Droit Penal International

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UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES – TOULOUSE 1

FACULTÉ DE DROIT

RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME


DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL
LA RESPONSABILITÉ « PÉNALE » DES ÉTATS ET DES AUTRES PERSONNES MORALES
PAR RAPPORT À CELLE DES PERSONNES PHYSIQUES EN DROIT INTERNATIONAL
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Thèse pour le Doctorat en Droit

Présentée et soutenue publiquement le 13 décembre 2005

Par

Ottavio QUIRICO

Membres du Jury

Robert CHARVIN
Professeur à l’Université de Nice
Rapporteur

Jean-Marie CROUZATIER
Professeur à l’Université de Toulouse 1
Directeur de recherche

Gérard GONZALEZ
Professeur à l’Université de Montpellier
Rapporteur

Marie-Hélène GOZZI
Maître de Conférences à l’Université de Toulouse 1

Michel-Louis MARTIN
Professeur à l’Institut d’Études Politiques de Toulouse
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME
DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL
LA RESPONSABILITÉ « PÉNALE » DES ÉTATS ET DES AUTRES PERSONNES MORALES
PAR RAPPORT À CELLE DES PERSONNES PHYSIQUES EN DROIT INTERNATIONAL
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008
UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES – TOULOUSE 1
FACULTÉ DE DROIT

RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME


DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL
LA RESPONSABILITÉ « PÉNALE » DES ÉTATS ET DES AUTRES PERSONNES MORALES
PAR RAPPORT À CELLE DES PERSONNES PHYSIQUES EN DROIT INTERNATIONAL
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Thèse pour le Doctorat en Droit

Présentée et soutenue publiquement le 13 décembre 2005

Par

Ottavio QUIRICO

Membres du Jury

Robert CHARVIN
Professeur à l’Université de Nice
Rapporteur

Jean-Marie CROUZATIER
Professeur à l’Université de Toulouse 1
Directeur de recherche

Gérard GONZALEZ
Professeur à l’Université de Montpellier
Rapporteur

Marie-Hélène GOZZI
Maître de Conférences à l’Université de Toulouse 1

Michel-Louis MARTIN
Professeur à l’Institut d’Études Politiques de Toulouse
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L’Université des Sciences Sociales n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans cette thèse. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
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Que tous ceux qui, à un titre ou à un autre, savent déjà tout ce que ce travail leur doit,
trouvent ici encore l’expression de mes sincères remerciements.
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“Je ne me fie quasi jamais aux premières pensées qui me viennent.”


René Descartes, Discours de la méthode (1637)
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SOMMAIRE

Introduction générale 1

Première partie
Le système normatif de la responsabilité internationale pénale:
la responsabilité des États par rapport à celle des individus

Introduction de la première partie 29


Chapitre 1
La responsabilité internationale pénale des individus 33
Chapitre 2
La responsabilité internationale pénale des États:
développement du concept et projets 93
Chapitre 3
Le côté objectif de la responsabilité “pénale” des États: l’infraction 137
Chapitre 4
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Le côté objectif de la responsabilité “pénale” des États: la procédure et la sanction 179


Chapitre 5
Le côté subjectif de la responsabilité “pénale” des États:
l’imputation de l’infraction et de la sanction 215
Conclusion de la première partie 247

Deuxième partie
Incohérences et perspectives de réforme du système normatif
de la responsabilité internationale pénale

Introduction de la deuxième partie 251


Chapitre 6
La réaction aux infractions majeures étatiques: problèmes liés aux contre-mesures
en droit international général et aux procédures onusiennes 255
Chapitre 7
Le conflit de compétence entre le Conseil de sécurité et la Cour internationale
de justice en matière de responsabilité majeure des États 293
Chapitre 8
Croisement de la responsabilité pénale individuelle et étatique et problèmes
institutionnels conséquents: les T.P.I., les contre-mesures étatiques et le C.d.S. 321
Chapitre 9
Perspectives de réforme: la C.P.I. comme juge unique de la responsabilité
des individus et des États 365
Chapitre 10
Perspectives de réforme: la possible expansion subjective et objective
du système du droit international pénal 437
Conclusion de la deuxième partie 493

Conclusion générale 497


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SIGLES ET ABRÉVIATIONS

Publications
A.D.: Annual Digest of Public International Law Cases
A.D.I.: Actualité et droit international
A.F.D.I.:Annuaire français de droit international
A.J.I.L.: American Journal of International Law
A.J.N.U.: Annuaire juridique des Nations Unies
A.P.D.: Archives de philosophie de droit
Af. Y.B.I.L.: African Yearbook of International Law
An. Der. I.: Anuario de derecho internacional
Ann. C.D.I.: Annuaire de la Commission du droit international
Ann. can. D.I.: Annuaire canadien de droit international
Ann. D.I.: Annuario di diritto internazionale
Ann. I.D.I.: Annuaire de l’Institut de droit international
Ann. T.P.I.Y.: Annuaire du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
As. Y.B.I.L.: Asian Yearbook of International Law
Austr. Y.B.I.L.: Australian Yearbook of International Law
B.Y.B.I.L.: British Yearbook of International Law
Bel. Y.B.I.L.: Belgian Yearbook of International Law
Bull. C.I.C.R.: Bulletin du Comité international de la Croix Rouge
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Bull. Crim.: Bulletin des arrêts de la Cour de cassation – Chambre criminelle


C.I.J. Rec.: Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour internationale de justice
C.I.J. Mém.: Mémoires de la C.I.J.
C.P.J.I. série A/B: Recueil de arrêts, avis consultatifs et ordonnances (depuis 1931)
C.P.J.I. série A: Recueil des arrêts de la Cour permanente de justice internationale
C.P.J.I. série B: Recueil des avis consultatifs de la C.P.J.I.
C.P.J.I. série C: Recueil des actes et documents concernant les arrêts et avis consultatifs
C.P.J.I. série D: Actes et documents relatifs à l’organisations de la C.P.J.I.
C.P.J.I. série E: Rapports annuels de la C.P.J.I.
C.P.J.I. série F: Index généraux des documents de la C.P.J.I.
Calif. L.R.: California Law Review
Can. Y.B.I.L.: Canadian Yearbook of International Law
Columbia H.R.L.R.: Columbia Human Rights Law Review
Columbia J.T.L.: Columbia Journal of Transnational Law
Columbia L.R.: Columbia Law Review
Com. Int.: La comunità internazionale
Crim. L.F.: Criminal Law Forum
D.: Recueil Dalloz
D.A.I.: Documents d’actualité internationale
D.I.P.: Droit international public
Denver J.I.L.P.: Denver Journal of International Law and Policy
E.J.I.L.: European Journal of International Law
Fordham I.L.J.: Fordham International Law Journal
Fordham I.L.R.: Fordham International Law Review
F. Aff.: Foreign Affairs
G.P.: Gazette du palais
G.Y.B.I.L.: German Yearbook of International Law
Harvard I.L.J.: Harvard International Law Journal
Harvard L.R.: Harvard Law Review
I.C.J. Pleadings: International Court of Justice pleadings
I.C.J. Rep.: International Court of Justice Report
I.C.L.Q.: International and Comparative Law Quarterly
I.L.M.: International Legal Materials
I.L.R.: International Law Reports
I.Y.B.I.L.: Italian Yearbook of International Law
Int. C.L.R.: International Criminal Law Review
Int. Org.: International Organizations
Int. L.Q.: International Law Quarterly
Isr. L.R.: Israel Law Review
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Isr. Y.B.H.R.: Israel Yearbook of Human Rights


J.Cl.: Jurisclasseur
J.C.P.: Jurisclasseur périodique
J.D.I.: Journal du droit international
J.E.D.I.: Journal européen de droit international
J.O.: Journal officiel
L.G.D.J.: Librairie générale de droit et de jurisprudence
L.G.F.: Librairie générale française
L.R.T.W.C.: Law Reports of Trials of War Criminals (15 vol.), London, 1947-1949
Leiden J.I.L.: Leiden Journal of International Law
Melbourne J.I.L.: Melbourne Journal of International Law
N.I.L.R.: Netherlands International Law Review
N.Y.B.I.L.: Netherlands Yearbook of International Law
Nouv. Ét. Pén.: Nouvelles études pénales
Ö.Z.ö.R.V.: Österreichische Zeitschrift für öffentliches Recht und Völkerrecht
P.A.: Les petites affiches
Proc. A.S.I.L.: Proceedings of the American Society of International Law
R. ég. D.I.: Revue égyptienne de droit international
R. esp. D.I.: Revista espagnola de derecho internacional
R. hell. D.I.: Revue hellénique de droit international
R.B.D.I.: Revue belge de droit international
R.B.D.I.D.C. Revue belge de droit international et de droit comparé
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R.C.A.D.I.: Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye


R.C.D.I.P.: Revue critique de droit international privé
R.D.H.: Revue des droits de l’homme
R.D.I.: Revue de droit international (La Pradelle)
R.D.I.D.C.: Revue de droit international et de droit comparé
R.D.I.L.C.: Revue de droit international et de législation comparée
R.D.I.S.P.: Revue de droit international et de science politique et diplomatique
R.D.L.R.D.A.: Revue de droit et de la législation de la République démocratique allemande
R.D.P.: Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger
R.D.P.C.: Revue de droit pénal et de criminologie
R.G.D.I.P.: Revue générale de droit international public
R.I.C.R.: Revue internationale de la Croix-Rouge
R.I.D.C.: Revue internationale de droit comparé
R.I.D.P.: Revue internationale de droit pénal
R.I.D.P.C.: Revue internationale de droit pénal et comparé
R.P.S.: Revue pénale suisse
R.Q.D.I.: Revue québécoise de droit international
R.S.A.: Recueil des sentences arbitrales
R.S.C.: Revue de science criminelle et de droit pénal comparé
R.S.D.I.E.: Revue suisse de droit international et de droit européen
R.T.D.H.: Revue trimestrielle des droits de l’homme
R.T.N.U.: Recueil des traités des Nations Unies
R.U.D.H.: Revue universelle des droits de l’homme
Rec. C.É., S.: Recueil des décisions du Conseil d’État, Sirey
Rec. D.S.: Recueil Dalloz Sirey
Rev. Dr. Publ. Sc. Po. Fr. Étr.: Revue de droit public et de sciences politiques en France et à l’étranger
Rev. Sc. Crim.: Revue de sciences criminelles
Riv. D.I.: Rivista di diritto internazionale
Riv. Int. F.D.: Rivista internazionale di filosofia del diritto
Riv. It. Sc. Giur.: Rivista italiana per le scienze giuridiche
S.: Recueil Sirey
Sp. Y.B.I.L.: Spanish Yearbook of International Law
T.A.M. Rec.: Recueil de tribunaux arbitraux mixtes
Texas I.L.J.: Texas International Law Journal
Texas L.R.: Texas Law Review
Trim. Du monde: Trimestre du monde
Vanderbilt J.I.L.: Vanderbilt Journal of International Law
Vanderbilt J.T.L.: Vanderbilt Journal of Transnational Law

XII
SIGLES ET ABRÉVIATIONS

Virginia J.I.L.: Virginia Journal of International Law


Yale L.J.: Yale Law Journal
Z.a.ö.R.V.: Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht
Zeit. öff. Recht: Zeitschrift für öffentliches Recht

Institutions
A.D.I.: Association de droit international
A.É.P.S.R.C.P.I.: Assemblée des États parties au Statut de Rome de la C.P.I.
A.G.N.U.: Assemblée générale des Nations Unies
A.I.D.P.: Association internationale de droit pénal
A.I.É.A.: Agence internationale de l’énergie atomique
A.S.I.L.: American Society of International Law
A.T.N.U.T.O.: Administration transitoire des N.U. à Timor Oriental
C.C.I.: Cour criminelle internationale
C.D.I.: Commission du droit international
C.D.P.N.U.C.C.I.: Conférence diplomatique des N.U. sur la création d’une C.C.I.
C.d.S.: Conseil de sécurité
C.É.: Conseil d’État
C.E.D.H.: Cour européenne des droits de l’homme
C.I.C.R.: Comité international de la Croix-Rouge
C.I.D.H.: Cour interaméricaine des droits de l’homme
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C.I.J.: Cour internationale de justice


C.J.C.E.: Cour de justice des communautés européennes
C.P.A.: Cour permanente d’arbitrage
C.P.I.: Cour pénale internationale
C.P.I.: Cour pénale internationale
C.P.J.I.: Cour permanente de justice internationale
C.S.C.E: Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe
Com. D.H.: Comité des droits de l’homme
Com. E.D.H.: Commission européenne des droits de l’homme
F.M.I.: Fond monétaire international
H.C.R.: Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
I.C.C.: International Criminal Court
I.C.J.: International Court of Justice
I.D.I.: Institut de droit international
I.L.A.: International Law Association
I.L.C.: International Law Commission
I.L.O.: International Labour Organization
I.M.F.: International Monetary Found
I.M.O.: International Maritime Organization
I.S.I.S.C.: Institut supérieur international de sciences criminelles
Interpol: International Criminal Police Organization
M.I.N.U.K.: Mission d’administration intérimaire des N.U. au Kosovo
M.P.I.: Max Planck Institute for Foreign and International Criminal Law
N.A.T.O.: North Atlantic Treaty Organization
O.A.C.I.: Organisation de l’aviation civile internationale
O.C.D.É.: Organisation de coopération et de développement économique
O.É.A.: Organisation des États américains
O.I.A.C.: Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques
O.I.T.: Organisation internationale du travail
O.M.C.: Organisation mondiale du commerce
O.M.I.: Organisation maritime internationale
O.M.S: Organisation mondiale de la santé
O.N.U.: Organisation des Nations Unies
O.T.A.N.: Organisation du Traité de l’Atlantique du Nord
O.U.A.: Organisation de l’Unité Africaine
P.C.A.: Permanent Court of Arbitration
P.C.J.I.: Permanent Court of International Justice
R.F.S.Y.: République fédérale socialiste de Yougoslavie
R.F.Y.: République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)

XIII
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

S.d.N.: Société des Nations


S.F.D.I.: Société française pour le droit international
S.G.N.U.: Secrétariat général des Nations Unies
T.M.I.: Tribunal militaire international (de Nuremberg ou de Tokyo)
T.P.I.: Tribunal pénal international
T.P.I.R.: Tribunal pénal international pour le Rwanda
T.P.I.Y.: Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
U.E.: Union européenne
U.I.P.: Union interparlementaire
U.N.: United Nations
U.N.C.I.O.: United Nations Conference on International Organization
U.N.E.S.C.O.: United Nations Organization for Education, Science and Culture
U.N.I.D.R.O.I.T.: Institut international pour l’unification du droit international privé
U.R.S.S.: Union des Républiques socialistes soviétiques
W.T.O.: World Trade Organization

Abréviations usuelles
A.G.: Assemblée générale
cit.: cité
coll.: collection
C. Cass.: Cour de cassation
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C.P.: Code pénal


C.P.P.: Code de procédure pénale
Cass. Crim.: Chambre criminelle de la Cour de cassation
Ch. App.: Chambre d’appel
Ch. Crim.: Chambre criminelle
Ch. I (ou II): Chambre de première instance I (où II)
Ch.: Chambre
Cour Admin. App.: Cour administrative d’appel
doc. off.: documents officiels
éd.: édition/éditeur
Mél.: Mélanges
n.: numéro
not.: notamment
O.N.G.: Organisation non gouvernementale
op. diss.: opinion dissidente
op. ind.: opinion individuelle
op.: opinion
P.I.D.C.P.: Pacte international relatif aux droits civils et politiques
R.P.P.: Règlement de procédure et de preuve (du T.P.I.Y. ou du T.P.I.R.)
S.G.: Secrétariat général
t.: tome
Trib. Arb.: Tribunal arbitral
vol.: volume

XIV
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INTRODUCTION GÉNÉRALE

§ 1. Problématique de la thèse et méthode. § 2. Considérations liminaires sur la nature du droit


international. § 3. La responsabilité pénale des États et des autres personnes morales dans les
normes de droit international. § 4. La responsabilité pénale des personnes physiques dans les
normes de droit international. § 5. Normes de droit international pénal et normes de droit pénal
international. § 6. Plan de la thèse.

§ 1. Problématique de la thèse et méthode.


En droit international le sujet de la responsabilité constitue une question finale et
intéressante, au centre de nombreuses études et débats. Un sujet dans le sujet est celui
de la responsabilité pénale, objet du présent travail: il s’agit d’établir quelle est la place
de la responsabilité pénale dans le système de droit international. Notre intérêt porte,
essentiellement, sur la responsabilité des États. Par “État” nous entendons un ensemble
de sujets, organisés selon certaines normes valables dans un espace et un temps
déterminés: le concept d’État correspond à celui d’ordre juridique.1 La responsabilité
étatique implique, nécessairement, la responsabilité individuelle et ouvre des
perspectives sur la responsabilité des personnes morales en général.
L’approche est strictement normative: le concept de “norme” est à la base de toute la
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réflexion.2 Par “norme”, d’accord avec N. Bobbio, nous entendons une proposition,
c’est-à-dire un ensemble de mots, ayant une signification impérative.3 Le concept de
norme s’identifie, ainsi, avec celui du devoir être (das sollen), selon la proposition
générale de H. Kelsen et constitue, par conséquent, le “ontos” même du droit.4 Dans la
catégorie des normes, nous considérons, comme normes primaires, celles qui créent des
obligations et, comme normes secondaires, celles qui classent et sanctionnent les
violations desdites obligations.5 Toujours dans la ligne de Bobbio, qui reprend la

1 Sur la réduction du concept d’État à celui d’ordre juridique voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre.
Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), Wien,
Franz Deuticke Verlag, 1934, trad. it. R. Treves, Torino, Einaudi, 2000, p. 131-132, 140, 145-148; H.
KELSEN, General Theory of Law and State (Théorie générale du droit et de l’État), New York, 1945,
trad. fr. B. Laroche et V. Faure, Paris, L.G.D.J., E.J.A., 1997, p. 235; H. KELSEN, Théorie du droit
international public, in R.C.A.D.I., 1953-III, vol. 84, p. 70; N. BOBBIO, Teoria generale del diritto,
Torino, Giappichelli, 1993, p. 276.
2 Sur la norme en tant qu’objet spécifique de la connaissance juridique voir F. CASTBERG, La
méthodologie du droit international public, in R.C.A.D.I., 1933-I, vol. 43, p. 321, d’après lequel “l’objet
de la connaissance [du droit] est constitué par la norme juridique, l’application de la norme et la relation
de cette norme avec d’autres”.
3 Voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 45 s. Sur cette conception de la norme voir, aussi,
H.L.A. HART, The Concept of Law (Il concetto di dirittio), Oxford, Clarendon Press, 1961, trad. it. M.A.
Cattaneo, Torino, Einaudi, 2002, p. 218; A. ROSS, Legal Norms and Norms of Chess, in Ö.Z.ö.R.V.,
1957-1958, VIII, p. 477-487; F. CASTBERG, La méthodologie du droit international public, cit., p. 316,
322.
4 Voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik
(Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 61 s.; H. KELSEN, General Theory of Law and State
(Théorie générale du droit et de l’État), cit., p. 85-87; H. KELSEN, Allgemeine Theorie der normen
(Théorie générale des normes), Wien, Manz Verlag, 1979, trad. fr. O. Beaud et F. Malkani, Paris, P.U.F.,
1996, p. 115-117, 175; J. KALINOWSKI, Sur l’importance de la logique déontique pour la philosophie
du droit, in Riv. Int. F.D., 1985, 62, p. 212-226.
5 Sur cette distinction voir H.L.A. HART, The Concept of Law (Il concetto di dirittio), cit., p. 95-117,
qui, toutefois, entend, par normes secondaires, non seulement celles qui prévoient des sanctions, mais,
plus généralement, celles qui attribuent des pouvoirs, de sorte que le domaine des normes primaires
correspondrait à celui de la capacité juridique, tandis que le champ des normes secondaires coïnciderait,
au sens large, avec celui de la capacité d’agir. Sur la nécessité de repérer des concepts juridiques en
dehors des notions de droit et de devoir, notamment ceux de pouvoir et de sujétion, voir W.N.
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

doctrine du lien d’imputation de H. Kelsen, nous considérons que la forme logique


typique de la norme est hypothétique: “Si A, B doit être”.6 Dans la norme juridique
secondaire la première partie de la proposition correspond à l’action ou omission
illicite, due au non respect d’une règle impérative négative (interdiction) ou à
l’inexécution d’une règle impérative positive (commandement), la deuxième partie
correspond à la sanction, ayant la fonction d’annuler l’infraction. La norme secondaire,
assurant la tenue de la norme primaire, qui se limite à imposer des comportements sans
prévoir des sanctions, est essentielle pour l’exécution de la norme primaire et
fondamentale pour qualifier un ordre normatif en tant qu’ordre juridique. En effet, dans
les normes juridiques la sanction est externe, alors que la sanction des normes morales
est exclusivement interne. En outre la sanction juridique émane des mêmes sources
autoritaires qui créent les normes primaires, ce qui la distingue des autres normes
sociales. Finalement on peut douter, sur le plan théorique, qu’une obligation dépourvue
de sanction soit vraiment contraignante, donc obligatoire, et, même en admettant la
possibilité de concevoir un droit dépourvu de sanction, il s’agirait d’une pure
spéculation, car il ne pourrait pas être effectif en pratique, tandis que le droit doit tendre
à l’effectivité. Les normes n’existent, jamais, seules, mais elles se rapportent les unes
aux autres, exception faite pour la norme “tout est permis”, définissant l’état de la
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guerre absolue, et pour la norme, purement hypothétique, “tout est interdit”: par
“système normatif” nous entendons une totalité ordonnée, c’est-à-dire un ensemble de
normes entre lesquelles subsiste un certain ordre, axé sur le concept de devoir être.7

HOHFELD, Some Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial Reasoning, in Yale L.J., 1913,
23, p. 16-59. Sur la nature des actes à efficacité juridique, exercice du pouvoir, voir K. OLIVECRONA,
Law as a Fact (La struttura dell’ordinamento giuridico), 1939, trad. it. E. Pattaro, Bologna, Etas
Kompass, 1972, p. 244 s. En revanche d’après H. KELSEN, Allgemeine theorie der normen (Théorie
générale des normes), cit., p. 189, “si l’on admet que la distinction entre une norme prescrivant un certain
comportement et une norme prescrivant une sanction en cas de violation de la première norme est
essentielle pour le droit, alors il faut appeler la première norme ‘norme primaire’ et la seconde ‘norme
secondaire’”, de sorte qu’on réduit la notion de pouvoir à celle de droit et les normes attributives de
facultés rentrent dans la champ des normes primaires (voir, aussi, H. KELSEN, Reine Rechtslehre.
Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p.
70). Nous accueillons cette dernière approche, car elle est la plus simple et la plus répandue en doctrine
(conformément voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 154). Sur la distinction entre normes
primaires et secondaires voir, aussi, C.D.I., Rapport sur les travaux de la vingt-huitième session, in Ann.
C.D.I., 1976, vol. II, 2ème partie, p. 66, § 68.
6 N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 115 s.; H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in
die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 66; H.
KELSEN, General Theory of Law and State (Théorie générale du droit et de l’État), cit., p. 96. Sur la
structure logique de la norme et la relation entre la condition et la conséquence dans le schéma normatif
voir H. KELSEN, Allgemeine theorie der normen (Théorie générale des normes), cit., p. 355-356.
7 Par l’expression “relations normatives” nous faisons référence aux rapports qui s’établissent entre les
différentes règles d’un système juridique. Sur le concept de droit en tant que système normatif, non
scientifique, voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 159 s., 169-170, 201, d’après lequel
“les normes juridiques n’existent jamais seules, mais toujours dans un contexte de normes, qui ont des
relations particulières entre elles. On appèle ce contexte ordre. Il sera bien d’observer que le mot “droit”,
parmi plusieurs significations, a même celle de “ordre juridique” comme dans les expressions “droit
romain”, “droit italien”, “droit canonique”, etc.”. Sur les concepts de norme, relations normatives et ordre
juridique voir aussi H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche
Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., not. p. 61 s., 95 s.; H. KELSEN, Les rapports
de système entre le droit interne et le droit international, in R.C.A.D.I., 1926-IV, vol. 14, p. 263-265; A.
ROSS, Introduction à l’empirisme juridique – Textes théoriques (Le problème des sources à la lumière
d’une théorie réaliste du droit), trad. fr. E. Millard et E. Matzner, Bruxelles, Bruylant, Paris, L.G.D.J.,
2004, p. 27; R. VERNENGO, Le droit est-il un système?, in A.P.D., 1991, t. 36, p. 253-264; C.
SAMPER, Argumentaire pour l’application de la systémique au droit, in A.P.D., 1999, t. 43, p. 327 s.
Pour une conception plus institutionnelle, donc relationnelle, et moins normative du droit voir S.

2
INTRODUCTION GÉNÉRALE

Selon l’enseignement traditionnel de la philosophie du droit, toute norme juridique


peut être évaluée selon trois critères indépendants et compatibles: celui de la validité
(problème ontologique), celui de la justice (problème déontologique) et celui de
l’efficacité (problème phénoménologique).8
Notre analyse, normative, est, pour l’essentiel, d’ordre ontologique, la question étant
celle d’étudier la composition normative du système positif de la responsabilité
internationale pénale.9 Il s’agit d’établir quelles normes sont valides en matière de
responsabilité internationale pénale et de quelle façon: tout d’abord on définit le
système, puis on en fait une évaluation critique. Par le biais d’une interprétation
d’ordre, essentiellement, systématique, selon l’enseignement de l’école du positivisme
juridique, nous classons, de façon inductive, les normes du droit international pénal,
pour élaborer un cadre général de la responsabilité des personnes physiques et morales,
ensuite nous nous interrogeons sur ses problèmes. L’idée est de rapprocher les normes
de la responsabilité internationale pénale, individuelle et collective, pour réaliser un
“mosaïque” et, ensuite, établir quelles pièces se joignent et quelles ne se joignent pas,
en d’autres termes il est question de faire un travail d’“ingénierie juridique”. Ainsi on

ROMANO, Realtá giuridica, in Frammenti di un dizionario giuridico, Milano, Giuffré, 1947, p. 204-
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219. Sur la question de la connaissance juridique voir, aussi, H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung
in die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 47-55; E.P.
HABA, Science et droit – quelle “science”? Le droit en tant que science: une question de méthodes, in
A.P.D., 1991, t. 36, p. 165 s.
8 Sur cette approche méthodologique voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 23 s., 45 s.
Selon Eduardo García Máynez, disciple du philosophe espagnol Ortega y Gasset, par l’expression “droit”
on désignerait trois éléments, c’est-à-dire le droit formellement valable, le droit intrinsèquement valable,
le droit efficace. La première expression serait propre des normes que l’autorité politique considère
comme obligatoires dans un territoire déterminé et à une époque déterminée, la deuxième expression
serait propre du droit juste, donc des normes qui règlent les relations entre les hommes les plus proches
de l’idéal de justice, la troisième expression serait propre des règles de conduite qui déterminent
effectivement la vie d’une société dans un moment historique déterminé (voir E. GARCÍA MÁYNEZ, La
definición del derecho. Ensayo del perspectivismo jurídico, México, Editorial Stylo, 1948). D’après
Julius Stone, disciple du plus influent philosophe du droit contemporain américain, Roscoe Pound,
l’étude du droit, pour se dire complet, devrait résulter de ces trois composants: premièrement la
jurisprudence analytique, que l’on appèle théorie générale du droit, à savoir l’étude du droit du point de
vue de la forme, deuxièmement la jurisprudence critique ou étique, qui embrasse l’étude des différents
idéaux de justice et, par conséquent, du droit réel dans ses relations avec le droit idéal, que l’on nomme
théorie de la justice, troisièmement la jurisprudence sociologique, qui étudie non pas le droit dans les
livres (law in books), mais le droit en action (law in action) (voir J. STONE, The Province and Function
of Law as Logic, Justice and Social Control, Sidney, Maitland Publ., 1950). D’après Alfred Von
Verdross, orienté vers la théorie du droit naturel, il existerait trois façons différentes de concevoir le droit,
selon sa valeur idéale (la justice), selon sa valeur formelle (la validité), selon sa mise en pratique
(l’efficacité); la première perspective serait celle du philosophe du droit, la deuxième serait celle du
philosophe moral, alors que la troisième serait celle du sociologue (voir A.V. VERDROSS, Zur klärung
des rechtsbegriffes, 1950).
9 Cette approche est typiquement positive. D’après la théorie du positivisme juridique le droit valable est
le droit créé et sanctionné par une autorité établie, de sorte qu’on réduit la justice à la validité. Un
système ainsi élaboré peut être défini comme dynamique, car les normes dérivent les une des autres sur la
base de l’autorité qui les pose et par délégations successives de pouvoir. Selon quelques auteurs on peut
faire remonter cette conception, qui s’impose à partir du XIX siècle et dont un des plus influents partisans
est sans doute Hans Kelsen, à la doctrine politique de Thomas Hobbes (voir H. KELSEN, Reine
Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del
diritto, cit., p. 95-97; H. KELSEN, General Theory of Law and State (Théorie générale du droit et de
l’État), cit., p. 65, 80 s., 164 s.; N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 35-38, 202-204). Sur
l’approche positive au droit voir W. SABETE, La théorie du droit et le problème de la scientificité.
Quelques réflexions sur le mythe de l’objectivité de la théorie positive, in A.P.D., 1999, t. 43, p. 303 s.;
W. SABETE, La théorie de la connaissance scientifique en droit et le procès de la métaphysique, in
A.P.D., 2002, t. 46, p. 407 s.; R. AGO, Droit positif et droit international, in A.F.D.I., 1957, III, p. 14 s.

3
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

conçoit l’ordre juridique international, en général, et, notamment, l’ordre de droit


international pénal, comme un système normatif: suivant cette logique nous considérons
notamment, du côté des États, les principes généraux du droit international pénal, tels
que synthétisés par le Projet sur la responsabilité des États, ainsi que les normes
relatives, surtout celles définissant le système onusien et, du côté des individus, les
principes généraux de la responsabilité pénale, tels que synthétisés par le Statut de la
Cour pénale internationale, ayant, tout de même, une efficacité relative.10 À l’intérieur
du système, plus spécifiquement, nous considérons s’il existe des points de contact
entre la responsabilité pénale des personnes morales et celle des personnes physiques,
par une analyse synthétique de la responsabilité criminelle qui devrait éclairer,
notamment, la nature de la responsabilité étatique: l’étude est assez pionnière, car les
analyses traditionnelles en la matière tendent, plutôt, à séparer les questions de la
responsabilité étatique et individuelle. Le principe de fond qui guide l’évaluation
critique est celui de la cohérence d’ensemble du système (principe de cohérence lato
sensu), entendue comme harmonie et simplicité générales axées sur le concept basique
du devoir être.11 Dans cette évaluation rentre, spécifiquement, la constatation et la
tentative de résolution d’éventuelles antinomies entre les normes (principe de cohérence
stricto sensu), ainsi que des lacunes (principe d’exhaustivité) du système.12 Dans une
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moindre mesure ce travail contient, aussi, des évaluations en point d’efficacité, d’ordre
phénoménologique, du moins car nous considérons, selon une perspective proprement

10 Pour une approche systématique au droit international pénal voir H. ASCENSIO, E. DECAUX, A.
PELLET (sous la direction de), Droit international pénal, Paris, Pedone, 2000, p. 1-1053; J. BARBOZA,
International Criminal Law, in R.C.A.D.I., 1999, vol. 278, p. 13-199. Sur le droit international en tant que
système normatif, ayant une validité illimitée dans l’espace, dans le temps et quant au contenu, voir H.
KELSEN, Principles of International Law, 2nd ed., New York, Rinehart & Company Inc., 1956, p. 6-7,
93-94, 190; H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 61-64. Sur l’application du
concept de système au droit international voir G. ABI-SAAB, Cours général de droit international
public, in R.C.A.D.I., 1987-VII, vol. 207, p. 102-125. Sur la question de la valeur des normes juridiques
dans le temps et dans l’espace voir N. INTZESSILOGLOU, L’espace-temps du système juridique: de la
spatio-temporalité systémique à la spatio-temporalité juridique, in A.P.D., 1998, t. 42, p. 285 s.
11 Sur cette conception de la cohérence du système juridique voir N. MACCORMACK, Raisonnement
juridique et théorie du droit, Paris, P.U.F., 1996, p. 181, 231 s.
12 Les critères classiques pour la résolution des antinomies sont: le critère hiérarchique, de spécialité et
chronologique. En vertu du critère hiérarchique la norme supérieure déroge à la norme inférieure
contradictoire, en vertu du critère de spécialité la norme spéciale déroge à la norme générale
contradictoire, en vertu du critère chronologique, la norme postérieure déroge à la norme antérieure
contradictoire. Les principes hiérarchique et de spécialité prévalent sur le principe chronologique. Entre
le principe hiérarchique et le principe de spécialité, même si, en théorie, le premier devrait prévaloir, en
pratique on décide au cas par cas. La contradiction est sans solution lorsque deux normes sont au même
niveau hiérarchique, contemporaines et également générales ou spéciales, ce qui peut arriver dans le
cadre d’un traité international (voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 201 s., 217 s.; H.
KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik, cit., p. 154-155).
Sur l’existence et la nécessité de résoudre les antinomies en droit, impliquant l’application de la logique
déductive et du principe de vérification, du moins au niveau du métalangage normatif (descriptif: Rechts-
sätze), sinon au niveau du droit positif (impératif: Rechts-norme), voir. H. KELSEN, Allgemeine theorie
der norme (Théorie générale des normes), cit., p. 205, 253-255, 336-337, 361-362; J. KALINOWSKI,
Introduction à la logique juridique, Paris, L.G.D.J., 1965; J. KALINOWSKI, Sur l’importance de la
logique déontique pour la philosophie du droit, cit., 1985, 62, p. 212-226. Sur l’impossibilité d’appliquer
la logique déductive et le principe de vérification au droit voir A. ROSS, Introduction à l’empirisme
juridique – Textes théoriques (Les impératifs et la logique/Qu’est-ce que la justice? Selon Kelsen), cit., p.
40, 120-121. Les lacunes naissent, en l’absence d’une normativité précise, de la possibilité de les
résoudre en ayant recours, alternativement, au principe d’exclusion ou à celui de l’analogie (voir N.
BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 237 s.). Sur l’existence des lacunes en droit international
voir P. WEIL, Le droit international en quête de son identité – Cours général de droit international
public, in R.C.A.D.I., 1992-VI, vol. 237, p. 204.

4
INTRODUCTION GÉNÉRALE

réaliste, si les normes en matière de responsabilité internationale pénale sont (ou


seraient) suivies par les sujets du droit international et comment agissent (ou agiraient)
les normes secondaires sur la conduite desdits sujets.13
Par contre, une évaluation du système du point de vue de la justice, d’ordre
déontologique, ne rentre pas dans notre méthode d’analyse. En effet, quant à la
fondation ultime du système du droit international positif, nous partageons les thèses du
jus-naturalisme modéré. La norme fondamentale, d’ordre moral, du droit positif, devrait
avoir un contenu tellement générique et objectif qu’aucune critique de subjectivisme ne
pourrait lui être adressée, selon la forme de l’impératif catégorique kantien: “Agis
toujours d’après une maxime telle que tu puisses vouloir qu’elle devienne en même
temps loi universelle”.14 Dans ce cadre une évaluation de conformité des normes
positives du système de droit internationale pénal avec la norme fondamentale, en
termes de justice, n’est pas possible, car le problème de la justice est une question de
valeurs extra-juridiques, qui concerne la correspondance entre la norme en vigueur,
telle qu’elle est, et des possibles normes idéales éternelles, telles qu’elles devraient
être.15 Si nous assumons comme unique norme naturelle une règle ayant un contenu

13 Cette approche est typique de l’école du réalisme juridique, par opposition au formalisme positif et à
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l’idéalisme des jus-naturalistes. D’après cette conception le droit valable serait seulement le droit
efficace, c’est-à-dire le droit créé par les actions des hommes dans la réalité sociale concrète, ainsi la
coutume deviendrait la source par excellence des normes juridiques et le juge assumerait le rôle primaire
de confirmer et faire évoluer les tendances sociales dans les arrêts judiciaires: on a, de cette façon, un
droit produit par le bas. Cette approche remonte, en 1800, à l’école historique du droit, de Savigny et de
son disciple Puchta, fleurie à l’époque de la restauration. Ensuite elle se poursuit dans les conceptions
sociologiques du droit, notamment dans le mouvement du droit libre de Kantorowicz, qui compte, parmi
ses plus influents auteurs, F. Gény et E. Ehrlich (voir F. GÉNY, Science et technique en droit privé
positif, Paris, Sirey, 1914; E. EHRLICH, Die juristische Logik, 2te Aufl., Aalen, Scientia, 1966; E.
EHRLICH, La sociologia del diritto, in Riv. Int. F.D., 1922, 2, p. 96-109). Finalement cette méthode
trouve une suite, dans les systèmes de Common Law, grâce au mouvement du réalisme sociologique
américain de Oliver Wendell Holmes, de Roscoe Pound et de Jerome Franck. (voir J. FRANCK, Law and
the Modern Mind, Garden City, Doubleday & Co., 1963; R. POUND, Las grandes tendencias del
pensamiento jurídico, Barcelona, Ediciones Ariel, 1950). Cette approche inspire, en partie, les réflexions
de l’école du réalisme scandinave, dont un des majeurs représentants est, sans doute, A. Ross (voir A.
ROSS, Om ret og retfoertighed (Diritto e giustizia), 1958, trad. it. Einaudi, Torino, 1990; A. ROSS,
Legal Norms and Norms of Chess, cit., p. 477-487; A. ROSS, Introduction à l’empirisme juridique –
Textes théoriques (Le problème des sources à la lumière d’une théorie réaliste du droit), cit., p. 31; M.
KOSKENNIEMI et al., The European Tradition in International Law: Alf Ross, Symposium, in E.J.I.L.,
2003, vol. 14, n. 4, p. 653 s.). Sur l’efficacité comme critère de vérification de la validité de la norme
juridique voir, dans la doctrine italienne, U. SCARPELLI, Contributo alla semantica del linguaggio
normativo, Milano, Giuffré, 1985, p. 90 s. Pour un cadre d’ensemble de l’approche sociologique du droit
voir J. CARBONNIER, Sociologie du droit, Paris, Armand Colin, 1972; Ch. DE VISSCHER, Méthode et
système en droit international, in R.C.A.D.I., 1973-I, vol. 138, p. 75-79; R. TREVES, Due sociologie del
diritto, in Sociologia del diritto, 1992, 19, p. 11 s. Pour une critique de la méthode sociologique voir N.
BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 38-44. Sur la définition de l’efficacité des normes et sa
différence par rapport à la validité voir H.L.A. HART, The Concept of Law (Il concetto di diritto), cit., p.
122-123. Sur le problème du rapport entre la norme et la pratique voir B. CROCE, Filosofia della
pratica. Economia ed etica, Napoli, Bibliopolis, 1996, p. 337-345.
14 Voir E. KANT, Critique de la raison pratique, 1788, trad. fr. F. Picavet, 7ème éd., Paris, P.U.F, 2003, p.
30-31; E. KANT, Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785, trad. fr. V. Delbos, L.G.F., Paris,
1993, p. 95; Ch. PERELMAN, L’idée de justice dans ses rapports avec la morale, le droit et la
philosophie, in H. KELSEN et al., Annales de philosophie politique – Le droit naturel, Paris, P.U.F.,
1959, p. 125 s.
15 D’après la conception naturelle le droit valable est seulement le droit conforme à la justice, telle que
conçue par la raison naturelle: le droit positif devrait se conformer au droit idéal (voir J HERVADA,
Introducción crítica al derecho natural (Introduction critique au droit naturel), Pamplona, Eunsa, 1ère éd.
1982 – 6ème éd. 1990, trad. fr. M. Dévolvé, Brière/Hervada, 1991, not. p. 26; Ch. EISENMANN, Le juste
et le droit naturel, in H. KELSEN et al., Annales de philosophie politique – Le droit naturel, cit., p. 205-

5
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

générique, pouvant justifier toutes sortes de normes, l’opération logique consistant à


évaluer l’écart subsistant entre la norme positive, posée par une source formelle, et les
normes supposées idéales n’est pas possible.
D’après les paramètres classiques de la philosophie du droit nous pouvons conclure
que notre réflexion est du métalangage sur les normes positives du système juridique
international pénal.16
Dans l’évolution de l’étude normative nous adoptons, quelquefois, une approche de
droit comparé.17 Une aide essentielle, en outre, nous vient de la doctrine, car, étant

229). Le système ainsi conçu aurait une nature statique, d’ordre leibnizien, car les normes seraient liées
les unes aux autres comme les proposition d’un système déductif, tirées successivement en partant d’une
ou plusieurs normes originaires naturelles à caractère général, ayant la même fonction des postulats d’un
système scientifique (voir B. DE JOUVENEL, L’idée de droit naturel, in H. KELSEN et al., Annales de
philosophie politique – Le droit naturel, cit., p. 159-174). Cette doctrine a été dominante dès l’âge de
Platon jusqu’au XVIII siècle: une formulation exemplaire a été élaborée, au XVII siècle, par Hugues
Grotius, fondateur du droit moderne, et, plus récemment, par Gustav Radbruch et Alfred Verdross (voir
H. GROTIUS, De iure bello ac pacis (Le droit de la guerre et de la paix), 1625, trad. fr. P. Pradier-
Fodéré, Paris, P.U.F., 1999, Prolégomènes, VIII, p. 11, Livre I, Chapitre II/I, 1-4, p. 49-52; G.
RADBRUCH, Rechtsphilosophie, 4te Aufl., Stuttgart, Koheler, 1950, p. 336-353; G. RADBRUCH,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Gesetzliches Unrecht und übergesetzliches Recht, in Süddeutsche Juristen-Zeitung, 1946, 5, p. 105-108;


A. VERDROSS, Le fondement du droit international, in R.C.A.D.I., 1927-I, vol. 16, p. 254 s.; A.
VERDROSS, Règles générales du droit international de la paix, in R.C.A.D.I., 1929-V, vol. 30, p. 279
s.). La conception naturelle du droit pose, toutefois, le problème de définir ce qu’est la justice, car celle-ci
n’est pas une vérité démontrable more geometrico, mais elle change par rapport aux individus et dans le
temps: la réduction du droit à la justice conduit à l’anéantissement de la certitude, du moment que le droit
correspond à ce qui est juste chez les individus, mais tout individu a une conception personnelle de la
justice (voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 24, 32 s., 202 s.; N. BOBBIO, Quelques
arguments contre le droit naturel, in H. KELSEN et al., Annales de philosophie politique – Le droit
naturel, cit., p. 175-190; A. ROSS, Introduction à l’empirisme juridique – Textes théoriques (La validité
et le conflit entre le positivisme juridique et le droit naturel/Sur le raisonnement moral), cit., p. 160, 191
s.). On touche, ainsi, au problème du rapport entre l’ordre positif, qui ne s’occupe que des actions
extérieures, objectives, des personnes, et la conscience individuelle, espace libre non soumis à la
contrainte juridique qui, d’après G. Capograssi, constituerait le moteur du droit, conçu, dans son aspect
historique, comme une réalité dynamique (voir G. CAPOGRASSI, Obbedienza e coscienza, in Il foro
italiano, 1950, II, c. 47-52). Sur la question du contenu minimal moral du droit voir H.L.A. HART, The
Concept of Law (Il concetto di diritto), cit., p. 217-234. Sur le rapport entre le droit positif et la justice
voir, aussi, G. DEL VECCHIO, La giustizia, Roma, Fratelli Pallotta, 1923; H. KELSEN, Die
Philosophischen grundlagen der Naturrechtslehre und des Rechtspositivismus (Les fondements
philosophiques de la doctrine du droit naturel et du positivisme juridique), 1928, trad. fr. B. Laroche et
V. Faure, Paris, L.G.D.J., E.J.A., 1997; H. KELSEN, Justice et droit naturel, trad. fr. E. Mazingue, in H.
KELSEN et al., Annales de philosophie politique – Le droit naturel, cit., p. 1-123; Ch. PERELMAN, De
la justice (Sulla giustizia), 1945, trad. it. L. Ribet, Torino, Giappichelli, 1959, not. p. 31 s; A.P.
D’ENTREVES, Le droit naturel, in H. KELSEN et al., Annales de philosophie politique – Le droit
naturel, cit., p. 147-157. Sur le rapport entre le devoir moral et le devoir juridique voir D. GUTMANN,
L’obligation déontologique entre l’obligation morale et l’obligation juridique, in A.P.D., 2000, t. 44, p.
115 s.; H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik
(Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 56 s.; V. PETEV, Jugement juridique et jugement moral,
in A.P.D., 1995, t. 39, p. 211 s. Sur le problème de la définition de la justice internationale et son
encadrement comme principe régulateur suprême de l’ordre international voir H. KRAUS, La morale
internationale, in R.C.A.D.I., 1927-I, vol. 16, p. 397 s., 502 s.
16 Sur le rapport entre le métalangage normatif, descriptif (Rechts-sätze), constituant la science du droit,
et le langage normatif, impératif (Rechts-norme), constituant le droit positif voir H. KELSEN,
Allgemeine theorie der normen (Théorie générale des normes), cit., p. 253-255; A. ROSS, Introduction à
l’empirisme juridique – Textes théoriques (Tû-Tû), cit., p. 110-111.
17 Sur l’approche comparative au droit voir P. LEGRAND, Le droit comparé, Paris, P.U.F., 1999; J.
PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd., Paris, Dalloz, 2002, p. 28 s.; W.E. BUTLER, Comparative
Approaches to International Law, in R.C.A.D.I., 1985-I, vol. 190, p. 9 s. Pour un aperçu des droits
étrangers voir, dans le réseau Internet, les adresses ‹http://www.juriscope.org› (site répertoriant des liens

6
INTRODUCTION GÉNÉRALE

donnée la nature décentralisée du droit international, la pensée de la science juridique


joue un rôle de systématisation et d’unification plus que jamais fondamental. La
jurisprudence, en revanche, nous conforte dans la définition des normes juridiques
internationales.
La réflexion sur le système normatif positif nous conduit à la nécessité de faire des
propositions de iure condendo: finalement nous formulons des propositions normatives
dans l’esprit d’améliorer le système de la responsabilité internationale pénale et de
mieux coordonner la responsabilité individuelle et collective.18
Nous espérons, par cette réflexion, définir un cadre de synthèse clair de la
responsabilité internationale pénale, en soulignant les multiples problèmes qui la
concernent et en essayant de trouver des solutions logiques. Que cette réflexion puisse
avoir, comme conséquence pratique, la mise en place d’un système juridique
international plus équilibré et cohérent dans le domaine des infractions criminelles,
caractérisé, surtout, par une plus grande efficacité préventive, ce n’est pas l’essentiel.
Le plus important serait d’avoir ouvert, en adoptant des solutions “courageuses”, des
perspectives de recherche pour ceux qui voudront se pencher sur le sujet après nous.

§ 2. Considérations liminaires sur la nature du droit international.


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Pour comprendre si la responsabilité pénale existe dans le cadre de la communauté


internationale et quelle est sa place, il faut considérer et analyser la structure du droit
international public.19 L’étude des règles internationales permet, en effet, d’isoler les
réseaux normatifs concernant la responsabilité criminelle.20
La structure du droit international est complexe: les causes de la complexité doivent
êtres cherchées dans les sujets et les sources.21
Concernant les sujets, en adoptant la conception élargie de la subjectivité
internationale, de plus en plus soutenue en doctrine, nous considérons doués de la
personnalité juridique internationale, premièrement, les individus, personnes physiques,
ensuite les États, puis les organisations internationales d’États (organisations publiques
ou gouvernementales), personnes morales. Finalement, nous croyons à la possibilité
d’élargir la subjectivité internationale aux organisations d’individus infra-étatiques et

concernant les droits étrangers); ‹http://www.virtual-institute.de/eindex.ifm› (site de l’Institut Max Planck


pour le droit comparé et le droit international – The Max Planck Institute for Comparative Public Law
and International Law, Heidelberg, Allemagne); ‹http://cofinder.richmond.edu› (site contenant des textes
juridiques classés par pays); ‹http://www.law.nyu.edu/library/foreign_intl/country.html› (site qui
répertorie des textes juridiques classés par pays); ‹http:// www.legiscompare.com/Accueil.html› (site de
la Société de législation comparée).
18 Sur la différence entre ius conditum et ius condendum en droit international voir M. VIRALLY, Le
droit international en devenir, Paris, P.U.F., 1990, p. 213 s.
19 Si l’on garde la distinction traditionnelle entre droit international publique et privé, le droit
international pénal rentre dans le cadre du droit international public. Encore faut-il préciser qu’on
s’occupe, au cours de ce travail, du “droit international pénal”, définition qui désigne la responsabilité
criminelle, réglée par les sources internationales, pour laquelle une juridiction internationale est en place.
Le “droit international pénal” ne doit pas être confondu avec le “droit pénal international”, définissant la
responsabilité criminelle dans des cas de figures qui présentent des éléments d’extranéité, réglés par les
sources internationales en mesure majeure ou mineure, mais qui ne sont pas soumis à la juridiction
internationale (sur cette différence voir A. HUET, R. KOERING-JOULIN, Droit pénal international,
2ème éd., Paris, Puf, 2001, p. 3).
20 Voir P. ALLIOT, The Concept of International Law, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 1, p. 31 s.
21 Voir J.A. CARRILLO SALCEDO, Reflections on the Existence of a Hierarchy of Norms in
International Law, in E.J.I.L., 1997, vol. 8, n. 4, p. 583 s.; A. LEJBOWICZ, Philosophie du droit
international, Paris, P.U.F., 1999, p. 277 s.

7
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

trans-étatiques.22 Quant aux individus, il est désormais admis que non seulement ils
peuvent agir contractuellement, sur le plan du droit international “privé”, mais ils
peuvent aussi recevoir directement des droits par un traité conclu entre États.23
En ce qui concerne la naissance du droit, nous pouvons réduire le nombre des
sources à quatre: la coutume, les traités, les actes des organisations créées par le traités
et les principes généraux des nations civilisées, en suivant la classification proposée par
le célèbre article 38 du Statut de la C.I.J., qui, par ailleurs, reprend l’article 38 du Statut
de la C.P.J.I.24

22 En ce sens voir H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 66-67, 107; F.A.A.
SATCHIVI, Les sujets de droit (contribution à l’étude de la reconnaissance de l’individu comme sujet
direct du droit international), Paris, L’Harmattan, 1999, p. 13 s.; J. SPIROPOULOS, L’individu et le
droit international, in R.C.A.D.I., 1929-V, vol. 30, p. 191 s.; P.M. DUPUY, L’individu et le droit
international (Théorie des droits de l’homme et fondements du droit international), in A.P.D., 1987, t. 32,
p. 119 s. Sur la question de la subjectivité internationale et sur sa multiplicité, en général, voir P.
DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., Paris, L.G.D.J., 1999, p. 401 et 404 s.; P.
DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., Paris, L.G.D.J., 2002, p. 571 s. Il faut
considérer que la contribution du droit international pénal à la définition de l’individu comme sujet de
droit international est importante, car certains textes, tels que le Statut de la C.P.I., en faisant des
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individus des centres de droits et devoirs internationaux, en reconnaissent la subjectivité internationale


(voir L. CONDORELLI, La définition des infractions internationales – Préface, in H. ASCENSIO, E.
DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 245). Pour la conception de la subjectivité
internationale comme prérogative des États voir A. PILLET, Le droit international public – Ses éléments
constitutifs, son domaine, son objet, in R.G.D.I.P., 1894, t. 1, p. 2-3.
23 En faveur de l’admission de la subjectivité internationale des individus voir, en doctrine, F.A.A.
SATCHIVI, Les sujets de droit (contribution à l’étude de la reconnaissance de l’individu comme sujet du
droit international), cit., p. 395 s.; G. SCELLE, Essai de systématique du droit international public (plan
d’un cours de droit international public), in R.G.D.I.P., 1923, t. 30, p. 117-118; H. KELSEN, Reine
Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del
diritto), cit., p. 1533; H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 85-87, 93-95. Pour un
commentaire sur la conception de Kelsen voir C. LEBEN, Hans Kelsen and the Advancement of
International Law, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 2, p. 287 s.; D. ZOLO, Hans Kelsen: International Peace
through International Law, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 2, p. 306 s.; F. RIGAUX, Hans Kelsen on
International Law, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 2, p. 325 s.; N. BOBBIO, D. ZOLO, Hans Kelsen, the
Theory of Law and the International Legal System: a Talk, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 2, p. 365. En
jurisprudence voir C.P.J.I., Compétence des tribunaux de Dantzig, avis consultatif du 3 mars 1928, in
C.P.J.I., série B, 1928, n. 15, p. 17-18.
24 L’article 38 du Statut de la C.I.J. dispose que “1. La Cour […] applique: a. les conventions
internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les États
en litige; b. la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le
droit; c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées; d. […] les décisions
judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différents nations, comme moyen auxiliaire
de détermination de la règle de droit.” Sur la coutume et le traité comme sources fondamentales du droit
international voir F. CASTEBERG, La méthodologie du droit international public, cit., p. 322. Sur la
question des sources du droit international voir P. HEILBORN, Les sources du droit international, in
R.C.A.D.I., 1926-I, vol. 11, p. 1-63; B. CHENG, General Principles of Law as Applied by International
Courts and Tribunals, London, Stevens, 1953; M. MENDELSON, The International Court of Justice and
the Sources of International Law, in V. LOWE, M. FITZMAURICE, Fifty Years of the International
Court of Justice, Essays in Honour of Sir Robert Jennings, Cambridge, Cambridge University Press,
1996, p. 63 s.; B. CONFORTI, Diritto internazionale, 4a ed., Napoli, Editoriale Scientifica, 1992, p. 33-
178; D. ANZILOTTI, Cours de droit international, Paris, Sirey, 1929, p. 67 s. En général, sur la
croissante légalisation des relations internationales, voir K.W. ABBOTT, The Many Faces of
International Legalization, in Proc. A.S.I.L., 1998, p. 57 s. Les sources valables en droit international
général, naturellement, sont valables aussi en droit international pénal, qu’il s’agisse d’États ou
d’individus. En effet, au niveau normatif, l’article 21 alinéa 1 du Statut de la C.P.I. rappèle,
essentiellement, les mêmes sources que l’article 38 du Statut de la C.I.J., car il dispose que: “La Cour
applique: a) En premier lieu, le présent Statut et le Règlement de procédure et de preuve; b) En second
lieu, selon qu’il convient, les traités applicables et les principes et règles du droit international, y compris

8
INTRODUCTION GÉNÉRALE

Quoique le point ne fasse pas l’unanimité en doctrine, nous estimons que ces trois
sources sont liées par un ordre hiérarchique.25
Au sommet de la hiérarchie on posera la règle consuetudo est servanda, principe
général fondamental du droit international, norme d’origine coutumière, source de
toutes les sources. On aura, ainsi, identifié la norme fondamentale de l’ordre juridique
international et, par conséquent, de tout ordre juridique, conformément à la conception
unitaire du droit, moniste, posant la primauté de l’ordre international, soutenue, parmi
d’autres auteurs, par H. Kelsen.26
Ensuite on reconnaîtra l’existence des principes généraux du droit international,
normes d’origine coutumière créant des obligations qui s’imposent à tous les États et
sont erga omnes, c’est-à-dire engageant tout État envers tous les autres États (donc tous
les autres sujets) de la communauté internationale. On distinguera, dans cette catégorie,

les principes établis du droit international des conflits armés; c) À défaut, les principes généraux du droit
dégagés par la Cour à partir des lois nationales représentant les différents systèmes juridiques du monde
[…] si ces principes ne sont pas incompatibles avec le présent Statut ni avec le droit international…” La
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matière pénale peut impliquer, toutefois, des problématiques particulières par rapport aux sources
spécifiques, car la coutume n’offre pas les garanties nécessaires par rapport à la précision dans les
définitions des crimes, le droit conventionnel souffre l’absence d’un système cohérent organisant
l’ensemble du droit international pénal, tandis que les sources nationales sont très diverses (il suffit de
penser à la différence entre les pays de tradition de Common Law et les pays de tradition de Civil Law) de
sorte qu’il n’est pas facile de dégager des principes généraux univoques (voir B. SIMMA, A. PAULUS,
Le rôle relatif des différentes sources du droit international pénal (dont les principes généraux du droit),
in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 55 s.
25 Conformément voir H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 170-171; R. AGO,
Science juridique et droit international, in R.C.A.D.I., 1956-II, vol. 90, p. 946; J.A. CARRILLO
SALCEDO, Reflections on the Existence of a Hierarchy of Norms in International Law, cit., p. 583 s.
Dans le même ordre d’idées voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-sixième session,
3 mai-4 juin et 5 juillet-6 août 2004, in A.G., doc. off., 59ème sess. (2004), suppl. n. 10, A/59/10, in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/512/81/PDF/N0451281.pdf?OpenElement›, p. 306-
307. Contrairement voir B. SIMMA, A. PAULUS, Le rôle relatif des différentes source du droit
international pénal, cit., p. 59, d’après lesquels “il n’y a pas, en droit international, de hiérarchie générale
entre les sources de droit, mais seulement entre diverses normes concrètes”; P. BONIFACE, Dictionnaire
des relations internationales, Hatier, Paris, 1996, p. 112; J.H.H. WEILER, A.L. PAULUS, The Structure
of Change in International Law or Is there a Hierarchy of Norms in International Law?, in E.J.I.L., 1997,
vol. 8, n. 4, p. 545 s.; M. KOSKENNIEMI, Hierarchy in International Law: a Sketch, in E.J.I.L., 1997,
vol. 8, n. 4, p. 566 s.
26 Voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik
(Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 149-150; H. KELSEN, General Theory of Law and State
(Théorie générale du droit et de l’État), cit., p. 415; H. KELSEN, Principles of International Law, 2nd
ed., cit., p. 403 s., not. 417-418. Conformément voir H. LAUTERPACHT, The Function of the Law in
International Community, Oxford, Clarendon Press, 1993, p. 149. Pour des considérations sur la pensée
de Lauterpacht à ce propos voir M. KOSKENNIEMI, Lauterpacht: the Victorian Tradition in
International Law, in E.J.I.L., 1997, vol. 8, n. 2, p. 223; I. SCOBBIE, The Theorist as a Judge: H.
Lauterpacht’s Concept of the International Judicial Function, in E.J.I.L., 1997, vol. 8, n. 2, p. 271. En
revanche, selon H.L.A. HART, The Concept of Law (Il concetto di diritto), cit., p. 118-130, 248, 270-
274, la norme fondamentale, entendue comme reconnaissance des normes d’un ordre juridique donné,
manque en droit international, de sorte que l’on devrait renoncer à trouver l’unité de l’ordre et le
concevoir comme un ensemble de normes acceptées une par une singulièrement. D’après A.
VERDROSS, Le fondement du droit international, cit., p. 279 s., une norme fondamentale objective
n’existerait pas, car le fondement du droit international devrait être repéré dans la volonté subjective des
États de s’engager. Sur la question de la norme fondamentale voir, aussi, N. BOBBIO, Teoria generale
del diritto, cit., p. 189 s. Sur la norme fondamentale et son rapport avec le droit naturel voir D.
SARRION, Le normativisme Kelsenien et ses apories au travers de la recherche du fondement du droit,
mémoire sous la dir. de P. Ségur, Toulouse1, 2000-2001, p. 63-69.

9
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

les obligations erga omnes indivisibles, constituant le ius cogens, des obligations
divisibles.27
Les obligations erga omnes indivisibles (jus cogens) lient un État à tous les autres
États de la communauté internationale de façon conjointe, de sorte qu’elles sont
indisponibles: les États ne peuvent pas leur déroger par accord.28 En cas de violation,
tous les États de la communauté internationale sont lésés et peuvent réagir en contre-
mesure, de façon disjointe ou conjointe. Dans le cadre du droit international général de
la paix la doctrine reconnaît, assez unanimement, les obligations cogentes de respecter
le droit de tout État à l’existence, à la souveraineté, à l’égalité, ainsi que le droit des
peuples à l’autodétermination. Tant dans le droit international général de la paix que
dans celui de la guerre, on reconnaît l’obligation cogens de respecter les droits de
l’homme.29
Les obligations erga omnes divisibles lient un État à tous les autres États de la
communauté internationale de façon disjointe, de sorte qu’elles sont disponibles: les
État peuvent leur déroger par accord. En cas de violation, seul l’État lésé dans son droit
peut réagir en contre-mesure. D’après un partie de la doctrine le droit à la guerre,
entendue, lato sensu, comme emploi de la force (ius omnium contra omnes), ferait
partie de ce type d’obligations.30 Dans le cadre du droit de la paix on rangerait, au sein
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des obligations erga omnes divisibles, le devoir de respecter le droit de tout État à
l’autonomie juridictionnelle, à la reconnaissance des immunités diplomatiques, a la
liberté de commerce, à la réputation, à la libre utilisation de la haute mer, des espaces

27 Sur la distinction entre obligations générales indivisibles et divisibles voir D. ANZILOTTI, Cours de
droit international, Paris, Sirey, 1929, réédité aux éditions du Panthéon-Assas, Paris, 1999, p. 98.
28 L’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 définit le droit
impératif comme “norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son
ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise, et qui ne peut être modifiée que
par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère”. Sur l’origine forcement
coutumière du ius cogens et sa supériorité, dans la hiérarchie des normes internationales, par rapport aux
normes auxquelles on peut déroger, voir J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de ius cogens, efecto erga
omnes, crimen internacional y la teoría de los circulos concéntricos, in An. Der. I., 1995, XI, p. 5-11. Sur
l’impossibilité de déroger au ius cogens par le biais de la convention J.A. CARRILLO SALCEDO,
Soberanía del Estado y derecho internacional, Madrid, Tecnos, 1976, p. 253, 258; M. VIRALLY,
Réflexion sur le “ius cogens”, in A.F.D.I., 1966, XII, p. 8-9; G. SCHWARZENBERGER, International
ius cogens, in Texas L.R., 1965, vol. 43, p. 456 s. Sur la difficulté d’admettre l’existence du ius cogens
dans le droit international, essentiellement relatif, voir J.A. CARRILLO SALCEDO, Reflections on the
Existence of a Hierarchy of Norms in International Law, cit., p. 592, 595.
29 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 205; L. DELBEZ, Les
principes généraux du droit international public – Droit de la paix, droit préventif de la guerre, droit de
la guerre, 3ème éd., Paris, L.G.D.J., 1964, p. 525-526; P.-M. DUPUY, L’unité de l’ordre juridique
international – Cours général de droit international public, in R.C.A.D.I., 2002, vol. 297, p. 303; H.
KELSEN, Principles of international law, cit., p. 152, 157; I. BROWNLIE, Principles of Public
International Law, 2nd ed., Oxford, Clarendon Press, 1973, p. 499-500 ; A. VERDROSS, Règles
générales du droit international de la paix, cit., p. 411 s.; R.J. ALFARO, The Rights and Duties of States,
in R.C.A.D.I., 1959-II, vol 97, p. 108. Par contre, sur l’incertitude du contenu de la notion de ius cogens,
voir P.-M. DUPUY, Droit international public, 7ème éd., Paris, Dalloz , 2004, p. 285; R.Y. JENNINGS,
General Course on Principles of International Law, in R.C.A.D.I., 1967-II, vol. 121, p. 563-565.
30 Voir L. DELBEZ, Les principes généraux du droit international public – Droit de la paix, droit
préventif de la guerre, droit de la guerre, 3ème éd., cit., p. 396. Sur la guerre, lato sensu, en tant qu’emploi
de la force, voir T. HOBBES, Leviathan or the Matter, Form & Power of a Common-wealth
Ecclesiasticall and Civill (Léviathan ou matière, forme et puissance de l’État chrétien et civil), 1651,
trad. fr. G Mairet, Gallimard, 2000, p. 224-225; H. GROTIUS, De iure bello ac pacis (Le droit de la
guerre et de la paix), cit., Livre I, Chapitre I, II, p. 34). En revanche, pour une conception de la guerre
comme absence de droit, voir G.W.F. HEGEL, Grundlinien der Philosophie des Rechts (Principes de
philosophie du droit), 1820, trad. fr. J.-F. Kervégan, Paris, P.U.F., 1998, p. 409, § 338.

10
INTRODUCTION GÉNÉRALE

aériens libres et des régions polaires, le devoir de respecter l’environnement, et,


finalement, le principe alterum non laedere (interdiction de l’emploi de la force: paix),
impliquant le principe pacta sunt servanda, justifiant le degré normatif inférieur
constitué par la coutume et les traités relatifs, strictement lié au critère de l’efficacité
relative des traités (pacta tertiis neque prosunt neque nocent) et à celui de l’efficacité
pro tertiis des traités favorables en l’absence d’opposition.31
L’existence des principes généraux, y comprise la norme fondamentale, s’explique,
dans l’horizon positif, en tenant compte du fait qu’ils seront admis lorsqu’un bon
nombre d’États suit une certaine pratique, en l’absence d’une opposition consistante
explicite, sans que l’on requière, par contre, l’unanimité de la conduite.32

31 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 39-40, 321 s.; P.-M.
DUPUY, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 334 s; A. VERDROSS, Règles générales du droit
international de la paix, cit., p. 420 s. Le principe pacta sunt servanda est consacré par l’article 26 de la
Convention de Vienne de 1969, selon lequel “tout traité en vigueur engage les parties et doit être exécuté
de bonne foi”. Sur la règle pacta sunt servanda voir J.B. WHITTON, La règle “pacta sunt servanda”, in
R.C.A.D.I., 1934-III, vol. 49, p. 147-276; L. LE FUR, Règles générales du droit de la paix, in R.C.A.D.I.,
1935-IV, vol. 54, p. 147 s. Sur l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités voir P.
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DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 218-221. Par rapport aux traités le
principe pacta tertiis neque prosunt neque nocent est consacré par l’article 34 de la Convention de
Vienne sur le droit des traités, selon lequel “un traité ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers
sans son consentement”. Pour une application du principe de l’efficacité relative des traités en
jurisprudence voir C.P.J.I., Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, Allemagne/Pologne,
arrêt n. 7 du 25 mai 1926, in C.P.J.I., série A, 1926, p. 29; C.P.A., Iles de Palmas, États-Unis
d’Amérique/Pays Bas, 4 avril 1928, in R.S.A., N.U., vol. II, p. 850.
32 Sur le concept de principe général en tant que norme voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit.,
271-273. Sur la coïncidence de principes généraux du droit international avec la coutume absolue,
entendue comme le résultat de l’observation du comportement du plus grand nombre d’États possible
auquel il faut ajouter la conviction de son caractère obligatoire, voir P.-M. DUPUY, Droit international
public, 7ème éd., cit., p. 322-330; H. KELSEN, Principles of International Law, 2nd ed., cit., p. 188, 307,
316; I. BROWNLIE, Principles of Public International Law, 2nd ed., cit., p. 4-5; B. SIMMA, A.
PAULUS, Le rôle relatif des différentes sources du droit international pénal, in H. ASCENSIO, E.
DECAUX., A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 60; H. LAUTERPACHT, Private Sources and
Analogies of International Law (with Special Reference to Abstraction), London/New York,
Longmans/Green, 1927; W.W. BISHOP, General Course of Public International Law, in R.C.A.D.I.,
1965-II, vol. 115, p. 224-225; C. TOMUSCHAT, Obligations Arising for State with or against Their
Will, in R.C.A.D.I., 1993-IV, vol. 241, p. 311 s.; P. WEIL, Le droit international en quête de son identité
– Cours général de droit international public, cit., p. 149-151, 186-189. Sur l’interprétation de la
coutume générale en tant que tacita convention voir D. ANZILOTTI, Cours de droit international, Paris,
Sirey, 1929, réédité aux éditions du Panthéon-Assas, Paris, 1999, p. 73-74; R. QUADRI, Cours général
de droit international public, in R.C.A.D.I., 1964-III, vol. 113, p. 319. Différente serait, par contre, la
justification de l’existence des principes généraux dans l’horizon du droit naturel, car on devrait admettre,
selon une approche “statique”, que certaines normes, naturellement reconnues par la conscience étatique
en raison de critères extra-juridiques, s’imposent à tous les États comme obligations erga omnes. Dans ce
cadre, toutefois, on ne pourrait justifier que l’existence des normes cogentes et, par ailleurs, cette
approche s’expose, comme toute théorie du droit naturel, à la critique du subjectivisme. En faveur d’une
approche naturel aux principes généraux du droit international voir A. VERDROSS, Völkerrecht, 5te
Aufl., Wien, Springler, 1964, p. 22; A. VERDROSS, Le fondement du droit international, cit., p. 283-285
s.; A. VERDROSS, Règles générales du droit international de la paix, cit., p. 279 s.; G. BARILE, La
structure de l’ordre juridique international – Règles générales et règles conventionnelles, in R.C.A.D.I.,
1978-III, vol. 161, p. 48-64; CH. DE VISSCHER, Positivisme et “ius cogens”, in R.G.D.I.P., 1971, t. 75,
n. 1, p. 5-11; G.P. BUZZINI, La théorie des sources face au droit international général – Réflexions sur
l’émergence du droit objectif dans l’ordre juridique international, in R.G.D.I.P., 2002, t. 106, n. 3, p.
590-608. Sur le principe selon lequel il faut respecter les accords établis comme loi naturelle, en dehors
de laquelle aucun droit ne serait possible et il n’y aurait que l’état de guerre, voir T. HOBBES, Léviathan,
cit., p. 248; G.W.F. HEGEL, Grundlinien der Philosophie des Rechts (Principes de philosophie du droit),
cit., p. 407, § 333.

11
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

La notion de “principe général du droit international”, que la doctrine a largement


contribué à systématiser, permet de sauver, sur le plan logique, l’unité de l’ordre
juridique international. D’ailleurs de ces principes, notamment du choix entre la licéité
ou l’illicéité générale de l’emploi de la force, donc du choix entre le droit de la guerre
(libre emploi de la force), entraînant les obligations de la neutralité, et celui de la paix
(interdiction de l’emploi de la force: alterum non laedere), dépend toute l’élaboration
du droit international général et particulier. Les principes généraux fondamentaux du
droit international de la paix, par ailleurs, sont efficacement synthétisés par la
Résolution de l’A.G.N.U. 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, portant sur les principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération entre États.33
En présence d’une lacune sur laquelle les principes généraux du droit international
sont muets, on peut avoir recours, pour combler l’espace normatif vide, aux principes
généraux des “nations civilisées”, résultant de la plupart des ordres juridiques internes
du monde, pas forcement tous, étant entendu que, aujourd’hui, toutes les nations sont
considérées “civilisées”.34
Ensuite on trouvera les règles coutumières relatives et les normes des traités,
forcement relatifs, ayant validité seulement entre les États qui participent à un accord
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33 Sur la guerre comme principe général de l’ordre juridique international ainsi que sur le droit de la
neutralité voir L. DELBEZ, Les principes généraux du droit international public – Droit de la paix, droit
préventif de la guerre, droit de la guerre, 3ème éd., cit., p. 396 s., 564-565; P. DAILLIER, A. PELLET,
Droit international public, 7ème éd., cit., p. 935 s. Sur la paix comme interdiction de l’emploi de la force
voir H. KELSEN, Principles of International Law, 2nd ed., cit., p. 17. Sur la paix comme principe général
de l’ordre juridique international voir, dans une perspective de droit positif, H. KELSEN, Peace through
Law (La pace attraverso il diritto), 1944, trad. it. L. Ciaurro, Torino, Giappichelli, 1990, préface, p. 36,
d’après lequel “assurer la paix mondiale doit être notre principal objectif politique, un objectif beaucoup
plus important que le choix entre démocratie et dictature, ou entre capitalisme et socialisme”. Sur la paix
comme principe général de l’ordre juridique international dans une perspective de droit naturel voir I.
KANT, Zum ewigen frieden (Per la pace perpetua), trad. it. Roberto Bodiga, Bologna, Feltrinelli, 1991,
notamment p. 46 s., d’après lequel l’humanité serait naturellement en chemin vers la paix, poussée par
l’esprit de commerce, en contraste radical avec la guerre, de sorte que “la nature assure la paix
perpétuelle par le mécanisme des tendances humaines; avec une sûreté qui ne suffit pas pour prévoir (en
théorie) son futur, mais qui suffit sur le plan de la pratique et nous impose le devoir de travailler pour ce
but (non simplement chimérique)”; T. HOBBES, Léviathan, cit., p. 231, qui affirme que “c’est un
précepte et une règle générale de la raison que chacun doit s’efforcer à la paix aussi longtemps qu’il peut
l’atteindre”. Sur l’identification des concepts de “paix” et de “sécurité” voir J.-M. BECET, Paix et
sécurité, in F. MAYOR et al., Paix, développement, démocratie, Boutros Boutros-Ghali amicorum
discipulorumque liber, Bruxelles, Bruylant, 1998, vol. 2, p. 899-901.
34 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 351. Sur les principes
généraux du droit voir P. WEIL, Le droit international en quête de son identité – Cours général de droit
international public, cit., p. 144-149; E. GARCÍA MÁYNEZ, Los principios generales del derecho y la
distinción entre principios jurídicos normativos y no normativos, réédité in E. GARCÍA MÁYNEZ,
Ensayos filosóficos-jurídicos: 1934-1959, Universidad Veracruzana, Xalapa (México), 1959, p. 281-299.
L’expression “principes généraux des nations civilisées” a été héritée du Statut de la C.P.J.I. (voir B.
SIMMA, The Contribution of Alfred Verdross to the Theory of International Law, in E.J.I.L., 1995, vol.
6, n. 1, p. 48). Sur la généralité et la fonction normative des principes généraux du droit voir B.
VITANYI, La signification de la “généralité” des principes de droit, in R.G.D.I.P., 1976, t. 80, n. 2, p.
536 s.; B. VITANYI, Les positions doctrinales concernant le sens de la notion de “principes généraux de
droit reconnus par les nations civiles”, in R.G.D.I.P., 1982, t. 86, n. 1, p. 50 s.; J.A. BARBERIS, Les
règles spécifiques du droit international en Amérique Latine, in R.C.A.D.I., 1992-IV, p. 224. Pour une
vision critique des principes généraux du droit voir H. KELSEN, The Law of the United Nations. A
Critical Analysis of Its Fundamental Problems, London, Stevens & Sons Limited, 1951, p. 533. Pour une
conception naturelle des principes généraux du droit voir A.V. VERDROSS, Les principes généraux de
droit dans le système des sources du droit international public, in M. BATTELLI et al., Recueil d’études
de droit international en hommage à Paul Guggenheim, Genève, Imprimerie de la Tribune, 1968, p. 521-
530.

12
INTRODUCTION GÉNÉRALE

donné.35 Ces normes possèdent la même force juridique des principes généraux
coutumiers divisibles et peuvent leur déroger.36 Quant au problème des rapports des
traités entre eux, en l’absence d’une hiérarchie préalablement établie par un organe
centralisé, on doit accueillir, en principe, le critère de l’égalité. Ainsi, selon la règle de
la lex posterior, le dernier traité l’emporte sur le précédent, si le domaine d’application
est le même, entre les sujets membres des deux traités, autrement la règle de l’effet
relatif l’emporte, de sorte qu’un sujet ayant signé les deux traités sera lié par le premier
aux sujets ayant signé seulement le premier traité et par le deuxième aux sujets qui en
font parties. Ces principes sont consacrés par l’article 30 de la Convention de Vienne
sur le droit des traités de 1969.37 La règle, toutefois, peut être dérogée par un traité
même, lorsque celui-ci établit sa propre supériorité par rapport aux autres. Notamment
c’est le cas de la Charte des N.U., qui prévaut sur les autres traités en vertu de l’article
103, comme le reconnaît l’article 30 § 1 de la Convention de Vienne de 1969. C’est le
cas, aussi, du Traité instituant le G.A.T.T., qui impose aux sujets membres de ne
conclure que des traités compatibles avec ses dispositions.38 L’article 103 de la Charte
des N.U., notamment, inspiré par l’article 20 du Pacte de la S.d.N., établit une pyramide
des normes conventionnelles internationales, au sommet de laquelle se trouverait la
Charte, selon la conception que les négociateurs de San Francisco avaient de la
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supériorité de la Charte, de son caractère “constitutionnel”, de sa nature de “supra


légalité” par rapport aux autres traités internationaux.39 En vertu du principe de la lex

35 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 118; P.-M. DUPUY,
Droit international public, 7ème éd., cit., p. 275 s.; B. CONFORTI, Diritto internazionale, 4a ed., cit., p.
179-180. Sur le rôle de la coutume dans le droit international voir S.J. ANAYA, Customary International
Law, in Proc. A.S.I.L., 1998, p. 41 s.; H. CHARLESWORTH, The Unbearable Lightness of Customary
International Law, in Proc. Asil., 1998, p. 44 s.; J.L. GOLDSMITH, E.A. POSNER, Notes Toward a
Theory of Customary International Law, in Proc. A.S.I.L., 1998, p. 53 s.; R.-J. DUPUY, Coutume sage et
coutume sauvage, in S. BASTID et al., La communauté internationale, Mélanges offerts à Charles
Rousseau, Paris, Pedone, 1974, p. 75 s. Sur la coutume comme règle naissant de la rencontre de deux
comportements réguliers dus à la coïncidence des intérêts voir J. L. GOLDSMITH, E.A. POSNER, Notes
Toward a Theory of Customary International Law, cit., 1998, p. 55. Sur la méthode de recherche des
règles coutumières voir L. FERRARI-BRAVO, Méthodes de recherche de la coutume internationale
dans la pratique des États, in R.C.A.D.I., 1985-III, vol. 192, p. 233-330. Sur la coutume relative voir P.
DE VISSCHER, Cours général de droit international public, in R.C.A.D.I., 1972-II, vol. 136, p. 66; G.
COHEN JONATHAN, La coutume locale, in A.F.D.I., 1961, VII, p. 119 s. Sur les traités en tant que
sources du droit international voir H. KELSEN, Contribution à la théorie du traité international, in
Revue internationale de la théorie du droit, 1936, p. 253; P. REUTER, Introduction au droit des traités,
3ème éd., Paris, P.U.F., 1995. Sur les traités et la coutume comme sources autonomes de droit international
voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 124 s. et 318 s.; P. ALLIOT,
The Concept of International Law, cit., p. 38-47.
36 Voir, en doctrine, D. ANZILOTTI, Cours de droit international, cit., p. 45 s. et 188 s., où l’on affirme
que la formation des normes par le biais de l’accord, dans la communauté internationale, excluant
l’imposition de l’ordre supérieur, comporte la conséquence que “le droit particulier l’emporte, de loin, sur
le droit général”; D. CARREAU, Traité international, in D. CARREAU et. al., Encyclopédie juridique
Dalloz – Répertoire de droit international, Paris, Dalloz, 1998, t. III, p. 5, § 22. En jurisprudence voir
C.I.J., Plateau continental de la mer du Nord, Danemark et Pays Bas/Allemagne, arrêt du 20 février
1969, in C.I.J. Rec., 1969, p. 3.
37 En doctrine, sur cette question, voir P. REUTER, Introduction au droit des traités, Paris, P.U.F., 1985;
S. BASTID, Les traités dans la vie internationale – Conclusion et effets, Paris, Economica, 1985, p. 162.
Pour repérer les traités internationaux on peut consulter, dans le réseau Internet, les adresses
‹http://www.fletcher.tufts.edu/multilaterals.html› (Fletcher Law School – site pour repérer les traités
multilatéraux par sujet); ‹http://www.yale.edu/lawwb/avalon/avalon.htm› (site de recherche des traités
internationaux, très efficace, de l’Université de Yale – The Avalon Project).
38 Voir D. CARREAU, Droit international, 5ème éd., Paris, Pedone, 1997, p. 85.
39 Voir U.N.C.I.O., Documents of the United Nations Conference on International Organization
(Documents de la Conférence des Nations Unies sur l’organisation internationale, San Francisco, 15

13
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

prior, jusqu’à un éventuel amendement, cette supériorité hiérarchique doit être


considérée comme effective: il faut estimer qu’elle s’applique non seulement aux
normes originaires, mais aussi aux normes dérivées en vertu des décisions des organes
de l’O.N.U.40
Au fond de l’échelle hiérarchique on identifie les actes des organisations
internationales créées par les traités.41
Par rapport à ces sources, les décisions de la jurisprudence internationale et les
opinions de la doctrine constituent des moyens auxiliaires de détermination du droit et
servent, donc, à éclairer les sources principales.42
Ce système des sources présente une caractéristique particulière: les sources sont,
toujours, plurilatérales, jamais unilatérales: le droit international naît de l’accord.43
Seuls les actes des organisations internationales gouvernementales peuvent êtres
unilatéralement efficaces, mais leur validité obligatoire est, exclusivement, interne, car,
extérieurement, ils ne relèvent que de la “soft law”.44 L’exercice du pouvoir obligatoire
interne ne remet pas en cause le principe du consentement, car le pouvoir unilatéral

avril-26 juin 1945), New York, vol. XIII, p. 598, 602, 646, 654, 662-663, 666, 675, 684-686, vol. XV, p.
117. En doctrine voir E. GIRAUD, La révision de la Charte des Nations Unies, in R.C.A.D.I., 1956-II,
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vol. 90, p. 340 s.; Ch. CADOUX, La supériorité du droit des Nations Unies sur le droit des États
membres, in R.G.D.I.P., 1959, t. 63, p. 649 s. Sur l’article 103 de la Charte des N.U. et ses différences par
rapport à l’article 20 du Pacte de la S.d.N. voir H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical
Analysis of Its Fundamental Problems, cit., p. 111-121.
40 Par ailleurs, on débat en doctrine sur une éventuelle identification entre les principes de la Charte et
ceux du ius cogens et entre le domaine couvert par la Charte et par le ius cogens, mais il n’y a aucune
certitude à cet égard, tout simplement l’on reconnaîtra que beaucoup de droits reconnus par la Charte
confirment ou inspirent bon nombre des principes généraux cogentes du droit international de la paix
(voir T. FLORY, Commentaire de l’article 103 de la Charte des N.U., in J.P. COT, A. PELLET, La
Charte des Nations Unies – Commentaire article par article, 2ème éd., Paris, Economica, 1991, p. 1381-
1389; L.-M. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, The Charter of the United Nations –
Commentary and Documents, 3rd ed., New York/London, Columbia Unversity Press, 1969, article 103, p.
614-617).
41 Sur les organisations intergouvernementales comme source de droit voir F.A.A. SATCHIVI, Les sujets
de droit (contribution à l’étude de la reconnaissance de l’individu comme sujet direct du droit
international), cit., p. 13; P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 356 et
364 s.
42 Sur la fonction de la jurisprudence et de la doctrine en droit international voir B. SIMMA, A.
PAULUS, Le rôle relatif des différentes sources du droit international pénal, cit., p. 65 s.
43 Sur la question voir D. ANZILOTTI, Cours de droit international, cit., p. 67 s. et 161, d’après lequel
“les normes juridiques internationales se constituent par le moyen d’accords; les sujets de l’ordre
juridique international commencent à exister au moment où un premier accord intervient [...] ceci
équivaut à dire qu’à la base de toutes les relations juridiques internationales il y a un accord des sujets”;
l’accord aurait forme explicite dans le traité et tacite dans la coutume, qui ne serait rien d’autre que la
convergence des comportements des parties manifestant la volonté de respecter des obligations; A.
PILLET, Le droit international public – Ses éléments constitutifs, son domaine, son objet, cit., p. 11.
44 Sur le pouvoir unilatéral interne des organisations internationales voir M.H. SINKONDO, Droit
international public, Paris, Ellipses, 1999, p. 433 et 442 s.; A.J.P. TAMMES, Decisions of International
Organs as a Source of International Law, in R.C.A.D.I., 1958-II, vol. 94, p. 265 s.; P. CAHIER, Le droit
interne des organisations internationales, in R.G.D.I.P., 1963, t. 67, p. 563 s.; G. BALLADORE
PALLIERI, Le droit interne des organisations internationales, in R.C.A.D.I., 1969-II, vol. 127, p. 1 s. À
propos des actes externes des organisations internationales ayant efficacité de “soft law” il faut,
d’ailleurs, remarquer que les résolutions des organisations internationales, relevant de la “soft law”,
n’ayant pas, normalement, force obligatoire, peuvent contribuer de façon significative à la création des
règles coutumières et, notamment, des principes généraux de droit. Sur cette question, en doctrine, voir
B. SIMMA, A. PAULUS, Le rôle relatif des sources du droit international pénal, cit., p. 66. En
jurisprudence voir C.I.J., Licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires, avis consultatif, in
C.I.J. Rec., 1996, p. 226, § 70.

14
INTRODUCTION GÉNÉRALE

trouve sa justification dans le traité constitutif de l’organisation, signé par tous les États
membres.45 Il est tout à fait discutable, par contre, que le pouvoir unilatéral puisse être
exercé avec une efficacité obligatoire externe, question fort débattue, notamment, à
propos de l’article 2 § 6 de la Charte des N.U.46
En raison de la nature des sources on peut affirmer que l’ordre de droit international
est, essentiellement, de type privé.47 Cette caractéristique différencie le droit
international du droit interne, au moins de celui de tradition européenne et anglo-
saxonne, et cause une réglementation de la matière, en dehors du ius cogens, par
secteurs, qui est asymétrique et éparpillée, en vertu du principe selon lequel pacta tertiis
neque prosunt neque nocent.
Le principe volontariste, qui caractérise le système des sources, se reflète au niveau
de la sanction. Selon les principes généraux du droit international, à la suite de la
violation d’un droit, l’État titulaire juge, sanctionne l’infraction et exécute la sanction
par le biais des contre-mesures, alternativement les parties au conflit peuvent avoir
recours au méthodes pacifiques de résolution des différends, basées sur l’accord, tandis
que tout État demeure libre d’adopter un comportement, simplement inamicale mais ne
lésant aucun droit, en rétorsion. En cas de violation d’une obligation cogens tous les
États de la communauté internationale seront autorisés à réagir en contre-mesure.48 Du
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moment que le système de l’autodéfense est la norme, la doctrine tend à considérer le


droit international comme un système primitif.49 Plus radicalement, selon certains

45 Voir P.M. DUPUY, Droit international public, 4ème éd., Paris, Dalloz, 1998, p. 176.
46 En vertu de l’article 2 § 6 de la Charte des N.U., qui dispose que l’Organisation agit de sorte que les
États non Membres se conforment aux principes de la Charte, les décisions des organes onusiens, par
exemple celles du Conseil de sécurité, pourraient lier les États tiers (sur la question voir H. KELSEN,
Théorie du droit international public, cit., p. 53; H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical
Analysis of its Fundamental Problems, cit., p. 19, 106-110; A. VERDROSS, Idées directrices de
l’Organisation des Nations Unies, in R.C.A.D.I., 1953-II, vol. 83, p. 15-16; M.H. SINKONDO, Droit
international public, cit., p. 445; P.M. DUPUY, Droit international public, 4ème éd., cit., p. 176).
47 Voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 279; P. DAILLIER, A. PELLET, Droit
international public, 6ème éd., cit., p. 83 et 98 s.; A. PELLET, The Normative Dilemma: Will and Consent
in International Law-making, in Austr. Y.B.I.L., 1992, vol. 12, p. 27 s., J.A. CARRILLO SALCEDO,
Reflections on the Existence of a Hierarchy of Norms in International Law, cit., p. 583; F.
KRATOCHWIL, The Limits of Contract, in E.J.I.L., 1994, vol. 5, n. 4, p. 465 s. Cette interprétation, axée
sur la nature de la source, non pas sur celle du sujet, met en discussion la distinction classique entre droit
international public et droit international privé, basée sur la nature du sujet actif, et privilégie la
conception unitaire du droit international, telle que proposée, parmi d’autres auteurs, par Georges Scelle
(sur la question voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 36 s. et 87).
48 Sur l’application du principe consensuel dans la résolution des différends voir I. BROWNLIE,
Principles of Public International Law, 2nd ed., cit., p. 683 . Sur la responsabilité des États voir J.
COMBACAU, S. SUR, Droit international public, 5ème éd., Paris, Montchrestien, 2001, p. 518 s.; P.-M.
DUPUY, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 643 s.; P. DAILLIER, A. PELLET, Droit
international public, 6ème éd., cit., p. 689-704; A. VERDROSS, Règles générales du droit international
de la paix, cit., p. 463 s; M.G. COHN, La théorie de la responsabilité internationale, in R.C.A.D.I., 1939-
II, vol. 68, p. 207 s.; G. SCHWARZENBERGER, The Fundamental Principles of International Law, in
R.C.A.D.I., 1955-I, vol. 87, p. 349-357; H. ACCIOLY, Principes généraux de la responsabilité
internationale d’après la doctrine et la jurisprudence, in R.C.A.D.I., 1959-I, vol. 96, p. 349 s.; P.
REUTER, Principes de droit international public, in R.C.A.D.I., 1961-II, vol. 103, p. 583-619; P.-M.
DUPUY, Le fait générateur de la responsabilité internationale des États, in R.C.A.D.I., 1984-V, vol.
188, p. 9 s.; B. CONFORTI, Cours général de droit international public, in R.C.A.D.I., 1988-V, vol. 212,
p. 171-210. Pour un cadre général de la responsabilité des États, des organisations internationales et des
autres personnes morales, voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p.
762 s.
49 Sur le caractère primitif du droit international en raison du régime d’autodéfense dans la gestion de la
sanction voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 130, 140; H.L.A. HART, The Concept of
Law (Il concetto di diritto), cit., p. 111-112, 248, 262-263; H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in

15
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

auteurs, la décentralisation de la sanction et l’incertitude de son application,


empêcheraient l’existence d’un véritable droit international: ou le droit international
serait coercitif, ou bien il n’existerait pas, de sorte qu’actuellement on ne pourrait
concevoir qu’une sorte de “justice” ou “morale internationale”, non pas un droit
international au sens plein du terme.50 Toutefois, d’après l’opinion majoritaire, la
décentralisation de la sanction n’est pas un critère suffisant pour nier l’existence du
droit international et parler d’une vague “moralité” internationale, par contre on doit
concevoir l’ordre juridique international comme un droit sui generis, tout simplement
caractérisé par l’organisation décentralisée de la sanction.51 En effet si, sur le plan
pratique, la sanction, étant décentralisée, est incertaine, de sorte que nous sommes
forcés d’admettre que le droit international est fragmentaire et son existence n’est pas
prouvée en dessus de tous les suspects, ou bien qu’il s’agit d’un ius omnium contra
omnes, sur le plan théorique la sanction demeure, toujours, possible, de sorte que l’on
sauvera certainement l’existence d’un droit international autre que celui de la guerre en
tant que système logique.52
En résumé on peut considérer le droit international comme l’ensemble des relations
entre États, organisations internationales, organisations transnationales, organisations
infra étatiques et individus réglées par le biais de l’accord.53
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En raison de sa nature, l’ordre juridique international, décentralisé, est, souvent,


défini comme “horizontal”, pour souligner l’absence d’une hiérarchie structurée, en
dehors du ius cogens, en opposition aux ordres juridiques internes, centralisés, qui sont,
en revanche, hiérarchiquement organisés autour d’un pouvoir central et, donc, de type
“vertical”. Cela dénote un très faible niveau d’homogénéité de la communauté
internationale, de sorte qu’un juriste tel que Q. Saldaña a affirmé, à propos des idées
concernant l’institutionnalisation de l’ordre international, qu’elles “semblent sortir de la
caverne de Platon, tellement elles sont obscures et équivoques”.54 Dans la conception
horizontale de la société internationale, selon bon nombre d’auteurs, il serait difficile de
faire de la place pour le droit pénal, notamment en ce qui concerne la responsabilité des

die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 140-142, 151;
H. KELSEN, Théorie générale du droit international – Problèmes choisis, in R.C.A.D.I., 1932-IV, vol.
42, p. 130; A. LEJBOWICZ, Philosophie du droit international, cit., p. 133 s.; M. VIRALLY, Le droit
international en devenir, cit., p. 91 s.
50 Voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, in R.C.A.D.I., 1925-I, vol. 10, p. 243-255.
51 Voir D. ANZILOTTI, Cours de droit international, Paris, Sirey, 1929, réédité aux éditions du
Panthéon-Assas, Paris, 1999, p. 47-48; H. KELSEN, General Theory of Law and State (Théorie générale
du droit et de l’État), cit., p. 378; H. KELSEN, Principles of International Law, 2nd ed., cit., p. 18; R.
AGO, Science juridique et droit international, cit., p. 951. À ce propos Hart, suivant sa classification
particulière des normes “primaires” et “secondaires” conçoit l’ordre juridique international comme un
ordre composé de seules normes primaires, imposant des obligations, dont la structure serait semblable à
celle des ordres juridiques primitifs et repère la cause de l’incertitude du droit international dans
l’absence de normes secondaires, attributives de pouvoirs et nécessaires pour constituer une autorité de
référence (H.L.A. HART, The Concept of Law (Il concetto di diritto), cit., p. 110, 262-268).
52 Conformément voir P. WEIL, Le droit international en quête de son identité – Cours général de droit
international public, cit., p. 52-53; L. LE FUR, Philosophie du droit international, in R.G.D.I.P., 1921, t.
28, p. 570-571.
53 Voir H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 177 ; M.H. SINKONDO, Droit
international public, cit., p. 435 et 442 s.; F.A. MANN, The Proper Law of Contracts Concluded by
International Persons, in B.Y.B.I.L., 1959, XXXV, p. 47 s.; J.P. COLIN, M.H. SINKONDO, Les
relations contractuelles des organisations internationales avec les personnes privées, in R.D.I.D.C.,
1992, p. 7 s.; J.-M. JACQUET, Le contrat international, Paris, Dalloz, 1992.
54 Voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 243.

16
INTRODUCTION GÉNÉRALE

États.55 Toutefois l’émergence du concept de ius cogens, donc d’obligation erga omnes
absolue indivisible, impliquant la constitution d’un “ordre public international”,
permettrait l’évolution du droit international au sens pénal.56 Il s’agit, sûrement, d’une
question délicate. En général on constatera que si, en raison de la nature volontariste du
droit international, on ne pouvait pas parler d’un droit pénal de l’ordre international,
alors, plus radicalement, on ne pourrait même pas parler d’un droit international public,
étant donné que le droit public naît, de façon unilatérale, de l’autorité supérieure.

§ 3. La responsabilité pénale des États et des autres personnes morales dans les
normes de droit international.
Un rapide aperçu des normes du droit international positif, de iure condito, permet
de prendre conscience de l’état d’évolution de la matière sur la question de la
responsabilité, plus spécifiquement de la responsabilité pénale, en ce qui concerne les
personnes morales, notamment les États, et les individus.57 Les sources du droit
international créent des obligations à la charge des personnes morales et des individus,
donc les responsabilisent, et prévoient des réponses procédurales en cas de violation.
En ce qui concerne les personnes morales, la responsabilité est générique, sans
distinctions spécifiques, quoique certaines violations soient plus graves que d’autres, en
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raison du contenu de l’obligation violée. Parfois la violation est qualifiée de


“criminelle”, mais le régime de la responsabilité n’est jamais défini comme pénal de
façon exhaustive.
Sur le plan des principes généraux du droit international, la violation des obligations
erga omnes absolues indivisibles (ius cogens), entraînant la réaction de tous les États de
la communauté internationale, dépose en faveur de l’existence d’une responsabilité
majeure et absolue des États, malgré l’incertitude, sinon en théorie du moins en
pratique, qui accompagne la définition du contenu des normes impératives. On peut,

55 Sur la connexion entre l’absence d’un régime de la responsabilité pénale des États et la nature du droit
international, conventionnel, basé sur le principe de l’égalité souveraine des États et défaillant d’un
pouvoir centralisé, voir J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques observations, in
A.F.D.I., 1999, XLV, p. 55.
56 Voir L. CONDORELLI, La définition des infractions internationales – Préface, cit., p. 243; A.
MAHIOU, Le processus de codification du droit international pénal, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A.
PELLET, Droit international pénal, cit., p. 39; D. COHEN, Justice publique et justice privée, in A.P.D.,
1997, t. 41, p. 149 s.; M. HENZELIN, Droit international pénal et droits pénaux étatiques. Le choc des
cultures, in M. HENZELIN, R. ROTH, Le droit pénal à l’épreuve de l’internationalisation, Paris,
L.G.D.J., 2002, p. 111 s.; T. MERON, International Law in the Age of Human Rights – General Course
on Public International Law, in R.C.A.D.I., 2003, vol. 301, p. 268-274.
57 Au niveau du droit international pénal général on reconnaîtra l’existence des principes internationaux
coutumiers ou tirés des ordres internes (comme le critère nullum crimen, nulla poena sine lege). Au
niveau relatif les traités constituent le “noyau dur” du droit international pénal, car, comparés à la
coutume, ils présentent des avantages évidents, notamment en termes de clarté, de précision, de caractère
explicite, d’engagement indubitable des parties: ils peuvent, notamment, constituer le point d’arrivée
d’une coutume, aidant ainsi à la clarification du droit existant. Par contre, leur validité est relative, car ils
n’engagent que les parties contractantes. Finalement, les décisions des juges et les opinions de la
doctrine, conformément à l’article 38 du Statut de la C.P.I., ne jouent qu’un rôle auxiliaire; dans ce cadre,
même les décisions des juridictions internes peuvent contribuer à définir le droit international pénal, mais
seulement là où elles sont conformes au droit international. Sur la question des sources du droit
international pénal voir M.-C. BASSIOUNI, Introduction au droit pénal international, Bruxelles,
Bruylant, 2002, p. 27-33; B. SIMMA, A. PAULUS, Le rôle relatif des différentes sources du droit
international pénal, cit., p. 59 s.; M. SASSOLI, La première décision de la Chambre d’appel du Tribunal
pénal international pour l’ex-Yougoslavie: Tadic (Compétence), in R.G.D.I.P., 1996, t. 100, n. 4, p. 101
s.; B. SIMMA, P. ALSTON, The Sources of Human Rights Law: Custom, jus cogens and General
Principles, in Austr. Y.B.I.L., 1992, vol. 12, p. 82 s.

17
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

ainsi, déceler les traces de la formation d’un “ordre public” international et d’une
esquisse de responsabilité “pénale” étatique: de ce fait, la responsabilité internationale
pénale a une nature hybride. Le Projet d’articles sur la responsabilité internationale des
États qui, depuis les années 1950, est à l’étude au sein de la Commission du droit
international de l’O.N.U., réalise une théorie générale de la responsabilité internationale
par la synthèse des principes généraux. Plus particulièrement, dans le cadre du Projet
adopté en première lecture en 1996, le désormais célèbre article 19 crée une distinction
fondamentale entre la responsabilité étatique pour “délit” et la responsabilité pour
“crime”. Le même concept est repris, sous la forme de la violation des normes générales
impératives, par l’article 40 du Projet sur la responsabilité des États adopté par la
C.D.I., en deuxième et dernière lecture, en 2001. La conduite la plus grave, parmi les
violations du ius cogens est, sans doute, celle de la guerre d’agression, consistant dans
l’emploi de la force armée (guerre stricto sensu) en violation du droit, qualifiée de
“crime” par la Résolution adoptée par l’Assemblée de la S.d.N. le 24 septembre 1927, à
sa huitième session ordinaire, relative aux guerres d’agression, par la Résolution 2625
(XXV) de l’A.G.N.U. relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre les États, conformément à la Charte des Nations Unies,
du 24 octobre 1970, et par la Résolution 3314 (XXIX) de l’A.G.N.U., portant sur la
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définition de l’agression, du 14 décembre 1974 (article 5 § 2).58 En dehors du ius


cogens, la responsabilité est évoquée de façon générique et indifférenciée. Ainsi, par
exemple, la Résolution n. 1803 (XVII) du 14 décembre 1962 de l’Assemblée générale
des Nations Unies concernant la souveraineté permanente sur les ressources naturelles
reconnaît que la violation par les États de l’obligation de coopérer pour le
développement engendre la responsabilité étatique prévue par le Projet sur la
responsabilité des États à l’étude de la Commission de droit international, la
Déclaration sur l’environnement et le développement du 13 juin 1992, adoptée par la
Conférence de Rio, reconnaît qu’un acte en violation de l’obligation de coopérer pour
conserver, protéger et rétablir l’environnement, entraîne la responsabilité du sujet actif
(principe 13).
Sur le plan du droit conventionnel relatif le Pacte de la S.d.N., du 28 avril 1919,
qualifie la guerre d’agression de violation erga omnes qui entraîne la réaction de tous
les Membres de la Société (articles 11-16), tandis que le Protocole pour le règlement
pacifique des différends de Genève, adopté par la cinquième Assemblée de la S.d.N. le
24 octobre 1924, censé amender le Pacte, qualifie la guerre d’agression, dans son
préambule, de “crime international” qui viole la solidarité de l’ensemble de la
communauté internationale. Le Projet de Traité d’assistance mutuelle, élaboré en 1923
dans le cadre de la S.d.N., qualifie également la guerre d’agression de “crime
international” (article 1). La Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide, du 9 décembre 1948, prévoit “la responsabilité d’un État en matière de
génocide” (article 9) et qualifie le génocide de “crime du droit des gens”. La Charte des
N.U., du 26 juin 1945, réaffirme, au niveau relatif, les principes fondamentaux cogentes
de l’ordre international et centralise la réaction collective par le biais du Conseil de
sécurité. En dehors de ces Conventions, la responsabilité demeure générique. On

58 La “soft law” née des déclarations des organisations internationales joue un rôle considérable dans
l’établissement de l’existence ou l’émergence d’une règle coutumière même dans le domaine du droit
international pénal. Voir A. PELLET, La formation du droit international dans le cadre des Nations
Unies, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 3, p. 409, 416-417. Sur la valeur non obligatoire de la soft law voir, en
doctrine, B. SIMMA, A. PAULUS, Le rôle relatif des sources en droit international pénal, cit., p. 66;
M.H. SINKONDO, Droit international public, cit., p. 442; C. LENOIR, Le droit international pénal de
la bioéthique, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 408.

18
INTRODUCTION GÉNÉRALE

rappellera, à titre d’exemple, que la Convention sur le droit de la mer du 10 décembre


1982 prévoit une obligation générique, à la charge des États, de respecter les obligations
qui découlent de la Convention, sous peine d’être considérés comme responsables en
cas de violation (article 304).59 De la même façon, le Traité régissant les activités des
États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra atmosphérique de 1967,
prévoit, à l’article 6, une responsabilité générique, pour les États, en cas de violation de
n’importe quelle obligation découlant de la Convention.60
Finalement, au sein du droit de la responsabilité des États, on peut déceler le trace
d’une responsabilité “pénale” dans la configuration de certaines infractions en tant que
violations d’obligations cogentes, au sens absolu ou relatif, mais il n’est pas possible de
définir un cadre complet de la responsabilité criminelle, du point de vue du droit
matériel et procédural.61.

§ 4. La responsabilité pénale des personnes physiques dans les normes de droit


international.
La responsabilité criminelle des personnes physiques, d’ordre matériel et procédural,
est assez organisée en droit international.
Du côté des normes primaires les sources internationales, tant au niveau des
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principes généraux qu’au niveau des conventions relatives, s’occupent de régler les
droits fondamentaux des personnes physiques, tandis que les autres obligations tombent
dans le domaine du droit international privé et sont réglées par les lois internes, par le
biais des mécanismes de renvoi. L’ensemble des droits fondamentaux des personnes
physiques définit le domaine des droits de l’homme: le fait d’être titulaires des
prétentions en question qualifie les individus comme sujets de droit international.62 Les
droits de l’homme sont reconnus comme principes généraux cogentes du droit
international. La Déclaration universelle des droits de l’homme, contenue dans la
Résolution 247 (III) du 10 décembre 1948 de l’A.G.N.U., détaille une série de droits
essentiels. La Résolution 47/135 du 18 décembre 1992 de l’A.G.N.U. dresse une liste
des droits essentiels des personnes appartenant aux minorités nationales, ethniques,
religieuses, linguistiques. Au niveau relatif le Pacte relatif aux droits civils et politiques,
contenu dans la Résolution de l’A.G.N.U. 2200 (A) (XXI) du 16 décembre 1966,
reprend la liste des droits dressée par la Déclaration des droits de l’homme et en assure
le respect par l’institution du Comité des droits de l’homme. Le Pacte relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, adopté par la Résolution de l’A.G.N.U. 2200 (A)
(XXI) de 1966, précise une catégorie particulière de droits essentiels et en assure le
contrôle via le Conseil économique et social des Nations Unies, qui collabore avec les
Institutions spécialisées et peut soumettre les questions relatives au Comité des droits
de l’homme. Ces sources mettent en évidence, notamment, le droit à la vie (article 3 de

59 En matière de droit de la mer voir, dans le réseau électronique, les sites ‹http:
www.un.org/french/law/los› (site de l’O.N.U. sur le droit de la mer) et ‹http://www.bibl.ulaval.ça/info/dr-
mer.html› (page du site de l’Université de Laval, au Canada, sur le droit de la mer).
60 Sur le droit international de l’espace voir l’adresse électronique ‹http://www.iasl.mcgill.ça/space/law›
(site de l’Institute for Air and Space Law concernant les conventions internationales du droit aérien et du
droit de l’espace).
61 Voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 98. Voir aussi les considérations de la
Conférence de Florence de 1984, reportées in J.H.H. WEILER, A. CASSESE, M. SPINEDI,
International Crimes of States – A critical Analysis of the I.L.C.’s Draft Article 19 on State
Responsibility, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1989.
62 Sur la question de la subjectivité internationale des individus par rapport, notamment, au droit pénal,
voir L. CONDORELLI, La définition des infractions internationales – Préface, cit., p. 245.

19
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

la Déclarations universelle des droits de l’homme, article 6 du Pacte relatif aux droits
civils et politiques), le droit à la liberté (article 3 de la Déclaration universelle des droits
de l’homme, article 9 du Pacte relatif aux droits civils et politiques), le droit à l’égalité
(article 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, article 14 du Pacte relatif
au droits civils et politiques).63
Le fonctionnement des normes primaires, qui créent des droits, est assuré par un
ensemble de règles secondaires, qui définissent les crimes des individus et cherchent à
en établir les conséquences.64 Au niveau général, les Principes généraux du droit
international consacrés par le Statut et le jugement du Tribunal de Nuremberg, de 1950,
affirment la responsabilité pénale des personnes physiques (principe 1) pour les crimes
contre la paix (guerre d’agression), les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité
(principe 6). Au niveau relatif certaines conventions, synthétisant les principes généraux
du droit international pénal individuel, affirment la responsabilité criminelle des
individus. Les Statuts des Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg, de 1945,
et de Tokyo, de 1946, responsabilisent les individus du point de vue pénal pour les
crimes contre la paix (guerre d’agression), les crimes de guerre et les crimes contre
l’humanité. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, du
9 décembre 1948, prévoit une théorie générale du génocide et une série de violations
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typiques, en souhaitant (article 6) la création d’une Cour criminelle internationale


compétente pour juger le crime. La Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains, ou dégradants, du 10 décembre 1984, en fait de même
pour la torture et d’autres traitements inhumains et institue, en garantie des droits lésés,
le Comité contre la torture. Les Statuts des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-
Yougoslavie, de 1993, et pour le Rwanda, de 1994, prévoient, pour des situations
spécifiques, les catégories des crimes contre l’humanité, contre les lois et coutumes de
la guerre (généralement en renvoyant aux Conventions de Genève du 12 août 1948), et

63 Parmi les droits de l’homme il faut remarquer que l’article 17 de la Déclaration universelle des droits
de l’homme contemple, aussi, le droit de propriété, individuelle ou collective. Pour un effort théorisant
sur la question de la classification des droits de l’homme voir G. VEDEL, Les droits de l’homme: quels
droits? Quel homme?, in G. TENEKIDES et al., Humanité et droit international, Mélanges René-Jean
Dupuy, Paris, Pedone, 1991, p. 349-362; P. DE STEFANI, Diritto internazionale dei diritti umani – Il
diritto internazionale nella comunità mondiale, Padova, Cedam, 1994, p. 83 s. Pour une identification du
“noyau dur” des droits de l’homme avec le droit à la vie, l’interdiction de la torture et d’autres traitements
dégradants, l’interdiction de l’esclavage et le principe de non-rétroactivité en matière pénale voir D.
ALLAND, Droit international public, 5ème éd., Paris, P.U.F., 2000, p. 578; P. MEYER BISCH, Le noyau
intangible des droits de l’homme, Fribourg, Ed. Universitaires, 1991; T. KOJI, Emerging Hierarchy in
International Human Rights and beyond. From the Perspective of Non-derogable Rights, in E.J.I.L.,
2001, vol. 12, n. 5, p. 917 s.; J.-M. TRIGEAUD, Personne humaine et droit, in A.P.D., 1991, t. 36, p. 229
s.; A. CASSESE, I diritti umani nel mondo contemporaneo, Roma, Laterza, 2000. Sur la question des
droits de l’homme voir R.-J. DUPUY, L’universalité des droits de l’homme, in A.M. CALAMIA et al.,
Studi in onore di Giuseppe Sperduti, Milano, Giuffré, 1984; E. SCHWELB, P. ALSTON, K. DAS, The
International Dimension of Human Rights, Unesco, Westport, Greenwood Press, 1982. Dans le réseau
électronique voir, en matière de droits de l’homme, les adresses ‹http://www.un.org/rights/index.html›
(page du site de l’O.N.U. dédiée aux droits de l’homme); ‹http://www.adm.net/eudh.html› (site de
l’Encyclopédie universelle des droits de l’homme). Il ne faut pas confondre le domaine des droits de
l’homme, qui comprend les droits fondamentaux de la personne humaine, avec le droit humanitaire, qui
est constitué des droits des sujets militaires et civils victimes des conflits armés, connu aussi sous le nom
de “droit de Genève” (sur cette différence voir G. et R.-M. ABI-SAAB, Les crimes de guerre, in H.
ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 227 s.; P. DE STEFANI,
Diritto internazionale dei diritti umani, cit., p. 65-66).
64 Sur le lien entre les droits de l’homme et les juridictions pénales internationales voir G. ABI-SAAB,
Droits de l’homme et juridictions pénales internationales: convergences et tensions, in R.-J. DUPUY
(sous la direction de), L.-A. SICILIANOS (coordinateur), Droit et justice, Mélanges en l’honneur de
Nicolas Valticos, Paris, Pedone, 1999, p. 245-251.

20
INTRODUCTION GÉNÉRALE

le crime de génocide, ainsi que les relatives procédures pénales de jugement. Le Statut
de Rome de la C.P.I., adopté le 17 juin 1998 et entré en vigueur le 1er juillet 2002,
prévoit la responsabilité pénale des individus pour les trois catégories des crimes de
génocide, contre l’humanité et contre les lois et coutumes de guerre, en attendant une
définition de l’agression, et crée une système complet de droit et procédure pénaux
internationaux pour les individus.
Finalement on constatera que les principes généraux de la responsabilité
internationale pénale des individus, élaborés dès 1950 à partir du Statut et du jugement
du Tribunal de Nuremberg sont, aujourd’hui, synthétisés par le Statut de Rome de la
C.P.I., malgré l’efficacité relative de cet instrument.65

§ 5. Normes de droit international pénal et normes de droit pénal international.


Certains traités prévoient des figures spécifiques de violations pénales individuelles,
mais la compétence pour les juger appartient aux juridictions nationales. Ainsi, par
exemple, l’article 101 du Traité sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 prévoit le
crime de piraterie, mais l’attribution de la peine relève de la compétence des tribunaux
des États qui saisissent le navire ou l’aéronef pirate (article 105). Il s’agit des
infractions dites “de droit commun”, à tort ou à raison retenues comme crimes de
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gravité mineure, constituant le domaine du “droit pénal international”.66


Le débat concernant la nature du droit pénal international est ouvert. D’après une
partie de la doctrine, les crimes mineurs ne seraient pas compris dans le “droit
international pénal”, puisqu’ils ne sont pas intégralement réglés par les traités
internationaux, vu que la définition de la procédure et de la sanction demeure de la
compétence de l’État.67 D’autres auteurs, en revanche, sont favorables à l’inclusion des
infractions criminelles mineures dans le cadre du droit international pénal, car seul
l’élément matériel de l’infraction relèverait pour la définition du droit international
pénal, de sorte que l’on devrait employer cette expression pour indiquer tout crime
défini par une convention internationale, même en cas de procédure et de sanctions
internes.68 Nous partageons l’interprétation selon laquelle les infractions de droit
commun ne font pas partie du droit international pénal. Par “droit international pénal”
nous entendons, exclusivement, l’ensemble des normes qui règlent les infractions
pénales et les sanctions relatives, en prévoyant la mise en place d’une procédure de
jugement internationale, par conséquent rentreront de ce domaine les normes des T.M.I.
de Nuremberg et Tokyo, celles des Statuts du T.P.I.Y. et du T.P.I.R., ainsi que celles du

65 Sur la formation d’un droit international pénal, concernant les individus, à côté du droit pénal
international, voir J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques observations, cit., p. 57
s.
66 Voir A. NIANG, Les individus en tant que personnes privées, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A.
PELLET, Droit international pénal, cit., p. 233 s.
67 Voir A. HUET, R. KOERING-JOUIN, Droit international pénal, 2ème éd., cit., p. 3 s.; A. MAHIOU,
Le processus de codification du droit international pénal, cit., p. 38.
68 Voir T. MERON, The Internationalization of Criminal Law – Remarks, in Proc. Asil., 1995, p. 298;
M. MASSE, L’utopie en marche, in M. HENZELIN, R. ROTH, Le droit pénal à l’épreuve de
l’internationalisation, cit., p. 153-155. Dans le même sillage voir M.-C. BASSIOUNI, Introduction au
droit pénal international, cit., p. 11 s.; M.-C. BASSIOUNI, Le droit pénal international: son histoire, son
objet, son contenu, in R.I.D.P., 1981, 1/2 trim., p. 72-75, qui emploie exclusivement l’expression “droit
pénal international” pour désigner l’ensemble des normes régissant les crimes qui présentent des
éléments d’extranéité par rapport à un ordre juridique donné.

21
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Statut de la C.P.I. et, éventuellement, celles concernant la responsabilité des États.69 Il


faut, d’ailleurs, remarquer que, au cas où l’on devrait admettre l’existence de la
responsabilité pénale des États, les normes relatives feraient constitutionnellement
partie du domaine du droit international pénal, du moment que, en vertu du principe de
souveraineté, ceux-ci ne peuvent être jugés par aucune juridiction nationale, seule une
juridiction internationale pouvant les juger.70 En revanche, nous considérerons les
infractions pénales communes, sans pourtant en méconnaître la gravité, comme
violations de “droit pénal international”, car, bien que l’infraction pénale et,
éventuellement, la sanction, soient réglées internationalement, de façon
conventionnelle, par la voie des traités, la procédure de jugement demeure purement
interne aux États.71 Celle-ci nous semble la seule façon possible de garder une
distinction claire entre les expression “droit international pénal” et “droit pénal
international”, lesquelles peuvent, ainsi, trouver une raison d’être et de se rendre utiles,
pour souligner la différence qui subsiste entre deux catégories criminelles qui
présentent des élément d’extranéité, donc d’internationalisme.

69 Conformément voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité, préparé par. V. Pella (Président de l’A.I.D.P.), doc. A/CN.4/39, in Ann. C.D.I.,
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1950, vol. II, p. 296, § 40.


70 Selon V. PELLA, La criminalité collective des États et le droit pénal de l’avenir, 2ème éd., Imprimerie
de l’État de Bucarest, 1926, p. 168, n. 103, le droit pénal de l’avenir, opposé au droit pénal international
classique, aurait dû être un droit inter-étatique et il aurait dû permettre de juger les individus et les États à
la fois, car il constituerait “la ramification du droit public international qui détermine les infractions, qui
établit les peines et qui fixe les conditions de la responsabilité pénale internationale des États et des
individus”, ainsi il définissait le droit international pénal comme “la totalité des règles de fond et de
forme qui président à l’exercice de la répression des actions commises par les États ou les individus, de
nature à troubler l’ordre public international et l’harmonie entre les peuples”. À ce propos Pella parle,
aussi, de “droit pénal supranational” (voir V. PELLA, Fonctions pacificatrices du droit pénal
supranational, Paris, Pedone, 1947). En outre, Pella qualifie le droit international pénal de “droit pénal
international nouveau, droit pénal universel, droit pénal inter-étatique” et très significativement de “droit
pénal international public” (voir V. PELLA, La codification du droit pénal international, in R.G.D.I.P.,
1952, t. 56, p. 339-340). Dans le même sillage J.-Y. DAUTRICOURT, Nature et fondement du droit
pénal universel, in R.D.P.C., 1949-1950, juillet, n. 10, p. 1023, parle de “droit pénal universel”. Dans un
ordre d’idées critique vers cet emploi de l’expression “droit international pénal” voir H. DONNEDIEU
DE VABRES, Les principes modernes du droit pénal international, Paris, Sirey, 1928, p. 2-5.
71 En faveur de cette conception du droit pénal international voir N. BOISTER, Transnational Criminal
Law?, in E.J.I.L., 2003, vol. 14, n. 5, p. 953 s., qui qualifie le “droit pénal international” de “droit pénal
transnational”; A. PELLET, Les auteurs des infractions – Introduction, in H. ASCENSIO, E. DECAUX,
A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 84; S. SZUREK, La formation du droit international pénal
– Historique, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 10, d’après
laquelle, déjà au début de 1900 “le droit pénal international devait appréhender les infractions dirigées
contre l’ordre interne de l’État, dans lesquelles se manifestait un élément d’extranéité, que ce soit la
nationalité du coupable, de la victime ou encore le lieu de commission de l’infraction ou celui de ces
résultats” car “le droit international répondait à un souci de protection de l’État […] mais l’on parlait
également de droit pénal international, notamment, pour désigner des comportements des particuliers que
la morale et la conscience des nations avaient si unanimement condamné qu’ils avaient acquis rang de
crimes du droit des gens et pouvaient faire l’objet d’une répression universelle”. D’après A. MAHIOU,
Le processus de codification du droit international pénal, cit., p. 41-42, les conventions qui traitent des
crimes de façon partielle, en laissant aux États le soin de qualifier l’infraction et de décider la sanction,
relèveraient du domaine du droit pénal international, tandis que l’on pourrait commencer à parler,
proprement, d’un droit international pénal seulement à partir de la création du Tribunal militaire
international de Nuremberg. Sur la répression des crimes internationaux par les ordres juridiques internes
voir I. FICHET-BOYLE, M. MOSSÉ, L’obligation de prendre des mesures internes nécessaires à la
prévention et à la répression des infractions, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit
international pénal, cit., p. 871 s. Sur les problèmes naissant de la réglementation fragmentaire du droit
international pénal par la voie des traités voir B. SIMMA, A. PAULUS, Le rôle relatif des différentes
sources du droit international pénal, cit., p. 56 s.

22
INTRODUCTION GÉNÉRALE

Si, dans le domaine du droit international pénal, la définition des infractions et des
sanctions est unique et la procédure de jugement est supra-étatique, dans le domaine du
droit pénal international d’autres critères sont en place pour établir la juridiction sur les
crimes. Normalement, la juridiction d’un État est fondée, selon les traités qui règlent les
crimes, sur le critère du lieu de l’infraction (locus commissi delicti), sur celui de la
nationalité de l’auteur de l’infraction et sur celui de la nationalité de la victime. Plus
rarement les traités appliquent les principes de l’intérêt de l’État endommagé (critère de
la compétence réelle).72 Parfois on applique le principe de la compétence universelle,
selon lequel tout État peut poursuivre et sanctionner l’auteur de l’infraction.73 En outre,
pour ne pas assurer l’impunité du sujet auteur de l’infraction, on ajoute aux critères
d’établissement de la compétence le principe aut dedere aut iudicare.74 Dans ce cadre le
mécanisme procédural de l’extradition joue un rôle clé parmi les instruments de
coopération judiciaire inter-étatique.75 Ainsi, l’on peut affirmer que le droit pénal
international se pose, vis-à-vis du droit international pénal, comme le droit international
privé par rapport au droit international public, le but étant celui de déterminer la loi
applicable au cas par cas.76
Quoique notre intérêt soit axé, essentiellement, sur les normes de droit international
pénal, mettant en place une juridiction unitaire, les normes de droit pénal international
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présentent pour nous un grand intérêt sous plusieurs profils, en raison du fait qu’elles
côtoient le bord inférieur des normes de la première catégorie. Tout d’abord les normes
de droit pénal international définissent certaines conduites individuelles comme

72 Sur les principes de compétence voir A. YOKARIS, Les critères de compétence des juridictions
nationales, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 297 s.
73 Sur le principe de la compétence universelle voir G. DE LAPRADELLE, La compétence universelle,
in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 905 s.; M. HENZELIN,
Le principe d’universalité en droit pénal international, Bruxelles, Bruylant, 2000. Sur l’évolution
historique du principe de la compétence universelle voir G. GUILLAUME, La C.I.J. à l’aube du XXI
siècle – Le regard d’un juge, Paris, Pedone, 2003, p. 219-237. Sur la proximité entre les principes de la
compétence réelle et universelle voir R. MAISON, Les premiers cas d’application des dispositions
pénales des Conventions de Genève par les juridictions internes, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 2, p. 264,
note 17.
74 Sur l’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut iudicare) en droit international voir le
plan d’étude du Groupe de travail sur le programme à long terme de la C.D.I. in C.D.I., Rapport à l’A.G.
sur les travaux de sa cinquante-sixième session, cit., p. 315-324 (Annexe – L’obligation d’extrader ou de
poursuivre (“aut dedere aut iudicare”) en droit international).
75 Voir W. BOURDON, La coopération judiciaire inter-étatique, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A.
PELLET, Droit international pénal, cit., p. 921 s.; M. POUTIERS, L’extradition des auteurs
d’infractions internationales, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal,
cit., p. 933 s.
76 Pour un aperçu synthétique des critères de détermination de la compétence en droit pénal international
ainsi que sur la comparaison entre le droit pénal international et le droit international privé, en raison de
leurs fonctions, voir, en doctrine, J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques
observations, cit., p. 64-65. Conformément voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella (Président de l’A.I.D.P.), doc.
A/CN.4/39, cit., p. 291-293; V. PELLA, La codification du droit pénal international, cit., p. 339. Sur la
définition du droit international privé voir les adresses électroniques ‹http://www.unidroit.org› (site de
l’UNIDROIT – International Institute for the Unification of Private International Law/Institut
International pour l’Unification du droit international privé); ‹http://www.hcch.net› (site de la Conférence
de La Haye sur le droit international privé). Sur le droit pénal international voir les adresses électroniques
‹http://www.buffalo.edu/law/bclc/resource.htm› (site du Buffalo Criminal Law Center répertoriant des
textes de droit pénal international et des codes criminels modèle); ‹http://www.un.uncjin.org› (site des
N.U. consacré au crime et à la justice – U.N. Crime and Justice Information Network);
‹http://www.unicri.it› (site de l’Institut des N.U. pour la recherche sur les crimes et la justice
interrégionales – U.N.I.C.R.I. – International Crime and Justice Research Institute).

23
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

criminelles au plan international, ce qui signale leur gravité particulière et l’éventuelle


nécessité de les soumettre à la juridiction internationale. En effet, il n’est pas facile de
classer une conduite dans l’un ou l’autre ensemble sur la base du critère de la gravité:
l’on pense, par exemple, aux actes de terrorisme, aux atteintes massives à
l’environnement ou, encore, aux infractions contre les matières nucléaires. Parfois, plus
que le critère de la gravité, la difficulté d’esquisser une définition commune aux
différents États, souvent pour des raisons d’ordre politique, empêche la formation du
consensus de la communauté internationale sur la qualification de certaines infractions
comme crimes soumis à la juridiction internationale. En outre, du point de vue de la
procédure, nombreux sont les points de contact entre les normes de droit international
pénal et les normes de droit pénal international. Notamment, tandis que la juridiction du
T.P.I.Y. et du T.P.I.R. prime sur la compétence des juridictions internes, en vertu des
pouvoirs conférés par le Conseil de sécurité, la juridiction de la C.P.I. est seulement
complémentaire par rapport aux juridictions pénales internes, car elle s’applique lorsque
les États ne souhaitent pas juger un individu ou ne peuvent pas le faire, correctement, de
façon impartiale. Par ailleurs, la juridiction internationale a souvent besoin de recourir à
l’aide des États dans le déroulement du procès international, aussi bien pour recueillir
les preuves, que pour assurer les individus à la justice. Ainsi, nous étudions et rappelons
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les normes de “droit pénal international” chaque fois que cela s’avère nécessaire ou
utile, surtout dans la perspective d’une meilleure compréhension des violations
criminelles majeures soumises au régime du “droit international pénal”.

§ 6. Plan de la thèse.
Cette étude englobe l’ensemble des normes définissant le système de la
responsabilité internationale pénale.77 L’objet fondamental de l’analyse est la question
de la responsabilité pénale des États: est-ce qu’une telle responsabilité existe,
actuellement, en droit international? Sinon, comment la concevoir? Cette analyse nous
conduit à considérer, en même temps, la responsabilité pénale des individus, car on ne
peut pas penser la responsabilité des États sans celle des personnes qui agissent en leur
nom.78 En outre, nous développons quelques réflexions sur la responsabilité des
personnes morales autres que les États, organisations internationales ainsi
qu’organisations transnationales et infra-étatiques, qui est proche, pour certains aspects,
à celle des États. En résumé on définit le cadre général de la responsabilité

77 Pour une analyse systématique générale de la responsabilité internationale pénale voir H. ASCENSIO,
E. DECAUX, A. PELLET (sous la direction de), Droit international pénal, cit., p. 1-1053; J.
BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 21 s.
78 Selon M.-C. BASSIOUNI, Introduction au droit pénal international, cit., p. 57, les questions
fondamentales à résoudre dans le domaine de la responsabilité pénale étatique concerneraient,
essentiellement, son lien avec la responsabilité individuelle, notamment: 1) La nécessité d’établir la
responsabilité étatique en faisant abstraction ou en tenant compte de la responsabilité individuelle; 2) Si
la responsabilité individuelle était une condition préalable nécessaire de la responsabilité de l’État, la
détermination des éléments objectifs de l’infraction ainsi que la continuité (responsabilité directe) ou la
séparation (responsabilité indirecte) de la responsabilité étatique par rapport à celle de l’individu; 3)
L’éventuelle exploitation de la responsabilité de l’État pour incriminer les sujets exécutants et la nature
objective de cette responsabilité; 4) Comment criminaliser l’État sans criminaliser les citoyens innocents
avec les coupables; 5) L’éventuelle élaboration de sanctions étatiques qui ne frappent pas les citoyens
innocents. Selon la doctrine la plus récente, l’étude de la concurrence entre la responsabilité des individus
et celle des États pose, nécessairement, la question de la responsabilité majeure de ces derniers (voir A.
NOLLKAEMPER, Concurrence Between Individual Responsibility and State Responsibility in
International Law, in I.C.L.Q., 2003, p. 615).

24
INTRODUCTION GÉNÉRALE

internationale pénale, on en évalue la cohérence et on propose des solutions pour sortir


des problèmes majeurs.
Dans la première partie de la thèse nous considérons toutes les normes du droit
international pénal pour définir le système qui règle la responsabilité criminelle autant
des individus que des États. L’étude la plus consistante concerne la nature de la
responsabilité majeure des États et s’appuie, notamment, sur les repères fournis par
l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de la C.D.I., de 1996, ainsi que sur
ceux de l’article 40 § 1 du Projet de 2001. Cette analyse est développée du point de vue
objectif, en considérant la conduite illicite, la procédure de jugement, la sanction et la
procédure d’exécution, ainsi que du point de vue subjectif, en considérant les
mécanismes d’imputation de la violation à l’État. Une analyse plus brève, mais
exhaustive, s’attache à la responsabilité pénale des individus, du côté objectif et
subjectif, s’appuyant, notamment, sur le cadre défini par Statut de la C.P.I., qui fait le
point en la matière.
Dans un premier temps nous définissons le cadre de la responsabilité internationale
pénale des personnes physiques.
Nous faisons une étude complète de la responsabilité criminelle des individus
(chapitre 1). On commence par le côté individuel de la responsabilité car il est plus
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clairement défini de façon pénale et parce qu’il nous semble bien de partir de l’unité
subjective, pour ensuite approcher les différentes formes d’organisations dans lesquelles
elle peut se rassembler. Nous considérons les règles des tribunaux pénaux
internationaux ad hoc, notamment des T.M.I. de Nuremberg et de Tokyo, ainsi que
celles du T.P.I.Y. et du T.P.I.R. Nous étudions les Principes généraux du droit
international consacrés par le Statut et le jugement du Tribunal de Nuremberg et le
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, qui s’en inspire,
définissant les principes généraux de la responsabilité internationale pénale des
individus. Plus particulièrement, nous concentrons notre attention sur le Statut de la
C.P.I., qui, recueillant l’expérience des textes précédents, synthétise les principes
généraux du droit international pénal des individus, même si son efficacité demeure
relative. Nous essayons de comprendre si les normes concernant la responsabilité
internationale pénale des individus permettent de responsabiliser les personnes morales,
notamment les États, en plus des individus.79
Ensuite nous abordons le problème, central, de la responsabilité pénale des États.80

79 Pour un encadrement général de la subjectivité internationale, ainsi que de la responsabilité,


notamment pénale, des individus, voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd.,
cit., p. 705 s.; J. COMBACAU, S. SUR, Droit international public, 5ème éd., cit., p. 307 s.; M. PERRIN
DE BRICHAMBAUT, J.-F. DOBELLE, M.-R. D’HAUSSY, Leçons de droit international public, Paris,
Presse de Sciences Po./Dalloz, 2002, p. 371 s.; P.-M. DUPUY, Droit international public, 6ème éd., Paris,
Dalloz, 2002, p. 202 s.; D. ALLAND, Droit international public, 5ème éd., p. 573-574; E. GREPPI, The
Evolution of Individual Criminal Responsibility under International Law, in R.I.C.R., 1999, p. 531 s.;
G.K. McDONALD, O. SWAAK GOLDMAN, Substantive and Procedural Aspects of International
Criminal Law: the Experience of International and Internal Courts, The Hague/Boston/London, Nijhoff,
2000; V. ABELLAN HONRUBIA, La responsabilité internationale de l’individu, in R.C.A.D.I., 1999,
vol. 280, p. 135 s.
80 Pour un premier approche au problème de la responsabilité pénale des États voir M. GOUNELLE,
Quelques remarques sur la notion de “crime international” et sur l’évolution de la responsabilité
internationale de l’État, in D. BARDONNET et al., Le droit international: unité et diversité, Mélanges
offerts à Paul Reuter, Paris, Pedone, 1981, p. 315-326; M. SPINEDI, International Crimes of State – The
Legislative History, in J.H.H. WEILER, A. CASSESE, M. SPINEDI, International Crimes of States. A
Critical Analysis of the I.L.C.’s Draft Article 19 on State Responsibility, cit., p. 12 s.; M. SPINEDI, La
responsabilité de l’État pour “crime”: une responsabilité pénale?, in E. ASCENSIO, E. DECAUX, A.
PELLET, Droit international pénal, cit., p. 93 s.; T. MERON, Is International Law Moving Toward

25
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

En premier lieu nous analysons le développement du concept de la responsabilité


pénale étatique dans son parcours historique dès sa naissance jusqu’à son affirmation
dans le Projet sur la responsabilité des États de la C.D.I. (chapitre 2). Dans ce cadre
nous considérons, en doctrine, l’évolution de l’idée de la responsabilité pénale des
États, en partant des conceptions criminelles de la guerre d’agression entendue, stricto
sensu, comme emploi de la force armée. En jurisprudence, nous étudions les arrêts des
tribunaux internationaux existant sur la question. Sur le plan normatif, nous considérons
les textes juridiques internationaux les plus significatifs en matière de responsabilité des
États. Finalement, nous étudions l’évolution du Projet de C.D.I. sur la responsabilité des
États, en esquissant un cadre général du Projet de 1996, qui consacre, à l’article 19, le
concept de la responsabilité criminelle des États, ainsi que du Projet de 2001, qui
établit, à l’article 40 § 1 la distinction fondamentale entre les violations majeures, du ius
cogens, et les autres infractions étatiques.
Ensuite nous abordons les questions substantielles qui concernent la réalisation de
l’infraction étatique, du côté objectif, sous le profil de la violation en soi (chapitre 3).
Du point de vue de la théorie générale de l’infraction, nous étudions quels sont les
principes qui permettent d’encadrer le crime international de l’État. Essentiellement
nous parvenons à établir que ces principes consistent dans l’importance de l’intérêt
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défendu par la règle violée et dans la forme erga omnes indivisible de l’obligation lésée,
tant au niveau absolu qu’au niveau relatif. Du point de vue de la partie spéciale de
l’infraction, nous analysons les conduites qui peuvent constituer un crime étatique:
notamment, les atteintes à la paix, à l’autodétermination, aux droits de l’homme et à
l’environnement, dont la liste est dressée à l’article 19 § 3 du Projet sur la responsabilité
des États de 1996.
Toujours du côté objectif, on s’attache à la procédure de jugement, à la sanction et à
la procédure d’exécution du crime international de l’État (chapitre 4). Nous considérons
l’ensemble des procédures prévues en droit international général, axées sur
l’autodéfense étatique ainsi que sur les méthodes pacifiques volontaires de composition
des différends, synthétisées par le Projets de la C.D.I. de 1996 et de 2001. Nous
étudions la sanction du crime étatique et sa nature, en tant qu’obligation erga omnes
absolue indivisible ayant une gravité supérieure par rapport à la sanction des violations
étatiques ordinaires, pour essayer d’éclairer la nature de l’infraction. Au niveau relatif
nous analysons le système fondé par la Charte des N.U., notamment la réponse aux
infractions majeures centralisée par le biais du C.d.S.
Finalement, nous considérons, sous le profil subjectif, l’imputation de la conduite
illicite et de la sanction à l’État (chapitre 5). Nous constatons comme l’imputation du
fait illicite à l’État passe, nécessairement, par la conduite de ses individus-organes, par
le biais du principe de l’imputation organique. Nous étudions par quels types d’organes
l’imputation se réalise et quels sont les limites de leur action. Nous cherchons aussi à
comprendre si l’État, personne morale, peut être mis en cause sur la base des principes
classiques de la culpabilité, à savoir le dol et la faute, appliqués aux individus, ou bien
si d’autres critères doivent être considérés. Par cette étude nous devons appréhender
comment concevoir la responsabilité étatique du point de vue subjectif et comment elle
se rapporte à la responsabilité pénale individuelle
En général on constate que le droit international sépare la responsabilité “pénale” des
États et la responsabilité criminelle des individus, notamment du point de vue

Criminalization?, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 1, p. 22; K. MAREK, Criminalizing State Responsibility, in


R.B.D.I., 1978-1979, p. 461; C. TOMUSCHAT, International Law: Ensuring the Survival of Mankind on
the Eve of a New Century – General Course on Public International Law, in R.C.A.D.I., 1999, vol. 281,
p. 289-291.

26
INTRODUCTION GÉNÉRALE

procédural; toutefois, du point de vue objectif, les infractions individuelles et


collectives se rejoignent comme violations d’obligations cogentes, tandis que, du point
de vue subjectif, l’exploitation du principe de l’imputation organique implique l’identité
de la responsabilité chez l’individu-organe et chez l’État au nom duquel il agit.81
Dans la deuxième partie de la thèse, nous évaluons la cohérence et l’efficacité du
système de la responsabilité internationale pénale tel que nous l’avons défini dans la
première partie du travail. L’analyse porte autant sur les problèmes internes de la
responsabilité, respectivement, des individus et des États, que sur les problèmes
naissant du croisement des deux formes de la responsabilité. Après avoir évalué les
problèmes du système actuel, nous étudions une reforme possible. Finalement, nous
faisons quelques considérations sur la possibilité d’élargir le système de la
responsabilité internationale pénale, du point de vue subjectif, aux personnes morales
différentes des États et, du point de vue objectif, à des infractions qui pourraient rentrer
dans le domaine du droit international pénal même si, actuellement, elles n’en font pas
partie.
Dans un premier temps, on esquisse un cadre des problèmes qui concernent les
procédures de solution des différends majeurs étatiques (chapitre 6). Tout d’abord on
considère les problématiques qui tiennent aux réponses des États en contre-mesure et
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aux méthodes volontaires de solution pacifique au niveau du droit international général.


Ensuite on se concentre sur les procédures prévues au niveau relatif: après un bref
aperçu des systèmes, volontaires, créés par les Conventions pour le règlement pacifique
des différends de La Haye de 1899 et 1907, tout d’abord, et par le Pacte de la S.d.N.,
ensuite, nous considérons attentivement l’action de la C.I.J., de l’A.G.N.U. et du C.d.S.
dans le système onusien. Nous concentrons notre attention, notamment, sur l’action du
Conseil de sécurité, par une évaluation de la cohérence interne. En outre nous analysons
rapidement le fondement des doctrines qui postulent la légitimité de l’action en contre
mesure par les États membres des Nations Unies, en réponse aux infractions majeures,
en dehors l’autorisation du C.d.S.
Ensuite nous considérons la relation entre le C.d.S. et la C.I.J. et les problèmes qui
naissent du conflit de compétence entre ces deux organes en matière d’infractions
majeures des États (chapitre 7). On analyse, en outre, la position du C.d.S. par rapport à
l’exécution des décisions de la C.I.J. Cette étude nous permet de préciser comment se
configure le rapport entre les deux organes et d’aborder des questions qu’on retrouve
dans le cadre de l’analyse de la relation entre la C.P.I. et le C.d.S.
En outre nous étudions les problèmes qui naissent du croisement de la responsabilité
pénale individuelle et de la responsabilité majeure, “criminelle”, étatique (chapitre 8).
Nous considérons, sous le profil subjectif et objectif, les rapports entre les crimes des
individus, dont les principes généraux sont résumés par le Statut de la C.P.I., et les
crimes des États, dont les principes généraux sont synthétisés par les Projets de la
C.D.I. sur la responsabilité des États de 1996 et de 2001. À la lumière des résultats de
cette étude, nous abordons les problématiques, notamment en termes de conflit de
juridiction, naissant du rapport entre les T.P.I., tribunaux ad hoc et C.P.I., compétents

81 Sur la relation stricte subsistant entre les crimes des individus et ceux des États voir J. VERHOEVEN,
Vers un ordre répressif universel? Quelques réflexions, cit., p. 61; A. NOLLKAEMPER, Concurrence
Between Individual Responsibility and State Responsibility in International Law, cit., p. 615 s.; M.-C.
BASSIOUNI, Introduction au droit pénal international, cit., p. 54; P.M. DUPUY, Normes impératives
pénales et droit impératif (jus cogens), in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international
pénal, cit., p. 76, qui relève comme la responsabilité pénale étatique et individuelle se rejoignent en point
de violation du ius cogens car “l’ensemble des normes intéressant la détermination du champ
d’application matérielle du droit international pénal entretient des rapports privilégiés avec la
problématique du droit impératif”.

27
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

en matière d’individus, et les institutions chargées de juger la responsabilité majeure


étatique, notamment les États et le C.d.S.
Ensuite nous faisons le point des problèmes posés par le système de droit
international pénal actuel, dans ses aspects positifs et négatifs pour proposer des
alternatives normatives (chapitre 9). Nous élaborons des solutions du côté du droit
matériel et procédural, en essayant de rationaliser le système de la responsabilité
internationale majeure par le biais de la coordination de la responsabilité individuelle et
collective. Du point de vue du droit matériel nous proposons une définition de
l’infraction criminelle internationale étatique qui passe par la réforme de l’article 19 du
Projet sur la responsabilité des États de 1996. Du point de vue de la procédure nous
étudions la possibilité d’introduire le principe de la juridiction obligatoire, pour les
États, en droit international. Par conséquent nous considérons la possibilité de faire de
la C.P.I. un organe compétent pour juger la responsabilité des individus et des États à la
fois et du C.d.S. un organe exécutif des décisions de la C.P.I. Dans cet ordre d’idées
nous étudions des modifications normatives au Statut de la C.P.I., aux Projets sur la
responsabilité des États (censés devenir des Traités) de 1996 et de 2001, ainsi qu’à la
Charte des N.U. et au Statut de la C.I.J. Un système de ce type, ayant, par rapport à la
source, une portée relative, pourrait devenir universel par le biais du concept
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d’obligation erga omnes indivisible absolue.


Finalement, nous considérons la possibilité d’élargir le système de la responsabilité
internationale pénale du côté subjectif et du côté objectif (chapitre 10). Du point de vue
subjectif, il s’agit d’appréhender si les normes pénales valables pour les individus et les
États peuvent s’appliquer aussi aux autres personnes morales. Tout d’abord on
considère les organisations internationales, ensuite les organisations transnationales et
infra-étatiques. Du point de vue objectif, on considère la question de l’ampleur de la
partie spéciale de la responsabilité internationale pénale: nous évaluons si, aux crimes
qui constituent, de iure condito, le domaine du droit international pénal, on peut ajouter
d’autres infractions, de iure condendo, notamment celles qui font partie, actuellement,
du droit pénal international, définies matériellement par des normes internationales
mais jugées sur le plan interne.

28
PREMIÈRE PARTIE

LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:


LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

INTRODUCTION DE LA PREMIÈRE PARTIE

Le principe de la responsabilité pénale des individus, aisément reconnu par les droits
internes, s’est désormais affirmé aussi en droit international. Bien au delà des critères
classiques de la coordination des juridictions internes propres au droit pénal
international, le XX siècle a vu naître un système autonome, supra-étatique, de la
responsabilité criminelle des individus, par le biais de la définition internationale des
figures criminelles et de la procédure de jugement.
Le système de la responsabilité internationale pénale des individus s’est développé,
au début, grâce à la création de figures criminelles et de procédures de jugement ad hoc.
L’article 227 du Traité de Versailles prévoyait, déjà en 1919, la mise en état
d’accusation de l’Empereur d’Allemagne Guillaume II Hohenzollern pour “offense
contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités” et son jugement, qui n’eut
cependant jamais lieu, par un tribunal international. Ensuite, à l’issue de la deuxième
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

guerre mondiale, le T.M.I. de Nuremberg et le T.M.I. pour l’Extrême-Orient, mis en


place par les forces Alliées, ont jugé les crimes commis par les sujets appartenant aux
puissances de l’Axe. Finalement le T.P.I.Y. et le T.P.I.R. ont été institués par le C.d.S.,
au cours des années 1990, afin de juger les crimes commis en ex-Yougoslavie et au
Rwanda. Parallèlement la C.D.I. a été chargée par l’Assemblée générale des N.U., dès
les années 1950, d’élaborer les Principes généraux du droit international consacrés par
le Statut et le jugement du Tribunal de Nuremberg, et, à partir de ceux-ci, de travailler à
l’élaboration d’un Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, qui
constitue le précédent inabouti du Statut de Rome portant sur la création de la C.P.I. Ce
dernier représente l’aboutissement d’un chemin long près d’un siècle et réalise un
système organique de la responsabilité internationale pénale des individus, aussi bien du
point de vue du droit matériel que procédural. Malgré les problèmes que la C.P.I. pose,
notamment en ce qui concerne son rapport avec les juridictions étatiques, on peut
affirmer que son Statut définit clairement un système normatif de la responsabilité
internationale pénale des individus qui, tout en ayant une efficacité relative, synthétise
les principes généraux existant en la matière.82
Le principe de la responsabilité pénale des États, en revanche, peine à s’imposer en
droit international: ce n’est pas facile de reconnaître l’existence d’une telle
responsabilité, qui présuppose, normalement, l’existence d’un pouvoir centralisé fort,

82 Sur la responsabilité internationale pénale des individus voir C. Th. EUSTATHIADÈS, Les sujets du
droit international et la responsabilité internationale – Nouvelles tendances, in R.C.A.D.I., 1953-III, vol.
84, p. 460-485. Sur l’élaboration des tribunaux pénaux internationaux, depuis les Tribunaux ad hoc
jusqu’à la C.P.I., voir J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel?, Quelques réflexions, cit., p.
56-57; K. AMBOS, Establishing an International Criminal Tribunal and an International Criminal
Code: Observations from an International Criminal Law Viewpoint, in E.J.I.L., 1996, vol. 7, n. 4, p. 519
s.; J.-P. BAZELAIRE, T. CRETIN, La justice pénale internationale – Son évolution, son avenir de
Nuremberg à La Haye, Paris, P.U.F., 2000; N. GIANARIS, The New World Order and the Need for an
International Criminal Court, in Fordham I.L.R., 1992-1993, vol. 16, p. 88 s.; A. CASSESE, The Statute
of the International Criminal Court: Some Preliminary Reflections, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 1, p. 145.
Sur l’émergence d’un système unitaire de droit international pénal individuel voir L.S. SUNGA, The
Emerging System of International Criminal Law, The Hague/Boston/London, Kluwer Law International,
p. 1 s.
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

dans le cadre d’un système de droit d’ordre, essentiellement, privé.83 Quoique l’État soit
le sujet par excellence du droit international, il est fort difficile de le penser capable
d’accomplir des actions criminelles et d’être soumis à des sanctions pénales. La raison
principale de cette impasse réside dans l’organisation “horizontale” de la communauté
internationale, fondée sur le critère de l’égalité souveraine des États. Une responsabilité
des États existe, certes, mais sa nature serait d’ordre “civil”, si on tenait à faire une
comparaison avec les principes de la responsabilité des droits internes. Malgré ces
difficultés de fond, en doctrine, certains auteurs ont soutenu, au cours du XIX et du XX
siècle, la nécessité de distinguer un régime de la responsabilité des États plus grave par
rapport à celui de la responsabilité ordinaire. Dans la deuxième moitié du XIX siècle
cette idée est soutenue par la voix isolée, mais autoritaire, de J.C. Bluntschli.84 Au cours
du XX siècle, dans la période entre les deux guerres mondiales, V. Pella parvient à
formuler la conception d’une responsabilité pénale étatique reliée à celle des
individus.85 En partant des prémisses de la théorie pure du droit H. Kelsen, en 1944,
propose l’élaboration d’un système coordonnant la responsabilité pénale individuelle et
collective.86 Ensuite plusieurs auteurs, tels que H. Lauterpacht, B. Graefrath et J.H.W.
Verzijl, affirment la nécessité de créer un double régime de la responsabilité étatique.87
Au niveau du droit international relatif c’est surtout la Charte des N.U. qui consacre, à
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l’issue de la deuxième guerre mondiale, l’idée de la distinction entre plusieurs degrés de


responsabilité étatique et soumet les différends majeurs au contrôle du C.d.S. Au niveau
du droit international général le principe de la responsabilité majeure se concrétise dans
l’élaboration, en 1976, dans le cadre du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des
États, de l’article 19, portant sur la distinction entre les crimes et les délits
internationaux. Cet article, maintenu jusqu’au Projet adopté en première lecture en
1996, est effacé dans la deuxième lecture, adoptée en 2001, qui retient une distinction,
plus souple au niveau terminologique, entre les violations ordinaires et les violations du
ius cogens. Ainsi, à l’heure actuelle, le droit international général ne retient pas, au
moins de façon expresse, la notion de la responsabilité pénale des États, mais consacre
la responsabilité pour violation de normes impératives, tandis que, au sein du droit
international relatif, selon une conception spéculaire du droit international général de la
paix, le système onusien consacre le principe des violations étatiques majeures et en
confie la répression au Conseil de sécurité.
Dans la première partie de la thèse nous définissons le système normatif de la
responsabilité internationale pénale, tant en ce qui concerne les individus, qu’en ce qui
concerne les États. Ainsi, nous apprenons comment est conçue la responsabilité pénale
des individus et comment est conçue la responsabilité pénale des États en droit
international, tant au niveau du droit international général (y compris les principes
généraux du droit, notamment pénal, tirés des ordres nationaux), qu’au niveau des
systèmes internationaux relatifs les plus importants (spécialement les systèmes définis

83 Sur la question de l’organisation de la sanction en droit international voir D. ALLAND, Justice privée
et ordre juridique international: étude théorique des contre-mesures en droit international public, Paris,
Pedone, 1994.
84 Voir J.C. BLUNTSCHLI, Das moderne Völkerrecht der civilizierten Staten als Rechtsbuch dargestellt,
Nördlingen, Beck, 1868, p. 259 s.
85 Voir V. PELLA, La criminalité collective de l’État et le droit pénal de l’avenir, 2ème éd., Bucarest,
Imprimerie de l’État, 1926.
86 Voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 149.
87 Voir les thèses de Lauterpacht in L. OPPENHEIM, International Law, a Treatise, 6th ed. by H.
Lauterpacht, London, Longman & Green, 1940; B. GRAEFRATH, P.A. STEINIGER, Kodifikation der
völkerrechtlichen verantwortlichkeit, in Neue Justiz, Berlin, 1973, n. 8, p. 227; J.H.W. VERZIJL,
International Law in Historical Perspective, Leyden, Sithoff, 1973, vol. 6, p. 741 s.

30
INTRODUCTION DE LA PREMIÈRE PARTIE

par le Statut de la C.P.I. et par la Charte des Nations Unies). Nous considérons la
responsabilité des individus et des États du point de vue de l’infraction (en ses
composantes objective et subjective), de la procédure de jugement, de la sanction (du
côté objectif et subjectif) et de la procédure d’exécution. Cette analyse permet de
comprendre si la responsabilité pénale des individus et celle des États sont coordonnées
ou bien si elles sont conçues de façon indépendante. L’étude porte sur toutes les normes
primaires et secondaires, de iure condito et de iure condendo, même si elles ne sont pas
d’ordre strictement pénal, qui peuvent aider à reconstruire le cadre, éclairées à l’aide de
la jurisprudence et de la doctrine.
D’abord nous considérons la responsabilité internationale pénale des personnes
physiques. Celle-ci est la prémisse indispensable pour pouvoir, ensuite, remonter aux
différentes formes d’organisations dans lesquelles les individus peuvent se rassembler.
Dans le premier chapitre nous définissons intégralement le système de la
responsabilité internationale pénale des individus. Nous considérons les règles et la
jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux ad hoc, notamment celles des T.M.I.
de Nuremberg et de Tokyo, ainsi que du T.P.I.Y. et du T.P.I.R. Nous étudions, aussi,
les Principes généraux du droit international tirés du Statut et de la jurisprudence du
Tribunal de Nuremberg ainsi que le Projet de Code des crimes contre la paix et la
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sécurité de l’humanité de la C.D.I., qui s’en inspire, pour définir les principes généraux
du droit international pénal des individus, spécialement du côté du droit matériel.
L’objet majeur de notre attention, toutefois, est représenté par le Statut de la C.P.I., qui,
en recueillant l’expérience des textes précédents, définit les principes généraux du droit
international pénal des individus, tant du point de vue du droit matériel que de la
procédure, même si son efficacité demeure relative. Nous cherchons à comprendre si les
normes concernant la responsabilité internationale pénale individuelle permettent
d’élargir la responsabilité de l’individu aux organisations complexes, notamment aux
États.
Ensuite nous abordons le problème, central, de la responsabilité pénale des États.88
Dans le deuxième chapitre nous suivons le développement du concept de la
responsabilité majeure, voire criminelle, des États dans son parcours historique: cette
idée naît avec la criminalisation de la guerre d’agression entendue, stricto sensu,
comme emploi de la force armée, puis elle se précise dans d’autres formes
d’infractions. Cette évolution du droit international, tant général que relatif, qui ressort
de plusieurs textes juridiques, est confirmée par la jurisprudence et confortée par les
opinions de la doctrine. L’aboutissement de ce parcours est représenté, dans le droit
international relatif, par la système mis en place par la Charte des Nations Unies, à
l’issue de la deuxième guerre mondiale, et, en droit international général, par le Projet
de la C.D.I. sur la responsabilité des États. Nous définissons le cadre général du Projet
de 1996, qui consacre, à l’article 19, le principe de la responsabilité criminelle des
États, et du Projet de 2001, qui établit, à l’article 40, une distinction, moins courageuse,
entre les violations majeures, du ius cogens, et les autres infractions étatiques.
Le troisième chapitre est consacré à la conception matérielle, objective, de
l’infraction. Il s’agit d’appréhender, du point de vue de la théorie générale, les principes
sur la base desquels on définit la responsabilité majeure, voire criminelle, de l’État.
Nous parvenons à les identifier dans l’importance de l’intérêt défendu par la règle
violée, du point de vue du contenu, et dans la forme erga omnes indivisible de
l’obligation lésée. Du point de vue de la forme nous considérons l’infraction majeure,

88 Sur la responsabilité pénale des États voir M. SPINEDI, International Crimes of State – The
Legislative History, cit., p. 12 s.; M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”: une
responsabilité pénale?, cit., p. 93 s.; K. MAREK, Criminalizing State Responsibility, cit., p. 461.

31
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

voire criminelle, de l’État, comme violation d’une obligation erga omnes indivisible
absolue (ius cogens), en droit international général, ou relative, en droit international
particulier. Concernant la partie spéciale de l’infraction, il faut appréhender quelles
conduites spécifiques peuvent constituer une violation majeure, ou un crime, étatique.
Nous considérons, spécialement, les infractions qui sont classées à l’article 19 § 3 du
Projet sur la responsabilité des États de 1996, à savoir les atteintes à la paix, à
l’autodétermination, aux droits de l’homme et à l’environnement.
Au cours du quatrième chapitre nous nous intéressons à la procédure de jugement, à
la sanction et à la procédure d’exécution qui suivent à la violation majeure, voire au
crime, de l’État. Nous étudions la procédure consacrée par la pratique du droit
international général, basée sur les contre-mesures étatiques décentralisées et sur la
juridiction volontaire, codifiée par les Projets de la C.D.I. de 1996 et de 2001. Nous
abordons la sanction de l’infraction majeure, ou du crime, étatique en tant qu’obligation
erga omnes absolue indivisible ayant une gravité supérieure par rapport à la sanction
des violations étatiques ordinaires. Finalement nous faisons des considérations sur la
procédure du C.d.S. prévue dans la Charte des N.U., qui constitue la forme de réaction
relative la plus importante et généralisée aux violations majeures, ou au crimes,
étatiques, rappelée, de façon explicite, par les Projets sur la responsabilité des États.
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Cette étude constitue le pendant naturel des considérations concernant la conduite


illicite et contribue à en éclairer la nature.
Finalement, dans le cinquième chapitre, nous étudions l’imputation de la conduite
illicite et de la sanction à l’État. Les considérations portent, ainsi, sur l’aspect
proprement subjectif de l’infraction majeure, voire criminelle, de l’État. Nous
constatons que l’imputation du fait illicite à l’État passe, forcement, par la conduite de
ses individus-organes, en vertu de l’application du principe de l’imputation organique.
Nous essayons de voir par quels types d’organes l’imputation peut se réaliser et quels
sont les limites de leur action. Nous cherchons aussi à comprendre si les principes
classiques de la culpabilité, à savoir le dol et la faute, normalement appliqués aux
individus, peuvent s’appliquer, aussi, à l’État, ou bien si l’imputation doit passer par
d’autres critères en raison de la nature du sujet mis en cause en tant que personne
morale. Par cette étude nous devons appréhender comment la responsabilité étatique est
concevable du point de vue subjectif et comment elle se rapporte à la responsabilité
pénale individuelle.

32
CHAPITRE 1
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

Introduction. § 1.1. Les tribunaux internationaux ad hoc. § 1.2. Les tribunaux spéciaux “hybrides”.
§ 1.3. Les projets pour un code pénal international et une cour pénale internationale. § 1.4. Le
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité: historique. § 1.5. Le Projet de
Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité: cadre général. § 1.6. Le Statut de la
Cour pénale internationale: historique. § 1.7. Le Statut de la Cour pénale internationale: cadre
général. § 1.8. Le Statut de la Cour pénale internationale: la théorie générale du crime individuel.
§ 1.9. Le Statut de la Cour pénale internationale (partie spéciale): les crimes individuels. § 1.10. Le
Statut de la Cour pénale internationale: la procédure. § 1.11. Considérations d’ordre subjectif sur
le Statut de la Cour pénale internationale dans le cadre de la responsabilité internationale pénale.
§ 1.12. Analyse des figures subjectives individuelles: liens possibles entre la responsabilité
individuelle et la responsabilité des personnes morales. § 1.13. La responsabilité des individus en
tant que personnes privées. § 1.14. La responsabilité des exécutants. § 1.15. La responsabilité des
supérieurs hiérarchiques et les personnes morales. § 1.16. La responsabilité des gouvernants et de
l’État. § 1.17. Les organisations criminelles et la responsabilité par concours: différences par
rapport à l’imputation des personnes morales légales. Conclusion.

Introduction.
En droit international plusieurs textes concernant la responsabilité internationale
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

pénale des individus ont été rédigés après la seconde guerre mondiale. Dès les Statuts
des Tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo jusqu’aux Statuts du T.P.I.Y. et du
T.P.I.R. la réglementation de la matière s’est développée ad hoc, de façon limitée à des
cas spécifiques. Parallèlement la C.D.I. a travaillé à l’élaboration de normes générales
et organiques qui ont abouti, tout d’abord, à la formulation des Principes généraux du
droit international tirés du Statut et du jugement du Tribunal de Nuremberg, et, ensuite,
dans le sillage de ceux-ci, à la rédaction du Projet de Code des crimes contre la paix et
la sécurité de l’humanité, en plusieurs lectures, et du Statut portant sur la création de la
C.P.I. Tandis que le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité n’est jamais entré en vigueur, le Statut de la C.P.I., qui s’inspire fortement
du Projet de Code des crimes en question, est devenu droit effectif après la signature, à
Rome, en 1998, du Traité relatif: il codifie les principes généraux du droit international
pénal, même si son efficacité demeure relative. Ainsi on peut affirmer qu’il existe,
actuellement, une système normatif général de droit international pénal, concernant les
individus, qui intègre l’ordre de droit pénal international, basé sur la coordination des
juridictions internes.89
Dans ce chapitre nous étudions, de façon synthétique, les normes concernant la
responsabilité internationale pénale des individus, notamment les textes normatifs qui
codifient les principes généraux: le Statut de la C.P.I. est la référence majeure car il
constitue la dernière élaboration des principes en question. Pour mieux comprendre les
dispositions normatives, là où il s’avère nécessaire, nous prenons en considération aussi
la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux. Le but de cette analyse consiste à
comprendre la nature objective de l’acte criminel individuel et les critères d’imputation
pour établir si, éventuellement, la responsabilité individuelle ouvre des perspectives sur

89 Sur l’existence d’un droit international pénal concernant les individus voir S. SZUREK, La formation
du droit international pénal – Historique, cit., p. 19 s.; C. KRESS, Refining International Criminal Law,
in Crim. L.F., 2002, vol. 13, issue 1, p. 123 s.; M.-C. BASSIOUNI, An Apprisal of the Growth and
Developing Trends in International Criminal Law, in R.I.D.P., 1974, 3/4 trim., p. 405-433. Sur
l’évolution des T.P.I. ad hoc et la fonction de la C.P.I. voir J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif
universel? Quelques considérations, cit., p. 56-57; K. AMBOS, Establishing an International Criminal
Court and an International Criminal Code: Observations from an International Law Viewpoint, cit., p.
519 s.
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

l’imputation des États et des personnes morales en général. Forcement, dans ce type
d’analyse, nous consacrons une attention particulière au côté subjectif de la
responsabilité, mais sans oublier les aspects objectifs de l’infraction, tout d’abord parce
que les deux questions sont strictement liées, en outre parce qu’une analyse d’ensemble
de la responsabilité individuelle, même synthétique, est une prémisse indispensable
pour aborder ensuite, dans le détail, la question de la responsabilité des États et des
autres personnes morales.

§ 1.1. Les tribunaux internationaux ad hoc.


