! Tu as
subi un burn-out, c’est tout ! Donc, voilà, fin 2018, j’ai subi un burn-out.
Prenons un exemple bien pourri (parce que j’aime bien les exemples bien
pourris) : la pub Carglass. Dans cette pub, un jeune homme, qui ne joue pas
très bien la comédie mais qui est très sympathique au demeurant, nous
explique que quand un impact sur un pare-brise est plus petit qu’une pièce
de 2 €, on peut le réparer en mettant une résine dedans, et le pare-brise
redevient aussi résistant qu’avant. En revanche, si on laisse faire, la fissure
va s’agrandir et fragiliser le reste de la structure, et tout va finir par péter.
(OK, il ne le dit pas exactement comme ça dans la pub, mais c’est l’idée.)
Pour nous c’est pareil. Quand l’impact émotionnel est plus petit qu’une
pièce de 2 €, on peut réparer, encore faut-il se rendre compte qu’on a été
touché, prendre le temps de le faire, et pour ça, il faut s’écouter, on ne vous
le répétera jamais assez.
Il y a des signes,
et vous ne vous rendez pas service en les
ignorant.
OK, je sais que ce n’est pas vraiment « tout le monde », mais partons de
ce principe, histoire de simplifier les choses et surtout de dédramatiser la
situation. Et d’ailleurs, je ne suis pas si loin de la vérité car selon
l’Organisation mondiale de la santé, la dépression est la deuxième maladie
la plus fréquente à l’échelle planétaire.
Et là, évidemment, vous vous demandez tous : « Quelle est la première ?
» Eh bien, sachez que la palme revient aux « maladies cardio-vasculaires »
☺
(J’ai ajouté un smiley, pour donner un côté plus léger à cette info.)
J’aime bien cette définition car ils précisent que « la volonté seule ne
permet pas de s’en sortir », ils sont chouettes et déculpabilisants à
l’assurance-maladie, je trouve.
Les livres de développement personnel nous répètent que la vie est belle
et qu’il faut en savourer chaque seconde, blablabla… Mais que se passe-t-il
quand on n’est pas capable de voir que la vie est belle ?
Loin de moi l’idée de pouvoir soigner vos maux, mais je ne saurais que
trop vous conseiller de les écouter.
Tout d’abord, on SE LE dit : « Ça ne va pas. »
Et ensuite, on LE dit : « Ça ne va pas. »
Et enfin, on se fait aider, parce que, « ça ne passe pas tout seul ».
Ça ne passera pas grâce à votre seule volonté, ni en allant voir un
énergéticien ou encore en lisant un livre à la couverture colorée qui nous
invite à « vous prendre par la main à travers le chemin qui mène à votre
cœur, afin de devenir vous-même, en pleine conscience ».
L’anxiété anticipatoire
Un jour, un ami humoriste m’a appelée, il devait prendre un train pour
aller jouer à Toulouse le lendemain, et il m’a dit : « J’ai un service à te
demander, est-ce que tu peux venir avec moi à Toulouse ? Je ne peux pas
prendre le train. »
Il m’a expliqué qu’il ne pouvait physiquement pas prendre le train car la
semaine précédente, il avait fait une crise d’angoisse dans un wagon et était
terrorisé à l’idée que ça se reproduise : « Je n’ai rien compris, c’est arrivé
d’un coup, j’avais l’impression que j’allais mourir, j’avais des fourmis dans
les mains, j’arrivais plus à respirer, ça pesait sur ma poitrine, j’ai dû
m’allonger dans l’allée. Une demi-heure après, c’était fini. J’ai dit aux
autres passagers que j’avais fait un malaise. »
J’ai pris le train avec mon ami, et c’était un peu déstabilisant pour moi
car il riait et faisait des blagues, bref tout allait bien. J’avais du mal à croire
que c’était la même personne qui m’avait appelée la veille et qui était
incapable de monter dans un train.
Mon ami a été choqué par la violence de ce qu’il avait ressenti lors de sa
première crise d’angoisse, et il n’avait qu’une peur : que ça se reproduise.
Venez, on en parle !
J’ai moi-même fait des crises d’angoisse ; elles étaient d’une intensité
modérée mais très désagréables. Je me souviens que je me sentais
oppressée, ma respiration s’accélérait et j’avais comme des sueurs froides,
et surtout je n’arrivais pas à me concentrer sur autre chose que sur cette
putain d’angoisse.
Un jour, alors que j’étais en train de déjeuner avec une copine, j’ai fait
une crise d’angoisse et, après quinze minutes à hocher la tête en faisant
semblant de l’écouter, je lui ai dit : « Je suis désolée, je ne t’écoutais pas, je
suis en train de faire une crise d’angoisse. »
C’est sorti comme ça, je ne sais même pas pourquoi je lui ai dit ça, mais
elle m’a répondu de la meilleure des façons :
« OK, no souci, on va attendre que ça passe, je te re-raconterai après. »
Et on a attendu.
« Prends ton temps, je vais faire un tour, j’ai des coups de fil à passer. »
Cinq minutes plus tard, elle est revenue avec un sucre. Bon, ça ne servait
à rien parce que ce n’était pas une hypoglycémie, mais j’ai trouvé ça très
mignon.
Mon amie m’a expliqué par la suite qu’elle avait très souvent des
angoisses et qu’elle comprenait et, en parlant avec de nombreuses
personnes, j’ai découvert que quasiment tout le monde en avait eu.
