E-Premiers Pas
E-Premiers Pas
E-Premiers Pas
Sylvain GRAVIER
Directeur de Recherche au CNRS - Institut Fourier
Ghislaine GUEUDET
Professeure à l’Université Paris-Saclay - UR Etude des Sciences et Techniques
Cadres Théoriques
Introduction
D’autre part, la didactique des mathématiques développe des outils visant l’amélioration
de l’enseignement et de l’apprentissage des mathématiques. Ces derniers peuvent être
notamment utilisés dans le cadre de la formation des enseignants ou des médiateurs.
Pour faire écho aux questions de recherche précédentes, il s’agit dans cette perspective
de répondre par exemple aux questions :
Les questions (D2) et (O1) qui mettent en regard savoir de référence et savoir enseigné,
relèvent d’une problématique fondamentale de la didactique identifiée comme la
transposition didactique (Chevallard 1985). La didactique des mathématiques a
développé des cadres théoriques à la fois descriptifs (réponses aux questions (D1) et
(D2)) et opérationnels (pour les questions (O1) et (O2)). Les questions de recherche de la
didactique nécessitent le développement de cadres théoriques ayant un fort ancrage
épistémologique notamment pour décrire le savoir de référence et une composante
cognitive pour comprendre l’évolution de la connaissance de l’élève.
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Cadres Théoriques
Objet :
Ainsi que la définit Vergnaud (1989), fondateur de cette théorie, il s’agit d’“une théorie
psychologique et didactique, qui essaye de prendre en charge la question du
développement et de l’apprentissage à long terme des connaissances.”
Hypothèse :
L’hypothèse sur laquelle repose cette théorie est le point de vue développemental qui
affirme que pour apprendre on doit s’appuyer sur ce que l’on a déjà construit en le
questionnant pour construire du nouveau. Il ne s’agit pas ici d’éradiquer le savoir
antérieur mais d’identifier les domaines de validité de celui-ci en vue de construire des
nouveaux savoirs.
Afin de mettre en œuvre cette hypothèse, la TCC propose des outils de description du
savoir acquis qui donnent des éléments de réponse aux questions (D1) et (D2).
Principe :
La TCC s’intéresse simultanément à l’activité en situation et au développement des
connaissances sur le long terme. L’emploi du terme “connaissance” ici est lié à
l’orientation psychologique de cette théorie, qui s’intéresse aux conceptions des
individus.
La TCC souligne que certaines connaissances (la forme opératoire de la connaissance) se
développent et se manifestent en situation. L’élément de base pour l’analyse de l’activité
du sujet en situation est la notion de schème: “organisation invariante des conduites du
sujet pour une classe de situations” (idem). Pour les concepts mathématiques, on
privilégiera les invariants opératoires qui sont des éléments essentiels des schèmes.
Parmi les concepts et théorèmes étant des invariants opératoires, la TCC s’attache à
décrire ceux qui sont utilisés de façon implicite que l’on appellera alors les concepts-en-
acte et théorèmes-en-acte. Ainsi ils permettent de saisir la conception d’un concept
mathématique chez l’élève. Artigue (1988) propose une adaptation de ce modèle pour
décrire les conceptions d’un élève. Un tel concept mathématique peut être décrit via un
triplet d’ensembles (S, I, R) où :
• S est l’ensemble des situations mettant en jeu le concept.
• I est l’ensemble des invariants opératoires.
• R est l’ensemble des représentations symboliques du concept, de ses propriétés,
des situations et des algorithmes.
Ainsi un champ conceptuel est un ensemble de situations, de schèmes et d’invariants
opératoires, et de formes symboliques associées.
Méthode :
L’intérêt pour l’analyse de l’activité amène à observer l’élève en situation ; de plus cette
observation devra se déployer sur le temps long, pour suivre le développement sur le
long terme. Par exemple, lors d’une première mise en situation, on pourrait identifier
l’application par l’élève de théorèmes-en-acte. Des modifications de la situation
permettent alors à l’élève d’évaluer le domaine d’application de ces théorèmes en acte
jusqu’à l’obtention de nouvelles connaissances. Par ailleurs il s’agit d’articuler
l’observation avec une analyse logique, qui permet d’établir une typologie des situations,
des invariants opératoires et des formes symboliques associées.
