Anne-Sophie Girard, Un Esprit Bof Dans Un Corps Pas Ouf (2023) PDF

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 144

Anne-Sophie Girard

Un esprit bof dans un corps pas ouf

Flammarion

© Flammarion, 2023.

ISBN Numérique : 9782080295781


ISBN Web : 9782080295774
Le livre a été imprimé sous les références :
ISBN : 9782080295743

Ouvrage composé et converti par Pixellence (59100 Roubaix)


Présentation de l'éditeur

« Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses
capacités à grimper à un arbre, il passera toute sa vie à croire qu’il est
stupide. » Albert Einstein
Aujourd’hui, nous devons constamment être positifs et chercher à nous
améliorer, travailler à devenir « la meilleure version de nous-mêmes », afin
d’être heureux, beaux, riches et en bonne santé, tout ça grâce au « pouvoir
magique de la volonté », parce que « si on veut, on peut » et que « sky is the
limit »…
Et si tout ça était faux ?
Et si nous n’avions pas de « potentiel infini » ?
Et si notre exigence était tout simplement en train de nous rendre tous très
malheureux ?
Un esprit bof dans un corps pas ouf est un livre de développement
personnel qui nous invite à être moins exigeants et à nous libérer de ces
injonctions au bonheur qui nous pourrissent la vie. Portée par une lucidité
désarmante, Anne-Sophie Girard nous offre ici un guide à contre-courant
qui va radicalement changer notre vision des choses et de nous-mêmes.

Anne-Sophie Girard est l’autrice du best-seller La femme parfaite est une


connasse ! qui s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires. Avec
toute la sincérité et l’humour qui la caractérisent, elle s’attaque cette fois au
développement personnel avec toujours le même objectif : nous faire
déculpabiliser.
Un esprit bof dans un corps pas ouf
À Avril et Adrien
« Ce qu’il y a d’admirable dans le bonheur des
autres, c’est qu’on y croit. »
Marcel Proust

« Ce n’est pas parce que la vie n’est pas élégante


qu’il faut se comporter comme elle. »
Françoise Sagan
SOMMAIRE

I. « LA MEILLEURE VERSION DE MOI-MÊME »


1. L’injonction au bonheur
2. Du développement personnel… à la toute-puissance
3. Comment j’ai raté mon miracle morning
4. Crises d’angoisse et dépression
5. Vous avez le droit d’être malheureux
6. Il n’y a pas d’échelle de valeur dans la souffrance
7. Vous n’êtes pas obligé d’être résilient
8. Le pouvoir magique des exceptions
9. Vers une génération d’égoïstes
II. REDÉFINIR LA RÉUSSITE
1. L’escroquerie du « si tu veux tu peux »
2. Le mythe du self-made-man
3. De l’importance d’apprendre à échouer
4. Ne voyez pas d’échec là où il n’y en a pas
5. On arrêtera de se comparer
6. Différence entre réussite et image de réussite
7. Quitte à avoir des problèmes, autant les choisir
8. À chaque problème, il n’y a peut-être pas de solution
III. REVOIR SES EXIGENCES…
1. … pour ne plus culpabiliser
2. On ne va pas vous donner une médaille
3. Foutez-vous la paix !
4. Vous avez le droit de mal faire les choses
5. Venez, on s’en fout !
6. Et si on était déjà heureux ?
7. Être moyen mais heureux

Remerciements
I.
« LA MEILLEURE VERSION DE MOI-MÊME »
1. L’injonction au bonheur

J’adore les listes, je fais des listes pour tout. J’ai des calepins, des carnets,
des cahiers de listes, un agenda papier avec des millions de « to do list »,
des centaines de notes dans mon téléphone. Je ne suis jamais aussi heureuse
que lorsque je finis une liste ; je suis même capable de recopier une liste de
choses déjà effectuées juste pour avoir le plaisir de les rayer à nouveau.
Ma préférée, ma liste no 1, le Graal, c’est bien sûr celle du 1er janvier,
celle des « bonnes résolutions », et la mienne commence toujours de la
même façon :
Résolution no 1 – Être heureuse

Depuis près de dix ans, je « travaille à mon bonheur », comme on dit, et


je travaille dur : je lis des livres de développement personnel, je fais de la
méditation, du yoga, je vais voir « des spécialistes », afin d’être « bien dans
mon corps et dans ma tête » parce que « le bonheur, ça se travaille », que «
tout est une question de volonté », que « si tu veux, tu peux » et que « sky is
the limit ».

Je travaille depuis près de dix ans à être « la meilleure version de


moi-même ».
« Je suis trop cool, je vois un psy »
Sur le chemin de mon « évolution », j’ai commencé par aller voir une
psychologue. C’était il y a huit ans, je sentais que c’était le bon moment
pour moi, et j’avoue que quelque part, je m’enorgueillissais de travailler sur
moi, de chercher à m’améliorer en tant qu’être humain, tout ça… Et puis, je
vis à Paris et à l’époque, il était de bon ton de commencer chacune de nos
conversations par « mon psy dit que… » ou « mon psy pense que… ». Je
m’imaginais sans doute que la personne en face de moi allait penser : «
Ohhh elle va voir un psy ? Cette fille doit avoir une vie intérieure tellement
riche ! »

Je dois avouer que ma psychologue est formidable, elle comprend tout ce


que je lui dis et ne me juge pas. (Alors si, évidemment qu’elle me juge,
mais ça ne se voit pas et c’est notamment pour ça que je la trouve
formidable.)
J’ai l’intime conviction que tout le monde devrait aller voir un psy, et
ceux qui exercent mon métier plus que n’importe qui d’autre.
Je suis humoriste, c’est un mélange entre comédien et auteur, mais en
drôle, ou en dépressif, c’est selon. Mon métier consiste à monter sur scène
pour faire rire les gens en me moquant de moi-même.
Les gens payent pour me voir me moquer de moi.
De quoi, effectivement, aller voir un psy.

J’ai commencé à aller voir la mienne au moment où j’ai publié mon


premier livre, coécrit avec ma sœur jumelle Marie-Aldine, La femme
parfaite est une connasse !, qui a eu son petit succès. À partir de là, tout
s’est enchaîné, les promos, les livres, les tournages… Pendant sept ans, j’ai
beaucoup travaillé et j’ai adoré avoir un planning surchargé. J’avais une
relation passionnelle avec mon agenda papier : plus il était rempli et
griffonné, mieux c’était, et évidemment, je faisais des tonnes de listes.
Je travaillais énormément, j’étais épanouie mais il me manquait quelque
chose.
Vous voyez de quoi je parle ? Vous savez, ce truc, là…
Vous sentez que quelque chose cloche, mais vous ne savez pas quoi.

Je commençais à être épuisée, je me traînais, j’étais tout le temps lasse.


Un jour, j’ai même évoqué avec ma psy l’éventualité de prendre des
antidépresseurs : « Non, je ne pense pas que vous ayez besoin
d’antidépresseurs.
— Ah bon, pourquoi ?
— Parce que vous n’êtes pas dépressive. »
J’avoue que sa réponse était d’une logique implacable, puis elle a ajouté :
« Vous n’êtes pas dépressive, vous êtes malheureuse, c’est différent. »

PARDON ?! Qu’est-ce que j’entends ?! Moi, je suis « malheureuse » ?!


Alors, désolée, mais ça c’est impossible ! Je ne peux pas être
malheureuse.
Je travaille sur moi, je vois une psy, j’ai du succès, je ne peux pas être
malheureuse.

Un temps.

Oh putain.

Je suis malheureuse.

C’était donc ça.

Le choc.
Aussitôt sortie de son cabinet, j’ai évidemment fait ce que n’importe qui
aurait fait dans ma situation : je suis allée acheter une dizaine de livres de
développement personnel, j’ai pris rendez-vous avec une hypnothérapeute,
un kinésiologue, un acuponcteur, j’ai téléchargé une application de
méditation, et, bien sûr, j’ai fait des listes.
2. Du développement personnel… à la toute-
puissance

D’après Wikipédia, le développement personnel est un ensemble


hétéroclite de pratiques appartenant à divers courants de pensée, qui ont
pour objectif l’amélioration de la connaissance de soi, la valorisation de ses
talents et de ses potentiels et la réalisation de ses aspirations et de ses rêves.

Où est-ce qu’on signe ?! Parce que perso, j’en suis ! J’ai très envie
d’améliorer ma connaissance de moi-même et de valoriser mes talents et
mes potentiels, pas vous ?

Il est difficile de dater la naissance du développement personnel, on


pourrait remonter à Platon (Le Banquet, aux environs de 380 av. J.-C.), à
Émile Coué dont la fameuse méthode Coué, fondée sur l’autosuggestion,
trouva son apogée pendant l’entre-deux-guerres. On peut aussi évoquer la
psychologie humaniste des années 1960, ou encore la psychologie positive
des années 1990… La notion même de développement personnel existe
depuis toujours ; on raconte même qu’Ève aurait été adepte du miracle
morning, mais ça n’a jamais vraiment été prouvé.
D’après les théories du développement personnel, on aurait tous en nous
des facultés, des potentialités qui ne demandent qu’à être développées, à
fructifier…
À nous de le vouloir, à nous de travailler pour devenir cette « meilleure
version de nous-même » que nous pouvons tous atteindre.

Évidemment, les livres et les coachs sont là pour nous aider, nous
aiguiller, contre quelques euros… Mais qu’est-ce que l’argent quand on
peut accéder au bonheur ?
Parce que, attention spoiler, l’argent est le but ultime de toute cette
histoire.
(« Et toi, ton livre, il est gratuit peut-être ? » Oui, mais moi, c’est pas
pareil, j’ai un éditeur à nourrir, OK ?)

La disparition progressive de certaines institutions, comme l’Église, la


famille, ou la patrie, a laissé un vide, et comme on sait tous que « la nature
a horreur du vide », d’autres croyances ont émergé : la croyance en
l’énergie, en l’univers, en soi, etc.

Mais, alors que les croyances qui tendent à disparaître mettaient


autrui au centre de tout, aujourd’hui, l’humain se met lui-même au
centre : il est devenu surpuissant.

Dans son livre Développement (im)personnel (L’Observatoire, 2019), la


philosophe Julia de Funès, explique : « Puisque le moi devient l’unique
norme, l’individu devient l’unique responsable de son bonheur ou de son
malheur. »

Vous la sentez la pression, là ?


3. Comment j’ai raté mon miracle morning

Pour moi, Parisienne névrosée, habituée à boire des verres en terrasse


avec mes copines en me lamentant sur mon sort et en affûtant mon cynisme
légendaire, être positive n’est pas quelque chose de naturel, alors je me suis
sérieusement mise au boulot.

J’ai lu encore plus de livres de développement personnel, je suis allée


voir des hypnothérapeutes, des kinésiologues, j’ai pratiqué l’EMDR 1…
Plus j’allais mal, plus je « travaillais à être une meilleure version de moi
», et plus je travaillais, plus j’allais mal, et plus je culpabilisais d’aller mal.
Vous voyez la logique, là ?

J’étais prête à tout essayer, un copain m’a même parlé d’un chaman qui
rotait les mauvaises énergies… Mais réellement ! Le mec vous masse et
rote. D’après le chaman, c’est tout à fait normal, comme il réceptionne le «
mal », il faut bien qu’il le recrache !
Bah oui, le pauvre chaman, il ne va pas rester avec tout ce mal en lui, il
faut bien qu’il le rejette, donc il rote.
Qui sommes-nous pour juger un homme qui rote, hein ? Je vous le
demande.
Bon, le chaman, c’était trop pour moi, alors on m’a conseillé « une
voyante incroyable », qui s’est avérée être une intermittente du spectacle
avec qui j’avais tourné dans une série pour TF1 quelques années
auparavant.

J’ai fait toutes sortes de choses loufoques, j’ai mis du gros sel dans mon
appartement pour éloigner les mauvais esprits (mais comme je n’avais pas
de gros sel, j’ai mis de la fleur de sel de Guérande, on fait comme on peut),
j’ai même fait brûler de la sauge blanche…
J’adore la sauge blanche, et j’aime l’idée que ça purifie une maison, et
puis ça m’amusait. Mais ça a arrêté de m’amuser au moment précis où je
l’ai payée 17 € et que j’ai pris deux cristaux avec, à 39,90 € l’unité.

J’ai travaillé dur pour devenir la meilleure version de moi-même, et plus


j’avançais, plus je culpabilisais de ne pas y arriver, de ne pas être
complètement heureuse, d’avoir toujours ce truc qui ne va pas, cette boule
dans le ventre, je devenais de plus en plus dure avec moi-même.

Vouloir à tout prix atteindre le bonheur


nous fait nous focaliser
sur ce qui nous manque.

Je commençais à entrer dans un cercle vicieux où le développement


personnel devenait une forme d’asservissement fonctionnant sur une
logique de culpabilisation.

« C’est de ta faute, tu n’as pas assez de volonté. »


« Si tu étais plus positive, il t’arriverait des choses positives. »
« Tu n’as pas assez visualisé ton but. »
« Si tu veux, tu peux. »
« Avec de la volonté, on peut tout. »
« No pain, no gain… »

Est-ce que je n’étais pas en train de faire empirer les choses ?


Est-ce que je n’étais pas trop dure avec moi-même ?
Est-ce que mes exigences n’étaient pas en train de me rendre
malheureuse ?

« L’expérience nous apprend que pour la


plupart des gens
il existe une frontière hors de laquelle leur
constitution
ne peut pas suivre les exigences de la
civilisation.
Tous ceux qui veulent être plus nobles que ne
le leur permet
leur constitution succombent à la névrose ;
si la possibilité leur était demeurée d’être
plus mauvais,
ils s’en seraient mieux trouvés. »
Sigmund Freud
Et puis… le burn-out
C’était la fin de l’été, je venais de rendre mon quatrième livre et je
commençais les répétitions de mon deuxième one-man-show. Quand j’y
repense, je culpabilise (ah bon ?!), parce que ce n’est pas comme si je ne
l’avais pas vu venir, il est arrivé avec ses gros sabots : j’étais épuisée,
éreintée, mais j’étais tellement heureuse de travailler ! Alors, j’ai essayé de
colmater, de rustiner, et puis, j’ai poussé la machine encore un peu plus…
Je sentais que mon mode de vie, mon travail, ma quête pour m’améliorer
étaient en train de m’épuiser, je faisais de plus en plus de crises d’angoisse,
j’avais tout essayé pour retrouver de l’énergie, pour me « recentrer », mais
je sentais que quelque chose n’allait toujours pas, c’était latent. Pendant des
semaines, j’ai dit à mon entourage : « Je crois que je fais une sorte de petit
burn-out. »

Et puis, fin 2018 :


1. Je ne croyais plus, j’en étais sûre.
2. Ce n’était pas « une sorte de ».
3. Ce n’était pas « un petit ».

Fin 2018, j’ai fait un burn-out. Point.

Alors je fais une petite pause dans l’écriture de ce chapitre pour mettre
les choses au clair : je suis consciente que « burn-out » est un terme souvent
galvaudé (un peu comme « pervers narcissique » ou « haut potentiel »), et je
n’ai jamais voulu être de ces gens qui disent « j’ai fait un burn-out » avec
une suffisance insupportable, comme s’ils avaient fait, fabriqué, créé
quelque chose… T’as rien fabriqué du tout ! Ça t’est tombé dessus ! Tu as
subi un burn-out, c’est tout ! Donc, voilà, fin 2018, j’ai subi un burn-out.

Définition du burn-out, d’après la Haute Autorité de santé :


« Épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un
investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan
émotionnel. »

Prenons un exemple bien pourri (parce que j’aime bien les exemples bien
pourris) : la pub Carglass. Dans cette pub, un jeune homme, qui ne joue pas
très bien la comédie mais qui est très sympathique au demeurant, nous
explique que quand un impact sur un pare-brise est plus petit qu’une pièce
de 2 €, on peut le réparer en mettant une résine dedans, et le pare-brise
redevient aussi résistant qu’avant. En revanche, si on laisse faire, la fissure
va s’agrandir et fragiliser le reste de la structure, et tout va finir par péter.
(OK, il ne le dit pas exactement comme ça dans la pub, mais c’est l’idée.)
Pour nous c’est pareil. Quand l’impact émotionnel est plus petit qu’une
pièce de 2 €, on peut réparer, encore faut-il se rendre compte qu’on a été
touché, prendre le temps de le faire, et pour ça, il faut s’écouter, on ne vous
le répétera jamais assez.

Il y a des signes,
et vous ne vous rendez pas service en les
ignorant.

Écouter son corps


À l’été 2018, alors que j’étais en vacances dans le Sud, exposée au soleil,
mon corps commençant à prendre une jolie couleur dorée, j’ai vu des
plaques apparaître sur mes mains ; d’abord une petite plaque blanche, sur le
dessus de la main droite, puis une autre sur la gauche. Une symétrie. Un
vitiligo.
Le vitiligo est une maladie de l’épiderme qui se caractérise par des taches
blanches (dépigmentation) qui apparaissent et s’étendent sur n’importe
quelle partie de la peau. Il n’existe malheureusement aucun traitement et les
causes sont mal connues, génétiques ou non génétiques, ou encore choc
psychologique…
« Choc psychologique », mon corps avait parlé pour moi.
Les vacances terminées, j’ai repris le boulot, tenu mes engagements,
rendu mon livre, fais mes dernières représentations, et puis, j’ai baissé le
rideau. Le 26 décembre 2018, j’ai donné la dernière représentation de mon
deuxième one-man-show.

Ça n’avait rien à voir avec une dépression, j’avais des envies, de


l’énergie, je continuais à voir mes amis, mais je ne pouvais plus travailler.
C’est comme si quelqu’un avait fermé une boutique en tirant un gros rideau
de fer. Lorsque quelqu’un me demandait quelque chose concernant mon
travail, je ne pouvais pas répondre autre chose que :
« Désolée, c’est fermé, il faut repasser plus tard.
— Plus tard, mais quand ?
— Je n’ai malheureusement pas de date à vous communiquer pour
l’instant. »

Je me souviens très bien que la semaine suivante, mon éditeur m’a


demandé de lui rendre une petite bio de quatre lignes et je lui ai répondu : «
Pour l’instant je ne peux pas. »
Je venais de lui rendre un livre de 180 pages, alors comment expliquer
que je ne pouvais pas écrire quatre petites lignes ?
« Désolée, c’est fermé,
merci de repasser plus tard.
Je n’ai malheureusement pas de date
à vous communiquer pour l’instant. »
4. Crises d’angoisse et dépression

En voilà un joli programme ! On dirait le titre d’un film sélectionné à


Cannes dans la catégorie « Un certain regard » : « Les nommés sont :
Isabelle Huppert, Denis Podalydès et un berger des Pyrénées avec un regard
triste qui meurt à la fin en essayant de sauver un enfant. »

Alors, pour commencer, qu’on s’entende bien : tout le monde est


dépressif et/ou tout le monde fait des crises d’angoisse.