Concernant les individus, l’existence d’un système de la responsabilité pénale
internationale est certaine et bien définie.90
Certains textes précités s’occupent de la question.
À maintes reprises, des textes internationaux ad hoc ont responsabilisé les individus
du point de vue pénal. Il en est ainsi pour le Statut instituant le Tribunal militaire de
Nuremberg, pour le Statut instituant le Tribunal militaire de l’Extrême-Orient et pour
les Statuts instituant le T.P.I.Y. et le T.P.I.R.91
Le Statut du Tribunal de Nuremberg est contenu dans les Accords de Londres,
concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

européennes de l’Axe, signé par les Puissances alliées le 8 août 1945: il constitue une
sorte de clé de voûte du droit international pénal individuel, puisqu’il fournit la
première rationalisation systématique de la matière.92 À partir du Statut du Tribunal de
Nuremberg la C.D.I. a élaboré les principes généraux du droit international pénal qui,
ensuite, ont inspiré les textes des autres T.P.I., y compris celui de la C.P.I.93
Le Statut du Tribunal pour l’Extrême-Orient est contenu dans une ordonnance du
général Mac Arthur, du 19 janvier 1946, les Alliés n’ayant été consultés qu’après sa
rédaction.94 Techniquement le Statut du Tribunal de Tokyo est calqué sur celui du

90 Selon certains auteurs il faudrait distinguer clairement le domaine de la responsabilité individuelle,


qualifié comme “droit international pénal” du domaine de la responsabilité des États et des personnes
morales, qualifié comme “droit pénal inter-étatique” (voir V. PELLA, La répression des crime contre la
personnalité de l’État, in R.C.A.D.I., 1930-III, vol. 33, p. 818-820; M. CASTILLO, La compétence du
Tribunal pénal international pour la Yougoslavie, in R.G.D.I.P., 1994, t. 93, n. 1, p. 63).
91 Pour un premier aperçu des T.M.I. de Nuremberg et de Tokyo, ainsi que du T.P.I.Y. et du T.P.I.R. voir
P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 718-724.
92 Voir les jugements du Tribunal de Nuremberg in Tribunal militaire international de Nuremberg,
Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international, Nuremberg, 14
novembre 1945-1er octobre 1946, Jugement, Textes officiels en langue française, Documents officiels,
Jugement, Nuremberg, 1947, tome I. Sur le Tribunal de Nuremberg voir C. LOMBOIS, Droit pénal
international, 2ème éd., Paris, Dalloz, 1979, p. 138-141; J. DESCHEEMAEKER, Le jugement des grands
criminels de guerre, in R.G.D.I.P., 1946, t. 50, p. 219-285 (portant en annexe le Statut, les Règles de
procédure, les plaidoiries et le plan du T.M.I. de Nuremberg); G.A. FINCH, The Nuremberg Trial and
International Law, in A.J.I.L., 1947, january, vol. 41, n. 1, p. 20-37; Q. WRIGHT, The Law of the
Nuremberg Trial, in A.J.I.L., 1947, january, vol. 41, n. 1, p. 38-72; F.B. SCHICK, The Nuremberg Trial
and the International Law of the Future, in A.J.I.L., 1947, october, vol. 41, n. 4, p. 770-794; H. EHARD,
The Nuremberg Trial against the Major War Criminals and International Law, in A.J.I.L., 1949, april,
vol. 43, n. 2, p. 223-245; J. PAOLI, Contribution à l’étude des crimes de guerre et des crimes contre
l’humanité en droit pénal international, in R.G.D.I.P., 1941-1945, t. 49, p. 129 s.; J. BARBOZA,
International Criminal Law, cit., p. 34-36, 112-116.
93 Voir le texte des Principes du droit international consacrés par le Statut du Tribunal de Nuremberg et
dans le jugement de ce Tribunal in C.D.I., Rapport sur les travaux de sa deuxième session, 5 juin-29
juillet 1950, in Ann. C.D.I., 1950, vol. II, p. 374-378, in A.G., doc. off., 5ème sess., 1950, suppl. n. 12,
A/1316, p. 12, également disponible in ‹http://www.icrc.org/dih.nsf/WebFull?Openview›.
94 Voir les jugements du Tribunal de Tokyo in Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient
(Tribunal de Tokyo), Jugement (The International Military Tribunal for the Far East (I.M.T.F.E.), The

34
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

Tribunal de Nuremberg, à quelques exceptions près. Notamment la compétence ratione


personarum et materiae, aux termes de l’article 5 du Statut du Tribunal de Tokyo, est
égale à celle établie à l’article 6 du Statut du Tribunal de Nuremberg. Par la suite on
citera constamment les règles du T.M.I. de Nuremberg et on ne rappellera celles du
T.M.I. de Tokyo que lorsqu’il sera nécessaire, notamment pour souligner des
éventuelles divergences.
Le Statut instituant le T.P.I.Y. est contenu dans le rapport du S.G. des N.U. n.
S/25704, établi conformément au paragraphe 2 de la Résolution 808 (1993) du C.d.S.,
présenté le 3 mai 1993, ensuite confirmé par la Résolution 827 du 25 mai 1993 du
C.d.S.95
Le Statut du T.P.I.R. est contenu dans la Résolution 955 du 8 novembre 1994 du
C.d.S.96
Ces quatre tribunaux constituent les précédents accomplis de la C.P.I., nous les
prendrons en considération, aussi bien du point de vue statutaire que du point de vue de
la pratique judiciaire, comme les précédents directs de la C.P.I.
On constatera que toutes les juridictions ad hoc ont été mises sur pied dans des
circonstances exceptionnelles, par des moyens juridiques improvisés. Selon une partie
de la doctrine ces tribunaux réalisent une forme de répression pénale atypique,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

puisqu’elle intervient après la commission du fait illicite et non pas à l’avance. Il


existerait, donc, une violation du principe de légalité, fondement de tout droit pénal,
selon lequel personne ne peut être incriminée pour un fait qui n’est pas prévu comme
crime avant la commission du fait même, donc du principe nullum crimen, nulla poena
sine lege, ni par une juridiction qui ne soit pas établie au préalable.97 C’est toute la

Tokyo Judgement, 29 april 1946-12 november 1948, vol. I, Judgement, edited by B.V.A. Roling & C.F.
Ruter, A.P.A.-University Press, Amsterdam BV, 1977). Sur le Tribunal de Tokyo voir C. LOMBOIS,
Droit pénal international, 2ème éd., cit., p. 141. Sur l’iniquité du procès de Tokyo voir P. PONS,
L’impunité pour Hirohito, in Le Monde, n. 16747, dimanche 29-lundi 20 novembre 1998, Histoire –
Horizons, p. 13. Plus en général, sur le procès de Tokyo voir C. LEBLANC, 1948 – Le Tribunal de
Tokyo, disponible dans le réseau Internet à l’adresse ‹http://www.japonline.com/jfra/hist/hist.aps?ID=95›.
Voir, aussi, le site électronique ‹http://www.pbs.org/wgbh/amex/macarthur/peopleevents/index.htm› (The
Tokyo War Crimes Trial (1946-1949)).
95 Sur le T.P.I.Y. voir J.-P. GETTI, K. LESCURE, Historique du fonctionnement du T.P.I.Y., in R.I.D.P.,
1996, 1/2 trim., p. 233; C. HOLLWEG, Le nouveau Tribunal international de l’O.N.U. et le conflit en ex-
Yougoslavie: un défi pour le droit humanitaire dans le nouvel ordre mondial, in R.D.P., 1994, n. 5, p.
1337 s.; D. SHRAGA, R. ZACKLIN, The I.C.T.F.Y., in E.J.I.L, 1996, vol. 7, n. 4, p. 501 s.; P.
WECKEL, L’institution d’un tribunal international pour la répression des crimes du droit humanitaire
en Yougoslavie, in A.F.D.I., 1993, XXXIX, p. 232; S.D. MURPHY, Progress and Jurisprudence of the
I.C.T.Y., in A.J.I.L., 1999, january, vol. 93, n. 1, p. 57 s.; V. MORRIS, M.P. SCHARF, An Insider’s
Guide to the I.C.T.F.Y. – A Documentary History and Analysis, Irvington on Hudson, N.Y., Trans. Publ.,
1995; M.-C. BASSIOUNI, P. MANIKAS, The Law of the I.C.T.F.Y., New York, Transnational
Publishers, 1996; J. O’BRIEN, The International Tribunal for Violation of International Humanitarian
Law in the Former Yougoslavia, in A.J.I.L., 1993, october, vol.87, n. 4, p. 639 s.; D. FORSYTHE,
Politics and the I.C.T.F.Y., in Crim. L.F., 1994, vol. 5, n. 2/3, p. 401 s.; D. NTANDA NSEREKO, Rules
of the Procedure and Evidence in the I.C.T.F.Y., in Crim. L.F., 1994, vol. 5, n. 2/3, p. 507 s.; D.
SHRAGA, R. ZACKLIN, The I.C.T.F.Y., cit., p. 360 s. Dans le réseau électronique voir l’adresse
‹http://www.icty.org› (site officiel du T.P.I.Y.).
96 Sur le T.P.I.R. voir L.D. JOHNSON, The I.C.T.R., in R.I.D.P., 1996, 1/2 trim., p. 211; V. MORRIS,
M.P. SCHARF, The I.C.T.R., Irvington on Hudson, N.Y. Transn. Publ., 1998; D. SHRAGA, R.
ZACKLIN, The I.C.T.R., in E.J.I.L, 1996, vol. 7, n. 4, p. 501 s.; J.D. BIZMANA, La contribution du
Tribunal criminel international pour le Rwanda à l’édification de la justice pénale internationale, thèse
sous la direction de J.-M. Crouzatier, Toulouse 1, 2004. Dans le réseau électronique voir l’adresse
‹http://www.ictr.org › (site officiel du T.P.I.R.).
97 Dans cet ordre d’idées voir T. TODOROV, Les limites de la justice, in A. CASSESE, M. DELMAS-
MARTY (sous la direction de), Crimes internationaux et juridictions internationales, Paris, P.U.F., 2002,

35
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

question de la non-rétroactivité de la loi pénale moins favorable, fort débattue en


doctrine sur le plan du droit international. Étant donné qu’on ne peut pas rendre compte
des différentes positions de la doctrine de façon analytique, nous remarquerons
simplement que, selon certaines auteurs, les crimes inclus dans les statuts des tribunaux
ad hoc, étant d’origine coutumière générale, donc reconnus par l’ensemble des États de
la communauté internationale, sont effectifs, à l’égard des individus, avant même que
les textes ad hoc ne les pénalisent.98 Cette approche est partageable, notamment à la
lumière des Principes généraux tirés du Statut du T.M.I. de Nuremberg, toutefois il est
inutile et potentiellement contradictoire de définir, dans chaque Statut, les typologies
criminelles, notamment en raison du fait que la définition préalable du crime doit être
extrêmement précise. En outre cette solution n’est pas satisfaisante sur le plan
procédural, car le droit pénal consacre le principe selon lequel non seulement les crimes
doivent être expressément prévus par la lois, de façon strictement formelle, sans aucune
dérogation possible, mais la juridiction, aussi, doit être établie à l’avance. Par ailleurs,
le caractère improvisé des tribunaux ad hoc ne permet pas à ces juridictions d’exercer la
fonction dissuasive et préventive qui est la finalité primaire et essentielle de toute
juridiction pénale.99
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

§ 1.2. Les tribunaux spéciaux “hybrides”.


Sur la base de l’expérience des tribunaux internationaux ad hoc la pratique des
juridictions spéciales prend pied.
La Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (M.I.N.U.K.),
mise sur pied par la Résolution du C.d.S. 1244 du 10 juin 1999, disposant, en vertu du
Règlement 1999/1 du 25 juillet 1999, de pleins pouvoirs exécutifs, législatifs et
judiciaires (section 1.1), a établi, par le Règlement 2000/6 du 15 février 2000, Section 1
(Nomination et révocation des juges et des procureurs internationaux), que: “1.1. Le
Représentant spécial du Secrétaire général peut nommer ou révoquer les juges et les
procureurs […] auprès du Tribunal de district de Mitrovica, des autres tribunaux
relevant de la juridiction territoriale du tribunal précité et des bureaux des procureurs

p. 44; M. SIMMONS, U.N. War Crimes Tribunal Steps up Its Inquiry into Kosovo, in N.Y. Times, august
26, 1998, p. A-4; P. SHENNON, Kosovo’s Crisis Is Bad, and Getting Worse, in N.Y. Times, september
16, 1998, p. A-8. Sur le principe de légalité “nullum crimen, nulla poena sine lege” comme principe
général de droit et, aussi, comme principe général, cogens, du droit international, voir P.M. DUPUY,
Normes impératives pénales et droit impératif (jus cogens), cit., p. 73-74; J. BARBOZA, International
Criminal Law, cit., p. 116-117. Pour des considérations éclairantes sur le principe de légalité voir H.L.A.
HART, The Concept of Law (Il concetto di diritto), cit., p. 240-246; H. KELSEN, Peace through Law (La
pace attraverso il diritto), cit., p. 118-119. Sur les tribunaux pénaux internationaux ad hoc, par rapport
aux juridictions nationales, et le problème du respect du principe de légalité voir W.A. SCHABAS,
Perverse Effect of the nulla poena Principle: National Practice and the ad hoc Tribunals, in E.J.I.L,
2000, vol. 11, n. 3, p. 521 s.
98 Voir A. MARCHESI, I diritti dell’uomo e le Nazioni Unite, Milano, Angeli, 1996, p. 133-134; A.
PELLET, Le Tribunal criminel international pour l’ex Yougoslavie: poudre aux yeux ou avancée
décisive?, in R.G.D.I.P., 1994, t. 98, n. 1, p. 35, d’après lequel la prévision expresse des crimes dans les
statuts des tribunaux ad hoc serait inutile et dangereuse, car elle affaiblirait “le caractère universel de
l’incrimination en laissant entendre que le traité crée le crime”; T. MERON, War Crimes in Yugoslavia
and the Development of International Law, in A.J.I.L., 1994, january, vol. 88, n. 1, p. 78-79; F.
LATTANZI, La répression pénale des crimes du droit international: des juridictions internes aux
juridictions internationales, in Law in Humanitarian Crises, Luxemburg, H. Fisher, 1995, vol. I, p. 22.
99 D’après J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques observations, cit., p. 60, la
fonction des T.P.I. ad hoc ne serait pas celle de prévenir le crime, donc d’assurer le fonctionnement des
normes “primaires”, selon la conception de H. Kelsen, mais, plutôt, celle de secourir les victimes dans
une perspective consolatrice, thérapeutique et pédagogique. Sur la question de l’efficacité préventive des
Tribunaux ad hoc voir S.D. MURPHY, Progress and Jurisprudence of the I.C.T.Y., cit., p. 95 s.

36
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

correspondant. 1.2. Les juges internationaux se voient confier l’autorité et les


attributions inhérentes à l’exercice de leurs fonctions et notamment le pouvoir de
choisir les affaires criminelles, nouvelles ou en cours, relevant de la juridiction du
tribunal, auprès duquel ils sont nommés et d’en assumer la responsabilité. 1.3. Les
procureurs internationaux se voient confier l’autorité et les attributions inhérentes à
l’exercice de leurs fonctions et notamment le pouvoir et la responsabilité de mener des
enquêtes nouvelles et de choisir les enquêtes ou poursuites, nouvelles ou en cours,
relevant de la juridiction du bureau du procureur auprès duquel ils sont nommés et d’en
assumer la responsabilité”.100 Le Règlement 2000/34 du 27 mai 2000 a étendu le
pouvoir de nomination des juges et des procureurs internationaux du Représentant
spécial à “tout tribunal ou bureau du procureur relevant de la juridiction territoriale au
Kosovo”.101 Finalement, le Règlement 2000/64 du 25 décembre 2000, prévoit la
possibilité que, à tout stade de la procédure pénale, le procureur, l’accusé ou son conseil
peuvent déposer, auprès du Département des affaires judiciaires, une requête pour la
désignation des juges ou des procureurs internationaux (article 1er § 2 et 3), de sorte que
le Département, suite à l’éventuelle approbation du Représentant spécial du Secrétaire
général des N.U. (article 1er § 4), peut désigner: “a) Un procureur international b) Un
juge d’instruction international c) Une chambre de trois juges dont deux au moins
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

internationaux”.102 Comme tous les fonctionnaires publiques nommés au Kosovo, le


personnel judiciaire est tenu, en vertu du Règlement 1999/1, de respecter les “règles
internationales reconnues en matière de droits de l’homme” (section 2), tandis que la loi
du Kosovo antérieure au 14 mars 1999 s’applique en tant que compatible avec celles-ci
(section 3).
Par sa Résolution 1315 du 14 août 2000 le C.d.S. a invité le S.G. des N.U. à négocier
un accord avec le Gouvernement sierra-léonais en vue de créer “un tribunal spécial
indépendant” chargé de juger “les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et
autres violations graves du droit international humanitaire, ainsi que les crimes au
regard des règles pertinentes du droit sierra-léonais, commis sur le territoire de la
Sierra-Léone depuis le 30 novembre 1996” au cours du récent conflit dont le pays a été
théâtre. Conformément à cette Résolution, les N.U. et le Gouvernement sierra-léonais
ont conclu un Accord à Freetown, le 16 janvier 2002, pour la création du Tribunal
spécial pour la Sierra-Léone, contenant le Statut de celui-ci. Aux termes de l’article 2 de
la partie de l’Accord portant “Création du Tribunal spécial”, le Tribunal a une
composition mixte, car une partie du personnel est nommée par le gouvernement sierra-
léonais et une partie par les N.U. Aux termes des articles 2-5, le Tribunal juge les

100 Voir UNMIK/REG/1999/1 du 25 juillet 1999 in S.G., Rapport au C.d.S. sur la Mission
d’Administration intérimaire de Nations Unies au Kosovo, 16 septembre 1999, doc. S/1999/987, p. 14-
16, disponible in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/undoc/GEN/N99/267/08/N9926708.pdf?OpenElement›;
UNMIK/REG/2000/6 du 15 février 2000 in S.G., Rapport au C.d.S. sur la Mission d’Administration
intérimaire des Nations Unies au Kosovo, Add.2, 28 mars 2000, doc. S/2000/177/Add.2, p. 2-4,
disponible in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/undoc/GEN/N00/364/10/PDF/N0036410.pdf?OpenElement›.
101 Voir UNMIK/REG/2000/34 du 27 mai 2000 in S.G., Rapport au C.d.S. sur la Mission
d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, Add.1, 29 juin 2000, doc. S/2000/538/Add.1,
p. 23-25, ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/509/23/PDF/N0050923.pdf?OpenElement›.
102 Voir UNMIK/REG/2000/64 du 15 décembre 2000 in S.G., Rapport au C.d.S. sur l’Administration
intérimaire des Nations Unies au Kosovo, Add.1, 26 mars 2001, doc. S/2001/218/Add.1, p. 9-10, in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/306/29/N0130629.pdf?OpenElement›.

37
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

crimes internationaux contre l’humanité et les crimes de guerre ainsi que certains
crimes relevant du droit sierra-léonais.103
Par sa Résolution 57/228/A du 18 décembre 2002 l’A.G.N.U. a invité le S.G. à
conclure un accord avec le Gouvernement Cambodgien portant sur “la création au sein
des tribunaux cambodgiens de chambres extraordinaires pour juger les auteurs des
crimes commis pendant la période du Kampuchéa démocratique”. Ensuite, par la
Résolution 57/228/B, l’A.G.N.U. a approuvé l’accord fixant “les règles régissant la
coopération entre l’O.N.U. et le Gouvernement royal cambodgien aux fins de traduire
en justice les responsables des crimes et violations graves du droit pénal cambodgien,
des règles et coutumes du droit international humanitaire et des conventions
internationales auxquelles adhère la Cambodge, commis pendant la période comprise
entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979” (article 1). Aux termes de l’article 3 c’est la
loi cambodgienne qui détermine la compétence. Conformément aux articles 3 et 6 des
juges et des procureurs internationaux siègent à côté des juges cambodgiens dans les
Chambres spéciales.104
L’Administration transitoire des N.U. au Timor Oriental (A.T.N.U.T.O.), mise sur
pied en vertu de la Résolution 1272 du 25 octobre 1999 du C.d.S., disposant, en vertu
du Règlement 1999/1 du 27 novembre 1999, du plein pouvoir législatif, exécutif et
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judiciaire (section 1.1), ainsi que de la faculté de nommer toute personne aux fonctions
administratives, civiles et judiciaires, a crée, par son Règlement 2000/11 du 6 mars
2000 (section 10), une Chambre spéciale au Tribunal de district de Dili pour juger les
graves crimes commis au cours du récent déferlement de violence dans le pays. La
section 10.1 du Règlement inclue, dans la compétence du Tribunal, le génocide, les
crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le meurtre, les délits sexuels, la torture.
Pour juger les crimes, le Tribunal siège dans une formation spéciale, composée tant de
juges timorais que de représentants étrangers. (section 10.3), tout comme la Cour
d’Appel (section 15.5). Comme tout fonctionnaire publique à Timor Oriental, en vertu
du Règlement 1999/1, le personnel judiciaire est tenu de respecter les “règles
internationalement reconnues en matière de droits de l’homme” (section 2), tandis que
les lois en vigueur à Timor Oriental avant le 25 octobre 1999 demeurent applicables en
tant que compatibles avec celles-ci.105
Quoique ces tribunaux, “hybrides”, tous mis sur pied dans le cadre onusien,
présentent des différences, on peut les considérer comme un ensemble essentiellement
homogène. La caractéristique fondamentale de ces institutions réside dans leur mixité,
dont le degré est variable, qui se manifeste du point de vue de la composition organique
et de celui du droit applicable. Quant à la composition, ces instances résultent de
l’intégration du personnel judiciaire interne par le personnel international. Sous le profil
du droit applicable, ces juridictions appliquent un droit ayant ses origines à la fois dans
le droit international pénal et dans le droit interne, tant substantiel que procédural. La

103 Voir A. PEYRO LLOPIS, La Sierra Léone entre trafic de diamants, opération de maintien de la paix
et justice pénale internationale, in Actualité et droit international, 21 janvier 2002, in
‹http://www.ridi.org/adi›.
104 Sur l’institution du Tribunal spécial cambodgien et les difficultés relatives voir D. BOYLE, Juger les
Khmers Rouges, in Actualité et droit international, janvier 1999, in ‹http://www.ridi.org/adi›; D.
BOYLE, C. LENGRAND, Le retrait de négociations pour un Tribunal mixte au Cambodge: les N.U.
auraient-elles véritablement le choix?, in Actualité et droit international, mars 2002, in
‹http://www.ridi.org/adi›.
105 Voir UNTAET/REG/1999/1 du 27 novembre 1999 in S.G., Rapport au Conseil de sécurité sur
l’Administration transitoire des Nations Unies au Timor Oriental, 8 février 2000, doc. S/2000/53, Add.1,
p. 2-5, in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/286/19/PDF/N0028619.pdf?OpenElement›;
UNTAET/REG/2000/11 dans le site Internet ‹http://www.un.org/peace/etimor/untaetR/Reg11.pdf›.

38
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

doctrine parle, à propos de ces organes, de “tribunaux pénaux internationalisés”,


constituant une catégorie clairement distincte de celle des tribunaux internationaux.106
Les tribunaux “hybrides” relèvent, en effet, en raison de leur mixité organique et
substantielle, plus du domaine du droit pénal international que de celui du droit
international pénal. En tout cas, dans la mesure où les actes constitutifs des tribunaux
mixtes définissent les crimes internationaux passibles de jugement, on retombe, encore,
dans le risque de violer, par imprécision, le principe de non-rétroactivité de la loi
pénale, en outre ces juridictions sont créées après la commission des crimes.
Finalement on remarquera que la pratique des N.U. d’instituer des juridictions
spéciales est, parfois, reprise par les États dans le cadre de l’intervention extérieure.107
Le Conseil pour le gouvernement de l’Irak, établi par l’Autorité de la Coalition, a, en
effet, adopté, le 10 décembre 2003, le Statut du Tribunal spécial pour l’Irak. Aux termes
de l’article 4 le Tribunal est composé de juges irakiens et d’éventuels juges non
irakiens, nommés par le Conseil de gouvernement. La compétence, selon l’article 10,
porte sur les crimes de génocide, contre l’humanité, sur les crimes de guerre et sur la
violation de la loi irakienne, commis par les irakiens entre le 17 juillet 1968 et le 1er mai
2003. A cet égard on remarquera que, si ce Tribunal présente le caractère de la mixité
quant à la composition organique et au droit applicable, tout comme les tribunaux
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“hybrides” institués par les Nations Unies, son caractère international est moindre, étant
donné que cette juridiction émane de l’autorité d’une coalition de quelques États, non
pas des Nations Unies.
En tout cas la pratique des juridictions “hybrides”, relevant ou non du cadre onusien,
est, pour l’heure, très limitée. Pour cette raison, ainsi que pour le constat que ces
tribunaux appartiennent, en définitive, au domaine du droit pénal international, non pas
à celui du droit international pénal, nous limiterons notre attention aux tribunaux
pénaux internationaux de Nuremberg, de Tokyo, pour l’ex-Yougoslavie et pour le
Rwanda.

§ 1.3. Les projets pour un code pénal international et une cour pénale
internationale.
La toute première idée de créer une cour pénale internationale semble remonter à la
deuxième moitié du XIX siècle, aux années 1870, lorsque Gustave Moynier, Président
du C.I.C.R., en proposa l’utilisation pour prévenir les infractions de la Convention de
Genève de 1864. L’idée d’un code pénal universel et d’une cour pénale internationale
appartient toutefois, essentiellement, au XX siècle. Elle se manifeste non seulement par
rapport aux individus, mais aussi par rapport aux États et aux autres personnes
morales.108
Au cours de la première partie du XX siècle, sous l’impulsion des deux conflits
mondiaux, plusieurs projets, élaborés au sein de la S.d.N. ou par d’autres associations
intéressées au droit international, ont vu le jour, dans la tentative de codifier le droit
pénal universel, tant du point de vue de la substance que de la procédure. Ces projets
constituent le substrat de la codification dont, à partir des années 1950, l’O.N.U. sera

106 Voir C.P. ROMANO, T. BOUTROUCHE, Tribunaux pénaux internationalisés: état des lieux d’une
justice “hybride”, in R.G.D.I.P., 2003, t. 107, n. 1, p. 109 s.
107 Sur la question de l’intervention extérieure voir les considérations que nous faisons, infra, à propos de
la réaction décentralisée aux infractions majeures des États membres des N.U.
108 Voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 361.

39
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

saisie pour l’élaboration du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité et du Statut de la C.P.I.109
En 1899 Franz Von Liszt lança l’idée d’un code pénal universel. Cette inspiration fut
reprise par M. Garofalo dans ses “Maximes pour servir à la formation d’un code pénal
universel” de 1905.110
En 1919 la Conférence des préliminaires de paix de Paris, lors de sa séance plénière
du 25 janvier, décida de créer une Commission des responsabilités des auteurs de la
guerre et sanctions, pour rechercher les responsables des événements de 1914-1918.
Celle-ci présenta un rapport qui envisageait la création d’un Tribunal international pour
juger les actes qui déclenchèrent la première guerre mondiale et les crimes de guerre.111
La Conférence de paix n’adopta pas les recommandations de la Commission, mais
elle accepta, plutôt, le point de vue des délégués américains. Ainsi, l’article 227 du
Traité de Versailles, de 1919, prévit la mise en état d’accusation de l’Empereur
d’Allemagne Guillaume II Hohenzollern “pour offense suprême contre la morale
internationale et l’autorité sacrée des traités”, et la mise en place d’un véritable Tribunal
international composé de cinq juges, représentants des principales puissances alliées,
pour le juger, tandis que les autres criminels de guerre auraient dû être jugés par des
juridictions mixtes des forces alliées, du moment que l’article 228 donnait aux Alliés
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

“la liberté de traduire devant les tribunaux militaires les personnes accusées d’avoir
commis des actes contraires aux lois et coutumes de guerre”.112 La Conférence prévit,
aussi, la mise en place d’une Commission intergouvernementale chargée d’enquêter sur
les crimes. Toutefois, comme l’on sait, les dispositions pénales du traité de Versailles
n’eurent point d’efficacité car les Pays Bas refusèrent de rendre aux puissances de
l’Alliance l’Empereur Guillaume II et l’Allemagne refusa de rendre les officiers
accusés de crimes de guerre, en manifestant la volonté de les faire juger par des
tribunaux nationaux internes. Pour ne pas déstabiliser la République de Weimar les
Alliés consentirent à ce que les criminels fussent jugés par la Cour suprême de Leipzig,
laquelle reçut seulement 45 des 895 dossiers formulés par la Commission
intergouvernementale et ne jugea, finalement, que 12 personnes.113

109 Sur l’évolution des travaux concernant la création d’une juridiction criminelle internationale avant
que l’O.N.U. ne s’en occupe, pendant les années 1950, voir S.G., Historique du problème de la juridiction
criminelle internationale, Mémorandum, doc. N.U. A/CN.4/7/Rev.1, 27 mai 1949, New York, p. 1-153;
Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 360 s.
110 Voir le texte des Maximes in R. GAROFALO, La criminologie, Paris, Alcan, 1905.
111 Voir Commission des responsabilités des auteurs de la guerre et sanctions, Extrait du rapport à la
Conférence des préliminaires de paix de 1919, in S.G., Historique du problème de la juridiction
criminelle internationale, cit., p. 51-56, Annexe 1.
112 Voir les parties intéressantes du Traité in S. GLASER, Droit international pénal conventionnel,
Bruxelles, 1970, I, p. 308, ou in S.G., Historique du problème de la juridiction criminelle internationale,
cit., p. 65-66. Il est intéressant de remarquer, à propos de l’article 228 du Traité de Versailles, que,
d’après la pensée de H. Kelsen, cette disposition, prévoyant la “reconnaissance”, par l’Allemagne, de
l’autorité des tribunaux alliés, aurait constitué une forme d’admission implicite, par l’État Allemand, de
sa propre responsabilité et le consentement à être sanctionné pour la violation des lois et coutumes de la
guerre (voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 139-140).
113 Voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 33-34; C. LOMBOIS, Droit pénal
international, 2ème éd., cit., p. 130-131; J. DESCHEEMAEKER, Le jugement des grands criminels de
guerre, cit., p. 211-213; M.-C. BASSIOUNI, L’expérience des premières juridictions pénales
internationales, in E. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 639,
d’après lequel “les Alliés manquèrent l’occasion d’établir un système de justice internationale, qui aurait
pu fonctionner indépendamment de toute considération politique et aurait assuré une justice sans
compromis”.

40
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

En 1920 le Comité Consultatif de juristes de la S.d.N., chargé de préparer un Projet


pour l’établissement de la C.P.J.I., comme prévu à l’article 14 du Pacte de la S.d.N.,
adopta, sur la base d’une proposition de son Président, le baron Descamps, un vœu
recommandant au Conseil et à l’Assemblée de la S.d.N. l’institution d’une “haute cour
de justice internationale” qui aurait dû être “compétente pour juger les crimes contre
l’ordre public international et le droit des gens universel, qui lui seront déférés par
l’Assemblée plénière de la Société des Nations ou par le Conseil de cette Société”.114
Finalement, le Conseil et l’Assemblée décidèrent que la question n’était pas mûre et
qu’il valait mieux soumettre le problème à l’étude des organisations spécialisées en
droit international en vue de la Convocation d’une Conférence sur le sujet.115
En 1925, sur la base d’un rapport présenté par V. Pella, la XIII Conférence de
l’Union Interparlementaire, réunie à Washington et à Ottawa, adopta une Résolution
instituant une Sous-Commission chargée d’étudier les causes de la guerre d’agression et
d’élaborer un Avant-Projet de Code répressif mondial. La Conférence annexa à la
Résolution les “Principes fondamentaux pour un code répressif des nations, prévoyant
l’institution d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I.”, chargée de juger les
crimes des États et des individus.116 Les projets élaborés par les organisations
spécialisées qui suivirent, prévoyaient l’institution d’une Cour criminelle internationale
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

compétente pour juger les individus en même temps que les États et les autres
personnes morales. On rappellera le Projet de Statut pour la Cour permanente de justice
internationale criminelle, de 1925, et le Statut de la Cour criminelle internationale, de
1926, proposés par M.A. Caloyanni, sous les auspices de l’Association internationale de
droit pénal (A.I.D.P.), l’Avant-Projet de Code pénal international, publié par Q. Saldaña
en 1925, le Projet de Statut de la Cour criminelle internationale de l’Association de
droit international, de 1926, qui modifiait légèrement le Statut proposé par Caloyanni,
le Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I.,
rédigé par V. Pella en 1928 sous les auspices de l’A.I.D.P., complémentaire de son Plan
d’un Code répressif mondial, de 1935, et, finalement, le Projet de Code pénal
international d’Albert Levitt, de 1929.117 Étant donné que ces Projets, toutefois, à

114 Voir le texte de la proposition du baron Descamps et du vœu conséquent adopté par le Comité de la
S.d.N. in Comité consultatif de juristes de la S.d.N. pour l’établissement de la C.P.J.I., Procès-verbaux
des séances, 1920, p. 142, 748-749, ou, également, in S.G., Historique du problème de la juridiction
criminelle internationale, cit., p. 9, 10. Sur le Projet élaboré par le Comité de la S.d.N. voir, en doctrine,
H. DONNEDIEU DE VABRES, La Cour permanente de justice internationale et sa vocation en matière
criminelle, in R.I.D.P., 1924, I, p. 175-201.
115 Voir J.L. BRIERLY, Do We Need an International Criminal Court?, in B.Y.B.I.L., 1927, VIII, p. 81-
88; L. PHILLIMORE, An International Criminal Court and the Resolution of the Committee of Jurists, in
B.Y.B.I.L., 1922/1923, III, p. 79-86; E. VADASZ, Juridiction criminelle internationale, in R.D.I.S.P.,
1927, p. 274-279.
116 Voir Union Interparlementaire, Résolution sur la criminalité de la guerre d’agression et l’organisation
d’une répression internationale (Contenant l’Annexe III – Principes fondamentaux d’un Code répressif
des nations), in S.G., Historique du problème de la juridiction criminelle internationale, cit., p. 75-79,
Annexe 5.
117 Voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la Cour permanente de justice internationale criminelle, par M.
Caloyanni, in R.I.D.P., 1925, vol. II, p. 314-325; A.I.D.P., Statut de la Cour criminelle internationale, par
M. Caloyanni, in R.I.D.P., 1926, vol. III, p. 469-491; Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal
international – Partie générale, 1925, in R.C.A.D.I., 1925-V, t. 10, p. 387-422; A.D.I., Projet de Statut de
la Cour internationale criminelle, 1926, in S.G., Historique du problème de la juridiction criminelle
internationale, cit., p. 66-75, Annexe 4; A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre
criminelle au sein de la C.P.J.I., par V. Pella, 1928, in V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de
guerre – Réflexions sur la justice pénale internationale ce qu’elle est et ce qu’elle devrait être,
Genève/Paris, Sottile/Pedone, 1946, Annexe I, p. 129-144; A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial,

41
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

différence des textes officiels des N.U., qui s’occupent seulement de la responsabilité
criminelle des individus, prennent en considération, à la fois, la responsabilité des
individus, des États et des personnes morales autres que les États, on les considérera
attentivement dans la deuxième partie du travail, lorsque on s’occupera de coordonner
la responsabilité des différents sujets en question.118
Ensuite, le 16 novembre 1937, sous les auspices de la S.d.N., une Conférence
diplomatique, composée des représentants de treize États, adopta une Convention pour
la création d’une C.P.I., sur la base du Projet élaboré en 1935 par le Professeur V. Pella,
compétente pour juger les individus coupables du crime de terrorisme, reliée à la
Convention pour la prévention et la répression du terrorisme, de la même date. Ces
Conventions n’entrèrent jamais en vigueur, à cause des événements qui précédèrent le
déclenchement de la seconde guerre mondiale et qui en empêchèrent la ratification.119
En 1943, l’Assemblée internationale de Londres, crée en 1941 sous les auspices de
l’Union pour la S.d.N., composée des membres désignés par les gouvernements alliés
installés à Londres, proposa un Projet de Convention portant sur la création d’une Cour
criminelle internationale, prévoyant l’institution d’une juridiction compétente pour
juger les individus coupables des crimes de guerre.120
En 1944 la Commission des N.U. chargée d’enquêter sur les crimes de guerre,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

instituée en 1943 par une Conférence diplomatique réunie à Londres, présenta un Projet
de Convention portant sur la création d’un Tribunal des Nation Unies pour les crimes de
guerre, ayant compétence sur les personne physiques.121
En 1945 l’histoire du droit international registre l’institution du Tribunal de
Nuremberg, par les Accords de Londres, qui marquent un tournant fondamental dans
l’évolution du droit international pénal.122

par V. Pella, 1935, in V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., Annexe II, p. 145-156;
A.I.D.P., Projet de Code pénal international, par A. Levitt, in R.I.D.P., 1929, vol. VI, p.33-46.
118 Sur l’évolution des projets concernant l’institution d’une C.P.I. de 1919 à 1930 voir M.O. HUDSON,
The Proposed International Criminal Court, in A.J.I.L., 1938, july, vol. 32, n. 3, p. 549-551.
119 Voir le texte de la Convention pour la création d’une C.P.I. compétente pour juger les individus
coupables du crime de terrorisme conclue à la S.d.N., ouverte à la signature à Genève le 16 novembre
1937, (Pella), Partie I (2) de l’Acte final de la Conférence internationale sur la répression du terrorisme,
S.d.N., Doc.C.548.M.385.1937.V, in V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., Annexe
III, p. 157-165. Pour un commentaire de la Convention en question, dans le sens qu’elle aurait justement
écarté la responsabilité étatique pour s’attacher à la seule responsabilité individuelle, voir C. Th.
EUSTATHIADÈS, La Cour pénale internationale pour la répression du terrorisme et le problème de la
responsabilité internationale des États, in R.G.D.I.P., 1936, t. 43, not. p. 389-393. Voir le texte de la
Convention pour la prévention et la répression du terrorisme conclue à la S.d.N., ouverte à la signature à
Genève le 16 novembre 1937, Partie I (1) de l’Acte final de la Conférence internationale sur la répression
du terrorisme, S.d.N., Doc.C.548.M.385.1937.V, dans le réseau Internet à l’adresse électronique
‹http://www.un.doc.org/undoc/en/terrorism_conventions.html›. Sur les Conventions en question voir
M.O. HUDSON, The Proposed International Criminal Court, cit., p. 551-554. Pour un aperçu du débat
concernant l’institution d’une C.C.I. avant l’éclat de la deuxième guerre mondiale voir P.M. BROWN,
International Criminal Justice, in A.J.I.L., 1941, january, vol. 35, n. 1, p. 118-121.
120 Voir Association internationale de Londres, Projet de Convention portant création d’une Cour
criminelle internationale, in S.G., Historique du problème de la juridiction criminelle internationale, cit.,
Annexe 9.B, p. 105-120.
121 Voir Commission des Nations Unies pour les crimes de guerre, Projet de Convention portant création
d’un Tribunal des Nations Unies pour les crimes de guerre, in S.G., Historique du problème de la
juridiction criminelle internationale, cit., Annexe 10, p. 120-126. En doctrine voir C. EAGLETON,
Punishment of War Criminals by the United Nations, in A.J.I.L., 1943, july, vol. 37, n. 3, p. 495-499.
122 Sur l’évolution de la question de l’institution d’une juridiction criminelle internationale de 1920 à
1945 voir A.K. KUHN, International Criminal Jurisdiction, in A.J.I.L., 1947, april, vol. 41, n. 2, p. 430-
432.

42
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

En 1966, à l’initiative de Lord Bertrand Russell, un Tribunal pénal international fut


crée à Londres. Le Tribunal Russell se réunit à Roskilde (Danemark) en novembre 1967
et à Stockholm (Suède) en mai 1977 pour juger les crimes commis au Viêt-Nam. Dans
une deuxième formation le Tribunal siégea à Rome (Italie) en avril et décembre 1974,
pour juger les violations des droits de l’homme en Amérique Latine. Finalement le
Tribunal, en mars et avril 1978, jugea les atteintes à la liberté de travail en République
fédérale d’Allemagne et, en automne 1978, il procéda pour les droits de la défense dans
les poursuites dirigées, en République Fédérale d’Allemagne, contre les “extrémistes”.
Naturellement, s’agissant d’un Tribunal constitué à l’initiative de sujets privés, il
manquait de pouvoirs effectifs et ne put jouer qu’un rôle de dénonciation sociale,
toutefois, du moment que des personnages importants, notamment du milieu
intellectuel, tels que N. Bobbio, en ont fait partie, sa constitution est le symptôme d’une
exigence sérieuse de la communauté internationale.123
Le problème de la juridiction criminelle a été abordé par les Nations Unies lorsqu’on
a pensé à formuler les Principes du droit international reconnus dans le Statut et le
jugement du Tribunal de Nuremberg et à l’occasion des initiatives prises par
l’Organisation en vue de la prévention et de la répression du crime de génocide. Par sa
Résolution 94/I du 11 décembre 1946 l’A.G. créa une Commission pour le
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

développement progressif du droit international et sa codification, composée des


représentants de dix-sept États membres et l’invita, par la Résolution 95/I de la même
date, “à considérer comme une question d’importance capitale les projets visant à
formuler, dans le cadre d’une codification générale des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité, ou dans le cadre d’un code criminel international, les principes
reconnus dans le Statut de la Cour de Nuremberg et dans l’arrêt de la Cour”.124 Au
cours des débats de la Commission le délégué français, H. Donnedieu de Vabres,
présenta un mémorandum envisageant l’institution d’une Chambre criminelle au sein de
la C.I.J., compétente pour juger les États et ses gouvernants responsables des délits du
droit des gens, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.125 Finalement, sur
le plan du droit matériel la Commission formula sept principes, consacrant la
responsabilité internationale pénale des individus, même en cas de complicité, pour les
crimes contre la paix, de guerre et contre l’humanité, en excluant la position officielle,
l’ordre du supérieur et la loi interne comme causes de justification. Sur le plan
procédural, reconnaissant le principe du droit au procès équitable, la Commission se
limita à signaler à l’A.G. la possibilité de créer une autorité judiciaire internationale
pour mettre en œuvre les principes contenus dans le Statut et le jugement du Tribunal
de Nuremberg et pour assurer le châtiment d’autres crimes éventuellement reconnus par
des conventions internationales.126
Par sa Résolution 96/I du 11 décembre 1946 l’A.G.N.U. chargea le Conseil
économique et social d’étudier la rédaction d’un Projet de Convention sur le crime de
génocide. Le Comité s’appuya, au cours de ses travaux, sur les Projets élaborés par le
Secrétariat général et par le Comité spécial du génocide, prévoyant la possibilité de la

123 Sur le Tribunal Russel voir C. LOMBOIS, Droit pénal international, 2ème éd., cit., p. 88-89.
124 Voir S.G., Le Statut et le jugement du Tribunal de Nuremberg, Mémorandum, Lake Succes, 1949,
Doc. A/CN.4/5, p. 16-17.
125 Voir H. Donnedieu de Vabres, Projet de création d’une Cour criminelle internationale, Mémorandum
présenté à la Commission pour le développement progressif du droit international et sa codification, in
S.G., Historique du problème de la juridiction criminelle internationale, cit., Annexe 11, p. 126-128.
126 Pour un bref commentaire des Principes du droit international tirés du Statut et du jugement du
Tribunal de Nuremberg voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 121-124.

43
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

compétence d’une juridiction internationale, et présenta un Projet à l’A.G. en 1948.127


Le Projet ayant été renvoyé à la Sixième Commission, certains représentants
envisageaient l’insertion d’une clause pour rendre la C.I.J. compétente en cas de
génocide engageant la responsabilité des États.128 Finalement le texte adopté par la
Sixième Commission, approuvé par l’A.G. par la Résolution 260 (III) du 9 décembre
1948 et entré en vigueur, en tant que Convention, en 1951, prévoit la possibilité de faire
juger les individus accusés de génocide par une Cour criminelle internationale (article
6) et la possibilité de soumettre à la C.I.J. le différend concernant l’interprétation,
l’application, l’exécution de la Convention ou la responsabilité des États (article 9).129
Ensuite l’A.G.N.U. chargea la C.D.I. et plusieurs commissions spéciales d’étudier
les questions de l’élaboration d’un Projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité et de la possibilité d’instituer une juridiction criminelle
internationale.
Pendant les années 1950, la C.D.I., s’inspirant des Principes tirés du Statut et de la
jurisprudence du Tribunal de Nuremberg, a commencé à travailler sur le Projet de Code
concernant la responsabilité des individus pour les “Crimes contre la paix et la sécurité
de l’humanité”. Sa dernière esquisse, achevée en 1996, prévoit un ordre pénal général,
du point de vue du droit et de la procédure, qui aurait du être effectif avant la
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commission des crimes. Quoique le Projet ne soit jamais devenu effectif, il faut le
considérer comme le précurseur du Statut de l’actuelle C.P.I.
Récemment, la signature du Traité de Rome, relatif à l'institution de la Cour pénale
internationale, a mis en place un système de droit et de procédure pénale valable en
absolu ex ante (article 24 § 1 du Statut de la C.P.I.). Le respect intégral dudit principe
devrait permettre à la Cour d’expliquer la fonction préventive que les tribunaux ad hoc,
par leur nature, ne pouvaient pas assurer: l’existence non seulement d’un droit, mais
aussi d’une Cour pénale permanente devrait amener à la sécurité de la sanction et, ainsi,
décourager la commission d’actes illicites.130 Par ailleurs, alors que les tribunaux bâtis
post factum sont souvent perçus comme discriminatoires, ne jugeant que certaines
situations mais pas d’autres également répréhensibles, par l’exercice d’une justice

127 Voir S.G., Extrait du Projet de Convention sur le crime de génocide, doc. E/447, in S.G., Historique
du problème de la juridiction criminelle internationale, cit., Annexe 12, p. 128-141; Comité spécial du
génocide, Projet de Convention sur le crime de génocide, E/794, in S.G., Historique du problème de la
juridiction criminelle internationale, cit., Annexe 14, p. 148-151.
128 Voir S.G., Historique du problème de la juridiction criminelle internationale, cit., p. 43-44.
129 Sur la possibilité d’instituer une Cour pénale internationale, compétente, aussi, pour juger les États, en
partant de la répression du crime de génocide, voir Y. LIANG, Notes on Legal Questions Concerning the
United Nations – The Question of the Establishment of an International Criminal Jurisdiction, in A.J.I.L.,
1949, july, vol. 43, n. 3, p. 478-486; V. PELLA, Towards an International Criminal Court, in A.J.I.L.,
1950, january, vol. 44, n. 1, p. 37 s.
130 Conformément à cette interprétation et pour un rapide aperçu des tribunaux pénaux internationaux
voir T. MERON, The Internationalisation of Criminal Law – Remarks, cit., p. 297; G.T. BLEWITT, The
Necessity for Enforcement of International Humanitarian Law, in Proc. A.S.I.L., 1995, p. 298; J.
CRAWFORD, The Internationalization of Criminal Law – Remarks, in Proc. A.S.I.L., 1995, p. 303. Pour
un aperçu du débat doctrinaire sur la nécessité de bâtir une cour permanente plutôt que des tribunaux ad
hoc voir, en sens défavorable, A. PELLET, Le Tribunal criminel international pour l’ex-Yougoslavie:
poudre aux yeux ou avancée décisive?, cit., p. 11; T. MERON, The Case for War Crimes Trials in
Yougoslavia, in F. Aff., 1993, january, vol. 75, n. 3, p. 122. Sur la C.P.I. comme institution capable
d’assurer le respect du principe de légalité voir Ph. WECKEL, La C.P.I. – Présentation générale, in
R.G.D.I.P., 1998, t. 102, n. 4, p. 991.; S.L. JAMISON, A Permanent International Criminal Court: a
Proposal that Overcomes Past Objections, in Denver J.I.L.P., 1995, vol. 23, n. 2, p. 419. Sur la fonction
préventive de la justice internationale pénale voir P. AKHAVAN, Beyond Impunity: Can International
Criminal Justice Prevent Future Atrocities?, in A.J.I.L., 2001, january, vol. 95, n. 1, p. 7-31.

44
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

sélective, la C.P.I. devrait être un organe plus équitable et impartial.131 De surcroît


l’institution d’une juridiction pénale permanente devrait permettre de développer une
jurisprudence extensive et cohérente de droit pénal matériel et procédural à long terme,
ce qui est naturellement plus difficile pour les juridictions ad hoc.132
En définitive le Statut de Rome de la C.P.I. reprend et complète l’expérience de
textes précédents, codifiant en un corps unique les principes généraux du droit
international pénal individuel: on est, donc, en présence d’un véritable système de droit
et de procédure pénal international.133

§ 1.4. Le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité:


historique.
Pendant les années 1950, la C.D.I. a travaillé à l’élaboration d’un texte de droit et, en
partie, de procédure pénale, avec l’intention de créer un système, concernant les
individus, qui aurait dû inclure une théorie générale, des crimes typiques et quelques
solutions d’ordre procédural: il s’agit du “Projet de Code sur les crimes contre la paix et
la sécurité de l’humanité”.134
Ce Projet s’inscrivait dans un travail plus large qui devait amener la Commission à
s’occuper de la responsabilité, générale et pénale, des États et des organisations
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internationales. Dans l’intention de la C.D.I. il aurait dû devenir un traité, comme on


peut le déduire de la référence aux “États parties”, contenue dans l’article 8 de la

131 Sur l’exigence d’instituer des tribunaux ad hoc dans des cas de crimes autres que ceux perpétrés en
ex-Yougoslavie et au Rwanda, notamment par rapport au cas des khmers rouges au Cambodge entre 1975
et 1979 voir H. ASCENSIO, La répression des infractions internationales – Les Tribunaux ad hoc pour
l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international
pénal, cit., p. 715-716.
132 Voir T.L.H. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International Criminal Law Regime?, in
N.I.L.R., 1995, XLII, p. 183; M. BENNOUNA, L’organisation de la répression internationale – La Cour
pénale internationale, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p.
736-737.
133 Sur la relation entre les tribunaux ad hoc et la Cour permanente voir T. MERON et al., The
Internationalization of Criminal Law, in Proc. A.S.I.L., 1995, p. 310 s.; P. SOB, The Dynamics of the
International Criminal Tribunals, in Nordic Journal of International Law, 1998, vol. 67, n. 2, p. 134 s.
Sur l’importance de la création d’un mécanisme institutionnel capable de donner effectivité au droit pénal
matériel voir B.G. RAMCHARAN, The Genocide Convention after Fifty Years: Contemporary
Strategies for Combating a Crime against Humanity – Remarks, in Proc. A.S.I.L., 1998, p. 8. Sur les
difficultés du T.P.I.Y. et du T.P.I.R. et les leçons à en tirer pour la C.P.I. voir R. OURDAN, La
laborieuse invention d’une justice internationale, in Le Monde, n. 16606, jeudi 18 juin 1998, Horizons –
Analyses, p. 1, 17. Sur l’évolution historique, au cours du XX siècle, de l’idée de l’institution d’une cour
criminelle internationale et d’un code criminel international dans les travaux de l’O.N.U. et des
institutions spécialisées voir A.I.D.P., La justice pénale internationale dans les travaux de l’O.N.U. et des
institutions privées, in R.I.D.P., 1996, 1/2 trim., p. 25 s., notamment M.-C. BASSIOUNI, Establishment
of a Permanent International Criminal Court and the Role of the A.I.D.P. and the I.S.I.S.C., in R.I.D.P.,
1996, 1/2 trim., p. 127 s.; Voir, aussi, R. OTTENHOFF, L’A.I.D.P. et la création de la Cour pénale
internationale: de l’utopie à la réalité, in R.I.D.P., 2002, 1/2 trim., p. 15-21; S. AUDREY, Essai d’une
contribution à l’étude des juridictions pénales internationales, thèse sous la dir. de G.-R. de Boubée,
Toulouse 1, 2003, p. 1-719.
134 Sur l’évolution historique du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité voir
M.-C. BASSIOUNI, The History of the Draft Code of Crimes against Peace and Security of Mankind, in
Isr. L.R., 1993, p. 247 s. Sur l’évolution du droit international pénal précédent le Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité ainsi que sur les grandes lignes du Projet voir D. Thiam,
Premier rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, doc.
A/CN.4/364, in Ann. C.D.I., 1983, vol. II, 1ère partie, p. 143 s.; J. ALLAIN, J.R.W.D. JONES, A
Patchwork of Norms: a Commentary on the 1996 Draft Code of Crimes against the Peace and Security of
Mankind, in E.J.I.L, 1997, vol. 8, n. 1, p. 100.

45
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

dernière version du Projet, mais il est resté toujours une proposition, sans jamais
devenir effectif dans l’ordre international, car il a été supplanté par le Statut de la C.P.I.
L’élaboration du Projet rencontra des difficultés et des incertitudes dans son
élaboration. La C.D.I. entamait le travail en 1949, dès sa création, au lendemain de la
seconde guerre mondiale, saisie de la mission par l’Assemblée générale des N.U. par la
Résolution 177 (II) du 21 novembre 1947, dans le cadre de la formulation des Principes
du Tribunal de Nuremberg, et aboutissait à la présentation d’un premier Projet, en 1951,
comprenant cinq articles, et d’un deuxième Projet, composé de quatre articles, en
1954.135 Ensuite l’Assemblée générale décidait d’en suspendre l’examen, par ses
Résolutions 897 (X) du 14 décembre 1954 et 1186 (XII) du 11 décembre 1957, en
attendant une définition de l’agression, qui constituait le crime central du Projet, tâche
dont un Comité spécial avait été chargé par les Résolutions 688 (VII) du 20 décembre
1952 et 895 (IX) du 4 décembre 1954. Bien que la Résolution n. 3314 (XXIX) du 14
décembre 1974, définissant l’agression, ait été adoptée en 1974, ce n’est qu’en 1978
que l’A.G.N.U., par sa Résolution 33/97 du 16 décembre, inscrivit la question du Projet
de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité à l’ordre du jour de sa
trente-cinquième session, en décidant de “l’examiner en priorité et avec toute l’attention
voulue”.136 Ensuite, en 1981, la C.D.I. était chargée de nouveau, par la Résolution
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36/106 de l’A.G.N.U. du 10 décembre 1981, de l’élaboration du Projet de Code.137


Après l’étude des treize rapports présentés, année par année, par le Rapporteur spécial,
D. Thiam, la Commission a adopté un texte, en première lecture, composé de 26
articles, en 1991, et un texte, en deuxième lecture, composé de 20 articles, en 1996.138

135 Voir le texte du premier Projet in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa troisième session, 16
mai-27 juillet 1951, in Ann. C.D.I., 1951, vol. II, p. 133-137, in A.G., doc. off., 6ème sess., 1951, suppl. n.
9, doc. A/1858. Sur le texte du premier Projet voir G.C. FENWICK, Draft Code of Offences against the
Peace and Security of Mankind, in A.J.I.L., 1952, january, vol. 46, n. 1, p. 98-100; P.B. POTTER,
Offences against the Peace and Security of Mankind, in A.J.I.L., 1952, january, vol. 46, n. 1, p. 101-102.
Voir le texte du deuxième Projet in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa sixième session, 3 juin-
28 juillet 1954, in Ann. C.D.I., 1954, vol. II, p. 151-152, in A.G., doc. off., 9ème session, 1954, suppl. n. 9,
A/2693). Par rapport au premier texte, le deuxième supprimait l’article 5, concernant la détermination des
sanctions. Pour un commentaire du texte adopté en 1954 voir S. Spiropoulos, Troisième rapport sur le
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, doc. A/CN.4/85, in Ann. C.D.I.,
1954, vol. II, p. 112-122.
136 Sur la Résolution 33/79 voir B. FERENCZ, The Draft Code of Offences against the Peace and
Security of Mankind, in A.J.I.L., 1981, july, vol. 75, n. 3, p. 674-679.
137 La question de la définition de l’agression était à l’étude de la C.D.I. depuis 1950 Voir Sixième
Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa troisième session, Question de la
définition de l’agression, doc. A/2087, in A.G., doc. off., 6ème session, 1951, Annexes, 1951-1952, point
49 de l’ordre du jour, p. 17-19, § 1-37.
138 Voir le texte adopté, en première lecture, en 1991, in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa
quarante-troisième session, 29 avril-19 juillet 1991, in Ann. C.D.I., 1991, vol. II, 2ème partie, p. 98 s., in
A.G., doc. off, 46ème session, 1991, suppl. n. 10, A/46/10, p. 260-272, disponible dans le site Internet
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/GE9/171/57/IMG/GE917157.pdf?OpenElement›. Le texte
est, également disponible, en version anglaise, in L.S. SUNGA, The Emerging System of International
Criminal Law, cit., Annexe I, p. 341-353. Sur le texte de 1991 voir T. McCORMACK, G. SIMPSON,
The I.L.C.’s Draft Code of Crimes against the Peace and Security of Mankind: an Apprisal of the
Substantive Provisions, in Crim. L.F., 1994, vol. 5, n 1, p. 1 s. Voir le texte commenté, adopté en
deuxième lecture, in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-huitième session, 6 mai-26
juillet 1996, in A.G., doc. off., 51ème session, 1996, suppl. n. 10, A/51/10, p. 30-143, in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/236/38/IMG/N9623638.pdf?OpenElement›, ou bien in S.G., Note sur
le rapport de la C.D.I. sur les travaux de la quarante-huitième session, 30 juillet 1996, in A.G., doc. off.,
51ème session, 1996, A/51/332, disponible dans le réseau Internet à l’adresse ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/233/02/PDF/N9623302.pdf?OpenElement›. Le texte est, également,
disponible, en anglais, in L.S. SUNGA, The Emerging System of International Criminal Law, cit.,

46
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

Finalement, l’adoption du Projet de Code aura demandé un travail d’une vingtaine


d’années, échelonnées sur près de cinquante ans. Il faut remarquer que le Statut de la
C.P.I., adopté comme Convention en 1998 et entré en vigueur en 2002, en prévoyant
une théorie générale du crime international individuel et des figures typiques de crimes,
s’inspire largement des dispositions du Code, si longuement et laborieusement préparé,
mais, de cette façon, il le rend substantiellement inutile. Le texte du Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité demeure, tout de même, un
témoignage significatif de l’élaboration des principes généraux du droit international
pénal.

§ 1.5. Le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité:


cadre général.
Le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité nous
intéresse surtout parce qu’il constitue la première tentative d’esquisser un cadre complet
de la responsabilité internationale pénale des individus, étant donné qu’il aurait dû
aboutir à la formulation d’un véritable Code.139 En outre il est possible d’en tirer des
indications intéressantes en vue de l’étude du Statut de la C.P.I., notamment pour établir
une comparaison entre les systèmes développés par les deux textes et pour comprendre
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

quelle a été l’évolution de la pensée de la C.D.I. sur les questions fondamentales du


droit international pénal des individus.140
Le Projet s’occupe d’avantage des questions d’ordre matériel, subordonnant toute
question d’ordre procédural, alors que le Statut de la C.P.I. donne beaucoup
d’importance aux normes d’ordre procédural. Il est clair que le texte de la C.P.I. est
remarquablement plus long et précis par rapport à celui du Projet en question, mais ce
n’est pas par hasard que le titre du Statut de Rome porte sur la “Cour pénale
internationale”, donc sur la procédure, alors que le titre du Projet dont on parle s’occupe

Annexe VI, p. 435-445. Sur le texte de 1996 voir R. ROSENSTOCK, The Forty-seventh Session of the
I.L.C., in A.J.I.L., 1996, p. 109-111, R. ROSENSTOCK, The Forty-eigth Session of the I.L.C., in A.J.I.L.,
1997, p. 365-370.
139 Sur le Projet de Code des crimes comme tentative, non réussie, de synthétiser le droit international
pénal des individus voir J. ALLAIN, J.R.W.D. JONES, A Patchwork of Normes: a Commemntary on the
1996 Draft Code of Crimes against the Peace and Security of Mankind, cit., p. 100; M.-C. BASSIOUNI,
International Criminal Law: Draft International Criminal Code, Netherlands, Sijthoff & Noordhoff,
1980; P. CAHIER, Le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de la C.D.I., in M. RAMA-
MONTALDO, El derecho internacional en un mundo en mutación, Liber amicorum en homenaje al
Profesor Eduardo Jiménez de Aréchaga, Montevideo, Fundación de cultura universitaria, 1994, p. 845 s.
140 La Sixième Commission de l’A.G.N.U. a remarqué l’intérêt que présente le Projet de Code des crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité pour les travaux concernant la création de la C.P.I. au cours des
débats sur le rapport de la C.D.I. de sa quarante-huitième session (voir Sixième Commission, Rapport à
l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa quarante-huitième session, doc. A/51/626, in A.G., doc. off.,
51ème session 1996, point 146 de l’ordre du jour, p. 3, § 2, disponible à l’adresse ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/347/99/PDF/N9634799.pdf?OpenElement›. Voir, aussi, le paragraphe
2 de la Résolution conséquente 51/60 de l’A.G.N.U. du 30 janvier 1997 (A.G.N.U., Résolution 51/60 du
30 janvier 1997, sur le rapport de la Sixième Commission A/51/626, Rapport de la C.D.I. sur les travaux
de sa quarante-huitième session, p. 2, § 2, disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique
‹http://www.un.org/french/documents/ga/res/51/a51r0160f.pdf›. Sur le rapport entre le Projet de Code
des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité et la juridiction pénale internationale voir Sixième
Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la quarante-septième session sur les travaux
de la C.D.I. de sa quarante-quatrième session, doc. A/CN.4/446, établi par le S.G., p. 23-25, § 76-78,
disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N93/020/14/PDF/N9302014.pdf?OpenElement›. En doctrine voir M.-C.
BASSIOUNI, A Draft International Criminal Code and a Draft Statute for an International Criminal
Tribunal, Dordrecht, M. Nijhoff, 1987.

47
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

des “Crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité”, donc du droit matériel. En


effet, en 1948, avant même de charger la C.D.I. du Projet de Code des crimes,
l’Assemblée générale des N.U. avait intéressé la Commission au problème de la
création d’un organe judiciaire compétent pour juger le crimes des personnes physiques,
de sorte que les deux questions auraient du procéder parallèlement et de façon
complémentaire.141 Par ailleurs, dans ses huitième, neuvième et dixième rapport sur le
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, le Rapporteur
spécial, D. Thiam, s’est largement occupé de la question de l’institution d’une Cour
criminelle internationale et il a élaboré, dans son onzième rapport, un Projet de
Statut.142
On prendra en considération la version finale du Projet, celle adoptée en 1996, car
elle constitue l’étape finale d’un long travail, cependant on soulignera les différences
les plus intéressantes par rapport tant au texte adopté en deuxième lecture en 1991,
qu’aux esquisses de 1954 et de 1951. On se limitera à étudier les lignes générales du
Projet et les normes qui sont strictement indispensables dans le cadre de la thèse.
Le Projet, dans la version du 1996, est composé d’une vingtaine d’articles et se
partage en deux parties: la première partie (articles 1-15) traite de la théorie générale du
crime international des individus, la deuxième partie (articles 16-20) dresse une liste
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

des crimes. Quelques dispositions, dans la première partie, s’occupent également de


tracer les lignes de fond de la procédure de jugement (articles 8-14).143

141 Sur la relation entre le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité et le Statut
de la C.P.I. voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, 22 mai-22 juillet
1994, in A.G., doc. off., 49ème sess., suppl. n 10, A/49/10, p. 25-31, p. 77, § 91 (commentaire de l’article
20 (Crimes relevant de la compétence de la Cour) du Projet de Statut d’une Cour criminelle
internationale élaboré par la C.D.I. en 1994). En doctrine voir B. FERENCZ, An International Criminal
Code and Court: Where They Stand and Where They’re Going, in Columbia J.T.L., 1992, vol. 30, n. 2, p.
375 s.; S. GLASER, Remarques sur les projets élaborés au sein des Nations Unies en matière de droit
international pénal, in R.I.D.P., 1964, 1/2 trim., p. 299 s.; J. GRAVEN, Pour la défense de la justice
internationale, de la paix et de la civilisation par le droit pénal, in R.I.D.P., 1964, 1/2 trim., p. 7 s.; H.H.
JESCHECK, État actuel et perspective d’avenir des projets dans le domaine du droit international pénal,
in R.I.D.P., 1964, 1/2 trim., p. 83 s.; J. DEHAUSSY, Travaux de la C.D.I. (quarante-quatrième session),
in A.F.D.I., 1992, XXXVIII, p. 744.
142 Voir D. Thiam, Huitième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, et Add. 1, in Ann. C.D.I., 1990, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/430 et Add. 1; D. Thiam,
Neuvième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, et Add. 1,
in Ann. C.D.I., 1991, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/435 et Add. 1; D. Thiam, Dixième rapport sur le
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, in Ann. C.D.I., 1992, vol. II, 1ère
partie, doc. A/CN.4/442; D. Thiam, Onzième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité, in Ann. C.D.I., 1993, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/449, in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N93/161/24/PDF/N9316124. pdf?OpenElement›.
143 Pour un aperçu des questions fondamentales du Projet de 1996 voir Y. DAUDET, Les travaux de la
C.D.I. (quarante-huitième session), in A.F.D.I., 1996, XLII, p. 589-598; R. ROSENSTOCK, The Forty-
eighth Session of the I.L.C., cit., p. 365-370. Le texte de 1991 est aussi composé d’une partie générale,
comportant quatorze articles, et d’une partie spéciale, comportant douze articles. En revanche, les textes
de 1954 et de 1951, contemplant, respectivement, quatre et cinq articles, étaient composés d’une partie
unique mêlant les dispositions d’ordres générales aux crimes typiques. Sur la préparation du texte du
Projet de 1991 voir, notamment, D. Thiam, Sixième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la
paix et la sécurité de l’humanité, in Ann. C.D.I., 1988, vol. II, 1ère partie, p. 199 s. Sur le texte adopté en
1991 voir, aussi, Sixième Commission, Résumé thématique des débats de la quarante-neuvième session
sur les travaux de la C.D.I. de sa quarante-sixième session, 1994, doc. A/CN.4/464, établi par le S.G., p.
5-13, § 8-52, disponible dans le réseau Internet à l’adresse ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N94/517/23/PDF/N9451723.pdf?OpenElement›. Pour un aperçu des
questions fondamentales du Projet de 1991 voir J. DEHAUSSY, Travaux de la C.D.I. (quarante-
deuxième session), in A.F.D.I., 1990, XXXVI, p. 593-598; J. DEHAUSSY, Travaux de la C.D.I.
(Quarante troisième session), in A.F.D.I., 1991, XXXVII, p. 682-686. Sur le texte adopté en 1954 voir

48
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

La partie générale du crime est très réduite et, par conséquent, très peu détallée, ce
qui est regrettable dans une matière, qui se veut fortement analytique, comme celle
pénale. Cette limite, par ailleurs, caractérise aussi le Statut de la C.P.I., toutefois elle est
probablement inévitable, découlant de l’impossibilité de concilier les différentes
approches des éléments de l’infraction pénale élaborées par les ordres juridiques
internes.144 En ce sens une partie de la doctrine a critiqué l’absence, dans le texte, de
normes expresses concernant l’application des règles pénales internes, de sorte que le
renvoi doit être sous-entendu.145
L’article 1 § 2 du Projet établit que les crimes contre l’humanité appartiennent à
l’ordre juridique international, indépendamment des normes, conformes ou contraires,
des droits internes: on définit ainsi la catégorie des crimes internationaux, autonome par
rapport aux crimes internes.
L’article 2 précise que la responsabilité pour les crimes concerne les individus,
tandis que l’article 4 spécifie que cela ne peut pas porter préjudice à la responsabilité
des États dans le cadre du droit international. Le choix du Projet est, donc, de s’attaquer
à la seule responsabilité des personnes physiques, en faisant abstraction de la
responsabilité collective et des possibles liaisons entre les deux sphères, selon une
approche qui sera reprise par le Statut de la C.P.I. Pourtant, l’article 5 du Projet élaboré
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

en 1994 par D. Thiam prévoyait que “Les poursuites engagées contre un individu pour
un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité n’exclue la responsabilité en droit
international d’un État pour une action ou une omission qui lui est attribuable” et cela
avec l’assentiment de la plupart des gouvernement appelés à s’exprimer sur le sujet.146

Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa sixième session, doc. A/2807, in
A.G., doc. off., 9ème sess., 1954, point 49 de l’ordre du jour, p. 5-7, § 22-34; A.G.N.U., Séances plénières,
Comptes rendus sténographiques, 21 septembre- 17 décembre 1954, in A.G., doc. off., 9ème sess., 1954,
504ème séance plénière, point 51 et 49 de l’ordre du jour, Question de la définition de l’agression et
rapport de la Sixième Commission, p. 379-380, § 99-116. Sur le Projets de 1951 et de 1954 voir A.
QUINTANA RIPOLLES, Etude critique des projets du Comité de l’O.N.U. sur les Projets de Code pénal
et de Statut pour une juridiction criminelle internationale, in R.I.D.P., 1964, p. 107 s.
144 Sur la théorie générale du crime dans le Projet de Code des crimes voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur
les travaux de sa trente-neuvième session, 4 mai-17 juillet 1987, in Ann. C.D.I., 1987, vol. II, 2ème partie,
doc. A/42/10, p. 13-17. En doctrine voir T. McCORMACK, G.J. SIMPSON, The I.L.C.’s Draft Code of
Crimes against Peace and Security of Mankind: an Apprisal of the Substantive Provisions, cit., p. 1 s. Sur
la question du rapport entre le droit international pénal et les droits pénaux internes voir L.
CAVICCHIOLI, Sull’elemento soggettivo nei crimini contro la pace e la sicurezza dell’umanità, in Riv.
D.I., 1993, p. 1086-1087.
145 Voir, sur ce point, V. PELLA, La codification du droit pénal international, cit., p. 361 s.; C.K.
HALL, International Criminal Law – From the Perspective of American Law and the Science of
Criminal Law, in Aktuelle problem des internationalen rechts, Berlin, 1957, p. 86 s.; G.O. MUELLER,
The United Nations Draft Code of Offences against the Peace and Security of Mankind: an American
Evaluation, in G.O. MUELLER, G.M. WISE, International Criminal Law, New York, Rothman, 1965, p.
632, d’après lequel: “As for the contents of the code, its ‘general part’ is woefully inadequate by the
standards which nations have developed for their internal penal codes, and the definitions of offences
lack a realistic apprisal of factual needs, political realities, and the requirement of the legality principle.”
Voir aussi, en relation au Projet de 1954, J. Spiropoulos, Rapport sur le Projet de Code des crimes contre
la paix et la sécurité de l’humanité, in Ann. C.D.I., 1950, vol. II, . 253 s.
146 Voir D. Thiam, Douzième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, doc. A/CN.4/460, in Ann. C.D.I., 1994, vol. II, 1ère partie, p. 9-11, in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N94/181/35/IMG/N94118135.pdf?OpenElement›. Sur le lien entre les
crimes individuels prévus dans le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité et
la responsabilité des États voir, aussi, C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième
session, in A.G., doc. off., 50ème sess., 1995, suppl. n. 10, A/50/10, p. 33, §50, p. 116, § 270, in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N95/269/14/IMG/N9526914.pdf?OpenElement›; Sixième
Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquantième session sur les travaux de la

49
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Le sujet actif de l’infraction peut être tant un particulier qu’un fonctionnaire de


l’État, car la position publique, même au niveau du chef de l’État ou du gouvernement,
n’exclue pas la responsabilité ni permettrait de réduire la sanction (article 7).
La culpabilité subsiste sûrement à titre de dol (article 2 § 3 lettre a)), mais, au delà de
la définition générale, cette forme de responsabilité n’est pas précisée dans ses
différentes couleurs, notamment rien n’est dit en matière de dol éventuel, qui devrait
constituer la forme typique de la responsabilité pour les crimes contre l’humanité.
Quant à la faute, en l’absence de dispositions explicites, on pourrait la déduire de
l’ensemble des articles 2 § 3 lettre d) et 6, car la responsabilité subsiste au cas où un
sujet en position officielle manquerait de prévenir ou de réprimer la commission d’un
crime, et cela arrive, le plus souvent, à titre de faute. L’absence de normes expresses en
matière de faute est d’autant plus regrettable que, en vertu de la parcellisation de
l’imputation, les crimes contre la paix devraient souvent être attribués à titre de faute
avec prévision, selon un mécanisme très proche du dol éventuel.147 Plus généralement,
la discipline de l’élément psychique est assez approximative, de sorte qu’il faudrait
avoir recours aux principes des ordres juridiques internes pour en combler les lacunes.
Il s’agit, par ailleurs, d’une limite que l’on retrouve même dans le Statut de la C.P.I.148
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

C.D.I. de sa quarante-septième session, 1995, doc. A/CN.4/472, établi par le S.G., p. 1-50, p. 21-22, §65-
68, in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/038/78/IMG/N9603878.pdf?OpenElement›, où
l’on lit que “la manière dont s’interprètent la responsabilité de l’État et la responsabilité de l’individu
présentent des obscurités […] lorsque l’individu était un agent public agissant au nom de l’État, la
responsabilité de l’État serait probablement engagée, à côté de la responsabilité individuelle”. D’ailleurs,
au début de la codification l’opinion éminente de V. Pella était favorable à l’élaboration d’un code
concernant la responsabilité des États en plus des individus (voir V. PELLA, La codification du droit
pénal international, cit., p. 376 s.
147 Voir C. LOMBOIS, La culpabilité en droit international, in La culpabilité, Travaux du colloque
international du cinquantenaire de l’Institut de criminologie et de sciences pénales de Toulouse, 22-27
septembre 1975, in Annales de l’Université de Sciences Sociales de Toulouse, 1976, p. 140 s. Sur la faute
consciente et le dol éventuel voir J. DE ASUA, L’infraction préterintentionnelle, in R.S.C., 1959-1960, p.
567 s. Sur les différents degrés du dol voir G. STEFANI, L. LEVASSEUR, B. BOULOC, Droit pénal
général, 17ème éd., Paris, Dalloz, 2000, p. 235 s. Pour une critique de la culpabilité, notamment par
rapport à la faute dans le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité voir J.
ALLAIN, J.R.W.D. JONES, A Patchwork of Norms: a Commentary on the 1996 Draft Code of Crimes
against Peace and Security of Mankind, cit., p. 106 s.
148 Sur l’importance de l’élément psychologique dans la définition de l’acte criminel en droit
international pénal, notamment sous l’aspect de la volonté et de la compréhension, des motifs, du degré
de la connaissance, de la personnalité du sujet actif, insistait beaucoup le Rapporteur spécial au cours des
ses rapports (voir D. Thiam, Troisième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité, in Ann. C.D.I., 1985, vol. II, 1ère partie, p. 69, § 49-51). D’ailleurs, certains
membres de la C.D.I., parmi lesquels Tomuschat, soulignaient qu’il était “indispensable de préciser, dès
le projet de l’article 3, qu’il ne saurait y avoir de peine sans culpabilité. Pour que l’auteur de l’acte soit
châtié, il faut, en effet, qu’il ait compris et voulu l’acte ou l’omission qui lui est imputé, et il faut qu’il ne
puisse invoquer en sa faveur aucun motif d’exclusion de la responsabilité” (voir C.D.I., Comptes rendus
analytique des séances de la trente-huitième session, in Ann. C.D.I., 1986, vol. I, p. 146, § 27, 37). Sur la
question de la faute pour omission de contrôle voir C.D.I., Rapport sur les travaux de la quarantième
session, in Ann. C.D.I., 1988, vol. II, 2ème partie, p. 75. En doctrine voir C.A. HESSLER, Command
Responsibility for War Crimes, in Yale L.J., 1972, p. 1274-1304; R.L. LAEL, The Yamashita Precedent:
War Crimes and Command Responsibility, Wilmington, Scholarly Resources Inc., 1982. Sur la question
de la faute dans l’erreur, voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la quarante et unième session, in
Ann. C.D.I., 1989, vol. I, p. 46, § 16; D. Thiam, Cinquième rapport sur le Projet de Code des crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité, in Ann. C.D.I., 1987, vol. II, 1ère partie, p. 8. Pour une critique
ponctuelle de l’élément psychologique dans le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité voir L. CAVICCHIOLI, Sull’elemento soggettivo nei crimini contro la pace e la sicurezza
dell’umanità, cit., p. 1094 s., qui démontre que l’application à la lettre des principes du dol et de la faute
aux crimes internationaux, à cause de la pulvérisation de la responsabilité dans la pluralité des conduites,

50
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

Du point de vue de la pluralité des sujets actifs, la responsabilité peut subsister, à


titre de concours, selon l’article 2 § 3 lettres b), d), e), f) pour le sujet qui ordonne, aide,
incite la commission du crime ou qui participe à la commission par la voie de la
planification ou de la conspiration.149
Du côté objectif, le crime peut subsister tant au niveau de la réalisation, qu’au niveau
de la tentative (article 2 § 3 lettre g)).150
Les causes d’exclusion de la responsabilité doivent être repérées parmi les normes
générales du droit, donc elles devraient être classées selon les schémas typiques des
droits internes.151
La victime de l’infraction est le genre humain dans sa totalité, selon une approche
qui est en phase avec la conception pénale de l’infraction car, comme en droit interne le
crime lèse l’État en tant que collectivité sociale, ainsi le crime international ne pourrait
offenser que la communauté internationale dans son ensemble, qui correspond à
l’humanité.
En ce qui concerne la sanction, le Projet se limite à rappeler le principe classique de
la proportion entre la gravité de la peine et celle de l’infraction (article 3).
Les catégories des crimes, réglées dans la deuxième partie, sont constituées par
l’agression (article 16), le génocide (article 17), les crimes contre l’humanité (article
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

18), les crimes contre les Nations Unies et le personnel associé (article 19) et les crimes
de guerre (article 20).152

oblige à recourir aux présomption aux fins de l’imputation, de sorte qu’il vaudrait mieux modeler la
culpabilité sur le critère général de la conscience de la participation à une action criminelle. Plus en
général, sur l’élément psychologique en droit international pénal, voir S. GLASER, Culpabilité en droit
international pénal, in R.C.A.D.I., 1960-I, vol. 99, p. 477 s. Sur le rapport entre le droit international
pénal et les droits pénaux internes voir H. DONNEDIEU DE VABRES, Le procès de Nuremberg devant
les principes modernes du droit pénal international, in R.C.A.D.I., 1947-I, vol. 70, p. 485; S. PLAWSKI,
Étude des principes fondamentaux du droit international pénal, Paris, Pichon et Durand-Auzias, 1972, p.
10; S. PLAWSKI, La notion du droit international pénal, in R.S.C., 1978, p. 791.
149 Sur la question de la complicité dans le Projet de Code par rapport à l’élément psychologique voir L.
CAVICCHIOLI, Sull’elemento soggettivo nei crimini contro la pace e la sicurezza dell’umanità, cit., p.
1066.
150 Le Projet prévoit le seul cas où le sujet désiste pour des causes indépendantes de sa volonté. Rien
n’est dit à propos du cas où le sujet recule volontairement de la commission de l’infraction, donc on doit
présumer que, dans cette circonstance, il ne serait pas coupable pour avoir démontré, au dernier moment,
une volonté contraire à la réalisation du crime.
151 Une des relations du Rapporteur spécial prévoyait l’élaboration d’un article comprenant une liste des
causes de justification et d’exclusion de la responsabilité, telle que la légitime défense, l’état de nécessité
en cas de péril grave, imminent et irrémédiable, l’erreur de droit ou de fait insurmontable (voir D. Thiam,
Cinquième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, cit., p. 7),
toutefois, à la suite des contrastes qu’il provoqua au sein de la Commission et de l’Assemblée, il fut
supprimé.
152 Sur les crimes prévus dans le texte de 1996 voir D. Thiam, Treizième rapport sur le Projet de Code
des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, doc. A/CN.4/466, p. 2-36, in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N95/084/71/PDF/N9508471.pdf?OpenElement›. Le texte de 1991 dressait
une liste plus longue, comprenant douze catégories de crimes mettant en danger la paix et la sécurité de
l’humanité, c’est à dire l’agression, la menace d’agression, l’intervention, la domination et d’autres
formes de domination étrangère, le génocide, l’apartheid, les violations systématiques ou massives des
droits de l’homme, les crimes de guerre d’une exceptionnelle gravité, le mercenariat, le terrorisme
international, le trafic illicite de stupéfiants, les dommages délibérés et graves à l’environnement. Sur
l’élaboration de la notion de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans le Projet de 1991 voir
D. Thiam, Septième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité,
doc. A/CN.4/419 et Add. 1, in Ann. C.D.I., 1989, vol. II, p. 87 s. Sur la réduction du nombre des crimes
dans le passage du texte du Projet de 1991 à celui de 1996 voir Y. DAUDET, Travaux de la C.D.I.
(quarante-septième session), in A.F.D.I., 1995, XLI, p. 561-568. Dans le texte du Projet élaboré en 1954
les crimes étaient prévus à l’article 2, qui dressait une liste de neuf crimes regroupés dans la catégorie des

51
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Il y a une substantielle correspondance avec les crimes prévus dans le Statut de la


C.P.I., même si celui-ci détaille beaucoup plus chaque catégorie. En outre, dans le
Projet figurent les crimes contre les Nations Unies et le personnel associé, mais leur
adjonction s’est effectuée d’urgence, dans des circonstances dérogeant aux procédures
suivies par la C.D.I. dans l’élaboration des normes, sous l’influence de certains
événements survenus en Irak et en ex-Yougoslavie, où le personnel onusien avait été
victime d’attaques ou de prises en otage.
Le crime d’agression, en ce qui concerne l’individu, est défini comme la conduite
d’un leader ou d’un organisateur qui participe activement à la réalisation de l’agression
perpétrée par un État. Le codificateur a été, donc, obligé de relier la personne physique
à la personne morale du point de vue subjectif et de réduire sa conduite à celle de l’État
du point de vue objectif: le crime d’agression individuel ne pourrait pas exister
indépendamment de l’agression de l’État.153

infractions portant atteinte à la souveraineté et à intégrité territoriale des États. Il est intéressant de
remarquer qu’un bonne nombre des crimes, dans le Projet, est défini sur la base des hypothèse des crimes
prévues dans d’autres textes internationaux: par exemple, la liste des crimes de guerre est dressée sur la
base des quatre Conventions de Genève, du Statut du Tribunal de Nuremberg, du Règlement annexé à la
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

IV Convention de La Haye du 18 octobre 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.
Pour un commentaire des crimes dans le Projet voir J. ALLAIN, J.R.W.D. JONES, A Patchwork of
Norms: a Commentary on the 1996 Draft Code of Crimes against Peace and Security of Mankind, cit., p.
110 s. Sur la définition du crime d’agression voir B. FERENCZ, Defining International Aggression: the
Search for World Peace, New-York, Oceana Publications, 1975, vol. I, p. 32-33. Sur la nature des crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité en tant que crimes stricto sensu, qui violeraient les valeurs
fondamentaux de la communauté internationale, comme catégorie autonome régie par des règles
spécifiques, voir C.D.I., Rapport sur les travaux de sa trente-septième session, 6 mai-24 juillet 1985, in
Ann. C.D.I., 1985, vol. II, 2ème partie, doc. N.U. A/CN.4/SER.A/1985/Add.1 (2ème partie), p. 14-15. En
doctrine, sur les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité comme catégorie autonome, voir L.
CAVICCHIOLI, Sull’elemento soggettivo nei crimini contro la pace e la sicurezza dell’umanità, cit., p.
1056; O. TRIFFTERER, Efforts to Recognize and Codify International Crimes, Rapport général au
Colloque préparatoire du XIV Congrès international de droit pénal, Les crimes internationaux et le droit
pénal interne, Hammamet (Tunisie), 6-8 juin 1987, in R.I.D.P., 1989, 1/2 trim., p. 39 s. Sur la nature des
crimes internationaux voir F. MALEKIAN, International Criminal Law: the Legal and Critical Analysis
of International Crimes, Uppsala, 1991; M.C. BASSIOUNI, B. FERENCZ, The Crime against Peace, in
M.C. BASSIOUNI, International Criminal Law, New York, Transnational Publishers, 1986-87, vol. I, p.
191.
153 Voir M. DUMEE, Le crime d’agression, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit
international pénal, cit., p. 252, 256, d’après lequel, dans le cadre du Projet de Code des crimes, l’on
cherchait une définition de l’agression “unique, apte à être le fondement de responsabilités à la fois
étatique et individuelle” mais “en tant que crime de l’individu, l’agression ne trouvera pas davantage de
définition dans les travaux de la C.D.I. sur le Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.
En effet, l’agression est avant tout l’acte d’un État et même un ‘crime international’, selon les termes de
la C.D.I. dans son Projet d’articles de 1980 sur la responsabilité internationale des États”. Sur le problème
de la définition de l’agression voir, aussi, W. KOMARNICKI, La définition de l’agresseur dans le droit
international moderne, in R.C.A.D.I., 1949-II, vol. 75, p. 1-113. Il faut remarquer que la définition de
l’agression, dans le Projet de Code des crimes, a été très problématique, à tel point qu’elle a longuement
causé la suspension des travaux. Dans la version du Projet de 1954, l’article 2 § 1 définissait comme
crime contre l’humanité “tout acte d’agression, y compris l’emploi par les autorités d’un État de la force
armée contre un autre État à des fins autres que la légitime défense nationale ou collective ou, soit
l’exécution d’une décision, soit l’application d’une recommandation d’un organe compétent des Nations
Unies”, et faisait suivre des actes illicites que la C.D.I. désignait comme “dérivés de l’agression”: parmi
d’autres la menace de recourir à un acte d’agression, la fait de préparer l’emploi de la force armée contre
un autre État, le fait d’organiser ou de tolérer des bandes armées sur son territoire ou de participer à leurs
activités, le fait d’entreprendre ou de tolérer des activités organisées visant à fomenter la guerre civile
dans un autre État, les activités terroristes, l’annexion, l’intervention dans les affaires intérieurs ou
extérieurs d’un autre État par des mesures de coercition d’ordre économique ou politique. À la reprise des
travaux, après la suspension, en 1981, la question principale était d’adapter la définition de l’agression au

52
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

Dans la définition générale des crimes contre l’humanité une composante essentielle
de l’infraction est constituée par l’instigation ou la direction de l’individu de la part
d’un gouvernement, d’une organisation ou d’un groupe. Si le concept de groupe fait
référence au concours subjectif actif, la notion d’organisation peut rappeler soit
l’organisation criminelle, qui se fonde encore sur le principe du concours, soit
l’organisation légale (personne morale), alors que la référence au gouvernement
implique, nécessairement, l’État.154
Dans la définition des crimes de guerre, l’article 20 c) i) prévoit le cas du transfert,
par la puissance envahissant, de ses propre civils dans les territoires occupés: la
définition du crime individuel implique le concept d’État.
Concernant la procédure de jugement, les normes de la première partie se limitent à
rappeler quelques principes fondamentaux du procès pénal. En ce qui concerne la
compétence, déterminée principalement ratione materiae, le Projet prévoit, pour le
génocide, les crimes contre l’humanité, contre les Nations Unies et les crimes de guerre,
le jugement devant les Cours internes de toute nation adhérant au Code, par rapport
auxquelles une Cour internationale demeurerait subsidiaire en vertu du principe du ne
bis in idem (articles 8 et 12 § 2), tandis que le crime d’agression devrait être jugé
forcement par une Cour internationale, selon les dispositions de l’article 8 concernant
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l’établissement de la juridiction.

§ 1.6. Le Statut de la Cour pénale internationale: historique.


En 1920, lorsque le Conseil de la S.d.N. avait demandé à un Comité de juristes
d’élaborer le Statut de la Cour permanente de justice internationale, celui-ci avait
adopté une résolution prévoyant une instance compétente pour juger les crimes contre
l’ordre public international et le droit des gens universel, déférés par l’Assemblée
plénière ou le Conseil de la S.d.N. Le Conseil avait, cependant, repoussé le Projet, en le
jugeant prématuré.
La C.D.I. fut chargée d’étudier la possibilité de créer une juridiction pénale
internationale dès 1948. Au début l’Assemblée générale des N.U., par sa Résolution
260 du 9 décembre 1948, qui approuva la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide, reconnaissant, notamment, la gravité du crime de
génocide et le fait que la Convention relative de 1948 envisage (article 6) la juridiction
d’un Tribunal pénal international, avait tout simplement demandé à la C.D.I. d’évaluer
s’il était souhaitable et possible de créer un organe judiciaire international chargé de
juger les personnes accusées du crime de génocide ou d’autres crimes qui auraient

contenu de la Résolution 3314 (XXIX) de 1974, qui avait, à elle seule, justifié l’ajournement du Projet;
toutefois cette adéquation n’était pas simple, car la définition de 1974 s’adressait à un organe politique tel
que le Conseil de sécurité. L’article 15 du Projet de 1991 remplace l’article 2 § 1 du Projet de 1954 par le
texte intégral de la Résolution 3314 (XXIX), qui définit l’agression étatique, amputée des dispositions
relatives à la preuve et aux conséquences de l’agression, laissées à la compétence du juge, en l’adaptant à
“tout individu qui, en qualité de dirigeant ou d’organisateur, planifie, commet ou ordonne que soit
commis un acte d’agression”. Finalement, dans le Projet de 1996, on peut remarquer que la C.D.I. a pris
soin d’écarter toute tentative de définir le crime d’agression, car la définition de l’agression, en tant que
conduite de l’État, sorte du cadre du Code en question, seule la participation de l’individu au crime
étatique étant incriminée et définie à l’article 16 (voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa
quarante-huitième session, 6 mai-26 juillet 1996, in A.G., doc. off., 51ème Sess., 1996, suppl. n. 10,
A/51/10, p. 103).
154 Sur les crimes contre l’humanité comme forme d’infraction qui peut intéresser, du côté subjectif actif,
tout un appareil étatique ou une partie de celui-ci, voir une brève analyse de la jurisprudence in D. Thiam,
Quatrième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, in Ann.
C.D.I., 1986, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/398, p. 53 s.; D. Thiam, Huitième rapport sur le Projet de
Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, cit., p. 3 s.

53
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

relevé de la compétence de cet organe en vertu des conventions internationales par


rapport au crime en question. Suivant la réponse positive de la C.D.I., favorable à la
création d’une juridiction compétente pour juger le génocide et les autres crimes d’une
gravité similaire, indépendante par rapport à la C.I.J., l’A.G.N.U. constitua, par sa
Résolution 489 (V) du 12 décembre 1950, un Comité pour une Cour criminelle
internationale, qui élabora un Projet en 1951, et, par sa Résolution 687 (VII) du 5
décembre 1952, un nouveau Comité qui présenta un Projet de Statut d’une C.C.I. en
1953.155 Le Comité pour une C.C.I. avait estimé, lors de sa session de 1951, que la
compétence de la Cour aurait dû être limitée aux personnes physiques, car la
responsabilité pénale des États était, de l’avis des membres de la Commission,
incertaine et relevant du domaine politique plutôt que juridique, alors que la
responsabilité des autres personnes morales n’était pas uniformément reconnue par les
systèmes juridiques du monde.156 Par conséquent, l’article 25 du Projet provisoirement
adopté en 1951 prévoyait que: “La Cour juge les personnes physiques exclusivement, y
compris les personnes qui ont agi en qualité de Chef d’État ou d’agent du
gouvernement” et la même compétence subjective était prévue à l’article 25 du Projet
de 1953.157
Après 1953 le travail a connu un long arrêt, car l’Assemblée décida, par ses
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Résolutions 898 (X) du 14 décembre 1954 et 1187 du 11 décembre 1957, de


subordonner la question de la C.P.I. à la définition de l’agression et du Projet des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, estimant les trois questions
intimement liées.158
Déjà en 1981 la C.D.I., après avoir à nouveau été saisie du Projet de Code des crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité et considérant ce Projet connexe à celui de la
C.P.I., avait souhaité que l’Assemblée générale des N.U. prenne position afin de lui
donner les orientations nécessaires, sans, toutefois, obtenir gain de cause sur le point.

155 Sur les premiers pas vers l’idée de la constitution d’une juridiction criminelle internationale ainsi que
sur la possibilité de constituer un organe judiciaire international pénal voir R.J. Alfaro, Rapport –
Question de la juridiction criminelle internationale, in Ann. C.D.I., 1950, vol. II, doc. A/CN.4/15, p. 1-18;
E. Sandström, Rapport – Question de la juridiction criminelle internationale, in Ann. C.D.I., 1950, vol. II,
doc. A.CN.4/20, p. 18-23; Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa
deuxième session, doc. A/1639, in A.G., doc. off., 5ème sess., 1950, Annexes, vol. II, point 52 de l’ordre
du jour, p. 12-13, §35-43; Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux du Comité pour une
C.C.I., doc. A/2275, in A.G., doc. off., 7ème sess., 1952, Annexes (1953-1953), vol. II, p. 21-24, § 1-22;
A.G.N.U., Séances plénières, Comptes rendus sténographiques des séances du 14 octobre 1952 au 28
août 1953, in A.G., doc. off., 7ème sess., 1952-1953, point 52 de l’ordre du jour, 400ème séance plénière,
Juridiction criminelle internationale: rapport de la Sixième Commission, p. 330-334, § 13-54.
156 Voir Comité pour une juridiction criminelle internationale, Rapport sur les travaux de sa session tenue
du 1er au 31 août 1951, in A.G., doc. off., 7ème sess., suppl. n. 11, A/2163, p. 11, § 87-88.
157 Voir le Projet de Statut de 1951 in Comité pour une juridiction criminelle internationale, Rapport sur
les travaux de sa session tenue du 1er au 31 août 1951, cit., Annexe I, p. 23. En doctrine voir Y. LIANG,
Notes on Legal Questions Concerning the United Nations – The Question of the Establishment of an
International Criminal Jurisdiction: the First Phase, in A.J.I.L., 1952, january, vol. 46, n. 1, p. 73 s.; Q.
WRIGHT, Proposal for an International Criminal Court, in A.J.I.L., 1952, january, vol. 46, n. 1, p. 60 s.;
G.A. FINCH, Draft Statute for an International Criminal Court, in A.J.I.L., 1952, january, vol. 46, n. 1,
p. 89 s. Voir le Projet de Statut de 1953 in Comité pour une juridiction criminelle internationale, Rapport
sur les travaux de sa session tenue du 27 juillet au 30 août 1953, in A.G., doc. off., 9ème sess., suppl. n. 12,
A/2645. En doctrine voir P.-M. CARJEU, Quelques aspects du nouveau Projet de Statut des Nations
Unies pour une juridiction criminelle internationale, in R.G.D.I.P., 1956, t. 60, p. 401-425 (portant, en
annexe, le texte du Projet).
158 Sur les travaux concernant l’institution d’une C.C.I. dès les années 1920 jusqu’en 1974 voir G.
GREBING, La création d’une Cour pénale internationale: bilan et perspectives, in R.I.D.P., 1974, 3/4
trim., p. 435-542.

54
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

Seulement par ses Résolutions 44/39 du 4 décembre 1989, 45/41 du 28 novembre 1990
et 46/54 du 9 décembre 1991 l’A.G.N.U. invita la C.D.I. à examiner la question de la
création d’une Cour pénale internationale. La Résolution 44/39, notamment, invitait la
C.D.I. à étudier la création d’une C.P.I. par rapport au trafic illicite de substances
stupéfiantes, dans le cadre des études sur le Projet de Code des crimes contre la paix et
la sécurité de l’humanité.159 Ainsi, en 1990, les travaux de la C.D.I. reprirent. À partir
de cette date l’élaboration du Statut de la C.P.I. a connu un développement
considérable, dans l’urgence de situations telles que celle du Golfe, de l’ex-Yougoslavie
et du Rwanda et sous une croissante pression médiatique.
D’abord la question fut étudiée au sein du Projet de Code des crimes contre la paix et
la sécurité de l’humanité. D. Thiam, Rapporteur spécial sur le Projet en question, après
ses études dans le huitième, neuvième et dixième rapport, présenta un Projet de Statut
pour une C.P.I. composé de trente-sept articles, dans son onzième rapport à la C.D.I., en
1993.160
En juin 1993 la C.D.I. créa le Groupe de travail sur un Projet de Statut d’une C.C.I.
qui présenta un Projet à la C.D.I. lors de sa séance du 21 juillet 1993.161
Un premier Projet était accompli par la C.D.I. lors de sa quarante-quatrième session
et soumis à l’A.G.N.U dans le rapport de 1994.162
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Par sa Résolution 49/53 du 17 février 1995 l’A.G.N.U. créa un Comité ad hoc,


chargé d’examiner les principales questions de fond soulevées par le Projet de Statut
préparé par la C.D.I. et d’envisager les dispositions à prendre en vue de la convocation
d’une Conférence internationale de plénipotentiaires. Le Comité ad hoc sur la création
d’une C.C.I. s’est réuni du 3 au 13 avril et du 14 au 25 août 1995 pour examiner et faire
évoluer le Projet élaboré par la C.D.I. et a élaboré des Propositions finales.163

159 Sur le démarrage des travaux pour l’élaboration du Statut d’une C.P.I. voir C.D.I., Rapport à l’A.G.
sur les travaux de sa quarante-deuxième session, 1er mars-20 juillet 1990, in A.G., doc. off., 45ème sess.,
1990, suppl. n. 10, A/45/10, p. 29 s., § 93 s. Sur les problèmes essentiels concernant l’institution de la
C.P.I. au début des travaux, après la Résolution 44/39 de l’A.G.N.U., voir M. BENNOUNA, La création
d’une juridiction pénale internationale et la souveraineté des États, in A.F.D.I., 1990, XXXVI, p. 299 s.
160 Voir D. Thiam, Huitième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, et Add. 1, in Ann. C.D.I., 1990, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/430 et Add. 1; D. Thiam,
Neuvième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, et Add. 1,
in Ann. C.D.I., 1991, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/435 et Add. 1; D. Thiam, Dixième rapport sur le
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, in Ann. C.D.I., 1992, vol. II, 1ère
partie, doc. A/CN.4/442; D. Thiam, Onzième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité, cit., p. 1-34. Voir, aussi, C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-
cinquième session, 3 mai- 23 juillet 1993, in A.G., doc. off., 48ème sess., suppl. n. 10, A/48/10, p. 28-43.
161 Voir le texte du Projet in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-cinquième session,
cit., p. 269-363.
162 Voir le texte in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 47-178.
Pour un commentaire du Projet de Statut de la C.D.I. de 1994 voir B.E. BERG, The 1994 I.L.C. Draft
Statute for an I.C.C.: an Apprisal of its Jurisdictional Structure, in Case Western Journal of International
Law, 1996, vol. 28, n. 2, p. 345 s.; J. CRAWFORD, The I.L.C.’s Draft Statute for an International
Criminal Tribunal., in A.J.I.L., 1994, january, vol. 88, n. 1, p. 140 s.; J. CRAWFORD, The I.L.C. Adopts
a Statute for an I.C.C., in A.J.I.L., 1995, april, vol. 89, n. 2, p. 404 s.
163 Voir Comité ad hoc pour une C.C.I., Rapport à l’A.G., in A.G., doc. off, 50ème session, suppl. n. 22,
A/50/22, 1995, disponible dans le site Internet des Nations Unies à l’adresse électronique ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N95/269/68/PDF/N9526968.pdf?OpenElement›.

55
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Entre-temps l’A.I.D.P., l’I.S.I.S.C. et le M.P.I. donnaient leur contribution à


l’évolution des travaux en faisant rédiger, par un Comité d’experts, en juillet 1995, un
Projet de Statut pour une C.P.I. alternatif à celui de la C.D.I.164
Par sa Résolution 50/46 du 11 décembre 1995 l’A.G.N.U. créa un Comité
préparatoire afin de poursuivre le travail sur les questions de fond liées au Statut élaboré
par la C.D.I. en 1994 et pour élaborer un Projet de Statut servant de base à la
Conférence des plénipotentiaires. Le Comité préparatoire s’est réuni du 25 mars au 12
avril et du 12 au 30 août 1996, du 11 au 21 février, du 4 au 15 août, du 1er au 12
décembre 1997, et, finalement, du 16 mars au 3 avril 1998, session au cours de laquelle
il a achevé l’élaboration du Projet de Convention portant création d’une C.C.I., qui a été
transmis à la Conférence des plénipotentiaires.165
Finalement à la suite d’une Conférence diplomatique tenue du 15 juin au 17 juillet
1998, la Convention portant Statut de la C.P.I. a été adoptée à Rome. La rédaction du
compromis final a été assurée par la pression de quelques États seulement, les États
pilotes notamment (Canada, Argentine, Finlande, Autriche), en liaison avec certains
groupes régionaux (Union Européenne, Ligue Arabe), malgré les réticences de pays tels
que les États-Unis, la Chine et l’Inde.166
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

164 Voir A.I.D.P., I.S.I.S.C., M.P.I., Draft Statute for an I.C.C. – Alternative to the I.L.C. Draft (Siracusa
Draft), préparé par un Comité d’experts, Siracusa/Freiburg, juillet 1995, disponible dans le site
électronique ‹http://www.iuscrim.mpg.de/forsch/straf/referate/sach/hispint/siracusa.pdf›.
165 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité
préparatoire en mars-avril et août 1996), in A.G., doc. off., 51ème sess., 1996, suppl. 22, A/51/22,
disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/239/28/PDF/N9623928.pdf.OpenElement›; Comité préparatoire pour
l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. II (Compilation des propositions), in A.G., doc. off., 51ème
session, 1996, suppl. n. 22/A, A/51/22/A, disponible à l’adresse électronique ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/239/46/PDF/N9623946.pdf.OpenElement›. Voir le texte du Projet in
Comité préparatoire pour la création d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte final, 1998,
U.N., doc. A/CONF.183/2/Add.1, p. 8-171, disponible dans le site électronique ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/101/06/PDF/N9810106.pdf?OpenElement›. Sur les travaux du Comité
préparatoire voir M.-C. BASSIOUNI, Observations Concerning the 1997-1998 Preparatory Committee
Work, in Denver J.I.L.P., 1997, p. 397 s.; C.K. HALL, The Third and Fourth Session of the U.N.
Preparatory Committee on the Establishment of an I.C.C., in A.J.I.L., 1998, january, vol. 92, n. 1, p. 331;
C.K. HALL, The Fifth Session of the Preparatory Committee of the U.N. on the Establishment of an
I.C.C., in A.J.I.L., 1998, april, vol. 92, n. 2, p. 331 s.; C.K. HALL, The Sixth Session of the Preparatory
Committee of the U.N. on the Establishment of an I.C.C., in A.J.I.L., 1998, july, vol. 92, n. 3, p. 548 s.
166 Voir C.D.P.N.U.C.C.I., Acte final, 17 juillet 1998, doc. A/Conf.183/10, p. 1-19, in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/241/86/PDF/N9824186.pdf?OpenElement›, qui concerne l’adoption
du Statut et contient, également, un résumé des travaux accompli de 1990 à 1998 ainsi que les
dispositions pour les travaux à accomplir en vue de l’entrée en vigueur du Statut. Sur l’évolution des
travaux qui ont amené à l’élaboration du Statut de la C.P.I. de 1990 à 1998 voir le site Internet
‹http://www.un.org/law/1990-1999/index.html› (The U.N. and the Development of International Law –
Chapter 1). Pour des considérations politiques ainsi que sur l’évolution historique qui a amené au texte
final du Statut de la C.P.I. voir J.-F. DOBELLE, La Convention de Rome portant Statut de la Cour
pénale internationale, in A.F.D.I., 1998, XLIV, p. 356-359; Ph. WECKEL, La C.P.I. – Présentation
générale, cit., p. 984-985; S. SZUREK, La formation du droit international pénal – Historique, cit., p.
20-21; J.H. ARMSTEAD, The I.C.C.: History, Development and Status, in Santa Clara Law Review,
1998, vol. 38, n. 3, p. 74 s.; T. PFANNER, Création d’une Cour criminelle internationale permanente:
Conférence diplomatique de Rome: résultats escomptés par le C.I.C.R., in R.I.C.R., 1998, vol. 80, n. 829,
p. 21 s.; P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The Rome Conférence on an I.C.C.: the Negotiating Process, in
A.J.I.L., 1999, january, vol. 93, n. 1, p. 2 s.; M. POLITI, Le Statut de Rome de la C.P.I.: le point de vue
d’un négociateur, in R.G.D.I.P., 1999, t. 103, n. 4, p. 817 s.; S. SUIKKARI, Debate in the U.N. on the
I.L.C.’s Draft Statute for an I.C.C., in Nordic Journal of International Law, 1995, vol. 64, n. 2, p. 205 s;
I. TALLGREEN, We Did It? The Vertigo of Law and Everyday Life at the Diplomatic Conference on the
Establishment of an I.C.C., in Leiden J.I.L., 1999, p. 683. R. WEDGWOOD, The I.C.C.: an American

56
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

Ensuite la Conférence a constitué une Commission préparatoire de la C.P.I., chargée


d’adopter les dispositions nécessaires pour l’entrée en vigueur du Statut et pour la mise
en place de la Cour. Le texte de la Résolution F inclus dans l’Acte final de la
Conférence charge la Commission de préparer, notamment, le Règlement de procédure
et de preuve, une définition des éléments des crimes, un Projet d’Accord destiné à régir
les relations entre la Cour et l’O.N.U., un Projet des principes de base devant régir
l’Accord de siège entre la Cour et le pays hôte, un Projet de Règlement financier et de
règles de gestion financière, un Projet d’Accord sur les privilèges et immunités de la
Cour.167 La Commission préparatoire a tenu trois sessions en 1999 et en 2000, deux
sessions en 2001 et en 2002. Lors de sa deuxième session, tenue du 26 juillet au 13 août
1999, la Commission a constitué un Groupe de travail sur le crime d’agression, chargé
d’étudier la définition du crime d’agression, aux termes de l’article 5 § 2 du Statut, les
règles procédurales conséquentes et les questions connexes, qui s’est réunie en même
temps que la Commission. La Commission préparatoire a achevé son mandat lors de sa
dixième session, tenue du 1er au 12 juillet 2002, puis le Statut de la C.P.I. est entré en
vigueur le premier juillet 2002, suite au dépôt du soixantième instrument de ratification
conformément à l’article 124. Ensuite l’Assemblée des États parties, constituée aux
termes de l’article 112 du Statut de la C.P.I., a assumé ses fonctions.168
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

§ 1.7. Le Statut de la Cour pénale internationale: cadre général.


Le Statut de la C.P.I., bien que son titre porte exclusivement sur la juridiction,
contient des normes aussi bien de caractère procédural, que de type substantiel,
générales et spéciales, constituant un véritable système de droit international pénal
concernant les individus.169 Du côté de la procédure, le Statut exploite les précédentes
expériences du T.P.I.Y. et du T.P.I.R., du côté de la substance il absorbe et remplace
complètement le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité:
en résumé le Statut de la C.P.I. codifie les principes généraux du droit international
pénal individuel.170

View, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 1, p. 93 s. Sur les équilibres diplomatiques qui ont permis l’adoption du
Statut de la C.P.I. voir C. TREAN, Une Cour pénale contre les crimes majeurs dans le monde, in Le
Monde, n. 16633, dimanche 19/lundi 20 juillet 1998, International, p. 2. Sur l’importance de l’adoption
du Statut de la C.P.I. voir K. ANNAN, Le droit n’est plus muet, in Le Monde, n. 16646, mardi 4 août
1998, p. 10.
167 Voir le texte de la Résolution F in C.D.P.N.U.C.C.I., Acte final, doc. A/CONF.183/10, 17 juillet
1993, cit., p. 8-10.
168 Sur l’ensemble des travaux accomplis après l’adoption du Statut en 1998 voir le site électronique
‹http://www.un.org/law/icc/index.html›. Sur l’évolution diplomatique qui a amené à l’adoption et à la
ratification du Statut de la C.P.I. voir C. TREAN, La naissance de la C.P.I.: un miracle diplomatique, in
Le Monde, n. 17796, samedi 13 avril 2002, Horizons – Analyses, p. 17. Sur la géographie politique de
l’appui et de la contestation de la C.P.I. depuis l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, de son Statut, voir
C. TREAN, À peine créée, la Cour pénale internationale est contestée, in Le Monde, n. 17862, dimanche
30 juin/lundi 1er juillet 2002, International, p. 2. Sur le début de l’activité de la C.P.I. voir S. MAUPAS,
La Cour pénale internationale commence sa marche vers la justice universelle, in Le Monde, n. 18291,
International, dimanche 16/lundi 17 novembre 2003, p. 4. Pour une chronologie synthétique des
événements historiques ayant amené à l’institution de la Cour pénale internationale, voir l’adresse
électronique ‹http://www.ladocfrançaise.gou.fr/dossier_international/jpi/5annexes/chrono.shtml›.
169 Voir, conformément, L. CONDORELLI, La définition des infractions internationales – Introduction,
cit., p. 245, d’après lequel, par le biais de la C.P.I., il est question “de doter désormais l’ordre juridique
international de tout un outillage juridique dont il n’était absolument pas pourvu, relevant, outre le
domaine du droit pénal substantiel, de celui de la procédure pénale”.
170 Sur le développement du droit international pénal en tant que système voir L.S. SUNGA, The
Emerging System of International Criminal Law. Developments in Codification and Implementation, The
Hague, Kluwer Law International, 1997; I. TALLGREEN, Completing the “International Criminal

57
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Nous analysons le système prévu par le Statut de la C.P.I. à grandes lignes: il n’y a
pas lieu de se livrer à un examen approfondi, puisqu’il importe, dans le cadre d’un
travail qui s’attache à la responsabilité internationale pénale en général, de comprendre
l’architecture générale de la responsabilité pénale individuelle.171 Cette étude doit
permettre une comparaison entre la responsabilité individuelle et collective afin de
comprendre les différences et les points de contact.
Le Statut est intégré par d’autres textes normatifs, notamment le Règlement de
procédure et de preuve et les éléments des crimes. Ces normes sont subordonnées à
celles du Statut et servent à les détailler ou bien à les mettre en application: nous n’en
ferons pas une analyse spécifique, mais nous les considérerons lorsqu’il sera important
pour une meilleure compréhension du Statut.172

Order”, in Nordic Journal of International Law, 1998, vol. 67, n. 2, p. 107. Sur le Statut de la C.P.I. en
tant qu’ensemble de règles d’ordre matériel et procédural voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.:
Some Preliminary Reflections, cit., p. 146, 157-158, d’après lequel le Statut de la C.P.I. crée un régime de
droit international pénal qui se superpose, par synthèse, au droit international pénal traditionnel, mais qui,
parfois, s’en éloigne, engendrant, ainsi, un double régime de droit international pénal. Sur la continuité le
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité et le Statut de la C.P.I. voir P.
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WECKEL, La C.P.I. – Présentation Générale, cit., p. 991.


171 Pur une première approche de la C.P.I. voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public,
7ème éd., cit., p. 724-728. Pour un commentaire du Statut de la C.P.I. voir M.-C. BASSIOUNI, Note
explicative sur le Statut de la C.P.I., in R.I.D.P., 2000, 1/2 trim., p. 1 s. Pour une analyse des dispositions
essentielles du Statut de la C.P.I. voir J.-F. DOBELLE, La Convention de Rome portant Statut de la
C.P.I., cit., p. 356 s.; Ph. WECKEL, La C.P.I. – Présentation générale, cit., p. 983 s.; R. BADINTER, La
C.P.I.: le Statut de Rome, Paris, Seuil, 2000; H.A.M. VON HEBEL (sous la dir. de), Reflections on the
International Criminal Court, Essays in Honour of Adrian Bos, The Hague, T.M.C. Asser Press, 1999;
M.H. ARSANJANI, The Rome Statute of the I.C.C., in A.J.I.L., 1999, january, vol. 93, n. 12, p. 22 s.; L.
CONDORELLI, La C.P.I.: un pas de géant (pourvu qu’il soit accompli...), in R.G.D.I.P., 1999, t. 103, n.
1, p. 7 s.; A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 144 s.; D.
SAROOSHI, The Statute of the I.C.C., in I.C.L.Q., 1999, p. 387; M. SCHRAG, Observations on the
Rome Statute, in International Law Forum, 1999, vol. 1, n. 1, p. 34 s. Sur le Statut de la C.P.I. voir, aussi,
C. CASTELLA, La Cour pénale internationale, mémoire sous la dir. de M.M. Gozzi, Toulouse 1,
1999/2000, p. 1-214. Dans le réseau électronique voir les adresses ‹http://www.un.org/icc/index.html›
(site officiel des N.U. sur la C.P.I.); ‹http://www.icc-cpi..intl/› (site officiel de la C.P.I.);
‹http://www.cpi.gc.ca› (site du Canada sur la C.P.I.); ‹http://www.igc.apc.org/icc› (site de l’Association
des O.N.G. – Coalition pour une C.P.I.).
172 Voir le texte du Statut de la C.P.I., distribué sous la côte A/CONF.183/9, en date du 17 juillet 1998,
amendé par les procès-verbaux en date des 10 novembre 1998, 12 juillet 1999, 30 novembre 1999, 8 mai
2000, 17 janvier 2001, 16 janvier 2002, entré en vigueur le 1er juillet 2002, dans le site électronique
‹http://www.icc-cpi.intl›. Ce texte est substantiellement identique à celui adopté sous la côte
A/CONF.183/9 à la Conférence des plénipotentiaires de Rome en 1998 (voir ce texte dans le site
‹http://ods-dds-ny.un.org.doc/UNDOC/GEN/N98/234/13/PDF/N9823413.pdf?OpenElement›). Voir le
texte du Règlement de procédure et de preuve ainsi que celui des Éléments des crimes, tels qu’adoptés
par l’Assemblée des États parties de la C.P.I. à la première session, tenue le 9 septembre 2002, in
A.E.P.S.R.C.P.I., Rapport sur sa première session, New York, 3-10 septembre 2002, documents officiels,
ICC-ASP/1/3, p. 11-111, 112-159, disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N02/603/36/PDF/N0260336.pdf?OpenElement.›. Voir, aussi, le
Règlement intérieur de l’Assemblée des États parties, le Règlement financier et règles de gestion
financière, l’Accord sur le privilèges et immunités de la Cour pénale internationale, les Principes de base
devant régir l’accord à négocier entre la Cour pénale internationale et le pays hôte, le Projet d’Accord sur
les relations entre la Cour pénale internationale et l’Organisation des Nations Unies, tels qu’adoptés par
l’Assemblée des États parties au Statut de la C.P.I. à la même date in A.E.P.S.R.C.P.I., Rapport sur sa
première session, cit., p. 160-184, 185-220, 221-238, 239-248, 249-257. Voir le Projet d’Accord négocié
régissant les relations entre la Cour pénale internationale et l’Organisation des Nations Unies, qui
perfectionne le Projet d’Accord sur les relations entre la C.P.I. et l’O.N.U. in A.E.P.S.R.C.P.I., Rapport
sur sa troisième session, La Haye, 6-10 septembre 2004, documents officiels, ICC-ASP/3/25, Résolution
ICC-ASP/3/Res.1, 7 septembre 2004, ‹http://www.icc-cpi.int/third_session.html›, p. 304-312.

58
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

§ 1.8. Le Statut de la Cour pénale internationale: la théorie générale du crime


individuel.
Dans le Statut de la C.P.I. le système de la responsabilité individuelle est composé,
selon une schématique classique et rigoureuse, de quatre parties essentielles: 1) la
théorie générale du crime international (articles 21-33); 2) la partie spéciale relative aux
biens juridiques susceptibles de tutelle et aux figures spécifiques des crimes (articles 5-
9 intégrés par le texte adjoint relatif aux éléments des crimes); 3) la procédure de
jugement (articles 1-4, 10-20, 34-128 complétés par le texte adjoint relatif aux règles de
procédure et de preuve); 4) la sanction (réglée à l’article 77).
La partie générale peut-être partagée en trois catégories essentielles, selon
conception tripartie de l’infraction pénale: le fait typique, les causes de justification et la
culpabilité.173
Il est clair qu’une théorie générale composée d’une dizaine d’articles peut présenter
des lacunes, surtout par rapport aux droits internes. Le noyau dur de la théorie générale
du crime, dans l’ordre italien, par exemple, se compose d’à peu prés quatre-vingts
articles (articles 39-119 du code pénal italien). Il n’est pas opportun, cependant, de faire
une analyse des lacunes structurelles de la théorie du crime international, puisqu’on
s’intéresse tout d’abord, dans une optique constructive, à ce qui est en place. Limitons-
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nous à signaler, que, en vertu du principe de l'interdiction du recours à l’analogie,


expressément énoncé à l’article 22 § 2, les lacunes demeurent irrésolues. À titre
d’exemple, rien n’est dit, dans le Statut, sur le lien de causalité et, d’ailleurs, une
discipline des circonstances manque totalement. En l’absence de dispositions
normatives expresses, il faut appliquer les principes généraux du droit tirés des ordres
juridiques internes, mais ceux-ci ne peuvent pas être exhaustifs, étant donnée l’extrême
diversité des différents ordres du monde et la difficulté d’adapter les principes du droit
interne à l’ordre international, qui repose sur l’indépendance des États en tant que sujets
souverains.174
Le fait typique est caractérisé soit en termes d’action, soit en termes d’omission, au
niveau de la conduite illicite, en tant que violation d’une obligation erga omnes absolue
indivisible, qui touche “l’ensemble de la communauté internationale” (préambule et
article 5).
Les conditions pour l’application de la peine se réalisent au stade de la tentative
(article 25 § 3 c) et f)), cependant, l’abandon et la prévention de l’accomplissement du
crime (article 35 § 3 f)) impliquent l’exclusion de la sanction.
Le sujet concurrent est puni (article 25 § 3 a)), tout comme celui qui aide l’auteur du
crime (article 25 § 3 c)), ou celui qui ordonne, sollicite, induit la commission du crime
(article § 3 b)).
L’action peut-être imputable à un groupe criminel organisé, dont les sujets agissent
selon le même propos (article 25 § 3 d)).
Seulement le majeur de dix-huit ans est imputable (article 26).

173 Sur la théorie générale du crime dans le Statut de la C.P.I. voir K. AMBOS, General Principles of
Criminal Law in the Rome Statute, in Crim. L.F., 1999, vol. 10, issue 1, p. 1 s.; M.H ARSANJANI, The
Statute of the I.C.C., cit., p. 36.
174 La C.P.I. peut appliquer, aux termes de l’article 21 § 1 c) “les principes généraux du droit dégagés par
la Cour à partir des lois nationales représentants les différents systèmes juridiques du monde”. En
doctrine, sur l’application, en droit international, des principes généraux identifiables dans les principaux
systèmes de droit voir P.M. DUPUY, Normes impératives pénales et droit impératif (jus cogens), cit., p.
72. Sur les problèmes naissant de l’adaptation des principes du droit interne au droit international voir B.
SIMMA, A. PAULUS, Le rôle relatif des différentes sources du droit international pénal, cit., p. 63 s.

59
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

La capacité officielle ou l’immunité du sujet actif n’excluent pas la subsistance de


l’acte illicite (article 27 § 1).
La responsabilité regarde exclusivement l’individu, puisque le Statut ne s’attache pas
à la responsabilité des États (article 25 § 4).
Les causes de justification découlent de trois figures juridiques explicites: 1) la
légitime défense de la vie, propre ou d’autrui, selon le critère de proportionnalité, et,
seulement en cas de crime de guerre, de la propriété essentielle pour la vie ou pour
l’accomplissement d’une mission militaire (article 31 §1 c));175 2) l’état de nécessité,
selon le critère de proportionnalité, causé par l’emploi de la force ou par des
circonstances exceptionnelles, menaçant la vie ou l'intégrité physique (article 31 § 1
d));176 3) l’ordre, non manifestement illégal, d’un supérieur, civil ou militaire, lorsque
l’agent ne connaît pas l’illégitimité de l’action, cause de justification exclue pour le
génocide et les crimes contre l’humanité, donc valable pour les seuls crimes de guerre
(article 33). D’autres causes de justification peuvent être déduites des principes
généraux du droit et du droit international, en vertu du renvoi de l’article 31 § 3 à
l’article 21.
Selon la théorie de la culpabilité un sujet ne peut-être incriminé que s’il agit avec
conscience et volonté, donc avec dol (article 30). En revanche le problème de la faute,
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question fondamentale dans le cadre de l’imputation subjective de l’action, demeure


irrésolu, car une disposition prévoyant la responsabilité à ce titre manque.177 Au cours
des travaux pour l’élaboration du Statut, des doutes avaient été exprimés quant à la
possibilité de retenir l’imputation pour faute.178 On devrait, donc, penser que l’intention
des auteurs du texte était celle de ne pas responsabiliser l’individu pour la seule faute,
mais cette interprétation semble difficilement soutenable, car il se peut qu’un crime
prévu dans le Statut soit commis avec faute et sans dol: dans ce cas exclure la
responsabilité signifierait fournir une forme d’impunité trop facile au sujet actif, surtout
vu la difficulté de la preuve de l’élément mental.179 Le Comité préparatoire pour la
création d’une C.C.I., dans une note à l’article 29 (Mens rea/Élément moral) du Projet
de Statut de 1998 avait, quand même, souligné l’opportunité d’introduire la notion de
négligence coupable en fonction de la définition des crimes.180 Des indications
précieuses peuvent êtres repérées à l’article 32 § 1, selon lequel que l’erreur sur le fait
exclut la responsabilité seulement s’il nie l’élément mental requis pour l’imputation du
crime. Le texte de l’article fait naître deux interprétations. On peut penser que l’erreur

175 Sur la légitime défense dans le Statut de la C.P.I. voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some
Preliminary Reflections, cit., p. 154-155.
176 Une partie de la doctrine pense qu’il s’agit, proprement, d’une forme de contrainte, non pas,
généralement, de l’état de nécessité (voir O. S. LIWERANT, Les exécutants, in H. ASCENSIO, E.
DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 222). Nous préférons classer la figure prévue à
l’article 31 § 1 d) dans la catégorie de l’état de nécessité, plus classique et ouverte.
177 Sur le problème de la mens rea dans le Statut de la C.P.I. voir R.S. CLARK, The Mental Element in
International Criminal Law: the Rome Statute of the I.C.C. and the Elements of Offences, in Crim. L.F.,
2001, vol. 12, issue 3, p. 244 s.
178 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité
préparatoire en mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 49, § 200.
179 Sur le rapport entre le dol éventuel et la faute et la possibilité qu’un bon nombre des crimes du Statut
de la C.P.I. soient imputables à titre de dol éventuel voir C. LOMBOIS, La culpabilité en droit
international, cit., p. 140 s. D’après A CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary
Reflections, cit., p. 154, l’exclusion de la faute, compréhensible en cas de crimes contre l’humanité, serait
totalement inexplicable par rapport aux crimes de guerre.
180 Voir Comité préparatoire pour la création d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte
final), doc. A/Conf.183/2/Add. 1, 1998, p. 57 (note à l’article 29-Mens rea/Élément moral), in ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/101/06/PDF/N9810106.pdf?OpenElement›.

60
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

doit parvenir à nier la subsistance de la conscience ou, au moins, de la volonté de


l’action, donc à infirmer le dol, pour exclure la responsabilité, excluant, de toute façon,
la faute. Cependant, si telle était l’intention des rédacteurs, la disposition serait inutile,
puisqu’il est évident que l’erreur doit évincer l’élément intentionnel pour exclure la
responsabilité, autrement il serait inutile de le prendre en considération.181 En revanche,
on peut estimer, selon une interprétation qui tend à combler la lacune du texte, que,
l’erreur sur le fait exclut le dol s’il efface la conscience et la volonté, mais qu’il laisse
subsister la responsabilité, à titre de faute, si, en l’absence de volonté et,
éventuellement, de conscience, l’agent aurait pu prévoir et vouloir le fait illicite.
D’ailleurs l’introduction générale du texte des Éléments des crimes, au paragraphe 2,
qui intègre l’article 30 du Statut, prévoit que “sauf disposition contraire, une personne
n’est pénalement responsable et ne peut être punie à raison d’un crime relevant de la
compétence de la Cour que si l’élément matériel du crime est commis avec intention et
connaissance. Lorsqu’il n’est pas fait mention, dans les éléments des crimes, d’un
élément psychologique pour un comportement, une conséquence ou une circonstance
particulière, il est entendu que l’élément psychologique pertinent, c’est-à-dire
l’intention ou la connaissance ou l’un et l’autre, visé à l’article 30 s’applique”. La
référence disjonctive à l’intention ou à la connaissance semble admettre la possibilité de
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la responsabilité par faute. Il serait opportun, toutefois, que des notes explicatives, ou
une adjonction normative dans le texte du Statut clarifient le point, vu l’importance de
l’élément en question dans le cadre de l’imputation.182 La conscience et la volonté, ou la
possibilité de connaître et de vouloir, devraient se rapporter à tous les éléments du fait
typique.
Sur le plan de la connaissance de la règle, l’erreur de droit exclut la responsabilité
seulement au cas où la conscience de l’illégitimité serait expressément requise pour la
subsistance du crime (article 32 § 2). L’erreur de droit relève, donc, seulement lorsque
l’illégitimité de la conduite devient un élément constitutif du fait typique, de sorte que
l’élément psychologique doit l’investir pour la subsistance de la responsabilité.183 Rien
n’est dit sur la possibilité de connaître en cas de non-connaissance relevante. En suivant
une interprétation large, nous serions favorables à la subsistance de l’imputation pour
faute. Cette conception est supportée par le texte de l’article 33, prévoyant, aux fins de
la responsabilisation de la personne qui agit en exécution de l’ordre d’un supérieur
hiérarchique, la méconnaissance de l’illégalité manifeste de l’ordre, donc de l’action
conséquente, ce qui signifie que, si l’exécutant avait la possibilité de connaître mais n’a
pas connu, il sera tout de même responsable, à titre de faute en l’absence de
connaissance.184
Logiquement, l’infirmité mentale qui évince la capacité de connaître et de vouloir
exclut la responsabilité (article 31 § 1 a)), tout comme l’intoxication qui détruit les

181 Cette interprétation est soutenue par R.S. CLARK, The Mental Element in International Criminal
Law: the Rome Statute of the I.C.C. and the Elements of Offences, cit., p. 308-309.
182 Voir les considérations que nous avons fait sur la discipline du dol et de la faute au sein du Projet de
Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Sur l’élément psychologique dans les crimes
internationaux voir, en doctrine, L. CAVICCHIOLI, Sull’elemento soggettivo nei crimini contro la pace
e la sicurezza dell’umanità, cit., p. 1094 s.; S. GLASER, Culpabilité en droit international pénal, cit., p.
477 s. Sur la nécessité de distinguer la responsabilité pour dol et pour faute en droit international pénal
voir S. GLASER, Élément moral de l’infraction internationale, in R.G.D.I.P., 1955, t. 59, p. 543 s.
183 Sur l’erreur de droit dans le Statut de la C.P.I. voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some
Preliminary Reflections, cit., p. 155.
184 Sur la discipline de l’erreur en droit pénal voir G. STEFANI, G. LEVASSEUR, B. BOULOC, Droit
pénal général, 17ème éd., cit., p. 360 s.

61
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

mêmes facultés (article 31 § 1 b)), sauf si l’infirmité dérive d’une intoxication


prédéterminée.

§ 1.9. Le Statut de la Cour pénale internationale (partie spéciale): les crimes


individuels.
En ce qui concerne les figures spécifiques de l’action illicite, aux termes de l’article
5 § 1, le Statut de la C.P.I. prévoit quatre catégories de crimes, dont trois relèvent
actuellement de la compétence de la Cour et un est hors de sa juridiction, en l’attente
d’une définition.185
La définition générique, pas très détaillée, des figures typiques des crimes et des
normes du Statut de la C.P.I. a obligé à la rédaction ultérieure du texte concernant les
“éléments des crimes”, afin de respecter le principe de légalité (nullum crimen, nulla
poena sine lege).
Les trois catégories de crimes actuellement relevant de la compétence de la Cour
sont (article 5): 1) le génocide, qui attaque le bien juridique de l’existence d’un groupe
de personnes (article 6); 2) les crimes contre l’humanité, qui violent les droits de
l’homme de façon diffuse et systématique (article 7); 3) les crimes de guerre, qui
violent le droit de la guerre, éventuellement commis dans le cadre d’un plan ou d’une
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action de police (article 8). Ces trois catégories criminelles touchent “l’ensemble de la
communauté internationale” (préambule et article 5 § 1), donc elles constituent des
violations d’obligations erga omnes indivisibles absolues. La forme, absolue et
indivisible, de la violation est due à la nature, cogens, de l’obligation violée: le droit à la
souveraineté en cas d’agression, les droits de l’homme dans le cas du génocide, des
crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Les catégories se partagent en une
série de crimes spécifiques, dont il n’y a pas lieu de dresser la liste, puisqu’il suffit de
renvoyer au texte des articles cités. On se limitera à remarquer quelques traits essentiels
des figures en question au niveau objectif et subjectif.186
Quant aux crimes contre l’humanité, il s’agit de violations, “généralisées et
systématiques”, des droits de l’homme.187 Les crimes contre l’humanité, donc, se
distinguent des crimes contre les droits de l’homme en raison du nombre des victimes.
Tandis que la violation des droits fondamentaux d’un seul individu demeure de
compétence des juridictions internes, selon les principes traditionnels du droit pénal

185 Sur la compétence ratione materiae, très limitée, de la C.P.I., voir P. WECKEL, La C.P.I. –
Présentation Générale, cit., p. 985; B. BERG, World Criminal and the First Principles: the Jurisdiction
of an International Criminal Court, Ann Arbor (Michigan), U.M.I. Dissertation Services, 1995; K.D.
ASKIN, Crimes within the Jurisdiction of the I.C.C., in Crim. L.F., 1999, vol. 10, issue 1, p. 33 s. L.S.
SUNGA, The Crimes within the Jurisdiction of the I.C.C., in European Journal of Crime, Criminal Law
and Criminal Justice, 1998, vol. 6, n. 4, p. 377 s. Sur le choix de garder seulement un “noyau dur” de
crimes dans le Statut, excluant l’hypothèse d’un éventail large, voir P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The
Rome Conference on an I.C.C., the Negotiating Process, cit., p. 6.
186 D’après une partie de la doctrine, il ne serait pas question, en droit international, de définir
précisément les figures criminelles, car le droit international devrait pouvoir s’appuyer sur les droits
internes dans la définition des crimes (voir L. CONDORELLI, La définition des infractions
internationales – Introduction, cit., p. 245-246). On soulignera, par contre, d’accord avec la doctrine
majoritaire, que le Statut de la C.P.I., en matière de crimes contre l’humanité, de génocide, de crimes de
guerre et d’agression synthétise des règles coutumières du droit international (voir C. TOMUSCHAT, La
cristallisation coutumière, in E. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit.,
p. 23).
187 Sur la définition des crimes contre l’humanité dans le Statut de la C.P.I. voir M.H. ARSANJANI, The
Rome Statute of the I.C.C., cit., p. 31; D. ROBINSON, Defining “Crimes against Humanity” at the Rome
Conference, in A.J.I.L., 1999, vol. 93, n. 1, p. 43 s.; A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some
Preliminary Reflections, cit., p. 150.

62
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

international, la violation des droits fondamentaux de plusieurs personnes en fait un


crime de compétence de la C.P.I., soumis au régime du droit international pénal. La
référence de l’article 7 à la violation systématique implique, de plus, la participation
consciente à une action de caractère collectif, tandis que la référence à la violation
généralisée, c’est à dire au nombre des victimes, devrait permettre l’incrimination,
aussi, de la violation massive commise par un seul auteur.188 Toutefois cette opinion ne
fait pas l’unanimité en doctrine, car certains auteurs pensent que les crimes contre
l’humanité peuvent être accomplis dans le seul cadre de plusieurs actions concourantes
en conscience de la conduite illicite d’autrui.189 Le caractère systématique exige
normalement, sous le profil subjectif actif, la préparation par le biais d’un plan
politique, ce qui fait du crime contre l’humanité, potentiellement, un crime d’État.190
Concernant le génocide, on remarquera que, bien qu’il soit réglé dans une
disposition autonome, il pourrait rentrer dans la catégorie des crimes contre l’humanité,
car il s’agit d’une violation forcement systématique ou généralisée des droits de
l’homme.191 En outre on constatera que la définition du génocide donnée par l’article 6
du Statut de la C.P.I. reprend, à l’identique, celle de l’article 2 de la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, qui prévoit la
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188 Sur la différence entre la caractère massif (ou généralisé), relatif au nombre des victimes, et le
caractère systématique, relatif à la pluralité d’action illicites, du crime, voir, en jurisprudence, T.P.I.Y.,
Ch. App., Kunarac et al., arrêt du 12 janvier 2002, IT-96-23 & 23/1, § 94.
189 Voir Comité pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (travaux du Comité préparatoire en
mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 22, § 85. D’après M. BETTATI, Le crime contre
l’humanité, in E. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 310, le texte
“permet, donc, d’écarter les actes singuliers de la qualification de crime contre l’humanité sans pour
autant qu’il exige un nombre élevé d’infractions pour que l’individu soit responsable”. Sur la question de
l’acte singulier provoquant plusieurs violations et des actions multiples accomplies par un ou plusieurs
individus voir D. ROBINSON, Defining “Crimes against Humanity” at the Rome Conference, cit., p. 47-
48. En faveur du caractère alternatif de l’aspect systématique ou massif de la violation voir, en
jurisprudence, T.P.I.R., Ch. II 1ère inst. Kayshema et Ruzindana, jugement du 21 mai 1999, ICTR-95-1, §
123, note 26; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Musema, jugement du 27 janvier 2000, ICTR-96-13, § 203;
T.P.I.R. Ch. I 1ère inst., Bagilishema, jugement du 7 juin 2001, ICTR-95-1, § 77; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst.,
Akayesu, jugement du 2 septembre 1998, ICTR-96-4, § 579, note 143; T.P.I.Y, Ch. III 1ère inst., Cordic et
Cerkez, jugement du 26 février 2001, ICTY-95-14/2, § 178; T.P.I.Y, Ch. App., Kunarac et al., arrêt du
12 janvier 2002, IT-96-23 & 23/1, § 95.
190 Voir M. BETTATI, Le crime contre l’humanité, cit., p. 300 s. En jurisprudence voir T.P.I.Y., Ch. II
1ère inst., Tadic, jugement du 7 mai 1997, IT-94-1, § 653 s.; T.P.I.R., Ch. I, Akayesu, jugement du 2
septembre 1998, ICTR-96-4, § 124; T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Kupreskic et consorts, jugement du 14
janvier 2000, IT-95-16, § 551; T.P.I.R., Ch. II 1ère inst., Kayshema et Ruzindana, jugement du 21 mai
1999, ICTR-95-1, § 94.
191 En général, sur le génocide, voir W. SCHABAS, Le génocide, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A.
PELLET, Droit international pénal, cit., p. 319 s. Sur la qualification du génocide en tant que crime
contre l’humanité voir E. ARONEANU, Le crime contre l’humanité, in Nouvelle Revue De Droit
International Privé, 1946, p. 391, note 1; J. GRAVEN, Les crimes contre l’humanité, in R.C.A.D.I.,
1950-I, vol. 76, p. 545-546; M. BETTATI, Le crime contre l’humanité, cit., p. 304; S. GLASER, Droit
international pénal conventionnel, cit., p. 109, qui qualifie le génocide de “cas aggravé ou qualifié de
crime contre l’humanité”; Y. JUROVICS, L. HUSSON, Le crime contre l’humanité, in P. KAHN, L.
VOEGEL, Jurisclasseur de droit international, Paris, Lexisnexis, H. Vouzelland éd., 2003, t. 4, fasc.
410, § 102, d’après lesquels le génocide est “une catégorie particulière des crimes contre l’humanité où la
totalité des victimes désignées par leur appartenance est visée”. En jurisprudence voir T.P.I.R., Ch. App.,
Kyashema et Ruzindana, arrêt du 1er janvier 2001, ICTR-95-1, § 158-159; T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Jelisic,
jugement du 14 décembre 1999, IT-95-10, § 63 s.; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Ruggiu, jugement du 1er juin
2000, ICTR-97-32, § 50.

63
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

soumission à la C.I.J., de façon unilatérale, des différends concernant la responsabilité


d’un État pour le crime en question (article 9).192
Les crimes de guerre, finalement, constituent des violations des droits de l’homme
en temps de guerre. Ces crimes lèsent le ius in bello tel que codifié, essentiellement, par
les Conventions de La Haye de 1899 et de 1907, par les Conventions de Genève de
1864, 1906,1929, 1949 et par les Protocoles additionnels de 1977, c’est-à-dire le droit
humanitaire, différent du droit en vigueur en temps de paix, notamment du ius ad
bellum, qui rassemble les règles du droit à la guerre, en particulier la légitime défense.
Ainsi encadrés, les crimes de guerre diffèrent de l’agression qui constitue une violation
du droit à la souveraineté, principe fondamental, cogens, du droit international de la
paix. Dans ce domaine, donc, le Statut de la C.P.I. reprend et détaille des règles
secondaires du droit de la guerre qui ont une longue tradition, notamment les infractions
qualifiées de “graves” par les Conventions de Genève du 12 août 1949, ainsi que par les
Protocoles additionnels de 1977, soumises au principe aut dedere aut iudicare et à celui
de la juridiction universelle entre les parties signataires (articles 49-52 de la Convention
(I) de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces
armées en campagne du 12 août 1949, articles 50-53 de la Convention (II) de Genève
pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufrages des forces armées
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

sur mer du 12 août 1949, articles 129-132 de la Convention (III) de Genève relative au
Traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949, articles 146-149 de la
Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de
guerre du 12 août 1949, article 85 du Protocole (I) additionnel aux Conventions de
Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux du 8 juin 1977, article 1er du Protocole (II) additionnel aux Conventions
de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non
internationaux du 8 juin 1977).193
Seul crime non défini par le Statut de la C.P.I., l’agression, violation du principe
général, cogens, de la souveraineté, ne peut pas être soumise à la Cour. En effet, ce
n’est que lorsqu’une définition aura été adoptée selon les procédures d’amendement du
Statut, conformément aux articles 121 et 123 et pas avant sept ans après son entrée en
vigueur, que la Cour aura compétence à l’égard de ce crime. D’ailleurs la définition de
l’agression devra être compatible avec les dispositions pertinentes de la Charte des N.U.
Le problème de la définition de l’agression, qui avait déjà troublé l’élaboration du
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, n’a donc pas
encore trouvé une solution dans le Statut de la C.P.I. Les problèmes sont les mêmes,
depuis désormais plus de cinquante ans: la relation indiscutable de l’action individuelle
avec le crime étatique et la mise en question du rôle du Conseil de sécurité de
l’O.N.U.194 D’ailleurs il semble impossible de juger des individus pour les crimes de
guerre ou contre l’humanité en laissant impunis les architectes des guerres aux cours
desquelles les crimes en question ont été commis. Le lien qui subsiste entre les droits
lésés par les crimes du Statut de la C.P.I., notamment entre les droits violés par les

192 Le texte de l’article 9 dispose que “Les différends entre les Parties contractantes relatifs à
l’interprétation, l’application ou l’exécution de la présente Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un État en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à
l’article 3, seront soumis à la Cour internationale de justice, à la requête d’une partie au différend”.
193 Voir G. et R. ABI-SAAB, Les crimes de guerre, cit., p. 265; A. CASSESE, On the Current Trend
toward Criminal Prosecution and Punishment of Graves Breaches of International Humanitarian Law, in
E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 1, p. 2 s. Pour une vision critique des crimes de guerre dans le Statut de la C.P.I.
voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 150-153.
194 Voir M. SCHUSTER, The Rome Statute and the Crime of Aggression: a Gordian Knot in Search of a
Sword, in Crim. L.F., 2003, vol. 14, issue 1, p. 27 s.

64
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

crimes qui rentrent dans l’actuelle compétence de la Cour, et l’agression, impose la


formule de l’actuel compromis.195
Dès le départ des travaux préparatoires du Statut de la C.P.I., la définition de
l’agression a paru très problématique, mais l’on a estimé rétrograde, cinquante ans après
Nuremberg, d’exclure la responsabilité pénale individuelle pour les actes en question.196
Cependant, bien que plusieurs formules aient été proposées pour définir le crime
d’agression au cours des travaux sur le Statut de la C.P.I., aucune n’a, finalement, été
retenue.197 Le Groupe spécial de travail sur le crime d’agression, crée par la
Commission préparatoire de la C.P.I., dans son rapport final a proposé un éventail de
solutions pour la définition de l’agression. Le crime y est encadré comme un “acte
commis par une personne qui, étant véritablement en mesure de contrôler ou de diriger
l’action politique ou militaire d’un État, ordonne intentionnellement et sciemment la
planification, la préparation, le déclenchement ou la commission d’un acte d’agression
qui, par ses caractéristiques, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste
de la Charte des Nations Unies, ou y participe activement”, l’agression étant définie par
renvoi à la Résolution 3314 (XXIX) de l’A.G.N.U. du 14 décembre 1974. Le point 5
des Éléments des crimes correspondant demande, pour la réalisation du crime
individuel, la perpétration de l’agression par l’État, tandis que le point 6 exige la
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connaissance, par l’individu, que “les actions de l’État présenteraient les


caractéristiques d’un acte d’agression”.198 On voit, donc, proposé de nouveau, dans les

195 Sur la question de l’agression dans le Statut de la C.P.I. voir M. DUMÉE, Le crime d’agression, cit.,
p. 261 s.; A.C. CARPENTER, The I.C.C. and the Crime of Aggression, in Nordic Journal of
International Law, 1995, vol. 64, n. 2, p. 223 s. Dans un ordre d’idée fortement critique sur l’absence
d’une définition de l’agression au sein du Statut de la C.P.I. voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.:
Some Preliminary Reflections, cit., p. 147.
196 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p. 78,
§ 1 (Commentaire de l’article 20 (Crimes relevant de la compétence de la Cour) du Projet de Statut d’une
C.P.I. de 1994); Comité ad hoc pou une C.C.I., Rapport à l’A.G., 1995, doc. A/50/22, cit., p. 13-15, § 63-
71; Comité pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité préparatoire en mars-
avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 18, § 66 (article 20 (Crimes relevant de la compétence de la
Cour): propositions).
197 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. II (Compilation des
propositions), doc. A/51/22/A, cit., p. 59-60; Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I.,
Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte final), doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 11-13, article 5 (Crime
relevant de la compétence de la Cour) § 1 alinéa b) (Agression)).
198 Voir Commission préparatoire pour la C.P.I., Groupe de travail sur le crime d’agression, Document
de travail proposé par le Coordonnateur, Définition du crime d’agression et conditions d’exercice de la
compétence, 1er juin-12 juillet 2002, doc. PICCNIC/20002/WGCA/RT.1/REV.2, p. 1-3, in ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N02/475/14/PDF/N0247514.pdf?OpenElement›. Le même texte, dans
un esprit de continuité, est ensuite passé à l’attention de l’Assemblée des États parties (voir le texte
reproduit in A.E.P.S.R.C.P.I., Rapport sur sa deuxième session, 8-12 septembre 2003, doc. off. ICC-
ASP/2/10, disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N03/531/84/PDF/N0353184.pdf?OpenElement›, p. 249-251). Sur les
premières tentatives de définition de l’agression par le Groupe de travail de la Commission préparatoire
voir Commission préparatoire de la C.P.I., Groupe de travail sur le crime d’agression, Document de
synthèse proposé par le Coordonnateur, Texte consolidé des propositions au sujet du crime d’agression,
PICCNICC/1999/WGCA/RT.1, New York, 16-26 février, 26 juillet-13 août, 29 novembre-17 décembre
1999, p. 1-3, disponible à l’adresse électronique des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/382/06/PDF/N9938206.pdf?OpenElement›. Pour un cadre d’ensemble
des travaux et des documents fondamentaux sur le crime d’agression au sein de la Commission
préparatoire, notamment, par le Groupe de travail, voir Commission préparatoire pour une C.P.I., Rapport
sur sa dixième session, Propositions en vue d’une disposition relative au crime d’agression, New York,
1er-12 juillet 2002, doc. PICCNIC/2002/2/Add.2, p. 1-10, disponible à l’adresse Internet ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N02/496/13/PDF/N0249613.pdf?OpenElement›. Voir, aussi, le site
électronique ‹http://www.un.org/law/icc/document/aggression/aggressiondocs.htm#fn.1›.

65
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

travaux les plus récents concernant la définition de l’agression, qui ont suivi l’adoption
du Statut de Rome, le problème classique du rapport entre la responsabilité individuelle
et étatique.199 Lors de sa première session, en septembre 2002, l’Assemblée des États
parties au Statut de la C.P.I. a crée un Groupe de travail sur le crime d’agression chargé
de soumettre à l’Assemblée une “disposition acceptable en vue de son incorporation au
Statut”.200
Finalement, on remarquera que, violant des obligations erga omnes indivisibles
absolues, tous les crimes de compétence de la Cour sont, par nature, internationaux,
qu’ils présentent des éléments d’extranéité ou pas. Ainsi, par exemple, les crimes de
guerre rentrent dans la juridiction de la C.P.I. qu’ils aient été commis au cours d’un
conflit armé interne ou international.201
Du côté de la sanction, l’article 77 dresse la liste des peines possibles pour l’acte
illicite. Quatre catégories de sanctions sont prévues: 1) la prison à perpétuité; 2) la
prison à terme, jusqu'à trente ans, de laquelle il faut déduire le temps de détention purgé
à titre de mesure préventive; 3) l’amende; 4) le payement des dépenses de la procédure.
Il s’agit d’un cadre synthétique et simple, qui ne fait pas de distinction entre crimes
majeurs et crimes mineurs, du type crimes/délits/contraventions, de sorte que la Cour
devrait s’occuper seulement de crimes majeurs. En outre, le Statut ne prévoit que des
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

peines principales, sans s’occuper des peines accessoires, comme, par exemple,
l’interdiction des fonctions publiques, qui pourraient raisonnablement s’appliquer aux
actes illicites dont nous venons de dresser la liste.202

§ 1.10. Le Statut de la Cour pénale internationale: la procédure.


La compétence de la C.P.I. est établie ratione loci et personae. Aux termes de
l’article 12 les faits commis sur le territoire d’un État partie au Statut et ceux qui ont été
commis par une personne qui a la nationalité de l’un de ces États rentrent dans la
compétence de la Cour: le critère territorial et celui de la nationalité opèrent
alternativement. Ainsi, un État n’ayant pas signé le Statut pourrait voir ses
ressortissants soumis à la juridiction de la C.P.I. au cas où ceux-ci commettraient des
crimes dans le territoire d’un État partie au Statut.203

199 Pour une présentation des problématiques essentielles liées à la définition du crime d’agression dans
le Statut de la C.P.I., voir Commission préparatoire du Statut de la C.P.I., Groupe de travail sur le crime
d’agression, document de synthèse proposé par le Coordonnateur, Liste préliminaire des questions liées
au crime d’agression, New York, 13-21 mars 12-30 juin, 27 novembre-8 décembre 2000, doc.
PICCNICC/2000/WGCA/RT.1, p. 249-251, disponible dans le site électronique des Nations Unies
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/366/96/PDF/N00/366/96.pdf?OpenElement›.
200 Voir A.E.P.S.R.C.P.I., Rapport sur sa première session, cit., p. 333. Sur l’incorporation d’une
disposition concernant l’agression dans le Statut de la C.P.I. voir A.E.P.S.R.C.P.I., Rapport sur sa
troisième session, cit., p. 345-357 (Annexe II – Rapport de la réunion informelle intersession du Groupe
de travail sur le crime d’agression).
201 Voir G. et R. ABI-SAAB, Les crimes de guerre, cit., p. 282.
202 Sur les fonctions de la peine dans le Statut de la C.P.I. voir A.-M. LA ROSA, Juridictions pénales
internationales, La procédure et la preuve, Paris, P.U.F., 2003, p. 157 s.
203 Sur la compétence de la C.P.I. aux termes de l’article 12 de son Statut voir F. MEGRET, Epilogue to
an Endless Debate: the I.C.C. Third Party Jurisdiction and the Looming Revolution of International Law,
in E.J.I.L., 2001, vol. 12, n. 2, p. 247 s.; A. PELLET, Pour la Cour pénale internationale, quand même!
Quelques réflexions sur sa compétence et sa saisine, in Int. C.L.R., 2001, january, vol. 1, issue 1-2, p. 91-
110, ‹http://www.kluwerlawonline.com/issn/1567-536X/current›, in L’Observateur des N.U., 1998, n. 5,
p. 143 s.; D. NTANDA NSEREKO, The I.C.C.:Jurisdictional and Related Issues, in Crim. L.F., 1999,
vol. 10, n. 1, p. 87 s. Sur la formation et les principes de l’article 12 du Statut de la C.P.I. voir E. LA
HAYE, The Jurisdiction of the I.C.C.: Controversies over the Preconditions for Exercising Its
Jurisdiction, in N.I.L.R., 1999, XLVI, p. 2-8. Pour un aperçu du débat au sein de la C.D.I. sur

66
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

La compétence de la C.P.I. est complémentaire par rapport à celle des juridictions


pénales des États, selon l’article premier et conformément aux dispositions du
préambule.204 Par conséquent, les article 17 et 18 mettent à point le mécanisme du
déclenchement du procès de façon que le Procureur, ayant pris connaissance de la
commission possible d’un crime, est obligé de notifier la possible ouverture d’une
enquête aux États qui auraient compétence selon les règles traditionnelles du droit pénal
international, en vertu du lieu de commission du crime, de la nationalité de l’auteur et
de la victime, des intérêts violés ainsi que de l’éventuelle compétence universelle. Si la
juridiction d’un des États compétents décide d’enquêter, le Procureur est obligé de
déférer l’affaire, tandis que les États seront tenu à renseigner le Procureur sur le
déroulement du procès. Seulement au cas où la juridiction étatique ne serait pas en
mesure de “mener véritablement à bien l’enquête” la C.P.I. resterait saisie de l’affaire
selon l’article 17 du Statut. Un État ne serait pas capable de mener à bien une poursuite
s’il démontrait la volonté de soustraire l’accusé à sa responsabilité criminelle, si le
procès subissait des retards injustifiés et si la procédure n’était pas menée d’une façon
indépendante ou impartiale. Dans ce cas, le Procureur devrait déposer une demande
d’autorisation à poursuivre auprès de la Chambre préliminaire, dont la décision serait
susceptible d’appel.205
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

l’élaboration de l’article 12 voir P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The Rome Conference on an I.C.C.: the
Negotiating Process, cit., p. 9. D’après R. WEDGWOOD, The I.C.C.:an American View, cit., p. 99-102,
la compétence de la C.P.I. sur des sujets ressortissants d’un État tiers au Statut constituerait une limitation
inopinée de la souveraineté des États. En faveur de la juridiction de la C.P.I. sur les ressortissants des
États tiers ayant commis un crime dans le territoire d’un État partie voir A. CASSESE, The Statute of the
I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 160; G. HAFNER, K. BOON, A. RUBESAME, J.
HUSTON, A Response to the American View as Presented by Ruth Wedgwood, in E.J.I.L., 1999, vol. 10,
n. 1, p. 117. Sur l’article 12, dans un ordre d’idées favorable à l’application à la C.P.I. du principe de la
compétence universelle, voir M. HENZELIN, Le principe de l’universalité en droit pénal international,
cit., p. 449.
204 Cette caractéristique découle de l’origine conventionnelle de la Cour, en revanche le T.P.I.Y. et le
T.P.I.R. ont priorité absolue sur les juridictions internes en raison de leur création par les Conseil de
sécurité. Sur la complémentarité de la C.P.I. par rapport aux juridictions nationales voir Comité ad hoc
pour une C.C.I., Rapport à l’A.G., 1995, doc. A/50/22, cit., p. 6-10, § 29-51, disponible in ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N95/269/68/PDF/N9526928.pdf?OpenElement›; Comité préparatoire
pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité préparatoire en mars-avril et août
1996), doc. A/51/22, cit., p. 38-44, § 153-178. En doctrine voir M. BENNOUNA, La création d’une
juridiction pénale internationale et la souveraineté des États, cit., p. 299 s.; F. LATTANZI, Compétence
de la C.P.I. et consentement des États, in R.G.D.I.P., 1999, t. 103, n. 2, p. 425 s.; C. LAUCCI,
Compétence et complémentarité dans le Statut de la future C.P.I., in L’Observateur des Nations Unies,
1999, n. 7, p. 131 s. G. HAFNER, K. BOON, A. RUBESAME, J. HUSTON, A Response to the American
View as Presented by Ruth Wedgwood, cit., p. 115-116; J.L. BLEICH, Complementarity, in Denver
J.I.L.P., 1997, vol. 95, n. 2, p. 281 s.; P. KIRSCH, La Cour pénale internationale face à la souveraineté
des États, in A. CASSESE, M. DELMAS-MARTY (sous la direction de), Crimes internationaux et
juridictions internationales, cit., p. 31-34. En général, sur la question de la compétence de la C.P.I., voir
E. LA HAYE, The Jurisdiction of the I.C.C.: Controversies over the Preconditions for Exercising Its
Jurisdiction, cit., p. 8 s.; D.D. NTANDA NSEREKO, The I.C.C.: Jurisdictional and Related Issues, cit.,
p. 87 s.; Y. PETIT, Droit international du maintien de la paix, Paris, L.G.D.J., 2000, p. 199-205; M.
BERGSMO, The Jurisdictional régime of the I.C.C. (Part II, articles 11-19), in European Journal of
Crime, Criminal Law and Criminal Justice, 1998, vol. 6, issue 4, p. 345 s.; P. WECKEL, La C.P.I. –
Présentation générale, cit., p. 988, 990; D.J. SCHEFFER, The U.S. and the I.C.C., in A.J.I.L., 1999,
january, vol. 93, p. 19; M.H. ARSANJANI, The Rome Statute of the I.C.C., cit., p. 24, 27; R.B. PHILIPS,
The I.C.C. Statute: Jurisdiction and Admissibility, in Crim L.F., 1999, vol. 10, n. 1, p. 61 s.; C.L.
BLAKESLEY, Jurisdiction, Definition of Crimes and Triggering Mechanism, in Denver J.I.L.P., 1997,
vol. 25, n. 2, p. 233 s.
205 L’article 17 § 2 du Statut de la C.P.I. dispose que, pour évaluer la capacité de l’État de mener à bien
les poursuites, la Cour considère “l’une des circonstances suivantes: a) La procédure a été ou est engagée

67
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

La procédure est divisée en cinq phases.


La phase préliminaire (articles 53-61) doit permettre d’évaluer la possibilité de
soutenir l’incrimination. Pendant ce temps, le ministère public vérifie le bien fondé de
l’incrimination et recueille les indices nécessaires pour l’acte d’accusation. Au terme de
cette phase, pendant l’audience préliminaire, de confirmation des charges, la Chambre
préliminaire évalue l’acte d’accusation et décide sur l’éventuel passage aux débats. La
procédure à suivre pendant la phase des enquêtes est détaillée au chapitre 5, règles 104-
130, du Règlement de procédure et de preuve.
La phase des débats (articles 62-80) doit permettre, dans le contradictoire des parties,
basé essentiellement sur l'audition des témoins, de former la preuve afin de juger le
sujet présumé auteur de l’infraction. Cette phase se termine par un arrêt d’acquittement
ou de condamnation. La procédure à suivre pendant la phase des débats est détaillée au
chapitre 6, règles 131-144, du Règlement de procédure et de preuve.
La phase de l’appel (articles 81-85) permet une évaluation d’éventuelles erreurs de
fait ou de droit et peut se terminer par la confirmation ou la réforme de l’arrêt de
première instance.
L’émergence de nouvelles preuves après le prononcée du verdict final peut amener à
la phase de révision (article 84), ultime instance de jugement. La procédure à suivre
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pendant la phase de l’appel et celle de la révision est précisée au chapitre 8, règles 149-
161, du Règlement de procédure et de preuve.
En cas de condamnation, la phase de l’exécution de la peine (article 103-111) aura
lieu dans un des États parties au Statut, selon les lois de l’exécution dudit État.206 La
procédure d’exécution est précisée au chapitre 12, règles 198-225, du Règlement de
procédure et de preuve.
Une partie considérable du Statut est consacrée à la coopération des États dans la
procédure (articles 86-102). Le Règlement de procédure et de preuve détaille ces
dispositions au chapitre 11, règles 176-197. Les normes principales en matière de
collaboration concernent la transmission des preuves et la remise du sujet coupable à la
justice. Il s’agit de deux points critiques de la C.P.I., ainsi que de toute juridiction
pénale internationale. Du point de vue de la collecte des preuves, il est évident que la
collaboration des États est importante, étant donné que la C.P.I. ne siège pas forcément
dans les pays où les crimes sont commis, donc elle est distante des éléments de
preuve.207 Quant à la remise des sujets, notamment du sujet accusé, il faut dire qu’elle
est indispensable, car, selon l’article 63 § 1, le procès par contumace n’est pas possible.
Ainsi la collaboration des États au bon déroulement de la procédure devient
indispensable. Aux termes de l’article 88, les États parties collaborent selon les
procédures internes, conformes aux dispositions du Statut de la C.P.I., disposant, donc,
d’une certaine marge de liberté dans l’exécution des requêtes. Plus spécifiquement, du
côté de la remise des sujets, l’article 90 dispose que les demandes de remise de la C.P.I.

ou la décision de l’État a été prise dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité
pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour visés à l’article 5; b) La procédure a subis un
retard injustifié qui, dans les circonstances, est incompatible avec l’intention de traduire en justice la
personne concernée; c) La procédure n’a pas été ou n’est pas menée de manière indépendante ou
impartiale mais d’une manière qui, dans les circonstances, est incompatible avec l’intention de traduire en
justice la personne concernée”.
206 Pour un commentaire de l’exécution dans le Statut de la C.P.I. voir M.H. ARSANJANI, The Rome
Statute of the I.C.C., cit., p. 41.
207 Sur la remise des preuves à la C.P.I., notamment des renseignements touchant à la sécurité nationale,
voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 165-167.