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Cadres Théoriques
Objet :
L’analyse des processus de transposition didactique vise à expliquer pourquoi et
comment un savoir donné vit dans une certaine institution, et/ou se transforme en
passant d’une institution à l’autre. Identifier les choix possibles (au-delà des choix
existants dans les institutions) et formuler des propositions qui permettent de faire exister
des alternatives.
La TAD aborde (D2) en étudiant les différences entre le savoir d’une institution savante
(par exemple les mathématicien.nes) et celui d’une institution d’enseignement. Elle
aborde (O1) et (O2) notamment à travers la notion de praxéologie (voir ci-dessous).
Hypothèse :
Les savoirs sont façonnés par les institutions dans lesquelles ils vivent et cela influe sur la
manière de les enseigner et de les apprendre.
Principe :
La vie des savoirs dans les institutions est nommée “écologie des savoirs”.
L’un des buts de la TAD est de comprendre et décrire cette écologie, ce qu’elle fait en
particulier en ayant recours à la notion de praxéologie. Une praxéologie comporte quatre
éléments : un type de tâches T, une technique τ pour accomplir ce type de tâches, une
technologie θ qui est un discours justifiant la technique, et une théorie Θ (notion qui inclut
la notion commune de théorie sans s'y réduire).
Lors du passage d’une institution à une autre, les praxéologies associées à un même
savoir sont modifiées. Lorsque l’institution-cible est une institution d’enseignement, ce
phénomène de modification est nommé “transposition didactique”.
Méthode :
Pour comprendre quelles praxéologies existent dans une institution scolaire, on peut
analyser les programmes officiels, les manuels scolaires et autres ouvrages, les cours
donnés par les professeurs. Pour accéder à ce qui serait possible, une analyse
épistémologique est nécessaire (émergence historique et évolution du savoir,
praxéologies dans l’institution savante, dans des institutions utilisatrices). Cette analyse
permet en particulier de construire un modèle praxéologique de référence : ensemble
structuré de praxéologies “idéal”, auquel on peut comparer l’ensemble des praxéologies
existantes dans l’institution scolaire à laquelle on s’intéresse.
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Cadres Théoriques
Objet :
Élaboration de situations d'enseignement et d’apprentissage consistantes avec un savoir
visé désigné a priori.
Cette théorie contribue à l’étude des questions (O1) et (O2) car elle propose un cadre
d’analyse de la construction du savoir à partir de situations d’enseignement et
d’apprentissage.
Hypothèse :
Il n’existe pas de situation d’enseignement et d’apprentissage sans intentionnalité.
Principe :
La notion de situation mathématique désigne « les conditions sous lesquelles les êtres
humains produisent, communiquent et apprennent les connaissances que nous
reconnaissons comme mathématiques » (Brousseau 2011). Une situation didactique est
une situation d’enseignement construite autour d’une situation mathématique proposée à
l’élève et gérée par l’enseignant. La situation didactique doit permettre d’organiser des
moments adidactiques c’est-à-dire sans intervention de l’enseignant.
Méthode :
La méthodologie de la TSD repose sur une description fine de situation didactique allant
jusqu’à la mise en œuvre expérimentale. Cette description constitue l’analyse a priori de
la situation. Une situation didactique simule une situation mathématique pour l’élève avec
une intentionnalité d’apprentissage.
L’analyse a priori repose sur trois temps : une analyse mathématique décrivant les
stratégies de résolution de la situation mathématique, une analyse didactique permettant
de préciser l’intentionnalité d’apprentissage ainsi que des hypothèses sur les conceptions
des apprenants et enfin une description des conditions d’expérimentation. Une analyse a
posteriori mise en perspective avec l'analyse a priori permet d’identifier, après
expérimentation, les résultats obtenus: validation des hypothèses, identification des
obstacles et des difficultés, stratégies de résolution mises en oeuvre,…
Afin de proposer des éléments de réponse à la question (O2), Brousseau introduit dans la
TSD la notion de « situation fondamentale ». Une situation fondamentale est constituée
d’un ensemble de situations didactiques décrivant un concept et ses usages dans
différentes approches. La description du concept et de ses usages repose sur une étude
épistémologique.