OK, je sais que ce n’est pas vraiment « tout le monde », mais partons de
ce principe, histoire de simplifier les choses et surtout de dédramatiser la
situation. Et d’ailleurs, je ne suis pas si loin de la vérité car selon
l’Organisation mondiale de la santé, la dépression est la deuxième maladie
la plus fréquente à l’échelle planétaire.
Et là, évidemment, vous vous demandez tous : « Quelle est la première ?
» Eh bien, sachez que la palme revient aux « maladies cardio-vasculaires »

(J’ai ajouté un smiley, pour donner un côté plus léger à cette info.)

D’après Julia de Funès : « La dépression est la pathologie majeure du


dernier tiers du XXe siècle, correspondant au nouveau type d’individu-
souverain que nous sommes devenus. »

Comme si la dépression était devenue inévitable.

Petite définition de la dépression :

D’après le site de l’assurance-maladie, la dépression est une maladie


psychique qui se caractérise par des perturbations de l’humeur (tristesse,
perte de plaisir…). L’humeur dépressive entraîne une vision pessimiste du
monde et de soi-même. Elle dure plus de deux semaines et retentit de
manière importante sur la vie quotidienne (perte du sommeil, troubles de
l’appétit et du désir sexuel, perte des performances intellectuelles,
isolement…). La volonté seule ne permet pas de s’en sortir. C’est pourquoi
elle doit être soignée pour ne pas se compliquer ou devenir chronique.

J’aime bien cette définition car ils précisent que « la volonté seule ne
permet pas de s’en sortir », ils sont chouettes et déculpabilisants à
l’assurance-maladie, je trouve.

D’après le sociologue et chercheur au CNRS Alain Ehrenberg dans son


livre La Fatigue d’être soi (Odile Jacob, 1998), « la dépression a ceci de
particulier qu’elle marque l’impuissance même de vivre […]. Le déprimé,
happé par un temps sans avenir, est sans énergie, englué dans un “rien n’est
possible”. »

Les livres de développement personnel nous répètent que la vie est belle
et qu’il faut en savourer chaque seconde, blablabla… Mais que se passe-t-il
quand on n’est pas capable de voir que la vie est belle ?
Loin de moi l’idée de pouvoir soigner vos maux, mais je ne saurais que
trop vous conseiller de les écouter.
Tout d’abord, on SE LE dit : « Ça ne va pas. »
Et ensuite, on LE dit : « Ça ne va pas. »
Et enfin, on se fait aider, parce que, « ça ne passe pas tout seul ».
Ça ne passera pas grâce à votre seule volonté, ni en allant voir un
énergéticien ou encore en lisant un livre à la couverture colorée qui nous
invite à « vous prendre par la main à travers le chemin qui mène à votre
cœur, afin de devenir vous-même, en pleine conscience ».

N’oublions jamais que la dépression est une maladie et que cette


maladie doit être prise en charge par des professionnels.

L’anxiété anticipatoire
Un jour, un ami humoriste m’a appelée, il devait prendre un train pour
aller jouer à Toulouse le lendemain, et il m’a dit : « J’ai un service à te
demander, est-ce que tu peux venir avec moi à Toulouse ? Je ne peux pas
prendre le train. »
Il m’a expliqué qu’il ne pouvait physiquement pas prendre le train car la
semaine précédente, il avait fait une crise d’angoisse dans un wagon et était
terrorisé à l’idée que ça se reproduise : « Je n’ai rien compris, c’est arrivé
d’un coup, j’avais l’impression que j’allais mourir, j’avais des fourmis dans
les mains, j’arrivais plus à respirer, ça pesait sur ma poitrine, j’ai dû
m’allonger dans l’allée. Une demi-heure après, c’était fini. J’ai dit aux
autres passagers que j’avais fait un malaise. »

D’après le site de l’assurance-maladie, une crise d’angoisse c’est :


« L’apparition soudaine d’une crainte, d’une angoisse ou appréhension
intense, d’une peur ou terreur. Généralement, cette crise de panique atteint
son intensité maximale en quelques secondes, et dans tous les cas en moins
de 10 minutes. […] Les crises d’angoisse aiguë peuvent survenir de façon
spontanée, sans cause apparente ou à la suite d’un facteur déclenchant. »

J’ai pris le train avec mon ami, et c’était un peu déstabilisant pour moi
car il riait et faisait des blagues, bref tout allait bien. J’avais du mal à croire
que c’était la même personne qui m’avait appelée la veille et qui était
incapable de monter dans un train.
Mon ami a été choqué par la violence de ce qu’il avait ressenti lors de sa
première crise d’angoisse, et il n’avait qu’une peur : que ça se reproduise.

Lorsque quelqu’un a déjà vécu une grosse crise d’angoisse, il peut


craindre d’en avoir d’autres, on appelle ça « l’anxiété anticipatoire ».

Quelque temps plus tard, mon ami a décidé de changer de travail, il ne


voulait plus infliger à son corps et à son esprit une violence pareille, il a
décidé de s’écouter.
Il n’a plus jamais fait de crises d’angoisse.

Venez, on en parle !
J’ai moi-même fait des crises d’angoisse ; elles étaient d’une intensité
modérée mais très désagréables. Je me souviens que je me sentais
oppressée, ma respiration s’accélérait et j’avais comme des sueurs froides,
et surtout je n’arrivais pas à me concentrer sur autre chose que sur cette
putain d’angoisse.

Un jour, alors que j’étais en train de déjeuner avec une copine, j’ai fait
une crise d’angoisse et, après quinze minutes à hocher la tête en faisant
semblant de l’écouter, je lui ai dit : « Je suis désolée, je ne t’écoutais pas, je
suis en train de faire une crise d’angoisse. »
C’est sorti comme ça, je ne sais même pas pourquoi je lui ai dit ça, mais
elle m’a répondu de la meilleure des façons :
« OK, no souci, on va attendre que ça passe, je te re-raconterai après. »
Et on a attendu.
« Prends ton temps, je vais faire un tour, j’ai des coups de fil à passer. »
Cinq minutes plus tard, elle est revenue avec un sucre. Bon, ça ne servait
à rien parce que ce n’était pas une hypoglycémie, mais j’ai trouvé ça très
mignon.
Mon amie m’a expliqué par la suite qu’elle avait très souvent des
angoisses et qu’elle comprenait et, en parlant avec de nombreuses
personnes, j’ai découvert que quasiment tout le monde en avait eu.

Faire des crises d’angoisse ne veut pas dire qu’on est condamné à en
avoir constamment, ou qu’il faut entamer un traitement médicamenteux,
cela veut parfois simplement dire que quelque chose ne va pas et qu’il va
falloir prendre le temps de trouver ce que c’est, et quoi en faire.
Pour ma part, mes angoisses m’annonçaient que j’étais trop exigeante, à
toujours vouloir plus ; je voulais être la « meilleure version de moi-même
»… Alors, si vous êtes dans mon cas, je vais vous faire gagner beaucoup de
temps :

Vous êtes déjà


la meilleure version de vous-même.

Merde, le livre est fini.

Il n’y a pas de meilleure Anne-Sophie Girard que moi !


Personne ne viendra jamais me dire : « Excuse-moi Anne-Sophie, mais on
a trouvé une meilleure version de toi, elle s’appelle Sandy, elle a 24 ans et
vit dans le Dakota. »
(Toujours se méfier des Sandy qui vivent dans le Dakota, on ne le dira
jamais assez.)

Et quand bien même vous arriveriez à être une meilleure version de vous-
même, alors quoi ? Qu’est-ce qu’il se passerait ?
On vous donnerait une médaille ?!
Ou peut-être que vous auriez le droit de porter un badge « Meilleure
version de moi-même », comme l’« employé du mois » dans les fast-foods
américains.
Et ensuite ? Le mois d’après, si vous n’avez pas été constant dans cette «
meilleure version de vous-même », vous vous retrouvez avec un badge «
n’est plus la meilleure version de lui-même, n’est plus qu’une grosse merde
» et une pancarte dans le dos « BOUUUUUUUU, la honte ! ».

D’après le sociologue et psychanalyste allemand Erich Fromm, « quand


on considère essentiellement sa vie comme une sorte d’entreprise dans
laquelle on doit investir ses capacités physiques et psychiques le plus
judicieusement possible, on ne peut que conclure à son échec si le bilan est
inférieur à la valeur espérée ».

« J’ai beaucoup investi sur moi


et mes gains ne sont pas suffisants,
je suis en faillite personnelle. »
5. Vous avez le droit d’être malheureux

Contrairement à ce qu’on nous a fait croire, on a le droit d’être


malheureux, c’est même inévitable.

On a le droit d’avoir des sautes d’humeur.


On a le droit d’être triste.
On a le droit d’être déçu.
On a le droit d’être vexé.
On a le droit d’être touché.
On a le droit d’être mélancolique.
On a le droit d’être en colère.
On a le droit d’être frustré.
On a le droit d’être aigri.
On a tout simplement le droit d’avoir des émotions.

Un jour, ma psy m’a donné un très bon conseil, elle m’a dit :
« Ne vous débattez pas,
laissez le malheur vous traverser.
Faites juste en sorte
que ça dure le moins longtemps possible. »

Les émotions sont nos alliées, car elles sont là pour nous guider dans nos
prises de décision et dans nos actions. Il faut donc apprendre à les accueillir
et à les écouter.
Je dois avouer que j’ai eu beaucoup de mal à le faire car, quand on a pour
but ultime d’être heureux (cf. le no 1 de ma liste des bonnes résolutions),
accepter de ne pas aller bien, c’est avouer être en échec : « J’ai raté ! » Et
on est d’accord pour dire que personne n’aime perdre.
Je me suis donc énormément débattue ; c’est bien simple, je n’ai jamais
autant fait de développement personnel que quand j’allais mal.
Même si je m’obstinais à dire que c’était « pour m’améliorer » ou « par
curiosité », la vérité, c’est qu’on n’a jamais vu quelqu’un en bonne santé se
dire : « Tiens, je ne suis pas malade, mais je vais quand même prendre des
antibiotiques, comme ça, par curiosité. »

Si vous vous levez tous les jours à 5 heures du mat’ pour aller faire des
bisous à un pin parasol, c’est que vous n’êtes pas serein et vous savez quoi
? C’est OK.
Aujourd’hui quand je vois quelqu’un faire tout plein de développement
personnel, ou aller voir tout plein d’énergéticiens, j’ai juste envie de lui
faire un câlin et de lui dire : « Tu ne vas pas bien, et c’est OK. »
Le seul bonheur possible
doit prendre en compte le malheur.
On parle alors d’un bonheur « lucide ».

Lorsqu’on se brûle, on a mal. Notre cerveau enregistre cette information


et c’est ce qui va nous empêcher de remettre notre main sur la plaque de
cuisson (ou de perdre un sourcil en essayant d’allumer une cigarette avec le
gaz de la cuisine. True story).

Avoir mal, c’est un signal que notre cerveau nous envoie pour nous
empêcher de recommencer.

Je pense à cette amie qui est restée des années avec un connard (pour
l’avoir un peu fréquenté, je peux vous confirmer que c’était bien un
connard). Eh bien, pendant des années, elle s’est débattue pour essayer de
sauver son couple, pour qu’ils se donnent « une nouvelle chance », et un
jour elle s’est rendu compte qu’elle était tout simplement malheureuse avec
lui, elle l’a accepté et a quitté ce mec (j’ai précisé que c’était un connard ?).

Peut-être que si elle s’était écoutée plus tôt, elle n’aurait pas perdu autant
de temps, mais peut-être aussi qu’elle avait besoin de ce temps pour
accepter le fait qu’elle était malheureuse. Nous n’avons pas tous la même
temporalité… Toujours est-il que c’est en l’acceptant qu’elle a pu changer
ce qui n’allait pas. Et ce qui n’allait pas chez elle, c’était son mec.
« La sagesse
c’est le maximum de bonheur
dans le maximum de lucidité. »
André Comte-Sponville

L’adaptation hédonique
Les psychologues Brickman et Campbell ont inventé le terme «
adaptation hédonique » en 1971 dans leur essai Hedonic Relativism and
Planning the Good Society (littéralement : Relativisme hédonique et
planification de la bonne société).

L’adaptation hédonique est la tendance observée chez les humains à


revenir rapidement à un niveau de bonheur relativement stable en dépit
d’événements positifs ou négatifs majeurs ou de changements importants
dans leur vie.

Schéma de l'adaptation hédonique


Pour résumer, si vous vivez quelque chose de positif, que vous réussissez
à atteindre votre but, vous allez être heureux sur le coup, puis vous allez
vous y accoutumer et revenir à votre niveau de bonheur initial, un niveau de
bonheur « moyen ».
De même pour quelque chose de négatif, si vous vivez un drame
personnel, un échec professionnel ou sentimental, ou même une dépression,
ce sera dur sur le coup, mais grâce à l’adaptation hédonique vous finirez par
retrouver un niveau de bonheur normal.

« Tu as tout pour toi »… Mais ferme-la !


Qui n’a jamais entendu cette phrase : « Tu as tout pour toi » ? Cette
phrase insupportable censée nous faire avoir une miraculeuse prise de
conscience : « Mais c’est vrai ! Tu as raison, j’ai tout pour moi, et je ne le
voyais pas. Ouf ! ça va mieux, merci à toi l’ami. »

Chez moi, la personne la plus insupportable qui me répétait cette phrase


en boucle, c’était moi-même. « Arrête de te plaindre Anne-so, tu as tout
pour toi. » Des années durant, je me la suis répétée, cette phrase.
En réalité, j’avais le droit de me plaindre, j’avais besoin de me plaindre et
j’avais besoin d’être écoutée. Des autres et surtout de moi-même.

Commencez par vous écouter.

Il faut beaucoup de courage pour s’avouer que quelque chose ne va pas.


Est-ce que je suis heureux ? Avec cette personne ? Dans ce boulot ? Dans
cette vie ?

Bien sûr, vous n’aurez peut-être pas la force de vous confronter à la


réponse tout de suite, alors vous allez essayer de compenser, de trouver
assez de bonheur ailleurs pour ne pas vous « mettre en faillite personnelle »,
mais la vérité, c’est que vous savez déjà si vous êtes heureux ou pas, si ce
boulot est vraiment fait pour vous, si cette personne est vraiment faite pour
vous…

Faites-vous confiance.
Vous savez.

Vous avez le droit de vous plaindre


« Ça pourrait être tellement pire. »
« Je suis en bonne santé, je ne peux pas me plaindre. »
« Je n’ai ni froid, ni faim, ni chaud, ni soif, je devrais être reconnaissant.
»

Mais alors, à quel moment on a le droit de se plaindre ?


Est-ce qu’il existe un niveau d’emmerdes à partir duquel ce serait
autorisé ?
« Ah ça y est ! J’ai des problèmes de boulot + des problèmes de mec, j’ai
le droit. »
« Avant, j’étais endetté, maintenant, je suis surendetté, donc j’ai le droit.
»

On a le droit de se plaindre, c’est même plus que conseillé.


Le chagrin, ça se partage, ça s’écoute, parce que si vous ne l’écoutez pas,
votre chagrin trouvera toujours un moyen de revenir à la surface. Et oui,
c’est une menace !
Sachez une chose : le chagrin gagne toujours.
Les chagrins sont nos compagnons de route, ils nous suivent tout au long
de notre vie et grandissent avec nous. On passe du chagrin d’enfant,
souvent consolable, aux chagrins d’adolescent, des blessures d’ego et
d’idéaux, et enfin aux chagrins d’adulte, irrémédiables, aux deuils…

Votre corps trouvera toujours un moyen de vous rappeler que ça ne va


pas, alors, acceptez-le, ne vous débattez pas…

Je pense souvent à cette phrase, inspirée de la prière de la sérénité :

« Donnez-moi la force de changer ce qui peut l’être, d’accepter ce qui ne


peut pas l’être et d’apprendre à faire la différence entre les deux. »

J’avais entendu ça dans un de ces téléfilms sur M6 où un beau gosse va


dans une réunion des alcooliques anonymes et drague une jolie fille en riant
très fort devant la machine à café – à croire qu’il y a vraiment une super
ambiance chez les alcooliques anonymes dans le Kentucky.
« Bonjour je suis Charly, je suis alcoolique.
— Bonjour Charly ! Tu veux un donut ? Mais d’abord, tire sur mon doigt

(Ne me demandez pas pourquoi j’associe « une super ambiance » à la
blague du « tire sur mon doigt », et merci de ne pas me juger.)

J’ai vu tellement de ces téléfilms que j’ai appris cette phrase par cœur et
puis je me suis rendu compte qu’elle était applicable à tous les moments de
la vie, que c’était très souvent LA solution.
Changer ce qui peut l’être,
accepter ce qui ne peut pas l’être
et faire la différence entre les deux.
6. Il n’y a pas d’échelle de valeur dans la souffrance

On a parlé du burn-out, de la dépression, des crises d’angoisse… De quoi


pourrait-on bien parler pour rigoler encore un peu ? Allez, on va parler du
cancer. (Je précise, pour ceux que ce sujet pourrait mettre mal à l’aise, que
ça finit bien.)

À 20 ans, on m’a découvert une tumeur maligne, un mélanome. Il s’agit


d’un cancer de la peau particulièrement agressif. Cette annonce est venue
clôturer en beauté une belle période de merde. À cette époque, j’avais
l’impression que la vie s’était dit : « Toi, la grande là, je vais bien te faire
chier, je vais te prendre, toi et ta famille, et je vais m’acharner sur vous
comme ça, gratos ! Juste parce que je suis la vie et que la vie, parfois, c’est
une connasse. »
Et, alors que j’avais l’impression que cette connasse de vie s’acharnait
sur moi et que je me débattais comme je pouvais pour garder la tête hors de
l’eau, une de mes super copines s’est fait plaquer.