68
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

prévalent sur les demandes d’extradition des autres États, sauf au cas où l’État serait lié
par une obligation internationale d’extrader envers un État non partie.208
Tandis que, malgré quelques marges de liberté, les États parties sont tenus à une
coopération effective avec la Cour, les États non parties ne sont pas tenus de remettre ni
les éléments de preuve ni les sujets et il peuvent, donc, entraver gravement la
procédure. Si, par exemple, l’accusé est ressortissant d’un État partie, ou si le crime a
été commis sur le territoire d’un État partie, malgré les principes de compétence établis
à l’article 12, la C.P.I. ne pourrait pas procéder au cas où l’accusé se trouverait sur le
territoire d’un État non partie qui refuserait de remettre l’individu. Cette dépendance en
matière de collaboration, ajoutée à la complémentarité de la juridiction, rend la C.P.I.
largement tributaire des ordres étatiques et démontre que la justice internationale pénale
non seulement se développe à partir de la justice pénale internationale, mais elle y est
strictement liée car les États sont très réticents à céder leur souveraineté.209
En principe, le schéma du procès est accusatoire, du type anglo-saxon, car il prévoit
l’essentielle égalité du Ministère public et de la défense et la formation de la preuve via
le débat contradictoire des parties. Toutefois, certains caractéristiques découlent du
model inquisitoire, d’inspiration romano-germanique, notamment le Ministère public
n’est pas conçu seulement comme une partie du procès, mais aussi comme organe de
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justice agrégé, chargé de rechercher la vérité, favorable ou défavorable à l’accusé


(article 54 § 1 du Statut de la C.P.I.), en outre la Chambre préliminaire a des pouvoirs
de contrôle sur l’activité du Procureur (article 15 § 3, 18 § 2, 18 § 6, 19 § 6 du Statut de
la C.P.I.), les victimes peuvent jouer un rôle actif dans le déroulement du procès
(articles 15 § 3, 19 § 3, 68 § 3, 75 § 1 et 3 du Statut de la C.P.I.), les juges sont dotés de
pouvoirs probatoires dans la phase des débats (article 64 § 5 d) du Statut de la C.P.I.),
l’accusé a le droit de faire une déclaration à sa défense lors de l’examen des charges
portées contre lui (article 67 § 1 h) du Statut de la C.P.I.).210

208 Dans un ordre d’idées critique sur cette disposition voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some
Preliminary Reflections, cit., p. 160, 166.
209 Selon P. WECKEL, La C.P.I. – Présentation générale, cit., p. 987, le fonctionnement de la C.P.I.
dépend largement de la bonne volonté des États. Sur le problème de la relation entre la C.P.I. et les États
voir A. BUCHET, Le transfert devant les juridictions internationales, in E. ASCENSIO, E. DECAUX,
A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 969 s.; M. UBEDA, L’obligation de coopérer avec les
juridictions internationale, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit.,
p. 951 s.; M.H. ARSANJANI, The Rome Statute of the I.C.C., cit., p. 40 s.; J. DAUCHY, Travaux de la
Commission juridique de l’assemblée générale (cinquante troisième et cinquante-quatrième session), in
A.F.D.I., 1999, XLV, p. 704. On remarquera que les T.P.I. ad hoc sont moins dépendants des États que la
C.P.I., car ils peuvent imposer leurs décisions en vertu des pouvoirs reçus du C.d.S. aux termes du
chapitre VII des la Charte des N.U. (voir S.D. MURPHY, Progress and Jurisprudence of the I.C.T.Y.,
cit., p. 64 s.; A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 164-165; S
SUR, Le droit international pénal entre l’État et la société internationale, in Actualité et droit
international, octobre 2001, ‹http://www.ridi.org/adi›).
210 Sur la procédure de la C.P.I. voir, en doctrine, H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit
international pénal, cit., p. 735 s.; T.L.H. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International
Criminal Law Regime?, cit., p. 202-203; H.J. BEHRENS, Investigation, Trial and Appeal in the I.C.C.
Statute, in European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice, 1998, vol. 6, n. 4, p. 429 s.;
C. KRESS, Penalties, Enforcement and Cooperation under the I.C.C. Statute, in European Journal of
Crime, Criminal Law and Criminal Justice, 1998, vol. 6, issue 4, p. 442 s.; M.N. SHAW, The I.C.C. –
Some Procedural and Evidential Issues, in Journal of Armed Conflict Law, 1998, june, vol. 3, n. 1, p. 65
s.; M.H. ARSANJANI, The Rome Statute of the I.C.C., cit., p. 38-40. Sur l’adoption du modèle
accusatoire par les juridictions internationales pénales voir A.-M. LA ROSA, Juridictions pénales
internationales, La procédure et la preuve, cit., p. 30 s. Sur les éléments accusatoires et inquisitoire du
procès devant la C.P.I. voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p.
168-169. Pour une comparaison des différents modèles procéduraux dans le monde voir J. PRADEL,
Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 367 s.; J. VERIN, La philosophie de la justice criminelle et

69
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

§ 1.11. Considérations d’ordre subjectif sur le Statut de la Cour pénale


internationale dans le cadre de la responsabilité internationale pénale.
Une fois défini le cadre général actuel de la responsabilité pénale des personnes
physiques, tel qu’il est synthétisé par le Statut de la C.P.I., il faut remarquer certains
caractères du crime international individuel, qui nous intéressent dans le cadre du
système général de la responsabilité pénale en droit international. On s’occupera, dans
cette optique, notamment, de certains aspects subjectifs du fait typique.
Dans la théorie générale du crime simple, réduite, du Statut, une partie considérable
est consacrée aux qualités de l’auteur du crime et au concours subjectif.
Le Statut prévoit que le sujet actif de la violation peut-être responsabilisé par soi-
même, sans que d’éventuelles immunités ou des qualifications officielles puissent
relever pour l'imputation (article 27 § 1).211 Il n’est pas nécessaire, donc, pour
l’existence du crime, que le sujet actif agisse en qualité de fonctionnaire, au nom d’une
organisation, même si cela est possible. D’ailleurs, le texte de l’article 27 § 2, prévoit,
significativement, que la qualité officielle du sujet actif n’exclut pas la juridiction de la
Cour. Cette disposition laisse, donc, la porte ouverte à l’établissement d’un lien entre la
responsabilité individuelle et collective. Notamment, le Statut cite le cas du chef d’État
ou du gouvernement, du membre du gouvernement ou du parlement et d’autres
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représentants électifs ou officiers gouvernementaux. La liste, exemplaire et non


exhaustive, inclut essentiellement les hauts fonctionnaires et fait penser, naturellement,
à la responsabilité des États, en ayant regard à la structure de l’administration publique
et de ses principaux représentants. Même si le choix du Statut, en principe, est de ne pas
s’intéresser au problème de la responsabilité des États (article 25 § 4), ou, plus
généralement, des personnes morales, cela ne signifie pas que des liens ne doivent pas
subsister. C’est une des taches de la doctrine, en l’absence de dispositions juridiques
expresses, de chercher à découvrir des liens possibles.
Le concours de personnes est prévu à l’article 25 § 3 a) et b) et spécifié, dans la
forme de l’aide, à la lettre c) du même paragraphe. En outre une forme particulière de
concours se réalise lorsqu’un sujet ordonne, sollicite ou induit la commission du crime
selon la disposition du paragraphe 3) lettre c) du même article.212 Notamment, en ce qui

l’administration de la justice criminelle, in R.I.D.P., 1982, 3/4 trim., p. 823 s.; A.I.D.P., La phase
préliminaire du procès pénal en droit comparé, Actes du séminaire international organisé par l’I.S.I.S.C.
de Syracuse, Noto (Italie), 26 septembre-1er octobre 1982, in R.I.D.P., 1985, 1/2, p. 9 s.; A.I.D.P., La
phase décisoire du procès pénal en droit comparé, Actes du séminaire de l’I.S.I.S.C. de Syracuse, in
R.I.D.P., 1986, 3/4, p. 301 s.; A.I.D.P., La phase exécutoire du procès pénal en droit pénal comparé,
Séminaire international de l’I.S.I.S.C., Syracuse, (Italie), 28 septembre-2 octobre 1988, in R.I.D.P., 1990,
3/4 trim., p. 371-394; A.I.D.P., La preuve en procédure pénale comparée, Actes du séminaire
international organisé par l’I.S.I.S.C., Syracuse (Italie), 20-25 janvier 1992, in R.I.D.P., 1992, 1/2 trim., p
1-390; A.I.D.P., Inquisitoire-accusatoire: un écroulement des dogmes en procédure pénale?, Colloque
international d’Aix-en-Provence (France), 9-10 juin 1997, in R.I.D.P., 1997, 1/2 trim., p. 11 s.
211 L’article 27 prévoit que: “1. Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune
distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État ou de
gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un
État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne
constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine. 2. Les immunités ou règles de procédure
spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit
international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne”. Sur cette
question voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité
en mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 47, § 33. En doctrine voir D. AKANDE, International
Law Immunities and the International Criminal Court, in A.J.I.L., 2004, july, vol. 98, n. 3, p. 407.
212 Selon l’article 25 § 3 du Statut de la C.P.I.: “Aux termes du présent Statut, une personne est
pénalement responsable et peut être punie pour un crime relevant de la compétence de la Cour si: a) Elle

70
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

concerne le génocide, le Statut prévoit, à l’article 25 § 3 e), la responsabilité du


supérieur pour l’incitation publique et directe à la commission du crime. Cette dernière
forme de responsabilité concourante, plus qu’une disposition de la partie générale, doit
être considérée comme une norme de la partie spéciale, et aurait dû, plus correctement,
trouver sa place dans le cadre de l’article 6, relatif au crime de génocide.213
Toujours du point de vue du concours subjectif, la responsabilité d’un sujet qui revêt
la qualité de supérieur, qu’il soit ou non un militaire, est engagée, pour absence de
prévention et de contrôle, aux termes de l’article 28 § 1 a) et b) du Statut.214 Cette
disposition introduit la pluralité subjective active selon la forme de la participation par
omission à la commission de l'infraction, ce qui est nécessaire pour les catégories des
crimes prévues dans la partie spéciale, notamment pour les crimes contre l'humanité,
qui n’existent que dans la forme du concours. L’introduction du concept de dépendance
hiérarchique et de responsabilité pour absence de contrôle permet de responsabiliser un
sujet qui, éventuellement, n'a pas participé activement à la commission du crime. En
l’absence de la conscience de l’illicéité, un sujet peut être responsabilisé selon les
principes de la faute.215 Nous y voyons, tout d’abord, une confirmation de la volonté
d’accepter le concept de faute dans le cadre de la responsabilité internationale pénale,
selon l’interprétation mentionnée ci-dessus de l’article 34.216 En outre on constatera
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commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec une autre personne ou par
l’intermédiaire d’une autre personne, que cette autre personne soit ou non pénalement responsable; b)
Elle ordonne, sollicite ou encourage la commission d’un tel crime, dès lors qu’il y a commission ou
tentative de commission de ce crime; c) En vue de faciliter la commission d’un tel crime, elle apporte son
aide, son concours ou toute autre forme d’assistance à la commission ou à la tentative de commission de
ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission”.
213 Selon l’article 25 § 3 d) du Statut de la C.P.I. une personne est responsable lorsque: “S’agissant du
crime de génocide, elle incite directement et publiquement autrui à le commettre”.
214 Aux termes de l’article 28 du Statut de la C.P.I.: “Outre les autres motifs de responsabilité pénale au
regard du présent Statut pour des crimes relevant de la compétence de la Cour: a) Un chef militaire ou
une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes
relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son commandement et son
contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu’il ou elle n’a pas
exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans le cas où: 1) Ce chef militaire savait, ou, en raison
des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes; et 2)
Ce chef militaire ou cette personne n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient
en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes
aux fins d’enquête et des poursuites; b) En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et
subordonnés non décrites au paragraphe a), le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des
crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son
contrôle effectifs, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dans le
cas où: 1) Le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces
crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement; 2) Ces
crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs; et 3) Le
supérieur hiérarchique n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son
pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux
fins d’enquête et de poursuites”.
215 Sur la responsabilité du supérieur hiérarchique pour absence de prévention et contrôle, avec constante
référence à la jurisprudence, voir B.B. JIA, The Doctrine of Command Responsibility in International
Law with Emphasis on Liability for Failure to Punish, in N.I.L.R., 1998, XLV, p. 325 s.; I. BANTEKAS
The Contemporary Law of Superior Responsibility, in A.J.I.L., 1999, july, vol. 93, n. 2, p. 573.
216 Voir les considérations que nous avons fait supra. Une analyse parallèle du Statut du T.P.I.Y. peut
confirmer notre interprétation, car l’article 7 § 3 du Statut du T.P.I.Y., relatif à la responsabilité des
supérieurs hiérarchiques, considère non seulement le cas où le supérieur “savait”, mais aussi le cas où il
“avait des raisons de savoir”. Dans la jurisprudence du T.P.I.Y. voir T.P.I.Y., Ch. II-quater 1ère inst.,
Delacic, Mucic, Landzo (Affaire de “Celebici”), jugement du 16 novembre 1998, IT-96-21, § 379 s.
Conformément, en jurisprudence, voir Tribunal militaire des États-Unis à Nuremberg, List et autres, 19

71
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

l’introduction de la participation pour faute à l’action dolosive. Il s’agit d’un concept


pénalement novateur, puisque, normalement, la doctrine exclut cette forme
d’imputation dans la figure du concours des personnes.217 Cette évolution systématique,
d’ailleurs, constitue une indication importante sur la voie de la responsabilisation
collective, puisqu’elle permet d’élargir énormément l’imputation des sujets appartenant
aux structures hiérarchiques des organisations collectives.
L’article 25 § 3 d) du Statut prévoit le concours subjectif dans la forme de la
criminalité de groupe.218 Cette disposition est très importante, puisqu’elle introduit le
concept de criminalité organisée dans le système de droit international pénal: elle
permet de responsabiliser les organisations criminelles du point de vue pénal. Afin que
cette forme de responsabilité subsiste, il faut qu’il existe l’égalité des propos criminels
dans la commission du crime, que le sujet actif connaisse l’intention criminelle du
groupe et qu’il agisse pour en promouvoir l’activité criminelle. Il s’agit, toutefois, de
requis assez nébuleux: il aurait fallu, probablement, plus de rigueur dans la définition
normative. La disposition est probablement inspirée par le soucis d’élargir le concept de
groupe criminel selon les paramètres énoncés à l’article 6 du Statut du Tribunal de
Nuremberg, aux termes duquel on pourrait incriminer un individu pour la simple
adhérence à une organisation de type criminel. Le critère en question, requérant la seule
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conscience de l’activité illicite des adhérents à l’organisation pour l’imputation pénale,


abstraction faite de toute activité, permet d’élargir énormément le lien causal entre le
comportement et la violation et constitue un forme “souple” de concours de sujets dans
l’infraction.219
Ces réflexions sur le côté subjectif de la responsabilité pénale dans le cadre de Statut
de la C.P.I., montrent que la responsabilité prévue par le Statut est, essentiellement, de
type individuel. L’imputation de l’action à plusieurs sujets peut se faire seulement par le
biais de la participation des personnes au crime. Ainsi, le Statut permet l’incrimination
des organisations criminelles, jusqu’à la limite de la responsabilité par adhésion.220 Par
contre le Statut ne retient pas la responsabilité des personnes morales et, plus
spécifiquement, des États: il s’agit d’une approche qui a été adoptée dès le départ des

février 1948, in I.L.R., 1948, vol. 15, case n. 215, p. 652 s.; Cour Suprême des États-Unis, Yamashita, 4
février 1946, in I.L.R., 1946, vol. 13, case n. 115, p. 269 s. En doctrine, dans un ordre d’idées favorable à
la séparation de l’élément matériel et intentionnel pour les supérieurs hiérarchiques et les gouvernants
voir O. S. LIVERANT, Les exécutants, cit., p. 213.
217 Voir G. FIANDACA, E. MUSCO, Corso di diritto penale, Bologna, Zanichelli, 1995, p. 375 s.; M.
GALLO, Lineamenti di una teoria sul concorso di persone nel reato, Milano, Giuffré, 1957, p. 112.
218 Aux termes l’article 25 § 3 d) une personne est pénalement responsable si: “Elle contribue de toute
autre manière à la commission ou à la tentative de commission d’un tel crime par un groupe de personnes
agissant de concert. Cette contribution doit être intentionnelle et, selon le cas: 1) Viser à faciliter l’activité
criminelle ou le dessein criminel du groupe, si cette activité ou ce dessein comporte l’exécution d’un tel
crime relevant de la compétence de la Cour; ou 2) Être faite en pleine connaissance de l’intention du
groupe de commettre ce crime”.
219 Voir Y. JUROVICS, L. HUSSON, Le crime contre l’humanité, cit., p. 56-38, § 144-154, Sur le
problème de la complicité en droit pénal voir F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal général,
9ème éd., Paris, Economica, 2002, p. 494 s.; J.-H. ROBERT, Imputation et complicité, in J.C.P., 1975, I,
p. 2720; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, 5ème éd., Paris, P.U.F., 2001, p. 338 s.
220 D’après Y. JUROVICS, L. HUSSON, Le crime contre l’humanité, cit., p. 38, § 154, la responsabilité
retenue “sur le fondement de l’adhésion, puis de l’entente, ne saurait être analysée comme une
responsabilité de type collectif, c’est-à-dire du seul fait d’autrui. Cette répression n’enfreint notamment
pas le principe d’individualité de la responsabilité car, dans le crime spécifique, tous les membres du
groupe ont individuellement commis un acte répréhensible […] leur responsabilité demeure fondée sur
une faute personnelle, leur soutien au groupement”. Sur ce problème voir, aussi, S. BOUIFFROR, C.
DERYCKE, Les organisations criminelles, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit
international pénal, cit., p. 174 et 179.

72
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

travaux d’élaboration du Statut de la C.P.I.221 Cependant, au sein du Comité


préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., on avait envisagé la possibilité que la
Cour fusse compétente pour juger les personnes morales. La proposition n. 2
(Personnes physiques et morales) de l’article B (Responsabilité spéciale individuelle) de
la troisième partie-bis (Principes généraux du droit international) des Propositions du
Comité de 1996, prévoyait que: “1. La Cour est compétente pour connaître la
responsabilité pénale: a) Des personnes physiques; b) Des personnes morales, à
l’exclusion des États, lorsque les crimes commis l’ont été par leur compte, par leurs
organes ou leurs représentants. 2. La responsabilité pénale des personnes morales
n’exclue pas celle des personne physiques auteurs ou complices des mêmes crimes. 3.
Ces dispositions sont sans préjudice de la responsabilité des États au regard du droit
international”.222 Le texte de cet article était repris par l’article 23 § 4-6 (Responsabilité
pénale individuelle) du Projet de Statut élaboré par le Comité préparatoire d’une C.C.I.
en 1998.223 En tout cas, dans le cadre de la responsabilité pour la simple adhésion aux
organisations criminelles, le lien entre l’individu et le crime peut devenir si tenu qu’il
semble exister un glissement vers la responsabilité collective.224

§ 1.12. Analyse des figures subjectives individuelles: liens possibles entre la


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responsabilité individuelle et la responsabilité des personnes morales.


Quoique le droit international pénal individuel, tel que codifié dans le Statut de la
C.P.I., ne traite pas, explicitement, de la responsabilité des personnes morales, il faut
appréhender si, en partant de la responsabilité individuelle, il est possible de trouver des
ouvertures pour responsabiliser les personnes morales en plus des individus. D’ailleurs,
avant de traiter du problème de la responsabilité des personnes morales, il faut encadrer
la question de la responsabilité des individus, en respectant le principe de l’indivisibilité
de la responsabilité pénale individuelle. Un aperçu des questions essentielles en matière
de responsabilité individuelle est la prémisse logique indispensable pour pouvoir
aborder la question de la responsabilité collective.
Dans cette analyse nous prenons en considérations les figures principales de sujets
actifs. Tout d’abord on considère la position du sujet qui agit en tant que personne
privée, en dehors de toute qualité officielle.225 Ensuite on traite des sujets qui revêtent
des qualités officielles, comme prévu aux articles 27 et 28 du Statut de Rome. La
qualité officielle de l’auteur de l’infraction est essentielle pour établir un lien avec la

221 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p. 38,
§ 58.
222 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. II (Compilation des
propositions), 1996, doc. A/51/22/A, cit., p. 83 (Troisième partie bis – Principes généraux du droit
international pénal), article B (Responsabilité pénale individuelle – Proposition n. 2 (Personnes physiques
et morales).
223 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte
final), doc. A/Conf.183/2/Add.1, 1998, cit., p. 49-50 (article 23 – Responsabilité pénale individuelle).
224 D’après Y. JUROVICS, L. HUSSON, Le crime contre l’humanité, cit., p. 38, § 154, en raison de
l’application du principe de la responsabilité par adhésion “la question de la responsabilité collective
resurgit […] un large public soutient généralement les politiques criminelles […] si des actes
apparemment licites, tels que le vote, l’absence d’opposition ou toute autre action citoyenne ou encore
certains comportements, attentisme, soutien verbal aux criminels, etc., pourtant légitimes, facilitaient la
politique criminelle, leur répression passerait par la mise en cause des populations entières […] le lien
entre le comportement moral et le crime n’est donc pas extensible à l’infini sur le plan moral […] il
subsiste, donc, en demi-teinte, entre culpabilité morale et innocence juridique, une responsabilité qui
n’est pas punie par les juridictions”.
225 Sur le problème de la responsabilité des individus agissant en tant que personnes privées voir A.
NIANG, Les individus en tant que personnes privées, cit., p. 225 s.

73
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

structure à laquelle il appartient. En effet, selon le principe de l’imputation organique,


fondamental aux fins de l’imputation en droit international, l’action de l’individu
agissant en tant qu’organe officiel est l’action de la personne même à laquelle il
appartient.226 On remonte la chaîne des responsabilités de la base jusqu’au sommet de la
hiérarchie des organisations publiques et privées. L’analyse s’inspire non seulement du
Statut de la C.P.I., mais aussi d’autres textes du droit international pénal individuel
susceptibles d’éclairer les principales questions, notamment du Statut et de la
jurisprudence du T.M.I. de Nuremberg, du T.P.I.Y. et du T.P.I.R. Finalement, on
exploite, de façon auxiliaire, la jurisprudence des tribunaux pénaux internes, notamment
celle des tribunaux des autorités d’occupation alliées autorisés, par la Loi du Conseil de
contrôle allié n. 10 pour la punition des personnes coupables de crimes de guerre,
crimes contre la paix et crimes contre l’humanité, du 20 décembre 1945 (article III), à
juger les crimes contre la paix, contre l’humanité et les crimes de guerre (article II)
commis dans les zones d’occupation respectives.227
Le but n’est pas de fournir un cadre complet, ni du point de vue historique, ni
juridique, de la responsabilité des sujets qui agissent en tant que personne privés ou en
qualité d’organes. On s’intéresse, tout court, à la définition d’un cadre synthétique et à
la détermination de possibles ouvertures pour passer du plan de la responsabilité
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individuelle au plan de la responsabilité collective. Nous étudions, donc, les textes


normatifs et les notions historiques, sans prétention d'exhaustivité, en fonction de cet
objectif.

§ 1.13. La responsabilité des individus en tant que personnes privées.


Par “individu en tant que personne privée” nous entendons tout sujet individuel,
simple particulier, agissant en dehors d’une qualification officielle, sans aucun lien avec
des institutions, qu’elles soient d’ordre publique ou privé.228
La responsabilisation pénale de l’individu, en tant que tel, répond au critère de
l’indivisibilité et de la personnalité de la responsabilité: le droit pénal s’occupe de
responsabiliser, avant tout, les individus en tant que tels, leur éventuelle qualification
subjective n'étant qu’un aspect particulier du sujet actif, qui peut influencer le cadre
systématique de l’infraction, mais qui n’est pas indispensable pour son existence.
Le Statut de la C.P.I. affirme clairement le principe de la responsabilité de l’individu
en tant que personne privée à l’article 25 § 1 et 2 selon lequel la Cour est compétente à
l’égard des personnes physiques et quiconque commet un crime est individuellement
responsable et passible de jugement et de sanction. Le même principe se retrouve aux
articles 6 et 7 du Statut du T.P.I.Y.229 Ce critère est affirmé, aussi, aux articles 5 et 6 § 1

226 Sur la responsabilité de l’individu agissant en tant que personne privée ou bien en tant qu’agent public
voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public., 6ème éd., cit., p. 671-688.
227 Voir la Loi n. 10 du Conseil de contrôle allié pou la punition des personnes coupables de crimes de
guerre, crimes contre la paix et crimes contre l’humanité, du 20 décembre 1945, originairement publiée in
Official Gazette, Control Council for Germany, n. 3, Berlin, 31 janvier 1946, p. 50-55, dans le site
électronique ‹http://www1.umn.edu/humanrts/instree/Sccno10.htm›.
228 Voir C. Th. EUSTATHIADÈS, Les sujets du droit international et la responsabilité internationale –
Novelles tendances, cit., p. 464, 468 et 472.
229 Selon une partie de la doctrine, par contre, en suivant la disposition de l’article 1er du Statut du
T.P.I.Y., qui vise le jugement “des personnes présumées responsables de violations graves du droit
international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie”, il faudrait estimer que la
compétence du Tribunal regarderait exclusivement les sujets-organes, non pas les sujets en tant que
personnes privées: d’après cette interprétation le terme “responsables”, au sens strict, se réfère
exclusivement aux sujets qui occupent une position officielle (voir A. NIANG, Les individus en tant que
personnes privées, cit., p. 235).

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LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

du Statut du T.P.I.R.230 De son côté, l’article 6 § 1 du Statut du Tribunal de Nuremberg,


prévoit que le Tribunal est compétent pour juger les crimes commis par toute personne,
agissant au nom de l’Axe, individuellement ou en tant que membre de l’organisation.
En ce qui concerne la jurisprudence, ni le T.P.I.Y., ni le T.P.I.R. n’ont jugé des
individus en tant que personnes privées. Les T.M.I. de Nuremberg et de Tokyo se sont
limités à juger des sujets agissant au nom d’une organisation.231 Cette tendance,
apparemment en désaccord avec les dispositions normatives, peut-être expliquée par
des raisons pratiques, car il serait difficile, pour les tribunaux internationaux, dans des
cas de crimes où un nombre considérable de sujets figure parmi les soupçonnés, de
juger tous les acteurs, par conséquent ils se limitent à considérer les plus hauts
responsables, qui revêtent des qualités officielles, en laissant aux tribunaux nationaux la
tâche de juger les individus qui agissent comme simples privés. Il faut, donc, considérer
les juridictions internationales et les juridictions nationales complémentaires, comme il
est expressément énoncé à l’article 17 du Statut de la C.P.I.232
Les seuls Tribunaux militaires créés par la Loi du Comité de contrôle alliée n. 10, du
20 décembre 1945, ont jugé des individus, criminels “mineurs”, en tant que tels. Parmi
les cas les plus significatifs on rappellera le procès Krupp, où plusieurs personnes
privées étaient accusées de crimes contre la paix et contre l’humanité devant le Tribunal
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militaire des États-Unis à Nuremberg, le procès Heyer, où des personnes privées ont été
reconnues coupables pour crimes de guerre devant la Cour militaire britannique à Essen
et, finalement, le procès Flick, où il était question de juger des personnes privées pour
crimes contre l’humanité et crimes de guerre, devant le Tribunal militaire des États-
Unis à Nuremberg.233
En tout cas, la responsabilité du sujet agissant comme simple personne privée, en
dehors de tout lien avec une institution, publique ou privée, n’implique pas celle de
l’État ni d’aucune personne morale, car elle ne permet pas l’attribution de la conduite à
une organisation par le biais du principe de l’imputation organique.234

230 Une partie de la doctrine parvient aux mêmes conclusions, mais en partant de l’analyse de l’article 1er
du Statut du T.P.I.R., qui prévoit que le tribunal “est habilité à juger les personnes présumées
responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda
et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur les territoires des États
voisins”: ne se référant pas exclusivement aux responsables, mais aussi aux citoyens, l’article permettrait
l’incrimination des sujets agissant comme simples personnes privées (voir A. NIANG, Les individus en
tant que personnes privées, cit., p. 235).
231 Sur ce problème voir H. DONNEDIEU DE VABRES, Le procès de Nuremberg devant les principes
modernes du droit pénal international, cit., p. 481 s.; M. MERLE, Le procès de Nuremberg et le
châtiment des criminels de guerre, Paris, Pedone, 1949.
232 Sur la question de la relation entre les tribunaux internationaux et les tribunaux nationaux par rapport
au principe du ne bis in idem, notamment en ce qui concerne l’expérience du T.P.I.Y., voir A.-M. LA
ROSA, Réflexions sur l’apport du T.P.I.Y. au droit à un procès équitable, in R.G.D.I.P., 1997, t. 101, n.
4, p. 970 s.; M. CASTILLO, La compétence du T.P.I.Y., cit., p. 80.
233 Voir, respectivement, Tribunal militaire des États-Unis, Nuremberg (Allemagne), Alfreid Felix Alwyn
Krupp von Bohlen und Halbach et onze autres (The Krupp Trial), 10 juin 1948, in I.L.R., 1948, vol. 15,
case n. 214, p. 668; Cour militaire britannique, Essen (Allemagne), Erich Heyer et six autres (Essen
Lynching Case), 22 décembre 1945, in I.L.R., 1946, vol. 13, case n. 119, p. 287; Tribunal militaire des
États-Unis, Nuremberg (Allemagne), Friederick Flick et cinq autres (The Flick Trial), 22 décembre 1947
in I.L.R., 1947, vol. 14, case n. 122, p. 266 s.
234 Voir R. Ago, Troisième rapport sur la responsabilité des États – Le fait internationalement illicite de
l’État, source de la responsabilité internationale, in Ann. C.D.I., 1971, vol. II, 1ère partie, doc.
A/CN.4/246, p. 254, § 129; R. AGO, Le délit international, in Scritti sulla responsabilità internazionale
degli Stati, Napoli, Jovene, 1978, p. 198; H. KELSEN, Unrecht und Unrechtsfolge im Völkerrecht, in
Zeit. öff. Recht., 1932, p. 513; M.R. GARCÍA MORA, International Responsibility for Hostile Acts of
Private Persons against Foreign States, The Hague, M. Nijhoff, 1962; QUÉNEUDEC, La responsabilité

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LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

§ 1.14. La responsabilité des exécutants.


L’exécutant est un individu qui agit en obéissant à l’ordre d’un supérieur
hiérarchique.235 La position de l’exécutant s’inscrit dans le cadre de la relation entre
supérieur et inférieur hiérarchique, où l’exécutant occupe une position de sujétion.236
Cette relation peut s’inscrire dans la hiérarchie militaire autant que dans celle civile
(comme le précise l’article 33 du Statut de la C.P.I.), qu’elle soit d’ordre public ou
privé.
On s’intéressera au cas où l’exécutant commet un acte illégitime selon les normes du
droit international pénal.
La question majeure, traitée par la doctrine, regarde la possibilité d’incriminer le
sujet qui agit en conformité avec un ordre contraignant.
Le débat doctrinal est long et riche.237 On se limitera à le résumer rapidement pour,
ensuite, remonter l’échelle des responsabilités jusqu’aux plus hauts supérieurs
hiérarchiques, dans le dessein de voir si cela peut ouvrir la voie à la responsabilisation
des personnes morales. Un examen préalable de la responsabilité de l’exécutant est
nécessaire, puisqu’il y a un lien de causalité entre l’ordre du supérieur et l’action de
l’exécutant.
Le Statut de la C.P.I. prévoit (article 33 § 1) que l’exécutant est responsable au cas
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où il ne connaîtrait pas l’illégalité de l’action, donc de l’ordre qui la déclenche, et


l’illégalité ne serait pas manifeste.238 L’imputation passe, donc, par la connaissance ou
la méconnaissance fautive de la règle juridique qui, comme le rappelle le renvoi de
l’article 32 à l’article 33, est un élément déterminant pour l’imputation de
l’exécutant.239 La conscience, ou la possibilité de connaître, concerne l’élément légal en
plus des éléments matériels. Les crimes de génocide et les crimes contre l’humanité
sont considérés, toujours, manifestement illégaux (article 33 § 2), par conséquent la
méconnaissance de l’illégalité de l’ordre pourra être invoquée comme cause de
justification seulement pour les crimes de guerre.240

de l’État pour les fautes personnelles de ses agents, Paris, L.G.D.J., 1966; B. CONFORTI, Diritto
internazionale, 6a ed., Napoli. Ed. Scientifica, 2002, p. 356-357. Sur la difficulté de juger les personnes
privées, notamment les chefs des entreprises multinationale, ayant une influence déterminante sur la
politique étatique, par rapport au crime d’agression, voir M. SCHUSTER, The Rome Statute and the
Crime of Aggression: a Gordian Knot in Search of a Sword, cit., p. 21.
235 Voir O. S. LIWERANT, Les exécutants, cit., p. 211.
236 Selon la jurisprudence la relation hiérarchique implique le contrôle effectif du supérieur sur l’inférieur
(voir T.P.Y.I., Ch. I-quater 1ère inst., Delacic, Mucic, Delic, Landzo (Affaire “de Celebici”), jugement du
16 novembre 1998, IT-96-21-T, § 354).
237 Pour un aperçu des différentes tendances doctrinales en la matière voir S. GLASER, L’ordre
hiérarchique en droit pénal international, in R.D.P.C., janvier, n. 4, 1952-1953, p. 283 s.; P. GAETA,
The Defence of Superior Orders: the Statute of the I.C.C., in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 1, p. 172 s.
238 L’ordre doit être considéré illégal lorsqu’il est contraire au droit international (voir O.S. LIWERANT,
Les exécutants, cit., p. 215).
239 À cet égard voir les considérations que nous avons faites supra. Une partie de la doctrine pense que
l’erreur sur l’ordre reçu, excusable parce qu’insurmontable et raisonnable, donc non fautif, justifierait une
réduction de la peine mais non l’exclusion de la responsabilité (voir O.S. LIWERANT, Les exécutants,
cit. p. 224). Selon la doctrine majoritaire, en revanche et plus plausiblement, cette interprétation est
inadmissible, puisqu’elle permet l’attribution de la responsabilité en l’absence de toute culpabilité (voir
S. GLASER, L’ordre hiérarchique en droit pénal international, cit., p. 283 s.; M. CASTILLO, La
compétence du T.P.I.Y., cit., p. 82).
240 Pour des considérations critiques sur la discipline de l’erreur sur l’ordre reçu en tant que cause
d’exclusion de la responsabilité, contrairement au droit international pénal traditionnel, qui considère
l’erreur sur l’ordre reçu comme une cause de réduction de la peine, voir A. CASSESE, The Statute of the
I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 156; P. GAETA, The Defence of Superior Orders, cit., p.
172 s.

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LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

Les Statuts du Tribunal de Nuremberg, du T.P.I.Y. et du T.P.I.R. ne contiennent


aucune disposition expresse regardant la connaissance de l’illégalité de l’ordre du
supérieur. L’article 8 du Statut du Tribunal de Nuremberg prévoit la seule possibilité de
la réduction de la peine pour l’exécutant en cas d’illégalité de l’ordre reçu, tout comme
l’article 7 § 4 du Statut du T.P.I.Y., l’article 6 § 4 du Statut du T.P.I.R., et l’article II § 4
de la Loi n. 10 du Conseil de contrôle allié, ce qui implique un jugement sur le quantum
de la sanction qui s’ajoute à celui sur l’imputabilité du sujet, selon le critère de la
responsabilité relative. Dans ce sillage le quatrième principe du droit international pénal
reconnu à partir du Statut du Tribunal de Nuremberg, formulé par la C.D.I. en 1950,
exclut le fait d’agir en exécution de l’ordre d’un supérieur comme cause d’exonération
de la responsabilité.241
La jurisprudence du Tribunal de Nuremberg et du T.P.I.Y. confirme les prévisions
normatives des Statuts respectifs, et va même au-delà en affirmant la nécessité de
l’illégalité manifeste de l’ordre donné aux fins de la réduction de la peine. Le Tribunal
de Nuremberg, dans son jugement du 30 septembre et du 1er octobre 1946, a estimé que
l’ordre du supérieur ne justifie pas des actes de violence, mais peut valoir pour la
réduction de la peine, puisque le critérium de la responsabilité pénale n’est pas en
rapport avec l’ordre reçu mais réside dans la liberté d’action individuelle de l’auteur de
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l’acte reproché.242 Le T.P.I.Y., dans l’affaire Erdemovic, la seule où le Tribunal a eu


l’occasion d’appliquer l’article 7 § 4 de son Statut, a retenu la culpabilité du sujet
subordonné agissant en exécution de l’ordre d’un supérieur, tout en appliquant une
diminution de la peine. D’ailleurs le Tribunal a précisé que la diminution se justifie
seulement en fonction de l’incidence de l’ordre sur la conduite de l’exécutant, sans que
le rang occupé dans la hiérarchie militaire puisse avoir aucune influence.243
La jurisprudence du T.P.I.R. exclue que la position d’exécutant constitue, en soi, une
cause d’exonération de la responsabilité.244 Dans l’affaire Ruggiu, le T.P.I.R. a jugé un
subordonné, n’ayant pas de pouvoir décisionnel, en estimant, tout de même, le manque
d’autorité un élément favorable au sujet accusé.245
L’interprétation des tribunaux internationaux est suivie, aussi, par la jurisprudence
des tribunaux des pays alliés. Plusieurs décisions affirment que l’obéissance à l’ordre
d’un supérieur hiérarchique ne peut pas constituer une cause de justification de l’acte

241 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa deuxième session, 5 juin-29 juillet 1950, Principes
généraux du droit international consacrés par le Statut du Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de
ce Tribunal, doc. A/1316, in Ann. C.D.I., 1950, vol. II, p. 375; J. Spiropoulos, Rapport – Formulation des
principes de Nuremberg, doc. A/CN.4/ 22, in Ann. C.D.I., 1950, vol. II, p. 192-193; S.G., Mémorandum
concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella,
doc. A/CN.4/39, cit., p. 323 s., § 84 s. Pour une vision critique du principe en question voir Sixième
Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa deuxième session, doc. A/1639, in A.G.,
doc. off., 5ème sess., 1950, Annexes, vol. II, p. 10, § 27.
242 Voir Tribunal militaire international de Nuremberg, Procès des grands criminels de guerre devant le
tribunal militaire international, Nuremberg, 14 novembre 1945-1er octobre 1946, Jugement, Textes
officiels en langue française, Documents officiels, Jugement, Nuremberg, 1947, tome I, p. 235 s. En
précisant l’article 8 du Statut, le Tribunal a établi que l’ordre reçu en violation du droit international ne
justifie pas l’accomplissement de l’acte illicite, puisque “le vrai critérium de la responsabilité réside dans
la liberté morale, dans la faculté de choisir chez l’auteur de l’acte reproché”; en outre les règles du droit
international priment sur le devoir d’obéissance envers les États (voir N.U., Le Statut et le jugement du
tribunal de Nuremberg, AD A/CN.4/5, 3 mars 1949).
243 Voir T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Erdemovic, jugement du 29 novembre 1996, IT-96-22, § 47; T.P.I.Y.,
Ch. II 1ère inst., Erdemovic, jugement du 5 mars 1998, IT-96-22, § 4.
244 Voir T.P.I.R., Ch. III 1ère inst., Semanza, jugement du 15 mars 2003, ICTR-97-20, § 71-72.
245 Voir T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Ruggiu, jugement du 1er juin 2000, ICTR-97-32, § 75-76.

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LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

criminel.246 D’autres décisions prévoient l’obéissance à l’ordre du supérieur comme


cause de réduction de la peine.247 Certaine jurisprudence ajoute que le subordonné doit
obéir seulement aux ordres légaux, puisque l’obéissance aux ordres qui violent le droit
international entraîne sa responsabilité.248 De surcroît, l’ordre manifestement illégal
devrait être désobéi puisque universellement reconnu comme contraire à l’ordre légal,
et l’exécutant devrait être sanctionné au cas où il connaîtrait, ou aurait dû connaître,
l’illégalité de l’ordre.249
Dans la pratique, les T.M.I. de Nuremberg et de Tokyo n’ont jugé que les grands
criminels de guerre, conformément à l’article 1er de leurs Statuts respectifs, laissant aux
juridictions nationales le soin de juger les autres criminels de moindre rang.250
Le T.P.I.Y. et le T.P.I.R., quant à eux, ont la compétence pour juger tant les
exécutant que les supérieurs (article 7 § 1 du Statut du T.P.I.Y. et article 6 § 1 du Statut
du T.P.I.R.). Au T.P.I.R. des nécessités structurelles, notamment la longueur des
procédures et le manque de ressources financières, imposent de laisser juger les
exécutants sur le plan national.251 Le T.P.I.Y. en revanche, engage des poursuites sans
regard au rang du sujet accusé, étant donnée l’absence de poursuites systématiques
organisées devant les juridictions de l’ex-Yougoslavie.252
Quant à la C.P.I., son Statut (article 25 § 1) lui permet de juger des sujets de tout
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rang.253
En concluant sur la responsabilité des exécutants, nous pouvons affirmer que leur
responsabilisation, retenue par les textes et la jurisprudence pénale internationaux, est

246 Voir, notamment, Tribunal militaire chinois du ministère national de la défense pour les crimes de
guerre, Nanking (Chine), Takashi Sakai, 29 août 1946, in I.L.R., 1946, vol. 13, case n. 93, 1946, p. 222;
Cour militaire britannique, Lüneburg (Allemagne), Kramer et quarante-quatre autres, 17 novembre
1945, in I.L.R., 1946, vol. 15, case n. 114, p. 267 s.; Cour d’appel, Norvège, Hans, 17 janvier 1947, in
I.L.R., 1947, vol. 14, case n. 130, p. 305.
247 Cour spéciale d’Amsterdam, Ch. I, Pays Bas, Gerbsch, 28 avril 1948, in I.L.R., 1948, vol. 15, case n.
155, p. 491; Cour de district, Ch. criminelle spéciale, Utrecht (Pays-Bas), Titho, 24 mars 1951, in I.L.R.,
1951, vol. 18, case n. 158, p. 537.
248 Voir Tribunal militaire des États-Unis, Nuremberg, List et autres, (“Hostages Trial”), 19 février
1948, in I.L.R., 1948, vol. 15, case n. 215, p. 632.
249 Voir Cour de cassation spéciale, Pays-Bas, Contractor Warp, 15 juillet 1946, in I.L.R., 1946, vol. 13,
case n. 145, p. 353.
250 Le Procureur du T.M.I. de Nuremberg rappelait que: “Nous avons décidé dès le départ que nous ne
pouvions cibler que les principaux responsables, à savoir les dirigeants. Ce sont eux les auteurs de la
politique à l’origine des atrocités commises. Notre action est limitée par le fait que nous n’avons que
deux Tribunaux de première instance, et que nous ne pouvons donc multiplier les procès...” (voir Le
Courrier Afrique – Caraïbes – Pacifique – Union Européenne, 1995, septembre-octobre, n. 153, p. 4).
251 Le Rapporteur spécial pour le Rwanda remarque qu’il serait “pratiquement impossible, au Tribunal,
de connaître tous les cas de personnes présumées responsables [...] Au Tribunal reviendra sans doute la
compétence de connaître les grands criminels, ceux qui ont conçu, organisé et fait exécuter les crimes
contre l’humanité et aux tribunaux nationaux ceux des personnes présumées responsables se trouvant sur
le ressort de leur territoire national” (voir R. Degni-Ségui, Rapport sur la situation des droits de l’homme
au Rwanda, soumis au Conseil économique et social en application du paragraphe 20 de la Résolution S-
3/1 du 25 mai 1994, doc. E/CN.4/1996/7, Genève, disponible à l’adresse Internet des N.U. ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G95/130/20/PDF/G9513020.pdf?OpenElement›).
252 Sur le problème de la procédure, par rapport au nombre des sujets jugés, dans le procès devant le
T.P.I.Y., voir H. ASCENSIO, R. MAISON, L’activité des T.P.I. (1998), in A.F.D.I., 1998, XLIV, p. 373-
375. Sur la relation entre les juridictions nationales et le T.P.I.Y. voir A. CIAMPI, Priorità “relativa”
della giurisdizione del Tribunale internazionale per la ex Iugoslavia?, in Riv. D.I., 1994, p. 140; J.C.
O’BRIEN, The International Tribunal for Violations of International Humanitarian Law in the Former
Yougoslavia, cit., p. 655.
253 Voir S. WOHLFART, Les poursuites, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit
international pénal, cit., p. 752-754.

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LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

nécessaire et correcte.254 L’incrimination des exécutants est le premier pas pour


remonter la chaîne des responsabilités jusqu’aux plus hauts supérieurs hiérarchiques.
Quoi que cela pose des problèmes en termes de nombre des sujets à juger, de sorte que
l’on pourrait être tentés de ne juger que les plus hauts responsables des crimes
internationaux, de façon exemplaire, une justice pénale correcte et systématique ne peut
pas procéder de façon exemplaire, mais doit être générale. Le Statut de la C.P.I., en
recueillant l’expérience du Tribunal de Nuremberg, et, surtout, du T.P.I.Y. et du
T.P.I.R., s’inscrit, dans la ligne de l’universalité subjective du droit international pénal
des individus en remontant tous les liens de la responsabilité, en partant de la base pour
arriver jusqu’au sommet de la hiérarchie.

§ 1.15. La responsabilité des supérieurs hiérarchiques et les personnes morales.


Par l’expression “supérieur hiérarchique” nous désignons tout sujet qui occupe une
position de pouvoir par rapport à un ou plusieurs sujets, dans le cadre d’une structure
hiérarchique organisée. Il peut s’agir d’une position plus ou moins haute dans l’échelle
hiérarchique: peu importe, ce qui compte est la relation de pouvoir par rapport à un
autre individu qui se trouve en position de dépendance. Le supérieur hiérarchique est,
donc, un rouage doué de pouvoir sur d’autres sujets dans un ordre normatif
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contraignant.255 Ainsi, il pourra s’agir, à titre d’exemple, d’un militaire, d’un


enseignant, d’un élu local, d’un représentant religieux, plutôt que d’un industriel.256 La
structure hiérarchique peut être publique ou privée.257
Au cours de l’analyse nous cherchons, essentiellement, à comprendre si la
responsabilisation des supérieurs hiérarchiques ouvre la voie à la responsabilisation des
personnes morales.
Le Statut de la C.P.I. prend en considération ces sujets à l’article 28 et les
responsabilise pour les faits des subordonnés qui agissent sous leur contrôle ou leur
commandement, même en cas d’absence de contrôle et de prévention.258

254 Conformément voir M. CASTILLO, La compétence du T.P.I.Y., cit., p. 81. Dans la jurisprudence
française voir Cass. Crim., Thirion, arrêt du 13 mars 1997, in Bull. Crim., aff. n. 107, p. 356 s.
255 L’étymologie du terme hiérarchie nous apprend qu’il vient du mot grec hierarkia, dont les racines
sont hieros (sacré) et arkein (pouvoir). L’ordre hiérarchique nous renvoie à un ensemble organisé de
sujets qui sont liés l’un à l’autre par des relations de pouvoir-sujétion. La structure procède par ordres
émis, reçus et retransmis en chaîne. Chaque élément dépend du précédent et commande le suivant. Ainsi,
hormis le gouvernant suprême et l’ultime exécutant, chaque maillon est, à la fois, un subordonné et un
supérieur hiérarchique. La structure est de type pyramidal: du sommet à la base passent les ordres qui
déterminent l’exécution des actions. La jurisprudence se satisfait d’un simple pouvoir d’influence ou du
contrôle effectif pour qualifier la position du supérieur hiérarchique (voir T.P.I.Y., Ch. II-quater 1ère inst.,
Delacic, Mucic, Delic, Landzo (Affaire de “Celebici”), jugement du 16 novembre 1998, IT-96-21, § 355-
378; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Musema, jugement du 27 janvier 2000, ICTR-96-13, § 140-141).
256 Voir, conformément, A. DE ANDRADE, Les supérieurs hiérarchiques, in H. ASCENSIO, E.
DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 201 et 209, où on affirme que, si le paragraphe
premier de l’article 28 du Statut de la C.P.I. regarde les militaires, le deuxième paragraphe, en procédant
par renvoi “en ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au
paragraphe 1”, regarderait, implicitement, les supérieurs hiérarchiques civils. Tel découpage ne serait pas
artificiel, mais refléterait une véritable différence de traitement.
257 Sur l’opportunité de juger les supérieurs hiérarchiques, notamment par rapport à leur possibilité de
négociation dans le procès d’établissement de la paix, voir A. D’AMATO, Peace versus accountability in
Bosnia, in A.J.I.L., 1994, july, vol. 88, n. 3, p. 500 s.
258 Le même principe a été retenu à l’article 87 du Protocole additionnel (I) aux Conventions de Genève
du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflit armés internationaux, du 8 juin 1977. Pour
une analyse critique de la disposition en question voir B.B. JIA, The Doctrine of Command Responsibility
in International Law, cit., p. 336 s. Sur l’application du principe en question voir S.G., Mémorandum

79
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Les textes de droit international pénal rédigés pour faire face à des situations
particulières, ad hoc, ont retenu le même principe.
Le Statut du Tribunal de Nuremberg de 1945 prévoit la responsabilité du sujet qui
occupe une position officielle, notamment en tant que chef d’État ou haut fonctionnaire
(article 7): le fait d’avoir agi en position officielle ne permet ni de réduire ni d’exclure
la peine. Le Statut consacre, aussi, la responsabilité du sujet qui agit en tant que
supérieur hiérarchique ou gouvernant qui donne des instructions pour la commission
d’un crime (article 8). Finalement le Statut contemple la possibilité que, avec l’individu,
l’organisation d’appartenance soit responsabilisée, mais seulement en reconnaissant le
caractère criminel de l’organisation, qui permettrait de procéder contre tout membre
participant à celle-ci (articles 9-10).
En point de responsabilité des sujets agissant en position officielle, le Statut du
Tribunal pour l’Extrême-Orient se détache, en partie, de son homologue de Nuremberg,
car il prévoit que le fait d’avoir agi en position officielle peut constituer un motif de
réduction de la peine (article 6).
Le Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, prévoit la
responsabilité du fonctionnaire, notamment du chef d’État ou du gouvernement, mais,
au niveau de l’incrimination collective, il fait toujours recours au critère de la
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participation, via l’encouragement, l’aide, la planification ou l’ordre de l’action (article


7).
Le Statut de Tribunal pénal international pour le Rwanda prévoit, lui aussi, la
responsabilité du chef d’État, du chef du gouvernement ou d’un haut fonctionnaire en
général, puisque l’article 6 affirme que la position officielle ne constitue pas une cause
de justification. Le Statut prévoit, en outre, la responsabilité par concours du sujet qui
ordonne, n’empêche pas, aide, incite, encourage, prépare ou planifie la commission du
crime (article 6).259
L’analyse de ces dispositions normatives démontre qu’il n’est pas possible d’élargir
la responsabilité criminelle de l’individu aux personnes morales. L’imputation
criminelle est retenue, toujours, à titre individuel, aussi bien en cas de responsabilité
d’un seul sujet, qu’en cas de responsabilité de plusieurs sujets, via le schéma du
concours. Le système du concours permet de responsabiliser plusieurs sujets, mais
seulement grâce à l’établissement de la chaîne des responsabilités individuelles et des

concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella,
doc. A/CN.4/39, cit., p. 322-323, § 83.
259 Sur la responsabilité par concours des supérieurs hiérarchiques et sur sa différence par rapport à la
responsabilité par omission voir H. ASCENSIO, R. MAISON, L’activité des Tribunaux pénaux
internationaux (1999), in A.F.D.I., 1999, XLV, p. 505 s. Sur la responsabilité du supérieur hiérarchique
en droit international pénal voir N. ZAKAR, La responsabilité du supérieur hiérarchique devant les
tribunaux pénaux internationaux, in R.I.D.P., 2002, 1/2 trim., p. 59 s. En jurisprudence voir T.P.I.R., Ch.
I 1ère inst., Akayesu, jugement du 2 septembre 1990, ICTR-96-4, § 483, où l’on remarque que “le fait
d’ordonner est une faute de complicité par instructions adressés à l’auteur matériel de l’infraction”;
T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Rutaganda, jugement du 6 décembre 1999, ICTR-96-3, § 39; T.P.I.R., Ch. I 1ère
inst., Musema, jugement du 27 janvier 2000, ICTR-96-13, § 121; T.P.I.Y., Ch. I. 1ère inst., Blaskic,
jugement du 3 mars 2000, IT-95-14, § 278 s. Sur l’incrimination pour incitation voir T.M.I. Nuremberg,
Fritzche, jugement du 1er octobre 1946, in Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal
militaire international, t. 1, cit., p. 363-364; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Ruggiu, jugement du 1er juin 2000,
ICTR-97-32, § 16. Sur l’incrimination pour l’aide ou l’encouragement voir T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst.,
Blaskic, jugement su 3 mars 2000, IT-95-14, § 283-288; T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Akayesu, jugement du 2
septembre 1998, ICTR-96-4, § 284; T.P.I.Y., Ch. 1 1ère inst., Aleskovski, jugement du 25 juin 1999, IT—
95-14, § 63; T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Simic et al., jugement du 17 octobre 2003, IT-95-9, § 135; T.P.I.Y.,
Ch. II 1ère inst., Kunarac et. al., jugement du 22 février 2001, IT-96-23 & 23/1, § 391-392; T.P.I.Y., Ch.
II 1ère inst., Stakic, jugement du 21 juillet 2003, IT-97-24, § 443-445.

80
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

complicités: il s’agit, donc, du critère de la responsabilité individuelle appliqué


systématiquement, non pas du critère de la responsabilité des personnes morales en tant
que telles.
La qualité de supérieur hiérarchique peut impliquer, par rapport aux subordonnés, le
cas particulier de l’obligation de faire, de sorte qu’un supérieur peut être condamné
pour une conduite d’omission. C’est le cas prévu à l’article 28 § 2 b) du Statut de la
C.P.I., à l’article 7 § 3 du Statut du T.P.I.Y. et à l’article 6 § 3 du Statut du T.P.I.R.,
lorsque le supérieur n’empêche pas la conduite illégitime des subordonnés dont il a le
contrôle.260 Dans cette situation, le supérieur devrait agir pour empêcher la commission
du crime, mais il ne le fait pas.261 Selon certaine doctrine, cette conduite devrait être
considérée comme une figure autonome de crime.262 Il s’agit d’une interprétation
possible, partageable, surtout, parce qu’elle explique aisément la responsabilité pour
faute qui, normalement, est exclue en cas de concours aux actions dolosives.
Alternativement on pourrait encadrer raisonnablement l’omission illicite dans le
concours des sujets. D’abord il s’agit d’un lien subjectif similaire à celui du
commandement, aussi bien comme figure juridique, que pour le placement dans le
même article au sein du Statut de la C.P.I. En outre, il s’agit d’une disposition de la
partie générale, non pas de la partie spéciale. Finalement, la relation pour l’omission
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s’établit entre le supérieur et le subordonné avant d’intéresser la victime du crime: pour


cette raison la non-réalisation du crime, au moins au niveau de la tentative, empêche
l’incrimination pour omission de prévention.263 Comme qu’il en soit, même si on
accède à la théorie de l’autonomie du crime, ce mécanisme permet de responsabiliser
les supérieurs hiérarchiques en l’absence de coopération, de façon autonome, mais il ne
permet pas d’élargir beaucoup le champ de la responsabilité, qui demeure, quand

260 Le même principe est retenu à l’article 6 du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité de 1996. Sur l’application de ce principe, en jurisprudence, voir T.P.I.R., Ch. I 1ère inst.,
Akayesu, jugement du 2 septembre 1998, ICTR-96-4, § 486 s.; T.P.I.R., Ch. II 1ère inst., Kayshema et
Ruzindana, jugement du 27 janvier 2000, ICTR-96-13, § 127 s.; T.P.I.Y, Ch. II 1ère inst., Krnojelac,
jugement du 15 mars 2002, IT-97-25, § 92-95; T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Galic, jugement du 5 décembre
2003, IT-98-29, § 173-177; T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Naletilic et Martinovic, jugement du 31 mars 2003,
IT-98-34, § 64-77.
261 Sur l’application de ce principe dans la jurisprudence des T.P.I. voir H. ASCENSIO, R. MAISON,
L’activité des T.P.I. (1998), cit., p. 404 s. Pour une application du même principe dans la jurisprudence
des tribunaux institués par la Loi n. 10 du Comité de contrôle allié, notamment par rapport au cas
Yamashita, et dans la jurisprudence du T.P.I.Y., par rapport à l’affaire Blaskic, voir B.B. JIA, The
Doctrine of Command Responsibility in International Law, cit., p. 331 s. et 343 s.; B.V.A. RÖLING, C.F.
RUTER, The Tokyo Judgment, Amsterdam, APA – University Press, Amsterdam BV, 1977, vol. I, p. 29
s. En jurisprudence voir T.M.I., Nuremberg, Bormann, jugement du 1er octobre 1946, in Procès des
grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, t. 1, cit., p. 366-367, où l’accusé a
été retenu responsable du crime de lynchage de sujets alliés pour ne pas avoir pris des mesures de police
ou ne pas avoir engagé des poursuites pénales à l’encontre de ceux qui avait participé à l’acte.
Notamment, la jurisprudence subordonne la responsabilité du supérieur à l’existence d’un lien avec
l’auteur du crime, à la connaissance possible de la commission du crime, au fait de ne pas avoir adopté
les mesures nécessaires à empêcher la perpétration du crime (voir T.P.I.Y., Ch. II-quater 1ère inst.,
Delacic, Mucic, Landzo (Affaire de “Celebici”), jugement du 16 novembre 1998, IT-96-81, § 346;
T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Aleskovski, jugement du 25 juin 1999 IT-95-14, § 69; T.P.I.Y., Ch. App.,
Aleskovski, arrêt du 24 mars 2000, IT-95-14, § 72).
262 Voir A. DE ANDRADE, Les supérieurs hiérarchiques, cit., p. 204 s.; J.-H. ROBERT, L’obligation
de faire pénalement sanctionnée, in A.P.D., 2000, t. 44, p. 153 s.
263 La jurisprudence des T.P.I. exclue, en principe, le concours par omission (voir T.P.I.R., Ch. I. 1ère
inst., Akayesu, jugement du 2 septembre 1998, ICTR-96-4, § 536; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Musema,
jugement du 27 janvier 2000, ICTR-96-13, § 178) mais admet la responsabilité pour omission du
supérieur hiérarchique (T.P.I.R., Ch. II 1ère inst., Kayshema et Ruzindana, jugement du 21 mai 1999,
ICTR-95-1, § 208).

81
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

même, limitée aux individus supérieurs, sans permettre le passage à la


responsabilisation des personnes morales en général.
La doctrine remarque que la position de supérieur hiérarchique peut faciliter la
commission des crimes.264
La jurisprudence internationale, de son côté, offre des exemples intéressants. Parmi
d’autres, Krupp, puissant industriel, et dix sujets accusés ont été reconnus coupables, à
Nuremberg, d’esclavage et déportation.265 Hoffmann, membre de la police de sécurité
allemande, a été reconnu coupable pour avoir ordonné des tortures et des mauvais
traitements contre des résistants danois, par la Cour des provinces de l’Est au
Danemark.266 Au cours du procès devant le T.P.I.Y. Stevan Todorovic, chef de police, a
été retenu coupable pour avoir pris une partie active et directe à la commission de
crimes qu’il aurait dû empêcher.267 Au cours du procès devant le T.P.I.R., Jean Paul
Akayesu, qui occupait une position officielle en tant que élu local, a été condamné pour
génocide pour avoir encouragé le massacre de deux milles Tutsi dans sa commune,
pendant le printemps de 1994.268 La jurisprudence du T.P.I.Y. va encore plus loin, en
matière de violation de l’injonction de produire les éléments de preuve, en affirmant
qu’un individu agissant en tant que personne privée peut tomber seulement sous le coup
d’une amende pour outrage au tribunal, mais lorsqu’il exerce une fonction officielle, la
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sanction ne viserait que l’État. Quoiqu’il ne soit pas question, dans ce cas, de la
responsabilité pour les crimes majeurs du Statut, mais pour des faits complémentaires
survenants au cours du procès, il s’agit d’une attitude significative qui établit un étroit
lien entre responsabilité individuelle et collective.269
À propos des obligations de faire, on rappellera, parmi les cas les plus significatifs,
dans le cadre des procès menés par le Tribunal militaire des États-Unis à Nuremberg,
l’affaire Pohl, au cours duquel le Tribunal a eu l’occasion de remarquer le “devoir
positif” d’un officier militaire, dans sa position de commandement, “de prendre de
mesures appropriées” pour contrôler les subordonnés et prévenir les actes en violation

264 Voir A. DE ANDRADE, Les supérieurs hiérarchiques, cit., p. 203; G.T. BLEWITT, The Necessity
for Enforcement of International Humanitarian Law, cit., p. 300. Sur le problème de l’immunité de la
responsabilité pénale des dirigeants en exercice voir G. DOUCET, La responsabilité pénale des
dirigeants en exercice, in Actualité et droit international, janvier 2001 ‹http://www.ridi.org/adi›.
265 Voit T.M.I. des États-Unis, Nuremberg (Allemagne), Alfreid Felix Alwin Krupp von Bohlen und
Halbach et onze autres (The Krupp Trial), 30 juin 1948, in I.L.R., 1948, vol. 15, case n. 214, p. 620 s.
266 Voir Cour des provinces de l’Est, Danemark, Hoffmann, 27 septembre 1948, in I.L.R., 1949, vol. 16,
case n. 191, p. 508 s.
267 Voir T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Todorovic, jugement du 31 juillet 2001, IT-95-9, § 61. Dans la même
ligne voir T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Deronjic, jugement du 30 mars 2004, IT-02-61, § 187.
268 Voir T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Akayesu, jugement du 2 septembre 1998, ICTR-96-4, § 698 s. Sur le
jugement des supérieurs hiérarchiques dans la pratique du T.P.I.R. voir J.A. WILLIAMSON, Command
Responsibility in the Case Law of the I.C.T. for Rwanda, in Crim. L.F., 2002, vol. 13, issue 3, p. 365 s.
Sur le jugement des supérieurs hiérarchique dans la pratique du T.P.I.Y. et du T.P.I.R. voir H.
ASCENSIO, R. MAISON, L’activité des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (1995-
1997) et le Rwanda (1994-1997), in A.F.D.I., 1997, XLIII, p. 368.
269 Voir T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Affaire Blaksic, Décision relative à l’opposition de la République de
Croatie quant au pouvoir du Tribunal de décerner des injonctions de produire (subpoena duces tecum),
arrêt du 18 juillet 1997, IT-95-14, § 77, 93, et le commentaire de Y. NOUVEL, La preuve devant le
T.P.I.Y., in R.G.D.I.P., 1997, t. 102, n. 4, p. 942. Voir, aussi, T.P.I.Y., Ch. App., Blaskic, Arrêt relatif à la
requête de la République de Croatie aux fins d’examen de la décision de la Chambre de première instance
II rendue le 18 juillet 1997, 29 octobre 1997, IT-95-14, § 33-37, où l’on envisage l’action du C.d.S. et la
réaction de l’ensemble de la communauté internationale en cas de violation d’une obligation
internationale de l’État découlant d’une injonction du T.P.I.Y.

82
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

des lois et coutumes de la guerre.270 Également, au cours du procès devant le T.P.I.Y.,


Dragan Nikolic, commandant au Camp de détention de Susica, et Dusko Sikirica, chef
de sécurité au camp de détention de Keraterm, ont été retenu coupables pour ne pas
avoir empêché la perpétration d’actes inhumains à l’encontre des détenus.271 Dans le
procès de Milorad Krnojelac, le T.P.I.Y. a retenu la responsabilité de l’accusé, en tant
que directeur d’une prison, pour ne pas avoir empêché la perpétration d’actes de torture
sur les détenus.272 Du côté des responsables civils, au cours de l’affaire Altsotter, dans
le cadre des procès de Nuremberg, on procède pour la responsabilité des juges, des
procureurs et des hautes responsables au ministère de la justice du Reich.273 Dans les
domaines des fonctionnaires des personnes morales privées, toujours pendant les procès
de Nuremberg, au cours de l’affaire Flick, le principal propriétaire à la tête d’un groupe
d’entreprises minières a été reconnu responsable pour violation d’une obligation
d’agir.274
Normalement la jurisprudence estime que la position du supérieur hiérarchique
constitue une circonstance aggravante du crime.275
Finalement, on peut affirmer que les normes et la jurisprudence internationales, en
prévoyant la responsabilité des supérieurs hiérarchiques, qu’ils soient des militaires où
des civils, des sujets publics ou privés, permettent de remonter l’échelle des
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responsabilités au sein des organisations collectives. Cependant, cela ne permet pas


encore de concevoir la responsabilité, en tant que telle, des personnes morales, puisque
l’imputation demeure, toujours, individuelle et concurrentielle.

§ 1.16. La responsabilité des gouvernants et de l’État.


Le Statut de la C.P.I. n’exclut pas la responsabilité des gouvernants, selon la
disposition de l’article 27.
Par “gouvernants”, au sens large, nous désignons les sujets qui exercent le pouvoir
administratif au niveau gouvernemental, les sujets qui exercent le pouvoir législatif et
les chefs d’État. Ces sujets se trouvent au sommet de la hiérarchie publique, en exerçant
les pouvoirs les plus hauts: ils peuvent être considérés comme une catégorie particulière
de supérieurs hiérarchiques. Les ministres et leurs subordonnés les plus proches, au sens
strict, peuvent être considérés comme les supérieurs hiérarchiques les plus élevés au
sein de l’administration publique au sens strict. Les chefs d’État et les membres

270 Voir Tribunal militaire des États-Unis, Nuremberg (Allemagne), Pohl et autres, 3 novembre 1947, in
I.L.R., 1947, vol. 14, case n. 127, p. 290 s.
271 Voir T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Nikolic, jugement du 18 décembre 2003, IT-94-2, § 179; T.P.I.Y., Ch.
II 1ère inst., Sikirica et al., jugement du 13 novembre 2001, IT-95-8, § 138-140.
272 Voir T.P.I.Y., Ch. App., Krnojelac, arrêt du 17 septembre 2003, IT-97-25, § 164 et 171. De façon
analogue voir T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Krstic, jugement du 2 août 2001, IT-98-33, § 311; T.P.I.Y., Ch.
I/Sect. A 1ère inst., Obrenovic, jugement du 10 décembre 2003, IT-02-60/2, § 40.
273 Voir Tribunal militaire des États-Unis, Nuremberg (Allemagne), Altstötter et autres, 4 décembre
1947, in I.L.R., 1947, vol. 14, case n. 126, p. 278 s.
274 Voir Tribunal militaire des États-Unis, Nuremberg (Allemagne), Frederick Flick et autres (The Flick
Trial), 22 décembre 1947, in I.L.R., 1947, vol. 14, case n. 122, p. 266 s. Il faut remarquer que les cas de
responsabilité de sujets appartenant à des organisations privées se sont multipliés depuis la fin de la
seconde guerre mondiale, de sort qu’ils ont été plus nombreux dans le procès du T.P.I.Y. et du T.P.I.R.
que dans ceux devant les Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo (voir M.-C. BASSIOUNI, Introduction
au droit pénal international, cit., p. 51-53).
275 Voir T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Simic, jugement du 17 octobre 2002, IT-95-9, § 66; T.P.I.Y., Ch. I 1ère
inst., Cesic, jugement du 11 mars 2004, IT-95-10, § 45; T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Jokic, jugement du 18
mars 2004, IT-01-42/1, §61-62; T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Deronjic, jugement du 30 mars 2004, IT-02-61,
§ 187; T.P.I.Y., Ch. III 1ère inst., Banovic, jugement du 28 octobre 2003, IT-02-65/1, § 54; T.P.I.Y., Ch. I
1ère inst., Nikolic (Momir), jugement du 2 décembre 2003, IT-02-60/1, § 135.

83
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

exerçant le pouvoir législatif peuvent être considérés comme supérieurs hiérarchiques


au sens plus large, impliquant mais dépassant la structure de l’administration publique
et s’inscrivant plus immédiatement dans la relation avec le peuple. Puisque la notion de
gouvernant est liée à l'exercice d’un pouvoir unilatéral au plus haut niveau, il est
question d’établir si la responsabilisation de ces sujets permet le passage à la
responsabilité des États.276
L’emploi de la notion de “gouvernant” renvoie à l’existence d’une structure
hiérarchique organisée: la responsabilité des gouvernants pourrait impliquer la
responsabilité des gouvernés, donc de la collectivité, notamment étatique, via le critère
du mandat représentatif.
Plusieurs textes de droit international pénal, comme le Statut de la C.P.I., abordent le
problème de la responsabilité des gouvernants, par le biais de dispositions normatives
spécifiques. Le Statut de la C.P.I. résume, ainsi, une sorte de tendance historique de la
justice supranationale à juger les gouvernants.277 En bref, on rappellera que le Statut du
Tribunal de Nuremberg prévoit la responsabilité du chef d’État (article 7) et du
gouvernant qui donne des instructions pour la commission d’un crime (article 8). Le
Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie de 1993, prévoit la
responsabilité du chef d’État ou du gouvernement (article 7). Le Statut du Tribunal
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pénal international pour le Rwanda de 1994 admet, lui aussi, la responsabilité du chef
d’État et du chef du gouvernement (article 6). L’article II § 4 a) de la Loi n. 10 du
Conseil de contrôle allié prévoit que “la position officielle de tout sujet, même celle du
chef d’État ou du responsable du Gouvernement, n’exclue pas sa responsabilité pour le
crime ni constitue une raison de réduction de la peine”. D’ailleurs, le troisième principe
de droit international formulé à partir du Statut du Tribunal de Nuremberg, élaboré par
la C.D.I. de l’O.N.U., établit que le fait d’agir comme chef d’État ou responsable du
gouvernement ne constitue pas une cause d’exonération de la responsabilité.278
Ce que nous avons dit à propos des supérieurs hiérarchiques et des personnes
morales vaut, encore davantage, pour les gouvernants et les États, car le changement de
la qualification subjective ne modifie pas les mécanismes d’imputation.279 Ainsi,
lesdites normes prévoient la responsabilité à titre individuel, en faisant recours, en cas
de plusieurs acteurs, au critère du concours subjectif dans l’action, mais rien ne permet
de penser à une responsabilité de la collectivité étatique en tant que telle pour la
conduite criminelle de ses représentantes majeurs. Quoiqu’ils agissent en exerçant des

276 Sur ce problème voir E. DECAUX, Les gouvernants, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET,
Droit international pénal, cit., p. 195; E. DENZA, Ex parte Pinochet: Lacuna or Leap?, in I.C.L.Q.,
1999, p. 951 s., notamment sur la différence entre l’acte de la fonction publique et l’acte en dehors de la
fonction publique.
277 Voir A.-C. ROBERTS, Justice internationale, politique et droit, in Le Monde Diplomatique, n. 590,
mai 2003, p. 25, in ‹http://www.monde-diplomatique.fr›.
278 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa deuxième session, 5 juin-29 juillet 1950, Principes
généraux du droit international consacrés par le Statut du Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de
ce Tribunal, doc. A/1316, in Ann. C.D.I., 1950, vol. II, p. 375; J. Spiropoulos, Rapport – Formulation des
principes de Nuremberg, doc. A/CN.4/22, cit., p. 192. Pour une vision critique du troisième principe de
Nuremberg voir Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa deuxième
session, doc. A/1639, cit., p. 10, § 27.
279 Sur la responsabilité des chefs d’État voir S. ZAPPALÀ, Do Heads of State in Office Enjoy Immunity
from Jurisdiction for International Crimes?, The Gheddafi Case before the French Cour de cassation, in
E.J.I.L., 2001, vol. 12, n. 3, p. 595 s.

84
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

fonctions étatiques, donc au nom de l’État, ils sont responsabilisés personnellement,


sans entraîner la responsabilité de la collectivité pour laquelle ils agissent.280
Parmi les vingt-quatre accusés du Tribunal de Nuremberg, figurent des ministres et
des responsables politiques, tels que Göring (plénipotentiaire, deuxième homme du
Troisième Reich), Hess (plénipotentiaire) Ribbentrop (ministre des affaires étrangères),
Rosenberg (ministre des territoires occupés), Frick (ministre de l’intérieur), Schacht
(ministre de l’économie), tout comme à Tokyo le premier ministre, le général Tojo, est
l’un de 25 grands criminels jugés, bien que l’Empereur Hirohito ne fut pas soumis au
procès.281 Cependant la responsabilité des plus hauts fonctionnaires publiques
n’entraîne pas la responsabilité de l’État comme personne morale.282 D’ailleurs, le
T.P.I.R. a retenu la responsabilité du premier ministre du gouvernement intérimaire du
Rwanda, en charge du 8 avril au 17 juillet 1994, en soulignant qu’il partageait la
responsabilité du maintien de la paix avec les membres de son gouvernement et qu’il a
participé activement à la commission des crimes, mais cela implique seulement sa
responsabilité personnelle et la responsabilité de ceux qui ont collaboré, non pas la
responsabilité du gouvernement en général et celle de l’État non plus. De son côté, le
T.P.I.Y. a incriminé Radovan Karadzic et Ratko Mladic, qui étaient à la tête de
l’administration des Serbes de Bosnie, pour génocide et crimes contre l’humanité en
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Bosnie, tout comme le président, Slobodan Milosevic, accusé en outre pour les faits du
Kosovo.283 La responsabilité, toutefois, est retenue, toujours, à titre individuel et
concurrentiel pour la planification des crimes, mais elle n’implique aucune forme de
responsabilité de l’administration ou de l’État Serbe en tant que tel.

§ 1.17. Les organisations criminelles et la responsabilité par concours: différences


par rapport à l’imputation des personnes morales légales.
Ayant établi que la limite de l’imputation, en droit international pénal, est celle du
concours de sujets, quelques remarques s’imposent sur la responsabilité des
organisations criminelles, réglée à l’article 25 § 3 d) du Statut de la C.P.I. Cette étude
devrait permettre de comprendre quelles sont les différences entre les mécanismes de
responsabilisation des personnes morales légales et ceux des organisations illégales.
L’imputation des personnes morales légales, exclues de la juridiction de la C.P.I., passe,
en effet, par le principe de l’imputation organique, tandis que la responsabilité des
organisations criminelles se fait par le biais du principe du concours subjectif.284

280 Sur la position du chef d’État en tant que représentant de la collectivité et sa responsabilité en droit
international voir S.F.D.I., Le chef d’État et le droit international, Colloque de Clermont-Ferrand, 7-9
juin 2001, Paris, Pedone, 2002, p. 1-300.
281 Pour les jugements voir T.M.I., Nuremberg, Göring, jugement du 1er octobre 1946, in Procès des
grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international, tome 1, cit., p. 296 s.; T.M.I.,
Nuremberg, Hess, Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international, tome
1, cit., p. 300 s.; T.M.I., Nuremberg, Ribbentropp, Procès des grands criminels de guerre devant le
tribunal militaire international, tome 1, cit., p. 302 s.; T.M.I. Nuremberg, Procès des grands criminels de
guerre devant le tribunal militaire international, tome 1, cit., p. 312 s.
282 Une partie de la doctrine pense, toutefois, que, à travers l'incrimination des actes des individus, les
Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo cherchaient à flétrir les actes des États (voir P. M. DUPUY,
Observations sur le “crime international de l’État”, in R.G.D.I.P., 1980, t. 84, n. 2, p. 449).
283 Sur le procès à Milosevic voir L.N. SADAT, The Trial of Slobodan Milosevic, in Proc. Asil., october
2002, in ‹www.asil.org/insight.htm›.
284 Sur le mécanisme de l’imputation par complicité et de l’imputation organique voir F. DESPORTES,
F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 6ème éd., Paris, Economica, 1999, p. 129 s.; J.-C. JOYER, Droit
pénal et procédure pénale, 14ème éd., Paris, L.G.D.J., 1999, p. 129 s.; J.-H. ROBERT, Droit pénal
général, 5ème éd., cit., p. 337 s.; C. WELLS, Corporations and Criminal Responsibility, Oxford, Oxford
University Press, 1993; A. CLAPHAM, On Complicity, in H. HENZELIN, R. ROTH, Le droit pénal à

85
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Le phénomène des organisations criminelles n’est pas nouveau au plan du droit


international, cependant, avec l’ouverture des frontières et la globalisation des relations,
il a acquis une importance croissante.285 En nous appuyant sur les définitions des droits
internes et sur l’expérience du Tribunal de Nuremberg, qui, dans le cadre du jugement
des organisations nazies, responsabilise les individus pour la seule adhésion aux
organisations criminelles (article 6), nous pouvons considérer les associations
criminelles comme des ensembles d’individus finalisées à la commission d’actes
illégitimes du point de vue du droit pénal.286 L’Action commune, du 21 décembre 1998,
relative à l’incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les États
membres de l’Union européenne (U.E.), définit (article 1) l’organisation criminelle
comme suit: “on entend, par ‘organisation criminelle’: l’association structurée, de plus
de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de
commettre des infractions punissables” et prévoit (article 2) que les États membres
incriminent: “a) Le comportement de toute personne qui, d’une manière intentionnelle
et en ayant connaissance soit du but de l’activité criminelle générale de l’organisation,
soit de l’intention de l’organisation de commettre les infractions en cause, participe
activement: – aux activités criminelles de l’organisation, relevant de l’article 1er, même
lorsque cette personne ne participe pas à l’exécution proprement dite des infractions en
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cause et, sous réserve des principes généraux du droit pénal de l’État membre concerné,
même lorsque l’infraction ne se réalise pas – aux autres activités de l’organisation, en
ayant en outre connaissance que sa participation contribuera à la réalisation des activités
criminelles de l’organisation relevant de l’article 1er; b) Le comportement de toute
personne consistant à conclure, avec une ou plusieurs personnes, un accord portant sur
l’exercice d’une activité et qui, si elle était mise en œuvre, reviendrait à commettre les
infractions relevant de l’article 1er, même lorsque cette personne na participe pas à
l’exécution proprement dite de l’activité”.287 L’organisation criminelle suppose, donc,
du point de vue subjectif, une structure hiérarchique équivalente à celle de tout autre
organisation légitime: il faut, pour son existence, qu’il y ait des organes liés par des
rapports de subordination hiérarchique, selon un ordre pyramidal. L’élément différentiel
ne réside pas dans le caractère subjectif, mais dans le côté objectif de la conduite qui, au
lieu d’être légitime, est une action anti-normative.288

l’épreuve de l’internationalisation, cit., p. 214 s. En perspective comparée voir J. PRADEL, Droit pénal
comparé, 2ème éd. cit., p. 257-361.
285 Voir S. BOUIFFROR, C. DERYCKE, Les organisations criminelles, cit., p. 167; N. QUELOZ, Les
actions internationales de lutte contre la criminalité organisée: le cas de l’Europe, in R.S.C., 1997, n. 4,
p. 785-788; L. CHAMBERERS, La notion de criminalité organisée, Mémoire, sous la dir. de M.-M.
Gozzi, Toulouse 1, 2002-2003, p. 1-102; A.I.D.P., Les systèmes pénaux à l’épreuve du crime de
génocide, Actes préparatoires du XVI Congrès international de droit pénal, in R.I.D.P., 1996, 3/4 trim., p.
1 s.; A.I.D.P., Les système pénaux à l’épreuve du crime organisé, XVI Congrès international de droit
pénal, Budapest, 5-11 septembre 1999, in R.I.D.P., 1999, 3/4 trim., p. 825 s.
286 La responsabilité pénale des individus pour la seule qualité de membres d’une organisation
criminelle, abstraction faite d’une activité quelconque, comme nous l’avons constaté, est retenue, aussi,
par la Loi n. 10 du Conseil de contrôle des alliés (article 2 § 1 d)). En doctrine, sur ce point, voir Y.
JUROVICS, L. HUSSON, Le crime contre l’humanité, cit., p. 37, § 147 s.
287 Voir Action commune du 21 décembre 1998 relative à l’incrimination de la participation à une
organisation criminelle dans les États membres de l’U.E., in Journal officiel des Communautés
Européennes, n. L. 351 du 29 décembre 1998, p. 1-2, art. 1-2.
288 Selon une définition donnée par Interpol, le but ultime des activités illicites serait de réaliser des
profits. Une classification sommaire des organisations criminelles, en outre, permettrait de les regrouper
en trois classes: 1) les organisations traditionnelles, caractérisées par la rigidité de la structure interne, la
continuité de l’action dans le temps, la variété des conduites en violation; 2) les organisations
professionnelles, spécialisées dans un ou deux types d’activités illégales; 3) les organisations

86
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

L’exercice d’une activité illégale, caractère essentiel des organisations criminelles,


entraîne des conséquences importantes au niveau de la responsabilité pénale de
l’organisation. Notamment, l’imputation de l’activité à l’organisation doit être effectuée
selon le critère du concours des personnes. Dans le cadre du concours, pour
l’incrimination de chaque sujet de l’organisation, on peut exploiter des critères
différents. D’un côté on peut considérer l’activité illégale de l’organisation dans le
temps, selon le principe de la continuité: tous les actes illégitimes émanant de
l’organisation devraient alors être considérés liés par la continuité. Cela entraînerait la
responsabilité de chaque membre de l'organisation pour tout acte émanant de
l’organisation même, qu’il ait ou qu’il n'ait pas participé à une action criminelle
spécifique. L'article 25 § 3 i) du Statut de la C.P.I., en faisant référence au dessein
criminel de l’organisation, semble renvoyer à cette hypothèse. D’un autre côté, on peut
sanctionner le délit d’appartenance à l’organisation. De cette façon, tout individu
adhérent à l’organisation pourrait être culpabilisé sur la base de l’activité prêtée dans
l’organisation, en ayant connaissance de son caractère criminel, quoiqu’il n’ait pas pris
part à l’accomplissement d’un acte spécifique.289
Le critère du concours est tout à fait différent, voire opposé, au principe de
l’imputation organique applicable aux organisations légitimes. Il s’agit d’une logique
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totalement autre puisque les organisations légitimes exercent, normalement, une activité
légale et, exceptionnellement, une activité illégale, alors que les organisations
criminelles exercent, normalement, une activité illégale et, éventuellement, une activité
légale de couverture. Tandis que l’imputation organique est une sorte d’escamotage
juridique que l’on peut employer pour des raisons de rationalisation mécanique du
système, afin de responsabiliser un sujet-organisation dans son ensemble, le critère du
concours des sujets est un principe primaire et indispensable pour criminaliser des
individus, pris un par un dans leurs individualités, qui ont participé activement à la
commission du crime. D’ailleurs celle-ci est une conséquence nécessaire du fait que, si
les organisations légales ont la personnalité juridique, les organisations criminelles
n’ont pas de personnalité juridique, sauf au cas où une organisation conduirait, en
même temps, une activité légale et illégale: juridiquement les organisations criminelles
n’existent pas de façon positive. Le critère de l’imputation organique, d’ordre collectif,
n’est pas applicable aux organisations criminelles et le seul critère d’imputation, d’ordre
individuel, demeure celui du concours des personnes. La criminalisation demeure
individuelle: dans ces limites les organisations criminelles sont responsabilisées par
l’article 25 § 3 du Statut de la C.P.I. L’action concurrente doit être consciente, puisque
le concours de sujets peut exister seulement en cas d’action consciente et volontaire.290

opportunistes, qui conduiraient, normalement, des activités légales et, seulement épisodiquement, des
actions illégales (voir l’adresse électronique ‹http://www.interpol.int› (site d’Interpol – International
Criminal Police Organization)).
289 Fondamentale demeure la connaissance du caractère criminel de l’activité de l’organisation, puisque
personne ne peut être retenue responsable sur la base du critère de la responsabilité objective (voir, sur ce
point, M. CASTILLO, La compétence du T.P.I.Y., cit., p.79 s.; J.M. VARAUT, Le procès de Nuremberg,
Paris, Perrin, 1992; S. BOUIFFROR, C. DERYCKE, Les organisations criminelles, cit., p. 171).
290 Une jurisprudence constante exige, pour la responsabilisation par concours, l’acte de participation et
la connaissance des suites des actes accomplis, en termes de politique ou de plan criminel (voir T.P.I.R.,
Ch. I 1ère inst., Akayesu, jugement du 2 septembre 1998, ICTR-96-4, § 544; T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst.,
Fundzjia, jugement du 10 décembre 1998, IT-95-1, § 245; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Musema, jugement du
27 janvier 2000, ICTR-96-13, § 181-183; T.P.I.Y., Ch. App., Vasiljevic, jugement du 25 février 2004, IT-
98-32, § 95-101). Certaines décisions sanctionnent même l’aide potentielle de l’accusé absent lors de la
commission du crime, dès lors que les auteurs ont pu se croire protégés ou encouragés par son action
éventuelle, en partant du principe que la responsabilité n’implique pas, forcement, la participation

87
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Ainsi, dans le cas de l’organisation criminelle, l’imputation subjective ne pose pas les
problèmes que crée, par contre, l’imputation organique du point de vue de la conscience
et de la volonté de l’action.
Du côté objectif, le principe du concours des personnes implique la multiplication de
l’action illégitime pour le nombre des participants. En effet il suffit de repérer quels
sont les crimes des individus et d’en élargir l’application à tous les sujets actifs
concourant dans la conduite criminelle.291 Même le problème de la sanction des
organisations criminelles doit être résolu en conformité avec le concours des personnes.
Chaque sujet serait puni individuellement pour le concours dans l’action criminelle. La
sanction, telle que prévue à l’article 77 du Statut de la C.P.I., impliquant la prison à vie,
l’emprisonnement temporaire jusqu’à trente ans, l’amende et le paiement des dépenses
de la procédure, devrait entraîner automatiquement l’anéantissement de l’organisation.
Il ne serait pas question, par contre, de prévoir des formes de sanctions collectives
spécifiques à l'égard de l’organisation, puisqu’elle n’a pas de personnalité juridique. Du
côté de la procédure, l’application du critère d’imputation par concours permet de
suivre les normes du Statut de la Cour pénale internationale. Il s’agit, donc, d’une
véritable procédure pénale, définie dans ses caractères généraux, menée par une Cour
préalablement établie, qui prévoit une phase préliminaire, une phase de débats, une
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phase d’appel, une phase de révision et une phase d’exécution de la peine: on est loin
des modèles classiques des procédures internationales qui s’appliquent aux personnes
morales telles que les États et les organisations internationales. L’emploi, comme
critère d’imputation, du concours subjectif, au lieu de l’imputation organique, simplifie
beaucoup les choses en termes de procédure et de sanction d’ordre criminel: le principe
d’imputation, conforme au principe de l’individualisation de la responsabilité, conduit à
suivre des routes procédurales et à appliquer des conséquences juridiques classiques du
point de vue du droit pénal.292
Du côté de l’imputation des personnes morales, en revanche, le problème de fond,
sur le plan pénal, est que, avec les personnes directement responsables du crime,
d’autres sujets, non participant directement à la commission de l’infraction, seraient
responsabilisés: cela contreviendrait au principe fondamental pour lequel la
responsabilité pénale est personnelle. Pour cette raison, au cours du procès de
Nuremberg, même s’il fut question de juger aussi bien des individus que des
organisations, notamment étatiques, seulement les personnes physiques furent
condamnés, sur la base du principe de la complicité poussé jusqu’à la limite de
l’adhésion.293 Pour cette raison le Statut de la C.P.I., dans la ligne du Tribunal de

matérielle à la commission du crime (voir T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Tadic, jugement du 7 mai 1997, IT-
94-1, § 679; T.P.I.Y., Ch. 1 1ère inst., Alevskovski, jugement du 25 mai 1999, IT-95-14, § 64).
291 Sur la position du complice et du coauteur, cette dernière étant assimilée à celle de l’auteur, dans la
commission de l’acte illicite voir F. DESPORTES, F. LEGUNEHEC, Droit pénal général, 9ème éd., cit.,
p. 508 s.; H. ASCENSIO, R. MAISON, L’activité des tribunaux pénaux internationaux (1998), cit., p.
407-408. En jurisprudence voir T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Musema, ICTR-96-15, 27 janvier 2000,
jugement, § 168 s; T.P.I.Y., Tadic, arrêt du 15 juillet 1999, § 190; T.P.I.Y., Ch. II-quater 1ère inst.,
Delacic, Mucic, Landzo (Affaire de “Celebici”), jugement du 16 novembre 1998, IT-96-21, § 319-321.
Une partie de la doctrine repère deux formes de participation: pour la complicité (position, par exemple,
de l’organisateur) ou pour l’appartenance, c’est-à-dire l’adhésion au complot (position, par exemple, du
fournisseur d’armes) (voir Y. JUROVICS, L. HUSSON, Le crime contre l’humanité, cit., p. 30, § 110).
292 À ce propos Y. JUROVICS, L. HUSSON, Le crime contre l’humanité, cit., p. 36, § 139-143,
remarquent que les Statuts et la jurisprudence des T.P.I. emploient plus aisément le mot “groupe” que le
terme “organisation” pour définir la criminalité collective, afin de souligner que la responsabilité en
cause demeure, quand même, individuelle.
293 Notamment, au cours du procès de Nuremberg furent jugées les organisations suivantes: le Cabinet du
Reich, le Corps des chefs politiques du parti nazi, les S.S., la S.D., la S.A., La Gestapo, l’État-major

88
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

Nuremberg, s’arrête au seuil de la responsabilité individuelle, à la limite de la


participation par adhésion dans le cas de la criminalité du groupe, en écartant totalement
la question de la responsabilité des personnes morales.294
Malgré ces considérations négatives il faut rappeler qu’un texte à vocation non
strictement pénale, le Protocole de la Conférence de Potsdam (Berlin, réunissant les
représentants des États-Unis d’Amérique, de l’U.R.S.S. et du Royaume Uni de Grande
Bretagne et Irlande du Nord du 17 juillet au 2 août 1945), rédigé le 1er août 1945,
condamna les organisations nazies à la suppression (principe II.A.3.a). Or, la
suppression est une sanction qui touche l’organisation criminelle en tant que telle,
indépendamment de la responsabilité des individus. S’il est vrai, donc, que, dans le
cadre juridictionnel de Nuremberg, des sanctions à l’encontre des organisations ne
furent pas adoptées, elles le furent dans le cadre politique. Par ailleurs, lors de
l’institution du Tribunal de Nuremberg, une partie de la doctrine envisageait sa création
comme le point de départ pour parvenir à responsabiliser les États du point de vue
criminel.295
En outre quelques dispositions conventionnelles, concernant principalement la
responsabilité individuelle pour des agissements criminels, comme l’article 9 de la
Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre
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1948, l’article 30 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements


cruels, inhumains et dégradants, adoptée par la Résolution de l’A.G.N.U. 39/46 du 10
décembre 1984, l’article 8 de la Convention sur l’élimination et la répression du crime
d’apartheid, adoptée par la Résolution de l’A.G.N.U. 3068 (XXVIII) du 30 novembre
1973, contemplent la responsabilité collective à côté de celle de l’individu. L’article 9
de la Convention sur le génocide parvient même à introduire la possibilité d’un recours
étatique unilatéral à la Cour Internationale de Justice.296
D’ailleurs, la jurisprudence internationale reconnaît, parfois, le lien entre la
responsabilité pénale individuelle et collective et une partie de la doctrine souligne
comme la reconnaissance de la responsabilité des sujets qui agissent au nom des
collectivités, notamment des États, porte à penser que la collectivité même est assimilée
aux agissements de ceux qui parlent en son nom.297 Dans cette perspective, la

général, et le Haut commandement des Forces armées allemandes (voir Tribunal militaire international de
Nuremberg, Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international, t. 1, cit., p.
7, 269 s.). Sur l’irresponsabilité des personne morales et, notamment, de l’État dans la jurisprudence du
Tribunal de Nuremberg voir H. DONNEDIEU DE VABRES, Le procès de Nuremberg devant les
principes modernes du droit pénal international, cit., p. 543-562.
294 Sur la responsabilité par adhésion dans le Statut et la jurisprudence du Tribunal de Nuremberg voir R.
MALÉZIEUX, Le Statut international des criminels de guerre, in R.G.D.I.P., 1941-1945, t. 49, p. 174-
175; S. POMORSKI, Conspiracy and Criminal Organisation, in G. GINSBURGS, N. KUDRIAVTSEV,
The Nuremberg Trial and International Law, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1990, p. 239 s.
295 Voir J. DESCHEEMAEKER, Le jugement des grands criminels de guerre, cit., p. 287-288.
296 Sur les différents instruments conventionnels, concernant la responsabilité pénale des individus, qui
prévoient la possibilité de saisir la C.I.J., voir, en jurisprudence, C.I.J., Activités armées sur le territoire
du Congo (nouvelle requête: 2001), République démocratique du Congo/Rwanda, demande en indication
de mesures conservatoires, ordonnance du 10 juillet 2003, p. 23 s., § 63 s., ‹http://www.icj-cij.org›.
297 Voir, en jurisprudence, T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Tadic, jugement, 7 mai 1997, IT-94-1, § 606, où le
Tribunal considère que: “L’engagement continu et indirect du Gouvernement de la République fédérale
de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) dans le conflit armé en République de Bosnie-Herzégovine […]
soulève des questions de responsabilité de l’État qui échappent au champ et à l’intérêt de cette espèce”;
C.I.J., Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Bosnie-
Herzégovine/Yougoslavie, arrêt du 11 juillet 1996, in C.I.J. Rec., 1996, p. 616, où la Cour observe que:
“en visant ‘la responsabilité d’un État en matière de génocide ou de l’un quelconque des actes énumérés à
l’article III’ l’article IX n’exclut aucune forme de responsabilité des États”. Voir, aussi, T.P.I.Y., Ch. II
1ère inst., Blaskic, Décision relative à l’opposition de la République de Croatie quant au pouvoir du

89
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

responsabilisation des individus, notamment de ceux qui agissent en position officielle


au nom des personnes morales, pourrait ouvrir la voie à la responsabilisation des
collectivités.298 La doctrine, notamment, souligne que les juridictions pénales
internationales individuelles, bien qu’elles se désintéressent de la signification pénale
de la responsabilité des États, exploitent le concept de la responsabilité étatique pour
parvenir à élargir l’incrimination à ses agents et représentants, opérant un fort
glissement du principe de l’individualisation de la criminalisation de la conduite par
concours vers celui de la responsabilité collective par l’imputation organique.299
En outre, il est intéressant de remarquer que la Résolution 44/39 du 4 décembre 1989
de l’A.G.N.U., chargeant la C.D.I. de reprendre les travaux sur la création d’une C.P.I.,
portait pour titre: “Responsabilité pénale internationale des particuliers et des entités qui
se livrent au trafic illicite transfrontalier des stupéfiants et à d’autres activités
criminelles transnationales: création d’une Cour de justice pénale internationale ayant
compétence pour connaître de ces délits”. De plus, au cours des travaux relatifs à la
C.P.I., la Commission préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I. avait envisagé
l’insertion, dans le Statut de la Cour, d’une disposition prévoyant que la responsabilité
pénale individuelle n’exclue pas la responsabilité de l’État.300
Finalement, du côté objectif, la configuration du crime individuel, au niveau des
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principes généraux du droit international, comme violation d’une obligation erga omnes
absolue indivisible, donc du ius cogens, laisse entrevoir un point de contact avec la
responsabilité majeure des États pour la violation des mêmes obligations.

Conclusion.
Au niveau des principes généraux du droit international, du côté objectif, la notion
de crime individuel est façonnée en tant que violation d’une obligation erga omnes
indivisible absolue. Cette forme du crime est déterminée par la nature, cogens, de
l’obligation violée, qu’il s’agisse du droit à la souveraineté (en cas d’agression), ou bien
des droits de l’homme (cas des crimes contre l’humanité, du génocide et des crimes de
guerre). Les textes fondamentaux qui codifient la matière, notamment le Statut de la
C.P.I., document synthétique final, consacrent cette liaison entre le crime individuel et
le ius cogens.
Du côté subjectif, les mêmes textes, ainsi que la jurisprudence des tribunaux pénaux
internationaux, responsabilisent exclusivement les individus: le principe guide de
l’imputation demeure celui de la personnalité de la responsabilité pénale.301 Ce

Tribunal de décerner des injonctions de produire (subpoena duces tecum), arrêt du 18 Juillet 1997, IT-95-
14, § 77, 93; T.P.I.Y., Ch. App., Blaskic, Arrêt relatif à la requête de la République de Croatie aux fins
d’examen de la décision de la Chambre de première instance II rendue le 18 juillet 1997, 29 octobre
1997, IT-95-14, § 41, quoiqu’il s’agisse d’une responsabilité pour des faits survenant au cours du procès,
notamment en matière de production de la preuve, non pas pour les crimes principaux du Statut du
T.P.I.Y. En doctrine voir Y. NOUVEL, La preuve devant le T.P.I.Y., cit., p. 942; P.M. DUPUY,
Observations sur le “crime international de l’État”, cit., p. 449; A. PELLET, Can a State Commit a
Crime? Definitely, Yes!, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 2, p. 432-433; A. NOLLKAEMPER, Concurrence
between Individual Responsibility and State Responsibility in International Law, cit., p. 619.
298 Conformément voir l’opinion de V. Pella in S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 318-319, §
78. Sur la responsabilisation pénale de l’État comme aboutissement du processus de criminalisation qui,
pour l’heure, ne criminalise que les individus, voir M. MASSE, L’utopie en marche, cit., p. 151-153.
299 Voir Y. JUROVICS, L. HUSSON, Le crime contre l’humanité, cit., p. 35, § 137.
300 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité
préparatoire en mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 47, § 192.
301 Voir, sur cette question, S. GLASER, Culpabilité en droit international pénal, cit., p. 467 s.

90
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES INDIVIDUS

principe, évident pour les sujets qui agissent en tant que personnes privées, vaut aussi
pour les sujets qui agissent au nom des personnes morales, publiques ou privées. La
qualité officielle du sujet actif, en effet, ne permet pas le passage de la responsabilité
individuelle à la responsabilité collective, quel que soit le degré hiérarchique occupé par
le sujet: exécutant, supérieur hiérarchique ou gouvernant. Le seul critère pour
responsabiliser plusieurs sujets, du côté actif, est celui du concours dans l’acte illicite,
qui se fonde sur le critère de la responsabilité personnelle, multiplié pour le nombre des
sujets participant à l’action: ce principe permet de responsabiliser les organisations
criminelles, selon les critères traditionnels de la responsabilité individuelle, mais ne
franchit pas l’écran des personnes morales. En d’autres termes, le Statut de la C.P.I. et
les autres textes majeurs en matière de responsabilité criminelle individuelle
internationale se limitent à considérer la responsabilité des personnes physiques, et se
désintéressent, par choix exprès, de la responsabilité des personnes morales.302
Restent exclus de la juridiction de la C.P.I., sûrement, les États et les organisations
internationales, sujets classiques du droit international, soumis à des procédures de
jugement spécifiques et dont la responsabilité pénale est douteuse pour une bonne partie
de la doctrine. L’application de cette approche exclut, aussi, de la juridiction de la C.P.I.
les personnes morales infra-étatiques et trans-étatiques, sujets qui sont de plus en plus
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responsabilisés, sur le plan pénal, par les juridictions internes, malgré la croissante
dimension transfrontalière du crime.303
Cependant quelques conventions, regardant des crimes spécifiques, notamment la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre
1948, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants du 10 décembre 1984 et la Convention sur l’élimination et la répression
du crime d’apartheid du 30 novembre 1973, établissent un lien entre la responsabilité
criminelle des individus et celle des États. La jurisprudence et la doctrine, en outre,
remarquent la relation nécessaire qui subsiste entre le deux formes de responsabilité.
Les travaux préparatoires du Statut de la C.P.I. révèlent, d’ailleurs, que la question du
rapport entre la responsabilité des individus et celle des États ainsi que des autres
personnes morales a été soulevée à maintes reprises. La forme objective du crime
individuel, en tant que violation de normes cogentes, laisse supposer un lien possible
avec la responsabilité étatique pour les infractions majeures.
Finalement, même si le texte définitif Statut de la C.P.I., document normatif qui
synthétise les principes généraux de la responsabilité internationale pénale des
individus, s’arrête au seuil des personnes physiques, sans aller au-delà de l’imputation
par adhésion, la possibilité, voire la nécessité, n’est pas exclue, de concevoir la
responsabilité pénale des États et des autres personnes morales en droit international et
d’en chercher les éventuels liens avec l’imputation individuelle.

302 Voir, sur ce point, A. PELLET, Le Tribunal criminel international pour l’ex-Yougoslavie: poudre aux
yeux ou avancée décisive?, cit., p. 40.; P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd.,
cit., p. 675-689; B.V.A. RÖLING, A. CASSESE, The Tokyo Trial and beyond, Cambridge, Polity Press,
1993; C. VASSALLI, La giustizia internazionale penale, Milano, Giuffré, 1995; F. LATTANZI, E.
SCISO, Dai tribunali penali internazionali ad hoc ad una corte permanente, Colloquio di Roma, 15-16
dicembre 1995, Napoli, Editoriale Scientifica, 1996; P.R. PICCIGALLO, The Japanese on Trial. Allied
War Crimes Operations in the East, 1945-1951, Austin, Texas U.P., 1979.
303 L’article 121-1 du Code pénal français retient le principe de la responsabilité pénale des personnes
morales, à l’exception de l’État. L’article 213-3 du Code pénal français responsabilise les personnes
morales pour les crimes contre l’humanité.

91
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CHAPITRE 2
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

Introduction. § 2.1. La formation progressive du concept de la responsabilité pénale des États.


§ 2.2. L’évolution de la responsabilité criminelle des États dans les sources du droit international
(coutume et traités). § 2.3. La responsabilité criminelle des États dans la jurisprudence
internationale. § 2.4. L’évolution de la doctrine sur la responsabilité criminelle des États pendant la
deuxième moitié du XIX et le début du XX siècle. § 2.5. La conception de la responsabilité
criminelle des États en doctrine entre les deux guerres mondiales. § 2.6. La conception de la
responsabilité criminelle des États en doctrine après la seconde guerre mondiale. § 2.7. Le Projet
d’articles sur le droit de la responsabilité des États: historique. § 2.8. Les grandes lignes du Projet
d’articles sur le droit de la responsabilité des États adopté en première lecture en 1996. § 2.9.
L’évolution du Projet sur la responsabilité des États en matière criminelle jusqu’à la dernière
lecture de 2001. § 2.10. L’emploi du terme “crime” en droit international. Conclusion.

Introduction.
L’État est le sujet par excellence de l’ordre juridique international: probablement
pour cette raison et à cause du principe de l’égalité souveraine la question de sa
responsabilité, notamment pénale, est complexe. La possibilité de responsabiliser les
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États du point de vue criminel constitue la problématique fondamentale de notre thèse:


est-il possible de criminaliser un État? La réponse à cette question est fondamentale
pour la recherche de solutions aux questions juridiques qui naissent d’une vision
d’ensemble, systématique et synthétique, de la responsabilité internationale pénale.304
Le problème, qui soulève un large débat en doctrine, doit être analysé en même temps
que le sujet, plus général, de la responsabilité des États, dont la distinction entre la
responsabilité ordinaire et criminelle représente un sous-ensemble.305
Des règles de droit international qui affirment, de façon satisfaisante, la
responsabilité pénale des États, de iure condito, n’existent pas; en revanche les règles
de iure condendo nous donnent des indications controversées.
Dans son évolution historique le droit international a vu naître la distinction entre
une responsabilité plus et moins grave du sujet étatique306. L’idée d’une responsabilité
majeure se lie, au moins à partir du XVII siècle, à la guerre d’agression, entendue,
stricto sensu, comme emploi de la force armée, car celle-ci constitue, naturellement, la
conduite la plus dangereuse pour l’intégrité de l’ordre international de la paix, étant
contraire au principe même de souveraineté. Au cours du XX siècle quelques doctrines
essayent de concevoir la responsabilité majeure des États de façon pénale, tandis que la
jurisprudence affirme, au plus, une distinction entre les violations ordinaires et les
violations qui lèsent les intérêts fondamentaux de la communauté internationale dans
son ensemble. Quant aux dispositions normatives, quelques conventions et déclarations
qualifient certaines conduites des États comme “criminelles”: tel est le cas de la
violation de la paix par le biais de l’agression, qualifiée de “crime”, parmi d’autres
textes, par la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des N.U. du 14
décembre 1974. Finalement, l’article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des

304 Voir S. GLASER, L’État en tant que personne morale est-il pénalement responsable?, in R.D.P.C.,
1948-1949, février, n. 5, p. 425 s.
305 Pour un aperçu de l’importance de la question voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p.
84 s.; M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”: une responsabilité pénale?, cit., p. 91;
D.D. CARON, State Crimes in the I.L.C. Draft Articles on State Responsibility: Insights from Municipal
Experience with Corporate Crimes, in Proc. A.S.I.L., 1998, p. 307; D.W. BOWETT, Crimes of State and
the 1996 Report of the I.L.C. on State Responsibility, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 1, p. 163 s.
306 Voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 339-340, 344.
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

États, déjà formulé en 1976 et adopté dans le cadre de la première lecture complète du
Projet en 1996, affirme la distinction entre les “crimes” et les “délits” internationaux
des États. L’article 40 du Projet adopté en 2001, en deuxième lecture, se base sur la
distinction entre normes internationales cogentes et ordinaires. Étant donné un tel cadre
normatif, la question de la responsabilité criminelle des États ne se présente pas comme
une question aisée.307
Dans ce chapitre nous traçons l’évolution historique du concept de la responsabilité
“pénale” de l’État, depuis sa naissance comme responsabilité majeure, liée à la guerre
d’agression, jusqu’à son apogée dans l’article 19 du Projet de la C.D.I. de 1996 sur la
responsabilité des États. Cet article constitue une référence indispensable de notre thèse,
car il contient la reconnaissance la plus claire de la responsabilité criminelle des États.
Nous étudions, ensuite, l’évolution de cette responsabilité qui, dans le texte du Projet
sur la responsabilité des États adopté en 2001 et soumis à l’attention de l’Assemblée
générale des N.U., se transforme, à la suite de l’effacement de l’article 19, en violation
des normes internationales cogentes. Finalement, à la lumière de cette analyse, nous
faisons des réflexions générales sur l’emploi du terme “crime” dans l’article 19 et dans
d’autres textes de droit international, pour essayer d’en tirer des indications sur la nature
de la responsabilité étatique.
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§ 2.1. La formation progressive du concept de la responsabilité pénale des États.


Le concept de la responsabilité pénale des États, a été élaboré, progressivement,
jusqu’à la formulation, en 1976, dans le cadre du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité
des États, de l’article 19, qui établit une différence essentielle entre la responsabilité des
États pour “délit” et pour “crime”.308 L’article en question creuse un fossé, du point de
vue du droit matériel, en établissant un double type d’infraction étatique: l’infraction
délictuelle, catégorie large, selon laquelle toute infraction d’une obligation par l’État
entraîne une sanction, correspondant au principe général alterum non laedere, et
l’infraction criminelle, catégorie étroite, qui inclut un petit nombre de violations. Les
crimes et les délits, d’après cette disposition, se distingueraient tant du point de vue de
la gravité, car les violations criminelles seraient plus graves que les simples délits, que
du point de vue de la forme logique, car le crime constituerait la violation d’une
obligation erga omnes absolue indivisible (ius cogens).
L’article 19 du Projet sur la responsabilité des États représente le point d’arrivée
d’une longue marche de la pensée en matière de droit international et il est possible
qu’il soit prématuré ou, même, d’application impossible, étant données les vicissitudes
qu’il a rencontrées depuis sa naissance.309 L’idée des crimes des États contenue dans cet
article plonge ses racines dans la pensée de certains auteurs qui ont approché le
problème de la guerre, entendue, stricto sensu, comme emploi de la force armée, car
cette conduite, pour la gravité des dégâts qu’elle entraîne, peut constituer une infraction

307 Sur cette question voir O. TRIFFTERER, Prosecution of States for Crimes of State, in R.I.D.P., 1996,
1/2 trim., p. 345.
308 Sur l’évolution du principe de la responsabilité étatique du XVI au XX siècle voir P. REUTER, Le
développement de l’ordre juridique international – Écrits de droit international, Paris, Economica, 1995,
p. 379-420.
309 Pour un cadre synthétique de l’évolution de la distinction entre deux formes de responsabilité
internationale étatique depuis le XVIII siècle jusqu’à la formulation de l’article 19 du Projet de la C.D.I.
sur la responsabilité des États voir P.M. DUPUY, Infraction, in D. CARREAU et al. (sous la dir. de),
Encyclopédie juridique Dalloz – Répertoire de droit international, Paris, Dalloz, 1998, t. II, p. 1 s., § 33-
42.

94
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

grave, dans le cadre du droit international de la paix.310 D’après l’opinion de V. Pella


“les guerres d’agression commises au cours des siècles passés, si on les conçoit du point
de vue de la notion nouvelle du crime international se présentent comme des
manifestations évidentes de criminalité collective”.311
Jusqu’en 1600 prévalait la conception selon laquelle la guerre serait implicite dans la
nature humaine. Dans cet ordre d’idée, la solution du problème ne pouvait pas être
cherchée dans le cadre du droit international, selon lequel la guerre était légitime,
conception soutenue encore aujourd’hui par certains auteurs.312 Ainsi la paix ne pouvait
être réalisée que par l’accord des souverains, le principe général du droit à la guerre
étant de nature divisible.
A partir de 1600, au moins dès la pensée de Hobbes, prévaut la conception de la
guerre comme fait illicite dans l’organisation sociale, suite à l’aliénation du ius omnium
contra omnes par le biais du contrat social (pax est quaerenda). Dans ce cadre
idéologique s’épanouit complètement l’idée que la guerre, une fois banni l’état de
nature, est légitime seulement si elle répond à une juste cause, donc, essentiellement, en
contre-mesure, comme l’avaient déjà soutenu des esprits célèbres, dans la tradition du
droit naturel, tels que Aristote, Cicéron, Saint Augustin et Saint Thomas d’Aquin.313
Ainsi le Traité de Westphalie, du 24 octobre 1648, affirme l’exigence d’une paix
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chrétienne et universelle (article 1). Se développent de plus en plus, en outre, des


projets pour la réalisation d’une paix effective par le biais du changement de l’ordre
juridique étatique et international.
Pierre Dubois, avocat de Constances, proposait, déjà vers 1305, dans son “De
recuperatione terrae sanctae”, un plan de paix universelle chrétienne pour l’institution
d’une République chrétienne, régie par un Congrès de chefs d’États et où le règlement
des différends aurait dû passer par l’Arbitrage ou, en dernière instance, par le verdict du
Sainte Siège.314
François de Vitoria, théologien dominicain espagnol, en 1500, dans son “Relectiones
de Indis et de iure belli”, substituait au concept d’indépendance des États celui de
l’interdépendance, justifié par la solidarité politique qui est à la base de la société
internationale et résuma ce concept dans l’idée du ius inter gentes. Selon Vitoria, la
guerre de réaction, juste, donnerait au vainqueur le pouvoir d’imposer à l’ennemi des

310 Sur la guerre, stricto sensu, comme emploi de la force armée, voir, L. DELBEZ, La notion juridique
de guerre, in R.G.D.I.P., 1953, t. 57, p. 178 . Sur la guerre comme point de départ de la “criminalisation”
des rapports internationaux voir J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques
observations, cit., p. 57; J.C. WITENBERG, De Grotius à Nuremberg – Quelques réflexions, in
R.G.D.I.P., 1947, t. 51, p. 89 s.; J. DESCHEEMAEKER, Le jugement des grands criminels de guerre,
cit., p. 211-218. Pour une approche de la guerre, en tant qu’emploi de la force armée, et de son évolution
voir M. VOELCKEL, Guerre, in D. CARREAU et al., Encyclopédie juridique Dalloz – Répertoire de
droit international, Paris, Dalloz, 1998, t. II, p. 1-3, § 1-10; M.-C. BASSIOUNI, Le droit pénal
international: son histoire, son objet, son contenu, cit., p. 46 s.
311 Voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 239, § 35.
312 Voir L. DELBEZ, Les principes généraux du droit international public – Droit de la paix, droit
préventif de la guerre, droit de la guerre, 3ème éd., cit., p. 396.
313 Sur le concept de iustum bellum voir N. BOBBIO, D. ZOLO, Hans Kelsen, the Theory of Law and the
International Legal System: a Talk, cit., p. 367; I. BIBÓ, Le dogme du “bellum iustum” et la théorie de
l’infaillibilité juridique. Essay critique sur la théorie pure du droit, in Revue internationale de la théorie
du droit, 1936, n. 10, p. 14 s. Sur l’évolution historique du droit international de l’antiquité au XX siècle
voir S. KORFF, Introduction à l’histoire du droit international, in R.C.A.D.I., 1923, vol. 1, p. 1 s.
314 Voir P. DUBOIS, De recuperatione terrae sanctae, 1305, Paris, A. Picard, 1891.

95
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

sanctions pénales: “Après la victoire, on peut punir la violation du droit dont les
ennemis se sont rendus coupables, sévir contre eux, les châtier de leurs fautes...”315
François Suarez, théologien jésuite (1548-1617), soutint de nouveau l’idée d’une
société des États basée sur le ius gentium, dans son “Tractatus de legibus ac Deo
legislatore”, de 1613, et se déclara favorable à la solution des conflits par le biais de
l’arbitrage mais, trouvant cette solution difficile à mettre en pratique, il soutint la thèse
de la guerre juste, légitime en tant qu’exercice d’un droit et conforme à la morale.316
Émir Crucé, dans “Le nouveau Cysne ou Discours des occasions et moyens d’établir
une paix générale et la liberté de commerce par tout le monde”, de 1623, proposait la
constitution d’une Assemblée d’ambassadeurs des souverains des États pour résoudre
les différends internationaux.317
Hugues Grotius, qui soutint, également, l’idée de la constitution d’une Assemblée à
laquelle les Princes chrétiens auraient dû soumettre leurs différends, douée du pouvoir
de contrainte nécessaire pour assurer l’exécution de ses jugements, réaffirma l’idée du
iustum bellum dans son “De iure belli ac pacis”, ouvrage exhaustive et, en large
mesure, fondatrice du droit moderne, qui remonte à 1625. Le concept de la guerre juste,
dans la pensée de Grotius, se précise dans le sens que le monarque aurait la possibilité
de réagir et de punir non seulement les violations commises contre soi et ses sujets,
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mais aussi en réponse à des infractions commises contre des sujets tiers: il s’agit de la
formulation de l’idée d’obligation erga omnes absolue indivisible d’ordre naturel en
droit international.318
Maximilien de Béthune, Duc de Sully, dans ses “Mémoires”, datables entre 1623 et
1628, proposa un Projet de paix définitive par le biais de l’équilibre entre quinze
grandes puissances européennes et la constitution d’un tribunal arbitral chargé de régler
les différends.319
William Penn, quaker convaincu, fondateur de la colonie américaine de
Pennsylvanie, dans ses “Essays toward the Present and Future Peace of Europe” de
1963, bannissait la guerre, toujours injuste, de la société internationale et proposait la

315 Voir F. DE VITORIA, De Indis et de iure belli (Leçons sur les indiens et sur le droit de la guerre),
trad. fr. M. Barbier, Genève, Libr. Droz, 1966, n. 18. Sur la pensée de F. de Vitoria voir C. BARCIA
TRELLES, Francisco de Vitoria et l’école moderne du droit international, in R.C.A.D.I., 1927-II, vol.
17, p. 109 s.
316 Voir F. SUAREZ, De legibus ac Deo legislatore (Des lois et du Dieu législateur), 1613, trad. fr. J.-P.
Coujou, Paris, Dalloz, 2003. Sur la pensée de F. Suarez C. BARCIA TRELLES, Francisco Suarez (1548-
1617) (les théologiens espagnols du XVI siècle et l’école moderne du droit international), in R.C.A.D.I.,
1933-I, vol. 43, p. 385 s.
317 Voir E. CRUCÉ, Le nouveau Cysne ou discours des occasions et moyens d’établir une paix générale
et la liberté de commerce par tout le monde, 1623, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004.
318 Voir H. GROTIUS, De iure belli ac pacis (Le droit de la guerre et de la paix), cit., Prolégomènes,
XXV, p. 17, Livre II, Chapitre XXV, p. 562 s. Sur la pensée de Grotius voir W. VAN DER VLUGT,
L’œuvre de Grotius et son influence sur le droit international, in R.C.A.D.I., 1925-II, vol. 7, p. 396-509;
R. POUND, Grotius in the Science of Law, in A.J.I.L., 1925, october, vol. 19, n. 4, p. 685-688; C. VAN
VOLLENHOVEN, Grotius and the Study of Law, in A.J.I.L., 1925, january, vol. 19, n. 1, p. 1-11; P.
HAGGENMACHER, Grotius et la doctrine de la guerre juste, Paris, P.U.F., 1985; H. LAUTERPACHT,
The Grotian Tradition in International Law, in B.Y.B.I.L., 1946, XXIII, p. 23 s. Sur la conception du droit
international d’après Grotius et après Grotius voir J.S. REEVES, La communauté internationale, in
R.C.A.D.I., 1924-II, vol. 3, p. 19-31.
319 Voir S. MAXIMILIEN DE BÉTHUNE, Mémoires sages et royales économies d’État, domestiques,
politiques d’Henry Le Grand, 1623-1628, Clermont-Ferrand, Paléo, 2001.

96
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

constitution d’une Diète, composée de représentants des souverains, chargée de trancher


les différends entre souverains, pour établir la paix en Europe.320
L’Abbé de Saint-Pierre, dans ses “Mémoires pour la paix perpétuelle en Europe”, de
1719, rééditées en forme abrégée et renouvelée en 1729, proposait l’institution d’une
société européenne de toutes les souverainetés chrétiennes où le règlement des conflits,
la guerre étant bannie, aurait dû passer par la voie de l’arbitrage ou par la Conciliation à
travers l’institut du Sénat.321
Emer de Vattel, en 1758, dans son “Le droit des gens ou principes de loi naturelle”
s’opposa, en revanche, à l’idée du iustum bellum, en soutenant l’idée que la
souveraineté étatique prime sur tout autre principe.322
Emmanuel Kant, dans son “De la paix perpétuelle. Essai philosophique”, de 1796,
repère les causes de la guerre dans l’organisation de la puissance libre dans les relations
entre les États et recherche la solution par la formation d’un État mondial fédéral
d’ordre républicain, sur la voie d’un État cosmopolite. Il propose, ainsi, la constitution
d’une Fédération mondiale universelle d’États libres, tous Républicains, prévoyant le
principe de non-ingérence dans les affaires internes et la disparition des armées
permanentes.323
En 1800, suite à la Restauration, scellée par l’Acte final du Congrès de Vienne du 9
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juin 1815, l’idée de la guerre inévitable revient dans la pensée d’auteurs tels que Putter,
mais le droit international reste inspiré, fondamentalement, par le principe général de la
paix, tant dans la pensée des partisans du droit naturel (Liszt, Maussbach), que dans les
idées des positivistes (Jellineck, Triepel). La fin du siècle connaît, en outre, par la
pensée de Bluntschli, la première formulation de la différenciation entre une
responsabilité mineure et majeure des États, notamment en cas de guerre, que l’on
retrouvera, au cours de 1900, dans la pensée de plusieurs auteurs et, surtout, dans
certains textes normatifs de droit international.
Au XX siècle, dans le cadre d’un droit international dominé par le principe
fondamental de la paix (Verdross, Radbruck parmi les jus-naturalistes, Anzilotti,
Kelsen, Simma et Reuter parmi les positivistes), l’éclat des deux conflits mondiaux
impose une réflexion sur la possibilité concevoir la guerre d’agression comme un crime

320 Voir W. PENN, An Essay towards The Present and Future Peace of Europe, 1693, Hildesheim,
Olms, 1983.
321 Voir CHARLES-IRÉNÉE (Abbé de Saint-Pierre), Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe,
1719/1729, Paris, Fayard, 1986.
322 Voir E. DE VATTEL, Le droit des gens ou principes de la loi naturelle, 1758, Genève, Institut Henry
Dunant, 1983, vol. I, § 348, vol. II, § 70.
323 Voir I. KANT, Zum ewigen frieden (Per la pace perpetua), trad. it. Roberto Bodiga, Bologna,
Feltrinelli, 1991. Pour le texte des projets des différents auteurs et une présentation synthétique voir G.
DEROCQUE, Le Projet de paix perpétuelle de l’Abbé de Saint-Pierre comparé au Pacte de la Société
des Nations, thèse, Paris, Librairie Arthur Rousseau, 1929, p. 1-160. Sur les projets d’institutionnalisation
de la communauté internationale voir Ch. DUPUY, Les antécédents de la Société des Nations, in
R.C.A.D.I., 1937-II, vol. 60, p. 1 s. Sur l’évolution de la perception de la guerre et de la réglementation
des conflits de la conception de l’état de nature, chez Hobbes, comme bellum omnium contra omnes,
jusqu’à la communauté universelle de Kant, en passant, notamment, par Grotius et Vattel, voir B.
SIMMA, A. PAULUS, The “International Community”: Facing the Challenge of Globalization, cit., in
E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 2, p. 266 s.; P.-M. DUPUY, International Law: Torn between Coexistence,
Cooperation and Globalization. General Conclusions, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 2, p. 278 s.; B.
SIMMA, The Contribution of A. Verdross to the Theory of International Law, cit., p. 40 s. Face à
l’actuelle internationalisation du crime, la doctrine remarque “l’étonnante actualité du modèle
cosmopolite imaginé par Kant, seule façon d’éviter que la notion de crime globale ne conduise tout droit
à celle de guerre globale” (voir M. DELMAS-MARTY, A crime global, justice globale, in Le Monde, n.
17733, mercredi 30 janvier 2002, Horizons – Débats, p. 30).

97
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

international de l’État. Ainsi d’après H. Donnedieu de Vabres “le fait de déclarer une
guerre injuste, que nous avons appelé, en nous plaçant au point de vue des particulier,
un ‘crime impossible’, est le manquement le plus grave qu’un État puisse commettre à
son devoir de solidarité vis-à-vis des autres États. C’est pour en assurer la répression, et
aussi pour la prévenir, qu’au lendemain de la guerre l’idée de créer une juridiction
criminelle internationale s’est imposée à la conscience publique”.324 Selon Q. Saldaña
le concept de guerre “juste” amène à affirmer que “dans la pénologie internationale –
encore bien primitive – règne le vieux talion”.325 Finalement la formulation extrême,
criminelle, de la responsabilité majeure des États, notamment, mais non exclusivement,
en cas de guerre d’agression, est affirmée explicitement, au niveau normatif, par
l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États, en 1976. Cette disposition, toutefois
est destinée, pour l’instant, à demeurer une simple possibilité, car elle a été supplantée,
dans l’article 40 du Projet adopté en 2001, par la notion, moins connotée au sens pénal,
de responsabilité étatique majeure pour violation d’une norme générale cogens.

§ 2.2. L’évolution de la responsabilité criminelle des États dans les sources du droit
international (coutume et traités).
En ayant regard au système des sources du droit international, d’après une partie de
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la doctrine, il serait impossible de trouver une confirmation quelconque de la


responsabilité internationale pénale des États. Plus précisément on estime qu’un crime
international ne peut exister que lorsque la communauté internationale dans son
ensemble reconnaît l’existence d’une telle infraction, mais, au niveau des principes
généraux du droit international, cette reconnaissance n’existerait pas: de lege lata, la
catégorie des crimes internationaux serait inconsistante.326
Cette opinion est confirmée par quelques prises de position de certains États à ce
sujet.327 Le gouvernement des États-Unis déclarait, en 1998, que “la notion de crime
international de l’État n’a aucun fondement en droit international coutumier de la
responsabilité des États, ne sert pas le développement progressif de ce droit et ce n’est
viable en pratique”.328 Selon le gouvernement espagnol “la question de savoir si dans
chaque cas concret un État a commis un crime international est délicate et peut poser
des problèmes de droit: existe-t-il une définition internationale des crimes en
question?”.329 Selon le gouvernement canadien “l’impossibilité de formuler
actuellement une définition des faits internationalement illicites empêche a fortiori de

324 Voir H. DONNEDIEU DE VABRES, Les principes modernes du droit pénal international, cit., p.
418.
325 Voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 258. En général, sur l’évolution de la
doctrine pacifique de Zénon au Pacte de la S.d.N., en passant, notamment, par le Projet de paix
perpétuelle de Kant, voir C.L. LANGE, Histoire de la doctrine pacifique et de son influence sur le
développement du droit international, in R.C.A.D.I., 1926-III, vol. 13, p. 171-426.
326 Voir J. Spiropoulos, Rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, doc. A/CN.4/25, cit., p. 261, § 53-55. Voir, aussi, J. BARBOZA, International criminal law,
cit., p. 87, selon lequel “if we look at the international practice, we do not find any confirmation in the
form of an international crime of the State, as we shall endeavour to demonstrate”.
327 Voir F. BELAICH, La réaction des gouvernements au Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des
Etats, in A.F.D.I., 1998, XLIV, p. 512 s.
328 Voir le Doc. A/CN.4/488, Commentaires et observations des gouvernements sur la responsabilité des
États, 1998, p. 55, disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/099/54/PDF/N9509954.pdf?OpenElement›.
329 Voir le Doc. A/CN.4/351 et Add. 1 à 3, Commentaires et observations des gouvernements sur la
première partie du Projet d’articles sur la responsabilité des États pour faits internationalement illicites, in
Ann. C.D.I., 1982, vol. II, 1ère partie, p. 19, § 4.

98
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

parvenir à un consensus sur la définition des crimes internationaux et à la notion de


responsabilité de l’État pour crimes internationaux”.330
En effet, actuellement, les sources du droit international ne reconnaissent pas, au
moins expressément, ni dans la pratique coutumière, ni dans les traités, aucune forme de
criminalisation de la conduite des États.331 Toutefois rien empêche qu’on commence à
concevoir les catégories de cette forme de responsabilité et qu’on considère comme
criminelles des actions qu’on n’a pas considéré comme telles jusqu’à présent. Il pourrait
exister, en d’autres termes, des formes de responsabilité pénale cachées, notamment
lorsqu’une action illégitime viole des intérêts fondamentaux, plus importants que
d’autres, et intéressant la communauté internationale dans son ensemble, sans qu’il
existe une reconnaissance explicite de la responsabilité criminelle. Il s’agit de voir si
une telle responsabilité est concevable. Ainsi, selon l’opinion de la République
démocratique allemande, exprimée en 1988 “le fait de distinguer des violations
particulièrement graves et de les qualifier de crimes internationaux […] permet de
protéger des règles, qui sont essentielles pour la coexistence des peuples”.332 De l’avis
du gouvernement tchécoslovaque, exprimé en 1981, “la possibilité d’apprécier la
responsabilité pour une violation du droit international en fonction de l’importance que
la violation de la règle juridique violée présente […] montre bien que, dans le droit
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international contemporain, il existe des normes dont le respect intéresse chaque nation
individuellement en même temps que l’ensemble de la communauté des États”.333 En ce
sens, on peut, au moins, douter qu’il n’existe pas des conduites criminelles dans le droit
international actuel.
Au niveau des règles coutumières du droit international général, la responsabilité
étatique n’a pas de connotation: sûrement elle n’est pas définie pénalement, mais elle
n’est même pas reconnue comme civile ou, à la limite, administrative, car il s’agit,
plutôt, d’une responsabilité générique, sans différence de classification.334 Ceci étant, il
faut évaluer s’il est possible de repérer certains caractères de l’infraction criminelle
dans la violation des normes cogentes, intéressant l’ensemble de la communauté
internationale.335 En outre, sur le plan de la sanction, une analyse s’impose pour établir

330 Voir le Doc. A/CN.4/328, et Add. 1 à 4, Observations et commentaires des gouvernements sur les
chapitres I, II et III de la première partie du Projet d’articles sur la responsabilité des États pour faits
internationalement illicites, in Ann. C.D.I., 1980, vol. II, 1ère partie, p. 91, § 5.
331 Voir les considérations que nous avons fait supra. En jurisprudence voir C.I.J., Application de la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, arrêt du 11 juillet 1996, opinion
dissidente du juge Kréca , in C.I.J. Rec., 1996, vol. II, p. 769.
332 Voir le Doc. A/CN.4/414, Commentaires et observations des gouvernements sur la première partie du
Projet d’articles sur la responsabilité des États pour faits internationalement illicites, in Ann. C.D.I., 1988,
vol. II, 1ère partie, p. 4, § 35.
333 Voir le Doc. A/CN.4/342 et Add. 1 à 4, Observations des gouvernements sur la première partie du
Projet d’articles sur la responsabilité des États pour faits internationalement illicites, in Ann. C.D.I., 1981,
vol. II, 1ère partie, p. 80, § 7.
334 Selon A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, le Projet d’articles de la C.D.I. sur la
responsabilité des États, in A.F.D.I., 1996, XLII, p. 22, la responsabilité internationale “ni civile, ni
pénale, mais tenant de l’une et de l’autre [...] présente de caractères propres”.
335 C’est, justement, en raison de l’émergence de la notion du ius cogens et de responsabilité indivisible
erga omnes que la doctrine conçoit la communauté internationale comme sujet de droit international. Sur
cette interprétation, voir, en doctrine, P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd.,
cit., p. 401. Sur l’émergence du concept de ius cogens et des violations relatives voir A. PELLET,
Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 12; C. TOMUSCHAT, Obligations Arising for States
without or against Their Will, cit., p. 197 s., not. p. 232-240; G. ABI-SAAB, Whither the International
Community?, in E.J.I.L., 1998, vol. 10, n. 2, p. 248 s.; C. LEBEN, The Changing Structure of
International Law Revisited: by Way of Introduction, in E.J.I.L., 1997, vol. 8, n. 3, p. 399 s. En

99
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

quelle est la nature, pénale ou autre, des sanctions consistant dans l’obligation de cesser
la conduite illicite ou d’en assurer la non-répétition, ainsi que des sanctions imposant la
réparation.336 D’ailleurs, sur le plan procédural, il faut étudier les contre-mesures,
notamment collectives, pour établir si elles peuvent constituer une sorte de “procédure
pénale internationale”, qui nous permette de considérer la violation comme un crime
international.337
Dans les traités, source relative du droit international, on rencontre souvent des
formes de responsabilisation expresse des États. Quelquefois, quoique cette
responsabilité ne soit pas explicitement qualifiée de “criminelle”, la doctrine l’interprète
en ce sens, d’autres fois les traités qualifient clairement cette responsabilité de
“criminelle”. En général la responsabilité est interprétée ou reconnue comme criminelle
en cas d’actions graves, qui visent des droits reconnus pour défendre des intérêts
fondamentaux de l’ensemble des parties au traité.
En principe on reconnaîtra que tous les faits illicites, d’origine coutumière ou
conventionnelle, relevant du droit international général ou particulier, ne sont pas
également graves. Il s’agit d’une constatation simple et générale, valable non seulement
pour tout ordre juridique national, mais aussi pour la société internationale. Cette
différence de gravité relève, d’avantage, de l’importance des intérêts lésés, à savoir du
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précepte contenu dans la norme violée (gravité substantielle) et, deuxièmement, des
facteurs de circonstance, liés à chaque violation, concernant l’intensité de la conduite en
violation et les dommages qui en suivent (gravité circonstancielle).338 En effet, il est
toujours possible de créer une hiérarchie des intérêts en jeu protégés par le droit, et des
sanctions conséquentes: il se peut que l’évolution du droit international exige la création
d’un système de responsabilité criminelle, vu que certains intérêts, plus importants que
d’autres, pourraient exiger une tutelle particulière.339
Historiquement une certaine tendance à formaliser la différence entre faits illicites en
raison de leur gravité et à distinguer les violations les plus graves afin de les soumettre à
un régime de responsabilité plus sévère s’est affirmé, en droit international, surtout
entre les deux guerres mondiales et, ensuite, au cours des cinquante dernières années.
Pendent cette période il y a eu un effort majeur pour réaliser une protection plus
efficace des intérêts fondamentaux de la communauté internationale, en associant à leur
violation des conséquences plus sévères que celles prévues pour la généralité des autres
faits illicites. Cette tendance se manifeste, notamment, dans le droit international de la

jurisprudence voir C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, arrêt du 24 mai
1980, in C.I.J. Rec. 1980, p. 43.
336 Pour une interprétation de la cessation et de la non-répétition comme sanctions pénales, voir A.
PELLET, “Vive le crime”! – Remarques sur les degrés de l’illicite en droit international, in I.L.C.
(C.D.I.), International Law on the Eve of the 21st Centutry (Le droit international à l’aube de du XXI
siècle) – Réflexions des codificateurs, New York, Nations Unies, 1997, p. 304.
337 Sur cette question voir A. PELLET, “Vive le crime”!, cit., p. 302.
338 Conformément, en droit international, voir C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la
vingt-huitième session, in Ann. C.D.I., 1976, vol. I, p. 72, § 37-38. Pour une constatation analogue dans
le domaine de la responsabilité pénale générale voir G. STEFANI, G. LEVASSEUR, B. BOULOC, Droit
pénal général, 14ème éd., Paris, Dalloz, 1992, p. 17; A. SANTORO, Le circostanze del reato, Torino,
Unione tipografico-torinese, 1952, p. 27 s.
339 Voir A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 21; G. PALMISANO, Les causes
d’aggravation de la responsabilité des États et la distinction entre “crimes” et “délits” internationaux,
in R.G.D.I.P., 1994, t. 98, n. 3, p. 630; J. BARBOZA, International Criminal Law, cit. p. 87, d’après
lequel la façon de procéder du paragraphe 3 de l’article 19 du Projet dur la responsabilité des États de
1996 “renvoi to international practice, as if suggesting that if the customary law fields referred to in the
paragraph are carefully examined, some more or less hidden international crime may be found”. Voir
aussi C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 109.

100
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

paix, par rapport à l’agression, donc au droit à la souveraineté, à la domination


coloniale, à l'indépendance des peuples et aux violations massives et systématiques des
droits de l’homme, telles que le génocide et l’apartheid.340
Déjà le Traité de Versailles, du 28 juin 1919, responsabilisait l’Allemagne pour avoir
commencé et conduit la première guerre mondiale (article 231). Dans ce cadre certaines
sanctions prévues par le Traité, même en dehors des sanctions expressément reconnues
comme pénales aux articles 227-230, peuvent être interprétées comme des peines: c’est
le cas, par exemple, de la réduction des contingents militaires prévue aux articles 159 et
suivants.341
Plus spécifiquement, les articles 11 et 16 du pacte de la S.d.N., adopté le 28 avril
1919 et inclus (premiers vingt-sept articles) dans le Traité de Versailles, ainsi que dans
ceux de Saint-Germain, de Trianon, et de Neuilly, tous issus de la Conférence de paix
tenue à Paris du 12 janvier au 28 juin 1919, envisageaient la guerre d’agression comme
violation erga omnes, envers tous les États parties au Pacte, et prévoyaient un régime
spéciale de sanctions, en cas d’agression, appliqué par l’ensemble des États membres,
tant en cas d’agression extérieure que de guerre interne.342
Le Projet de Traité d'assistance mutuelle élaboré en 1923 par la S.d.N., prévoyait
(article 1er) que: “Les Hautes parties contractantes affirment que la guerre d’agression
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constitue un crime international et prennent l’engagement solennel de ne pas se rendre


coupables de ce crime”.343
Le Protocole pour le règlement pacifique des différends internationaux de Genève,
adopté par la cinquième Assemblée de la S.d.N. le 24 octobre 1924, visant à amender le
Pacte de la S.d.N., qualifiait, dans son préambule, l’agression de “crime international”,
qui viole la solidarité qui unit l’ensemble des membres de la communauté
internationale.344
La Résolution adoptée par l’Assemblée de la S.d.N. le 24 septembre 1927, à sa
huitième session ordinaire, portant “Déclaration relative aux guerres d’agression”,
confirme la tendance, en affirmant que “la guerre d’agression ne doit jamais servir
comme moyen de règlement des différends entre États” et que, de ce fait, “elle constitue
un crime international”.345

340 Sur l’évolution de la responsabilité criminelle en droit international on peut lire, entre autres, les
ouvrages de K. YOKOTA, War as an International Crime, Bonn, 1957, p. 453-460; C. CEPELKA, Les
conséquences juridiques du délit en droit international contemporain, Praha, Universita Karlova, 1965,
p. 69-77; F. LATTANZI, Garanzie dei diritti dell’uomo nel diritto internazionale generale, Milano,
Giuffré, 1983, p. 506-515; B. GRAEFRATH, P.A. STEINIGER, Codification de la responsabilité des
États, in R.D.L.R.D.A., 1973, p. 27-35.
341 Sur la question de la responsabilité criminelle de l’Allemagne pour le déclenchement de la première
guerre mondiale voir C.G. FENWICK, Germany and the Crime of the World War, in A.J.I.L., 1929,
october, vol. 23, n. 4, p. 812-815.
342 Voir, notamment, J.L. KUNZ, L’article XI du Pacte de la Société des Nations, in R.C.A.D.I., 1932-I,
vol. 39, p. 679 s.
343 Voir S.d.N., Journal officiel, décembre 1923, IV année, n. 12, p. 1521.
344 Voir Assemblée de la. S.d.N., Cinquième session, Protocole pour le règlement pacifique des
différends internationaux, 2 octobre 1924, Doc.C.606.M.211.1924.IX, disponible dans le site
électronique ‹http://digital.library.worthwestern.edu/league/le000109.pdf›.
345 Voir Assemblée de la S.d.N., Résolution du 24 septembre 1927, Déclaration relative aux guerres
d’agression, doc. A.119.1927.IX, in ‹http://digital.library.northwestern.edu/league/le000045.pdf›. Sur la
conception criminelle de la responsabilité des États dans la pratique et les traités avant le deuxième
conflit mondial voir G. NOLTE, From D. Anzilotti to Roberto Ago. The Classical International Law of
State Responsibility and the Traditional Primacy of a Bilateral Conception of Inter-State Relations, in
E.J.I.L., vol. 13, n. 5, p. 1089-1090.

101
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

En relation à la situation suivant la seconde guerre mondiale, certains auteurs


considèrent que les mesures prises à l’égard du Japon et de l’Allemagne, comme
l’occupation, le contrôle des activités économiques et politiques, la destruction des
usines capables de reconstituer le potentiel de guerre (voir le Protocole de procédure de
la Conférence de Yalta du 11 février 1945 ainsi que le Protocole de procédure de la
Conférence de Potsdam (Berlin) du 1er août 1945), ne seraient que des peines suivant la
commission d’un crime. Notamment la Conférence de Berlin (Potsdam) réunissant
U.S.A., U.R.S.S. et U.K. du 17 juillet au 2 août 1945, qui établit un Conseil de contrôle
pour gouverner l’Allemagne, prévit, à côté de la réparation (principe III), le
désarmement et la démilitarisation complètes du pays (principe II.A.3.i), la réforme
complète du pays en vue d’un développement démocratique (principe II.A.7.8.9), le
contrôle de l’économie allemande en vue de détruire le potentiel militaire (principe
II.A.11-19), le démembrement de la marine militaire et marchande (principe IV. A et
B). Ces sanctions rassemblent fortement à des mesures de sûreté imposées pour
empêcher la répétition de l’infraction.346
Le fait le plus remarquable est, toutefois, l’élaboration de nouvelles règles de droit
international, qui mettent à la charge des États des obligations dont le respect est
essentiel pour l’existence de la communauté internationale toute entière, de sorte qu’on
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peut considérer qu’elles codifient l’émergence d’un nouvel droit international général:
l’apparition de la notion de ius cogens, naissant d’un ensemble de normes plus
importantes que d’autres, doit entraîner un régime de responsabilité renforcé.347
En outre, le concept de la responsabilité internationale pénale individuelle,
notamment celle des agents étatiques, dès le Tribunal de Nuremberg jusqu’au Statut de
la C.P.I., en passant pas la formulation des Principes généraux du droit international
reconnus par le Statut et le jugement du Tribunal de Nuremberg et par les multiples
formulations du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité,
conçue en tant que violation de normes cogentes, invite à la réflexions sur la nature des
violations étatiques équivalentes.348
Enfin, l’élaboration de la Charte des N.U. marque un tournant dans l’évolution des
relations internationales. Certains principes généraux du droit international déjà
existants sont vigoureusement réaffirmés, tandis que d’autres sont crées par
généralisation des principes fondamentaux de la Charte. Dans l’épanouissement du
domaine du droit international de la paix, acquièrent une importance particulière le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes et les droits de l’homme en tant que normes
générales cogentes.
D’ailleurs la prévision d’un régime institutionnel centralisé, axé sur le C.d.S., au
chapitre VII de la Charte, met en évidence la nécessité de trouver des réponses
nouvelles aux infractions majeures.
Une partie de la doctrine parvient, même, à remarquer que la possibilité de réagir à
l’agression par une action en légitime défense, en dehors de l’autorisation du C.d.S.,
contemplée à l’article 51 de la Charte des N.U., introduit une institution typique du
droit pénal dans les relations inter-étatiques, qui impliquerait, nécessairement, la

346 Voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 321, § 81; A. GROS, La condition juridique de
l’Allemagne, in R.G.D.I.P., 1946, t. 50, p. 75-78.
347 Voir, sur la question, R. AGO, Droit des traités à la lumière de la Convention de Vienne –
Introduction, in R.C.A.D.I., 1971-III, vol. 134, p. 320 s.
348 Sur l’importance de la notion de crime international dans le Projet de Code des crimes contre la paix
et la sécurité de l’humanité voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p.
64.

102
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

conception de la responsabilité criminelle des États, car il serait paradoxal de


reconnaître aux États cette cause d’irresponsabilité pénale si le principe de la
responsabilité criminelle n’existait pas.349
Dans le sillage de la Charte des N.U. se forment des nombreuses règles, concernant
les principes généraux du droit international, notamment ceux qui relèvent du ius
cogens, qui les mettent en relation réciproque et qui essayent d’en renforcer la
protection, parfois par le biais de la terminologie pénale. Ainsi, La Déclaration
universelle des droits de l’homme, du 10 décembre 1948, classe et formalise les droits
essentiels des personnes physiques et affirme, à l’article 28, que l’ordre international
doit permettre l’exercice effectif de ces droits, établissant ainsi une étroite relation entre
le droit international de la paix et les droits de l'homme. La Résolution 2625 (XXV) de
l’Assemblée générale des N.U., relative aux principes de droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre États, du 24 octobre 1970, définit l’agression
comme un “crime” et établit un lien étroit entre la violation de la paix et celle du droit
des peuples à l’autodétermination. La Résolution 3314 (XXIX), portant sur la définition
de l’agression, du 14 décembre 1974, qualifie cette conduite de “crime”, qui viole le
droit à la paix, à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et tous les
principes de la Charte des N.U., donnant lieu à responsabilité internationale et s’efforce
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de dresser une liste des actions qui la réalisent. De son côté la Résolution 1514 du 14
octobre 1960 de l’Assemblée générale des N.U., portant “Déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux”, affirme que la violation du droit à
l’autodétermination par la voie de la subjugation constitue une menace à la paix
internationale et aux principes de la Charte des N.U.
Dans le domaine conventionnel, concernant les droits de l’homme, la Convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée en 1948, définit le
génocide comme un “crime du droit des gens” (article 1) qui autorise toute partie
contractante à saisir les N.U. afin qu’elles prennent les mesures conformes à la Charte
pour la prévention et la répression de ces actes (article 8), d’où l’on peut sérieusement
déduire la possibilité du recours aux procédures du chapitre VII de la Charte.350
Le texte de la Convention internationale sur l’élimination et la répression de
l’apartheid, du 30 novembre 1973, définit l’apartheid comme un “crime contre
l’humanité” qui menace “la paix et la sécurité internationales” (article premier) et qui
engage les États à exécuter les décision du Conseil de sécurité et des autres organes des
N.U. en vue de prévenir et réprimer ces actes (article VI). Dans ce cas le rappel du
danger représenté par l’apartheid dans le cadre du droit de la paix est explicite et la
réaction du Conseil de sécurité ouvertement rappelée.
Le Pacte relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966, prévoit
l’autodétermination comme le premier des droits de l’homme (article premier) et
permet de traduire les États qui violent les droits de l’homme devant le Comité des
droits de l’homme, ce qui souligne la gravité exceptionnelle des violations en question.

349 Voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 318, p § 77.
350 Pour une interprétation alternative, dans le sens que la Convention sur la répression du génocide
n’autoriserait pas l’emploi des mesures aux termes du chapitre VII de la Charte des N.U., voir R. Ago,
Cinquième rapport sur la responsabilité des États – Le fait internationalement illicite de l’État, source de
la responsabilité internationale, in Ann. C.D.I., 1976, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/292, p. 40. Sur la
saisine de la C.I.J. par la Bosnie Herzégovine, aux termes de l’article 9 de la Convention, voir R.
MAISON, Les ordonnances de la C.I.J. dans l’affaire relative à la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide, in E.J.I.L., 1990, vol. 5, n. 3, p. 381 s.

103
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Finalement, la période contemporaine a vu la naissance d’une série de textes visant


la protection de l’environnement. Au niveau du droit international général la
Déclaration sur l’environnement humain de l’Assemblée générale des N.U., de 1972,
proclame que la protection et l’amélioration de l’environnement sont des questions
“d’importance majeure” qui affectent le développement économique et le bien-être des
populations “dans le monde entier” (point 2). La Déclaration sur l’environnement et le
développement de l’Assemblé générale des N.U., de 1992, établit que “la paix, le
développement et la protection de l'environnement sont interdépendants et
indissociables” (principe 25). Il s’en suit que la violation des obligations concernant
l’environnement, de même que celles regardant le développement, ont une importance
fondamentale dans l’élaboration du droit international de la paix.351 Du côté des normes
relatives, les Conventions sur le changement climatique et celle sur la diversité
biologique, de 1992, posent à la charge des États des obligations visant à empêcher
l’endommagement permanent et irréparable de l’environnement.
Finalement, d’après l’analyse de la coutume des États et de quelques traités, nous
pouvons constater l’émergence de la tendance à qualifier de “crimes” certaines
infractions étatiques sûrement plus graves que les violations ordinaires et qui entraînent
des conséquences plus sévères.
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Cette évolution infirme la validité de la théorie unitaire de la responsabilité


internationale, selon laquelle un régime unique s’appliquerait à toute hypothèse de
responsabilité pour fait internationalement illicite de l’État. Le droit international
prévoirait deux régimes absolument différents de responsabilité: l’un, plus restreint,
pour les violations des obligations d’importance fondamentale pour la communauté
internationale dans son ensemble, les crimes; l’autre, plus étendu, pour les violations
des obligations d’importance mineure et moins générale, qu’on peut appeler violations
simples.352
Ainsi, les sources du droit international, général et particulier, signalent la possibilité
de créer une échelle de droits classés en raison de leur importance et par la gravité des
violations, ouvrant l’espace à la mise en place d’un système de la responsabilité
majeure, dont il faut établir la nature, éventuellement d’ordre pénal.353

§ 2.3. La responsabilité criminelle des États dans la jurisprudence internationale.


La jurisprudence, tout en n’étant pas une source du droit international, mérite d’être
prise en considération, quant à la responsabilité des États, pour confirmer ou infirmer le
cadre qui ressort de l’analyse des sources au sens strict, notamment au niveau des
principes généraux.

351 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur le travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 101, où l’on affirme
que les règles en matière d’environnement “ne peuvent qu’apparaître dans une large mesure comme des
règles ‘impératives’ aux yeux de la communauté internationale dans son ensemble” et que les obligations
qui en découlent “ont pour objet la sauvegarde d’intérêts tellement vitaux pour la communauté
internationale qu’une violation grave de ces obligations ne peut qu’être considérée par toutes les
composantes de cette communauté comme un fait internationalement illicite particulièrement sérieux,
comme un ‘crime’ international”.
352 Voir R. Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 27-28.
353 Voir le C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt huitième session, cit., p. 101, § 33, ou on
lit que “ils existent des suffisantes manifestations de l’opinion des États pour en conclure que, de l’avis
général, certains de ces faits constituent vraiment des ‘crimes internationaux’, c’est-à-dire des infractions
internationales plus graves que d’autres et devant comme telles entraîner des conséquences juridiques
plus sévères”. Voir aussi C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 70, §
18-19, p. 76, § 20.

104
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

Le Tribunal arbitral institué en vertu des articles 297 (e) et 298 § 4 de l'annexe du
Traité de Versailles du 28 juin 1919, chargé d’enquêter sur les réparations dues par
l’Allemagne aux nationaux des puissances alliées et ses associés en raison des
dommages causés pendant la première guerre mondiale, a affirmé, dans les sentences
sur la Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés dans les colonies
portugaises du Sud de l’Afrique du 31 juillet 1928 (incident de Naulilaa) et sur la
Responsabilité de l’Allemagne à raison des actes commis postérieurement au 31 juillet
1914 et avant que le Portugal ne participât à la guerre du 30 juin 1930 (affaire Cysne),
la légitimité de l’application d’une sanction sous forme de représailles. L’existence d’un
régime différent de responsabilité ne faisait, probablement, pas de doute pour ce
Tribunal déjà au début du siècle, mais dans le cadre d’une conception exclusivement
bilatérale des relations inter-étatiques.354
Cette approche, exclusivement bilatéral, des rapports internationaux, est résumée par
l’opinion de la C.P.J.I., exprimée au cours de l’affaire du Lotus, selon laquelle les États
ne seraient engagés que par les traités et les conventions coutumières auxquels ils
décident de participer.355
En revanche, la conception d’un régime substantiellement aggravé de la
responsabilité étatique a évolué, du point de vue la forme, seulement lorsque la C.I.J. a
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commencé à reconnaître l’existence du ius cogens en droit international, même avant


son affirmation, au niveau normatif, par l’article 53 de la Convention de Vienne sur le
droit des traités du 23 mai 1969.
Déjà au cours de l’affaire du Détroit de Corfou, en 1949, la Cour avait fait référence
à des “considérations élémentaires d’humanité” et à “certains principes généraux et bien
reconnus, plus absolus encore en tempe de paix qu’en temps de guerre”.356
Dans l’affaire des Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide, en 1951, la Cour a parlé de “crimes des droits de gens […] étant
contraires, à la fois à la loi morale et à l’esprit des N.U.” de sorte que les principes
contenus dans la Convention sur le génocide seraient “reconnus par les nations
civilisées comme obligeant les États en dehors de tout lien conventionnel”.357
Dans l’affaire du Sud-Ouest africain, en 1962, la Cour a qualifié de “engagement
international d’intérêt général” le mandat à administrer le territoire du Sud-Ouest
africain (actuelle Namibie) exercé par l’Union Sud-Africaine.358
L’idée de l’existence d’un droit absolument impératif a été consacrée, après
l’adoption de la Convention de Vienne sur le droit des traités, par le célèbre arrêt de la
C.I.J. dans l’affaire de la Barcelona Traction, de 1970, où la Cour a affirmé clairement
qu’un nombre restreint d’obligations internationales est erga omnes, liant de façon

354 Voir Trib. Arb., Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés dans les colonies
portugaises du Sud de l'Afrique, arrêt du 31 juillet 1928, in R.S.A., N.U., vol. II, p. 1025 s. et Trib. Arb.,
Responsabilité de l’Allemagne à raison des actes commis postérieurement au 31 juillet 1914 et avant que
le Portugal ne participât à la guerre, arrêt du 30 juin 1930, in R.S.A., NU, vol. II, p. 1056 s.
355 Voir C.P.J.I., Lotus, arrêt n. 9 du 7 septembre 1927, jugement, in C.P.J.I., série A, 1927, n. 10, p. 18.
Pour des réflexions sur l’affaire Lotus voir, en doctrine, I. SCOBBIE, The Theorist as a judge: Hersch
Lauterpacht’s Concept of the International Judicial Function, in E.J.I.L., 1997, vol. 8, n. 2, p. 293-297.
356 Voir C.I.J., Détroit de Corfou, Royaume-Uni de Grande Bretagne et Irlande du Nord/Albanie, fond,
arrêt du 9 avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 22.
357 Voir C.I.J., Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis
consultatif du 28 mai 1951, in C.I.J. Rec., 1951, p. 25. Pour un commentaire de cette jurisprudence voir
J.A. CARRILLO SALCEDO, Reflections on the Existence of a Hierarchy of Norms in International Law,
cit., p. 594.
358 Voir C.I.J., Sud-Ouest africain, Éthiopie/Afrique du Sud, Libéria/Afrique du Sud, exceptions
préliminaires, arrêt du 21 décembre 1962, in C.I.J. Rec., 1962, p. 332.

105
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

indivisible un sujet passif à tous les autres sujets actifs de la communauté internationale,
de sorte que sa violation intéresse l’ensemble de la communauté.
La Cour a, en effet, affirmé que: “Une distinction essentielle doit être établie entre
les obligations des États envers la communauté internationale dans son ensemble et
celles qui naissent vis-à-vis d’un autre État […] les premières concernent tous les États.
Vu l’importance des droits en cause, tous les États peuvent être considérés comme
ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés; les obligations dont il
s’agit sont des obligations erga omnes […] ces obligations découlent, par exemple,
dans le droit contemporain, de la mise hors de loi des actes d’agression et du génocide,
mais aussi des principes et des règles concernant les droits fondamentaux de la
personne humaine, y compris la protection contre la pratique de l’esclavage et de la
discrimination raciale.”359
La violation des obligations erga omnes se distingue, donc, des autres infractions,
non seulement pour un majeure gravité liée au contenu du droit lésé, mais aussi parce
qu’elle touche tous les sujets de la communauté internationale, du moins selon la
conception absolue proposée par la Cour, tandis que, traditionnellement, une violation
étatique ne pouvait intéresser qu’un ou plusieurs États adhèrent à une convention
donnée.
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L’existence des obligations indivisibles erga omnes absolues a, ensuite, été


réaffirmée maintes fois par la C.I.J., par exemple, en 1971, dans l’affaire relative aux
Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest Africain) nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de
sécurité, en 1974, au cours de l’affaire des Essais nucléaires, en 1996, dans l’affaire de
la Licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires, et, en 1997, dans le cadre
de l’affaire concernant l’application de la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide.360 Cette tendance constante la jurisprudence confirme l’existence
des obligations cogentes parmi les principes généraux du droit international.
Du côté quantitatif, il est vrai que les cas où les tribunaux internationaux se sont
occupés de la question de la responsabilité majeure des États ne sont pas très nombreux.
Il faut, toutefois, considérer que la compétence judiciaire internationale est, toujours,
d’origine volontaire et les États ne parviennent à s’accorder que pour soumettre aux
Cours les questions relatives à la réparation, mais difficilement celles impliquant des
sanctions plus graves, de sorte que les tribunaux, normalement, n’ont pas la possibilité
de se prononcer sur le point des différents régimes de responsabilité.361 Ainsi, par
exemple, dans l’affaire du Détroit de Corfou, entre le Royaume Uni de Grande
Bretagne et Irlande du Nord et l’Albanie, décidée par la C.I.J. en 1949, le Royaume Uni

359 Voir C.I.J., Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, Belgique/Espagne, arrêt du 5
février 1970, in C.I.J. Rec., 1970, p. 32, § 33. En doctrine voir J. CHARPENTIER, Cour internationale
de justice. Affaire de la Barcelona Traction, arrêt du 5 février 1970, in A.F.D.I., 1970, XVI, p. 307 s.
360 Voir C.I.J., Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis
consultatif du 21 juin 1971, in C.I.J. Rec., 1971, p. 56 s., § 126 s.; C.I.J., Essais nucléaires,
Australie/France, arrêt du 20 décembre 1974, in C.I.J. Rec., 1974, p. 269, § 50; C.I.J., Licéité de la
menace ou de l’emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, in C.I.J. Rec., 1996, p.
258; C.I.J., Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, demandes
reconventionnelles, ordonnance du 17 décembre 1997, Bosnie Herzégovine/Yougoslavie, in C.I.J. Rec.,
1997, p. 258, § 35. Sur la jurisprudence de la C.I.J. en matière d’obligations erga omnes successive à
l’affaire de la Barcelona Traction voir H. THIRLWAY, The Law and Procedure of the I.C.J., in
B.Y.B.I.L., 1989, p. 93 s.; C. ANNACKER, The Legal Regime of erga omnes Obligations in International
Law, in Austrian Journal of International and Public Law, 1994, vol. 46, n. 2, p. 132 s.
361 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 91.

106
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

a dû se borner à demander à la Cour la réparation des dommages, bien qu’il ait qualifié
l’infraction reprochée comme délit contre l’humanité aussi bien dans la mémoire à la
Cour du 30 septembre 1947, que dans son Projet de Résolution présenté au Conseil de
sécurité.362
Les décisions, même peu nombreuses, des juridictions internationales, offrent des
indications importantes pour la définition de la catégorie de la responsabilité majeure
étatique, notamment, du point de vue de la forme, par l’affirmation de l’existence de la
catégorie des obligations indivisibles erga omnes absolues.

§ 2.4. L’évolution de la doctrine sur la responsabilité criminelle des États pendant


la deuxième moitié du XIX et au début du XX siècle.
Le rôle de la doctrine est important, au niveau de la responsabilité étatique, pour
comprendre et donner cohérence au cadre résultant des sources du droit international.
Beaucoup de divergences subsistent, chez les différents auteurs, autour de la
question de la responsabilité criminelle des États, notamment en ce qui concerne la
possibilité d’en reconnaître l’existence et sur le point d’en déterminer la nature.
L’idée de la responsabilité pénale du sujet étatique a longtemps peiné à se frayer un
chemin au sein de la pensée de la doctrine en matière de droit international et même
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aujourd’hui sa nature n’est absolument pas incontestable.


Trois phases marquent la progression de l’idée selon laquelle il faudrait distinguer
des régimes différents de la responsabilité en fonction du contenu de l’obligation violée.
La période initiale, dite “classique”, caractérise la deuxième moitié du XIX siècle et le
début du XX, jusqu’à la création de la S.d.N. La deuxième phase, intermédiaire,
s’inscrit entre les deux guerres mondiales. La troisième phase, contemporaine, débute
avec la création de l’O.N.U. et arrive jusqu’à nos jours. On remarquera que la césure
entre les différentes phases correspond à un progrès sensible dans la limitation du
recours à la force comme moyen de règlement des différends et dans la construction, au
sein du droit de la paix, d’un cadre institutionnel de la société internationale.
Pendant la première période l’intérêt pour la distinction entre différents régimes de la
responsabilité internationale est fort limité. Prévaut, dans les esprits, la conception
unitaire de la responsabilité, dite “classique” ou “civiliste”, selon laquelle il n’y aurait
qu’un seul régime, indifférencié, de la responsabilité des États. La violation d’une
obligation internationale n’entraînerait que la conséquence de la réparation.363 Seul
l’État participant à une convention donnée dont les droits seraient directement violés
pourrait invoquer la sanction de l’auteur du fait illicite, selon la conception bilatérale
prévalant même en jurisprudence.364 Certains auteurs remarquent, d’ailleurs, que

362 Voir C.I.J., Détroit de Corfou, Royaume Uni de Grande Bretagne et Irlande du Nord/Albanie,
mémoire du gouvernement du Royaume Uni de Grande Bretagne et Irlande du Nord du 30 septembre
1947, p. 39-40, in ‹http://www.icj-cij.org›.
363 Voir D. ANZILOTTI, Teoria generale della responsabilità dello Stato nel diritto internazionale,
Firenze, Lumachi, 1902, réimprimé in D. ANZILOTTI, Scritti di diritto internazionale pubblico, Padova,
Cedam, 1956, vol. I, p. 62. Parmi les auteurs qui s’occupent de la question certains se penchent sur le
diverses formes de réparation, telles que la restitution, le redressement du dommage matériel et moral, la
satisfaction, mais ils ne s’occupent pas, tout de même, du contenu de l’obligation violée (voir A.W.
HEFFTER, Le droit international de l’Europe, 3ème éd., trad. fr. J. Bergson, Paris, Cotillon, 1873, p. 204;
F. DE MAERTENS, Traité de droit international, trad. fr. A. Léo, Paris, Marescq ainé, 1883, vol. I, p.
562; L. OPPENHEIM, International Law: a Treatise, 8th ed. by H. Lauterpacht, London, Longmans &
Green, 1955, p. 205). Sur la conception du droit international de L. Oppenheim voir M. SCHMOECKEL,
The Internationalist as a Scientist and Herald: Lassa Oppenheim, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 3, p. 699.
364 Voir H.W. HALLECK, International Law, San Francisco, H.H. Bancroft, 1861, p. 309, § 29; F. DE
MAERTENS, Traité du droit international, cit., p. 562; R. PHILLIMORE, Commentaries upon

107
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

l’extension du droit de réaction à des États tiers par rapport à la violation engendrerait
un véritable bellum omnium contra omnes.365
Dans ce cadre négatif, il faut relever la pensée contraire, isolée mais forte, de J.C.
Bluntschli, qui conçoit la distinction entre deux régimes différents de la responsabilité
en partant du contenu de l’obligation violée. Du point de vue du contenu, en cas
d’atteintes particulièrement graves, telles que celles à l’honneur et à la dignité, l’État
lésé pourrait exiger non seulement la réparation, classique, des dommages, mais aussi
une satisfaction adéquate, une amende et des garanties contre la répétition du fait
illicite. Par ailleurs, en cas de rupture de la paix par la force armée, la faculté de l’État
lésé de châtier l’agresseur par la force armée serait le signe de l’existence d’un régime
aggravé de la responsabilité. Du point de vue de la forme, au cas où la violation
constituerait un danger pour la communauté dans son ensemble, touts les États de la
communauté pourraient régir pour restaurer l’ordre juridique violé. Bluntschli arrive
jusqu’à dresser une liste des violations qui entraîneraient une réaction collective.366
En outre il faut remarquer, au cours de cette période, la naissance, en 1889, de
l’Union internationale de droit pénal, par l’initiative de Van Hammel, Prins et Von
Liszt, dissoute à la veille de la première guerre mondiale, ainsi que de l’Union
interparlementaire, par l’initiative de Randal Cremer et Frédéric Passy, ayant le but de
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d’ouvrer pour la paix et à la coopération entre les peuples.367

§ 2.5. La conception de la responsabilité criminelle des États en doctrine entre les


deux guerres mondiales.
La période inscrite entre les deux guerres mondiales connaît un grand essor des
études sur la responsabilité des États, suite aux événements qui ont profondément
troublé l’ordre des relations internationales.
Les ouvrages de cette phase restent fidèles, en général, à la conception unitaire de la
responsabilité étatique et à la vision bilatérale de la réaction en contre-mesure.368
Toutefois une distinction de la responsabilité, sur la base du contenu de l’obligation
violée et son importance pour la communauté internationale dans son ensemble,
commence à apparaître dans certains ouvrages. Quelques auteurs parviennent à
formuler, explicitement, l’idée de la responsabilité pénale des États.
Du côté de la sanction, la doctrine dominante reconnaît, selon la conception
“civiliste”, la restitutio in integrum et le dédommagement matériel comme formes
typiques de condamnation.369

International Law, 3rd ed., London, 1879-1885, p. 204, § 156; E. CASTELLANI, Le droit international
au commencement du XX siècle, in R.G.D.I.P., 1901, t. 8, p. 411-413, 583-586.
365 Voir VON BULMERINQ, Die Staatsstretigkeiten und ihre entscheidung ohne kriegt, in F VON
HOLIZENDORFF, Handbuch des völkerrechts, 1889, vol. 4, p. 84 s.
366 Voir J.C. BLUNTSCHLI, Das moderne Völkerrecht der civilisirten Staten als Rechtsbuch dargestellt,
Nördlingen, Beck, 1868, p. 259 s. Pour un commentaire sur la conception de la responsabilité des États
avant la première guerre mondiale voir G. NOLTE, From Dioniso Anzilotti to Roberto Ago. The
Classical International Law of State Responsibility and the Traditional Primacy of a Bilateral
Conception of Inter-State Relations, cit., p. 1087-1088.
367 Voir S. SZUREK, La formation du droit international pénal – Historique, cit., p. 8-9; L. BOISSIER,
L’Union interparlementaire et sa contribution au développement du droit international et à
l’établissement de la paix, in R.C.A.D.I., 1955-II, vol. 88, p. 159 s.
368 Voir Ch. DE VISSCHER, La responsabilité des États, Leyde, Brill, 1924, vol. 2, p. 116-119; F. VON
LISZT, Das Völkerrecht, 12te Aufl., Berlin, Springer, 1925, p. 280, 287; W.E. HALL, A Treatise on
International Law, 8th ed., Oxford, Clarendon Press, 1924, p. 65 s.
369 Voir R. SALVIOLI, Les règles générales de la paix, in R.C.A.D.I., 1933-IV, vol. 46, p. 97-130; E.
KAUFMANN, Règles générales du droit de la paix, in R.C.A.D.I., 1935-V, vol. 54, p. p. 466-471; G.

108
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

La plupart des auteurs admet aussi le droit de l’État lésé à la satisfaction, qui
constituerait une forme de redressement moral d’ordre pénal, impliquant l’adoption de
mesures aptes à éviter la répétition de la violation, la présentation d’excuses,
l’hommage au drapeau, le versement d’une somme symbolique, la punition des
individus coupables. Il est significatif que, en cas d’infraction de l’État, à côté des
sanctions “classiques”, l’on propose non seulement l’application d’une série de
sanctions d’ordre pénal, mais aussi le châtiment des personnes physiques responsables
des actions étatiques. Cependant la distinction subsiste seulement au niveau de la
sanction et ne repose pas sur le contenu de l’obligation violée, mais sur la gravité
circonstancielle de la violation.370
Sous le profil procédural, on reconnaît, parfois, la légitimité d’un recours plus libre
aux contre-mesures, par l’État lésé, à l’encontre des violations les plus graves. Selon L.
Reitzer, l’auteur qui s’est occupé le plus de la question, l’État victime d’une agression
serait en droit de prendre des mesure en légitime défense sans essayer d’obtenir, au
préalable, la réparation.371 Dans ce cas l’agression est implicitement qualifiée comme
violation qui engendre une responsabilité majeure par rapport aux autres faits illicites
internationaux.
Du côté de la victime de l’acte illicite une différence commence à s’imposer entre les
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violations qui intéressent seulement l’État lésé et celles qui intéressent tous les États de
la communauté, notamment par l’œuvre des américains E. Root, en 1915, et J.A.
Peaslee, en 1916. Selon Root, toutefois, la réaction aux infractions d’intérêt collectif
devrait être décentralisée et menée par chaque État, alors que Peaslee suggère de
conférer la tache à des organes spécifiques de la communauté dans un cadre
institutionnalisé.372 Selon K. Strupp, bien que l’on puisse concevoir la violation d’une
obligation découlant d’un traité comme violation de la norme générale pacta sunt
servanda, engageant un État envers l’ensemble de la communauté internationale, il
vaudrait mieux se tenir à la conception de la réaction bilatérale.373
Même si une différence se dessine entre les degrés différents de l’infraction et on
commence à concevoir l’idée de l’obligation erga omnes absolue indivisible, la doctrine
ne parvient pas à déduire les conséquences que ces approches pourraient avoir sur
l’organisation du droit international. La Conférence de La Haye sur la codification de la
responsabilité des États de 1930, en effet, traite exclusivement la question de la
responsabilité des États pour les dommages causés aux étrangers, dans la perspective de

SCELLE, Théorie et pratique de la fonction exécutive en droit international, in R.C.A.D.I., 1936-I, vol.
55, p. 193; J. BASDEVANT, Règles générales du droit de la paix, in R.C.A.D.I., 1936-IV, vol. 58, p.
659-665.
370 Voir Ch. DE VISSCHER, La responsabilité des États, Leyde, Brill, 1924, vol. II, p. 118 s.; C.
EAGLETON, The Responsibility of States in International Law, New York, Kraus Repr., 1970, p. 182 s.;
A. DESCENDIÈRE-FERRANDIÈRE, La responsabilité internationale des États à raison des dommages
subis par des étrangers, Paris, Rousseau,, 1925, p. 245 s.; M.M. WITHEMAN, Damages in International
Law, Washington, U.S. Governement Printing Office, 1937, vol. I-II, 1943, vol. III; J. PERSONNAZ, La
réparation du préjudice en droit international public, Paris, Sirey, 1939; L. REITZER, La réparation
comme conséquence de l’acte illicite en droit international, Paris, Sirey, 1938, p. 25 s.; H.W. BRIGGS,
The Punitive Nature of Damages in International Law and State Responsibility for Failure to Apprend,
Prosecute or Punish, in J.M. MATHEWS, J. HART, Essays in Political Science in Honour of W.W.
Willoughby, Oxford, Hopkins, 1937, p. 339 s.
371 Voir L. REITZER, La réparation comme conséquence de l’acte illicite en droit international, cit., p.
91 s.
372 Voir E. ROOT, The Outlook for International Law, in A.J.I.L., 1916, january, vol. 10, n. 1, p. 7 s.;
A.J. PEASLEE, The Sanction of International Law, in A.J.I.L., 1916, april, vol. 10, n. 2, p. 335 s.
373 Voir K. STRUPP, Das völkerrechtliche Delikt, Stuttgart, Kohlhammer, 1920, p. 9-11; K. STRUPP,
Les règles générales du droit de la paix, in R.C.A.D.I., 1934-I, vol. 47, p. 557- 567.