10
Cadres Théoriques
Conclusion
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CHAPITRE II : USAGES DES THEORIES DIDACTIQUES SUR
L’EXEMPLE DES NOMBRES DÉCIMAUX
Viviane DURAND-GUERRIER
Professeure Emérite de l’Université de Montpellier - Institut Montpelliérain Alexander
Grothendieck
Denise GRENIER
Maitresse de Conférences retraitée de l’Université Grenoble Alpes - Institut Fourier
Usages des théories didactiques sur l’exemple des nombres décimaux
Introduction
Les nombres décimaux sont enseignés dès l’école primaire et utilisés tout au long du
second degré. Ils jouent un rôle fondamental dans la compréhension et les usages des
nombres rationnels et des nombres réels. Ils jouent également un rôle important en
physique via la mesure et en informatique. De nombreux travaux de recherche mettent en
évidence que des difficultés persistent jusqu’en début d’université, voire au-delà (Vergnac
& Durand-Guerrier 2014, Vivier 2015, Vivier & Durand-Guerrier 2016). L’enseignement et
l’apprentissage des nombres décimaux ont fait l’objet de travaux didactiques dès le
début des années 1980s et jusqu’à récemment (Grivard & Leonard 1981, Brousseau
1998, Bronner 1997, Roditi 2008, Tempier 2013).
Les nombres décimaux constituent un domaine pertinent pour montrer les apports des
différentes approches didactiques qui sont présentées dans cette école thématique, pour
comprendre les difficultés récurrentes des élèves et faire des choix raisonnés de
curriculum, de situations didactiques et d’évaluation.
Dans ce texte nous noterons, selon les usages, D l’ensemble des nombres décimaux et
Dn l’ensemble des nombres décimaux pouvant s’écrire avec au plus n décimales non
nulles après la virgule.
Nous analyserons ici essentiellement les tâches de comparaison dans D, sources de
difficultés récurrentes à l’école primaire, au collège et au lycée.
L’objet de ce texte est de montrer sur l’exemple du type de tâche*1 « comparaison des
décimaux » différents usages des principaux concepts des trois théories présentées dans
le premier chapitre. Nous n’aborderons pas l’intégralité des concepts ; par exemple, dans
le cas de la Théorie des Situations Didactiques, nous ne parlerons pas de situation
fondamentale, ni de stratégie. D’autre part, les cadres théoriques interviennent de
manière imbriquée comme c’est le cas dans les pratiques effectives de recherche et de
formation. Enfin, les aspects mathématiques présentés au début du chapitre jouent un
rôle tout au long du chapitre.
Nous rappelons ici trois approches qui mettent en avant des aspects épistémologiques
différents du nombre décimal positif ou nul. Les règles de comparaison sont spécifiques
de ces approches et des écritures associées.
1 – Nombres décimaux comme fractions décimales (sous ensemble de ℚ)
Les nombres décimaux sont introduits comme nombres rationnels qui peuvent s’écrire
comme quotient d’un entier et d’une puissance de 10 . Pour comparer deux nombres
décimaux écrits sous cette forme, on les écrit sous un même dénominateur, puis on
compare les numérateurs entiers.
Dans une écriture réduite, le numérateur et le dénominateur sont premiers entre eux : le
numérateur n’est pas un multiple de 10 , et l’exposant de la puissance de 10 du
dénominateur est le minimum des exposants positifs possibles. Cette écriture est alors
unique. Les entiers correspondent à l’exposant 0 . En utilisant la division euclidienne, on
obtient une nouvelle écriture : partie entière (quotient du numérateur par le dénominateur)
+ fraction décimale non entière (reste dans la division euclidienne). Si les parties entières
sont égales, on compare les fractions « restes » avec mise au même dénominateur.
1 Les expressions en italique suivies d’un astérisque (*) renvoient au Glossaire en ligne de Balacheff pour le
lecteur qui souhaite une définition précise.
15
Usages des théories didactiques sur l’exemple des nombres décimaux
Les trois approches décrites en introduction peuvent être présentes plus ou moins
explicitement dans les conceptions que construisent les élèves du nombre décimal.
L’écriture en expansion décimale étant naturellement présente dans la vie quotidienne,
notamment avec une mise au format systématique (affichage des prix, mesures de
longueur, mesures de poids, etc.), il est donc incontournable de la prendre en charge en
classe. Dans la réalisation des tâches de comparaison (mais aussi d’autres tâches), selon
l’approche choisie, les techniques appropriées et leurs justifications sont plus ou moins
accessibles pour les élèves. Il nous semble donc nécessaire de considérer dans
l’enseignement, dès l’école primaire et jusqu’en début d’université, plusieurs approches
pour une conceptualisation consistante et opératoire du nombre décimal.