Ma copine s’est fait larguer par un mec avec qui elle sortait depuis trois
semaines. Un mec au physique moyen, particulièrement inintéressant et
dont le prénom m’a échappé tellement ce mec était nul. Bref, ma copine
s’est fait larguer par un nul et elle était au bout du rouleau. Et moi, j’avais
des problèmes jusqu’au-dessus de la tête et je la regardais souffrir,
incapable de l’aider.

Car, quand je parle de sa souffrance, je vous parle d’une vraie souffrance,


de celle qui vous empêche de dormir, qui vous coupe l’appétit, qui vous fait
monter les larmes en plein milieu d’un cours de géo. Je vous parle d’une
souffrance qui dure des jours, des semaines…
Un jour, ma copine est venue me voir pour s’excuser, elle m’a expliqué
qu’elle m’évitait depuis des jours parce qu’elle avait honte de souffrir à
cause d’un mec nul, alors que moi, « j’avais de vrais problèmes ».

La vérité, c’est qu’elle souffrait bien plus que moi.

C’est même la première fois que je voyais quelqu’un souffrir à ce point.

Il n’y a pas d’échelle de valeur


dans la souffrance.

Peut-être que moi, j’étais préparée à avoir des emmerdes, que je savais
comment les gérer, mais elle, qui n’avait jamais eu de véritable problème
avant, était en train de vivre un drame et je me devais de respecter son
chagrin.

Personne n’a le droit


de minimiser vos chagrins.
Ils peuvent paraître anecdotiques – un conflit au travail, une rupture, une
petite humiliation –, mais ils vous font mal et il est important de ne pas
négliger cette souffrance.
Évidemment, il y a une hiérarchie dans les problèmes ; avec mon cancer,
je gagnais face à sa rupture (le cancer gagne presque toujours dans ce genre
de cas), mais elle souffrait bien plus que moi, c’était un fait et il me fallait
respecter ça.
Pour telecharger + d'ebooks gratuitement et légalement veuillez visiter
notre site : www.bookys-ebooks.com

Nous ne sommes pas tous armés de la même façon pour affronter les
problèmes, et ce n’est pas de notre faute.

Le jour où j’ai arrêté de rire


Quand j’ai eu ce mélanome, je n’en ai pas parlé pendant dix ans, tout
simplement parce que ça plombait l’ambiance. Quand on me demandait ce
qu’était ma cicatrice, j’avais tendance à faire des blagues : « une bataille
avec un requin », « j’ai marché dans un feu de camp durant une danse de la
pluie », « un coup de couteau pendant une finale de The Voice »… J’étais
passée maître dans les blagues nulles sur les cicatrices. Mais pourquoi je ne
répondais pas tout simplement : « Une greffe de peau suite à un mélanome
»?

Peut-être parce qu’on allait me demander ce qu’était un mélanome, et


que j’allais devoir prononcer les mots : « tumeur », « maligne » ou « cancer
».
Peut-être parce que je n’avais pas envie d’en parler, peut-être que je
trouvais ça trop personnel, ou alors peut-être que j’attendais une rémission
totale, je ne sais pas exactement, toujours est-il que je faisais des blagues.
Et un jour, j’ai décidé d’en parler. C’était dans mon dernier stand-up,
j’avais écrit tout un passage sur le cancer et « le pouvoir comique très limité
du mot “tumeur” », et un soir, alors que je sortais de scène, un spectateur a
fait une blague sur mon cancer, et tout le monde a ri.

Le mec a fait une blague sur MON CANCER et TOUT LE MONDE


A RI.

Ça a été ma limite.

J’ai alors compris que c’était de ma faute, qu’en riant devant eux de mon
mélanome, je leur avais donné la permission de faire de même, et ça, ça
n’était pas possible pour moi.

Je pouvais faire des blagues, pas lui.

La façon dont vous parlez de vous indique aux autres la façon dont ils
peuvent vous traiter, alors ménagez-vous, soyez gentil et bienveillant envers
vous-même, ça commence par là.

Deux mois après cette soirée, j’arrêtais le stand-up. Je ne pouvais plus me


moquer de moi à longueur de soirées pour faire marrer les gens, je ne
l’assumais plus et ça me rendait malheureuse.
« L’autodérision est l’expression
d’une personne qui n’existe qu’à la marge.
Ce n’est pas de l’humilité,
c’est de l’humiliation. »
Anna Gatsby, dans son spectacle Nanette.

Votre histoire vous appartient,


c’est vous qui décidez de la façon
dont vous voulez la raconter, quand, et à qui.
Mais rappelez-vous que
minimiser les événements que vous avez
vécus
pour ménager les autres
n’est jamais une bonne solution.
7. Vous n’êtes pas obligé d’être résilient

Bon, on va être honnête, les gens malheureux, c’est chiant. Ils ont
tendance à casser l’ambiance, à monopoliser l’attention, à mettre tout le
monde un peu mal à l’aise…
Mais il se trouve que certaines fois, les gens malheureux, c’est nous.

La résilience est la capacité à surmonter les chocs traumatiques, et on


nous apprend que c’est une formidable qualité. D’ailleurs les gens acceptent
que vous soyez malheureux, mais seulement à condition que ça ne dure pas
trop longtemps ; ensuite, il faut être résilient : « Il serait temps de passer à
autre chose. »
« Elle est en boucle. »
« Il nous fait chier avec son deuil, ça fait presque deux ans. »

Vous devez très vite vous relever, être fort, combatif, parce que, « tout ce
qui ne nous tue pas nous rend plus fort 1 ».

FAUX
Tout ce qui ne nous tue pas peut aussi nous laisser éclopé et
traumatisé, et certaines blessures ne sont pas résorbables, ni
cicatrisables.
Alors, bien sûr, on ne va pas pourrir toutes les conversations avec nos
histoires de cancers : « Je suis allé à Fréjus cet été, c’est magnifique, tu
connais ?
— Oui je connais bien, et toi, tu connais le mélanome ? »
On est d’accord que ça n’a pas de sens.

En revanche, on n’est pas obligé non plus de faire croire que tout va
bien : la vie, ce n’est pas Instagram.

Il n’y a pas de filtres dans la vraie vie, on n’est pas obligé d’être tout le
temps positif, comme ces gens sur les réseaux sociaux qui vont nous
expliquer que : « C’est super la vie, avec de la motivation et du travail et…
» Haaaaaaaaaaaa ! Mais fermez-la !

J’ai tellement envie de leur dire de se la foutre au cul leur motivation.


Eh non ! Ils ne vont pas bien non plus, sinon, ils ne se sentiraient pas
obligés de claironner qu’ils vont bien à longueur de posts Insta. S’ils étaient
aussi à l’aise avec leur physique, ils ne mettraient pas des filtres à chaque
fois qu’ils font une story. Ils ne vont pas mieux que nous, et vous savez
quoi, c’est OK.

Aujourd’hui quand je vois des gens étaler leur « vie parfaite » sur les
réseaux, j’ai juste envie de leur faire un câlin, parce que je me dis que ça
doit être drôlement dur de toujours faire croire que tout va bien.
« Les gens qui se prétendent heureux,
moi je n’y crois pas des masses…
Dès que j’entends le mot “bonheur”, je
tique…
Ou alors au passé… avec du recul…
Par exemple tu peux dire :
“Finalement, à cette époque-là,
on n’était pas si malheureux que ça…
”Voilà ce que tu peux dire, et puis c’est tout,
faut pas crâner… Fait chier à la fin !…
Attends un peu avant d’emmerder le monde
!… »
Bertrand Blier
8. Le pouvoir magique des exceptions

Des riches de plus en plus riches, des maisons de plus en plus grandes,
des fesses de plus en plus grosses… Tous les curseurs ont été montés, on
court plus vite, on va plus loin, on a plus d’amis, plus d’amants… Plus,
plus, plus !
Lorsqu’on regarde les réseaux sociaux, on a l’impression que les gens ont
une vie incroyable, même leurs drames sont instagrammables, ils vont
jusqu’à se filmer en train de pleurer (mais bien orientés vers la lumière,
pour que les yeux paraissent plus clairs).

Alors nous aussi on veut une vie « toujours plus » !

On lit les biographies de Steve Jobs, on regarde des biopics, on écoute


des podcasts de parcours incroyables, de ces sportifs qui ont réussi « à force
de travail et de volonté », de ces artistes « qui ont toujours cru en eux », et
on se dit : « Pourquoi pas moi ? »

« Steve Jobs a construit son premier ordinateur dans son garage, et c’est
dingue, moi aussi j’ai un garage ! Je vais faire comme Steve Jobs ! »
Alooooors, comment te dire ?
Le développement personnel et les coachs en motivation se basent sur les
exceptions pour nous prouver que c’est possible. D’ailleurs, d’après la
philosophe Chantal Jaquet, le danger est là : « On va se servir de ces cas
relativement limités pour se rassurer sur l’état de la société en disant que
tout va bien et de ce fait, les exceptions vont éclipser les autres et vont
servir d’alibi pour dénoncer l’immobilisme des autres, leur paresse, leur
manque de volonté… » (Les Transclasses ou la non-reproduction, PUF,
2014.)

On a tous besoin de modèles, mais là où ça devient problématique, c’est


quand on s’en sert contre nous-même :
« Il n’avait rien pour lui ! Et ça ne l’a pas empêché de réussir. »
« Regarde Serena Williams, elle a du mental, elle ! »
« Arrête de trouver des excuses, quand on veut on peut ! »

Ces exemples de réussite doivent continuer à nous motiver et à nous


inspirer, mais en aucun cas nous ne devons nous en servir contre nous-
même ou contre les autres.

Car n’oublions pas que si ces destins sont « exceptionnels », c’est que
par définition, ils « constituent une exception ».

Ne négligez pas le facteur chance


D’après le Robert :
Chance (nom féminin) : Manière (favorable ou défavorable) dont un
événement se produit, par hasard.
Hasard (nom masculin) : Cas, événement fortuit ; concours de
circonstances inattendu et inexplicable.
Je ne développerai pas ici la notion de destin ou encore de croyance, ces
choses qui nous échappent, mais il est bon de se rappeler que justement,
elles nous échappent, et c’est même à ça qu’on les reconnaît.

La génétique, l’hérédité, l’inné… en gros, ce serait 70 % du boulot. De


nombreux spécialistes estiment même qu’en matière de santé, notre marge
de manœuvre serait minime. On pense tous à cet homme qui a fumé et
picolé toute sa vie, qui mourra vieux et en bonne santé alors qu’un autre,
sportif, à l’hygiène de vie irréprochable, fera un arrêt cardiaque à 40 ans.
C’est comme ça, et c’est vrai que c’est dégueulasse. Alors, on mise tout sur
cette « marge de manœuvre », ces 30 % qu’il nous reste, et on fait au mieux
pour limiter les frais.

Je reconnais que c’est assez déprimant de se dire que notre marge de


manœuvre est aussi limitée et que tout serait presque joué d’avance, par
notre héritage social, économique, ou encore génétique, mais l’important
est qu’il nous reste une marge de manœuvre, aussi minime soit-elle, et c’est
à nous d’en faire quelque chose.

Tu te plains toujours de ne pas avoir de


chance,
mais tu comptes toutes les fois
où la chance s’est déplacée pour rien ?

Et si on était tous hauts potentiels ?


Une amie qui travaille pour une grande enseigne de magasins de jouets
m’a fait part d’un fait intéressant : elle s’occupe du rayon 2-5 ans, et
lorsqu’elle discute avec un client qui recherche un jouet pour un enfant, la
première question de mon amie est : « Quel est l’âge de l’enfant ? » Et les
trois quarts des clients répondent en donnant l’âge de l’enfant et en ajoutant
: « Mais il est très en avance. »
Donc 75 % des enfants seraient « très en avance », c’est quand même
dingue non ?

Mais alors, si 75 % des enfants sont très en avance, c’est peut-être que
leur niveau est la norme ? Et si on était tous moyens ?
Mon amie n’a jamais entendu un parent dire « mon fils a 3 ans mais il est
un peu teubé », et pourtant, Dieu sait qu’on en connaît.

Ce n’est pas parce que notre enfant


est en échec scolaire qu’il est surdoué,
c’est peut-être qu’il est tout simplement con.

Je riais avec une collègue, en lui parlant de ça, je lui disais : « J’en peux
plus, à écouter mon entourage, ils ont tous un enfant à haut potentiel », et
elle m’a répondu : « Carrément, j’en peux plus de tous ces gens qui se
disent HPI, c’est rare d’être HPI, et je sais de quoi je parle, mes trois
enfants sont HPI. »
J’ai su à cette seconde que ce n’était plus la peine de continuer de lui
parler de ça.
Peut-être que ses enfants étaient réellement HPI, je n’en sais rien, mais je
me suis demandé ce qui l’avait poussée à faire ce test.
Pourquoi a-t-on besoin de savoir ?
Et d’ailleurs, qu’est-ce qu’on fait de cette information par la suite ?
Je ne parle évidemment pas des THP (« très hauts potentiels »), qu’il vaut
mieux repérer vite pour leur trouver des solutions adaptées, non je pense à
tous les autres, je pense à tous « les moyens plus ».

Avec ma sœur, nous avons sauté une classe, mon père a sauté une classe,
ma mère a sauté une classe. Aujourd’hui on parlerait de HPI, mais à
l’époque on disait « précoce ». J’étais une enfant précoce.
Je n’ai jamais fait le test officiel de QI, et la vérité, c’est que je ne l’ai pas
fait parce qu’au fond de moi, je n’aurais pas supporté d’être dans la
moyenne.
J’ai été « diagnostiquée » précoce, ça me suffisait, je ne voulais pas «
remettre mon titre en jeu ».
« Anne-Sophie, tu es juste dans la moyenne » : cette phrase aurait pu me
briser le cœur.

On a tous·tes envie d’être exceptionnel·le.

Aujourd’hui, je pense que je pourrais faire ce test, car je suis assez sûre
de moi pour ne pas être (trop) touchée d’apprendre que je suis juste «
moyenne ».
Parce qu’aujourd’hui je sais que je suis exceptionnelle quelque part, qu’il
y a des matières où je suis excellente, des choses que je fais mieux que les
autres, que j’ai une « valeur ajoutée ».

Il vous suffit de trouver votre valeur ajoutée.

Trouvez votre valeur ajoutée


Lorsque nous étions petites, ma mère avait décidé de nous inscrire, ma
sœur et moi, au cours de musique de l’école. Pendant trois ans, nous y
sommes allées tous les mercredis après-midi : cours de flûte et cours de
solfège. On était travailleuses et assidues, mais lorsque le professeur de
musique a conseillé à mes parents de nous faire tripler notre classe de
solfège, ils ont dû se rendre à l’évidence : on était NULLES. Mais alors,
d’une NULLITÉ ! C’est simple, on n’était pas loin du handicap musical.
Je me souviens que le prof me disait : « Mais Anne-Sophie, tu entends
quand même que tu joues faux, non ?! »
Pas du tout ! Je n’entendais pas que c’était faux, et pire encore, comme je
jouais très fort, portée par mon enthousiasme, on entendait que moi.
Résultat, pour le spectacle de fin d’année, le professeur nous a demandé,
à ma sœur et à moi, de ne pas jouer pendant les couplets, histoire qu’on
entende un peu les autres… jouer juste.

J’aimerais vous dire qu’à force de travail et de volonté, j’ai surmonté mes
difficultés en musique, mais non, j’ai arrêté.
L’année d’après, je me suis inscrite au cours de théâtre de la MJC, et je
n’ai plus jamais entendu dire que j’étais nulle, que je n’y arriverais jamais,
et que je gâchais le spectacle. Au contraire, on m’a valorisée, j’ai pris
confiance en moi, on m’a même donné le rôle principal dans le spectacle de
fin d’année, le rôle du roi dans Les Macarons du bon roi Augustin, la
consécration !
(Ma performance s’est résumée à réciter deux phrases, en portant une
cape et une fausse moustache, mais c’est quand même trop la classe de
porter une cape.)

Nous sommes tous exceptionnels, nous avons tous une valeur ajoutée,
mais pour en prendre conscience, il faut apprendre à se connaître, et à
s’aimer, au moins un peu.

Alors bien sûr, tout le monde ne peut pas être Mozart ou Usain Bolt ou
même un entrepreneur à succès, même si la plupart des livres, coachs, posts
LinkedIn, nous disent le contraire. D’ailleurs, même eux avaient des
lacunes ; il paraît qu’Usain Bolt était nul en math, qu’Albert Einstein
courait doucement, et que Marie Curie était une piètre cuisinière (mais elle
avait peut-être autre chose à faire, remarque).

« Tout le monde est un génie.


Mais si vous jugez un poisson
sur ses capacités à grimper à un arbre,
il passera toute sa vie à croire qu’il est
stupide. »
Albert Einstein

Personne n’a le droit de vous faire penser que vous êtes stupide. Vous
n’êtes pas stupide, vous êtes juste au mauvais endroit et/ou avec la
mauvaise personne.

Et si on était tous hypersensibles ?


Je discutais avec des collègues et l’un d’eux a dit : « Ah oui, mais moi,
c’est pas pareil, je suis hypersensible. »
Un autre : « Je comprends, moi aussi. »
Un autre : « Ah bah moi, je suis ultrasensible ! »

Quoi ?! Alors celui-là, je ne le connais pas, on peut être « ultrasensible »


?
Ah bah, à tous les coups, je le suis !
Mon collègue m’a expliqué que les ultrasensibles seraient des
hypersensibles hyperempathiques, tout moi !
À partir de ce moment-là, j’étais persuadée d’être « ultrasensible ». Alors
j’ai voulu vérifier (de manière très scientifique), j’ai donc fait : un test sur
Internet.

« Comment savoir que vous êtes ultrasensible ? »

1. Forte sensibilité aux sons, aux lumières et aux odeurs.


2. Vous vous sentez en décalage avec le monde qui vous entoure.
3. Vous êtes indécis.
4. Vous laissez facilement vos émotions vous submerger.
5. Vous êtes sensible aux émotions des autres.
6. Vous avez souvent besoin de vous isoler.
7. Vous êtes empathique.
8. Votre intuition est très développée.
9. Vous êtes sensible à l’art.
10. Vous avez un besoin irrépressible de créer.

Je vous mets au défi de lire cette liste et de me dire :


« Non, pas moi. Je ne suis pas du tout sensible aux odeurs. Je ne suis
absolument pas sensible aux émotions des autres, je n’en ai même rien à
carrer. »

Mais alors, est-ce qu’on ne serait pas tous hypersensibles ?