109
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

la relation bilatérale, sans aucune distinction entre différents degrés de la responsabilité,


de sorte que, selon l’article III du texte adopté par la Troisième commission de la
Conférence: “La responsabilité de l’État comporte le devoir de réparer le dommage subi
en tant qu’il est la conséquence de l’inobservation de l’obligation internationale”.374
En dehors de la pensée dominante, il y a un ensemble d’auteurs dont les théories
participent plus directement du droit pénal, qui prennent nettement partie pour la
création de différentes catégories d’actes illicites sur la base du critère de la gravité. Ces
auteurs soutiennent la théorie de la responsabilité pénale des États.
Déjà d’après H. Lauterpacht on ne pourrait pas penser de concéder aux individus
l’immunité de la responsabilité pénale pour des actes accomplis en agissant
collectivement.375
Selon R. Ago on pourrait distinguer les crimes des délits étatiques, même en
l’absence d’une communauté internationale centralisée, sur la base du contenu effectif
de la sanction.376
Plus particulièrement, prend pied et s’organise, sous l’impulsion des dégâts
provoqués par le premier conflit mondial et dans un esprit essentiellement préventif, un
courant favorable à la considération systématique de la responsabilité internationale
pénale, concernant aussi bien les personnes physiques que les organisations, étatiques
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ou non étatiques. Les efforts de ce courant doctrinaire ont produit des Projets,
constituant les fondements d’une possible architecture du droit international pénal, fort
intéressants, que nous prendrons attentivement en considération ensuite.
Notamment, au cours de cette période, naît l’Association internationale de droit
pénal, par l’initiative de Q. Saldaña et de H. Donnedieu de Vabres, comme suite de la
dissoute Union internationale de droit pénal.
Q. Saldaña propose un Avant-Projet de Code pénal international, en 1925,
prévoyant, en même temps et selon le principe du cumul, la responsabilité des individus
et des États, soumis, alternativement, à la juridiction de la C.P.J.I. ou du Conseil de la
S.d.N.377
V. Pella, sous les auspices de l’Union interparlementaire propose, en 1925, les
Principes fondamentaux d’un Code répressif des nations.378 Ensuite, dans le cadre de
l’activité de l’A.I.D.P., il achève, en 1928, le Projet de Statut pour la création d’une
Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., et, en 1935, le Plan d’un Code répressif
mondial, complémentaire du Projet précédent.379 Suivant les Projets de Pella, les

374 Voir le texte des articles adoptés par la Troisième commission de la Conférence de codification du
droit international de La Haye, de 1930, in F.V. García Amador, Responsabilité de l’État –
Responsabilité internationale, Rapport, doc. A/CN.4/4/96, in Ann. C.D.I., 1956, vol. II, p. 226, Annexe
A-3. En doctrine voir J.L. BRIERLY, Règles générales du droit de la paix, in R.C.A.D.I., 1936-IV, vol.
58, p. 177. Pour un commentaire sur l’évolution de la conception de la responsabilité des États au cours
de la période comprise entre les deux guerres mondiales voir G. NOLTE, From Dioniso Anzilotti to
Roberto Ago. The Classical International Law of State Responsibility and the Traditional Primacy of a
Bilateral Conception of Inter-State Relations, cit., p. 1088-1091.
375 Voir H. LATERPACHT, Règles générales du droit de la paix, in R.C.A.D.I., 1937-IV, vol. 62, p. 99-
422.
376 Voir R. AGO, Le délit international, in R.C.A.D.I., 1939-II, vol. 68, p. 419-554.
377 M.Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. 387-422.
378 Voir Union interparlementaire, Résolution sur la criminalité de la guerre d’agression, et l’organisation
d’une répression internationale (Contenant l’Annexe III – Principes fondamentaux d’un Code répressif
des nations), cit., p. 75-79, Annexe 5.
379 Voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., par V.
Pella, 1928, cit., p. 129-144; A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 145-
156; Voir, aussi, V. PELLA, La criminalité collective des États et le droit pénal de l’avenir, 2ème éd.,
Bucarest, Imprimerie de l’État, 1926; V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre – Réflexions

110
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

infractions devraient tomber sous la juridiction d’une Cour pénale internationale,


compétente pour juger les individus, les États et les personnes morales autres que les
États, selon la théorie du cumul de la responsabilité pénale individuelle et collective, en
dépassant complètement le principe traditionnel pour lequel societas delinquere non
potest. Le “droit pénal de l’avenir”, d’après Pella, devrait appréhender spécialement, du
fait de leur gravité, non seulement la guerre d’agression et les crimes de guerre, mais
aussi d’autres crimes soumis au régime de la juridiction universelle. Pella parvient,
ainsi, à envisager des sanctions à l’égard non seulement des individus, mais aussi des
États. En outre, il propose l’adoption de véritables mesures de sûreté à l’égard des États,
en raison de leur insociabilité internationale, afin d’assurer la prévention et la non
répétition de la conduite illicite. Il faut, donc, considérer V. Pella comme l’auteur qui a
fait l’effort majeur pour renforcer le droit international par le biais du droit pénal dans
le but de garantir la paix.
Au sein de la doctrine française, H. Donnedieu De Vabres se signale comme l’auteur
le plus ouvert, tout du même quelque peu sceptique, aux idées nouvelles du droit pénal
de l’avenir.380
Plus en général, dans le cadre de l’A.I.D.P. ou d’autres associations spécialisées en
droit international, fleurissent les projets pour la création d’un code pénal et de
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procédure pénale internationaux concernant les individus, les États et les organisations
non étatiques.381
En outre il faut signaler que H. Kelsen, très significativement en 1944, l’année des
propositions de Dumbarton Oaks en vue de la constitution d’une Organisation des N.U.,
formule, dans son Projet d’Accord pour une Association permanente pour le maintien
de la paix et les conséquentes Clauses du traité relatives à la responsabilité individuelle
pour la violation du droit international (juridiction pénale internationale), l’idée d’une
société axée sur une Cour pénale internationale, compétente pour juger tant les
individus que les États, par rapport à laquelle un Conseil des nations jouerait un rôle
exécutif.382 Il s’agit d’un aboutissement important, car Kelsen parvient à élaborer ces
Projets, de façon autonome, en partant non pas d’un point de vue a priori pénal, mais
des prémisses objectives de la théorie pure du droit.383
En résumé on peut affirmer que les auteurs de la période comprise entre les deux
guerres mondiales, encore fondamentalement ancrés à la conception “civiliste” de la
responsabilité internationale, essaient d’aller de l’avance pour aborder la distinction
entre plusieurs formes et degrés de la violation, ainsi que le concept de violation
d’obligations erga omnes invisible absolue. Une courante nouvelle et très hardie tente,
même, de jeter les fondements d’un système de droit international pénal uniforme. H.

sur la justice pénale internationale ce qu’elle est et ce qu’elle devrait être, Genève/Paris, Sottile/Pedone,
1946; V. PELLA, La répression des crimes contre la personnalité de l’État, cit., p. 816-828.
380 Voir H. DONNEDIEU DE VABRES, Les principes modernes du droit pénal international, cit., p.
418 s.
381 Voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la Cour permanente de justice internationale criminelle, par M.
Caloyanni, 1925, cit., p. 314-325; A.I.D.P., Statut de la Cour criminelle internationale, par M. Caloyanni,
1926, cit., p. 469-491; A.D.I., Projet de Statut de la Cour internationale criminelle, 1926, cit., p. 66-75;
A.I.D.P., Projet de Code pénal international, par A. Levitt, 1929, cit., p. 33-46.
382 Voir les textes du Projet d’Accord pour une Association permanente pour la maintien de la paix et des
Clauses du traité relatives à la responsabilité individuelle pour la violation du droit international
(juridiction pénale internationale) in H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit.,
Annexes 1 et 2, p. 157-175.
383 Pour une synthèse de la théorie pure du droit et de son application au droit international voir C.
JABLONER, Kelsen and Its Circle: the Viennese Years, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 2, p. 368 s.

111
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Kelsen parvient, en 1944, à concevoir un système de droit international pénal unitaire


en partant des prémisses de la théorie pure du droit.

§ 2.6. La conception de la responsabilité criminelle des États en doctrine après la


seconde guerre mondiale.
La période suivant la seconde guerre mondiale, l’époque dite contemporaine,
caractérisée par la création de l’O.N.U., connaît un croissant intérêt pour la distinction
entre plusieurs degrés de l’infraction étatique.384
Un certain nombre d’auteurs restent, toutefois, fidèles à la conception traditionnelle,
unitaire et bilatérale de la responsabilité étatique.385
Dès le lendemain de la fin des hostilités H. Luterpacht, au sein de la doctrine
britannique, et D.B. Levin, dans la doctrine soviétique, affirment la nécessité de
différencier les infractions. D’après Lauterpacht la commission d’actes criminels, selon
les principes généraux tirés des droits des peuples civilisés, comme les massacres en
masse des étrangers résidant sur le territoire de l’État, suivant les ordres d’un
gouvernement, ou bien la préparation ou le déclenchement d’une guerre d’agression,
entraîneraient des mesures coercitives, appliquées à titre de représailles par l’ensemble
des États, individuellement ou collectivement, selon l’esprit de l’article 16 du Pacte de
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la S.d.N. ou du chapitre VII de la Charte des NU.386 D’après Levin les violations
simples du droit international, naroushena, seraient différentes des crimes
internationaux, prestuplena, qui sapent les principes fondamentaux de la société
internationale.387 Dans la ligne des deux éminents auteurs l’internationaliste américain
Ph. Jessup reprend l’idée de considérer les violations des droits fondamentaux régissant
la paix comme des atteintes qui affectent l’ensemble de la communauté internationale,
qui devraient être réprimées par une réponse institutionnelle.388
Au début des années 1950 on remarque le renouveau du courant “pénaliste”, selon
lequel les crimes internationaux devraient être classés de façon typique et réprimés plus
gravement que les autres infractions par une juridiction criminelle internationale.
Lorsque l’O.N.U. engage les études concernant l’institution d’une C.C.I. et la rédaction
d’un Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, V. Pella
soumet à l’Organisation un mémorandum contenant les idées qu’il avait déjà exposées
dans son Plan d’un Code répressif mondial de 1935. Il envisage la rédaction d’un Code
des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité qui contemple la responsabilité des
individus, des États et des autres personnes morales, organisé de cette façon: – Titre 1er.
Principes généraux; – Titre 2ème. Responsabilité des individus, des États, des personnes
morales autres que les États; – Titre 3ème. Procédure (telle que développée dans le Projet
de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I. de 1928); –
Titre 4ème.Sanction des individus, des États et des personnes juridiques différentes des

384 Voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 399-340.


385 En faveur de la conception unitaire et bilatérale voir H. ACCIOLY, Principes généraux de la
responsabilité internationale d’après la doctrine et la jurisprudence, cit., p. 413-419; J.A. FROWEIN,
Reactions by not Directly Affected States to Breaches of Public International Law, in R.C.A.D.I., 1994-
IV, vol. 248, p. 404 s.; Ph. JESSUP, A Modern Law of Nations: an Introduction, New York, MacMillan,
1949, p. 10 s.
386 Les thèses de Lauterpacht sont énoncées dans la sixième édition du volume de Oppenheim, qu’il
révisa en 1945-1946, en ajoutant les nouvelles sections 156 a), 156 b), où il affirma l’existence de la
responsabilité criminelle des États (voir L. OPPENHEIM, International Law; a Treatise, 6th ed. by H.
Lauterpacht, London, Longmans & Green, 1940).
387 Voir D.B. LEVIN, Problema otvetstvennosti v nauke mejdounarodnogo prava, Izvestie Akademii
Naouk SSSR, Économie et droit, n. 2, Moscou, 1946, p. 105.
388 Voir Ph. JESSUP, A Modern Law of Nations: an Introduction, cit., p. 11 s.

112
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

États et exécution.389 Ces idées, toutefois, rencontrent l’opposition de la plupart des


internationalistes et des représentants des États, qui refusent la comparaison entre le
traitement qu’il faut réserver à l'individu et à l'État en droit international: les
propositions n’aboutissent pas à des conséquences pratiques. L’étude, au sein des N.U.,
du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité de la C.D.I.
s’intéresse, ainsi, à la seule responsabilité des individus.
Dans le cadre des N.U. le seul F.V. García-Amador, Rapporteur spécial à la C.D.I.
sur la question de la responsabilité des États, reconnaît la différence entre la
responsabilité “civile” et “pénale” et s’interroge sur la relation entre la responsabilité
criminelle étatique et individuelle.390
Parmi le reste de la doctrine D.H.N. Johnson souligne la nécessité de distinguer
l’agression comme un acte illicite différent de ceux qui impliquent le simple
dédommagement, vu que l’A.G.N.U. le qualifie comme “le plus grave de tous les
crimes contre la paix et la sécurité du monde entier” dans la Résolution 380 (V) du 17
novembre 1950 et la Charte des N.U. le soumet au régime complexe de la réaction
collective.391 Dans la pensée des autres auteurs des années 1950, qui, en général,
s’alignent à la théorie classique de la responsabilité internationale d’ordre “civiliste”, on
relève, implicitement, la nécessité d’une distinction des violations selon leur gravité.
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D’après cette doctrine les réactions de l’État lésé aux actes d’agression ne seraient pas
soumises aux limites typiques des réactions aux autres violations. Ainsi l’État lésé
pourrait réagir à l’agression en prenant des mesures qui portent atteint aux droits de
l’État auteur de l’infraction sans avoir essayé, au préalable, d’obtenir la réparation du
préjudice.392 En outre les contre-mesures pourraient aller jusqu’à l’emploi de la force
armée.393 Finalement un tiers pourrait apporter son aide à l’État victime, et cela même
en ayant recours à l’emploi de la force armée.394 Toutefois, en dehors de l’agression, on
n’envisage pas d’autres violations comme susceptibles d’entraîner l’application d’un
régime spécial de la responsabilité.395
Au cours des années 1960 et 1970 s’affirme, dans les écrits des internationalistes,
l’idée de baser la différence entre plusieurs régimes de la responsabilité sur le contenu
de l’obligation violée.

389 Voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, préparé par V. Pella, Doc. A/CN.4/39, cit., p. 282-283, § 4-7. Voir, aussi, V. PELLA, La
guerre-crime et les criminels de guerre – Réflexions sur la justice pénale internationale ce qu’elle est et
ce qu’elle devrait être, Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1964.
390 Voir F.V. García-Amador, Responsabilité de l’État – Responsabilité internationale, Rapport, doc.
A/CN.4/96, cit., p. 181-182, § 36, p. 183-185, § 46-53. Voir, aussi, F.V. GARCÍA AMADOR, State
Responsibility in the Light of the New Trends of International Law, in A.J.I.L., 1955, july, vol. 49, n. 3, p.
345-346.
391 Voir D.H.N. JOHNSON, The Draft Code of Offences against the Peace and Security of Mankind, in
I.C.L.Q., 1955, p. 461-462.
392 Voir D.W. BOWETT, Self-defence in International law, Manchester, University Press, 1958.
393 Voir S. CALOGEROPOULOS STRATIS, La souveraineté des États et les limitations au droit de la
guerre, in Revue hell. D.I., 1949, p. 163 s.; H. KELSEN, Principles of International Law, New York,
Rinehart & Company Inc., 1952, p. 16.
394 Voir J.L. KUNZ, Individual and Collective Self-defense in Article 51 of the Charter of United
Nations, in A.J.I.L., 1947, october, vol. 41, n. 4, p. 872 s.; H. KELSEN, Collective Security and
Collective Self-defence under the Charter of the United Nations, in A.J.I.L., 1948, october, vol. 42, n. 4,
p. 783 s.; L.M. GOODRICH, E. HAMBRO, Charter of the United Nations: Commentary and
Documents, 2nd ed., London, Stevens, 1949, p. 302.
395 Seulement d’après D.B. BOWETT, Self-defence in International Law, cit., p. 11 s., 24 s. 47 s., 109 s.,
l’emploi de la force en contre-mesure serait possible aussi dans des cas, très limités par ailleurs, de
violations graves des droits essentiels d’un État en dehors de l’agression.

113
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Parmi les auteurs soviétiques G.I. Tunkin, en 1962, fait une distinction nette entre la
violation du droit à la paix et les autres faits illicites internationaux. La première
infraction entraînerait l’application de sanctions plus sévères aussi bien que la naissance
d’un rapport entre l’État fautif et tous les autres États et les organisations de la
communauté internationale, alors que les autres violations intéresseraient seulement
l’État directement lésé.396 Selon D.B. Levin les “crimes internationaux”, comprenant la
violation de la paix et de la liberté des peuples, seraient différents des “violations
simples”, et l’application des sanctions conséquentes pourrait se passer de l’obligation
d’essayer d’obtenir la réparation au préalable.397 Particulièrement relevant est le
chapitre du Kours mejdounarodnogo prada, édité en 1969 par l’Institut d’État du droit
de l’Académie des sciences de l’Union Soviétique, qui, en définissant le fait illicite
international comme “delikt”, distingue l’infraction mineure, qui viole les droits d’un
État particulier, de celle qui porte atteinte aux intérêts fondamentaux de tous les États,
comme la violation de la paix et de la liberté des peuples.398
La pensée soviétique est reprise par la doctrine de l’Allemagne de l’Est. Notamment
B. Graefrath et P.A. Steiniger proposent une répartition des actes illicites internationaux
en trois catégories, sur la base du contenu de l’obligation violée. Dans la première
catégorie rentreraient les violations de la paix par agression, qui autoriseraient l’État
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

agressé à réagir en légitime défense, obligeraient les autres États à l’aider (en vertu de
l’article 51 de la Charte des N.U.), permettraient l’action du C.d.S. (en vertu du chapitre
VII de la Charte des N.U.) et l’expulsion de l’O.N.U. de l’État agresseur (en vertu de
l’article 6 de la Charte des N.U.). L’État agresseur devrait, en outre, réparer le
dommage causé, ses traités avec l’État lésé seraient suspendus et l’on pourrait lui
imposer de fournir des garanties de non-répétition. La deuxième catégorie comprendrait
toutes les autres violations à la souveraineté des États et réunirait les principes
fondamentaux de la société internationale. Ces infractions autoriseraient l’État lésé à
adopter toute forme de contre-mesure n’impliquant pas l’emploi de la force armée et
permettraient à l’O.N.U. de faire des recommandations en vue de la cessation de
l’action illicite. La troisième catégorie comprendrait toutes les autres violations, qui
impliqueraient la réparation des dommages et la possibilité d’adopter des représailles
bilatérales proportionnées.399
Pendant les années 1960 et 1970 la doctrine occidentale développe les idées déjà
annoncées au cours des années précédents. Ainsi, la plupart des auteurs réaffirment que
l’agression doit entraîner un régime de responsabilité plus grave que les autres
infractions internationales, comportant les trois conséquences de l’adoption des contre-
mesures sans essayer d’obtenir la réparation au préalable, du possible recours à la force
armée en contre-mesure et de l’aide des États tiers à la victime de l’agression.400

396 L’étude est contenue dans l’ouvrage Voprosy teorii mejdounarodnogo prava, Moscou,
Gossiourrizdat, 1962, on peut la lire en italien in G.I. TUNKIN, Alcuni nuovi problemi della
responsabilità dello Stato in diritto internazionale, Istituto di diritto internazionale e straniero
dell’Università di Milano, Comunicazioni e studi, Milano, Giuffré, 1963, vol. XI (1960-1962), p. 224 s.
397 Voir D.B. LEVIN, Otvetstvennost gossoudarstvv sovremennom mejdounarodnom prave, Moscou,
Mejodounarodnye otnotcheniya, 1966, p. 19 s., 44 s., 112 s., 129 s.
398 Voir Institut d’État du droit de l’Académie des sciences de l’Union Soviétique, Kours
Medjdounarodnogo prada, rédaction générale F.I. Kojevnikov et al., Moscou, Naouka, 1969, vol. V, p.
420 s.
399 Voir B. GRAEFRATH, P.A. STEINIGER, Kodifikation der Völkerrechtlichen Verantwortlichkeit,
cit., p. 227.
400 Sur la possibilité d’adopter des contre-mesures sans essayer d’obtenir la réparation au préalable voir
P. LAMBERTI ZANARDI, La legittima difesa nel diritto internazionale, Milano, Giuffré, 1972, p. 135.
Sur l’adoption de la force armée en contre-mesure en cas d’agression voir I. BROWNLIE, International

114
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

Certains auteurs plaident, plus nettement, la cause de la distinction entre les délits
(“delinquency”, “wrong”, “delict”) et les crimes internationaux. Ainsi, d’après J.H.W.
Verzijl, un crime international se distinguerait d’un délit parce qu’il violerait les droits
de toute la communauté et entraînerait une réaction collective; de surcroît la catégorie
des actes criminels, crée en origine pour l’agression, impliquerait aussi les violations
graves du droit de la guerre, certains crimes contre l’humanité et des conduites
analogues. Les sanctions pour les crimes auraient une nature punitive et formeraient
l’embryon d’un droit international pénal encore très défectueux.401 Selon D. Schindler
les violations d’obligations erga omnes absolues indivisibles entraîneraient la réaction
collective, non militaire, de la communauté internationale: rentreraient dans cette
catégorie la perpétuation d’un régime colonial ou d’une discrimination raciale.402
D’après I. Brownlie toute obligation du ius cogens constituerait un crime international
(delictum iuris gentium), notamment l’infraction des règles concernant l’interdiction de
la guerre d’agression, de la traite des esclaves, de la piraterie, des autres crimes contre
l’humanité et de l’autodétermination des peuples.403 Dans la même ligne, certains
auteurs se demandent si la violation des obligations essentielles pour la communauté
internationale dans son ensemble ne devrait entraîner l’actio popularis.404
En 1976, l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États, provisoirement adopté
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

par la C.D.I., affirme l’existence, au niveau normatif, de iure condendo, de deux


catégorie d’infractions internationales étatiques: les délits et les crimes.
Probablement dans le sillage des travaux en cours à l’O.N.U., aussi bien en matière
de responsabilité étatique (Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États et définition
de l’agression par la Résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 de l’A.G.N.U.)
qu’en matière de responsabilité individuelle (reprise des travaux de la C.D.I. sur le
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité), l’A.I.D.P. reprend

Law and the Use of Force by States, Oxford, Clarendon Press, 1963, p. 251 s.; R. HIGGINS, The
Development of International Law through the Political Organs of the United Nations, Oxford/New
York, Oxford University Press, 1963, p. 199 s.; J. DELIVANIS, La légitime défense en droit
international public moderne – Le droit international face à ses limites, Paris, L.G.D.J., 1971, p. 54 s.; P.
LAMBERTI ZANARDI, La legittima difesa nel diritto internazionale, cit., p. 123 s.; M.L. FLORATI-
PICCHIO, La sanzione nel diritto internazionale, Padova, Cedam, 1974, p. 64 s., 118 s., 249 s., 265 s.,
417 s. Quant à la faculté des États tiers de venir en aide à la victime d’une agression voir I. BROWNLIE,
International Law and the Use of Force by States, cit., p. 239 s.; J. DELIVANIS, La légitime défense en
droit international public moderne, cit., p. 149 s.; P. LAMBERTI ZANARDI, La legittima difesa nel
diritto internazionale, cit., 276 s.; M. AKEHURST, “Reprisals by third States”, in B.Y.B.I.L., London,
1971, vol. 44, p. 15 s.; M.L. FORLATI-PICCHIO, La sanzione nel diritto internazionale, Padova,
Cedam, 1974, p. 250 s.
401 Voir J.H.W. VERZIJL, International Law in Historical Perspective, cit., p. 741 s.
402 Voir D. Schindler, Le principe de non-intervention dans les guerres civiles, in Ann. I.D.I., 1973, vol.
55, p. 483.
403 Voir I. BROWNLIE, Principles of Public International Law, Oxford, Clarendon Press, 1966, p. 415
s. Sur la conception du droit international de I. Brownlie voir C. WARBRICK, Brownlie’s Principles of
Public International Law: an Assessment, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 3, p. 621.
404 Voir I. BROWNLIE, Principles of Public International Law, cit., p. 389-390. Certains auteurs
plaident pour l’adoption de l’actio popularis dans les cas des infractions indiquées par la C.I.J. au cours
de l’Affaire Barcelona Traction (voir B. BOLLECKER-STERN, Le préjudice dans la théorie de la
responsabilité internationale, Paris, Pedone, 1973, p. 83 s.; E. RUILOBA SANTANA, Consideraciones
sobre el concepto y elemento del acto ilícito en derecho internacional, Saragosse, Temis, 1973-1974, p.
392 s.; A. FAVRE, Principes du droit des gens, Paris, L.G.D.J., 1974, p. 629; N. RONZITTI, Le guerre
di liberazione nazionali e il diritto internazionale, Pisa, Pacini, 1974, p. 98-99). En général, sur
l’évolution de la doctrine en matière de responsabilité des États après la seconde guerre mondiale voir G.
NOLTE, From D. Anzilotti to Roberto Ago. The Classical International Law of State Responsibility and
the Traditional Primacy of a Bilateral Conception of Inter-State Relations, cit., p. 1094-1097.

115
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

les efforts de codification de la responsabilité internationale pénale. Sous les auspices


de l’Association M.-C. Bassiouni achève, en 1981, un Projet de Code pénal
international, prévoyant, à la fois, la responsabilité des individus, des États et des
personnes morales autres que les États, selon le principe du cumul, pensé pour s’adapter
tant à un système de droit pénal international qu’à un éventuel système de droit
international pénal. Il s’agit de la tentative accomplie la plus récente et avancée de
codifier uniformément la responsabilité pénale en droit international.405
Finalement, en concluant l’analyse de la doctrine internationale, il faut remarquer
que les idées, il y a longtemps isolées, de ceux qui plaident la cause d’un régime de la
responsabilité différencié, ont parcouru un long chemin et sont devenu, au cours du
temps, importantes et nombreuses. On peut, donc, considérer que la conception
affirmant l’existence de plusieurs catégories, d’ordre mineur et d’ordre majeur, au sein
de la responsabilité internationale, est fort consolidée.406 Quoique la responsabilité
majeure soit, souvent, qualifiée de “criminelle”, ceci ne suffit pas pour affirmer qu’elle
est constituée d’infractions proprement pénales, même si un courant important, que l’on
peut qualifier de “pénaliste”, soutient cette interprétation extrême.407

§ 2.7. Le Projet d’articles sur le droit de la responsabilité des États: historique.


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De iure condendo on constatera que, depuis les années 1950, la Commission du droit
international travaille sur un ensemble de dispositions qui envisagent de combler le vide
normatif en matière de responsabilité des États en droit international.408 Il s’agit du
Projet d’articles sur la responsabilité des États.409
Le thème de la “responsabilité des État” figurait déjà à l’ordre du jour de la
conférence de codification de la S.d.N. en 1930, mais la question n’eut point de suite à
cause de l’opposition entre les États, notamment entre les pays européens et les pays
latino-américains. La C.D.I., néanmoins, inscrivit la question dans la liste des quatorze
sujets qu’elle se proposait de codifier, dès sa première session, en 1949.410
Entre 1956 et 1960, malgré des remarquables études sur la matière, le Rapporteur
spécial sur le sujet, F.V. García Amador, limita ses études au problème de la
responsabilité de l’État à raison des dommages causés sur son territoire à la personne et
aux biens des étrangers, qui avait été à l’origine de l’échec du Projet de la S.d.N.411

405 Voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, par M.-C. Bassiouni, in R.I.D.P., 1981, 1/2 trim., p.
97-236.
406 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 71, § 23 et 25, p. 83, §
28.
407 D’après R. Ago: “L’idée d’un droit international pénal des États s’est affirmée depuis longtemps,
aussi bien dans la pratique et la jurisprudence internationales que dans la doctrine” (voir C.D.I., Comptes
rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 89, § 21).
408 Sur la C.D.I. voir l’adresse électronique ‹http://www.un.org/law/ilc› (site officiel de la C.D.I.) et
l’adresse ‹http://www.un.org/law/ilc/progfra.htm› (site contenant les travaux en cours à la C.D.I.).
409 Pour une introduction à la codification de la responsabilité des États voir S. ROSENNE, The
Perplexities of Modern International Law – General Course on Public International Law, in R.C.A.D.I.,
2001, vol. 291, p. 388-401.
410 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur sa première session, 12 avril-9 juin 1949, in A.G., doc. off., 4ème
sess., suppl. n. 10, A/925, § 16.
411 Voir F.V. García-Amador, Responsabilité de l’État – Responsabilité internationale, Rapport, doc.
A/CN.4/96, in Ann. C.D.I., 1956, vol. II, p. 175 s.; F.V. García-Amador, Responsabilité de l’État –
Responsabilité internationale, Deuxième rapport sur la responsabilité de l’État à raison des dommages
causés sur son territoire à la personne ou aux biens des étrangers – première partie: actes et omissions,
doc. A/CN.4/106, in Ann. C.D.I., 1957, vol. II, p. 119 s.; F.V. García-Amador, Responsabilité de l’État –
Responsabilité internationale, Troisième rapport sur la responsabilité de l’État à raison des dommages
causés sur son territoire à la personne ou aux biens des étrangers – deuxième partie: la réclamation

116
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

Réaffirmé comme prioritaire par l’Assemblée générale pendant les débats des années
1960 par sa Résolution 1686 (XV) du 18 décembre 1961 et par la Commission même,
le sujet fut repris, en 1963, par le nouveau Rapporteur, Roberto Ago, sous une nouvelle
optique: celle de traiter l’imputabilité de l’État pour la violation des obligation
découlant des règles du droit international, quelle qu’en soit l’origine, la nature ou
l’objet.412
Dès 1969 la Commission décida, premièrement, d’aborder seulement le sujet de la
responsabilité des États, en excluant d’autres sujets du droit international, notamment
les Organisations internationales, problème sur lequel la C.D.I. se proposait de revenir
dans l’avenir en 1996, lors de sa cinquante et unième session, et auquel elle est en train
de travailler depuis la cinquante-quatrième session, tenue en 2002.413 En outre la
Commission prit la décision d’exclure du champ d’investigation la question de la
responsabilité pour risque, inscrite à l’ordre du jour, en 1978, sous le titre de
“Responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables découlant
d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international”, qui a donné lieu à
l’adoption, en 2001, d’un Projet d’articles sur la prévention des dommages
transfrontaliers résultant d’activités dangereuses.414 Finalement, la Commission se
détermina à élaborer un Projet en trois parties, dont la première concernant “l’origine de
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la responsabilité internationale”, la deuxième concernant “le contenu, les formes et les


degrés de la responsabilité”, la troisième concernant “le règlement des différends et la
mise en oeuvre de la responsabilité”.

internationale, doc. A/CN.4/111, in Ann. C.D.I., 1958, vol. II, p. 49 s.; F.V. García-Amador,
Responsabilité de l’État – Responsabilité internationale, Quatrième rapport sur la responsabilité de l’État
à raison des dommages causés sur son territoire à la personne ou aux biens des étrangers: mesures portant
atteinte aux droits acquis, doc. A/CN.4/119, in Ann. C.D.I., 1959, vol. II, p. 1-36; F.V. García-Amador,
Responsabilité de l’État – Responsabilité internationale, Cinquième rapport sur la Responsabilité de
l’État à raison des dommages causés sur son territoire à la personne ou aux biens des étrangers: mesures
portantes atteinte aux droits acquis (suite) et éléments constitutifs de la responsabilité internationale, doc.
A/CN.4/125, in Ann. C.D.I., 1960, vol. II, p. 38 s.; F.V. García-Amador, Responsabilité de l’État –
Responsabilité internationale, Sixième rapport sur la responsabilité de l’État à raison des dommages
causés sur son territoire à la personne ou aux biens des étrangers: la réparation du dommage, doc.
A/CN.4/134 et Add.1, in Ann. C.D.I., 1961, vol. II, p. 1 s.
412 Voir R. Ago, Troisième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 242. Pour un encadrement
général de la responsabilité des États et de son évolution, avec des références bibliographiques de base
importantes voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 740 s.; M.
PERRIN BRICHAMBAUD, J.-F. DOBELLE, M.-R. D’HAUSSY, Leçons de droit international public,
cit., p. 203 s. Sur l’approche générale du Projet sur la responsabilité des États voir Sixième Commission,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa quatorzième session, in A.G., doc. off., 17ème sess.,
1962, Annexes, vol. III, doc. A/5287, point 76 de l’ordre du jour, p. 16-17, § 44-47; Sixième
Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa dix-neuvième session, in A.G., doc. off.,
22ème sess., 1967-1968, Annexes, vol. III, doc. A/6898, point 85 de l’ordre du jour, p. 10-11, § 84;
Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa vingt et unième session, in A.G.,
doc. off., 24ème sess., 1969, Annexes, vol. II, point 86 de l’ordre du jour, doc. A/7746, p. 12, § 86-89;
Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa vingt-deuxième session, in
A.G., doc. off., 25ème sess., 1970, Annexes, vol. II, doc. A/8147, point 84 de l’ordre du jour, p. 14, § 100.
413 Sur les propos de la cinquante et unième session de 1996 voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux
de sa quarante-huitième session, 6 mai-26 juillet 1996, in Ann. C.D.I., 1996, vol. II, 2ème partie, doc.
A/CN.4/SER.A/1996/Add.1 (2ème partie), in A.G., doc. off., 51ème sess., 1996, suppl. n. 10, A/51/10, in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/236/38/IMG/N9623638.pdf?OpenElement, p. 371.
414 Voir le texte des articles in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-troisième session,
23 avril-10 juin et 2 juillet-10 août 2001, in A.G., doc. off., 56ème sess. 2001, suppl. n. 10, A/56/10, p.
399-405, disponible dans le site électronique des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/557/86/IMG/N0155786.pdf?Openelement›, ou bien dans le site
électronique ‹http://www.un.org/law/ilc/reports/2001/2001.report.htm›.

117
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

La première partie du Projet sur la responsabilité des États, concernant le fait illicite
de l’État en tant que source de la responsabilité internationale, a été adoptée par la
C.D.I. en 1980, suite à la lecture des huit rapports de Roberto Ago. Elle contient
l’article 19, créant la célèbre distinction entre les “crimes” et les “délits” internationaux,
tel qu’approuvé par la Commission déjà en 1976 sur la base d’une proposition formulée
par R. Ago dans son cinquième rapport.415
La deuxième partie du Projet, concernant le contenu, les formes et les degrés de la
responsabilité internationale, et la troisième partie, concernant la mise en œuvre de la
responsabilité et le règlement des différends, furent travaillé, de 1980 à 1986, par le
deuxième Rapporteur spécial, le néerlandais Wilhelm Riphagen, qui présenta sept
rapports à la Commission.416 À l’expiration du mandat de W. Riphagen la C.D.I.

415 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-deuxième session, 5 mai-25 juillet 1980,
Projet d’articles sur la responsabilité des États, Première partie – Le fait internationalement illicite de
l’État, source de la responsabilité internationale, Texte des articles provisoirement adoptés par la C.D.I.,
in Ann. C.D.I., 1980, vol. II, 2ème partie, doc. A/CN.4/SER.A/1980/Add.1 (2ème partie), p. 29-32. Pour les
huit rapports du premier Rapporteur spécial voir R. Ago, Premier rapport sur la responsabilité des États –
Le fait internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité internationale, Historique de
l’œuvre accomplie jusqu’au présent en ce qui concerne la responsabilité des États, in Ann. C.D.I., 1969,
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vol. II, doc. A/CN.4/217 et Add.1, p. 129-162; R. Ago, Deuxième rapport sur la responsabilité des États –
Le fait internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité internationale, in Ann. C.D.I.,
1970, vol. II, p. 77-174; R. Ago, Troisième rapport sur la responsabilité des États – Le fait
internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité internationale, in Ann. C.D.I., 1971, vol.
II, 1ère partie, doc. A/CN.4//246 et Add.1-3, p. 209-289; R. Ago, Quatrième rapport sur la responsabilité
des États – Le fait internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité internationale, in Ann.
C.D.I., 1972, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/264 et Add.1, p. 71-160; R. Ago, Cinquième rapport sur la
responsabilité des États – Le fait internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité
internationale, in Ann. C.D.I., 1976, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/292 et Add.1-2, p. 3-57; R. Ago,
Sixième rapport sur la responsabilité des États – Le fait internationalement illicite de l’État, source de la
responsabilité internationale, in Ann. C.D.I., 1977, vol. II, 1ère partie, p. 3-47; R. Ago, Septième rapport
sur la responsabilité des États – Le fait internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité
internationale, in Ann. C.D.I., 1978, vol. II, 1ère partie, p. 29-57; R. Ago, Huitième rapport sur la
responsabilité des États – Le fait internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité
internationale, in Ann. C.D.I., 1979, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/318 et Add.1-4, p. 3-69; R. Ago,
Huitième rapport sur la responsabilité des États – Le fait internationalement illicite de l’État, source de la
responsabilité internationale, in Ann. C.D.I., 1980, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/318 et Add.5-7, p. 13-
68; ces rapports, sauf le deuxième, sont reproduit in R. AGO, Scritti sulla responsabilità internazionale
degli Stati, Napoli, Jovene, 1986, p. 303-898 et 901-1402, assortis de précieux index (pp. 1403-1484).
416 Voir W. Riphagen, Rapport préliminaire sur la responsabilité des États – Le contenu, les formes et les
degrés de la responsabilité internationale (deuxième partie du Projet d’articles), in Ann. C.D.I., 1980, vol.
II, 1ère partie, doc. A/CN.4/330,p. 105-127; W. Riphagen, Deuxième rapport sur la responsabilité des
États – Le contenu, les formes et les degrés de la responsabilité internationale (deuxième partie du Projet
d’articles), in Ann. C.D.I., 1981, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/344, p. 81-105; W. Riphagen, Troisième
rapport sur la responsabilité des États – Le contenu, les formes et les degrés de la responsabilité
internationale (deuxième partie du Projet d’articles), in Ann. C.D.I., 1982, vol. II, 1ère partie, doc.
A/CN.4/354 et Add.1-2, p. 29-59; W. Riphagen, Quatrième rapport sur la responsabilité des États – Le
contenu, les formes et les degrés de la responsabilité internationale (deuxième partie du Projet d’articles),
in Ann. C.D.I., 1983, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/366 et Add.1, p. 3-25; W. Riphagen, Cinquième
rapport sur la responsabilité des États – Le contenu, les formes et les degrés de la responsabilité
internationale (deuxième partie du Projet d’articles), in Ann. C.D.I., 1984, vol. II, 1ère partie, doc.
A/CN.4/380, p. 1-4; W. Riphagen, Sixième rapport sur la responsabilité des États – Le contenu, les
formes et les degrés de la responsabilité internationale (deuxième partie du Projet d’articles) et “mise en
œuvre” de la responsabilité internationale et règlement des différends (troisième partie du Projet
d’articles), in Ann. C.D.I., 1985, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/389, p. 3-20; W. Riphagen, Septième
rapport sur la responsabilité des États – Le contenu, les formes et les degrés de la responsabilité
internationale (deuxième partie du Projet d’articles) et “mise en œuvre” de la responsabilité internationale
et règlement des différends (troisième partie du Projet d’articles), in Ann. C.D.I., 1986, vol. II, 1ère partie,
doc. A/CN.4/397 et Add.1, p. 1-20.

118
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

approuva cinq nouveaux articles, prévoyant quelques conséquences en cas de crime


étatique (article 14).417
Le travail de W. Ripaghen fut repris et révisé, de 1987 à 1996, par le troisième
Rapporteur spécial, l’italien Gaetano Arangio-Ruiz, qui présenta huit rapports,
concernant la deuxième et la troisième partie du Projet. Il consacra une attention
spéciale aux conséquences des crimes, avant de démissionner de la fonction.
Fondamental, dans le travail de G. Arangio-Ruiz, est le quatrième rapport, dédié aux
conséquences générales du fait illicite. Spécialement consacrés aux conséquences des
crimes sont le cinquième rapport et Add.2-3, le sixième rapport Add.1, le septième
rapport et Add.1 (contenant les articles 15-20 régissant les conséquences des crimes) et
Add.2 (contenant le projet de l’article 7 de la troisième partie, concernant les
conséquences de l’inexécution d’une sanction criminelle), ainsi que le huitième rapport.
Notamment, l’article 19 de la deuxième partie, contenu dans le septième rapport Add.1,
prévoyait la possibilité du recours unilatéral à la C.I.J. par l’État victime du crime, après
l’autorisation du C.d.S. ou de l’A.G.N.U., tandis que le projet d’article 7 de la troisième
partie, contenu dan le septième rapport Add.2, introduisait la possibilité du recours
unilatéral à la C.I.J., par l’État lésé, en cas de violation de la sanction criminelle.418 En
1996 la C.D.I. approuva, en première lecture, le texte complète du Projet d’articles sur
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

la responsabilité des États.


Dès 1997 le Projet a avancé sous la révision globale du quatrième Rapporteur,
l’anglais James Crawford, qui a amené la Commission à l’adoption du nouveau texte en
deuxième lecture, à la 53ème session, en 2001.
La C.D.I. a soumis le texte du Projet adopté définitivement, en deuxième lecture, en
2001, à l’A.G. en recommandant “de prendre acte du Projet sur la responsabilité de
l’État pour fait internationalement illicite dans une résolution et d’annexer le Projet à la

417 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de sa trente-septième session, 6 mai-26 juillet
1985, Projet d’articles sur la responsabilité des États, Deuxième et troisième parties – Contenu, formes et
degrés et mise en œuvre de la responsabilité internationale, Texte des articles provisoirement adoptés par
la Commission, in Ann. C.D.I. 1985, vol. I, p. 82-83.
418 Voir G. Arangio-Ruiz, Rapport préliminaire sur la responsabilité des États, in Ann. C.D.I., 1988, vol.
II, 1ère partie, doc. A/CN.4/416, p. 6-43; G. Arangio-Ruiz, Deuxième rapport sur la responsabilité des
États, in Ann. C.D.I., 1989, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/425, p. 1-63; G. Arangio-Ruiz, Troisième
rapport sur la responsabilité des États, in Ann. C.D.I., 1991, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/440, p. 1-37;
G. Arangio-Ruiz, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, in Ann. C.D.I., 1992, vol. II, 1ère
partie, doc. A/CN.4/444, p. 1-52; G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États,
1993, Doc. A/CN.4/453 et Add. 1 à 3, doc. A/CN.4/453 disponible dans le site électronique des Nations
Unies ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G93/607/79/PDF/GG9360779.pdf?OpenElement›,
Add.1 in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G93/609/77/PDF/G9360977.pdf?OpenElement›,
Add.2 in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G93/610/81/G9361081.pdf?OpenElement›, Add.3
in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G93/612/26/PDF/G9361216.pdf?OpenElement›; G.
Arangio-Ruiz, Sixième rapport sur la responsabilité des Etats, 1994, doc. A/CN.4/461 et Add. 1 à 3, doc.
A/CN.4/461 in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N34/187/06/N3418706.pdf?OpenElement›,
Add.1 in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N94/194/74/PDF/N9419474.pdf?OpenElement›,
Add.2 in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G94/623/42/PDF/G9462342.pdf?OpenElement›,
Add.3 in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G94/632/22/PDF/G9463222.pdf?OpenElement›;
G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, 1995, doc. A/CN.4/469 et Add. 1 et 2,
doc. A/CN.4/469 disponible dans le site électronique des Nations Unies à l’adresse ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G95/612/35/PDF/G9561235.pdf?OpenElement›, Add.1 in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G95/615/02/PDF/G9561502.pdf?OpenElement›, Add.2 disponible à
l’adresse ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G95/615/34/PDF/G9561534.pdf?OpenElement›;
G. Arangio-Ruiz, Huitième rapport sur la responsabilité des États, 1996, doc. A/CN.4/476 et Add.1, doc.
A/CN.4/476 disponible dans le site Internet des Nations Unies à l’adresse électronique ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/123/83/PDF/N9612383.pdf?OpenElement›, Add.1 in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/134/37/PDF/N9613437.pdf?OpenElement›.

119
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

résolution” et a envisagé “la possibilité, à un stade ultérieur et compte tenu de


l’importance du sujet, de convoquer une conférence internationale de plénipotentiaires
pour examiner le Projet d’articles sur la responsabilité des États en vue de son
adoption”.419
En suivant le Projet de résolution formulé par la Sixième Commission, l’A.G.N.U.,
dans sa Résolution 56/83 (sur le rapport de la Sixième Commission A/56/589) du 12
décembre 2001, a pris “note des articles sur la responsabilité de l’État pour fait
internationalement illicite présentés par la Commission du droit international” dont elle
a annexé le texte qu’elle “recommande à l’attention des gouvernements, sans préjudice
de leur adoption éventuelle ou de toute autre mesure appropriée”. En outre l’A.G. a
décidé “d’inscrire à l’ordre du jour provisoire de sa cinquante-neuvième session (2004),
une question intitulée ‘responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite’”.420
Conformément à la Résolution 56/83 la liste préliminaire des questions à inscrire à
l’ordre du jour provisoire de la cinquante-neuvième session ordinaire de l’A.G.N.U.
prévoit, au point 143, la question de la “Responsabilité de l’État en matière de faits
internationalement illicites”.421 À la cinquante neuvième session, faisant suite au Projet
de Résolution proposé par la Sixième Commission, l’A.G.N.U. a adopté la Résolution
59/35 (sur la base du rapport de la Sixième Commission A/59/505) du 2 décembre
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2004, recommandant “les articles sur la responsabilité de l’État à l’attention des


gouvernements, sans préjuger la question de leur future adoption ou autre décision
appropriée” et a inscrit la question à l’ordre du jour de la soixante-deuxième session.422
Nous focaliserons notre attention sur le Projet qui a été adopté en 1996, en première
lecture, et auquel la Commission a travaillé jusqu’à sa 53ème session, en 2001, lorsque
le Projet a été adopté en deuxième lecture et soumis à l’attention de l’Assemblée
générale des Nations Unies.

419 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-troisième session, 23 avril-1er juin et 2
juillet 10 août 2001, in A.G., doc. off., 56ème sess., 2001, suppl. n. 10, A/56/10, disponible in ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/557/82/IMG/N0155782.pdf?OpenElement›, p. 43-44, § 72-73.
420 Voir A.G., Résolution 56/83 du 12 décembre 2001 (sur le rapport de la Sixième Commission
(A/56/589)), disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique des Nations Unies ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/477/99/PDF/N0147799.pdf?OpenElement›, p. 1-2; Sixième
Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-troisième session, doc.
A/56/589, in A.G., doc. off., 56ème sess., 2001, point 162 de l’ordre du jour, disponible in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/652/82/PDF/N0165282.pdf?OpenElement›, p. 5-18.
421 Voir A.G.N.U., Liste préliminaire des questions à inscrire à l’ordre du jour provisoire de la cinquante-
neuvième session ordinaire de l’Assemblée générale, point 143, Responsabilité de l’État en matière de
faits internationalement illicites (Résolution 56/83 du 12 décembre 2001), in A.G., doc. off., 59ème sess.,
2004, A/59/50, 9 février 2004, disponible dans le réseau Internet à l’adresse des Nations Unies
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/234/73/PDF/N0423473.pdf?OpenElement›, p. 19.
422 Voir A.G., Résolution 59/35 du 2 décembre 2004 (sur la base du rapport de la Sixième Commission
A/59/505), ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/478/37/PDF/N0447837.pdf?OpenElement›,
p. 1; Sixième Commission, Projet de Résolution sur la responsabilité des États pour fait
internationalement illicite, 5 novembre 2004, doc. A/C.6/59/L.22, point 139 de l’ordre du jour, in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/594/72/PDF/N0459472.pdf?OpenElement›, p. 1;
Sixième Commission, Rapport – Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, doc.
A/59/505, in A.G., doc. off., 59ème sess., 2004, point 139 de l’ordre du jour, disponible dans le site
Internet ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/619/68/PDF/N0461968.pdf?OpenElement›, p.
1-2.

120
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

§ 2.8. Les grandes lignes du Projet d’articles sur le droit de la responsabilité des
États adopté en première lecture en 1996.
La formulation du Projet adopté par la C.D.I., à titre provisoire, en 1996 représente
l’étape la plus significative dans l’évolution de la responsabilité internationale pénale et
constitue, par conséquent, un point de référence constante de notre thèse.423
Il s’agit d'un corps de normes secondaires qui définit une véritable système de la
responsabilité des États, en essayant de résumer les principes généraux du droit
international et de les coordonner avec les sources relatives: il faut l’analyser dans ses
grandes lignes pour en avoir une vision d’ensemble.424
Selon l’article premier: “Tout fait internationalement illicite d’un État engage sa
responsabilité”.425

423 Voir le texte du Projet adopté en 1996, in C.D.I., Rapport sur les travaux de sa quarante-huitième
session, 6 mai-26 juillet 1996, in A.G., doc. off., 51ème sess., 1996, suppl. n. 10, A/51/10, p. 148-174, in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/236/38/IMG/N0155786.pdf?Openelement›, p. 148-
174, ou bien dans les site ‹http://www.un.org/law/ilc/reports/1996/96repfra.htm›, également in S.G., Note
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

sur le rapport de la C.D.I. sur les travaux de la quarante-huitième session, 30 juillet 1996, in A.G. doc.
off., 51ème session, 1996, A/51/332, disponible dans le réseau Internet à l’adresse ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/233/02/PDF/N9623302.pdf?OpenElement›. Pour un commentaire du
texte des articles voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats de la cinquante et unième
session sur les travaux de la C.D.I. de sa quarante-huitième session, 1996, doc. A/CN.4/479, établi par le
S.G., ‹http://ods-dds-ny.un.org/UNDOC/GEN/N97/119/57/PDF/N9711957.pdf?OpenElement›, p. 1-30.
Pour un aperçu des questions fondamentales relatives au Projet adopté en 1996, notamment en matière de
crimes des États et de leurs conséquences, voir Y. DAUDET, Travaux de la C.D.I. (quarante-huitième
session), in A.F.D.I., 1996, XLII, p. 598-605 (texte du Projet d’articles sur la responsabilité des États
adopté en deuxième lecture en français annexé aux p. 614-628); Y. DAUDET, Travaux de la C.D.I.
(quarante-neuvième session), in A.F.D.I., 1997, XLIII, p. 539-541; D. KAYE, International Law
Commission: Draft Articles on State Responsibility – Introductory Note, in I.L.M., 1998, vol. 37, p. 440-
441 (texte du Projet d’article sur la responsabilité des États adopté en deuxième lecture en anglais annexé
aux p. 442-467); R. ROSENSTOCK, The Forty-seventh Session of the I.L.C., cit., p. 106-109; R.
ROSENSTOCK, The Forty-eigth Session of the I.L.C., cit., p. 370-371. Pour un aperçu de la littérature
japonaise sur le Projet de 1996 voir Y. IWASAWA, Y. NISHIMURA, A Review of Japanese Literature
on State Responsibility, 1999, in ‹http://www.law.cam.UK/rcil/ILCSR/rft/JapanRev.rft›. Pour un aperçu
de la littérature nordique sur le Projet de 1996 voir N.H.B. JORGENSEN, Survey of the Nordic literature
on State Responsibility, in ‹http://www.law.cam.ac.uk/rcil/ILCSR/Nordic.doc›.
424 Sur la nouveauté et l’importance de l’approche théorique et général à la question de la responsabilité
internationale voir F. PRZETACZNIK, La responsabilité internationale de l’État à raison des préjudices
de caractère moral et politique causés à un autre État, in R.G.D.I.P., 1974, t. 78, p. 920 et 921. Sur
l’approche qui est à la base du Projet adopté en 1996 voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa
vingt-sixième session, 6 mai-26 juillet 1974, in Ann. C.D.I., 1974, vol. II, 1ère partie, doc. A/9610/Rev.1,
p. 280-287; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente et unième session, 14 mai- 3 août 1979,
in Ann. C.D.I., 1979, vol. II, 2ème partie, doc. A/34/10, p. 97-98. En doctrine, sur l’approche théorique
général qui est à la base du Projet, voir V. LOWE, Precluding Wrongfulness or Responsibility: a Plea for
Excuses, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 2, p. 405.
425 Comme le remarque, justement, A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., 1996, p.
12, l’article 1er du Projet, en parlant de “fait illicite”, implique, naturellement, la notion de dommage,
entendu non pas au sens matériel, mais au sens juridique, comme violation d’une obligation conséquent à
une conduite anti-normative. La notion de dommage au sens matériel pourrait rentrer dans la figure ainsi
définie, mais elle n’est pas nécessaire pour son existence. Sur la responsabilité internationale de l’État
voir J. BASDEVANT, Règles générales du droit de la paix, cit., p. 656-675; P. REUTER, Le
développement de l’ordre juridique international, cit., p. 421 s.; F.M. MARINO MENDEZ,
Responsabilidad e irresponsabilidad de los Estados y derecho internacional, in M. PEREZ GONZALEZ,
Hacia un nuevo orden internacional y europeo, Estudios homenaje al Prof. M. Díez de Velasco, Madrid,
Tecnos, 1993, p. 473 s.; S.F.D.I., La responsabilité dans le système international, Colloque du Mans, 31
mai-2 juin 1990, Paris, Pedone, 1991, p. 1-338.

121
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Selon le Projet chaque État est responsable pour la violation d’une obligation
internationale dont il est chargé et que cette violation entraîne sa responsabilité (article
2).426
La conduite en violation peut assumer la forme de la commission ou de l’omission
(article 37) et peut être instantanée (article 24), continue (article 18 § 1 et 25 § 1),
répétitive (article 18 § 4 et 25 § 2) ou complexe (article 25 § 2-3).427
L’obligation violée peut-être simple ou de résultat (articles 21-22).428
Le sujet actif doit être un organe de l’État dans l’exercice de ses pouvoirs (article 5),
étant admis que tout pouvoir peut engendrer la responsabilité (article 67), mais il peut
être, aussi, une personne agissant pour le compte de l’État (article 8).
Avec l’État agissant sont responsabilisés l’État qui prête son aide ou assistance
(article 27) et l’État qui dirige ou contrôle le sujet agissant (article 28).429
La responsabilité peut assumer deux formes, en raison de l’importance de
l’obligation violée. L’article 19, intitulé “Crimes et délits internationaux”, prévoit que:
“1. Le fait d’un État qui constitue une violation d’une obligation internationale est un
fait illicite au plan international quel que soit l’objet de l’obligation violée. 2. Le fait

426
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

En jurisprudence, sur la conduite de l’État par rapport à l’obligation internationale voir C.I.J.,
Activités armées sur le territoire de Congo (nouvelle requête: 2002), République démocratique du
Congo/Rwanda, demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 10 juillet 2002, in
‹http://www.icj-cij.org›, p. 30, § 93; C.I.J., Droits des ressortissants des Etats Unis d’Amérique,
France/Etats Unis d’Amérique, arrêt du 2 août 1952, in C.I.J. Rec., 1952, p. 184 s.; C.I.J., Conditions de
l’admission d’un État comme nouveau membre des Nations Unies (article 4 de la Charte), avis
consultatif du 28 mai 1948, in C.I.J. Rec., 1948, p. 91-92. Sur l’application du principe tempus regit
actum aux conduites illicites étatiques dans le sens que l’État serait responsable pour la violation d’une
obligation posée à sa charge par une norme internationale en vigueur au moment où l’acte illicite se
produit, voir C.I.J., Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide, exceptions préliminaires, Bosnie Herzégovine-Yougoslavie (Serbie et Monténégro), arrêt du 11
juillet 1996, in C.I.J. Rec., 1996, p. 595; Commission de conciliation, Armstrong Cork Company,
Iran/États-Unis d’Amérique, décision du 22 octobre 1953, in R.S.A., N.U., vol. XIV, p. 163; Trib. Arb.,
Concession des phares de l’empire ottomane, France/Suède, sentence du 24/27 juillet 1956, réclamation
n. 15, in R.S.A., N.U., vol. XII, p. 220. En doctrine, sur la responsabilité de l’État comme imputation d’un
acte ou d’une omission contraires au droit international, voir L. CAVARÉ, Le droit international public
positif, 2ème éd., Paris, Pedone, 1962, vol. II, p. 325; L. DELBEZ, Les principes généraux du droit
international public – Droit de la paix, droit préventif de la guerre, droit de la guerre, 3ème éd., cit., p.
358-360; P. REUTER, Droit international public, 2ème éd., Paris, P.U.F., 1963, p. 139-140; F.
PRZETACZNIK, La responsabilité internationale de l’État à raison des préjudices de caractère moral et
politique causés à un autre État, cit., p. 922-923; K. ZEMANEK, J. SALMON, Responsabilité
internationale, Paris, Pedone, 1987; P.-M. DUPUY, Le fait générateur de la responsabilité internationale
des États, cit., p. 29 s.
427 Sur les problèmes du temps et de la composition de l’action voir, en doctrine, A. NISUKE, Some
Critical Observations on the International Law Commission’s Draft Articles on State Responsibility, in
As. Y.B.I.L., 1995, vol. 5, p. 140 s.; W. KARL, The Time Factor in the Law of State Responsibility, in B.
SIMMA, M. SPINEDI, United Nations Codification of State Responsibility, New York, Oceana
Publications, 1987; E. WYLER, Quelques réflexions sur la réalisation dans le temps du fait
internationalement illicite, in R.G.D.I.P., 1991, t. 95, n. 4, p. 881 s. En jurisprudence voir C.I.J.,
Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, États-Unis d’Amérique/Iran, arrêt du 24
mai 1980, in C.I.J. Rec., 1980, p. 3 s.; Trib. Arb., Rainbow Warrior, Nouvelle Zélande/France, sentence
du 30 avril 1990, in R.G.D.I.P., 1990, t. 94, n. 3, p. 866-867, § 104-105.
428 Sur la question des obligations de conduite et de résultat voir A. NISUKE, Some Criticals
Observations on the International Law Commission’s Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 138 s.
429 Selon A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 13, la question de la
responsabilité conjointe ou solidaire aurait mérité une attention majeure, étant donnée son émergence au
sein de la sphère internationale (par rapport, notamment, à C.I.J., Certaines terres à phosphates à Naru,
Naru/Australie, exceptions préliminaires, arrêt du 26 juin 1992, in C.I.J. Rec., 1992, p. 258 s.; C.I.J.,
Timor Oriental, arrêt du 30 juin 1995, in C.I.J. Rec., 1995, p. 102).

122
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

illicite qui résulte d’une violation par un État d’une obligation internationale si
essentielle pour la sauvegarde d’intérêts fondamentaux de la communauté internationale
que sa violation est reconnue comme un crime par cette communauté dans son
ensemble constitue un crime international. 3. Sous réserve des dispositions du
paragraphe 2 et d’après les règles du droit international en vigueur, un crime
international peut notamment résulter: a) d’une violation grave d’une obligation
internationale d’importance essentielle pour le maintien de la paix et de la sécurité
internationale, comme celle interdisant l’agression; b) d’une violation grave d’une
obligation internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, comme celle interdisant l’établissement ou le
maintien par la force d’une domination coloniale; c) d’une violation grave et à large
échelle d’une obligation internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde de
l’être humain, comme celles interdisant l’esclavage, le génocide, l’apartheid; d) d’une
violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle pour la
sauvegarde et la préservation de l’environnement humain, comme celles interdisant la
pollution massive de l’atmosphère ou des mers. 4. Tout fait internationalement illicite
qui n’est pas un crime international conformément au paragraphe 2 constitue un délit
international.” La responsabilité pour le délit existe, donc, lorsque l’obligation violée
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

n’est pas fondamentale pour l’ensemble de la communauté internationale, tandis que la


responsabilité criminelle existe lorsque l’obligation violée est essentielle pour la tutelle
des intérêts fondamentaux de la communauté internationale dans son ensemble.430 La
conception du crime international comme violation d’une obligation erga omnes
indivisible absolue est clairement réaffirmé à l’article 40 § 3, aux termes duquel
“l’expression ‘État lésé’ désigne, si le fait internationalement illicite constitue un crime
international, tous les autres États”.431
La conduite illicite peut-être justifiée par le consentement de l’État lésé (article 29),
qui, toutefois, n’est pas possible en cas de violation du ius cogens, par l’adoption d’une
contre-mesure (article 30), par le cas fortuit ou la force majeure (article 31), mais si la
force majeure est exercée par un autre État, celui-ci sera considéré responsable (article
29), par la détresse (article 32), par l’état de nécessité (article 33), par la légitime
défense (article 34).432

430 La C.D.I. a remarqué, par ailleurs, le “risque d’une confusion” avec l’intitulé du Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (voir Y. DAUDET, Travaux de la C.D.I. (quarante-
sixième session), in A.F.D.I., 1994, XL, p. 584). Pour une vision d’ensemble des problématiques liées à
l’article 19 voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, 20 avril-12 juin et 27
juillet-14 août 1998, in A.G., doc. off., 53ème sess., 1998, suppl. n. 10, A/53/10, ‹http://ods-dds-
ny.un.org.doc/UNDOC/GEN/N98/246/69/PDF/N9824669.pdf?OpenElement›, p. 128-160, § 241-331.
Pour un aperçu des positions des membres de la C.D.I. à propos des crimes de l’État selon l’article 19
voir Y. DAUDET, Travaux de la Commission du droit international (cinquantième session), in A.F.D.I.,
1998, XLIV, p. 505-506. Sur le concept de crime international de l’État, parmi les nombreuses ouvrages
en la matière, voir G. ABI-SAAB, The Concept of “International Crimes” and Its Place in
Contemporary International Law, in J.H.H. WEILER, A. CASSESE, M. SPINEDI, International Crimes
of States – A Critical Analysis of the I.L.C.’s Draft Article 19 on State Responsibility, cit., p. 141 s.
431 Pour un cadre général des problématiques liées à l’article 40 du Projet voir B. STERN, La
responsabilité internationale, in D. CARREAU, et al., Encyclopédie juridique Dalloz – Répertoire de
droit international, Paris, Dalloz, t. III, p. 19, § 147-157.
432 Le problème des causes de justification soulève plusieurs interrogations en doctrine: on se demande,
surtout, si la liste dressée par le Projet est exhaustive et si elle inclut des répétitions et des superpositions.
Sur le point voir A. GATTINI, Zufall und force majeure im System der Staatenverantwortlichkeit anhand
der I.L.C. Kodifikationsarbeit, Berlin, Dunker Humblot, 1991; J. BARBOZA, Necessity (Revisited) in
International Law, in J. MAKARCZYK, Essays in International Law in Honour of Judge Manfred
Lachs, The Hague/Boston/London, Martinus Nijhoff Publisher, 1984, p. 27 s.; J. SALMON, Faut-il
codifier l’état de nécessité en droit international?, in J. MAKARCZYK, Essays in International Law in

123
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

L’action procédurale conséquente à l’infraction se déroule par le biais de


l’autodéfense de la part de l’État lésé, qui peut imposer une sanction à l’État auteur de
la violation, comme on peut le déduire de l’article 47 § 1. Alternativement elle peut
assumer soit la forme d’un recours bilatéral, soit celle d’un recours unilatéral de l’État
supposé acteur, en cas d’adoption de contre-mesures par l’État lésé. L’action doit être
exercée dans un délai de trois mois à compter de la faillite des bonnes offices et de la
médiation et se développe à travers une série de procédures prévoyant le recours à une
commission de conciliation, à un tribunal arbitral, à la C.I.J. et, encore, éventuellement,
à un nouvel tribunal arbitral (articles 54-60).
En cas de violation de la paix, l’article 39 prévoit le déclenchement de l’action du
Conseil de sécurité telle que réglée dans la Charte de l’O.N.U.433
L’arrêt final peut imposer les sanctions dont la liste est dressée dans la deuxième
partie du Projet (articles 41-46). En général le Projet prévoit: 1) la compensation (article
41); 2) l’obligation de cesser la conduite en violation (article 43); 3) la réparation
(article 42), compréhensive de la perte des intérêts et du profit (article 44), de
l’assurance de non-répétition (article 46) et de la satisfaction (article 45) qui inclut
l’apologie et, seulement pour le crime, la punition de la personne physique agissant
pour l’État. La violation de ces sanctions autorise l’État qui se trouve en position de
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

prétention à adopter des contre-mesures (article 48 § 4).


Dans le seul cas du crime, le Projet prévoit, à la charge de tous les États: l’obligation
de ne pas reconnaître l’action criminelle comme légale (article 53 §1 a)), l’obligation de
ne pas aider l’État auteur du crime à maintenir la situation créée (article 53 § 1 b)),
l’obligation de coopérer avec les autres États pour exécuter les obligations prévues aux
lettres a) et b) de l’article 53, l’obligation de coopérer avec les autres États pour
appliquer les mesures visant à éliminer les conséquences du crime (article 53 § 1 d)).434
En résumé, le Projet est un ensemble de règles générales, qui s’appliquent à toute
conduite illégitime d’un État et qui constituent une véritable théorie générale de
l’infraction étatique: il s’agit d’une synthèse des principes généraux du droit
international en matière de responsabilité. Plus spécifiquement, le Projet fonde et règle
la responsabilité pénale d’un État. Essentiel, en ce sens, est l’article 19, qui représente
une ouverture décidément neuve et intéressante, car il élabore une notion générale

Honour of Judge Manfred Lachs, cit., p. 235 s.; V. LOWE, Precluding Wrongfulness or Responsibility: a
Plea for Excuses, cit., p. 405 s. Sur les causes de justification, en jurisprudence, voir, Trib. Arb., Rainbow
Warrior, Nouvelle Zélande/France, sentence du 30 avril 1990, in R.G.D.I.P., 1990, t. 94, n. 3, p. 852-855,
§ 76-79. Sur la force majeure comme cause d’exclusion de la responsabilité étatique voir C.P.A.,
Indemnité russe, Russie/Turquie, sentence du 11 novembre 1912, in R.S.A., N.U., vol. XI, p. 443; Sur
l’état de nécessité comme cause d’exclusion de la responsabilité étatique voir C.I.J., Projet de
Gobcikovo-Nagimaros, Hongrie/Slovaquie, arrêt du 25 septembre 1997, in C.I.J. Rec., 1997, p. 37, § 44.
433 Selon une partie de la doctrine la disposition en question permettrait de perpétuer le système actuel
axé sur l’action du C.d.S., avec tous les privilèges qui en découlent, notamment pour les membres
permanents; en outre la norme en question serait applicable non seulement aux crimes internationaux,
spécifiquement en cas de violation de la paix, mais aussi aux simples délits, de sorte que la compétence
du C.d.S. en résulterait augmentée (voir G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo preminente di
studiosi italiani nel progetto di codificazione della responsabilità degli Stati; specie a proposito di
crimini internazionali e dei poteri del Consiglio di sicurezza, in Riv. D.I., 1998, p. 117 et 121).
434 Pour une première approche aux conséquences du crime international de l’État voir P. DAILLIER, A.
PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 784-786; Y. DAUDET, Travaux de la C.D.I.
(quarante-sixième session), cit., p. 590-593; R. ROSENSTOCK, The Forty-sixth Session of the I.L.C., in
A.J.I.L., 1995, april, vol. 49, n. 2, p. 393-394.

124
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

capable de séparer des faits illicites ordinaires, le “délits”, les violations les plus graves
de la communauté internationale, les “crimes”.435

§ 2.9. L'évolution du Projet sur la responsabilité des États en matière criminelle


jusqu’à la dernière lecture de 2001.
Le Projet d’articles concernant la responsabilité des États a connu une évolution
contradictoire sur la question criminelle, voire une involution.
La toute première affirmation de la distinction entre crime et délits internationaux est
contenue dans l’article 18 du Projet, titré “Contenu de l’obligation internationale
violée”, figurant dans le cinquième rapport de R. Ago à la C.D.I., de 1976. Le texte de
l’article 18, conçu par R. Ago, prévoyait que: “1. La violation par un État d’une
obligation internationale existant à sa charge est un fait internationalement illicite quel
que soit le contenu de l’obligation violée. 2. La violation par un État d’une obligation
internationale établie aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationales, et
notamment la violation par un État de l’interdiction de recourir à la menace ou à
l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre
État, est un ‘crime international’. 3. Est également un ‘crime international’ la violation
grave par un État d’une obligation internationale établie par une norme de droit
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

international général acceptée et reconnue comme essentielle par la communauté


internationale dans son ensemble et ayant pour objet: a) le respect du principe de
l’égalité de droits des peuples à disposer d’eux-mêmes; ou b) le respect des droits de
l’homme et des libertés fondamentales pour tous; sans distinction de race, de sexe, de
langue ou de religion; ou c) la conservation et la libre jouissance pour tous d’un bien
commun de l’humanité. 4. La violation par un État de toute autre obligation
internationale est un ‘délit international’”.436
La première formulation de l’article 19, titré “Crimes et délits internationaux”,
figurant dans le texte approuvé à l’unanimité en 1976 par la C.D.I. sous la direction de
R. Ago (Première partie – Le fait internationalement illicite de l’État, source de la
responsabilité internationale), accueille, substantiellement, la proposition de R. Ago,

435 Sur l’importance de l’article 19 au sein du Projet voir J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de ius
cogens, efecto erga omnes, crimen internacional y la teoria de los círculos concéntricos, cit., p. 17 et 22;
G. PALMISANO, Les causes d’aggravation de la responsabilité des États et la distinction entre
“crimes” et “délits” internationaux, cit., p. 632. Voir, aussi, les considérations de la C.D.I. in C.D.I.,
Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 68, § 77 (où l’on lit que “la Commission tient
à souligner que le sujet de la responsabilité internationale est l’un de ceux où le développement du droit
peut jouer un rôle particulièrement important, surtout pour ce qui est de la distinction entre différentes
catégories d’infractions internationales et en ce qui concerne le contenu et le dégrée de la
responsabilité”), p. 113, § 73 (où l’on lit, à propos de l’article 19, que “... la C.D.I. tient à souligner
qu’elle est consciente de l’importance exceptionnelle du sujet traité. L’adoption d’une formule
reconnaissant explicitement la distinction entre crimes et délits internationaux est, dans la codification du
droit de la responsabilité internationale, un pas comparable à celui accompli par la reconnaissance du ius
cogens dans la codification du droit des traités. La Commission est, pourtant, convaincue que les
représentants des gouvernements consacreront une attention toute particulière au présent article lors de la
discussion de son rapport.”). Voir, en outre, C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la vingt-
huitième session, cit., p. 68, § 4 (où l’on affirme que, grâce à l’introduction de la catégorie des crimes
internationaux “le Rapporteur spécial, conscient des sentiments de la très grande majorité des pays, est
allé hardiment de l’avant dans la voie du développement du droit international”), p. 70, § 17, p. 86, § 3
(où l’on peur lire que l’article 19 “... joue un rôle très important dans le Projet. Il est l’un des piliers de
l’édifice du droit de la responsabilité des États.”).
436 Voir le texte de l’article 18 in R. Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 57;
voir aussi le débat au sein de la C.D.I. sur l’article 18 in C.D.I., Comptes rendues analytiques de la vingt-
huitième session, doc. A/CN.4/291 et Add. 1et 2, Responsabilité des États, cit., p. 56-92.

125
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

mais réunit les violations de la paix aux autres crimes dans le troisième paragraphe et
déplace au deuxième paragraphe les principes généraux du crime portant sur la gravité
de la violation et sa forme erga omnes absolue indivisible: l’article 19 assume, ainsi, la
forme qu’il gardera jusqu’en 1996.437
Sous le mandat de W. Ripaghen, en 1986, la C.D.I., parmi les articles proposés
concernant la deuxième et la troisième partie du Projet (Contenu, formes et degrés et
mise en œuvre de la responsabilité internationale), prit en considération l’article 14,
affirmant, du point de vue de la sanction, les conséquences de la conception du crime
international en tant que violation erga omnes absolue indivisible.438
La première lecture complète du Projet, adoptée en 1996, depuis la démission du
troisième Rapporteur spécial, G. Arangio-Ruiz, que nous avons analysée dans ses lignes
générales, ne change substantiellement rien à la formulation de la responsabilité
criminelle de l’article 19, qui est gardé dans sa forme originaire.
La deuxième lecture complète du Projet, adoptée, en voie définitive, en août 2001,
sous la direction du britannique J. Crawford, nouveau Rapporteur spécial depuis 1997,
et soumise à l’attention de l’A.G.N.U., efface l’article 19 du contexte du Projet, à la
suite d’un débat long et animé.439
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

437 Voir l’adoption, par le Comité de Rédaction, du texte modifié de l’article 18, qui deviendra l’article
19, in C.D.I., Comptes rendues analytiques de la vingt-huitième session, doc. A.CN.4/291 et Add. 1 et 2,
A/CN.4/L.243 et Add. 1, Responsabilité des États, cit., p. 242 s. Voir le texte des articles du Projet
adoptés en 1976 par la C.D.I., notamment l’article 19, in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa
vingt-huitième session, Projet d’articles sur la responsabilité des États, Première partie – Le fait
internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité internationale, Texte des articles
provisoirement adoptés par la Commission, cit., p. 68-70. Sur l’article 19, après son adoption en 1976,
voir Sixième Commission, Rapport à l’A.G. dur les travaux de la C.D.I. de sa vingt-huitième session, in
A.G., doc. off., 31ème sess., 1976, Annexes, doc. A/31/370, p. 21-33, § 124-179. Voir, aussi, Y.
DAUDET, Travaux de la Commission du droit international (vingt-huitième session), in A.F.D.I., 1976,
XXII, p. 397-401.
438 Voir le texte de l’article 14 in C.D.I., Comptes rendus des séances de la trente-septième session, cit.,
p. 83. Sur l’évolution historique de la responsabilité criminelle prévue dans le Projet sur la responsabilité
des États jusqu’en 1989 voir M. SPINEDI, International Crimes of State – The Legislative History, cit.,
p. 12 s.
439 Voir le texte du Projet adopté en 2001 in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-
troisième session, 23 avril-1er juin, et 2 juillet-10 août 2001, in A.G., doc. off, 56ème sess., 2001, suppl. n.
10, A/56/10, p. 44-60, suivi des commentaires de la C.D.I., disponible dans le site Internet ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/557/88/IMG/N0155788.pdf?OpenElement›, également disponible
à l’adresse électronique ‹hhtp://www.un.org/law/ilc/reports/2001/2001report.htm›, ou bien in Sixième
Commission, Rapport sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-troisième session, doc. A/56/589, cit.,
p. 6-18, ou in A.G.N.U., Résolution 56/83 du 12 décembre 2001 (sur le rapport de la Sixième
Commission (A/56/589)), cit., p. 2-13. Sur la programmation des travaux depuis l’adoption du texte en
première lecture voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-neuvième session, 12 mai-18
juillet 1997, in A.G., doc. off, 50ème session, 1997, suppl. n. 10, (A/52/10), disponible à l’adresse
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N97/231/30/PDF/N9723130.pdf?OpenElement›, p. 119-
120, § 190. Sur l’importance et la nécessité de garder l’article 19 dans le Projet voir G. Arangio-Ruiz,
Huitième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 3-4, § 3-8; G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura
del ruolo preminente di studiosi italiani nel progetto di codificazione della responsabilità degli Stati:
specie a proposito di crimini internazionali e dei poteri del Consiglio di sicurezza, cit., p. 110 s.; A.
JACOWIDES, State Responsibility: Reflections on the International Law Commission’s Draft Articles, in
Proc. A.S.I.L., 2000, p. 296. Dans un ordre d’idées contraire voir J. CRAWFORD, The
Internazionalization of Criminal Law – Remarks, cit., p. 301; D.W. BOWETT, Crimes of State and the
1996 Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit., p. 173; A. PELLET, Remarques sur une révolution
inachevée, cit., p. 21. Pour un aperçu du débat sur la matière voir Y. DAUDET, Travaux de la C.D.I.
(cinquantième session), in A.F.D.I., 1998, XLV, p. 504-508; J.L. KATEKA, The Fiftieth session of the
U.N. International Law Commission, in Af. Y.B.I.L., 1998, vol. 6, p. 229-231. Pour une analyse pratique
des conséquences de l’abolition de la distinction entre crimes et délits dans la dernière version du Projet

126
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

Comme on a constaté, les débats de l’A.G. devraient aboutir à la convocation d’une


Conférence internationale de plénipotentiaires en vue de la conclusion d’une convention
internationale sur la matière.440
La nouvelle élaboration du Projet est divisée en quatre parties: 1ère partie. Le fait
internationalement illicite de l’État (articles 1-27); 2ème partie. Contenu de la
responsabilité internationale (articles 28-41); 3ème partie. Mise en œuvre de la
responsabilité internationale de l’État (articles 42-54); 4ème partie. Dispositions
générales (articles 55-59). Cette formulation du Projet se conforme, dans ses lignes
essentielles, à la théorie générale de la responsabilité formulée dans les lectures
précédentes, même si le texte est significativement simplifié. En revanche, elle s’en
éloigne quelque peu du point de vue de la formulation de la responsabilité criminelle.441

voir J. HOWARD, Invoking State Responsibility for Aiding the Commission of International Crimes –
Australia, the United States and the Question of East Timor, in M.J.I.L., june 2001, vol. 2, n. 1,
disponible in ‹http://mjil.law.unimelb.edu.au/mjil/flash/default.asp›, p. 1-47.
440 Voir Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-troisième
session, doc. A/56/589, cit., point 162 de l’ordre du jour, p. 5-18; A.G., Résolution 56/83 du 12 décembre
2001 (sur le rapport de la Sixième Commission (A/56/589)), cit., p. 1-2.
441 Sur la préparation de la deuxième lecture du Projet voir J. Crawford, Premier rapport sur la
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

responsabilité des États, doc. A/CN.4/490 et Add.1, 2, 2/Rev.1, 3, 4, 5, 6, 7, doc. A/CN.4/490 disponible
in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/115/05PDF/N9811505.pdf?OpenElement›, p. 1-11,
Add.1 in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/119/46/PDF/N9811946.pdf?OpenElement›,
Add.2 in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/126/07/PDF/N9812607.pdf?OpenElement›,
Add.2/Rev.1 disponible dans le site Internet des Nations Unies à l’adresse électronique ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G98/614/98/PDF/G9861498.pdf?OpenElement›, Add.3 in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/128/61/PDF/N9812861.pdf?OpenElement›, Add.4 in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/146/01/IMG/N9814601.pdf?OpenElement›, Add.5 in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/214/56/PDF/N9821456.pdf?OpenElement›, Add.6 in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/216/66/PDF/N9821666.pdf?OpenElement›, Add.7 in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N98/236/54/IMG/N9823654.pdf?OpenElement›; J. Crawford, Deuxième
rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/498 et Add.1-4, doc. A/CN.4/507 disponible in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/072/94/PDF/N9907294.pdf?OpenElement›, Add. 1 in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/094/36/PDF/N9909436.pdf?OpenElement›, Add. 2 in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/130/87/PDF/N9913087.pdf?OpenElement›, Add. 3 in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/093/21/PDF/N9909321.pdf?OpenElement›, Add. 4
disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G99/643/54/PDF/G9964354.pdf?OpenElement›; J. Crawford, Troisième
rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/507 et Add.1-4, doc. A/CN.4/507 disponible in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/345/11/IMG/N0034511.pdf?OpenElement›, Add. 1 in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G00/618/54/IMG/G0061864.pdf?OpenElement›, Add. 2 in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/525/02/PDF/N00/525/02.pdf?OpenElement›, Add. 3 in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/540/05/PDF/N0054005.pdf?OpenElement›, Add. 4
disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/592/25/PDF/N0059225.pdf?OpenElement›; J. Crawford, Quatrième
rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/517 et Add.1, doc. A/CN.4/517 disponible in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/316/57/PDF/N0131657.pdf?OpenElement›, Add.1 in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/316/71/PDF/N0131671.pdf?OpenElement›. Tous les
rapports de J. Crawford sont, également, disponibles dans le réseau Internet à l’adresse électronique
‹http://www.un.org/law/ilc/index.htm› (site officiel de la C.D.I.). On peut, également, consulter les
rapports dans le site ‹http://www.law.cam.ac.uk/rcil/ILCSR/Stateresp.htm#Crawford%20Report› (page
du site du Lauterpacht Research Center for International Law, Univerity of Cambridge). Pour un
commentaire du Projet adopté en 2001 voir J. CRAWFORD, The International Law Commission’s
Articles on State Responsibility – Introduction, Text and Commentaries, New York, Cambridge
University Press, 2002; J. CRAWFORD, J. PEEL, S. OLLESON, The I.L.C.’s Articles on Responsibility
of States for Internationally Wrongful Acts: Completion of the Second Reading, in E.J.I.L., 2001, vol. 12,
n. 5, p. 963 s. Sur les grandes lignes du Projet adopté en 2001 voir Y. DAUDET, Travaux de la C.D.I.
(cinquante et unième session), in A.F.D.I., 1999, XLII, p. 686-688. Sur l’ensemble du Projet adopté en
2001, avec une attention spéciale pour le régime de la responsabilité aggravée non criminelle, voir C.

127
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Dans l’approche du problème du degré de la responsabilité, en ce qui concerne la


structure de l’infraction, la différence fondamentale est établie entre les actes illicites
généraux et ceux qui violent les normes impératives du droit international, donc le jus
cogens (article 40). L’article 40 (Application du chapitre III) dispose que: “1. Le
présent chapitre s’applique à la responsabilité internationale qui résulte d’une violation
grave par l’État d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit
international général. 2. La violation d’une telle obligation est grave si elle dénote de la
part de l’État responsable un manquement flagrant ou systématique à l’exécution de
l’obligation.”
Les violations du ius cogens demeurent indifférenciées car aucune différence n’est
faite à l’intérieur de cette catégorie selon la gravité de l’infraction. Notamment, les
violations de la paix, de l’autodétermination des peuples et des droits de l’homme,
prévues à l’article 19 du Projet de 1996, s’aplatissent dans la notion uniforme du ius
cogens. De ce point de vue, le Projet, s’appuyant sur la notion existante, exclusivement
formelle, du ius cogens, ne saisit pas l’opportunité d’en définir clairement le contenu.442
Le régime des sanctions, réglé dans la deuxième partie (Contenu de la responsabilité
internationale de l’État (articles 28-41)), inclut la cessation de la conduite illicite, la
réparation, compréhensive de la restitution et de la compensation, aussi bien que la
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

satisfaction.443 Ce régime s’applique, de façon uniforme, à toute forme d’infraction


internationale des États.444

SANTULLI, Travaux de la C.D.I. (cinquante-troisième session), in A.F.D.I., 2001, XLVII, p. 349-358;


R. ROSENSTOCK, M. KAPLAN, The Fifty-third session of the I.L.C., in A.J.I.L., 2002, april, vol. 96, n.
2, p. 412-419; P.-M. DUPUY, Quarante ans de codification du droit de la responsabilité internationale
des États. Un bilan, in R.G.D.I.P., 2003, t. 107, n. 2, p. 305-348; J.L. KATEKA, The Fifty-third session
of the U.N. International Law Commission, in Af. Y.B.I.L., 2001, vol. 9, p. 217-223; A. PELLET, Les
articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite – Suite et fin?, in
A.F.D.I., 2002, XLVIII, p. 1-23; D. BODANSKI, J.R. CROOK et al., The I.L.C.’s State Responsibility
Articles, Symposium, in A.J.I.L., 2002, october, vol. 96, n. 4, p. 773 s. Pour des considérations sur
l’évolution du Projet adopté en 1996 voir J. CRAWFORD, Revisiting Draft Articles on State
Responsibility, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 2, p. 435 s. Sur l’évolution du Projet, notamment sous la
direction de J. Crawford, ainsi que pour des précieuses références sur le problème de la responsabilité des
Etats voir l’adresse électronique ‹http://www.law.cam.ac.uk./rcil/ILCSR/Statresp.htm› (site web du
Lauterpacht Research Center for International Law, University of Cambridge, consacré à la responsabilité
des États).
442 Voir J. CRAWFORD, P. BODIEU, J. PEEL, La seconde lecture du Projet d’articles sur la
responsabilité des États de la Commission de droit international: évolution ou bouleversement?, in
R.G.D.I.P., 2000, t. 104, n. 4, p. 916-917; E. WYLER, From “State Crime” to Responsibility for
“Serious Breaches of Obligations under Preremptory Norms of General International Law”, in E.J.I.L.,
2002, vol. 13, n. 5, p. 1147 s. Sur le rapport entre les règles primaires et secondaires dans la version du
Projet de 2001 voir Sixième Commission, Résumé thématique sur les débats tenus pendant la cinquante-
cinquième session sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-deuxième session, 2000, doc. A/CN.4/513,
établi par le S.G., disponible dans le réseau Internet à l’adresse des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/251/23/PDF/N0125123.pdf?OpenElement›, p. 3, § 14.
443 Sur le régime des réparations voir D. SHELTON, Righting Wrongs: Reparations in the Articles of
State Responsibility, in A.J.I.L., 2002, october, vol. 96, n. 4, p. 833.
444 Sur l’élaboration du chapitre III du Projet de 2001, incluant les articles 40 et 41, voir J. Crawford,
Quatrième rapport su la responsabilité des États, cit., p. 18, § 43-23. Pour une analyse plus détaillée des
sanctions voir J. CRAWFORD, P. BODEAU, J. PEEL, The International Law Commission’s Draft
Articles on State Responsibility: toward Completion of a Second Reading, in A.J.I.L., 2000, october, vol.
94, n. 4, p. 667-670.

128
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

Les contre-mesures, réglées dans la troisième partie (Mise en œuvre de la


responsabilité internationale des États (articles 42-54)), sont érigées en procédure
ordinaire d’exécution en cas de violation des sanctions.445
En cas de violation d’une obligation bilatérale ou plurilatérale, seulement l’État ou le
groupe d’États intéressé peuvent réagir en contre-mesure, suite à la violation de
l’obligation, intimée, d’arrêter la conduite illicite et de fournir réparation (articles 42, 48
et 54).
En cas de violation d’une norme de ius cogens l’article 41 (Conséquences
particulières d’une violation grave d’une obligation en vertu du chapitre III) dispose
que: “1. Les États doivent coopérer pour mettre fin, par de moyens licites, à toute
violation grave au sens de l’article 40. 2. Aucun État ne doit reconnaître comme licite
une situation créée par une violation grave au sens de l’article 40, ni prêter aide ou
assistance au maintien de cette situation. 3. Le présent article est sans préjudice des
autres conséquences prévues dans la présente partie et de toute conséquence
supplémentaire que peut entraîner, d’après le droit international, une violation à laquelle
s’applique le présent chapitre”. Ainsi, au niveau des conséquences procédurales de
l’infraction deux différences caractérisent les infractions du ius cogens. La première
concerne le devoir de tous les États de la communauté internationale de coopérer dans
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la répression de l’acte illicite (article 41 § 1).446 Conformément, tous les États de la


communauté internationale peuvent invoquer ladite responsabilité (articles 42 § 1 b), 48
§ 1 b) et 54).447 La deuxième particularité du régime des conséquences de la violation
du ius cogens concerne l’impossibilité, pour les États tiers, de reconnaître la légalité de
la violation. Il s’agit, cependant, d’une prévision, déjà présente dans l’élaboration du
Projet de 1996, qui n’a pas d’importance réelle, car il est difficile, voir impossible que,
même en cas de violation mineure, un État puisse méconnaître l’illégalité de l’acte: ou
l’infraction existe ou bien elle n’existe pas, qu’elle soit majeure ou mineure, car le
problème regarde la forme, non pas la gravité de l’obligation violée.
En partant de ces prémisses la doctrine constate, en matière de répartition des
niveaux de la responsabilité étatique, le virage du Projet vers la conception unitaire de
l’infraction internationale.448

445 Sur le régime des contre-mesures dans le Projet de 2001 voir D.J. BEDERMAN, Conterintuiting
Countermeasures, in A.J.I.L., 2002, october, vol. 96, n. 4, p. 817 s.
446 Voir J. CRAWFORD, P. BODEAU, J. PEEL, The International Law Commission’s Draft Articles on
State Responsibility, cit., p. 673-674.
447 Sur la question des États endommagés voir J. CRAWFORD, P. BODEAU, J. PEEL, The
International Law Commission’s Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 665-667 et p. 673, où l’on
reprend la distinction entre les principes généraux du droit international divisibles et indivisibles, en
affirmant que “preremptory norms are referred to, expressly or implicitly, in situations involving
nonderogability, while obligations to the international community as a whole serve as the vehicle for
articulating the widest category of legal interests of States for the purpose of invoking responsibility”;
C.J. TAMS, Do Serious Breaches Give Rise to Any Specific Obligations of the Responsible State?, in
E.J.I.L., 2002, vol. 13, n. 5, p. 1161 s. Sur le rapport entre le ius cogens et la catégorie des obligations
erga omnes voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 72, § 36. Sur la
sanction collective en cas de violation d’une obligation erga omnes indivisible absolue (ius cogens) dans
le Projet de 2001 voir J. CRAWFORD, P. BODEAU, J. PEEL, The International Law Commission’s
Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 670-672; P.-M- DUPUY, Quarante ans de codification du
droit de la responsabilité des États, cit., p. 343; I. SCOBBIE, The Invocation of Responsibility for the
Breach of “Obligations under Preremptory Norms of General International Law”, in E.J.I.L., 2002, vol.
13, n. 5, p. 1201 s. Sur la réaction collective à l’acte illicite voir D. ALLAND, Countermeasures of
General Interest, in E.J.I.L., 2002, vol. 13, n. 5, p.1221 s.
448 Voir J. CRAWFORD, P. BODEAU, J. PEEL, The International Law Commission’s Draft Articles on
State Responsibility, cit., p. 672; G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 340; J. CRAWFORD, P.
BODEAU, La seconde lecture du Projet d’articles sur la responsabilité des États: un rapport d’étape, in

129
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

En général, il est vrai que la contribution de la dernière lecture du Projet au problème


de la responsabilité criminelle internationale est mineure par rapport aux élaborations
précédentes. Toutefois, malgré l’emploi d’une terminologie non pénale dans la
définition du double régime de la responsabilité, la structure fondamentale du “crime”
étatique comme violation d’une obligation erga omnes indivisible absolue défendant
des intérêts fondamentaux de la communauté internationale, entraînant une réaction
collective (articles 19, 40 § 3 et 53 du Projet de 1996) demeure inchangée (articles 40,
41 § 1, 42 b) et 48 § 1 b) du Projet de 2001), de sorte que le Projet de 2001 est, encore,
“hanté” par le fantôme des crimes internationaux des États.449 En revanche, il est
indéniable que le Projet de 2001, en rejetant la terminologie pénaliste, n’achève pas la
notion de “crime” étatique du point de vue de la procédure de jugement et d’exécution,
mais cela dépend, en grand partie, de la subordination de la réalisation du Projet aux
enjeux de la politique.
Nous prenons en compte, bien évidemment, la version finale du Projet sur la
responsabilité des États au cours de notre travail, notamment en termes de tendance
évolutive du droit international, toutefois la référence majeure, celle qui nous donne les
indications et les outils les plus importants, demeure l’élaboration du Projet de 1996,
notamment son article 19. La proposition contenue dans l’article 19 du Projet de 1996
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démontre, en effet, qu’il est possible d’avoir des opinions différentes et débattre de la
nécessité de responsabiliser pénalement un État, mais juridiquement il est possible de
concevoir la catégorie de la responsabilité criminelle étatique. En tout cas, tant l’article
19 du Projet de 1996 que l’article 40 du Projet de 2001 témoignent la formation d’un
début d’ordre public international et l’éloignement progressif d’une vision purement
bilatérale des rapports internationaux, fondée sur la juxtaposition pure et simple des
souverainetés, dont le droit devrait se borner à assurer la coexistence.450

§ 2.10. L’emploi du terme “crime” en droit international.


Souvent la doctrine considère que la condamnation de certaines conduites des États
comme criminelles, par l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États, mais aussi
par certaines autres sources, comme, par exemple, les résolutions de l’Assemblé
générale des Nations Unies, aurait un caractère exclusivement politique et pas du tout
juridique. Par conséquent, l’utilisation du terme “crime” serait impropre et il vaudrait
mieux ne pas employer ce vocable, car, dans le domaine juridique, chaque mot a une
signification précise.451

Actualité et droit international, janvier 1999, ‹http://www.ridi.org/adi›. Dans un ordre d’idées favorable à
ce rapprochement voir C. DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breach of
Multilateral Obligations, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 2, p. 359-360, d’après lequel, quoiqu’il existe des
violations plus et moins graves en droit international, impliquant des réactions différentes, par l’État
directement lésé ou par l’ensemble de la communauté internationale, le régime normatif de la
responsabilité étatique demeure unique.
449 Voir J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 78, § 87; J.
CRAWFORD, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, cit. p. 18, § 43; C.D.I., Rapport à l’A.G.
sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 133, § 256; A. PELLET, Les articles de la C.D.I. sur la
responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite – Suite et fin?, cit., p. 15-16.
450 Sur cette évolution voir, en doctrine, W. FRIEDMAN, The Changing Structure of International Law,
London, Stevens, 1964; R.-J. DUPUY, Le droit international, Paris, P.U.F., coll. “Que sais-je?”, 1993;
R.-J. DUPUY, Communauté internationale et disparités de développement – Cours général de droit
international public, in R.C.A.D.I., 1979-IV, vol. 165, p. 46 s. Voir aussi C.D.I., Comptes rendus
analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 76-77, § 24-25; G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19,
cit., p. 351.
451 Sur l’opportunité de ne pas employer le terme “crime” en raison de ses implications pénales voir
C.D.I., Rapport à l’ A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, 2 mai-22 juillet 1994, in A.G.,

130
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

Or, s’il est bien vrai qu’il faut utiliser les mots avec précision dans le domaine
juridique, il est difficile d’affirmer que l’emploi du terme “crime” dans les résolutions
de l’O.N.U. et dans le Projet d’articles n’a qu’une signification politique. Chaque terme
qui est employé dans un texte juridique a une signification juridique, autrement on
utiliserait les mots sans correspondance précise, en compromettant la cohérence du
système.452 Dans un ordre juridique fonctionnant correctement, il ne devrait pas y avoir
de place pour des mots employés sans signification. Des deux possibilité l’une: ou l’on
n’emploie pas le terme crime pour designer des conduites illégitimes, ou bien l’on
emploie le terme “crime” en acceptant les conséquences qui en découlent.453 Ainsi, si
les organes des N.U. emploient le mot “crime” pour mobiliser l’opinion internationale
et souligner le caractère odieux d’un comportement donné, il ne faut pas oublier que le
reproche particulièrement grave de la conduite criminelle est l’un des éléments
constitutifs de l’infraction pénale.454
Dans l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États l’emploi du mot “crime”
pose quelques problèmes.455
Comme certains auteurs le remarquent correctement, l’article 19 du Projet emploie le
mot “crime” pour désigner la responsabilité majeure et le terme “délit” pour désigner la
responsabilité mineure. Cependant, dans les ordres internes, le mot “délit” désigne,
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toujours, une responsabilité d’ordre pénal.456 Dans les ordres juridiques nationaux, en
effet, on emploie le mot crime pour désigner la violation pénale en général ou bien la
violation pénale la plus grave. À ce type d’infraction on ajoute d’autres formes de
violations pénales, les délits et les contraventions, en ordre décroissant de gravité.

doc. off., 49ème sess., 1994, suppl. n. 10, A/49/10, disponible dans le site électronique ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N94/349/29/IMG/N9434929.pdf?OpenElement›, p. 357-358, § 235;
Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa vingt-huitième session, doc.
A/31/370, cit., p. 24, § 134. En doctrine voir J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États,
Add.2, cit., p. 2-8; § 61-65; C. DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breaches of
Multilateral Obligations, cit., p. 353 s.; G. GAJA, Should all References to International Crimes
Disappear from the I.L.C. Draft Articles on State Responsibility?, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 2, p. 369;
J. CRAWFORD, Revisiting Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 442; J. CRAWFORD, On Re-
reading the Draft Articles on State Responsibility, in Proc. A.S.I.L., 1998, p. 297; J. BARBOZA,
International Criminal Law, cit., p. 98.
452 Voir P. REUTER, Quelques réflexions sur le vocabulaire du droit international, in J. BASSO et al.,
Mélanges Trotobas, Paris, L.G.D.J., 1970, p. 423.
453 Voir H. GUILLOREL, G. KOUBI, (sous la dir. de), Langues et droit – Langues du droit, droit des
langues, Bruxelles, Bruylant, 1999; P. REUTER, Le développement de l’ordre juridique international,
cit., p. 1-22; K. MAREK, Criminalizing State Responsibility, cit., p. 461. Sur la question de l’adéquation
et de la terminologie employée dans le texte sur la responsabilité des États voir F. BELAICH, Les
réactions des gouvernements au Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États, cit., p. 514 et 515.
454 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 80, § 7.
455 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, doc. A/50/10, cit., p.
112, § 258; Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-troisième
session sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquantième session, 1998, doc. A/CN.4/496, établi par le S.G.,
in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/039/14/PDF/N9903914.pdf?OpenElement›, p. 17, §
110-111; Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquantième session sur
les travaux de la C.D.I. de sa quarante-septième session, 1995, doc. A/CN.4/472Add.1, établi par le S.G.,
p. 17 s., in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N96/006/66/PDF/N9600666,pdf?OpenElement›,
§ 68 s.
456 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 69, § 8, p. 72, § 34;
C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 145, § 92. En doctrine voir A.
PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., vol. 10, n. 2, p. 434; M. SPINEDI, La
responsabilité de l’État pour “crime”: une responsabilité pénale?, cit., p. 102.

131
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Parfois même le mot “délit” désigne la responsabilité pénale majeure.457 Il est difficile
de penser que l’intention des rédacteurs du Projet sur la responsabilité des États est celle
de créer les catégories des crimes et des délits comme infractions pénales, car on ne
peut pas concevoir une responsabilité internationale d’ordre exclusivement pénal.
D’ailleurs, le délit international s’inscrit dans un cadre purement inter-étatique, qui
n'appelle, d’aucune façon, la réaction de la société internationale en tant que “corps
social”, et le régime des sanctions conséquent ne tâche guère de défendre l’ordre public
international ou de réprimer un manquement dans l’intérêt de la communauté dans son
ensemble. L’intention est, plutôt, celle de créer un double degré de la responsabilité, qui
rappelle, d’une certaine façon, la distinction entre la responsabilité civile et pénale des
droits internes.458 Cependant, alors que le terme “crime” est apte à définir la
responsabilité majeure, avec une nuance pénale, l’emploi du terme “délit” pour désigner
une forme de responsabilité moins grave, sur le modèle de la violation civile, n’est pas
très heureux. D’ailleurs le choix du terme “crime” s’inspire clairement de la doctrine,
ainsi que de la pratique des États et des résolutions de l’O.N.U.459 De son côté,
l’utilisation du mot “délit” s’inspire de la doctrine internationaliste européenne,
d’origine romaniste, notamment française, italienne, espagnole et allemande et du fait
que, en droit interne, le mot “délit” désigne une responsabilité mineure par rapport aux
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crimes, quoiqu’il n’existe pas une correspondance avec la littérature internationaliste de


“Common Law”.460 Du fait que l’emploi du mot “délit” s’inspire de la littérature et de la
doctrine romanistes de droit international on peut déduire que l’utilisation des termes
“crimes” et “délits” remonte, indirectement, à la distinction en vogue dans le droit
romain de l’époque classique, qui appelait “crimina” et “delicta” les actions violant les
intérêts plus et moins importants de la communauté.461 Le choix du mot “délit” pour
désigner les actes illicites mineurs demeure, néanmoins, problématique, surtout en
raison de la condamnation morale qu’il implique.462
En dehors de la coordination avec la catégorie des délits, l’emploi du terme “crime”
pour définir les manquements majeurs des États est tout à fait raisonnable, surtout vu le
caractère essentiel des intérêts en jeu et l’efficacité erga omnes absolue et indivisible de
l’action illicite.463 Par ailleurs ce mot est hérité de plusieurs instrument internationaux,

457 Selon le Code pénal français, les infractions pénales se divisent en trois catégories: les crimes, les
délits et les contraventions (article 121-3 du Code pénal français). Selon le Code pénal italien les
violations pénales (crimes) se divisent en deux catégories: les délits et les contraventions (article 17 du
Code pénal italien). Sur la classification du crime dans les différents systèmes juridiques voir J.
PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 261 s. Sur la classification bi ou tri-partie des infractions
criminelles voir G. STEFANI, B. BOULOC, G. LEVASSEUR, Droit pénal général, 17ème éd., cit., p.
228.
458 Voir T. MERON, Is International Law Moving Toward Criminalization?, cit., p. 22; G. ABI-SAAB,
The Uses of Article 19, cit., p. 346. En faveur de l’existence de la responsabilité civile et pénale en droit
international voir l’opinion de R. Ago in C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session,
cit., p. 91, § 33, où l’on lit que “en 1939 déjà, une distinction pouvait, peut-être, se faire entre
‘responsabilité civile’ et ‘responsabilité pénale’ en droit international, puisque des sanctions étaient
parfois exercées, notamment sous la forme de représailles”.
459 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 110. En doctrine
voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 345.
460 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 112.
461 Voir M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”: une responsabilité pénale?, cit., p. 102.
462 Voir A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 23. En faveur de l’emploi du mot
“délit” voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 84, § 36.
463 Conformément voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 84, § 34,
p. 85, § 42. D’après A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 434, le mot
“crime” serait particulièrement apte à définir la responsabilité majeure des États, car celle-ci, à différence

132
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

notamment ceux qui concernent le génocide, l’apartheid, l’agression et force est de


constater que la C.D.I. est parvenue à envisager l’emploi de l’expression “crime d’État”
à maintes reprises.464
La C.D.I., en adoptant le mot “crime”, a tenu à souligner la nécessité d’éviter toute
confusion avec la responsabilité criminelle individuelle, en particulier celle des
individus-organes.465 Toutefois la Commission même, en conséquence du choix du mot
“crime”, a été ensuite obligée de s’interroger, à propos du paragraphe 3 de l’article 19,
sur la nécessité d’élaborer un ébauche de “code pénal international”.466 Une certaine
ambiguïté demeure, surtout, parce qu’il existe des crimes de droit international pour
lesquels les individus sont punissables: la terminologie employée ne permet guère de
faire une distinction entre les agissements criminels individuels et collectifs.467
Quoi qu’il en soit, il n’est pas évident que l’emploi du terme “crime”, dans le Projet
sur la responsabilité des États notamment, mais aussi dans d’autres textes de droit
international, ait seulement un sens politique: il faut être prudent avant de désigner
comme une erreur juridique l’emploi du terme “crime” dans les textes de droit
international. Il est possible, plutôt, que cette utilisation soit le signal de la tendance et
de l’exigence de créer une forme de responsabilité et des structures institutionnelles qui
ne sont pas encore en place, mais qu’il faudrait prévoir.468 En tout cas, ce qui ressort
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de la responsabilité simple, impliquerait les éléments subjectifs du dol et de la faute et des sanctions
d’ordre pénal. Toujours selon A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 23, l’emploi
du terme “crime” serait acceptable, non pas dans le sens de la création d’une responsabilité pénale sur le
modèle des droits internes, mais dans le sens de la création de deux catégories différentes de faits
internationalement illicites, cependant, vu l’analogie “trompeuse” avec le droit pénal et les critiques qui
en découlent, mettant en péril l’existence même des infractions majeures, il vaudrait mieux renoncer à la
définition et identifier les violations majeures avec le ius cogens.
464 Voir l’opinion de R. Ago in C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p.
90, § 25. En faveur des “crimes” internationaux des États, dans le sens que leur création pourrait, un jour,
influencer la pratique, voir A. CASSESE, I diritti umani nel mondo contemporaneo, cit., p. 102-105.
465 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 110, § 59; C.D.I.,
Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 74, § 7, p. 79 s., § 6 s., p. 90, § 25.
466 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 65 § 29.
467 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 65 § 27, p. 69, § 12, p.
74, § 6.
468 Conformément voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p.
115, § 269; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 357, § 234;
Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa vingt-huitième session, doc.
A/31/370, cit., p. 23, § 131; Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa
vingt-septième session, doc. A/10393, in A.G., doc. off., 30ème sess., 1975, Annexes, point 108 de l’ordre
du jour, p. 5, § 26; Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa vingt-
quatrième session, doc. A/8537, in A.G., doc. off., 27ème sess., 1971, Annexes, point 88 de l’ordre du
jour, p. 20, § 137-138; Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la quarante-
neuvième session sur les travaux de la C.D.I. de sa quarante-sixième session, 1994, doc.
A/CN.4/464/Add.2, établi par le S.G., disponible dans le réseau Internet à l’adresse ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N94/510/73/PDF/N9451073.pdf?OpenElement›, p. 5, § 6; G. Arangio-
Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 29 s., § 142 s. En doctrine V. Pella
pense que “si le droit pénal doit protéger la paix et la sécurité de l’humanité, on ne peut et on ne doit pas
exclure le principe de la responsabilité pénale des États” (voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de
Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p.
315, § 69). Selon D.D. CARON, State Crimes in the I.L.C. Draft Articles on State Responsibility:
Insights from Municipal Experience in the Corporate Crimes, cit., p. 308-309, la notion de “crime” de
l’État aurait une fonction, essentiellement, préventive et répressive et, si on supprimait le mot “crime”, la
seule notion de “responsabilité majeure” perdrait cette efficacité. En faveur de la création des crimes des
États en fonction dissuasive voir M.-C. BASSIOUNI, Introduction au droit pénal international, cit., p.
56-57, d’après lequel les partisans de l’interprétation qui nie la responsabilité pénale des États ne se
fonderaient pas sur des données structurelles correctes, du moment qu’il s’agit d’auteurs

133
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

évidemment du texte de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996, est
la volonté de créer un double degré de la responsabilité, respectivement pour les actions
moins graves et pour les actions plus graves, touchant aux intérêts fondamentaux de la
communauté internationale, qui renvoie à l’idée de la possible conception du crime
étatique.469

Conclusion.
En droit international, actuellement, bien que quelques textes, qu’il s’agisse de
conventions ou de résolutions, adoptent le terme “crime” par rapport à la responsabilité
étatique, il n’existe pas de normes qui reconnaissent, de façon complète, le principe de
la responsabilité pénale des États: ce concept n’est accepté ni au niveau des principes
généraux ni au niveau du droit international relatif. Toutefois, suite à l’évolution de la
doctrine au cours du XX siècle on ne peut plus soutenir la thèse selon laquelle le régime
de la responsabilité étatique serait unique, indistinct et, donc, plutôt de nature “civile”
que “pénale”, si on tient à faire un rapprochement avec les catégories du droit interne. Il
faut, par contre, reconnaître l’existence de deux régimes de la responsabilité étatique
différenciés: la responsabilité majeure, engendrée par les conduites les plus graves, qui
lèsent les intérêts fondamentaux de la communauté internationale dans son ensemble, et
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

la responsabilité mineure, produite par les conduites moins graves. Cette distinction est
consacrée par la dernière version du Projet d’articles sur la responsabilité des États,
adopté par la C.D.I. en 2001 et soumis à l’attention de l’Assemblée générale des N.U.,
qui identifie les infractions majeures avec les violations du ius cogens. L’affirmation de
l’existence d’un double régime de la responsabilité ne signifie pas, tout de même, que la
responsabilité majeure a une connotation pénale et que la responsabilité ordinaire a une
connotation civile.
Sans doute l’affirmation la plus claire de la responsabilité criminelle étatique est
contenue dans l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États adopté par la C.D.I.
en 1996, qui crée la distinction entre la responsabilité pour “crime” et celle pour “délit”.
Malgré cette reconnaissance expresse, il n’est pas sûr que la responsabilité criminelle de
l’État, en droit international, puisse être conçue comme la responsabilité pénale des
ordres juridiques internes, néanmoins il serait trop simpliste de qualifier de “politique”
l’emploi du terme “crime” dans le texte de l’article 19 ainsi que dans d’autres textes de
droit international, comme s’il n’avait pas de valeur juridique réelle.470 Pour parvenir à

internationalistes et publicistes, non pas de spécialistes du droit pénal. Selon J. CRAWFORD, On Re-
reading the Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 298, la pratique déterminera la nécessité de la
notion du crime de l’État, mais il vaudrait mieux en traiter en dehors du Projet sur la responsabilité des
États pour fait internationalement illicite.
469 Voir Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa vingt-sixième session,
doc. A/9897, in A.G., doc. off., 29ème sess., 1974, point 87 de l’ordre du jour, p. 14, § 109-110.
Conformément, selon R. Ago, “le fait d’affirmer qu’il existe des crimes internationaux pourra faciliter
ensuite la détermination des sanctions et de la procédure applicables. Historiquement, la définition des
crimes précède celle des peines, laquelle à son tour précède l’établissement d’une procédure d’application
des peines. Sur le plan international, l’évolution ne pourra pas se faire rapidement, mais un mouvement
se dessine, qui consiste à distinguer les crimes internationaux des délits internationaux, et qui devrait
aboutir à l’instauration de régimes de responsabilité plus rigoureux pour les premiers et, finalement, à un
système d’application des sanctions” (voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième
session, cit., p. 91-92, § 34). Dans le même ordre d’idées voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit.,
p. 376.
470 D’après A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 433, un État peut être
tenu pour responsable du point de vue pénal (tel serait le cas de l’Allemagne nazie et de l’Iraq de Saddam
Hussein), toutefois l’absence actuelle d’une juridiction internationale pénale pour les États, sur le modèle
des juridictions internes, empêcherait la conception d’une responsabilité pénale au sens propre du terme.

134
LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE DES ÉTATS:
DÉVELOPPEMENT DU CONCEPT ET PROJETS

comprendre quelle est la nature de la responsabilité majeure des États il faut étudier la
structure de l’infraction étatique, dans ses composantes subjectives et objectives.
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Selon J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques observations, cit., p. 55, malgré les
difficultés liées au fait qu’un État est une personne morale, il serait possible de le sanctionner du point de
vue pénal.

135
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CHAPITRE 3
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

Introduction. § 3.1. L’article 19 § 2 et 3 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 et 40 § 1


du Projet de 2001: l’individuation des intérêts dignes de la tutelle criminelle (théorie générale et
partie spéciale de l’infraction). § 3.2. L’article 19 § 2 du Projet sur la responsabilité des États de
1996 et l’article 40 du Projet de 2001 (théorie générale du fait typique): les principes généraux pour
repérer les intérêts dignes d’une tutelle spéciale. § 3.3. L’importance du droit violé. § 3.4. La
reconnaissance expresse de la responsabilité pénale étatique par l’ensemble de la communauté
internationale: la forme du crime (la relation entre les crimes, les obligations erga omnes et le ius
cogens). § 3.5. Définition du concept d’obligation erga omnes absolue ou relative, indivisible ou
divisible. § 3.6. L’obligation erga omnes au sens absolu en droit international: indivisible (ius
cogens) ou divisible. § 3.7.L’obligation erga omnes au sens relatif en droit international (obligation
erga omnes contractantes): indivisible ou divisible. § 3.8. Le contenu de l’obligation erga omnes
indivisible. § 3.9. La conception absolue du crime international: crime international et obligation
erga omnes indivisible absolue (ius cogens). § 3.10. La conception relative du crime international:
crime international et obligation erga omnes indivisible relative. § 3.11. Insuffisance du critère
formel pour établir une distinction entre les crimes et les délits internationaux et nécessité du
principe du contenu. § 3.12. La source du système de la responsabilité internationale pénale. § 3.13.
L’article 19 § 3 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 (partie spéciale de l’infraction
criminelle étatique): les intérêts spécifiques dignes de la tutelle criminelle et les crimes typiques.
§ 3.14. La violation d’une obligation internationale essentielle pour le maintien de la paix et de la
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sécurité internationales. § 3.15. La violation d’une obligation internationale essentielle pour la


sauvegarde du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. § 3.16. La violation d’une obligation
internationale essentielle pour la sauvegarde de l’être humain. § 3.17. La violation d’une obligation
internationale essentielle pour la sauvegarde de l’environnement. § 3.18. Le concept de bien
juridique et sa gradation, selon l’importance, dans l’article 19 § 3 du Projet sur la responsabilité
des États de 1996. § 3.19. Encadrement systématique de l’article 19 § 3 du Projet sur la
responsabilité des États de 1996. § 3.20. Le rapport entre le paragraphe 3 de l’article 19 du Projet
sur la responsabilité des États de 1996 et les règles primaires. Conclusion.

Introduction.
Du point de vue du droit matériel, un système de droit pénal doit régler les
infractions les plus graves d’un ordre juridique donné aussi bien du point de vue de la
théorie générale que des infractions spécifiques. En droit interne on parle, à ce propos,
de “partie générale” et de “partie spéciale” du droit pénal. Les deux parties doivent être
cohérentes, de sorte qu’on peut soutenir que la théorie générale est déduite des figures
criminelles spécifiques, ou bien, vice-versa, que les figures criminelles spécifiques
dérivent de la partie générale du droit pénal. Quoi qu’il en soit, il est important que la
théorie générale et les figures criminelles spécifiques soient réglées de façon
harmonique. L’article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États de 1996,
malgré toutes ses limites, constitue un premier effort, courageux, de mettre en place, en
droit international, un système criminel de l’action des États du point de vue de la
théorie générale autant que des figures criminelles spécifiques.471 L’article 40 du Projet
sur la responsabilité des États de 2001, en revanche, se limite à régler les infractions
internationales majeures du point de vue de la théorie générale.
Dans ce chapitre nous étudions la partie objective de l’infraction criminelle étatique.
En prenant pour base le cadre défini par le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des
États, nous abordons les problèmes majeurs de la partie objective de l’infraction
internationale pénale afin d’approfondir les questions problématiques et essentielles
pour sa définition en tant que crime. Les enjeux qu’il faut traiter sont multiples et rien
moins que simples.

471 Voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., E.J.I.L., p. 347.
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

On peut adopter, en droit international, la division de la partie objective de


l’infraction criminelle des États en deux sous-parties, propre des ordres juridiques
internes: la théorie générale du fait typique (comprenant la définition du fait typique, les
causes de justifications comme élément négatif du crime et l’élément subjectif) et les
figures typiques criminelles.472
Dans le cadre de la théorie générale du fait typique le problème majeur consiste à
définir quels sont les critères généraux nécessaires pour encadrer la catégorie des droits
qui rentrent dans le domaine pénal. Il s’agit d’une question liée à la gravité du crime,
qui se pose en droit international comme dans tout ordre juridique interne. Toutefois, si,
en droit interne, la présence des constitutions, normes fondamentales, facilite la tâche,
en droit international la faiblesse de l’ordre hiérarchique et l’absence d’une constitution
compliquent la donne. La configuration de la théorie générale du crime de l’État, bien
que très réduite, définie par les articles 19 et 40 § 3 du Projet de la C.D.I. de 1996 et
élaborée de nouveaux aux articles 40, 42 b) et 48 § 1 b) du Projet de 2001, nous pousse
à étudier la forme logique de l’infraction et à considérer le crime étatique par rapport
aux notions d’obligation erga omnes, de ius cogens et, par conséquent, aux sources du
droit international: c’est toute la question de la compatibilité entre le droit pénal,
hiérarchique et centralisé, et l’ordre juridique international, horizontal, ou faiblement
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hiérarchisé, et décentralisé.
Dans le cadre de la définition des figures criminelles typiques, qui rentrent dans la
partie spéciale de la théorie du crime international de l’État, il s’agit de définir les
comportements spécifiques qui constituent un crime en conformité avec les principes
généraux préalablement établis. L’étude de la partie spéciale de la responsabilité pénale
des États nous amène à développer des considérations sur la hiérarchie des biens
juridiques au sein de la communauté internationale, sur le choix des intérêts dignes
d’une tutelle d’ordre pénal, ainsi que sur les éléments constitutifs de chaque figure
criminelle.473
Naturellement la théorie générale et la partie spéciale du crime international de l’État
sont étroitement liées, de sorte que des indications utiles à la solution des problèmes de
la théorie générale peuvent venir de la partie spéciale et vice-versa.

§ 3.1. L’article 19 § 2 et 3 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 et 40 § 1


du Projet de 2001: l’individuation des intérêts dignes de la tutelle criminelle
(théorie générale et partie spéciale de l’infraction).
Les paragraphes 2 et 3 de l’article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des
États de 1996 abordent la question du choix des intérêts susceptibles d’être protégés par
un régime spécial et aggravé de tutelle, au sein de la communauté internationale, selon
deux approches différents et complémentaires. Le paragraphe 2 définit les critères
généraux pour repérer les intérêts relevant du point de vue criminel, tandis que le
paragraphe 3 dresse la liste desdits intérêts et des conduites qui leur portent atteinte. Le
paragraphe 2 relève, clairement, de la théorie générale du fait typique, alors que le

472 Tandis que le droit pénal général “réunit les règles applicables à l’ensemble des infractions ou d’une
partie d’entre elles” le droit pénal spécial “a pour objet de définir les diverses infractions particulières en
décrivant leurs éléments constitutifs” (voir F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 9ème
éd., cit., p. 7).
473 Sur le droit pénal comme instrument de défense des intérêts fondamentaux de la société voir F.
DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 9ème éd., cit., p. 25; J.-H. ROBERT, Droit pénal
général, 5ème éd., cit., p. 225 s. Pour une approche de droit comparé sur cette question voir J. PRADEL,
Droit pénal comparé, cit., 2ème éd., cit., p. 51 s.

138
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

paragraphe 3 constitue la partie spéciale de l’infraction criminelle étatique.474 On ne


saurait établir si la théorie générale est induite de la partie spéciale ou si, vice-versa,
chaque infraction est déduite de la théorie générale. Il est important, toutefois, que les
deux éléments procèdent parallèlement et de façon coordonnée, de sorte que l’on ne
saurait pas concevoir l’un sans l’autre.475
L’article 40 § 1 du Projet sur la responsabilité des États adopté, en deuxième lecture,
en 2001, sans faire référence, du moins expressément, aux crimes étatiques, s’occupe
des infractions majeures du droit international, du point de vue de la théorie générale,
en tant que violations des normes impératives du droit international général. En
conséquence de la suppression du mot “crime” dans le vocabulaire de la responsabilité
internationale, le Projet de 2001 ne prévoit aucune infraction spécifique correspondant
aux infractions majeures étatiques.

§ 3.2. L’article 19 § 2 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 et l’article


40 du Projet de 2001 (théorie générale du fait typique): les principes généraux
pour repérer les intérêts dignes d’une tutelle spéciale.
Selon le paragraphe 2 de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de
1996, l’existence d’un crime international de l’État suppose que: 1) La norme violée
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soit “essentielle pour la sauvegarde d’intérêts fondamentaux de la communauté


internationale”; 2) La violation soit reconnue comme un crime par la “communauté
dans son ensemble”.
La règle en question contient, donc, deux principes qui sont censés définir le
domaine du crime. Le premier critère, d’ordre purement objectif, nous dit que
l’importance du contenu de la règle, donc de l’obligation, violée est la condition
essentielle pour l’existence de la notion de “crime”.476 Le deuxième critère est
étroitement lié au premier et le complète du point de vue normatif, du côté subjectif, car
il dispose que la reconnaissance de l’importance primordiale des intérêts en question
doit venir de la communauté dans son intégralité.477 Du moment que les principes en
question laissent quelques marges à l’interprétation, afin d’assortir la notion de “crime”
des garanties nécessaires, on pensait introduire la possibilité d’un recours au Conseil de
sécurité, dans certains domaines, et à la C.I.J., dans d’autres, en cas de différend sur
l’existence d’un crime international, sur le modèle de l’article 66 de la Convention de

474 Conformément voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 341. Sur l’article 19 du Projet sur
la responsabilité des États de 1996, avec une attention particulière au paragraphe 3, voir V. STARACE,
La responsabilité résultant de la violation des obligations à l’égard de la communauté internationale, in
R.C.A.D.I., 1976-V, vol. 153, p. 289-308.
475 Pour un aperçu des problèmes concernant l’encadrement des crimes internationaux par l’article 19 § 2
et 3 du Projet sur la responsabilité des États voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-
sixième session, cit., p. 364-368, § 252-260.
476 Sur l’importance déterminante de la gravité substantielle pour la définition du crime international voir
G. CARELLA, La responsabilità dello Stato per crimini internazionali, Napoli, Jovene, 1985, p. 247-
251; M. MOHR, The ILC’s Distinction between “International Crimes” and “International Delicts” and
Its Implications, in B. SIMMA, M. SPINEDI, U.N. Codification of State Responsibility, cit., p. 123-127;
P.-M. DUPUY, Action publique et crime international de l’État: à propos de l’article 10 du Projet de la
C.D.I. sur la responsabilité des États, in A.F.D.I., 1979, XX, p. 539.
477 Sur ce point voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 110. En
doctrine voir M. GOUNELLE, Quelques remarques sur la notion de “crime international de l’État” et
sur l’évolution de la responsabilité internationale de l’État, cit., p. 320; J. CARDONA LLORENS, La
responsabilidad internacional por violación grave de obligaciones esenciales para la salvaguardia de
intereses fundamentales de la comunidad internacional, (el “crimen internacional”), in An. Der. I., 1985,
p. 282-284; J. QUIGLEY, The International Law Commission’s Crime-Delict Distinction: a Toothless
Tiger?, in R.D.I.S.P., 1988, p. 118-120.

139
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, relatif aux normes de ius cogens, mais
cette proposition n’a pas été retenue, finalement, dans la rédaction de l’article.478 En
tout cas, seulement lorsque les deux conditions énoncées se trouvent réunies on peut
conclure à l’existence d’un crime international étatique. Cette approche de l’infraction
rappelle l’idée que le droit pénal doit protéger les intérêts les plus important de la
société.
On remarquera que les principes définis au paragraphe 2 de l’article 19 servent à
repérer, parmi les normes du droit international, celles qui défendent les droits
susceptibles d’une protection majeure; mais ils ne définissent pas les infractions
concrètement, tâche qui est propre de la partie spéciale du fait typique. Il s’agit, par
ailleurs, de principes nécessairement généraux, qui permettraient au système
international pénal d’être ouvert et changeant, d’accepter des nouveaux intérêts dans
son domaine ou d’en exclure d’autres, selon l’évolution des nécessités sociales.479
L’article 40 § 1 du Projet sur la responsabilité des États adopté en 2001, en revanche,
qualifie l’infraction majeure de “violation grave par l’État d’une obligation découlant
d’une norme impérative du droit international général”, alors que, aux termes du
paragraphe 2, la violation serait grave lorsqu’elle “dénote, de la part de l’État
responsable un manquement flagrant ou systématique à l’exécution de l’obligation”.
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Reste, donc, l’idée de l’infraction majeure comme violation d’une obligation dont la
communauté dans son ensemble est titulaire, mais la référence à l’importance de
l’intérêt protégé par l’obligation lésée disparaît.

§ 3.3. L’importance du droit violé.


En vertu du premier critère énoncé au paragraphe 2 de l’article 19, non repris par le
Projet adopté en 2001, c’est en fonction du contenu de l’obligation que l’on détermine
sa prééminence par rapport aux autres et on qualifie son infraction de “criminelle”,
quelle qu’en soit la source, coutumière ou conventionnelle.480
Il s’agit du problème de la gradation des biens juridiques: normalement, dans les
droits nationaux, on fait appel à la hiérarchie des normes juridiques pour établir quels
sont les droits dignes de la tutelle pénale et on repère les intérêts fondamentaux de la
communauté, dont la violation constitue un crime, dans les textes constitutionnels, mais
il est évident que cette opération n’est pas possible en droit international, car celui-ci ne
contemple pas une constitution au sens propre.
En droit international, en principe, toutes les sources, générales ou particulières,
coutumières ou conventionnelles, peuvent engendrer des obligations plus importantes

478 Voir l’opinion de R. Ago et d’autres membres de la C.D.I. in C.D.I., Comptes rendues analytiques de
la vingt-huitième session, Doc. A/CN.4/291 et Add. 1 et 2, cit. p. 61-62, § 1-2, p. 70, § 14. Cette
proposition est intéressante non seulement parce qu’elle témoigne de la fluidité des principes définis à
l’article 19, mais aussi parce qu’elle visait à établir un lien entre le crime et, d’un côté, un organe
juridictionnel, la C.I.J., et surtout, d’un autre côté, le Conseil de sécurité.
479 Conformément, sur la nécessité de réaliser un régime de la responsabilité criminelle qui s’adapte
progressivement à l’évolution future du droit international, voir le C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux
de sa vingt-huitième session, cit., p. 110; C.D.I., Comptes rendues analytiques de la vingt-huitième
session, doc. A/CN.4/291 et Add. 1 et 2, cit., p. 64, § 19, p. 67, § 43. Certains auteurs, toutefois,
critiquent l’incertitude du paragraphe 2 de l’article 19, qui laisserait trop de place à l’interprétation, même
s’il en serait de même pour une considérable quantité de notions constamment appliquées en droit
international, comme, par exemple, celle de “coutume” selon l’article 38 § 1 b) du Statut de la C.I.J. (voir
A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 20).
480 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 23, § 18, p. 86, § 2; R.
Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 14, § 32. Voir, aussi, l’article 17 du Projet
sur la responsabilité des États adopté en 1996.

140
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

que d’autres en raison de leur contenu.481 En ayant regard à l’hiérarchie, on peut repérer
les droits fondamentaux de la communauté internationale, au niveau des principes
généraux, dans les normes cogentes, tandis que, dans le cadre du droit international
relatif, il s’agit de voir si certains droits se distinguent en raison de leur importance,
notamment dans la Charte des N.U., vu sa position privilégiée au sein sources
conventionnelles.

§ 3.4. La reconnaissance expresse de la responsabilité pénale étatique par


l’ensemble de la communauté internationale: la forme du crime (la relation entre
les crimes, les obligations erga omnes et le ius cogens).
Une condition formelle est nécessaire pour l’existence de la responsabilité pénale des
États: il faut que la communauté internationale dans son ensemble reconnaisse, de façon
expresse, cette responsabilité.482 Ce principe, clairement affirmé à l’article 19 du Projet
sur la responsabilité des États de 1996, détermine la forme logique du crime
international étatique: pour en comprendre la signification il faut lire l’article 19 § 2 de
façon coordonnée avec l’article 40 § 3 du même Projet.
Placé dans la deuxième partie du Projet, l’article 40 précise ce qu’il faut entendre par
“État lésé” par un fait illicite international.483 Le premier paragraphe dispose que
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“l’expression État lésé s’entend de tout État qui est atteint dans un droit par le fait d’un
autre État, si ce fait constitue, conformément aux dispositions de la première partie, un
fait internationalement illicite de cet État”. Le troisième paragraphe précise que
“l’expression ‘État lésé’ désigne, si le fait internationalement illicite constitue un crime
international, tous les autres États”. On trouve, ici, clairement défini du strict point de
vue de la forme de la violation, le principe fondamental de la condamnation universelle
de l’infraction criminelle par la société internationale, déjà affirmé, en ligne générale, à
l’article 19 § 2. Le principe affirmé à l’article 19 § 2 se précise, à l’article 40 § 3, dans
le sens que les crimes violent les droits de la communauté internationale dans son
ensemble, donc tous les États doivent être considérés comme sujets passifs de l’action
illicite criminelle. Le Projet sur la responsabilité des États de 1996 accueille, ainsi,
clairement, la conception du crime international comme violation d’une obligation erga
omnes indivisible au sens absolu.
Cette formulation est passée dans le texte de l’article 40 § 1 (qualifiant l’infraction
étatique majeure comme violation du ius cogens) et de l’article 48 (Invocation de la
responsabilité internationale) § 1 b) de la version du Projet sur la responsabilité des
États adoptée en 2001, aux termes duquel “tout État autre qu’un État lésé est en droit

481 Voir l’opinion de R. Ago in C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p.
24, § 27.
482 Cette assimilation s’inscrit dans la vision sociologique du crime selon laquelle l’infraction pénale ne
serait rien d’autre que la déclaration de ce qu’une société condamne (voir G. GILBERT, The Criminal
Responsibility of States, in I.C.L.Q., 1990, p. 356) et on y décèle l’idée fondamentale de globaliser les
valeurs essentielles de la communauté internationale, à côté des valeurs économiques déjà globalisés
(voir M. DELMAS-MARTY, La difficile naissance du droit de demain, in Le Monde, n. 17669, Horizons
– Débats, vendredi 16 novembre 2001, p. 16).
483 Le texte de l’article 40 adopté en première lecture en 1996 reprend, dans ses lignes essentielles, le
projet d’article 5 proposé, en 1984, par W. Ripaghen (voir le texte commentée in W. Riphagen, Sixième
rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/389, cit., p. 5 s.). Sur l’article 5 proposé par W.
Riphagen voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-septième session, 6 mai-26 juillet
1985, in Ann. C.D.I., 1985 , vol. II, 2ème partie, p. 25-27. Sur la définition du sujet passif du crime
international donnée à l’article 40 § 3 du Projet de 1996 voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de
sa cinquantième session, cit., p. 146, § 296-297.

141
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

d’invoquer la responsabilité d’un autre État si: […] b) L’obligation violée est due à la
communauté internationale dans son ensemble”.
Cette approche du coté passif du crime international entraîne le problème de la
relation entre les règles secondaires du Projet sur la responsabilité des États et la forme
des obligations créées par les normes primaires. Il s’agit, donc, d’analyser le rapport
existant entre les crimes internationaux et les obligations erga omnes.484

§ 3.5. Définition du concept d’obligation erga omnes absolue ou relative, indivisible


ou divisible.
En soi “obligation erga omnes” signifie, tout simplement, “obligation envers tous”:
une obligation erga omnes constitue un devoir.
On considère, comme obligation erga omnes, la position dans laquelle un sujet est
chargé d’un nombre de relations passives, ayant toutes le même contenu en termes
d’action, égal au nombre des sujets qui composent un ordre juridique donné.
Ainsi conçue, l’obligation erga omnes est le pendant nécessaire du concept de droit,
en combinaison avec lequel elle compose l’ensemble des relations juridiques.485 On
parlera, donc, indifféremment, de “droit” ou “devoir”, en sachant que l’on fait
référence, respectivement, au coté actif et au coté passif de la relation juridique.
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Les obligations erga omnes peuvent être indivisibles ou divisibles.


L’obligation erga omnes indivisible engage conjointement un sujet envers tous les
autres sujets d’un ordre juridique donné: elle constitue un devoir unique. Elle est
indisponible et, en cas de violation tous les sujets de l’ordre juridique, en tant que
titulaires du droit violé, pourront réagir.
L’obligation erga omnes divisible, par contre, engage séparément un sujet envers
tous les autres sujets d’un ordre juridique donné. L’obligation erga omnes divisible ne
constitue pas un devoir unique, mais, plutôt, un ensemble d’obligations bilatérales
différentes, ayant le même contenu en termes d’action, relevant du domaine des
obligations communes. Elle est disponible et sa violation n’autorise que la réaction du
sujet directement lésé.
L’obligation erga omnes est conçue comme absolue, en droit interne, lorsqu’elle
engage un sujet passif envers tous les autres sujets d’un ordre national donné, et, en
droit international, lorsqu’elle engage un sujet passif envers tous les autres sujets de la
communauté internationale. L’existence de l’obligation erga omnes absolue est
possible, en droit interne, car elle est imposée, unilatéralement, par le pouvoir supérieur
des Institutions, qui assurent l’uniformité du droit: aucun sujet ne peut se soustraire au
devoir. En droit international, en l’absence d’un pouvoir centralisé, l’existence des
obligations erga omnes absolues, indivisibles (ius cogens) ou divisibles, est justifiée par
l’existence d’une pratique coutumière adoptée par un bon nombre d’États: ces
obligations constituent les principes généraux du droit international.

484 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 118 s., § 273 s.
En doctrine voir G. GAJA, Obligations erga omnes, International Crimes and ius cogens. A Tentative
Analysis of Three Related Concepts, in J.H.H. WEILER, A. CASSESE, M. SPINEDI, International
Crimes of States. A critical analysis of I.L.C.’s Draft Article 19 on State Responsibility, cit., p. 141; G.
ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 348-349; C. DOMINICÉ, The International Responsibility of
States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 354; P.-M. DUPUY, General Stocktaking of the
Connections between the Multilateral Dimension of Obligations and Codification of the Law of
Responsibility, in E.J.I.L., 2002, vol. 13, n. 5, p. 1053 s.
485 Sur l’interdépendance nécessaire des concepts de droit et de devoir voir N. BOBBIO, Teoria generale
del diritto, cit., p. 117, 250; R.J. ALFARO, The Rights and Duties of States, cit., p. 116-130.

142
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

L’obligation erga omnes est conçue comme relative, en droit interne lorsqu’elle
engage un sujet passif envers tous les autres sujets d’un ordre particulier, naissant de
l’accord, et, en droit international, lorsqu’elle engage un sujet passif envers tous les
autres sujets d’une coutume relative ou d’un traité.486
Par obligation commune, qui n’est pas erga omnes, en revanche, on considère la
position dans laquelle un sujet est chargé d’une seule relation passive envers un autre
sujet, ou de plusieurs relations passives, divisibles ou indivisibles, envers plusieurs
sujets, mais jamais envers tous les sujets de l’ordre juridique général ou d’un ordre
particulier. En cas de violation, seul le sujet, ou les sujets titulaires du droit violé,
pourront réagir. En droit interne ces obligations naissent du contrat, en droit
international elles naissent de la coutume relative ou du traité.
Finalement, selon l’extension du droit international pris en considération, au niveau
des principes généraux ou du droit conventionnel, on est forcé d’adopter une double
conception de l’obligation erga omnes: absolue ou relative.487

§ 3.6. L’obligation erga omnes au sens absolu en droit international: indivisible


(ius cogens) ou divisible.
Au sens absolu, une obligation erga omnes est la position d’un sujet de droit
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international (individu, personne morale infra-étatique, État, organisation


transnationale, organisation internationale) chargé d’un nombre de relations passives
égal au nombre des sujets composant la communauté internationale. Toutes ces
relations passives ont le même contenu en termes d’action et, donc, d’intérêt protégé.488
Dans la perspective absolue, en droit international, les obligations erga omnes sont
constituées par les principes généraux, d’origine coutumière: lorsqu’un bon nombre

486 Sur la distinction entre l’obligation erga omnes absolue et relative et la correspondance entre les
concept d’obligation et de droit voir H. KELSEN, General Theory of Law and State (Théorie générale du
droit et de l’État), cit., p. 136-137.
487 Sur la définition de l’obligation erga omnes en droit international voir C. DOMINICÉ, The
International Responsibility of States for Breach of Multilateral Obligations, cit., p. 354 s.; C.
TOMUSCHAT, Obligations erga omnes for States without or against Their Will, cit., p. 195 s.; J.A.
FROWEIN, Reactions by not Directly Affected States to Breaches of Public International Law, cit., p.
345 s.; B. SIMMA, From Bilateralism to Community Interest in International Law, in R.C.A.D.I., 1994-
VI, vol. 250, p. 217 s.; L.-A. SICILIANOS, The Classification of Obligations and the Multilateral
Dimension of the Relations of International Responsibility, in E.J.I.L., 2002, vol. 13, n. 5, p. 1127; M.
RAGAZZI, The Concept of International Obligation erga omnes, Oxford, Clarendon Press, 1997. Sur la
question de la valeur absolue, selon la conception de R. Ago, ou relative, selon la conception de D.
Anzilotti, de l’obligation erga omnes en droit international, dans le sens de la primauté de la conception
relative, voir G. NOLTE, From Dioniso Anzilotti to Roberto Ago: the Classical International Law of
State Responsiblity and the Traditional Primacy of a Bilateral Conception of Inter-State Relations, cit., p.
1083 s. Sur la valeur relative des conventions internationales voir P. DAILLER, A. PELLET, Droit
international public, 7ème éd., cit., p. 242.
488 Sur l’obligation erga omnes comme devoir qui engage un État envers la communauté internationale
tout entière voir R. Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 39, 51. Sur la
conception absolue de R. Ago de l’obligation erga omnes comme découlant du droit naturel voir G.
NOLTE, From Dioniso Anzilotti to Roberto Ago: the Classical International Law of State Responsibility
and the Traditional Primacy of a Bilateral Conception of Inter-State Relations, cit., p. 1084. Sur la
conception absolue de l’obligation erga omnes en droit international voir, aussi, C. DOMINICÉ, The
International Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 354; J.
CRAWFORD, Revisiting the Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 442; O. LOPEZ PEÑA,
Counter-claims and Obligations erga omnes before the I.C.J., in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 4, p. 731. En
jurisprudence voir C.I.J., Barcelona Traction Light and Power Company, Limited, Belgique/Espagne,
arrêt du 5 février 1970, in C.I.J. Rec., 1970, p. 32. Sur la jurisprudence successive de la C.I.J. en matière
d’obligations erga omnes voir H. THIRLWAY, The Law and Procedure of the I.C.J., cit., p. 93 s.; C.
ANNACKER, The Legal Regime of erga omnes Obligations in International Law, cit., p. 132 s.

143
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

d’État suit une certaine pratique, on estimera que, en l’absence d’une opposition
expresse et consistante, tous les États seront tenu de la respecter. Par cette voie on peut
expliquer tant l’existence des obligations indivisibles que celle des obligations
divisibles.489
Une partie de la doctrine, notamment les partisans du positivisme relativiste,
souligne, à propos de la coutume, que, en raison de sa définition comme comportement
répété dans le temps, son domaine serait très incertain, notamment pour la difficulté de
définir clairement les caractéristiques de la diuturnitas et de l’opinio iuris sive
necessitatis; par conséquent il serait très difficile de repérer des principes généraux dans
son domaine.490 Toutefois, quoique, en pratique, il ne soit pas facile de repérer les
normes générales du droit international d’origine coutumière, sur le plan théorique leur
conception demeure une nécessité incontournable pour penser uniformément
l’ensemble de la matière.
Alternativement, on peut expliquer l’existence des obligations erga omnes absolues
en tant que droits naturels.491 On cite, souvent, les droits de l’homme comme exemples

489 Sur la formation des règles coutumières en droit international voit Trib. Arb., Lac Lanoux, 16
novembre 1957, Espagne/France, sentence, in R.S.A., N.U., vol. XII, p. 308. Sur la difficulté de définir
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

une coutume internationale uniforme voir A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely Yes!,
cit., p. 428, qui soutient, quand même, l’existence d’une coutume absolue. Sur la difficulté de définir une
coutume internationale uniforme par rapport aux droits de l’homme voir P. DAILLIER, A. PELLET,
Droit international public, 7ème éd., cit., p. 658 s. Sur la difficulté de traduire au niveau normatif le
concept d’obligation erga omnes au sens absolu voir G. NOLTE, From Dioniso Anzilotti to Roberto Ago:
the Classical International Law of State Responsibility and the Traditional Primacy of a Bilateral
Conception of inter-State relations, cit., p. 1098 s.; P. WEIL, Le droit international en quête de son
identité, cit., p. 282 s.
490 Dans un ordre d’idées sceptique sur l’existence des principes généraux du droit international voir O.
SCHACTER, International Law in the Theory and Practice – General Course on Public International
Law, in R.C.A.D.I., 1982-V, vol. 178, p. 199-201. Sur la méfiance de la doctrine positive à l’égard de la
source coutumière voir P. DE STEFANI, Il diritto internazionale dei diritti umani, cit., p. 65.; Ch. DE
VISSCHER, Positivisme et “jus cogens”, cit., p. 1 s. À ce propos J. VERHOEVEN, Vers un ordre
répressif universel? Quelques considérations, cit., p. 66, parle de “mystères du droit international
coutumier”. D’après W. Riphagen, Sixième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 6, il faut
estimer que “une règle de droit international coutumier ne crée pas ou ne reconnaît pas nécessairement en
faveur d’un État (et encore moins de tous les autres États), un droit dont la violation ferait de cet État un
État lésé”. Sur la diuturnitas et l’opinio iuris sive necessitatis comme éléments essentiels de la coutume
voir, en jurisprudence, C.I.J., Plateau continental, Jamahiriya Arabe libyenne/Malte, arrêt du 3 juin 1985,
in C.I.J. Rec., 1985, p. 20-21, § 27; C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci, Nicaragua/Etats Unis d’Amérique, fond, arrêt du 27 juin 1986, in C.I.J. Rec., 1986, p. 14 s.
491 Voir C. DOMINICÉ, Le grand retour du droit naturel en droit des gens, in Mélanges en l’honneur de
Jacques-Michel Grossen, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1992, p. 399. Dans un ordre d’idées critique sur
l’existence du droit naturel voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 34, 278. Sur la
conception du ius cogens comme droit naturel, dicté par la raison, donc universel et immuable, selon la
théorie classique, voir A. GÓMEZ ROBLEDO, Le ius cogens international: sa genèse, sa nature, ses
fonctions, in R.C.A.D.I., 1981-III, vol. 172, p. 17 s. Sur la conception naturelle et positive du droit voir C.
APOSTOLIDIS, Doctrines juridiques et droit international: critique de la connaissance juridique, Paris,
Eyrolles, 1991, p. 219-221; N. BOBBIO, Giusnaturalismo e positivismo giuridico, Milano, Ed. di
Comunità, 1977; N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 32-38, 178; S. HALL, The Persistent
Spectre: Natural Law, International Order and the Limits of Legal Positivism, in E.J.I.L., 2001, vol. 12,
n. 2, p. 204 s. Sur le droit naturel comme ensemble des normes primaires et le droit positif comme
ensemble des normes secondaires en droit international voir Ch. DE VISSCHER, La codification du droit
international, in R.C.A.D.I., 1925-I, vol. 6, p. 341-343. En faveur de la conception positive du droit
international voir A.P. RUBIN, Ethics and Authority in International Law, Cambridge, Cambridge
University Press, 1997. Sur la dégradation des valeurs absolus dans le droit international actuel voir P.
ALLIOT, The Concept of International Law, cit., p. 47; F. RIGAUX, Hans Kelsen on International Law,
cit., p. 340; A. CARTY, The Continuing Influence of Hans Kelsen on the General Perception of the
Discipline of International Law, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 2, p. 344 s.; N. BOBBIO, D. ZOLO, Hans

144
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

de droits naturels, non concédés par les États, mais qui s’imposeraient, en plus
impérativement, à ceux-ci.492 Dans ce cadre, toutefois, on aura du mal à justifier l’idée
d’obligation divisible, parce que le droit naturel est, de par sa nature, immuable et
éternel, donc inélastique.
Au cas où les critères mentionnés ne devraient pas suffire pour déterminer les
principes généraux du droit international, on pourrait avoir recours à l’abstraction des
principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées.493 À ce propos il faut
remarquer, encore, la méfiance d’une partie de la doctrine, qui souligne comme il est
très difficile de repérer quels sont ces principes, étant donnée l’extrême variété des
ordres existant, et les conçoit plus comme des aspirations idéales, héritage de la
conception d’un droit universel naturel, que comme des réalités effectives.494
Une partie de la doctrine estime que même les traités peuvent imposer des normes
ayant une validité générale.495 Cette opinion est partageable dans la mesure où un
nombre consistant d’États, voire la plupart d’entre eux, participe à un traité donné,
autrement les normes conventionnelles ne pourront devenir générales que lorsqu’elles
seront confirmées par la pratique coutumière d’un bon nombre d’États.496
En distinguant les obligations erga omnes absolues indivisibles et celles divisibles,
on admettra que les premières sont indisponibles, tandis que les secondes peuvent être
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

dérogées.
Du côté des normes secondaires, donc de la violation et de la réaction, l’application
de la conception absolue de l’obligation erga omnes indivisible implique que tous les
sujets de la communauté internationale, en tant que titulaires du droit lésé, peuvent
réagir à une éventuelle infraction car, autrement, le droit serait dépourvu d’action, donc
inefficace, par conséquent il ne serait pas un droit et l’obligation ne serait pas
conjointement erga omnes. 497

Kelsen, the Theory of Law and the International Legal System: a Talk, cit., p 360 s.; P. DE VISSCHER,
Observations sur la contribution de Hans Kelsen au droit international positif, Kelsen et le positivisme
juridique, in Revue internationale de philosophie, 1981, N. 35, p. 530 s.; M. KOSKENNIEMI,
Lauterpacht: the Victorian Tradition in International Law, cit., p. 225 s.; B. SIMMA, The Contribution
of Alfred Verdross to the Theory of International Law, cit., p. 33 s.
492 Voir K. ANNAN, Les droits de l’homme, trame de notre existence, in Le Monde, n. 16755, mercredi
9 décembre 1998, Horizons – Débat – Point de vue, p. 1, 16.
493 Voir P.-M. DUPUY, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 332; P. DAILLIER, A. PELLET,
Droit international public,7ème éd., p. 351.
494 Sur le problème de l’individuation, presque impossible, des principes généraux du droit reconnus par
les “nations civilisées”, qui refléteraient l’idée d’un droit universel naturel selon la raison, plutôt qu’un
droit de type positif, par rapport, notamment, aux droits de l’homme, voir P. DE STEFANI, Il diritto
internazionale dei diritti umani, cit., p. 2; B. CONFORTI, Diritto internazionale, 4a ed., cit., p. 184. En
jurisprudence, sur les principes généraux reconnus par les “nations civilisées” voir C.I.J., Réserves à
l’application de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif
du 28 mai 1951, in C.I.J. Rec., 1951, p. 23.
495 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 205, 248-249.
496 Voir P.-M. DUPUY, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 301-302.
497 Sur la violation d’une obligation erga omnes absolue indivisible comme acte qui lèse tous les États de
la communauté internationale voir G. GAJA, Should All References to International Crimes Disappear
from the I.L.C. Draft Articles on State Responsibility?, cit., p. 367; B. STERN, La responsabilité
internationale, cit., p. 18, § 137. En jurisprudence, au cours de l’affaire du Sud-Ouest africain, la C.I.J. a,
d’abord, accueilli ce principe, en acceptant l’action du Libéria et de l’Éthiopie contre l’Afrique du Sud,
en raison de sa politique d’apartheid pratiquée dans le Sud-Ouest africain (aujourd’hui Namibie) (voir
C.I.J., Sud-Ouest africain, Éthiopie/Afrique du Sud, Libéria/Afrique du Sud, arrêt sur les exception
préliminaires du 21 décembre1962, in C.I.J. Rec., 1962, p. 319 s.), ensuite la Cour a refusé le principe de
l’action des États tiers (voir C.I.J., Sud-Ouest africain, Éthiopie/Afrique du Sud, Libéria/Afrique du Sud,
fond, arrêt du 18 juillet 1966, in C.I.J. Rec., 1966, p. 6). Finalement, au cours de l’affaire de la Barcelona

145
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Les obligations erga omnes absolues indivisibles constituent la catégorie du ius


cogens. L’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 prévoit,
en effet, qu’une norme a valeur de ius cogens lorsque “la communauté internationale
des États dans son ensemble” la reconnaît comme règle “à laquelle aucune dérogation
n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit
international général ayant le même caractère”.498 Le trait fondamental de la notion de
ius cogens est, donc, le principe de la reconnaissance de la validité d’une règle, c’est-à-
dire d’un droit qui impose un certain comportement, comme indisponible, par
l’ensemble de la communauté internationale. Le principe est de type strictement formel
et exige, pour l’existence d’une norme de ius cogens, la présence d’une obligation

Traction, la C.I.J., en reconnaissant le principe de l’obligation erga omnes au sens absolu en droit
international, a affirmé que “vu l’importance des droits en cause, tous les États peuvent être considérés
comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés” (voir C.I.J., Barcelona Traction
Light and Power Company, Limited, Belgique/Espagne, arrêt du 5 février 1970, in C.I.J. Rec., 1970, p.
32, § 33).
498 Sur la notion de jus cogens voir, en doctrine, R. KOLB, Théorie du ius cogens international: essai de
relecture du concept, Paris, P.U.F., 2001; M. VIRALLY, Réflexions sur le “jus cogens”, cit., p. 5 s.; N.
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RONZITTI, La disciplina dello jus cogens nella Convenzione di Vienna sul diritto dei trattati,
Comunicazioni e studi dell’Istituto di diritto internazionale e straniero dell’Università di Milano, Milano,
Giuffré, 1978, vol. XV, p. 241 s.; N. RONZITTI, Trattati contrari a norme imperative nel diritto
internazionale?, in Studi in onore di Giuseppe Sperduti, cit., p. 209 s.; R. MONACO, Fonti e pseudo-
fonti nel diritto internazionale, in Estudios de derecho internacional. Homenaje al Profesor Miaja de la
Muela, Madrid, Tecnos, 1979, I, p. 415; A. GÓMEZ ROBLEDO, Le ius cogens international: sa genèse,
sa nature, ses fonctions, cit., p. 9 s.; V. PAUL, The Legal Consequences of Conflict Between a Treaty and
an Imperative Norm of General International Law (jus cogens), Ö.Z.ö.R.V., 1971, XXI, p. 32. Sur la
valeur universelle de la notion de ius cogens retenue par l’article 53 de la Convention de Vienne sur le
droit des traités voir P.M. DUPUY, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 284-285. Sur l’émergence,
en jurisprudence, du concept de ius cogens, avant la définition donnée par la Convention de Vienne, voir
C.I.J., Détroit de Corfou, Royaume-Uni de Grande Bretagne et Irlande du Nord/Albanie, fond, arrêt du 9
avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 22, ou la Cour fait référence à des “considérations élémentaires
d’humanité” et à “certains principes généraux et bien reconnus, plus absolus encore en tempe de paix
qu’en temps de guerre”; C.I.J., Réserves à la Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide, avis consultatif du 25 mai 1951, in C.I.J. Rec., 1951, p. 25, où la Cour parle de “crimes des
droits de gens […] étant contraires, à la fois à la loi morale et à l’esprit des N.U.”, de sorte que les
principes contenus dans la Convention sur le génocide seraient “reconnus par les nations civilisées
comme obligeant les États en dehors de tout lien conventionnel”; C.I.J., Sud-Ouest africain,
Éthiopie/Afrique du Sud, Libéria/Afrique du Sud, exceptions préliminaires, arrêt du 21 décembre 1962,
in C.I.J. Rec., 1962, p. 332, où la Cour parle de “engagement international d’intérêt général” à propos du
mandat à administrer le territoire du Sud-Ouest africain (actuelle Namibie) exercé par l’Union Sud-
africaine. Dans sa jurisprudence postérieure à la Convention de Vienne de 1969, la C.I.J. a fait allusion,
maintes fois, aux “normes des États envers la communauté dans son ensemble” ou aux “règles
fondamentales” (voir C.I.J., Barcelona Traction, Light & Power Company, Limited., Belgique/Espagne, 5
février 1970, 2ème phase, arrêt du 5 février 1990, in C.I.J. Rec., 1970, p. 32; C.I.J., Conséquences
juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif du 21 juin 1971, in C.I.J.
Rec., 1971, p. 56 s., § 126 s.; C.I.J., Affaire des essais nucléaires, Australie/France, arrêt du 20 décembre
1974, in C.I.J. Rec., 1974, p. 269, § 50; C.I.J., Licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires,
avis consultatif du 8 juillet 1996, in C.I.J. Rec., 1996, p. 258). Dans la jurisprudence interne, sur le ius
cogens comme droit indivisible dont la violation entraîne la possible réaction de tous les États de la
communauté internationale, voir Constitutional Court, Germany, Sentence, 7 april 1965, in A.J.I.L., 1966,
july, vol. 60, n. 3, p. 513-514, qui a déclaré l’invalidité de la convention, entre l’Allemagne et la Suisse,
laquelle autorisât les deux États à imposer les mêmes impôts aux citoyens ressortissant des deux pays,
ainsi contrevenant à la norme de ius cogens qui empêche de soumettre les citoyens étrangers au payement
des dettes de guerre (voir S.A. RIESENFELD, Jus dispositivum and jus cogens in International Law in
the Light of a Recent Decision of the German Supreme Constitutional Court, in A.J.I.L., 1966, july, vol.
60, n. 3, p. 511-515).

146
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

indisponible qui lie un sujet à tous les autres sujets de la communauté internationale.499
La force impérative du ius cogens n’arrête pas ses effets au cadre contractuel typique de
la société internationale, car le droit impératif, par définition, s’impose à tous les États
de la communauté internationale, en absolu, au delà et en dépit de la validité, relative,
des accords. Une règle de ius cogens est universelle et absolue du coté subjectif et
objectif en raison de l’importance du comportement imposé.
Quelques auteurs critiquent et nient la catégorie du ius cogens. Les partisans du
positivisme relatif extrême, notamment, estimant que la coutume et le traité sont des
formes d’accord, forcement relatives, et qu’il n’y a pas d’organes supérieurs capables
d’imposer des règles générales valables pour tous les sujets de la communauté
internationale, soutiennent qu’il est très difficile de parvenir à la formulation de normes
de ius cogens. Ainsi on constate que “l’essentiel du droit international découle de deux
sources: les traités et la norme coutumière. Les premiers ne valent que pour ceux qui y
sont parties; la seconde n’est obligatoire qu’à la condition que son existence ait d’abord
été prouvée, ce qui est parfois difficile”.500 En plus on remarque que le domaine du ius
cogens n’est ni défini ni facilement définissable, car on ne sait pas avec précision
quelles normes rentrent dans cette catégorie: l’écueil principal du ius cogens serait
l’imprécision qui s’attache à la notion, quoiqu’elle soit agrémentée d’une disposition
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conférant à la C.I.J. le soin de trancher les différends relatifs à son interprétation et à


son application (article 66).501 Finalement on souligne que, si on comprend, dans la
définition d’un système de droit, l’indispensable notion de norme secondaire, on voit
mal comment pourrait-on penser un droit absolu et impératif pour tous les sujets de la
communauté internationale, alors que la sanction est décentralisée et totalement
incertaine: en cas de violation, aucune sanction n’étant assurée, une obligation ne serait

499 Sur le ius cogens comme obligation erga omnes à laquelle on ne peut pas déroger, en tant que
manifestation d’un droit supérieur aux États, au delà du relativisme du droit international, voir J.B.
ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de ius cogens, efecto erga omnes, crimen internacional y la teoria de los
círculos concéntricos, cit., p. 14. Sur la conception du ius cogens comme ensemble de normes positives,
qui recueillent les principes fondamentaux de la communauté internationale et sont différentes du droit
naturel voir, en doctrine, A.D. McNAIR, The Law of Treaties, Oxford, Clarendon Press, 1961, p. 215; A.
VERDROSS, Forbidden Treaties in International Law, in A.J.I.L., 1937, p. 571; A. VERDROSS, Jus
dispositivum and ius cogens in International Law, in A.J.I.L., 1966, october, vol. 31, n. 4, p. 55 s.; M.
VIRALLY, Réflexions sur le “jus cogens”, cit., p. 585 s.; K. MAREK, Contribution à l’étude du jus
cogens en droit international, in M. BATTELLI et al., Recueil d’études de droit international en
hommage à Paul Guggenheim, cit., p. 438 s.; L. GUENOT, Le droit impératif général ou la quête d’une
démocratie universelle, thèse sous la dir. de J.-M. Crouzatier, Toulouse 1, 2002, p. 1-342.
500 Voir M. CHEMILLER-GENDRAU, La Cour internationale de justice entre politique et droit, in Le
Monde Diplomatique, n. 512, novembre 1996, p. 11.
501 Sur la difficulté dans la définition du ius cogens voir J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de ius
cogens, efecto erga omnes y la teoria de los círculos concéntricos, cit., 1995, p. 8; J. PASTEUR
RIDRUEJO, La determinación del contenido del ius cogens, in Anteproyecto de Ponencia al Noveno
Congreso des Instituto hispano-luso-americano de derecho internacional, Madrid, 1972, p. 13, d’après
lequel l’identification des normes de ius cogens amènerait à rédiger une sorte de constitution de la
Communauté internationale; J. NISOT, Le concept de ius cogens envisagé par rapport au droit
international, in R.B.D.I., 1968, p. 7; L. HANNIKAINEN, Preremprory Norms (ius cogens) in
International Law, Historical Developments, Criteria, Present Status, Helsinki, Finnish Lawyers
Publishing Company, 1988. Sur les positions de la doctrine par rapport aux normes de ius cogens voir
C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 358-360, § 237-238. Sur
l’impossibilité d’imposer un droit international uniforme et indisponible en raison de l’inexistence d’une
autorité supérieure, en droit international, voir G. MORELLI, A proposito di norme internazionali
cogenti, in Riv. D.I., 1968, p. 115; G. BARILE, La structure de l’ordre juridique international – Règles
générales et règles conventionnelles, cit., p. 93; D. ALLAND, Droit international public, 5ème éd., cit., p.
577; G. COHEN JONATHAN, Responsabilité par atteinte aux droits de l’homme, in S.F.D.I., La
responsabilité dans le système international, cit., p. 120.

147
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

plus telle. L’existence du ius cogens étant strictement liée à celle de la sanction,
décentralisée et aléatoire, un droit uniforme et absolument impératif ne serait pas
concevable.502
Les critiques radicales de la notion de ius cogens ne sont pas consistantes. Quant à la
source, nous avons déjà constaté que, par le biais de la pratique généralisée, on peut
aisément justifier tant l’existence des principes généraux du droit international que celle
du ius cogens. Quant à l’argument de la sanction, il est facile d’objecter qu’il ne faut
pas raisonner sur le plan de la pratique du droit international, sous peine de nier
l’existence même de ce droit, mais qu’il faut rester sur le plan de la théorie, où la
sanction, pour toute violation, y comprise celle du ius cogens, est toujours possible.
La doctrine majoritaire, en tout cas, admet l’existence du ius cogens et encadre la
notion dans les principes généraux du droit international. D’ailleurs il y a, aussi, accord,
autour du noyau dur des droits qui composent la catégorie, même s’il n’y a pas
d’unanimité de points de vue quant à certaines obligations. Dans le droit international
de la paix on reconnaîtra, confortés par la Résolution de l’A.G.N.U. 2625 (XXV) du 24
octobre 1970 relative aux principes du droit international touchant les relations amicales
et la coopération entre États et, aussi, par la Convention concernant le droits et devoirs
des États du 16 décembre 1933, comme droits cogentes, le droit des États à l’existence,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

à la souveraineté, à l’égalité et le droit des peuples à l’autodétermination, tandis que,


tant dans le droit de la paix que dans celui de la guerre, on reconnaîtra les droits de
l’homme comme droits cogentes.503
En revanche, les opinions sont quelque peu partagées quant au rapport entre le
concept de ius cogens et celui d’obligation erga omnes.504
De l’avis de certains auteurs seul le ius cogens serait composé d’obligations erga
omnes absolues car toute autre forme de droit international serait relative: entendus au
sens absolu, le domaine du ius cogens et celui des obligations erga omnes
coïncideraient.505
Selon une autre interprétation, axée sur la disponibilité et la divisibilité de
l’obligation, que nous partageons, le concept de ius cogens est plus limité que celui
d’obligation erga omnes absolue, car le ius cogens est composé d’obligations erga
omnes indivisibles, défendant les intérêts fondamentaux de la communauté
internationale, mais certaines normes disponibles pourraient avoir, aussi, une efficacité

502 Selon Ch. DE VISSCHER, Positivisme et “jus cogens”, cit., p. 7, à l’état actuel le ius cogens serait
défaillant du point de vue de la définition ainsi que des garanties, sa conception serait structurellement
incompatible avec le droit international et, d’ailleurs, le fait que la pratique des États ne se serait jamais
réglée comme si des normes impératives existaient en droit international, ni avant ni après l’entrée en
vigueur des disposition en matière de ius cogens de la Convention de Vienne de 1969, le confirmerait.
503 Pour tous voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 205; L.
DELBEZ, Les principes généraux du droit international public – Droit de la paix, droit préventif de la
guerre, droit de la guerre, 3ème éd., cit., p. 525-526; P.-M. DUPUY, L’unité de l’ordre juridique
international – Cours général de droit international public, cit., p. 303.
504 Pour un résumé des positions de la doctrine voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 348-
349, d’après lequel une conception formelle du ius cogens amènerait à l’identifier avec le domaine des
obligations erga omnes absolues, tandis qu’une conception à partir des effets, c’est à dire de son caractère
impératif, en ferait une catégorie plus étroite que celle des obligations erga omnes absolues.
505 En faveur de l’identification du ius cogens avec l’obligation erga omnes absolue voir P.-M. DUPUY,
Normes internationales pénales et droit impératif (jus cogens), cit., p. 78-79; P.-M. DUPUY,
Observations sur la pratique récente des “sanctions” de l’illicite, in R.G.D.I.P., 1983, t. 87, n. 3, p. 536;
A. YAHI, La violation d’un traité: l’articulation du droit des traités et du droit de la responsabilité
internationale, in R.B.D.I., 1993, p. 549; C. DOMINICÉ, The International Responsibility of States for
Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 358-359; B. SIMMA, From Bilateralism to Community
Interest in International Law, cit., p. 300.