2. Premiers éléments sur la construction des nombres décimaux par les élèves
Pour analyser les difficultés fréquentes et durables sur les nombres décimaux, la
didactique des mathématiques dispose d’outils théoriques. La Théorie des Champs
Conceptuels (Vergnaud, 1990) propose des outils d’analyse des concepts construits par
les élèves (voir Chapitre 1). Dans ce paragraphe, nous nous appuyons principalement sur
deux invariants opératoires : théorème-en-acte* et concept-en-acte*.
Pour la tâche de comparaison des décimaux, de nombreux travaux de recherche (par
exemple Grisvard & Léonard, 1981 ; Bronner 1997) ont montré que, indépendamment
des programmes, les réponses fausses d’élèves du primaire au lycée, et sans doute
beaucoup de réponses exactes, sont conformes à l'application d'un algorithme en deux
étapes :
- d’abord, une comparaison des parties entières, basée sur l’ordre dans ℕ , qui aboutit à un
classement partiel ;
- puis, si les parties entières sont égales, la comparaison des parties décimales conforme
dans de très nombreux cas, à l'un des deux théorèmes-en-acte ci-dessous (R1 est très
majoritaire) :
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Usages des théories didactiques sur l’exemple des nombres décimaux
Théorème-en-acte R1 : le nombre dont la partie décimale forme le plus grand « entier » est le
plus grand.
Exemples : 12,113 > 12,4 car 113 > 4
12,8 > 12,4 car 8 > 4
Théorème-en-acte R2 : le nombre qui a le plus grand nombre de décimales est le plus
petit.
Exemples : 12,98 < 12,9
12,04 < 12,4
R1 et R2 ont chacun leur propre domaine d'application (domaine où il permet de
conclure, même de manière erronée), mais aucun des deux ne permet d'obtenir un ordre
total. Chacun d’entre eux a un domaine de validité (sous-domaine du domaine
d’application où il donne une réponse exacte) ; pour chacun de ces deux théorèmes-en-
acte, celui-ci est non vide. Ainsi, R1 donne une réponse exacte lorsque les deux nombres
décimaux à comparer sont dans le même Dn ou sont écrits sous le même format ; R2
donne une réponse exacte si les entiers formés par les parties décimales vérifient l’ordre
lexicographique.
On peut regrouper R1 et R2 dans un seul théorème-en-acte : « Pour comparer deux
nombres décimaux écrits sous forme d’expansion décimale finie, on compare les
nombres qui composent la partie entière ; s’ils sont égaux, on compare les parties
décimales ». Il reste à préciser comment on compare les parties décimales. Dans la vie
courante et dans les pratiques de classe, R1 donne souvent une réponse correcte, ce qui
explique sa pérennité. Pour le faire évoluer, il est nécessaire de faire rencontrer aux élèves
des cas où il est utilisé hors de son domaine de validité, pour discuter les conditions de
son application et introduire le théorème-en-acte correct.
R1 et R2 sont reliés à l’écriture « en expansion décimale », la virgule séparant les parties
entière et décimale. Cette écriture pourrait être associée pour certains élèves au concept-
en-acte de nombre décimal sous la forme « entier-virgule-entier » qui peut expliquer les
erreurs fréquentes repérées dans des recherches didactiques pour d’autres types de
tâches, comme, par exemple :
12,7 + 5,6 = 17,13
Ajoute un dixième à 2,9 ; réponse : « 2,10 parce que tu ajoutes 1 à 9 ».
« Il n’y a pas de nombres entre 2,74 et 2,75 car il n’y a pas de nombre entre 74 et 75. »
Une analyse de la transposition didactique* au fil des réformes permet de comprendre
comment ces approches et les difficultés éventuelles associées sont prises en compte ou
non dans les programmes, les documents d’accompagnement et les manuels.