Et si on part de ce principe, ne devrions-nous pas trouver des listes sur
Internet : « Comment savoir que vous n’êtes pas hypersensible ? » Ce serait
plus logique.

On a tous au fond de nous la volonté d’être un peu spécial, et on espère


que le monde va finir par s’en rendre compte, comme dans ce teen movie,
Elle est trop bien : dans un lycée américain, une fille assez quelconque est
relookée et devient une bombe, ultrapopulaire. Tout le monde se rend alors
compte qu’elle est incroyable et qu’il suffisait de lui enlever ses lunettes et
son appareil dentaire, tadam !
Sauf que cette fille était déjà géniale avant qu’on lui enlève ses lunettes et
son appareil dentaire, et on n’aurait pas dû avoir besoin que le quarterback
du lycée s’intéresse à elle pour s’en rendre compte.

Alors moi, je vous le dis,


vous êtes déjà génial·e !
9. Vers une génération d’égoïstes

J’avais une très bonne copine, avec qui je passais beaucoup de temps à
une époque. Un jour, je lui parlais des soucis de santé de ma mère, du fait
qu’elle devait aller à l’hôpital pour faire de nouveaux examens, et ma
copine m’a coupé la parole : « Tu veux qu’on fasse un truc ce soir ? » J’ai
tiqué mais j’ai continué mon explication, elle m’a alors recoupé la parole : «
Bon, on y va ?
— Excuse-moi, mais je suis en train de te parler de ma mère là,
pourquoi tu ne me laisses pas finir ?
— Je suis désolée mais moi, tout ce qui est hôpital, j’aime pas trop. »

J’aurais voulu lui répondre : « Ah merde, et moi qui pensais que tu


adorais parler de maladie et de mort, je suis déçue, j’avais prévu de te
raconter la mort de mon grand-père et de te montrer des photos. » Mais je
n’ai rien trouvé à dire.
Voyant que j’étais vexée, elle a ajouté : « Comme je suis hypersensible, je
préfère me protéger des mauvaises ondes, tu comprends ? Moi je veux du
kiff. »

Je n’ai toujours rien trouvé à dire. Je n’ai même jamais vraiment compris
ce qui l’avait poussée à faire preuve d’aussi peu d’empathie, parce que la
vérité c’est qu’on ne peut pas se protéger de tout et mettre de côté les gens
qui vont mal, juste pour « éviter les mauvaises ondes », car, attention
spoiler :

La vie, c’est pas que du kiff,


et
le malheur n’est pas contagieux.

Cœur sur vous et sur les autres


Le self love (« amour de soi ») et self care (« prendre soin de soi ») sont
des concepts importants : avoir de l’amour pour soi, de la compassion pour
soi, est essentiel, et ça peut être un vrai travail de construction pour ceux
qui n’ont pas reçu assez d’amour ou de compassion dans leur enfance.

Cependant, un des reproches les plus courants faits au


développement personnel, ou au self love, est qu’ils ont tendance à nous
éloigner de nos semblables.

D’après le psychiatre et écrivain Christophe André, le développement


personnel a tendance à tourner l’individu vers lui seul, alors qu’il faudrait
au contraire tenir compte de l’écosystème relationnel de la personne : « Le
développement personnel axé sur l’ego est une erreur profonde et c’est la
tournure que prennent les événements […]. »

« Tout ce que je suis, je le dois à d’autres […]. Tous mes succès je les
dois en partie à d’autres. »
« Le collectif est en train de disparaître au profit de l’individuel et c’est
extrêmement dangereux. »

Il ne faudrait jamais oublier l’interdépendance entre soi et les autres.

Il faut absolument continuer à être attentif à ce qui se joue autour de


nous, à écouter les autres. On ne vous demande pas de régler les problèmes
des gens, mais juste d’être là, ne pas vous débiner, ne pas fuir : juste une
présence sincère.

Le psychiatre et docteur en psychologie Serge Tisseron décrit l’empathie


comme le fait de pouvoir se mettre à la place de quelqu’un, au moins
partiellement : « La capacité d’empathie est inhérente à l’espèce humaine.
Elle implique de pouvoir se mettre à la place d’autrui et de ressentir ce qu’il
éprouve, aussi bien pour s’attrister que pour se réjouir avec lui. »
(L’Empathie au cœur du jeu social, Albin Michel, 2010.)

Il y aurait une dimension émotionnelle mais aussi une dimension


cognitive dans l’empathie, par la reconnaissance des expressions, des
mimiques, des intonations…
De récentes études ont montré que, dès 14 mois, les bébés viennent en
aide aux autres de manière spontanée. L’empathie cognitive apparaîtrait
entre 4 et 5 ans, dès que les enfants sont capables de décrypter ce que
l’autre ressent.

D’après plusieurs études, l’empathie s’apprend, elle se transmet,


ainsi que la compassion et la solidarité. Mais pour cela, encore faut-il
être tourné vers les autres.
II.
REDÉFINIR LA RÉUSSITE
1. L’escroquerie du « si tu veux tu peux »

L’un des trésors du développement personnel est « la pensée positive » et


tous ses dérivés, qui, si je devais faire un résumé, nous promettent que SI
ON VEUT, ON PEUT, avec des centaines de variations :
« Tout est une question de volonté. »
« Le pouvoir du subconscient. »
« La pensée magique. »
« La prophétie autoréalisatrice. »
« La pensée constructive. »
« La visualisation créatrice. »
« L’imagerie mentale. »
« La loi de l’attraction. »
La pensée positive est basée sur l’autosuggestion. Pour résumer : si vous
voulez quelque chose assez fort et que vous le visualisez, vous l’aurez.

« Ça marche ! Moi, j’ai voulu une fille et j’ai espéré très fort, eh bien,
j’ai eu une fille ! » Et le fait que tu avais une chance sur deux d’avoir une
fille n’a donc rien à voir là-dedans ? Je pose la question.

Évidemment, on ne remet pas en question la force du mental, qui n’est


plus à démontrer, mais le principal danger de la pensée positive, c’est que
ça sous-entend que si ça ne marche pas, c’est que vous ne l’avez pas assez
voulu, vous n’avez pas assez positivé, visualisé, travaillé… En gros, que
c’est de votre faute.
Et c’est là que ça cloche, car non, tout n’est pas de votre faute !

La vérité c’est que la vie est ponctuée d’échecs, de regrets, de


blessures et même de morts, et que vous n’y pouvez rien. Vous n’êtes
pas surpuissant. Vous n’êtes pas Dieu.

De la nécessité de rêver
Loin de moi l’idée de vous dire de ne pas avoir d’ambition, de
prétentions ou de rêves. Bien au contraire, il est important, voire nécessaire
de rêver, pour s’échapper, pour supporter un quotidien trop dur. Certaines
fois, c’est même la seule façon de survivre.
Il y a un âge où il faut pouvoir penser qu’on peut être une licorne si on
veut être une licorne, et puis il y a un âge où on se rend compte que quoi
qu’on fasse, on ne sera jamais une licorne ou Beyoncé (ce qui revient à peu
près au même). Mais il est important de comprendre que si on ne peut pas
être une licorne, ce n’est pas grave et surtout, ce n’est pas de notre faute.

L’un des dangers majeurs des rêves, c’est qu’ils démotivent pour passer à
l’action : si notre objectif est trop haut, on ne se lance pas, on reste là, à le
regarder et à s’imaginer comme ça doit être trop bien d’y arriver.

Il faut pouvoir créer


un pont entre le rêve et la réalité.

Visualiser notre but, mais se fixer des échéances accessibles.


Au lieu d’être dans l’échec, on est dans la réussite de chaque étape et
on apprécie d’autant plus le chemin.

C’est là que mes listes m’aident beaucoup : je visualise mon but et je liste
chaque étape, aussi minime soit-elle, puis je les classe. Il est très important
de hiérarchiser.

Vous pouvez avoir l’impression qu’il y a trop d’étapes, mais c’est parce
que vous regardez trop haut.
Il ne faut plus voir des étapes mais plutôt une liste de potentielles
réussites.
C’est pour ça que j’ai toujours aimé cocher mes listes, parce que chacune
d’elles est une réussite.
2. Le mythe du self-made-man

« Ma mère dirige la boîte, mais ce stage, je ne le dois qu’à mon travail et


à ma volonté. »
« J’ai réussi tout seul à reprendre la boîte de papa. »
« Tout ce que j’ai, je ne le dois qu’à moi. »
MOUAHAHAHA (rire un peu gras).

On a tous en tête cette magnifique actrice, petite-fille d’un des hommes


les plus influents de l’industrie du cinéma, qui nous explique qu’elle a
réussi grâce à son seul talent et à sa seule volonté… Bon, vous lui dites ou
je le fais ?

Si vous vous souvenez un peu de vos cours d’économie au lycée (pour


ceux qui en ont eu), on vous a parlé du sociologue Pierre Bourdieu et de sa
théorie selon laquelle l’individu ne possède pas et ne reçoit pas seulement
en héritage un capital matériel, mais aussi d’autres éléments tout aussi
importants :
– Le capital économique : ses revenus et son patrimoine.
– Le capital social : son réseau.
– Le capital culturel : l’ensemble des ressources culturelles et/ou
intellectuelles dont il dispose.
On pourrait aussi ajouter le « capital génétique », que nous recevons en
héritage.
Tout ça fait ce que nous sommes, nous ne le choisissons pas et d’ailleurs,
nous n’en sommes même pas forcément conscient.

Le sociologue Émile Durkheim parle, quant à lui, de « déterminisme


social ». Selon ce concept sociologique, les pensées et les comportements
des individus seraient le fruit d’une contrainte sociale s’exerçant sur eux, le
plus souvent sans qu’ils en aient conscience.
D’après Durkheim, nous ne serions pas maîtres de nos actions, mais
contraints de les réaliser sous la pression de la société. Nous ne serions
donc pas vraiment libres d’agir comme on l’entend.

Vous n’êtes pas responsable


de ce qu’on vous a légué.

Le problème du développement personnel est qu’il place l’individu au


centre de tout, tout serait de SA responsabilité, grâce à SON travail, SA
volonté, SA détermination, mais il oublie que l’on ne réussit que grâce aux
autres.
On ne réussit que parce que d’autres nous ont fait la courte échelle, nous
ont préparé à réussir ou nous ont simplement laissé la place. Sans les autres,
on n’est rien.

Tout n’est pas


qu’une question de travail et de volonté.
La philosophe Chantal Jaquet, spécialiste de Spinoza, parle de la volonté
comme de la partie visible de l’iceberg : « C’est moins une cause qu’une
conséquence. »
« Le concept central de Spinoza, c’est celui de puissance d’agir, il n’est
pas question de penser une sorte de résignation socialisée à l’assignation à
une classe, il n’est pas question non plus de libre arbitre, qui lui paraît
illusoire. […] La notion de puissance d’agir met l’accent sur le fait que
nous avons une capacité à agir, mais cette capacité à agir n’est pas une
capacité solitaire coupée du reste, elle se fait toujours dans un réseau de
déterminations externes, internes. » (Les Expressions de puissance chez
Spinoza, Éditions de La Sorbonne, 2005.)

Spinoza réconcilie le déterminisme et la liberté.

La puissance d’agir ne serait ni dans le volontarisme (« si on veut on peut


»), ni dans le fatalisme (« tout est joué d’avance »), mais bien entre les
deux.

Vous n’êtes pas responsable


de ce qu’on vous a légué,
mais vous êtes responsable
de ce que vous en faites.

« Si tu peux, tu veux »
Chantal Jaquet a écrit sur les transfuges de classe. Le « transclasses » est
un individu « ayant vécu un changement de milieu social au cours de sa vie
».
Elle s’interroge sur la possibilité de quitter sa classe sociale, « grâce à
son ambition, à son propre travail, au pouvoir de la volonté »…
Elle questionne le concept même du « si tu veux, tu peux », et parle
plutôt du « si tu peux, tu veux », car il faut pouvoir visualiser quelque chose
pour le désirer, et pour ça, il faut pouvoir se projeter.
« Si vous n’avez aucune possibilité, si vous n’avez aucun imaginaire, si
personne ne vous fait la courte échelle, comment pouvoir s’extirper d’une
situation qui s’est reproduite… » (Les Transclasses ou la non-reproduction,
PUF, 2014.)

Quand j’étais enfant, j’étais bonne élève, et, en sixième, je me disputais


souvent la première place avec une autre élève, Mélanie. Mélanie habitait le
même lotissement que nous et nos pères travaillaient tous les deux à la
mine. Elle était jolie, paraissait très sûre d’elle et avait de longs cheveux
blonds raides dont j’étais jalouse.
Un jour, en classe, on nous a demandé ce qu’on voulait faire plus tard
comme métier. La fille de la coiffeuse a répondu « coiffeuse », le fils du
médecin a répondu « médecin », et Mélanie a répondu « infirmière ».
Je me souviens que ma sœur lui a demandé : « Tu ne veux pas être
docteur ? »
Mélanie a alors répondu : « Ah ben non, quand même pas ! »
Ma sœur a insisté : « Mais toi, tu peux être chirurgien si tu veux. »
Mélanie a ri : « Pfff n’importe quoi ! »

Ce n’est pas que Mélanie ne VOULAIT pas être médecin, c’est que
Mélanie ne savait pas qu’elle POUVAIT être médecin.

La plupart des gens ne savent pas qu’ils peuvent faire quelque chose,
donc ils pensent qu’ils ne veulent pas. D’où le « si tu peux, tu veux. »

Je ne sais pas ce que fait Mélanie aujourd’hui, je sais juste qu’elle n’est
pas devenue médecin.
Je ne développerai pas ici le syndrome de l’imposteur, exacerbé chez les
femmes, mais je vous invite à lire l’essai de ma sœur (Marie-Aldine Girard,
Rivales, Flammarion, 2022), qui parle de ce sujet.

Personne n’a dit à Mélanie


qu’elle pouvait faire et être ce qu’elle voulait.

Vous ne réussirez pas seul


Ma sœur jumelle et moi avons eu la chance incroyable d’avoir des
parents qui nous ont appris qu’on pouvait être ce qu’on voulait, et c’est le
plus beau cadeau qu’ils pouvaient nous faire. Je profite d’ailleurs de ce
chapitre pour leur répéter à quel point je leur en suis reconnaissante.

Ma sœur et moi sommes des « transfuges de classe » ; nous venons d’un


milieu ouvrier. Quand nous sommes nées, mon père était électricien dans
une mine d’uranium et ma mère, mère au foyer.
Ma mère venait d’avoir 17 ans et mon père n’était pas beaucoup plus
vieux.
J’arrive juste à imaginer la force de caractère dont ils ont dû faire preuve
pour élever des jumelles aussi jeunes. Alors que je m’intéresse aujourd’hui
aux déterminismes sociaux, je suis d’autant plus admirative de ce qu’ils ont
fait.

Parce que la vérité c’est que c’est eux qui nous ont fait la courte
échelle, en nous laissant rêver. Alors, non, nous n’avons pas eu de réseau,
de piston, ni même de sécurité financière, c’est pour ça que j’ai cru pendant
longtemps que je m’étais « faite toute seule », mais c’est faux.
J’ai réussi grâce à mes parents qui m’ont fait confiance, j’ai réussi grâce
à l’État français qui m’a donné des bourses d’études, j’ai réussi grâce à ma
sœur qui m’a épaulée, grâce à mes amis…
On peut réussir grâce à un professeur, une rencontre décisive, un regard
bienveillant, même de loin,

mais on ne réussit jamais seul,


il n’y a pas de self-made-man.
3. De l’importance d’apprendre à échouer

Le jour de ma naissance, je suis arrivée deuxième. J’ai une sœur


jumelle et elle est sortie avant moi ; donc, si ça avait été une course, j’aurais
perdu avant même de commencer. En voilà un beau départ dans la vie.
Je pense sincèrement qu’avoir une sœur jumelle a été un cadeau immense
pour moi, parce qu’on ne m’a pas laissée gagner comme on a tendance à le
faire avec les autres enfants. On ne m’a pas laissé la fève ou la meilleure
place, non, il fallait que je partage tout, ma chambre, mon anniversaire ou
même le ventre de ma mère, et quelque part, ça a été ma chance.
Je plains ces enfants qui ont été constamment ménagés, à qui on a
toujours fait croire qu’ils étaient les meilleurs, les plus forts, pour qui tout a
été facile, à qui on a évité toute frustration. Le choc a dû être terrible.

D’après l’auteur et docteur en psychologie Didier Pleux : « Les enfants


qui ont été valorisés à outrance deviennent des adultes qui ont une grande
estime de soi et une grande confiance en eux mais des gens potentiellement
malheureux et vulnérables. Car, pour quelqu’un qui a toujours été dans le
principe de plaisir, le principe de réalité est excessivement dur, tout
s’effondre. »
On devrait tous apprendre à échouer
et ce, dès le plus jeune âge.

Vous allez rater des choses.


Vous allez ne pas être invité.
Vous allez vous faire plaquer.
Vous allez perdre.
Vous allez être écarté de projets.
Vous allez vous planter.
Vous allez échouer.
Tout ça va vous arriver et tout ça va vous apprendre à savourer la réussite
quand elle se présentera.

« Le succès c’est d’aller d’échec en échec,


sans perdre son enthousiasme. »
Winston Churchill

Vous faites déjà de votre mieux


Quand j’ai eu ma fille, je voulais évidemment faire au mieux, alors je me
renseignais partout, je lisais des livres, regardais des émissions spécialisées,
écoutais des podcasts… Je n’avais pas encore accouché que j’étais déjà
pressurisée par cette notion de réussite, et ce n’était que le début des
emmerdes.

Je me souviens, par exemple, d’un article sur « Comment réussir sa


diversification alimentaire », qui m’avait particulièrement mis la pression :
« Oh mon Dieu ! Mais qu’est-ce qu’il va se passer si je rate sa
diversification alimentaire ?! Est-ce qu’elle va boire des biberons toute sa
vie ?! Elle a 6 mois et j’ai déjà raté un truc ! »
Rien que parce que j’ai écrit cette phrase : « Elle a 6 mois et j’ai raté sa
diversification alimentaire », je m’expose aux conseils, aux leçons, aux
critiques…
« Quoi ? Tu la commences seulement à 6 mois ? Tu sais que c’est 4
normalement ! »
« Ah mais ça, c’est parce que tu ne l’as pas allaitée, c’est pour ça. »
« Tu n’as pas essayé la DME ? La diversification menée par l’enfant ?
C’est tellement mieux ! »

AAAAAAH ! Cette pression est insupportable.