Faire des crises d’angoisse ne veut pas dire qu’on est condamné à en
avoir constamment, ou qu’il faut entamer un traitement médicamenteux,
cela veut parfois simplement dire que quelque chose ne va pas et qu’il va
falloir prendre le temps de trouver ce que c’est, et quoi en faire.
Pour ma part, mes angoisses m’annonçaient que j’étais trop exigeante, à
toujours vouloir plus ; je voulais être la « meilleure version de moi-même
»… Alors, si vous êtes dans mon cas, je vais vous faire gagner beaucoup de
temps :
Et quand bien même vous arriveriez à être une meilleure version de vous-
même, alors quoi ? Qu’est-ce qu’il se passerait ?
On vous donnerait une médaille ?!
Ou peut-être que vous auriez le droit de porter un badge « Meilleure
version de moi-même », comme l’« employé du mois » dans les fast-foods
américains.
Et ensuite ? Le mois d’après, si vous n’avez pas été constant dans cette «
meilleure version de vous-même », vous vous retrouvez avec un badge «
n’est plus la meilleure version de lui-même, n’est plus qu’une grosse merde
» et une pancarte dans le dos « BOUUUUUUUU, la honte ! ».
Un jour, ma psy m’a donné un très bon conseil, elle m’a dit :
« Ne vous débattez pas,
laissez le malheur vous traverser.
Faites juste en sorte
que ça dure le moins longtemps possible. »
Les émotions sont nos alliées, car elles sont là pour nous guider dans nos
prises de décision et dans nos actions. Il faut donc apprendre à les accueillir
et à les écouter.
Je dois avouer que j’ai eu beaucoup de mal à le faire car, quand on a pour
but ultime d’être heureux (cf. le no 1 de ma liste des bonnes résolutions),
accepter de ne pas aller bien, c’est avouer être en échec : « J’ai raté ! » Et
on est d’accord pour dire que personne n’aime perdre.
Je me suis donc énormément débattue ; c’est bien simple, je n’ai jamais
autant fait de développement personnel que quand j’allais mal.
Même si je m’obstinais à dire que c’était « pour m’améliorer » ou « par
curiosité », la vérité, c’est qu’on n’a jamais vu quelqu’un en bonne santé se
dire : « Tiens, je ne suis pas malade, mais je vais quand même prendre des
antibiotiques, comme ça, par curiosité. »
Si vous vous levez tous les jours à 5 heures du mat’ pour aller faire des
bisous à un pin parasol, c’est que vous n’êtes pas serein et vous savez quoi
? C’est OK.
Aujourd’hui quand je vois quelqu’un faire tout plein de développement
personnel, ou aller voir tout plein d’énergéticiens, j’ai juste envie de lui
faire un câlin et de lui dire : « Tu ne vas pas bien, et c’est OK. »
Le seul bonheur possible
doit prendre en compte le malheur.
On parle alors d’un bonheur « lucide ».
Avoir mal, c’est un signal que notre cerveau nous envoie pour nous
empêcher de recommencer.
Je pense à cette amie qui est restée des années avec un connard (pour
l’avoir un peu fréquenté, je peux vous confirmer que c’était bien un
connard). Eh bien, pendant des années, elle s’est débattue pour essayer de
sauver son couple, pour qu’ils se donnent « une nouvelle chance », et un
jour elle s’est rendu compte qu’elle était tout simplement malheureuse avec
lui, elle l’a accepté et a quitté ce mec (j’ai précisé que c’était un connard ?).
Peut-être que si elle s’était écoutée plus tôt, elle n’aurait pas perdu autant
de temps, mais peut-être aussi qu’elle avait besoin de ce temps pour
accepter le fait qu’elle était malheureuse. Nous n’avons pas tous la même
temporalité… Toujours est-il que c’est en l’acceptant qu’elle a pu changer
ce qui n’allait pas. Et ce qui n’allait pas chez elle, c’était son mec.
« La sagesse
c’est le maximum de bonheur
dans le maximum de lucidité. »
André Comte-Sponville
L’adaptation hédonique
Les psychologues Brickman et Campbell ont inventé le terme «
adaptation hédonique » en 1971 dans leur essai Hedonic Relativism and
Planning the Good Society (littéralement : Relativisme hédonique et
planification de la bonne société).
Faites-vous confiance.
Vous savez.
J’ai vu tellement de ces téléfilms que j’ai appris cette phrase par cœur et
puis je me suis rendu compte qu’elle était applicable à tous les moments de
la vie, que c’était très souvent LA solution.
Changer ce qui peut l’être,
accepter ce qui ne peut pas l’être
et faire la différence entre les deux.
6. Il n’y a pas d’échelle de valeur dans la souffrance
Ma copine s’est fait larguer par un mec avec qui elle sortait depuis trois
semaines. Un mec au physique moyen, particulièrement inintéressant et
dont le prénom m’a échappé tellement ce mec était nul. Bref, ma copine
s’est fait larguer par un nul et elle était au bout du rouleau. Et moi, j’avais
des problèmes jusqu’au-dessus de la tête et je la regardais souffrir,
incapable de l’aider.
Peut-être que moi, j’étais préparée à avoir des emmerdes, que je savais
comment les gérer, mais elle, qui n’avait jamais eu de véritable problème
avant, était en train de vivre un drame et je me devais de respecter son
chagrin.