17
Usages des théories didactiques sur l’exemple des nombres décimaux
En seconde
L’objectif d’approfondir la connaissance des divers types et ensembles de nombres est
repris à l’identique de ce qui est demandé au cycle 4, et il est complété par : « Ils [les
élèves] comprennent que calculatrices et logiciels font des calculs approchés. En liaison
avec un approfondissement de l’étude des multiples et diviseurs, ils consolident la
pratique du calcul sur les fractions. »
La définition choisie : « Un nombre réel est l’abscisse d’un point de la droite graduée »
met en avant les liens assez naturels entre nombres et mesures de différentes grandeurs,
et la correspondance biunivoque entre la droite numérique et l’ensemble des nombres
réels. Ce choix de transposition didactique nous semble pertinent car il se situe en
continuité (et non en rupture) par rapport au vécu des élèves sur les nombres. Il est aussi
2MENJS (2020) Bulletin Officiel n°31 du 30 juillet 2020. Annexe 2 : Programme d'enseignement du cycle de
consolidation (cycle 3), Annexe 3: Programme d'enseignement du cycle des approfondissements (cycle4)
https://www.education.gouv.fr/bo/20/Hebdo31/MENE2018714A.htm
3MENJS (2019) Bulletin Offciel Spécial n°1 du 22 janvier 2019. Programme de mathématiques de la classe
de seconde générale et technologique.
https://www.education.gouv.fr/bo/19/Special1/MENE1901631A.htm
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Usages des théories didactiques sur l’exemple des nombres décimaux
cohérent avec les choix faits par Cantor et Dedekind dans leur construction de
l’ensemble des nombres réels : en effet, leurs théories respectives garantissent
l’existence de cette correspondance biunivoque entre l’ensemble des nombres réels et
les points de la droite munie d’une origine et d’une unité de longueur. Ceci est à l’œuvre
dans les va-et-vient entre registre numérique et registre graphique en Analyse tout au
long du lycée et à la transition lycée-université (par exemple dans l’utilisation du
théorème des valeurs intermédiaires).
L’objectif de ce programme en ce qui concerne les nombres réels est ambitieux. Une
analyse des moyens prévus pour remplir cet objectif révèle que certaines questions
fondamentales ne sont pas développées dans les documents officiels. On peut faire
l’hypothèse que ces questions ne seront pas traitées par les enseignants. Nous
mentionnons ci-dessous les principaux éléments que nous avons identifiés, et des pistes
qui pourraient être envisagées.
➢ L’introduction des nombres réels comme abscisses de points sur la droite graduée
s’inscrit dans la continuité de la relation entre l’ordre des points sur la droite et
celui sur les nombres décimaux. Le théorème de Thalès permet théoriquement de
construire sur la droite les points d’abscisse rationnelle ; l’introduction du guide-
âne (réseau de droites parallèles) est un outil pour cela dès la fin de l’école
primaire. Le théorème de Pythagore permet théoriquement de construire des
points d’abscisse irrationnelle algébrique, notamment pour les racines carrées
d’entiers qui ne sont pas des carrés parfaits. Ceci permet une première approche
de l’incomplétude de l’ensemble des nombres décimaux et de l’ensemble des
nombres rationnels.
A
ak.10 k, « écriture décimale ») sont bien
∑
➢ Les trois écritures (fraction décimale k ,
10
présentes à des niveaux différents dans les programmes actuels, cependant leur
mise en relation n’est pas toujours évidente. Le choix didactique de les travailler
dans des moments différents est compréhensible, mais risque de laisser dans
l’ombre les distinctions entre la nature d’un nombre et ses différentes écritures.
➢ De nombreux théorèmes permettant de caractériser les différents types de
nombres sont implicites ; les arguments de preuve sont absents. Nous dirons que
la variable didactique « type d’un nombre » est oubliée. Elle est pourtant
fondamentale pour l’objectif annoncé de leur construction. Ainsi, dans la rubrique
« Approfondissements possibles », il est indiqué « Observation, sur des
exemples4 , de la périodicité du développement décimal de nombres rationnels, du
fait qu’un développement décimal périodique correspond à un rationnel. » (BO
spécial annexe de janvier 2019 page 7). Or, il est possible de justifier ce résultat en
s’appuyant sur la division euclidienne étendue aux décimaux, qui est disponible
dès le cycle 4.
➢ D’une manière générale, le travail sur les entiers est isolé de la construction des
autres nombres réels : dans le thème de la division euclidienne, son usage pour le
codage des nombres décimaux non entiers n’est pas travaillé ; les liens entre
l’écriture avec quotient et reste et l’écriture en fraction décimale sont rarement
envisagés, alors même qu’un travail sur les fractions est mentionné dans ce
thème, en lien avec multiples et diviseurs. Ce travail permettrait pourtant de
distinguer les rationnels non décimaux par les écritures décimales illimitées
périodiques (Perrin, 2005). Il s’agit ici d’une occasion manquée de préparer à
l’existence de nombres irrationnels.