De toute façon, en matière d’éducation, même avec la meilleure volonté


du monde, on fera des erreurs, nos enfants finiront par nous en vouloir,
leurs futurs psys leur expliqueront que tout est de notre faute alors,
détendez-vous. Vous faites déjà de votre mieux.

Vous faites de votre mieux avec les armes qu’on vous a données, que
vos parents vous ont données, que leurs parents, avant eux, leur ont
données. Et oui, vous ferez des erreurs.

« Les enfants commencent par aimer leurs


parents ;
devenus grands ils les jugent ;
quelquefois ils leur pardonnent. »
Oscar Wilde
Et si on se disait la vérité ?
Ma fille a marché à 17 mois et 2 semaines, je me rappelle des « deux
semaines », car à en croire les autres parents et professionnels de la petite
enfance : « C’est tard. » Je me souviens encore de ces parents, tout fiers de
me dire que leur enfant a marché à 10 mois…

Et alors quoi ?
On va vous donner une médaille ?!

Et puis, foutez-lui la paix à ma fille, elle n’a que 17 mois et 2 semaines,


elle ne va pas marcher à quatre pattes toute sa vie. Quelle pression sur ses
épaules, sur les miennes…

Je me souviens d’un goûter organisé par des parents de la crèche, où


chacun jouait à « mon enfant est meilleur que le tien » :
« Andrea a marché à 10 mois.
— Paloma, c’était à 12 mois, mais elle est vraiment très en avance en
motricité fine.
— Mon plus grand parle trois langues… »
Quand ça a été mon tour de parler, j’ai dit : « Vous avez de la chance, moi
ma fille mange de la terre et ne marche pas, à 17 mois passés. »
Ils m’ont tous regardée, et quelques secondes plus tard, une des mamans
a ajouté :
« Eh ben moi, je crois que ma fille n’est pas très futée. »

On a passé le reste du goûter à critiquer nos enfants en riant et on a passé


un super moment, on avait juste arrêté de faire croire que tout était parfait.
Dans la discussion, l’une des mamans nous a fait comprendre qu’elle
avait fait une grosse dépression post-partum, celle dont l’enfant parle trois
langues justement. Elle en a un peu parlé et je pense que ça lui a fait du
bien, parce que, dire que ça ne va pas, ça fait vraiment du bien.

Tout le monde a peur d’être jugé, d’être rejeté par le groupe. C’est
naturel, c’est presque animal, mais si on part du principe que tout le monde
a peur, alors c’est que tout le monde a besoin d’être rassuré. Alors je vous
rassure :

Tout le monde a peur.


Tout le monde échoue.
Tout le monde fait des conneries.
Et tout le monde regarde ou regardera un jour son enfant en se
disant : « C’est moi ou il est complètement con ? »

La peur du regard des autres


D’après une étude, « les gens ont plus peur du regard des autres que de la
mort ».
Cette phrase m’a autant fascinée qu’effrayée.
La peur du regard des autres est un de nos pires ennemis, car elle nous
pousse à nous poser sans cesse des questions du genre : « Qu’est-ce qu’on
va penser de moi ? »
Mais pire encore, à spéculer sur les réponses : « On va penser que… », «
On va dire que… », « On va moins m’aimer si je… »

Car il est là le sujet : notre besoin irrépressible d’être aimé, adoubé,


cautionné et de rechercher tout ça dans le regard de l’autre.
Alors déjà, 1re chose : Tout le monde a peur.
« N’importe quoi ! Je n’ai absolument pas peur du regard des autres. »
Eh bien écoute, tant mieux pour toi, mais sache que tu es une exception, car
nous, simples mortels, sommes terrorisés par le regard des autres, par leur
possible jugement. C’est comme ça, et c’est aussi ce qui fait de nous des
êtres humains capables de faire société.

2e chose : Si on a peur du regard des autres, c’est que les autres ont
peur de notre regard.
Je crois que beaucoup de choses se sont débloquées dans ma vie quand
j’ai compris que les autres aussi avaient peur.

3e chose : Tout le monde s’en fout.


« Les gens vont penser que… » Faux ! Les gens s’en foutent.
Ce qui intéresse les gens, c’est eux, pas nous, et c’est se donner beaucoup
d’importance que de penser le contraire.

4e chose : Si on a peur du regard des autres, ce n’est pas de notre


faute.
La confiance en soi (ou estime de soi, c’est selon) se joue très jeune, en
étant rassuré, valorisé, sécurisé, et nous n’y sommes pour rien.

Tout le monde ne nous regarde pas


Je devais avoir 11 ou 12 ans, vous savez cet âge où tout est « la honte » et
où on donne une importance disproportionnée à ce que les autres peuvent
penser de nous.
À cette époque, je croyais même qu’on pouvait littéralement mourir de
honte.
J’étais en sixième et c’était le jour de la photo de classe. Toutes les
classes y passaient, les unes après les autres. Avant la photo, j’ai demandé à
aller aux toilettes, et arrivée là-bas, j’ai entendu quelqu’un pleurer. C’était
une fille de quatrième, une grande brune, très jolie, je l’avais souvent vue
dans la cour, elle faisait partie des filles populaires.
Elle était là, assise sur le sol, en pleurs, elle se balançait frénétiquement
en répétant « C’est trop la honte, c’est trop la honte ! », elle suffoquait.
C’était la première fois que je voyais quelqu’un faire une crise de nerfs et
c’était assez impressionnant ; je l’ai aidée à mettre de l’eau sur son visage et
à se calmer.
Après un moment, elle a réussi à me dire ce qui n’allait pas.
Elle portait des baskets neuves et les trouvait trop blanches pour la photo
de classe : « Tout le monde va penser que j’ai mis des baskets neuves juste
pour la photo, t’imagine ? La honte ! »
C’était donc ça ; elle avait mis des baskets neuves pour la photo de classe
et était terrorisée à l’idée qu’on pense qu’elle avait mis des baskets neuves
pour la photo.
(Je vous laisse un temps pour assimiler cette information.)
Je ne comprenais pas trop cette histoire de baskets mais j’ai proposé de
l’aider, alors je lui ai écrasé les pieds, on a craché dessus, on les a salopées
en trente secondes ses baskets neuves, et la fille est ressortie des toilettes.
Elle a rejoint sa classe et a posé pour la photo, rayonnante, avec ses baskets
dégueulasses.

Personne, en la voyant poser sur la photo, n’aurait pu imaginer le drame


qui s’était joué quelques minutes plus tôt dans ces toilettes.
Je n’ai jamais reparlé à cette fille (vous pensez bien, elle était en
quatrième et les quatrièmes ne parlent pas aux sixièmes, « c’est trop la
honte »), mais j’y ai souvent repensé.

Les gens paraissent sûrs d’eux


mais dites-vous bien qu’on ne sait jamais
les drames qui se jouent dans les toilettes.
C’était la première fois que je prenais conscience de la différence entre ce
que quelqu’un peut ressentir et ce qu’il ou elle veut bien laisser paraître.
Aujourd’hui, quand je regarde les réseaux sociaux, je me demande
souvent :
« Que s’est-il passé dans les toilettes ? »

On devient plus indulgent lorsqu’on prend conscience que personne n’est


véritablement sûr de lui. Je connais peu de gens qui disent : « Moi, j’ai une
extrême confiance en moi. »
En réalité, j’en ai croisé quelques-uns, mais croyez-moi, ceux-là ont
beaucoup d’autres choses à régler.
Dans la grande majorité des cas, le regard des autres nous pèse, nous
angoisse, voire nous terrifie, mais en aucun cas il ne doit pouvoir nous
paralyser.

Tout le monde ne nous regarde pas.


Tout le monde ne nous déteste pas.
Tout le monde ne nous critique pas.
La vérité, c’est que tout le monde s’en fout.

Les gens ne nous regardent pas, et s’ils le font, ils ne regardent en nous
que ce qui est insécurisant chez eux, et donc, ça devient leur problème et
plus le nôtre.

J’ai une amie qui passe son temps à critiquer les pieds des gens. Elle est
capable de me décrire les pieds de tous ceux qu’elle croise : « Bella Hadid,
la pauvre, elle a vraiment des pieds dégueulasses ! »
Tu as raison, c’est vraiment la première chose qu’on se dit en voyant
Bella Hadid !

Un jour, elle m’a expliqué qu’elle détestait ses pieds et que, du coup, elle
regardait toujours les pieds des gens. Perso, je me fous royalement des
pieds des gens, mais c’est tout simplement parce que je n’ai aucun
problème avec les miens.
En revanche, je regarde plein d’autres choses, et je suis consciente
aujourd’hui que je regarde chez les autres ce qui me gêne chez moi, pour
me rassurer.

Ne plus regarder les autres pour se rassurer,


se sentir assez en sécurité pour ne plus avoir
à le faire,
c’est le signe qu’on a réglé beaucoup de
choses.

Ne laissez personne vous empêcher de faire de la


balançoire
Je devais avoir 9 ou 10 ans et, avec ma sœur, on adorait faire de la
balançoire sur le terrain au milieu de notre lotissement. Un jour, des filles
sont passées devant nous et se sont moquées de nous. Elles ont dit qu’on
était trop grandes pour faire de la balançoire, que c’était pour les bébés.
Avec ma sœur, on est allées voir ma mère, qui nous a expliqué que si
elles avaient dit ça, c’était parce qu’au fond d’elles, elles avaient sûrement
envie, elles aussi, de faire de la balançoire mais qu’elles n’osaient pas, et
que c’était leur problème et pas le nôtre. « Vous aimez faire de la balançoire
? Bon, ben, c’est quoi le problème ? Allez faire de la balançoire. » Fin de la
discussion.

On a donc continué à faire régulièrement de la balançoire, et un jour, on


est allées au terrain, et une des filles, la plus grande, était là avec son petit
frère. Je lui ai demandé si elle voulait essayer, et la grande fille est venue
faire de la balançoire avec nous. J’adorerais vous dire qu’elle est devenue
championne de balançoire (j’aimerais d’ailleurs vous dire que cette
discipline existe), mais non, je ne l’ai même jamais recroisée, toujours est-il
que ma mère avait raison :

Au fond d’elle, cette fille voulait faire de la balançoire.

Bien sûr, tout le monde n’a pas la chance d’avoir une maman qui lui
explique qu’il a le droit de faire de la balançoire s’il en a envie, et tout le
monde n’a pas une sœur pour en faire avec lui…

Mais si vous kiffez faire de la balançoire,


ne laissez personne vous en empêcher.

Si les autres ne veulent pas faire de la


balançoire,
c’est leur problème, pas le vôtre.
4. Ne voyez pas d’échec là où il n’y en a pas

« Autruche » ou « Lucide » ?
Il existerait deux sortes de personnes (en réalité, il existe 8 milliards de
personnes mais on n’a pas vraiment le temps de tout développer ici, alors
j’ai condensé en deux catégories) :

Les Optimistes et les Pessimistes.

Les « Détends-toi, ça n’arrive qu’aux autres » et les « Avec la chance


que j’ai, ça va être encore être pour ma gueule ». En d’autres termes : d’un
côté ceux qui vivent dans le déni et de l’autre les paranoïaques. Je fais
partie de la deuxième catégorie.

Chez les « Optimistes », on trouve deux catégories :


Les Procrastinateurs : Optimistes par nature, ils ont tendance à ne pas
s’attaquer aux problèmes tout de suite, en espérant qu’ils s’arrangeront tout
seuls (« Je préfère ne pas y penser »), mais finissent quand même par les
régler, après qu’ils se sont bien accumulés.
Les Autruches : Ils ne règlent pas leurs problèmes, ils les fuient. Ils
mettent la tête dans le sable, très profond, en chantant très fort. (C’est une
image évidemment, personne ne peut s’enterrer la tête dans le sable et
chanter sans risquer une mort violente et douloureuse.)

Chez les « Pessimistes », il y a aussi deux catégories :


Les Lucides : Ceux qui savent qu’ils ont peu de chance d’y arriver mais
qui y vont quand même : « Oublie que tu n’as aucune chance, vas-y, fonce !
On ne sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher. »
Les Victimes : Ceux qui savent qu’ils ont peu de chance d’y arriver, alors
ils n’agissent pas, parce que « de toute façon, les dés sont pipés » et « tout
ce qui m’arrive est de la faute des autres ».

Les deux groupes ont leurs avantages et leurs inconvénients.

Les Optimistes :
Avantages : À court terme, la vie est douce et légère ; ne pensent pas aux
problèmes ; peu de pensées angoissantes.
Inconvénients : Peu préparés à régler les problèmes, ils les laissent
s’accumuler. À long terme, tout ce qu’ils ont mis sous le tapis risque de leur
exploser au visage. Peu d’empathie ; égoïsme ; peuvent causer des dégâts
sur leur entourage.

Les Pessimistes :
Avantages : Préparés à souffrir, ils ont appris à régler les problèmes ; fort
taux de résilience ; empathie et générosité.
Inconvénients : Fort sentiment d’imposture ; ne profitent pas de l’instant
présent ; projections anxieuses ; ont tendance à se sacrifier pour les autres
et/ou à s’oublier.
Je suis une pessimiste. J’ai l’impression que le slogan « À imaginer le
pire, on n’est jamais déçue », c’est moi qui l’ai inventé !
C’est simple, j’avais tellement peur d’être déçue que je ne m’emballais
jamais, et un jour, on m’a dit une phrase toute bête :

« Imaginer le pire,
c’est souffrir deux fois. »

C’est fou la force de ces petites phrases, ces citations qu’on écrivait dans
notre cahier de textes en cinquième ou qu’on se faisait tatouer dans le dos
(pour peu qu’on vienne de la région PACA).
Je souffrais effectivement deux fois : en imaginant le pire, et quand ça
arrivait.
Et quand ça n’arrivait pas, eh bien, j’avais souffert pour rien.
Pendant des années, j’ai envié la légèreté de ceux qui imaginent toujours
que tout va bien se passer, que tout va tourner en leur faveur…
J’ai mis longtemps à comprendre que je n’avais pas besoin de changer,
que c’était tout simplement ma nature. Ce dont j’avais besoin, c’était de
savoir ce que j’allais faire de ça.

N’oubliez jamais que ce n’est pas vous


qui décidez ce que vous êtes,
c’est votre histoire, votre éducation, vos
blessures
qui ont fait de vous ce que vous êtes.
Peut-être que les Lucides ont vécu des choses dures qui leur ont fait
toujours imaginer le pire, peut-être que les Autruches ont été des enfants
épargnés par les problèmes mais qui n’ont pas appris à les régler, et je vais
le répéter encore et encore jusqu’à ce que ça rentre : dans un cas comme
dans l’autre, CE N’EST PAS DE VOTRE FAUTE.
En revanche, ce qui est de votre faute, c’est ce que vous faites de tout ça,
et c’est là où les ennuis commencent…

« L’important n’est pas ce qu’on a fait de


moi :
mais ce que je fais moi-même
de ce qu’on a fait de moi. »
Jean-Paul Sartre

Ne voyez pas un échec là où il n’y en a pas


Il y a une photo que j’adore, qu’on trouve sur Internet : on y voit deux
enfants sur un podium. À la troisième place, un petit garçon tend fièrement
sa pancarte où est écrit « 3 » ; il a l’air si heureux, si fier, et à la première
place, un petit garçon tient sa pancarte « 1 », il pleure en regardant le petit
garçon sur la troisième marche : il a l’air d’envier son bonheur.

J’adore cette photo qui résume beaucoup de choses pour moi. Déjà, parce
que je reste persuadée qu’on s’amuse beaucoup plus à la troisième place, on
a moins de pression, et il nous reste même une marge de progression,
ensuite, parce que, que se passe-t-il quand on atteint la première place ?
Eh ben, déjà on est tout seul, et surtout, on a peur de la perdre.

Je n’envie pas ceux qui arrivent à la première place, et pour en avoir


côtoyé certains, croyez-moi, ce sont loin d’être les plus heureux.

« Il existe deux tragédies dans la vie.


L’une est de ne pas obtenir
ce que l’on désire ardemment.
L’autre est de l’obtenir. »
George Bernard Shaw
5. On arrêtera de se comparer

Durant ma grossesse, j’ai pris 21 kilos. Ça n’a jamais été un problème


pour moi, je savais que j’allais prendre du poids et que j’aurais besoin de
temps pour le perdre. Mais il s’avère que j’ai accouché quasiment en même
temps qu’une célèbre influenceuse, et quelques semaines après avoir
accouché, elle a posté une photo d’elle, en maillot de bain rouge taille
34/36, le ventre plat, les seins bombés, en posture de yoga et elle a écrit en
légende :
« Quand bébé ne fait pas ses nuits, dur de rester zen. »

Je venais moi-même d’accoucher, j’avais écrit un livre sur la maternité et


assez étudié le sujet du post-partum pour savoir que :

Au mieux cette fille nous mentait, au pire, cette fille se mentait.

Ma première réaction a été de l’insulter, je pense même que le mot «


connasse » a été prononcé, puis je me suis mise à rire (oui, seule, chez moi,
aaaaah les hormones), et enfin, je me suis mise à penser à l’état de ses
hémorroïdes.
Cette fille avait des hémorroïdes, cette fille pétait constamment, cette
fille allait devoir faire une rééducation du périnée.
À une époque, j’aurais cru cette fille au maillot de bain rouge, mais à ce
moment précis, je savais. Je l’ai alors regardée avec tendresse, puis je me
suis désabonnée de son compte, parce qu’il ne faut pas déconner non plus,
j’étais bourrée d’hormones : aujourd’hui je riais, demain je pouvais pleurer
fort en pensant que j’étais une merde.

Quand vous regardez quelqu’un avec envie, pensez à ses


hémorroïdes.

(Je ne suis pas complètement sûre que quelqu’un se tatoue cette phrase
un jour mais je tente le coup.)

Les réseaux sociaux sont un véritable danger


en ce qu’ils nous font croire
qu’ils représentent la vérité.