148
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

erga omnes absolue.506 Ainsi, parmi les obligations erga omnes absolues, celles
disponibles sont le résultat de la somme d’obligations multilatérales autonomes: leur
violation entraîne la seule réponse du sujet offensé (tel est le cas, par exemple, du
devoir de ne pas interférer avec la liberté de navigation).507 D’autres obligations sont
indivisibles: leur violation touche la communauté dans son ensemble et autorise la
réaction des États non directement offensés (tel est le cas, par exemple, du devoir de
non-agression, de l’interdiction du génocide, des droits de l’homme et de l’interdiction
de la pollution massive de l’environnement).508

§ 3.7. L’obligation erga omnes au sens relatif en droit international (obligation


erga omnes contractantes): indivisible ou divisible.
Au sens relatif une obligation erga omnes est la position d’un sujet de droit
international chargé d’un nombre de relations passives égal au nombre des sujets qui
s’obligent à respecter un accord déterminée, soit en signant un traité, soit en participant
à un certain comportement coutumier. Toutes ces relations passives ont le même
contenu en termes d’action et, donc, d’intérêt protégé. Dans la conception relative
constituent, donc, des obligations erga omnes, les devoirs qui obligent un sujet de droit
international envers tous les sujets signataires d’un traité déterminé ou qui adhèrent à
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une certaine conduite coutumière.509


La doctrine qualifie, correctement, l’obligation erga omnes relative comme
obligation erga omnes contractantes.510

506 Voir A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 428; J.B. ACOSTA
ESTÉVEZ, Normas de ius cogens, efecto erga omnes, crimen internacional y la téoria de los círculos
concéntricos, cit., p. 13; B. SIMMA, From Bilateralism to Community Interest in International Law, cit.,
p. 308-309.
507 A titre d’exemple on retiendra le cas d’un État riverain qui viole le devoir de concéder, à tous les
navires, le droit de passage en transit dans les détroits servant à la navigation internationale, codifié à
l’article 38 de la Convention sur le droit de la mer du 10 décembre 1982. Sur la norme en question voir
A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 20; A. PELLET, Can a State Commit a
Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 429. Voir, aussi, C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième
session, cit., p. 72, § 35. Sur la décomposition de l’obligation erga omnes absolue et sur sa conception
comme ensemble de relations juridiques bilatérales et réciproques entre l’État qui en est chargé et tous les
États de la communauté internationale voir G. CARELLA, La responsabilità dello Stato per crimini
internazionali, cit., p. 224 et 242.
508 Voir C. DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breaches of Multilateral
Obligations, cit., p. 357, 361-363; O. LOPEZ PEÑA, Counter Claims and Obligations erga omnes
Before the I.C.J., cit., p. 732.
509 Voir O. SCHACTER, International Law in the Theory and Practice, cit., p. 197-198; M. VIRALLY,
Réflexions sur le “jus cogens”, cit., p. 14. D’après W. Ripaghen, Rapport préliminaire sur la
responsabilité des États, doc. A/CN.4/330, cit., p. 118, § 65, les obligations erga omnes naissent des
“Traités multilatéraux particuliers dans lesquels les relations juridiques entre chaque partie et chaque
autre partie sont inextricablement liées et constituent un tout indivisible”. Voir, aussi, W. Riphagen,
Sixième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 6. Sur la relativité normative du système de droit
international voir , en outre, D. ANZILOTTI, Teoria generale dello Stato nel diritto internazionale, cit.,
p. 88; U. FASTENRATH, Relative Normativity in International Law, in E.J.I.L., 1993, vol. 4, p. 305 s.
Pour des considérations sur la conception relative d’Anzilotti de l’obligation internationale voir P.-M.
DUPUY, Dioniso Anzilotti and the Law of International Responsibility of States, in E.J.I.L., 1992, vol. 3,
n. 1, p. 134 s. Sur la conception de l’obligation erga omnes, ancrée à la source conventionnelle, en droit
international dans une perspective positive, voir G. NOLTE, From Dioniso Anzilotti to Robert Ago: the
Classical International Law of State Responsibility and the Traditional Primacy of a Bilateral
Conception of Inter-State Relations, cit., p. 1084.
510 Voir L. CONDORELLI, La définition des infractions internationale – Présentation, cit., p. 243. Pour
une introduction aux traités écrits conclu entre les États et régis par le droit international public voir le
site Internet ‹http://www.droit-international-public.net›.

149
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

On distinguera les obligations erga omnes relatives indivisibles et divisibles. Les


obligations indivisibles sont indisponibles, toute dérogation constituant une violation
autorisant une réaction collective, tandis que les obligations divisibles dont disponibles.
Du côté des normes secondaires, donc de la violation et de la réaction conséquente, la
conception relative de l’obligation erga omnes indivisible implique que tous les sujets
qui adhèrent à une convention donnée, en tant que titulaires du droit lésé, peuvent réagir
à une éventuelle infraction car, autrement, le droit serait dépourvu d’action, donc
inefficace, par conséquent il ne serait pas un droit et l’obligation ne serait pas
conjointement erga omnes.
L’article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969,
réglant les conséquences de la violation d’un traité, consacre le concept d’obligation et
de violation erga omnes contractantes indivisible. Le paragraphe 2 c) de l’article 60, en
cas de violation “substantielle” d’un traité, autorise: “Toute Partie autre que l’État
auteur de la violation à invoquer la violation comme motif pour suspendre l’application
du traité en totalité ou en partie en ce qui la concerne si ce traité est d’une nature telle
qu’une violation substantielle de ses dispositions par une Partie modifie radicalement la
situation de chacune des Parties quant à l’exécution ultérieure de ses obligations en
vertu du traité”. Le paragraphe 3 précise que: “Aux fins du présent article, une violation
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substantielle d’un traité est constituée par: a) Un rejet du traité non autorisé par la
présente Convention; ou b) La violation d’une disposition essentielle pour la réalisation
de l’objet ou du but du traité”.511
On parle aussi en doctrine, à ce propos, de “traités intégraux”, caractérisés par
l’interdépendance des liens conventionnels qu’ils créent et dont la violation par l’une
des parties tend à saper l’ensemble des relations entre toutes les parties.512
Quoique l’article 60 de la Convention de Vienne de 1969 envisage uniquement les
réactions à l’intérieur d’un traité, il faut estimer qu’il ne préjuge nullement la possibilité
pour un État d’invoquer la violation d’un traité donné pour justifier des représailles
dans un autre domaine des relations entre les États en cause.513

511 L’article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 distingue clairement la
position de l’État partie directement touché par une violation substantielle de la position des États tiers
mais autorise les mêmes formes de réactions. Sur l’article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités de 1969 voir A. YAHI, La violation d’un traité: l’articulation du droit des traités et du droit de la
responsabilité internationale, cit., p. 442 s.
512 Voir K. SACHARIEV, State Responsibility for Multilateral Treaty Violation: Identifying the “Injured
State” and Its Legal Status, in N.I.L.R., 1988, XXXV, p. 273 s; L. CAVARÉ, L’idée de sanction et sa
mise en œuvre en droit international public, in R.G.D.I.P., 1937, t. 44, p. 385 s. R. CASSIN, De
l’exception tirée de l’inexécution dans le rapport synagmallatique (exceptio non adimpleti contractus),
Paris, Sirey, 1914; B. SIMMA, Reflections on Article 60 of the Vienna Convention on the Law of Treaties
and Its Background in General International Law, in Ö.Z.ö.R.V., 1970, XX, p. 22; E. DECAUX, La
réciprocité en droit international, Paris, L.G.D.J., 1980, p. 221; E. ZOLLER, Quelques réflexions sur les
contre-mesures en droit international, in D. BARDONNET et al., Droits et libertés à la fin du XX siècle:
influence des données économiques et technologiques, Mélanges offerts à C.-A. Colliard, Paris, Pedone,
1984; E. ZOLLER, Peacetime Multilateral Remedies: an Analysis of Countermeasures, New York,
Transnational Publ., 1984, p. 55. En jurisprudence voir C.I.J., Conséquences juridiques pour les États de
la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution 276
(1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif du 21 juin 1971, in C.I.J. Rec., 1971, p. 16 s.
513 D’après W. Riphagen, Rapport préliminaire sur la responsabilité des États, cit., p. 117,
“indépendamment de l’exceptio inadimpleti contractus au sens strict du terme la violation d’une
obligation internationale peut également entraîner des conséquences en ce qui concerne les droits de
l’État lésé au non-accomplissement d’obligations envers l’État fautif autres que celles qui ont trait au
même ‘objet’ et au même ‘but’ que ceux qui sous-tendent l’obligation violée par l’État fautif”. Voir,
aussi, L.-A. SICILIANOS, Les réactions décentralisées à l’illicite – Des contre-mesures à la légitime
défense, Paris, L.G.D.J., 1990, p. 258; A. YAHI, La violation d’un traité: l’articulation du droit des

150
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

Dans le Projet d’articles sur la responsabilité des États de 1996 la conception de la


violation d’une obligation erga omnes contractantes indivisible est précisée à l’article
40 § 2, notamment aux lettres e) et f). Aux termes de l’alinéa e) l’expression “État lésé”
désigne “si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un traité multilatéral
ou d’une règle du droit international coutumier, toute autre État partie au traité
multilatéral ou lié par la règle du droit international coutumier” et, aux termes de
l’alinéa f), “si le droit auquel le fait de l’État porte atteinte résulte d’un traité
multilatéral, toute autre État partie au traité multilatéral, lorsqu’il est établi que ce droit
a été expressément énoncé dans le traité pour la protection des intérêts collectifs des
États parties”.514
Dans le Projet sur la responsabilité des États de 2001 le concept de violation d’une
obligations erga omnes contractantes indivisible apparaît aux articles 42 (Invocation de
la responsabilité par l’État lésé) lettre b) et 48 (Invocation de la responsabilité par un
État autre que l’État lésé) § 1 a). Aux termes de l’article 42 b) un État peut invoquer la
responsabilité internationale, en tant qu’État lésé, d’un autre État, si l’obligation violée
est due: “À un groupe d’États dont il fait partie […] et si la violation de l’obligation: i)
atteint spécialement cet État; ou ii) est de nature à modifier radicalement la situation de
tous les autres États auxquels l’obligation est due quant à l’exécution ultérieure de cette
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obligation”. Aux termes de l’article 48 § 1 a) un État autre que l’État directement lésé
par le fait illicite est en droit d’invoquer la responsabilité internationale si:
“L’obligation violée est due à un groupe d’États dont il fait partie, et si l’obligation est
établie aux fins de la protection d’un intérêt collectif du groupe”.
Par rapport aux obligations erga omnes relatives, les obligations ordinaires se
différencient en ce qu’elles s’installent seulement entre deux sujets (obligations
bilatérales) ou plusieurs sujets (obligations plurilatérales) parmi ceux qui adhèrent à une
certaine convention. Par conséquent, en cas de violation d’une obligation ordinaire, seul
le sujet ou les sujets titulaires du droit, parmi tous ceux qui adhèrent à la convention,
pourront réagir à la violation.515

traités et du droit de la responsabilité internationale, cit., p. 455; G. Fitzmaurice, Quatrième rapport sur
le droit des traités, doc. A/CN.4/120, in Ann. C.D.I., 1959, vol. II, p. 46, article 18, § 12; H. Waldock,
Deuxième rapport sur le droit des traités, doc. A/CN.4/156 et Add.1-3, in Ann. C.D.I., 1963, vol. II, p. 80,
§ 14.
514 Sur l’article 40 § 2 lettres e) et f) comme intégration de l’article 60 de la Convention de Vienne de
1969 sur le droit des traités voir D.J. BEDERMAN, Article 40 (2) (E) and (F) in the I.L.C. Draft Articles
on State Responsibility: Standing of Injured States under Customary International Law and Multilateral
Treaties, in Proc. A.S.I.L., 1998, p. 292-295. Sur la relation entre l’article 60 de la Convention de Vienne
sur la droit des traités et l’article 40 du Projet sur la responsabilité des États voir M. SPINEDI, From One
Codification to Another: Bilateralism and Multilateralism in the Genesis of the Codification of the Law
of Treaties and the Law of State Responsibility, in E.J.I.L., 2002, vol. 13, n. 5, p. 1099 s.
515 Parmi les interprétations possibles du concept d’obligation erga omnes relative celle-ci est la plus
satisfaisante et fidèle aux normes internationales (sur l’approche relative aux obligation erga omnes voir
G. MORELLI, A proposito di norme internazionali cogenti, cit., p. 115). D’autres interprétations sont
possibles, en changeant les prémisses de l’analyse, mais elles sont moins exhaustives. On pourrait, par
une interprétation hardie, soutenir que toutes les obligations conventionnelles ont un caractère
(relativement) absolu et sont, par conséquent, erga omnes, dans la mesure où un devoir s’établit, toujours,
entre un sujet et tous les autres sujet d’un ordre juridique déterminé, dans ce cas, donc, entre un sujet de
droit international et tous les autres sujets de droit international (engagés par une convention). On
parviendrait, ainsi, à l’annulation de la catégorie des obligations ordinaires (et relatives). Dans cette
perspective, par exemple, l’intérêt à l’échange des informations scientifiques en matière
d’environnement, prévu par plusieurs traités environnementaux, regarderait tous les États (signataires des
traités relatifs) et on devrait penser que, si un premier État a l’obligation de fournir des informations à un
deuxième État envers le deuxième État, il aura aussi l’obligation de fournir des informations au deuxième
État envers un troisième État: l’État A aurait l’obligation de fournir des informations à l’État B aussi bien

151
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

§ 3.8. Le contenu de l’obligation erga omnes indivisible.


L’élément qui fait qu’une obligation soit erga omnes, c’est-à-dire l’élément qui
multiplie l’obligation pour le nombre des sujets qui composent la communauté
internationale (au sens absolu) ou qui adhèrent à une certaine convention (au sens
relatif) et qui en fait une obligation indivisible, est le contenu de l’obligation, à savoir
l’intérêt protégé par le biais de la conduite active ou négative imposée.516
Dans l’obligation erga omnes indivisible l’intérêt protégé revête une importance telle
que tous les sujets du monde (conception absolue) ou qui participent à une certaine
convention (conception relative) seront en droit d’exiger que le sujet passif de
l’obligation se conforme à la conduite imposée pour le réaliser.517 Ainsi, l’intérêt à
l’existence des États a un degré d’importance tel que tous les sujets du monde
(conception absolue) ou qui adhèrent à une certaine convention (conception relative)
seront en droit d’exiger que le sujet passif de l’obligation de respecter l’existence des
États s’y conforme et pourront réagir en cas de violation.
En revanche, dans une obligation divisible, l’intérêt protégé a une importance
mineure, de sorte qu’il sera protégé par un ensemble d’obligations ayant le même
contenu mais séparées. À titre d’exemple on rappellera que l’intérêt au respect des
immunités diplomatiques et consulaires est protégé par une obligation erga omnes
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divisible: une éventuelle violation ne concernera que le sujet actif et passif de


l’infraction, de façon bilatérale. 518
Dans une obligation commune, finalement, l’intérêt protégé a une importance
réduite, qui ne peut intéresser que deux ou plusieurs sujets, mais pas tous les sujets d’un
ordre établi. À titre d’exemple, du côté des obligations communes, on se souviendra que
l’intérêt à l’échange d’informations scientifiques, protégé par plusieurs traités
internationaux en matière d’environnement, a une importance telle qu’il engendre des
relations juridiques dans lesquelles un seul sujet ou quelques sujets auront le droit de
recevoir les informations de la part du sujet passif de la relation et pourront réagir en
cas de violation.

envers l’État B qu’envers l’État C et tous les autres États (signataires du traité). Il s’agirait, quand même,
pour la plupart, d’obligations divisibles, car seulement les États (signataires d’un traité ou participant à
une certaine coutume) directement lésés pourraient réagir en cas de violation, de sorte que le fait de
classer ces relations comme obligations (relativement) absolues divisibles ou comme obligations
ordinaires ne change rien aux conséquences en termes de sanction (sur ce point voir G. CARELLA, La
responsabilità dello Stato per crimini internazionali, cit., p. 267, d’après laquelle il faut garder la
distinction entre les obligations erga omnes et les obligations ordinaires).
516 Voir C. DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breaches of Multilateral
Obligations, cit., p. 356-357.
517 Voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 347. Selon G. CARELLA, La responsabilità dello
Stato per crimini internazionali, cit., p. 242-246, l’intérêt en jeu déterminerait le caractère erga omnes de
l’obligation non pas en raison de son importance, mais exclusivement en raison de son unité, car, étant
indivisible, il serait, forcement, l’objet d’une obligation erga omnes indivisible.
518 Le devoir de respecter les immunités diplomatiques et consulaires est composé d’obligations
bilatérales séparées, car, même si un État est obligé de respecter les immunités du personnel diplomatique
et consulaire de tous les autres États de la communauté internationale (sous condition d’agrément), en cas
de violation seulement l’État lésé, c’est-à-dire celui dont le personnel ressort, aura le droit d’agir en
contre-mesure, non pas un État tiers, qui n’aura pas le droit d’agir en contre-mesure. Il faut, donc,
concevoir l’obligation erga omnes divisible comme la somme de plusieurs obligations ayant le même
contenu, mais indépendantes, tandis que l’obligation erga omnes indivisible est unique (voir C.
DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p.
354-355; J.A. FROWEIN, Reactions by Not Directly Affected States to Breaches of Public International
Law, cit., p. 395).

152
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

§ 3.9. La conception absolue du crime international: crime international et


obligation erga omnes indivisible absolue (ius cogens).
Ayant défini ce qu’est une obligation erga omnes, absolue ou relative, indivisible ou
divisible, nous pouvons maintenant analyser les relations qui subsistent entre les
obligations erga omnes et les crimes internationaux des États.519 Pour cela faire, on
substituera le sujet générique du coté actif de l’obligation, que nous avons considéré
jusqu’à présent, par l’État et on étudiera la conduite illicite.
La question essentielle consiste à savoir si et comment les crimes internationaux des
États constituent des violations d’obligations erga omnes. Pour répondre à la question il
faut reprendre la distinction entre la conception absolue et relative, indivisible et
divisible, de l’obligation erga omnes.
Selon la conception absolue, une obligation erga omnes oblige un État envers tous
les sujets de la communauté internationale. Lorsque l’obligation absolue est indivisible,
elle est indisponible (ius cogens) et sa violation lèse les droits de tous les sujets de la
communauté internationale.
On constatera que la formulation de l’article 19 § 2 du Projet sur la responsabilité
des États, concernant la validité générale de la notion de crime, est très proche du
concept de norme impérative de droit international général (ius cogens) tel qu’il ressort
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de l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit de traités de 1969.520 L’article 40


§ 1 du Projet de 2001, de son côté, renvoi expressément à la notion de norme
impérative. C’est toute la question de la relation entre les crimes étatiques et le ius
cogens: il faut l’aborder pour voir si la notion de ius cogens permet de mieux éclairer la
nature des crimes internationaux des États.521
D’importants auteurs soutiennent que le crime étatique est, nécessairement, une
catégorie coïncidente avec le domaine du ius cogens ou, du moins, inclue dans celui-ci.
Selon la théorie de la proximité, voire de l’identité absolue de la définition de l’article
19 § 2 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 et de l’article 53 de la
convention de Vienne, reprise à l’article 40 § 1 du Projet sur la responsabilité des États
de 2001, les crimes internationaux ne seraient, alors, que les normes secondaires qui
impliquent et exécutent les normes primaires impératives. En raison de cette analogie, il
faudrait assimiler, totalement ou partiellement, les crimes internationaux aux normes de
ius cogens. La violation du ius cogens entraînerait, logiquement, des conséquences tout
aussi dérogatoires au droit commun de la responsabilité que celles qu’elle détermine
dans le droit des traités: la sanction pénale serait le pendant de la nullité dans l’ordre

519 Sur cette question voir A. DE HOOG, Obligations “erga omnes” and International Crimes: a
Theoretical Inquiry into the Implementation and Enforcement of the International Responsiblity of States,
The Hague/Boston/London, Kluwer Law International, 1996.
520 Sur l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 voir R.D. KEARNEY,
R.E. DALTON, The Treaty on Treaties, in A.J.I.L., 1970, july, vol. 64, n. 3, p. 535-538.
521 Sur la similitude de la définition des crimes et du ius cogens voir G. GAJA, Jus cogens beyond the
Vienna Convention, in R.C.A.D.I., 1981-III, vol. 172, p. 300; G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit.,
p. 341. Sur la relation nécessaire entre la définition du paragraphe 2 de l’article 19 et l’article 53 de la
Convention de Vienne R. Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 33-35, § 99-101,
p. 56, § 149; C.D.I., Comptes rendus analytiques sur les travaux de la vingt-huitième session, cit., p. 58, §
20-21, p. 61, § 37, p. 62, § 4, p. 65, § 24, p. 66, § 37, p. 69, § 13, p. 72, § 36, p. 84, § 34, p. 243, § 16, p.
254, § 41; C.D.I. Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, doc.
A/CN.4/SER.A/1976/Add.1(2ème partie), cit., p. 94-95, § 16-17, p. 96, § 21, p. 110-111, § 61, p. 113, §
73. Voir, aussi, Y. DAUDET, Travaux de la Commission du droit international (vingt-huitième session),
cit., p. 399. Sur le rapport entre l’article 40 § 1 du Projet sur la responsabilité des États adopté, en
deuxième lecture, en 2001, et l’article 53 de la Convention de Vienne voir P.-M- DUPUY, Quarante ans
de codification du droit de la responsabilité internationale des États, cit., p. 329.

153
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

contractuel, les sanctions spéciales étant justifiées par l’atteinte à un certain “ordre
public” international.522 En l’absence d’une constitution, sur le modèle des droits
internes, qui guide les codificateurs dans le choix des intérêts fondamentaux de la
communauté internationale, et d’une organisation verticale de la société internationale,
le ius cogens constituerait, comme une sorte de “loi” supérieure aux États, un principe
de gradation dans le choix des intérêts susceptibles de la protection criminelle.523 Ainsi,
du moment que la C.D.I., dans l’élaboration du Projet sur la responsabilité approuvé, en
deuxième lecture, en 2001, même sans mentionner la notion de “crime”, à l’article 40
§1 prend en considération la “violation grave par l’État d’une obligation découlant
d’une norme impérative du droit international général”, la meilleure doctrine remarque
que “si la notion de crime disparaît, son empreinte subsiste” et que le Projet serait,
encore, “hanté par le fantôme des crimes internationaux”.524
Dans cette optique le crime est constitué par une action qui viole les droits subjectifs,
ayant tous pour contenu le même intérêt commun, de tous les États de la communauté
internationale.525 En plus les obligations cogentes, étant indisponibles, sont indivisibles,
de sorte que chaque État peut, voire doit, réagir, de façon collective (centralisée) ou
individuelle (décentralisée), pour défendre son droit et, en même temps, l’intérêt
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522 En doctrine, pour l’interprétation favorable à l'identification des crimes internationaux avec le ius
cogens, voir P.M. DUPUY, Le fait générateur de la responsabilité internationale des États, cit., p. 56; I.
BRAWNLIE, Principles of International Law, cit., p. 415; A. PELLET, Can a State Commit a Crime?
Definitely, Yes!, cit., p. 428; A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 21; C.
JIMÉNEZ PIERNAS, La codificación del derecho de la responsabilidad internacional: un balance
provisional (1988), in La responsabilidad internacional, Alicante, Asociación española de profesores de
derecho internacional y relaciones internacionales, 1990, p. 53; C. DOMINICÉ, The International
Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 359. Souligne l’identification
non seulement des crimes internationaux avec le ius cogens, mais aussi des crimes individuels prévus
dans le Statut de la C.P.I. avec le ius cogens P.-M. DUPUY, Normes internationales pénales et droit
impératif (jus cogens), cit., p. 76. Pour une opinion favorable à l’identification des crimes internationaux
et du ius cogens au sein de la C.D.I. voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième
session, cit., p. 65, § 24, p. 66, § 37, p. 69, § 13, p. 70, § 20. Selon l’opinion de R. Ago la catégorie des
crimes, évidemment exceptionnelle, coïnciderait ou serait plus limitée que celle des normes impératives
(voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 75, § 13). Dans le sens que
la catégorie des crimes internationaux serait plus étroite que celle du ius cogens voir G. ABI-SAAB, The
Uses of Article 19, cit., p. 348; J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques
observations, cit., p. 61. Selon J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de ius cogens, efecto erga omnes y la
teoria de los círculos concéntricos, cit., p. 15, 19, la catégorie des crimes internationaux de l’État serait
plus étroite que celle du ius cogens en raison de la gravité de la conduite en violation.
523 Voir R. AGO, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 56 s.; C.D.I., Rapport sur les
travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 111, § 62. Voir, aussi, J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de
ius cogens, efecto erga omnes, crimen internacional y la teoria de los círculos concéntricos, cit., p. 19.
524 Voir J. Crawford, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 18, § 43; P.-M. DUPUY,
L’unité de l’ordre juridique international – Cours général de droit international public, cit., p. 363-364;
P.-M- DUPUY, Quarante ans de codification du droit de la responsabilité internationale des Etats, cit.,
p. 329. Sur le texte de l’article 40 du Projet de 2001 voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa
cinquante-troisième session, cit., p. 298-307.
525 D’après A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 19 s., le fait que les crimes de
l’article 19 menacent la communauté internationale dans son ensemble, donc “l’humanité”, justifie “la
distinction entre deux formes, bien différentes, de responsabilité, ayant des conséquences et des régimes
juridiques nettement séparés”. Voir, aussi, C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième
session, cit., p. 70, § 14. Notamment, sur l’importance du fait que les crimes internationaux frappent non
pas un État particulier, mais la communauté internationale tout entière et sur l’existence d’une collectivité
d’États ayant des intérêts communs, qui serait à la base du droit international pénal, voir l’opinion de R.
Ago in C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 89, § 22. Sur la même
question voir M. GOUNELLE, Quelques remarques sur la notion de “crime international” et sur
l’évolution de la responsabilité internationale de l’État, cit., p. 320.

154
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

commun.526 Cette conception est accueillie aux articles 40 § 3 et 53 § 1 c) du Projet sur


la responsabilité des États de 1996 et aux articles 40 §1, 41 § 2, 42 b), 48 § 1 b) du
Projet sur la responsabilité des États adopté en 2001.
La doctrine qui soutient la coïncidence parfaite des crimes des États avec les
violations du ius cogens, en tire la conséquence que seulement les crimes étatiques
connaissent une réponse d’ordre collectif, ce qui qualifierait, décidément, la classe des
crimes au sens pénal.
Les partisans de la théorie selon laquelle la catégorie du ius cogens est plus large que
celle des crimes étatiques, admettent que même certains délits impliquent la réaction de
la communauté internationale dans son ensemble: tel serait le cas de la violation de
l’obligation de sauvegarder les archives d’une ambassade, constituant une atteinte non
criminelle à une règle impérative selon une partie de la doctrine.527
Il est intéressant de remarquer que l’article 41 du Projet provisoirement adopté par le
Comité de rédaction de la C.D.I. en 2000, dans la définition des infractions majeures,
s’appuyait sur la notion de “violation grave d’une obligation envers la communauté
internationale dans son ensemble et essentielle pour la protection des intérêts
fondamentaux”. Cette définition, selon une partie de la doctrine, permettait de
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526 Voir l’opinion de R. Ago in C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p.
91, § 30. Voir aussi P.-M. DUPUY, Observations sur la pratique récente des “sanctions” de l’illicite,
cit., p. 538 s. Sur la question voir, aussi, J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de ius cogens, efecto erga
omnes, crimen internacional y la teoria de los círculos concéntricos, cit., p. 17; P.-M. DUPUY,
Observations sur le“crime international de l’État”, cit., p. 451; A. PELLET, Can a State Commit a
Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 427.
527 Du côté de la réaction à l’infraction, en effet, la doctrine qui soutient l’idée de la coïncidence du
domaine des crimes avec celui du ius cogens parvient à des conclusions différentes par rapport à
l’interprétation selon laquelle la catégorie des crimes serait plus réduite que celle du ius cogens. Selon la
théorie pour laquelle le crime étatique s’identifie avec le ius cogens, le domaine des crimes et des
obligations erga omnes indivisibles coïncideraient aussi, étant donnée l’identité du ius cogens et des
obligations erga omnes indivisibles (voir G. CARELLA, La responsabilità dello Stato per crimini
internazionali, cit., p. 265-266, d’après laquelle le seul institut nouveau du droit international seraient les
obligations erga omnes absolues indivisibles, dont le ius cogens et les crimes étatiques seraient le réflexe
respectivement sur le plan des traités et de la responsabilité; C. DOMINICÉ, The International
Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 359). Ainsi, non seulement tout
crime constituerait la violation d’une obligation erga omnes indivisible, mais aussi toute violation d’une
obligation erga omnes indivisible constituerait un crime. Par conséquent, seulement en cas de crime tous
les États du monde, en tant que sujets passifs d’une obligation erga omnes indivisible, devraient pouvoir
agir pour défendre le droit en question, autrement le droit serait non-effectif, donc inexistant, et
l’obligation ne serait plus conjointement erga omnes, alors que, dans le cas des obligations communes, un
seul État ou un nombre limité d’États aurait action pour défendre le droit en jeu. Le domaine des crimes
internationaux coïnciderait avec celui des obligations erga omnes indivisibles: toute violation d’une
obligation erga omnes indivisible constituerait un crime et la possible réaction de tous les États de la
communauté internationale distinguerait les crimes des délits internationaux. En revanche, d’après la
théorie selon laquelle le domaine des crimes étatiques serait plus restreint que celui du ius cogens, la
catégorie des crimes serait plus limitée que celle des obligations erga omnes indivisibles, étant donnée
l’identité du domaine du ius cogens et des obligations erga omnes indivisibles: si toute obligation erga
omnes indivisible faisait partie du ius cogens mais pas toute violation du ius cogens constituait un crime,
alors pas toute violation d’une obligation erga omnes indivisible constituerait un crime (voir C.D.I.,
Comptes rendus analytique des travaux de la vingt-huitième session, cit., p. 75, § 13; G. ABI-SAAB, The
Uses of Article 19, cit., p. 348; A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 348).
Tous les crimes violeraient des obligations erga omnes indivisibles, mais aussi certains délits violeraient
des obligations erga omnes indivisibles: la réaction générale à l’infraction ne serait pas, alors, un critère
sûr de distinction entre la responsabilité internationale majeure et celle mineure. Il faut, tout de même,
remarquer que, dans l’un comme dans l’autre cas, une éventuelle juridiction chargée de juger les crimes
internationaux des États comme forme de réaction collective, devrait avoir juridiction sur tous les États
de la communauté internationale.

155
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

“consacrer les valeurs qui sous-tendaient l’ancien article 19 sans parler de ‘crimes’” de
façon encore plus explicite que l’article 41 de la version du Projet de 2001, où l’on
exploite, par un virage in extremis, le concept de norme impérative.528 À notre avis, par
contre, la référence à la notion de ius cogens est plus correcte, car la conception du
crime comme violation d’une obligation erga omnes coïnciderait avec l’idée de la
violation des principes généraux du droit, incluant, aussi, la violation d’obligations
divisibles, tandis que l’identification entre le crime et le ius cogens rattache les violation
majeures étatiques aux obligations erga omnes absolues indivisibles.
Comme corollaire de l’approche formelle absolue et indivisible à la nature de
l’infraction on devrait déduire que le caractère collectif, donc publique, de la violation,
qui caractérise l’action illicite pénale dans les ordres juridiques internes, est un trait
typique aussi du crime international. La conception du crime international de l’État
comme infraction erga omnes absolument indivisible, au-dessus du principe de
souveraineté, en ferait une véritable violation de type pénal.529
Cette interprétation est logiquement soutenable à la lumière de la théorie dominante
des sources du droit international, toutefois elle pose le problème de définir les crimes
internationaux par le biais de la source coutumière. En effet, si la notion d’obligation
erga omnes absolue indivisible (ius cogens) est fondée sur la pratique d’un bon nombre
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d’États généralisée, alors la violation criminelle de l’obligation en question sera, aussi,


définie par la même source. On sait, en revanche, que la définition des crimes doit être
précise et incontestable, de sorte que le seul instrument apte à fournir les garanties
formelles nécessaires pour créer la catégorie des crimes des États ne peut être que celui
du traité. Par conséquent, si l’on admet que la violation des normes cogentes est conçue
comme criminelle par la pratique généralisée du droit international, il faut codifier de
façon précise cette violation, en tant que pénale, dans un traité: les normes du traité
s’imposeraient alors comme principes généraux du droit international directement ou
bien par la continuité de la pratique qu’ils codifient. Dans cette direction allait l’article
19 § 3 du Projet sur la responsabilité des États de 1996, s’efforçant de définir les crimes
étatiques particuliers, tandis que l’article 40 du Projet de 2001, s’arrêtant à la définition

528 Voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-cinquième
session sur les travaux de la C.D.I. de la cinquante-deuxième session, 2000, doc. A/CN.4/513, cit., p. 13,
§ 92. Sur le texte de l’article 41 provisoirement adopté en 2000 voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les
travaux de sa cinquante-deuxième session, 1er mai-9 juillet et 10 juillet-18 août 2000, in A.G., doc. off.,
55ème sess., 2000, suppl. n. 10, A/55/10, disponible dans le réseau Internet à l’adresse ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/664/25/PDF/N0066425.pdf?OpenElement›, p. 120. Selon un
interprétation soutenue au sein de la C.D.I., même si, normalement, les “crimes” violent des obligations
de ius cogens, cette conclusion ne peut pas être absolue car il pourrait y avoir des crimes qui violent des
obligations en dehors des normes impératives (voir C.D.I., Rapport sur les travaux de la vingt-huitième
session, cit., p. 111, § 62; C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 71, §
23). Sur la notion de violation d’une obligation erga omnes dans le Projet adopté par le Comité de
rédaction de la C.D.I. en 2000 voir C. SANTULLI, Travaux de la C.D.I. (cinquante-deuxième session), in
A.F.D.I., 2000, XLVI, p. 408-410. Sur le passage de l’infraction criminelle de l’État du Projet de 1996 à
la violation erga omnes du Projet de 2000 et, finalement, à la lésion du ius cogens dans le Projet de 2001
voir B. STERN, Et si on utilisait le concept de préjudice juridique? Retour sur une notion délaissée à
l’occasion de la fin des travaux de la Commission du droit international sur la responsabilité des États,
in A.F.D.I., 2001, XLVII, p. 3 s.
529 Pour un point de vue critique sur la question voir G. CARELLA, La responsabilità dello Stato per
crimini internazionali, cit., p. 218 et 224, d’après laquelle, quoique tous les États pourraient réagir à la
violation d’une obligation erga omnes, car ils agiraient au nom d’un droit subjectif dont ils seraient
titulaires, l’action serait possible seulement au nom de l’intérêt particulier, donc privé, de chaque État,
non pas à défense d’un intérêt publique, ainsi la responsabilité criminelle ne serait pas d’ordre pénal mais,
au sens générique, d’ordre international.

156
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

formelle des violations majeures étatiques, ne permet que la définition des crimes au
niveau de la théorie générale.530

§ 3.10. La conception relative du crime international: crime international et


obligation erga omnes indivisible relative.
Selon la conception relative, une obligation erga omnes oblige un État envers tous
les autres sujets qui adhèrent à un certain traité ou comportement coutumier.
Dans cette perspective, un crime peut constituer la violation d’une obligation erga
omnes contractantes indivisible: un crime lèse des obligations qui lient un État à tous
les autres États qui respectent une certaine conduite coutumière ou qui ont signé un
certain traité. La violation de ces obligations entraîne la réaction de chaque État
participant à la convention, titulaire du droit lésé.531
La norme de référence pour l’élaboration de la catégorie des crimes, dans le Projet
sur la responsabilité des États de 1996, deviendrait, dans ce cadre, l’article 40 § 2 lettres
e) et f), régissant les violations des obligations erga omnes qui naissent d’un traité ou de
la coutume entre plusieurs États, pendant de l’article 60 de la Convention de Vienne sur
le droit des traités de 1969.532 Dans le Projet de 2001 sur la responsabilité des États la
norme de référence serait l’article 48 § 1 a), concernant la violation d’une obligation
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indivisible relative.
On récupère, ainsi, le caractère général de l’action illicite, qui déclenche une réaction
collective à la violation, caractère fondamental de la violation criminelle qui distingue
les crimes par rapport aux infractions civiles en droit interne, sur un plan relatif en droit
international. Tous le États participant à une convention internationale instituant la
catégorie des crimes (infractions majeures) étatiques pourraient réagir (de façon
centralisée ou décentralisée) à la violation criminelle (majeure) d’une obligation erga
omnes contractantes indivisible.
Tel n’est pas, bien sûr, le sens de l’article 19 § 2 du Projet sur la responsabilité des
États de 1996, suivant lequel un crime doit être reconnu par l’ensemble de la
communauté internationale, ni de l’article 40 § 3 du même Projet, qui prévoit qu’un
crime international de l’État lèse, nécessairement, tous les autres États de la
communauté internationale. Tel n’est pas, non plus, le sens des articles 40 § 1, 42 b) et
48 § 1 b) du Projet sur la responsabilité des États de 2001. Les Projets en question
accueillent le principe du crime comme violation d’une obligation erga omnes
indivisible au sens absolu.

530 Selon l’opinion de la C.D.I., même si on admettait que les crimes internationaux correspondent aux
violations des normes impératives, encore faudrait-il repérer quelles sont ces normes avec précision (voir
C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 84-85, § 40). On pourrait, alors,
préciser le ius cogens sur la base des crimes étatiques, selon la perspective de H. Kelsen, d’après lequel
les normes secondaires sont les seules normes essentielles de tout ordre juridique et impliquent,
nécessairement, les normes primaires (voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die
rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 66.
531 Sur la normativité relative en droit international voir W. RIPHAGEN, Rapport préliminaire sur la
responsabilité des États, cit., p. 118; U. FASTENRATH, Relative Normativity in International Law, cit.,
p. 305 s. Sur la valeur relative des traités voir A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 239
s. En faveur de la conception relative de la réaction collective à l’infraction étatique voir B. SIMMA,
From Bilateralism to Community Interest in International Law, cit., p. 313-317.
532 Sur les obligations erga omnes au sens relatif qui naissent de la coutume ou d’un traité voir, en
doctrine, D.J. BEDERMAN, Article 40 (§ 2) (E) and (F) in the I.L.C. Draft Articles on State
Responsibility: Standing of Injured States under Customary International Law and Multilateral Treaties,
cit., p. 291 s.

157
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Il s’agit, toutefois, d’une interprétation possible, même si réductive, qui permettrait


de réaliser un système de la responsabilité pénale étatique sur un plan relatif. Cette
solution consentirait d’exploiter aisément l’instrument du traité, avec toutes les
garanties formelles nécessaires, pour créer la responsabilité criminelle étatique,
conformément à l’opinion de la C.D.I.533 Par ailleurs il faut remarquer que, sur le plan
parallèle de la responsabilité internationale pénale individuelle, le Statut de la C.P.I.,
bien qu’il soit censé codifier les principes généraux en la matière, a une efficacité, du
moins pour l’instant, purement relative, dans les limites fixées par l’article 12.
Dans l’optique relative, concernant les normes criminelles des Projets sur la
responsabilité des États, il faudrait corriger l’affirmation selon laquelle les crimes
étatiques (infractions majeures) violent les intérêts de la communauté dans son
ensemble (article 19 § 2 du Projet sur la responsabilité des États de 1996, article 40 § 1
du Projet de 2001) et tous les États de la communauté internationale en sont lésés
(articles 40 § 3 et 53 du Projet sur la responsabilité des États de 1996, articles 40 § 1, 42
b) et 48 § 1 b) du Projet de 2001), conçus au sens absolus, dans un sens relatif. Pour
reconstruire la catégorie des crimes internationaux il faudrait, donc, avoir, comme
référence, le principe de la reconnaissance de la gravité de la violation criminelle par
l’ensemble de la communauté, énoncé à l’article 19 § 2 du Projet de 1996 et,
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implicitement, à l’article 40 § 1 du Projet de 2001, au sens relatif, avec une valeur


limitée aux États qui adhèrent à une convention donnée.

§ 3.11. Insuffisance du critère formel pour établir une distinction entre les crimes
et les délits internationaux et nécessité du principe du contenu.
Jusqu’ici nous avons démontré qu’un crime international peut être conçu comme
violation d’une obligation erga omnes indivisible absolue ou relative.
Maintenant nous pouvons répondre à une question ultérieure, à savoir si la violation
d’une obligation erga omnes indivisible constitue, toujours, un crime, c’est-à-dire si le
domaine des crimes s’identifie complètement avec celui des obligations erga omnes
indivisibles.
Si l’on devait transposer, sur le plan international, le principe du droit interne, selon
lequel la violation criminelle est, toujours, une violation collective du coté passif et
entraîne une sanction publique, alors que la violation civile lèse le droit d’un ou de
plusieurs individus, mais jamais tous, l’on devrait répondre de façon affirmative. En
droit interne, normalement, la violation pénale est conçue comme violation des droits
subjectifs non seulement de la victime directe de l’action, mais aussi de la communauté
étatique dans son ensemble. Le caractère collectif de la victime est un trait distinctif
fondamental de la conduite pénale. C’est aussi pour cette raison que la violation pénale
engendre une procédure spéciale, le procès pénal, différent du procès civil, où la
communauté entière se charge de poursuivre le sujet actif, puisque la violation est

533 Voir, à ce propos, les considérations que nous faisons, infra, en traitant de la source qu’on peut
employer pour mettre en place un possible système de droit international pénal étatique. La doctrine a,
d’ailleurs, développé le principe que les traités suffisent à eux-mêmes (self-contained regimes) et
permettent de définir de façon autonome les réactions aux infractions à leurs égards (voir G. Arangio-
Ruiz, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, Add.2, Doc. A/CN.4/444/Add.2, cit., § 97-127;
B. SIMMA, Self-contained Regimes, in N.Y.B.I.L., 1985, XLVI, p. 111s.). L’exemple le plus clair est
constitué par les Traités instituant la C.E. et l’U.E., qui ne se bornent pas à créer des obligations
réciproques entre les différents sujets auxquels ils s’appliquent, mais établissent un ordre juridique
nouveau qui règle les pouvoirs, les droits et les obligations desdits sujets ainsi que les procédures
nécessaires pour faire constater et sanctionner toute violation éventuelle. Sur le principe du régime
suffisant à soi-même voir, en jurisprudence, C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à
Téhéran, arrêt du 24 mai 1980, in C.I.J. Rec., 1980, p. 40 § 86.

158
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

d’intérêt collectif. Par contre, dans le procès civil, la seule victime individuelle s’active
pour faire valoir ses intérêts. Ce décalage engendre des différences au niveau de la
sanction, conséquente au procès. Dans le domaine pénal, la sanction met en relation le
coupable et l’État, alors que dans le domaine civil la sanction met en relation le
coupable et la victime en tant qu’individu. Une partie de la doctrine remarque que,
même en droit civil interne, certaines violations lèsent des obligations erga omnes,
comme dans le cas de ne pas porter atteinte à l’intégrité physique des autres personnes.
Toutefois il s’agirait d’obligations uniformes divisibles, résultant de la somme
d’obligations bilatérales, qui autorisent le seul sujet directement lésé à réagir. En
revanche, la violation pénale lèserait des obligations erga omnes indivisibles autorisant
la réaction de la communauté étatique dans son ensemble.534
Cependant une simple transposition des concepts du droit interne n’est pas possible
sur le plan international, étant donné que la source du droit est contractuelle. Ainsi nous
sommes forcés de constater qu’une coïncidence absolue entre le domaine des violations
des obligations erga omnes indivisibles et les crimes internationaux pourrait exister
seulement au cas où les États le voudraient pour établir une différence par rapport à la
responsabilité mineure.
On a déjà constaté que, au niveau du droit international général, une partie de la
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

doctrine, reconnaissant que la catégorie du crime étatique est plus étroite que celle du
ius cogens, conçoit la possibilité qu’un délit étatique viole le ius cogens, comme dans le
cas de la violation de l’obligation, impérative d’après quelques auteurs, de sauvegarder
les archives d’une ambassade.535
Significativement une partie de la doctrine remarque que certains délits peuvent
violer des obligations erga omnes contractantes indivisibles, comme le prévoient
l’article 60 § 2 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969,
concernant la violation substantielle d’un traité multilatéral, l’article 40 § 1 et 2 du
Projet sur la responsabilité des États de 1996, concernant l’État lésé par un fait illicite
international, et les articles 42 § 1 b) et 48 § 1 a) du Projet sur la responsabilité des États
de 2001, concernant l’invocation de la responsabilité par les États lésés. En effet, en
principe, l’article 60 § 2 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 se
limite à autoriser tout État partie à une convention à suspendre ou, parfois, à mettre fin à
l’application du traité envers l’État auteur de la violation, ce qui constitue une forme de
sanction, par des États tiers, de la violation.536 Ainsi, par exemple, l’article 26 de la
Constitution de l’O.I.T. permet aux États parties, même non directement lésés par une
violation, de porter plainte au Bureau international du travail contre un État qui n’assure
pas de façon satisfaisante l’exécution d’une convention stipulée dans le cadre de
l’O.I.T. Il s’agit de l’action “dans l’intérêt de la loi”.537
Dans cette optique, pas toutes les violations des obligations erga omnes indivisibles
constituent un crime international, car la catégorie des crimes est plus limitée que celle

534 Voir C. DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breaches of Multilateral
Obligations, cit., p. 356-358; J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de ius cogens, efecto erga omnes,
crimen internacional y la téoria de los círculos concéntricos, cit., p. 20.
535 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques des travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 75, § 13.
536 Voir A. YAHI, La violation d’un traité: l’articulation du droit des traités et du droit de la
responsabilité internationale, cit., p. 442-446.
537 Voir C. DOMINICÉ, The International Responsibility for Breaches of Multilateral Obligations, cit.,
p. 355-356. Sur la violation d’une obligation internationale quelconque comme affectant non seulement
une relation bilatérale mais, plus largement, l’intérêt de l’ensemble de la communauté internationale voir
W. LOWE, Precluding Wrongfulness or Responsibility: a Plea for Excuses, cit., p. 305 s.

159
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

des obligations erga omnes indivisibles.538 Ceci implique que même un délit peut
constituer la violation d’un devoir erga omnes indivisible et entraîner, ainsi, la réaction
collective, tout comme un crime. Rien n’empêche que les États s’accordent pour établir
des sanctions collectives contre des actes illicites mineurs, dans la forme de la réaction
de l’État tiers, non directement touché par l’infraction. Par conséquent le critère de la
violation des obligations erga omnes indivisibles n’est pas un principe sûr de distinction
entre les crimes et les délits, mais seulement un critère auxiliaire.539
On parlera de “crimes” seulement par rapport aux infractions que la pratique
générale coutumière des États, ou bien la pratique relative ou un traité qualifient comme
tels et sanctionnent par une procédure et une sanction pénales. Seulement quelques
obligations erga omnes indivisibles seront l’objet d’un crime étatique: plus précisément
celles qui défendent les intérêts fondamentaux de la communauté internationale.540
Il est intéressant de remarquer que, si le Projet sur la responsabilité des États de 1996
retient la conception du crime en tant que violation des intérêts fondamentaux de la
communauté internationale, le Projet adopté en 2001 ne l’accueille pas. Le Rapporteur
spécial, J. Crawford, en effet, tout en acceptant la notion de violation internationale
erga omnes indivisible, a nié l’existence de la catégorie des “faits illicites d’une
exceptionnelle gravité”, définition pourtant proposée au cours des travaux de la C.D.I.
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sur la matière.541. De l’avis du Rapporteur, l’admission de ce genre d’infractions aurait


pu “constituer une référence déguisée à la notion de crime, le crime qui n’ose pas dire
son nom”.542 Ainsi le Projet, dans sa version finale, ne retient pas le critère de la gravité
substantielle de l’acte illicite, lié au contenu de l’obligation violée, mais seulement celui
de la gravité de circonstance, lié à la conduite illicite, par la référence aux violations
“graves” d’obligations découlant des normes impératives du droit international général,
à l’article 40 du Projet de 2001.
Finalement, nous pouvons affirmer que, dans la conception du crime étatique comme
violation d’une obligation erga omnes indivisible, au sens absolu ou relatif, le caractère
général de l’infraction demeure le critère formel indispensable pour la détermination de
la nature de la responsabilité majeure et cela dépose en faveur de la conception pénale
des crimes internationaux des États. Ce caractère détermine la structure particulière de
la sanction, quant à la définition de la victime, qui implique tous les États, au sens
relatif ou absolu, de la communauté internationale.543 Le caractère général de la

538 Conformément voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-
troisième session sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquantième session, 1998, doc. A/CN.4/496, cit., p.
18, § 115; G. GILBERT, The Criminal Responsibility of States, cit., p. 354-355.
539 Sur cette question voir l’opinion de R. Ago in C.D.I. Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième
session, cit., p. 75, § 12.
540 Dans cet ordre d’idées voir G. GAJA, Should All References to International Crimes Disappear from
the I.L.C. Draft Articles on State Responsibility?, cit., p. 367; A. PELLET, Can a State Commit a Crime?
Definitely, Yes!, cit., p. 430; d’après lequel, en raison de l’application des deux principes, seul un nombre
très limité d’obligations pourra constituer l’objet d’un crime international de l’État; J. CRAWFORD,
Revisiting the Draft Articles on State responsibility, cit., p. 442.
541 Voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-quatrième
session, sur les travaux de la C.D.I. de la cinquante et unième session, doc. A/CN.4/504, établi par le
S.G., in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N08/279/61/PDF/N0827961.pdf?OpenElement›, p.
11, § 23.
542 Voir J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 78, § 87; C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 133, § 256.
543 Nous reviendrons, plus spécifiquement, sur cet aspect ensuite, lorsque nous nous occuperons du
problème de la sanction. Pour l’instant, il faut remarquer que la réaction générale au crime, en tant que
violation erga omnes, s’exerce de façon décentralisée: de facto, peut être que seulement quelques États
s’activent pour réprimer l’acte illicite. Au niveau de la procédure de jugement, les Projets sur la

160
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

violation criminelle ne nous permet pas de départager, quand même, en droit


international, la catégorie des crimes de celle des délits, car il est une condition
nécessaire mais non suffisante pour l’existence d’un crime international. En effet, si les
crimes violent toujours des obligations erga omnes indivisibles, au sens relatif ou
absolu, les actes illicites normaux, donc les délits (prévus, par exclusion, à l’article 19 §
4 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 et constituant la référence générale
du Projet de 2001), pourraient violer non seulement les droits subjectifs d’un seul ou de
plusieurs États, mais aussi des obligations erga omnes indivisibles, au sens relatif ou
absolu. Lorsqu’on pense en termes de réaction, pour établir une distinction entre la
responsabilité majeure et mineure en droit international, on ne peut pas s’arrêter au
niveau de la forme de la violation, mais on doit prendre ultérieurement en considération
le contenu de l’obligation violée selon le deuxième principe énoncé à l’article 19 § 2 du
Projet sur la responsabilité des États de 1996, éventuellement intégré par la gravité de
l’acte illicite: seulement l’ensemble des principes énoncés à l’article 19 § 2 permet de
définir le crime international étatique.544 Le constat de l’existence d’une obligation erga
omnes indivisible ne suffit pas, en effet, pour affirmer que sa violation constitue un
crime international, encore faut-il que l’intérêt protégé par l’obligation en question soit
très important afin qu’il devienne l’objet d’une tutelle d’ordre criminel.545 L’ensemble
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des principes énoncés au paragraphe 2 de l’article 19, constitue donc, en soi, un guide
claire pour repérer les intérêts dignes de la tutelle criminelle: ils représentent l’embryon
d’une théorie générale du crime étatique. Ces critères constituent les guides pour établir
quels sont les droits qui nécessitent d’une tutelle d’ordre pénal, donc pour définir
précisément le domaine des crimes internationaux, figures spécifiques qui constituent la
partie spéciale d’un possible système de la responsabilité pénale des États.

responsabilité des États de 1996 et 2001 ne prévoient pas une action publique collective centralisée pour
tous les crimes. Pour les seules atteintes à la paix une forme de réponse collective est prévue, par le biais
du renvoi à la procédure du C.d.S. Sur ces questions voir, infra, les considérations que nous faisons en
traitant du problème de la procédure de jugement.
544 Conformément voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 146, §
293. Sur l’importance d’employer, dans la définition des crimes, les deux critères de la violation d’une
obligation erga omnes et de l’intérêt protégé voir A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely,
Yes!, cit., p. 430; A. BLANC ALTEMIR, La violación de los derechos humanos fundamentales como
crimen internacional, Barcelona, Bosch, 1990, p. 83. Sur la question de la forme de la violation par
rapport à l’intérêt protégé voir B. BOLLECKER-STERN, Le préjudice dans la théorie de la
responsabilité internationale, cit., p. 51 s.; D. ANZILOTTI, La responsabilité internationale des États à
raison des dommages soufferts par des étrangers, in R.G.D.I.P., 1906, t. 13, p. 13; B. GRAEFRATH,
Responsability and Damages Caused: Relationship between Responsibility and Damages, in R.C.A.D.I.,
1984-II, vol. 185, p. 34 s.
545 Une partie de la doctrine, relevant de la conception absolue de l’obligation erga omnes, soutient, en
revanche, que le critère du degré d’importance de l’intérêt objet de la tutelle n’a aucune fonction aux fins
de la détermination de l’infraction criminelle et nie, ainsi, toute valeur au deuxième principe énoncé à
l’article 19 § 2 du Projet sur la responsabilité des États de 1996. Dans cette perspective tout ce qui relève
pour la détermination des crimes internationaux des États serait la forme de l’obligation violée: toute
violation d’une obligation erga omnes indivisible, ainsi conçue en raison de l’unité de l’intérêt protégée,
constituerait un crime international. Le caractère conjointement erga omnes de l’obligation serait, par
conséquent, l’élément nécessaire et suffisant pour établir l’existence d’un crime étatique (voir G.
CARELLA, La responsabilità internazionale dello Stato per crimini internazionali, cit., p. 246).

161
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

§ 3.12. La source du système de la responsabilité internationale pénale.


Après avoir délimité le domaine de la responsabilité internationale étatique, nous
pouvons étudier la façon de créer cette forme de responsabilité, en abordant la question
de la source qu’on veut ou qu’on peut utiliser pour reconnaître une telle catégorie.546
Il est difficile de penser que la reconnaissance vienne, du moins complètement, de
l’ensemble de la communauté par le biais de la pratique, donc de la coutume. On sait,
en effet, qu’il n’existe pas de crime, ni de sanction, sans loi, car chaque conduite
criminelle doit être expressément prévue comme telle par une règle écrite et certaine,
d’autant plus que, dans le domaine pénal, on ne peut même pas avoir recours à
l’analogie pour définir les infractions.547 En outre, il faut rappeler qu’on déduit
l’existence d’un crime de la présence d’une sanction spécifique, normalement plus
grave que les sanctions ordinaires, et d’un procès aux caractéristiques formelles
particulières, ce qui, évidemment, sort du cadre de la simple pratique, comportant la
mise en place d’un système complexe et défini.
La pratique peut signaler l’exigence de distinguer différentes formes de la
responsabilité, selon une majeure ou mineure gravité, mais elle ne peut pas amener,
seule, à la création de la responsabilité pénale, car celle-ci demande la mise en place
d’un ensemble d’éléments juridiques d’ordre matériel et procédural qui doivent être
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réalisés par des institutions spécialisées. Ce n’est pas par hasard que l’étude de la
catégorie des crimes internationaux a été confiée à la C.D.I.548 La tâche de la C.D.I.,
toutefois, s’arrête au seuil de l’étude, car elle n’a pas le pouvoir de rendre effectives ses
propositions.
Malheureusement, on pourrait difficilement envisager de confier à l’Assemblée
générale des N.U. la tâche de définir les crimes internationaux par le biais de la
résolution, car cet instrument n’a pas d’effectivité juridique positive. Pour s’imposer en
tant que principe général du droit international, le crime étatique défini dans une
résolution de l’A.G.N.U. devrait être soutenu et imposé, ensuite, par la pratique
coutumière des États, autrement il n’aurait aucune efficacité réelle.549
La seule source qu’on peut sérieusement envisager pour donner force et efficacité à
la responsabilité criminelle étatique est le traité.550 Celle-ci est, d’ailleurs, la solution

546 Sur cette question voir J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 10-11, p.
39-42; J. Crawford, Quatrième rapport su la responsabilité des États, cit., p. 8-10, § 22-26; C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 126-127, § 231-235. Sur le problème
des instruments de codification en droit international voir Y. DAUDET, À l’occasion d’un
cinquantenaire, quelques questions sur la codification du droit international, in R.G.D.I.P., 1998, t. 103,
n. 3, p. 593 s.
547 Pour des considérations en ce sens sur le principe du nullum crimen, nulla poena sine lege et sur la
difficulté de son application en droit international en raisons de la non typicité des sources voir P.M.
DUPUY, Observations sur le “crime international de l’État”, cit., p. 460.
548 Voir C.D.I., Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 109, où l’on affirme,
notamment, que “il n’est pas pensable que la Commission puisse, même si elle le voulait, limiter sa tâche
à fixer dans son Projet un prétendu régime commun de la responsabilité, valable pour tous les faits
internationalement illicites, en laissant par ailleurs à la coutume internationale ou à des instruments
conventionnels particuliers le soin d’établir le régime ou, mieux, les régimes de responsabilité applicables
aux ‘crimes’ internationaux”.
549 Favorablement à l’emploi de la déclaration de principe, qui n’aurait pas de force obligatoire, comme
source de la responsabilité pénale étatique, voir F. BELAICH, Les réactions des gouvernements au Projet
de la C.D.I. sur la responsabilité des États, cit., p. 514.
550 Voir, conformément, A. JACOWIDES, State Responsibility: Reflections on the International Law
Commission’s Draft Articles, cit., p. 296; P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime international de
l’État”, cit., p. 468; G. GAJA, Should all References to International Crimes Disappear from the I.L.C.’s
Draft Articles on State Responsibility?, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 2, p. 369; J. CRAWFORD, Revisiting

162
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

proposée par la C.D.I. lors de la présentation du Projet d’articles dans sa version finale,
en 2001, à la Sixième Commission de l’A.G.N.U.551 On risque, ainsi, de ne pas parvenir
à la reconnaissance universelle de la responsabilité pénale des États, car la
responsabilité criminelle serait contraignante pour les seuls États éventuellement
signataires du traité prévoyant un tel système. Il est possible que seulement une partie
de la communauté, non pas toute la communauté, reconnaisse l'existence de la
responsabilité criminelle. La question, avant d’être un problème juridique, se pose sur le
plan politique, car elle concerne la volonté des États de s’engager. Il faut accepter, de ce
point de vue, la fragmentation et l’asymétrie du système juridique international au
niveau des sources relatives. On pourrait, tout de même, parvenir à l’universalisation de
la responsabilité pénale, conformément à la théorie des sources du droit international,
tout d’abord, par la simple extension, absolue, des règles conventionnelles, possible
d’après une partie de la doctrine, notamment au cas où un bon nombre ou la plupart des
États deviendraient partie au traité instituant un système criminel.552 En outre les règles
criminelles conventionnelles pourraient devenir partie intégrante du droit international
général si un bon nombre d’États les adoptait comme guide de leurs pratiques
coutumières.553
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§ 3.13. L’article 19 § 3 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 (partie


spéciale de l’infraction criminelle étatique): les intérêts spécifiques dignes de la
tutelle criminelle et les crimes typiques.
Le paragraphe 3 de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 se
charge de dresser une liste des intérêts retenus dignes de tutelle pénale. Cette
disposition établit, conformément aux principes généraux énoncés au paragraphe 2 de
l’article 19, quels sont, concrètement, les intérêts visés par le régime aggravé, criminel,
de la responsabilité.554
Le premier alinéa déclare que “un crime international peut notamment résulter” des
violations ensuite classées.555 Les alinéas suivant définissent les catégories d’infractions
qui constituent un crime international de l’État, déterminant les droits protégés et
décrivent, de façon exemplaire, quelques figures de crime au sein de chaque catégorie.
L’élaboration de la partie spéciale est nécessaire, aux yeux des codificateurs, pour
délimiter la notion de crime international et ne pas la laisser dans le vague comme dans
le cas de la définition des normes impératives selon la Convention de Vienne sur le
droit des traités de 1969.556 Cette exigence de rigueur et la conception restrictive de la
notion de crime recèlent l’approche pénale de la question.

the Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 443, note 32; J. CRAWFORD, On Re-reading the Draft
Articles on State Responsibility, cit., p. 299. Voir, aussi, C.D.I., Rapport sur les travaux de sa vingt-
huitième session, doc. A/31/10, cit., p. 66.
551 Voir Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-troisième
session, doc. A/56/589, cit., p. 5-6.
552 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 205, 248-249.
553 Voir R. AGO, Droit des traités à la lumière de la Convention de Vienne – Introduction, cit., p. 320 s.;
P.-M. DUPUY, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 301-302. Sur les traités comme point de départ
pour l’élaboration d’une coutume générale voir R.R. BAXTER, Treaties and Custom, in R.C.A.D.I.,
1970-I, vol. 129, p. 31 s.
554 Sur la relation entre les paragraphes 2 et 3 de l’article 19 voir R. Ago, Cinquième rapport sur la
responsabilité des États, cit., p. 56.
555 Voir, sur ce sujet, C.D.I., Rapport sur les travaux de la vingt-huitième session, cit., p. 110-111; C.D.I.,
Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 67, § 67, p. 72, § 31.
556 Voir l’opinion de R. Ago in C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p.
75, § 14, 15, p. 90, § 28.

163
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Quatre catégories d’infractions sont ainsi désignées, par ordre d’importance.557

§ 3.14. La violation d’une obligation internationale essentielle pour le maintien de


la paix et de la sécurité internationales.
La première catégorie, en tête de la liste de l’article 19 du Projet sur la responsabilité
des États de 1996, inclut la “violation grave d’une obligation internationale
d’importance essentielle pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales,
comme celle interdisant l’agression”.
Il n’est pas inutile de rappeler que cette catégorie de crimes, dans la formulation de
l’article 18 proposée par R. Ago en 1976, était réglée de façon autonome, au paragraphe
2, alors que les trois autres catégories était réglées au paragraphe 3, qui contenait les
principes généraux définissant l’acte criminel. Certaines internationalistes pensaient,
par conséquent, à une classification tripartie des violations des obligations
internationales: les délits internationaux, les crimes internationaux et les crimes
internationaux par excellence.558
S’inspirant des dispositions pertinentes de la Charte des N.U., notamment de l’article
1er § 1 et du préambule, conformes au chapitre III § 2 et 4 des Propositions de
Dumbarton Oaks, le codificateur repère dans le bien de la paix l’intérêt le plus
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important de la communauté internationale.559.


Parmi les formes possibles d’infraction, l’article 19 prévoit, à titre d’exemple,
l’agression.560 L’article 19 reprend, ainsi, les illustres précédents du traité de Versailles,
qui incrimine, à l’article 227, l’ex-Empereur d’Allemagne Guillaume II pour “violation
de la moralité internationale et de l’autorité sacrée des traités”, et du Pacte Briand-
Kellog de 1928, qui condamne solennellement le recours à la guerre comme moyen de
solution des différends internationaux (article 1er). D’ailleurs, déjà le Projet de traité
d’assistance mutuelle de 1923 (article 1er) et le Protocole de Genève pour le règlement
pacifique des différends internationaux du 2 octobre 1924 (préambule) qualifiaient
l’agression de “crime”.561 Récemment la Déclaration de Bruges de l’I.D.I., du 2
septembre 2003, a réaffirmé que “l’agression constitue un crime international”.562

557 Voir C.D.I., Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 112, § 68.
558 Voir R. AGO, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 57; C.D.I., Comptes rendus
analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 65, § 24, p. 67 § 45.
559 Sur le principe de la paix dans le préambule de la Charte des Nations Unies voir J.-P. COT, A.
PELLET, Commentaire du préambule de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La Charte des
N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 24-26; O.N.U. (Département de l’information),
La Charte des N.U. commentée, 3ème éd., New York, 1955, p. 17-18. Sur l’article 1 § 1 de la Charte des
N.U. voir M. LACHS, Commentaire de l’article 1, paragraphe 1 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 31-38; L.M.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and documents, 3rd ed.,
cit., art. 1 § 1, p. 27-29. En jurisprudence la C.I.J. confirme la hiérarchie de la Charte, en affirmant “qu’il
est naturel que d’accorder le premier rang à la paix car les autres buts ne peuvent être atteints que si cette
condition fondamentale est acquise” (voir C.I.J., Certaines dépenses des Nations Unies (article 17 § 2 de
la Charte), avis consultatif du 20 juillet 1962, in C.I.J. Rec., 1962, p. 168).
560 Sur l’évolution du concept d’agression, au cours du XX siècle, notamment par rapport au Projet de
Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, voir L.S. SUNGA, The Emerging System of
International Criminal Law, cit., p. 31 s. Sur la qualification de l’agression en tant qu’infraction voir B.
FERENCZ, Can Aggression be Deterred by Law?, in Pace International Law Review, 1999, fall, vol. XI,
n. 2, p. 341 s.
561 Voir, pour une introduction au sujet, S. SZUREK, La formation du droit international pénal –
Historique, cit., p. 13-14.
562 Voir I.D.I., Résolution concernant le recours à la force, Bruges, 2 septembre 2003, in ‹http://www.idi-
iil.org/resolutionsF/2003-bru-fr.pdf›, p. 1.

164
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

L’agression, conduite criminelle internationale par excellence, est une infraction


difficile à définir, probablement plus pour des raison d’ordre politique que pour des
motifs juridiques.563 Le premier principe de la Déclaration de l’A.G.N.U. 2625 (XXV)
de 1970, sur les relations amicales, et l’article premier de la Résolution de l’A.G.N.U.
3314 (XXIX) de 1974, concernant l’agression, la définissent comme l’emploi de la
force armée, par un État, contre la souveraineté et l’intégrité territoriale d’un autre
État.564
Par nature, d’ailleurs, en raison de son extrême gravité, l’agression constitue le crime
international de l’État par excellence.565 C’est à partir de la réflexion sur la guerre, en
effet, que l’idée de la responsabilité majeure des États a pu naître et se développer. En
outre, l’agression est le seul crime qui, dans le cadre de l’actuel système de droit
international, est suivi d’une sanctions aggravée et de procédures spéciales par rapport
aux autres infractions internationales, par la prévision, au niveau conventionnel, des
mesures de réaction collectives décidées par le Conseil de sécurité des Nations Unies.
Le Projet sur la responsabilité des États de 1996 renvoie, explicitement, au mécanismes
onusiens, à l’article 39, prévoyant, parmi les conséquences des infractions
internationales, l’application des dispositions de la Charte des N.U. relatives au
maintien de la paix et de la sécurité internationales. Même si, d’habitude, le C.d.S.,
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constatant une rupture de la paix, s’abstient d’employer les mots “agression” et


“crimes”en combinaison, comme dans la Résolution 660/1990, relative à l’agression du
Koweït par l’Irak, où le Conseil constate “une rupture de la paix et de la sécurité
internationales” et “condamne l’invasion du Koweït par l’Irak”, on peut déceler, dans
son action, les traces d’une coloration pénale.566
Dans un sens plus large, selon certains auteurs, l’agression pourrait inclure, à côté de
l’emploi classique de la force armée, l’agression économique.567 Ainsi conçue,

563 D’après A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 147, la
définition de l’agression implique la solution du problème de la légalité de la légitime défense préventive
aux termes de la Charte des N.U., sa définition traînerait pour cette raison depuis longtemps. L’auteur
remarque, aussi, qu’une définition trop stricte pourrait pousser les États à profiter d’éventuelles
défaillances pour justifier des conduites agressives.
564 Voir R. AGO, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 57. En général, sur la
définition de l’agression, voir W. KOMARNICKI, La définition de l’agresseur dans le droit
international moderne, cit., p. 1 s.; C.A. POMPE, Aggressive War and International Crime, The
Hague/Boston/London, Martinus Nijhoff Publisher, 1953; C. DOMINICÉ, Le C.d.S. et l’accès aux
pouvoirs qu’il reçoit du chapitre VII de la Charte des N.U., in R.S.D.I.E., 1995, vol. 5, n. 4, p. 426-428; J.
STONE, Hopes and Loopholes in the 1974 Definition of Aggression, in A.J.I.L., 1977, avril, vol. 71, n. 2,
p. 224 s.; B. FERENCZ, Defining Aggression: Where It’s Standing and Where It’s Going, in A.J.I.L.,
1972, july, vol. 66, n. 3, p. 491 s.; J. STONE, Conflict through Consensus: U.N. Approaches to
Aggression, Baltimore, John Hopkins University Press, 1977; R. WEDGWOOD, The I.C.C.: an
American View, cit., p. 104; T. MERON, Is International Law Moving towards Criminalization?, cit., p.
23; J. GARGEY, The U.N. Definition of “Aggression,”, Law and Illusion in the Context of Collective
Security, in Vanderbilt J.I.L., 1977, p. 17 s.; J. ŽOUREK, Enfin une définition de l’agression, in A.F.D.I.,
1974, XX, p. 9 s.; J. RAMBAUD, La définition de l’agression par l’O.N.U., in R.G.D.I.P., 1976, t. 80, n.
3, p. 835 s. Selon D.W. BOWETT, Crimes of State and the 1996 Report of the I.L.C. on State
Responsibility, cit., p. 167, la définition de l’agression contenue dans la Résolution A.G.N.U. 3314
(XXIX) de 1974 serait non exhaustive et, donc, inapte à définir une conduite criminelle des États aux fins
de l’article 19.
565 Voir W. Riphagen, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 11, § 52-53.
566 Voir M. DUMÉE, Le crime d’agression, cit., p. 261.
567 Voir C.D.I., Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 112; C.D.I., Comptes rendus
analytiques de la vingt-huitième session, doc. A/CN.4/291 et Add. 1 et 2, Responsabilité des États, cit., p.
62-63 § 7, p. 69, § 10. Contrairement voir l’opinion de R. Ago in C.D.I., Comptes rendus analytiques de
la vingt-huitième session, cit., p. 66-67, § 40.

165
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

toutefois, et détachée du principe de l’emploi de la force armée, l’agression s’identifie


avec l’intervention, qui est un concept plus ouvert et difficile à définir.568
Significativement, certains membres de la C.D.I., au cours de l’élaboration de la
norme, proposaient d’introduire dans la catégorie de l’agression, à titre d’exemple, en
conformité avec le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité
de 1954, les crimes de guerre, ce qui démontre la proximité entre les deux formes
d’infraction, surtout en raison du fait que tant le crime d’agression que les crimes de
guerre ne peuvent se réaliser que par la participation de l’État, du moment qu’on ne
peut pas concevoir la guerre en dehors du cadre étatique.569
On remarquera que le crime d’agression devrait constituer, aux termes du Projet de
Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, une infraction criminelle
individuelle. En outre, l’article 5 § 2 du Statut de la C.P.I. dispose que la Cour aura
compétence pour juger l’agression lorsque ce crime sera défini.570 Il existe, donc, un
lien évident entre la responsabilité criminelle et collective dans la perpétration de
l’agression.
Finalement, nous tenons à souligner que la conception de la paix comme bien
juridique objet d’une conduite criminelle spécifique est trop générique. La paix est
l’absence de conflit et constitue l’expression du principe général en vertu duquel il faut
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respecter les droits des autres. Ainsi, au lieu de l’agression, dans l’article 19 § 3 a) on
aurait pu indiquer toute autre forme de conduite exemplaire en tant que violation de la
paix, comme, par exemple, les crimes contre l’humanité. Le vrai objet de l’agression est
constitué par le droit des États à l’existence et à l’autodétermination et, à la limite, par
le droit des peuples à l’autodétermination, prévu à l’article 19 § 3 b), tandis que tout
crime étatique viole, en dernière instance, la paix.571

§ 3.15. La violation d’une obligation internationale essentielle pour la sauvegarde


du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
La deuxième catégorie de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de
1996 inclut la “violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle
pour la sauvegarde du droit des peuples à disposer d’eux mêmes, comme celle
interdisant l’établissement ou le maintien par la force d’une domination coloniale”.
La référence est l’article 1 § 2 de la Charte des N.U., conforme au chapitre II § 1 des
Propositions de Dumbarton Oaks.572
Dans l’esprit des codificateurs on relève une assimilation de la gravité de cette
infraction à la violation de la paix, surtout en vertu de la Résolution de l’A.G.N.U. 2625
(XXV) de 1970 sur les relations amicales entre États.573 D’ailleurs c’est le même article

568 Voir G. ABEN et al., L’interventionnisme économique de la puissance publique, Études en l’honneur
de G. Pequignot, Université de Montpellier 1, Montpellier, 1984.
569 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 72, § 33.
570 Voir J. HOGAN-DORAN, B.T. VAN GINKEL, Aggression as a Crime under International Law and
the Prosecution of Individuals by the Proposed International Criminal Court, in N.I.L.R., 1996, XLIII, p.
321 s.
571 Conformément, dans le sens que la catégorie des violations contre la paix, prévue à l’article 19 § 3
alinéa a) est large et destinée à rester ouverte et indéfinie voir D.W. BOWETT, Crimes of States and the
1996 Report of the I.L.C. on State responsibility, cit., p. 167.
572 Sur l’article 2 § 1 de la Charte des N.U. voir A. CASSESE, Commentaire de l’article 1, paragraphe 2
de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article,
2ème éd., cit., p. 39-54; L.M. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. –
Commentary and documents, 3rd ed., cit., article 1 § 2, p. 29-34.
573 Voir R. Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 38-39. Dans le sens que la
violation du droit à l’autodétermination constitue une atteinte aux principes fondamentaux de la Charte

166
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

1 § 2 de la Charte des N.U. qui établit une relation entre l’égalité des peuples, leur droit
à disposer d’eux-mêmes et la consolidation de la paix dans le monde. Cette conception
correspond à l’interprétation de l’Assemblée générale des N.U., qui a très souvent
qualifié la violation du droit à l’autodétermination de “violation de la paix et de la
sécurité internationales”, comme dans le cas de la Résolution 1514 (XV) du 14
décembre 1960 concernant l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples
coloniaux et, même, du Conseil de sécurité qui, dans le sillage de l’interprétation de
l’Assemblée, a souvent qualifié la violation en question de “menace contre la paix”,
comme dans le cas de la Résolution 180 du 31 juillet 1963 relative aux territoires
africains administrés par le Portugal.
L’exemple du maintien par la force d’une domination coloniale naît de l’importance
historique du phénomène, confirmée par la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance
aux peuples et aux pays coloniaux de l’Assemblée générale des N.U. contenue dans la
Résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, quoique aujourd’hui le problème ait perdu
d’acuité.574
Plus généralement, cette disposition touche aux problèmes de la définition des
concepts de “peuple”, de “souveraineté” et de “droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes”, qui se conjuguent étroitement aux droits de l’homme, classés dans la troisième
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catégorie. D’ailleurs l’A.G.N.U. a maintes fois déclaré que le droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes constitue une condition préalable indispensable pour la
jouissance de tous les droits fondamentaux de l’homme, comme dans la Résolution 637
(VII) du 16 décembre 1962.575 En outre, d’après certains auteurs, le droit à
l’autodétermination serait le réflexe, sur le plan international, du droit interne à la
démocratie.576
On remarquera que le crime de l’instauration par la force d’une domination coloniale
trouvait jadis son pendant individuel dans le crime de colonialisme, visé à l’article 18
du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité de 1991, mais il

des Nations Unies voir, en jurisprudence, C.I.J., Conséquences juridiques pour les États de la présence
continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution 276 (1970) du
Conseil de sécurité, avis consultatif du 21 mai 1971, in C.I.J. Rec., 1971, p. 16 s.; C.I.J., Sahara
occidental, avis consultatif du 1er octobre 1975, in C.I.J. Rec., 1975, p. 12 s.; C.I.J., Différend territorial,
Jamahiriya Arabe Libyenne/Tchad, arrêt du 3 février 1994, in C.I.J. Rec., 1994, p. 6 s.; C.I.J., Timor
Oriental, Portugal/Australie, arrêt du 30 juin 1995, in C.I.J. Rec., 1995, p. 90 s. Sur la Déclaration 2625
(XXV) de l’A.G.N.U. de 1970 concernant les relations amicales entre États voir A. PELLET, La
formation du droit international dans le cadre des N.U., cit., p. 409.
574 Sur le maintien par la force d’une domination coloniale voir, en doctrine, A. BEAUDOUIN, Le
maintien par la force d’une domination coloniale, in H. ASCENSIO, E. PELLET, A. DECAUX, Droit
international pénal, cit., p. 427 s.; A. CASSESE, Self-determination of Peoples: a Legal Reapprisal,
Cambridge, A. Grotius, 1996; J. CRAWFORD, The Rights of Peoples, Oxford, Clarendon Press, 1992;
J.-F. GUILHAUDIS, Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, Saint-Martin d’Hères, Presses
Universitaires de Grenoble, 1976; H. QUANE, The U.N. and the Evolving Right to Self-determination, in
I.C.L.Q., 1998, p. 537 s.; L.S. SUNGA, The Emerging System of International Criminal Law, cit., p. 90 s.
575 La jurisprudence a affirmé le caractère impératif du droit à l’autodétermination, malgré la difficulté
de préciser la notion de “peuple” (voir Trib. Arb., Détermination de la frontière maritime entre la Guinée
Bissau et le Sénégal, Guinée Bissau/Sénégal, sentence du 31 juillet 1989, in R.G.D.I.P., 1990, t. 94, n. 1,
p. 233-234).
576 Voir A. PAPISCA, Democrazia e diritti umani nell’era dell’interdipendenza globale, in Pace, diritti
dell’uomo, diritti dei popoli, 1991, 3, p. 11-28; P. DE STEFANI, Il diritto internazionale dei diritti
umani, cit., p. 91. En général, sur la question du droit à l’autodétermination, voir A. PAPISCA, G.B.
KUTUKDIJAN, Rights of Peoples, Padova, Cedam, 1991. Sur la difficulté de définir avec précision le
droit à l’autodétermination voir D.W. BOWETT, Crimes of State and the 1996 Report of the I.L.C. on
State Responsibility, cit., p. 167.

167
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

en fut retiré en 1996.577 D’ailleurs, ce crime ne figure pas dans le Statut de la C.P.I.
Probablement la disparition du colonialisme dans la pratique ainsi que la difficulté de le
définir assez précisément pour les exigences du droit international pénal ont déterminé
son exclusion du domaine des crimes de droit international pénal. Dans sa configuration
la plus classique, le crime de colonialisme se réalise lorsqu’un État empêche un peuple
d’exercer le droit à disposer de soi-même. Dans ce cas de figure, l’individu qui commet
le crime agit, forcement, en tant qu’organe de l’État et la responsabilité individuelle
implique la responsabilité collective.578

§ 3.16. La violation d’une obligation internationale essentielle pour la sauvegarde


de l’être humain.
Selon la troisième catégorie de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de
1996 un crime peut résulter de la “violation grave et à une large échelle d’une
obligation internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde de l’être humain,
comme celles interdisant l’esclavage, le génocide, l’apartheid”.
La référence est l’article 1 § 3 de la Charte N.U., notamment la partie qui concerne
les droits de l’homme et les libertés fondamentales, conforme au chapitre IX section A-
1 des Propositions de Dumbarton Oaks.579
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La norme rappelle, aussi, la Résolution de Lausanne de l’I.D.I. du 9 août 1947, qui


confirme l’importance essentielle des droits de l’homme, fondement d’une éventuelle
réforme de la communauté internationale.580
On constatera que les atteintes en question doivent être effectuées “à large échelle”.
Ainsi les violations, pour être classées comme criminelles, doivent être systématiques,
du point de vue de l’action, et massives, du point de vue des victimes lésées. Le

577 Selon l’article 18 du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité de 1991 le
colonialisme serait le fait de: “Tout individu qui, en qualité dirigeant ou d’organisateur, établit ou
maintient par la force ou ordonne l’établissement d’une domination coloniale ou de toute autre forme de
domination étrangère en violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes tel qu’il est consacré par
la Charte des Nations Unies”.
578 En général, sur le lien entre la responsabilité individuelle et collective dans le crime de colonialisme
voir A. BEAUDOUIN, Le maintien par la force d’une domination coloniale, cit., p. 432 s.
579 Sur l’article 1 § 3 de la Charte des N.U. voir P.-M. HENRY, Commentaire de l’article 1, paragraphe
3 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par
article, 2ème éd., cit., p. 57-65; L.M. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. –
Commentary and documents, 3rd ed., cit., article 1 § 3, p. 34-35. Sur la violation des droits de l’homme en
tant que crime de l’État voir C. DOMINICÉ, Le C.d.S. et l’accès aux pouvoirs qu’il reçoit du chapitre
VII de la Charte des N.U., cit., p. 438; A. BLANC ALTEMIR, La violación de los derechos humanos
como crimen internacional, Barcelona, Bosch, 1990; H. DIPLA, La responsabilité de l’État pour
violation des droits de l’homme: problèmes d’imputation, Paris, Pedone, 1994; T. VAN BOVEN, Human
Rights and Rights of People, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 3, p. 473. D’après D. BOWETT, Crimes of State
and the 1996 Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit., p. 167, la définition des crimes contre les
droits de l’homme donnée à l’article 19 § 3 c) du Projet sur la responsabilité des États de 1996 serait trop
large et difficilement acceptable pour les États. Plus en général, le fait que le codificateur se soit inspiré,
dans la rédaction des trois premières catégories, des principes énoncés à l’article 1 de la Charte des N.U.,
sans oublier le rôle de la coutume, ressort évidemment des rapports sur la question; par ailleurs, une
bonne partie des membres de la C.D.I. proposaient d’interdire, à l’article 19, toutes les conduites
“incompatibles avec les buts des Nations Unies” (voir R. Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité
des États, cit., p. 36-37; voir aussi C.D.I., Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p.
111-112; C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 66, § 35-36, p. 67, § 42,
p. 70-71, § 21 et 27, p. 74, § 9).
580 Voir I.D.I., Résolution concernant les droits fondamentaux de l’homme, base d’une restauration du
droit international, Rapporteur Ch. De Visscher, Lausanne, 9 août 1947, in ‹http://www.idi-
iil.org/idiF/resolutionsF/1947_law_01_fr.pdf›, p. 1-2, pr. I-V.

168
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

caractère systématique, notamment, regarde l’organisation de l’action, dans sa


conception et exécution, touchant, ainsi, l’aspect subjectif du projet politique partagé
par l’organisation qui serait à la base du crime. Cet éclaircissement a été introduit pour
ne pas élargir la catégorie au delà du raisonnable, sur la base de la conviction que, sans
le caractère systématique et massif de la conduite, il serait difficile de reconnaître un
projet politique fondant, essentiel pour l’imputation étatique.581
L’aspect systématique du crime contre les droits fondamentaux de la personne
humaine fait du crime de l’État une figure correspondante au crime contre l’humanité
des individus tel que prévu à l’article 7 du Statut de la C.P.I., aux termes duquel une
action généralisée ou systématique est indispensable pour le réalisation de l’infraction.
Parmi les trois illustrations que l’article 19 donne des crimes étatiques contre l’être
humain, à savoir l’esclavage, le génocide et l’apartheid, les deux dernières confirment
cette interprétation.582 Cette formulation, selon certains auteurs, apparente les violations
des droits de l’homme à la violation des droits des peuples; mieux, l’on peut dire que la
violation du droit à l’autodétermination passe, nécessairement, par la violation des
droits de l’homme.583 Indirectement, les crimes contre les droits de l’homme violent la
paix, comme on peut le déduire de l’analyse des Conventions sur le génocide, de 1948,
et sur l’apartheid, de 1973. Les trois premières catégories de crimes de l’article 19 sont,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

donc, étroitement liées en tant que violations de la paix et de la sécurité


internationales.584
Une partie de doctrine s’est efforcée de définir une théorie des droits de l’homme et
de déterminer quels intérêts en constitueraient le contenu: la catégorie serait constituée,
essentiellement, par le droit à la vie, à la dignité, à la paix, à l’autodétermination et à la
démocratie.585 D’ailleurs, selon les dispositions de la Déclaration sur le droit au
développement du 4 décembre 1986, adoptée par la Résolution 41/128 de l’A.G.N.U.,
notamment en vertu de l’article 6 § 2, ainsi que celles de la Déclaration de Vienne de la
Conférence internationale sur les droits de l’homme du 25 juin 1993, notamment de la
première partie, n. 5, 8 et 10, les droits en question seraient interdépendants. Ainsi, sur
la base de cette classification, non seulement on peut confirmer le lien formel subsistant
entre les trois catégories de droits protégées par la tutelle criminelle dans le Projet de la

581 Voir C.D.I., Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 112.
582 On a, ici, la démonstration que le génocide est, nécessairement, par sa forme logique, un crime contre
l’humanité (sur cette question voir les considérations que nous avons développé, supra, en traitant de la
question du génocide dans le Statut de la C.P.I.). Sur le génocide et l’apartheid voir L.S. SUNGA, The
Emerging System of International Criminal Law, cit., p. 105 s., 119 s.
583 Sur la question du caractère systématique des violations du droit à l’autodétermination voir G.
PALMISANO, Les causes d’aggravation de la responsabilité des États et la distinction entre “crimes”
et “délits” internationaux, cit., p. 654-656. Sur le génocide comme violation systématique voir J.L.
KUNZ, The United Nations Convention on Genocide, in A.J.I.L., 1949, october, vol. 43, n. 4, p. 743; L.
KUPER, The Prevention of Genocide, New Haven/London, Yale University Press, 1985, p. 12 s.
584 Voir R. Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 40-41; C.D.I., Comptes rendus
analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 68, § 7, p. 69, § 14.
585 Pour cette classification des droits de l’homme voir P. DE STEFANI, Il diritto internazionale dei
diritti umani, cit., p. 83-92. Pour une tentative de classification des droits de l’homme voir, aussi, R.
PELLOUX, Vrais et faux droits de l’homme. Problèmes de définition et de classification, in R.D.P.,
1981, n. 1, p. 53 s.; R. CASSIN, La déclaration universelle et la mise en œuvre des droits de l’homme, in
R.C.A.D.I., 1951-II, vol. 79, p. 241 s. Pour un encadrement de droits de l’homme voir Y. ATTAL
GHALY, Droits de l’homme et catégories de personnes, thèse sous la dir. de M.-H. Bernard Douchez,
Toulouse 1, 2002. Pour une étude des droits de l’homme et leur protection juridictionnelle en perspective
comparée voir J.-M. CROUZATIER (sous la dir. de), Les juridictions et la protection des libertés,
Toulouse, Presse de l’Université de Sciences Sociale, 1995, p. 1-172.

169
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

C.D.I., mais on pourrait aussi réduire le trois catégories à une seule.586 En tout cas, pour
une définition des droits de l’homme, au delà de toute classification théorique, on doit
faire référence aux textes de droit international en vigueur dans la matière, notamment à
la Déclaration universelle des droits de l’homme, au Pacte international sur les droits
civils et politiques et au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Sur
la base de la Déclaration universelle, notamment, il est possible de concevoir les droits
de l’homme, généraux et cogentes, comme fondement ultime de la communauté
internationale.587
Concernant le génocide on rappellera que la Convention pour la prévention et la
répression du cime de génocide, de 1948, prévoit, en plus de la responsabilité
individuelle, la responsabilité de l’État et la possibilité, pour l’État victime, de recourir
unilatéralement à la C.I.J.588
Finalement la proposition de responsabiliser les agissements étatiques contraires aux
droits de l’homme va dans le sens de reconnaître un poids prédominant, dans le monde
globalisés des droits du marché, aux droits fondamentaux de la personne,
conformément à leur position au sommet de la hiérarchie des normes internationales.589

§ 3.17. La violation d’une obligation internationale essentielle pour la sauvegarde


tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

de l’environnement.
La quatrième et dernière catégorie criminelle prévue dans le Projet sur la
responsabilité des États de 1996 est constituée par la “violation grave d’une obligation
internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde et la préservation de
l’environnement humain, comme celles interdisant la pollution massive de l’atmosphère
ou des mers”.
Cette catégorie tente de donner efficacité aux obligations en matière
d’environnement, par le biais de la tutelle criminelle, notamment en raison du fait que
les agissements mettant en danger les ressources naturelles, fondamentales pour la
communauté toute entière, sont aujourd’hui beaucoup plus graves que jadis, surtout en
raison des potentialités destructrices du progrès scientifique et de la nécessité
d’augmenter la production des biens de consommation par rapport à l’accroissement de
la population mondiale.590

586 Sur la relation entre la paix et les droits de l’homme voir R. FABRIS, A. PAPISCA, Pace e diritti
umani, Padova, Gregoriana, 1989.
587 À ce propos voir les considérations que nous avons développées, supra, dans l’introduction générale.
588 Sur cet aspect du génocide voir Y. JUROVICS, L. HUSSON, Le crime contre l’humanité, cit., p. 34-
35, § 133.
589 Sur la question voir M. DELMAS-MARTY, Ordre juridique et paix positive, in Le Monde
Diplomatique, n. 592, juillet 2003, ‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 4-5; P.N. DROST, The Crime
of State: Penal Protection for Fundamental Freedoms of Persons and Peoples, Leyden, A.W. Sythoff,
1959.
590 Voir R. AGO, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 56; C.D.I., Rapport sur les
travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 100-101; C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-
huitième session, cit., p. 71, § 22, p. 72, § 33. Voir, aussi, J. JUSTE RUIZ, La evolución del medio
ambiente, in M. PEREZ GONZALEZ et al., Hacia un nuevo orden internacional y europeo, cit., p. 397
s.; S.A. SHAPIRO, R.L. GLICKSMAN, Goals, Instruments and Environmental Policy Choice, in Duke
Environmental Law and Policy Forum, 2000, spring, vol. 10, n. 2, p. 247 s.; S. BARRET, International
Cooperation and the International Commons, in Duke Environmental Law and Policy Forum, 1999, fall,
vol. 10, n. 1, p. 131 s.; S. PANNATIER, La protection du milieu naturel antarctique et le droit
international de l’environnement, in E.J.I.L., 1996, vol. 7, n. 3, p. 431 s.; T. VAISSIERE, Le bilan
contrasté de la quatrième Conférence des parties à la Convention des N.U. sur les changements
climatiques, in Actualité et droit international, février 1999, ‹http://www.ridi.org/adi›. En jurisprudence

170
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

Le Projet sur la responsabilité des États recueille le contenu de plusieurs textes


internationaux qui, depuis les années 1970, ont reconnu le devoir général des États de
respecter l’environnement et les complète, du côté de la violation, en établissant que le
degré d’importance que les États reconnaissent à ce devoir est tel qu’il mérite un régime
de tutelle d’ordre criminel.591
Le principe 21 de la Déclaration de la Conférence des Nation Unies, adoptée à
Stockholm le 16 juin 1972, et le principe 2 de la Déclaration de la Conférence des
Nations Unies sur l’environnement et le développement, adoptée à Rio de Janeiro le 14
juin 1992, reconnaissent que les États doivent empêcher que les activités qui se
déroulent dans leurs juridictions endommagent l’environnement des autres États et les
zones en dehors de leur juridiction. L’article 30 de la Charte des droits et devoirs
économiques des États, adoptée par l’A.G.N.U. dans la Résolution 3281 du 12
décembre 1974, confirme le devoir international des États de respecter l’environnement.
L’article 192 de la Convention des N.U. sur le droit de la mer du 10 décembre 1982
impose aux États le devoir de respecter l’environnement marin. Par ailleurs les
principes 1 de la Déclaration de Stockholm et de Rio de Janeiro reconnaissent le droit
fondamental de l’homme au respect de l’environnement.592 Ces dispositions certifient
l’existence d’un devoir général des États de respecter l’environnement, conçu comme
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

obligation internationale erga omnes indivisible.593


Par ailleurs, depuis 1978, la C.D.I. travail sur le sujet de la “Responsabilité
internationale pour les conséquences préjudiciables découlant d’activités qui ne sont pas
interdites par le droit international” et, dans ce cadre, elle a abouti, en 2001, à
l’adoption d’un Projet d’articles sur la “Prévention des dommages transfrontaliers
résultant d’activités dangereuses” qui a été soumis à l’A.G.N.U. avec la
recommandation d’en faire la base d’un traité.594 Naturellement ce Projet revête une

voir C.I.J., Projet de Gabčikovo-Nagymaros, Hongrie/Slovaquie, ordonnance du 25 septembre 1997, in


C.I.J. Rec., 1997, p. 3 s.
591 Pour un aperçu des textes fondamentaux du droit de l’environnement voir W.P. BIRNE, Basic
Documents on International Law and the Environment, New York, Oxford Univerity Press, 1995.
592 Sur la valeur de la Déclaration de Stockholm voir V. STARACE, Recenti sviluppi della cooperazione
internazionale in materia di protezione dell’ambiente, in Com. Int., 1974, p. 50.
593 Sur la conception de l’obligation de respecter l’environnement comme obligation erga omnes
indivisible, dominante en doctrine, voir A. GAMBARO, G. ALPA, La tutela degli interessi diffusi nel
diritto comparato, Milano, Giuffré, 1976, p. 173 s.; G. TESAURO, L’inquinamento marino nel diritto
internazionale, Milano, Giuffré, 1971, p. 104 s.; D. GOLDIE, A General View of International
Environmental Law. A Survey of Capabilities, Trends and Limits, in Hague colloquium, The Hague,
1973, p. 65 s; T. TREVES, L’inquinamento marino: profili di diritto internazionale e comunitario, in
Studi Marittimi, 1978, p. 32; A. KISS, L’état du droit de l’environnement en 1981: problèmes et
solutions, in J.D.I., 1981, p. 503 s.; C. ROMANI, La protección del medio ambiente en derecho
internacional, derecho comunitario europeo y derecho español, Vitoria-Gasteiz, Servicio de publicación
del gobierno vasco, 1991. En jurisprudence voir C.I.J., Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par
un État dans un conflit armé, avis consultatif du 8 juillet 1996, opinion dissidente du juge Weeramantry,
in C.I.J. Rec., 1996, vol. I, p. 142. Sur la conception minoritaire de l’obligation de respecter
l’environnement comme obligation qui ne serait pas erga omnes indivisible voir G. CARELLA, La
responsabilità dello Stato per crimini internazionali, cit., p. 274, d’après laquelle la pratique des États ne
confirmerait pas le caractère erga omnes indivisible de l’obligation de respecter l’environnement affirmé
par certains textes internationaux et l’intérêt de l’environnement ne pourrait pas constituer l’objet d’une
obligation erga omnes indivisible car il ne serait pas indivisible, de sorte que la violation de l’obligation
de respecter l’environnement ne pourrait pas constituer un crime international.
594 Voir le texte du Projet d’articles, suivi des commentaires relatifs, in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les
travaux de sa cinquante-troisième session, cit., p. 399-405. En doctrine voir P.H.F. BEKKER, N.L.J.T.
HORBACH, State Responsibility for Injourious Trasboundary Activity in Retrospect, in N.I.L.R., 2003,
L, p. 327-371.

171
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

importance fondamentale pour la tutelle de l’environnement, comme le souligne


l’article 6, qui prévoit que “Toute décision relative à l’autorisation d’une activité
rentrant dans le champ d’application des présents articles repose, en particulier, sur une
évaluation transfrontalière possible du fait de cette activité, dont une évaluation de son
impact sur l’environnement”.595 Ledit Projet a été révisé sur demande de l’A.G.N.U., de
sorte que la C.D.I. a adopté, en 2004, en première lecture, le texte d’un Projet de
principes sur la “Répartition des pertes en cas de dommage transfrontière découlant
d’activités dangereuses”, dans lequel, toutefois, la protection de l’environnement
demeure une priorité (principe 2 alinéa a)).596
Comme exemple de conduite criminelle le Projet sur la responsabilité des États de
1996 se limite à indiquer la pollution massive des milieux de la mer et de l’atmosphère,
mais il est clair que l’environnement dans son ensemble doit être l’objet de la protection
pénale.597
Il faut, d’ailleurs, remarquer, que cette forme de crime ne correspond directement à
aucun crime dans le domaine du droit international pénal individuel, que ce soit dans le
Statut de la C.P.I. ou dans les textes des T.P.I., sauf dans quelques cas de crime de
guerre impliquant des dégâts pour l’environnement. En effet, alors que la responsabilité
des États se configure de façon indirecte, pour absence de prévention et de contrôle,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

celle des individus se configure, de façon directe, seulement en vertu des législations
internes. Ainsi, la prévision du crime contre l’environnement, par omission, au niveau
étatique, devrait consolider le système de tutelle nationale coordonnée pour les crimes
actifs individuels, selon les méthodes propres du droit pénal international.
La qualification des infractions environnementales comme violations d’ordre
criminel, par ailleurs, semble confirmée par l’interprétation d’après laquelle ces actions
illicites constitueraient des violations des droits de l’homme.598

§ 3.18. Le concept de bien juridique et sa gradation, selon l’importance, dans


l’article 19 § 3 du Projet sur la responsabilité des États de 1996.
Les obligations considérées dans les quatre catégories de l’article 19 § 3 du Projet
sur la responsabilité des États de 1996 doivent être d’importance “essentielle” pour la
sauvegarde des biens juridiques en question, donc il faudra considérer seulement celles
d’importance primordiale pour la protection des intérêts en jeu dans chaque catégorie,
non pas celles d’importance secondaire: un crime international existera exclusivement
en cas de violation d’une obligation fondamentale pour la tutelle des intérêts considérés,
autrement il y aura simplement une infraction normale.599 On détermine, ainsi, un
critère ultérieur important qui intègre le principe général de l’importance de l’intérêt
violé énoncé au paragraphe 2 de l’article 19.

595 Voir le texte de l’article 6 in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-troisième
session, cit., p. 401.
596 Voir le texte du Projet de principes, suivi des commentaires relatifs, in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur
les travaux de sa cinquante-sixième session, cit., p. 153- 157, § 175.
597 Voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante et unième
session sur les travaux de la C.D.I. de sa quarante-huitième session, doc. A/CN.4/479/Add.1, cit., p. 9, §
18. Sur le problème de la pollution des mers voir les adresses Internet ‹http://www.un.org/french/law/los›
(site de l’O.N.U. sur le droit de la mer); ‹http://www.law.un.nl/english/isep/framenilos-asp› (site de
l’Institut hollandais pour le droit de la mer – Netherland Institute for the Law of the Sea);
‹http://www.bibl.ulaval.ca/info/drt-mer.html› (site de l’Université de Laval, au Canada, sur le droit de la
mer); ‹http://www.mareenoire.org› (site concernant le problème de la marée noire).
598 Voir F. MATSCHER, Quarante ans d’activité de la Cour européenne des droits de l’homme, in
R.C.A.D.I., 1997, vol. 270, p. 306-309.
599 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 73-74, § 4, 5, 11.

172
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

Toutes les violations sont qualifiées de “graves”. Il s’agit de l’élément adjoint du


degré de la gravité de la conduite, d’ordre circonstanciel, qui doit aider à discerner
ultérieurement les violations majeures, comme critère supplétif du principe primaire de
l’importance du contenu de l’obligation violée, d’ordre substantiel.600 Ce critère ne
semble pas uniforme dans les différentes catégories des crimes car, concernant les
violations de la paix, une gradation entre la “menace”, la “rupture” et l’“agression” se
trouve au sein de la Charte des N.U., alors que, pour les autres crimes, notamment ceux
contre le droit à l’autodétermination des peuples et les droits de l'homme, les violation
graves seraient celles “systématiques”, “constantes”, “persistantes”, “massives” et
“flagrantes”, donc généralisées, selon les traités internationaux en vigueur en la matière
et les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social des
N.U.601
Quoique la formulation de l’article 19 ne fasse pas de distinction de gravité entre les
différents catégories d’infractions, il faut présumer, comme il ressort des commentaires
de la C.D.I., que les crimes doivent être classés par gravité décroissante, aussi bien en
fonction de l’importance de l’obligation violée, qu’en fonction de la gravité de la
conduite illicite. Non seulement, donc, on aurait une échelle de gravité de la première
catégorie à la dernière, mais aussi à l’intérieur de chaque catégorie, du moins si les
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violations étaient définies avec précision.602 L’opinion de certains membres de la C.D.I.


sur ce sujet laisse entendre qu’il existe deux classes de crimes, par ordre d’importance:
la première classe comprend les infractions des trois première catégories, à savoir la
violation de la paix, du droit à l’autodétermination et des droits de l’homme, la
deuxième classe comprend les infractions de la dernière catégorie, c'est-à-dire les
violations environnementales. Les crimes de la première classe devraient entraîner
l’application de sanctions afflictives, alors que ceux de la deuxième donneraient lieu à
la seule réparation, non pas au châtiment.603 Parmi les crimes de la deuxième classe il
n’y a pas d’infractions à caractère économique, bien que les rédacteurs aient songé
maintes fois à insérer les atteintes aux intérêts économiques dans l’article 19.
Probablement les membres de la C.D.I. n’ont pas retenu les crimes économiques parce
qu’ils ont jugé suffisante la protection assurée par les jugements portés par les

600 Sur les principes de l’importance de l’obligation violée et de la gravité de la violation voir C.D.I.,
Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 111; C.D.I., Comptes rendus analytiques de
la vingt-huitième session, cit., p. 73, § 2, p. 83, § 26, p. 88, § 16.
601 Voir C.D.I., Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 102. Voir, aussi, C.
DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p.
360-361.
602 Voir R. Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 56; W. Riphagen, Rapport
préliminaire sur la responsabilité des États, cit., p. 118, § 67, d’après lequel “si l’on regarde la liste des
crimes internationaux possibles figurant au paragraphe 3 de l’article 19, il semble a priori clair que les
conséquences juridiques de ces crimes ne sont pas nécessairement identiques – d’ailleurs le principe de
la proportionnalité n’autoriserait pas un tel automatisme”; G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la
responsabilité des États, Add.2, cit., p. 11 s., § 20 s.; G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la
responsabilité des États, Add.3, cit., p. 38, § 161-I. Voir, aussi, l’opinion de R. Ago in C.D.I., Comptes
rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 59 § 27 (où on institue un parallèle entre l’échelle
de gravité des crimes en droit interne et l’échelle de gravité des crimes des États), p. 92, § 34 (où on
envisage la création de plusieurs régimes de responsabilité pour les différents crimes internationaux).
Voir aussi C.D.I., Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 102 (où on lit que “il ne
s’ensuit évidemment pas que tous ces crimes sont égaux, c’est-à-dire atteignent le même dégrée de
gravité et impliquent nécessairement toutes les réactions plus sévères qu’entraîne, par exemple, le crime
international par excellence, à savoir la guerre d’agression”), p. 112 (notamment en ce qui concerne la
classification des catégories des crimes par ordre d’importance).
603 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 86-87, § 7-8.

173
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

juridictions nationales sur les individus dans le cadre du droit pénal international. La
tutelle des intérêts économiques se serait matérialisée, probablement, dans une
obligation de prévention des crimes individuels par l’État, sur le modèle de la
criminalisation des infractions environnementales étatiques.604

§ 3.19. Encadrement systématique de l’article 19 § 3 du Projet sur la responsabilité


des États de 1996.
Plusieurs critiques portent sur le paragraphe 3 de l’article 19 du Projet sur la
responsabilité des États de 1996 aussi bien en ce qui concerne sa position dans le texte
que son élaboration qu’au niveau systématique.
Une partie de la doctrine soutient que ledit paragraphe devrait trouver sa place dans
le commentaire du Projet, plutôt que directement dans le texte normatif, car on ne
pourrait pas procéder, dans un texte à vocation normative, de façon exemplaire.605
Il faut remarquer que les quatre catégories des crimes définissent, pour employer une
terminologie pénaliste, les “biens juridiques” dignes de la tutelle criminelle, alors qu’il
reste à définir et classer les infractions dans le détail. La technique adoptée consiste à
définir les domaines dans lesquels le droit international impose aux États des
obligations qui remplissent les conditions pour que leur violation puisse être considérée
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comme un crime international, ensuite on cite un ou plusieurs exemples concrets


d’obligations existantes, dans les domaines en question, qui interdisent des agissement
considérés comme des crimes internationaux typiques, sans, quand même, avoir la
prétention d’esquisser un code pénal international.606 L’emploi du mot “notamment”,
par rapport aux biens juridiques, en effet, a plusieurs significations et dépose en ce sens.
Tout d’abord on doit penser que les crimes internationaux sont réalisés, spécifiquement,
par les infractions ensuite classées: le terme “notamment” nous explique qu’on se
trouve dans la partie spéciale du crime international étatique. En outre on doit estimer
que, en particulier, les infractions ensuite classées comme crimes ne constituent pas un
nombre fermé, mais un domaine susceptible de se rétrécir ou de s’élargir. Celle-ci nous
semble l’interprétation la plus correcte, alors qu’il ne faut pas entendre le terme
“notamment” comme “à titre d’exemple”. Tout d’abord une telle lecture laisserait
entendre que le paragraphe 3 a été à peine esquissé au niveau des biens juridiques, sans
parvenir à une élaboration complète, alors qu’il est le résultat d’une longue étude et
d’une discussion approfondie au sein de la C.D.I. Ensuite il serait dangereux, voire
totalement déplacé, de procéder de manière exemplaire dans une matière analytique
telle que celle de la responsabilité pénale, même si l’on entend qu’il s’agit, “seulement”,
d’une responsabilité majeure, au moins au niveau de la définition des biens juridiques
susceptibles de tutelle. La C.D.I. a défini analytiquement (“notamment”) les catégories
des crimes, c’est-à-dire les biens juridiques protégés, sur la base des principes du
paragraphe 2 de l’article 19. Ensuite, au sein de chaque catégorie, elle a procédé à la

604 Sur ce problème voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 84, §
34.
605 Voir P. WEIL, Le droit international en quête de son identité – Cours général de droit international
public, cit., p. 297-298; A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 21; A. PELLET,
Can a State Commit a Crime? Definitely Yes!, cit., p.430 s., qui estime que les exemples donnés sont, en
plus, très imprécis et génériques; D.W. BOWETT, Crimes of State and the 1996 Report of the I.L.C. on
State Responsibility, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, p. 163. Selon J. CRAWFORD, On Re-reading the Draft
Articles on State Responsibility, cit., p. 296-297, l’article 19 § 3 ne respecterait pas le principe de légalité,
car la définition des crimes serait trop flue.
606 Voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 342; C. DOMINICÉ, The International
Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 357, note 11.

174
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

définition de certaines figures de crimes de façon exemplaire, mais cela est


compréhensible, vu le stade d’évolution du Projet. Que l’indication de l’une ou l’autre
obligation spécifique au sein de chaque catégorie soit donnée seulement à titre
d’exemple, parmi d’autres possibles, est clairement souligné par l’emploi de
l’expression “comme celle(s)”.607
Il faut, donc, reconnaître que les dispositions de l’article 19 § 3 appartiennent à la
partie spéciale d’un système général de droit international pénal, alors que les
paragraphes 1, 2 et 4 relèvent de la théorie générale. Il s’agit seulement d’un premier
effort, pas totalement accompli du point de vue des figures typiques criminelles, de
créer un cadre des biens juridiques que les normes du droit international pénal devraient
protéger. Il est hors de question que le paragraphe 3 soit très approximatif dans la
définition de chaque crime, mais cela est excusable et même naturel, puisqu’il s’agit
d’une étape primitive d’une matière en pleine évolution. Pour accomplir un régime
effectif de la responsabilité internationale pénale, il faudrait un corps d’actions illicites
détaillé et rigoureux.608 Cependant il serait totalement inutile de créer une partie
spéciale très bien définie avant d’avoir vérifié la possibilité et la nécessité de fonder un
système accompli. Le but du paragraphe 3, dans la partie qui concerne la définition des
figures criminelles spécifiques, est celui d’une exemplification intentionnellement
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sommaire, afin de tester les opinions de la doctrine sur la matière et d’ouvrir des
perspectives pour un travail futur.609 Par conséquent la position du paragraphe est
correcte, car les normes spéciales du droit international pénal devraient trouver leur
place dans un corps normatif cohérent et unique.610

§ 3.20. Le rapport entre le paragraphe 3 de l’article 19 du Projet sur la


responsabilité des États de 1996 et les règles primaires.
Le texte du paragraphe 3 de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de
1996 ferait référence, selon certains auteurs, aux droits spécifiques contenus dans des

607 Voir, à ce propos, C.D.I., Rapport sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 111; C.D.I.,
Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 88, § 17.
608 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 84, § 39, où l’on lit que
“Si la Commission entend poser les fondements d’un code pénal international applicable à la conduite
des États, il importe que les crimes internationaux ne soient pas définis par des dispositions susceptibles
d’être étendues à volonté. Compte tenu de la nature de l’entreprise, il faut au contraire déterminer de
façon très précise les faits internationalement illicites qui peuvent actuellement être qualifiés de crimes
internationaux”. En doctrine voir P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime international de l’État”,
cit., p. 468.
609 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 64, § 22, p. 67, § 44, p.
90, § 28, où l’on peut lire l’opinion de R. Ago, d’après lequel “la Commission n’en est qu’à poser les
fondements d’un code pénal international [...] s’il n’est pas possible de donner actuellement des
définitions aussi précises qu’en droit pénal interne, il faut du moins définir au maximum les obligations
dont la violation constitue un crime international”.
610 Certains auteurs concordent sur le fait que l’article 19 du Projet représente un premier effort de
création d’une systématique totalement nouvelle, mais ils en tirent des conséquences exactement
opposées sur la position qu’il faudrait réserver aux normes pénales: ces règles devraient être considérées
à part et trouver leur place dans un projet séparé, exclu du Projet sur la responsabilité générale des États,
sous peine, autrement, de risquer de faire écrouler le Projet même dans son ensemble (voir J. BARBOZA,
International Criminal Law, cit., p. 100, qui affirme que: “We are, then, dealing, with a de lege ferenda
exercise or, if preferred, one of progressive developpement of the law. Such being the case, caution must
be had in proposing the incorporation in the draft articles on State responsibility of a notion which might
very well lead to the collapse of the whole project. From that point of view, the separation of State crimes
from States responsibility seems advisable.”).

175
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

normes primaires, qui n’auraient rien à voir avec la responsabilité pour fait illicite,
laquelle relèverait, exclusivement, du domaine des règles secondaires.611
Or, s’il est vrai que les normes primaires du droit international sont différentes des
règles secondaires, il ne s’agit pas, tout de même, de normes séparées, qui n’ont rien à
voir avec la responsabilité pour conduite illicite. Quoiqu’il fasse conserver la distinction
entre les règles primaires et les règles secondaires, il existe une liaison stricte entre les
deux domaines.612
Les normes primaires, en générant des obligations, créent, implicitement, la
responsabilité des États pour la violation: la responsabilité est déjà contenue dans la
position de l’obligation à la charge d’un sujet, autrement il n’y aurait pas d’obligation.
Les normes secondaires détaillent les violations des obligations créées par les normes
primaires et déterminent les conséquences qui en découlent de façon explicite. Les
règles secondaires ne surgissent pas du néant, mais elles naissent des règles primaires:
le lien est très étroit. Les normes secondaires du Projet sur la responsabilité des États,
notamment, tendent à mettre de l’ordre dans la matière primaire, par sa nature non
organique et asymétrique, afin de créer une théorie générale qui puisse constituer le
pendant des normes primaires.613 Lorsqu’il s’avère nécessaire, le Projet s’occupe aussi
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611 Voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 87. Voir, aussi, la position de la France sur
cette question dans l’affaire Rainbow Warrior (Trib. Arb., Rainbow Warrior, Nouvelle Zélande/France,
sentence du 30 avril 1990, in R.G.D.I.P., 1990, t. 94, n. 3, p. 850, § 74). Sur l’adoption de la distinction
entre règles primaires et règles secondaires dans le Projet d’articles sur la responsabilité des États voir R.
Ago, Deuxième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 327, § 66 s.; J. Crawford, Premier rapport
sur la responsabilité des États cit., p. 4-5, § 12-18; Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux
de la C.D.I. de sa vingt-cinquième session, doc. A/9334, in A.G., doc. off., 28ème sess., 1973, Annexes,
point 89 de l’ordre du jour, p. 5-6, § 27-35.
612 Selon l’opinion de la C.D.I., telle qu’on peut la lire in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur le travaux de sa
vingt-huitième session, cit., p. 66, “seules les règles dites secondaires font partie du domaine propre de la
responsabilité. Une distinction rigoureuse dans ce domaine est indispensable pour qu’il soit possible de
centrer le sujet de la responsabilité internationale et le voir dans son intégralité. Cela ne signifie
nullement que le contenu, la nature et la portée des obligations mises à la charge des États par les règles
‘primaires’ du droit international soient sans incidence dans la détermination des règles régissant la
responsabilité”. Selon W. Riphagen, Troisième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/354
et Add.1-2, cit., p. 32, § 35-36, “les règles dites ‘primaires’ et les règles dites ‘secondaires’ sont
étroitement et même indissociablement liées. En fait chaque règle primaire – en tant qu’expression de ce
qui devrait être – pose nécessairement la question suivante: que se passerait-il si ce qui est n’est pas
conforme à ce qui devrait être en vertu de cette règle primaire?”. L’auteur en va même jusqu’à postuler
l’existence de la catégorie des normes tertiaires, procédurales, de “mise œuvre de la responsabilité des
États” (voir W. Riphagen, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/366 et Add.1,
cit., p. 10, § 49). D’après J. CRAWFORD, Revisiting the Draft Articles on State Responsibility, cit., p.
439, 446, l’extension et l’importance du Projet sur la responsabilité des États, qui constitue une théorie
générale de normes secondaires, repose sur le contenu des normes primaires. Selon A. YAHI, La
violation d’un traité: l’articulation du droit des traités et du droit de la responsabilité internationale, cit.,
p. 938, il faut reconnaître que “les domaines du droit des traités et du droit de la responsabilité des États
ne sont pas séparés par des cloisons étanches mais ils se rejoignent au contraire dans la question des
réactions unilatérales”. D’après P.-M. DUPUY, Attribution Issues in State Responsibility – Commentary,
in Proc. A.S.I.L., 1990, p. 72, “we must keep in mind the narrow relations existing between certain
primary and certain secondary rules ”. Dans le même ordre d’idées, voir G. ABI-SAAB, The Uses of
Article 19, cit., p. 342, note 7. Sur la question voir, aussi, P.-M. DUPUY, Droit des traités, codification et
responsabilité internationale, in A.F.D.I., 1997, XLIII, p. 7 s. Sur le lien entre le droit des traités, le droit
coutumier et le droit de la responsabilité des États voir, en jurisprudence, Trib. Arb., Rainbow Warrior,
Nouvelle Zélande/France, sentence du 30 avril 1990, in R.G.D.I.P., 1990, t. 94, n. 3, p. 851, § 75.
613 Voir les considérations introductives. Voir aussi C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-
huitième session, cit., p. 67, où l’on lit que le Projet d’articles, faisant partie des normes secondaires,
“codifie les règles qui régissent en général la responsabilité des États pour faits internationalement

176
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS: L’INFRACTION

des conduites typiques particulières, ce qui pourrait amener non seulement à une
synthèse, mais aussi à des modifications substantielles du système juridique primaire en
place.614
L’article 19 du Projet implique un jeu complexe de liens normatifs et la prévision
des conduites illégitimes du paragraphe 3 n’est pas hors lieu car, quoiqu’il s’occupe de
certaines obligations spécifiques du droit international, qui relèvent du domaine des
règles primaires, il le fait, légitimement, du point de vue de la violation.615

Conclusion.
La mise en place d’un ordre de droit international pénal qui responsabilise les États
impose la définition des limites du système. L’article 19 du Projet sur la responsabilité
des États adopté par la C.D.I. en première lecture, en 1996, intégré par l’article 40 § 3,
esquisse ces limites du point de vue de la théorie générale ainsi que des figures
criminelles spécifiques.616 Du côté de la théorie générale les principes fondamentaux
pour délimiter le domaine de la responsabilité pénale des États consistent dans
l’importance de l’obligation violée, qui doit être essentielle pour la sauvegarde des
intérêts fondamentaux de la communauté internationale, ainsi que dans sa validité erga
omnes indivisible au sens absolu, car tous les États de la communauté internationale
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doivent être lésés par la violation et peuvent, ou doivent, réagir (article 53). Le premier
critère tient au contenu de l’obligation, le deuxième à sa forme: ces deux principes sont
strictement liés et indispensables à la définition du crime étatique. Le principe de la
validité erga omnes absolue indivisible de l’obligation violée n’est pas suffisant, en soi,
pour définir un crime de l’État, car certaines infractions ordinaires, aussi, peuvent léser
une obligation erga omnes indivisible absolue: pour qu’une violation de l’État constitue
un crime il faut, en plus, que l’intérêt protégé par l’obligation erga omnes indivisible
absolue soit fondamental pour la communauté internationale.

illicites, et non pas seulement par rapport à certains secteurs particuliers”. En doctrine voir J.
CRAWFORD, On Re-reading the Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 295.
614 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 67 (où on lit que “il
faut de même tenir compte de la distinction à faire entre certaines obligations et d’autres à propos de leur
objet et du résultat qu’elles visent si l’on veut pouvoir déterminer dans chaque cas si l’on est ou non en
présence d’une violation accomplie d’une obligation internationale [...] Le Projet ne manquera pas de
mettre en évidence ces différents aspects des obligations internationales dans tous les cas où il s’avérera
nécessaire de le faire du point de vue de la codification des règles qui régissent la responsabilité
internationale”), p. 110 (en ce qui concerne l’incidence des règles secondaires sectorielles sur les règles
primaires). Selon une partie de la doctrine, par exemple, l’article 14 (Comportement d’organes d’un
mouvement insurrectionnel) § 3 du Projet de 1996 constituerait une véritable norme primaire de droit
international, en raison de son contenu particulier (voir D.D. CARON, State Responsibility in the I.L.C.
Draft Articles on State Responsibility: Insights from Municipal Experience with Corporate Crimes, cit.,
p. 312).
615 Voir R. Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 55, d’après lequel, dans le
procès de définition des crimes internationaux, il faut “prendre en considération le contenu des
obligations découlant des ‘règles primaires’ du droit international. Dans ses rapports, la C.D.I. a mis en
évidence cette nécessité, qui a été aussi reconnue par l’Assemblée générale. Il ne saurait en être
autrement puisque c’est en fonction du contenu desdites obligations qu’il s’agit d’établir les différentes
catégories d’infractions”. Sur le régime de la responsabilité par rapport aux règles primaires découlant
des traités voir P. WEIL, Écrits de droit international, Paris, P.U.F., 2000, p. 203 s. Voir aussi C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-huitième session, cit., p. 65. En revanche, une partie de la
doctrine affirme que: “The attempt at the definition made in article 19 has been qualified as ‘circular’. In
our opinion, more than circular it is a simple – and in the case rather frustrating - renvoi to international
practice...” (voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 86).
616 Voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 340.

177
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

L’article 40 §1 du Projet sur la responsabilité des États de 2001 définit la catégorie


des infractions majeures étatiques comme violations du ius cogens, ayant, par sa nature
même, une valeur erga omnes absolue indivisible, et défendant les intérêts
fondamentaux de la communauté internationale. Le caractère indivisible de l’obligation
violée, entraînant la possibilité, ou le devoir, d’une réaction collective, est réaffirmée
aux articles 41, 42 b) et 48 § 1 b) du Projet. 617
L’adoption du critère de la violation d’une obligation erga omnes absolue indivisible
lie indissociablement la notion d’infraction majeure, voire pénale, étatique, au concept
de ius cogens dans le cadre des principes généraux du droit international, d’origine
coutumière: le crime de l’États serait nécessairement universel. Au sein de cette
doctrine certains auteurs soutiennent que le domaine des crimes des États est plus
restreint que celui du ius cogens, tandis que, selon d’autres auteurs, la catégorie du ius
cogens coïncide avec celle des crimes des États.618
Au niveau des sources conventionnelles relatives, en revanche, il faut entendre le
concept d’obligation erga omnes comme obligation erga omnes contractantes, c’est à
dire comme obligation qui lie un État à tous les autres États qui s’engagent à suivre une
convention déterminée. Par la voie de l’accord, préférablement du traité, qui offre les
garanties formelles nécessaires, les États peuvent mettre sur pied un système qui les
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

responsabilise pénalement en définissant quelles obligations sont erga omnes et


indivisibles entre eux et quelles, parmi les obligations erga omnes indivisibles,
défendent des intérêts tellement importants qu’elles méritent une tutelle d’ordre pénal.
L’affirmation coutumière de la responsabilité pénale étatique pose le problème de
l’absence des garanties formelles nécessaires à la définition du crime. La création de la
même responsabilité par le biais du traité ne peut pas dépasser les limites de la
relativité. Pour imposer un système complète, formel et universel, de la responsabilité
pénale étatique, il faudrait élaborer une convention de codification d’une pratique
coutumière criminelle déjà généralisée, capable ensuite de s’imposer à l’ensemble de la
communauté internationale par sa nature, notamment en raison du nombre des États
participant, ou par sa fonction de guide d’une pratique constante et conforme des États.
Du côté de la partie spéciale du crime, l’article 19 § 3 du Projet sur la responsabilité
des États de 1996, conformément aux principes définis aux paragraphe 2 et dans les
limites interprétatives remarquées, repère les infractions spécifiques dans la violation
d’une obligation essentielle pour le maintien de la paix, pour la sauvegarde du droit à
l’autodétermination des peuples, pour la sauvegarde de l’être humain, ainsi que pour la
sauvegarde de l’environnement, définissant, ainsi, une esquisse de la partie spéciale de
l’infraction criminelle étatique.

617 Voir A. PELLET, Les articles de la C.D.I. sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement
illicite – Suite et fin?, cit., p. 15.
618 Sur la question du rapport entre le crime de l’État et le ius cogens voir G. CARELLA, La
responsabilità dello Stato per crimini internazionali, cit., p. 265-266; C. DOMINICÉ, The International
Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 353 s.

178
CHAPITRE 4
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

Introduction. § 4.1. La procédure de règlement des différends dans le Projet de la Commission du


droit international sur la responsabilité des États. § 4.2. Quelques considérations sur la procédure
de jugement, en droit international général, dans l’optique du crime international de l’État:
individuelle ou collective, horizontale (décentralisée) ou verticale (centralisée). § 4.3. Les sanctions
envisagées par le Projet sur la responsabilité des États. § 4.4. Considérations brèves sur la nature
de la peine et sur son application en droit international général. § 4.5. Analyse de la nature des
sanctions prévues en droit international général. § 4.6. La gravité supérieure des sanctions
criminelles dans le Projet sur la responsabilité des États de 1996. § 4.7. La forme de la sanction,
notamment criminelle, en droit international général. § 4.8. Les contre-mesures comme procédure
d’exécution des sanctions dans le cadre du Projet sur la responsabilité des États. § 4.9. La nature
des contre-mesures en droit international général. § 4.10. L’exécution de la sanction criminelle des
États en droit international général: individuelle ou collective, horizontale (décentralisée) ou
verticale (centralisée). § 4.11. Le rapport entre le Projet sur la responsabilité des États et la Charte
des Nations Unies, notamment le crime contre la paix et le déclenchement des réactions du chapitre
VII de la Charte des Nations Unies. Conclusion.

Introduction.
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La commission d’une infraction engendre une procédure de jugement et, en cas


d’avis positif sur la responsabilité, une sanction et une procédure d’exécution: tous ces
éléments se conforment à la nature de la violation. En résumant, l’acte illicite civil, dans
les ordres juridiques internes, est poursuivi en justice par le biais d’un procès entamé
par la partie lésée, qui oppose l’auteur de l’infraction à la victime: en cas de
condamnation, le responsable est tenu, essentiellement, à réparer le dommage causé et
la procédure d’exécution, déclenchée en cas de non-acquittement de la sanction,
consiste à obtenir l’exécution de la réparation due. En revanche, l’acte illicite pénal est
traduit en justice par le biais d’un procès entamé et poursuivi par un organe qui prend la
défense de la victime au nom de l’ensemble de la communauté lésée, notamment le
procureur dans le modèle de Common Law, le magistrat d’instruction dans le modèle de
Civil Law: en cas de condamnation, la sanction principale consiste dans la privation de
la liberté personnelle ou dans le payement d’une amende en faveur de la communauté et
la procédure d’exécution consiste dans l’emprisonnement du sujet condamné ainsi que
dans la récupération de l’amende due, en cas de non-acquittement.619 Étant donnée cette
schématique, même très simplifiée, il est facile de comprendre que l’analyse de la
procédure de jugement, ainsi que de la sanction et de la procédure d’exécution, peuvent
éclairer la nature de l’infraction. Ces considérations valent aussi pour l’acte
internationalement illicite.
Dans ce chapitre nous poursuivons l’étude objective en considérant la procédure de
jugement, la sanction et la procédure d’exécution qui suivent au crime international de
l’État.620 Tout d’abord nous pouvons élaborer, ainsi, un cadre systématique complet de
la responsabilité criminelle étatique du point de vue objectif. En outre cette analyse doit
permettre de mieux déterminer la nature de la responsabilité majeure des États.621 Nous

619 Sur la différence entre la procédure de jugement et la sanction en droit civil et en droit pénal dans les
ordres internes voir H.L.A. HART, The Concept of Law (Il concetto di diritto), cit., p. 104-105.
620 Sur la relation entre les “crimes ” des États et un régime de conséquences spéciales en termes de
procédure et de sanction voir G. GAJA, Should All References to International Crimes Disappear from
the I.L.C. Draft Articles on State Responsibility?, cit., p. 368. Voir, aussi, A. PELLET, Can a State
Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 430 s.
621 Dans le sens que la responsabilité des États doit être définie à partir de la sanction voir Ch.
ROUSSEAU, La protection diplomatique, Cours de droit international, Paris, 1962-1963, p. 7; F.
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

développons ce type d’analyse en considérant la pratique coutumière générale des


relations internationales autant que le système défini par le Projet de la C.D.I. sur la
responsabilité des États, qui, d’ailleurs, s’inspire des principes généraux en essayant de
les rationaliser. Nous ne manquons pas de considérer les relations entre les procédures
définies par le Projet de la C.D.I. et celles mises en place par d’autres textes de droit
international, notamment le procès impliquant le C.d.S., qui est explicitement rappelé
par le Projet sur la responsabilité des États.

§ 4.1. La procédure de règlement des différends dans le Projet de la Commission


du droit international sur la responsabilité des États.
Le mécanisme de réglementation des différends, envisagé dans la deuxième et la
troisième partie du Projet sur la responsabilité des États de 1996, s’inspire largement de
la pratique générale du droit international, mais propose, en même temps, quelques
importants éléments de nouveauté, surtout en ce qui concerne la possibilité de recourir à
l’arbitrage.622
Il faut souligner que la deuxième et la troisième parties du Projet n’ont pas étés
élaborées en même temps que la première partie, concernant les violations, ni par les
mêmes auteurs, donc on doit prendre les indications avec une certaine prudence et il se
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

peut qu’il existe des fautes de coordination entre les différentes parties.623
Le but de l’analyse consiste à comprendre le type de système procédural mis en
place pour les infractions criminelles: une vision d’ensemble préliminaire est
indispensable.
Classiquement le Projet prévoit le recours à la négociation (article 54) et envisage la
possibilité des bons offices et de la médiation comme première réponse au fait illicite
international (article 55).
Au cas où la négociation n’aboutirait pas à la solution du différend, l’État lésé
pourrait avoir recours à l’adoption d’une sanction à titre d’autodéfense. En effet, même
si le Projet de 1996 ne contient aucune disposition expresse concernant l’invocation de

PRZETACZNIK, La responsabilité internationale de l’État à raison des préjudices à caractère moral


causés à un autre État, cit., p. 921-922.
622 Pour un encadrement général de la deuxième et troisième partie du Projet voir W. Riphagen, Rapport
préliminaire sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/330, cit., p. 105 s.; W. Riphagen, Quatrième
rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/366 et Add. 1, cit., p. 8 s., § 3 s.; C.D.I., Comptes
rendus analytiques des séances de la trente-cinquième session, 3 mai-22 juillet 1983, in Ann. C.D.I.,
1983, vol. I, p. 1-342; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-deuxième session, 5 mai-25
juillet 1980, in Ann. C.D.I., 1980, vol. II, 2ème partie, p. 60-61, § 35-48; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les
travaux de sa trente-troisième session, 4 mai-24 juillet 1981, doc. A/36/10, in Ann. C.D.I., 1981, vol. II,
2ème partie, p. 143-146; G. Arangio-Ruiz, Rapport préliminaire sur la responsabilité des États, doc.
A/CN.4/416 et Add.1, cit., p. 6 s.; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarantième session, 9
mai-29 juillet 1988, in Ann. C.D.I., 1988, vol. II, 2ème partie, p. 110 s.; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les
travaux de sa quarante et unième session, 2 mai-21 juillet 1989, in Ann. C.D.I., 1989, vol. II, 2ème partie,
p. 80-83; G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/453 et Add.1-
3. Pour un encadrement général des conséquences, substantielles et procédurales, des crimes, voir, C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-cinquième session, doc. A/48/10, cit., p. 120-157, § 283-
333. Pour un encadrement des sanctions et des mesures exécutives conséquentes aux crimes voir G.
Arangio-Ruiz, Sixième rapport sur la responsabilité des États, Add.1, doc. A/CN.4/461/Add.1, cit., p. 1-
7. Sur les conséquences du crime étatique voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité
des États, doc. A/CN.4/469. Pour une vision critique de la deuxième partie du Projet voir C.D.I., Rapport
à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-deuxième session, doc. A/55/10, cit., p. 15, § 49.
623 Sur le fait que le Projet n’a jamais été travaillé dans son ensemble et sur la différence entre ses parties
voir J. CRAWFORD, On Re-reading Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 295. Pour une
présentation générale et critique de la deuxième et de la troisième partie du Projet voir A. PELLET,
Remarques sur une révolution inachevée, cit. p. 15 s.

180
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

la responsabilité par l’État lésé, on doit déduire cette possibilité de l’article 47 § 1,


définissant les contre-mesures comme actions fonctionnelles à l’exécution des sanctions
contemplées aux articles 41-46.624 En cas de crime, par déduction des articles 40 §3 et
53, il faut estimer que tous les États de la communauté internationale peuvent porter un
jugement sur la responsabilité de l’État criminel.
Alternativement, les États en conflit pourraient se remettre au mécanisme
traditionnel de la conciliation (articles 56-57 et annexe I).625
En cas d’échec de la conciliation, les États gardent la possibilité de recourir à
l’arbitrage, solution que l’État frappé d’une éventuelle contre-mesure peut saisir de
façon unilatérale (articles 58-59 et annexe II).626

624 Le Projet de la C.D.I. accueille, ainsi, le principe “inadimplenti non est adimplendum” typique de la
pratique générale des relations internationales, de sorte que l’État assume une fonction de type judiciaire
(voir A. YAHI, La violation d’un traité: l’articulation du droit des traités et du droit de la responsabilité
internationale, cit., p. 438, 441). Une partie de la doctrine remarque que cette solution peut se révéler, en
cas de crime de l’État, très chaotique, entraînant, aux termes de l’article 40 § 3, un jugement par tous les
États de la communauté internationale (voir D.W. BOWETT, Crimes of States and the 1999 Report of the
I.L.C. on State Responsibility, cit., p. 171). Déjà le cinquième rapport de W. Riphagen, contenant les
articles 5-16 de son Projet, envisageait largement la réponse autonome de l’État lésé en contre-mesure,
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après l’épuisement des tentatives de règlement pacifique du différend (voir W. Riphagen, Cinquième
rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/380, cit., p. 8-15; voir, également, le texte commenté
des articles in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-sixième session, 7 mai- 27 juillet 1984,
in Ann. C.D.I., 1984, vol. II, 2ème partie, p. 103-104; C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la
trente-septième session, cit., p. 82 s.; W. Riphagen, Sixième rapport sur la responsabilité des États, doc.
A/CN.4/389, cit., p. 3 s.). Le septième rapport de Riphagen, enfin, contenant 5 articles et une annexe de
la troisième partie du Projet, définissait les moyens procéduraux d’adoption des contre-mesures ainsi que
les conséquences (voir W. Riphagen, Septième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/397 et
Add.1, cit., p. 2-3; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-huitième session, 5 mai-11 juillet
1986, in Ann. C.D.I., 1986, vol. II, 2ème partie, p. 37-38; C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances
de la trente-huitième session, 5 mai-11 juillet 1986, in Ann. C.D.I., 1986, vol. I, p. 60-61; C.D.I., Rapport
à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 137-206, § 320 s.). Sur la liberté de l’État
de juger de façon autonome la lésion subie et d’agir en réaction avant qu’une éventuelle action judiciaire
concertée ne soit entamée voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, cit., p.
22 s., § 27 s.; G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/469, cit.,
p.49, § 131; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 149 s., § 352
s.; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-huitième session, cit., p. 382-488; J. Crawford,
Troisième rapport sur la responsabilité des États, Add. 3, cit., p. 1-42, § 285-367. D’après H. KELSEN,
Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtvissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del
diritto), cit., p. 151, l’État lésé, dans le mécanisme de l’autodéfense, est appelé à effectuer une évaluation
de type judiciaire, car il doit décider s’il se trouve en face d’un acte illicite dont un autre État serait
responsable. En jurisprudence voir Trib. Arb., Interprétation de l’accord aérien du 27 mars 1946,
sentence du 9 décembre 1978, États-Unis d’Amérique/France, in R.S.A., vol. XVIII, p. 454 s., § 91-94.
Sur le rapport entre l’action en contre-mesure et les procédures de règlement des différends par tierce
personne voir l’article 12 de la deuxième partie du Projet élaborée par G. Arangio-Ruiz en 1992,
antécédent de l’article 48 § 1er, in G. Arangio-Ruiz, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, cit.,
doc. A/CN.4/444. Voir, aussi, G. Arangio-Ruiz, Sixième rapport sur la responsabilité des États, doc.
A/CN.4/ 461, cit., p. 1-2. Sur la possibilité qu’un État inflige une peine à l’État auteur de l’infraction voir
l’opinion de P. Reuter in C.D.I., Comptes rendus analytiques de sa trente-troisième session, 4 mai-24
juillet 1981, in Ann. C.D.I., 1981, vol. I, p. 201, § 28.
625 Ce mécanisme s’inspire du procès mis en place par la Convention de Vienne sur le droit des traités du
23 mai 1969 qui prévoit, en cas de violation d’un traité par un État partie, un délai de quinze mois pour
aboutir à une solution négociée du différend (article 65), faute de quoi, l’obligation de se remettre à une
procédure de conciliation, détaillée dans une annexe, de la durée maximale de 12 mois.
626 Sur la relation entre l’adoption des contre-mesures et le recours à l’arbitrage, dans le sens d’exclure
l’arbitrage obligatoire, voir J. CRAWFORD, On Re-reading the Draft Articles on State Responsibility,
cit., p. 298-299. Quant à l’organe arbitral, il pourra s’agir d’un chef d’État, tiers par rapport aux parties en
litige, d’une commission mixte, composée des représentants des parties en litige (commission mixte
arbitrale, commission de conciliation), ou bien d’un tribunal arbitral, qui comprend, toujours, un ou

181
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Finalement, en cas de désaccord sur la sentence arbitrale, les États peuvent l’attaquer
devant un autre tribunal, établi de commun accord, ou, en cas de mésentente, devant la
C.I.J. (article 60 § 1). La C.I.J. peut confirmer ou annuler, totalement ou partiellement,
la sentence arbitrale. Sur les question non résolues par l’annulation de la C.I.J., les
parties peuvent avoir recours de nouveau à l’arbitrage (article 60 § 2).627
Exceptionnellement, en cas de violation de la paix, l’article 39 du Projet permet le
déclenchement des procédures onusiennes, notamment l’action du C.d.S. réglée au
chapitre VII de la Charte de l’O.N.U.628
Le Projet adopté en 2001 se limite à régler la seule action étatique en contre-mesure
comme réaction aux faits internationalement illicites des États, car il ne détaille aucune
forme de réglementation par tierce partie. Les normes règlent la position de l’État ou
des États lésés ayant le pouvoir de juger si un fait illicite a été commis, de le
sanctionner et d’invoquer la responsabilité de l’État auteur de l’infraction (Troisième
partie du Projet, Chapitre 1, Invocation de la responsabilité de l’État, articles 42-48).629
En cas de responsabilité majeure pour violation d’une norme de ius cogens tous les
États de la communauté internationale peuvent porter un jugement sur la responsabilité
de l’État auteur de la violation, en vertu de l’article 42 b), suivant lequel: “Un État est
en droit en tant qu’État lésé d’invoquer la responsabilité d’un autre État si l’obligation
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violée est due […] à la communauté internationale dans son ensemble”, en vertu de
l’article 48 § 1 b), aux termes duquel “tout État autre que l’État lésé est en droit
d’invoquer la responsabilité d’un autre État, si […] l’obligation est due à la
communauté internationale dans son ensemble” et, finalement, en vertu de l’article 54.
La possibilité du recours aux moyens de réglementation des différends par tierce partie
est contemplée, de façon générique, à l’article 52 § 3 b), prévoyant que le recours aux
instances habilitées à rendre des décisions obligatoires empêche ou suspend l’adoption
des contre-mesures.

§ 4.2. Quelques considérations sur la procédure de jugement, en droit


international général, dans l’optique du crime international de l’État: individuelle
ou collective, horizontale (décentralisée) ou verticale (centralisée).
Il faut souligner que, en conformité avec l’ordre juridique international actuel, la
procédure de jugement est de type horizontal, confiée, principalement, aux États, par le

plusieurs membres tierces par rapport aux parties en conflit (voir E. DECAUX, Arbitrage entre sujets de
droit international: États, et Organisations Internationales – Organe arbitral, in P. KAHN, L. VOEGEL,
Jurisclasseur de droit international, Paris, Lexisnexis, H. Vouzelland éd., 2003, t. 4, fasc. 247, p. 2-12, §
4-29). Sur l’arbitrage international voir l’adresse Internet ‹http://www.pca.cpa.org› (site de la Cour
permanente d’arbitrage).
627 La réglementation des conflits en trois phases a été instituée par le Projet proposé en 1993 par G.
Arangio-Ruiz (voir le texte in G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.1,
p. 1-8; voir, aussi, C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 184 s.;
C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-cinquième session, A/48/10, cit., p. 107-120, §
258-282). L’article 5 de la deuxième partie du Projet, présentée par G. Arangio-Ruiz dans son quatrième
rapport, accordait un rôle plus important à la C.I.J. (voir le texte de l’article in G. Arangio-Ruiz,
Quatrième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/444).
628 Sur l’article 39 du Projet voir, dans un ordre d’idées fortement critique, G. ARANGIO-RUIZ, Fine
prematura del ruolo preminente di studiosi italiani nel progetto di codificazione della responsabilità
degli Stati: specie a proposito di crimini internazionali e dei poteri del Consiglio di sicurezza, cit., p. 117
et 121. Sur la coordination entre l’action du Conseil de sécurité et les crimes internationaux voir C.D.I.,
Comptes rendus analytiques des séances de la vingt-huitième session, cit., p. 78, § 38, p. 87, § 12.
629 Sur les dispositions du Projet de 2001 voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-
troisième session, cit., p. 344-349.

182
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

biais des contre-mesures ou de l’acceptation volontaire de la juridiction par tierce


partie, tant dans le Projet de 1996 que dans celui de 2001.
Même en demeurant sur le plan d’un jugement purement horizontal, tant le Projet de
1996 que celui de 2001 créent une distinction entre le jugement des délits, ou des
infractions ordinaires, et celui des crimes, ou des infractions majeures. En effet, étant
donné que les infractions majeures violent les droits de l’ensemble de la communauté
internationale, donc le ius cogens, tous les États sont autorisés à porter un jugement sur
l’État responsable (articles 40 § 3, 47 § 1 et 53 du Projet de 1996, articles 42 b), 48 § 1
b) et 54 du Projet de 2001). On retrouve, donc, sur le plan des violations majeures, la
caractéristique du jugement de l’infraction pénale porté par l’ensemble de la
communauté internationale.
Le jugement sur la responsabilité majeure étatique est, donc, d’ordre collectif, mais
décentralisé: l’absence d’un critère de verticalité de la procédure, par le biais d’un
organe central, engendre une organisation anarchique.630
Dans le Projet de 1996, notamment, la juridiction obligatoire peut être déclenchée
seulement par l’État frappé d’une contre-mesure.631 Ce mécanisme a très peu de chance
d’être exploité, car il exige que l’État qui a commis l’acte illicite principal introduise le
recours, ce qui l’amènerait à une auto-condamnation.632 Tout de même, les opinions de
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la doctrine sont partagées sur ce sujet. Selon certains auteurs, le mécanisme en question
avantagerait l’État auteur du fait illicite et pousserait l’État lésé à agir en contre-mesure
en vue d’obtenir le recours de la contre-partie à la solution arbitrale.633 Selon une autre
partie de la doctrine, en revanche, cette solution bouleverserait le fonctionnement de la
justice internationale, introduisant le principe de la juridiction obligatoire et permettant
de parvenir jusqu’à la C.I.J. en vertu du recours contre les décisions arbitrales.634
Sûrement l’article 4 de la troisième partie du Projet adoptée par W. Riphagen en
1986 était plus avancé en matière de juridiction obligatoire. Il prévoyait la faculté d’un
État de recourir unilatéralement à la C.I.J. au cas où il aurait été frappé d’une contre-
mesure violant une obligation de ius cogens (article 4 a)), ou bien de saisir le secrétaire
général des N.U., ayant le pouvoir d’amener le différend devant une commission de
conciliation, au cas où il aurait été frappé d’une contre-mesure quelconque (article 4 c)).

630 Conformément voir W. Ripaghen, Troisième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 57, § 150.
En doctrine, sur cette question, voir P.-M. DUPUY, Observation sur le “crime international de l’État”,
cit., p. 479 s.; P.-M. DUPUY, Observations sur la pratique récente des “sanctions” de l’illicite, cit., p.
523; G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo preminente di studiosi italiani nel progetto di
codificazione della responsabilità degli Stati: specie a proposito di crimini internazionali e dei poteri del
Consiglio di sicurezza, cit., p. 127; A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit. p. 26.
Selon D. ALLAND, Justice privée et ordre juridique international, cit., p. 357-351, il serait difficile de
concilier la logique de la défense de l’ordre public, qui s’attache à la défense du droit objectif, avec la
logique des relations juridiques inter-étatiques, où s’éparpille le pouvoir d’auto-appréciation.
631 Sur le recours unilatéral indirect à la juridiction obligatoire voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport
sur la responsabilité des États, cit., p. 36 s., § 48 s. Sur l’impossibilité d’adopter les mécanismes de la
juridiction obligatoire directe et la nécessité mettre en place une forme de juridiction obligatoire indirecte
voir J. DEHAUSSY, Travaux de la C.D.I., (quarante-cinquième session), in A.F.D.I., 1993, XXXIX, p.
742-743; R. ROSENTSTOCK, The Forty-fifth Session of the I.L.C., in A.J.I.L., 1994, january, vol. 88, n.
1, p. 136.
632 Dans cet ordre d’idées voir D.W. BOWETT, Crimes of State and the 1996 Report of the I.L.C. on
State Responsibility, cit., p. 163, qui remarque que, en cas de crime de l’État, l’application de ce principe,
en vertu de l’article 40 § 3, pourrait amener en justice tous les États de la communauté internationale en
rendant l’action procédurale pratiquement impossible.
633 Voir J. Crawford, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 4, § 10; C.D.I., Rapport à
l’A.G. sur les travaux de sa cinquante et unième session, doc. A/54/10, cit., p. 156, § 432-434.
634 Voir C. LEBEN, Contre-mesures, in D. CARREAU et al., (sous la dir. de), Encyclopédie juridique
Dalloz – Répertoire de droit international, Paris, Dalloz, 1998, t. I, p. 14, § 104-105.

183
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

L’alinéa b) contemplait, tout court, la possibilité du recours unilatéral à la C.I.J. en cas


de crime de l’État.635
La solution horizontale est uniforme: elle s’applique à tous les faits illicites
internationaux, délits ou crimes. Aucune action différente, de type “vertical”, n’est
envisagée pour les crimes: les mécanismes de réglementation des différends envisagés
par le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États n’ont aucune caractéristique du
procès pénal.636
Pourtant, la Sixième Commission de l’A.G.N.U. avait envisagé, au cours de ses
débats, une solution procédurale spéciale, apte au jugement des crimes
internationaux.637
Dans le cadre du Projet de la C.D.I., l’absence de verticalité dans la procédure de
jugement est le maillon faible de l’approche pénal à la catégorie des crimes étatiques, la
seule exception étant constituée par le déclenchement de l’action du Conseil de sécurité
dans le système onusien, tout de même relatif. Certaines doctrines, suivies par les États
qui n’appuient pas la notion de crime collectif, en déduisent que le Projet ne prévoit pas
une réelle responsabilité pénale des États.638
Notamment on relève que l’absence d’une autorité centrale capable de juger les
crimes étatiques et d’une force de police nécessaire pour l’exécution de la sanction,
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pendant de l’inexistence d’un pouvoir central capable de créer les lois criminelles, dans
l’ordre international général, empêcherait la codification d’une procédure pénale
étatique.639 Ce raisonnement est tout à fait correcte, toutefois, en le suivant jusqu’au
bout, on ne pourrait même pas affirmer l’existence d’une juridiction civile dans l’ordre
international, puisque même les lois civiles sont organisées par le pouvoir central et la
juridiction est centralisée. Cependant une référence juridictionnelle civile dans le
domaine international peut être repérée dans la C.I.J. Il est question de s’entendre: ou
l’on utilise les catégories générales du droit interne, et, plus précisément, celle de la
responsabilité, pour mieux comprendre les enjeux à résoudre et chercher des solutions
dans le domaine du droit international, en perspective de iure condendo, ou bien l'on
renonce à l’utilisation de ces catégories, en considérant le droit international totalement
autre par rapport au droit interne.640 En général, les catégories des droits internes,
civiles ou pénales, ne peuvent pas être transplantées, à l’identique, en droit
international, mais on peut en tirer des indications d’ordre général. La solution
meilleure consiste à utiliser ces catégories de référence, tout en tenant compte des

635 Voir le texte du Projet in W. Ripaghen, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 2-3.
636 Voir J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États, Add.1, cit., p. 2, § 43, Add.3, cit., p.
6-7, § 86. Voir, aussi, J. CRAWFORD, On Re-reading the Draft Articles on State Responsibility, cit., p.
296; M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crimes”: une responsabilité pénale?, cit., p. 101.
637 Voir Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur les travaux de la C.D.I. de sa trentième session, doc.
A/33/419, in A.G., doc. off., 33ème sess., 1978-1979, Annexes, point 114 de l’ordre du jour, p. 28, § 152;
Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la quarante-huitième session, sur les
travaux de la C.D.I. de sa quarante-cinquième session, doc. A/CN.4/47, in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N94/028/80/PDF/N9402880.pdf?OpenElement›, p. 82-85, § 369-376.
638 Voir K. MAREK, Criminalizing State Responsibility, cit., p. 461.
639 Sur la question de l’absence d’une procédure pénale internationale contraignante pour les États sur le
modèle des procédures nationales voir G. GILBERT, The Criminal Responsibility of States, cit., p. 351;
G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 44-50, § 128.
640 En faveur de cette dernière solution voir C. LEBEN, Les sanctions privatives de droits ou de qualité
dans les organisations internationales spécialisées, Bruxelles, Bruylant, 1979, p. 43; C. LEBEN, Les
contre-mesures inter-étatiques et les réactions à l’illicite dans la société internationale, in A.F.D.I., 1982,
XXVIII, p. 20 s., où l’on affirme que le droit international ne connaît pas de sanctions, ni civiles, ni
pénales, ni d’autres.

184
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

spécificités de la matière internationale.641 Nous croyons à l’unité systématique du


droit: on ne saurait pas créer une césure totale entre les systèmes internes et le système
international, car ils sont étroitement liés dans une vision moniste admettant la primauté
de l’ordre international.642 Dans un tel cadre les catégories générales du droit ne
peuvent pas être propres aux seuls droits internes, mais elles doivent être communes à
tous les systèmes juridiques: elles constituent des outils précieux pour l’analyse
systématique, sans lesquelles nous ne saurions pas avancer.
Or, sur la question spécifique de la procédure de jugement des crimes, force est de
constater que, dans le Projet sur la responsabilité des États, en point de verticalité,
l’action pour les crimes n’a pas les caractéristiques de l’action pénale (exception faite
pour les États membres des N.U., soumis à l’autorité du Conseil de sécurité), car les
auteurs du Projet se sont appuyés sur le droit international général, essentiellement
horizontal.643

641 Voir C. DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breaches of Multilateral
Obligations, cit., p. 358, qui souligne comme la recherche des analogies entre les droits internes et le
droit international permet mieux comprendre les différences entre les deux domaines.
642 Sur l’unité du droit et sur la continuité entre le droit international et les droits internes, selon une
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conception moniste prévoyant la supériorité du droit international, voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre.
Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p.
154 s.; H. KELSEN, General Theory of Law and State (Théorie générale du droit et de l’État), cit., p.
433; H. KELSEN, Théorie générale du droit international public. Problèmes choisis, cit., p. 116 s.; H.
KELSEN, Les rapports de système entre le droit interne et le droit international public, cit., p. 317-320;
H. KELSEN, La transformation du droit international en droit interne, in R.G.D.I.P., 1936, t. 43, p. 5 s.;
H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 182-200; N. BOBBIO, Teoria generale del
diritto, cit., p. 279; A. VERDROSS, Le fondement du droit international, cit., p. 289 s.; P. ALLIOT, The
Concept of International Law, cit., p. 37; H. LAUTERPACHT, The Function of Law in the International
Community, Oxford, Clarendon Press, 1933; H. LAUTERPACHT, Règles générales du droit de la paix,
cit., p. 129-148; V.S. VERESHCHETIN, New Constitutions and the Old Problem of the Relationship
between International Law and National Law, in E.J.I.L., 1996, vol. 7, n. 1, p. 29 s. 1933. Pour des
considérations sur la pensée de H. Kelsen sur ce sujet voir D. ZOLO, Hans Kelsen: International Peace
through International Law, cit., p. 306 s.; H RIGAUX, Hans Kelsen on International Law, cit., p. 344; N.
BOBBIO, D. ZOLO, H. Kelsen, the Theory of Law and the International Legal System: a Talk, cit., p.
364; G. BALLADORE PALLIERI, Le dottrine di Hans Kelsen e il problema dei rapporti fra diritto
interno e diritto internazionale, in Riv. D.I., 1935, p. 24 s.; C. FOUILLOUX, Kelsen et le droit
international public, in Revue de la recherche juridique, 1981, n. 11, p. 317 s.; J.P. HAESERT, Comment
on Kelsen’s “Principles of international law”, in The American Journal of Comparative Law, 1953, vol.
II, p. 576; J.L. KUNZ, Comment on Kelsen’s “General Theory of Law and State”, in The University of
Chicago Law Review, 1946, n. 13, p. 221 s.; A. TRUYOL, Le droit des gens dans le système de la
“Théorie pure du droit”, in R.G.D.I.P., 1951, t. 55, p. 23. Pour des considérations sur la pensée de H.
Lauterpacht voir M. KOSKENNIEMI, Lauterpacht: the Victorian Tradition in International Law, cit., p.
215 s. Pour un commentaire la pensée de A. Verdross voir B. SIMMA et al., The European Tradition in
International Law: Alfred Verdross, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 1, p. 32-115. En faveur de la conception
moniste du droit, prévoyant, toutefois, la supériorité du droit interne sur le droit international voir I.
BROWNLIE, Principles of Public International Law, 2nd ed., cit., p. 58-59. En faveur de la conception
dualiste du droit interne et du droit international voir D. ANZILOTTI, Cours de droit international, Paris,
Sirey, 1929, réédité aux éditions du Panthéon/Assas, Paris, 1999, p. 51-52; H. TRIEPEL, Völkerrecht und
Landesrecht, Leipzig, Hirschfeldt, 1899, p. 111. Sur la conception dualiste du droit international d’après
Anzilotti voir R. AGO et al., The European Tradition in International Law: D. Anzilotti, in E.J.I.L., 1992,
vol. 3, n. 1, p. 92-162. Sur la conception dualiste et moniste des relations entre le droit interne et le droit
international voir F. RENAUD, Recherches sur les rapports entre ordres juridiques, thèse sous la dir. de
J.-A. Mazéres, Toulouse 1, 1999, p. 194-199.
643 Sur la vision, contentieuse et institutionnelle, du mécanisme de réglementation de la responsabilité
internationale, voir W. Ripaghen, Sixième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 16-20; W.
Riphagen, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 1-7; G. Arangio-Ruiz, Quatrième
rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 36-49. voir, aussi, G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19,
cit., p. 343. Dans un sens fortement critique sur l’approche contentieuse du droit international et sur

185
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Il faut rappeler, toutefois, que le Projet n’est pas définitif et reste, donc, susceptible
de modification.644
Dans les commentaires relatifs au Projet adopté en première lecture, par exemple, la
C.D.I. envisageait la possibilité d’introduire un mécanisme de recours obligatoire
unilatéral à l’arbitrage par une procédure en deux étapes. Selon cette proposition, au
cours du procès de conciliation prévu dans la troisième partie du Projet, un État aurait
pu demander à la Commission d’indiquer, dans son rapport final, si, à première vue, un
crime semblerait avoir été commis (adjonction à l’article 57). En cas de réponse
affirmative, l’État lésé ou l’État fautif auraient pu engager, unilatéralement, une
procédure arbitrale (modification de l’article 58).645
L’article 17 § 1 de la deuxième partie du Projet sur la responsabilité des États
élaboré par G. Arangio-Ruiz en 1995 subordonnait l’action collective des États en
contre-mesure à la déclaration de l’existence du crime par la C.I.J.646 Cette possibilité
aurait découlé naturellement, dans les intentions du Rapporteur spécial, de la
conception du crime international en tant que violation d’obligations erga omnes
absolues indivisibles.647
L’article 41 § 3 du Projet de 2001 explicite que les violations graves du ius cogens
peuvent entraîner des conséquences supplémentaires par rapport aux dispositions du
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Projet, ce qui sous-tend, de l’avis de la C.D.I., “l’idée que le régime juridique des
violations graves est en cours d’élaboration”.648
Finalement, le fait que le Projet ne contemple pas une action judiciaire criminelle
supérieure, ex officio, peut-être justifié par l’absence même d’une autorité supérieure
aux États capables de conduire cette action en droit international général: la solution
serait obligée et sans alternatives réelles à moins que la C.D.I. ne veuille faire œuvre
d’innovation. Prétendre que la C.D.I. mette en place un procès avec des caractéristiques
pénales serait, probablement, trop au stade évolutif du Projet, lorsqu’on discute encore
la possibilité et la nécessité de mettre en place un régime de la responsabilité pénale
collective.649 Toutefois, si la carence d’un organe central de jugement peut être justifiée,

l’absence de mécanismes de mise en œuvre de la responsabilité voir A. PELLET, Remarques sur une
révolution inachevée, cit., p. 17. En général, sur les procédures internationales de conciliation et
d’arbitrage voir I. FADLALLAH, L’ordre public dans les sentences arbitrales, in R.C.A.D.I., 1994-V,
vol. 249, p. 377 s.
644 Certains auteurs considèrent que la formulation de la catégorie des crimes internationaux devrait,
naturellement, amener à l’introduction de mécanismes institutionnels qui établissent, grâce à des critères
juridiques, quand un crime international existe et quelles sanctions faut-il appliquer, comme réaction de
la collectivité dans son ensemble (voir J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de jus cogens, efecto erga
omnes, crimen internacional y la teoria de los círculos concéntricos, cit., p. 21; J.A. CARRILLO
SALCEDO, El derecho internacional en un mundo en cambio, Madrid, 1985, Tecnos, p. 162).
645 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-huitième session, cit., p. 190, où on lit
que “les mécanismes procéduraux en deux temps pour trancher les différends relatifs au point de savoir si
un crime a été commis se fondent sur l’idée que des tels différends sont trop importants pour être laissés
aux procédures générales de la Troisième partie […] les différends auxquels pourrait donner lieu
l’application de l’article 19 devraient être soumis à un tiers impartial ayant un pouvoir de décision”. En
doctrine, sur cette proposition, voir D.W. BOWETT, Crimes of State and the 1996 Report of the I.L.C. on
State Responsibility, cit., p. 163.
646 Voir le texte de l’article in G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, Add.1,
cit., p. 2-3, § 139.
647 Voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États cit., p. 13, § 35; G. Arangio-
Ruiz, Huitième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 7, § 18-19.
648 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-troisième session, cit., p. 313-314.
649 Sur la difficulté d’organiser une réponse satisfaisante aux crimes internationaux, en raison du
caractère inorganique du droit international, voir G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo

186
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

il est difficile de l’accepter lorsque les intérêts essentiels de la communauté dans son
ensemble sont en question, en admettant, au niveau du droit matériel, la conception
formelle des infractions majeures en tant que violations d’obligations erga omnes
absolues indivisibles. Tout État pouvant juger l’existence d’une infraction majeure, la
porte est ouverte à une dangereuse gestion anarchique des relations internationales
majeures. Il serait indispensable, pour éviter les dérives d’un jugement anarchique, que
l’existence d’un crime ou d’une violation majeure soit, obligatoirement et dès le début,
appréciée objectivement par un tiers impartial au terme d’un procès conforme à la
nature de l’infraction en question.650

§ 4.3. Les sanctions envisagées par le Projet sur la responsabilité des États.
Des indications importantes sur la nature des infractions prévues au paragraphe 3 de
l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 peuvent venir de l’analyse
des sanctions conséquentes, prévues dans la deuxième partie du Projet, qui traite des
conséquences juridiques des actions illicites et du règlement des différends.651
Le système des sanctions est mis en place par les articles 41-46 et 51-53: il essaye
d’organiser dans un cadre juridique cohérent la pratique des relations internationales.
Les articles 41-46 prévoient des sanctions qui s’appliquent à toutes les conduites
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illégitimes de la première partie du Projet, alors que les articles 51-53 s’appliquent,
exclusivement, aux crimes prévus dans l’article 19 de la première partie.652
Les sanctions générales, d’après les articles 41-46, mettent en relation l’État actif et
l’État victime de la violation. Elles prévoient la compensation, l’obligation de cesser la
conduite illégitime, l’obligation de rétablir le status quo ante par le biais de la restitutio
in integrum, la compensation, la réparation, compréhensive des intérêts, de la
satisfaction morale et de l’assurance de non-répétition.653

preminente di studiosi italiani nel progetto di codificazione della responsabilità degli Stati: specie a
proposito di crimini internazionali e dei poteri del Consiglio di sicurezza, cit., p. 125.
650 Conformément voir l’opinion de R. Ago in C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la
vingt-huitième session, cit., p. 91, § 30, d’après lequel “en droit interne c’est d’abord le principe de la
peine privée qui a eu cours; ensuite, l’État a acquis le monopole de la répression. Les sanctions devraient
être également institutionnalisées dans la société internationale – mais c’est là une oeuvre de longue
haleine”. Sur la question voir A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 31; P.-M.
DUPUY, Observations sur le “crime international de l’État”, cit., p. 486, d’après lequel, concernant
l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996, “tout le problème posé par l’initiative de la
C.D.I. se résume dans le déséquilibre entre la norme et l’institution [...] l’évolution de la première conduit
effectivement à dédoubler les catégories de l’illicite. Mais les insuffisances de la seconde empêcheront
vraisemblablement pour longtemps le régime de cette ‘responsabilité pénale’ de s’établir. Pour l’heure,
cette avancée normative a surtout pour effet de souligner les insuffisances d’une justice demeurée
consensuelle et d’un embryon d’exécutif universel paralysé par le pouvoir statutaire des plus puissants et
les dissensions politiques de tous”. Voir, aussi, C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la
vingt-huitième session, cit., p. 79, § 2.
651 Dans les intentions de R. Ago “la distinction des crimes internationaux des délits internationaux
devrait aboutir à l’instauration de régimes de responsabilité plus rigoureux pour les premiers, et,
finalement, à un système d’application des sanctions” (voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la
vingt-huitième session, cit., p. 92, § 34). Pour une réflexion sur l’approche de la C.D.I. à la deuxième
partie du Projet voir C. TOMUSCHAT, Some Reflections on the Consequences of a Breach of an
Obligation under International Law, in Festchrift für Schindler, Basel/Frankfurt, 1989, p. 147 s.
652 Sur les conséquences communes aux délits et aux crimes et sur le régime spécial des sanctions
criminelles voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/46, cit.,
p. 5-6, § 9-11.
653 Déjà W. Riphagen avait envisagé de telles conséquences du fait illicite de l’État et les avait
synthétisées à l’article 4 de son Projet de 1981 (voir W. Riphagen, Deuxième rapport sur la responsabilité
des États, doc. A/CN.4/344, cit., p. 90 s., § 60 s.). Ensuite il révisa le Projet en faveur d’une approche

187
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

En passant aux sanctions typiques des seuls crimes, une forme particulière de
satisfaction, la punition, conçue comme action disciplinaire ou châtiment des agents,
personnes physiques, est prévue, à l’article 45 § 2 d), pour les seuls crimes ou les fautes
graves. Voici une forme de sanction unique, individuelle et étatique, pour les infractions
majeures de l’ordre international.654
Seulement en cas de crime, en outre, aux termes de l’article 52 § 1 a), il est exclu que
la restitutio in integrum ne menace pas sérieusement l’indépendance politique ou la
stabilité économique l'État sanctionné et qu’elle ne soit pas disproportionnée par rapport
aux avantages qui découleraient de la compensation.655
L’exigence d’exclure la limite de la déstabilisation économique de l’État auteur de la
violation, justifiée par l’importance de l’intérêt lésé, aurait dû, dans les intentions du
Rapporteur spécial G. Arangio-Ruiz, être modérée par une clause prévoyant la
préservation des besoins vitaux de la population de l’État fautif. Cette prévision a été
absorbée, finalement, par le paragraphe 3 de l’article 42 du Projet de 1996. La
disposition en question serait, en outre, particulièrement indiquée dans les situations où
l’État fautif a accru sa prospérité par le crime perpétré.656 Quant à l’indépendance
politique, l’article 52 viserait la liberté d’organisation, c’est-à-dire le choix du régime
étatique, non pas l’existence et l’intégrité territoriale de l’État, qui devrait être
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préservée.657 En ce qui concerne l’exclusion de l’application de la limite à la restitution


lorsqu’elle serait hors de toute proportion par rapport à l’indemnisation, sa justification
résiderait dans l’exigence de rétablir la situation qui correspond à un intérêt
fondamental de la communauté internationale, prévalent sur la charge imposée à l’État
fautif.658

plus générale et moins détaillée de la question des conséquences de la responsabilité des États. Dans la
version finale du Projet proposée en 1984, l’article 6 prévoit la cessation, la restitution (ou,
éventuellement, la réparation) et l’assurance de non-répétition comme sanctions du fait illicite de l’État
(voir le texte commenté en W. Riphagen, Sixième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 9 s.). Sur
le problème du rapport entre la restitution et la compensation, ainsi que sur la primauté accordée par le
Projet à la première forme de sanction voir C. GRAY, The Choice between Restitution and
Compensation, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 2, p. 413 s.; J. CRAWFORD, Revisiting the Draft Articles on
State Responsibility, cit., p. 445. Sur la réparation comme conséquence primaire de la responsabilité
étatique voir A.K.J. TAN, Forest Fires of Indonesia: State Responsibility and International Liability, in
I.C.L.Q., 1998, vol. 48, p. 228.
654 Voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility
in International Law, cit., p. 636-637.
655 L’article 52 § 1 a) correspond à la proposition de l’article16 § 2 de la deuxième partie du Projet de G.
Arangio-Ruiz proposé en 1995 (voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États,
Add.1, doc. A/CN.4/469, Add.1, p. 2, § 139). Sur la fonction punitive de la norme en question et les
problèmes connexes voir G. Arangio-Ruiz, Huitième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 5-7, §
11-17. Sur l’adoption d’un régime de majeure gravité substantielle de la réparation en cas de crime
étatique voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 6, § 72-
73, p. 22, § 123-125. Dans un ordre d’idées fortement critique sur l’opportunité de renoncer à exiger la
proportionnalité de la restitutio in integrum en cas de crime voir A. PELLET, Remarques sur une
révolution inachevée, cit., p. 24. En général sur la question de l’application de la restitution et sa relation
avec la compensation en cas de crime dans le Projet voir C, GRAY, The Choice between Restituion and
Compensation, cit., p. 417.
656 Voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 7-8, § 21-22; C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-huitième session, cit., p. 192.
657 Voir G. Arangio-Ruiz,, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 8-9, § 23-25.
658 Voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 7, § 19; C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-huitième session, cit., p. 192.