Nous ne sommes pas tous armés de la même façon pour affronter les
problèmes, et ce n’est pas de notre faute.
Ça a été ma limite.
J’ai alors compris que c’était de ma faute, qu’en riant devant eux de mon
mélanome, je leur avais donné la permission de faire de même, et ça, ça
n’était pas possible pour moi.
La façon dont vous parlez de vous indique aux autres la façon dont ils
peuvent vous traiter, alors ménagez-vous, soyez gentil et bienveillant envers
vous-même, ça commence par là.
Bon, on va être honnête, les gens malheureux, c’est chiant. Ils ont
tendance à casser l’ambiance, à monopoliser l’attention, à mettre tout le
monde un peu mal à l’aise…
Mais il se trouve que certaines fois, les gens malheureux, c’est nous.
Vous devez très vite vous relever, être fort, combatif, parce que, « tout ce
qui ne nous tue pas nous rend plus fort 1 ».
FAUX
Tout ce qui ne nous tue pas peut aussi nous laisser éclopé et
traumatisé, et certaines blessures ne sont pas résorbables, ni
cicatrisables.
Alors, bien sûr, on ne va pas pourrir toutes les conversations avec nos
histoires de cancers : « Je suis allé à Fréjus cet été, c’est magnifique, tu
connais ?
— Oui je connais bien, et toi, tu connais le mélanome ? »
On est d’accord que ça n’a pas de sens.
En revanche, on n’est pas obligé non plus de faire croire que tout va
bien : la vie, ce n’est pas Instagram.
Il n’y a pas de filtres dans la vraie vie, on n’est pas obligé d’être tout le
temps positif, comme ces gens sur les réseaux sociaux qui vont nous
expliquer que : « C’est super la vie, avec de la motivation et du travail et…
» Haaaaaaaaaaaa ! Mais fermez-la !
Aujourd’hui quand je vois des gens étaler leur « vie parfaite » sur les
réseaux, j’ai juste envie de leur faire un câlin, parce que je me dis que ça
doit être drôlement dur de toujours faire croire que tout va bien.
« Les gens qui se prétendent heureux,
moi je n’y crois pas des masses…
Dès que j’entends le mot “bonheur”, je
tique…
Ou alors au passé… avec du recul…
Par exemple tu peux dire :
“Finalement, à cette époque-là,
on n’était pas si malheureux que ça…
”Voilà ce que tu peux dire, et puis c’est tout,
faut pas crâner… Fait chier à la fin !…
Attends un peu avant d’emmerder le monde
!… »
Bertrand Blier
8. Le pouvoir magique des exceptions
Des riches de plus en plus riches, des maisons de plus en plus grandes,
des fesses de plus en plus grosses… Tous les curseurs ont été montés, on
court plus vite, on va plus loin, on a plus d’amis, plus d’amants… Plus,
plus, plus !
Lorsqu’on regarde les réseaux sociaux, on a l’impression que les gens ont
une vie incroyable, même leurs drames sont instagrammables, ils vont
jusqu’à se filmer en train de pleurer (mais bien orientés vers la lumière,
pour que les yeux paraissent plus clairs).
« Steve Jobs a construit son premier ordinateur dans son garage, et c’est
dingue, moi aussi j’ai un garage ! Je vais faire comme Steve Jobs ! »
Alooooors, comment te dire ?
Le développement personnel et les coachs en motivation se basent sur les
exceptions pour nous prouver que c’est possible. D’ailleurs, d’après la
philosophe Chantal Jaquet, le danger est là : « On va se servir de ces cas
relativement limités pour se rassurer sur l’état de la société en disant que
tout va bien et de ce fait, les exceptions vont éclipser les autres et vont
servir d’alibi pour dénoncer l’immobilisme des autres, leur paresse, leur
manque de volonté… » (Les Transclasses ou la non-reproduction, PUF,
2014.)
Car n’oublions pas que si ces destins sont « exceptionnels », c’est que
par définition, ils « constituent une exception ».
Mais alors, si 75 % des enfants sont très en avance, c’est peut-être que
leur niveau est la norme ? Et si on était tous moyens ?
Mon amie n’a jamais entendu un parent dire « mon fils a 3 ans mais il est
un peu teubé », et pourtant, Dieu sait qu’on en connaît.
Je riais avec une collègue, en lui parlant de ça, je lui disais : « J’en peux
plus, à écouter mon entourage, ils ont tous un enfant à haut potentiel », et
elle m’a répondu : « Carrément, j’en peux plus de tous ces gens qui se
disent HPI, c’est rare d’être HPI, et je sais de quoi je parle, mes trois
enfants sont HPI. »
J’ai su à cette seconde que ce n’était plus la peine de continuer de lui
parler de ça.
Peut-être que ses enfants étaient réellement HPI, je n’en sais rien, mais je
me suis demandé ce qui l’avait poussée à faire ce test.
Pourquoi a-t-on besoin de savoir ?
Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’on fait de cette information par la suite ?
Je ne parle évidemment pas des THP (« très hauts potentiels »), qu’il vaut
mieux repérer vite pour leur trouver des solutions adaptées, non je pense à
tous les autres, je pense à tous « les moyens plus ».
Avec ma sœur, nous avons sauté une classe, mon père a sauté une classe,
ma mère a sauté une classe. Aujourd’hui on parlerait de HPI, mais à
l’époque on disait « précoce ». J’étais une enfant précoce.