Le Human-Computer Interaction Institute de l’université de Carnegie-


Mellon a réalisé une étude qui nous apprend qu’une lecture passive des
posts de nos amis dans le fil d’actualité de Facebook ou Instagram
engendrerait un sentiment de solitude, voire de dépression.
Une autre étude, effectuée par des chercheurs du centre hospitalier
universitaire pédiatrique Sainte-Justine, à Montréal, montre que l’utilisation
des médias sociaux et de la télévision pourrait accroître les symptômes de
dépression chez les adolescents.
Des études ont été faites, les chiffres sont là, nous commençons à avoir le
recul nécessaire, et pourtant…
« Ce qu’il y a d’admirable
dans le bonheur des autres,
C’est qu’on y croit. »
Marcel Proust

Apprenez à gérer la réussite des autres


« Je suis très heureux pour elle. »
« Tant mieux pour lui. »
« Elle le mérite. »
On aimerait tous le penser, il arrive même qu’on le dise en public, mais
on peut s’avouer que, parfois, être confronté à la réussite des autres nous
renvoie à notre propre échec, ou pire, réveille en nous des sentiments de
jalousie, d’envie, ou encore d’injustice.

Attention, personne ne choisit d’être jaloux, si vous aviez le choix, vous


auriez sûrement préféré vous réjouir pour elle ou lui. Oui mais voilà,
aujourd’hui, vous n’en êtes pas capable.
Alors, je ne saurais que trop vous conseiller d’essayer de répondre à cette
question : Pourquoi ?
Qu’est-ce que ça réveille en moi ? Pourquoi ça et pas autre chose ?
Pourquoi elle ou lui et pas quelqu’un d’autre ?

Mais en attendant de faire ce travail, ménagez-vous.

Une amie qui cherchait à avoir un enfant m’a dit un jour qu’elle avait
enlevé de son Instagram toutes les futures et nouvelles mamans, pour se
ménager, et c’est sûrement ce qu’elle avait de mieux à faire.
Aujourd’hui, elle a un enfant et s’est inscrite à tous les groupes possibles,
elle n’a plus que de la puériculture sur son fil Instagram (trop !) mais
pendant un temps, elle n’arrivait pas à se réjouir pour les autres.

La jalousie et l’envie sont des sentiments qu’on ne maîtrise pas mais il


est important de savoir d’où ça vient, qu’est-ce qui fait que nous sommes
tellement en colère ?
Il est important de se questionner pour essayer de se réparer, parce qu’à
la rigueur,

qu’on soit jaloux·se de ce·tte collègue,


quelque part, on s’en fout,
mais savoir pourquoi on est jaloux·se,
ça, ça nous servira toute notre vie.

Ménagez-les !
On a appris à exposer notre bonheur, notre réussite, à les mettre bien en
évidence pour être sûr que tout le monde les voit, mais pourquoi a-t-on
tellement besoin que tout le monde sache ce qu’on vit et idéalement qu’il
sache « à quel point on est heureux » ?
Est-ce qu’on cherche volontairement à provoquer chez les autres un
sentiment d’envie ? Pourquoi a-t-on besoin de ça ? Est-ce que ça nous
rassure ?

« On est d’accord, hein ? Vous avez vu ? Je suis heureux ! »


Et si on arrêtait de montrer à quel point on est heureux et qu’on
commençait à l’être vraiment ? (Oh punaise, on dirait bien un livre de
développement personnel !)

Et si on commençait par ménager les autres ?

On n’est peut-être pas obligé de parler de notre super prime à notre ami
qui a du mal à joindre les deux bouts, ou de raconter à quel point on est
heureux avec notre nouvel amour à notre ami qui est en pleine séparation, et
on ne va pas envoyer nos échographies à nos amis qui galèrent à faire un
enfant depuis des années…
« Mais si c’était tes amis, ils devraient être heureux pour toi. »
Faux ! Leurs malheurs les empêchent peut-être d’être heureux pour nous.

Le malheur des gens,


ça se respecte, les amis,
ça se câline,
et surtout, ça se ménage.

Alors, évidemment, si vous voyez qu’il n’y a aucun sujet où votre ami est
heureux pour vous, c’est qu’il y a un problème, et le problème c’est lui, pas
vous.
« Si t’es souvent seul avec tes problèmes,
c’est parce que, souvent, le problème, c’est
toi. »
Orelsan
6. Différence entre réussite et image de réussite

« Lorsqu’un influenceur ne poste plus rien,


on ne sait jamais
s’il est mort ou heureux. »

D’après la philosophe Julia de Funès, dans son livre Développement


(im)personnel : « Les réseaux sociaux favorisent un environnement dense,
où les interactions sont nombreuses, mais ces connexions multiples
n’encouragent pas tant l’attention à l’autre que le souci du “moi” par
rapport aux autres. Il s’agit moins de reconnaître autrui que de se faire
reconnaître par autrui. La relation à l’Autre s’en trouve altérée. […] Le
relationnel s’estompe au profit d’un narcissisme mondain. »

Les réseaux sociaux créent des Narcisse 2.0.

Alain Ehrenberg, dans La Fatigue d’être soi, évoque ce narcissisme : «


Le narcissisme n’est pas cet amour de soi qui est un des ressorts de la joie
de vivre, mais le fait d’être prisonnier d’une image tellement idéale de soi
qu’elle rend impuissant, paralyse la personne qui a en permanence besoin
d’être rassurée par autrui et peut en devenir dépendante. »

« Le Narcisse 2.0 préfère encore et toujours


l’image idéale qu’il renvoie de lui-même
à la réalité fragile de ce qu’il est. »
Alain Ehrenberg

La vie avec un filtre


Je n’ai jamais autant posté sur les réseaux que quand j’étais mal, comme
si je voulais persuader le monde entier que j’allais bien, pire encore, comme
si je voulais ME persuader que j’allais bien.
Je ne vais pas développer ici les dangers des réseaux sociaux, les risques
pour les enfants qui y sont exposés, les conséquences dramatiques sur les
ados… Tout ça n’est plus à démontrer, on sait. On sait et pourtant, on y
croit.

On a tous envie de montrer la meilleure facette de nous-même, car au


fond, tout est une question de présentation. Je n’ai pas de problèmes avec
les réseaux sociaux, j’ai un problème avec les réseaux sociaux qui veulent
nous faire croire que tout va bien.

On m’a raconté une blague il y a des années : celle du comédien qui


rencontre un autre comédien et qui lui demande ce qu’il fait en ce moment.
« En ce moment, je passe pas mal d’essais, je développe une série, j’ai
attaqué l’écriture d’un roman, et j’ai plusieurs projets à l’étranger en
préparation, et toi ?
— Comme toi, rien. »
Je vous laisse le temps de rire (ou de relire ma blague pour ceux qui n’ont
pas compris).

Tout est une question de présentation,


de cadrage, de filtre
et de point de vue.
7. Quitte à avoir des problèmes, autant les choisir

Le bonheur, ce n’est pas


de ne pas avoir de problèmes.
Le bonheur,
c’est avoir des problèmes et les régler.

Règle no 1 : Accepter d’avoir des problèmes


Pour chaque chose que nous désirons obtenir, pour chaque but que nous
désirons atteindre, nous devons accepter les problèmes qui vont avec.

C’est d’ailleurs un bon test pour savoir si on veut réellement quelque


chose :
Est-ce que je veux les problèmes qui vont avec ?
Est-ce que je pourrai les supporter ? Et les régler ?
On peut vouloir être connu mais est-ce qu’on est prêt à subir les insultes
sur les réseaux sociaux ?
On peut vouloir être comédienne, mais est-ce qu’on est prête à subir les
frustrations, les humiliations, la misogynie, les salaires aléatoires, le fait
d’être dépendante du désir des autres, le fait d’être considérée comme ayant
une date de péremption…? Oups, je m’égare.

« Je veux un bébé, mais je ne veux pas qu’il pleure et je ne veux pas


changer des couches. »
OK, donc tu ne veux pas vraiment avoir un enfant. Et c’est OK.
Le jour où vous vous direz : « J’ai terriblement envie d’entendre pleurer
et de changer des couches », vous saurez que vous voulez vraiment un
bébé.

La question n’est plus seulement :


« Qu’est-ce que vous voulez ? »
Mais plutôt :
« Qu’est-ce que vous êtes prêt à endurer
comme emmerdes pour l’avoir ?
Et après l’avoir eu ? »

Règle no 2 : Choisir ses problèmes


En ce moment j’ai des problèmes avec les travaux de mon appartement.
J’ai choisi ces problèmes, dans le sens où j’ai décidé d’acheter un
appartement qui nécessitait des travaux. Mon amie a acheté un appartement
en même temps que moi, sans travaux mais plus cher, et elle s’est
confrontée à des problèmes de financement. Nous avons les problèmes qui
vont avec nos choix.

Le but n’est pas d’éviter


tous les problèmes ou de les nier,
mais plutôt de les choisir,
de les hiérarchiser et de les régler.

Quand j’ai commencé à jouer mon premier one-man-show, j’ai d’abord


dû louer une salle, et au départ, j’ai beaucoup angoissé. J’avais peur qu’il
n’y ait pas de public et que je ne puisse pas payer cette location, alors j’ai
fait des tas de listes.

Concrètement, s’il n’y a personne ce soir, qu’est-ce qu’il se passe ?


1. J’annule la représentation.
2. Je dois puiser dans mes économies pour payer la salle.
3. Je dois calculer combien de soirs annulés je peux financièrement
assumer.
4. Je dois me fixer un montant de perte au-delà duquel je devrai tout
arrêter.

Heureusement, je n’ai jamais eu à annuler une représentation, mais j’y


étais préparée, ce qui me permettait de ne pas angoisser chaque soir en
regardant l’état des réservations (en tout cas, moins). J’étais prête à assumer
les problèmes que j’allais potentiellement rencontrer.
Un fameux homme d’affaires, dont je tairai le nom (simplement parce
que je ne m’en souviens plus), à qui on demandait quel était le secret de son
succès dans les affaires, a répondu :
« Avant d’investir ou de me lancer dans un nouveau projet, je me pose
toujours la question : “Qu’est-ce que j’ai à perdre ?” Et si je suis OK avec
la réponse, je me lance. »

Quand vous angoissez pour quelque chose, demandez-vous toujours :


– Qu’est-ce que j’ai à perdre ?
– Au pire, qu’est-ce qu’il peut se passer ?
– Est-ce que ça va me mettre dans la merde ?
– Est-ce que ça va mettre d’autres personnes dans la merde ?
– Est-ce qu’un échec pourrait provoquer en moi une blessure d’ego dont
j’aurais du mal à me remettre ?

Il est important de se connaître pour répondre à ces questions, et nos


réponses changent tout au long de notre vie.
Mais si vous êtes prêt à assumer tout ça, alors foncez ! Qu’est-ce que
vous faites encore là ?!

Règle no 3 : Essayer de ne pas le regretter


« Choisir c’est renoncer. » (André Gide) Mais j’ajouterais : « Et essayer
de ne pas le regretter. » (Oui, je suis comme ça, je complète les citations des
grands auteurs.)
On ne pourra jamais être certain
d’avoir fait le bon choix,
mais on ne peut pas passer sa vie
à se poser la question.

« Et si je faisais une énorme erreur ? »


« Et si je le regrettais toute ma vie ? »
Faites-vous confiance, posez-vous, respirez, projetez-vous un peu :
« Est-ce que je suis prêt à assumer les pertes ? »
Et lancez-vous.

J’ai adoré être humoriste parce que je n’attendais pas plus de ce métier
que ce qu’il était capable de me donner. Il faut dire que quand, comme moi,
on ne s’attend à rien, on ne peut pas vraiment être déçu et chaque petite
victoire est une surprise.
Le jour où ce métier ne m’a plus rendue heureuse, j’ai arrêté.
Ça a été dur, mais c’était la meilleure chose à faire.

Sachez qu’il faut autant de courage pour arrêter que pour se lancer.

De l’importance de faire des choix


On va être clair, vous devez faire des choix, vous n’avez pas le choix, car
ne pas faire de choix, c’est déjà un choix.
(Bim ! Quatre fois « choix » dans la même phrase, qui fait mieux ?!)
Dans son livre Le Paradoxe du choix (Michel Lafon, 2006), le
psychologue américain Barry Schwartz nous explique qu’avoir trop de
choix est source d’angoisse – parfois paralysante, parfois cause de
dépression –, néfaste pour notre bien-être et nos économies. « Lorsque nous
sommes confrontés à trop d’options, le bonheur nous paraît inaccessible. »

Il y a quelques années, je parlais avec un copain humoriste et je lui ai


demandé comment allaient les amours (question insupportable, j’en
conviens) et il m’a répondu : « Je vois une fille, je l’aime bien, mais on
n’est pas ensemble. »
Sa réponse m’a intriguée, alors j’ai essayé d’en savoir plus :
« Comment ça, vous n’êtes pas ensemble ? Ça veut dire quoi ? C’est toi
ou c’est elle qui a décidé ça ? »
Et là, il m’a dit cette phrase que je n’oublierai jamais :
« Écoute Anne-Sophie, je vais essayer d’être clair : pour un mec, Paris,
c’est un grand magasin de jouets, et je ne vais pas passer à la caisse, alors
que si ça se trouve, la PS6 va bientôt sortir. »

C’était donc ça, cette fille était la PS5 et mon pote ne voulait pas
s’engager parce qu’il espérait trouver mieux.
Aujourd’hui, mon pote est toujours célibataire, tout simplement parce
qu’il y aura toujours une nouvelle PlayStation sur le point de sortir.
Et la PS5, elle, elle est maquée et heureuse avec un mec super qui n’a pas
eu peur de « passer à la caisse ».

Petite précision à l’usage de ceux qui chercheraient à faire un choix « entre la peste
et le choléra » :
Sachez que d’après l’Institut Pasteur, la peste serait mortelle dans 60 à 80 % des
cas, alors que pour le choléra, on est autour de 1,8 %.
Donc oui ! Il y a bien un choix évident à faire entre la peste et le choléra !
Et un autre conseil : évitez de faire ce genre de recherches sur Internet, ne tapez pas
« taux + mortalité + peste », vraiment, c’est un conseil d’amie, c’est presque aussi
anxiogène que de taper « herpès » dans Google Images.
8. À chaque problème, il n’y a peut-être pas de
solution

Pense-bête de la résolution de ses problèmes :


1. Ne pas faire semblant que tout va bien.
2. Identifier ses problèmes.
3. Les résoudre.
4. Passer au suivant.
5. Si on ne peut pas les résoudre, c’est que ce ne sont pas des problèmes,
donc on lâche prise.

Une de mes amies avait des difficultés pour tomber enceinte. Elle a subi
des traitements, des opérations, ça a duré très longtemps, et puis un jour le
couperet est tombé, une dernière opération allait faire qu’elle ne pourrait
plus jamais tomber enceinte.
Je pensais qu’elle allait s’effondrer, mais au contraire, elle m’a dit : « Au
moins, maintenant, ce n’est plus un problème. »
Elle avait essayé toutes les solutions pour tomber enceinte, maintenant
que cette possibilité était évacuée, elle pouvait se concentrer sur autre chose
et peut-être même sur une autre façon de devenir maman.

L’absence de solutions avait effacé le problème.


« À chaque problème, il y a une solution,
s’il n’y a pas de solution,
c’est qu’il n’y a pas de problème. »

Cette célèbre maxime veut tout simplement dire que s’il n’y a pas de
solution, le problème change de « case » : ce n’est alors plus un problème,
c’est « comme ça et c’est tout ».
Lorsque l’on vit un deuil par exemple, ce n’est pas un problème, c’est un
drame et on ne peut rien y faire.

Acceptez de ne rien pouvoir y faire.

Il est important d’identifier ses problèmes et de les hiérarchiser, pour


pouvoir s’y attaquer sereinement. Il y a souvent une case « Problème » et
une case « Je ne peux rien y faire ».

En ce moment, mon plus gros problème est un problème de dégât des


eaux, et là je me dis : « C’est plutôt très cool ! »
Ça ne veut pas dire que ça ne va pas m’empêcher de dormir, me bouffer,
pourrir mes soirées avec mon mec parce que je n’aurai pas d’autre sujet de
conversation. Ça ne veut pas dire que ça ne va pas me gâcher la vie, me
créer des angoisses, me pousser à taper sur Google en pleine nuit «
Possibilité effondrement immeuble suite à dégât des eaux » 1. Ça veut juste
dire qu’en ce moment, je n’ai pas de plus gros problème que ce dégât des
eaux.
Le bonheur,
ce n’est pas éviter les problèmes,
c’est les régler.
III.
REVOIR SES EXIGENCES…
1. … pour ne plus culpabiliser

« Cette connasse de Corinne »


Je culpabilise beaucoup, tout le temps, pour tout. Plus fort encore, je
culpabilise de culpabiliser.

Imaginons par exemple que je croise Corinne dans la rue (on va l’appeler
Corinne pour garantir son anonymat, puisque de toute façon, plus personne
ne s’appelle Corinne 1). Donc, je vois Corinne, Corinne me voit, nous
marchons vite et je n’ai pas le temps de lui dire bonjour.

1re étape : Je culpabilise


« Oh non, je ne lui ai pas dit bonjour, elle va penser que je l’ai snobée, la
pauvre… Oooh non, mais elle doit être tellement mal en ce moment. »
Alors non, à cet instant précis, c’est moi qui suis mal, pas Corinne. Je
suis mal parce que j’ai projeté quelque chose sur elle, parce que moi,
j’aurais été mal si on ne m’avait pas saluée, mais elle, je n’en sais rien.

2e étape : Je m’en veux de culpabiliser


« Mais enfin, tu ne vas pas te mettre dans un état pareil, tu as juste zappé
un bonjour, tu ne lui as pas craché au visage non plus. Faut arrêter de
culpabiliser pour ça ! Je suis vraiment trop nulle de me mettre dans un état
pareil. »
Et voilà, je culpabilise de culpabiliser ! C’est qui la meilleure ?!

Allons encore plus loin :


1. Vous croisez Corinne et vous n’avez pas le temps de lui dire bonjour.
2. Vous culpabilisez : « Qu’est-ce qu’elle va penser ? »
3. Pour arrêter de culpabiliser, vous trouvez des arguments pour justifier
le fait de ne pas lui avoir dit bonjour : « Oui, bon, c’est pas trop grave, de
toute façon elle ne me dit jamais bonjour elle non plus. »
Et vous partez en crescendo : « Elle me regarde de haut de toute façon.
En fait, j’ai bien fait, je ne l’ai jamais aimée cette connasse de Corinne. »
Et voilà que notre pauvre Corinne, qui n’a rien demandé à personne, se
retrouve à être traitée de connasse.

Vous ne saurez jamais ce que pense Corinne, si elle vous a vu, si ça


l’a vexée ou si elle s’en fout, alors, on se calme, on arrête de faire des
suppositions et on arrête de culpabiliser.