188
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

Toujours pour les seuls crimes, il est exclu que la satisfaction ne doive pas violer la
dignité de l’État sanctionné, aux termes de l’article 52 § 1 b).659
Par ailleurs, dans son projet d’article 16 § 3 proposé en 1995, G. Arangio-Ruiz avait
envisagé que cette clause s’applique aussi à la sanction de la garantie de non-répétition
et qu’elle permette de porter atteinte à l’indépendance politique d’un État, tout en
sauvegardant son indépendance ainsi que les exigences vitales de la population.660
Finalement la C.D.I. a retenu la formule restrictive, en constatant, tout de même, que
l’État auteur du crime a, déjà, renoncé à sa dignité par l’acte accompli.661
Le troisième Rapporteur spécial envisageait, aussi, la possibilité que la sanction du
crime étatique fût préjudiciable, en cas de nécessité, à des États tiers par rapport à
l’auteur de l’infraction, ce qui n’est, sûrement, pas permis en cas de délit.662
En ayant à l’esprit ce cadre, nous sommes forcés de constater que le régime des
sanctions pour les crimes, dans le Projet de 1996, est différent du régime des sanctions
prévu pour les délits.663 Aux sanctions prévues pour les délits, en effet, il faut
additionner, tout d’abord, la punition des personnes physiques agissant au nom de
l’État. Quoique le contenu de cette mesure ne soit pas précisé, la disposition laisse
entrevoir la possibilité d’un lien entre la responsabilité collective et individuelle. En
outre, il faut ajouter que, en cas de crime, on exclue les restrictions à l’application de la
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restitutio in intergrum et de la satisfaction. On pourra, bien sûr, critiquer le choix


drastique des codificateurs d’avoir imposé des mesures aussi lourdes à l’État auteur
d’une infraction criminelle, en renonçant, même, au principe de proportion, mais il est
important de relever qu’une différence de régime subsiste.664
La Projet adopté en 2001, en revanche, retient, aux articles 30-39, les sanctions,
classiques, de la cessation, de l’assurance de non-répétition et de la réparation: ce
régime s’applique, de façon uniforme, à tous les faits illicites internationaux: aucune
sanction supplémentaire n’est prévue pour les violations graves des normes impératives
contemplées à l’article 40.665

659 Cette disposition correspond à l’article 16 de la deuxième partie du Projet de G. Arangio-Ruiz de


1995 (voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États Add.1, cit., p 2, § 139). Sur
la fonction punitive de l’article 16 du Projet de G. Arangio-Ruiz de 1995 voir C.D.I., Rapport à l’A.G.
sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 121-125, § 283-296. Selon B. STERN, La
responsabilité internationale, cit., p. 24, § 807, 808, les sanctions envisagées à l’article 52 ont une
coloration évidemment pénale. Sur l’article 52 du Projet de 1996 voir Sixième Commission, Résumé
thématique des débats tenus pendant la cinquante et unième session sur les travaux de la C.D.I. de sa
quarante-huitième session, doc. A/CN.4/479/Add.1, cit., p. 23-24, § 67-69.
660 Voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 10-13, § 29-33; G.
Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 3, § 74.
661 Voir C.D.I., Rapport à la C.D.I. sur les travaux de sa quarante-huitième session, cit., p. 192.
662 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 23-24, § 127-
128.
663 Sur les dispositions relatives aux conséquences spéciales des crimes des États voir C.D.I., Rapport à
l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 369-371, § 267-274. Pour une approche
problématique de la question voir J. DEHAUSSY, Travaux de la C.D.I. (quarante-cinquième session),
cit., p. 742-744.
664 Pour une approche du régime différentiel de la sanction des crimes des États par rapport aux délits
voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 784-786; B. STERN, La
responsabilité internationale, cit., p. 24, § 206-208. Sur l’aggravation du régime des sanctions des crimes
par le biais de l’enlèvement de certaines restrictions typiques des sanctions ordinaires voir D.W.
BOWETT, State Crimes and the 1996 Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit. p. 171.
665 Pour le commentaire des dispositions en question voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa
cinquante-troisième session, cit., p. 233-303.

189
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

On assiste, donc, dans la dernière évolution du Projet, à une sorte de recentrage des
sanctions autour de la fonction classique de la réparation.666 Pourtant le quatrième
Rapporteur, en qualifiant les sanctions prévues à l’article 52 du Projet de 1996 de
“irréalistes”, avait proposé de les substituer par la sanction du payement de dommages
intérêts à caractère punitif.667 L’article 52 de son Projet, tel que proposé en 2000, liait le
payement des dommages-intérêts à la violation d’une obligation due à l’ensemble de la
communauté internationale.668 Cette proposition allait dans le sens des indications
données par la Sixième Commission de l’A.G.N.U. en 1996.669 L’article 42 du Projet
provisoirement adopté par le Comité de rédaction de la C.D.I. en 2000,
conséquemment, prévoyait le payement de dommages-intérêts correspondant à la
gravité de la violation en cas de “violations graves d’obligations envers la communauté
internationale dans son ensemble”.670 La version finale de l’article 41 du Projet de 2001
n’aura, finalement, retenu aucune de ces propositions.

§ 4.4. Considérations brèves sur la nature de la peine et sur son application en


droit international général.
La nature de la sanction peut donner des indications importantes sur la nature de
l’infraction: pour cette raison la doctrine s’est beaucoup interrogée sur la possibilité
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d’employer le mot “peine” en droit international.671 Le débat s’inspire de la théorie


selon laquelle, pour déterminer s’il est possible d’élaborer un système de la
responsabilité pénale dans le domaine du droit international, il faudrait prendre en
considération le caractère de la sanction. Trait caractéristique de la peine serait le
contenu punitif, alors que la sanction civile aurait un caractère de réparation.672 Si l’on

666 Voir P.-M. DUPUY, Quarante ans de codification du droit de la responsabilité internationale des
États, cit., p. 321.
667 Voir J. Crawford, Troisième rapport sur la responsabilité des États, Add.4, cit., p. 24, § 408-409.
668 Voir le texte de l’article in J. Crawford, Troisième rapport sur la responsabilité des États, Add.4, cit.,
p. 26, § 412. Sur la disposition en question voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-
deuxième session, cit., p. 97-99, § 358-363, p. 102-104, § 374-383.
669 Voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-deuxième
session sur les travaux de la C.D.I. de sa quarante neuvième session, doc. A/CN.4/483, établi par le S.G.,
in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GENN98/002/88/PDF/N9800288.pdf?OpenElement›, p. 13, §
96.
670 Voir le texte de l’article in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-troisième session,
cit., p. 120 et le commentaire relatif de la Sixième Commission de l’A.G.N.U. in Sixième Commission,
Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-cinquième session sur les travaux de la C.D.I.
de sa cinquante-deuxième session, 2000, doc. A/CN.4/513, cit., p. 16-17, 110-112.
671 Pour avoir un aperçu général du débat voir M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”:
une responsabilité pénale?, cit., p. 104 s.
672 Voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 427 s. et 524 s. Sur ce point voir, aussi, les constatations
que nous avons fait supra. Pour des considérations sur la sanction comme élément de distinction entre la
responsabilité civile et pénale voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit. p. 97, où l’on retrouve
la distinction classique entre la responsabilité civile, qui mène à la réparation des dégâts, et la
responsabilité pénale, qui engendre une obligation d’ordre punitif. Pour des réflexions sur la peine
comme élément distinctif de l’infraction criminelle voir F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal
général, 9ème éd., cit., p. 10-11; M. KHÖLER, Le droit pénal entre public et privé, in A.P.D., 1997, t. 41,
p. 199 s. Pour des considérations sur la rétribution en tant que caractère essentiel de la peine voir R.
NOZICK, La concezione retributiva della pena, in Spiegazioni filosofiche, 1981, trad. it. G. Rigamonti,
Milano, Il Saggiatore, 1987, p. 409 s. Pour un encadrement de la peine dans les différents systèmes
juridiques du monde ainsi que pour des considérations d’ordre général sur sa fonction, voir J.
VANDERLINDEN et al., La peine, Recueils de la société Jean Bodin, Bruxelles, De Boeck Wesmael
s.a., 1991, vol. LV, LVI-LVII-LVIII. Pour un cadre des sanctions pénales appliquées dans les différents
systèmes juridiques du monde voir J. PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 641 s.

190
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

pouvait repérer, dans l’ordre juridique actuel, et dans le Projet sur la responsabilité des
États, des sanctions à caractère punitif, alors, justement, l’on pourrait raisonnablement
soutenir l’idée d’une responsabilité de type pénal.673
La doctrine est partagée quant à la possibilité d’admettre l’existence des sanctions
pénales en droit international.674
Un débat étymologique est ouvert et accepte une perspective comparée dans l’espace
et dans le temps. Notamment, on remarque que le terme “peine” n’a pas toujours eu la
même signification. On sait, par la lecture de l’Iliade, que, dans la Grèce antique, le mot
“poïnè”, d’où vient la “peine” dans nombre de langues indo-européennes, indiquait le
paiement d’une composition pécuniaire.675 Dans le droit romain archaïque, la poena
naissait de l’accord entre l’auteur d’un acte illicite et le sujet passif et était constituée
d’une somme d’argent qui substituait la vindicta. Dans le droit de la Rome classique,
par conséquent, la poena est passée, toujours, comme somme d’argent, mais imposée
conséquemment aux actions poenales, qui étaient des actions ex delicto iuris civilis.676
Même certaines peines des ordres juridiques modernes ont une connotation civile, l’on
pense, par exemple, aux “exemplary (ou punitive ou vindictive) damages” de la
Common Law.677 Ce bref rappel nous démontre que différents ordres juridiques utilisent
le terme “peine” pour désigner une sanction dont le caractère est punitif dans le
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domaine de la responsabilité civile.


L’on peut, dès lors, admettre que la responsabilité se double, en civile et pénale, de
sorte que la sanction serait, conséquemment, civile et pénale. Cette thèse est conforme à
la doctrine selon laquelle toute sanction, en droit international, serait, en même temps,
punitive et compensatoire: un mélange d’affliction et de réparation, contenu dans toute

673 Cette approche du débat remonte à Roberto Ago, qui pose la peine, non plus (seulement) la
réparation, au centre de la responsabilité internationale (voir R. Ago, Deuxième rapport sur la
responsabilité des États, cit., p. 194, § 17). Auparavant, les conséquences de l’ infraction internationale
étaient caractérisées par une vision exclusivement réparatrice de la responsabilité internationale (voir J.
COMBACAU, S. SUR, Droit international public, 2ème éd., cit., p. 535; G. COTTEREAU, Système
juridique et notion de responsabilité, in S.F.D.I., La responsabilité dans le système international, cit., p.
21; E. DECAUX, Responsabilité et réparation, in S.F.D.I., La responsabilité dans le système
international, cit., p. 147). Nie complètement l’existence des sanctions pénales en droit international et,
donc, la notion de crime de l’État, J.L. BRIERLY, Règles générales du droit de la paix, cit., p. 88-90. En
général, sur la question, voir P. WEIL, Le droit international en quête de son identité – Cours général de
droit international public, cit., p. 339. Sur le constat que les crimes des États devraient engendrer non
seulement des conséquences réparatrices, mais aussi des sanctions afflictives, voir J.B. ACOSTA
ESTÉVEZ, Normas de ius cogens, efecto erga omnes, crimen internacional y la teoria de los círculos
concéntricos, cit., p. 21.
674 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 376, § 290.
675 Voir A. LAINGUI, M. CRÉPIN, La philosophie du droit pénal dans l’antiquité grecque et romaine,
in R.I.D.P., 1982, 3/4 trim., p. 606.
676 Voir F. DE VISSCHER, “Vindicta” et “noxa”, in Études de droit romain, Paris, 1931, p. 109 s.; F.
DE VISSCHER, Les origines des obligations “ex delicto”, in Études de droit romain, cit., p. 255 s.; U.
BRAISIELLO, Corso di diritto romano: atto illecito, pena e risarcimento del danno, Milano, 1975; P.-F.
GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, 8ème éd., réédité par J.-P. Lévy, Paris, Dalloz, 2003, p.
702-704. Sur le concept d’obligation, comme principe de la responsabilité, en droit romain, voir J.
GAUDEMET, Naissance d’une notion juridique. Le début de l’“obligation” dans le droit de la Rome
antique, in A.P.D., 2000, t. 44, p. 19 s.
677 Voir D. BUSNELLI, Le pene private, Milano, Giuffré, 1985; P.S. JAMES, General Principles of the
Law of Torts, London, 1959, p. 321; A. GATTINI, La riparazione dei danni di guerra causati dall’Iraq,
in Riv. D.I., 1993, p. 1014. Voir, aussi, J. Crawford, Troisième rapport sur la responsabilité des États,
Add.1, cit., p. 26-27, § 190-191; J. Crawford, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 19,
§ 45. Pour des considérations sur l’application des “punitives damages” en droit international voir, en
jurisprudence, Commission mixte de réclamation, Lusitania, États-Unis d’Amérique/Allemagne, opinion
du 1er novembre 1923, in R.S.A., N.U., vol. VII, p. 38 s.

191
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

forme de sanction internationale, témoignerait la présence de la responsabilité pénale et


civile en droit international, en l’absence d’une distinction claire qui descende d’un
système organisé actuellement inexistant.678 D’ailleurs cette opinion permet
d’introduire la notion de la responsabilité pénale en droit international, même en
l’absence d’une autorité supérieure exerçant l’action punitive.679
L’on pourrait, dans toute autre ordre d’idées, penser à une forme de sanction pénale,
exclusivement afflictive, pour une infraction civile, qui nierait la subsistance de la
responsabilité pénale dans l’ordre international.
Il vaut mieux penser que le caractère afflictif de la sanction ne permet pas d’établir
une césure nette entre la responsabilité civile et pénale.680 Il n’est pas correct d’établir
l’équation peine – affliction. Il vaut mieux fixer l’équation, plus générale, sanction –
affliction, et construire deux sous-ensembles: sanction civile – mineure affliction,
sanction pénale – majeure affliction. Ainsi le caractère punitif serait présent dans toute
forme de sanction, qu’elle soit civile ou pénale, car dans toute sanction est inscrit le
reproche, donc la punition, qui se traduit en une restriction de la sphère juridique du
sujet actif, pour la violation d’une norme.681 En raison du caractère afflictif, la sanction
exerce une fonction de prévention du fait illicite. Ce qui change est le degré d’affliction
contenu dans la sanction: mineur dans la sanction civile, majeur dans la sanction
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

pénale.682 Cela reflète, comme un miroir, la gradation de la gravité de la conduite


illicite: mineure dans l’action illicite civile, majeure dans l’action illicite pénale. En
raison de la mineure signification punitive la sanction civile a un caractère

678 Voir D. ANZILOTTI, Cours de droit international, cit., p. 522, qui remarque que: “La réaction au fait
illicite peut prendre et prend en fait des formes diverses [...] mais ces formes ne sont pas en opposition
entre elles comme, dans le droit interne, sont en opposition aujourd’hui la peine et les dommages-intérêts:
dans toutes se retrouve un élément de satisfaction et un élément de réparation, l’idée de la punition de
l’acte illicite et celle de la réparation du mal souffert: ce qui varie c’est plutôt la proportion entre ces deux
éléments”; P.-M. DUPUY, Observations sur la pratique récente des “sanctions” de l’illicite, cit., p. 528
s.; A. PELLET, “Vive le crime”!, cit., p. 302; A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit.,
p. 11. Selon R. AGO, Le délit international, cit., p. 415 s., le fait illicite international engendrerait, en
même temps, des conséquences réparatrices et punitives, ainsi l’auteur corrigea sa position originaire,
selon laquelle la sanction serait exclusivement civile ou exclusivement pénale en droit international (voir
R. Ago, Deuxième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. § 17).
679 Ainsi il en serait selon la théorie du “penal damage”, selon laquelle la violation de la sphère juridique
d’un État justifierait la cessation de la violation, le rétablissement de l’ordre antérieur, les dommages et
intérêts autant qu’une satisfaction, d’ordre pénal, vraisemblablement sous la forme d’une amende (voir
J.M. RALSTON, The Law and Procedure of International Tribunals, Stanford (California), Stanford
University Press, 1926, p. 267 et p. 50 note 252). Pour avoir un aperçu de la jurisprudence arbitrale en
matière de “punitives damages” voir Commission mixte de réclamation., Lusitania, États-
Unis/Allemagne, opinion du 1er novembre 1923, in R.S.A., N.U., vol. VII, p. 42-43; Commission mixte de
réclamation, Stevenson, Grand Bretagne/Venezuela, in R.S.A., N.U., vol. IX, p. 506; Trib. Arb., Rainbow
Warrior, Nouvelle Zélande/France, sentence du 30 avril 1990, in R.G.D.I.P., 1990, t. 94, n. 3, p. 868-869,
§ 108-110.
680 Implicitement, dans le même sens, voir l’opinion de R. Ago in C.D.I., Comptes rendus analytiques de
la vingt-huitième session, cit., p. 87, § 8.
681 Conformément voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit.,
p. 32, 33, § 146-147. Voir, aussi, M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”: une
responsabilité pénale?, cit., p. 108, d’après laquelle “même dans les ordres juridiques étatiques modernes
la réparation a gardé en partie une fonction répressive, étant donné qu’elle représente toujours une
diminution de biens juridiques et a donc dans ce sens un caractère afflictif”; G. PALMISANO, Les
causes d’aggravation de la responsabilité des États et la distinction entre “crimes” et “délits”
internationaux, cit., p. 630, note 1.
682 Voir, dans ce sens, B. GROSSFELD, Die privatstrafe, Frankfurt, A. Metzner, 1961, p. 83, d’après
lequel il n’y aurait pas de différences qualitatives entre la peine et la réparation, mais une différente
accentuation d’éléments communs à l’une et à l’autre.

192
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

essentiellement réparateur et, de façon résiduelle, afflictif. En raison de la majeure


signification punitive la sanction pénale a un caractère essentiellement afflictif et, en
voie résiduelle, de réparation.683 Par conséquent il n’est pas possible de fonder la
distinction entre la peine et la sanction civile sur le critère du contenu punitif. Pour
évaluer quel est le degré d’affliction où la peine commence, il faut se référer aux textes
normatifs: il existera une peine lorsqu’un texte normatif parle de peine. Celle-ci est une
opération qu’on ne peut pas effectuer dans le domaine du droit international, vu
qu’aucun système de droit pénal étatique n’est en place et qu’aucun texte juridique
international emploie, actuellement, le terme “peine”.684
Le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États n’emploie pas le terme “peine”.
Cela ne dispose pas en faveur de la conception pénale de la responsabilité criminelle
des États. En effet, sur le plan terminologique, manque, dans la version du Projet
adoptée en 1996, du côté de la sanction, le pendant naturel du mot “crime” employé du
côté de l’infraction. Apparemment on se retrouve face à un système incomplet: l’emploi
indifférencié du mot “sanction” pour les crimes et les délits des États renvoie à l’idée
d’un régime de la responsabilité unique. On ne peut pas, toutefois, arrêter l’analyse à la
terminologie employée, quoique celle-ci soit relevante, car le caractère punitif est
inscrit naturellement dans la sanction en général: l’absence du mot “peine” au sein du
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Projet sur la responsabilité des États n’est pas déterminant pour nier le caractère pénal
de l’infraction criminelle.

§ 4.5. Analyse de la nature des sanctions prévues en droit international général.


Les sanctions classiques prévues par le droit international général, largement repris
et synthétisé par le Projet sur la responsabilité des États, en cas de fait illicite d’un État,
consistent dans l’obligation de cesser la conduite illicite, de fournir l’assurance de non
répétition de l’acte illicite, de réparer le dommage par le biais de la restitution et de
l’indemnisation, ainsi que de fournir satisfaction.685
La doctrine débat sur la nature, réparatrice ou afflictive, des sanctions en question. Il
est utile de reconstruire un cadre synthétique des différentes positions à cet égard mais
seulement en termes de tendance, non pas pour aboutir à des distinctions et à des
conclusions définitives.
La nature de l’obligation de cesser la conduite en violation est douteuse. Cette
sanction s’ensuit, naturellement, à toute forme d’acte illicite non instantané: la
continuité de l’action illicite dans le temps n’est pas tolérée par l’ordre juridique, qui
répond par le biais de la cessation.686
Même la nature de l’assurance de non-répétition n’est pas pacifique.687 L’essence de
l’assurance de non-répétition de la conduite illicite est très proche de celle de
l’obligation de cesser la violation. Il s’agit, en effet, de deux sanctions ayant le même

683 Pour une vision de ce type et pour une analyse plus ponctuelle de la théorie générale de la sanction
voir F. GRISPIGNI, Introduzione alla sociologia criminale, Torino, Unione Tipografico, 1928, p. 125 s.;
F. GRISPIGNI, Diritto penale italiano, Milano, Giuffré, 1952, vol. I, p. 116 s., 124 s.
684 Dans cet ordre d’idées voir D. ANZILOTTI, Corso di diritto internazionale, 3a ed., Roma,
Athenaeum, 1928, p. 417; D. ANZILOTTI, Teoria generale della responsabilità dello Stato nel diritto
internazionale, cit., p. 76.
685 Pour un cadre de synthèse de ces sanctions voir, en doctrine, D. ANZILOTTI, Cours de droit
international, Paris, Sirey, 1929, réédité aux éditions du Panthéon-Assas, Paris, 1999, p. 517-527.
686 Voir G. Arangio-Ruiz, Deuxième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 46 s. Sur la liaison
entre la sanction de la cessation et la continuité de l’action voir V. GOWLLAND-DEBBAS, Security
Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, in I.C.L.Q., 1994, p. 79.
687 Voir G. Arangio-Ruiz, Deuxième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 46 s.

193
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

but, à savoir d’empêcher la conduite illicite, différentes seulement en raison de


l’élément temporel du côté de l’infraction. Alors que la cessation arrête une action
illicite permanente ou répétée, la garantie de non-répétition prévient la vérification
d’une conduite instantanée ou déjà arrêtée.
Selon certains auteurs la cessation serait une forme de réparation.688 Ainsi il en
serait, aussi, de l’assurance de non répétition.689 À notre avis la nature de la cessation et
de l’assurance de non-répétition est assez neutre.690 Toutefois, si l’on pense que, dans
les ordres internes, la prison a, parmi ses fonctions, celle d’arrêter la réalisation de la
conduite illicite permanente ou réitérée ou d’en empêcher la répétition récidive, la
nature de la cessation et de la garantie de non-répétition peuvent assumer une
connotation afflictive.691
Quant à l’indemnisation et à la restitutio in integrum, il semble qu’elles aient un
caractère essentiellement réparateur et soient, donc, des sanctions d’ordre civil.692

688 Pour des considérations sur la différence entre la cessation de la conduite illicite et la restitution
comme forme de réparation voir C. DOMINICÉ, Observations sur les droits d’un État victime d’un fait
internationalement illicite, in Droit international, Paris, Pedone, 1982, p. 17 s.
689 Notamment l’assurance de non-répétition aurait une fonction réparatrice en cas de responsabilité de
l’État pour négligence (voir F. PRZETACZNIK, La responsabilité de l’État à raison des préjudices de
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

caractère moral et politique causés à un autre État, cit., p. 966 s.).


690 Selon une partie de la doctrine toutes les mesures n’ayant pas un caractère civil, ne pourraient pas être
classées comme mesures d’ordre pénal, puisque leur but ne serait pas de type afflictif, mais, tout
simplement, d’empêcher la répétition de l’acte illicite et d’inciter l’État auteur de la violation à se
conformer aux obligations qui en découlent (voir H. LAUTERPACHT, L. OPPENHEIM, International
Law, London, 1935, II, p. 114; G. BALLADORE PALLIERI, Diritto internazionale pubblico, 8a ed.,
Milano, Giuffré, 1962, p. 249, K. ZEMANEK, Responsibility of States. General Principles, in
Encyclopedia of Public International Law, Amsterdam/New York/Oxford, North Holland Pub. Co., vol.
10, p 370; J. COMBACAU, Sanctions, in Encyclopedia of Public International Law, Amsterdam/New
York/Oxford, North Holland Pub. Co., vol. 9, p. 339; A. DE GUTTRY, Le rappresaglie non comportanti
la coercizione militare, Milano, Giuffré, 1985, p. 151).
691 Sur la cessation et l’assurance de non-répétition comme sanctions fondamentales des crimes étatiques
voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 350. Sur l’assurance de non-répétition comme
sanction de type pénal, excessive en cas de délit, voir A. PELLET, Can a State Commit a Crime?
Definitely, Yes!, cit., p. 431. Sur la réalisation dans le temps du fait internationalement illicite de l’État
voir E. WYLER, Quelques réflexions sur la réalisation dans le temps du fait internationalement illicite,
cit., p. 881 s.
692 Voir G. GILBERT, The Criminal Responsibility of States, cit., p. 352; Ch. ROUSSEAU, Droit
international public, 3ème éd., Paris, Dalloz, 1965, p. 128, d’après lequel “la conséquence essentielle de la
responsabilité internationale, c’est l’obligation de réparer qui est mise à la charge de l’État responsable”;
C. EAGLETON, The Responsibility of States in International Law, cit., p. 28; M. SALVIOLI, La
responsabilité des États et la fixation des dommages et intérêts par les tribunaux internationaux, in
R.C.A.D.I., 1929-III, vol. 28, p. 231-288. En jurisprudence, la C.P.J.I. a clairement affirmé que la
restitutio in intergrum, découlant, naturellement, de toute violation d’une obligation internationale, tend à
“effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si
ledit acte n’avait pas été commis” (voir C.P.J.I., Usine de Chorzow, Allemagne/Pologne, arrêt n. 13 du 13
septembre 1928, in Rec. C.P.J.I., série A, 1928, n. 17, p. 47). Sur la restitutio in integrum voir, aussi, en
jurisprudence, avec des références à la pratique et à la doctrine internationales, Trib. Arb., Texaco,
Texaco Calasiatic/Libye, sentence du 19 janvier 1977, in I.L.M., 1978, janvier, vol. 17, p. 29, p. 32-37, §
97-112. Sur la notion de damnum emergens et de lucrum cessans voir Trib. Arb., May, Guatemala/États-
Unis d’Amérique, sentence du 16 novembre 1900, in R.S.A., N.U., vol. XV, p. 71-75. Sur l’importance
essentielle du caractère réparateur de la sanction en droit international, à conclusion d’une analyse
ponctuelle des sanctions imposées à l’Iraq pour l’invasion et l’occupation du Koweït, voir A.
JACOVIDES, State Responsibility: Reflections on the International Law Commission’s Draft Articles,
cit., p. 297. Pour une présentation claire de la restitutio in integrum et de la réparation en droit
international, par rapport aux conséquences de la guerre du Koweït et avec constante référence au Projet
de la C.D.I. sur la responsabilité des États, voir A. GATTINI, La riparazione dei danni di guerra causati
dall’Iraq, cit., p. 1004 s. Pour une critique de la restitutio in integrum comme forme de réparation et son

194
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

Certains auteurs relèvent que, parfois, la réparation peut assumer un caractère pénal,
notamment lorsqu’elle est institutionnalisée étant imposée par un organe tiers aux États
en conflit, représentant l’ensemble de la communauté internationale. Tel serait le cas,
par exemple, de la réparation imposée à l’Iraq par la Commission de compensation
établie par le C.d.S. suite à la guerre du Golfe.693 Notamment, la réparation pourrait
assumer la forme de la satisfaction, en cas de préjudice matériel causé par des actes
illicites sources de dommages d’ordre moral et politique.694
Plus ambiguë est sûrement la nature de la satisfaction, puisqu’elle pourrait être
conçue comme réparation pour le dommage moral, au sens civil, ou bien comme
punition pour l’action illicite, au sens pénal.695 La satisfaction est réalisée par la
présentation d’excuses sous la forme du regret, du salut au drapeau, du désaveu, de la
mission spéciale, de la publication officielle. À cela il faut ajouter la punition du sujet
coupable. Enfin, si les actes illicites ont causé des dommages matériels, la satisfaction

encadrement comme forme de réintégration de la norme primaire violée voir BALLADORE PALLIERI,
Gli effetti dell’atto illecito internazionale, in Rivista di diritto pubblico, 1931, p. 65 s. Sur la restitutio in
integrum par rapport à la violation par l’omission ou l’action voir G. MORELLI, Nozioni di diritto
internazionale, 7a ed., Padova, Cedam, 1967, p. 359. Sur la nature de la restitutio in integrum et de
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l’indemnisation voir G. Arangio-Ruiz, Rapport préliminaire sur la responsabilité des États, cit., p. 21 s.;
G. Arangio-Ruiz, Deuxième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/425 et Add.1, cit., p. 8 s.
Sur la question du système théorique de la réparation voir L. REITZER, La réparation comme
conséquence de l’acte illicite en droit international, cit., p. 162 s.; G. SCHWARZENBERGER,
International Law as Applied by International Courts and Tribunals, 3rd ed., London, 1957, I, p. 670. En
sens contraire à la conception de la réparation comme forme de sanction voir H. KELSEN, Unrecht und
Unrechtsfolge im Völkerrecht, cit., p. 546; P. GUGGENHEIM, Traité de droit international public,
Genève, Georg et Cie, 1953-1954, p. 64. En faveur de la conception de la réparation comme sanction,
ayant même une nuance afflictive, par rapport à la guerre d’agression comme crime, voir A. GATTINI,
La riparazione dei danni di guerra causati dall’Iraq, cit., p. 1015 s.; G.C. FITZMAURCE, The Juridical
Clauses of the Peace Treaties, in R.C.A.D.I., 1948-II, vol. 73, p. 325; Q. WRIGHT, The Outlawry of War
and the Law of War, in A.J.I.L., 1953, july, vol. 47, n. 3, p. 376. Pour des considérations sur les intérêts
dus en cas de réparation voir B. CLAGETT, State Responsibility in a Multiactor World – Remarks, in
Proc. A.S.I.L., 1998, p. 304-305.
693 Voir V. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State
Responsibility, cit., p. 82; P.-M. DUPUY, Après la guerre du Golfe..., in R.G.D.I.P., 1992, t. 95, n. 2, p.
635.
694 Voir F. PRZETACZNIK, La responsabilité internationale de l’État à raison des préjudices de
caractère moral et politique causés à un autre État, cit., p. 968 s. Sur la réparation punitive comme
conséquence de la responsabilité pénale de l’État voir F.V. GARCÍA AMADOR, State Responsibility –
Some New Problems, in R.C.A.D.I., 1958-II, vol. 94, p. 409.
695 Voir, du côte civil, A. GATTINI, La riparazione dei danni di guerra causati dall’Iraq, cit., p. 1005;
P.-A. BIASSONNETTE, La satisfaction comme mode de réparation en droit international, Annemasse,
Genf, 1952, p. 27 s. Du côté pénal voir G. SPERDUTI, Introduzione allo studio delle funzioni della
necessità nel diritto internazionale, in Riv. D.I., 1943, p. 22 s.; G. GILBERT, The Criminal
Responsibility of States, cit., p. 353; F. PRZETACZNIK, La responsabilité internationale de l’État à
raison des préjudices de caractère moral et politique causés à un autre État, cit., p. 945, d’après lequel la
satisfaction serait la sanction des actes criminels et serait caractérisée par sa publicité, destinée à apaiser
le sentiment de l’État lésé par le préjudice. Pour une critique radicale de l’existence de la notion de
dommage moral en droit international voir B. CONFORTI, Diritto internazionale, 4a ed., cit., p. 373; C.
DOMINICÉ, La satisfaction en droit des gens, in Mélanges Perrin, Lausanne, Payot, 1984, p. 106. En
général, sur la nature de la satisfaction, voir G. Arangio-Ruiz, Deuxième rapport sur la responsabilité des
États, cit., p. 33 s. La jurisprudence constate aussi bien le caractère réparateur que le caractère punitif de
la satisfaction, car elle affirme unanimement que, lorsqu’il n’y a pas de dommages spécifiques à réparer,
la déclaration judiciaire constitue une forme de satisfaction appropriée (voir C.P.A., Carthage,
France/Italie, sentence du 6 mai 1913, in R.S.A., N.U., vol. XI, p. 460; C.P.A., Manouba, France/Italie,
sentence du 6 mai 1913, in R.S.A., N.U., vol. XI, p. 475; C.I.J., Détroit de Corfou, Royaume-
Uni/Albanie, fond, arrêt du 9 avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 36).

195
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

peut se concrétiser dans la forme de la restitution ou de la compensation.696 Il nous


paraît que, si le payement des intérêts pour les dommages a un caractère principalement
réparateur, la présentation d’excuses a un caractère principalement afflictif, tout comme
la punition du sujet coupable.
Étant donné ce cadre, les conclusions nous paraissent bien loin d’être décisives. On
constatera que, parmi les sanctions, certaines peuvent être considérées comme des
peines et d’autres peuvent être considérées comme des formes de réparation. Ainsi,
pour des simples illicites “civils”, le droit international prévoirait des sanctions d’ordre,
essentiellement, pénal, et vice-versa.697 Sur la base de ces prémisses, à partir du contenu
réparateur ou afflictif de la sanction, il n’est pas possible de tirer des indications
déterminantes sur la nature de l’infraction. Pour arriver à des conclusions significatives
il faut chercher ailleurs les critères pour comprendre si la communauté internationale
prévoit un espace pour la création d’un système de droit pénal collectif. Le débat sur le
contenu afflictif de la sanction peut nous donner quelques indications, mais il ne nous
permet pas d’arriver à des conclusions sûres. Finalement, il n’est pas possible de
déduire l’existence ou l’inexistence de la responsabilité pénale en droit international à
partir du contenu punitif de la sanction, puisqu’il ne s’agit pas d’un critère d’ordre
formel sûr, mais d’un critère de contenu incertain.
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§ 4.6. La gravité supérieure des sanctions criminelles dans le Projet sur la


responsabilité des États de 1996.
Le fait que le Projet sur la responsabilité des États de 1996 prévoit un régime de
sanctions plus grave pour les crimes signale, certainement, la gravité supérieure des
conduites illicites qui les engendrent par rapport aux faits illicites ordinaires: il s’agit
d’infractions majeures.698 Ce régime constitue le pendant du principe selon lequel les
crimes violent les droits fondamentaux de la communauté internationale.699
Un des caractères propres de la conduite pénale et de la sanction correspondant est,
justement, la gravité supérieure par rapport à l'infraction et à la sanction civile.700 Il
faut, tout de même, établir si la sanction est proportionnée, dans son poids, à la gravité
de l’infraction criminelle.
Mis à part le châtiment de l’individu qui agit au nom de l’État, qui n’est pas défini
dans son contenu et qui nous intéresse davantage pour la relation avec la responsabilité
des personnes physiques, force est de constater que la seule disposition spéciale, à
savoir l’article 52, définit un régime de sanctions très lourd pour l’État coupable d’une

696 Sur les différentes formes de satisfaction voir F. PRZETACZNIK, La responsabilité internationale de
l’État à raison des préjudices de caractère moral et politique causés à un autre État, cit., p. 945-972.
697 Parvient à la même conclusion M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”: une
responsabilité pénale?, cit., p. 113.
698 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 65 § 28. En doctrine
voir J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de jus cogens, efecto erga omnes, crimen internacional y la
teoria de los círculos concéntricos, cit., p. 16.
699 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.2, cit., p. 6. En faveur
de la création d'un régime plus organique et plus grave de sanction de certains faits illicites
internationaux, dans un sens essentiellement pénal, voir G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo
preminente di studiosi italiani nel progetto di codificazione della responsabilità degli Stati: specie a
proposito di crimini internazionali e dei poteri del Consiglio di sicurezza, cit., p. 126.
700 Voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 427 s. et 524 s. Dans la même ligne voir P. REDONDO,
R.Y. ACOSTA ESTÉVEZ, El crimen internacional y sus consequencias jurídicas, in Revista de la
Asociation para las Naciones Unidas en España, 1993, n. 37, p. 32 s.

196
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

violation criminelle.701 L’article 52 § 1 a), en effet, permet que la restitutio in integrum


déstabilise l’État auteur du crime et autorise l’État victime à renoncer à la restitutio en
faveur d’une compensation plus avantageuse et, même, disproportionnée par rapport à
celle-ci. L’article 52 § 1 b) permet que la satisfaction, incluant le châtiment individuel,
viole la dignité de l’État sanctionné. Il ne s’agit pas de changements radicaux de la
conduite réglée par la sanction par rapport aux sanctions générales, “civiles”, mais de
différences d’ordre quantitatif. D’ailleurs, vu la nature particulière du sujet incriminé,
l’État, il serait difficile de penser à une sanction structurellement différente de la
sanction “civile”, du type emprisonnement – réintégration. La sanction principale
demeurera, tant en cas d’infraction mineure que majeure, l’obligation de cesser la
conduite illicite, toute autre forme de châtiment étant accessoire par rapport à celle-
ci.702 La différence entre la sanction des crimes et celle des délits doit se faire par le
quantum. Ainsi les sanctions pour les seuls crimes sont grièvement plus lourdes, peut-
être même trop, par rapport au régime des sanctions des délits, conformément à la
gravité particulière de l’infraction criminelle. Cette majeure gravité confirme, en ligne
générale, que la responsabilité criminelle prévue à l’article 19 pourrait être considérée
comme une forme de responsabilité pénale.703
Selon certains auteurs, par contre, le régime des sanctions prévu pour les crimes, ne
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serait pas beaucoup plus lourd que celui prévu pour les délits en général.704 Au sein de
ce courant, une influente doctrine souligne que cette réduction du décalage
s’expliquerait par le fait que le régime des délits est trop rigide, et comporte des
conséquences qui devraient s’appliquer aux seuls crimes. Une telle erreur de
perspective serait la conséquence de l’introduction de la notion de faute dans le régime
général de la responsabilité internationale, alors que, traditionnellement, le caractère
intentionnel et délibéré de l’action seraient des composantes essentielles des seuls
crimes, car les délits devraient être imputables exclusivement à titre de responsabilité
objective.705 Ainsi, par exemple, la connotation punitive de l’article 42 § 2, qui enjoint

701 Sur le châtiment de l’individu par rapport à la sanction étatique voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième
rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 22-23, § 126.
702 Dans cet ordre d’idées voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États.
Add.1, cit., p. 5, § 10.
703 Conformément, en ce qui concerne la majeure gravité de l’infraction, mais non sur sa criminalisation,
voir J. CRAWFORD, The Internationalization of Criminal Law – Remarks, cit., p. 301. selon F.
PRZETACZNIK, La responsabilité internationale de l’État à raison des préjudices de caractère moral et
politique causés à un autre État, cit., p. 972, la satisfaction ne devrait jamais compromettre la dignité,
l’indépendance ou la souveraineté de l’État responsable ou, de toute façon, l’humilier. Conformément
voir H. BUXBAUM, Das völkerrechtliche delikt, Erlange, 1915, p. 41; O. HOIJER, La responsabilité
internationale des États, Paris, Éd. Internat., 1930, p. 314; F. LISZT, Das Völkerrechtliche, 12te Aufl.,
Berlin, Springer, 1925, p. 288; H.P. FALKE, Les blocus pacifiques, Leipzig, Rossberg, 1919, p. 59.
704 Voir J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États, Add.1, cit., p. 2, § 43, Add.3, cit., p.
5-6, § 84; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 147, § 299. Voir,
aussi, M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”: une responsabilité pénale?, cit., p. 101; K.
ZEMANEK, The Legal Foundations of the International System, in R.C.A.D.I., 1997, vol. 266, p. 272; G.
ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo preminente di studiosi italiani nel progetto di codificazione
della responsabilità degli Stati: specie a proposito di crimini internazionali e dei poteri del Consiglio di
sicurezza, cit., p. 122; A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 430; J.
CRAWFORD, On Re-reading the Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 296-297; D.W.
BOWETT, Crimes of State and the 1996 Report of the I.L.C.’s Draft Articles on State Responsibility, cit.,
p. 165; G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 342-345.
705 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 148, § 300. En
doctrine voir A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 24. Voir, aussi, A. PELLET,
Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, où l’on remarque que le régime, trop rigide, des délits,
découlerait de l’approche du Rapporteur G. Arangio-Ruiz, axée, essentiellement, sur les délits et

197
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

de prendre en compte la négligence ou le caractère délibérée de l’action ou de


l’omission concourante de l’État lésé dans le calcul de la réparation, élargirait
inopinément la notion de dommage punitif à la catégorie des simples délits. En
revanche, les sanctions spécifiques des crimes seraient trop souples.706
En point de gravité de la sanction on doit, en principe, reconnaître que, au stade
évolutif de la matière, ce qui relève est la mise en place d’un régime de la responsabilité
différent. Tant que les conduites illicites ne seront pas définies avec précision, il serait
inutile de prévoir un système de sanctions dont la gravité soit définie avec précision.707
De surcroît, le fait de lier les crimes contre la paix à l’action du Conseil de sécurité, qui
comporte une série de sanctions allant jusqu’à l’emploi de la force armée, permet de
parler d’un régime de sanctions extrêmement plus grave que celui qui est prévu pour les
simples délits.708
Sur le plan des propositions, il faut souligner que certains projets, décidément
punitifs, mais relatifs quant à l’efficacité, visaient à introduire la sanction de la
suspension ou de l’exclusion de la qualité de membre des N.U., pour les États
coupables de crimes.709
Dans tout autre direction certains membres de la C.D.I. avaient proposé, au cours de
l’élaboration du Projet, notamment dans celui élaboré en 2000, d’introduire une
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sanction d’ordre pécuniaire en faveur de l’ensemble de la communauté internationale,


pour les violations majeures. Celui-ci pourrait être l'indice de l’intention de prévoir une
forme d’amende et témoignerait, donc, en faveur du caractère pénal des infractions
majeures étatiques.710

§ 4.7. La forme de la sanction, notamment criminelle, en droit international


général.
La question de la forme de la sanction, notamment de la violation majeure, ou du
crime, étatique, mérite quelques réflexions, quoiqu’elle ne soit pas très abordée en
doctrine.
En ligne générale, la sanction internationale a un caractère bilatéral, dans le sens
qu’elle s’installe entre l’État responsable du fait illicite et l’État victime.
En cas de violation d’une obligation cogens, toutefois, on peut concevoir la sanction
conséquente comme une obligation erga omnes absolue indivisible.

seulement de façon résiduelle sur les crimes. Sur l’approche aux conséquences de l’infraction étatique
voir G. Arangio-Ruiz, Rapport préliminaire sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4./416, cit., p. 8-9,
§ 12-16. Sur l’introduction de la notion de faute dans le régime générale de la responsabilité
internationale, donc son élargissement à la catégorie des délits, que nous partageons, voir G. Arangio-
Ruiz, Deuxième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 51-60, § 164-170; G. Arangio-Ruiz,
Huitième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/476/Add. 1, cit., § 48-55; voir aussi R.
AGO, La colpa nell’illecito internazionale, in Scritti giuridici in onore di Santi Romano, Padova, Cedam,
1940, p. 177-206.
706 Notamment, selon A. PELLET, Can a State commit a crime? Definitely, yes!, cit., p. 431, certaines
sanctions spécifiques des seuls crimes, par rapport aux délits, auraient été oubliées. Sur cette
interprétation voir, aussi, A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 22.
707 Conformément voir G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo preminente di studiosi italiani
nel progetto di codificazione della responsabilità degli Stati: specie a proposito di crimini internazionali
e dei poteri del Consiglio di sicurezza, cit., p. 125 et 126.
708 Conformément voir J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de jus cogens, efecto erga omnes, crimen
internacional y la teoria de los círculos concéntricos, cit., p. 18. Voir, aussi, l’opinion de R. Ago in
C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 86, § 5.
709 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.2, cit., p. 11, § 19-VI.
710 Voir M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”: une responsabilité pénale?, cit., p. 101.

198
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

Étant donné que les articles 19 § 2 et 40 § 3 du Projet sur la responsabilité des États
de 1996 et l’article 40 § 1 du Projet de 2001 conçoivent le crime, ou l’infraction
majeure, étatique, en tant que violation du ius cogens, on devrait penser la sanction
conséquente comme une obligation liant, de façon indivisible, l’État responsable à tous
les autres États de la communauté internationale.
Le Projet de 1996 ne nous éclaire pas sur ce point, toutefois la doctrine estime que la
conception du crime exposée à l’article 40 § 3 sous-tend l’idée de la sanction comme
obligation erga omnes absolue indivisible.711
Le Projet de 2001 dispose explicitement dans le sens de la conception de la sanction
des violations majeures comme obligation erga omnes absolue indivisible, car l’article
33 § 1 prévoit que les obligations de l’État responsable énoncées dans la deuxième
partie (Contenu de la responsabilité internationale de l’État), dressant la liste des
sanctions étatiques, “peuvent être dues à un autre État, à plusieurs États ou à la
communauté internationale dans son ensemble, en fonction notamment de la nature et
du contenu de l’obligation internationale violée et des circonstances de la violation”.
Il s’agit d’une interprétation indispensable, en raison de la proximité de nature entre
l’obligation violée par l’infraction majeure, ou le crime, et la sanction conséquente, non
seulement quant au devoir d’arrêter la conduite illicite et de fournir l’assurance de non-
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répétition, mais aussi quant à la réparation et à la satisfaction. Autrement on devrait


admettre qu’un État, lié au niveau de la norme primaire à l’ensemble de la communauté
internationale, se trouverait engagé, au niveau des conséquences prévues par la norme
secondaire, seulement vis-à-vis de l’État directement lésé, ce qui affaiblirait
remarquablement la tutelle renforcée de l’obligation primaire. Dans cet ordre d’idée on
enchaînera l’infraction majeure, voire criminelle, en tant que violation d’une obligation
cogens, le jugement étatique collectif décentralisé (invocation de la responsabilité), la
sanction en tant qu’obligation cogens et, en cas de violation de celle-ci, la conséquente
réaction collective décentralisée par le biais des contre-mesures exécutives.712 Étant
donné que la sanction est cogens, tout État pourra réagir au cas où la sanction même
serait violée.
La conception de la sanction en tant qu’obligation erga omnes absolue indivisible
recèle une approche pénale à la catégorie des infractions majeures étatiques.

§ 4.8. Les contre-mesures comme procédure d’exécution des sanctions dans le


cadre du Projet sur la responsabilité des États.
Dans le cadre du Projet sur la responsabilité des États de 1996 les contre-mesures,
jadis appelées représailles, sont conçues, aux termes de l’article 47 § 1, conformément
au droit international général, comme le moyen dont dispose l’État lésé pour inciter
l’État auteur du fait illicite à s’acquitter des sanctions aux termes des articles 41-46.713

711 Voir M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”: une responsabilité pénale?, cit., p. 99.
712 Sur la réaction en contre-mesure exécutive décentralisée en cas de crime étatique voir les
considérations que nous faisons, infra, au cours de ce chapitre.
713 L’article 47 § 1 prévoit que: “Aux fins des présents articles, on entend par contre-mesures le fait pour
l’État lésé de ne pas s’acquitter des ses obligations envers l’État auteur d’un fait internationalement
illicite pour l’inciter à s’acquitter des ses obligations au titre des articles 41 à 46, aussi longtemps qu’il ne
s’est pas acquitté des ces obligations et pour autant que cela soit nécessaire à la lumière de ses réponses
aux demandes de l’État lésé afin qu’il s’en acquitte”. Il faut remarquer que, à la fin des années 1970,
avant d’être reprise par R. Ago dans le Projet sur la responsabilité des États, l’expression “contre-
mesures”, déjà latente dans le vocabulaire du droit international, connut une grande fortune suite à la
sentence du Tribunal arbitral constitué par les États-Unis et la France dans l’affaire de l’Interprétation de
l’accord aérien du 24 mars 1946 (voir Trib. Arb., Interprétation de l’accord aérien du 24 mars 1946,
Etats Unis/France, sentence du 9 décembre 1978, in R.S.A., N.U., vol. XVIII, p. 454 s.). La C.I.J., de son

199
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Les contre-mesures peuvent être adoptées pour faire respecter les sanctions (articles
41-46) imposées, de façon autonome, par l’État lésé, à titre préventif ou définitif (article
48), ou bien elles peuvent être appliquées suite à la violation d’une sanction définitive,
imposée au terme du procès, volontaire et non obligatoire, qui enchaîne négociation,
conciliation et arbitrage. Elles doivent, en tout cas, suivre la tentative de négociation
prévue à l’article 54 (article 48 § 1).714 Elles doivent être proportionnelles à l'acte
illégitime (article 49).715 Elles ne peuvent pas impliquer la menace ou l’emploi de la
force armée, des mesures économiques ou politique extrêmes capables de porter atteinte
à l’intégrité territoriale de l’État qui a commis l’infraction, des mesures qui portent
atteinte au personnel, aux locaux, aux documents diplomatiques et consulaires, des
violations des droits fondamentaux de l’homme, des violations des normes de ius
cogens (article 50). L’adoption des contre-mesures donne à la partie adverse le droit de
recours unilatéral au tribunal arbitral constitué conformément à la deuxième annexe du
Projet (article 58 § 2).
En cas de crime, aux termes de l’article 53, notamment selon l’alinéa d), les contre-
mesures doivent être adoptées par tous les États de la communauté internationale.
L’exécution des sanctions demeure, donc, confiée, essentiellement, aux États.
Il n’est pas lieu, ici, d’analyser l’ensemble du système défini par la C.D.I.716 Il faut,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

plutôt, relever que les contre-mesures ont la fonction d’amener à l’application des
sanctions principales. Elles constituent, donc, des véritables actions exécutives,
consécutives au jugement étatique sur l’illégitimité du fait international, mais elles ne
sont pas des sanctions.717 À ce propos il est intéressant de remarquer que l’article 30 du

côté, a contribué à l’adoption de l’expression dans plusieurs affaires (voir C.I.J., Personnel diplomatique
et consulaire des États-Unis à Téhéran, Iran/États-Unis d’Amérique, arrêt du 24 mai 1980, in C.I.J. Rec.,
1980, p. 27 s.; C.I.J., Activités militaires et paramilitaires dans le Nicaragua et contre celui-ci,
Nicaragua/États-Unis d’Amérique, fond, arrêt du 27 juin 1986, in C.I.J. Rec., 1986, p. 106, § 201; C.I.J.,
Projet de Gobčikovo-Nagimarov, Hongrie/Slovaquie, arrêt du 25 septembre 1997, in C.I.J. Rec., 1997, p.
55 s., § 82 s.).
714 L’article 48 § 1 prévoit que: “Avant d’entreprendre des contres-mesures, un État lésé s’acquitte de
l’obligation de négocier prévue à l’article 54. Cette obligation est sans préjudice de l’adoption par cet
État des mesures conservatoires qui sont nécessaires pour préserver ses droits et sont par ailleurs
conformes aux conditions stipulées dans ce chapitre”. Sur cette question voir G. ARANGIO-RUIZ et al.,
Counter-measures and Amicable Dispute Settlement Means in the Implementation of State
Responsibility: a Crucial Issue before the I.L.C., in E.J.I.L., 1994, vol. 5, n. 1, p. 20 s.; M. BENNOUNA,
Le règlement des différends peut-il limiter le “droit” de se faire justice à soi-même?, in E.J.I.L., 1994,
vol. 5, n. 1, p. 61 s.; C. TOMUSCHAT, Are Counter-measures Subject to Prior Recourse to Dispute
Settlement Procedures?, in E.J.I.L., 1994, vol. 5, n. 1, p. 77 s.
715 Sur la nécessité de la proportion dans la réaction en contre-mesure voir C.I.J., Projet de Gobčikovo-
Nagimaros, Hongrie/Slovaquie, arrêt du 25 septembre 1997, in C.I.J. Rec., 1997, p. 56, § 87.
716 Pour analyse ponctuelle voir A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 25-29.
Voir, aussi, G. ARANGIO-RUIZ et al., Counter-measures and Dispute Settlement: the Current Debate
within the I.L.C., Symposium, in E.J.I.L., 1994, vol. 5, n. 1, p. 20-119, notamment L. CONDORELLI, Le
règlement des différends en matière de responsabilité internationale des États: quelques remarques
candides sur le débat à la C.D.I., in E.J.I.L., 1994, vol. 5, n. 1, p. 106 s.; J. DEHAUSSY, Travaux de la
C.D.I. (quarante-quatrième session), cit., p. 747-754; R. ROSENSTOCK, The Forty-fourth Session of the
I.L.C., in A.J.I.L., 1993, january, vol. 87, n. 1, p. 141-142.
717 Voir B. STERN, La responsabilité internationale, cit., p. 29, § 211, p. 27, § 235; C. DOMINICÉ, The
International Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 363; A. YAHI, La
violation d’un traité: l’articulation du droit des traités et du droit de la responsabilité internationale, cit.,
p. 448, 452, 456, d’après lequel “l’État lésé peut prendre des contre-mesures à titre de représailles pour
faire cesser l’acte illicite, il pourra aussi recourir à d’autres contre-mesures pour obtenir l’exécution
forcée de son obligation de réparer créée à la charge de l’auteur du fait illicite”, d’ailleurs “c’est une vue
à trois degrés successifs du droit international qui semble proposée: 1) Violation de l’obligation primaire;
2) Violation de l’obligation secondaire; 3) Sanction de cette double violation: contre-mesure visant à

200
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

Projet sur la responsabilité des États de 1996, affirmant la légitimité de l’action en


contre-mesure en tant que réaction à un fait internationalement illicite, titré “Contre-
mesures à l’égard d’un fait internationalement illicite”, était, originairement, intitulé
“exercice légitime d’une sanction”. D’ailleurs, au cours des travaux de la C.D.I., la
nécessité d’une réclamation, avant l’adoption d’une contre-mesure, a fait l’unanimité,
même si le contenu exact de la demande à présenter à l’État visé a été l’objet de
discussions animées. Dans les projets présentés par W. Riphagen on constate que
l’article 11, devenu l’article 47 du Projet de 1996, intitulé “Contre-mesure de l’État
lésé”, subordonnait le déclenchement de l’action unilatérale de l’État qui se prétend lésé
à la cessation du fait illicite, à la restitutio in integrum, à l’assurance de non répétition
(vieux article 6/articles 41, 43, 46), à la réparation du dommage causé (vieux article
7/article 42) et à l’épuisement des procédures internationales de règlement pacifique des
différends (vieux article 10/article 48).718 Le Projet de G. Arangio-Ruiz, tel que
présenté dans son quatrième rapport en 1992, prévoyait, également, la subordination de
l’action en contre-mesure à la demande d’exécution de la sanction.719 Cette tendance est
en phase avec la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, qui exige
que l’État qui veut suspendre l’application d’un traité doit, au préalable, notifier par
écrit sa prétention aux autres parties, en précisant les mesures envisagées et la raison
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(articles 65 et 67). Dans le même ordre d’idées Le Projet de Résolution sur le régime
des représailles en temps de paix de l’Institut de droit international, de 1934, affirme
(article 6) la nécessité pour l’État lésé de “mettre au préalable l’État auteur de l’acte
illicite en demeure de le faire cesser et d’accorder éventuellement les réparations
requises”.720 La jurisprudence exige que, avant de recourir aux contre-mesures, un État
doit avoir invité l’État auteur du fait illicite à mettre fin à son comportement et à fournir
la réparation. 721
Cette conception suit l’interprétation selon laquelle le but des contre-mesures serait
d’amener l’auteur d’un fait illicite à arrêter la violation en cas d’action continue, ou de
faire exécuter les obligations réparatrices connexes, de sorte qu’elles n’auraient ni un
caractère pénal ni civil.722 En tant que procédures, les contre-mesures ne donnent que
des indications d’ordre procédural, non pas des indications de droit matériel, sur la
nature des crimes et des délits.

l’exécution du droit”; D. ALLAND, La légitime défense et les contre-mesures dans la codification du


droit international de la responsabilité, in J.D.I., 1983, p. 745. Cette conception des contre-mesures
essaye de concilier la tendance à régler les différends par la puissance pure dans les relations
internationales avec les solutions institutionnelles, telles qu’envisagées dans la troisième partie du Projet,
mais la solution ne va pas sans problèmes (voir G. Arangio-Ruiz, Troisième rapport sur la responsabilité
des États, cit., p. 19; G. Arangio-Ruiz, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 22). Sur
cette question voir, aussi, A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 29).
718 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-septième session, in Ann. C.D.I., 1985, vol.
II, 2ème partie, p. 82-83.
719 Voir G. Arangio-Ruiz, Quatrième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 43.
720 Voir I.D.I., Projet de Résolution sur le régime des représailles en temps de paix, Paris, 19 octobre
1934, in ‹http://www.idi-iil.org/idiF/resolutionsF/1934_paris_03.fr.pdf›, p. 1-3, in Ann. I.D.I., 1934, p. 7-
10, article 6.
721 Voir Trib. Arb., Affaire relative à la Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés
dans les colonies portugaises du Sud de l’Afrique, Allemagne/Portugal, arrêt du 31 juillet 1928, in R.S.A.,
N.U., vol. II, p. 1027, où l’on affirme que “les représailles ne sont licites que lorsqu’elles ont été
précédées d’une sommation restée infructueuse”; C.I.J., Projet de Gobčikovo-Nagimaros,
Hongrie/Slovaquie, arrêt du 25 septembre 1997, in C.I.J. Rec., 1997, p. 56, § 84.
722 Voir J. COMBACAU, Le pouvoir de sanction de l’O.N.U., Étude théorique de la coercition non
militaire, Paris, Pedone, 1974, p. 17 s., qui fait référence aux cas des sanctions appliquées par les
organisations internationales.

201
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Une partie de la doctrine conçoit les contre-mesures comme des formes de sanctions
intermédiaires et non définitives finalisées à l’application des sanctions principales,
mais alors seulement une étude au cas par cas permettrait d’en comprendre la nature.723
Dans le Projet sur la responsabilité des États de 2001 les contre-mesures, réglées aux
articles 49-54, sont conçues, encore en phase avec le droit international général, comme
mesures d’exécution des sanctions prévues dans la deuxième partie du Projet (articles
28-39), car l’article 49 § 1 prévoit que: “L’État lésé ne peut prendre des contre-mesures
à l’encontre de l’État responsable du fait internationalement illicite que pour amener cet
État à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la deuxième partie.”724
Elles font suite à l’invocation et à la notification de la responsabilité par l’État lésé
(articles 42-48), doivent respecter le principe de proportionnalité (article 51) et sont
soumises au respect des obligations fondamentales dont la liste est dressée à l’article 50
En cas de violation d’une norme de ius cogens tout État de la communauté
internationale peut avoir recours à l’adoption des contre-mesures à l’encontre de l’État
responsable (articles 41, 42 b), 48 § 1 b) et 54).

§ 4.9. La nature des contre-mesures en droit international général.


Par rapport à la pratique courante du droit international, l’interprétation de la nature
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des contre-mesures n’est pas uniforme.725


Tout d’abord on remarquera qu’il n’y a pas d’unanimité quant à la signification du
mot “contre-mesure”. La plupart de la doctrine, selon une opinion que nous partageons,
tout comme la C.D.I. dans le Projet sur la responsabilité des États de 1996 (article 30) et
de 2001 (article 49 § 2), entend, par “contre-mesure”, seulement l’action qui viole,
légitimement, une obligation internationale, et qualifie de “rétorsion” l’action, purement
inamicale, qui ne viole aucun droit et peut, par conséquent, être accomplie par un État
librement, qu’il soit ou qu’il ne soit pas lésé par un fait illicite.726 D’après certains
auteurs, en revanche, constitueraient des contre-mesures tant les actions qui violent des
obligations (représailles) que celles, purement inamicales (rétorsions), qui ne violent
aucun droit de l’État auteur du fait illicite.727 Parfois la jurisprudence entend
l’expression “contre-mesures” au sens large, comme réaction à un fait, licite ou illicite,

723 Voir C. DOMINICÉ, Die internationalen verbrechen und deren rechtliches Regime, in Volkerrecht
und Rechtsphilosophie, Festschrift für Stephan Verosta, Berlin, 1980, p. 239 s.
724 Pour un commentaire des dispositions en question voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa
cinquante-troisième session, cit., p. 354-383.
725 Pour un cadre d’ensemble des différentes positions doctrinales sur les contre-mesures voir C.
LEBEN, Contre-mesures, cit., p. 4-6, § 19-32. Pour un encadrement général des contres-mesures voir D.
ALLAND, Les contre-mesures dans l’ordre juridique international. Étude théorique de la justice privée
en droit international public, thèse sous la direction de P.-M. Dupuy, Paris 2-Panthéon Assas, 1991, p. 1-
581; L.-A. SICILIANOS, Les réactions décentralisées à l’illicite: des contre-mesures à la légitime
défense, thèse sous la direction de D. Simon, Strasbourg 3-Robert Schumann, 1990, p. 1-542; E.
CANNIZZARO, The Role of Proportionality in the Law of International Countermeasures, in E.J.I.L.,
2001, vol. 12, n. 5, p. 889 s.; G. ARANGIO-RUIZ et. al., Counter-measures and Dispute Settlement: the
Current Debate within the I.L.C., Symposium, cit., p. 20 s.
726 Voir L.-A. SICILIANOS, Les réactions décentralisées à l’illicite: des contre-mesures à la légitime
défense, Paris, L.G.D.J., 1990; E. ZOLLER, Quelques réflexions sur les contre-mesures en droit
international public, cit., p. 365; P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p.
955 s.
727 Voir C. LEBEN, Les contre-mesures inter-étatiques et les réactions dans la société internationale,
cit., p. 9 s.

202
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

d’un État, qui serait normative seulement si adoptée en réponse à un fait anti-
normatif.728
En ligne générale les contre-mesures relèvent de la “justice privée”, conformément
au caractère encore largement prédominant de la société internationale, découlant de la
juxtaposition d’États également souverains.
Selon une autre interprétation, l’adoption des contre-mesures serait légitimée par
l’état de nécessité.729 Il s’agit, toutefois, d’une conception large de l’état de nécessité.
En effet, dans le Projet d’articles sur la responsabilité des États de 1996, l’état de
nécessité (article 33) est classé parmi les causes de justifications, envisagées aux
articles 30-34, dont la caractéristique commune est celle de l’état d’urgence, mais il
n’est pas conçu comme fondement des contre-mesures.
Selon une partie de la doctrine les contre-mesures auraient, en principe, un caractère
essentiellement punitif.730
Suivant un autre courant de pensée, la nature des contre-mesures serait,
essentiellement, réparatrice, car leur fonction fondamentale consisterait à rétablir
l’équilibre entre les parties.731 Feraient exception les contre-mesures, d’ordre collectif,
adoptées en cas de crime, ou de responsabilité majeure, de l’État, ayant une nature
essentiellement punitive.732 Certains auteurs, toutefois, nient le caractère punitif des
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contre-mesures même à propos des actions criminelles.733


Sans nier le but punitif des contre-mesures, une partie de la doctrine souligne des
buts parallèles.734
Il nous semble que la position la plus équilibrée consiste à entendre les contre-
mesures comme actions exécutives à caractère, en même temps, punitif et réparateur.
Dans la pratique, les actions entreprises par les États-Unis à l’égard de l’Iraq, afin de
faire respecter les obligations de réparation imposées par la Résolution 678/1991 du
C.d.S. en sont un bon exemple.735 Ceci dit, on ne peut en tirer aucune indication sur la
nature des infractions internationales, car elles s’appliquent, sans distinction, à tous les
faits illicites. On parvient, ainsi, aux mêmes conclusions tirées de l’analyse des
sanctions, où l’on a constaté que la fonction punitive est typique de toute forme de

728 Voir Trib. Arb., Affaire relative à la Responsabilité de l’Allemagne à raison des dommages causés
dans les colonies portugaises du Sud de l’Afrique, Allemagne/Portugal, arrêt du 31 juillet 1928, in R.S.A.,
N.U., vol. II, p. 1025.
729 Sur l’état de nécessité comme limite au caractère obligatoire du droit international voir D.
ANZILOTTI, Corso di diritto internazionale, 4a ed., Padova, Cedam, 1964, p. 418.
730 Pour une vision de contre-mesures comme réaction punitive du contrevenant voir J.C.
BLUNTSCHLI, Das moderne völkerrecht der civilizierten staaten, Nördlingen, Beck, 1872, p. 260; H.
LAUTERPACHT, Règles générales du droit de la paix, cit., p. 349 s.; L. OPPENHEIM, International
Law. A Treatise, 8th ed. by H. Lauterpacht, cit., p. 354 s. Voir, en outre, R. Ago, Huitième rapport sur la
responsabilité des États, in Ann. C.D.I., 1979, vol. II, 1ère partie, p. 40-49.
731 Sur la fonction réparatrice des contre-mesures en fonction exécutive des obligations de la restitutio in
integrum et de l’indemnisation, voir, en jurisprudence, C.I.J., Gobčikovo-Nagimaros, Hongrie/Slovaquie,
arrêt du 25 septembre 1997, in C.I.J. Rec., 1997, p. 55-81.
732 Voir A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 26; K. MAREK, Criminalizing
State Responsibility, cit., p. 463. Pour une vision des contre-mesures à l’égard des infractions criminelles,
notamment dans le cadre de l’O.N.U., comme sanctions punitives et pour une analyse de leur différente
nature, voir V. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Actions and Issues of State
Responsibility, cit., p. 59 s. Voir aussi, sur la base du contenu essentiellement afflictif de la sanction, M.
SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”: une responsabilité pénale?, cit., p. 111.
733 Voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit. p. 100 s.
734 Voir D. ALLAND, Justice privée et ordre juridique international, cit., p. 187 s.
735 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 25, § 130.

203
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

sanction, en droit international comme en droit interne.736 D’ailleurs le débat sur la


nature des contre-mesures reproduit, en large mesure, le débat sur la nature de la
sanction. En concevant les contre-mesures comme actions exécutives procédurales, leur
nature est, en soi, neutre, de sorte qu’on ne peut en tirer des inférences qu’en les
rattachant aux sanctions qu’elles exécutent.

§ 4.10. L’exécution de la sanction criminelle des États en droit international


général: individuelle ou collective, horizontale (décentralisée) ou verticale
(centralisée).
Du côté de l’exécution de la sanction du crime étatique, les dispositions de l’article
53 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 prévoient des mécanismes qui
s’appliquent seulement en cas de crime de l’État.737 Ils n’intéressent pas exclusivement
le rapport bilatéral entre le sujet actif et la victime, mais engendrent des relations qui
concernent tous les États de la communauté internationale.738 Ils consistent, pour
chaque État de la communauté, à ne pas reconnaître la légalité de la conduite criminelle
(article 53 alinéa a)), à ne pas aider l’auteur du crime à maintenir la situation créée
(article 53 alinéa b)), à coopérer avec les autres États pour réaliser ces deux types de
conduites (article 53 alinéa c)) et à coopérer avec les autres États pour éliminer les
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conséquences du crime (article 53 alinéa d)).739 Chaque État, donc, est chargé de venir
en aide à l'État sujet passif de la violation, pour limiter la conduite criminelle.740
Les deux premières réactions (article 53 alinéas a) et b)) semblent évidentes, elles
devraient s’appliquer, d’ailleurs, même en cas de délit.741 Le devoir de ne pas
reconnaître les effets juridiques d’un acte illicite s’inspire des dispositions de certains
textes internationaux, comme la Résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 de
l’A.G.N.U., concernant les relations amicales et la coopération entre les États, qui veut

736 Conformément voir C. LEBEN, Contre-mesures, cit., p. 4, § 19.


737 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 125-128, § 297-
303; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 371-376, § 275-288.
738 Sur le régime des reponses collectives au crime étatique voir A. PELLET, Remarques sur une
révolution inachevée, cit. p. 25.
739 Sur l’article 53 du Projet de 1996 voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus
pendant la cinquante et unième session sur les travaux de la C.D.I. de sa quarante-huitième session, doc.
A/CN.4/479/Add.1, cit., p. 24-26, § 70-76. Dans un ordre d’idées critique sur la limitation de ces types de
sanctions à la seule catégorie des crimes internationaux voir A. PELLET, Remarques sur une révolution
inachevée, cit. p. 24. Pour une critique de l’article 53 voir J. Crawford, Troisième rapport sur la
responsabilité des États, Add.4, cit., p. 25, § 410. D’après D.W. BOWETT, Crimes of State and the 1996
Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit., p. 171, l’article 53 définirait une forme de sanction
particulière, pénalisant le sujet actif de façon indirecte, en chargeant la communauté entière de
l’obligation de venir en aide à la victime pour l’exécution de l’action en contre-mesure, sans prévoir
l’imposition d’une obligation directe à l’auteur du fait illicite.
740 Cette forme d’exécution rappèle quelque peu l’article 16 § 5 du Pacte de la S.d.N., qui prévoyait que
les Etats membres se prêteraient “un mutuel appui” dans la réaction contre un État recourant à la guerre
en violation du Pacte.
741 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 383-384, § 317-
319; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 127, § 302; Sixième
Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquantième session sur les travaux de la
C.D.I. de sa quarante-septième session, doc. A/CN.4/472/Add.1, cit., p. 23, § 81; J. Crawford, Premier
rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 6, § 84, d). Les alinéa a) et b) de l’article 53
reprennent, essentiellement, le texte de l’article 6 § 1 lettres a) et b) du Projet présenté par W. Riphagen
en 1982 (voir W. Riphagen, Troisième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 14 s.), précisé
ensuite par G. Arangio-Ruiz dans la rédaction de l’article 18 tel que proposé en 1995 (voir G. Arangio-
Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, Add.1, cit., p. 23-26, § 61-69; G. Arangio-Ruiz,
Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 23-26, § 61-69).

204
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

que les acquisitions territoriales résultant de la menace ou de l’emploi de la force ne


soient pas reconnues comme légales, ou la Résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre
1974 de l’A.G.N.U., concernant la définition de l’agression. Plus en général, la pratique
montre que les États n’acceptent pas les effets juridiques des situations produites par un
acte illicite. Il suffira de rappeler, par exemple, les déclarations répétées des États et des
Organisations Internationales sur l’illégalité de l’annexion du Koweït par l’Irak.742
Concernant le devoir de ne pas aider ou de ne pas assister l’État auteur d’un fait illicite,
l’article 53 § 1 b) codifie l’opinio iuris générale sur le point. Par exemple, la Résolution
465 du 1er mars 1980 (Territoires occupés par Israël) du C.d.S. demande à tous les États
“de ne fournir à Israël aucune assistance qui serait utilisée spécifiquement pour les
colonies de peuplement des territoires occupées”.743 On retrouve, d’ailleurs, ces formes
de réaction à l’article 41 du Projet adopté en 2001.744
La réaction contemplée à l’article 53 d) creuse un véritable fossé par rapport à
l’exécution de la sanction des délits internationaux. Malgré les hésitations du
Rapporteur spécial, elle a été gardée dans la version du Projet adoptée en 2001.745 Le
Projet de 2001, tout en refusant, du moins apparemment, la notion de crime de l’État,
garde la possibilité de la réaction collective en cas de violation grave du droit impératif,
nécessairement erga omnes, (articles 41, 42 § 1 b), 48 § 1 b) et 54), dans l’esprit des
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propositions formulées par J. Crawford en 2000 (articles 40-bis § 2, 50A et 50B).746


Étant donné ce cadre, selon certains auteurs, en matière de contre-mesures, le Projet
prévoirait un régime uniforme pour tous les actes illicites internationaux, alors que l’on
aurait pu logiquement s’attendre à une faculté accrue de recours à ces outils contre
l’État auteur d’un crime international.747 Une partie de la doctrine relève, plus
particulièrement, que le recours à certaines contre-mesures, possible pour toute sorte de
violation d’une obligation internationale, justifié en cas de crime, est excessif en cas de
délit. Il y aurait, donc, une erreur de perspective, dans le sens de l’aggravation excessive
du régime des réactions au délit, qui empêcherait une distinction nette du régime des
réactions aux crimes.748

742 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 25-26, § 134;
C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-huitième session, cit., p. 194.
743 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 26-28, § 136-
140.
744 Voir J. Crawford, Troisième rapport sur la responsabilité des États, Add.4, cit., p. 26, § 412. Pour un
commentaire voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-troisième session, cit., p. 309-
313.
745 Voir J. Crawford, Troisième rapport sur la responsabilité des États, Add.4, cit., p. 25-26, § 411.
746 Pour un commentaire des textes des articles du Projet de 2001 concernant la réaction collective en
contre-mesure voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-troisième session, cit., p. 308-
309, p. 375-382. Voir le texte des articles proposés par le quatrième Rapporteur spécial en 2000 in J.
Crawford, Troisième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 60, § 119, et Add.4, cit., p. 27, § 413.
Sur cette approche de la responsabilité majeure étatique voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de
sa cinquante-deuxième session, 1er mai-9 juin et 10 juillet-18 août 2000, in A.G., doc. off., 5ème sess.,
2000, suppl. n. 10, A/55/10, disponible dans le réseau Internet à l’adresse des Nations Unies ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/664/25/PDF/N0066425.pdf?OpenElement›, p. 95-96, § 335-337,
p. 99-102, § 364-373.
747 Voir A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 23-25; B. STERN, La
responsabilité internationale, cit., p. 24, § 209; J. Crawford, Deuxième rapport sur la responsabilité des
États, Add.4, cit., p. 6-7, § 371.
748 Voir A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 431, d’après lequel cette
erreur de perspective serait due au fait que, tandis que la C.D.I., sous la direction de G. Arangio-Ruiz,
travaillait, essentiellement, sur les délits et, en voie résiduelle, sur les crimes, elle considérait, comme
exemple pour la définition des infractions et des relatives conséquences, l’agression.

205
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

La possibilité de la réaction collective en contre-mesure constitue le pendant


nécessaire du caractère spécifique des conduites criminelles, consistant dans la violation
des intérêts (fondamentaux) de la communauté internationale dans son ensemble: le
sujet passif de la violation n’est pas seulement la victime directe de l’action, mais aussi
tous les autres États de la communauté internationale.749 Si, du côté de l’infraction, le
sujet passif n’est pas seulement la victime directe de l’action, mais aussi tous les autres
États de la communauté internationale, en application du schéma de la violation d’une
obligation erga omnes absolue indivisible, du côté de la sanction ceci implique la
réaction à l’infraction de tous les États de la communauté internationale.750
On voit bien comme, sur le plan de la procédure d’exécution, la C.D.I. a embouché
la voie de la solution “pénale”, conformément aux prémisses de droit matériel présentes
dans la première partie du Projet de 1996, à l’article 19, et dans la deuxième partie du
Projet de 2001, à l’article 40. On sait, en effet, que, normalement, les violations pénales
n’intéressent pas seulement l’auteur et la victime du crime, mais aussi tous les sujets de
n’importe quelle communauté. En conséquence de cette conception de l’infraction
pénale, dans une communauté étatique de sujets égaux, qui connaît un pouvoir
supérieur, la réponse à la violation criminelle, collective, tant au niveau du jugement
qu’au niveau de l’exécution, est centralisée et organisée par le biais d’un procès
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spécifique où l'initiative de l’action appartient à la collectivité et la sanction privative de


la liberté lie le coupable à la communauté, non seulement le coupable et la victime.
Dans la communauté internationale, méconnaissant un pouvoir centralisé supérieur aux
États, la réponse à la violation “criminelle”, collective, sera décentralisée, sauf au cas
où les États parviendraient à un accord pour une action collective coordonnée, tant au
niveau du jugement qu’au niveau de l’exécution. En définitive, mis à par le caractère
centralisé de la réaction, aussi bien au niveau du jugement de la responsabilité majeure
étatique qu’au niveau de la procédure d’exécution de la sanction conséquente, le Projet
sur la responsabilité des États configure une réaction de type collectif, façonnant, ainsi,
un ordre de type “pénal”.751
Sur le plan de la nature des contre-mesures criminelles on relèvera que la non-
reconnaissance de la légalité de la violation et la non-coopération avec l’auteur de l’acte

749 Sur la liaison entre les articles 19, 40 § 3 et 53 du Projet de 1996 voir C. LEBEN, Contre-mesures,
cit., p. 8, § 54.
750 Sur la réaction des Etats “tiers” en cas de violation d’une obligation “erga omnes” voir C.
DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p.
361-363. Voir, aussi, C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de la quarante-huitième session, cit., p. 194.
Dans ce cas on peut affirmer que la finalité principale de l’adoption des contre-mesures n’est pas la
réparation du dommage, mais le rétablissement de la légalité internationale violée. Des contre mesures de
ce type ont été adoptées par les États-Unis à l’égard de l’Ouganda, pour les actes de génocide de son
gouvernement, à l’égard de l’U.R.S.S. pour l’occupation de l’Afghanistan, ou par plusieurs États
européens contre l’Argentine suite à l’occupation des îles Malouines (voir C. LEBEN, Contre-mesures,
cit., p. 4, § 21).
751 Conformément voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 124-
125, § 265. En doctrine voir J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de jus cogens, efecto erga omnes, crimen
internacional y la teoria de los círculos concéntricos, cit., p. 17. Sur la réaction collective comme critère
distinctif du crime étatique voir C.G. FENWICK, The Fundamental Principles of International Law, in
A.J.I.L., 1942, july, vol. 36, n. 3, p. 446. Contrairement voir M. SPINEDI, La responsabilité de l’État
pour “crime”: une responsabilité pénale?, cit., p. 97, où l’on lit que: “L’idée de base de la C.D.I. était
que le crime est un fait illicite qui porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la communauté
internationale tout entière et que, par conséquent, le sujet ‘directement lésé’ ne saurait être laissé seul
devant l’auteur du fait illicite. C’est l’idée des faits illicites qui lèsent simultanément les droits subjectifs
de tous les États qui se fait jour [...] l’aspect du régime spécial envisagé pour les crimes qui porte sur le
sujet autorisé à faire valoir la responsabilité n’évoque en soi rien de typique d’un régime de responsabilité
pénale”.

206
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

illicite manifestent un caractère essentiellement punitif. La coopération pour


l’élimination des conséquences du crime, mesure exécutive d’ordre procédural, présente
aussi bien un caractère de réparation qu’un caractère punitif, mais il s’agit d’un
classement générique, vu l’extrême variété des actions par lesquelles peut se réaliser
cette mesure.
Du côté du contenu de l’action en contre-mesure, on remarquera que l’agression est
la seule infraction qui autorise, conformément au droit international général, suivant les
articles 39 du Projet de 1996 et 59 du Projet de 2001, renvoyant à l’article 51 de la
Charte des N.U., une réaction de type armée, ce qui dénote une différence sensible, au
niveau procédural, par rapport aux autres infractions étatiques.752
Finalement on signalera que l’article 18 de la deuxième partie du Projet sur la
responsabilité des États proposé par G. Arangio-Ruiz en 1995, précurseur de l’article 53
adopté en première lecture en 1996, prévoyait, en cas de crime international, que tous
les États “mettent pleinement en œuvre le principe aut dedere aut iudicare, à l’égard de
tout individu accusé de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité dont la
commission a provoqué le crime international de l’État ou y a contribué”. Il s’agissait
d’une mesure exécutive particulièrement intéressante, qui établissait un lien étroit entre
les crimes individuels, tels que prévus dans le Projet de Code des crimes contre la paix
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et la sécurité de l’humanité et les crimes étatiques de l’article 19 du Projet sur la


responsabilité des États, qui, toutefois, n’a pas été retenue dans la version finale de
l’article 53 du Projet de 1996.753
Sur un autre plan, concernant l’organisation de la réponse exécutive en contre-
mesure, on rencontre les problèmes déjà abordés du côté du jugement des infractions
étatiques majeures en tant que violations d’obligations erga omnes absolues
indivisibles. On peut concevoir, en effet, l’exécution soit comme action décentralisée,
de façon purement horizontale, soit comme action coordonnée par le centre,
introduisant un principe de verticalité. La première approche ouvre la voie à une
réaction étatique décentralisée. La seconde interprétation laisse entrevoir un mécanisme
de réaction collective unitaire à la violation.754
La conception de la réaction centralisée est décidément préférable. La décision
centralisée sur l’adoption d’éventuelles actions en contre-mesure offre, en effet, toutes
les garanties nécessaires pour mener une réaction coordonnée. Certains dispositifs
actuellement en place dans le droit international relatif disposent, d’ailleurs, dans ce
sens: on pense, notamment, au mécanisme collectif de réaction aux violations de la paix
du C.d.S. de l’O.N.U.755
L’interprétation de la réaction périphérique s’inspire de la théorie de la légitime
défense élaborée en droit interne et de l’article 51 de la Charte des N.U., qui parle de
légitime défense “individuelle ou collective”, et postule que l’action menée par un État
en légitime défense, de soi-même ou d’autrui, aurait, quand même, un intérêt d’ordre

752 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.2, cit., p. 19, § 31-VI.
753 Voir le texte de l’article in G. Arangio-Ruiz, Septième rapport su la responsabilité des États, Add.1,
cit., p. 3, § 139 et le commentaire relatif in G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des
États, cit., p. 26, § 68; G. Arangio-Ruiz, Huitième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 8, § 22-
24. Sur la question de la punition de l’individu en tant que contre-mesure étatique voir C.D.I., Rapport à
l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 378, § 195; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les
travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 127-128, § 302.
754 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 7 s., § 76 s.
755 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.2, cit., p. 18-19, § 31-
IV-V, p. 23, § 39-IV. En faveur de la réaction centralisée dans le cas des infractions majeures voir V.
GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p.
73.

207
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

public collectif.756 Toutefois l’analogie est trompeuse, tout d’abord car l’article 51 de la
Charte des N.U. fait partie d’un système d’ordre relatif, ensuite parce qu’il ne regarde
que la conduite illicite de l’agression. 757 L’idée de la réaction étatique décentralisée,
totalement étrange à logique du droit pénal, ouvre la porte à une forme de réaction
éparpillée, où tout État pourrait juger la violation d’une sanction imposée à l’égard d’un
fait illicite et décider l’adoption des actions en contre-mesure conséquentes.758
L’administration directe de la vengeance par chaque État pourrait se traduire dans le ius
omnium contra omnes, allant jusqu’à remettre en cause le principe du non-recours à la
force armée dans les relations internationales.759
Les dispositions du Projet sur la responsabilité de 1996 et, encore plus, celles du
Projet adopté en 2001, suivent clairement la ligne de la réaction décentralisée. Le
Projet, en effet, exclue toute forme de procédure institutionnalisée, en supprimant les
dispositions de la troisième partie du Projet de 1996 et en faisant avorter les
propositions du troisième Rapporteur, G. Arangio-Ruiz, qui envisageaient une
réglementation des différends majeurs obligatoire par tierce partie. Ainsi, en cas de
crime (article 19 du Projet de 1996) ou de violation grave d’une norme impérative
(article 40 du Projet de 2001), tout État doit agir en contre-mesure (article 53 alinéa d)
du Projet de 1996, articles 41 § 1, 48 § 1 b) et 54 du Projet de 2001). Le Projet sur la
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responsabilité des États, ainsi, légitime la réaction décentralisée sans limites, entraînant
le risque d’actions arbitraires en contre-mesure dans le domaine des infractions
étatiques majeures, selon le principe de la plus répandue anarchie, en dehors du système
onusien. Pourtant, c’est bien ce risque que certains membres de la C.D.I. espéraient
éviter en soulignant que “laisser différents États réagir séparément et de différentes
manières à un ‘crime’ est le plus sûr moyen de semer l’anarchie et qu’en pareil cas
seules des réactions collectives converraient”.760 Le résultat de la codification et du

756 Voir M. SPINEDI, La responsabilité de l’État pour “crime”: une responsabilité pénale?, cit., p. 97;
P.-M. DUPUY, Observations sur la pratique récente des “sanctions” de l’illicite, cit., p. 523-524. En
poussant à la limite cette interprétation et en prenant inspiration du parallèle avec l’article 328 du Code
pénal français, une partie de la doctrine affirme qu’un État pourrait agir en légitime défense de soi-même
ou d’autrui (voir L. LE FUR, Guerre juste et juste paix, in R.G.D.I.P., 1919, t. 26, p. 74).
757 Pour une interprétation conforme voir P.-M. DUPUY, Observations sur le“crime international de
l’État”, cit., p. 471. Sur la question de la légitime défense voir D.W. BOWETT, Self-defence in
International Law, Manchester, University Press, 1958; J. Žourek, La notion de légitime défense en droit
international. Aperçu historique et principaux aspects du problème, Rapport à l’I.D.I., 1975, p. 1-79; H.
KELSEN, Collective Security and Collective Self-defence under the Charter of the U.N., cit., p. 783 s.
758 Sur les contre-mesures comme moyens de réaction décentralisée à l’infraction voir E. ZOELLER,
Peacetime Unilateral Remedies: an Analysis of Countermeasures, New York, Transnational Publ., 1984;
L.-A. SICILIANOS, Les réactions décentralisées à l’illicite – Des contre-mesures à la légitime défense,
Paris, L.G.D.J., 1990. Selon C.I.J., Détroit de Corfou, Royaume-Uni/Albanie, fond, arrêt du 9 avril 1949,
in C.I.J. Rec., 1949, p. 35, les contre-mesures apparaissent “comme la manifestation d’une politique de
force qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves” et qui est “réservée par la nature des
choses aux Etats les plus puissants”.
759 Sur ce point voir P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime international de l’État”, cit., p. 483; H.
KELSEN, Collective Security and Collective Self-defence under the Charter of the U.N., cit., p. 783 s.
760 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-deuxième session, cit., p. 39, § 128.
Dans le même ordre d’idées voir P.-M. DUPUY, L’unité de l’ordre juridique international – Cours
général de droit international public, cit., p. 367-377; V. PELLA, La codification du droit pénal
international, cit., p. 415, d’après lequel “élaborer un code pénal international et refuser de créer la
juridiction appelée à l’appliquer, c’est formuler des règles de droit pénal international en partant de l’idée
que leur application est fonction de la fortune changeante des armes et non d’éléments stables, consistant
en une organisation préexistante et permanente de la justice pénale internationale”. Sur la nécessité d’une
réponse institutionnalisée au crime étatique, pour éviter l’anarchie internationale, voir, aussi, V. PELLA,
La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 124-127. D’après M. CHEMILLIER-GENDRAU,
Dommages de guerre à géométrie variable, in Le Monde Diplomatique, n. 595, octobre 2003,

208
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

développement progressif de la responsabilité majeure des États, qui aura coûté, au


moins, vingt-cinq ans de travail, est quelque peu décevant: le Projet prévoit une
responsabilité majeure, voire pénale, étatique, mais refuse de mettre en place une
juridiction centralisée non seulement du côté du jugement, mais aussi du côté de
l’exécution de la sanction.

§ 4.11. Le rapport entre le Projet sur la responsabilité des États et la Charte des
Nations Unies, notamment le crime contre la paix et le déclenchement des
réactions du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
Finalement il faut considérer les réactions aux violations des obligations
fondamentales prévues dans la Charte des N.U., auxquelles le Projet sur la
responsabilité des États, dans la formulation de 1996 et de 2001, renvoie
expressément.761 En effet, le système onusien, le plus universel actuellement existant,
instituant un mécanisme de centralisation de la gestion de la force en réponse aux
infractions internationales, se distingue des autres organisations relatives, notamment
du Pacte de la S.d.N. et des Conventions pour le règlement pacifique des différends de
La Haye du 28 juillet 1899 et du 18 octobre 1907 qui sont axés sur le principe du
consensus pour la résolution des controverses inter-étatiques.
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L’article 39 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 dispose que: “Les
conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite d’un État énoncées dans les
dispositions de la présente partie (la deuxième, concernant les conséquences de
l’infraction) sont, s’il y a lieu, soumises aux dispositions de procédure de la Charte des
Nations Unies relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales.”762

‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 25, concernant le Projet sur la responsabilité des États de 2001,


on doit estimer que “si l’on veut transformer l’humanité en une véritable communauté politique, il faut
que tous les États puissent faire valoir leur intérêt juridique au respect de la règle du droit. Au lieu de
cela, la porte reste ouverte aux contre-mesures, ce qui apparaît comme constitutif d’une certaine
régression du droit international puisqu’il s’agit de l’autorisation à chacun de se faire justice à soi-
même”.
761 Déjà l’article 5 du Projet d’articles de la deuxième partie, présenté par W. Riphagen en 1982, (devenu
l’article 4 de la version de 1984), prévoyait, que: “L’exécution des obligation qu’entraîne pour un État un
fait internationalement illicite dudit État et l’exercice des droits qu’entraîne ledit fait pour d’autres États
sont soumis aux dispositions et aux procédures prévues par la Charte des Nations Unies”, l’article 6 § 2
(devenu l’article 14 dans la version de 1984) élargissait la disposition en question aux réactions aux
crimes étatiques, tandis que l’article 15 du Projet proposé en 1984 prévoyait, notamment, que l’agression
aurait entraîné toutes les conséquences des crimes étatiques, ainsi que celles prévues par la Charte des
N.U. Pour le texte proposé en 1982 voir W. Riphagen, Troisième rapport sur la responsabilité des États,
cit., p. 56-58, § 149-150. Pour une critique des dispositions en question voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur
les travaux de sa trente-quatrième session, 3 mai-21 juillet 1982, doc. A/37/10, in Ann. C.D.I., 1982, vol.
II, 2ème partie, p. 84-85; C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la trente-quatrième session, 3
mai-23 juillet 1982, in Ann. C.D.I., 1982, vol. I, p. 198 s. Pour le texte proposé en 1984 voir W.
Riphagen, Sixième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 5 et 14. Sur le problème de la relation
entre le Projet sur la responsabilité des États et la Charte des N.U. voir Sixième Commission, Résumé
thématique des débats tenus pendant la cinquante et unième session sur les travaux de la C.D.I. de sa
quarante-huitième session, 1996, doc. A/CN.4/479Add.1, cit., p. 9, § 17. En doctrine voir D.W.
BOWETT, The Impact of Security Council Decisions on Dispute Settlement Procedures, in E.J.I.L.,
1994, vol. 5, n. 1, p. 89 s.
762 Sur l’article 39 voir J. Crawford, Troisième rapport sur la responsabilité des États, Add.4, cit., p. 30-
31, § 422-426. Sur la question de la procédure des organes des N.U., dans la configuration actuelle de
leur pouvoir, par rapport aux crimes étatiques, voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la
responsabilité des États, Add.3, cit., p. 13, § 98 s.; G. Arangio-Ruiz, Sixième rapport sur la responsabilité
des États, Add.1, cit., p. 4-5, § 8. Sur les problèmes connexes à la capacité du C.d.S. et de l’A.G.N.U. de
juger les crimes étatiques voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session,
cit., p. 378-383, § 298-312.

209
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

La subordination du Projet sur la responsabilité des États à la Charte des N.U., est
reconnue, aussi, à l’article 59 de la version de 2001, qui prévoit, de façon plus
générique, que les dispositions du Projet “sont sans préjudice de la Charte des Nations
Unies”.763
Par ailleurs il faut remarquer que cette disposition est assez inutile du moment que,
déjà en vertu de l’article 103 de la Charte des N.U., celle-ci primerait sur un éventuel
traité concernant la responsabilité des États, tandis que, si le Projet devait assumer la
forme d’une déclaration de principe, la Charte des N.U. primerait également, exception
faite pour d’éventuelles dispositions cogentes.
Quoi qu’il en soit, en cas de violation de la paix toute une série de mesures est mise
en place dans le système onusien, notamment celles réglées aux chapitres VI-VII de la
Charte des N.U., qui prévoient, respectivement, le règlement pacifique des différends et
l’application des mesures coercitives sous l’égide du Conseil de sécurité. En dehors de
l’autorisation du C.d.S. le recours à la force est interdit pour les États qui adhèrent à
l’O.N.U.764 Cette disposition, d’ordre procédural, concerne les crimes en tant que
violations majeures du droit international: non seulement l’agression, mais aussi la
violation du droit à l’autodétermination et les droits de l’homme, tandis que, d’après
une partie de la doctrine, difficilement elle pourrait concerner aussi les violations de
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l’environnement.765 En réalité le concept de paix est tellement large que toute infraction
peut en constituer une violation, à la limite même les infractions environnementales. La
compétence exercée par le Conseil de sécurité est très étendue, en vertu de la
disposition large, non spécifique, de l’article 39 de la Charte des Nations Unies, qui lui
donne un vaste pouvoir discrétionnaire dans l’évaluation de la subsistance d’une
violation de la paix et de l’application des mesures conséquentes, non impliquant
l’emploi de la force armée, comme le pouvoir de recommander aux États la rupture des
relations économiques ou diplomatiques, aux termes de l’article 41 de la Charte, ou
bien impliquant l’emploi de la force armée, aux termes de l’article 42 de la Charte.766
Le renvoi opéré par le Projet implique aussi l’application de l’article 6 de la Charte
des N.U., prévoyant l’exclusion de l’Organisation de l’État qui enfreint de façon
persistante les principes de la Charte. Selon l’avis d’une influente doctrine, cette mesure
ne pourrait se révéler que négative, car elle permettrait à un État de se soustraire aux
obligations découlant de la Charte et du Projet, notamment en ce qui concerne les
obligations en matière criminelle.767
D’une manière générale, du point de vue de la qualification, on pourrait
raisonnablement soutenir que les mesures onusiennes ont un caractère essentiellement

763 L’article 59 du Projet de 2001 reprend et généralise, justement, l’article 39 contenu dans le Projet de
J. Crawford proposé en 2000 (voir le texte de l’article 39 in J. Crawford, Troisième rapport sur la
responsabilité des États, Add.4, cit., p. 33, § 429; voir, aussi, C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de
sa cinquante-deuxième session, cit., p. 108, § 398-399). Sur l’article 59 du texte de 2001 voir C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-troisième session, cit., p. 391-392.
764 Voir H. KELSEN, Collective Security and Collective Self-defense under the Charter of the United
Nations, cit., p. 783 s.; H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 49-51; E. GIRAUD, La
révision de la Charte des Nations Unies, cit., p. 450; K. HERNDL, Reflections on the Role, Functions
and Procedures of the Security Council of the United Nations, in R.C.A.D.I., 1987-VI, vol. 206, p. 301-
339.
765 Dans le sens que l’action du C.d.S. couvrirait les infractions prévues à l’article 19 § 3 du Projet de la
C.D.I. sur la responsabilité des États, exceptées les infractions environnementales, voir V. GOWLLAND-
DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p. 64; G.
ARANGIO-RUIZ, The “Federal Analogy” and U.N. Charter Interpretation: a Crucial Issue, in E.J.I.L.,
1997, vol. 8, n 1, p. 24.
766 Sur la définition large des infractions soumises au contrôle du C.d..S. voir nos considérations infra.
767 Voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 97.

210
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

punitif, mais cette interprétation ne fait pas l’unanimité en doctrine, car on peut aussi les
voir comme des actions ayant un but, essentiellement, réparateur.768 À notre avis les
deux conceptions ne s’excluent pas: on ne peut que répéter ce qu’on a dit à propos des
sanctions en droit international général, du moment que les sanctions prévues au
chapitre VII de la Charte des N.U. reflètent le spectre des sanctions du droit
international général. On distinguera, en outre, l’aspect matériel de la sanction, c’est à
dire le devoir imposé à l’État coupable, par exemple celui de supporter l’interruption
des relations économiques, du côté exécutif de la mesure, consistant dans
l’accomplissement des actes concrets finalisés à réaliser la sanction, dans le cas
d’espèce l’interruption en concret des relations économiques.
Au premier abord, en matière de crimes, ou de violations majeures, étatiques, il
semblerait que, si le Projet introduit, potentiellement, un élément d’étonnante nouveauté
dans l’ordre juridique international, son effet est presque totalement anéanti par l’action
combinée du renvoi opéré au système onusien et de l’indétermination de l’article 39 de
la Charte des N.U. En pratique rien ne changerait par rapport à l’ordre actuellement en
place, car les crimes de l’article 19 du Projet de 1996 ou les violations du ius cogens du
Projet de 2001 relèveraient du pouvoir discrétionnaire du Conseil exactement comme
maintenant, au moins pour les États qui sont parties à l’O.N.U.: en dehors de
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l’autorisation du C.d.S. un État membre ne pourrait pas réagir en contre-mesure car les
dispositions procédurales du Projet demeureraient sans effet.769 Par une interprétation
juridiquement imparfaite, mais analogue à celle soutenue dans la Résolution 377 (V) du
3 novembre 1950 (Union pour la maintien de la paix/Acheson), on peut, toutefois,
penser que les États membres pourraient réagir en contre-mesure en cas d’inaction du
C.d.S.: le Projet légitimerait, alors, un ordre mondial complètement anarchique.770

768 Sur les mécanismes de réaction à l’infraction prévus dans la Charte de N.U. axés sur le C.d.S. en tant
que sanctions voir H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental
Problems, cit., p. 735; V. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of
State Responsibility, cit., p. 58. Sur la conception des mesures de la Charte des N.U. comme sanctions
d’ordre pénal voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 86, § 5. En
doctrine, en faveur de l’interprétation pénale des mesures de la Charte des N.U. voir C. Th.
EUSTATHIADÈS, Les sujets du droit international et la responsabilité internationale – Nouvelles
tendances, cit., p. 434-458; A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 433-434.
Sur la place de la procédure du chapitre VII dans le système de la responsabilité des États, favorablement,
voir J. ALCAIDE FERNANDEZ, M.C. MÁRQUEZ CARRASCO, La legítima defensa y los nuevos
desarrollos de la acción de las Naciones Unidas en el marco de la seguridad colectiva, in An. Der. I.,
1997, XIII, p. 268 s.; J. ALCAIDE FERNÁNDEZ, El sistéma de la O.N.U. y los crímenes
internacionales de los Estados, la O.N.U. cinquenta años después, Comité nacional español para el
cinquentenario de la Naciones Unidas, Organización de las Naciones Unidas en España y Universidad de
Sevilla, Sevilla, 1996, p. 151-200.
769 Conformément voir G. ARANGIO-RUIZ, The “Federal Analogy” and U.N. Charter Interpretation:
a Crucial Issue, cit., p. 25, note 38. D’après W. Riphagen, Troisième rapport sur la responsabilité des
États, cit., p. 58, § 150, il faut estimer que “le système des Nations Unies intervient, d’une manière ou
d’une autre, dans tous les cas cités à titre d’exemples (possibles) de crime international au paragraphe 3
de l’article 19 de la première partie du Projet”. Sur la question voir, aussi, G. Arangio-Ruiz, Cinquième
rapport sur la responsabilité des États, Add.2, cit., p. 30 s, § 51 s; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux
de sa quarante-septième session, cit., p. 117-118, § 272. Voir, aussi, P.-M. DUPUY, Observations sur le
“crime international de l’État”, cit., p. 473 s., qui affirme que le système de sécurité de l’O.N.U.
“instaure une claire dualité entre, d’une part, la responsabilité civile inter-étatique, affectée presque
exclusivement aux fonctions de réintégration et, d’autre part, une responsabilité spécifique de l’État vis-
à-vis de tous les membres du groupe institué, provoquée par la contravention à l’obligation la plus
essentielle à la cohésion de ce groupe, qui est d’éviter le recours individuel à la force armée”.
770 Contre cette interprétation voir C. LEBEN, Les contre-mesures inter-étatiques et les réactions à
l’illicite dans la société internationale, cit., p. 29-31, d’après lequel seulement en vertu d’une autorisation
explicite du C.d.S. les États onusiens pourraient agir en contre-mesure.

211
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Selon une interprétation correcte du système des sources du droit international et de


la Charte des N.U., la subordination du Projet sur la responsabilité des États à la Charte
des N.U., en vertu de l’article 103 de la Charte, ainsi que des articles 39 du Projet de
1996 et 59 du Projet de 2001, pose le problème de l’utilité du Projet sur la
responsabilité des États en matière de réactions aux faits illicites internationaux.771 Au
delà d’une clarification générale des éléments de l’infraction et des sanctions possibles,
sa validité quant aux procédures de réaction est appréciable seulement pour les États qui
n’adhèrent pas au système onusien. En outre, si on devait estimer, sur la base de
l’article 2 § 6 de la Charte des N.U., que le système onusien a une efficacité universelle,
la valeur procédurale du Projet sur la responsabilité des États serait totalement
anéantie.772 Dans le cadre de l’O.N.U., la primauté des règles de la Charte anéantit
l’utilité des règles procédurales du Projet. Si l’on veut exploiter tout le potentiel du
Projet, dont les normes se superposent à celles de la Charte, notamment en ce qui
concerne les intérêts fondamentaux de la communauté internationale et la responsabilité
majeure des États, il faut lui conférer la même force de la Charte et coordonner
complètement les dispositions des deux textes normatifs, notamment en matière de
réaction aux infractions internationales.
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Conclusion.
Toutes les sanctions présentent un caractère réparateur et afflictif à la fois.
En droit interne la sanction pénale a un contenu principalement punitif et, en voie
résiduelle, de réparation: elle intéresse toute la communauté avant que l’individu lésé.
La sanction civile a un contenu principalement de réparation et, en voie résiduelle,
punitif: elle intéresse le sujet lésé avant que la communauté.
Le caractère exécutif de la sanction est en conformité avec sa forme. L’exécution de
la sanction civile se réalise par l’instance du sujet violé, titulaire de la prétention à la
réparation. L’exécution de la sanction pénale est menée par l’ensemble de la
communauté titulaire du droit violé, du côté actif de la sanction, aussi bien lorsqu’elle
impose une omission, comme dans le cas de la privation de la liberté, que lorsqu'elle
impose une action, comme dans le cas des peines pécuniaires. L’exécution reflète, donc,
la structure formelle de la sanction. On a, en effet, cette bipartition: 1) sanction civile
intéressant le sujet actif individuel et le sujet passif individuel, impliquant une
exécution interindividuelle; 2) sanction pénale intéressante le sujet actif individuel et le
sujet passif collectif, impliquant une exécution collective.
Dans la sanction du crime, ou de l’infraction majeure, étatique, on peut déceler
quelques aspects typiques de la peine et, concernant le jugement et l’action exécutive,
on y retrouvera quelques traits propres de la procédure pénale.
La sanction des infractions majeures jouit d’une certaine autonomie systématique par
rapport à la sanction des violations ordinaires. Cette autonomie se manifeste, au sein du
Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États de 1996, dans la gravité supérieure de
la répression du crime (article 52), tandis que le Projet de 2001 prévoit un régime de

771 Sur le problème de la coordination entre le droit international général et le droit onusien voir P.
ZICCARDI, Règles d’organisation et règles de conduite en droit international, in R.C.A.D.I., 1976-IV,
vol. 152, p. 296-297.
772 Sur l’efficacité de la Charte de l’O.N.U. envers les États tiers en vertu de l’article 2 § 6, dans un ordre
d’idées fortement critique, voir H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 53; H.
KELSEN, The Law of United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental Problems, cit., p. 19, 106-
110.

212
LE CÔTÉ OBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
LA PROCÉDURE ET LA SANCTION

sanctions uniforme pour les infractions majeures et ordinaires en cas de crime de


l’État.773
La forme de la sanction des infractions majeures est celle de l’obligation erga omnes
absolue indivisible, car elle s’installe entre l’État responsable et tous les autres États de
la communauté internationale.
Quant à l’adoption des contre-mesures, l’exécution collective de la sanction (article
53 c) du Projet de 1996, articles 41 § 1, 42 § 1 b), 48 § 1 b) et 54 du Projet de 2001),
qui présuppose un jugement collectif, recèle une approche en quelque sorte pénal de la
procédure.774
Le jugement collectif, la majeure gravité de la sanction et sa conception en tant
qu’obligation erga omnes absolue indivisible, ainsi que la possibilité de la réaction
collective en contre-mesure exécutive, constituent le complément des principes de la
gravité supérieure de l’infraction majeure, voire criminelle, et de sa conception comme
violation erga omnes indivisible absolue (articles 19 § 2 et 40 § 3 du Projet de 1996,
article 40 du Projet de 2001).775 On a, donc, une séquence logique qui enchaîne une
violation qui intéresse l’ensemble de la communauté internationale, un jugement
collectif, une sanction collective et une exécution collective.
Le régime des sanctions et des contre-mesures des violations majeures étatiques du
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Projet sur la responsabilité des États, synthèse des principes généraux du droit
international, ne présente certainement pas toutes les caractéristiques des juridictions
pénales modernes, puisqu’il s’adapte à la structure du droit international,
essentiellement horizontale.776 Cependant, la mise en place d’un régime différent
renvoie à l’idée de la création de plusieurs degrés de la responsabilité: il existe, donc,
une ouverture significative à la réalisation, de iure condendo, d’un régime de la
responsabilité pénale, mais on n’en est qu’à la définition des rudiments d’un possible
droit pénal inter-étatique.777

773 Une doctrine influente souligne que le caractère plus afflictif et répressif de la sanction pénale, par
rapport aux sanctions ordinaires, constitue un critère de qualification du crime suffisant pour en
déterminer la nature pénale (voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 427 s., 524 s.; R. Ago, Troisième
rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 218-220).
774 Voir l’opinion de R. Ago in C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p.
91, § 30.
775 Comme le souligne G. Arangio-Ruiz, les deux principaux aspects du régime “spécial” de la
responsabilité pour “crime”, dès le départ des travaux de la C.D.I., auraient été: “a) La substance des
conséquences de ces actes, qui seraient plus sévères que dans le cas des autres actes illicites; b) La nature
de la réaction, qui, dans le cas des actes illicites menaçant les intérêts fondamentaux de la communauté
internationale, serait pour ainsi dire diffuse, ou même universelle” (voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième
rapport sur la responsabilité des États, Add.2, cit., p. 6, § 9, p. 9, § 15), de sorte que “c’est le poids des
deux facteurs et leur interaction qui différencient le régime des conséquences des crimes du régime des
conséquences des délits et justifient que les crimes soient tenus pour une catégorie particulière de faits
illicites” (voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 14, § 36).
776 Pour des considérations sur l’exécution de la sanction pénale en droit interne voir J. PRADEL,
Procédure pénale, 10ème éd., Paris, Cujas, 2000/2001, p. 825 s.; S. GUINCHARD, J. BUISSON,
Procédure pénale, 2ème éd., Paris, Litec, 2002, p. 1207 s.; J.-H. ROBERT, Droit pénal général, 5ème éd.,
cit., p. 493 s.
777 Dans cet ordre d’idées voir les précis de M. Reuter lors des débats sur l’élaboration de l’article 19, où
il donnait à l’article 19 “le sens d’une ouverture méthodologique qui dominera les travaux de la
Commission, mais ne l’engage à élaborer ni un régime général des crimes internationaux, ni – encore
moins – une définition pénale d’un crime particulier” (voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la
vingt-huitième session, cit., p. 248). Dans le même ordre d’idées voir, aussi, C.D.I., Comptes rendus
analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 88, § 15; W. Riphagen, Quatrième rapport sur la
responsabilité des États, cit., p. 11 s. § 50 s; W. Riphagen, Sixième rapport sur la responsabilité des États,
cit., p. 8-9, § 23-26. Sur le développement progressif et la codification du droit international comme

213
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Actuellement la possibilité de la réaction collective aux infractions majeures, voire


criminelles, des États, par le biais de la notion de ius cogens, n’étant pas centralisée,
engendre le risque d’une dérive anarchique de la communauté internationale.
Finalement, concernant la responsabilité majeure étatique, ainsi que la procédure de
jugement, la sanction et l’exécution conséquentes, le Projet sur la responsabilité des
États croise la Charte des N.U. et son système axé sur le C.d.S., en raison de la position
privilégiée de ce texte au sein des sources relatives: selon une correcte interprétation de
la Charte les États membres des N.U. ne peuvent réagir aux infractions majeures qu’en
passant par le C.d.S.
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méthode de travail et tâche de la C.D.I. voir la Résolution 174 (II) du 21 novembre 1947 de l’A.G.N.U.,
qui institua la C.D.I.

214
CHAPITRE 5
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

Introduction. § 5.1. La personnalité juridique de l’État comme condition indispensable de


l’imputation. § 5.2. Le mécanisme d’imputation de la conduite criminelle à l’État: le principe de
l’individu-organe. § 5.3. L’individuation des organes par lesquels passe l’imputation de l’action
internationale à l’État. § 5.4. L’individuation des types d’organes capables de commettre une
infraction internationale: non relevance des critères hiérarchique et fonctionnel. § 5.5. Le cas où
l’organe agit au delà des limites de sa compétence selon le droit interne. § 5.6. Les collectivités
infra-étatiques dans le cadre de l’administration publique: l’État dans son ensemble comme sujet
de la responsabilité internationale. § 5.7. Le principe de l’imputation organique dans le domaine du
droit international pénal. § 5.8. La responsabilité pénale individuelle: obstacle à la conception de la
responsabilité criminelle de l’État? § 5.9. Les problèmes naissant du principe de la mens rea: le dol,
la faute et la responsabilité objective criminelle. § 5.10. L’évolution de la doctrine sur la question de
la culpabilité de l’État. § 5.11. Critique de la théorie de l’imputation objective: la culpabilité
comme élément nécessaire de l’imputation de l’infraction internationale à l’État. § 5.12. Le degré
minimal de la faute nécessaire pour qu’il y ait culpabilité. § 5.13. Le degré de la responsabilité de
l’individu et de l’État: différence et conformité. Conclusion.

Introduction.
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L’étude objective n’achève pas l’analyse du crime. Un système de droit pénal, pour
se dire complet, doit régler non seulement les éléments matériels et procéduraux de la
violation et de la sanction, mais aussi les relatives composantes subjectives.778 Cette
considération vaut pour tout système normatif de la responsabilité, qu’il soit d’ordre
civil, plutôt qu’administratif ou autre. Plus radicalement on peut dire que l’étude de la
conduite, même de nature licite, implique, nécessairement, une composante subjective,
car toute action ou omission doit être attribuée à un sujet déterminé. Dans le cadre de la
conduite illicite, donc des normes secondaires concernant la responsabilité, l’élément
subjectif a la fonction de déterminer les conditions de l’imputation du comportement à
son auteur. Traditionnellement en droit pénal interne, étant donné le rôle privilégié de
l’individu en tant que sujet imputable, l’imputation se base sur les éléments mentaux de
la capacité de comprendre et de vouloir, principes essentiels de la culpabilité. La
récente ouverture à la responsabilité pénale des personnes morales a suscité le débat sur
les principes d’imputation des organisations, car il s’agit de savoir si elles doivent être
retenues coupables au même titre que les individus ou bien si des nouveaux critères
s’imposent, notamment celui de la responsabilité objective.779
L’élément subjectif constitue, aussi, une partie essentielle de l’infraction criminelle
internationale de l’État, comme dans toute théorie de l’acte illicite: il constitue l’objet
du présent chapitre.780 La question est particulièrement importante, car, par l’étude de
l’imputation, on peut faire des considérations déterminantes sur la possibilité et la façon
de concevoir la responsabilité internationale pénale.

778 Sur l’élément moral ou psychologique en droit pénal voir G. STEFANI, G. LEVASSEUR, B.
BOULOC, Droit pénal général, 17ème éd., cit., p. 226 s.
779 Sur le problème de l’imputation des personnes morales en droit pénal interne voir J. PRADEL, Traité
de droit pénal et de science criminelle comparée, 12ème éd., Paris, Cujas, p. 503 s.
780 Pour une introduction au problème de l’attribution de la conduite illégitime à l’État voir L.
CONDORELLI, L’imputation à l’État d’un fait internationalement illicite: solutions classiques et
nouvelles tendances, in R.C.A.D.I., 1984-VI, p. 11 s. Sur l’importance de l’attribution de la conduite
illicite à l’État voir R.B. LILLICH, Attribution Issues in State Responsibility – Remarks, in Proc. A.S.I.L.,
1990, p. 51; E.M. SMITH, et al., Attribution Issues in State Responsibility – Discussion, in Proc. A.S.I.L.,
1990, p. 73-77.
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Pour éclairer la nature de l’imputation criminelle étatique on est obligés de


s’intéresser au problème de l’imputation de tous les faits illicites internationaux, parce
que le mécanisme d’attribution de la conduite à l’État est valable, en général, pour
chaque régime de la responsabilité, ou mieux il est valable pour toute sorte de conduite
étatique, licite ou illicite.781 Naturellement, nous considérons les spécificités de
l’imputation pénale, lorsque cela s’avère nécessaire, compte tenu du fait que le
développement de l’imputation en droit pénal a beaucoup aidé à éclairer l’élément
subjectif de l’infraction. Nous prenons en considération seulement les principes
fondamentaux de l’imputation qui concernent les problèmes majeurs de notre thèse,
sans avoir la prétention de faire une analyse détaillée de l’élément subjectif.
L’étude de l’élément subjectif du crime de l’État et, plus en général, de l’infraction
étatique, propose à nouveau les questions majeures liées à la responsabilité des
personnes morales. Tout d’abord, du moment que l’État est une construction juridique,
il faut analyser et comprendre son organisation pour déterminer les mécanismes
d’imputation de la conduite. En outre il s’agit de savoir quels sont les principes
essentiels de l’imputation, notamment si l’on peut appliquer à l’État les critères
traditionnels de la culpabilité, axés sur la capacité de comprendre et de vouloir, ou bien
si d’autres principes s’imposent. Par cette étude on devrait appréhender si la
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responsabilité pénale de l’État est concevable du point de vue subjectif. Au cours de


l’analyse nous prenons en considération, notamment, les normes concernant
l’imputation du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États, qui synthétisent la
pratique du droit international général.

§ 5.1. La personnalité juridique de l’État comme condition indispensable de


l’imputation.
Le point de départ de tout discours sur l’imputation internationale est le constat que
l’État doit pouvoir être considéré comme sujet actif de la conduite illicite et, par
conséquent, sujet passif de la sanction qui en découle. La conception de l’État comme
sujet capable, à savoir destinataire de l’attribution de la conduite illicite internationale,
est la prémisse indispensable de l’imputation, aussi bien délictueuse que criminelle. Le
Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États se fonde sur ces acquis.
Sur ce point il ne devrait pas y avoir de doutes: seul un sujet doué de la personnalité
juridique internationale peut commettre un délit international et l’État constitue le sujet
par excellence de l’ordre international. Étant donné qu’une infraction consiste, sous le
profil objectif, dans la violation d’une obligation internationale et que l’État est un sujet
de droit international, titulaire de droits et chargé d’obligations, il pourra léser les
devoirs dont il est titulaire envers d’autres sujets de la communauté internationale.782
Le fait que l’État soit une personne morale, en tant qu’ensemble de sujets organisés
dans un espace déterminé, ne s’oppose pas à l’imputation de la conduite illicite, étant
donné que la nature du sujet ne l’empêche pas d’être titulaire de droits et de devoirs,
auxquels il peut se conformer ou qu’il peut violer.783

781 Conformément voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 186.


782 Voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 176, 186.
783 Conformément voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 184. Le point, toutefois, ne fait pas
l’unanimité en doctrine. En effet, selon certains auteurs, si on attribuait la conduite illicite à l’État,
personne juridique, en tant qu’unité, on tomberait dans la contradiction pour laquelle l’État serait
responsable et juge à la fois de ses actes (voir H. KELSEN, Allgemeine Staatslehre, Berlin, Springer,
1925, p. 62 s.; BURCKHARDT, Die völkerrechtliche Verantwortlichkeit der Staaten, Berne, Paul Haupt,
1924, p. 10 s.). Cette interprétation est susceptible de plusieurs critiques. Tout d’abord, rien n’empêche,
en droit interne, que l’acte illicite commis par l’organe d’un État soit jugé par les organes judiciaires de

216
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

§ 5.2. Le mécanisme d'imputation de la conduite criminelle à l’État: le principe de


l’individu-organe.
On peut considérer l’imputation comme un ensemble de règles sur la base desquelles
on rattache une conduite à un sujet donné d’un certain ordre juridique. Lorsque le sujet
en question est une personne physique, le principe employé est celui de la faculté de
comprendre et de vouloir. Par contre l’État est une personne morale. Si cette
caractéristique n’empêche pas l’imputation, encore faut-il établir quelles sont les règles
qui permettent d’attribuer la conduite illicite à l’État. Le problème fondamental de
l’imputation à l’État d’une conduite internationale, licite ou illicite, consiste, justement,
à comprendre de quelle façon on peut rattacher l’action à la personne morale étatique.
Le Projet sur la responsabilité des États, dans la version de 1996, règle la question de
l’imputation aux articles 5-15. La nouvelle élaboration du Projet de 2001 lui consacre
les articles 4-11. Quoiqu’il y ait des différences entre les deux élaborations, les
principes de l’imputation demeurent identiques.784
Le fait de l’État est le fait de ses agents. Dans la sphère des relations juridiques
internationales, on attribue à l’État, sujet desdites relations, le comportement, soit d’une
action soit d’une omission, des personnes physiques qui, dans la sphère juridique
interne, sont qualifiés comme organes de l’État en question. L’attribution à l’État d’un
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comportement n’est pas fondé sur un lien de causalité naturelle, mais, nécessairement,
sur des données juridiques. Cette constatation découle du fait que l’État existe en droit
international en tant que personne morale, qui agit par la voie des sujets-organes.
L’accomplissement des actes est, de façon naturelle, le fait d’un individu, de façon
mécanique, par fiction juridique, le fait de l’État. En d’autres termes on suppose que,
même si, physiquement, il est impossible que tous les individus d’un État tiennent un
comportement déterminé, juridiquement la conduite d’un sujet qui agit en tant
qu’organe de l’État constitue le comportement de la collectivité.785

l’État même, comme dans le cas, par exemple, des infractions administratives. De surcroît, la conduite
illicite internationale de l’État n’est pas une question interne, mais elle constitue un problème qui touche
aux relations externes de l’État même, par conséquent l’infraction commise par l’État ne sera pas jugée
par ses juridictions, mais par les organes d’un ordre ultérieur dont il fait partie, c’est-à-dire la
communauté internationale. Comme le reconnaît, en effet, Kelsen même, le fait d’un ordre juridique
partiel peut-être imputé comme acte illicite à l’unité de cet ordre partiel par un ordre juridique total, d’où
il s’en suit, nécessairement, que l’ordre étatique, étant partiel par rapport à l’ordre international, peut être
considéré titulaire d’une conduite illicite dans ce dernier et jugé selon les règles de celui-ci (voir H.
KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di
dottrina pura del diritto), cit., p. 142 s., 166-168; H. KELSEN, Unecht und Unrechtsfolge im
Völkerrecht, cit., p. 500 s.; R. AGO, Le délit international, cit., p. 185).
784 Pour un commentaire synthétique des articles du Projet de 1996 concernant l’imputation de la
responsabilité aux États voir G.A. CHRISTENSON, Attribution Issues in State Responsibility, in Proc.
A.S.I.L., 1990, p. 53. Pour un commentaire des articles 4-11 du Projet de 2001 voir C.D.I., Rapport à
l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-troisième session, cit., p. 83-129. Sur l’attribution du fait illicite à
l’État dans le Projet de la C.D.I. voir S.H. KIM, L’attribution du fait à l’État aux fins de la responsabilité
internationale à la lumière des travaux de la Commission du droit international des Nations Unies, thèse
sous la direction de T. Hubert, Paris 10-Nanterre, 1991, p. 1-537.
785 La doctrine est unanime sur ce sujet (voir R. AGO, Troisième rapport sur la responsabilité des États,
cit., p. 245, § 106, 107; J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États, Add.4, cit., p. 7-8, §
160-162, Add.5, cit., p. 1-2-, article 5; R. AGO, Le délit international, cit., p. 174, 186; H. KELSEN,
Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 112-113; A. DESCENDIÈRE-
FERRANDIÈRE, La responsabilité internationale des États à raison des dommages subis par des
étrangers, cit., p. 64 s.; J. DUMAS, De la responsabilité internationale des États, Paris, Sirey, 1930, p.
243; M.R. SAULLE, Lezioni di diritto internazionale, Napoli, Ed. Scientifiche Italiane, 1998, p. 267,
270; F. PRZETACZNIK, La responsabilité de l’État à raison des préjudices de caractère moral et
politique causés à un autre État, cit., p. 937; A. VERDROSS, Völkerrecht, Berlin, Springer, 1937, p.

217
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

L’organe qui agit au nom de l’État, constitue une partie de l’État même, de sorte que
son action est accomplie par lui et par l’État à la fois, en vertu du principe de
l’identification organique. Dans la relation organique il n’y a aucun dédoublement des
sujets liés, car l’organe constitue une partie de l’État et s’identifie avec celui-ci alors
que, dans le schéma classique du mandat, un sujet agit pour produire des effets dans la
sphère juridique d’un autre sujet, différent, voire opposable au premier. Ainsi l’action
de la personne physique qui agit en tant qu’organe est rapportée à la personne morale
sans qu’il y ait aucune séparation des sujets en question.786

169; J. DUMAS, La responsabilité des États à raison des crimes et délits commis sur leur territoire au
préjudice des étrangers, in R.C.A.D.I., 1931-II, vol. 36, p. 248; B. CLAGETT, State Responsibility in a
Multiactor World – Remarks, cit., p. 301; G.A. CHRISTENSON, Attribution Issues in State
Responsibility – Remarks, cit., p. 52; A.K.J. TAN, Forest Fires of Indonesia: State Responsibility and
International Liability, cit., p. 830). En jurisprudence voir Trib. Arb., Réclamations des sujets italiens
résidant au Pérou, Italie/Pérou, 30 septembre 1901, in R.S.A., N.U., vol. XV, p. 395 s.; Trib. Arb.,
Chiessa, Italie/Pérou, sentence du 30 septembre 1901, in R.S.A., N.U., vol. XV, p. 399; Trib. Arb.,
Sessarego, Italie/Pérou, sentence du 30 septembre 1901, in R.S.A., N.U., vol. XV, p. 401; Trib. Arb.,
Vercelli, Italie/Pérou, sentence du 30 septembre 1901, in R.S.A., N.U., vol. XV, p. 407; Trib. Arb.,
Roggero, Italie/Pérou, sentence du 30 septembre 1901, in R.S.A., N.U., vol. XV, p. 409; Trib. Arb.,
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Miglia, Italie/Pérou, sentence du 30 septembre 1901, in R.S.A., N.U., vol. XV, p. 411; Trib. Arb., Lottie
May, Grande Bretagne/Honduras, sentence du 18 avril 1899, in R.S.A., N.U., vol. XV, p. 30; Trib. Arb.
(Roi d’Espagne), La Masica, Grande Bretagne/France, sentence du 7 décembre 1916, in R.S.A., N.U.,
vol. XI, p. 556; Commission mixte de réclamation, Héritiers de Jean Maninat, (Heirs of Jean Maninat),
France/Venezuela, décision du 31 juillet 1956, in R.S.A., N.U., vol. X, p. 55 s.; Commission mixte de
réclamation, Sanbiaggio, Italie/Venezuela, décision du 1er juin 1903, in R.S.A., N.U., vol. X, p. 512; Trib.
Arb., Salvador Commercial Company, États-Unis d’Amérique/Salvador, arrêt du 8 mai 1902, in R.S.A.,
N.U., vol. XV, p. 477. En ce qui concerne la pratique des États voir les positions des gouvernements au
cours de la Conférence de La Haye de 1930 pour la codification du droit international, notamment la
position de la France in A.C. KISS, Répertoire de la pratique française en matière de droit international
public, Paris, C.N.R.S., 1965, vol. III, p. 524. Sur la codification qui s’en suit, dont le texte responsabilise
les États pour “tout manquement aux obligations internationales d’un État du fait de ses organes”, voir
F.V. García Amador, Responsabilité internationale – Responsabilité de l’État, Rapport, doc. A/CN.4/96,
annexe 3, in Ann. C.D.I., 1956, vol. II, p. 226. Parmi les nombreux projets concernant la responsabilité
des États voir la règle 1ère du Projet relatif à la “responsabilité des États à raison des dommages causés sur
leur territoire à la personne ou aux biens des étrangers”, élaboré, en 1927, par l’Institut de droit
international, qui mentionne “toute action ou omission [...] quelle que soit l’autorité de l’État dont elle
procède: constituante, législative, gouvernementale ou judiciaire” (voir I.D.I., Projet relatif à la
responsabilité des États à raison des dommages causés sur leur territoire à la personne ou aux biens des
étrangers, 1927, in F.V. García Amador, Responsabilité internationale – Responsabilité de l’État,
Rapport, doc. A/CN.4/96, annexe C-8, in Ann. C.D.I., 1956, vol. II, p. 228, ou in ‹http://www-idi-
iil.org/idiF/resolutionsF/1927_law_05_fr.pdf›), l’article VII alinéas a) et b) du Projet de la Convention
sur la “Responsabilité internationale des États à raison des dommages causés sur leur territoire à la
personne ou aux biens des étrangers”, préparé par la Harvard Law School en 1929, qui parle de faute ou
négligence des “hauts fonctionnaires” ou d’un des “fonctionnaires ou employés subalternes” dans
l’exercice des fonctions (voir Harvard Law School, Projet de Convention sur la responsabilité des États à
raison des dommage causés sur leur territoire à la personne ou aux biens des étrangers, 1929, in F.V.
García Amador, Responsabilité internationale – Responsabilité de l’État, Rapport, doc. A/CN.4/96,
annexe C-9, in Ann. C.D.I., 1956, vol. II, p. 229), l’article 15 du Projet de la Convention sur la
responsabilité des États pour dommages aux étrangers de la Harvard Law School, de 1961, prévoit
l’attribution à l’État de “tout acte [...] ou omission de tout organe, organisme, agent ou employé de l’État
agissant dans les limites de ses pouvoirs réels ou apparents ou dans le cadre des fonctions dudit organe,
organisme, agent ou employé” (voir Harvard Law School, Projet de Convention sur la responsabilité des
États pour dommages aux étrangers, 1961, in R. Ago, Premier rapport sur la responsabilité des États,
Historique de l’œuvre accomplie jusqu’ici en ce qui concerne la codification de la responsabilité
internationale des États, doc. A/CN.4/217 et Add.1, cit., p. 151, annexe VII).
786 Sur la question de l’identification organique voir B. CONFORTI, Diritto internazionale, 6a ed., cit., p.
354; R. MONACO, Diritto internazionale pubblico, Torino, U.T.E.T., 1971, p. 496-499; G.
BISCOTTINI, Volontà ed attività dello Stato nell’ordinamento internazionale, in Riv. D.I., 1942, p. 3 s.;

218
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

L’imputation d’un fait illicite à l’État ne pourra avoir lieu que si la personne
physique, agissant en tant qu’organe de celui-ci, tient une conduite, d’action ou
d’omission, contraire à une obligation internationale de la personne morale étatique.

§ 5.3. L’individuation des organes par lesquels passe l’imputation de l’action


internationale à l’État.
Une fois établi que l’imputation de la conduite internationale à l’État passe par la
personne physique qui agit en qualité d’organe, il faut appréhender quels sont les
organes de l’État capables de tenir une conduite relevante sur le plan international.
Pour déterminer quels sont les sujets-organes qui forment l’appareil de l’État il faut
prendre en considération le droit interne: le droit international considère comme sujets-
organes de l’État ceux que l’ordre interne qualifie comme tels. Seul l’État peut, dans
son ordre intérieur, établir son organisation et déterminer ses organes, en définissant les
personnes physiques qui peuvent accomplir des actes en son nom. L’ordre juridique
extérieur, en l’espèce l’ordre international, dont la personne morale étatique constitue
un sujet capable d’action, doit forcement présupposer l’organisation interne et la qualité
d’organe conférée à certaines personnes physiques. Le droit international accepte
l’ordre publique interne tel qu’il est: les normes juridique internationales, pour établir
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quels sont les sujets autorisés à exprimer la volonté de l’État sur le plan extérieur,
renvoient aux normes internes.787
Ce principe est consacré à l’article 5 du Projet sur la responsabilité des États de
1996, aux termes duquel: “Aux fins des présents articles, est considéré comme un fait
de l’État d’après le droit international, le comportement de tout organe de l’État ayant
ce statut d’après le droit interne de cet État, pour autant que, en l’occurrence, il ait agi
en cette qualité”, et à l’article 4 du Projet de 2001, aux termes duquel: “1. Le

A. CAVAGLIERI, Gli organi esterni dello Stato e la loro posizione giuridica, in Riv. It. Sc. Giur., 1912,
p. 97 s.; H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik
(Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 89-91; H. KELSEN, Allgemeine Staatslehre, cit., p. 262
s.; L. CONDORELLI, L’imputation à l’État d’un fait internationalement illicite: solutions classiques et
nouvelles tendances, cit., p. 9 s. Selon R. AGO, Le délit international, cit., p. 186, les personnes
physiques, lorsqu’elles agissent en tant qu’organes “n’apparaissent point elles-mêmes comme sujets,
comme titulaires de droits et d’obligations propres; elles n’ont pas d’existence juridique indépendante”;
tutefois, à cet égard, il est possible de penser que la personne qui agit en tant qu’organe peut se conduire
conformément, ou non conformément, aussi bien par rapport aux devoirs de la personne morale à laquelle
elle appartient, que par rapport à ses propres devoirs. Sur le rapport entre l’individu-organe et l’État voir,
en jurisprudence, C.P.A., Savarkar, Grande Bretagne/France, arrêt du 24 février 1911, in R.S.A., N.U.,
vol. XI, p. 254. Sur l’application du principe de l’imputation organique en droit administratif voir J.
RIVERO, J. WALINE, Droit administratif, 19ème éd., Paris, Dalloz, 2002, p. 263 s.; R. CHAPUS, Droit
administratif général, 12ème éd., Paris, Montchrestien, 1998, t. I, p. 535; J. MORAND DEVILLER, Cours
de droit administratif, 7ème éd., Paris, Montchrestien, 2001, p. 740 s.
787 Voir R. Ago, Troisième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 249-250, § 119; R. AGO, Le
délit international, cit., p. 187; R. MONACO, Diritto internazionale pubblico, cit., p. 500; M.
BOURQUIN, Règles générales du droit de la paix, in R.C.A.D.I., 1931-I, vol. 35, p. 213; R. QUADRI,
La sudditanza nel diritto internazionale, Padova, Cedam, 1936, p. 186; C. CHINKIN, A Critique of the
Public/Private Dimension, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 2, p. 388; B. CLAGETT, State Responsibility in a
Multiactor World – Remarks, cit., p. 304. Selon G. SCELLE, Précis de droit des gens, Paris, Sirey, 1932,
I, p. 42 s., il reviendrait au droit international d’attribuer la qualité d’organes aux personnes physiques
agissant au nom de l’État, soit directement, soit indirectement, par le biais du renvoi aux normes de droit
interne qui règlent l’organisation institutionnelle de l’État. Selon M. MARINONI, La responsabilità degli
Stati per gli atti dei loro rappresentanti secondo il diritto internazionale, Roma, Athenaeum, 1913, p.
115 s., dans le seul ordre juridique interne la personne physique aurait la qualité juridique d’organe, alors
que, sur le plan international, ladite qualité d’organe ne serait qu’une simple condition de fait nécessaire
pour pouvoir examiner sa conduite comme action de l’État.

219
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

comportement de tout organe de l’État est considéré comme un fait de l’État d’après le
droit international [...]. 2. Un organe comprend toute personne ou entité qui a ce statut
d’après le droit interne de l’État.”
Il n’est pas inutile de préciser que le renvoi opéré par le droit international aux
normes du droit interne ne signifie nullement que le droit des gens subordonne
l’imputation d’une conduite à l’État à une imputation correspondante par le droit
étatique, ni d’ailleurs que le droit interne puisse déterminer le contenu de la règle
internationale, comme le voudrait une partie de la doctrine.788 Tout simplement le droit
international exploite les normes du droit national, du moment qu’il accepte
l’organisation interne, telle qu’elle est, aux fins de l’imputation de la conduite à l’État.
Une telle relation est possible car l’ordre juridique international est supérieur aux ordres
juridiques nationaux.789

§ 5.4. L’individuation des types d’organes capables de commettre une infraction


internationale: non relevance des critères hiérarchique et fonctionnel.
Il faut se demander quels types d’organes étatiques sont capables de tenir une
conduite susceptible d’être qualifiée comme fait illicite international de l’État, aussi
bien du point de vue de la fonction exercée, que du point de vue de la position au sein
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de la hiérarchie étatique. La réponse découle d’une considération d’ordre général liée à


la forme de l’acte illicite international.
Du côté objectif une infraction internationale consiste en une conduite contraire à
une obligation de l’État. Une obligation internationale peut incomber à un organe
appartenant à n’importe quelle branche et degré de l’organisation étatique, qui pourra
tenir un comportement conforme ou non conforme par rapport à celle-ci: le domaine
des obligations internationales est extrêmement variable. Il s’en suit que tout organe de
l’État peut-être responsabilisé au plan international, quelle que soit sa position au sein
de la hiérarchie interne ou le type de fonction exercée.790
Naturellement certains organes auront concrètement plus de chances de commettre
des infractions internationales, par la nature des fonctions exercées, mais il est
impossible d’exclure a priori, pour certains d’entre eux, la possibilité de commettre des
actes illicites. Fondamentalement n’importe quel organe, accomplissant des fonctions
qui peuvent impliquer des obligations internationales, peut, éventuellement, commettre
une infraction.
L’article 6 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 prévoit, justement, que:
“Le comportement d’un organe de l’État est considéré comme un fait de cet État
d’après le droit international, que cet organe appartienne au pouvoir constituant,
législatif, judiciaire ou autre, que ses fonctions aient un caractère international ou

788 Voir D. ANZILOTTI, Corso di diritto internazionale, 3a ed., cit., 1928, p. 418.
789 Voir T. PERASSI, Lezioni de diritto internazionale, 4a éd., Roma, 1939, p. 116 s.; G. BALLADORE
PALLIERI, Diritto internazionale pubblico, 2a éd., Milano, Giuffré, 1938, p. 207.
790 Voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 193; C. CHINKIN, A Critique of Public/Private
Dimension, cit., p. 388; F. PRZETACZINK, La responsabilité internationale de l’État à raison des
préjudices de caractère moral et politique causés à un autre État, cit., p. 937. Dans un ordre d’idées
contraires voir E. BORCHARD, The Diplomatic Protection of Citizens Abroad, New York, The Banks
Law Pub. Co., 1916, p. 189; G. SALVIOLI, Les règles générales de la paix, cit., p. 98. En jurisprudence,
sur la responsabilité de l’État pour les actes accomplis dans l’exercice de sa souveraineté, voir Trib. Arb.,
Torruco, (Egypto Ranch), Guatemala/Mexique, décision du 15 janvier 1989, in R.S.A., N.U., vol. XV, p.
18.

220
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

interne, et que sa position dans le cadre de l’organisation de l’État soit supérieure ou


subordonnée.” Le même concept est exprimé par l’article 4 du Projet de 2001.791
Cela signifie, tout d’abord, que non seulement la conduite des organes chargés des
relations extérieures (chef d’État, ministre des affaires étrangers, agents diplomatiques,
consuls), mais aussi le conduite des organes affectés à des activités internes peut
constituer une infraction de l’État.792
En outre le comportement de tout organe de l’État peut entraîner sa responsabilité,
sans aucune distinction entre les différentes branches de l’organisation publique,
notamment entre le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.793 Ce principe découle de la
considération de l’État comme unité au plan international et égalise les États du point de
vue de la responsabilité, car la division des pouvoirs peut-être conçue de façon
différente dans les divers systèmes juridiques internes.794

791 Aux termes de l’article 4 du Projet de 2001: “1. Le comportement de tout organe de l’État est
considéré comme un fait de l’État d’après le droit international, que cet organe exerce des fonctions
législatives, exécutives, judiciaires ou autres, quelle que soit la position qu’il occupe dans l’organisation
de l’État, et quelle que soit sa nature en tant qu’organe du gouvernement central ou d’une collectivité
territoriale de l’État. 2. Un organe comprend toute personne ou entité qui a ce statut d’après le droit
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

interne de l’État”.
792 Voir R. Ago, Troisième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 246, § 138. Contrairement voir
la théorie, dépassée, de F. LISZT, Das Völkerrecht, 12te Aufl., cit., p. 281 s.
793 Voir H. TRIEPEL, Völkerrecht und Landesrecht, Leipzig, Hirschfeldt, 1899, p. 348 s.; D.
ANZILOTTI, Corso di diritto internazionale, 4a ed., cit., p. 419; P. FAUCHILLE, Traité de droit
international public, 3ème éd., Paris, Rousseau, 1922, 1ère partie, p. 518 s.; Ch. DE VISSCHER, La
responsabilité des États, cit., p. 950 s.; A. DESCENDIÈRE-FERRANDIÈRE, La responsabilité
internationale des États à raison des dommages soufferts par des étrangers, cit., p. 89 s.; L.
OPPENHEIM, International Law, 4th ed., London, Longmans & Green, 1926, p. 300 s.; E. BORCHARD,
The Diplomatic Protection of Citizens Abroad, cit., p. 180 s.; C. EAGLETON, The Responsibility of
States in International Law, cit., p. 59 s.; J. DUMAS, De la responsabilité internationale des États, cit.,
p. 243 s.; O. HOJIER, La responsabilité internationale des États, cit., p. 7 s.; J. SPIROPOULOS, Traité
théorique et pratique de droit international public, Paris, Pichon et Durand-Auzias, 1933, p. 276; F.
PRZETACZNIK, La responsabilité internationale des États à raison des préjudices de caractère moral
et politique causés à un autre État, cit., p. 937 s.; G.I. TUNKIN, Question de la théorie du droit
international, Varsovie, 1964, p. 313. Sur la responsabilité de l’État pour des actes commis par des
organes contrôlés voir J. CHALMERS, Attribution Issues in State Responsibility – Remarks, in Proc.
A.S.I.L., 1990, p. 60 s. Parmi les projets de codification voir la règle 1ère alinéa 1 du Projet relatif à la
Responsabilité des États à raison des dommages causés sur leur territoire à la personne ou aux biens des
étrangers, de 1927, de l’Institut de droit international, selon laquelle un État est responsable pour “tout
acte ou omission contraire à ses obligations internationales, quelle que soit l’autorité de l’État dont elle
procède: constituante, législative, gouvernementale ou judiciaire” (voir I.D.I., Projet relatif à la
responsabilité des États à raison des dommages causés sur leur territoire à la personne ou aux biens des
étrangers, 1927, in F.V. García Amador, Responsabilité de l’État – Responsabilité internationale,
Rapport, doc. A/CN.4/96, cit., annexe C-8, p. 228), voir aussi l’article 16 alinéa 1 du Projet de
Convention sur la “Responsabilité internationale des États pour dommages aux étrangers”, de 1961,
élaboré par la Harvard Law School, selon lequel “au sens de la présente convention l’expression ‘organe
de l’État’ et ‘organisme de l’État’ doivent s’entendre du chef de l’État ainsi que tout organe ou organisme
législatif, délibératif, exécutif, administratif ou judiciaire de l’État” (Harvard Law School, Projet de
Convention sur la responsabilité des États pour dommages aux étrangers, 1961, in R. Ago, Premier
rapport sur la responsabilité des États, Historique de l’œuvre accomplie jusqu’ici en ce qui concerne la
codification de la responsabilité internationale des États, doc. A/CN.4/217 et Add.1, cit., annexe VII, p.
151).
794 En doctrine, parmi les nombreuses ouvrages sur ce sujet, voir R. Ago, Troisième rapport sur la
responsabilité des États, cit., p. 257 s., § 139 s.; B. CONFORTI, Diritto internazionale, 6a ed., cit., p. 197;
O. HOIJER, La responsabilité internationale des États en matière d’actes législatifs, in R.D.I., 1929, p.
577 s.; O. HOIJER, La responsabilité internationale des États en matière d’actes judiciaires, in R.D.I.,
1930, p. 115 s.; C.F. AMERASINGHE, Imputability in the Law of States Responsibility for Injury to
Aliens, in R. ég. D.I., 1996, p. 96 s. Parmi les nombreux arrêts ou avis consultatifs de la jurisprudence,

221
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

Même le rang occupé par l’organe au sein de la hiérarchie étatique, supérieur ou


subalterne, n’influence pas l’attribution de la responsabilité à l’État: tant les conduites
des organes supérieurs que celles des organes subordonnés peuvent être source de la
responsabilité étatique.795 Il serait, en fait, absurde d’affirmer l’existence de deux

voir Trib. Arb., Salvador Commercial Company, États-Unis d’Amérique/Salvador, arrêt du 8 mai 1902,
in R.S.A., N.U., vol. XV, p. 477; C.P.J.I., Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise,
Allemagne/Pologne, arrêt n. 7 du 25 mai 1926, in C.P.J.I., série A, 1926, p. 19; C.P.J.I., Phosphates du
Maroc, Italie/France, arrêt du 14 juin 1938, in C.P.J.I., série A/B, 1938, n. 74, p. 10 s.; C.I.J., Or
monétaire pris à Rome en 1943, Italie/France, Royaume Uni de Grande Bretagne et Irlande du Nord,
États-Unis d’Amérique, arrêt du 15 juin 1954, in C.I.J. Rec., 1954, p. 19 s.; C.I.J., Application de la
convention de 1902 pour régler la tutelle des mineurs, Pays Bas/Suède, arrêt du 28 novembre 1958, in
C.I.J. Rec., 1958, p. 55 s.; C.P.J.I., Lotus, France/Turquie, arrêt n. 9 du 7 septembre 1927, in C.P.J.I.,
série A, 1927, n. 10, p. 24; C.I.J., Ambatielos, Grèce/Royaume-Uni, arrêt du 19 mai 1953 in C.I.J. Rec.,
1953, p. 10 s. Quant à la pratique des États voir la Note adressée par les Gouvernements français et
britannique au Secrétariat des États-Unis d’Amérique le 28 février 1913, in A.D. McNAIR, The Law of
Treaties, Oxford, Clarendon Press, 1961, et le Rapport adressé par le secrétaire d’État Bayard au
Président des États-Unis d’Amérique, in J.B. MOORE, A Digest of International Law, Washington, U.S.
Governement Printing Office, 1906, vol. VI, p. 667. Dans le cas de l’exercice du pouvoir législatif la
possibilité de commettre une infraction subsiste surtout lorsque l’acte en question aura des effets
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

concrets. La jurisprudence, par exemple, a considéré comme infraction internationale une loi du Salvador
qui décidait la révocation et le transfert à une société nationale d’une concession préalablement accordée
à une société des États-Unis (voir Trib. Arb., Salvador Commercial Company, États-Unis
d’Amérique/Salvador, arrêt du 8 mai 1902, in R.S.A., N.U., vol. XV, p. 467 s.). Dans la pratique on
rappellera que l’Anti-terrorism act, émané par le Congrès des États-Unis en 1987 afin de fermer le bureau
de l’O.L.P. à New York, provoqua des conflits avec l’O.N.U. avant qu’il ne fut déclaré inapplicable par
la Cour de New York en 1988. En doctrine, concernant l’acte législatif illégitime, voir E. VITTA, La
responsabilità internazionale dello Stato per atti legislativi, Milano, Giuffré, 1953; J. ILIOPOULOS
STRANGAS, La responsabilité de l’État en tant que législateur, R. hell. .D.I., 1998, vol. 51, n. 1, p. 311
s.; A.S. BILGE, La responsabilité internationale de l’État et son application en matière d’actes
législatifs, Istanbul, 1950, p. 8. En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, la doctrine s’est beaucoup
interrogée sur la possibilité qu’un organe de type judiciaire puisse commettre une infraction
internationale, surtout par rapport au déni de justice; pourtant, on ne voit pas d’obstacles à l’inclusion de
cette catégorie d’actes dans le nombre des infractions internationales (sur ce problème voir C Th.
EUSTATHIADÈS, La responsabilité internationale de l’État pour les actes des organes judiciaires,
Paris, Pedone, 1936; D. ANZILOTTI, La responsabilité internationale des États à raison des dommages
soufferts par de étrangers, cit., p. 18; C. HYDE, International Law, Boston, Little, Brown & Co., 1922, I,
p. 419 s.; A.S. HERSHEY, Denial of Justice, in Proc. A.S.I.L., 1927, p. 28; C. EAGLETON, Denial of
Justice in International Law, in A.J.I.L., 1928, july, vol. 22, n. 3, p. 547 s.; G.C. FITZMAURICE, The
Meaning of the Term: Denial of Justice, in B.Y.B.I.L., 1932, XIII, p. 108 s.; Ch. DE VISSCHER, Le déni
de justice en droit international, in R.C.A.D.I., 1935-II, vol. 52, p. 395; O. LISSITZYN, The Meaning of
the Term Denial of Justice in International Law, in A.J.I.L., 1936, october, vol. 30, n. 4, p. 639; A.
OTKEN, De la responsabilité internationale des États en raison des décisions de leurs autorités
judiciaires, in R.D.I.S.P., 1920, p. 33). La jurisprudence admet la responsabilité de l’État pour les actes
des représentants du pouvoir judiciaire (voir Commission de conciliation, Différend concernant
l’interprétation de l’article 79 § 6 lettre c) du traité de paix – Biens italiens en Tunisie, France/Italie,
décision n. 196 du 7 décembre 1955, in R.S.A., N.U., vol. XIII, p. 438).
795 En doctrine, conformément, voir R. Ago, Troisième rapport sur la responsabilité des États, cit., p.
262-263, § 151, p. 267, § 160; J. CRAWFORD, Revisiting the Draft Articles on State Responsibility, cit.,
p. 440; C.F. AMERASINGHE, Imputability in the Law of State Responsibility for Injury to Aliens, cit., p.
106. À ce propos il est intéressant de considérer le Projet de la Harvard Law School concernant la
responsabilité des États pour les dommages causés sur leur territoire à la personne ou aux biens des
étrangers, à l’intention de la première Conférence de codification du droit international, où on analyse les
hypothèses de dommages causés soit par un haute fonctionnaire de l’État, soit par un subalterne, soit par
un organe de l’ordre judiciaire (voir Harvard Law School, Projet de Convention relatif à la Responsabilité
internationale des États à raison des dommages causés sur leur territoire à la personne ou aux biens des
étrangers, 1929, in F.V. García Amador, Responsabilité de l’État – Responsabilité internationale,
Rapport, doc. A/CN.4/96, cit., Annexe C-9, p. 229, art. 7, 9). Quant à la pratique des États, voir les
Instructions adressées le 8 mars 1882 par le Ministre des affaires étrangers italien Mancini au Ministre

222
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

catégories d’organes, dont l’une spécialement indiquée pour accomplir les faits
internationalement illicites de l’État et l’autre désignée pour accomplir les actes
internationaux légitimes.
Plus généralement, d’après la doctrine majoritaire, l’État peut-être considéré
responsable pour les actions des sujets qui se conduisent de facto comme organes, sans
qu’ils le soient officiellement, soit parce qu’ils agissent sous le contrôle de l’État, soit
parce qu’ils participent à l’exercice du pouvoir.796 La question est, quand même, bien
loin de faire l’unanimité en doctrine et dans la pratique, car, selon une interprétation
exactement contraire, l’exercice ou la possession effective de la qualité d’organe est
indispensable aux fins de l’imputation de la conduite individuelle à l’État.797
Quoi qu’il en soit, il est clair, comme le prévoit l’article 11 du Projet de 1996, que
l’action des individus-organes peut-être imputée à l’État seulement lorsque la personne
physique agit comme fonctionnaire de l’État, sous la couverture de la qualité publique,
tandis que, lorsque la même personne physique agit exclusivement à titre privé, son
comportement doit être considéré comme émanant d’un simple particulier.798 Dans ce

d’Italie au Pérou, à l’occasion des dommages causés à des ressortissants italiens par des troupes ayant
pris part au sac de Chincha, in S.I.O.I. (Società italiana per l’organizzazione internazionale) – C.N.R.
(Consiglio Nazionale delle Ricerche), La prassi italiana di diritto internazionale, 1ère série, 1861-1887,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Roma/New York, Oceana Publications, 1970, vol. II, p. 862. En jurisprudence voir Commission Mixte de
réclamation, Maal, Pays Bas/Venezuela, décision du 1er juin 1903, in R.S.A., N.U., vol. X, p. 732;
Commission générale de réclamation, Roper, États-Unis d’Amérique/Mexique, arrêt du 4 avril 1927, in
R.S.A., N.U., vol. IV, p. 147, § 4; Commission générale de réclamation, Massey, États-Unis
d’Amérique/Mexique, arrêt du 15 avril 1927, in R.S.A., N.U., vol. IV, p. 157, § 5-6; Commission
générale de réclamation, Baldwin, États-Unis d’Amérique/Panama, arrêt du 26 juin 1933, in R.S.A., N.U.,
vol. IV, p. 400; Commission de conciliation, Différend société anonyme des filatures de Schappe,
France/Italie, décision du 6 juillet 1954, in R.S.A., N.U., vol. XIII, p. 605; Commission de conciliation,
Différend société Verdol, France/Italie, in R.S.A., N.U., vol. XIII, p. 95; Commission de conciliation,
Différend Dame Mossé, France/Italie, décision du 17 janvier 1953, in R.S.A., N.U., vol. XIII, p. 492 s.
Contrairement, en sens favorable à la limitation de la responsabilité des États aux seuls faits de ses
supérieurs, voir, en doctrine, C.G. FENWICK, International Law, 3rd ed., New York, The Century Co.,
1948, p. 280 s.; G. VON GLAHN, Law among Nations: an Introduction to Public International Law, 2nd
ed., New York, MacMillan, 1970, p. 227.
796 En jurisprudence il faut signaler l’arrêt de la C.I.J. relatif aux Activités militaires et paramilitaires
contre le Nicaragua, qui, après avoir affirmé la responsabilité des États-Unis pour avoir planifié et
soutenu l’action des contras envers le Gouvernement du Nicaragua, a exclu l’attribution de toutes les
actions des contras aux États-Unis en l’absence de la preuve d’un contrôle effectif (voir C.I.J., Activités
militaires et paramilitaires dans le Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 27 juin 1986, in C.I.J. Rec.,
1986, p. 40-41, § 86, p. 62, § 109). Voir aussi l’arrêt de la C.I.J. relatif au Personnel diplomatique et
consulaire de Téhéran, qui attribue à l’Iran la responsabilité pour la détention du personnel diplomatique
des États-Unis dans l’Ambassade américaine mise en place par des étudiants islamiques, du moment que
le gouvernement iranien avait officiellement approuvé l’action des étudiants (voir C.I.J., Personnel
diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, arrêt du 14 mai 1980, in C.I.J. Rec., 1980, p. 29 s.,
§ 58 s.). Pour un commentaire de cette jurisprudence voir G.A. CHRISTENSON, Attribution Issues in
State Responsibility – Remarks, cit., p. 34 s. Dans la jurisprudence interne voir C.E., Association
départementale pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles du Rhône, décision du 13
décembre 1978, in Rec. C.É., S., 1978, p. 369.
797 Voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 197.
798 En doctrine voir R. Ago, Troisième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 253-254, § 129; R.
AGO, Le délit international, cit., p. 198; H. KELSEN, Unrecht und Unrechtsfolge im Völkerrecht, cit., p.
513; M.R. GARCÍA MORA, International Responsibility for Hostile Acts of Private Persons against
Foreign States, The Hague, Martinus Nijhoff, 1962; J.P. QUÉNEUDEC, La responsabilité de l’État pour
les fautes personnelles de ses agents, Paris, L.G.D.J., 1966; A.K.J. TAN, Forest Fires of Indonesia: State
Responsibility and International Liability, cit., p. 831-832; D.D. CARON, Attribution Issues in State
Responsibility – Remarks, in Proc. A.S.I.L., 1990, p. 68; B. CONFORTI, Diritto internazionale, 6a ed.,
cit., p. 356-357, d’après lequel la limite de la responsabilité consisterait dans l’absence de prévention et
de contrôle de la part de l’État. En jurisprudence voir C.I.J., Réserves à l’application de la Convention

223
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

cas la responsabilité de l’État pourrait subsister seulement à titre d’omission de


prévention et de contrôle, pour la violation d’une obligation étatique totalement
différente par rapport à l’obligation violée par le particulier: l’infraction internationale
étatique serait constituée par l’omission des agents de l’États différents du particulier,
alors que l’action de ce dernier constituerait une infraction internationale autonome.799
Plus spécifiquement, l’action illicite de l’État constituerait une infraction d’omission et
d’événement, dans laquelle l’action du particulier constitue l’accident extérieur
indispensable à la réalisation du fait illicite.800
Enfin, il se peut qu’un fonctionnaire de l’État agisse, en dehors de ses fonctions, en
tant que particulier. Il revient alors à la jurisprudence d’établir, dans le cas concret, s’il
a agi en tant que personne privée ou en tant que fonctionnaire.

pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif du 28 mai 1951, in C.I.J. Rec.,
1951, p. 23; Trib. Arb., Tinoco, Royaume-Uni/Costa Rica, 18 octobre 1923, in R.S.A., N.U., vol. V, p.
387-388; Commission de réclamation, Caire, France/Mexique, décision du 7 juin 1929, in R.S.A., N.U.,
vol. V, p. 531, où l’on exclue la responsabilité de l’État “dans le seul cas où l’acte n’a eu aucun rapport
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avec la fonction officielle et n’a été, en réalité, qu’un acte d’un particulier”; Commission générale de
réclamation, Putnam, États-Unis d’Amérique/Mexique, décision du 15 avril 1927, in R.S.A., N.U., vol.
IV, p. 151 s.; Commission générale des réclamations, Morton, États-Unis d’Amérique/Mexique, décision
du 2 avril 1929, in R.S.A., N.U., vol. IV, p. 428 s. Dans la jurisprudence interne voir Trib. Confl., Mme.
Cailloux/Comité national pour la sécurité de l’électricité, décision du 25 janvier 1982, in Rec. C.É., S.,
1982, p. 449-450. Sur la difficulté de distinguer clairement l’activité des organes publiques de celle des
organes privés voir C. CHINKIN, A Critique of the Public/Private Dimension, cit., p. 387 s.; P.-M.
DUPUY, Attribution Issues in State Responsibility – Commentary, cit., p. 73.
799 Voir, conformément, D. ANZILOTTI, Corso di diritto internazionale, 4a ed., cit., p. 438; H.
KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 109-110; R. MONACO, La
responsabilità internazionale dello Stato per fatti di individui, in Riv. D.I., 1939, p. 61 s.; Ch. DE
VISSCHER, La responsabilité des États, cit., p. 102 s.; C. EAGLETON, The Responsibility of States in
International Law, cit., p. 195; L. DELBEZ, La responsabilité internationale pour crimes commis sur le
territoire d’un État et dirigés contre la sûreté d’un État étranger, in R.G.D.I.P., 1930, t. 37, p. 470; A.
DURAND, La responsabilité internationale des États pour déni de justice, in R.G.D.I.P., 1931, t. 38, p.
694 s.; S. FARRIOR, State Responsibility for Human Rights Abuses by Non-State Actors, in Proc.
A.S.I.L., 1998, p. 300-301; G.A. CHRISTENSON Attribution Issues in State Responsibility – Remarks,
cit., p. 52; F. PRZETACZNIK, La responsabilité internationale de l’État à raison des préjudices de
caractère moral et politique causés à un autre État, cit., p. 942; A.K.J. TAN, Forest Fires of Indonesia:
State Responsibility and International Liability, cit., p. 834 s. Voir, aussi, C. CHINKIN, A Critique of the
Public/Private Dimension, cit., p. 394-395, d’après laquelle, par ailleurs, la distinction entre les actes des
organes publiques et les actes des organes étatiques serait trop nette, de sorte qu’on devrait songer à
responsabiliser l’État pour les actes de tous les sujets soumis à sa juridiction. En jurisprudence voir C.I.J.,
Détroit de Corfou, Royaume Uni/Albanie, arrêt du 9 avril 1949, fond, in C.I.J. Rec., 1949, p. 92, où la
Cour affirme que chaque État a le devoir de “ne pas permettre sciemment que son territoire soit utilisé
pour des actes contraires aux droits des autres États”; C.I.J., Essais nucléaires, Australie/France, arrêt du
20 décembre 1974, opinion dissidente du juge Castro, in C.I.J., Rec., 1974, p. 389, § 253, où le juge
Castro confirma le devoir préventif des États à l’égard des dommages transfrontaliers; C.I.J., Légalité de
la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, in C.I.J. Rec., 1996, p.
241-242, § 27-29; C.P.A., Îles de Palmas, États-Unis/Pays Bas, sentence du 4 avril 1928, in R.S.A., N.U.,
vol. II, p. 839; Trib. Arb., Fonderie de Trail (Trail Smelter Arbitration), États-Unis d’Amérique/Canada,
sentence du 11 mars 1941, in R.S.A., vol. III, p. 1906. Voir, aussi, dans la pratique des États, les
négociations entre la France et l’Allemagne et entre la Suisse et l’Allemagne sur le dommage
transfrontalier causé par les émissions industrielles in I.L.A., Report on the Fifty-eigth Conference,
Manila, 1978, p. 389-391.
800 Conformément voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 200. Sur la responsabilité de l’État pour
absence de prévention et de contrôle voir L.-A. SICILIANOS, La responsabilité de l’État pour absence
de prévention et de répression des crimes internationaux, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET,
Droit international pénal, cit., p. 115-128.

224
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

§ 5.5. Le cas où l’organe agit au delà des limites de sa compétence selon le droit
interne.
Nul ne doute qu’un acte accompli par l’organe en conformité avec ses devoirs
internes soit une action de l’État, qui le responsabilise sur le plan international.
Quelques débats suscite en doctrine l’hypothèse de l’acte de l’organe non conforme
aux limites internes de la fonction.
Selon une partie de la doctrine, la conduite non conforme aux devoirs internes ne
pourrait pas être imputée à la personne morale étatique. La prémisse indispensable de
cette affirmation est, pour bon nombre d’auteurs, le constat que seul l’État peut établir
quelles actions sont licites ou illicites.801 Selon d’autres auteurs on pourrait parvenir aux
mêmes conclusions en considérant qu’en droit international l’imputation est
subordonnée à une éventuelle responsabilisation de la part de l’ordre étatique.802
Obligés de faire face à une pratique uniformément contraire à cette position, les
partisans de cette approche doivent soit nier toute logique à l’orientement de la pratique,
soit introduire le concept de responsabilité indirecte, selon lequel l’État serait
responsable du fait d’autrui, dans le cas de l’acte du fonctionnaire contraire au droit
interne.803 Cette doctrine conçoit les règles du droit international comme subordonnées
aux règles du droit interne. Par contre l’ordre international est totalement libre dans la
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définition de ce qui est licite et illicite dans son domaine et exploite l’ordre interne aux
seuls fins de la définition des personnes physiques qui agissent en tant qu’organes. Par
conséquent, quoique l’acte d’un fonctionnaire puisse être illicite et même, à la limite,
nul sur le plan interne, il pourra bien demeurer illicite sur le plan international. Ainsi la
conduite de l’officier aviateur qui bombarde une ville ouverte, contrairement aux ordres
reçus par ses supérieurs, implique la responsabilité de l’État sur le plan du droit
international.804
Selon l’article 10 du Projet sur la responsabilité des États de 1996, repris par l’article
10 du Projet de 2001, un acte accompli par un agent de l’État en dépassant les
compétences ou en violation des règles qui régissent la fonction n’exclut pas la
responsabilité de l’État.805
Le Projet sur la responsabilité des États, donc, retient le principe selon lequel les
règles internes objectives, quoique rattachées à l’élément subjectif, n’ont aucune

801 Voir, surtout, les thèses du jeune Anzilotti (D. ANZILOTTI, Teoria generale della responsabilità
dello Stato in diritto internazionale, cit., p. 165 s.; D. ANZILOTTI, La responsabilité internationale des
États à raison des dommages soufferts par des étrangers, cit., p. 30).
802 Voir D. ANZILOTTI Corso di diritto internazionale, 3a ed., cit., 1928, p. 418 s.; H. KELSEN,
Unrecht und Unrechtsfolge im Völkerrecht, cit., p. 500 s; H. KELSEN, Peace through Law (La pace
attraverso il diritto), cit., p. 113, note 1.
803 Sur le concept de la responsabilité indirecte de l’État voir L. OPPENHEIM, International Law, 5th ed.
by H. Lauterpacht, London, Longmans & Green, 1937, I, p. 289 s.; A. JESS, Politische Handlungen
Privater gegen das Ausland und das Völkerrecht, Breslau, M.u.H. Marcus, 1923, p. 12. Plus en général,
sur ce point, voir H. TRIEPEL, Völkerrecht und Landesrecht, cit., p. 349; D. ANZILOTTI, Teoria
generale della responsabilità dello Stato in diritto internazionale, cit., p. 167 s.; Ch. DE VISSCHER, La
responsabilité des États, cit., II, p. 91.
804 Conformément voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 196.
805 En doctrine, sur cette question, voir R. Ago, Troisième rapport sur la responsabilité des États, cit., p.
255, § 133; C. FISCHER, La responsabilité internationale de l’État pour les comportements ultra vires
de ses organes, Lausanne, Université de Lausanne, 1993. En jurisprudence voir C.I.J., Certaines
dépenses des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif du 20 juillet 1962,
in C.I.J. Rec., 1962, p. 168, où l’on affirme que: “Le droit national comme le droit international
envisagent des cas où une personne morale, ou un corps politique, peut être lié envers les tiers par les
actes ultra vires d’un agent”; Commission générale des réclamations, Mallén, États-Unis
d’Amérique/Mexique, arrêt du 27 avril 1927, in R.S.A., N.U., vol. IV, p. 177, § 8-9.