Je n’ai jamais fait le test officiel de QI, et la vérité, c’est que je ne l’ai pas
fait parce qu’au fond de moi, je n’aurais pas supporté d’être dans la
moyenne.
J’ai été « diagnostiquée » précoce, ça me suffisait, je ne voulais pas «
remettre mon titre en jeu ».
« Anne-Sophie, tu es juste dans la moyenne » : cette phrase aurait pu me
briser le cœur.
Aujourd’hui, je pense que je pourrais faire ce test, car je suis assez sûre
de moi pour ne pas être (trop) touchée d’apprendre que je suis juste «
moyenne ».
Parce qu’aujourd’hui je sais que je suis exceptionnelle quelque part, qu’il
y a des matières où je suis excellente, des choses que je fais mieux que les
autres, que j’ai une « valeur ajoutée ».
J’aimerais vous dire qu’à force de travail et de volonté, j’ai surmonté mes
difficultés en musique, mais non, j’ai arrêté.
L’année d’après, je me suis inscrite au cours de théâtre de la MJC, et je
n’ai plus jamais entendu dire que j’étais nulle, que je n’y arriverais jamais,
et que je gâchais le spectacle. Au contraire, on m’a valorisée, j’ai pris
confiance en moi, on m’a même donné le rôle principal dans le spectacle de
fin d’année, le rôle du roi dans Les Macarons du bon roi Augustin, la
consécration !
(Ma performance s’est résumée à réciter deux phrases, en portant une
cape et une fausse moustache, mais c’est quand même trop la classe de
porter une cape.)
Nous sommes tous exceptionnels, nous avons tous une valeur ajoutée,
mais pour en prendre conscience, il faut apprendre à se connaître, et à
s’aimer, au moins un peu.
Alors bien sûr, tout le monde ne peut pas être Mozart ou Usain Bolt ou
même un entrepreneur à succès, même si la plupart des livres, coachs, posts
LinkedIn, nous disent le contraire. D’ailleurs, même eux avaient des
lacunes ; il paraît qu’Usain Bolt était nul en math, qu’Albert Einstein
courait doucement, et que Marie Curie était une piètre cuisinière (mais elle
avait peut-être autre chose à faire, remarque).
Personne n’a le droit de vous faire penser que vous êtes stupide. Vous
n’êtes pas stupide, vous êtes juste au mauvais endroit et/ou avec la
mauvaise personne.
J’avais une très bonne copine, avec qui je passais beaucoup de temps à
une époque. Un jour, je lui parlais des soucis de santé de ma mère, du fait
qu’elle devait aller à l’hôpital pour faire de nouveaux examens, et ma
copine m’a coupé la parole : « Tu veux qu’on fasse un truc ce soir ? » J’ai
tiqué mais j’ai continué mon explication, elle m’a alors recoupé la parole : «
Bon, on y va ?
— Excuse-moi, mais je suis en train de te parler de ma mère là,
pourquoi tu ne me laisses pas finir ?
— Je suis désolée mais moi, tout ce qui est hôpital, j’aime pas trop. »
Je n’ai toujours rien trouvé à dire. Je n’ai même jamais vraiment compris
ce qui l’avait poussée à faire preuve d’aussi peu d’empathie, parce que la
vérité c’est qu’on ne peut pas se protéger de tout et mettre de côté les gens
qui vont mal, juste pour « éviter les mauvaises ondes », car, attention
spoiler :
« Tout ce que je suis, je le dois à d’autres […]. Tous mes succès je les
dois en partie à d’autres. »
« Le collectif est en train de disparaître au profit de l’individuel et c’est
extrêmement dangereux. »
« Ça marche ! Moi, j’ai voulu une fille et j’ai espéré très fort, eh bien,
j’ai eu une fille ! » Et le fait que tu avais une chance sur deux d’avoir une
fille n’a donc rien à voir là-dedans ? Je pose la question.
De la nécessité de rêver
Loin de moi l’idée de vous dire de ne pas avoir d’ambition, de
prétentions ou de rêves. Bien au contraire, il est important, voire nécessaire
de rêver, pour s’échapper, pour supporter un quotidien trop dur. Certaines
fois, c’est même la seule façon de survivre.
Il y a un âge où il faut pouvoir penser qu’on peut être une licorne si on
veut être une licorne, et puis il y a un âge où on se rend compte que quoi
qu’on fasse, on ne sera jamais une licorne ou Beyoncé (ce qui revient à peu
près au même). Mais il est important de comprendre que si on ne peut pas
être une licorne, ce n’est pas grave et surtout, ce n’est pas de notre faute.
L’un des dangers majeurs des rêves, c’est qu’ils démotivent pour passer à
l’action : si notre objectif est trop haut, on ne se lance pas, on reste là, à le
regarder et à s’imaginer comme ça doit être trop bien d’y arriver.
C’est là que mes listes m’aident beaucoup : je visualise mon but et je liste
chaque étape, aussi minime soit-elle, puis je les classe. Il est très important
de hiérarchiser.
Vous pouvez avoir l’impression qu’il y a trop d’étapes, mais c’est parce
que vous regardez trop haut.
Il ne faut plus voir des étapes mais plutôt une liste de potentielles
réussites.
C’est pour ça que j’ai toujours aimé cocher mes listes, parce que chacune
d’elles est une réussite.