C’est maintenant à Corinne de travailler sur elle pour réussir à se dire : «


L’action s’est passée trop vite, il/elle n’a sûrement pas eu le temps de me
dire bonjour. »

Ce que pense Corinne ne nous appartient pas.

Arrêtons de nous justifier


On passe notre vie à se justifier, et pour peu que vous ayez, comme moi,
une propension à culpabiliser pour tout, cela peut vous prendre énormément
d’énergie.
Ma copine Lara est une Autruche : elle ne culpabilise pas, elle ne se
justifie pas et ne prend jamais les choses personnellement, elle est comme
ça Lara, et je dois avouer que je l’envie pour ça.
Un soir, je lui ai envoyé un texto pour l’inviter à boire un verre, elle m’a
répondu (deux heures plus tard) : « Je ne suis pas dispo, mais une autre fois
avec plaisir. »
C’est tout, pas d’explication, pas de justification, pas d’excuse.

Prenons mon exemple à présent, lorsque je recevais ce genre d’invitation


:
1. Je m’excusais : « Oooh je suis désolée… »
2. Je me justifiais : « … J’ai déjà prévu un truc avec une copine que je
n’ai pas vue depuis longtemps. »
3. J’essayais de m’organiser : « Mais attends, je vois si je peux décaler…
»
4. Je m’excusais de ne pas pouvoir : « Non, c’est vraiment pas possible,
désolée… »
5. Je proposais une autre date : « … Mais lundi si tu veux… »

Et pour peu que j’aie mis un peu de temps à répondre, j’ajoutais un : «


Désolée de ne répondre que maintenant… » STOOOOOOP !

Arrêtons de nous excuser


quand on n’y est pour rien.
Arrêtons de nous justifier,
tout le temps, pour tout.
Apprenons à dire non
Je suis ce qu’on appelle « une bonne élève », je ne suis jamais en retard,
je rends toujours mes travaux à temps, je suis les règles telles qu’elles ont
été fixées. Mon empathie me pousse à me dire que l’inverse ne serait pas
très sympa pour ceux qui attendent, qu’il est important de faire les choses
dans les règles, sinon ce n’est pas juste pour ceux qui les suivent, etc.
J’ai toujours pensé qu’il fallait avoir une sacrée confiance en soi pour se
dire : « Oh ça va, ils vont attendre », ou bien « Ils vont s’en remettre » ou
tout simplement, pour être de ceux qui ne se posent même pas la question.
Je n’ai pas cette confiance en moi, mais vous savez quoi, c’est OK.

J’ai compris aujourd’hui que je ne changerai pas, mais surtout que ce


n’est pas de ma faute. C’est mon histoire qui a fait que j’ai constamment
cette impression « d’avoir déjà de la chance d’être là ».

C’est un sentiment très répandu chez les transfuges de classe bien sûr,
mais aussi chez les femmes en général ou chez les immigrés ou encore chez
tous ceux qui souffrent d’un syndrome de l’imposteur… Et croyez-moi, ça
fait beaucoup de monde.

Vous méritez
d’être là où vous êtes.
Personne ne va venir vous voir un jour
pour vous demander de tout rendre.

Pendant longtemps, si on me proposait un casting que je ne voulais pas


faire, je paranoïais : « mais si je ne le fais pas, ils ne m’appelleront plus »
ou « mais pour qui je me prends pour refuser ? ».

Vous ne vous changerez pas, vous ne changerez pas votre histoire, mais
vous pouvez apprendre à dire non. Si vous les respectez, les gens vous
rappelleront, alors, ne vous rendez pas malade.

Apprenez à dire non, à « lâcher prise », personne ne vous en voudra,


et encore une fois, si c’est le cas, c’est leur problème, pas le vôtre.

Le syndrome du FOMO

De l’anglais fear of missing out (« peur de rater quelque chose ») ou anxiété de


ratage, c’est une sorte d’anxiété sociale caractérisée par la peur constante de
manquer une nouvelle importante ou un événement quelconque donnant une
occasion d’interagir socialement.
J’ai longtemps cru que la vie des autres était extraordinaire et que leurs soirées
étaient incroyables ; il faut dire que sur les réseaux, ça avait l’air fou !
Pendant longtemps, je ne voulais rater aucune soirée, parce que je pensais que ça
allait être LA soirée. Eh bien, je me suis rendue à ces soirées, j’ai côtoyé ces gens…
Et je dois vous dire quelque chose d’important :
Vous ne ratez rien.
2. On ne va pas vous donner une médaille

On voudrait nous faire croire qu’on peut tout obtenir avec du travail et de
la volonté, mais aussi avec de la souffrance.

« Il faut souffrir pour être belle. » (D’ailleurs, on remarquera qu’il n’y a


pas d’équivalent masculin.)
« Qui ne travaille pas sur lui ne mérite aucune compassion. »
« No pain, no gain. »

Mais qui a bien pu inventer cette connerie ?


Qui a bien pu nous mettre dans la tête que la notion de souffrance allait
de pair avec la notion de réussite ?
Vous n’êtes pas obligé·e de souffrir
pour que votre réussite ait du sens.
Et d’ailleurs, vous n’êtes pas obligé·e de
réussir
pour que votre travail ait du sens.

« Je ne prends pas de plaisir »


Quand j’avais une vingtaine d’années, chaque hiver, on allait au ski avec
mes amis, on se louait un petit appart, on prenait notre forfait et on louait un
snowboard pour la semaine. Une année, j’ai commencé à effectuer ma
première descente. Arrivée au pied de la piste, j’ai déchaussé mon
snowboard, je l’ai pris sous le bras, et je suis repartie en direction de la
boutique.
Ma sœur m’a crié : « Anne-So, qu’est-ce que tu fais ? »
Je lui ai juste répondu : « Je vais rendre le snowboard, je ne prends pas
de plaisir. »
Et j’ai rendu mon matériel.
Mes amis m’ont reproché d’abandonner trop vite, qu’il fallait que je
persévère, que ça allait venir, qu’il faut se forcer, que je serais fière de moi
après…

La vérité, c’est que je n’aime pas le snowboard.

Vous pouvez penser que je vous raconte encore une anecdote comme
celle de la musique, « tu n’étais pas bonne en snowboard, alors tu as arrêté
plutôt que de continuer à te faire du mal », mais la différence, c’est que
j’étais bonne en snowboard, j’avais un bon style et je faisais de belles
descentes, mais j’avais juste oublié de me questionner sur mon envie.
Je faisais du snowboard depuis cinq ans, mais je ne m’étais jamais
demandé si j’avais vraiment envie d’en faire.
Est-ce que j’ai envie de me lever tôt pour passer ma journée dehors à
essayer de kiffer « des sensations de vitesse » ?
Je n’aime pas le froid ! Je n’aime pas non plus la vitesse !
Je le faisais parce que je considérais que j’étais chanceuse de pouvoir le
faire, parce que « tout le monde n’a pas la chance d’aller au ski », alors «
qui suis-je pour refuser cette opportunité ? ».

Ça peut paraître anecdotique, mais c’est l’accumulation de toutes ces


petites choses, qu’on fait par habitude, ou pour faire plaisir ou encore
parce qu’on pense que c’est notre devoir, qui font qu’on ne sait plus
très bien qui on est, ou si on est à la bonne place ou avec la bonne
personne.

Il est important de se poser de temps en temps les bonnes questions :


– Pourquoi je fais les choses ?
– Pour faire plaisir à qui ?
– Parce que je crois que je dois les faire ?
– Par habitude ?
– Parce que j’ai la chance de pouvoir le faire ?
– Pourquoi je me force ?
– Qu’est-ce qu’il va se passer si j’arrête ?

Les années qui ont suivi, j’ai continué à aller au ski avec mes amis, j’y
suis allée parce que je voulais être avec eux, parce que j’avais envie de voir
la neige, de manger une tartiflette, de boire du vin chaud et de poser mon
cul au resto d’altitude, je me suis écoutée et j’ai kiffé.
Faire les choses pour les mauvaises raisons
Chaque 1er janvier, je fais donc ma fameuse liste de résolutions, et dans
cette liste, chaque année, on pouvait retrouver : « Faire du sport ».
Il y a eu :
– L’année où je suis allée m’inscrire à la salle de sport et où je n’y suis
jamais retournée après.
– L’année où j’ai acheté la panoplie complète et où je n’y suis jamais
allée non plus.
– L’année où je me suis inscrite avec une copine, et où on se retrouvait
au café avant d’y aller mais où on n’y est jamais allées.
– L’année où ma salle de sport m’a appelée pour me demander de venir
libérer mon casier car « ça empêche les gens qui viennent vraiment de
ranger leurs affaires ».
Je précise que je payais pour ce casier, et que si j’avais envie d’y laisser
mes affaires, j’avais le droit !
En réalité, j’ai eu tellement honte que j’ai laissé mes affaires là-bas, Dieu
seul sait ce qu’il leur est arrivé. (Depuis, cette salle de sport est devenue un
Subway.)

Et puis, il y a l’année où j’y suis allée. Haha ! Vous ne vous y attendiez


pas à celle-là ?! Oui, je sais, je suis pleine de surprises. Cette année-là :
1re semaine, je suis allée au sport tous les jours.
2e semaine, je suis allée deux fois dans la semaine.
3e semaine, je n’y suis pas allée.
4e semaine, je n’y suis pas allée et j’ai culpabilisé.
5e semaine, je n’y suis pas allée et je me suis sentie une merde.
6e semaine, « foutu pour foutu », je n’y suis jamais retournée.

En réalité, j’y allais pour de mauvaises raisons.


Aujourd’hui, j’ai des exigences moins hautes, je ne prends plus
d’abonnement à l’année, non, c’est fini, ça me met trop la pression,
aujourd’hui, je prends au cours ou au carnet.

Aujourd’hui, je ne me sens plus nulle


à chaque fois que je ne vais pas au sport,
au contraire, je suis fière de moi
à chaque fois que j’y vais.
Et croyez-moi,
ça fait toute la différence.
3. Foutez-vous la paix !

« Je ne sais pas de quoi j’avais envie »


À un moment de ma vie, j’ai été entraînée dans un tourbillon, comme
lorsqu’on est dans un mariage et qu’on se retrouve dans une queueleuleu,
malgré nous. (Oui, on est bien parti sur une métaphore de la queueleuleu,
vous ne rêvez pas.)
Quelqu’un nous prend par les épaules et nous entraîne dans cette
queueleuleu, et on se laisse faire, on ne se débat pas, c’est même agréable,
on est heureux d’être dans ce mouvement que nous n’avons pourtant pas
initié… Oui, mais voilà, comment en sortir ?

On ne quitte pas une queueleuleu ! Ça casserait l’ambiance.

J’arrêterai là cette métaphore, parce que je crois que tout le monde a


compris mais surtout parce que je ne suis pas sûre de l’assumer
complètement.
Toujours est-il que lorsque j’étais dans cette queueleuleu, je me suis
retrouvée à faire des choses dont je n’avais pas vraiment envie, mais je ne
voulais pas décevoir les gens autour de moi. On attendait ça de moi et si
j’arrêtais, j’allais mettre des gens dans la merde, alors je continuais, et cette
pression que je ressentais me pesait de plus en plus.
Un jour, une amie m’a demandé : « Mais toi, de quoi tu as envie ? »

J’ai buggé.

Je n’arrivais pas à répondre, je me disais : « Merde, réponds un truc !


Pourquoi t’as les larmes qui montent ? C’est n’importe quoi ! Tu ne vas pas
pleurer parce qu’on t’a demandé de quoi tu as envie, ça n’a pas de sens.
Merde, çaaaaa mmmmonnnte. »

Je me suis mise à pleurer.

Je commençais à savoir ce que je ne voulais plus faire, en revanche, de


quoi j’avais envie ? Alors là…
J’ai paniqué parce que je me suis confrontée au vide. Moi qui avais
toujours plein de projets, mille choses sur le feu, je n’avais pas d’envie
particulière, et ça me terrifiait.
Ma copine m’a pris la main et m’a dit : « Hey, mais c’est pas grave, t’es
pas obligée de savoir tout de suite » ; et c’était vrai.

Comme il est important de se poser la question « de quoi j’ai envie ?


», il est aussi important de se foutre la paix si on n’a pas de réponse.

Aujourd’hui, avec le recul, je comprends que c’est OK, on n’est pas


toujours obligé d’avoir les réponses, et c’est parfois bon de se laisser porter
par la vie.
Faites confiance à la vie.

Dites-vous que vous avez initié des choses, que vous avez fait ce qu’il
fallait et que parfois le reste vous échappe, et c’est tant mieux.

Ce qui doit arriver arrivera,


vous avez fait votre part du travail.

Vous n’êtes pas obligé d’avoir un projet


« Quel est ton projet ? » a-t-on demandé à ma nièce de 4 ans dans sa
classe d’arts plastiques. Il faudrait avoir un projet pour tout !

Quand j’étais enceinte, on m’a demandé « mon projet de naissance », il


fallait que j’aie « un projet », toutes les femmes sur les sites spécialisés
parlaient de leur « projet »… Quand mon gynécologue lui-même m’a posé
la question, j’aurais adoré lui répondre :
« J’ai pas de projet ! C’est à vous d’avoir un projet ! C’est vous le
professionnel de santé, je ne vais pas vous dire comment faire votre boulot !
Et d’ailleurs, le fait que vous me posiez la question ne me rassure pas du
tout sur vos compétences. »
Mais j’ai seulement dit : « Ah, je ne sais pas trop, je vais y réfléchir… »

Alors, je rassure tout de suite les futurs parents qui passeraient par là,
vous n’êtes absolument pas obligés « d’avoir un projet », c’est un mythe !
Foutez-vous la paix !

Foutez-leur la paix
J’ai une amie qui rêvait d’être autrice. Elle l’était d’ailleurs, mais dans sa
chambre, à travers ses cahiers. Pour avoir lu certains de ses textes, je dirais
même qu’elle avait du talent, mais voilà, elle ne finissait jamais aucun de
ses textes.
Elle se trouvait toujours des excuses pour ne pas les envoyer : toujours
hors délais, hors sujet, toujours une nouvelle envie qui faisait qu’elle lâchait
le projet précédent… J’ai tenté de la motiver, de la pousser, de la remuer,
mais rien n’y a fait.

Elle m’en a voulu de la pressuriser, de toujours lui donner des conseils : «


Tu devrais faire ça » ; « Pourquoi tu ne fais pas ça ? » ; « C’est dommage
que tu ne fasses pas ça. » J’étais devenue pénible parce que je considérais
qu’elle gâchait son talent. J’avais oublié une chose, c’est elle qui avait
décidé d’être là où elle était et il fallait que je respecte ça.

Peut-être qu’elle ne se sentait pas prête, peut-être qu’elle n’avait pas


vraiment envie, peut-être qu’au fond d’elle, ça lui suffisait d’écrire dans sa
chambre, peut-être qu’elle se protégeait, peut-être qu’elle n’avait pas encore
réglé ce qui l’empêchait de se lancer… Je devais respecter ça. Un jour, alors
que je lui disais encore : « Mais pourquoi tu n’envoies pas ton texte à un
éditeur ? », elle a répliqué : « Mais parce que je n’ai pas envie, je ne suis
pas toi. »
Et c’était la vérité.
Elle n’était pas moi.
Je lui ai foutu la paix.
Je me suis foutu la paix.

La fois où j’ai vu Rémi sans famille


J’ai commencé le théâtre à 10 ans, et j’étais plutôt douée. Mon professeur
et les autres élèves me répétaient souvent : « Toi, tu vas être comédienne »,
et je leur répondais constamment : « Alors ça, pas question ! »
Je ne voulais surtout pas être comédienne parce que j’avais une image
très négative de cette profession. J’imaginais les acteurs vivant dans des
roulottes, allant de village en village, jouant sur la place pour quelques
sous… J’avais trop vu Rémi sans famille. Pour ceux qui n’ont pas la
référence, il s’agit d’un dessin animé des années 1980. Rémi, un petit
garçon de 8 ans, orphelin, dont le père est mort d’une cirrhose dans un hôtel
sordide, est vendu pour 40 francs à un comédien afin d’intégrer une troupe
itinérante de théâtre de rue. Rémi finira par voir tous les gens qu’il aime
mourir, les uns après les autres, de froid, de faim ou de solitude… (C’est à
se demander pourquoi ma génération est complètement névrosée !)

Toujours est-il que les années passaient, et que je faisais de plus en plus
de théâtre, j’ai intégré une troupe amateur, puis une troupe professionnelle,
puis un atelier d’improvisation, toujours en parallèle de mes études
d’économie. Un jour, un comédien de la troupe m’a dit : « Y a vraiment que
toi qui ne vois pas que tu es déjà comédienne, pourquoi tu ne te lances pas

Si j’avais dû répondre sincèrement à cette question, j’aurais dit :


« Parce que j’ai vu Rémi sans famille et qu’ils finissent tous par mourir
seuls, dans la misère, et que moi aussi j’ai peur de mourir seule, dans la
misère. J’ai déjà eu l’occasion de voir ce que les problèmes d’argent
peuvent faire comme dégâts, et je refuse de choisir volontairement une
carrière qui va, j’en suis sûre, me confronter à ça. »

J’aurais dû répondre ça, mais je ne l’ai pas fait. Déjà, parce qu’il n’aurait
rien compris à cette histoire de Rémi sans famille, mais surtout, parce que je
n’en savais rien à l’époque. Il m’a fallu beaucoup de temps et une longue
thérapie pour comprendre que c’était ça, ma peur.

J’ai donc continué de répondre que ce n’était pas pour moi, que je n’étais
pas une starlette, et que je n’en avais tout simplement pas envie, j’ai même
longtemps réussi à m’en persuader.

Mais voilà, un jour, je n’ai plus eu le choix. J’ai eu un de ces petits


accidents de la vie qui vous font un déclic : le mien, c’était le mélanome.
Un diagnostic, une greffe de peau, et trois mois plus tard, je quittais
Montpellier pour Paris, pour entrer au cours Florent.
Il m’a fallu encore des années pour assumer que j’étais comédienne, mais
je me suis lancée.

Je me suis lancée parce que ce que j’avais à perdre était devenu


dérisoire par rapport à ce que j’avais failli perdre.
Parce que la peur que j’avais était minime à côté de la peur que
j’avais eue.