225
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

influence au plan international, car les règles objectives internationales concernant la


responsabilité demeurent autonomes et prévalent. Par conséquent un acte non conforme
à l’exercice des fonctions sur le plan interne peut constituer une infraction sur le plan
extérieur.806 Ce constat est tout à fait logique, car, à bien regarder, il s’agit d’une
question d’ordre proprement objectif, non pas d’ordre subjectif. Le critère est, en fait,
consacré à l’article 4 du Projet de 1996, parmi les principes généraux de la
responsabilité, correspondant à l’article 3 du Projet élaboré en 2001.
D’après une doctrine originelle, qui mérite d’être mentionnée, enfin, la responsabilité
étatique subsisterait, dans le cas de l’acte de l’organe contraire aux devoirs internes, à
titre d’omission de prévention et de contrôle, car l’État n’aurait pas empêché,
éventuellement via la mise en place des verrous juridiques nécessaires, la commission
de l’acte contraire aux prescriptions internes.807
Tels étant les points essentiels de l’imputation subjective étatique retenus par le
Projet sur la responsabilité des États, qui résume la pratique du droit international
général, confirmée par la jurisprudence et la doctrine majoritaires, on peut en tirer la
conclusion que le comportement de tout organe de l’État, agissant dans l’exercice des
ses fonctions, qui viole une obligation internationale, constitue un fait illicite
international de l’État. Cette conception retient une vision unitaire de l’État sur le plan
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international et emploie les mécanismes essentiels de l’imputation organique propres du


droit administratif.

§ 5.6. Les collectivités infra-étatiques dans le cadre de l’administration publique:


l’État dans son ensemble comme sujet de la responsabilité internationale.
La structure de l’État n’est pas simple, mais résulte de l’assemblage de plusieurs
sujets agissant l’un par rapport à l’autre de façon complémentaire. Ces considérations
valent, notamment, pour l’État en tant qu’administration, qui constitue une partie de
l’État en tant qu’ordre social juridique.808
Les organes administratifs dépendent hiérarchiquement les uns des autres, sont doués
de pouvoirs spécifiques et jouissent d’une autonomie d’action plus ou moins large,
selon les États et les fonctions.

806 Conformément voir R. Ago, Troisième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 250, § 120; J.
CRAWFORD, Revisiting the Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 440; A.K.J. TAN, The Forest
Fires of Indonesia: State Responsibility and International Liability, cit., p. 829; C.F. AMERASINGHE,
Imputability in the Law of State Responsibility for Injury to Aliens, cit., p. 96 et 104. En jurisprudence
voir C.P.J.I., Lotus, arrêt n. 9 du 7 septembre 1927, France/Turquie, in C.P.J.I. Rec., série A, 1927, n. 10,
p. 29 s. Contrairement voir P. FIORE, Trattato di diritto internazionale pubblico, Torino, Unione
Tipografico, 1887, p. 426 s. Sur cette question voir, aussi, T. MERON, International Responsibility of
States for Unauthorized Acts of Their Officials, in B.Y.B.I.L., 1957, XXXIII, p. 85 s.; F. PRZETACZNIK,
The International Responsibility of States for ultra vires Acts of Their Organs, in R.D.I.S.P., 1983, p. 67
s.
807 Voir B. CONFORTI, Diritto internazionale, 6a ed., cit., p. 355. Il n’est pas inutile de remarquer que,
selon une partie de la doctrine, la responsabilité pour absence de prévention et de contrôle subsisterait
seulement au cas où l’État n’aurait pas empêché la réalisation de la conduite de l’individu, qui
constituerait l’événement de l’infraction étatique (voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 200), par
contre, selon une autre interprétation, la responsabilité ne subsisterait pas si, même en cas de vérification
de l’événement illicite constitué par l’action du subordonné, l’État avait fait tout ce qui était possible pour
l’empêcher (voir D. ANZILOTTI, Corso di diritto internazionale, 3a ed., cit., p. 137 s.).
808 Sur la définition de l’administration publique en tant qu’ordre normatif voir H. KELSEN, Reine
Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del
diritto), cit., p. 144-145.

226
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

Au plan de la responsabilité internationale, une question importante concerne


l’engagement de la responsabilité, du côté subjectif, pour l’action d’un organe infra-
étatique.809
Par “collectivité infra-étatique” on entend une organisation, douée de pouvoirs
juridiques unilatéraux, agissant dans le cadre de l’administration publique.810 Une
collectivité infra-étatique est, donc, une unité administrative. Il s’agit d’établir si, au
plan international, ce type d’organisation peut-être considérée responsable de ses actes,
ou si l’État tout entier doit être retenu responsable pour sa conduite. À ces fins, il
faudrait évaluer le degré d’autonomie de l’organisation par rapport à l’État, qui peut
varier, selon l’État, en raison du type de rapport de dépendance hiérarchique qui
s’installe entre le pouvoir central et les collectivités décentralisées. En tout cas, quel que
soit le degré d’indépendance des collectivités infra-étatiques, il subsiste toujours, entre
celles-ci et le pouvoir central, un lien, plus ou moins étroit, de dépendance hiérarchique.
Par conséquent, la solution la plus correcte, au plan de la responsabilité internationale,
est de responsabiliser l’État dans son ensemble pour l’action d’un de ses organes.811 En
effet, sur le plan du droit international, en vertu du lien qui subsiste entre l’organe et
l’État, il existe une identification complète des deux entités, de sorte qu’il ne serait pas
possible de penser l’organe sans l’État.812 D’ailleurs, celle-ci est la solution adoptée par
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la C.I.J., qui, au cours de l’affaire Legrand, impliquant l’application de la Convention


de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, a considéré que “la
responsabilité internationale d’un État est engagée par l’action des organes et autorités
compétents agissant dans cet État, quels qu’ils soient”.813 L’État, donc, devrait
demeurer le sujet de la responsabilité internationale, quel que soit le degré de la
responsabilité de ses organes: la collectivité infra-étatique est couverte, en point de
responsabilité, par l’État, et s’inscrit dans son ordre national et international.814
Dans ce cadre, la responsabilité du fonctionnaire agissant au nom de la collectivité et
de l’État est la première à être engagée, au plan personnel. De cette façon, on aura une
échelle de la responsabilité du type fonctionnaire/organisation infra étatique/État qui

809 Sur ce problème voir A.-M. SLAUGHTER et al., The Challenge of Non-State Actors, in Proc.
A.S.I.L., 1998, p. 25.
810 Voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 190-191. Sur la définition des collectivités infra-étatiques
et leurs relations internationales réciproques voir O. AUDÉOUD, Les collectivités infra-étatiques dans la
vie internationale, in S.F.D.I., L’État souverain à l’aube du XXI siècle, Colloque de Nancy, 3-5 juin
1993, Paris, Pedone, 1994. Sur la personnalité des unités administratives voir F. LINDTCH, Recherche
sur la personnalité morale en droit administratif, thèse sous la direction de J.-A. Mazéres, Toulouse 1,
1991, p. 1-349. Pour une définition de l’autonomie locale, voir, aussi, la Charte européenne de
l’autonomie locale, adoptée le 15 octobre 1985 à Strasbourg (Conseil d’Europe, Série des traités
européens, n. 122), in ‹http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/122.htm›.
811 Conformément à cette interprétation voir J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États,
Add.4, cit., p. 6, § 158; F.A.A. SATCHIVI, Les sujets de droit (contribution à l’étude de la
reconnaissance de l’individu comme sujet direct du droit international), cit., p. 13, qui cite l’exemple des
Universités, de certaines collectivités décentralisées (États fédérés, villes), des banques centrales et des
instituts d’émission.
812 Voir G. CARELLA, La responsabilità dello Stato per crimini internazionali, cit., p. 167.
813 Voir C.I.J., Legrand, Allemagne/États-Unis d’Amérique, ordonnance du 3 mars 1999, in C.I.J. Rec.,
1999, p. 16, § 28.
814 Conformément à cette interprétation voir O. AUDÉOUD, Les collectivités publiques non-étatiques, in
H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 152. Une partie de la
doctrine souligne, toutefois, comme la centralisation de la responsabilité étatique, théoriquement
soutenable, soit difficilement praticable, de sorte qu’il vaudrait mieux décentraliser la responsabilité en
créant des formes de responsabilité internationale pour les organisations administratives de l’État (voir
G.A. CHRISTENSON, Attribution Issues in State Responsibility – Remarks, cit., p. 59).

227
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

remonte de la responsabilité individuelle jusqu’à la responsabilité collective, en passant


par la responsabilité de l’organe infra étatique.

§ 5.7. Le principe de l’imputation organique dans le domaine du droit


international pénal.
Plusieurs sources du droit international, selon la doctrine, confirment l’application
du principe de l’imputation organique dans le domaine criminel, c’est-à-dire des actes
illicites majeurs.815
Mis à part le Projet sur la responsabilité des États, qui applique expressément ledit
principe aux actions illicites mineures (les délits) et majeures (les crimes), la source la
plus intéressante et explicite est le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité
de l’humanité.816. Ce Projet, en effet, considère parallèlement la responsabilité du sujet
agissant en tant que simple individu (article premier) ou en tant qu’agent de l’État
(article 2) et s’efforce de repérer les relations qui subsistent entre les deux formes de la
responsabilité, notamment en ce qui concerne le crime d’agression, même si le résultat
n’est pas toujours parfaitement organique. Du point de vue de l’imputation le Projet de
Code des crimes anticipe les solutions du Projet sur la responsabilité des États, de sorte
que, de l’avis d’une partie de la doctrine, son objet ultime ne serait pas vraiment la
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responsabilité des individus, mais, plus correctement, celle des États.817


D’autres sources se limitent à prévoir la possibilité de responsabiliser pénalement les
sujets qui agissent au nom de l’État, mais s’arrêtent à ce seuil, sans pourtant passer du
plan de la responsabilité individuelle à celui de la responsabilité collective. L’article 4
de la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre
1948 établit que: “Les personnes ayant commis le génocide […] seront punies, qu’elles
soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers.” Les quatre Conventions
de Genève, applicables en temps de guerre, du 12 août 1949, responsabilisent
pénalement les individus agissant en tant qu’organes pour les infractions au droit
humanitaire.818 L’article 3 de la Convention contre l’apartheid, du 30 novembre 1973,
établit que “sont tenus pour pénalement responsables sur le plan international et quel
que soit le mobile, les personnes, les membres d’organisations et d’institutions et le
représentant de l’État”. L’article 1 de la Convention contre la torture, du 10 décembre
1984, responsabilise les individus-organes en affirmant la culpabilité pénale pour les
actes accomplis “par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à
titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite”.
En général ces normes, parmi d’autres, ouvrent la voie à l’application du principe de
l’imputation organique dans le domaine du droit international pénal, soit en prévoyant
expressément un lien entre la responsabilité pénale individuelle et celle de l’État, soit en

815 Voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility
in International Law, cit., p. 632.
816 Sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité voir les considérations que
nous avons fait supra, dans le chapitre dédié à la responsabilité internationale pénale des individus.
817 Conformément voir G. CARELLA, La responsabilità dello Stato per crimini internazionali, cit., p.
161. Contrairement voir A. GROSS, Some Observations on the Draft Code of Offences against the Peace
and Security of Mankind, in Isr. Y.B.H.R., 1982, p. 9 s.
818 Voir, notamment, les articles 49 et 50 de la première Convention de Genève, les articles 50 et 51 de la
deuxième Convention de Genève, les articles 129 et 130 de la troisième Convention de Genève, les
articles 146 et 147 de la quatrième Convention de Genève. Sur les quatre Conventions, notamment sur la
relation entre le droit de l’homme et le droit humanitaire, voir A. MIGLIAZZA, L’évolution de la
réglementation de la guerre à la lumière de la sauvegarde des droits de l’homme, in R.C.A.D.I., 1972-III,
vol. 137, p. 181 s.

228
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

prévoyant la possibilité de responsabiliser pénalement les fonctionnaires étatiques, ce


qui constitue la prémisse indispensable pour ensuite responsabiliser la collectivité.
En tout cas le mécanisme de l’imputation organique s’applique autant dans le
domaine de la responsabilité internationale étatique mineure que dans celui de la
responsabilité majeure.
Dans le régime de responsabilité uniforme qui a longtemps dominé la scène,
l’imputation automatique de la conduite de l’individu-organe à l’État s’appliquait tant
aux infractions moins graves qu’aux infractions plus graves, car elles rentraient dans la
catégorie unique de l’acte illicite international.819
Depuis la conception d’un double régime de la responsabilité il n’y aurait pas de
raisons pour introduire des différences du côté subjectif, au niveau de l’imputation, car
les différences entre les crimes et les délits sont exclusivement de type objectif.820 Dans
cette optique aucune raison ne subsiste, sinon, peut-être, des exigences d’économie des
jugements, pour attribuer aux États, à titre de responsabilité majeure, seulement les
conduites criminelles des chefs d’États ou des hauts fonctionnaires et estimer que
l’activité criminelle des fonctionnaires d’un rang moins élevé n’implique que la
responsabilité collective ordinaire.821 Par ailleurs, on ne voit pas vraiment sur la base de
quels critères on pourrait fixer un seuil dans la hiérarchie administrative aux fins de
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

l’imputation criminelle, étant donnée la diversité des systèmes juridiques du monde et


le constat que le droit international s’appuie sur le droit interne pour déterminer
l’apparat organique étatique habilité à agir sur le plan externe.
Par contre il faut toujours garder la différence entre le plan de la responsabilité
individuelle et celui de la responsabilité collective. Le principe de l’imputation
organique, en effet, n’implique pas la dissolution de la responsabilité individuelle dans
celle de l’État, car il se limite à établir que la conduite de l’individu est attribuée à celui-
ci et à l’État en même temps. Ainsi la seule conduite de l’individu, agissant comme
organe de l’État, engendre deux types différents de responsabilité, à la charge de
l’individu et de l’État, selon le principe du cumul, via le critère mentionné de
l’imputation organique et de la connexion des crimes.822
Le principe du cumul, par ailleurs, est accueilli par plusieurs systèmes de droit
interne, aussi bien au niveau pénal qu’au niveau administratif.823 Le Code pénal français

819 Dans cet ordre d’idées voir F.V. García Amador, Responsabilité de l’État – Responsabilité
internationale, Rapport, doc. A/CN.4/96, cit., p. 181,186, 220, où, même si on exclue la responsabilité
pénale de l’État, on affirme que celui-ci serait responsable pour les actes ou les omissions de ses organes,
quant au devoir de réparer les dommages.
820 Conformément voir G. SCELLE, Cours de droit international public, Paris, Domat-Montchrestien,
1948, p. 969; H. ROLIN, Les principes de droit international public, in R.C.A.D.I., 1950-II, vol. 77, p.
441; C. Th. EUSTATHIADÈS, Les sujets du droit international et la responsabilité internationale –
Nouvelles tendances, cit., p. 397.
821 En faveur de cette option voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility
and State Responsibility in International Law, cit., p. 632-633.
822 Sur la question de la double imputation et de la connexion objective entre les crimes individuels,
réglés dans le Statut de la C.P.I., et les crimes des États, réglés dans le Projet relatif de la C.D.I., voir,
favorablement, G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo preminente di studiosi italiani nel
progetto di codificazione della responsabilità degli Stati: specie a proposito di crimini internazionali e
dei poteri del Consiglio di sicurezza, cit., p. 123. Contrairement voir J. BARBOZA, International
Criminal Law, cit. p. 105.
823 Sur l’application du principe du cumul des fautes en droit administratif voir J. RIVERO, J. WALINE,
Droit administratif, 19ème éd., cit., p.264; J. MORAND DEVILLER, Cours de droit administratif, 7ème
éd., cit., p. 740-747; R. CHAPUS, Droit administratif général, 12ème éd., cit., p. 182-1283. Dans la
jurisprudence administrative voir C.É., Secrétaire d’État au logement/S.N.C. Empain Grahamn, arrêt du
7 février 2003, in G.P., 2003, jurisprudence, p. 3266; C.É., Rochaix, arrêt du 9 avril 1999, in G.P., 2000,

229
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

(article 121-2-3) prévoit que: “La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut
pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits…”, de sorte
que deux sujets sont poursuivis pour la même infraction.824 Le Code pénal finlandais
(chapitre 9, article 2) affirme que “une personne morale peut être condamnée à un
amende si un individu lui appartenant statutairement ou autre directeur a accompli une
infraction ou permis la commission d’une infraction.”.
En revanche d’autres systèmes juridiques retiennent le principe de la responsabilité
directe de la personne morale, opérant une séparation entre la responsabilité
individuelle et collective. C’est le cas du Code pénal néerlandais (article 51) qui dispose
que: “1) Des infractions peuvent être commises par des personnes physiques et morales.
2) Si une infraction est commise par une personne morale, les poursuites peuvent être
engagées et les peines […] prononcées […]: 1) Contre cette personne morale; 2) Contre
ceux qui auraient donné l’ordre ainsi que ceux qui ont effectivement dirigé le
comportement illicite; 3) Contre les personnes nommées en 1 et 2 ensemble.”
En tout cas, tant dans la prévision de la responsabilité par cumul que dans celle de la
responsabilité directe, aux fins de l’imputation des personnes morales la constatation de
la conduite illicite d’un de ses agents est indispensable.825
Le principe du cumul des fautes est adopté comme fondement de l’imputation dans
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le Projet sur la responsabilité des États aussi bien dans sa version de 1996 que dans
celle de 2001, par conséquent il s’applique à l’article 19 (Crimes et délits
internationaux) et à l’article 40 (Violation de normes impératives).826

jurisprudence, p. 916; Cour Admin. App., Ch. 3ème, Nantes, Ville d’Argentan, décision du 30 décembre
1999, in G.P., 2000, jurisprudence, p. 2758. En droit pénal voir J.-H. ROBERT, Droit pénal général, 5ème
éd., cit., p. 374 s. Dans la jurisprudence pénale voir Cass. Crim., Reverbel, Roderon, S.A.T.A., arrêt du 9
novembre 1999, in Bull. Crim., 1999, aff. n. 252, p. 786 s.; Cass. Crim., Soc. Mazzotti, arrêt du 1er
décembre 1998, in Bull. Crim., 1998, aff. n. 325, p. 942 s.; Cass., Crim., Riegel, Soc. Zavagno Riegel,
arrêt du 7 juillet 1998, in Bull. Crim., 1998, aff. n. 216, p. 626 s.
824 Voir F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 9ème éd., cit., p. 571 s. À ce propos H.
DONNEDIEU DE VABRES, Les limites de la responsabilité pénale des personnes morales, in R.I.D.P.,
1950, 3 trim., p. 342, parle de “substratum humaine” de l’imputation.
825 Voir J. PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 357-361, qui, d’ailleurs, est favorable à
l’application du principe de la responsabilité directe. D’après F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit
pénal général, 9ème éd., cit., p. 570, le principe du cumul des fautes s’impose “d’un point de vue
strictement juridique, puisque la responsabilité pénale des personne morales présuppose le plus souvent la
responsabilité préexistante d’une personne physique ayant commis l’infraction pour le compte du
groupement […] il est donc normalement impossible qu’une personne morale soit condamné si une
personne physique n’est pas également susceptible de l’être”.
826 Dans un des premiers commentaires de l’article 19 du Projet de 1996, tel qu’adopté déjà en 1976,
figure un passage particulièrement significatif en ce sens, où l’on affirme que: “L’obligation de punir
personnellement les individus-organes coupables de crimes contre la paix, contre l’humanité, etc., ne
constitue pas, pour la Commission, une forme de responsabilité internationale de l’État, et une telle
punition n’épuise certes pas la poursuite de la responsabilité internationale incombant à l’État pour les
faits internationalement illicites qui, de par le comportement de ses organes, lui sont attribués dans de tels
cas. Le châtiment des dirigeants de l’appareil étatique qui ont déclenché une guerre d’agression ou qui
ont organisé un génocide ne libère pas pour autant l’État lui-même de sa propre responsabilité pour un tel
fait”, même si la Commission précise que “il n’est pas non plus dit que, en ce qui concerne l’État,
n’importe quel ‘crime de droit international’ commis par l’un de ses organes et pour lequel son auteur est
tenu pour personnellement punissable en dépit de sa qualité d’organe étatique doive automatiquement
être considéré, non seulement comme un fait internationalement illicite dudit État, mais encore un fait
entraînant à sa charge une forme ‘spéciale’ de responsabilité” (voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les
travaux de sa vingt-huitième session, doc. A/CN.4/SER.A/1976/Add.1 (2ème partie), cit., p. 96, § 21).
Conformément, en doctrine, voir G. CARELLA, La responsabilità dello Stato per crimini internazionali,
cit., p. 162-163.

230
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

Ceci dit, reste à établir la nature de la responsabilité individuelle et celle de la


responsabilité collective, car il s’agit de déterminer si la responsabilité pénale
individuelle engendre une responsabilité collective équivalente, de type criminel, ou
bien une responsabilité mineure.

§ 5.8. La responsabilité pénale individuelle: obstacle à la conception de la


responsabilité criminelle de l'État?
Traditionnellement la doctrine s’est demandée si l’État peut être tenu pour
responsable, en tant que collectivité, du point de vue criminel, ou bien si seulement les
auteurs physiques des infractions, représentants ou agents de l’État, peuvent être
considérés responsables en tant que particuliers.827
On soutient, généralement, que la responsabilité pénale individuelle, telle que définie
par les normes existantes en droit international, notamment en matière de crimes contre
l’humanité, de génocide et de crimes de guerre, rendrait superflue et inutile la
responsabilisation criminelle d’un État. Cette approche découle de la conception
limitative du droit pénal, selon laquelle les seuls individus pourraient être tenus pour
responsables au plan pénal, alors que les personnes morales seraient exclues de
l’enceinte des crimes. Cette idée dérive du principe, longtemps dominant, pour lequel
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societas delinquere non potest. La jurisprudence internationale s’inscrit dans le même


sillage, car les tribunaux pénaux internationaux mis en place jusqu’à présent,
notamment le Tribunal militaire de Nuremberg, le Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda, ont jugé
exclusivement des individus pour la commission des crimes, mais pas des États.
Même si la tendance actuelle des droits internes est celle de responsabiliser les
personnes morales du point de vue pénal, surtout depuis l’émergence de la criminalité
liée à l’activité des entreprises, le concept de responsabilité pénale demeure fortement
ancré, dans les opinions de la doctrine, à l’individu en tant que personne physique.828
Plusieurs raisons sont déduites en faveur de cette interprétation, qui tiennent,
principalement, aux problèmes du degré de la responsabilité, du principe de la mens rea
et de la culpabilité de la collectivité avec l’individu. Il convient d’analyser ces
arguments pour établir s’ils peuvent infirmer le principe de l’imputation organique et de
la responsabilité criminelle collective.

§ 5.9. Les problèmes naissant du principe de la mens rea: le dol, la faute et la


responsabilité objective criminelle.
Une des questions les plus débattues du droit international concerne la nécessité de
savoir si l’imputation de la conduite à l’État est subordonnée à l’existence de la
culpabilité.
Avant d’aborder le problème il faut s’entendre sur le concept de “culpabilité”. Cette
notion appartient à la théorie générale du droit, de sorte qu’elle se présente à l’identique
en droit international et en droit interne. Il s’agit de la question de la mens rea, qui a été

827 Pour une présentation historique du problème voir S. GLASER, L’État en tant que personne morale
est-il pénalement responsable?, cit., p. 1 s.; S. GLASER, L’“Acte d’État” et le problème de la
responsabilité individuelle, in R.D.P.C., 1950, vol. 31, n. 1, p. 1 s.
828 Sur la question de l’évolution du principe selon lequel societas delinquere non potest voir J.
PRADEL, Traité de droit pénal et de science criminelle comparée, 12ème éd., cit., p. 502 s.; F.
DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 9ème éd., cit., p. 519 s.; J.-H. ROBERTS, Droit
pénal général, 5ème éd., cit., p. 367 s.; J.-C. JOYER, Droit pénal et procédure pénale, 14ème éd., cit., p.
129 s.

231
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

développée au sein de la doctrine de l’infraction civile, mais qui doit beaucoup au


développement de la culpabilité dans la théorie générale du crime.829
Nous entendons, par “culpabilité”, l’attitude psychologique du sujet auteur d’une
infraction envers l’élément objectif de l’infraction même, constitué par la lésion d’un
droit d’autrui.830
La culpabilité peut se réaliser dans la forme du dol ou de la faute. Il y aura dol en cas
de conscience et volonté de la violation, il y aura faute en cas d’absence de volonté et,
éventuellement, de conscience, par négligence.831
Concernant la responsabilité collective, il s’agit de savoir si l’imputation est
subordonnée à l’existence du dol ou, au moins, de la faute, au cas où l’auteur de
l’infraction serait l’État, personne morale susceptible de l’imputation. Le problème
consiste précisément à comprendre si, entre le sujet actif, l’État, et l’élément objectif de
l’infraction, il doit exister une relation psychologique dolosive ou fautive comme
condition nécessaire, sine qua non, pour l’imputation du fait illicite, donc pour la
réalisation complète de l’infraction internationale.
À première vue il semble difficile que l’ordre international, de filiation romaine,
puisse exclure, de façon catégorique, la culpabilité dans la détermination du fait illicite.
Pourtant, en doctrine, les réponses au problème ont varié au cours du temps. Un bref
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rappel historique concernant l’évolution de la pensée de la doctrine sur le point


permettra d’acquérir une vision synthétique et générale des différentes positions
proposées au cours des années avant de choisir une approche spécifique du problème.

§ 5.10. L’évolution de la doctrine sur la question de la culpabilité de l’État.


Selon l’approche traditionnelle, esquissée par Albéric Gentili, fixée par Grotius et
approuvée par des auteurs tels que Zouche, Pufendorf, Wolff, Cocceius, Burlamaqui et
Vattel, la responsabilité internationale supposerait nécessairement la faute, comme le

829 Sur la question de la mens rea voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième
session, cit., p. 360-362, § 240-244. R. AGO, La colpa nell’illecito internazionale, cit., p. 177 s.; G.
SPERDUTI, Sulla colpa nell’illecito internazionale, Comunicazioni e studi dell’Istituto di diritto
internazionale e straniero dell’Università di Milano, Giuffré, 1950, vol. III, p. 79 s.; A. CARLEBACH,
Le problème de la faute et sa place dans la norme du droit international, Paris, L.G.D.J., 1962. Pour une
approche comparative voir J. PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 291-311.
830 Voir S. GLASER, Élément moral de l’infraction internationale, cit., p. 537-538.
831 Conformément voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 72, qui emploie le mot “faute” pour
désigner ce que nous appelons “culpabilité” et le mot “faute stricto sensu” pour désigner ce qui, dans
notre texte, est la “faute”. L’auteur précise aussi que le moment logique où la culpabilité apparaît est
celui de la commission de l’acte illicite, non pas celui de l’attribution de la sanction, qui constitue un
élément ultérieur et conséquent à la culpabilité. Dans le même ordre d’idées voir J. PRADEL, Droit
pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 293, 298. Sur la notion de culpabilité en droit pénal français voir J.
PRADEL, Traité de droit pénal et de science criminelle comparée, 12ème éd., cit., p. 438 s.; F.
DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 8ème éd., Paris, Economica, 2001, p. 406 s.; B.
MERCADAL, Recherches sur l’intention en droit pénal, in R.S.C., 1967, p. 1; G. LEVASSEUR, Les
aspects psychologiques du comportement criminel, l’élément moral de l’infraction en droit français
(contribution à l’étude de la mens rea), in Travaux du 4ème Colloque international de droit comparé, 5-7
septembre 1966, Centre canadien de droit comparé de la Faculté de droit de l’Université de Ottawa –
Association canadienne de droit comparé, Ottawa, 1967, p. 111; A. CHAVANNE, M.-C. FAYARD, Les
délits d’imprudence, in R.S.C., 1975, p. 5; J. LEBRET, Essai sur la notion d’intention criminelle, in Rev.
Sc. Crim., 1938, p. 438 s.; R. BERNARDINI, L’intention coupable en droit pénal, thèse sous la direction
de R. Gassin, Nice, 1976; J.-C. BERREVILLE, Quelques réflexions sur l’élément moral de l’infraction,
in R.S.C., 1973, p. 865; G. STEFANI, G. LEVASSEUR, B. BOULOC, Droit pénal général, 17ème éd.,
cit., p. 229 s., 240 s.

232
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

veulent les principes du droit romain dont le droit international s’inspire largement.832
Ainsi l’État, identifié avec ses organes suprêmes, ne pourrait être considéré responsable
pour les infractions de ses subordonnés qu’en cas de complicité, pour patientia ou
receptus, en raison de l’approbation, explicite ou implicite, de la conduite illicite. Cette
conception s’est affirmée, notamment au cours du XIX siècle, dans les pays de tradition
romaniste, comme l’Italie, la France, l’Allemagne et les pays hispano-américains et,
surtout, dans les pays anglo-saxons. Bon nombre d’auteurs, tels que Calvo et Bonfils,
l’ont partagée, tout en développant des aspects spécifiques. En particulier, selon
l’approche de Phillimore et Hall, la culpabilité de l’État serait toujours présumée, sauf
en cas de preuve contraire.
Le premier auteur qui se détache de la conception traditionnelle est Triepel, qui
distingue deux types de responsabilité internationale. La responsabilité fautive de l’État
engendrerait l’obligation de réparer le dommage, alors qu’en vertu de la responsabilité
objective il serait tenu à la satisfaction de l’État étranger offensé par l’action
individuelle. Quoique la séparation des deux types de responsabilité en raison de la
culpabilité ne soit pas soutenue de façon convaincante, il faut signaler cette conception,
car elle affirme l’existence d’une forme de responsabilité objective de l’État pour les
actes des personnes physiques.833
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Au début du XX siècle la théorie de l’imputation objective s’impose, notamment par


la pensée d’Anzilotti. Solon cette conception la responsabilité de l’État subsisterait en
l’absence du dol et de la faute. En effet les attitudes de la volonté ne seraient que des
faits psychologiques, propres seulement des personnes physiques, non pas des
personnes morales. D’ailleurs, au cas où l’acte individuel serait illicite tant sur le plan
international que sur le plan interne, il ne constituerait pas un acte de l’État, mais un
acte contraire à l’ordre étatique même, donc la responsabilité étatique serait, forcement,
de type objectif. Au cas où l’acte individuel serait illicite sur le plan international, mais
licite sur le plan interne, il n’y aurait ni dol ni faute, même de la part de la personne
physique, donc la responsabilité serait encore de type objectif.834
L’affirmation de la théorie de l’imputation objective brise l’unité des points de vue
en matière d’imputation de l’infraction internationale. Bon nombre d’illustres auteurs
suivent l’interprétation objective, c’est le cas de Romano, Cavaglieri, Decendière-
Ferrandière, Bourquin, Lapradelle, Politis, Basdevant, Eagleton.835 En particulier, selon
Kelsen, il faudrait abandonner la relation psychologique entre l’État et l’infraction tant

832 Sur le principe de la faute et sur son évolution historique voir P. REUTER, Le développement de
l’ordre juridique international, cit., p. 386 s.
833 Voir H. TRIEPEL, Völkerrecht und Landesrecht, cit., p. 349.
834 Voir D. ANZILOTTI, Corso di diritto internazionale, 3a ed., cit., p. 145 s.; D. ANZILOTTI, Cours de
droit international, Paris, Sirey, 1929, réédité aux éditions du Panthéon-Assas, Paris, 1999, p. 505; D.
ANZILOTTI, Teoria generale della responsabilità dello Stato nel diritto internazionale, cit., p. 153 s.; D.
ANZILOTTI, La responsabilité internationale des États à raison des dommages soufferts par des
étrangers, cit., p. 28 s.
835 Voir S. ROMANO, Corso di diritto internazionale, 4a ed., Padova, Cedam, 1939, p. 517 s.; A.
CAVAGLIERI, Corso di diritto internazionale, 3a ed., Napoli, Rondinella, 1934, p. 517 s.; A.
DESCENDIÈRE-FERRANDIÈRE, La responsabilité internationale des États à raison des dommages
soufferts par des étrangers, cit., p. 74 s.; M. Bourquin, Observations sur le rapport de M.L. Strisower sur
la responsabilité internationale des États à raison des dommages causés sur leur territoire à la personne ou
aux biens des étrangers, Travaux de l’I.D.I. préparatoires de la session de Lausanne, août-septembre
1927, in Ann. I.D.I., 1927, vol. I, p. 504 s.; G. DE LAPRADELLE, N. POLITIS, Recueil des arbitrages
internationaux, Paris, Pedone, 1905-1924, II, p. 973 s.; J. BASDEVANT, Règles générales du droit de la
paix, cit., p. 668 s.; C. EAGLETON, The Responsibility of States in International Law, cit., p. 213 s.
Récemment, en sens favorable à la théorie de l’imputation objective, voir C. DOMINICÉ, The
International Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 359.

233
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

au niveau de l’imputation centrale, qui regarde l’infraction interne, qu’au niveau de


l’imputation périphérique, qui regarde l’infraction internationale.836
La majeure partie de la doctrine reste, toutefois, favorable à l’idée traditionnelle de la
faute comme principe essentiel de l’imputation internationale. Ainsi, des auteurs tels
que Oppenheim, F. von Liszt, Fauchille, Hershey, Heilborn, Hatschek, Lauterpacht,
Balladore Pallieri demeurent fidèles aux arguments de la culpabilité.837
Entre les deux positions extrêmes des approches intermédiaires se manifestent. Selon
Benjamin et Buxbaum le principe de la faute vaudrait pour la responsabilité des États en
raison des conduites de ses organes, non pas pour les cas des actes des particuliers.838
En revanche, selon Schön, De Visscher et Ruegger, la responsabilité objective serait
valable pour les faits des organes, la responsabilité pour faute pour les faits des
particuliers.839 Selon Strupp la responsabilité serait objective en cas d’infraction active
commise par les organes de l’État, tandis qu’en cas d’infraction par omission la
responsabilité serait fautive.840 Jess propose à nouveau la distinction de Triepel, selon
laquelle l’infraction internationale engendrerait une double responsabilité: une
responsabilité fautive concernant la réparation et une responsabilité objective
concernant la satisfaction.841
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§ 5.11. Critique de la théorie de l’imputation objective: la culpabilité comme


élément nécessaire de l’imputation de l’infraction internationale à l’État.
Selon la théorie de l’imputation objective, en aucun cas l’attitude psychologique de
l’État ne pourrait trouver sa place au sein de l’acte illicite.842 Dans cette optique seuls
les individus peuvent être tenus pour responsables du point de vue pénal, mêmes
lorsqu’ils agissent en fonction de l’État, en raison du principe pour lequel la
responsabilité pénale ne peut subsister qu’à titre de dol ou de faute.
La théorie de la responsabilité objective, dont les représentants majeurs sont, sans
doute, Anzilotti et Kelsen, se fonde sur plusieurs données. Il faut les prendre en
considération, de façon critique, pour essayer de voir si elles sont solides ou si elles
présentent quelques failles.

836 Voir H. KELSEN, Unrecht und Unrechtsfolge im Völkerrecht, cit., p. 537 s.; H. KELSEN, General
Theory of Law and State (Théorie générale du droit et de l’État), cit., p. 408; H. KELSEN, Principles of
International Law, 2nd ed., cit., p. 12.
837 Voir P. HEILBORN, System des Völkerrechts, Berlin, Springer, 1896, p. 407; P. HEILBORN,
Deliktsschuld und Erfolgshaftung im Völkerrecht, in Zeit. öff. Recht., 1928, vol. VII, p. 4 s.; J.
HATSCHEK, Völkerrecht als System im rechtlich bedeutsamer Staatsakte, Leipzig, Deichert, 1923, p.
385 s.; H. LAUTERPACHT, Private Law Sources and Analogies of International Law (with Special
Reference to Abstraction), cit., p. 143; G. BALLADORE PALLIERI, Diritto internazionale pubblico, 2a
ed., cit., p. 309 s., 536 s.
838 Voir H. BUXBAUM, Das völkerrechtliche delikt, Erlangen, 1913, p. 14 s.
839 Voir P. SCHÖN, Die völkerrechtliche Haftung der Staaten aus unerlaubten Handlungen, Breslau,
Kern, 1917, p. 50 s.; Ch. DE VISSCHER, La responsabilité des États, cit., II, p. 92 s.; P. RUEGGER,
Die völkerrechtliche Verantwortlichkeit des Staates, Zürich, Füssli, 1924, p. 7 s.
840 Voir K. STRUPP, Das völkerrechtliche Delikt, cit., p. 45 s.
841 Voir A. JESS, Politische Handlungen Privater gegen das Ausland und das Völkerrecht, cit., p. 116 s.
842 Voir S. GLASER, Élément moral de l’infraction internationale, cit., p. 539-541. Il faut, par ailleurs,
remarquer que la responsabilité objective (ou sans faute ou pour risque), dite “strict liability”, fait l’objet,
depuis 1980, de la codification de “La responsabilité internationale pour les conséquences préjudiciables
découlant d’activités qui ne sont pas interdites par le droit international”, qui a abouti, en 2001, à
l’élaboration, par la C.D.I., du Projet sur la prévention des dommage transfrontaliers résultant d’activités
dangereuses (voir le texte du Projet in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-troisième
session, cit., p. 399-405; en doctrine, sur cette codification et pour les références bibliographiques
relatives, voir B. STERN, La responsabilité internationale, cit., p. 15, § 106-111).

234
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

Un premier constat concerne la forme de l’infraction, sur le plan du droit interne et


du droit international. Il faut, en effet, considérer deux hypothèses différentes
d’infraction internationale: celle de l’acte conforme au droit interne mais non conforme
au droit international et celle de l’acte non conforme au droit interne et au droit
international. Dans l’hypothèse de la conduite conforme au droit interne, c’est-à-dire
dans le cas du fonctionnaire agissant en conformité avec ses propres fonctions, il
n’existeraient même pas le dol ou la faute de la personne physique agissant en tant
qu’organe, ce qui exclurait la possibilité de culpabiliser l’État. Dans l’hypothèse de la
conduite non conforme au droit interne, c’est-à-dire dans le cas du fonctionnaire qui
agit contre ses propres devoirs, il n’y aurait aucune culpabilité de l’État, qui
manifesterait une volonté contraire à celle, coupable, de l’auteur de la violation. 843
Au premier abord, ces thèses pourraient sembler inattaquables. Toutefois elles se
fondent sur la prémisse, erronée, que le rattachement d’une conduite illicite à l’État
dépend uniquement de l’ordre juridique interne: il n’existerait pas de responsabilité
étatique sauf en cas de prévision expresse par l’État même. En revanche, il faut
considérer que, sur le plan international, la responsabilité de l’État dépend uniquement
des règles de l’ordre juridique international. Si le droit international rappelle les règles
de l’ordre interne des États pour déterminer quels sujets agissent en son nom, il
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

demeure totalement libre d’établir quelles actions sont illicites et à quel titre elles
doivent être attribuées au sujet actif. Autrement dit, le droit interne est subordonné au
droit international dans la définition de l’infraction internationale, du moins dans la
vision moniste, prévoyant la supériorité de l’ordre international, que nous partageons.844
Ainsi, l’ordre juridique international pourra considérer illicite la conduite d’un
fonctionnaire conforme aux devoirs internes. En outre, sur le plan de la culpabilité, on
ne peut pas séparer la personne du fonctionnaire de celle de l’État et considérer le
premier soumis exclusivement au droit interne et le deuxième au droit international, car
l’action de l’organe est l’action de l’État même. Par conséquent, le droit international
pourra considérer l’action illicite dolosive ou de fautive, tant en ce qui concerne le
fonctionnaire qu’en ce qui concerne l’État, quoi qu’elle ne soit pas illicite selon les
normes du droit interne. Dans l’hypothèse de la conduite d’un fonctionnaire contraire
aux devoirs internes, d’ailleurs, le droit international peut, de la même façon, imputer la
conduite de l’organe à l’État à titre de dol ou de faute, sans se soucier de la qualification
interne de l’acte. Du point de vue de la forme de l’infraction internationale, il est donc
normal de considérer la culpabilité comme une condition indispensable de la
responsabilité de l’État.
D’un autre côté les partisans de la théorie de l’imputation objective insistent sur
l'importance de la capacité de comprendre et de vouloir comme faculté exclusive de la
personne physique. Seulement l’individu, en tant que personne physique, serait capable
d’une attitude psychologique consciente ou négligente envers l’acte illicite, alors que
l’État, personne morale, donc être fictif dépourvu de volonté, ne pourrait pas avoir
conscience des ses actions. Notamment l’individu serait capable de se représenter et de
vouloir les éléments qui composent le fait criminel et pourrait être, par conséquent,

843 Voir, notamment, D. ANZILOTTI, Corso di diritto internazionale, 3a ed., cit., p. 145 s.; D.
ANZILOTTI, Teoria generale della responsabilità dello Stato nel diritto internazionale, cit., p. 153 s.; D.
ANZILOTTI, La responsabilité internationale des États à raison des dommages soufferts par des
étrangers, cit., p. 28 s.; H. KELSEN, Unrecht und Unrechtsfolge im Völkerrecht, cit., p. 544.
844 Voir, conformément, R. AGO, Le délit international, cit., p. 75 s. Voir, aussi, l’opinion de Gaetano
Arangio-Ruiz in C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la quarantième session, in Ann.
C.D.I., 1988, vol. I, p. 275, § 4.

235
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

responsable de ses actes, éventuellement du point de vue pénal, non pas l’État.845 D’un
point de vue strictement moral il serait impossible d’attribuer une moralité à l’État et de
le concevoir comme une entité capable de répréhension, par conséquent une
responsabilité pénale de l’État ne pourrait pas exister.846 De plus, la responsabilisation
pénale de tous les individus d’un État impliquerait l’imputation d’une conduite
illégitime à des individus qui n’ont pas participé à l’action criminelle et qui n’ont
aucune relation psychique avec l’infraction, donc la criminalisation de sujets
irresponsables, sans aucun avantage en contrepartie. Apparemment la création de la
catégorie des crimes de l’État conduirait à sanctionner l’innocent avec le coupable: c’est
le problème de la responsabilisation de la collectivité irresponsable, en tant que telle,
avec l’individu responsable.847 De surcroît, on remarque que les crimes internationaux
doivent être classés parmi les violations les plus graves de tout droit pénal, pour
l’accomplissement desquels l’attitude doleuse serait nécessaire: l’État, incapable même
d’une attitude fautive envers l’infraction des ses agents, ne pourrait jamais commettre
des crimes.848 Suivant cette interprétation, pour faire face au problème de l’élément
psychique qui se pose du côté subjectif de l’infraction criminelle étatique, le mécanisme
de l’imputation objective constituerait une solution obligée: l’attribution à la collectivité
entière de la conduite de ses “mandataires” impliquerait, forcement, une responsabilité
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inconsciente.
Selon une variante de la théorie de l’imputation objective on devrait concevoir une
responsabilité consciente de la part de l’organe agissant, la responsabilité au même titre
de la part de l’ensemble des institutions étatique et, puis, une rupture dans le mécanisme
de l’imputation, car l’État entendu comme société serait responsable selon le principe,
neutre, de responsabilité objective.849
Ces considérations ne sont pas décisives car il faut rappeler que, sur le plan
international, l’État, en tant que collectivité, s’identifie avec ses organes et agit à travers
eux: lorsque un organe agit c’est comme si l’État tout entier agissait.850 En effet le

845 Voir, notamment, S. GLASER, Élément moral de l’infraction internationale, cit., p. 537 s.; S.
GLASER, L’“Acte d’État” et le problème de la responsabilité individuelle, cit., p. 1 s.; S. GLASER,
Culpabilité en droit international pénal, cit., p. 483.
846 Sur la relation entre la culpabilité individuelle et les règles morales voir Y. CARTUYVELS, Le droit
pénal et l’État: des frontières “naturelles” en question, in M. HENZELIN, R. ROTH, Le droit pénal à
l’épreuve de l’internationalisation, cit., 2002, p. 12-13; C. GINESTET, Contribution à l’étude des
rapports du droit pénal et de la morale, thèse sous la direction de G.-R. de Boubée, Toulouse 1, 1991, p.
1-200.
847 Sur ce problème voir J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 10, §
93. Voir, aussi, C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 377-378, §
291-294; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-deuxième session, cit., p. 93-94, § 349-
350. Voir, aussi, H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik
(Lineamenti di dottrina pura del diritto) cit., p. 151, 152. Selon une partie de la doctrine la
responsabilisation de la collectivité organisé amènerait, aussi, à oublier la responsabilité individuelle
(voir J.C. COFFEE, Jr., “No Soul to Damn: No Body to Kick”: an Unscandalized Inquiry into the
Problem of Corporate Punishment, in Michigan Law Review, 1980-1981, p. 410).
848 Voir G. GILBERT, The Criminal Responsibility of States, cit., p. 356-357. Sur la question du dol,
notamment du dol éventuel, et de la faute dans les crimes internationaux, voir les considérations que nous
avons fait, supra, dans le cadre du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité et
du Statut de la C.P.I. En doctrine, sur l’élément psychologique dans les crimes internationaux voir,
notamment, C. LOMBOIS, La culpabilité en droit international, cit., p. 140 s.; L. CAVICCHIOLI,
Sull’elemento soggettivo nei crimini contro la pace e la sicurezza dell’umanità, cit., p. 1094 s.; GLASER,
Culpabilité en droit international pénal, cit., p. 477.
849 Voir M.R. SAULLE, Lezioni di diritto internazionale, cit., p. 274-275.
850 Conformément voir l’opinion de V. Pella in S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 317, § 74.

236
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

principe de l’imputation organique n’implique pas seulement que l’action de l’organe


soit attribuée à l’État entendu comme organisation dans son ensemble, c’est-à-dire
comme ensemble d’institutions, mais il implique aussi, de façon automatique et
immédiate, l’imputation de la conduite à la collectivité des sujets, citoyens, qui
composent l’État en tant que société. Il ne s’agit pas, donc, de l’application du critère de
la responsabilité objective, car la culpabilité subsiste dans l’ensemble social, alors que
la responsabilité objective se réalise lorsque l’imputation se produit en l’absence d’une
relation psychique entre l’auteur de l’acte illicite et l’infraction. En considérant l’action
de l’individu qui agit au nom de l’État comme expression de la moralité collective on
peut responsabiliser l’État du point de vue moral.851
Pour soutenir cette position, une partie de la doctrine s’appuie sur la notion de
“psychologie collective”, concept qui serait applicable plus aisément aux États qu’aux
autres personnes morales, en raison du concept de “nation” qu’il sous tend.852
Par ailleurs, il faut rappeler que les organes d’un État, dans l’exercice de leurs
fonctions, agissent toujours au nom de la collectivité, en fonction d'un mandat, et jamais
exclusivement en termes individuels. À juste titre la doctrine affirme que la
démocratisation des décisions étatiques impose un changement dans la conception
traditionnelle de la responsabilité pénale afin de responsabiliser l’État, du moment que
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les organes étatiques agissent, sur le plan international, pour la collectivité dans son
ensemble.853 Toutefois, si cette logique s’applique aisément aux actions accomplies par
l’individu dans le respect des ses fonctions, plus problématique demeure son
exploitation dans le cas des actes individuels accomplis contra legem, car, dans cette
situation, l’État peut être considéré responsable seulement pour absence de prévention
et de contrôle.
En outre la doctrine remarque que le fait que l’État dans son ensemble soit
responsabilisé peut favoriser le développement d’une opposition aux criminels qui se
trouvent à la tête de l’État, ayant ainsi un effet préventif remarquable.854 En revanche, le
fait de laisser impunis les agissements étatiques criminels équivaut à assurer l’impunité
pour le crime collectif.855 En poussant à la limite cette logique, on parvient à affirmer
que la responsabilité pénale de l’État pourrait reposer sur l’absence de prévention, par
les citoyens, de la violation perpétrée par les décideurs.856

Dans le même ordre d’idées voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 248; V.
PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 60-61; V. Pella, De l’influence d’une
juridiction criminelle internationale, Rapport au Congrès de Bruxelles de l’A.I.D.P., 26-29 juillet 1976, in
R.I.D.P., 1926, vol. III, p. 394.
851 Voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 47, § 122; G.
GILBERT, The Criminal Responsibility of States, cit., p. 348.
852 Voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 316-317, § 72-73; Q. SALDAÑA, La justice
pénale internationale, cit., p. 297-298; H. DONNEDIEU DE VABRES, Les principes modernes du droit
pénal international, cit., p. 422.
853 Voir O. TRIFFTERER, Prosecution of States for Crimes of States, cit.., p. 360-361.
854 Voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 316, § 70; V. PELLA, La guerre-crime et les
criminels de guerre, cit., p. 62.
855 Voir V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 62; J.-P. LEYENS, Violence
concrète individualisée ou violence abstraite collective: quelques déterminantes psychologiques, in
R.D.P.C., 1984, janvier, 1, p. 99 s.
856 Voir M.-C. BASSIOUNI, Introduction au droit pénal international, cit., p. 55, qui se demande, aussi,
s’il existe une sanction qui ne frappe pas les individus n’ayant pas participé à la conduite qui engage la
responsabilité pénale étatique.

237
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

La doctrine relève, aussi, que, dans le crime de l’État, à côté de l’élément actif,
constitué par ceux qui exécutent, matériellement, l’acte illicite, il existe un élément
passif, constitué par l’acquiescement collectif, car l’exécutant agit souvent dans la
persuasion de ne pas s’exposer à la responsabilité interne. En frappant les personnes
physiques qui ont perpétré directement le crime on atteindrait l’élément actif de la
criminalité internationale, tandis qu’en sanctionnant les États on atteindrait l’élément
passif de la population.857
Sous un autre angle il convient de focaliser l’attention sur les avantages qui
découlent de la responsabilisation pénale de l’État. Actuellement il n’y a pas de
responsabilisation collective criminelle explicite; cependant les conséquences d’une
violation grave des intérêts fondamentaux de la communauté internationale sont
ressenties par la communauté dans son ensemble, à laquelle appartiennent l’individu, ou
les individus, agissant en violation du droit international. En cas de violation des droits
fondamentaux de la paix les mesures de réaction à la violation, n’impliquant pas
l’emploi de la force armée (par exemple l’embargo), ou impliquant l’emploi de la force
armée, touchent la population dans son ensemble avant que les individus directement
responsables. Ainsi, le peuple allemand et japonais a subi les conséquences des crimes
dont connurent les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo.858 La conséquence est que,
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dans l’ordre actuel du droit international, ou l’on admet que nous assistons à la sanction
d’une collectivité qui n’est même pas responsabilisée, donc à une sanction sans
responsabilisation, ou bien l’on admet que la collectivité est, déjà, responsabilisée.859 Si
on acceptait la première hypothèse, on serait obligé de conclure qu’il vaut mieux
responsabiliser la collectivité pour justifier la sanction que de la sanctionner en
l’absence de la responsabilité. Si, en revanche, on accédait à la deuxième hypothèse, on
devrait en tirer la conclusion que la responsabilisation de la collectivité n’est pas une
nouveauté: dans ce cas sa connotation criminelle permettrait de justifier correctement la
sanction collective.
On remarquera, encore, que la responsabilisation de la collectivité avec l’individu-
organe n’est pas une conséquence spécifique de la responsabilité criminelle étatique,
mais, plus généralement, un caractère de la responsabilité de l’État en soi, car le
problème se pose, aussi, en cas de responsabilité étatique mineure.860 Les normes
internes des États responsabilisent souvent des collectivités locales, du point de vue
civil, pour les actions individuelles. Tous les États du monde, même ceux qui, comme

857 Voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 317, § 75; G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport
sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 37-38, § 158; V. PELLA, La guerre-crime et les criminels
de guerre, cit., p. 61. Dans le même ordre d’idées voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa
quarante-septième session, cit., p. 114 s.; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième
session, cit., p. 165, § 353; J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États, Add.2, cit., p. 5, §
83, Add.4, cit., p. 8, § 115.
858 Voir V. Pella, De l’influence d’une juridiction criminelle internationale, Rapport au Congrès de
Bruxelles de l’A.I.D.P., 26-29 juillet 1926, cit., p. 394.
859 Conformément voir l’opinion de V. Pella in S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 316, § 69;
C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 114, § 263; C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 154, § 315. Sur ce problème voir les
considérations d’une partie de la doctrine concernant la possibilité de l’action du Conseil de sécurité en
l’absence de la constatation de la responsabilité, dont nous parlons en traitant la question de la nature de
l’action du Conseil et, notamment, H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of its
Fundamental Problems, cit., p. 735.
860 Voir, à ce propos, D.D. CARON, States Crimes and the I.L.C. Draft Articles on State Responsibility:
Insights from Municipal Experience with Corporate Crimes, cit., p. 311.

238
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

l’Allemagne, l’Italie, la Suisse, l’Espagne, la Russie, excluent la responsabilité pénale


des personnes morales, en partant du principe que la seule personne physique est
capable d’agir avec conscience et volonté, retiennent le principe de la responsabilité
civile des personnes morales et lui rattachent des conséquences similaires ou
équivalentes à celles qui suivent la responsabilisation pénale, comme le payement d’une
amende ou la dissolution.861 L’argument selon lequel la responsabilisation s’arrêterait
au seuil de l’action criminelle n’a aucune justification.862 Le principe de l’imputation
organique de l’action, tel qu’il est appliqué dans le domaine du droit interne et
transposé sur le plan international, ne s’arrête pas au seuil de la criminalisation.863 En
suivant la perspective individualiste jusqu’au bout, avec cohérence, il faudrait nier
complètement toute forme de responsabilité étatique, qu’elle soit mineure ou majeure,
puisque toute action illégitime, pas seulement celle pénale, demande, pour l’imputation,
la possession des facultés mentales du sujet actif. En revanche dans le système de droit
international on constate l’existence de la responsabilité étatique, comme principe
essentiel de l’ordre juridique. Ainsi le principe même de la personnalité juridique de
l’État amène à affirmer sa responsabilité, tant sur le plan civil que sur le plan pénal.864
Tous ces arguments démontrent que, lorsque l’on passe du plan individuel au plan
collectif, il ne faut pas abandonner les catégories classiques de la capacité de
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comprendre et de vouloir pour raisonner en termes d’imputation objective.865


En soutenant cette conception, nous n’entendons pas nier l’existence du mécanisme
de la responsabilité objective en droit international. Nous affirmons, tout court, que
l’attribution de l’infraction à la collectivité sociale advient au même titre qu’à la
collectivité institutionnelle et à l’organe agissant en son nom. Ainsi, lorsque l’organe
sera responsable à titre de dol, pour avoir commis le fait avec conscience et volonté,
l’État comme ensemble d’institutions et l’État comme société seront responsables à titre
de dol. Lorsque l’organe sera responsable à titre de faute, en ayant agi avec ou sans
conscience et quand même sans volonté, mais de façon imprudente, car il aurait pu se
représenter les conséquences illicites de son action, l’État comme apparat dans son

861 Voir J. PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 325 s., 354. Conformément voir G. Arangio-
Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 47, § 122.
862 Voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 109.
863 Voir F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 9ème éd., cit., p. 569 s.; J.-H.
ROBERT, Droit pénal général, 5ème éd., cit., p. 367 s.
864 Voir H. DONNEDIEU DE VABRES, Les principes modernes du droit pénal international, cit., p.
426; A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility in
International Law, cit., p. 634.
865 En faveur de l’application des principes du dol et de la faute dans l’imputation du crime aux
personnes morales voir J.-H. ROBERT, Droit pénal général, 5ème éd., cit., p. 375-376, d’après lequel la
responsabilité de la personne morale ne serait que le reflet de celle de l’individu, de sorte qu’il faut que
“dans les motifs de condamnation de la personne morale, le tribunal répressif constate la culpabilité de
l’organe […] c’es le principe. Sa réciproque est que, si l’organe ou le représentant ne peut pas être
déclaré coupable, la personne morale ne peut pas l’être non plus”. En faveur de la responsabilité fautive
des administrations politiques voir R. CHAPUS, Droit administratif général, 12ème éd., cit., p. 1189 s.,
d’après lequel “il est normal que la responsabilité de la puissance publique soit en principe une
responsabilité pour faute, c’est-à-dire engagée que si le fait dommageable est fautif”; J. RIVERO, J.
WALINE, Droit administratif, 19ème éd., cit., p. 278 s. Pour l’application du même principe à la
responsabilité pénale internationale des États voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la
responsabilité des États, Add.3, cit., p. 38, § 159. Dans la jurisprudence internationale voir C.I.J.,
Activités militaires et paramilitaires dans le Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis
d’Amérique, fond, arrêt du 27 juin 1986, in C.I.J. Rec., 1986, p. 106-107, § 102, où la Cour a retenu le
principe de la relevance de la faute dans l’établissement de la responsabilité étatique en affirmant qu’un
acte licite, notamment, dans le cas d’espèce, une mesure économique, peut devenir illicite lorsqu’il est
finalisé à forcer la volonté d’un État pour s’ingérer dans ses affaires.

239
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

ensemble et l’État comme société seront responsables à titre de faute. Lorsque l’organe
sera responsable à titre de responsabilité objective, ayant agi en l’absence de conscience
et volonté et sans imprudence, car il n’aurait pas pu se représenter les conséquences
illicites de son action, l’État comme ensemble d’institutions et l’État comme société
seront responsables à titre de responsabilité objective.866
Bien évidemment, si l’on reconnaît que la culpabilité constitue le critère déterminant
de l’imputation de la conduite illicite, il faudra, ensuite, en tenir compte dans la
détermination de la sanction: la responsabilité collective permettrait de rationaliser la
sanction, en la rendant proportionnée au degré de la responsabilité étatique.867 En

866 En faveur de cette interprétation voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 72, d’après lequel “s’il
est vrai, comme nous l’avons conclu, que l’action et la volonté de l’État ne peuvent être que l’action et la
volonté de ses organes, il s’ensuit qu’en droit international on pourra parler d’une faute de l’État lorsque
cette relation psychologique, en laquelle on a vu que se traduit la faute, subsiste entre la conduite
contrastant avec une obligation juridique internationale de l’État et la personne de l’organe qui l’a tenue”.
Conformément voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto) cit., p. 105. Selon A.
GATTINI, Smoking/No Smoking: Some Remarks on the Current Place of Fault in the I.L.C. Draft
Articles on State Responsibility, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 2, p. 397 s., la culpabilité joue un rôle
essentiel dans l’attribution de la conduite illicite à l’État, notamment en cas de crime. Au sein du Projet
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de la C.D.I. sur la responsabilité des États de 1996, par ailleurs, la prévision de la culpabilité étatique
pourrait être déduite du constat que, aux termes de l’article 31 (Force majeure et cas fortuit),
correspondant à l’article 23 du Projet de 2001 (Force majeure), la force majeure et le cas fortuit excluent
l’élément psychologique, donc la responsabilité. D’après J. CRAWFORD, Revisiting the Draft Articles
on State Responsibility, cit., p. 438, la culpabilité joue un rôle essentiel dans l’attribution de toute
conduite illicite à l’État, notamment en cas de violation d’obligations erga omnes: son degré devrait être
établi par rapport à la norme primaire violée. Selon A. PELLET, Can a State Commit a Crime?
Definitely, Yes!, cit., p. 434, la détermination du dol et de la faute serait essentielle en cas de crime de
l’État, mais pas en cas d’infraction simple. Voir, aussi, B. CONFORTI, Diritto internazionale, 6a ed., cit.,
p. 363-368, d’après lequel, en ligne avec la tradition de Anzilotti, il faudrait, tutefois, introduire une
distinction entre la responsabilité objective absolue et celle relative. On verserait dans un cas de
responsabilité objective absolue lorsque l’organe, donc l’État, n’aurait pas pu se représenter les
conséquences illicites de son action. On verserait dans un cas de responsabilité objective relative lorsque
l’organe, donc l’État, n’aurait pas pu se représenter les conséquences illicites de son action, mais il lui
faudrait le prouver en justice, car il y aurait une sorte de présomption de culpabilité. À notre avis la
responsabilité objective relative constitue un cas de faute avec l’inversion de l’obligation de la preuve.
Dans le cas de la faute, en effet, c’est la victime qui doit démontrer la faute de l’auteur de l’infraction,
alors que, dans le cas de la responsabilité objective relative, l’auteur devrait démontrer l’inexistence de la
responsabilité en raison de l’impossibilité absolue de connaître (cas fortuit, force majeure). En suivant
cette distinction on parviendrait à rendre le régime de la responsabilité objective relative plus grave que
celui de la faute. Nous préférons, donc, suivre la distinction traditionnelle, qui partage la responsabilité en
trois classes: à titre de dol, de faute ou de responsabilité objective unitaire. Finalement, on rappellera que
le principe de la responsabilité objective pour risque lié à une activité licite, en raison du seul dommage
en l’absence de la faute, est retenu par la Convention sur la responsabilité internationale pour les
dommages causés par les objets spatiaux du 29 mars 1972 (article II), suivant laquelle: “Un État de
lancement a la responsabilité absolue de verser réparation pour le dommage causé par son objet spatial à
la surface de la terre ou aux aéronefs en vol.” Le critère de la responsabilité objective est retenu, aussi,
par le texte du Projet de principes sur la répartition des pertes en cas de dommage transfrontière
découlant d’activités dangereuses, adopté par la C.D.I. en 2004, car selon le principe 2 § 4 la
responsabilité “ne devrait pas dépendre d’une faute” (voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de la
cinquante-sixième session, A/59/10, cit., p. 155). Sur la question de la responsabilité objective de l’État
voir B. STERN, La responsabilité internationale, cit., p. 15, § 106-111.
867 Voir A. GATTINI, Smoking/No Smoking: Some Remarks on the Current Place of Fault in the I.L.C.
Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 402-404; G. ARANGIO-RUIZ, State Fault and the Forms
and Degrees of International Responsibility: Questions of Attribution and Relevance, in J. BOULOIS et
al., Le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, Mélanges Michel
Virally, Paris, Pedone, 1991, p. 25-41. Notamment, selon G. Arangio-Ruiz, Deuxième rapport sur la
responsabilité des États, Add.1, cit., p.§ 165 s., 183 s., il faudrait tenir compte de la faute afin de
déterminer le montant de l’indemnisation et de la satisfaction. Sur l’incidence de la faute dans la

240
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

matière de responsabilité criminelle, notamment, une fois admise la possibilité de la


responsabilité pénale collective au niveau subjectif, on pourrait en déduire des
conséquences relevantes du point de vue objectif, selon l’esprit de l’article 19 du Projet
sur la responsabilité des États de 1996.

§ 5.12. Le degré minimal de la faute nécessaire pour qu’il y ait culpabilité.


En ayant acquis que la culpabilité est un élément fondamental dans le cadre de la
responsabilité internationale de l’État, il faut établir le degré minimal de la faute requis
afin que la culpabilité subsiste.868
La limite doit être cherchée dans le domaine de la faute, car elle constitue l’échelon
le plus bas dans l’échelle de l’intensité de la culpabilité, tandis que le dol en constitue la
forme la plus grave et la responsabilité objective se pose en dessous de la faute mais en
dehors du domaine de la culpabilité. La question se réduit, donc, à établir quel est le
degré de la faute suffisant pour que la culpabilité subsiste.
Il serait inutile, dans le cadre de notre travail, de se livrer à une recherche
méticuleuse, quoique intéressante, sur la question. En général, on se limitera à
remarquer qu’il serait raisonnable que le seuil de la culpabilité commence là où le sujet
auteur de l’infraction n’a pas observé un niveau de diligence normal, que l’on pourrait
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demander à tout sujet mentalement capable.869 À la limite on pourrait songer à

détermination de la sanction étatique voir, aussi, C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-
deuxième session, cit., p. 175-177, § 408-412; G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité
des États, cit., p. 17-20, § 46-54; G. Arangio-Ruiz, Huitième rapport sur la responsabilité des États,
Add.1, doc. A/CN.4/476/Add.1, cit., p. 2-4, § 48-55.
868 Le degré de la culpabilité est essentiel pour établir la gravité de la sanction. Il s’agit, toutefois, non
plus de la question de l’imputation du fait illicite à son auteur, mais de la détermination du quantum de la
sanction, qui constitue un moment logique conséquent, donc successif, à celui de l’imputation de
l’infraction. C’est surtout dans la perspective de la détermination de la sanction, d’ailleurs, que la
question de l’intensité de la culpabilité relève et a été abordée par la doctrine (voir R. AGO, Le délit
international, cit., p. 84). En jurisprudence voir Trib. Arb., Aboiland, France/Haïti, sentence du 26 juillet
1905, in R.S.A., vol. XI, p. 80.
869 Ce critère se précise, à l’article 8 de la XIII Convention de La Haye du 18 octobre 1907, concernant
les droits et les devoirs des Puissance neutres en cas de guerre maritime, dans la formule selon laquelle
l’évaluation de la négligence se ferait en ayant regard à l’emploi des moyens à disposition de l’État, et à
l’article 3 des Résolutions de Lausanne de l’I.D.I. du 1er septembre 1927, concernant la “Responsabilité
internationale des États à raison des dommages causés sur leur territoire à la personne ou aux biens des
étrangers” qui, en matière de dommages causés par les personnes privés, prévoit la responsabilité de
l’État qui “aurait omis de prendre les mesures auxquelles, d’après les circonstances, il convenait
normalement avoir recours pour prévenir et réprimer les faits”. Sur la question voir, notamment, W.E.
HALL, A Treatise on International Law, 8th ed., cit., p. 271; L. OPPENHEIM, International Law, 5th ed.
by H Lauterpacht, cit., I, p. 277 s. En général, sur le principe de la diligence due, voir, en doctrine, J.B.
MOORE, A Digest of International Law, cit., p. 791 s.; E. BORCHARD, The Diplomatic Protection of
Citizens Abroad, cit., p. 217, n. 4, p. 224, n. 2, 3; C. EAGLETON, The Responsibility of States in
International Law, cit., p. 88 s. Sur le degré de la gravité de la faute requise pour l’imputabilité de
l’administration publique voir J. RIVERO, J. WALINE, Droit administratif, 19ème éd., cit., p. 280 s.; J.
MORAND DEVILLER, Cours de droit administratif, 7ème éd., cit., p. 747 s.; L.-A. SICILIANOS, La
responsabilité de l’État pour absence de prévention et de répression des crimes internationaux, cit., p.
124 s.; P.-M. DUPUY, Attribution Issues in State Responsibility – Commentary, cit., p. 72. Sur la
définition de la “diligence normale” voir S. FARRIOR, State Responsibility for Human Rights Abuses by
Non-State Actors, cit., p. 302-303. Selon D.D. CARON, State Crimes in the I.L.C. Draft Articles on State
Responsibility: Insights from Municipal Experience with Corporate Crimes, cit., p. 311, l’État serait
responsable au cas où il n’aurait pas fait tout ce qu’il fallait pour éviter le crime: celui-ci serait le niveau
de la diligence due. Sur la faute comme condition indispensable de la diligence due voir A.K.J. TAN,
Forest Fires of Indonesia: State Responsibility and International Liability, cit., p. 837 s., 849 s., qui
pense que, pour établir le niveau de la “diligence due” il faudrait considérer un standard objectif, ainsi
que les possibilités subjectives de l’État coupable et qui considère que, en dehors de la faute, la

241
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

l’application du le critère, plus large, de la culpa levissima.870 Parfois le droit


international emploie le principe, plus restreint, de la négligence manifeste (culpa) ou, à
la limite, de l’intention hostile (dolus), donc de la faute grave.871 Il faut estimer qu’un
critère général et uniforme n’existe pas et que le jugement devra être conforme aux
exigences variables des différents cas concrets, surtout selon les règles de l’activité
exercée, comme dans tout ordre juridique interne.872
En ce qui concerne, plus spécifiquement, le domaine des crimes internationaux, il
faut se demander si la responsabilité peut subsister tout simplement à titre de faute ou
s’il faut, par contre, relever le dol, étant donnée la gravité des conduites en question.
Le Projet sur la responsabilité des États ne s’exprime pas sur ce sujet. Le texte de la
C.P.I., en revanche, en matière de responsabilité individuelle, est ambigu, car les
normes du Statut semblent exiger le dol (article 30), alors que la faute devrait suffire
pour l’existence de l’infraction selon les dispositions adjointes concernant
l’interprétation du Statut (Éléments des crimes, Introduction générale, paragraphe 2).873
En général, de toute façon, en suivant la théorie du droit pénal élaborée par les droits
internes, on devrait aisément reconnaître la culpabilité à titre de faute dans le domaine
du droit international pénal, tant au niveau individuel que collectif, sous peine,
autrement, de fournir une impunité trop facile aux auteurs des infractions criminelles.
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La pratique des relations internationales confirme cette interprétation, car elle montre
plusieurs cas de responsabilité internationale retenus à titre de faute ou de faute exclue
pour l’absence de la négligence. Si, par exemple, au cours d’un conflit armé, à cause du
brouillard qui empêche de voir les signes distinctifs et malgré toutes les précautions
possibles aient été prises, une bombe tombait sur un hôpital ou sur un autre bâtiment

responsabilité peut, tout de même, engendrer une obligation réparatrice; E. REID, Liability for
Dangerous Activities: a Comparative Analysis, in I.C.L.Q., 1999, p. 730 s. En jurisprudence, certaines
décisions soutiennent une définition objective de la “diligence due” (voir Commission générale de
réclamation, Neer, États-Unis/Mexique, décision du 15 octobre 1926, in R.S.A., N.U., vol. IV, p. 60 s.).
Toutefois la doctrine reconnaît la nécessité d’adapter le critère objectif de la “diligence due” aux moyens
dont un État dispose effectivement (F.V. GARCÍA AMADOR, Draft Articles on the Responsiblity of
State for Injury Caused in Its Territory to the Person or Property of Aliens, in F.V. GARCÍA AMADOR,
R.R. BAXTER, Recent Codification of the Law of State Responsibility for Injury to Aliens, New York,
Oceana Publications, 1974, vol. II, p. 130).
870 Voir G. Arangio-Ruiz, Deuxième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 51, § 164; G.
Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 17, § 47. En jurisprudence voir
Commission de réclamation, A. Mecham et L. Mecham jr., États-Unis/Mexique, arrêt du 2 avril 1929, in
R.S.A., N.U., vol. IV, p. 443; Commission de conciliation, Currie, Grande Bretagne/Italie, décision du 13
mars 1954, in R.S.A., N.U., vol. XIV, p. 24.
871 C’est le principe élaboré par l’Institut de Droit International et contenu dans l’article 5 des
Résolutions de La Haye du 30 août 1875, portant “Devoirs internationaux des États neutres: règles de
Washington”. Ce principe est repris à l’article 3 du Projet de la C.D.I. sur la Prévention des dommages
transfrontalières résultants d’activités dangereuses, d’après lequel: “L’État d’origine prend toutes les
mesures appropriées pour prévenir les dommages transfrontaliers significatifs ou en tout état de cause
pour en réduire le risque au minimum” (voir le texte de l’article in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les
travaux de sa cinquante-troisième session, cit., p. 400). Sur ce point voir E.M. BORCHARD,
“Responsibility of States” at The Hague Codification Conference, in A.J.I.L., 1930, july, vol. 24, n. 3, p.
536 s.; R. MONACO, La responsabilità internazionale dello Stato per fatti di individui, cit., p. 81 s.
872 Conformément voir R. AGO, Le délit international, cit., p. 83-84; R. AGO, La colpa nell’illecito
internazionale, cit., p. 26-27.
873 Suivant l’article 30 § 1 du Statut de la C.P.I., notamment, la culpabilité n’existerait qu’au cas où
l’élément du crime serait “commis avec conscience et volonté”. Aux termes de l’Introduction générale
aux Élément des crimes, paragraphe 2, la culpabilité existerait en présence “de la conscience, de la
volonté, ou des deux éléments”.

242
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

protégé par les normes du droit de la guerre, la responsabilité ne devrait pas subsister.874
En effet, dans ce cas, le fait d’avoir évité toute forme de négligence exclut la
culpabilité. Pendant le conflit sino-japonais, à la suite du bombardement de la
canonnière américaine “Panay” par des avions nippons, le Gouvernement japonais
destitua le commandant des forces aériennes, reconnu coupable, bien que l’attaque ait
été dû à une erreur, pour ne pas avoir pris les mesures de précaution les plus complètes.
En cette circonstance la négligence du commandant entraînait la culpabilité de l’État
japonais sur le plan international à titre de faute.875

§ 5.13. Le degré de la responsabilité de l’individu et de l’État: différence et


conformité.
Étant acquis que, en dehors d’éventuelles hypothèses de responsabilité objective
expressément prévues, de façon générale ou par cas typiques, dans l’ordre international
la responsabilité individuelle et celle de l’État ne peuvent subsister qu’en présence, au
minimum, de la faute, il s’agit de savoir s’il peut exister une différence d’intensité entre
la culpabilité de la personne qui agit en tant qu’organe et l’État au nom duquel elle agit.
Normalement, en suivant le principe de l’imputation organique, selon lequel l’organe
s’identifie avec l’État et sa conduite est celle de l’État même, il serait naturel d’affirmer
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que le degré de la culpabilité de l’individu et de l’État doivent être identiques.876


Toutefois il n’y a guère d’unité de points de vue sur le problème en doctrine.877
D’après une doctrine courante, proche de la conception objective de la
responsabilité, l’on pourrait parvenir à nier la responsabilité collective en partant de la
relation entre l’État et le sujet agissant en son nom, justement, sous l’angle du degré de
la responsabilité. Ainsi, si un individu-organe de l’État accomplissait une violation
d’ordre criminel, l’État même devrait être considéré responsable, mais seulement du
point de vue de la responsabilité civile, pour la réparation des dégâts causés par la
conduite du sujet-organe de l’État.878
L’interprétation traditionnelle ne va pas sans problèmes. Il est correct de considérer
que les vicissitudes juridiques de l’individu-organe et de l’État soient attribuées, en
même temps, aux deux sujets.879 Cependant telles vicissitudes devraient être attribuées
à l’État de la même manière qu’à l’individu, c’est-à-dire avec les mêmes
caractéristiques et spécificités. Concernant les conduites illicites, si l’action individuelle
engendrait la responsabilité civile de l’individu, l’État devrait être considéré

874 Pour toute une série de cas de ce genre voir D. Anzilotti, Observations sur le rapport de M.L.
Strisower sur la responsabilité internationale des États à raison des dommages causés sur leur territoire à
la personne ou aux biens des étrangers, Travaux de l’I.D.I. préparatoires de la session de Lausanne, août-
septembre 1927, in Ann. I.D.I., 1927, vol. I, p. 499 s.
875 Pour des considérations sur la faute dans les violations de la neutralité aérienne pendant le conflit
sino-japonais voir A. ROLLAND, Les pratiques de la guerre aérienne dans le conflit de 1914 et le droit
des gens, Paris, Pedone, 1916; W. GARNER, International Law and the World War, London/New York,
Longmans/Green, 1920, p. 47 s.; R. SANDIFORD, La neutralità nella guerra aerea, in Il diritto
aeronautico, 1930, p. 12 s.
876 Conformément voir J.-H. ROBERT, Droit pénal général, 5ème éd., cit., p. 376, parvient aux mêmes
conclusions en matière de responsabilité des personnes morales en droit interne, en qualifiant celle-ci de
“responsabilité du fait personnel par représentation”.
877 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 29-30, § 142-
143.
878 Voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 106; G. CARELLA, La responsabilità dello
stato per crimini internazionali, cit., p. 163.
879 Conformément voir A.K.J. TAN, Forest Fires of Indonesia: State Responsibility and International
Liability, cit., p. 829.

243
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

responsable du point de vue civil. Lorsque, par contre, l’individu est responsable du
point de vue criminel, l’État devrait être responsabilisé du point de vue criminel.880
La doctrine la plus récente, en effet, admet que, en cas de responsabilité majeure
étatique, la culpabilité collective, quoique plus objectivée que celle des individus,
devrait être déterminée à partir de la responsabilité pénale individuelle.881
La correspondance entre la responsabilité individuelle et collective est conforme aux
principes de l’organisation étatique, appliqués, notamment, dans le domaine
administratif, spécifiquement au critère de l’imputation organique de l’action, à la fois à
l’individu et à l’organe collectif au nom duquel il agit, dans ce cas la collectivité
étatique. Il n’y a pas de raisons pour amoindrir le degré de la responsabilité de l’État par
rapport à celle de l’individu et justifier, de cette façon, l’impossibilité de responsabiliser
l’État du point de vue criminel, comme si la responsabilité pénale de l’individu était un
châtiment, par lui-même, suffisant.
Pour justifier une diminution du degré de la responsabilité, il faudrait trouver un
élément juridique sûr, dans le cadre de l’infraction, qui justifie cette diminution. Or, il
est impossible de le repérer au niveau du cadre objectif, puisque la conduite illicite et
son objet juridique sont les mêmes pour l’individu et l’État, étant donnée l’unité de
l’action. Il ne reste qu’à chercher du côté subjectif, mais même là on ne peut pas trouver
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des éléments pour motiver la diminution de la responsabilité. En effet, l’évaluation de


l’élément subjectif permet, tout simplement, de graduer le niveau de la responsabilité du
sujet actif en termes de dol ou de faute, autant dans le domaine de la responsabilité
civile que dans le domaine de la responsabilité pénale, mais il ne permet pas de passer
d’une forme de responsabilité à une autre. En outre, étant donné que l’individu agit au
nom de l’État, le degré de la responsabilité devrait demeurer le même pour le deux
sujets: il n’y a pas de critères subjectifs différents d’attribution pour l’État et pour
l’individu, car la responsabilité de l’individu est la responsabilité de l’État selon une
identification complète.
Finalement, la responsabilisation criminelle de l’individu n’amène pas à exclure la
responsabilité criminelle de l’État, mais, au contraire, elle pousse à l’affirmer: la
responsabilité pénale individuelle et étatique peuvent exister en même temps.882 En ce
sens, un signal fort vient du Projet sur la responsabilité des États de 1996 qui prévoit, à
l’article 45 § 2 c), le châtiment des agents de l’État responsable pour violation grave, ou
criminelle, d’une obligation internationale.883
La seule raison de nier la responsabilité pénale de l’État et d’introduire, au niveau
collectif, une forme différente de culpabilité par rapport à celle de l’individu-organe,
réside dans des considérations d’ordre politique, puisqu’il pourrait paraître trop grave
de responsabiliser un État du point de vue criminel, de sorte qu’un amoindrissement de

880 Conformément voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 48, §
123; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 139, § 276, où l’on lit
que, de l’avis de certains membres de la Commission “le comportement d’un individu pouvait causer la
responsabilité de l’État qu’elle ou il représentait […] compte tenu du développement de la responsabilité
individuelle intervenu depuis l’époque de Nuremberg, il ne serait pas cohérent de refuser de sanctionner
la responsabilité particulièrement solennelle des États eux-mêmes pour les mêmes types de violations”.
881 Voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility
in International Law, cit., p. 634.
882 Conformément voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 74, § 6,
p. 85, § 44. Dans cet ordre d’idées voir, aussi, C. Th. EUSTATHIADÈS, Les sujets du droit international
et la responsabilité internationale – Nouvelles tendances, cit., p. 486-495.
883 Sûr cette forme spécifique de sanction voir les considérations que nous avons fait supra.

244
LE CÔTÉ SUBJECTIF DE LA RESPONSABILITÉ “PÉNALE” DES ÉTATS:
L’IMPUTATION DE L’INFRACTION ET DE LA SANCTION

la responsabilité serait souhaitable.884 Cette observation, cependant, échappe à la


logique du droit et rentre dans l’ordre des considérations que nous avons fait en parlant
de la gravité de l’emploi du terme “crime”, auxquelles nous renvoyons.885

Conclusion.
Concernant le côté subjectif de l’infraction internationale, il y a unanimité de points
de vue, en doctrine, sur les mécanismes généraux d’imputation de la conduite, licite ou
illicite, à l’État.
Le principe fondamental d’attribution est celui de l’imputation organique, selon
lequel l’État est responsable pour la conduite des individus-organes définis par son
propre ordre interne, quelle que soit leur position et leur fonction au sein de la
hiérarchie et en faisant abstraction de la conformité ou difformité de la conduite par
rapport aux devoirs de la fonction exercée.886 Il existe, donc, un lien étroit entre la
responsabilité des États et celle des individus qui agissent en son nom: la conduite
imputée est identique.
Plus débattue est la question de la nature de la responsabilité étatique, notamment en
ce qui concerne la possibilité de culpabiliser l’État du point de vue criminel.887
Bien que les idées aient beaucoup évolué en matière de responsabilité des personnes
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morales, du moins en droit interne, la plupart de la doctrine, en droit international, ne


considère pas l’État comme un sujet capable d’imputation pénale. L’impasse
consisterait dans le principe de la personnalité de la responsabilité pénale et dans la
conséquente impossibilité d’appliquer à l’État les critères de la capacité de comprendre
et de vouloir. Étant responsable au seul titre de la responsabilité objective, l’État ne
pourrait pas être tenu pour coupable en tant que criminel.
Les arguments portés par la doctrine traditionnelle au soutien de la thèse de
l’irresponsabilité pénale de l’État ne sont pas irréprochables. Une analyse attentive
révèle que l’État peut être responsabilisé selon les critères classiques du dol, de la faute
et de la responsabilité objective, tant en cas de responsabilité mineure qu’en cas de
responsabilité majeure, voire criminelle. La responsabilité majeure, ou criminelle, de
l’État, notamment, non seulement sera concevable, mais, en plus, elle ne pourra
subsister, au minimum, qu’à titre de faute.
Étant donné que l’imputation de la conduite à l’État passe par les mêmes principes
de la culpabilité qui caractérisent la responsabilité de l’individu-organe et que l’action

884 Il faut remarquer que la question de la responsabilité pénale des États ne se pose pas de la même
façon en droit international et en droit interne. En droit interne, en effet, la responsabilité de l’État dans
son ensemble (non pas celle des organisations étatiques spécifiques) est exclue, soit sur la base du constat
que l’État, qui détient le monopole du pouvoir répressif, ne saurait punir soi-même, soit parce que
l’ensemble du pouvoir administratif et législatif serait soumis au contrôle du juge pénal, en remettant en
question le principe de la séparation des pouvoirs (voir F. DESPORTES, F. LE GUEHENEC, Droit
pénal général, 9ème éd., cit., p. 528). Ainsi les droits français , néerlandais et belge, par exemple, excluent
la responsabilité criminelle de l’État (voir J. PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 362). En
faisant abstraction de la validité ou moins de ces thèses, il est facile de constater qu’il s’agit de questions
purement internes, qui ne se posent pas sur le plan international, où l’on appliquera à l’État les principes
de l’imputation qu’on applique aux personnes morales en droit interne (voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième
rapport sur la responsabilité des États, Add. 3, cit., p. 30-31, § 144-145).
885 Voir les considérations développées, supra, sur l’emploi du mot “crime” en droit international.
886 Voir, conformément, R. AGO, Le délit international, cit., p. 84.
887 Sur la question voir P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime international de l’État”, cit., p. 470;
G.T. BLEWITT, The Necessity for Enforcement of International Humanitarian Law, cit., p. 299; E.
DENZA, Ex parte Pinochet: Lacuna or Leap?, cit., p. 949 s.; J.B. HERZOG, Nuremberg, un échec
fructueux?, Paris, L.G.D.J., 1975; H. DONNEDIEU DE VABRES, Le procès de Nuremberg devant les
principes modernes du droit pénal international, cit., p. 481 s.

245
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

attribuée est identique, l’État devrait être tenu pour responsable au même titre que
l’organe agissant en son nom, tant en cas de responsabilité mineure que majeure.
L’application, incontestée, du mécanisme de l’imputation organique comme principe
d’imputation veut que, lorsque la conduite individuelle intègre une hypothèse de crime,
la responsabilité de l’État soit de type pénal.
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246
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

En droit international un système normatif organique de la responsabilité pénale est


en vigueur, actuellement, pour les seuls individus. Le Statut de la C.P.I., recueillant
l’expérience des Tribunaux militaires ad hoc de Nuremberg et de Tokyo, des Tribunaux
spéciaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda ainsi que celle des Principes
généraux du droit international consacrés par le Statut et le jugement du Tribunal de
Nuremberg et du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité,
synthétise les principes généraux du droit international pénal des personnes physiques
dans un cadre organique, même si son efficacité est relative.888 Les normes du Statut de
la C.P.I. prévoient des crimes, une procédure de jugement, des sanctions et une
procédure d’exécution internationaux. Ces normes intègrent les mécanismes
traditionnels du droit pénal international, axés sur la coordination des juridictions
internes. En revanche, aucune disposition du Statut de la C.P.I. ni, d’ailleurs, des textes
cités qui l’ont précédé, ne prévoit la responsabilisation des États ou des personnes
morales: la responsabilité demeure liée à l’individu et l’incrimination d’une association
de sujets peut se faire seulement par le biais du principe du concours d’individus dans la
conduite illicite. Toutefois la Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide du 9 décembre 1948 (article 9), la Convention sur l’élimination et la
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répression du crime d’apartheid du 30 novembre 1973 (article 8) et la Convention


contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants du 10
décembre 1984 (article 30), contemplent, à côté de la responsabilité individuelle, celle
de l’État, la Convention contre le génocide permettant, même, d’introduire un recours
devant la C.I.J. En outre, les travaux préparatoires du Statut de la C.P.I. révèlent que la
possibilité d’élargir la compétence de la Cour aux personnes morales et, même, aux
États, a été envisagée maintes fois. Finalement, la jurisprudence souligne, souvent, les
implications nécessaires qui subsistent entre la responsabilité pénale des individus et la
responsabilité des États.
De iure condito aucune norme internationale ne prévoit, de façon exhaustive, la
responsabilité pénale des États. Toutefois l’évolution droit international, comme le
confirment la jurisprudence et la doctrine, surtout au cours du XX siècle, reconnaît
l’existence d’un régime de la responsabilité étatique majeure, plus grave que le régime
de la responsabilité ordinaire, et le qualifie, parfois, de criminel.889 Au niveau du droit
international relatif la Charte des N.U., à l’issue de la seconde guerre mondiale,
consacre cette distinction et confie le contrôle des différends majeurs au C.d.S. Au
niveau du droit international général le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États
adopté en 1996, en première lecture, prévoit, à l’article 19, la responsabilité de l’État
pour “crime”, différente de la responsabilité pour “délit”, tandis que le texte du Projet
adopté, en deuxième lecture, en 2001 et soumis à l’attention de l’Assemblée générale
des N.U., consacre la distinction, plus souple, entre la responsabilité de l’État pour les
violations du ius cogens et la responsabilité pour les violations ordinaires. Ainsi,
actuellement, le droit international général reconnaît la différence entre la responsabilité
de l’État découlant de la violation de normes impératives et la responsabilité ordinaire,

888 Conformément voir P. WECKEL, La Cour pénale internationale – Présentation générale, cit., p. 993,
d’après lequel “La création de cette Cour universelle qui ne juge pas les États, mais les individus,
consacre pleinement la notion d’ordre public véritablement international, ni seulement transnational, ni
inter-étatique”; L.S. SUNGA, The Emerging System of International Criminal Law. Developments in
Codification and Implementation, The Hague, Kluwer Law International, 1997.
889 Voir A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 425 s. Sur la création d’une
hiérarchie de normes en droit international voir V. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council
Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p. 69.
LE SYSTÈME NORMATIF DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE:
LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS PAR RAPPORT À CELLE DES INDIVIDUS

alors que, au niveau du droit international relatif, la Charte des N.U., reprenant, de
façon spéculaire, cette distinction, confie la gestions des différends majeurs au C.d.S.
En termes de théorie générale, la responsabilité majeure, voire criminelle, de l’État
consiste dans la violation, du point de vue de la forme, d’une obligation erga omnes
indivisible, qui protège, du point de vue du contenu, les intérêts fondamentaux de la
communauté internationale.890 L’obligation erga omnes indivisible violée peut être
conçue au sens absolu, si on se place du point de vue du droit international général
(articles 19 § 2 et 40 § 3 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 et 40 § 1 du
Projet de 2001), ou bien au sens relatif, si on se place du point de vue du droit
international particulier. Dans la conception absolue l’infraction majeure, ou le crime,
de l’État viole une obligation qui le lie conjointement à tous les autres États de la
communauté internationale (ius cogens). Dans la conception relative le crime de l’État
viole une obligation qu’il a contractée conjointement envers tous les autres États qui
participent à une convention déterminée (obligation erga omnes contractantes
indivisible). Quoi qu’il en soit, il ne suffirait pas de constater la violation d’une
obligation erga omnes indivisible, au sens absolu ou relatif, pour définir le crime
international de l’État, car même certaines violations ordinaires des États peuvent léser
des obligations erga omnes indivisibles, mais il faudrait, en plus, que l’intérêt protégé
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par l’obligation erga omnes indivisible violée ait une importance fondamentale pour la
communauté internationale.891 Quant à l’institution d’un système accompli de la
responsabilité internationale pénale, il est difficile de penser qu’il puisse s’imposer par
la voie de la pratique générale: étant données les garanties formelles requises, le seul
instrument apte semble le traité, en tant que moyen de codification du droit international
général, capable d’imposer des normes complètes que la pratique conforme constante se
chargerait de généraliser. Sur la base des critères de la violation d’une obligation erga
omnes indivisible absolue et de l’importance fondamentale de l’intérêt protégé par
ladite obligation, l’article 19 § 3 du Projet sur la responsabilité des États de 1996
qualifie comme crimes, spécifiquement, la violation d’une obligation essentielle pour le
maintien de la paix, pour la sauvegarde du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,
pour la sauvegarde de l’être humain ainsi que pour la sauvegarde de l’environnement,
mais il est clair que toute définition de la partie spéciale de la responsabilité pénale
étatique demeure, dans certaines limites, discutable.892
Au niveau du droit international général, l’encadrement de l’infraction majeure,
voire criminelle, étatique, comme violation d’une obligation erga omnes indivisible
absolue, qui protège les intérêts fondamentaux de la communauté internationale,
implique la réaction collective des États en contre-mesure (article 53 d) du Projet sur la
responsabilité des États de 1996 et articles 41 § 1, 42 b), 48 § 1 b) et 54 du Projet de
2001). Tout État peut, de façon décentralisée, invoquer la responsabilité de l’État auteur
de la violation, en la jugeant lui-même, la seule alternative étant la composition du
différend par le recours volontaire aux instances juridictionnelles. La sanction imposée
aura une gravité supérieure par rapport à celle des infractions ordinaires et, notamment,
assumera la forme d’une obligation erga omnes indivisible absolue (article 33 § 1 du
Projet de 2001). En cas de violation de la sanction, tout État pourra réagir par une action
exécutive en contre-mesure, de façon décentralisée. Malgré la prévision d’un devoir
générique de coopérer (articles 53 d) du Projet de 1996 et 41 § 1 du Projet de 2001), la

890 Voir G. ABI-SAAB, The Use of Article 19, cit., p. 350.


891 Voir G. GAJA, Shall all References to International Crimes of States Disappear from the I.L.C.’s
Draft Articles on State Responsibility?, cit., p. 367.
892 Voir A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 430; V. GOWLLAND-
DEBBAS, Security Council Enforcement Actions and Issues of State Responsibility, cit., p. 70.

248
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

réaction aux infractions majeures du droit international, non maîtrisée par un organe
central, demeure anarchique. Si, sur le plan de la forme absolue de l’infraction, de la
sanction et de l’action en contre-mesure, la responsabilité majeure étatique reproduit les
traits essentiels de la responsabilité pénale, l’absence de centralisation et de verticalité
dans l’aspect procédural exclue la conception pénale de cette catégorie d’infractions.
Au niveau du droit international relatif la Charte des Nations Unies centralise la
réaction en confiant la gestions des réponses aux infractions majeures au C.d.S.: les
États parties au système onusien ne peuvent adopter aucune contre-mesure qui ne soit
pas autorisée par le Conseil.
Du point de vue subjectif l’imputation à l’État de l’infraction et de la sanction qui en
découle se fait par le biais du principe de l’imputation organique: l’infraction de
l’individu qui agit en tant qu’organe de l’État est une infraction de l’État même. Quant
aux principes de l’imputation, il faut estimer que, malgré sa nature de personne morale,
l’État doit être tenu pour responsable à titre de dol, de faute et de responsabilité
objective, par conséquent, sur le plan subjectif, sa responsabilité pénale sera
concevable. En vertu du principe de l’imputation organique le degré de la responsabilité
devrait être équivalent chez l’individu-organe et chez l’État, de sorte que la
responsabilité pénale individuelle engendrerait la responsabilité pénale ou, au moins,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

majeure, de l’État.893
Finalement on constatera que le droit international, reconnaissant la responsabilité
pénale des individus et la responsabilité majeure des États, semblerait, au premier
abord, tenir les deux formes de la responsabilité bien séparées. Notamment, aucune
juridiction commune n’est en place pour juger conjointement les infractions
individuelles et étatiques. Toutefois, sous le profil objectif tant les infractions
individuelles que celles collectives se configurent comme violations d’obligations
cogentes, tandis que sous le profil subjectif l’exploitation du principe de l’imputation
organique comme critère d’attribution de la violation implique l’identité de la
responsabilité chez l’individu-organe et chez l’État au nom duquel il agit. Il existe,
donc, au delà de la terminologie employée et de la césure procédurale, une évidente
proximité de nature entre la responsabilité des individus et celle des États.

893 Sur la relation entre les crimes des individus, notamment réglés dans le Projet de Code des crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité, et les crimes des États, voir A. GATTINI, Smoking/No
Smoking: Some Remarks on the Current Place of Fault in the I.L.C. Draft Articles on State
Responsibility, cit., p. 400.

249
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008
DEUXIÈME PARTIE

INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF


DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE

En droit international la responsabilité pénale de l’individu est un principe général


bien établi: son jugement est confié soit à des juridictions pénales ad hoc soit à la
C.P.I., configurant des systèmes, en tout cas, relatifs. Le système de droit international
pénal intègre les dispositions de droit pénal international, axées sur la coordination des
juridictions internes.
La responsabilité des États, en revanche, n’est reconnue comme criminelle de façon
satisfaisante par aucune disposition normative.
Au niveau général on peut, toutefois, reconnaître l’existence d’une responsabilité
majeure, différente de la responsabilité ordinaire, engendrée par les conduites illicites
les plus graves des États, qui lèsent les intérêts fondamentaux de la communauté
internationale dans son ensemble (ius cogens).894 Selon le principe de l’autodéfense la
réaction à ce type de violations doit être confiée aux sujets passifs de la violation: tout
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

État de la communauté internationale est en droit de réagir à une violation majeure du


droit international, sauf en cas d’accord pour une définition négociée ou judiciaire du
différend. Cette approche définit un cadre anarchique de la communauté
internationale.895
Au niveau relatif la Charte des N.U. encadre les infractions majeures des États de
façon spéculaire par rapport au droit international général de la paix et organise la
réponse autour du Conseil de sécurité, reflétant l’équilibre des Puissances Alliées issu
du second conflit mondial: le C.d.S. est chargé d’évaluer, notamment en vertu des
chapitres VI et VII de la Charte, les conduites qui portent atteinte à la paix
internationale et d’organiser la réaction par une série de mesures allant jusqu’à l’emploi
de la force armée. Il s’agit d’une forme de centralisation de la réaction aux infractions
majeures: aucun État membre des N.U. ne peut réagir à ce type de violations sans
l’autorisation préalable du C.d.S., sauf en cas de légitime défense pour répondre à une
agression armée, aux termes de l’article 51 de la Charte.896 Toutefois, selon certaines
doctrines alternatives, basées, notamment, sur les principes de l’intervention

894 Voir A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 427-427; J. CRAWFORD,
Revisiting the Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 436.
895 Sur l’organisations de la justice au sein de la communauté internationale voir D. ALLAND, Justice
privée et ordre juridique international: étude théorique des contre-mesures en droit international public,
Paris, Pedone, 1994. Sur l’action décentralisée voir D.W. BOWETT, Self-defence in International Law,
Manchester University Press, 1958; Y. DINSTEIN, War, Aggression and Self-defence, 2nd ed.,
Cambridge, Cambridge University Press, 1994. Sur le droit international en tant que droit anarchique voir
A. LEJBOWICZ, Philosophie du droit international, cit., p. 388. Selon H. Waldock, Deuxième rapport
sur le droit des traités, cit., p. 94, § 1 s., les travaux de codification, dans le domaine du droit de la
responsabilité, sont caractérisés par un effort constant de renforcer le “dispositif de freine” des réactions
unilatérales en vue de minimiser le risque d’arbitraire. Sur l’anarchie dans l’ordre international et la
nécessité d’en sortir par la constitution d’une fédération d’États républicains voir I. KANT, Zum ewigen
frieden (Per la pace perpetua) cit., p. 31 s.
896 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 888 s.; P.-M. DUPUY
Droit international public, 6ème éd., cit., p. 573 s.; J. COMBACAU, S. SUR, Droit international public,
5ème éd., cit., p. 618 s.; M. PERRIN DE BRICHAMBAUT, J.-F. DOBELLE, M.-R. D’HAUSSY, Leçons
de droit international public, cit., p. 194 s.; C. DOMINICÉ, Le Conseil de sécurité et l’accès aux
pouvoirs qu’il reçoit de la Charte des N.U., cit., p. 422; J. COMBACAU, Le pouvoir de sanction de
l’O.N.U., Étude théorique de la coercition non militaire, Paris, Pedone, 1974.
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

humanitaire, de la légitime défense préventive ainsi que sur la théorie des pouvoirs
implicites, les États membres des N.U. pourraient réagir en contre-mesure, dans
certaines circonstances, sans l’autorisation préalable du C.d.S. Le système mis en place
par la Charte des N.U. n’est pas complètement cohérent du point de vue de la validité et
de l’efficacité, considéré en soi aussi bien que par rapport à l’ordre général du droit
international. Les problèmes fondamentaux concernent, notamment, l’absence d’une
définition précise des infractions majeures ainsi que le pouvoir discrétionnaire dont le
C.d.S. dispose dans la qualification des infractions et l’organisation de la réponse.897 En
revanche, les doctrines qui tendent à contourner l’autorisation du C.d.S. préfigurent le
retour à une organisation anarchique basée sur l’autodéfense en cas d’infraction
internationale majeure.898 Par ailleurs, il n’est pas facile de coordonner l’action du
C.d.S. et des États avec celle de la C.I.J., instance juridictionnelle, en raison de la
superposition des compétences.
Étant donné que les points de contact entre les crimes des individus et les infractions
majeures des États sont relevants autant du point de vue subjectif, notamment en vertu
du principe de l’imputation organique, que du point de vue objectif, surtout en raison
des intérêts lésés et de la nature cogens de l’obligation violée par les infractions
individuelles et collectives, des problèmes de coordination naissent entre les Tribunaux
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

pénaux internationaux et les mécanismes de définition des différends majeurs


étatiques.899 Déjà les juridictions internationales pénales individuelles ad hoc
s’inscrivent dans le cadre de la responsabilité des États de façon assez problématique,
notamment du point de vue du respect du principe de la présomption d’innocence. La
création de la C.P.I. rentre dans ce scénario, en 1998, de façon encore plus
problématique, car on ne peut pas concevoir la Cour comme un organe isolé dans
l’ordre juridique international. Du moment que la responsabilité des États est
strictement liée à celle des individus, l’organisation de la responsabilité pénale
individuelle dans un ensemble général et organique impose de repenser la responsabilité
majeure des États.
Au cours de la deuxième partie de la thèse nous considérons les incohérences du
système de la responsabilité internationale pénale tel que nous l’avons défini dans la
première partie. Non seulement nous relevons des incohérences internes,
respectivement, au système de la responsabilité pénale individuelle et à celui de la
responsabilité majeure étatique, mais, en connaissance des liens qui subsistent entre les
deux formes de responsabilité, nous sommes en mesure de relever des éventuelles
incohérences croisées. Suivant la méthode de la première partie nous faisons une étude
systématique, afin d’acquérir une vision globale des problèmes qui émergent dans ce
domaine du droit international. Une fois cette compréhension acquise nous devrions
être capables de considérer des possibles solutions et de déterminer si l’introduction
d’un système complet de la responsabilité pénale des États en droit international est
souhaitable, ou nécessaire, tout d’abord du point de vue de la cohérence et, par
conséquent, du point de vue de l’efficacité. Nous formulons, alors, des propositions

897 Voir H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental Problems,
cit., p. 219 s.
898 Sur la réaction aux infractions dans l’ordre international voir A. CASSESE, The Current Regulation
of the Use of Force, Dordrecht, Martinus Nijhoff Publisher, 1986; M. VIRALLY, L’organisation
mondiale, Paris, Armand Colin, 1972. Sur l’illégitimité de l’emploi de la force par les États onusiens en
dehors de l’autorisation du C.d.S. voir J. LOBEL, M. RATNER, Bypassing the Security Council:
Ambiguous Authorization to Use Force, Ceasefires and the Iraqui Inspection Regime, in A.J.I.L., 1999,
january, vol. 93, n. 1, p. 124 s.
899 Voir T.L.H. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International Criminal Law Regime?, cit., p.
180.

252
INTRODUCTION DE LA DEUXIÈME PARTIE

pour essayer de sortir des impasses de l’ordre actuel. Ces propositions visent à définir
les infractions majeures des États de façon précise et à confier le jugement relatif à une
instance judiciaire, préférablement la C.P.I., pour des raisons d’unité et de cohérence de
l’ordre international. Un système unitaire de la responsabilité internationale pénale,
concernant les individus et les États à la fois, pourrait, de plus, être étendu aux autres
personnes morales, notamment aux organisations intergouvernementales, et, aussi, aux
personnes morales transnationales et infra-étatiques.
Dans le sixième chapitre, nous esquissons un cadre général des problèmes qui
concernent les actuelles procédures de solution des différends majeurs étatiques,
prévues par le droit international général et particulier. Du côté du droit international
général, nous considérons les réponses étatiques en contre-mesure et les méthodes
volontaires pacifiques de composition des différends (conciliation, recours aux
juridictions internationales). Du côté du droit international relatif, après un bref aperçu
des systèmes, volontaires, mis sur pied par les Conventions pour le règlement pacifique
des différends de La Haye de 1899 et 1907, tout d’abord, et par le Pacte de la S.d.N.,
ensuite, nous considérons attentivement les procédures onusiennes, notamment celles
impliquant la C.I.J., l’A.G.N.U. et le C.d.S. Nous concentrons notre attention,
notamment, sur l’action du C.d.S., en étudiant sa nature, du point de vue juridique et
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

politique, ainsi que sa cohérence interne. Dans le cadre de cette étude nous considérons,
aussi, les théories qui autorisent les États membres des Nations Unies à répondre aux
violations majeures du droit international en dehors de l’autorisation du C.d.S.
Dans le septième chapitre nous analysons la relation entre le C.d.S. et la C.I.J.,
notamment les problèmes engendrés par le conflit de compétence de ces deux organes
en matière d’infractions majeures des États. Nous considérons la position assumée par
ces organes face aux incohérences procédurales et les possibles solutions prospectées,
notamment par la C.I.J. Finalement nous étudions la position du C.d.S. par rapport à
l’exécution des décisions de la C.I.J. Au cours de cette étude on rencontre des
problématiques qui concernent, aussi, la relation entre la C.P.I. et le C.d.S.
Dans le huitième chapitre nous étudions les problèmes engendrés par le croisement
de la responsabilité pénale individuelle et de la responsabilité majeure, voire criminelle,
étatique. Nous considérons la relation entre les crimes des individus, dont les principes
généraux sont synthétisés par le Statut de la C.P.I., et les crimes des États, dont les
principes généraux sont résumés par les Projets de la C.D.I. sur la responsabilité des
États de 1996 et de 2001, autant du côté subjectif que du côté objectif. Ensuite nous
faisons une analyse de la relation entre les T.P.I., tribunaux ad hoc et C.P.I., qui jugent
les individus, et les institutions chargées de juger la responsabilité majeure étatique,
notamment les États et le C.d.S.: un bon nombre de problèmes en ressort, surtout en
raison du conflit des juridictions.
Dans le neuvième chapitre nous tirons les sommes de l’analyse des aspects positifs et
négatifs du système de la responsabilité internationale pénale actuel, pour proposer des
solutions alternatives. Nous cherchons des solutions, substantielles et procédurales, en
essayant de rationaliser le système de la responsabilité internationale pénale par le biais
de la coordination de la responsabilité individuelle et collective, car ces deux concepts
sont strictement connexes. Sous l’angle du droit matériel nous proposons de préciser la
définition de l’infraction criminelle internationale étatique à travers la réforme de
l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996. Sous l’angle de la
procédure nous évaluons la possibilité d’appliquer aux États, en droit international, le
principe de la juridiction obligatoire. Conséquemment nous considérons la possibilité
de rendre la C.P.I. compétente pour juger la responsabilité des individus et des États à la
fois et faire du C.d.S. un organe purement exécutif des décisions de la C.P.I. Dans cet

253
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

ordre d’idées nous étudions des possibles modifications normatives au Statut de la


C.P.I., aux Projets sur la responsabilité des États (censés devenir des Traités) de 1996 et
de 2001, ainsi qu’à la Charte des N.U. et au Statut de la C.I.J. Naturellement un système
de ce type aurait une portée relative, étant d’origine conventionnelle, toutefois, en
exploitant la notion d’obligation erga omnes indivisible absolue, on pourrait en faire un
ordre universel.
Finalement, dans le dixième chapitre, nous considérons la possibilité d’élargir les
solutions élaborées autant du côté subjectif que du côté objectif. Sous l’angle subjectif,
nous cherchons à savoir si les normes pénales qui s’appliquent aux individus et aux
États peuvent s’adapter aussi bien aux autres personnes morales. En principe notre
attention se tourne vers les organisations intergouvernementales, du point de vue
subjectif ainsi que du point de vue des éléments objectifs de l’infraction, de la sanction
et des procédures conséquentes. Puis on se pose les mêmes questions relativement aux
organisations transnationales et infra-étatiques. Sous l’angle objectif, nous étudions la
question de l’ampleur de la partie spéciale de la responsabilité internationale pénale.
Nous essayons, notamment, de comprendre si, aux crimes qui rentrent, de iure condito,
dans le domaine du droit international pénal, on peut ajouter, de iure condendo, d’autres
infractions, en considérant, notamment, celles qui constituent, actuellement, le domaine
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du droit pénal international, définies substantiellement par des normes internationales


mais jugées sur le plan interne.

254
CHAPITRE 6
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES
ONUSIENNES

Introduction. § 6.1. Le système des réactions aux infractions étatiques majeures en droit
international général et relatif: cadre de synthèse et problèmes. § 6.2. Le système onusien:
composition, fonction et procédure du Conseil de sécurité. § 6.3. Le chapitre VII de la Charte des
N.U.: l’indétermination des infractions majeures et des sanctions. § 6.4. L’action du Conseil de
sécurité par rapport aux différents domaines de la responsabilité majeure des États. § 6.5.
L’épanouissement de l’action du Conseil de sécurité. § 6.6. La procédure du Conseil de sécurité:
lacunes, contradictions, efficacité. § 6.7. La nature de l’action du Conseil de sécurité: conception
juridictionnelle et critique de la thèse de l’action de police. § 6.8. La nature de l’action du Conseil
de sécurité: critique de l’interprétation politique. § 6.9. La pratique développée par les Nations
Unies: la substitution de l’Assemblée générale au Conseil de sécurité. § 6.10. L’alternative à
l’action centralisée du Conseil de sécurité dans le système onusien: les actions décentralisées des
États. Conclusion.

Introduction.
En droit interne, la cession du pouvoir, au moins en partie, par les individus à l’État,
permet une gestion centralisée de la force et la maîtrise, quoique imparfaite, des
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

conflits. Tant en droit civil qu’en droit pénal vaut le principe selon lequel toute
personne peut défendre ses droits devant un magistrat dont l’impartialité est assurée par
la loi, pourvu qu’il soit capable de prouver le bien fondé de sa prétention. Le sujet
convenu au procès ne peut pas se soustraire à l’autorité, supérieure, du magistrat: faute
de sa présence physique la procédure se déroulera par contumace, mais le actes
accomplis seront, quand même, efficaces à son égard. De surcroît, en cas de violation
pénale, c’est l’État qui se charge d’entamer la procédure judiciaire, si nécessaire motu
proprio, par le biais d’un magistrat spécialisé.
Selon les principes généraux du droit international, par contre, les États se
comportent entre eux comme des sujets égaux et souverains, tant dans le droit
international de la guerre que dans celui de la paix. Le principe de l’égalité souveraine
n’arrête pas son influence aux sources du droit, qui sont d’ordre exclusivement
consensuel, mais explique ses effets, aussi, au niveau de la juridiction. Étant donné qu’il
n’existe pas des pouvoirs supérieurs à celui de l’État, ce dernier est libre de décider, au
niveau juridictionnel, de la possibilité d’accepter ou de refuser un procès judiciaire,
voire de juger lui-même un autre État. En effet, un État s’arroge le droit de juger un
autre État lorsqu’il invoque sa responsabilité et adopte des sanctions à l’égard de celui-
ci, en s’estimant lésé dans son propre droit, et, par la suite, agit en contre-mesure. Sur le
plan des méthodes pacifiques de réglementation des différends seul l’accord, préventif
et général ou ad hoc, des États peut amener à l’issue du conflit, par le biais de la
négociation, de la conciliation ou de la soumission des différends aux instances
judiciaires internationales. Ce régime s’applique, de façon indifférenciée, à toute sorte
d’infraction, d’ordre majeur ou mineur, toutefois si, en cas de violation mineure, seul
l’État ou plusieurs États lésés peuvent réagir en contre-mesure, en cas de violation
majeure la réaction est généralisée, car tout État de la communauté internationale, étant
lésé, peut réagir en contre-mesure.900
Au niveau du droit international relatif la Charte des N.U. met en place un système
de sécurité qui centralise le pouvoir de décider des réactions aux actes illicites dans le
C.d.S. Ainsi, pour les États membres de l’O.N.U., aucune réaction en contre-mesure

900 Sur la réaction aux infractions dans l’ordre international actuel voir A. CASSESE, The Current
Regulation of the Use of Force, Dordrecht, Martinus Njihoff Publisher, 1986.
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

n’est possible en dehors de l’autorisation du Conseil (articles 39-42 de la Charte des


N.U.), exception faite pour l’action en légitime défense en cas d’agression armée
(article 51 de la Charte des N.U.). Il s’agit du système issu de l’accord des Puissances
Alliées à la fin du deuxième conflit mondial et codifié, en 1945, par la conférence de
San Francisco.901
Au cours de ce chapitre nous étudions les problèmes connexes à l’organisation des
réactions aux infractions majeures des États, tant au niveau du droit international
général qu’au niveau du système onusien. Nous commençons par résumer, dans un bref
cadre synoptique, l’ensemble des réactions définies en droit international général et
relatif ainsi que les problèmes qu’elles posent. Ensuite nous concentrons l’attention sur
le système onusien, notamment sur la centralisation de la réaction par le biais du C.d.S.,
car la Charte de N.U. a une extension presque universelle, de sorte que le C.d.S. joue,
tant bien que mal, un rôle clé dans la résolution des différends internationaux majeurs.
Dans ce cadre nous considérons les doctrines qui postulent, pour les États membres des
Nations Unies, le droit de réagir aux infractions majeures du droit international en
dehors de l’autorisation du C.d.S. Le but de cette étude est de fournir un cadre général
des problèmes qui concernent le système des réactions aux infractions majeures des
États, notamment à la lumière des principes de la validité et de l’efficacité des normes
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

considérées.

§ 6.1. Le système des réactions aux infractions étatiques majeures en droit


international général et relatif: cadre de synthèse et problèmes.
Dans l’ordre juridique international général, habituellement défini comme “plat” ou
“horizontal”, en l’absence d’un pouvoir hiérarchiquement ordonné, la solution des
différends, conformément au système des sources, est confiée à la volonté des
parties.902
L’invocation de la responsabilité étatique, selon le critère de l’autotutelle, est une
prérogative des États. Alternativement, l’accord des États permet le recours aux moyens
pacifiques de solution des différends consistant dans la négociation, la conciliation et le
recours aux tribunaux ou aux arbitres internationaux. Suite à l’imposition d’éventuelles
sanctions, consistant, pour l’essentiel, dans l’obligation de cesser la conduite illicite et
de réparer le dommage, l’exécution de la sanction est confiée à l’adoption des contre-
mesures, parmi lesquelles l’emploi de la force armée doit être considéré légitime, dans
le cadre du droit international de la paix, seulement en tant que réaction à la force
armée.903

901 Sur le système onusien, axé sur le C.d.S, opposé à l’anarchie, voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit
international public, 6ème éd., cit., p. 888 s., avec une bibliographie consistante; P.-.M. DUPUY, Droit
international public, 6ème éd., cit., p. 573 s.; J. COMBACAU, S. SUR, Droit international public, 5ème
éd., cit., p. 618; Y. DAUDET, Maintien de la paix, in D. CARREAU et al., Encyclopédie juridique
Dalloz – Répertoire de droit international, Paris, Dalloz, 1998, t. II, p. 1-8; H. FREUDENSCHUB,
Between Multilateral and Collective Security: Authorizations of the Use of Force by the U.N. Security
Council, in E.J.I.L., 1994, vol. 5, n. 4, p. 492 s; B.V.A. RÖLING, The Ban of the Use of Force at the
U.N. Charter, in A. CASSESE, The Current Regulation of the Use of Force, cit., p.3 s.; O. SCHACTER,
C.C. JOYNER, U.N. Legal Order, Cambridge, Cambridge University Press/A.S.I.L., 1995.
902 Sur cette conception de la société internationale voir L. CONDORELLI, La définition des infractions
internationales – Introduction, cit., p. 241-242. Voir, aussi, A.-C. ROBERTS, Justice internationale,
politique et droit, cit., p. 25, d’après lequel, au stade actuel de l’évolution du droit international, on ne
pourrait pas parler d’une “communauté internationale”, mais d’une organisation anarchique où le
principe de souveraineté empêche l’établissement d’une juridiction supranationale.
903 Voir P.-M. DUPUY, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 504; D. SIMON, L.-A. SICILIANOS,
La “contre-violence” unilatérale: pratiques étatiques en droit international, in A.F.D.I., 1986, XXXII, p.

256
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

Un système organique de résolution pacifique des différends a été formalisé, pour la


première fois, par la Convention I de La Haye pour le règlement pacifique des
différends du 29 juillet 1899 et réaffirmé par la Convention I de La Haye pour le
règlement pacifique des différends du 18 octobre 1907. Ces deux Conventions,
aujourd’hui encore effectives, prévoient la solution des conflits par le biais du recours
aux bons offices et à la médiation, aux Commissions d’enquête et, notamment, à
l’arbitrage, reconnu comme “le moyen le plus sûr et, en même temps, le plus équitable
de régler les litiges qui n’ont pas été résolus par les voies diplomatiques” (article 16 de
la Convention de 1899 et article 38 § 1 de la Convention de 1907). D’ailleurs on doit à
ces Conventions l’institution de la Cour permanente d’arbitrage. Quel que soit le moyen
choisi pour résoudre un différend inter-étatique, les Conventions formalisent un
système, relatif, où la solution est, toujours, confiée au libre choix des États en conflit,
et rien n’empêche le recours à l’autodéfense par le biais des contre-mesures.904
À l’issue du premier conflit mondial un nouveau système relatif tente de maîtriser les
différends en les canalisant vers la solution arbitrale ou juridictionnelle (C.P.A.,
C.P.J.I.) ou bien vers la solution politique offerte par la décision de l’Assemblée ou du
Conseil de la S.d.N. (articles 12-17 du Pacte de la S.d.N.).905 Dans ce cadre la
juridiction demeure volontaire, car les articles 12 et 13 du Pacte, prévoyant la
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soumission des différends aux juridictions internationales, ne font pas abstraction de la


volonté des parties et l’article 36 du Statut de la C.P.J.I. prévoit la compétence de la
Cour pour les seules affaires que “les parties lui soumettent”.906 D’ailleurs la
recommandation de l’Assemblée de la S.d.N. aux États de conclure des conventions en
vue de l’établissement de commissions de conciliations pour le règlement amiable des
différends, originairement proposé, par la Norvège et la Suède, à la première Assemblée
de la S.d.N. en 1921, témoigne de la décentralisation de la justice internationale.907 En

53 s. En revanche, sur la guerre comme principe ordinateur du monde voir I. RAMONET, De la guerre
perpétuelle, in Le Monde Diplomatique, n. 588, mars 2003, p. 1, 18-19. Sur les réactions aux infractions
dans l’ordre international actuel voir, dans le réseau Internet, les adresses électroniques
‹http://www.toile.org/psi/index.html› (répertoire de sites relatifs à la paix et la sécurité internationales);
‹http://www.grip.org› (site du Groupe de recherche sur la paix et la sécurité internationale);
‹http://www.icg.org› (site du Groupe des crises internationales – Crisisweb – The International Crisis’s
Group’s Online System); ‹http://www.un.org/peace/index.html› (page du site des N.U. consacrée à la
paix et à la sécurité internationales); ‹http://www.iwpr.net› (site de l’Institut pour le reportage sur la
guerre et la paix – I.W.P.R. – Institute for War and Peace Reporting).
904 Sur le système arbitral issu des Conférences de paix de La Haye du 29 juillet 1899 et 18 octobre 1907
voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 261-270; G. DE LAPRADELLE, La
Conférence de la paix (La Haye, 18 mai-29 juillet 1899), in R.G.D.I.P., 1899, t. 6, p. 651-846; G. DE
LAPRADELLE, N. POLITIS, La deuxième Conférence de la paix – Origine – Convocation –
Organisation, in R.G.D.I.P., 1909, t. 16, p. 385-437; H. WEHBER, La contribution des Conférences de
la paix de La Haye au progrès du droit international, in R.C.A.D.I., 1931-III, vol. 37, p. 527-669. Sur la
réglementation des différends entre les Conventions de La Haye du 29 juillet 1899 et le Pacte de la S.d.N.
voir A. VERDROSS, Règles générales du droit international de la paix, cit., p. 468-503; Ch. DUPUY,
Règles générales du droit de la paix, in R.C.A.D.I., 1930-II, vol. 32, p. 225-255; S. SÉFÉRIADÈS,
Principes généraux du droit international de la paix, in R.C.A.D.I., 1930-IV, vol. 34, p. 450-487.
905 Voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 272-276; L. OPPENHEIM, Le caractère
essentiel de la Société des Nations, in R.G.D.I.P., 1919, t. 26, p. 234-244; E. GIRAUD, La Société des
Nations – L’expérience de vingt ans, in R.G.D.I.P., 1940, t. 47, p. 45-65. Sur l’évolution du système
juridictionnel et exécutif jusqu’au Pacte de la S.d.N. voir G. SCELLE, Règles générales du droit de la
paix, in R.C.A.D.I., 1933-IV, vol. 46, p. 545 s. Sur la nécessité d’établir une organisation forte comme
tendance historique du droit international voir O. NIPPOLD, Le développement historique du droit
international après le Congrès de Vienne, in R.C.A.D.I., 1924-I, vol. 2, p. 1 s.
906 Sur la Cour permanente de justice internationale voir V. BRUNS, La Cour permanente de justice
internationale – Son organisation et sa compétence, in R.C.A.D.I., 1937-IV, vol. 62, p. 547-561.
907 Voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 274-275.

257
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

revanche, l’Assemblée et le Conseil jouent un rôle de conciliateurs dans la définition


des controverses internationales (article 13 du Pacte). Finalement, la guerre est conçue
comme une violation qui atteint aux droits des tous les membres de la Société, par
conséquent autorisés à réagir, tandis que le Conseil n’a qu’une fonction de coordination
des actions étatiques (articles 10-11 du Pacte). Par ailleurs on sait que l’action du
Conseil demeure historiquement paralysée par la défaillance des États-Unis tout au
longue de la vie de la S.d.N. de 1920 à 1939.908
À l’issue de la seconde guerre mondiale, le système relatif des Nations Unies
succède à celui de la S.d.N.909 Il plonge ses racines dans la Charte Atlantique, élaborée
par le Président des États-Unis d’Amérique F.D. Roosevelt et le premier ministre
britannique W. Churchill le 14 août 1941, dans la déclaration des Nations Unies du 1er
janvier 1942, ainsi que dans la Déclaration de la Conférence de Moscou, réunissant les
États-Unis, la Grande Bretagne, l’Union Soviétique et la Chine, du 30 octobre 1943. Il a
été préparé par les Proposition adoptées à Dumbarton Oaks, le 7 octobre 1944, à la suite
d’une Conférence réunissant les représentants de la Chine, des États-Unis, de la Grande
Bretagne et de la Russie, planifié par la Conférence de Yalta et son Protocole de
procédure du 11 février 1945 et, finalement, fondé par la Charte des N.U., adoptée le 26
juin 1945 à l’issue de la Conférence de San Francisco, débutée le 25 avril de la même
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année, où douze Comités techniques et quatre Commissions travaillèrent à l’élaboration


du texte, sous la supervision du Comité de direction, du Comité de coordination et du
Comité exécutif, afin que la Conférence puisse prendre les décisions définitives aux
séances plénières.910

908 Sur le système issu du Pacte de la S.d.N., ainsi que sur ses sources et sa formation, voir G. DEL
VECCHIO, La Société des Nations au point de vue de la philosophie du droit international, in
R.C.A.D.I., 1931-IV, vol. 38, p. 541-649; W.E. RAPPARD, Vues rétrospectives sur la Société des
Nations, in R.C.A.D.I., 1947-II, vol. 71, p. 111 s.; R. SPITZ, La formation du Pacte de la S.d.N., les
sources et les influences, thèse, Paris, Imprimerie Albes Frères, 1932, p. 1-4; R.A. FLEICHER, L’analyse
juridique du Pacte de la S.d.N., thèse, Paris, Éditions de “La vie universitaire”, 1922, p. 1-155; Q.
SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 236-241.
909 Sur le système des N.U. voir les adresses Internet ‹http://www.un.org› (page d’accueil de l’O.N.U.);
‹http://www.un.org/french/› (page d’accueil du site des N.U. en français). Sur l’activité des N.U. voir les
adresses Internet ‹http://www.un.org/Docs/journal/french/latest.htm› (site d’information sur l’activité de
l’O.N.U.: derniers jours); ‹http://www.un.org/News/briefing/7days.html› (site d’information sur l’activité
de l’O.N.U. de la dernière semaine). Pour un support documentaire sur les N.U. voir F. KNIPPING, H.
VON MANGOLDT, V. RITTENBERB, The U.N. System and Its Predecessors, Oxford, Oxford
University Press, 1997. Sur le système de la S.d.N., sa continuité avec le système de l’O.N.U. et
l’émergence des mêmes problèmes dans les deux ordres voir M. FERRO, La S.d.N. est morte, vive
l’O.N.U., in Le Monde Diplomatique, n. 529, avril 2003, ‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 17.
Pour une analyse parallèle du Pacte de la S.d.N. et de la Charte des N.U. voir H. KELSEN, The Old and
the New League: the Covenant and the Dumbarton Oaks Proposals, in A.J.I.L., 1945, january, vol. 39, n.
1, p. 45 s.; P.B. POTTER, The United Nations Charter and the Covenant of the League of Nations, in
A.J.I.L., 1945, july, vol. 39, n. 3, p. 546-551; M. KOSKENNIEMI, The Police in the Temple Order,
Justice and the U.N.: a Dialectical View, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 3, p. 335-337. Sur le système
onusien voir H. KELSEN, The Law of United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental Problems,
London, Stevens & Sons Limited, 1951; A. ROSS, De Forende Nationer (The United Nations: Peace
and Progress), Totowa (N.J.), Bedminster Press, 1966; A. VERDROSS, Idées directrices de
l’Organisation des Nations Unies, cit., p. 1 s.
910 Voir les travaux de la Conférence de San Francisco in U.N.C.I.O. (United Nations Conference on
International Organization), San Francisco, 15 avril-26 juillet 1945, New York/London, N.U., 1945-
1955, XXII vol. Sur les Proposition de Dumbarton Oaks voir M.O. HUDSON, An Approach to the
Dumbarton Oaks Proposals, in A.J.I.L., 1945, january, vol. 39, n. 1, p. 95-97. Sur l’histoire des travaux
qui ont amené à l’élaboration de la Charte des N.U. voir L.M. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P.
SIMONS, Charter of the United Nations – Commentary and Documents, 3rd ed., New York/London,

258
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

Dans le cadre des Nations Unies, étant donné que la paix constitue le but
fondamental de l’organisation (article 1 § 1 de la Charte des N.U.), l’emploi de la force
(armée et non armée) est banni (article 2 § 4 de la Charte des N.U.), conformément aux
Propositions de Dumbarton Oaks, qui excluaient l’emploi de la force dans les relations
internationales dans un sens contraire aux principes de l’Organisation.911 Le recours à la
force est permis, toutefois, en tant qu’acte de légitime défense, individuelle ou
collective (article 51 de la Charte des N.U.).912 L’emploi de la force décentralisée, libre
dans droit international de la guerre, licite seulement en contre-mesure dans le droit
international de la paix, devient une action en contre-mesure exceptionnelle dans le
système des N.U.913 Les méthodes privilégiées de résolution des conflits sont la
négociation, la conciliation et la voie juridictionnelle, notamment le recours à la C.I.J.
(article 2 § 3 de la Charte des N.U), alors que le C.d.S. dispose d’un pouvoir général de
recommandation dans ce sens (articles 33-38 de la Charte des N.U.).914 Sur le plan
juridictionnel, la C.I.J. relève la place de la C.P.J.I., mais, bien qu’elle devienne partie
intégrante de l’O.N.U., sa juridiction demeure volontaire. En cas de violation de la paix,
le chapitre VII (articles 39-51) de la Charte des N.U. permet l’intervention du Conseil
de sécurité, qui peut adopter des mesures impliquant l’usage de la force (armée et non
armé). La gestion de la force (armée et non armée) comme réponse en contre-mesure
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aux infractions étatiques est, donc, confiée à la gestion centralisée du C.d.S.915

Columbia University Press, 1969, Introduction, p. 1 s.; O.N.U. (Département de l’information), La


Charte des Nations Unies commentée, 3ème éd., cit., p. 1-13.
911 Voir M. VIRALLY, Commentaire de l’article 2 paragraphe 4 de la Charte des N.U., in J.-P. COT,
A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 115-128; M.L.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., p. 41-55, article 2 § 4; H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 49.
912 Voir M.L. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and
Documents, 3rd ed., cit., article 51, p. 342-353; M. LACHS, The Development and General Trends of
International Law in Our Time, in R.C.A.D.I., 1980-IV, vol. 169, p. 153-169.
913 Voir A. CASSESE, Commentaire de l’article 51 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La
Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 771 s.; M.L. GOODRICH, E.
HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., p. 41-43,
article 2 § 3. D’après A. VERDROSS, Idées directrices de l’Organisation des Nations Unies, cit., p. 12-
15, par contre, la Charte empêcherait le seul emploi de la force armée, tandis que l’adoption des contre-
mesures impliquant le recours à la force non armée demeurerait légitime même pour les États onusiens en
dehors de l’autorisation du C.d.S.
914 Voir J. CHARPENTER, Commentaire de l’article 2 paragraphe 3 de la Charte des N.U., in J.P.
COT., A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 103-113. En
jurisprudence, la C.I.J. a maintes fois affirmé que la réglementation des conflits doit passer par des
moyens pacifiques (voir C.I.J., Licéité de l’emploi de la force au Kosovo, Yougoslavie/Belgique,
ordonnance du 2 juin 1999, in C.I.J. Rec., 1999, p. 140, § 48; C.I.J., Incident aérien du 10 août 1999,
Pakistan/Inde, arrêt du 21 juin 2000, in ‹http://www.icj-cij.org›,§ 53).
915 Sur le C.d.S. en tant que maître de la force (guerre lato sensu), compréhensive de la force armée
(guerre stricto sensu), voir H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 51. Sur le difficile
équilibre entre la centralisation de l’emploi de la force dans le système onusien et l’anarchie étatique voir
J.-P. COT, A. PELLET, Les Nations Unies? Mais encore?, in Le Monde Diplomatique, n. 440, novembre
1990, p. 16-17. Voir, aussi, H. KELSEN, Sanctions in International Law under the Charter of the U.N.,
in Iowa Law Review, 1945-1946, n. 31, p. 499; T.G. CARPENTER, Delusions of grandeur: the U.N. and
Global Intervention, Washington, D.C.: Cato Institute, 1997. Sur les pouvoirs que le C.d.S. reçoit du
chapitre VII de la Charte des N.U. et sur l’usage qu’il en fait voir Ph. WECKEL, Le chapitre VII de la
Charte et son application par le C.d.S., in A.F.D.I., 1991, XXXVII, p. 1655; H. KELSEN, The Law of the
United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental Problems, cit., p. 219 s.; S. HOFFMANN,
Thoughts on the U.N. at Fifty, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 3, p. 319. D’après l’interprétation de C.
LEBEN, Les contre-mesures inter-étatiques et les réactions à l’illicite dans la société internationale, cit.,
p. 63-69, le C.d.S. ne centraliserait que la force armée, tandis que les autre actions en contre-mesure

259
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

En outre les quatre membres de la Déclaration de Moscou du 30 octobre 1943 (États-


Unis d’Amérique, Royaume Uni de Grande Bretagne et Irlande du Nord, Russie,
Chine), plus la France, peuvent, en vertu de l’article 106 de la Charte, conforme à
l’esprit de l’article 5 de la Déclaration de Moscou, entreprendre en commun, au nom
des N.U., toute action nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Cette disposition transitoire, en effet, était conçue pour une période intérimaire, en
attendant l’entrée en vigueur des accords spéciaux aux termes de l’article 43 de la
Charte, mettant à la disposition du C.d.S. des forces armées internationales. Les accords
spéciaux n’ayant jamais été signés, les membres permanents du C.d.S. jouissent encore
de ce pouvoir, découlant de leur statut de grandes puissances et de parties à la
Déclaration de Moscou. Toutefois, faute de l’accord entre les membres permanents du
C.d.S., l’article 106 est resté lettre morte jusqu’à présent.916
L’Assemblée générale des N.U., l’organe principal de l’organisation, auquel tous les
autres sont rattachés, statue sur toutes les questions rentrant dans le cadre de la
Charte.917 L’A.G.N.U., dans l’exercice de ses larges compétences, touchant tous les
domaines des relations internationales (article 10 de la Charte N.U.), peut s’intéresser
aux violations de la paix et de la sécurité internationales (article 11 de la Charte N.U.).
Sa compétence reste, toutefois, subordonnée à celle du C.d.S.: tant que celui-ci est saisi
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d’une question, l’A.G.N.U. ne peut pas s’en occuper (article 12 de la Charte N.U.). La
pratique de l’O.N.U., notamment la Résolution 377 (V) du 3 novembre 1950 (Union
pour le maintien de la paix, “Acheson”) permet l’intervention de l’A.G.N.U., en cas de
paralysie du Conseil par le mécanisme du veto. Quoi qu’il en soit, l’Assemblée n’a pas
de pouvoir contraignant vis-à-vis des États et ne peut agir que par le biais de la
recommandation (articles 10-11 de la Charte des N.U.), adressée soit aux États, soit au
C.d.S.918
Sur le plan de la validité, aux termes de l’article 2 § 6 de la Charte des N.U., qui
permet à l’Organisation de faire en sorte que les États non membres se conforment aux
principes de la Charte, le système onusien aurait une efficacité, en ligne de tendance,
universelle, mais il s’agit d’une hypothèse controversée, en raison du principe de la
validité relative des traités.919 Plus correctement il faut estimer que la Charte ne peut
pas s’imposer universellement en vertu d’une disposition purement interne, mais elle le
pourrait seulement au cas où les États non membres se conformeraient à ses normes par
une pratique généralisée, notamment si le nombre des États membres était suffisant
pour imposer les normes de la Charte comme pratique générale.

demeureraient dans le pouvoir des États onusiens, mais il s’agit d’une interprétation peu respectueuse du
texte de la Charte des N.U.
916 Voir V.-Y. GHEBALI, Commentaire de l’article 106 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 1409-1416; H.
KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental Problems, cit., p. 756-
761.
917 Voir O.N.U. (Département de l’information), La Charte des N.U. commentée, 3ème éd., cit., p. 20. Sur
l’organisation et les fonctions de l’A.G.N.U. voir H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical
Analysis of Its Fundamental Problems, cit., p. 155-218.
918 Sur la gestion de la force par les États en droit international général ainsi que dans le système de la
S.d.N. et des N.U. voir H. WALDOCK, The Regulation of the Use of Force by Individual States in
International Law, in R.C.A.D.I., 1952-II, vol. 81, p. 415 s.
919 Dans un ordre d’idée critique sur la portée potentiellement révolutionnaire pour le droit international
de l’article 2 § 6 de la Charte des N.U. voir H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical
Analysis of Its Fundamental Problems, cit., p. 19, 106-110. Sur l’article 2 § 6 de la Charte des N.U. en
tant que “disposition révolutionnaire au point de vue du droit international général” voir A. VERDROSS,
Idées directrices de l’Organisation des Nations Unies, cit., p. 15-16.

260
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

Finalement, en droit international général, le système de réaction aux infractions


étatiques, consacré par les Projets sur la responsabilité des États de 1996 et de 2001,
soulève des graves problèmes du côté des différends majeurs. En effet la nature cogens
de l’obligation lésée par les infractions majeures implique la possible réaction de tous
les États de la communauté internationale. En l’absence d’un pouvoir central capable de
maîtriser les réactions étatiques, celles-ci seront éparpillées et décentralisées. La
possibilité d’une appréciation subjective de l’existence d’une violation majeure
configure un cadre anarchique des réactions en contre-mesure.920 Une mauvaise
interprétation quant à l’existence d’une violation supérieure peut aller jusqu’à remettre
en questions les droits fondamentaux du droit international général de la paix. Si un État
estime, de façon erronée, qu’il existe une infraction du ius cogens, il se sentira en droit
d’adopter, envers l’État responsable, la réaction proportionnelle, allant jusqu’à l’emploi
de la force armée, en l’absence de toute garantie qu’un contrôle objectif centralisé par
tierce partie assurerait.921 Par ailleurs l’incertitude de l’application de la sanction
diminue l’efficacité préventive du droit international et entraîne, par conséquent, la
multiplication des actes illicites.922
Les méthodes pacifiques de réglementation des différends ne peuvent pas pallier
cette lacune, car elles demeurent liées à l’accord: seule la bonne volonté des parties au
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

différend permet de parvenir à la résolution des disputes.923 Un droit qu’on ne peut pas
défendre par l’action judiciaire obligatoire risque de demeurer un droit non effectif,
abandonné au critère de la puissance et aux intérêts étatiques, selon une conception
strictement réaliste des relations internationales. Dans le domaine de la responsabilité
mineure le critère du consentement, à la limite, peut produire quelques résultats car il
n’est pas totalement improbable que les États parviennent à s’accorder pour une

920 Voir L.-A. SICLIANOS, Les réactions décentralisées à l’illicite. Des contre-mesures à la légitime
défense, Paris, L.G.D.J., 1990; W. WENGLER, La crise de l’unité de l’ordre juridique international, in
S. BASTID et al., La communauté internationale, cit., p. 332-333; M. KOSKENNIEMI, The Police in
the Temple Order, Justice and the U.N.: a Dialectical View, cit., p. 328. D’après A. ROUGIER, La
théorie de l’intervention d’humanité, in R.G.D.I.P., 1910, t. 17, p. 525-526, l’action en contre-mesure à
défense des droits de l’homme, cogentes, cacherait toujours un intérêt d’ordre politique.
921 Voir P. WEIL, Le droit international en quête de son identité – Cours général de droit international
public, cit., p. 273, 288-291, d’après lequel, en l’absence d’une juridiction centralisée, le ius cogens serait
un concept facilement maniable, pouvant mener au bellum omnium contra omnes; O. FERRAJOLO, La
pratique et la règle de droit. Réflexions à propos de la seconde guerre du Golfe, in Actualité et droit
international, mai 2004, in ‹http://www.ridi.org/adi›, qui constate que le recours à l’emploi de la force
armée, illicite à l’heure actuelle suivant la pratique des États, pourrait s’imposer, au fil du temps, comme
un principe général du droit international; F. NGUYEN ROUAULT, L’intervention armée en Irak et son
occupation au regard du droit international, in R.G.D.I.P., 2003, t. 107, n. 4, p. 835 s.
922 Notamment, sur un plan purement criminel, Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p.
370, estime que: “De même que l’absence d’une justice suffisamment bien organisée aboutit à la
multiplication des crimes dans la nation, c’est-à-dire dans la société des individus, ainsi, l’absence de
justice pénale internationale explique la guerre dans la société des États”. En général voir G.I. TUNKIN,
Politics, Law and Force in the Interstate System, in R.C.A.D.I., 1989-VII, vol. 219, p. 227 s.
923 Dans son avis consultatif relatif au Statut de la Carélie Orientale, rendu en 1923, la C.P.J.I. affirmait
que: “Il est bien établi en droit international qu’aucun État ne saurait être obligé de soumettre ses
différends avec les autres États soit à la médiation, soit à l’arbitrage, soit enfin à n’importe quel procédé
de solution pacifique sans son consentement” (voir C.P.J.I., Statut de la Carélie Orientale, avis
consultatif du 23 juillet 1923, in C.P.J.I., série B, 1923, n. 5, p. 27). Ce principe a été réaffirmé, par la
C.I.J., au cours de l’affaire Ambatielos, en 1953 (voir C.I.J., Ambatielos, Grèce/Royaume Uni, fond, arrêt
du 19 mai 1953, in C.I.J. Rec., 1953, p. 19). Conformément voir C.I.J., Délimitation maritime et
questions territoriales entre Qatar et Bahreïn, Qatar/Bahreïn, compétence et recevabilité, arrêt du 15
février 1995, in C.I.J. Rec., 1995, p. 6 s.; C.I.J., Délimitation maritime et questions territoriales entre
Qatar et Bahreïn, Qatar/Bahreïn, compétence et recevabilité, arrêt du 1er juillet 1994, in C.I.J. Rec., 1994,
p. 112 s.

261
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

solution négociée, au moins dans la crainte des conséquences possibles en termes de


contre-mesures. Dans le domaine de la responsabilité majeure, par contre, le principe du
consentement est totalement inefficace. On ne peut pas confier la réponse aux violations
qui minent les fondements de la société internationale à la bonne volonté de ses
composants. Il est fort improbable, en effet, que les États acceptent une solution
négociée pour des actes graves, pouvant entraîner des lourdes obligations: la sanction
étant totalement aléatoire, le système perd toute efficacité.924
La doctrine est partagée quant à la possibilité de sortir de l’impasse. Selon un
premier courant de pensée la démarche actuelle du droit international général n’aurait
pas d’alternatives car, en raison du critère de la puissance souveraine, une gestion
centralisée des réactions aux infractions majeures aurait du mal à s’imposer en
pratique.925 Selon une autre interprétation, en revanche, la maîtrise de la force par les
organes centraux serait typique des sociétés évoluées, tandis que le recours à
l’autodéfense ou aux procédures volontaires serait un trait caractéristique des sociétés
primitives, de sorte qu’il serait indispensable, notamment dans un but préventif, de
centraliser la réaction aux infractions majeures étatiques, configurées, possiblement, de
façon pénale.926
En droit international relatif, tant le système issu des Conférences de La Haye de
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1899 et de 1907 qu le système mis en place par le Pacte de la S.d.N., s’inscrivant dans
l’idée de la gestion “horizontale” des différends étatiques, ne peuvent pas constituer une
solution appropriée au problème de la gestion anarchique des infractions étatiques
majeures.927
Le système onusien, en cas de violation de la paix, prévoit, dans l’impossibilité
d’exploiter les moyens pacifiques de solution des différends, l’adoption de la force
(armée et non armée) par les États sous le contrôle du C.d.S. Le concept de “paix”,
s’identifiant à une entière branche générale du droit international, est tellement large
que toute violation peut rentrer dans le contrôle du C.d.S. En tout cas, rentrent dans la
compétence du Conseil, sûrement, les atteintes aux intérêts fondamentaux qui régissent
le droit international de la paix: voici introduit un élément de verticalité dans la gestions

924 Conformément voir F. PRZETACZNIK, The Compulsory Jurisdiction of the I.C.J. as a Prerequisite
for Peace, in R.D.I.S.P., 1990, p. 61 et 65.
925 Voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 108; J.C. COFFEE, Paradigms Lost: the
Blurring of the Criminal and Civil Law Models – And What Can Be Done about It, in Yale L.J., 1992, p.
389-393; S. KHANNA, Corporate Criminal Liability: What Purpose Does It Serve?, in Harvard L.R.,
1995-1996, p. 1477. Cette doctrine remarque, aussi, que la mise place d’une procédure internationale
centralisée, notamment d’ordre pénal, concernant les États, en raison des majeures garanties offertes à la
défense, serait plus chère que le système actuel (voir D.D. CARON, State Crimes in the I.L.C. Draft
Articles on State Responsibility: Insights from Municipal Experience with Corporate Crimes, cit., p. 310).
926 Voir M. CHEMILLER-GENDRAU, Le droit international entre volontarisme et contrainte, in R.-J.
DUPUY et al., L’évolution du droit international, Mélanges offerts à Hubert Thierry, Paris, Pedone,
1998, p. 104-105; H. DONNEDIEU DE VABRES, Les principes modernes du droit pénal international,
cit., p. 428; C. Th. EUSTATHIADÈS, Les sujets du droit international et la responsabilité internationale
– Nouvelles tendances, cit., p. 535.
927 Dans le sens que l’effectivité des systèmes mis en place par les Conférences de paix de La Haye de
1899 et 1907 aurait dû reposer sur l’arbitrage obligatoire et l’efficacité de la sanction voir L. LE FUR, La
paix perpétuelle et l’arbitrage international, in R.G.D.I.P., 1909, t. 16, p. 460. Dans les sens que le bon
fonctionnement du système de la S.d.N. aurait dû être fondé sur la possibilité de soumettre
unilatéralement un différend étatique au règlement arbitral et sur la faculté d’avoir recours au Conseil en
cas de non exécution de la sanction voir GALLUS, Des amendements au Pacte de la S.d.N. en vue de le
mettre en harmonie avec le Pacte de Paris, in R.G.D.I.P., 1930, t. 37, p. 19 s.

262
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

des différends étatiques majeurs.928 Il s’agit, maintenant, de considérer en détail l’action


du C.d.S. sur le plan de la cohérence interne et externe.

§ 6.2. Le système onusien: composition, fonction et procédure du Conseil de


sécurité.
Il convient d’esquisser, tout d’abord, un cadre de référence général du C.d.S., puis de
considérer, de façon plus détaillée, les normes qui nous intéressent le plus en matière de
responsabilité majeure des États.929
Aux termes de l’article 23 de la Charte des N.U., le Conseil de sécurité se compose
de quinze membres, dont cinq (Chine, États-Unis d’Amérique, France, Russie,
Royaume Uni de Grande Bretagne et Irlande du Nord) permanents et dix non
permanents, élus pour une période de deux ans en raison de leur contribution au
maintien de la paix et d’une répartition géographique équitable.
La position des membres permanents est issue de la conception du rôle des grandes
puissances, dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, après la seconde
guerre mondiale. Le nombre des membres non permanents, originairement de six, fut
porté à dix par la Résolution 1991 (XVIII) du 17 décembre 1963, entrée en vigueur le
13 août 1965, de l’A.G.N.U., suite à la décolonisation et à l’entrée de plusieurs dizaines
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d’États à l’Assemblée générale.930


Le Conseil a “la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité
internationales” (article 24 de la Charte des N.U.).931
Les décisions du Conseil sont obligatoires pour les États membres (article 25 de la
Charte des N.U.).932
Chaque membre du Conseil disposant d’une voix, toute décision sur une question de
procédure est prise par un vote affirmatif de neuf Membres, alors que les autres

928 Pour une critique de l’action “verticale” du C.d.S. voir G. ARANGIO-RUIZ, The “Federal Analogy”
and U.N. Charter Interpretation: a Crucial Issue, cit., p. 25. Sur la superposition de l’action du C.d.S. à
la catégorie des crimes des États créée par l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996
voir V. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State
Responsibility, cit., p. 56 s. Sur la superposition de l’action du C.d.S. aux violations graves du droit
impératif, prévues à l’article 40 du Projet sur la responsabilité des États de 2001, voir P. KLEIN,
Responsibility for Serious Breaches of Obligations Deriving from Preremptory Norms of International
Law and the U.N. Law, in E.J.I.L., 2002, vol. 13, n. 5, p. 1241. Pour une critique de l’absence d’un
pouvoir centralisé en droit international général et de l’excès de pouvoir discrétionnaire dont le C.d.S.
jouit au niveau relatif voir A.G.N.U., Séances plénières, Procès-verbaux des séances, 21 septembre 2004,
59ème session, in A.G., doc. off., 59ème sess., 2004, A/59/PV.3 (point 10 de l’ordre du jour), in ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/515/98/PDF/N0451598.pdf?OpenElement›, p. 3.
929 Pour un cadre synthétique du C.d.S. et de ses fonctions voir O.N.U. (Département de l’information),
La Charte des N.U. commentée, 3ème éd., cit., p. 25-30; H. KELSEN, The Law of the United Nations. A
Critical Analysis of Its Fundamental Problems, cit., p. 219, 295.
930 Voir M. BENCHIKH, Commentaire de l’article 23 de la Charte des N.U., in J.P. COT, A. PELLET,
La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 437-446; L.M. GOODRICH, E.
HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and documents, 3rd ed., cit., article 23, p.
192-202.
931 Voir R. DEGNI-SEGUI, Commentaire de l’article 24 paragraphes 1 et 2 de la Charte des N.U., in
J.P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 447-465;
L.M. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd
ed., cit., article 24, p. 202-207.
932 Voir E. SUY, Commentaire de l’article 25 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La
Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 471-478; L.M. GOODRICH, E.
HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 25, p.
207-211.

263
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

questions sont décidées par un vote affirmatif de neuf Membres comprenant les voix de
tous les Membres permanents (article 27 de la Charte des N.U.).933
Les Membres des N.U. qui ne font pas partie du C.d.S. peuvent participer aux
réunions du Conseil sans droit de vote, tout comme les États parties à un différend porté
à l’attention du Conseil (articles 31-32 de la Charte des N.U.).934
Le C.d.S. peut exercer son action dans le cadre du chapitre VI (Règlement pacifique
des différends, articles 33-38 de la Charte des N.U.) ou du chapitre VII (Action en cas
de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’actes d’agression, article 39-51 de la
Charte des N.U.), complétés par le chapitre VIII (Accords régionaux, articles 52-54 de
la Charte des N.U.) qui coordonne l’action du C.d.S. avec celle des organismes
régionaux.
Aux termes du chapitre VI le Conseil peut faire des recommandations aux parties à
un différend, dont la prolongation est susceptible de menacer la paix et la sécurité
internationales, notamment afin qu’elles cherchent la résolution par les méthodes
traditionnelles de la négociation, de la conciliation ou du règlement judiciaire. Au cas
où ces méthodes n’aboutiraient pas à une solution, les parties auraient, même,
l’obligation de soumettre le différend au C.d.S. (article 37 § 1 de la Charte des N.U.),
mais le Conseil ne dispose, dans ce cas, que d’un pouvoir général de
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recommandation.935
Aux termes du Chapitre VII le Conseil peut, lorsqu’il constate l’existence d’une
menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression, (article 39 de
la Charte des N.U.), décider l’adoption des mesures n’impliquant pas ou impliquant
l’emploi de la force armée pour faire cesser la violation (article 41 et 42 de la Charte
des N.U.). À ces fins le C.d.S. devrait pouvoir disposer des forces armées mises à sa
disposition par les États membres (articles 43-45 des la Charte des N.U.) et de l’aide
d’un Comité d’État major (article 47 de la Charte des N.U.), faute de quoi il fait
exécuter ses décisions par les États membres (article 48 de la Charte des N.U.).
En cas d’agression, jusqu’à ce que le Conseil n’ait pris les décisions aux termes du
chapitre VII, les États membres des N.U. gardent le droit d’agir en légitime défense,
individuelle ou collective (article 51 de la Charte des N.U.).
Aux termes du chapitre VIII (Accords régionaux, articles 52-54 de la Charte des
N.U.) le Conseil peut encourager la solution des différends par le biais des accords
régionaux et il peut, même, exploiter les accords en question pour l’application des
mesures coercitives prises sous son autorité.

933 Voir P. TAVERNIER, Commentaire de l’article 27 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET,
La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 495-514; L.M. GOODRICH, E.
HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 27, p.
215-231.
934 Voir J. LEPRETTE, Commentaire de l’article 31 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET,
La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 549-555; J. LEPRETTE,
Commentaire de l’article 32 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. –
Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 557-563; L.M. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P.
SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 31, p. 243-247, article
32, p. 247-256.
935 Voir M.-F. LABOUZ, Commentaire de l’article 37 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET,
La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 629-642; L.M. GOODRICH, E.
HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 37, p.
283-287.

264
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

§ 6.3. Le chapitre VII de la Charte des N.U.: l’indétermination des infractions


majeures et des sanctions.
Le chapitre VII de la Charte des N.U. est celui qui nous intéresse le plus en matière
de responsabilité majeure des États.936
Tandis que le chapitre VI ne confère, en effet, au Conseil, qu’un pouvoir général de
recommandation, dans le cadre du chapitre VII le C.d.S. peut opérer non seulement par
le biais de la recommandation, mais aussi de décisions contraignantes, qu’il peut faire
exécuter.937
Du côté du droit matériel, le chapitre VII prévoit un régime de la responsabilité assez
imprécis, car les violations et les types de sanctions envisagées ne sont prévus plus
précisément qu’aux articles 39, 41 et 42. De son côté l’article 40, concernant l’adoption
des mesures d’urgence, ne précise nullement les dispositions substantielles des articles
en question.
Aux termes de l’article 39: “Le Conseil de sécurité constate l’existence d’une
menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression et fait des
recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément aux articles 41
et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.”
Suivant l’article 41: “Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures
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n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses
décisions […] celles-ci peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des
relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes aériennes,
postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi
que la rupture des relations diplomatiques.”
Par ailleurs l’article 42 précise que: “Si le Conseil de sécurité estime que les mesures
prévues à l’article 41 seraient inadéquates ou qu’elles se sont révélées telles, il peut
entreprendre, au moyen des forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il
juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité
internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de
blocus et d’autres opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres
des Membres des Nations Unies.” D’après les travaux préparatoires et la meilleure
doctrine le mot “action” inclue l’emploi de la force physique.938
On constatera que la définition de l’infraction et des sanctions donnée par l’ensemble
de ces articles est très générique. Cette imprécision est conforme à l’esprit de l’article
24 de la Charte des N.U., concernant les fonctions et les pouvoirs du C.d.S., qui attribue
(article 24 § 1) au Conseil “la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales” au nom des États. L’article en question confère au C.d.S. des
pouvoirs discrétionnaires et autoritaires qu’il peut exercer, selon la doctrine, de façon
large, exorbitante par rapport aux pouvoirs expressément reconnus par les chapitres VI,
VII, VIII et XII de la Charte, en vertu de la théorie des pouvoirs implicites. Par ailleurs,
les limites constituées par le devoir d’agir “conformément aux buts et aux principes des
Nations Unies” (article 24 § 2 de la Charte des N.U.) sont, tous, subordonnées par le

936 Voir S.F.D.I., Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, Colloque de Rennes, 2-4 juin 1994,
Paris, Pedone, 1995, p. 1-324.
937 Voir G. COHEN JONATHAN, Commentaire de l’article 39 de la Charte des N.U., in G.-P. COT, A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 645-646; L.M.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., article 39, p. 300-302.
938 Voir U.N.C.I.O., vol. XIX, p. 186, 214. En doctrine voir J. FISCHER, Commentaire de l’article 42 de
la Charte des N.U., in J.P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème
éd., cit., p. 710.

265
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

C.d.S. au principe du maintien de la paix, de sorte que son pouvoir discrétionnaire n’en
est pas diminué.939
Du côté de l’infraction, la notion de “menace ou rupture de la paix” est très
générale.940 Elle constitue la norme secondaire qui rend exécutive la norme primaire
selon laquelle les États doivent poursuivre la paix. Toutefois la paix constitue une
branche entière du droit international, alternative au droit de la guerre. Ce concept, déjà
reconnu dans le préambule du Pacte de la S.d.N. de 1919, ensuite réaffirmé par la
Charte de l’Atlantique de 1941 (8ème point), par la Déclaration de la Conférence de
Moscou de 1943 (4ème point de la partie générale), par les Propositions de Dumbarton
Oaks de 1944 (1er et 3ème chapitre), et, finalement, explicité dans le préambule de la
Charte des N.U., correspond au principe général alterum non laedere. Il s’agit de la
règle pax est quaerenda qui, d’après Hobbes, pousserait les hommes à sortir de l’état de
nature anarchique pour passer à la société civile. Ainsi, beaucoup de violations, voire
toutes, peuvent être reconduites à la violation de la paix. Ceci fait du Conseil de sécurité
un juge totalement libre dans la qualification de l’infraction: sa fonction créatrice du
droit est, en fait, énorme. La marge de pouvoir discrétionnaire dont jouit le C.d.S. dans
la définition des infractions internationales majeures implique le risque d’une
détermination arbitraire, que le mécanisme procédural de l’unanimité des points de vue
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entre les cinq membres permanents saurait difficilement pallier. La doctrine parle, à ce
propos, de définitions “neutres” et “générales” qui ont pour but d’élargir le domaine
d’action du C.d.S.941 Par ailleurs, la compétence du Conseil en matière d’infractions

939 Voir R. DEGNI-SEGUI, Commentaire de l’article 24 paragraphes 1 et 2 de la Charte des N.U., cit.,
p. 458-465.
940 Sur la notion de “menace ou rupture de la paix” voir C.d.S. (Département des affaires politiques et
des affaires du C.d.S.), Répertoire de la pratique du Conseil de sécurité, 1945-1961, N.U., New York, 6
août 1954, in ‹http://www.un.org/french/docs/cs/repertoire/index.html›, p. 450-453. Sur la notion de
“menace de la paix” voir H. HABIBI, La notion de “menace contre la paix” en droit international, thèse
sous la direction de J.-P. Quéneudec, Paris 1, 2000, p. 1-387. Sur les pouvoirs larges du C.d.S. en vertu
de l’article 39 de la Charte des N.U. voir H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 52-
53; E.J. DE ARÉCHAGA, Le traitement des différends internationaux par le Conseil de sécurité, in
R.C.A.D.I., 1954-I, vol. 85, p. 12-18.
941 Voir, en doctrine, P.-M. DUPUY, L’unité de l’ordre juridique international – Cours général de droit
international public, cit., p. 363-364; P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime international de l'État”,
cit., p. 476; J. COHEN JONATHAN, Commentaire de l’article 39 de la Charte des N.U., cit., p. 655-662;
L.M. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd
ed., cit., p. 295-300; A. KOSKENNIEMI, The Police in the Temple Order, Justice and the U.N.: a
Dialectical View, cit., p. 325, 341 s.; H. FREUDENSCHUB, Between Unilateralism and Collective
Security: Authorizations of the Use of Force by the U.N. Security Council, cit., p. 526; B.
FASSBENDER, Quis judicabit? The S.C., Its Powers and Its Legal Control, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n.
1, p. 219 s.; P. WECKEL, Le chapitre VII de la Charte et son application par le C.d.S., cit., p. 16 s.; C.
DOMINICÉ, Le C.d.S. et l’accès aux pouvoirs qu’il reçoit du chapitre VII de la Charte des N.U., cit., p.
419, 425; V. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State
Responsibility, cit., p. 66; T.M. FRANCK, The Security Council and “Threath to the Peace”: Some
Remarks on Remarkable Recent Developments, in R.-J. DUPUY, Le développement du rôle du Conseil
de sécurité (Peace-Keeping and Peace-Building), Colloque de l’Académie de droit international de La
Haye, La Haye, 21-23 juillet 1992, Dordrecht/Boston/London, Martinus Nijhoff Publisher, 1993, p. 83.
Pour une analyse complète du problème de l’établissement de la responsabilité par le C.d.S. voir G.
GAJA, Réflexions sur le rôle du Conseil de sécurité dans le nouvel ordre mondial. À propos des rapports
entre maintien de la paix et crimes internationaux des États, in R.G.D.I.P., 1993, t. 97, n. 2, p. 299 s.; P.
POZO SERRANO, La Corte internacional de justicia y las competencias del Consejo de seguridad en el
ámbito del mantenimiento de la paz y de la seguridad internacionales, in An. Der. I., 1998, XIV, p. 429;
R. BERMEJO GARCÍA, El marco jurídico internacional en materia de uso de la fuerza: ambigüedades
y límites, Madrid, Civitas, 1993, p. 264 s.; B. CONFORTI, Le pouvoir discrétionnaire du Conseil de
sécurité en matière de constatation d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte
d’agression, in R.-J. DUPUY, Le développement du rôle du Conseil de sécurité (Peace-Keeping and

266
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

majeures étatiques s’est retrouvée élargie en vertu d’une interprétation de plus en plus
large que cet organe donne du concept de “violation de la paix”.942 Finalement,
concernant le cas spécifique de l’agression, on estime que la définition donnée par la
Résolution de l’A.G.N.U. 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 n’est pas restrictive des
pouvoirs de qualification dont le C.d.S. jouit en vertu de l’article 39 de la Charte des
N.U.943
Cette liberté sur le plan de la définition de l’infraction est confirmée du côté de la
sanction, car l’article 39 de la Charte parle de la nécessité de “maintenir ou rétablir la
paix et la sécurité internationales”. Le C.d.S. pourra, donc, imposer les sanctions,
classiques, prévues en droit international général, notamment le devoir d’arrêter la
conduite illicite et de réparer le dommage, mais, étant donnée la formulation très
générique de l’article 39, il pourrait, même, dépasser les limites quantitatives
traditionnelles, car aucune règle ne limite le pouvoir du Conseil de définir la proportion
entre la violation et la sanction et, aussi, parvenir à formuler des nouvelles formes de
sanction, afin de rétablir la paix violée.
Conformément à cette approche du droit matériel, le Conseil est libre même dans la
définition des procédures exécutives, car, aux termes des articles 41 et 42 de la Charte,
il peut disposer du déploiement de toutes sortes d’action, impliquant ou n’impliquant
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pas l’emploi de la force armée. La liste des mesures qui suivent la définition du pouvoir
général de sanctionner est, en effet, illustrative.944
Du côté subjectif il est étonnant de remarquer que ni l’article 39 ni les articles 40, 41
et 42 de la Charte ne précisent les sujets à l’égard desquels les décisions du C.d.S.
peuvent s’adresser, de sorte qu’on doit supposer une extension de ses compétences aux
sujets non étatiques, donc aux personnes physiques et aux personnes morales non-
étatiques. La doctrine, toutefois, est partagée sur cette possibilité.945

Peace Building), cit., p. 51 s. Il faut, d’ailleurs, remarquer que la définition de l’agression par la
Résolution 3314 (XXIX) de 1974 ne limite pas la marge de pouvoir discrétionnaire du Conseil de
sécurité, tout d’abord parce que l’article 2 de la Résolution lui donne une certaine marge d’appréciation à
propos de l’existence d’un acte d’agression, ensuite parce que le Conseil reste libre d’évaluer toute
situation comme une menace ou une rupture de la paix. En jurisprudence voir C.I.J., Activités militaires
et paramilitaires dans le Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique, arrêt du 27 juin
1986, in C.I.J. Rec., 1986, p. 103, § 195.
942 Voir E. CUJO, M. FORTEAU, La répression des infractions internationales – Les réactions des
organes politiques, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 663;
M. SOREL, L’élargissement de la notion de menace contre la paix, in S.F.D.I., Le chapitre VII de la
Charte des Nations Unies, cit., p. 10.
943 Voir U.N., Repertory of practice of U.N. organs, 1970-1978, suppl. n. 5, vol. II, article 39, in
‹http://www.un.org/law/repertory/art39.htm›, p. 146, § 18-19.
944 Sur la fonction des mesures prévues aux article 41 et 42 de la Charte comme moyens d’obtenir la
cessation de la conduite illicite voir C. DOMINICÉ, Le Conseil de sécurité et l’accès aux pouvoirs qu’il
reçoit du chapitre VII de la Charte des N.U., cit., p. 423. Sur les mesures non militaires aux termes de
l’article 41 de la Charte des N.U. voir M.E. CAGIRAN, Les sanctions non militaires de l’article 41 de la
Charte de l’O.N.U. Approche théorique du pouvoir de sanction du Conseil de sécurité à la lumière de la
pratique récente, thèse sous la direction de J.-P. Colin, Reims, 1996, p. 1-349. Sur l’application des
articles 41 et 42 en cas de conflit interne voir C. DOMINICÉ, Le Conseil de sécurité et l’accès aux
pouvoirs qu’il reçoit du chapitre VII de la Charte des N.U., cit., p. 432 s.
945 Pour des considérations sur les destinataires possibles des décisions du C.d.S., concernant l’article 40
de la Charte, voir D. SIMON, Commentaire de l’article 40 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 676-680. Dans le sens
que la fonction du C.d.S. serait celle de gérer la paix entre les États, mais qu’il ne saurait pas s’adapter
aux infractions d’autres sujets de droit international, notamment des organisations transnationales, voir S.
HOFFMAN, Thoughts on the U.N. at Fifty, cit., p. 323.