2. Le mythe du self-made-man
« Si tu peux, tu veux »
Chantal Jaquet a écrit sur les transfuges de classe. Le « transclasses » est
un individu « ayant vécu un changement de milieu social au cours de sa vie
».
Elle s’interroge sur la possibilité de quitter sa classe sociale, « grâce à
son ambition, à son propre travail, au pouvoir de la volonté »…
Elle questionne le concept même du « si tu veux, tu peux », et parle
plutôt du « si tu peux, tu veux », car il faut pouvoir visualiser quelque chose
pour le désirer, et pour ça, il faut pouvoir se projeter.
« Si vous n’avez aucune possibilité, si vous n’avez aucun imaginaire, si
personne ne vous fait la courte échelle, comment pouvoir s’extirper d’une
situation qui s’est reproduite… » (Les Transclasses ou la non-reproduction,
PUF, 2014.)
Ce n’est pas que Mélanie ne VOULAIT pas être médecin, c’est que
Mélanie ne savait pas qu’elle POUVAIT être médecin.
La plupart des gens ne savent pas qu’ils peuvent faire quelque chose,
donc ils pensent qu’ils ne veulent pas. D’où le « si tu peux, tu veux. »
Je ne sais pas ce que fait Mélanie aujourd’hui, je sais juste qu’elle n’est
pas devenue médecin.
Je ne développerai pas ici le syndrome de l’imposteur, exacerbé chez les
femmes, mais je vous invite à lire l’essai de ma sœur (Marie-Aldine Girard,
Rivales, Flammarion, 2022), qui parle de ce sujet.
Parce que la vérité c’est que c’est eux qui nous ont fait la courte
échelle, en nous laissant rêver. Alors, non, nous n’avons pas eu de réseau,
de piston, ni même de sécurité financière, c’est pour ça que j’ai cru pendant
longtemps que je m’étais « faite toute seule », mais c’est faux.
J’ai réussi grâce à mes parents qui m’ont fait confiance, j’ai réussi grâce
à l’État français qui m’a donné des bourses d’études, j’ai réussi grâce à ma
sœur qui m’a épaulée, grâce à mes amis…
On peut réussir grâce à un professeur, une rencontre décisive, un regard
bienveillant, même de loin,
Vous faites de votre mieux avec les armes qu’on vous a données, que
vos parents vous ont données, que leurs parents, avant eux, leur ont
données. Et oui, vous ferez des erreurs.
Et alors quoi ?
On va vous donner une médaille ?!
Tout le monde a peur d’être jugé, d’être rejeté par le groupe. C’est
naturel, c’est presque animal, mais si on part du principe que tout le monde
a peur, alors c’est que tout le monde a besoin d’être rassuré. Alors je vous
rassure :
2e chose : Si on a peur du regard des autres, c’est que les autres ont
peur de notre regard.
Je crois que beaucoup de choses se sont débloquées dans ma vie quand
j’ai compris que les autres aussi avaient peur.
Les gens ne nous regardent pas, et s’ils le font, ils ne regardent en nous
que ce qui est insécurisant chez eux, et donc, ça devient leur problème et
plus le nôtre.
J’ai une amie qui passe son temps à critiquer les pieds des gens. Elle est
capable de me décrire les pieds de tous ceux qu’elle croise : « Bella Hadid,
la pauvre, elle a vraiment des pieds dégueulasses ! »
Tu as raison, c’est vraiment la première chose qu’on se dit en voyant
Bella Hadid !
Un jour, elle m’a expliqué qu’elle détestait ses pieds et que, du coup, elle
regardait toujours les pieds des gens. Perso, je me fous royalement des
pieds des gens, mais c’est tout simplement parce que je n’ai aucun
problème avec les miens.
En revanche, je regarde plein d’autres choses, et je suis consciente
aujourd’hui que je regarde chez les autres ce qui me gêne chez moi, pour
me rassurer.
Bien sûr, tout le monde n’a pas la chance d’avoir une maman qui lui
explique qu’il a le droit de faire de la balançoire s’il en a envie, et tout le
monde n’a pas une sœur pour en faire avec lui…
« Autruche » ou « Lucide » ?
Il existerait deux sortes de personnes (en réalité, il existe 8 milliards de
personnes mais on n’a pas vraiment le temps de tout développer ici, alors
j’ai condensé en deux catégories) :
Les Optimistes :
Avantages : À court terme, la vie est douce et légère ; ne pensent pas aux
problèmes ; peu de pensées angoissantes.
Inconvénients : Peu préparés à régler les problèmes, ils les laissent
s’accumuler. À long terme, tout ce qu’ils ont mis sous le tapis risque de leur
exploser au visage. Peu d’empathie ; égoïsme ; peuvent causer des dégâts
sur leur entourage.
Les Pessimistes :
Avantages : Préparés à souffrir, ils ont appris à régler les problèmes ; fort
taux de résilience ; empathie et générosité.
Inconvénients : Fort sentiment d’imposture ; ne profitent pas de l’instant
présent ; projections anxieuses ; ont tendance à se sacrifier pour les autres
et/ou à s’oublier.
Je suis une pessimiste. J’ai l’impression que le slogan « À imaginer le
pire, on n’est jamais déçue », c’est moi qui l’ai inventé !
C’est simple, j’avais tellement peur d’être déçue que je ne m’emballais
jamais, et un jour, on m’a dit une phrase toute bête :
« Imaginer le pire,
c’est souffrir deux fois. »
C’est fou la force de ces petites phrases, ces citations qu’on écrivait dans
notre cahier de textes en cinquième ou qu’on se faisait tatouer dans le dos
(pour peu qu’on vienne de la région PACA).