Alors, évidemment, je ne souhaite à personne un déclic comme celui-là,


mais si je peux vous faire gagner du temps, je vous répéterai :
– Est-ce que vous en avez envie ?
– Qu’est-ce que vous avez à perdre ?
– Qu’est-ce qui vous en empêche ?
Si la réponse est « la peur », alors c’est une mauvaise réponse.
La peur n’est jamais une bonne réponse.
4. Vous avez le droit de mal faire les choses

Dans la longue liste de toutes les choses qui nous empêchent de nous
lancer (pour peu qu’on ait envie de se lancer, on n’est pas obligé non plus,
hein), se trouve le fameux : « Mais ça va être nul. » Alors, je vais vous
détendre tout de suite, ON S’EN FOUT.

Les livres de développement personnel nous rabâchent à longueur de


best-seller que « vous pouvez tout entreprendre avec de la volonté ». Ce
qu’ils oublient de préciser c’est qu’au départ, ça va forcément être nul, et on
s’en fout !
Et d’ailleurs, je vous dis « au départ, ça va être nul » mais il y a quand
même de fortes chances pour qu’à la fin, ce ne soit pas terrible non plus,
mais est-ce que ça doit nous empêcher de faire ce dont on a envie ? Je ne
crois pas, non !

« Je veux tourner mon film »… eh bien faites-le !


Je ne vous dis pas que ce sera une réussite, que vous allez avoir un césar
grâce à ça, mais il existera et celui d’après sera encore meilleur.
« Oui mais je n’ai pas de matos, je n’ai pas de financement, je n’ai pas
de tête d’affiche. »
Eh bien, faites-le sans matos, sans financement et sans tête d’affiche.
À mon échelle, j’ai eu envie de faire du one-man-show, j’ai fait du one-
man-show. Basta.
On ne vous demande pas de quitter votre travail, d’aller vivre à Paris, ou
de signer avec un producteur, mais si votre envie est « de faire du one-man-
show », eh bien faites-le.
Même mal, même dans le trou du cul du monde, même devant cinq
personnes.
En revanche, si votre envie est « d’être une star », là, effectivement, vous
allez avoir un problème… Il est important de faire les choses pour les
bonnes raisons, d’où l’intérêt de questionner ses envies.

Si vous êtes prêt·e à assumer l’échec,


c’est que vous êtes prêt·e.
Alors, faites-le ! Même mal.

Ne pas savoir faire ne doit pas vous empêcher de


faire
Il y a quelques années, j’ai coécrit avec ma sœur jumelle Marie-Aldine le
livre La femme parfaite est une connasse !, livre extrêmement sympathique
au demeurant.
Lorsque j’ai écrit ce livre, je ne connaissais pas le raccourci « saut de
page » sur le clavier de mon ordinateur, et comme j’avais près de 80
chapitres à écrire, je passais des heures à taper sur ENTER pour décaler les
titres en haut des pages (et là, tu te dis, « cette fille est complètement débile
»), et quand je dis « des heures », ce n’est pas une expression.
Mais en réalité, j’étais en train de travailler.
Je faisais défiler les pages et ça me permettait de relire les titres encore et
encore, et mon esprit divaguait, et je me retrouvais à remonter au chapitre 4,
parce que j’avais une idée, etc.
« Il ne faut pas attendre d’être parfait
pour faire quelque chose de bien. »
L’abbé Pierre

Notre professeur de théâtre nous disait : « Montez sur le plateau et


marchez. » Alors, avec mes amis de l’école, on louait une salle de répétition
(8 € /heure) et on marchait, et ça venait.
C’est normal d’avoir peur, il faut juste faire, d’ailleurs tous les comédiens
vous le diront : « Le trac part au moment où vous mettez un pied sur la
scène. » Alors c’est peut-être ça la solution, « mettre un pied sur la scène ».
Et puis, vous ferez des erreurs, plein, et vous aurez des problèmes, plein,
et c’est tant mieux, c’est ça l’expérience : apprendre de ses erreurs.

« L’expérience n’a pas de valeur éthique.


C’est seulement le nom
1
que les hommes donnent à leurs erreurs . »
Oscar Wilde
La vie,
c’est faire des erreurs
et régler des problèmes.
5. Venez, on s’en fout !

Il y a quelques années, j’ai acheté un tee-shirt avec écrit dessus, en lettres


capitales « VIENS, ON S’EN FOUT ». Je précise que c’était une époque où
il était de bon ton de porter des tee-shirts à messages, et j’en avais une
collection assez impressionnante. Merci de ne pas me juger.

« S’en foutre ne signifie pas être indifférent,


mais être à l’aise
avec le sentiment d’être différent. »
Mark Manson, L’Art subtil de s’en foutre

Vous ne pouvez pas vous foutre de tout, ce serait invivable. L’important


est donc de savoir de quoi vous ne vous foutez pas, et ce qui est important.
Il faut savoir hiérarchiser, classer et prendre le temps de choisir ce qui est
important et ce qu’il ne l’est pas.

1. Changer ce qui peut l’être.


2. Accepter ce qui ne peut pas l’être.
3. Savoir faire la différence entre les deux.
(Oui, je le répéterai autant de fois qu’il le faut.)

Il y a les problèmes qu’on règle et les choses qu’on ne peut pas régler et
c’est comme ça. Il faut pouvoir se résigner, vous ne pouvez pas tout
encaisser, tout régler, vous préoccuper de tout. Il va falloir lâcher, et pour ce
faire, il va falloir hiérarchiser.

Être heureux,
c’est aussi accepter
que les choses soient ainsi
et qu’on ne puisse rien y faire,
alors « venez, on s’en fout ! ».

Vous ne changerez pas


Quand j’étais ado, j’étais complexée (« Une ado complexée ? Comme
c’est original ! »), j’étais très sensible et j’avais peur qu’on m’attaque, alors
j’ai développé une super technique : je m’attaquais avant que les autres ne
le fassent.
Je pratiquais l’autodérision, je « m’envoyais des boîtes » (comme on dit
chez moi) à longueur de journée et je faisais rire les autres élèves, j’en ai
même fait mon métier.
J’en ai fait une force, mais la vérité c’est que je n’avais pas le choix ;
j’étais tellement sensible que si je ne m’étais pas protégée, on aurait pu me
briser.
Alors évidemment, si vous êtes sensible, vous n’allez pas forcément
devenir humoriste mais vous pouvez transformer vos complexes en force,
vous en servir. De toute façon, vous n’avez pas vraiment le choix, parce
que, je suis désolée de vous l’apprendre : vous ne changerez pas.

Je comprends aisément que cette annonce ne vous réjouisse pas. Savoir


qu’on va devoir se supporter, qu’on ne va pas changer, pour peu qu’on n’ait
pas une très haute opinion de nous-même, c’est rude.
La bonne nouvelle, c’est que vous allez finir par vous apprécier, je vous
le promets, peut-être même que vous finirez par vous aimer, parce que,
croyez-moi, vous êtes quelqu’un de génial.
La preuve, vous avez acheté un livre de développement personnel qui
s’appelle Un esprit bof dans un corps pas ouf, c’est déjà que vous avez de
l’humour, et rien que pour ça, moi, je vous kiffe.

Vous ne changerez pas les gens


Mon amie Safia est constamment déçue par son père. Ça fait presque dix
ans que je la connais et dix ans qu’elle me raconte que son père n’assure
pas, et le pire, c’est qu’à chaque fois, elle semble sincèrement surprise.
La dernière fois que j’ai vu Safia, elle me racontait encore une anecdote
sur son père. Tout à coup, elle s’est arrêtée, m’a regardée dans les yeux et
m’a dit : « Je crois que mon père est un con. »

Alors, personnellement, je le savais depuis longtemps, mais je me voyais


mal lui dire : « Écoute Safia, voilà, c’est pas facile à dire, on en a parlé
avec les copains et on est tous arrivés à la même conclusion : ton père est
un con. »
Bon, ben, même en y mettant les formes, ça reste pas évident à dire.
Le père de Safia a toujours été un con, mais Safia a compris qu’elle ne le
changerait pas et qu’elle devait l’accepter si elle voulait continuer à le voir,
sinon elle allait constamment être déçue et malheureuse.
Il y a des choses comme ça qu’on ne peut pas changer, parce que vous
savez quoi ?

On ne change pas les gens.

Alors, soit on continue de les voir en sachant que ce sont des cons, soit
on ne les voit plus parce que ce sont des cons, mais on ne peut pas passer
notre vie à ruminer, à espérer qu’ils changent… Ils ne changeront pas, et
pour cause, CE SONT DES CONS.
6. Et si on était déjà heureux ?

Entre le « trop optimiste » du développement personnel, et le « trop


pessimiste » de Schopenhauer, par exemple, qui pense que « la vie oscille,
comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui », il existe
tout un monde, et on vit dans ce monde.
« Réussir, ce n’est pas toujours ce qu’on
croit.
Ce n’est pas devenir célèbre,
ni riche ou encore puissant.
Réussir, c’est sortir de son lit le matin
et être heureux de ce qu’on va faire durant la
journée,
si heureux qu’on a l’impression de s’envoler.
C’est être avec des gens qu’on aime.
Réussir, c’est être en contact avec le monde
et communiquer sa passion.
C’est se coucher le soir en se disant
qu’on a fait du mieux qu’on a pu.
Réussir, c’est connaître la joie, la liberté,
l’amitié sincère et l’amour.
Je dirais que réussir, c’est aimer. »
Romy Schneider

Bon, OK, j’avoue, « si heureux qu’on a l’impression de s’envoler », c’est


peut-être un objectif un peu haut, on va commencer par la base : essayer de
trouver ce qui nous rend heureux.
Et si on était déjà heureux ?
Et si on était déjà la meilleure version de nous-même ?
Notre travail ne serait plus d’atteindre un objectif mais de nous
débarrasser de ce qui nous empêche d’apprécier ce qu’on a déjà.

Parce qu’en vérité, on est déjà heureux, on a seulement oublié de le


voir.
De « cultiver notre conscience du bonheur », de nous poser et juste être
là, à regarder, les yeux plus grands, continuer à voir les belles choses, à
commencer par soi.
(Oh putain, on arrive à la fin du livre et je me mets à parler comme un
coach en développement personnel.)
« Le bonheur,
c’est de continuer à désirer
ce que l’on possède. »
Saint Augustin

Je suis tombée amoureuse le jour où j’ai arrêté d’être


exigeante
Alors, qu’on soit clair, je ne dis pas que j’ai baissé mes prétentions et que
l’homme qui partage ma vie aujourd’hui est en dessous de ce que j’espérais,
bien au contraire ! J’ai juste arrêté de bloquer sur des choses qui auraient pu
m’empêcher de le rencontrer.

Il y a quelques années, j’étais tellement exigeante qu’une faute


d’orthographe dans un message, une mauvaise blague ou un mauvais choix
de chaussures étaient pour moi rédhibitoires. Alors, bien sûr, il y a des
choses pour lesquelles je suis restée intransigeante (ne me lancez pas sur les
chaussures), mais il y a tout le reste…
Tout ce dont on se fout !
À cette époque, je n’aurais jamais rencontré mon amoureux, et de son
propre aveu, lui non plus, car sur le papier, je n’étais pas son genre, mais on
s’est donné l’opportunité de se laisser surprendre.

Parce qu’il y a des choses importantes.


Et d’autres qui ne le sont pas.

Aujourd’hui, nous sommes très amoureux et nous avons une petite fille
incroyable. Je suis heureuse d’avoir su revoir mes priorités et qu’il ait revu
les siennes.
Comme pour tout, il faudrait pouvoir faire une liste et hiérarchiser : –
Qu’est-ce qui est important pour moi ?
– Quelles valeurs sont primordiales ?
– Sur quoi je resterai intransigeant ?

Mais qu’il sache qui est Larry David ou pas, on s’en fout !
Qu’elle porte des ballerines ou pas, on s’en fout !
Qu’il mette trop de laque dans ses cheveux, on s’en fout !

Revoir ses exigences à la baisse


Mon burn-out a duré huit mois, huit mois durant lesquels je n’ai pas
travaillé.
Je suis consciente que c’est un luxe d’avoir pu m’arrêter pendant huit
mois, mais je n’ai pas vraiment eu le choix. Je ne pouvais plus travailler, je
ne pouvais plus m’investir dans aucun projet.
Pendant ces huit mois, j’ai cherché à savoir de quoi j’avais envie, et
comme j’étais incapable de répondre à cette question, j’ai commencé par
faire la liste de ce que je ne voulais plus et je me suis écoutée, vraiment.

J’ai d’abord pris toutes mes exigences,


et je les ai revues à la baisse.

Non, je n’étais pas obligée de perdre ces trois kilos, ou d’avoir cet argent
sur mon compte ou encore de sortir ce livre cette année.

Le monde pouvait continuer de tourner sans moi, je n’étais pas si


importante.

Alors, j’ai été patiente, et c’est passé.


Le burn-out passe.
Les crises d’angoisse passent.
Les chagrins passent.
Et plus vous vous écouterez, plus vous vous ménagerez, et plus vite ça
passera.
Et en attendant que ça passe, moi je vous fais un gros câlin, de loin.
Et je vous en supplie, faites-vous un gros câlin.
Arrêtez de vous en vouloir quand vous n’allez pas bien, c’est double
peine et vous ne méritez pas ça. Personne ne mérite ça.

J’ai su prendre du temps pour moi et à vrai dire, j’ai beaucoup aimé cette
période de calme. Lorsqu’on me demandait : « Qu’est-ce que tu fais en ce
moment ? », je répondais juste la vérité : « Je vais déjeuner avec une copine
» ou « Je vais passer à la poste » ou encore « Je ne fais rien cet après-midi
».

Je ne pensais qu’à court terme, je ne parlais plus de mes projets futurs, du


livre qui sortirait l’année d’après ou de la série que j’allais tourner après
l’été, j’avais arrêté de me projeter.

« Qu’est-ce que tu fais en ce moment ?


— En ce moment, je discute avec toi.
Après, on verra. »

Dites aux gens tout le bien que vous pensez d’eux


Il faudrait dire aux gens tout le bien qu’on pense d’eux, à quel point ils
sont beaux, à quel point on les trouve extraordinaires et courageux.
Les gens ont besoin de l’entendre, on a tous besoin de l’entendre.
Faire des compliments aux gens n’est pas une preuve de faiblesse, au
contraire, si vous le pensez, dites-le-leur.

« Mais ils le savent. »

C’est faux. Les gens ne savent pas à quel point vous les aimez, ni tout
le bien que vous pensez d’eux.

Dites à votre collègue que vous l’admirez, dites à cette caissière que vous
la trouvez très efficace et à ce fleuriste qu’il a une très belle vitrine.
Essayez, dites-leur, vous serez surpris.
Et dites-le-vous à vous ! Parce que vous non plus,

vous ne savez pas


tout le bien
que les gens pensent de vous.
7. Être moyen mais heureux

Je crois que j’ai toujours aimé les gens moyens. Je ne crois pas à la
perfection, les corps parfaits ne m’intéressent pas, et les performeurs me
fatiguent.

J’ai juste arrêté de vouloir être parfaite.


Je n’ai plus envie de m’améliorer à tout prix, parce que je n’ai plus
besoin qu’on me donne une médaille, qu’on me like, qu’on m’adoube ou
qu’on me valide.
Je ne veux plus faire croire que tout va bien.
Des fois, ça ne va pas et je le dis.
Je ne suis pas parfaite.
Je ne le serai jamais.

J’aime manger gras et salé.


J’aime picoler.
J’ai longtemps fumé.
Je ne fais pas de sport.
J’aime les gens qui parlent fort et qui rient fort et qui font plein de trucs
forts.
J’aime le soleil, la charcuterie et le café, même si je sais que c’est
cancérigène (à croire que toutes les meilleures choses dans la vie sont
cancérigènes).
Et j’ai commencé à m’aimer moi.

Et vous savez quoi, vous n’êtes même pas obligé de vous aimer, vous
pouvez tout simplement commencer par vous tolérer, vous ménager, vous
porter, vous soutenir, et surtout, vous pardonner…
Et pas parce que vous êtes beau, mince ou riche ou que vous avez des
millions de followers, non, vous êtes formidable parce que vous êtes lucide
sur ce que vous êtes et que malgré tout, vous continuez.

Vous êtes déjà une putain de meilleure version de vous-même.


REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier mes parents pour leur super boulot et ma
sœur jumelle Marie-Aldine de me supporter depuis toutes ces années.
Je tiens aussi à remercier mon ami et éditeur (dans cet ordre) Christophe
Absi, pour avoir compris avant même que je ne l’écrive ce que ce livre
pourrait être, pour avoir compris ce que je voulais y déposer et m’avoir
laissée faire.
J’aimerais aussi remercier tous ceux qui m’ont permis de me comprendre
un peu mieux, à travers leurs écrits, leurs récits, leurs podcasts, les
psychologues, les psychiatres, les sociologues, les philosophes… Tous ceux
qui travaillent à rendre la vie des autres un peu plus légère. Merci à tous les
professionnels de la santé mentale en général et à ma psy en particulier.
Et merci à la vie pour tout le reste. Tout ce qu’elle a été, ce qu’elle m’a
épargné et ce qu’elle promet d’être. Je la remercie d’avoir mis sur mon
chemin ce mec formidable dont je suis très amoureuse et je le remercie lui
de faire que « chaque jour soit une fête » et d’avoir fait de nous, « AAA ».
Et ma fille… ma fille, mon cœur pourrait exploser.
Et je me remercie moi de m’être ménagée depuis quelque temps
maintenant, je me dis merci pour tout le mal qu’on ne s’est pas dit, pour
tout le mal qu’on ne s’est pas fait et pour tout l’amour qui nous reste à vivre
ensemble.
1. EMDR (eye movement desensitization and reprocessing) : intégration
neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires.
1. On attribue cette phrase à Nietzsche, mais elle ne serait pas de lui. (Mais
je ne sais pas de qui elle est, arrêtez de me regarder comme ça.)
1. Pour ceux qui voudraient savoir, l’effondrement d’un immeuble suite à
un dégât des eaux est inclus dans le multi-risque habitation, OUF.
1. Petite correction, le prénom « Corinne » aurait été donné trois fois en
2023 en France. Information que je ne commenterai pas davantage.
1. Et là, vous vous dites : « C’est dingue, cette fille est capable de citer
l’abbé Pierre et Oscar Wilde en un seul chapitre ! Elle est incroyable. »
C’est pas faux.

Vous aimerez peut-être aussi