➢ Les écritures impropres des nombres décimaux sont évoquées dans le programme
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Usages des théories didactiques sur l’exemple des nombres décimaux
• Dans la partie « Travaux et exercices » qui suit (page 61), une grande variété d’exercices
est proposée qui permet d’explorer a priori les deux techniques et pour la première son
domaine de validité. Néanmoins, on peut faire l’hypothèse que ce qui a été présenté
dans la partie introductive (page 60) ne permet pas un travail autonome des élèves.
Bien que nous n’ayons pas fait les analyses praxéologiques des manuels actuels, nous
faisons l’hypothèse que la prise en compte explicite dans le document
d’accompagnement du cycle 3 de la complexité du type de tâche « ordonner des
nombres décimaux » et des techniques et technologies associées pourrait se refléter
dans les manuels contemporains. Ces analyses sont en cours et seront publiées par
ailleurs.
La Théorie des Situations Didactiques nous offre des outils pour cette analyse, en
particulier les notions de situation didactique*, contrat et milieu didactiques*, rétroaction
du milieu*, variable didactique*. Dans cette section nous développons deux points ; 1/
l’identification de variables didactiques pertinentes concernant les nombres décimaux ;
2/ un exemple de situation permettant d’interroger le domaine de validité du théorème-
en-acte R1.
Remarque. Brousseau (1998) utilise l’expression modèle implicite d’action plutôt que
théorème-en-acte.
1. Identifier les variables didactiques et proposer des activités permettant de travailler
l’ensemble des choix pertinents des valeurs de ces variables.
Deux variables didactiques jouent un rôle fondamental dans cette tâche de
comparaison : les ensembles Dn auxquels appartiennent les nombres à comparer, et leur
écriture. Prenons deux exemples :
E1. « Ranger par ordre décroissant : 5,64 ; 4,56 ; 4,46 ; 6,45 ; 4,65 ; 6,54. »
(Delta 6e maths 2021,ex. 70b p.36)
36 689 5
E2. « Range dans l’ordre décroissant : 3,7 ; 3,702 ; ; 3+ ; 3+ » (les
10 1000 10
cahiers de Sesamath, 6ème, 2021 ex.7b, p.8)
E1 sera réussi par tous les élèves qui ont acquis l’ordre dans ℕ. En effet, la technique de
comparaison des entiers appliquée aux parties entières ou lorsque celles-ci sont égales,
aux nombres formés par les décimales, permet de réussir cet exercice. La technologie
associée est « R1 dans D2 ».
E2 nécessite d’avoir compris à la fois l’ordre dans 𝔻 pour des nombres appartenant à
des Dn différents et le passage d’une écriture fractionnaire à une écriture décimale.
Ces mêmes variables permettent de distinguer les effets potentiels des exercices
d’encadrement ci-après :
E3. « Complète avec un nombre décimal : a. 3,4 < … < 3,5 b. 6,15 < … < 6,16 » (Les
cahiers de Sesamath 6e 2021, partie de l’exercice 3, p.8)
E4. « Complète les inégalités avec un nombre décimal comportant autant de
décimales : 5,3 < … < 5,5 ; 13,6 < … < 13,8 ; 1,25 < … < 1,27 ; 37,06 > … > 37,04 ;
0,4 > . . . > 0,2 ; 1,141 > . . . > 1,139. » (MATHS CM2- Calcul et Géométrie - collection
Chapuis – Nathan 1991)
E3 nécessite de changer de sous-ensemble Dn , alors que E4 se résout en traitant les
parties décimales comme des entiers. De plus, comme on doit rester dans le même Dn, il
n’y a qu’une réponse possible pour chacun des couples de nombres proposés.