Je souffrais effectivement deux fois : en imaginant le pire, et quand ça
arrivait.
Et quand ça n’arrivait pas, eh bien, j’avais souffert pour rien.
Pendant des années, j’ai envié la légèreté de ceux qui imaginent toujours
que tout va bien se passer, que tout va tourner en leur faveur…
J’ai mis longtemps à comprendre que je n’avais pas besoin de changer,
que c’était tout simplement ma nature. Ce dont j’avais besoin, c’était de
savoir ce que j’allais faire de ça.
J’adore cette photo qui résume beaucoup de choses pour moi. Déjà, parce
que je reste persuadée qu’on s’amuse beaucoup plus à la troisième place, on
a moins de pression, et il nous reste même une marge de progression,
ensuite, parce que, que se passe-t-il quand on atteint la première place ?
Eh ben, déjà on est tout seul, et surtout, on a peur de la perdre.
(Je ne suis pas complètement sûre que quelqu’un se tatoue cette phrase
un jour mais je tente le coup.)
Une amie qui cherchait à avoir un enfant m’a dit un jour qu’elle avait
enlevé de son Instagram toutes les futures et nouvelles mamans, pour se
ménager, et c’est sûrement ce qu’elle avait de mieux à faire.
Aujourd’hui, elle a un enfant et s’est inscrite à tous les groupes possibles,
elle n’a plus que de la puériculture sur son fil Instagram (trop !) mais
pendant un temps, elle n’arrivait pas à se réjouir pour les autres.
Ménagez-les !
On a appris à exposer notre bonheur, notre réussite, à les mettre bien en
évidence pour être sûr que tout le monde les voit, mais pourquoi a-t-on
tellement besoin que tout le monde sache ce qu’on vit et idéalement qu’il
sache « à quel point on est heureux » ?
Est-ce qu’on cherche volontairement à provoquer chez les autres un
sentiment d’envie ? Pourquoi a-t-on besoin de ça ? Est-ce que ça nous
rassure ?
On n’est peut-être pas obligé de parler de notre super prime à notre ami
qui a du mal à joindre les deux bouts, ou de raconter à quel point on est
heureux avec notre nouvel amour à notre ami qui est en pleine séparation, et
on ne va pas envoyer nos échographies à nos amis qui galèrent à faire un
enfant depuis des années…
« Mais si c’était tes amis, ils devraient être heureux pour toi. »
Faux ! Leurs malheurs les empêchent peut-être d’être heureux pour nous.
Alors, évidemment, si vous voyez qu’il n’y a aucun sujet où votre ami est
heureux pour vous, c’est qu’il y a un problème, et le problème c’est lui, pas
vous.
« Si t’es souvent seul avec tes problèmes,
c’est parce que, souvent, le problème, c’est
toi. »
Orelsan
6. Différence entre réussite et image de réussite
J’ai adoré être humoriste parce que je n’attendais pas plus de ce métier
que ce qu’il était capable de me donner. Il faut dire que quand, comme moi,
on ne s’attend à rien, on ne peut pas vraiment être déçu et chaque petite
victoire est une surprise.
Le jour où ce métier ne m’a plus rendue heureuse, j’ai arrêté.
Ça a été dur, mais c’était la meilleure chose à faire.
Sachez qu’il faut autant de courage pour arrêter que pour se lancer.
C’était donc ça, cette fille était la PS5 et mon pote ne voulait pas
s’engager parce qu’il espérait trouver mieux.
Aujourd’hui, mon pote est toujours célibataire, tout simplement parce
qu’il y aura toujours une nouvelle PlayStation sur le point de sortir.
Et la PS5, elle, elle est maquée et heureuse avec un mec super qui n’a pas
eu peur de « passer à la caisse ».
Petite précision à l’usage de ceux qui chercheraient à faire un choix « entre la peste
et le choléra » :
Sachez que d’après l’Institut Pasteur, la peste serait mortelle dans 60 à 80 % des
cas, alors que pour le choléra, on est autour de 1,8 %.
Donc oui ! Il y a bien un choix évident à faire entre la peste et le choléra !
Et un autre conseil : évitez de faire ce genre de recherches sur Internet, ne tapez pas
« taux + mortalité + peste », vraiment, c’est un conseil d’amie, c’est presque aussi
anxiogène que de taper « herpès » dans Google Images.
8. À chaque problème, il n’y a peut-être pas de
solution
Une de mes amies avait des difficultés pour tomber enceinte. Elle a subi
des traitements, des opérations, ça a duré très longtemps, et puis un jour le
couperet est tombé, une dernière opération allait faire qu’elle ne pourrait
plus jamais tomber enceinte.
Je pensais qu’elle allait s’effondrer, mais au contraire, elle m’a dit : « Au
moins, maintenant, ce n’est plus un problème. »
Elle avait essayé toutes les solutions pour tomber enceinte, maintenant
que cette possibilité était évacuée, elle pouvait se concentrer sur autre chose
et peut-être même sur une autre façon de devenir maman.
Cette célèbre maxime veut tout simplement dire que s’il n’y a pas de
solution, le problème change de « case » : ce n’est alors plus un problème,
c’est « comme ça et c’est tout ».
Lorsque l’on vit un deuil par exemple, ce n’est pas un problème, c’est un
drame et on ne peut rien y faire.
Imaginons par exemple que je croise Corinne dans la rue (on va l’appeler
Corinne pour garantir son anonymat, puisque de toute façon, plus personne
ne s’appelle Corinne 1). Donc, je vois Corinne, Corinne me voit, nous
marchons vite et je n’ai pas le temps de lui dire bonjour.
C’est un sentiment très répandu chez les transfuges de classe bien sûr,
mais aussi chez les femmes en général ou chez les immigrés ou encore chez
tous ceux qui souffrent d’un syndrome de l’imposteur… Et croyez-moi, ça
fait beaucoup de monde.
Vous méritez
d’être là où vous êtes.
Personne ne va venir vous voir un jour
pour vous demander de tout rendre.
Vous ne vous changerez pas, vous ne changerez pas votre histoire, mais
vous pouvez apprendre à dire non. Si vous les respectez, les gens vous
rappelleront, alors, ne vous rendez pas malade.
Le syndrome du FOMO
On voudrait nous faire croire qu’on peut tout obtenir avec du travail et de
la volonté, mais aussi avec de la souffrance.
Vous pouvez penser que je vous raconte encore une anecdote comme
celle de la musique, « tu n’étais pas bonne en snowboard, alors tu as arrêté
plutôt que de continuer à te faire du mal », mais la différence, c’est que
j’étais bonne en snowboard, j’avais un bon style et je faisais de belles
descentes, mais j’avais juste oublié de me questionner sur mon envie.
Je faisais du snowboard depuis cinq ans, mais je ne m’étais jamais
demandé si j’avais vraiment envie d’en faire.
Est-ce que j’ai envie de me lever tôt pour passer ma journée dehors à
essayer de kiffer « des sensations de vitesse » ?
Je n’aime pas le froid ! Je n’aime pas non plus la vitesse !
Je le faisais parce que je considérais que j’étais chanceuse de pouvoir le
faire, parce que « tout le monde n’a pas la chance d’aller au ski », alors «
qui suis-je pour refuser cette opportunité ? ».
Les années qui ont suivi, j’ai continué à aller au ski avec mes amis, j’y
suis allée parce que je voulais être avec eux, parce que j’avais envie de voir
la neige, de manger une tartiflette, de boire du vin chaud et de poser mon
cul au resto d’altitude, je me suis écoutée et j’ai kiffé.
Faire les choses pour les mauvaises raisons
Chaque 1er janvier, je fais donc ma fameuse liste de résolutions, et dans
cette liste, chaque année, on pouvait retrouver : « Faire du sport ».
Il y a eu :
– L’année où je suis allée m’inscrire à la salle de sport et où je n’y suis
jamais retournée après.
– L’année où j’ai acheté la panoplie complète et où je n’y suis jamais
allée non plus.
– L’année où je me suis inscrite avec une copine, et où on se retrouvait
au café avant d’y aller mais où on n’y est jamais allées.
– L’année où ma salle de sport m’a appelée pour me demander de venir
libérer mon casier car « ça empêche les gens qui viennent vraiment de
ranger leurs affaires ».
Je précise que je payais pour ce casier, et que si j’avais envie d’y laisser
mes affaires, j’avais le droit !
En réalité, j’ai eu tellement honte que j’ai laissé mes affaires là-bas, Dieu
seul sait ce qu’il leur est arrivé. (Depuis, cette salle de sport est devenue un
Subway.)
J’ai buggé.
Dites-vous que vous avez initié des choses, que vous avez fait ce qu’il
fallait et que parfois le reste vous échappe, et c’est tant mieux.
Alors, je rassure tout de suite les futurs parents qui passeraient par là,
vous n’êtes absolument pas obligés « d’avoir un projet », c’est un mythe !
Foutez-vous la paix !
Foutez-leur la paix
J’ai une amie qui rêvait d’être autrice. Elle l’était d’ailleurs, mais dans sa
chambre, à travers ses cahiers. Pour avoir lu certains de ses textes, je dirais
même qu’elle avait du talent, mais voilà, elle ne finissait jamais aucun de
ses textes.
Elle se trouvait toujours des excuses pour ne pas les envoyer : toujours
hors délais, hors sujet, toujours une nouvelle envie qui faisait qu’elle lâchait
le projet précédent… J’ai tenté de la motiver, de la pousser, de la remuer,
mais rien n’y a fait.
Toujours est-il que les années passaient, et que je faisais de plus en plus
de théâtre, j’ai intégré une troupe amateur, puis une troupe professionnelle,
puis un atelier d’improvisation, toujours en parallèle de mes études
d’économie. Un jour, un comédien de la troupe m’a dit : « Y a vraiment que
toi qui ne vois pas que tu es déjà comédienne, pourquoi tu ne te lances pas
?»
J’aurais dû répondre ça, mais je ne l’ai pas fait. Déjà, parce qu’il n’aurait
rien compris à cette histoire de Rémi sans famille, mais surtout, parce que je
n’en savais rien à l’époque. Il m’a fallu beaucoup de temps et une longue
thérapie pour comprendre que c’était ça, ma peur.
J’ai donc continué de répondre que ce n’était pas pour moi, que je n’étais
pas une starlette, et que je n’en avais tout simplement pas envie, j’ai même
longtemps réussi à m’en persuader.