21
Usages des théories didactiques sur l’exemple des nombres décimaux
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Usages des théories didactiques sur l’exemple des nombres décimaux
Conclusion
Les difficultés récurrentes avec les nombres décimaux persistent jusqu’en début
d’université. Nos analyses didactiques montrent qu’elles sont liées à la nature même de
ces nombres, à la pluralité des approches et des représentations possibles. Un enjeu de
l’enseignement devrait être l’articulation entre les trois approches que nous avons
mentionnées au début de ce texte. Ces obstacles de nature épistémologique* sont
insuffisamment pris en charge dans les choix de transposition didactique actuels au
collège et au lycée, et ce malgré une certaine reconnaissance de ces difficultés. Nous
avons proposé au fil du texte des analyses et quelques pistes pour se saisir des
opportunités présentes dans les programmes. Ceci dans la perspective d’une
construction solide des différents types de nombres permettant une entrée réussie dans
les enseignements scientifiques dispensés à la transition lycée-université.
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Usages des théories didactiques sur l’exemple des nombres décimaux
Annexe
Début du chapitre « Les nombres décimaux : comparaison » manuel MATHS CM2 1991
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RÉFÉRENCES
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Tradition in Mathematics. In W. Blum, M. Artigue, M. A. Mariotti, R. Sträßer, & M. Van den
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Springer International Publishing. https://doi.org/10.1007/978-3-030-05514-1_2
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• Brousseau, G. (2011). La théorie des situations didactique en mathématiques. Education et
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• Chevallard, Y. (1991). La transposition didactique avec un exemple d'analyse de la
transposition didactique. La Pensée Sauvage Editions.
• Chevallard, Y. (2001). Organiser l’étude: 1. Structures et Fonctions. In J.-L. Dorier, M.
Artaud, M. Artigue, R. Berthelot, & R. Floris Actes de la XIe École d’été de didactique des
mathématiques. (pp. 3-32). Editions la Pensée Sauvage
• Grisvard, C. & Leonard, F. (1981). Sur deux règles implicites utilisées dans la comparaison
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• MENJS (2020) Programmes Cycle 3 et Cycle 4.
• MENJS (2021) Document d’accompagnement - Cycle 3 Mathématiques - Nombres et
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l’Enseignement Public (APMEP), 2008, 477, pp.479-483.
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pour le développement d’une ressource, Thèse de doctorat de l’Université Paris Diderot.
• Vergnac, M., & Durand-Guerrier, V. (2014). Le concept de nombre réel au lycée et en début
d’université : un objet problématique. Petit x, 96, 7–28.
• Vergnaud,G. (1989) « La théorie des champs conceptuels » - acte Vème école d’été de
didactique des mathématiques.
• Vergnaud, G. (1990) La théorie des champs conceptuels. Recherches en Didactique des
Matématiques. 10/2.3.
• Vergnaud, G. (2013). Pourquoi la théorie des champs conceptuels ? Infancia y Aprendizaje,
36 (2), 131-161.
• Vivier, L. (2015). Sur la route des réels. Note de synthèse pour l’habilitation à diriger les
recherches, Université Paris Diderot.
• Vivier, L., & Durand-Guerrier, V. (2018). Densité de D, complétude de R et analyse réelle -
Première approche. First conference of International Network for Didactic Research in
University Mathematics, Mar 2016, Montpellier, France
COMITÉ SCIENTIFIQUE ET D’ORGANISATION
Comité scientifique
Grégoire CHARLOT Université Grenoble Alpes - IF (UMR 5582)
Viviane DURAND-GUERRIER Université de Montpellier - IMAG (UMR 5149)
Marie-Line GARDES Haute Ecole Pédagogique du canton de Vaud (Lausanne) - Suisse
Sylvain GRAVIER CNRS - IF (UMR 5582)
Denise GRENIER Université Grenoble Alpes - IF (UMR 5582)
Ghislaine GUEUDET Université Paris-Saclay - UR EST
Comité d'organisation
Hamid CHAACHOUA Université Grenoble Alpes- LIG (UMR 5217)
Grégoire CHARLOT Université Grenoble Alpes - IF (UMR 5582)
Mickael DA RONCH Université Grenoble Alpes - IF (UMR 5582) - HEP du Valais - Suisse
Viviane DURAND-GUERRIER Université de Montpellier - IMAG (UMR 5149)
Michèle GANDIT Université Grenoble Alpes - IF (UMR 5582)
Sylvain GRAVIER CNRS - IF (UMR 5582)
Denise GRENIER Université Grenoble Alpes - IF (UMR 5582)
Rémi MOLINIER Université Grenoble Alpes - IF (UMR 5582)