Dans la longue liste de toutes les choses qui nous empêchent de nous
lancer (pour peu qu’on ait envie de se lancer, on n’est pas obligé non plus,
hein), se trouve le fameux : « Mais ça va être nul. » Alors, je vais vous
détendre tout de suite, ON S’EN FOUT.
Il y a les problèmes qu’on règle et les choses qu’on ne peut pas régler et
c’est comme ça. Il faut pouvoir se résigner, vous ne pouvez pas tout
encaisser, tout régler, vous préoccuper de tout. Il va falloir lâcher, et pour ce
faire, il va falloir hiérarchiser.
Être heureux,
c’est aussi accepter
que les choses soient ainsi
et qu’on ne puisse rien y faire,
alors « venez, on s’en fout ! ».
Alors, soit on continue de les voir en sachant que ce sont des cons, soit
on ne les voit plus parce que ce sont des cons, mais on ne peut pas passer
notre vie à ruminer, à espérer qu’ils changent… Ils ne changeront pas, et
pour cause, CE SONT DES CONS.
6. Et si on était déjà heureux ?
Aujourd’hui, nous sommes très amoureux et nous avons une petite fille
incroyable. Je suis heureuse d’avoir su revoir mes priorités et qu’il ait revu
les siennes.
Comme pour tout, il faudrait pouvoir faire une liste et hiérarchiser : –
Qu’est-ce qui est important pour moi ?
– Quelles valeurs sont primordiales ?
– Sur quoi je resterai intransigeant ?
Mais qu’il sache qui est Larry David ou pas, on s’en fout !
Qu’elle porte des ballerines ou pas, on s’en fout !
Qu’il mette trop de laque dans ses cheveux, on s’en fout !
Non, je n’étais pas obligée de perdre ces trois kilos, ou d’avoir cet argent
sur mon compte ou encore de sortir ce livre cette année.
J’ai su prendre du temps pour moi et à vrai dire, j’ai beaucoup aimé cette
période de calme. Lorsqu’on me demandait : « Qu’est-ce que tu fais en ce
moment ? », je répondais juste la vérité : « Je vais déjeuner avec une copine
» ou « Je vais passer à la poste » ou encore « Je ne fais rien cet après-midi
».
C’est faux. Les gens ne savent pas à quel point vous les aimez, ni tout
le bien que vous pensez d’eux.
Dites à votre collègue que vous l’admirez, dites à cette caissière que vous
la trouvez très efficace et à ce fleuriste qu’il a une très belle vitrine.
Essayez, dites-leur, vous serez surpris.
Et dites-le-vous à vous ! Parce que vous non plus,
Je crois que j’ai toujours aimé les gens moyens. Je ne crois pas à la
perfection, les corps parfaits ne m’intéressent pas, et les performeurs me
fatiguent.
Et vous savez quoi, vous n’êtes même pas obligé de vous aimer, vous
pouvez tout simplement commencer par vous tolérer, vous ménager, vous
porter, vous soutenir, et surtout, vous pardonner…
Et pas parce que vous êtes beau, mince ou riche ou que vous avez des
millions de followers, non, vous êtes formidable parce que vous êtes lucide
sur ce que vous êtes et que malgré tout, vous continuez.
Je tiens tout d’abord à remercier mes parents pour leur super boulot et ma
sœur jumelle Marie-Aldine de me supporter depuis toutes ces années.
Je tiens aussi à remercier mon ami et éditeur (dans cet ordre) Christophe
Absi, pour avoir compris avant même que je ne l’écrive ce que ce livre
pourrait être, pour avoir compris ce que je voulais y déposer et m’avoir
laissée faire.
J’aimerais aussi remercier tous ceux qui m’ont permis de me comprendre
un peu mieux, à travers leurs écrits, leurs récits, leurs podcasts, les
psychologues, les psychiatres, les sociologues, les philosophes… Tous ceux
qui travaillent à rendre la vie des autres un peu plus légère. Merci à tous les
professionnels de la santé mentale en général et à ma psy en particulier.
Et merci à la vie pour tout le reste. Tout ce qu’elle a été, ce qu’elle m’a
épargné et ce qu’elle promet d’être. Je la remercie d’avoir mis sur mon
chemin ce mec formidable dont je suis très amoureuse et je le remercie lui
de faire que « chaque jour soit une fête » et d’avoir fait de nous, « AAA ».
Et ma fille… ma fille, mon cœur pourrait exploser.
Et je me remercie moi de m’être ménagée depuis quelque temps
maintenant, je me dis merci pour tout le mal qu’on ne s’est pas dit, pour
tout le mal qu’on ne s’est pas fait et pour tout l’amour qui nous reste à vivre
ensemble.
1. EMDR (eye movement desensitization and reprocessing) : intégration
neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires.
1. On attribue cette phrase à Nietzsche, mais elle ne serait pas de lui. (Mais
je ne sais pas de qui elle est, arrêtez de me regarder comme ça.)
1. Pour ceux qui voudraient savoir, l’effondrement d’un immeuble suite à
un dégât des eaux est inclus dans le multi-risque habitation, OUF.
1. Petite correction, le prénom « Corinne » aurait été donné trois fois en
2023 en France. Information que je ne commenterai pas davantage.
1. Et là, vous vous dites : « C’est dingue, cette fille est capable de citer
l’abbé Pierre et Oscar Wilde en un seul chapitre ! Elle est incroyable. »
C’est pas faux.