267
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Par ailleurs, la théorie des “pouvoirs implicites” a largement contribué à supporter


l’épanouissement des compétences du Conseil. Cette thèse postule, sur la base de
l’analogie avec les pouvoirs des organes des États fédéraux, que les organisations
internationales jouissent des pouvoirs, non explicitement prévus dans le traité
constitutif, mais implicitement déductibles de celui-ci en tant que nécessaires à
l’exercice de ses fonctions.946
Des prérogatives aussi larges du C.d.S. trouvent leur fondement dans plusieurs
dispositions des Propositions de Dumbarton Oaks. Le chapitre V section B-1 établit la
priorité de l’action du Conseil par rapport à celle de l’A.G. en matière de maintien de la
paix et de la sécurité internationales. Le chapitre VI section B-1 établit la responsabilité
primaire du Conseil, dans le même domaine, au nom de tous les États de l’Organisation.
Le chapitre VIII section A-1 confère au Conseil un pouvoir large d’investigation afin
d’établir une violation éventuelle de la paix, alors que la section B-1 lui attribue le
pouvoir de prendre toute mesure nécessaire au maintien de la paix du côté de la
sanction, en accord avec les principes de l’Organisation.
L’article 41 de la Charte des N.U. reprend l’article 16 § 1 du Pacte de la S.d. N., qui
prévoyait, en cas de recours à la guerre par un État membre, l’interruption des relations
économiques et financières, mais centralise le pouvoir de décider de l’application de ces
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mesures dans les mains du C.d.S. Par ailleurs il s’inspire, aussi, des Propositions de
Dumbarton Oaks, qui prévoyaient, au Chapitre VIII section B § 3, le pouvoir du C.d.S.
de “déterminer les mesures diplomatiques, économiques ou autres, ne comportant pas le
recours à la force armée, qui devraient être prises pour rendre ses décisions efficaces” et
dressait une liste exemplaire des mesures en question. Pendant la Conférence de San
Francisco des amendements visant à introduire une quelque forme de contrôle de l’A.G.
sur ce pouvoir du C.d.S., par une intervention préalable (proposition du Mexique et de
la Nouvelle Zélande), ou successive (proposition égyptienne), furent écartés car ils
étaient contraires aux équilibres des pouvoirs voulus par les grandes puissances.947
Quant aux pouvoirs larges de l’article 42 de la Charte, ils constituent l’héritage des
fonctions exercées par le Conseil dans le système de la S.d.N. En vertu de l’article 10
du Pacte le Conseil pouvait aviser “aux moyens d’exécuter” l’obligation de “maintenir
contre toute agression extérieure l’intégrité territoriale et l’indépendance politique” des
États membres. Aux termes de l’article 16 § 2 le Conseil, en cas de conflit interne, avait
“le devoir de recommander aux gouvernements intéressés les effectifs militaires ou
navales, par lesquels les Membres de la Société contribueraient respectivement aux
forces armées destinées à faire respecter les engagements de la Société”. Ces pouvoirs
se précisaient, toutefois, dans le Projet de Traité d’assistance mutuelle de 1923, dans la
possibilité du Conseil de: a) Appliquer des sanctions économiques; b) Désigner les
États chargés de lui porter assistance; c) Déterminer les forces que chaque État aurait dû
mettre à sa disposition; d) Prescrire toute mesure pour assurer la priorité des
communications et des transports relatifs aux opérations; e) Préparer un plan de

946 Contre l’application de la théorie des pouvoirs implicites au C.d..S. voir G. ARANGIO-RUIZ, The
“Federal Analogy” and U.N. Charter Interprétation: a Crucial Issue, cit., p. 1 s., d’après lequel la
théorie des pouvoirs implicites ne pourrait pas s’appliquer au C.d.S. car les N.U. ne présentent pas les
caractéristiques d’un État fédéral, notamment parce que ses organes n’ont pas de pouvoir directe sur les
individus et, surtout, parce que les individus ne participent pas directement à l’élection des organes des
N.U., par conséquent l’action du C.d.S. serait menée souvent, sur la base de cette théorie, ultra vires.
Conformément voir A. PELLET, La formation du droit international dans le cadre des N.U., cit., p. 414.
947 Voir U.N.C.I.O., vol. IV, p. 223, 680, vol. XII, p. 641. En doctrine voir P.-M. EISEMANN,
Commentaire de l’article 41 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. –
Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 691-695; M.L. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P.
SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 41, p. 311-312.

268
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

coopération financière en vue de l’action; f) Désigner le commandant en chef et fixer le


but et la nature de sa mission.948 La doctrine a, tout de même, relevé que, dans le
système du Pacte, le Conseil ne pouvait faire que des recommandations, sans prendre
des décisions obligatoires, car le rôle des organes sociaux était réduit au minimum et la
maîtrise de la constatation finale de la violation, du choix et du déclenchement des
sanctions incombait aux États membres, selon une formule “individualiste et pseudo-
contractuelle”.949 Selon une partie de la doctrine ces compétences, réaffirmées par le
Protocole pour le règlement pacifique des différends du 2 octobre 1924 (article 8),
auraient relevé du domaine du droit pénal et il aurait, donc, fallu les confier au
jugement d’une cour internationale.950
Le texte final de l’article 42 de la Charte reprend les Propositions de Dumbarton
Oaks (chapitre VIII section B § 4) mais il élargit ultérieurement le pouvoir du Conseil
en excluant la nécessité d’adopter des mesures coercitives seulement au cas où les
mesures non coercitives se révéleraient inadéquates.951 Par ailleurs, pendant la
Conférence de S. Francisco, des propositions visant à confier à l’A.G. un pouvoir de
contrôle sur les décisions du Conseil ou bien une compétence concurrente furent
écartées. De la même façon, des amendements visant à préciser les conditions du
recours à la force armée par le C.d.S., par exemple seulement en cas d’agression et sans
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porter atteinte à la compétence nationale des États, furent rejetés.952


Quoi qu’il en soit, on sait que, en l’absence de la signature des accords spéciaux
prévoyant l’institution d’une force armée internationale onusienne, l’exécution des
décisions impliquant l’usage de la force armée doit passer par les forces multinationales
des États membres agissant “directement et grâce à leur action dans les organismes
internationaux appropriés dont ils font partie” aux termes de l’article 48 de la Charte
des N.U.953 D’ailleurs, les travaux préparatoires des la Conférence de San Francisco sur
l’organisation internationale confirment que l’article 48 de la Charte s’applique autant
en cas de mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée qu’en cas de mesures
impliquant l’usage de la force armée. 954 Cette disposition est renforcée par l’article 49
de la Charte, qui oblige les États membres à s’associer pour se prêter “mutuellement
assistance dans l’exécution des décisions du C.d.S.”, conformément aux Propositions de

948 Voir le texte de l’article 5 in S.d.N., Journal officiel, IV année, n. 12, décembre 1923, p. 1521-1522.
Sur l’article 10 du Pacte de la S.d.N. voir F. KORENITCH, L’article 10 du Pacte de la S.d.N., thèse,
Paris, Éditions Pierre Bousset, 1930, p. 1-197.
949 Voir G. COHEN JONATHAN, Commentaire de l’article 39 de la Charte des N.U., cit., p. 646.
950 Voir H. DONNEDIEU DE VABRES, Les principes modernes du droit pénal international, cit., p.
429.
951 Voir U.N.C.I.O., vol. XII, p. 588.
952 Voir U.N.C.I.O., vol. III, p. 93, 126, 127, 136, 170-171, vol. IV, p. 649, vol. XII, p. 591-592, 599-
600, 624-625. En doctrine, sur la liberté de déclencher une action suivant l’article 42 de la Charte dont
jouit le C.d.S., voir G. FISCHER, Commentaire de l’article 42 de la Charte des N.U., cit., p. 705-710.
953 Voir G. FISCHER, Commentaire de l’article 42 de la Charte des N.U., cit., p. 710-716; P.
EISEMANN, Commentaire de l’article 48 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La Charte
des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 749 s.; M.L. GOODRICH, E. HAMBRO,
A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 42, p. 315, article
48, p. 334-335. Dans le sens que l’action déléguée aux États ne peut pas être une sorte de carte blanche,
mais doit être contrôlée par le C.d.S, qui en est, toujours, responsable, voir N. BLOKKER, Is the
Authorization Authorized? Powers and Practice of the U.N. Security Council to Authorize the Use of
Force by “Coalitions of the Able and Willing”, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 3, p. 541 s.
954 Voir U.N.C.I.O., vol. XII, p. 441. En doctrine voir P.-M. EISEMANN, Commentaire de l’article 48
de la Charte des N.U., cit., p. 750.

269
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Dumbarton Oaks (chapitre VIII section B § 10).955 Théoriquement le Conseil pourrait


exécuter les mesures impliquant la force armée par le biais des organisations régionales,
suivant l’article 53 de la Charte des N.U., aux termes duquel: “Le C.d.S. utilise, s’il y a
lieu, les accords ou organismes régionaux pour l’application des mesures coercitives
prises sous son autorité.” Toutefois la pratique rarissime, voire inexistante, de cette
norme, ne permet pas d’établir quand et comment le C.d.S. a le droit d’exploiter les
organismes régionaux pour exécuter les mesures coercitives, notamment celles
impliquant l’usage de la force armée.956 D’après une partie de la doctrine, toutefois, la
faculté du Conseil d’autoriser les force multinationales, ouvrant sous commandement et
financement étatique, mais sous son contrôle, pour aboutir aux objectifs qu’il fixe, ne
descendrait pas de l’article 48 de la Charte des N.U., mais de la théorie des pouvoirs
implicites.957

§ 6.4. L’action du Conseil de sécurité par rapport aux différents domaines de la


responsabilité majeure des États.
La formulation générique des normes de la Charte des N.U., qui lie l’action du
C.d.S. au concept de paix, conférant au Conseil le pouvoir d’agir pour toute violation
d’une obligation fondamentale, permet au C.d.S. d’assurer la centralisation de la
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procédure pour l’ensemble de la partie spéciale de la responsabilité majeure étatique,


telle que détaillée, notamment, par l’article 19 § 3 du Projet sur la responsabilité des
États de 1996.
Non seulement l’action du Conseil est concevable en cas d’agression, de violation du
droit à l’autodétermination des peuples et des droits de l’homme, mais elle est possible,
aussi, en cas de violations des droits établis à protection de l’environnement, qui sont
explicitement envisagés à l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996, à

955 Voir P.-M. EISEMANN, Commentaire de l’article 49 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 758; M.L. GOODRICH,
E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 49,
p. 337-340.
956 Voir E. KODJO, Commentaire de l’article 53 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La
Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 821. La doctrine a avancé l’hypothèse
que l’action de l’O.T.A.N. au cours de la crise yougoslave, de 1992 à 1999, a été menée, sous l’égide du
C.d.S., dans le cadre du chapitre VIII de la Charte des N.U. (voir T. GAZZINI, N.A.T.O. Coercive
Military Activities in the Yougoslav Crisis (1992-1999), in E.J.I.L., 2001, vol. 12, n. 3, p. 391 s.). Sur le
rapport entre les organisations régionales et le C.d.S. voir, aussi, G. ARANGIO-RUIZ, The “Federal
Analogy” and U.N. Charter Interpretation: a Crucial Issue, cit., p. 11, qui dénonce le peu de contrôle du
C.d.S. sur les organisations régionales. Sur les articles 52 et 53 de la Charte des N.U. voir D. MOMTAZ,
La délégation par le Conseil de sécurité de l’exécution de ses actions coercitives aux organisations
régionales, in A.F.D.I., 1997, XLIII, p. 105; G. RESS, Article 53, in B. SIMMA, The Charter of the U.N.
A Commentary, Oxford, Oxford University Press, 1995, p. 772; O. SCHACHTER, Authorized Use of
Force by the U.N. and Regional Organizations, in L.F. DAMROSCH, D.J. SCHEFFER, Law and Force
in New International Order, Boulder/San Francisco/Oxford, Westview Press, 1991, p. 65 s.; C.
SCHREUER, Regionalism v. Universalism, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 3, p. 477 s.
957 Voir P. LAGRANGE, La sous-traitance de la gestion coercitive des crises par le Conseil de sécurité
des Nations Unies, thèse sous la direction de P. Buriette, Poitiers, 1999, p. 1-899. En général, sur
l’absence d’une force militaire des N.U. et la délégation de l’action aux États membres par le C.d.S., voir
A. NOVOSSELOFF, Capacité et incapacité du Conseil de sécurité des Nations Unies à utiliser la force
armée. Fondements, pratiques, perspectives, thèse sous la direction de S. Sur, Paris 2-Panthéon Assas,
1998, p. 1-966; L.-A. SICILIANOS, L’autorisation par le Conseil de sécurité de recourir à la force: une
tentative d’évaluation, in R.G.D.I.P., 2002, t. 106, n. 1, p. 5-50.

270
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

côté des infractions contre la paix, l’autodétermination des peuples et les droits de
l’homme.958
L’importance du droit à l’autodétermination des peuples et des droits de l’homme
pour le maintien de la paix, dans le cadre onusien, est largement acquise. La Charte de
l’O.N.U. reconnaît le droit à la paix, à l’autodétermination et les droits de l’homme
comme principes fondamentaux de la communauté internationale, qui se résument dans
le devoir de coopération. La Déclaration sur l’indépendance aux peuples et aux pays
coloniaux, contenue dans la Résolution n. 1514 de 1960 de l’A.G.N.U., affirme que la
domination constitue une violation, à la fois, du droit à l’autodétermination, des droits
fondamentaux de l’homme et de la paix. La Convention sur la prévention et la
répression du crime de génocide, qui protège, premièrement, les droits de l’homme et,
comme objet ultérieur et ultime, les droits des gens, autorise chaque État partie à la
Convention à saisir les organes compétents des N.U. pour prévenir et réprimer le crime
en question (article 8), par le biais des mesures de la Charte. L’application au génocide
du système répressif concernant les violations de la paix est possible seulement à
condition que le génocide viole, en même temps, les droits de l’homme, les droits des
gens et, donc, la paix. En matière de droits des gens, la Déclaration 2625 de 1970, sur
les relations amicales, qui dispose que le droit à l’autodétermination implique la
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renonciation à l’emploi de la force et de la menace, établit un lien étroit entre la


violation du droit à l’autodétermination et la violation de la paix.959
L’importance des droits liés à la protection de l’environnement est une conquête plus
récente. La Déclaration de la Conférence de Rio, adoptée le 13 juin 1992, relative au
développement et à l’environnement, établit un lien étroit entre les violations
concernant l’environnement et la paix, de sorte qu’une violation de l’environnement
entraînerait, automatiquement, une violation de la paix, et pourrait déclencher les
procédures prévus par la Charte des Nations Unies (principe 26).960 La Déclaration de
Stockholm de la Conférence des N.U. sur l’environnement humain du 16 juin 1972,
établit un lien étroit entre le respect de l’environnement et les droits de l’homme
(principes 1-14). D’ailleurs, le lien entre la violation de la paix et l’environnement est
évident en cas de guerre, comme le témoignent les sanctions imposées à l’Iraq par la
Résolution 687 du 3 avril 1991 (article E) du C.d.S. pour “les atteintes à
l’environnement et la destruction des ressources naturelles”.961
En tout cas, étant donnée l’évolution constante du droit international, il est possible
que les catégories des crimes prévues à l’article 19 du Projet de la C.D.I. sur la

958 Sur la question voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 100 s. Sur la conception de
l’environnement comme intérêt fondamental de la communauté internationale voir G. GUILLAUME, La
C.I.J. à l’aube du XXI siècle – Le regard d’un juge, cit., p. 197.
959 Sur les intérêts fondamentaux de la communauté internationale et leur reconnaissance dans le système
onusien voir, en doctrine, M. DUMÉE, Le crime d’agression, cit., p. 251-252; H. DONNEDIEU DE
VABRES, Le procès de Nuremberg devant les principes modernes du droit pénal international, cit., p.
497; P.-M. DUPUY, Sécurité collective et organisation de la paix, in R.G.D.I.P., 1993, t. 97, n. 3, p. 617.
960 Pour cette interprétation voir l’opinion exprimée, au sein de la Sixième Commission de l’A.G.N.U., in
Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante et unième session, sur
les travaux de la C.D.I. de sa quarante-huitième session, 1996, doc. A/CN.4/479/Add.1, cit., p. 8, § 14.
961 Voir J. DAUCHY, Travaux de la Commission juridique de l’Assemblée générale (quarante-sixième
session), in A.F.D.I., 1991, XXXVIII, p. 659-661. En jurisprudence voir l’opinion de la C.I.J. in C.I.J.,
Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, avis consultatif du 8 juillet
1996, opinion dissidente du juge Weeramantry, 1996, vol. I, p. 141, 143 s., notamment en ce qui
concerne le lien entre l’obligation des États de respecter l’environnement et le droit à la santé de l’être
humain; C.I.J., Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt rendu par la Cour
le 20 décembre 1974 dans l’affaire des essais nucléaires, Nouvelle Zélande/France, ordonnance du 22
septembre 1995, opinion dissidente du juge Weeramantry, in C.I.J. Rec., 1995, p. 345 s.

271
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

responsabilité des États de 1996 ne soient pas exhaustives. On peut, par exemple,
concevoir l’émergence d’éventuelles infractions majeures concernant les intérêts
économiques.962
Bien que l’étendue de la compétence du C.d.S. lui permette de s’occuper de toutes
sortes d’infraction étatique majeure, il n’est pas certain que sa composition, ainsi que
les procédures relatives, soient adéquates à toute forme de violation. Il est fort possible
que l’extension remarquable des compétences de l’organe implique une gestion
excessivement générique des cas d’espèce. Ainsi, une partie de la doctrine souligne
qu’une réaction du C.d.S. aux violations de l’environnement ne serait concevable qu’en
cas de conflit, lorsque la violation de la paix constitue l’action illicite primaire, tandis
que difficilement ou pourrait penser à la réaction du C.d.S., en cas de dommage à
l’environnement, en dehors du cadre conflictuel. Plus généralement, les critiques
portent sur l’incapacité du Conseil de juger des violations accomplies en dehors d’un
cadre conflictuel belliqueux.963

§ 6.5. L’épanouissement de l’action du Conseil de sécurité.


Une analyse rapide de la pratique du Conseil de sécurité peut nous éclairer sur
l’étendue de sa compétence en raison de la définition, générique, des infractions dont il
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s’occupe en tant que violations de la paix.


Le Conseil de sécurité, longtemps paralysé par le climat politique instauré au temps
de la guerre froide, en raison du mécanisme du veto, a connu, pendant les années 1990,
un activisme incontestable, car il est intervenu dans plusieurs affaires internationales, en
vertu des pouvoirs larges que la Charte des N.U. lui confère.964 Non seulement l’activité
du Conseil a connu un remarquable rebondissement quantitatif, mais elle s’est
développée dans plusieurs directions au sens qualitatif. Tout d’abord, le Conseil s’est de
plus en plus occupé de différends qui sortent du simple cadre de la guerre, en vertu
d’une interprétation large du concept de violation de la paix. Ainsi il a prononcé

962 Voir C.d.S., Communiqué de presse, Dimension socioéconomique de la paix: le Conseil de sécurité
repense la problématique du maintien de la paix et de la sécurité internationales, CS/2088, 17 janvier
2001, disponible in ‹http://www.un.org/News/fr-press/docs/2001/CS20010112.cs2088.doc.html›.
963 D’après G. Arangio-Ruiz l’action du C.d.S. serait inadéquate non seulement par rapport aux crimes
environnementaux, mais aussi par rapport aux crimes contre les droits de l’homme et contre
l’autodétermination prévus aux alinéas b) et c) du paragraphe 3 de l’article 19 du Projet sur la
responsabilité des États de 1996 (voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États,
Add.3, cit., p. 18, § 114). Sur la nécessité de créer un régime organique de la responsabilité internationale
dans le domaine des dommages à l’environnement voir A. GIOIA, Sviluppi recenti in tema di
risarcimento dei danni derivanti da incidenti nucleari, in Riv. D.I., 1998, p. 630.
964 Pour un cadre des opérations menées par le C.d.S. dès 1948 à nos jours et sur les différences entre
lesdites opérations voir Y. DAUDET, Maintien de la paix, in D. CARREAU et al., Encyclopédie
juridique Dalloz – Répertoire du droit international, Paris, Dalloz, 1998, t. II, p. 7, § 35-40, et mise à jour
2003, p. 24, § 35; M. FLORY, O.N.U. – Le maintien de la paix, in P. KAHN, L. VOEGEL, Jurisclasseur
de droit international, Paris, Lexisnexis, H. Vouzelland éd., 2003, t. 1, fasc. 122, p. 8-18. Voir, aussi, V.
GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p.
56; E. LAGRANGE, Les opérations de maintien de la paix et le chapitre VII de la Charte des N.U.,
Paris, Montchrestien, 1999; D. SAROOSHI, The U.N. and the Development of Collective Security. The
Delegation by the U.N. Security Council of Its Chapter VII Powers, Oxford, Clarendon Press, 1999; I.
BROWNLIE, The U.N. Charter and the Use of Force, 1945-1985, in A. CASSESE, The Current
Regulation of the Use of Force, cit., p. 491 s.; C. DOMINICÉ, Le C.d.S. et l’accès aux pouvoirs qu’il
reçoit du chapitre VII de la Charte des N.U., cit., p. 417; P.-M. DUPUY, Sécurité collective et
organisation de la paix, cit., p. 617; M. VIRALLY, L’organisation mondiale, cit., p. 451 s.; H. KELSEN,
Organization and Procedure of the Security Council of the U.N., in Harvard L.R., 1945-1946, LIX, p.
1087 s.; S. HOFFMANN, Thoughts on the U.N. at Fifty, cit., p. 318 s.; G. ARANGIO-RUIZ, The
“Federal Analogy” and U.N. Charter Interprétation: a Crucial Issue, cit., p. 1.

272
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

plusieurs condamnations à l’égard d’actes criminels, comme dans sa Résolution 579 du


18 décembre 1985, qui contient une condamnation générale des actes de terrorisme,
notamment de la prise d’otages, dans les Résolutions 1269 du 19 octobre 1999, 1368 du
12 septembre 2001 et 1373 du 28 septembre 2001, condamnant le terrorisme en tant que
menace à la paix et à la sécurité internationales, ou bien dans la Résolution 507 du 28
mai 1982, qui condamne l’agression mercenaire perpétrée contre la République des
Seychelles en 1981.965 De la même façon, le C.d.S. est intervenu dans des cas de
violations des droits de l’homme. Ainsi, la Résolution 940 du 31 juillet 1994 a
condamné les violations systématiques des libertés civiles par le régime militaire illégal
instauré en Haïti, la Résolution 521 du 19 septembre 1982 a condamné le massacre des
civils palestiniens a Beyrouth, la Résolution 904 du 18 mars 1994 a condamné le
massacre des civils palestiniens commis à Hébron, la Résolution 1036 du 12 janvier
1996 a condamné les massacres ethniques et les violations persistantes des droits de
l’homme en Georgie, comme plusieurs résolutions successives sur le même sujet.966 En
outre la pratique du C.d.S. révèle que le Conseil interprète l’apartheid comme une
violation de la paix justifiant son action.967 Également, le Conseil s’est prononcé en
matière de droit humanitaire, car il a condamné les crimes de guerres commis au cours
du conflit Iran-Iraq par les Résolutions 540 du 31 octobre 1983, 598 du 20 juillet 1987,
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612 du 9 mai 1988 et 620 du 26 août 1988, de même que la situation en Sierra Leone a
conduit le Conseil à adopter la Résolution 1181 du 13 juillet 1998, qui condamne les
actes de violence perpétrés par les rebelles sur la population civile.968 Finalement le
Conseil est intervenu, aussi, pour défendre les droits liés à la protection de
l’environnement, comme le témoignent les sanctions imposées à l’Iraq par la Résolution
687 du 3 avril 1991 (article E) pour “les atteintes à l’environnement et la destruction
des ressources naturelles”.
Le Conseil n’a pas entendu sa compétence au sens large que sous le profil objectif,
car il a élargi son pouvoir, aussi, du point de vue subjectif, en commençant à exercer

965 Sur le terrorisme en tant que menace de la paix autorisant l’action du C.d.S. voir, aussi, C.d.S.,
Communiqué de presse, Les récentes attaques terroristes placent au premier plan de l’action du Conseil
de sécurité les effort de développement et de promotion de la démocratie, CS/2239, 14 janvier 2002,
disponible in ‹http://www.un.org/News/fr-press/docs/2002/CS2239.doc.htm›; C.d.S., Communiqué de
presse, Le Conseil de sécurité défend son rôle de garant de la paix et de la sécurité dans le monde,
CS/2429, 14 janvier 2003, disponible in ‹http://www.un.org/News/fr-press/docs/2003/CS2429.doc.html›.
966 Voir O. CORTEN, La Résolution 940 du Conseil de sécurité autorisant une intervention militaire en
Haïti: l’émergence d’un principe de légitimité démocratique en droit international?, in E.J.I.L., 1995,
vol. 6, n. 1, p. 122.
967 Voir C.d.S. (Département des affaires politiques et des affaires du C.d.S.), Répertoire de la pratique
du Conseil de sécurité, 1985-1988, N.U., New York, 2000, doc. ST/DPA/1/Add.10, disponible dans le
site Internet des N.U. ‹http://www.un.org/french/docs/cs/repertoire/index.html›, p. 424-425.
968 Sur la diversification de l’action du Conseil de sécurité à partir du chapitre VII de la Charte des N.U.
voir P. DAILLIER, L’action de l’O.N.U.: élargissement et diversification de l’intervention des Nations
Unies, in S.F.D.I., Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies, cit., notamment p. 121 s.; V.
ABELLAN HONRUBIA, La ampliación del concepto de mantenimento de la paz y seguridad
internacionales por el Consejo de Seguridad de las Naciones Unidas. Fundamento jurídico y
discrecionalidad política, in M. PEREZ GONZALEZ et al., Hacia un nuevo orden internacional y
europeo, cit., p. 3 s. Sur les décisions du Conseil de sécurité dans des cas de violation des droits de
l’homme voir Y. KERBRAT, La référence au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies dans les
résolutions à caractère humanitaire du Conseil de sécurité, Paris, L.G.D.J., 1995; G. COHEN
JONATHAN, Le Conseil de sécurité et les droits de l’homme, in J.-F. FLAUSS, P. WACHSMANN, Le
droit des organisations internationales, Recueil d’études à la mémoire de Jacques Schwob, Bruxelles,
Bruylant, 1997, p. 19 s.; C. DOMINICÉ, Le Conseil de sécurité et l’accès aux pouvoirs qu’il reçoit du
chapitre VII de la Charte des N.U., cit., p. 424; D. ALLAND, Droit international public, 5ème éd., cit., p.
592 s.

273
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

une fonction de type pénal à l’égard des individus. Dans ses Résolutions 56 du 19 août
1948 et 59 du 19 octobre 1948, adoptées au sujet de la Palestine, le Conseil avait déjà
exprimé son opinion sur des individus, en obligeant les États à empêcher de violer la
trêve et à poursuivre tout individu impliqué dans une violation de la trêve. En face de
l’invasion irakienne du Koweït, le Conseil ne s’est pas limité à remarquer la
responsabilité de l’État irakien pour violation du droit international humanitaire,
notamment dans ses Résolutions 666 du 13 septembre 1990 et 674 du 29 octobre 1990,
mais il a clairement distingué la responsabilité individuelle de la responsabilité de
l’État, dans sa Résolution 670 du 25 septembre 1990, dans la partie concernant le
respect du droit international de la guerre. Également, dans sa Résolution 794 du 3
décembre 1992, le C.d.S. a déclaré de tenir pour “individuellement responsables” ceux
qui “commettent ou ordonnent de commettre des violations du droit international
humanitaire en Somalie”. Dans l’affaire Lockerbie, le Conseil a demandé à la Libye de
coopérer pour traduire en justice ses nationaux suspectés d’actes de terrorisme, à la
suite des demandes présentées par la Grand Bretagne et l’Irlande du Nord, la France et
les États-Unis d’Amérique, par le biais de la Résolution 731 du 21 janvier 1992, avant
de sanctionner l’État, par la Résolution 748 du 31 mars 1992, en raison de sa non
coopération à la répression de ces actes. Suite à la décision de la Libye de faire juger ses
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ressortissants par un tribunal écossais siégeant aux Pays-Bas, le Conseil a décidé la


levée des sanctions.969 Cette activité est, enfin, culminée dans la création des Tribunaux
ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, par les Résolutions 827 du 25 mai
1993 (Tribunal (Ex-Yougoslavie)) et 955 du 8 novembre 1994 (Situation concernant le
Rwanda (Création Tribunal international)).970
Devant un tel épanouissement de l’action du C.d.S., imprévisible au temps de la
guerre froide, une partie de la doctrine soutient que l’étendue de la compétence du
C.d.S. est un facteur positif, car son action constituerait une réponse appropriée aux
infractions internationales majeures. On remarque, notamment, que l’action du Conseil
répond de façon satisfaisante aux problèmes des violations des droits de l’homme, de
l’autodétermination des peuples et de l’environnement, couvrant, ainsi, les intérêts
fondamentaux du droit international de la paix, suivant le classement de l’article 19 § 3
du Projet sur la responsabilité des États.971 En général, toutefois, les opinions de la

969 Sur les pouvoirs ouverts et larges du C.d.S. dans la qualification des menaces à la paix par rapport aux
Résolutions 731 et 748 voir M. ARCARI, Le Risoluzioni 731 e 748 e i poteri del Consiglio di Sicurezza
in materia di mantenimento della pace, in Riv. D.I., 1992, p. 932 s. Sur l’élargissement de la notion de
menace contre la paix aux actes de terrorisme voir S.F.D.I., Les nouvelles menaces contre la paix et la
sécurité internationales, Journées d’études franco-allemandes, 29-30 novembre 2002, Paris, Pedone,
2004, p. 1-304.
970 Sur l’extension de l’action du C.d.S. à l’égard des individus voir V. GOWLLAND-DEBBAS,
Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsiblity, cit., p. 67.
971 Sur la question de la réaction du C.d.S. à certains faits qualifiés comme crimes dans l’article 19 du
Projet sur la responsabilité des États voir G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo preminente di
studiosi italiani nel progetto di codificazione della responsabilità degli Stati: specie a proposito di
crimini internazionali e dei poteri del Consiglio di sicurezza, cit., p. 116. Voir aussi C.D.I., Comptes
rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 69, § 9, où, même en admettant la création de la
responsabilité criminelle des États, on pense qu’elle serait du ressort exclusif du Conseil de sécurité. En
général, sur l’épanouissement de l’activité du Conseil de sécurité au cours des années 1990 et sur les
problèmes que cela pose voir P. H. ALSTON, The Security Council and Human Rights Lessons to be
Learned from the Iraqui-Kwait Crisis and the Aftermath, in Austr. Y.B.I.L., 1992, n. 13, p. 107 s; H.P.
GASSER, Ensuring Respect for the Geneva Conventions and Protocols: the Role of Third States and the
United Nations, in H. FOX, Armed Conflict and the New Law – Effecting Compliance, London, The
British Institute of International and Comparative Law, 1993, vol. II, p. 15 s. Pour un commentaire des
différentes résolutions adoptées par le C.d.S. voir H. FREUDENSCHUB, Between Multilateralism and
Collective Security: Authorizations of the Use of Force by the U.N. Security Council, cit., p. 493-522.

274
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

doctrine concernant la cohérence et l’efficacité du système axé sur le C.d.S. sont très
différentes. Il est difficile, d’ailleurs, de parvenir à l’uniformité des points de vue sur un
sujet qui mêle, aux aspects strictement juridiques, des considérations d’ordre politique,
notamment lorsqu’on touche à la question de l’efficacité: on aborde un problème
complexe, qui impose une analyse attentive.972

§ 6.6. La procédure du Conseil de sécurité: lacunes, contradictions, efficacité.


Du côté de la procédure, il faut établir si les normes définissant l’action du Conseil
de sécurité configurent un ensemble correcte ou si elles présentent des incohérences. Il
s’agit d’une question complexe, qu’il faut traiter avec attention, car il ne suffit pas de
constater que l’actuel système marche, pour en conclure qu’il ne serait pas question de
le changer. En effet l’action du Conseil de sécurité présente plusieurs caractéristiques
problématiques du point de vue juridique.973
De façon générale l’action du C.d.S. constitue un système assez sommaire de
réponse aux violations les plus graves du droit international.
L’organe qui mène la procédure, le Conseil de sécurité, ne présente pas le requis de
l’impartialité, vu sa composition, de nature politique, en vertu de l’article 23 de la
Charte des N.U.974 Son organisation reflète, plutôt, l’idée d’un système centralisé
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dominé par les grandes puissances, issu de l’expérience de la seconde guerre mondiale,
annoncé par la Déclaration de Moscou du 30 octobre 1943 (point 5 de la partie
générale) et repris par les Propositions de Dumbarton Oaks (chapitre VI section A et
XII).975 À ce propos il est intéressant de remarquer que, pendant la Conférence de San
Francisco, plusieurs amendements avaient été proposés visant à réduire le caractère
exclusif de l’intervention du C.d.S., en lui associant l’A.G. dans la prise des décision ou
en soumettant ses décisions à la révision de l’A.G.976 Toutefois les Grandes Puissances

972 Voir N. ROS, La balance de la justice: à la recherche d’un nouvel équilibre onusien, in Actualité et
droit international, janvier 1999, in ‹http://www.ridi.org/adi›.
973 Voir, en doctrine, M. KOSKENNIEMI, The Police in the Temple Order, Justice and the U.N.: a
Dialectical View, cit., p. 326-327; A. TANZI, Problems of Enforcement of Decisions of the I.C.J. and the
Law of the U.N., in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 4, p. 539; O. SCHACTER, U.N. Law, in A.J.I.L., 1994,
january, vol. 88, n. 1, p. 14; K. HERNDL, Reflections on the Role, Functions and Procedures of the
Security Council of the U.N., cit., p. 289 s.; F. MALEKIAN, The Monopolization of International
Criminal Law in the U.N. A Jurisprudential Approach, 2nd ed., Stockholm, Almqvist & Wiksell, 1995;
M. BERTRAND, The U.N. as an Organization. A Critique of Its Functioning, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n.
3, p. 349 s.
974 Une partie de la doctrine, en affirmant le caractère de sanction des décisions du Conseil de sécurité, se
plaigne de la partialité de l’organe. Voir A. JACOVIDES, State Responsibility: Reflections on the
International Law Commission Draft Articles, cit., p. 297; G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del
ruolo preminente di studiosi italiani nel progetto di codificazione della responsabilità degli Stati: specie
a proposito di crimini internazionali e dei poteri del Consiglio di sicurezza, cit., p. 121 et 127 s., qui
plaide, aussi, pour une distribution plus équitable des pouvoirs entre les différents organes des N.U. pour
le respect du droit international et soutient que le système des crimes et délits mis en place par l’article 19
du Projet sur la responsabilité des États permettrait, au moins, de limiter l’ingérence illégitime du C.d.S.
dans le domaine de l’établissement de la responsabilité. D’après E. CUJO, M. FORTEAU, La répression
des infractions internationales – Les réactions des organes politiques, cit., p. 655, le traitement politique
des “violations de droit international pénal par les organes internationaux entraîne un risque de sélectivité
dans la répression”. Sur le problème de la composition des organes chargés de juger les actes illicites
internationaux, dans un sens défavorable à la nomination des représentants gouvernementaux et favorable
à la nomination des techniciens les plus capables dans l’exercice de la fonction, voir F.H. HYNSLEY,
Power and the Pursuit of Peace, Cambridge, Cambridge University Press, 1963, p. 94; A. PELLET, La
formation du droit international dans la Charte des N.U., cit., p. 419.
975 Voir A. COHEN JONATHAN, Commentaire de l’article 39 de la Charte des N.U., cit., p. 646.
976 Voir U.N.C.I.O., Troisième Comité, séances du 10, 14 et 15 mai 1945, vol. XII, p. 297, 319 et 328.

275
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

s’opposèrent à ces projets, qui faisaient du Conseil l’exécutif d’un gouvernement


d’assemblée, car celui-ci ne devait pas être conçu comme le mandataire, mais comme le
tuteur de la communauté internationale.977
En outre le mécanisme de prise de décision, prévoyant le droit de veto (article 27 § 3
de la Charte des N.U.), est très controversé.978 L’historique de l’adoption de l’article 27
§ 3 est, lui même, très significatif dans ce sens. Le système du veto, originairement non
prévu par les Propositions de Dumbarton Oaks, a été introduit en février 1945 à la
section C-3 du chapitre VII des Propositions par la Conférence de Yalta. Dans le cadre
de la Conférence de San Francisco sur l’organisation internationale, le 22 mai 1945,
plusieurs États soumirent une liste de vingt-trois questions aux représentants des
Puissances invitantes afin de clarifier la question.979 Malgré les sévères critiques et les
nombreux amendements proposés, l’article 27 reproduit fidèlement la formule de Yalta.
Depuis son adoption, la formule du veto a été l’objet de nombreuses discussions et
propositions, visant sa suppression et sa réforme, mais le système reste, encore
aujourd’hui, celui prévu, originairement, en 1945.980 L’application du système du veto,
d’ailleurs, est très large, car ce mécanisme s’applique à toute question n’étant pas
purement procédurale (article 27 § 2 et 3 de la Charte des N.U.). À ce propos on
remarquera que la Déclaration de San Francisco des quatre Puissances montre la
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volonté de conserver la possibilité faire glisser une question de la catégorie procédurale


à celle non procédurale, tandis que la tendance du Conseil va vers l’élargissement du
domaine couvert par le droit de veto grâce à une interprétation extensive des questions
non procédurales.981
La doctrine remarque que la formule du veto est contraire au principe de l’égalité
souveraine des Membres de l’O.N.U. solennellement proclamée à l’article 2 § 1 de la
Charte.982 En point d’efficacité, en outre, le mécanisme du veto enlève à l’action du
C.d.S. tout caractère d’évidence, et cela entraîne la perte du requis de la certitude de la
sanction ainsi que l’affaiblissement de l’effet préventif de la réaction. Plus
spécifiquement, grâce à l’exploitation du droit de veto, les membres permanents du
C.d.S. peuvent soustraire eux-mêmes et les États protégés aux mesures de réaction
collective prévues dans la Charte des N.U.983 On ne voit pas, en effet, qui pourrait juger

977 Voir G. COHEN JONATHAN, Commentaire de l’article 39 de la Charte des N.U., cit., p. 647.
978 D’après H.L.A. HART, The Concept of Law (Il concetto di diritto), cit., p. 252, le mécanisme du veto
paralyserait l’application coercitive du droit par le C.d.S., de sorte que son action serait purement
théorique.
979 Voir U.N.C.I.O., vol. XI, p. 754, doc. 852, 111/1/37.
980 Voir P. TAVERNIER, Commentaire de l’article 27 de la Charte des N.U., cit., p. 496, 507 s. Sur
l’évolution de l’utilisation du droit de veto depuis la fin de la guerre froide voir A. PELLET, La
formation du droit international dans la Charte des N.U., cit., p. 420.
981 Voir P. TAVERNIER, Commentaire de l’article 27 de la Charte des N.U., cit., p. 500.
982 Voir P. TAVERNIER, Commentaire de l’article 27 de la Charte des N.U., cit., p. 495.
983 Sur cette question voir G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo preminente di studiosi italiani
nel progetto di codificazione della responsabilità degli Stati: specie a proposito di crimini internazionali
e dei poteri del Consiglio di sicurezza, cit., p. 117. Sur le mécanisme du veto dans la prise de décision du
C.d.S. et la nécessité de le réformer selon le principe nemo iudex in causa propria voir B.
FASSBENDER, U.N. Security Council Reform and the Right of Veto: a Constitutional Perspective, The
Hague/London/Boston, Kluwer Law International, 1998; H. KELSEN, Organization and Procedure of
the Security Council of the United Nations, cit., p. 1096 s.; Y. LIANG, The Settlement of Disputes in the
Security Council: the Yalta Voting Formula, in B.Y.B.I.L., 1947, XXIV, p. 354 s.; M.S. McDOUGAL,
The Veto and the Charter: an Interpretation for Survival, in Yale L.J., 1951, p. 278 s.; P.F. BRUGIÈRE,
Droit de veto: la règle de l’unanimité des membres permanents au Conseil de sécurité, Paris, Pedone,
1952; M.S. McDOUGAL, International Law, Power and Policy, a Contemporary Conception, in
R.C.A.D.I., 1953-I, vol. 82, p. 149. D’après M. KOSKENNIEMI, The Police in the Temple Order, Justice

276
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

les acteurs majeurs du système, alors qu’il violent les règles fondamentales de la
communauté internationale, comme lorsqu’ils développent des armements nucléaires en
ouverte contradiction avec l’obligation de n’employer l’énergie nucléaire qu’à des fins
pacifiques. Même si les Grandes Puissances, selon le cadre issu de la seconde guerre
mondiale, devraient être les principales garantes de la sécurité internationale, elles
deviennent, souvent, les responsables de l’insécurité collective, car l’approche aux
relations internationales demeure réaliste, plutôt qu’institutionnel, même au sein du
C.d.S.984
Juridiquement il est inacceptable qu’un organe à composition politique, non neutre,
exerce des fonctions juridictionnelles, car des infractions graves contre les intérêts
fondamentaux de la communauté pourraient demeurer impunies pour des raisons
politiques ou parce qu’un État est trop influent pour être rappelé à l’ordre. En effet le
C.d.S. a traité seulement certaines situations conflictuelles, mais pas d’autres d’égale
gravité, selon sa discrétion, pour des raisons d’ordre, essentiellement, politique. Il
suffira de rappeler l’inaction du C.d.S. à l’égard de l’occupation du Sahara Occidental
par les forces armées du Maroc, ou bien l’indifférence face à l’occupation et aux
violations des droits de l’homme perpétrées par l’Indonésie à Timor Oriental.985 On se
souviendra, en outre, que, pendant la période 1993-1998, le Conseil est resté longtemps
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indifférent au génocide rwandais.986 En revanche, le Conseil n’a pas hésité à approuver


la Résolution 1441 du 8 novembre 2002, approuvant l’inspection de l’Irak par une
Commission de l’A.I.E.A. afin d’établir d’éventuelles violations de l’obligation du
désarmement de ce pays.987 Cette façon de procéder diminue fortement les capacités
préventives de l’action de l’organe.
L’approche discrétionnaire est encore plus évidente dans le cadre de l’article 106 de
la Charte des N.U., qui dispose que: “En attendant l’entrée en vigueur des accords
spéciaux mentionnés à l’article 43 qui, de l’avis du Conseil de sécurité, lui permettront
de commencer à assumer les responsabilités lui incombant en application de l’article
42, les Parties à la Déclaration des Quatre Nations signée à Moscou le 30 octobre 1943
et la France se concerteront entre elles et, s’il y a lieu, avec d’autres Membres de
l’Organisation, conformément au paragraphe 5 de cette Déclaration, en vue
d’entreprendre en commun, au nom des Nations Unies, toute action qui pourrait être
nécessaire pour maintenir la paix et la sécurité internationales.” Quoiqu’il s’agisse
d’une disposition transitoire, les accords spéciaux n’ayant jamais été signés, les
Membres permanentes du C.d.S. jouissent d’un pouvoir largement arbitraire dans la

and the U.N.: a Dialectical View, cit., p. 388-389, le système de la Charte des N.U., prévoyant le
mécanisme du veto, serait moins juste mais plus efficace du système établi par le Pacte de la S.d.N., qui
ne le prévoyait pas.
984 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 76-77, § 24 s., p. 84, §
33. Sur ce sujet voir, aussi, M. MONIN, La prise de décision au Conseil de sécurité en matière de
maintien de la paix: “pas de sortie sans stratégie”, in Actualité et droit international, juillet 2001,
‹http://www.ridi.org/adi›.
985 Voir R. HIGGINS, Peace and Security. Achievements and Failures, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 3, p.
455; R. ADJOVI, L’intervention alliée en R.F.Y. et le débat sur le maintien de la paix en Afrique, in
Actualité et droit international, juin 1999, ‹http://www.ridi.org/adi›.
986 Voir C. BRAECKMAN, Rwanda, retour sur un aveuglement international, in Le Monde
Diplomatique, n. 600, mars 2004, ‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 20-21.
987 Voir R. FALK, Les Nations Unies prises en otage, in Le Monde Diplomatique, n. 585, décembre
2002, ‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 1, 23.

277
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

définition des infractions internationales majeures et des sanctions, qui dépasse, même,
les limites, pourtant faibles, du chapitre VII de la Charte des N.U.988
De façon plus limitée, l’article 107 de la Charte permet “vis-à-vis d’un État qui, au
cours de la seconde guerre mondiale, a été l’ennemi de l’un quelconque des signataires
de la présente Charte, une action entreprise ou autorisée, comme suite de cette guerre,
par les gouvernements qui ont la responsabilité de cette action”. Apparemment la
disposition, transitoire, en question ne devrait plus être efficace, vu sa référence à la
seconde guerre mondiale, pourtant elle a été invoquée par l’U.R.S.S. à l’encontre de la
R.F.A. en 1968. Potentiellement, elle permet aux membres permanents du C.d.S.
(gouvernements responsables) de décider une action dans des limites très larges, même
en s’appuyant sur des organisations régionales (article 53 de la Charte des N.U.).989
En outre on remarquera que, d’après une partie de la doctrine, la pratique du C.d.S.
d’autoriser les États à mener des actions militaires, qui a été développée depuis la fin de
la guerre froide, aux termes de l’article 48 ou 53 de la Charte des N.U., ou bien sur la
base de la théorie des pouvoirs implicites, en l’absence de l’armée internationale
préconisée à l’article 43 de la Charte, constituerait une sorte de “couverture” de la
politique des États puissants.990
Finalement on constatera que le C.d.S., de façon pas tout à fait cohérente avec les
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principes de la Charte des N.U., emploie couramment les outils du chapitre VII,
prévoyant l’adoption de mesures coercitives, dans la solution des conflits, mais
beaucoup moins ceux du chapitre VI, qui devraient permettre le règlement pacifique des
différends par le biais de la diplomatie.991
Toutes ces incohérences, notamment par rapport au principe général de l’égalité des
États, pilier fondamental du droit international de la paix, entraînent l’affaiblissement
de l’efficacité préventive du système onusien.992

§ 6.7. La nature de l’action du Conseil de sécurité: conception juridictionnelle et


critique de la thèse de l’action de police.
Certains auteurs justifient les problèmes concernant l’action du C.d.S. en considérant
la réaction du C.d.S. aux violations de la paix comme une action de police collective
suivant la logique de la légitime défense. Ainsi on remarque, dans le sillage de
l’interprétation des contre-mesures étatiques comme procédures exécutives, que les
crimes internationaux seraient caractérisés par la continuité et que les réactions menées
par le Conseil de sécurité auraient le seul but d’arrêter l’action illicite, selon un schéma

988 Voir V.-Y. GHEBALI, Commentaire de l’article 106 de la Charte des N.U., cit., p. 1409 s.; M.L.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., article 106, p. 629-632.
989 Voir V.-Y. GHEBALI, Commentaire de l’article 107 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 1417-1424; M.L.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., article 107, p. 633-637; H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its
Fundamental Problems, cit., p. 805-815.
990 Voir H. FREUDENSCHUB, Between Multilateralism and Collective Security: Authorization of the
Use of Force by the U.N. Security Council, cit., p. 527-531; R. HIGGINS, Peace and Security.
Achievements and Failures, cit., p. 459; C.P. DAVID, La mondialisation de la sécurité internationale,
espoir ou leurre?, in Actualité et droit international, décembre 2001, in ‹http://www.ridi.org/adi›.
991 Voir R. RATNER, Image and Reality in the United Nation’s Peaceful Settlement of Disputes, in
E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 3, p. 429.
992 Conformément voir J. HOGAN-DORAN, B.T. VAN GINKEL, Aggression as a Crime under
International Law and Prosecution of Individuals by the Proposed International Court, cit., p. 339 s.;
C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 83, § 30.

278
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

qui enchaîne la violation des intérêts fondamentaux de la communauté, la continuité de


l’action et la cessation. L’action du Conseil de sécurité, ou de l’Assemblée générale en
cas de paralysie de celui-ci en vertu de la Résolution 377 (V) du 3 novembre 1950
(L’action pour le maintien de la paix, “Acheson”), serait, par conséquent, une action de
police, non pas une action juridictionnelle.993 L’interprétation exécutive de l’action du
C.d.S., selon ledit schéma, exclurait la nécessité d’évaluer la responsabilité et
l’attribution de la conduite illégitime.994
Toutefois le constat que la réaction du C.d.S. constitue une action de police, qui
arrête la conduite illégitime, n’élimine pas la nécessité logique de l’invocation de la
responsabilité, comme nous l’avons déjà relevé à propos des contre-mesures étatiques,
car une action exécutive est, toujours, menée pour faire respecter une sanction
préalablement infligée. Le fait que la réaction soit mise en place pour arrêter la
violation présuppose, quand même, qu’une sanction ait été décrétée. Le problème est
ailleurs et consiste dans le fait que la sanction ne fait pas suite à un procès
juridictionnel, mais qu’elle est imposée par le C.d.S. même au terme d’une procédure
sommaire. Le C.d.S. est l’organe qui, à la fois, juge, donc évalue l’existence d’une
infraction, et la sanctionne, pour ensuite l’exécuter: en même temps le C.d.S. exerce les
fonctions de juge et de force de police internationale. La réaction du C.d.S. présuppose,
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toujours, l’établissement de la responsabilité.995 Cela signifie, tout simplement, que


l’établissement de la responsabilité est vite fait, en l’absence d’un procès de jugement
assorti des garanties nécessaires, et que les critères de décision plongent dans une
logique autre que celle du droit, c’est-à-dire dans celle, plus floue, de la politique.996

993 Pour cette interprétation voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p.
71, § 26. En doctrine voir J. COMBACAU, Le pouvoir de sanction de l’O.N.U. Étude théorique de la
coercition non militaire, cit., p. 18; P.-M. DUPUY, Observations sur le“crime international de l’État”,
cit., p. 472.
994 Voir, dans cet ordre d’idées, H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its
Fundamental Problems, cit., p. 735, qui arrive jusqu’à nier la nécessité de l’existence de la violation
d’une obligation internationale pour le déclenchement de l’action du Conseil de sécurité. Dans la même
ligne voir L. OPPENHEIM, H. LAUTERPACHT, Tratado de derecho international público, tomo II,
vol. I, Controversias, guerra y neutralidad, 1959, trad. esp. Antonio Marin Lopez, Barcelona, Bosch,
1966, p. 169 et note 85; R. HIGGINS, The Place of International Law in the Settlement of Disputes by
the Security Council, in A.J.I.L., 1970, january, vol. 64, n. 1, p. 1-18.
995 Voir BOTHE, Les limites du pouvoir du Conseil de sécurité, in R.-J. DUPUY, Le développement du
rôle du Conseil de sécurité (Peace-Keeping and Peace-Building), cit., p. 74-75; V. GOWLLAND-
DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p. 63, 72. Dans
un ordre d’idées fortement critique envers le rôle du Conseil de sécurité comme juge de la responsabilité
internationale voir L. CONDORELLI, La Corte internazionale di giustizia e gli organi politci delle
Nazioni Unite, in Riv. D.I., 1994, p. 918. Pour une vision qui soulève des doutes en ce sens, mais qui
laisse ouverte cette possibilité interprétative J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 104 s.
Pour une considération des actions de police comme “measures of constraint, not of irresponsibility”, qui
doit toujours être fondée sur la violation d’une prescription, voir P.-M. DUPUY, Implications of the
Institutionalisation of Internationale Crimes of State, in J.H.H. WEILER, A. CASSESE, M. SPINEDI,
International Crimes of State. A critical analysis of the I.L.C.’s Draft Article 19 on State Responsibility,
cit., p.177; P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime international de l’État”, cit., p. 449 s.; M.
VIRALLY, L’organisation mondiale, cit. p. 453. Sur l’interprétation pénaliste donnée par la C.D.I. aux
mesures prévues au chapitre VII de la Charte de l’O.N.U. voir P.-M. DUPUY, Observations sur le
“crime international de l’État”, cit., p. 472; C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième
session, cit., p. 77-78, § 26, 30 s.
996 Voir V. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State
Responsibility, cit., p. 73-74, qui constate que les décisions du C.d.S., ayant souvent des effets
obligatoires, sont prises en l’absence d’un procès juridictionnel, de façon autoritaire; M
KOSKENNIEMI, The Police in the Temple Order, Justice and the U.N.: a Dialectical View, cit., p. 326-
327, 345, d’après lequel l’action du C.d.S., de type judiciaire, serait exercée en l’absence des garanties

279
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

D’ailleurs, la terminologie employée par le C.d.S. dans ses résolutions, lorsqu’il


“déplore”, “réprouve” ou “condamne” une action internationale illicite, fait penser,
immédiatement, à l’application de sanctions afflictives, donc à l’exercice de la fonction
judiciaire.997
Si une procédure juridictionnelle était en place pour évaluer la conduite des États, les
recours aux réactions de force se situeraient à l’intérieur du procès comme mesures
préventives, qui anticipent la sanction finale et au terme du procès, comme mesures
d’exécution.998 Dans ce même ordre d’idées, de l’avis d’une partie importante de la
doctrine, dans le système de la S.d.N., quoique l’action du Conseil, basée sur un
système de présomption simple, était justifiée par des raisons d’urgence, elle aurait dû
demeurer, quand même, provisoire, et être suivie “le danger prévenu […] par une

procédurales nécessaires. Dans le sens de la nécessité de rendre les décisions des organes des N.U.,
notamment celles du Conseil de sécurité, conformes aux critères objectifs du droit voir C.D.I., Comptes
rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 80, § 9, 10. D’après J.A. CARRILLO SALCEDO,
El derecho internacional en un mundo en cambio, cit., p. 138, l’action du Conseil de sécurité serait
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conditionnée par des facteurs politiques et la Charte des N.U. “no se propone tanto garantizar la
aplicación del derecho como asegurar un determinado orden, la preservación de la paz y la seguridad
internacionales”. Dans la même ligne voir S. BASTID, Cours de droit international public, Paris, 1977,
p. 514. Pour G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo preminente di studiosi italiani nel progetto
di codificazione della responsabilità degli Stati: specie a proposito di crimini internazionali e dei poteri
del Consiglio di sicurezza, cit., p. 127 et 128, le C.d.S. serait en train d’occuper, en exerçant des fonctions
juridictionnelles en dehors de ses pouvoirs, le vide institutionnel ouvert par l’absence d’un organe chargé
de juger les violations les plus graves de l’ordre international.
997 Voir, sur ce point, M. VIRALLY, L’organisation mondiale, cit., p. 308, d’après lequel l’emploi de ce
vocabulaire fait penser à l’exercice d’une véritable “magistrature politique”. Sur la conception de l’action
du Conseil de sécurité comme sanction voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième
session, cit., p. 86, § 5. Sur la position du problème de la fonction du C.d.S. au cours de travaux
préparatoires du Projet sur la responsabilité des États au sein de la C.D.I. (voir Y. DAUDET, Travaux de
la C.D.I. (quarante-sixième session), cit., p. 593). Selon M.-C. BASSIOUNI, Introduction au droit pénal
international, cit. p. 58, le C.d.S. opérerait un véritable jugement pénal de l’État, ce qui pose la question
de la condamnation du citoyen innocent avec le coupable (sur cette question voir les considérations que
nous avons fait dans le cadre de l’attribution de la responsabilité). D’après F. MALEKIAN, The
Monopolization of International Criminal Law in the U.N. A Jurisprudential Approach, 2nd ed., cit., p.
102, il faut estimer que “the five permanent members of the Security Council not only have the power of
decision on international criminal matters but are also the authoritative ‘international criminal tribunal’
determining the precautionary punitive measures against a guilty party”. Favorablement à la conception
de la guerre d’agression comme crime qui entraîne le problème de sa répression par le Conseil de sécurité
voir A. GATTINI, La riparazione dei danni di guerra causati dall’Iraq, cit., p. 1019; M. BEDJAOUI, Du
contrôle de la légalité des actes du Conseil de sécurité, in F. DELPÉRÉE et al., Nouveaux itinéraires en
droit, Mélanges en l’honneur de François Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 69; B. SIMMA, Does the
U.N. Charter Provide an Adequate Legal Basis for Individual or Collective Responses to Violation of
Obligations erga omnes?, in J. DELBRÜCK, The Future of International Law Enforcement. New
Scenarios, New Law?, Berlin, Dunker & Humblot, 1993, p. 125 s. D’après A. PELLET, La formation du
droit international dans le cadre des N.U., cit., p. 421-422, quoique le C.d.S. fasse un emploi très libre
de la terminologie juridique, on ne pourrait pas qualifier son action de “judiciaire”. De l’avis de D.W.
BOWETT, Crimes of State and the 1996 Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit., p. 166, étant
donné que le C.d.S. ne peut pas exercer une fonction judiciaire, car cela est en dehors des pouvoirs lui
conférés par la Charte des N.U., l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 serait utile
car, en définissant les conduites criminelles des États, il ouvrirait la voie à la conception juridictionnelle
de la responsabilité majeure étatique. Dans le même ordre d’idées voir G. ARANGIO-RUIZ, The
“Federal Analogy” and U.N. Charter Interpretation: a Crucial Issue, cit., p. 24.
998 Voir les considérations que nous faisons infra. Sur la possibilité d’utiliser la procédure du C.d.S. dans
l’édification d’un régime de répression du crime voir P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime
international de l’État”, cit., p. 473-474.

280
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

constatation collective et solennelle, à l’origine de laquelle ne se trouve aucun


préjugé”.999
Finalement, la conception de l’action du C.d.S. comme action collective de police en
légitime défense n’exclue pas le moment juridictionnel. En tout cas, même si l’on
acceptait la vision de l’action collective comme action de police, il faudrait se demander
s’il est correct de répondre aux violations les plus graves du droit international
seulement par une action de police et si l’on peut renoncer au contrôle juridictionnel sur
ces formes d’infraction.

§ 6.8. La nature de l’action du Conseil de sécurité: critique de l’interprétation


politique.
D’après une partie de la doctrine, les problèmes relatifs à la gestion des infractions
majeures par le C.d.S. seraient justifiés par la nature essentiellement politique de
l’action de l’organe.1000 On soutient, ainsi, que le Conseil pourrait se permettre de faire
prévaloir le concept de la paix sur celui du droit.1001
Cette interprétation de l’action du Conseil de sécurité relève de la théorie selon
laquelle on devrait distinguer les conflits d’ordre juridique, qu’on pourrait soumettre à
la juridiction d’une cour, des conflits d’ordre politique, qu’on ne pourrait pas soumettre
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à la décision des juges, et d’après laquelle les plus importantes causes des différends
internationaux seraient de nature économique et politique, pas du tout juridique, car le
droit jouerait un rôle mineur dans le contrôle social international par rapport à la
fonction qu’il exerce dans les ordres juridiques internes.1002 Ceci justifierait le rôle clé
d’un organe d’ordre politique, le C.d.S., au sein de la communauté internationale. Cette
thèse est confortée par la lettre de l’article 36 § 3 de la Charte des N.U.1003
En outre la Charte des N.U. qualifie seulement le secrétaire général comme “le plus
haut fonctionnaire administratif” (article 97) et la C.I.J. comme “l’organe judiciaire
principal” de l’organisation (article 92), mais elle ne dit rien sur la nature des autres
organes. Ainsi, étant donnée la nature essentiellement politique de l’organisation dans

999 Voir H. DONNEDIEU DE VABRES, Les principes modernes du droit pénal international, cit., p.
426-427.
1000 Sur la nature politique du C.d.S. voir P. POZO SERRANO, La Corte internacional de justicia y las
competencias del Consejo de seguridad en el ámbito del mantenimiento de la paz y de la seguridad
internacionales, cit., p. 424 s.; D.E. ACEVEDO, Disputes under Consideration by the U.N. Security
Council or Regional Bodies, in L.F. DAMROSCH, The International Court of Justice at a Crossroad,
New York, Transnational Publishers, 1987, p. 254-259; O. SCHACHTER, The Quasi-judicial Role of the
Security Council and the General Assembly, in A.J.I.L., 1964, october, vol. 58, n. 4, p. 962; V.
GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p.
61, 71; A. PELLET, La formation du droit international dans le cadre des N.U., cit., p. 423.
1001 Voir H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental Problems,
cit., p. 294-295, d’après lequel: “The purpose of enforcement action under article 39 is not to maintain or
restore the law, but to maintain or restore peace, which is not necessarily identical with the law […] For
the Council would be empowered to establish justice if it considered the existing law as not satisfactory,
and hence to enforce a decision which it considered to be just though not in conformity with existing
law”; C. EAGLETON, The Jurisdiction of the Security Council over Disputes, in A.J.I.L., 1946, july, vol.
40, n. 3, p. 513; D. CIOBANU, Preliminary Objections related to the Jurisdiction of the United Nations
Political Organs, The Hague/Boston/London, Martinus Nijhoff Publisher, 1975, p. 3. Sur la conformité
de cette interprétation à la réalité, essentiellement politique, des relations internationales, voir J.L.
BRIERLY, The Outlook for International Law, Oxford, Clarendon Press, 1945, p. 126-127.
1002 Sur la différence entre les différends d’ordre politique et les différends d’ordre juridique voir E.
KAUFMANN, Règles générales du droit de la paix, cit., p. 519-533.
1003 Voir L.M. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and
Documents, 3rd ed., cit., article 36, p. 281.

281
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

son ensemble et, notamment, la composition du Conseil, on pourrait en déduire la


fonction politique de l’organe.1004
Cette interprétation semble confirmée par le fait que, pendant la période de la guerre
froide, le C.d.S. ne justifiait pas ses décisions en faisant référence aux normes
juridiques sur la base desquelles il agissait. Actuellement, d’ailleurs, les décisions sont
motivées, normalement, sur la base du chapitre VII de la Charte des N.U., mais de
façon très générique, ce qui pousse souvent les États, obligés par la décision du Conseil,
à invoquer l’invalidité des résolutions en faisant appel à la violation des dispositions de
la Charte.1005
Le langage employé par la Charte des N.U. confirmerait la liberté de décision du
Conseil, car l’article 33, qui permet au Conseil d’inviter les parties au conflit à résoudre
pacifiquement le différend, emploie la locution “lorsque il l’estime nécessaire”, l’article
36, qui considère la possibilité pour le Conseil de recommander les solutions à suivre,
parle de “tout moment de l’évolution d’un différend”, alors que l’article 24 affirme que
le Conseil doit assurer “l’action rapide et efficace de l’Organisation”.1006
La jurisprudence confirme, parfois, cette approche.1007
Une telle interprétation permet au Conseil, tout d’abord, de décider s’il faut ou s’il
ne faut pas prendre en considération une certaine situation et, en suite, de décider de
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quel façon résoudre la question.


Or, selon cette théorie, le Conseil, dans son jugement, ne devrait pas relever une
infraction internationale, mais il devrait se limiter à vérifier l’existence d’une menace
ou d’un acte d’agression contre la paix.1008 Toutefois, lorsqu’il relève une menace ou
une agression en violation de la paix, forcement le Conseil définit la responsabilité d’un
État pour une infraction internationale. En outre, dans plusieurs décisions, c’est le
Conseil même qui a pris le soin d’affirmer, de façon expresse, la responsabilité
internationale d’un État pour des violations spécifiques du droit international. On

1004 Voir P.-M. DUPUY, Sécurité collective et organisation de la paix, cit., p. 618.
1005 Sur la tendance du Conseil à ne pas motiver ses résolutions en faisant appel à des normes précises
pendant la période de la guerre froide voir T.J.H. ELSEN, Litispendence Between the I.C.J. and the
Security Council, The Hague, T.M.C. Asser Institut, 1986, p. 31. Sur le pouvoir discrétionnaire du C.d.S.
dans la prise des décisions en matière de maintien de la paix voir B. CONFORTI, Le pouvoir
discrétionnaire du Conseil de sécurité en matière de constatation d’une menace contre la paix, d’une
rupture de la paix ou d’un acte d’agression, cit., p. 51-60. En général, sur la motivation des décisions du
C.d.S., voir J. COHEN JONATHAN, Commentaire de l’article 39 de la Charte des N.U., cit., p. 651-
654.
1006 Sur le langage relatif au C.d.S. au sein de la Charte des N.U. voir L.B. SOHN, Modernizing the
Structure and Procedure of the Security Council, in R.-J. DUPUY, Le développement du rôle du Conseil
de sécurité (Peace-Keeping and Peace-Building), cit., p. 394.
1007 Voir C.I.J., Conditions d’admission d’un État comme membre des N.U. (article 4 de la Charte), avis
consultatif du 28 mai 1948, opinion dissident des juges Basdevant, Winiarski, McNair, Read, in C.I.J.
Rec., 1948, p. 85, où l’on dit que “un organe politique a pour fonction principale d’examiner les questions
du point de vue politique, c’est-à-dire sous tous les aspects. Il en résulte que les Membres de cet organe
qui ont la responsabilité de former sa décision ont à examiner les questions sous tous les aspects et que,
par la suite, ils sont juridiquement fondés à faire reposer leur argumentation et leur vote sur des
considérations politiques”; C.I.J., Activités militaires et paramilitaires dans le Nicaragua et contre celui-
ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique, arrêt du 27 juin 1986, opinion dissident du juge Schwebel, in C.I.J.
Rec., 1986, p. 290, § 60, où l’on dit que “si le Conseil de sécurité est habilité par la Charte à constater
l’existence d’un acte d’agression, ce n’est pas en tant que juridiction. Il peut conclure à l’existence d’une
agression – ou, plus fréquemment, refuser de conclure dans ce sens – pour des considérations politiques
plus que juridiques […] Il peut tenir compte de considérations juridiques mais, à la différence d’un
tribunal, il n’est pas tenu de les appliquer”.
1008 Voir P. POZO SERRANO, La Corte internacional de justicia y las competencias del Consejo de
seguridad en el ámbito del mantenimiento de la paz y seguridad internacionales, cit., p. 428.

282
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

rappellera, par exemple, les Résolutions 423 du 14 mars 1978 et 448 du 30 avril 1979,
relatives à la Rhodésie du Sud, qui imputent au régime minoritaire illégal la violation
du droit à l’autodétermination, la Résolution 417 du 31 octobre 1977, relative à
l’Afrique du Sud, qui impute le crime d’apartheid, la Résolution 687 du 3 avril 1991,
qui affirme la responsabilité de l’Irak pour l’invasion du Koweït, la Résolution 276 du
30 janvier 1970, qui responsabilise le Gouvernement sud-africain pour la violation des
droits de l’homme en Namibie, la Résolution 787 du 16 novembre 1992, concernant la
Bosnie-Herzégovine, qui condamne la violation des droits de l’homme en Bosnie-
Herzégovine par la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro).1009
Par ailleurs, malgré la distinction soit consacrée à l’article 36 § 3 de la Charte des
N.U. et à l’article 13 du Pacte de la S.d.N., on ne peut pas affirmer une différence a
priori entre différends d’ordre politique et différends d’ordre juridique, car chaque
conflit entre États, comme chaque conflit entre personnes privées, a un caractère
politique, mais il n’efface pas le côté juridique de la question. Un conflit est politique,
ou économique, par rapport aux intérêts en jeu, mais il est, en même temps, juridique,
par rapport à l’ordre normatif qui règle ces intérêts. Ainsi, si le droit international est
reconnu comme un système de normes qui règlent les relations internationales, la partie
que ce droit joue dans les affaires internationales n’est ni mineure ni majeure de la
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partie que le droit national joue dans les affaires internes. Autrement dit, une différence
de type quantitatif, dans le sens que les droits internes règleraient plus de relations que
le droit international, ne peut pas exister: toutes les actions sont réglées par le droit,
autant sur le plan international que sur le plan interne, en vertu du principe d’exclusion,
selon lequel tout ce qui n’est pas interdit est permis.1010 Étant donné que le droit est une
logique qui s’applique aux comportements des sujets, individus ou personnes morales,
aucune conduite ne saurait lui échapper.1011 Il faut, donc, concevoir l’ordre international
comme un système proprement juridique, et, plus précisément, comme l’ordre universel
qui rend possible l’existence de tous les autres systèmes juridiques, y compris les États,
qui doivent se conformer à celui-ci.1012 Celle-ci est l’interprétation majoritaire en
doctrine et en jurisprudence.1013

1009 Sur le problème des résolutions du Conseil de sécurité voir Y. KERBRAT, La référence au Chapitre
VII de la Charte des Nations Unies dans les résolutions à caractère humanitaire du Conseil de sécurité,
Paris, L.G.D.J., 1995; C. RAMON, ¿Violencia necesaria? La intervención humanitaria en derecho
internacional, Madrid, Trotta, 1995.
1010 Voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik
(Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., 125; N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 169-
171, 248-253.
1011 Voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik
(Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 75-76; H. KELSEN, Théorie du droit international
public, cit., p. 175-181; W.N. HOHFELD, Some Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial
Reasoning, cit., p. 16 s. Sur le droit comme logique a priori voir A. REINACH, Die apriorischen
Grundlagen des bürgerlichen Rechtes, in Jahrbuch für Philosophie und phänomenologische Forschung,
1913, 1, p. 685-847, trad. it. G. Stella, L’idea della dottrina a priori del diritto, in A. CARRINO,
Metodologia della scienza giuridica, Napoli, Edizioni Scientifiche Italiane, 1989, p. 161-166.
1012 En faveur de la conception unitaire du droit et de la primauté du droit international sur les droits
étatiques voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik
(Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 153 s. Pour des considérations sur la pensée de H. Kelsen
voir C. LEBEN, Hans Kelsen and the Advancement of International Law, cit., p. 287 s.
1013 D’après H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental
Problems, cit., p. 478-479, un différend pourrait être qualifié de “juridique” ou “politique” non pas sur la
base de considérations d’ordre substantiel, mais sur la seule base de la solution institutionnelle choisie
pour le résoudre, selon la nature de l’organe désigné. Dans cet ordre d’idées voir, en doctrine, D.E.
ACEVEDO, Disputes under Consideration by the United Nations Security Council or Regional Bodies,
cit., p. 242-244; A. PELLET, La glaive et la balance. Remarque sur le rôle de la C.I.J. en matière de

283
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

La seule raison pour affirmer que le droit international joue un rôle mineur dans le
contrôle social réside dans le désir d’exclure la juridiction internationale pour certaines
relations entre les États, afin de justifier leur contrôle par un organe de nature non
juridictionnelle, tel que le C.d.S. Ceci équivaut à dire que, au fond, ce n’est pas le droit
de la paix qui régit les relations internationales, mais d’autres critères, notamment celui
de la puissance libre, selon les principes du droit de la guerre. De cette façon, d’après
une influente doctrine, on déplacerait le barycentre de l’organisation internationale du
droit à la force, en ouvrant la voie à l’anarchie et à la possibilité de régler les différends
par le biais de la guerre.1014
On remarquera, d’ailleurs, que les articles 12-17 du Pacte de la S.d.N., concernant la
répartition des compétences entre la juridiction arbitrale, celle de la C.P.J.I. et les
fonctions du Conseil et de l’Assemblée, définissaient de façon plus évidente l’action du
Conseil, précurseur du C.d.S., au sens juridictionnel.
Finalement, face à tous les problèmes que l’action du C.d.S. soulève, la question se
pose, aux N.U., de réformer cette institution, dans sa constitution et ses procédures,
notamment en vue d’une majeure représentativité démocratique et transparence. L’idée
de fond est celle de rendre cet organe, finalement, plus respectueux du principe
fondamental de l’égalité, dans le cadre d’une réforme générale des N.U., afin, surtout,
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d’instaurer une nouvelle architecture de la sécurité qui soit capable de repousser la


montée des réactions unilatérales. Dans cet esprit, le Secrétariat général a constitué, le 3
novembre 2003, un Groupe de haut niveau, composé de quinze personnalités éminentes,
chargé d’étudier la réforme des institutions onusiennes pour surmonter les principales
menaces et défis à la paix et à la sécurité internationales.1015

maintien de la paix et de la sécurité internationales, in R. AGO et al., International Law at a Time of


Perplexity, Essays in Honour of Shabtai Rosenne, Dordrecht/Boston/London, Martinus Nijhoff Publisher,
1989, p. 543, 553. En jurisprudence voir C.I.J., Conditions de l’admission d’un État comme membre des
Nations Unies (article 4 de la Charte), avis consultatif du 28 mai 1948, in C.I.J. Rec., 1948, p. 61, où on
lit que “la Cour ne peut attribuer un caractère politique à une demande” car elle tenue à exercer “une
fonction essentiellement judiciaire”; C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à
Téhéran, États-Unis d’Amérique/Iran, arrêt du 24 mai 1980, in C.I.J. Rec., 1980, p. 20, § 37, où on lit
que: “Nul n’a cependant jamais prétendu que, parce qu’un différend juridique soumis à la Cour ne
constitue qu’un aspect d’un différend politique, la Cour doit se refuser à résoudre dans l’intérêt des
Parties les questions juridiques qui les opposent”; C.I.J., Activités militaires et paramilitaires dans le
Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/Etats Unis d’Amérique, compétence et recevabilité, arrêt du 26
novembre 1984, in C.I.J. Rec., 1984, p. 435, § 95, où on lit que “la Cour ne s’est jamais dérobée devant
l’examen d’une affaire pour la simple raison qu’elle avait des implications politiques”.
1014 D’après H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 67, la “non
application du droit amène à l’anarchie , non pas à la modification du droit tel qu’elle est, apparemment,
voulue par la partie qui déclare la nature politique d’un conflit […] il est inutile de bannir la guerre sans
éliminer la possibilité des conflits juridiquement non composés et non solubles. Garder cette dangereuse
possibilité est la vraie fonction de la distinction entre conflits d’ordre politique et conflits d’ordre
juridique”.
1015 Voir A.G.N.U., Séances plénières, Comptes rendus analytiques des séances, 22 septembre 2003-2
octobre 2003 (7ème-22ème séances plénières, point 9 de l’ordre du jour, débat général), A/58/PV.7-22, 14
octobre 2003 (31ème séance plénière, point 56 de l’ordre du jour, Question de la représentation équitable
au C.d.S. et de l’augmentation du nombre de ses membres et questions connexes), A/58/PV.31, 28
octobre 2003 (46ème séance plénière, point 57 de l’ordre du jour, Réforme de l’O.N.U.: mesures et
propositions), A/58/PV.56, in A.G., doc. off, 58ème session, 2003, A/58/PV.1-54, disponible dans le site
Internet des N.U. ‹http://www.un.org/french/ga/58/pv.html›; A.G.N.U., Liste préliminaire des questions à
inscrire à l’ordre du jour provisoire de la cinquante-neuvième session, cit., point 55 de l’ordre du jour,
Question de la représentation équitable au C.d.S. et de l’augmentation du nombre de ses membres et
questions connexes, point 56 de l’ordre du jour, Renforcement du système des N.U., p. 7.

284
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

§ 6.9. La pratique développée par les Nations Unies: la substitution de l’Assemblée


générale au Conseil de sécurité.
Dans l’exécution de ses vastes compétences, l’A.G.N.U. peut s’intéresser aux
violations de la paix et de la sécurité internationales (article 10 de la Charte des N.U.),
mais sa compétence demeure subordonnée à celle du C.d.S. (article 12 de la Charte des
N.U.).1016
La pratique développée par les N.U., toutefois, a permis, à maintes reprises, de
substituer l’A.G. au C.d.S., en cas de paralysie due au mécanisme du veto, dans sa
responsabilité principale du maintien de la paix.
La Résolution 377 (V) du 3 novembre 1950 (L’union pour le maintien de la paix),
“Acheson”, dispose que “dans tous les cas où pourrait exister une menace contre la
paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression et où, du fait que l’unanimité n’a pas
pu se réaliser parmi ses membres permanents, le Conseil de sécurité a manqué à
s’acquitter de sa responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité
internationale, l’Assemblée examinera immédiatement la question afin de faire aux
membres permanents les recommandations appropriées sur les mesures collectives à
prendre, y compris, s’il s’agit d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression,
l’emploi de la force armée en cas de besoin, pour maintenir ou rétablir la paix et la
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sécurité internationales”.1017
On ne s’intéresse pas, ici, aux multiples problèmes que la Résolution pose,
notamment du point de vue de la conformité à la Charte, question largement débattue en
doctrine. Il suffira de rappeler, à ce propos, que la Résolution “Acheson” opère un
transfert de fonctions d’un organe à un autre de l’O.N.U. et donne à l’A.G. une
compétence dépassant ses fonctions, en conflit ouvert avec l’esprit de la Charte et,
notamment, des articles 11 § 2, 12 et 39, qui établissent la compétence exclusive du

1016 Voir M. BENNANI, Commentaire de l’article 10 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET,
La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 245-262; H. THIERRY,
Commentaire de l’article 11 paragraphe 1 de la Charte des N.U., in J.P. COT, A. PELLET, La Charte
des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 263-272; H. CASSAN, Commentaire de
l’article 11 paragraphes 2 et 3 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. –
Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 273-288; A. PIPART, Commentaire de l’article 11
paragraphe 4 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire
article par article, 2ème éd., cit., p. 289-293; P. MANIN, Commentaire de l’article 12 paragraphe 1 de la
Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème
éd., cit., p. 295-301; M.-C. SMOUTS, Commentaire de l’article 12 paragraphe 2 de la Charte des N.U.,
in J.-P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 303-
305; P. MANIN, Commentaire de l’article 14 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La
Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 331-336; L.M. GOODRICH, E.
HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 10, p.
111-114, article 11, p. 114-129, article 12, p. 129-133, article 14, p. 141-144. Sur la relation entre
l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des N.U. voir F. DELON, L’Assemblée générale peut-elle
contrôler le Conseil de sécurité?, in S.F.D.I., Le chapitre VII de la Charte des N.U., cit., p. 239 s.; A.
PELLET, La formation du droit international dans le cadre des N.U., cit., p. 413.
1017 Voir le texte de la Résolution 377 (V) du 3 novembre 1950 de l’A.G.N.U. dans le site Internet des
N.U. ‹http://www.un.org/french/documents/resga.htm› (site des N.U. répertoriant les Résolutions de
l’A.G.N.U.). Sur la Résolution 377 (V) du 3 novembre 1950 (“Acheson”) de l’A.G.N.U. voir N.U.,
Répertoire de la pratique des N.U., New York, 1955, vol. I, article 11, p. 305-406. En doctrine voir H.
KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental Problems, cit.,
Supplement: Recent Trends in the Law of the United Nations, p. 953-990; E. GIRAUD, La révision de la
Charte des Nations Unies, cit., p. 421-424; G.I. TUNKIN, The Legal Nature of the United Nations, in
R.C.A.DI., 1966-III, vol. 119, p. 48-56; M. KOSKENNIEMI, The Police in the Temple Order, Justice
and the U.N.: a Dialectical View, cit., p. 340.

285
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

C.d.S. dans la définition des violations de la paix.1018 Il importe, par contre, de


remarquer que, à différence du Conseil, l’Assemblée ne peut pas adopter des décisions
contraignantes à l’égard des États membres, mais, seulement, des recommandations,
conformément aux pouvoirs généraux dont elle dispose en vertu de l’article 10 de la
Charte des N.U.1019
Quoi qu’il en soit, il est clair que la composition de l’Assemblée, incluant tous les
membres des N.U. (article 9 de la Charte des N.U.), ainsi que le mécanisme de prise de
décisions à la majorité simple ou qualifiée des Membres présents et votant aux sessions
(article 18 de la Charte des N.U.), assure une majeure impartialité dans la prise des
décisions.1020 Cela n’empêche que la décision reste conditionnée à des facteurs d’ordre,
essentiellement, politique, qui ne devraient pas influencer la définition objective de
l’infraction. Restent irrésolus, finalement, même dans le cadre de l’Assemblée, le
problèmes qui découlent, du côté substantiel, de la qualification trop générique de
l’infraction impliquant la responsabilité majeure des États ainsi que des sanctions
conséquentes.

§ 6.10. L’alternative à l’action centralisée du Conseil de sécurité dans le système


onusien: les actions décentralisées des États.
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La gestion de la force (armée et non armée) est axée, dans le système défini par la
Charte des N.U., sur le Conseil de sécurité. En dehors de la Charte, dans le droit
international général de la guerre, l’emploi de la force est libre, tandis que, dans le droit
international général de la paix, toute action de force anti-juridique ne peut être
entreprise légitimement qu’en contre-mesure, si elle respecte le principe de la
proportion. Il existe, donc, une claire différence entre les États membres et les États
non-membres des N.U.: la qualité de membre comporte pour un État l’application d’un
régime institutionnel centralisé quant à la gestion de la force, tandis que les États qui
n’adhèrent pas au système des N.U., peux nombreux en pratique, demeurent libres
d’agir dans l’absolu selon les principes du droit international de la guerre et en contre-
mesure selon les principes du droit international de la paix. La Charte des N.U. tente de
mettre de l’ordre dans une matière qui, autrement, serait dangereusement anarchique,
notamment en cas de violations majeures, du moment que l’emploi de la force
totalement libre ou, tout de même, confié à la libre appréciation des États, pourrait se
prêter à des interprétations subjectives: les États membres de l’O.N.U. ne peuvent pas
se passer, au moins, de l’autorisation du Conseil de sécurité, s’ils veulent avoir recours
à la force. L’autorisation du C.d.S. étant la règle, la seule exception à ce contrôle est
constituée par le droit des États d’agir en légitime défense aux termes de l’article 51 de
la Charte des N.U.1021

1018 Pour tous voir R. DEGNI-SEGUI, Commentaire de l’article 24 paragraphes 1 et 2 de la Charte des
N.U., cit., p. 451 s.; Y. DAUDET, Maintien de la paix, cit., 1998, t. II, p. 5, § 23. Pour une opinion
favorable à l’idée que la Résolution 377 (V) est en accord avec le texte de la Charte des N.U. voir J.
ANDRASSY, Uniting for Peace, in A.J.I.L., 1956, vol. 50, n. 3, july, p. 563-582.
1019 Voir R. DEGNI-SEGUI, Commentaire de l’article 24 paragraphes 1 et 2 de la Charte des N.U., cit.,
p. 452; A. VERDROSS, Idées directrices de l’Organisation des Nations Unies, cit., p. 65-66.
1020 Voir A. LEWIN, Commentaire de l’article 9 de la Charte des N.U., in J.P. COT, A. PELLET, La
Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 237-243; A. LEWIN, Commentaire
de l’article 18 de la Charte des N.U., in J.P. COT, A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire
article par article, 2ème éd., cit., p. 385-393; L.M. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of
the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 9, p. 108-111, article 18, p. 168-176.
1021 Voir B. SIMMA, N.A.T.O., the U.N. and the Use of Force: Legal Aspects, in E.J.I.L., 1999, vol. 10,
n. 1, p. 1-22.

286
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

À la lumière de cette prémisse générale nous pouvons considérer les théories sur la
base desquelles la doctrine tente de justifier la réaction décentralisée aux infractions
majeures du droit international par les États membres des N.U., qui ont étés
développées, notamment, par rapport à des situations concrètes, précises, touchant à la
paix et à la sécurité internationales. Les arguments majeurs de ces doctrines consistent,
plus particulièrement, dans les théories de l’intervention humanitaire, de l’action en
légitime défense préventive et des pouvoirs implicites. Il s’agit, bien sûr, de questions
très controversées, qui ont provoqué plusieurs débats et qui ont fait naître bon nombre
d’études, juridiques autant que politiques. Nous n’avons pas l’intention de mener une
étude aussi analytique des différentes théories que d’autres auteurs l’ont fait. Il importe,
plutôt, de considérer quels sont les aspects communs aux différentes théories qui
envisagent l’action décentralisée des membres onusiens, pour savoir si une telle action
peut constituer une réponse légitime aux violations supérieures du droit international.
Par conséquent nous ne partons pas de chaque cas concret pour, ensuite, formuler des
considérations théoriques, mais nous analysons les différentes théories en rappelant, le
cas échéant, des situations pratiques particulières.1022
Une première théorie qui a été élaborée pour justifier l’emploi de la force armée en
dehors de l’autorisation du Conseil de sécurité est celle connue sous le nom de
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“intervention humanitaire”, qui se rattache à la théorie des violations des normes


cogentes. D’après cette doctrine les violations contre les droits de l’homme
constitueraient des violations d’obligations erga omnes indivisibles au sens absolu, de
sorte que tout État pourrait réagir, en tant que partie lésée, à une infraction de ce type
commise par un autre État.1023

1022 Pour une présentation générale des théories concernant l’action unilatérale dans le système onusien
voir R. WEDGWOOD, Unilateral Action in the U.N. System, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 2, p. 349 s.;
J.S. LEHMAN, Unilateralism in International Law. A United States-European Symposium –
Introduction, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 1, p. 1-2; P.-M. DUPUY, The Place and Role of Unilateralism
in Contemporary International Law, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 1, p. 19 s.; C. CHINKIN, The State that
Acts Alone: Bully, Good Samaritan or Iconoclast?, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 1, p. 31 s.; F.
FRANCIONI, Multilateralism à la Carte: the Limits to Unilateral Withholdings of Assessed Contribution
to the U.N. Budget, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 1, p. 43 s.; A. GERSON, Multilateralism à la Carte: the
Consequences of Unilateral “Pick and Pay” Approaches, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 1, p. 61 s.; D.
SIMON, L.-A. SICILIANOS, La “contre-violence” unilatérale: pratiques étatiques en droit
international, cit., p. 53 s.; P. DESPRETZ et al., Licéité du recours à la force armée en dehors des cas de
légitime défense individuelle ou collective ou d’autorisation par le Conseil de sécurité, Débat, in
Actualité et droit international, 1999, ‹http://www.ridi.org/adi›. Parmi les nombreuses études au sujet de
l’emploi de la force armée par les États de façon décentralisée, notamment en ce qui concerne sa
légitimité vis-à-vis du Conseil de sécurité, voir, concernant la thèse de l’intervention humanitaire par
rapport à l’action de l’O.T.A.N. au Kosovo, B. SIMMA, N.A.T.O., the U.N. and the Use of Force: Legal
Aspects, cit., p. 1 s.; A. CASSESE, Ex iniuria ius oritur: Are We Moving towards International
Legitimation of Forcible Humanitarian Countermeasures in International Law?, in E.J.I.L., 1999, vol.
10, n. 1, p. 23 s. Sur la théorie de la légitime défense préventive, notamment par rapport à l’action des
États-Unis contre le terrorisme voir A. D. SOFAER, On the Necessity of Pre-emption, in E.J.I.L., 2003,
vol. 14, n. 2, p. 209 s. Sur la théorie des pouvoirs implicites par rapport à l’action des États-Unis et du
Royaume-Uni de Grande Bretagne contre l’Irak tout aux long des années 1990 voir C. GRAY, From
Unity to Polarization: International Law and the Use of Force against Iraq, in E.J.I.L., 2002, vol. 13, n.
1, p. 1 s.
1023 En doctrine, sur le problème de l’intervention unilatérale, voir M. BETTATI, Le droit d’ingérence:
mutation de l’ordre international, Paris, Jacob, 1996; M. BETTATI, Un droit d’ingérence?, in
R.G.D.I.P., 1991, t. 95, n. 3, p. 639 s. Sur le problème de l’intervention humanitaire voir, notamment,
F.K. ABIEW, The Evolution of the Doctrine and Practice of Humanitarian Intervention, The
Hague/Boston/London, Kluwer Law International, 1999; B. SIMMA, N.A.T.O., the U.N. and the Use of
Force: Legal Aspects, cit., p. 2, 7; C. DOMINICÉ, The International Responsibility of States for
Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 361-363; L. HENKIN, Kosovo and the Law of Humantarian

287
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Cette interprétation est aisément soutenable pour les États qui ne sont pas parties à la
Charte des N.U., car ceux-ci demeurent libres de déterminer, au cas par cas, quelles
infractions peuvent les intéresser, sinon directement, au moins de façon indirecte, en
tant que violations d’obligations erga omnes absolues indivisibles. En revanche, la
même position est insoutenable pour les États membres des Nations Unies. La théorie
selon laquelle les violations majeures, notamment des droits de l’homme, même
exclusivement à l’intérieur d’un État, engendreraient le droit, et, à la limite, le devoir,
de tout État tiers d’intervenir, même par la force armée, en contre-mesure, se fonde sur
un argument d’ordre purement substantiel. En d’autre termes on peut convenir ou, à la
limite, être en désaccord sur le fait que, à la lumière du droit international général, tel
que déduit, aussi, de la Charte des N.U., les crimes contre l’humanité, tout comme les
autres violations majeures du droit international, constituent des violations
d’obligations erga omnes indivisibles au sens absolu, mais, en tout cas, la question de la
centralisation de la réaction relève au niveau de la procédure, non pas au niveau de la
substance. La Charte des N.U. soumet à l’autorisation du C.d.S. l’action de tout État qui
veut agir par la force afin de défendre les droits de l’homme en danger ou d’autres
droits absolus indivisibles, par conséquent une action menée au nom de l’intervention
humanitaire ou de toute autre norme cogens par un État membre des N.U. en dehors de
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l’autorisation du C.d.S. constitue, avant tout, une violation de l’article 2 § 4 de la


Charte, qui interdit le recours à la force décentralisée dans les relations
internationales.1024 Dans cette optique l’action menée par l’O.T.A.N. au Kosovo, au
nom de l’intervention “humanitaire”, doit être considérée comme illégale, car elle a été
décidée sans l’autorisation du C.d.S. en raison, notamment, de l’opposition de la
Russie.1025 Les mêmes considérations valent pour l’action menée par les États-Unis et la

Intervention; in A.J.I.L., 1999, october, vol. 93, n. 4, p. 824 s.; R. WEDGWOOD, N.A.T.O.’s Campaign
in Yougoslavia, in A.J.I.L., 1999, october, vol. 93, n. 4, p. 828 s.; T.M. FRANCK, Lessons of Kosovo, in
A.J.I.L., 1999, october, vol. 93, n. 4, p. 857 s.; A. ORFORD, Muscular Humanitarism: Reading the
Narratives of the New Interventionism, in E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 4, p. 679 s. En faveur de
l’intervention humanitaire, du moins en l’absence d’une cour compétente pour juger les crimes contre les
droits de l’homme, voir J. DANIEL, Vers une Cour pénale internationale?, in Le Monde, n. 13994,
mercredi 24 janvier 1990, Débats, p. 2.
1024 Dans cet ordre d’idées voir W.M. REISMAN, Unilateral Action and Transformations of the World
Constitutive Process. The Special Problem of Humanitarian Intervention, in E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 1,
p. 17; A. CASSESE, A Follow-up: Forcible Humanitarian Countermeasures and opinio necessitatis, in
E.J.I.L., 1999, vol. 10, n. 4, p. 791 s.; A. CASSESE, Ex iniuria ius oritur: Are We Moving towards
International Legitimation of Forcible Humanitarian Countermeasures in the World Community?, cit., p.
23 s.; B. SIMMA, N.A.T.O., the U.N. and the Use of Force: Legal Aspects, cit., p. 5.
1025 Voir B. SIMMA, N.A.T.O., the U.N. and the Use of Force: Legal Aspects, cit., p. 6.-14; P. HILPOD,
Humanitarian Intervention: Is there a Need for a Legal Reapprisal?, in E.J.I.L., 2001, vol. 12, n. 3, p.
437 s.; M.G. KOHEN, L’emploi de la force et la crise du Kosovo: vers un nouveau désordre juridique
international, in R.B.D.I., 1991, 1, p. 122 s. Sur l’intervention “humanitaire” au Kosovo voir L.
HENKIN, Kosovo and the Law of “Humanitarian Intervention”, cit., p. 824 s.; J.I. CHARNEY,
Anticipatory Humanitarian Intervention in Kosovo, in A.J.I.L., 1999, october, vol. 93, n. 4, p. 834 s.; C.
CHINKIN, Kosovo: a “Good” or “Bad” War?, in A.J.I.L., 1999, october, vol. 93, n. 4, p. 841 s.; R.A.
FALK, Kosovo, World Order, and the Future of International Law, in A.J.I.L., 1999, october, vol. 93, n.
4, p. 847 s.; T.M. FRANCK, Lessons of Kosovo, cit., p. 857 s.; W.M. REISMAN, Kosovo’s Antinomies,
in A.J.I.L., 1999, october, vol. 93, n. 4, p. 860 s.; P. DESPRETZ, Le droit international et les menaces
d’intervention de l’O.T.A.N. au Kosovo, in Actualité et droit international, novembre 1998, in
‹http://www.ridi.org/adi›; A. BUZZI, L’intervention armée de l’O.T.A.N. en République fédérale de
Yougoslavie, Pedone, Paris, 2001. Sur la question de la légitimité de l’intervention de l’O.T.A.N. au
Kosovo voir P. DESPRETZ et al., Licéité et conséquences juridiques de l’intervention de l’O.T.A.N. en
République fédérale de Yougoslavie, Débat, in Actualité et droit international, 1999, in
‹http://www.ridi.org/adi›.

288
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

Grande Bretagne à défense des Kurdes en Iraq en 1991 et en 2001, qui s’est déroulée en
l’absence d’une autorisation explicite du C.d.S. à l’emploi de la force armée.1026
Selon une approche totalement différente, une action impliquant l’emploi de la force
pourrait être menée par un État onusien sans l’autorisation, préventive ou successive, du
C.d.S., lorsqu’elle constitue une forme de légitime défense préventive.1027 Dans ce cas,
la légalité de l’emploi de la force est soutenue sur une base complètement autre par
rapport à celle de l’intervention humanitaire et des violations du ius cogens: il n’est plus
question de justifier l’action décentralisée par la forme du droit mais par l’interprétation
des limites du contenu de la légitime défense telle que définie à l’article 51 de la Charte
des N.U. D’après les auteurs qui soutiennent cette position, notamment, il faudrait
concevoir les limites fixées à l’article 51 de façon flexible pour les adapter aux
nouvelles menaces à la paix et à la sécurité internationales portées, notamment, par le
développement des armes de destructions massives et la prolifération du phénomène du
terrorisme. Ainsi, un État pourrait estimer d’agir en légitime défense lorsqu’il fait face
non pas à une agression armée, comme le demande l’article 51 de la Charte, mais à une
simple menace. La consistance de la menace devrait être évaluée sur la base de la
magnitude, de la probabilité de réalisation en l’absence de l’action préventive, de
l’exhaustion des mesures alternatives à la force armée, ainsi que de la conformité à la
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Charte, notamment à l’article 2 § 4, qui empêche l’emploi de la force dans les relations
inter-étatiques seulement lorsque celle-ci est “de toute manière incompatible avec les
buts des Nations Unies”. Dans cette perspective, selon une partie de la doctrine, l’action
préventive récemment menée, en 2003, par la Coalition, sous l’égide des États-Unis et
de la Grand Bretagne, à l’égard de l’Iraq, serait justifiée, notamment, par la menace du
développement des armes de destructions massives.1028
Cette théorie semble élargir excessivement les limites des conditions du recours à
l’action en légitime défense, car le concept de “menace” n’est cité nulle part dans
l’article 51 de la Charte des N.U.: le seul cas contemplé où un État peut agir en légitime
défense est celui où il est victime d’une agression armée.1029 En plus, l’action en
légitime défense doit être considérée comme temporaire, en l’attente des décisions du
C.d.S. Ainsi certains auteurs soulignent les périls sous-tendus au concept de “guerre
préventive” et les dérives anarchiques potentielles qu’elle implique. Notamment, on
s’inquiète de la contrariété du concept en question aux principes de la Charte des N.U et
on conteste l’efficacité de la guerre unilatérale par rapport aux problèmes auxquels elle
prétend de donner une solution.1030 Dans cet ordre d’idées, d’après une partie de la

1026 Voir C. GRAY, From Unity to Polarization: International Law and the Use of Force against Iraq,
cit., p. 11 s. En jurisprudence la C.I.J., au cours de l’affaire du Détroit de Corfou, a retenu la Grande
Bretagne responsable de la violation de la souveraineté de l’Albanie, pour avoir déminé le détroit de
Corfou dans les eaux territoriales albanaises, malgré le but humanitaire de son action (voir C.I.J., Détroit
de Corfou, Royaume Uni/Albanie, fond, fond, 2 avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 4 s.).
1027 Pour un aperçu critique des questions fondamentales inhérentes à la théorie de la légitime défense
préventive voir P. TAVERNIER et al., Les États-Unis sont-ils en situation de légitime défense à la suite
des attentats du 11 septembre 2001?, in Actualité et droit international, 2001-2002, in
‹http://www.ridi.org/adi›.
1028 Voir A. D. SOFAER, On the Necessity of Pre-emption, cit., p. 220 s.
1029 Sur l’interprétation des limites établies par l’article 51 de la Charte des N.U. voir O. SCHACHTER,
Self-defense and the Rule of Law, in A.J.I.L., 1989, april, vol. 83, n. 2, p. 270-273; J. VERHOEVEN, Les
“étirements” de la légitime défense, in A.F.D.I., 2002, XLVIII, not. p. 78-80; M. TIGROUDJA, Quel(s)
droit(s) applicable(s) à la “guerre au terrorisme”?, in A.F.D.I., 2002, XLVIII, p. 81-93.
1030 Voir L.F. DAMROSCH et al., Future Implications of the Iraq Conflict, in A.J.I.L., 2003, july, vol.
97, n. 3, p. 553-628; W.H. TAFT, T.F. BUCAWALD, Pre-emption, Iraq and International Law, in
A.J.I.L., 2003, july, vol. 97, n. 3, p. 557 s.; L.F. DAMROSCH et al., Future Implications of the Iraq
Conflict, in A.J.I.L., 2003, october, vol. 97, n. 4, p. 782-802; C. STAHN, Enforcement of the Collective

289
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

doctrine, l’action menée en 2003 contre l’Irak par la Coalition, sous l’égide des États-
Unis et de la Grand Bretagne constituerait une violation de l’article 2 § 4 de la Charte
des N.U., une agression au sens de la Résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 de
l’A.G.N.U. et, potentiellement, un crime aux termes du Statut de la C.P.I.1031
Un autre argument fonde la légitimité de l’action décentralisée des États onusiens sur
la base de la théorie des pouvoirs implicites. D’après cette conception les États seraient
autorisés à employer la force, en cas de paralysie du C.d.S., sur la base d’éventuelles
résolutions précédentes du Conseil autorisant l’emploi de la force vis-à-vis de la même
situation. Plus particulièrement, dans la détermination de l’intention du C.d.S. il
faudrait prendre en compte non seulement les résolutions officielles, mais aussi
l’attitude générale du Conseil en cas de situations mettant en danger la paix et la
sécurité internationales.1032 La théorie des pouvoirs implicites a été exploitée, en
combinaison avec celle de l’intervention humanitaire, notamment, pour justifier les
actions des États-Unis et de la Grand Bretagne en Iraq en 1998, au cours de l’opération
“Desert fox”, ainsi que celle de l’O.T.A.N. au Kosovo.1033
Sans rentrer ni dans le détail du fait que le cumule d’arguments en faveur de l’action
décentralisée n’est pas forcement convaincant, surtout lorsque les arguments sont
faibles, ni d’ailleurs dans le mérite des intérêts politiques qui peuvent motiver l’action
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

des États, on remarquera que, du point de vue de la substance, donc du droit matériel,
les arguments de la théorie des pouvoirs implicites en faveur de l’intervention armée
étatique décentralisée peuvent même être valables, mais le problème demeure,
entièrement, sur le plan de la procédure. Valent les considérations développées à propos
de l’intervention humanitaire: les États membres des N.U. ne peuvent pas se passer de

Will after Iraq, in A.J.I.L., 2003, october, vol. 97, n. 4, p. 804 s.; R. BEN ACHOUR, L’O.N.U. et l’Irak
II, in Actualité et droit international, novembre 2003, in ‹http://www.ridi.org/adi›; J. CHARNEY, The
Use of Force against Terrorism and International Law, in A.J.I.L., 2001, october, vol. 95, n. 4, p. 833;
T.M. FRANCK, Terrorism and the Right to Self-defense, in A.J.I.L., 2001, october, vol. 95, n. 4, p. 839;
R. CHATWIN, L’affrontement États-Unis/Afghanistan et le déclin du droit international, in Actualité et
droit international, novembre 2001, ‹http://www.ridi.org/adi›; P.M. DE LA GORCE, Ce dangereux
concept de guerre préventive, in Le Monde Diplomatique, n. 582, septembre 2002, in
‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 10-11; I. RAMONET, Illégale agression, in Le Monde
Diplomatique, n. 589, avril 2003, in ‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 1; I. RAMONET, Irak, le
“merdier”, in Le Monde Diplomatique, n. 597, décembre 2003, in ‹http://www.monde-diplomatiqeu.fr›,
p. 1. Dans un ordre d’idées clairement contraire à la thèse de la légitime défense préventive voir A.
CASSESE, Commentaire de l’article 51 de la Charte des N.U., cit., p. 776-780. En jurisprudence, en
faveur d’une interprétation stricte de la légitime défense, voir C.I.J., Activités militaires et paramilitaires
au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique, arrêt du 27 juin 1986, fond, in C.I.J.
Rec., 1986, p. 102 s., § 193 s.
1031 Voir P.-M. DUPUY, L’unité de l’ordre juridique international – Cours général de droit
international public, cit., p. 344-352; F. NGUYEN ROUAULT, L’intervention armée en Irak et son
occupation au regard du droit international, cit., p. 835 s.; S. LAGHMANI, Du droit international au
droit impérial? Réflexions sur la guerre contre l’Irak, in Actualité et droit international, avril 2003,
‹http://www.ridi.org/adi›; R. CHATWIN, La guerre anglo-américaine contre l’Irak et le droit
international – “Apocalypse law”, in Actualité et droit international, avril 2003,
‹http://www.ridi.org/adi›. Pour un aperçu de l’action unilatérale menée par les États de la Coalition en
Irak de 2003 voir C.d.S., Communiqué de presse, Après les dissensions sur la crise Irakienne, le Conseil
retrouve l’unité pour remplir son mandat de maintien de la paix et de la sécurité internationales, CS/2616,
16 janvier 2004, in ‹http://www.un.org/News/fr-press/docs/2004/CS2616.doc.htm›.
1032 Voir O. CORTEN, F. DUBUISSON, L’hypothèse d’une règle émergente fondant une intervention
militaire sur une “autorisation implicite” du Conseil de sécurité, in R.G.D.I.P., 2000, t. 104, n. 4, p. 873
s.
1033 Voir C. GRAY, From Unity to Polarization: International Law and the Use of Force against Iraq,
cit., p. 14 s., 16 s.

290
LA RÉACTION AUX INFRACTIONS MAJEURES ÉTATIQUES: PROBLÈMES LIÉS
AUX CONTRE-MESURES EN DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ET AUX PROCÉDURES ONUSIENNES

l’autorisation du C.d.S., au cas par cas, pour employer la force à l’égard des autres
États.1034

Conclusion.
Du point de vue institutionnel, en dehors du système de sécurité défini par la Charte
des N.U., au niveau des principes généraux du droit international, un ordre indifférencié
de la responsabilité est en vigueur. Dans le droit international de la guerre vaut le ius
omnium contra omnes. Dans le droit international de la paix les États sont libres de
juger les violations, majeures ou mineures, perpétrées par ses égaux et de les
sanctionner, s’ils s’estiment violés dans leurs droits, en ayant recours à l’adoption des
contre-mesures en fonction exécutive. Cette configuration dessine, dans le domaine des
violations majeures, conçues comme contraires au ius cogens, une communauté
internationale déréglée, totalement anarchique, où il est impossible de contrôler les
réactions aux violations, car chaque État décide, de façon autonome, de l’existence des
infractions et des réactions appropriées.1035 La solution des conflits par la négociation,
la conciliation ou les instances judiciaires demeure confiée à l’accord, donc à la bonne
volonté des parties. Du moment que le nombre des États qui ne font pas partie de
l’Organisation des Nations Unies est très réduit, on peut considérer cette hypothèse
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

comme marginale.
La Charte des N.U., de son côté, fonde tout le système de la sécurité internationale
sur l’action du Conseil de sécurité: seulement le Conseil peut décider quand il existe
une violation majeure du droit international par un État et, ensuite, établir les mesures à
adopter en réaction, éventuellement en autorisant les États membres à prendre une série
de mesures impliquant l’emploi de la force, non armée et armée. L’action autonome par
un État est admise seulement en légitime défense pour régir à l’agression armée, aux
termes de l’article 51 de la Charte.1036 Il s’agit d’une tentative de rationaliser la prise
des décisions en matière de responsabilité majeure des États par le biais de la
centralisation des pouvoirs dans le Conseil de sécurité, issue de l’accord des grandes
puissances au terme de la seconde guerre mondiale. Quoique cette procédure constitue
une tentative appréciable de sortir de l’anarchie absolue, elle manifeste plusieurs
problèmes, dont on ne retiendra que les plus évidents. Tout d’abord le Conseil jouit
d’un pouvoir presque illimité, du moment que les infractions ne sont pas définies plus
précisément qu’à l’article 39 de la Charte, par l’expression “menace ou rupture de la
paix”. En outre, en vertu de l’article 23 de la Charte, la composition de l’organe est de
nature politique, alors que la fonction exercée par l’organe est, plutôt, de type
juridictionnel. Par ailleurs l’adoption des décisions par le biais de la procédure
impliquant le droit de veto dans la prise de décisions à l’unanimité des membres
permanents, aux termes de l’article 27 § 3 de la Charte, empêche un fonctionnement
constant et fiable de l’organe.

1034 Pour une critique de la théorie des pouvoirs implicites voir V. GOWLLAND-DEBBAS, The Limits
of Unilateral Enforcement of Community Objectives in the Framework of U.N. Peace Maintenance, in
E.J.I.L., 2000, vol. 11, n. 2, p. 372-374.
1035 Sur la gestion de la force en droit international général voir A. CASSESE, The Current Regulation of
the Use of Force, Dordrecht, Martinus Nijhoff Publisher, 1986. Sur la communauté internationale comme
organisation anarchique voir A. LEJBOWICZ, Philosophie du droit internationale, cit., p. 388; A.-C.
ROBERTS, Justice internationale, politique et droit, cit., p. 25; I. KANT, Zum ewigen frieden (Per la
pace perpetua) cit., p. 31, 37-57.
1036 Sur le système onusien voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p.
888 s.; P.-M. DUPUY, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 573 s.

291
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Le Conseil de sécurité, cœur du système onusien, d’abord paralysé par les instances
de la guerre froide, ensuite maintes fois bloqué par les différentes vues et intérêts de ses
membres, semble souvent incapable d’assumer son rôle, de sorte que les États membres
le dépassent dans la prise des décisions. Toutefois, les doctrines qui cherchent à
autoriser la réaction autonome et décentralisée des États membres des N.U. aux
violations majeures du droit international, pas du tout convaincantes en termes de
démonstration juridique, préfigurent un retour dangereux à la gestion anarchique des
conflits typique des principes généraux du droit international.1037
En général on a la sensation d’être en face d’un cadre assez incohérent, difficilement
maîtrisable et, par conséquent, pas du tout rassurant, de la responsabilité majeure
internationale, autant au niveau de l’indétermination de la notion, quand même réelle,
d’infraction majeure, qu’au niveau de la variété et de la confusion des procédures de
réaction.
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1037 Dans cet ordre d’idées voir T.M. FRANCK, Who Killed the Article 2 (4) or: Changing Norms
Governing the Use of Force by States, in A.J.I.L., 1970, october, vol. 64, n. 4, p. 809 s.

292
CHAPITRE 7
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR
INTERNATIONALE DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES
ÉTATS

Introduction. § 7.1. La Cour internationale de justice: cadre général. § 7.2. La C.I.J. et ses relations
avec les organes politiques des Nations Unies, notamment la superposition de l’action du C.d.S. en
matière de responsabilité majeure des États. § 7.3. L’absence d’un mécanisme pour la résolution
des conflits d’attribution entre la C.I.J. et le C.d.S. et d’un critère uniforme de jugement. § 7.4.
Possibles solutions ratione materiae au conflit de compétence entre la C.I.J. et le C.d.S. d’après la
doctrine et la jurisprudence. § 7.5. La primauté des décisions du C.d.S. selon la jurisprudence de la
C.I.J. élaborée au cours de l’affaire de Lockerbie. § 7.6. Les décisions du Conseil de sécurité contra
ius et le contrôle de la Cour internationale de justice. § 7.7. La responsabilité pénale de l’État entre
la C.I.J. et le C.d.S.: les ordonnances de la C.I.J. dans l’affaire relative à l’application de la
Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide. § 7.8. L’exécution des décisions
de la C.I.J. par le C.d.S.: l’article 94 de la Charte des N.U. Conclusion.

Introduction.
Normalement l’existence d’un État, donc d’un ordre juridique, de type libéral, qui
assure les libertés individuelles et les droits fondamentaux de la personne, présuppose la
séparation des pouvoirs. Dans le balancement, la coordination et, si nécessaire,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

l’opposition des fonctions fondamentales de l’État, naît l’équilibre essentiel pour


garantir les droits de l’individu. Si cet équilibre devait être brisé, les libertés
fondamentales seraient mises en sérieux danger et l’ordre social en sortirait
profondément bouleversé.
En droit international général le principe de la séparation des pouvoirs ne peut pas
exister, en l’absence d’institutions supérieures aux États. Si l’on considère que le
système juridique international est l’ordre de tous les ordres, auquel les droits internes
devraient se conformer, du moins d’après la vision moniste de H. Kelsen, il n’y a guère
de quoi être rassurés. Dans le droit international relatif la question concerne,
notamment, les rapports entre les différents organes de l’O.N.U., et tient,
fondamentalement, à la relation entre l’action du C.d.S. et celle de la C.I.J., car leur
activité s’entrecroise dans la gestion des infractions majeures des États. En effet l’un et
l’autre organe peuvent être appelés à se prononcer sur une même question concernant la
responsabilité, notamment majeure, des États, respectivement dans l’exercice de leurs
fonctions “politiques” et judiciaires.1038 Jusqu’aux années 1990, lorsque le climat
politique n’était pas favorable à l’épanouissement de l’action de la C.I.J. et du C.d.S., le
conflit n’a pas été manifeste. Depuis les années 1990, dans une ambiance propice à
l’épanouissement des fonctions des deux organes, le conflit est devenu évident.
Dans le présent chapitre nous étudions comment se configure la relation entre la
C.I.J. et les organes des N.U. en matière de gestion des infractions internationales
majeures des États. On limite les considérations, pour l’essentiel, aux problèmes du

1038 Voir G. GUILLAUME, La C.I.J. à l’aube du XXI siècle – Le regard d’un juge, cit., p. 239 s.; P.
POZO SERRANO, La Corte internacional de justicia y las competencias del Consejo de seguridad en el
ámbito del mantenimiento de la paz y seguridad internacionales, cit., p. 420-421; M. VIRALLY, Le
champ opératoire du règlement judiciaire international, in R.G.D.I.P., 1983, t. 87, n. 2, p. 281 s.; L.
CONDORELLI, L’autorité de la décision des juridictions internationales permanentes, in S.F.D.I., La
juridiction internationale permanente, Colloque de Lyon, 29-31 mai 1986, Paris, Pedone, 1987, p. 277 s.;
L. CONDORELLI, Des lendemains qui chantent pour la justice internationale?, in J. BOULOIS et al.,
Le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, cit., p. 205; D. AKANDE,
The International Court of Justice and the Security Council: Is There Room for Judicial Control of
Decisions of the Political Organs of the United Nations?, in I.C.L.Q., 1997, p. 309 s.; L. CONDORELLI,
La C.I.J.: quarante ans et (pour l’heure) pas une ride, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 3, p. 382 s.
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

rapport entre la C.I.J. et le C.d.S., sans considérer les questions concernant la relation
entre l’action de la C.I.J. et celle d’autres organes onusiens, notamment l’Assemblée
générale et le Secrétariat général, d’abord car ces derniers organes, généralement, ne
sont pas en mesure d’imposer des obligations aux États, en outre pour le fait que le
C.d.S. joue le rôle principal dans la gestion de la responsabilité majeure des États.
L’analyse démarre par le constat du possible conflit de compétence entre la C.I.J. et
le C.d.S., en raison des différends qui mettent en danger la paix internationale, et par
l’analyse des possibles solutions prospectées par la doctrine et par la jurisprudence. On
évalue ensuite, par l’examen de la jurisprudence de la C.I.J., quelles peuvent être les
conséquences de la superposition des compétences. L’étude se termine par la prise en
considération de la position du C.d.S. par rapport aux décisions de la C.I.J. du côté
exécutif. Le but de cette étude est de mettre en évidence les problématiques
fondamentales qui naissent de la gestion des infractions majeures étatiques, en même
temps, par la C.I.J. et le C.d.S. Les questions que nous abordons anticipent et
préfigurent, en quelque sorte, les questions majeures qui concernent la relation entre la
C.P.I. et le C.d.S.

§ 7.1. La Cour internationale de justice: cadre général.


tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Il est important de déterminer, même brièvement, quelle est la fonction de la C.I.J.


au sein de l’Organisation des Nations Unies, pour pouvoir, ensuite, analyser comment
l’action de la Cour peut se rapporter à celle du Conseil de sécurité.1039
La C.I.J. constitue l’un des six organes principaux de l’Organisation, avec
l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, le
Conseil de tutelle et le Secrétariat (article 7 de la Charte des N.U.).
D’après la Charte des N.U. la C.I.J., héritière des fonctions de l’ancienne C.P.J.I., est
“l’organe judiciaire principal des Nations Unies”, qui fonctionne conformément à un
Statut, élaboré sur la base de celui de la C.P.J.I. et annexé à la Charte (article 92 de la
Charte des N.U. et article 1er du Statut de la C.I.J.). Tous les Membres de l’ON.U. sont,
par conséquent, ipso facto parties au Statut de la C.I.J. (article 93 de la Charte des
N.U.).1040 À différence de la C.P.J.I., donc, qui n’était pas un organe de la S.d.N. mais
une institution indépendante, la C.I.J. constitue un organe des N.U. à tous les effets.1041
La juridiction de la Cour n’exclue pas celle d’autres tribunaux internationaux (article
95 de la Charte des N.U.).
La Cour peut être chargée de juger, par voie contentieuse, des différends inter-
étatiques, ou bien de rendre des avis consultatifs à l’A.G.N.U., au C.d.S. et aux

1039 Sur la position de la C.I.J. au sein des N.U. voir S.H. SCHWEBEL, Relations between the I.C.J. and
the United Nations, in J. BOULOIS et al., Le droit international au service de la paix, de la justice et du
développement, cit., p. 431 s.; M. LACHS, The United Nations Maintenance of International Peace and
Security, Dordrecht/Boston/London, Martinus Nijhoff Publisher, 1987, p. 147 s. Sur l’organisation et les
fonctions de la C.I.J. voir H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its
Fundamental Problems, cit., p. 463-549.
1040 Voir G. GUYOMAR, Commentaire de l’article 93 de la Charte des N.U., in J.-P-. COT., A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 1265-1274. Pour des
renseignements sur la C.I.J. et ses activités voir les sites Internet ‹http://www.icj-cij.org› (site officiel de
la C.I.J.); ‹http://www.icj-cij.org/cijwww/csepasse.htm› (site contenant les dernières nouvelles relatives à
la C.I.J.).
1041 Voir E.J. DE ARÉCHAGA, Commentaire de l’article 92 de la Charte des N.U., in J.P. COT, A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 1249; L.M.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., article 92, p. 552.

294
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

institutions spécialisées des N.U. autorisées à cet effet par l’A.G. (article 96 de la
Charte des N.U.).
Suivant le Statut de la C.I.J., la Cour est un corps de magistrats indépendants (article
2 du Statut de la C.I.J.), composé de quinze membres (article 3 du Statut de la C.I.J.) élu
par l’A.G.N.U. et par le C.d.S. sur la base d’une liste de personnes soumis par les
groupes nationaux de la C.P.A. (article 4 du Statut de la C.I.J.).
Seuls les États peuvent se présenter devant la Cour (article 34 du Statut de la C.I.J.),
alors que sa compétence s’étend à toutes les affaires soumises par les parties en point de
droit international. La compétence de la Cour est, donc, facultative, mais les États
peuvent déclarer, à tout moment, de la reconnaître comme obligatoire pour tous le
différends qui s’élèveraient entre eux ou seulement dans certaines matières. Les États
peuvent soumettre à la juridiction de la Cour “tous les différends juridiques ayant pour
objet: a) L’interprétation d’un traité; b) Tout point de droit international; c) La réalité de
tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement international; d)
La nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement
international” (article 36 du Statut de la C.I.J.). La C.I.J. jouit, ratione materiae, d’une
compétence illimitée.1042
La décision de la C.I.J., adoptée à la majorité des juges présents (article 55 du Statut
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

de la C.I.J.), conclue un procès qui se déroule, selon l’approche typique des procédures
juridictionnelles étatiques, en deux phases: l’une écrite, impliquant la présentation des
mémoires, des contre-mémoires, des répliques et des documents à l’appui, l’autre, orale,
consistant dans l’audition des témoins, experts, agents, conseils et avocats (article 43 du
Statut de la C.I.J.). L’arrêt, motivé (article 56 du Statut de la C.I.J.), est définitif et sans
recours (article 60 du Statut de la C.I.J.), la révision étant possible seulement en raison
de la découverte d’un fait décisif inconnu (article 61 du Statut de la C.I.J.). Les États
s’engagent à se conformer aux décisions de la C.I.J. dans les différends auxquels ils
sont parties. En cas de violation des obligations découlant des décisions de la Cour, la
partie lésée peut recourir au C.d.S. et celui-ci peut faire des recommandations ou
décider l’application de mesures exécutives (article 94 de la Charte des N.U.).1043
En voie consultative la Cour donne son avis, en audience publique, sur la requête des
institutions autorisées (articles 65-68 du Statut de la C.I.J.): celle-ci constitue une
procédure de résolution indirecte des conflits inter-étatiques.1044

1042 Sur l’étendue de la compétence matérielle de la C.I.J. voir P. POZO SERRANO, La Corte
internacional de justicia y el Consejo de seguridad en el ámbito del mantenimiento de la paz y de la
seguridad internacionales, cit., p. 449.
1043 Pour une présentation des dispositions de la Charte des N.U. concernant la C.I.J. et des normes du
Statut de la C.I.J. voir E.J. DE ARÉCHAGA, Commentaire de l’article 92 de la Charte des N.U., cit., p.
1249-1263; O.N.U. (Département de l’information), La Charte des N.U. commentée, 3ème éd., cit., p. 37-
42.
1044 Voir P. DAILLIER, Commentaire de l’article 96 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET,
La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 1291-1306; L.M. GOODRICH, E.
HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 96, p.
559-571. La Cour a remarqué qu’elle exerce une fonction judiciaire aussi bien dans le cadre des décisions
contentieuses que dans celui des avis consultatifs (voir C.I.J., Cameroun septentrional,
Cameroun/Royaume Uni, arrêt du 2 décembre 1963, in C.I.J. Rec., 1963, p. 29-39). En outre la Cour a
tenu à préciser qu’elle jouit d’un pouvoir discrétionnaire pour dispenser les avis consultatifs mais,
normalement, elle les donne comme actes de participation à l’activité des N.U. (voir C.I.J., Différend
relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, avis
consultatif du 29 avril 1999, in C.I.J. Rec., 1999, p. 78-79, § 28-29). Pour un cas de demande d’avis
consultatif à la C.I.J. par le C.d.S., concernant la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie
malgré la Résolution 276 du 30 janvier 1970 du C.d.S., voir C.d.S. (Département des affaires politiques
et des affaires du C.d.S.), Répertoire de la pratique du Conseil de sécurité, 1969-1971, N.U., New York,

295
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

§ 7.2. La C.I.J. et ses relations avec les organes politiques des Nations Unies,
notamment la superposition de l’action du C.d.S. en matière de responsabilité
majeure des États.
En vertu de l’encadrement général esquissé et du moment que le but par excellence
de l’O.N.U. consiste dans le maintien de la paix internationale, la Cour doit,
nécessairement, jouer un rôle dans la sauvegarde de la sécurité.
En tant que corps juridictionnel, la Cour n’est soumise à aucun autre pouvoir dans
l’exercice de ses fonctions, elle est donc indépendante: sa mission est celle d’examiner,
de façon autonome, les questions que les États lui soumettent.
Sur le plan procédural, le fait que la nature de la C.I.J. soit d’ordre juridictionnel,
implique que sa façon de fonctionner est radicalement différente par rapport à la
démarche des autres organes qui composent l’organisation, qui exercent leurs fonctions
selon des critères de type politique, à des niveaux différents, en raison de la position
occupée au sein de l’Organisation. La Cour, par sa nature et sa constitution, applique
aux cas dont elle est saisie les critères et les méthodes objectives propres du droit, que
les autres organes ne sont pas tenu d’appliquer: elle est appelée à évaluer des faits, sur
la base des preuves, pour ensuite les qualifier juridiquement, selon le principe de
légalité.1045 En raison de sa nature, donc, la Cour se configure comme une exception au
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sein de l’Organisation des Nations Unies, car elle représente le droit objectif dans un
cadre dominé par les principes de l’action politique. Ce n’est probablement pas par
hasard que les dispositions qui règlent son fonctionnement se trouvent quasiment au
fond de la Charte, au chapitre XIV, juste avant celles dédiées au Secrétariat, intégrées,
naturellement, par le Statut annexé, comme pour en souligner la fonction de gardien
ultime du bon fonctionnement du droit international.
La nature juridictionnelle de l’action, liée à des critères objectifs bien définis, limite
fortement le pouvoir dont la Cour pourrait jouir en tant qu’organe fondamental de
l’organisation, car elle ne peut, à aucun moment, quitter son intégrité judiciaire.1046

1976, doc. ST/PSCA/1/Add.6, disponible in ‹http://www.un.org/french/docs/cs/repertoire/index.html›,


Chapitre 6, p. 76-81.
1045 En jurisprudence, sur la décision de la C.I.J. comme application de critères strictement juridiques,
voir, C.I.J., Conditions d’admissions d’un État comme nouveau membre des N.U. (article 4 de la Charte),
avis consultatif du 28 mai 1948, in C.I.J. Rec., 1948, p. 61 s., où la Cour a affirmé que “il a été […]
prétendu que la question posée doit être tenue pour politique et qu’elle échapperait, à ce titre, à la
compétence de la Cour. La Cour ne peut attribuer un caractère politique à une demande, libellée en
termes abstraits, qui, en lui déférant l’interprétation d’un texte conventionnel, l’invite à remplir une
fonction essentiellement judiciaire”; C.I.J., Interprétation de l’accord du 25 mars 1951 entre l’O.M.S. et
l’Egypte, avis consultatif du 20 décembre 1980, in C.I.J. Rec., 1980, p. 87, § 33, où la Cour a affirmé que
“lorsque des considérations politiques jouent un rôle marquant, il peut être particulièrement nécessaire à
une organisation internationale d’obtenir un avis consultatif de la Cour sur les principes juridiques
applicables”; C.I.J., Licéité de la menace de l’emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet
1996, in C.I.J. Rec., 1996, vol. I, p. 233-234; C.I.J., Sahara occidental, avis consultatif du 16 octobre
1975, in C.I.J. Rec., 1975, p. 18, § 15. In C.I.J., Certaines dépenses des Nations Unies (article 17,
paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif du 20 juillet 1962, in C.I.J. Rec., 1962, p. 155 s., la Cour a,
tout de même, tenu à souligner la différence entre “importance politique” et “caractère politique” d’une
affaire. Sur le pouvoir d’appréciation des preuves par la C.I.J. aux fins de l’établissements des faits voir,
en doctrine, H. THIERRY, Les résolutions des organes internationaux dans la jurisprudence de la Cour
internationale de justice, in R.C.A.D.I., 1980-II, vol. 167, p. 400.
1046 Sur l’intégrité judiciaire de la C.I.J. voir, en doctrine, S. ROSENNE, The International Court of
Justice. An Essay in Political and Legal Theory, Leyden, A. W. Sijthoff, 1957, p. 47-49. En
jurisprudence voir C.I.J., Cameroun septentrional, Cameroun/Royaume Uni, exceptions préliminaires,
arrêt du 2 décembre 1963, in C.I.J. Rec., 1963, p. 29, où la Cour affirme que: “Il y a des limitations
inhérentes à l’exercice de la fonction judiciaire dont la Cour, en tant que tribunal, doit toujours tenir
compte […] C’est à la Cour elle-même […] qu’il appartient de veiller à l’intégrité de la fonction

296
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

Parmi les limitations auxquelles la Cour est soumise, il faut rappeler, sûrement, les
principes pour lesquels sa juridiction est volontaire et sa compétence ne peut, jamais,
dépasser les limites fixées par la demande des parties.1047 Ainsi la juridiction de la C.I.J.
est atypique, du moment qu’elle dépend, intégralement, de l’initiative et de la bonne
volonté des parties en cause. Ceci est tout à fait logique, du moment que les parties en
cause ne sont pas des individus, mais des États qui obligent la Cour à s’adapter au
principe de souveraineté.
De ces prémisses émerge, donc, l’image de la C.I.J. comme celle d’un organe qui
jouit d’une large compétence substantielle, ratione materiae, mais qui est fortement
limitée, voir complètement soumise, sur le plan procédural, quant à la faculté de
déclencher son action.1048
La question du conflit de compétence ne regarde pas la fonction consultative de la
C.I.J., car l’avis que la Cour rend n’a pas de force obligatoire envers les destinataires: la
possibilité d’un conflit n’existe pas dans ce cas. Cela permet de comprendre, en passant,
que la fonction consultative n’est pas apte à satisfaire les exigences du contrôle de
légitimité de la Cour sur les décisions des organes politiques des N.U., notamment
celles du Conseil de sécurité.1049 Il faut, par contre, concentrer l’attention sur les
décisions obligatoires, d’ordre juridictionnel, de la C.I.J., qui s’adressent directement
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

aux États. Notre intérêt porte, essentiellement, sur les problèmes fondamentaux du
rapport entre la C.I.J. et le C.d.S. On ne s’intéresse pas, en revanche, aux questions
concernant la relation entre l’action de la C.I.J. et d’autres organes onusiens, notamment
l’Assemblée générale et le Secrétariat général, d’abord pour la simple raison que ces
derniers organes, généralement, ne sont pas en mesure d’imposer des obligations aux
États, ensuite pour le fait que le C.d.S. joue le rôle principal dans la gestion des la
responsabilité majeure des États.
Quant au rapport entre la C.I.J. et l’A.G.N.U., brièvement, on peut considérer le cas
où l’Assemblée générale des N.U. recommande à un État de suivre une conduite
contraire aux obligations imposées par la C.I.J. Une recommandation de l’A.G.N.U.
occupe la même place, dans la hiérarchie des sources du droit international, que les
décisions de la C.I.J.: tant les unes comme les autres descendent directement de la
Charte des N.U. et priment sur les autres normes du droit international, en vertu de
l’article 103 de la Charte.1050 Toutefois les décisions de la C.I.J. sont obligatoires, alors
que les recommandations de l’A.G.N.U. n’ont pas de force obligatoire.1051 Par

judiciaire de la Cour”; voir aussi C.I.J., Haya de la Torre, Colombie/Pérou, arrêt du 13 juin 1951, in
C.I.J. Rec., 1951, p. 78-79, où la Cour se prononce sur les différents moyens à adopter pour mettre fin à
un asile politique dans le sens que: “Un choix entre les différents moyens ne pourrait être fondé sur des
considérations juridiques, mais seulement sur des considérations de nature pratique ou d’opportunité
politique; il ne rentre pas dans la fonction judiciaire de la Cour d’effectuer ce choix”.
1047 Dans le sens que la Cour ne peut pas se prononcer ultra petita partium voir C.I.J., Différend
frontalier, Burkina Faso/République du Mali, arrêt du 22 décembre 1986, in C.I.J. Rec., 1986, p. 577, §
45; C.I.J., Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du droit d’asile, arrêt du
27 novembre 1950, Colombie/Pérou, in C.I.J. Rec., 1950, p. 502.
1048 Conformément, dans le sens que les pouvoirs matériels de la Cour seraient fortement limités, en
point d’action, par le principe de la juridiction volontaire, voir P. POZO SERRANO, La Corte
internacional de justicia y el Consejo de seguridad en el ámbito del mantenimiento de la paz y de la
seguridad internacionales, cit., p. 456-457.
1049 Sur la question voir M. BEDJAOUI, Du contrôle de la légalité des actes du Conseil de sécurité, cit.,
p. 69 s.
1050 Voir L. CONDORELLI, La Corte internazionale di giustizia e gli organi politici delle Nazioni
Unite, cit., p. 898.
1051 Sur l’effet des recommandations de l’A.G.N.U. voir B. CONFORTI, Le Nazioni Unite, 4a ed.,
Padova, Cedam, 1994, p. 276.

297
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

conséquent, au cas où, en vertu de la Résolution 377 (V) du 3 novembre 1950,


“Acheson”, l’Assemblée générale devait se substituer au C.d.S. dans la définition d’un
cas de responsabilité majeure des États et la C.I.J. devait être saisie de la même
infraction, les décisions adoptées par la Cour devraient prévaloir. Si, par contre, on
devait conférer aux décisions de l’A.G.N.U. une efficacité spéciale, en raison de la
subrogation des pouvoirs du C.d.S. ou d’une force obligatoire quelconque des
recommandations, adoptées en vertu des chapitres VI et VII de la Charte des N.U. en
matière de maintien de la paix, on se retrouverait dans le même cas de figure du rapport
entre les décisions du C.d.S. et celles de la C.I.J.
Quant au rapport entre la C.I.J. et le C.d.S., le problème majeur de la relation réside
dans le fait que les deux organes peuvent prendre des décisions obligatoires à l’égard
des États dans les mêmes matières et que les dispositions qui s’en suivent pourraient ne
pas coïncider, voire être en ouverte contradiction.1052 Il n’y a pas de problèmes en cas
de conformité entre les décisions de la C.I.J. et celles du Conseil. En revanche il faut se
demander qu’adviendrait-il en cas de non-conformité des décisions et, notamment, si
l’organe appelé à se prononcer sur la même affaire après qu’une décision a déjà été
rendue par l’autre doit se conformer à celle-ci ou bien s’il peut la contredire. Les
problèmes naissent des sphères de compétence des deux organes, car il n’y a pas de
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répartition claire des pouvoirs: la cause des contradictions entre le C.d.S. et la C.I.J. doit
être repérée dans l’imparfaite distribution des compétences juridictionnelles ainsi que
dans l’absence d’un rapport de coordination hiérarchique et d’un mécanisme de
résolution des conflits d’attribution. Tant le Conseil que la Cour constituent des organes
principaux de l’O.N.U. (articles 7, 24 et 92 de la Charte des N.U.).1053 À cet égard il est
intéressant de remarquer que les Propositions de Dumbarton Oaks, au chapitre VII,
concernant l’institution d’une Cour internationale de justice, tout en qualifiant cet
organe d’“institution judiciaire principale” de l’Organisation (chapitre VII § 1), taisent
sur la question de sa relation avec le C.d.S. Le chapitre VIII des Propositions, pourtant,
établit que la voie normale et prioritaire de résolution des conflits, devrait être celle de
la négociation, de l’arbitrage ou celle judiciaire, notamment par le biais de la C.I.J. Ce
dernier principe est, d’ailleurs, consacré à l’article 36 § 3 de la Charte des N.U., aux
termes duquel, en recommandant le règlement pacifique des différends, le C.d.S. “doit
aussi tenir compte du fait que, d’une manière générale, les différends d’ordre juridique
devraient être soumis par les parties à la C.I.J. conformément aux dispositions du Statut
de la Cour”.
Probablement le Pacte de la S.d.N., précurseur de la Charte des N.U., prévoyait une
meilleure distribution des compétences entre les organes judiciaires et le Conseil,
organe politique par excellence de la Société (articles 12-17 du Pacte de la S.d.N.).
Dans le but de garantir une résolution juridictionnelle des conflits internationaux,
l’article 13 du Pacte engageait les États membres à soumettre les différends à l’arbitrage
ou à la juridiction de la C.P.J.I., créée conformément à l’article 14, dont la sentence
aurait été obligatoire et à exécuter de bonne foi. Autrement, en vertu de l’article 15 du
Pacte, l’un des États membres aurait pu soumettre le différend à l’attention du Conseil,
lequel, en cas de réglementation du différend, aurait publié un exposé relatant les faits
et les solutions adoptés, et, en cas de non réglementation, aurait publié un rapport
contenant les circonstances et les solutions recommandées. En cas de rapport adopté à

1052 Voir P. POZO SERRANO, La Corte internacional de justicia y las competencias del Consejo de
seguridad en el ámbito del mantenimiento de la paz y seguridad internacionales, cit., p. 421.
1053 Voir E.J. DE ARÉCHAGA, Commentaire de l’article 92 de la Charte des N.U., cit., p. 1251; L.M.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., article 92, p. 548-549.

298
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

l’unanimité des membres du Conseil autres que les parties au différend, aucun État
membre n’aurait pu avoir recours à des mesures de contrainte contre l’État se
conformant aux décisions du Conseil. En cas de rapport adopté à la majorité, par contre,
les États se réservaient le droit d’agir comme ils l’auraient jugé nécessaire pour le
maintien du droit et de la justice. Les mêmes fonctions du Conseil auraient pu être
exercées par l’Assemblée sur requête du Conseil, obligatoire en cas de demande de
l’une des parties intervenant dans un délai de quatorze jours à dater de la saisine du
Conseil. La décision à la majorité des composants de l’Assemblée, y compris les
membres du Conseil autres que les représentants des États en conflit, aurait été
équivalente à une décision du Conseil adoptée à l’unanimité. L’article 17 élargissait ce
régime aux différends survenant entre un État membre de la S.d.N. et un État tiers, ou
entre États tiers, sur invitation du Conseil.1054
Jusqu’aux années 1990, quand le fonctionnement du C.d.S. a été paralysé par
l’opposition des deux grandes puissances et le mécanisme du veto, le conflit avec la
C.I.J. n’a pas été manifeste: l’idée fondamentale, qui régissait les rapports entre la C.I.J.
et le C.d.S., était qu’ils exerçaient deux fonctions différentes et séparées. Quoique cette
approche ne fusse pas une solution au problème d’un éventuel conflit de décisions,
surtout en raison de la décision antérieure, la question ne se posait pas en pratique car,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

étant donnée la paralysie du C.d.S., la seule solution aux affaires pouvait venir de la
C.I.J.: au cas où celle-ci aurait constaté la compétence du C.d.S. dans la matière, elle
aurait dû se dessaisir de la question en sa faveur. Par ailleurs plusieurs États évitaient de
soumettre la solution des affaires à la Cour, notamment ceux de l’Est et du Sud, car ils
la voyaient comme l’expression du droit des pays occidentaux libéraux, consolidé dans
la Charte des N.U. En revanche, depuis le début des années 1990, notamment dès la
guerre du Koweït en 1992, le Conseil de sécurité est devenu très actif et a décrété
l’application de sanctions envers les États sur la base d’une interprétation très large de
l’article 39 de la Charte des N.U., concernant la violation de la paix. D’un autre côté la
méfiance envers la C.I.J. a laissé la place au sentiment qu’il s’agit d’un organe auquel
on peut avoir recours pour obtenir justice, notamment de la part des pays du Sud envers
la puissance des ceux du Nord. Dans un climat politique qui permet le plein
développement de l’activité des deux organes, le problème du conflit de compétence est
devenu manifeste.

§ 7.3. L’absence d’un mécanisme pour la résolution des conflits d’attribution entre
la C.I.J. et le C.d.S. et d’un critère uniforme de jugement.
Le Conseil peut s’intéresser, soit motu proprio soit par l’impulsion d’autres organes
ou des États, à toute conduite illicite qui menace ou viole la paix en vertu des chapitres
VI et VII de la Charte des N.U. La définition indéterminée du fait illicite en question et
la discrétion politique dont l’organe jouit, déterminent une compétence ratione
materiae très large. Rien n’exclut que cette juridiction se superpose, au moins
partiellement, à celle de la C.I.J., qui pourrait être investie de la même affaire à laquelle
s’intéresse le Conseil en vertu d’un consensus issu de l’acceptation plurilatérale de sa
juridiction.1055 La doctrine parle, à ce propos, de “compétence parallèle”.1056 D’ailleurs

1054 D’après H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 84-85, toutefois, la
raison fondamentale de la faillite du système de la S.d.N., résiderait dans le fait que l’organisation était
axée, essentiellement, sur le Conseil plutôt que sur la C.P.J.I.
1055 En doctrine voir V. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of
State Responsibility, cit., p. 98. En jurisprudence voir C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique, arrêt du 26 novembre 1984, in C.I.J.
Rec., 1984, p. 436, où on lit que: “La Cour est priée de se prononcer sur certains aspects juridiques d’une

299
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

la C.I.J. a retenu maintes fois le principe pour lequel l’exercice simultané des fonctions
de la Cour et du Conseil est tout à fait possible.1057 En outre, dans la pratique des
relations internationales, déjà la C.P.J.I. avait été investie de questions ayant un intérêt
politique.1058 De toute façon, la jurisprudence internationale admet le critère selon
lequel le juge est libre de statuer sur sa propre compétence, en vertu de la “compétence
de la compétence”.1059 Du point de vue de la compétence ratione materiae, il n’y pas
des limites fixées a priori, ni du côté de la Cour, ni du côté du Conseil. Du point de vue
procédural, par contre, le Conseil jouit d’une liberté d’action décidément majeure, car il
peut s’occuper d’office des questions qui rentrent dans sa large compétence, tandis que
la compétence de la Cour reste liée au caractère consensuel de sa juridiction et au
principe selon lequel elle ne peut pas se prononcer ultra petita partium.1060 Au delà des
différences d’ordre procédural, quand même relevantes, surtout du point de vue de la
pratique, la possibilité demeure que le Conseil et la Cour viennent à s’occuper, par des
voies différentes, des mêmes questions d’ordre matériel.
Au cas où le Conseil adopterait des recommandations suivant le chapitre VI ou VII
de la Charte des N.U. il n’y aurait pas de problèmes, car ces décisions ne sont pas
obligatoires, de sorte que les décisions de la C.I.J. devraient prévaloir, sauf si l’on
admettait une force obligatoire spéciale des recommandations du C.d.S. en matière de
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

maintien de la paix, qui nous replongerait dans le même cas de figure des décisions
obligatoires.
Au cas où le Conseil prendrait des décisions obligatoires pour les États sur la base du
chapitre VII de la Charte, il pourrait exister un conflit avec les devoirs naissant des
décisions de la C.I.J., concernant une même affaire ou bien par le traitement différent
d’affaires égaux.1061

question qui a été aussi examinée par le Conseil, ce qui est parfaitement conforme à sa situation d’organe
judiciaire principal des Nations Unies”; C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à
Téhéran, États-Unis d’Amérique/France, mesures conservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979, in
C.I.J. Rec., 1979, p. 15-16, § 22-26, où la Cour a affirmé sa faculté de se prononcer sur un différend
juridique qui ne constitue qu’un aspect d’un différend politique; C.I.J., Questions d’interprétation et
d’application de la Convention de Montréal de 1971, résultant de l’incident aérien de Lockerbie,
Jamahiriya Arabe Libyenne/États-Unis d’Amérique, exceptions préliminaires, arrêt du 27 février 1998, in
C.I.J. Rec., 1998, p. 128-129, § 36-37, où la Cour s’estime compétente pour juger une affaire dont elle a
été saisie avant l’adoption des résolutions relatives par le C.d.S.; C.I.J., Questions d’interprétation et
d’application de la Convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie,
Jamahiriya Arabe Libyenne/Royaume Uni, exceptions préliminaires, arrêt du 27 février 1998, in C.I.J.
Rec., 1998, p. 18-19, § 37-38.
1056 Voir B. STERN, Commentaire de l’article 36 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET, La
Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 624.
1057 Voir C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, arrêt du 24 mai 1980, in
C.I.J. Rec., 1980, p. 21; C.I.J., Activités armées frontalières et transfrontalières, Nicaragua/Honduras,
compétence et recevabilité, mesures conservatoires, arrêt du 20 décembre 1988, in C.I.J. Rec., 1988, p.
69 s.
1058 Voir C.P.J.I., Jaworzina, avis consultatif du 6 décembre 1923, in C.P.J.I., série B, 1923, n. 8, p. 1 s.;
C.P.J.I., Interprétation de l’article 3, paragraphe 2, du Traité de Lausanne, avis consultatif du 21
novembre 1925, in C.P.J.I., série B, 1925, n. 12, p. 1 s.
1059 Voir C.I.J., Nottebhom, Lichtenstein/Guatemala, arrêt du 18 novembre 1953, in C.I.J. Rec., 1953, p.
119.
1060 Sur les aspects procéduraux de la saisie de la C.I.J. et du C.d.S. voir P. POZO SERRANO, La Corte
internacional de justicia y el Consejo de seguridad en el ámbito del mantenimiento de la paz y de la
seguridad internacionales, cit., p. 458-459.
1061 On s’intéresse, notamment, aux décisions du Conseil qui suivent aux violations du chapitre VII de la
Charte des N.U. (sur ce point voir B. CONFORTI, Le Nazioni Unite, 4a ed., cit., p. 279 s.).

300
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

Dans ce cas, on ne pourrait pas avoir recours à des principes tels que celui du rapport
de hiérarchie, car la Cour et le Conseil ne sont pas reliés de façon hiérarchique. Tant la
Cour que le Conseil sont, en vertu de l’article 7 de la Charte des N.U., des organes
fondamentaux de l’Organisation, par conséquent ils sont en position égalitaire l’un par
rapport à l’autre. Etant donnée cette situation, il est possible que les deux organes
collaborent vis-à-vis l’un de l’autre, mais on ne peut pas exclure des cas de conflit dans
la pratique des pouvoirs respectifs.1062
La Charte ne confère aux deux organes aucun pouvoir de décider à qui revient la
compétence pour traiter une situation déterminée, car, en principe, chaque organe peut
interpréter, de façon autonome, les limites de son pouvoir. En ce qui concerne la Cour,
ce principe est expressément établi à l’article 36 § 6 de son Statut, en vertu duquel: “En
cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.” Par
contre, la Cour n’a pas ce pouvoir à l’égard des autres organes. Au cours des travaux
préparatoires de la Charte, le Comité IV/2, en effet, refusa d’accueillir une proposition
de la Belgique qui visait à remettre à la Cour le pouvoir de décider les désaccords entre
les différents organes en point d’interprétation de la Charte, en soutenant que la faculté
de définir les limites du pouvoir de chaque organe aurait du revenir à l’organe
même.1063 Il existe, ainsi, une véritable dispersion du pouvoir d’interprétation de la
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Charte, qui, en soi, est conflictuel, car, en principe, le pouvoir d’un organe de prendre
des décisions dans une affaire n’est pas limité par le constat qu’un autre organe est en
train de s’occuper de la même question. D’ailleurs, il ne semble pas qu’on puisse
appliquer, aux organes de N.U., le principe selon lequel electa una via non datur
recursus ad alteram.1064 Sur le plan de la relation spécifique entre la C.I.J. et le C.d.S.
ceci implique que deux procédures séparées peuvent être entamées, devant les deux
différents organes, concernant la même question. Etant donné cet état des choses, il est
clair qu’un principe de litispendance, capable de dirimer les conflits d’attribution entre
la Cour et le Conseil, n’existe pas.1065
L’article 36 de la Charte des N.U., en réalité, établit un principe de litispendance, car
il dispose que le C.d.S., dans le règlement pacifique des différends, prend en
considération “toutes procédures déjà adoptées par les parties pour le règlement de ce

1062 Sur l’obligation de coopérer pour réaliser les buts de l’Organisation des N.U., qui incomberait à la
C.I.J. et au C.d.S. vis-à-vis l’un de l’autre voir M. BEDJAOUI, Nouvel ordre mondial et contrôle de la
légalité des actes du Conseil de sécurité, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 88.
1063 La Comité IV/2 souligna, en revanche, que: “In the course of the operations from day to day of the
various organs of the Organisation, it is inevitable that each organ will interpret such parts of the Charter
as are applicable to its particular function. This process is inherent in the functioning of any body which
operates under an instrument defining its functions and powers. It will be manifest in the functioning of
such a body as the General Assembly, the Security Council, or the International Court of Justice.
Accordingly, it is not necessary to include in the Charter a provision either authorizing or approving the
normal operation of this principle” (voir U.N.C.I.O., Doc. 933, IV/2/42(2), vol. XIII, p. 709).
1064 Sur la dispersion du pouvoir d’interprétation de la Charte des N.U. voir M. BEDJAOUI, Nouvel
ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de sécurité, cit., p. 21. Sur la conflictualité
engendrée par la dispersion du pouvoir d’interprétation de la Charte voir D. CIOBANU, Preliminary
Objections related to the United Nations Political Organs, La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, 1975;
D. CIOBANU, Litispendence between the International Court of Justice and the Political Organs of the
United Nations, in L. GROSS, The Future of the International Court of Justice, New York, Oceana
Publications, 1976, p. 209 s.; T.H.J. ELSEN, Litispendence between the International Court of Justice
and the Security Council, The Hague, T.M.C. Asser Institut, 1986; P. POZO SERRANO, La Corte
internacional de justicia y el Consejo de seguridad en el ámbito del mantenimiento de la paz y de la
seguridad internacionales, cit., p. 461.
1065 D’après P. GUGGENHEIM, Traité de droit international public, cit., p. 194-195, il ne serait même
pas question d’une véritable litispendance au sens technique du mot, car la procédure judiciaire viserait
d’autres fins que la recommandation du Conseil.

301
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

différend” et que, avant de formuler une recommandation, il “doit aussi tenir compte du
fait que, d’une manière générale, les différends d’ordre juridique devraient être soumis
par les parties à la Cour Internationale de Justice conformément aux dispositions du
Statut de la Cour”. Si cette norme était interprétée de façon impérative, elle permettrait
de dirimer les conflits d’attribution en faveur de la C.I.J., mais le Conseil l’entend
seulement dans le sens de prendre en considération des éventuelles décisions déjà
adoptées par la C.I.J., sans que cela empêche ou limite son pouvoir de faire des
recommandations.1066
Une partie de la doctrine soutient que la nécessité de résoudre les conflits de
compétence serait un principe général du droit, applicable aux relations entre la C.I.J. et
le C.d.S. en vertu de la prévision de l’article 38 § 1 c) du Statut de la C.I.J. Toutefois ce
principe, déjà difficile à appliquer en droit interne en cas de conflit entre un organe
judiciaire et un organe politique, encontre encore plus de résistance, sur le plan
international, au sein des Nations Unies.1067
En l’absence de mécanismes contraignants, qui l’obligent à céder à la primauté de la
C.I.J., le Conseil pourrait éviter le conflit de compétence seulement s’il se dessaisissait
d’une affaire dont la C.I.J. s’occupe, sur la base d’une évaluation d’ordre politique,
toutefois il n’y est guère obligé, car aucune norme de la Charte des N.U. ne dispose
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

ainsi.1068 Par ailleurs, dans la pratique il n’est pas improbable que le Conseil cherche à
se saisir d’une affaire avant la C.I.J., afin d’anticiper ses décisions.1069 Du côté de la
C.I.J., en revanche, la même possibilité de résoudre la question n’existe pas, car, du
moment qu’elle est correctement saisie, elle est obligée de procéder et de juger l’affaire,
n’ayant aucun pouvoir discrétionnaire pour refuser de donner suite à une affaire pour
des raisons d’opportunité politique.1070 Le seul cas où l’on doit estimer que la Cour peut
se dessaisir d’une affaire est celui où elle soit appelée à rendre un avis consultatif car,
en vertu de l’article 65 de son Statut, elle peut donner son avis, mais elle n’est pas
obligée de le faire. La Cour se règle, en ligne générale, dans le sens qu’elle ne doit pas
nier la réponse à une question de type consultatif, mais elle garde, tout de même, le
pouvoir de ne pas répondre selon les circonstances, notamment en cas de raisons
graves.1071 D’ailleurs, il est significatif que la Cour n’a jamais nié un avis consultatif en

1066 Les travaux préparatoires de l’article 36 confirment, par ailleurs, que l’intention des rédacteurs de la
Charte n’était pas restrictive du pouvoir du Conseil de sécurité vis-à-vis de la C.I.J. (voir U.N.C.I.O.,
Doc. 530, III/2/30, vol. XII, p. 73-74). Pour une synthèse de l’histoire de l’article 36 § 2 voir D.
CIOBANU, Litispendence between the International Court of Justice and the Political Organs of the
United Nations, cit., p. 221-222.
1067 Voir P. POZO SERRANO, La Corte internacional de justicia y el Consejo de seguridad en el
ámbito del mantenimiento de la paz y de la seguridad internacionales, cit., p. 464-465.
1068 Voir S. ROSENNE, The Law and the Practice of the International Court, Leiden, Sijthoff, 1965,
vol. I, p. 156; A. PELLET, Le glaive et la balance, cit., p. 546.
1069 Voir B. GRAEFRATH, Leave to the Court What Belongs to the Court – The Libyan Case, in
E.J.I.L., 1993, vol. 4, n. 2, p. 195 s.
1070 En doctrine, sur cette question, voir A. PELLET, La glaive et la balance, cit., p. 551 s.; P. POZO
SERRANO, La Corte internacional de justicia y el Consejo de seguridad de la Naciones Unidas en el
ámbito del mantenimiento de la paz y de la seguridad internacionales, cit., p. 457. En jurisprudence voir
C.I.J., Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, in C.I.J.
Rec., 1996, I, p. 234-238, § 14-19. Dans la même ligne voir C.I.J., Plateau continental, Jamahiriya arabe
libyenne/Malte, arrêt du 3 juin 1985, in C.I.J. Rec., 1985, p. 23, § 19.
1071 Voir C.I.J., Compétence de l’Assemblée générale pour l’admission d’un État aux Nations Unies, avis
consultatif du 3 mars 1950, in C.I.J. Rec., 1950, p. 72; C.I.J., Interprétation des traités de paix conclu
avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif du 30 mars 1950, in C.I.J.
Rec., 1950, p. 71; C.I.J., Jugement du Tribunal administratif de l’O.I.T. sur requêtes contre
l’U.N.E.S.C.O., avis consultatif du 23 octobre 1956, in C.I.J. Rec., 1956, p. 86.

302
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

raison de son pouvoir discrétionnaire, du moment que tous ses avis constituent une
contribution au bon fonctionnement de l’organisation.1072 Il est clair, de toute façon,
que, en cas d’avis consultatif, le problème d’un éventuel conflit des suggestions de la
Cour avec une résolution du Conseil sur la même matière ne se pose pas, du moment
que les avis de la Cour n’ont pas de force obligatoire.
Le conflit de compétence ne concerne pas seulement le cas où la Cour et le Conseil
s’occupent, en même temps, d’une question identique, mais elle regarde aussi le cas où
les deux organes seraient saisis de la même affaire dans des moments différents.
Normalement, dans les ordres juridiques internes, le conflit temporel est réglé par le
principe de la res iudicata, en vertu duquel les décisions judiciaires sont obligatoires et
définitives. À ce propos il faut remarquer que, même au cas où l’on devrait reconnaître
l’application de ce principe en droit international, il ne pourrait pas s’appliquer aux
décisions des organes politiques. D’ailleurs la question de l’application du principe de
la res iudicata a été largement débattue au temps de la S.d.N., en tirant des conclusions,
essentiellement, négatives.1073 En outre l’article 36 § 1 de la Charte des N.U. dispose
que: “Le Conseil de Sécurité peut, à tout moment de l’évolution d’un différend de la
nature mentionnée à l’article 33 (qui menace la paix et la sécurité internationales) ou
d’une situation analogue, recommander les procédures ou méthodes d’ajustement
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

appropriées.” La référence à la dimension temporelle illimitée permet qu’une question,


qui a déjà été l’objet d’une décision de la Cour, soit, ensuite, révisée, sous le profil
politique, par le Conseil de sécurité. Il reviendra au Conseil, alors, d’établir, au cas par
cas, s’il faut, ou non, appliquer le principe de la res iudicata. Cette interprétation est
confirmée par le constat que les décisions de la Cour obligent seulement les parties en
conflit, non pas des sujets tiers, comme le Conseil de sécurité. Finalement il serait
possible, selon une partie de la doctrine, que le Conseil adopte des décisions qui ne
respectent pas le droit en vigueur entre les parties à un différend susceptible de menacer
la paix et la sécurité internationales. Cette possibilité serait confirmée par l’article 94 §
2 de la Charte des N.U., qui confère aux États le droit de recourir au C.d.S. au cas où un
autre État, obligé envers eux par une sanction de la Cour, ne s’acquitterait pas de ses
devoirs, car le C.d.S. pourrait prendre les mesures nécessaires et faire des
recommandations pour exécuter la sanction ou bien contredire les décisions de la
Cour.1074 Toutefois, cette opinion ne fait pas l’unanimité en doctrine, car d’autres
auteurs pensent que l’article 94 § 2 de la Charte permet au C.d.S., seulement, d’exécuter
les décisions de la C.I.J., sans aucun pouvoir de révision.1075
Quoique la Cour ait soutenu que la compétence juridictionnelle et politique peuvent
tranquillement coexister à propos d’une même affaire, sans que cela pose aucun
problème de conflit d’attribution, il est clair que la superposition des juridictions peut
amener à la contradiction des décisions, car il est fort possible que les deux organes

1072 Voir C.I.J., Licéité de la menace ou de l’emploi des armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet
1996, in C.I.J. Rec., 1996, p. 234, § 14.
1073 D’après F. CASTBERG, La compétence des tribunaux internationaux, in R.D.I.L.C., 1925, p. 166, il
faudrait estimer que “le fait qu’un litige est réglé, pour ce qui concerne son côté juridique, par un tribunal
qui a compétence obligatoire dans les différends d’ordre juridique, n’empêche que le litige puisse, en ce
qui concerne son côté non juridique, être soulevé à nouveau par l’une des parties”.
1074 Dans le sens que les décisions du C.d.S. pourraient aller à l’encontre du droit international en
vigueur voir A. PELLET, Peut-on et doit-on contrôler les actions du Conseil de sécurité?, in S.F.D.I., Le
chapitre VII de la Charte des Nations Unies, cit., p. 302. Dans le sens que l’article 94 § 2 de la Charte des
N.U. confère au C.d.S. le pouvoir de réviser les décisions de la C.I.J. voir H. KELSEN, Settlement of
Disputes by the Security Council, in Int. L.Q., 1948, p. 211-212.
1075 Sur l’interprétation purement exécutive des décisions de la C.I.J. par le C.d.S. voir L.
CONDORELLI, La Corte internazionale di giustizia e gli organi politici delle Nazioni Unite, cit., p. 911.

303
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

interprètent les normes internationales de façon différente. Il n’y a pas, en effet, de


mécanismes qui peuvent assurer l’uniformité des interprétations et des jugements de la
part des différents organes de l’O.N.U. Tout au plus l’article 36 § 3 de la Charte des
N.U. dispose que, dans sa tentative de réglementation pacifique des différends
internationaux, le C.d.S. doit, aussi, considérer que, en général, les conflits d’ordre
judiciaire devraient être soumis à la C.I.J., mais cette disposition n’est nullement
contraignante.1076 Le C.d.S., en effet, n’a suivi cette règle qu’en 1947, dans l’affaire du
Détroit de Corfou entre le Royaume Uni et l’Albanie.1077 Notamment, alors que la C.I.J.
est tenue à statuer secundum ius en vertu de l’article 38 de son Statut, le C.d.S. se
prononce non seulement sur la base de critères strictement juridiques, mais aussi sur la
base de considérations d’ordre politique.1078 Ce constat, par ailleurs, doit être modéré en
tenant compte du fait qu’une bonne partie des décisions de la Cour est prise selon le
critère de l’équité, qui peut impliquer des considérations d’ordre politique.1079 Quoi
qu’il en soit il est évident que même des règles pour l’interprétation uniforme des
normes internationales ne pourraient pas amener à l’uniformité des décisions, en
l’absence de mécanismes précis de répartition de la compétence ratione materiae.1080
Ainsi, le fait d’obliger la Cour et le Conseil à une sorte de “dialogue” où chacun des
deux organes serait tenu à se conformer aux décisions prises, auparavant, par l’autre
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

organe, comme le propose une partie de la doctrine, n’aboutirait pas à la solution des
problèmes.1081
Dans la pratique, il faut relever que si, dans un premier temps, l’action de la C.I.J. et
du C.d.S. s’est déroulée de façon parallèle et coordonnée, ensuite des contradictions
entre la conduite des deux organes sont surgies, surtout dans des cas où les deux
organes ont été saisis par des parties différentes.1082 Aujourd’hui on doit, plutôt,
remarquer la tendance du Conseil à avoir recours à la Cour afin qu’elle définisse les
limites à son activité, ainsi qu’à celle des autres organes.1083

1076 Voir H. RUIZ FABRI, Organisation judiciaire internationale – Organe juridictionnel – C.I.J., in P.
KAHN, L. VOEGEL, Jurisclasseur de droit international, Paris, Lexisnexis, H. Vouzelland éd., 2003, t.
4, fasc. 215, p. 16, § 58.
1077 Voir E.J. DE ARÉCHAGA, Commentaire de l’article 92 de la Charte des N.U., cit., p. 1521-1522.
1078 En jurisprudence, sur l’obligation de la C.I.J. de se prononcer en respectant des critères purement
juridiques, voir C.I.J., Essais nucléaires, Nouvelle Zélande/France, arrêt du 20 décembre 1974, in C.I.J.
Rec., 1974, p. 477, § 60, où l’on accueille le principe pour lequel la Cour ne se prononce que lorsqu’un
différend juridique existe; C.I.J., Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de
l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l’O.N.U., avis consultatif du 26 avril 1988, in C.I.J. Rec.,
1988, p. 29, § 40, où l’on précise que la Cour ne saurait pas faire prévaloir des raisons d’opportunité sur
les obligations découlant d’un traité.
1079 La décision aequo et bono doit être entendue comme respectueuse des “principes généraux de la
justice, distingués d’un système particulier de jurisprudence ou du droit interne d’un État quelconque”
(voir C.P.A., Norvegian Shipowners Claims, États-Unis/Norvège, sentence du 13 octobre 1922, in R.S.A.,
N.U., vol. I, p. 331).
1080 Contrairement voir C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,
Nicaragua/États-Unis d’Amérique, compétence et recevabilité, arrêt du 26 novembre 1984, in C.I.J. Rec.,
1984, p. 435, § 95, où la Cour observe que “le Conseil a des attributions politiques, la Cour exerce des
fonctions purement judiciaires. Les deux organes peuvent, donc, s’acquitter de leurs fonctions distinctes
mais complémentaires à propos des mêmes événements”. On retrouve la même affirmation in C.I.J.,
Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Bosnie
Herzégovine/Yougoslavie (Serbie et Monténégro), mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993,
in C.I.J. Rec., 1993, p. 19.
1081 Voir J.E. ALVAREZ, Judging the Security Council, in A.J.I.L., 1996, october, vol. 90, n. 1, p. 23.
1082 Voir, en doctrine, A. PELLET, Le glaive et la balance, cit., p. 543-545.
1083 Voir G.B. WATSON, Constitutionalism, Judicial Review and the World Court, in Harvard I.L.J.,
1993, vol. 34, n. 1, p. 44-45; E. McWHINNEY, Judge Manfred Lacks and Judicial Law Making.

304
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

§ 7.4. Possibles solutions ratione materiae au conflit de compétence entre la C.I.J.


et le C.d.S. d’après la doctrine et la jurisprudence.
La doctrine et la jurisprudence se sont attachées à trouver des solutions à la question
du conflit de compétence entre la C.I.J. et le C.d.S., notamment en ce qui concerne les
controverses impliquant l’emploi de la force armée, aux termes du chapitre VII de la
Charte des N.U., mais elles ne sont pas parvenues à dégager des positions définies et
unanimes sur le problème: les opinions sont très divisées à ce sujet.
Plus particulièrement, deux positions s’affrontent: l’interprétation selon laquelle le
seul fait qu’une question soit soumise à l’attention du C.d.S. exclurait la juridiction de
la C.I.J. sur le même différend et l’approche selon laquelle il pourrait exister un
concours de compétence des deux organes.
Sous le profil matériel, concernant les violations perpétrées par l’emploi de la force
armée, on a relevé que les normes du droit international relatives ne seraient pas assez
définies pour que la Cour puisse exercer une fonction d’ordre juridictionnel en la
matière. En d’autres termes, si la Cour voulait s’impliquer dans la solution de ces
différends, notamment en se fondant sur l’article 39 de la Charte des N.U., elle devrait
faire, à chaque fois, un travail énorme de création juridique. Dans une optique
complètement opposée on remarque, toutefois, qu’un noyau normatif sûr serait en train
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

de se définir, en matière d’emploi de la force armée, sur la base des article 2 § 4 et 51


de la Charte, qui permettrait de concevoir l’emploi illégitime de la force armée comme
violation du droit des États à l’existence et à l’égalité souveraine et qui légitimerait
l’utilisation de la force armée seulement en légitime défense.1084
Sous le profil procédural, on soutient que les différends qui impliquent l’emploi de la
force armée soumis à l’attention du Conseil seraient, par ce seul fait, exclus de la
juridiction de la C.I.J., en raison d’une sorte de réserve de compétence en faveur du
C.d.S.1085 Plus en général on affirme que la possibilité d’une contradiction entre les
décisions de la Cour et celles du Conseil, par rapport à une même affaire, serait
inconcevable en vertu de l’article 24 § 1 de la Charte des N.U., qui, affirmant la
responsabilité principale du Conseil en matière de maintien de la paix, exclurait la
compétence de la C.I.J. dans les affaires soumises au C.d.S.1086

Opinions on the International Court of Justice, 1967-1993, The Hague, Martinus Nijhoff Publisher, 1995,
p. 82.
1084 Sur la marge de discrétion dans la définition de l’emploi de la force armée dans les relations
internationales et ses implications pour la définition du rapport entre la C.I.J. et le C.d.S. voir P. POZO
SERRANO, La Corte internacional de justicia et y el Consejo de seguridad de las Naciones Unidas en el
ámbito del mantenimiento de la paz y de la seguridad internacionales, cit., p. 454; O. SCHACHTER, The
Right of States to Use Armed Force, in Michigan Law Review, 1984, p. 1620; O. SCHACHTER, Disputes
Involving the Use of Force, in L.F. DAMROSCH, The I.C.J. at a Crossroads, cit., p. 223 s.
1085 Dans cet ordre d’idées voir A. SOTTILE, Conflit anglo-iranien et arrêt de la Cour internationale de
justice, in R.D.I.S.P., 1952, p. 232-242; T.J.H. ELSEN, Litispendence between the I.C.J. and the Security
Council, The Hague, T.M.C. Asser Institut, 1986, p. 69; P.M. NORTON, The Nicaragua Case: Political
Question before the International Court of Justice, in Virginia J.I.L., 1987, p. 459 s.; R. HIGGINS, The
Place of International Law in the Settlement of Disputes by the Security Council, cit., p. 16 s. Voir aussi,
en jurisprudence, C.I.J., Anglo-Iranian Oil Company, arrêt du 22 juillet 1952, opinion dissidente du juge
A. Alvarez, in C.I.J. Rec., 1952, p. 134. Conformément voir, aussi, C.I.J., Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique, arrêt du 26 novembre
1984, in C.I.J. Rec., 1984, p. 429, § 84, p. 431-432, § 89, où l’on peut prendre conscience de la position
des États-Unis qui, vis-à-vis de la demande du Nicaragua relative à l’emploi illicite de la force,
opposaient la thèse de l’inadmissibilité de la demande en vertu du fait que les questions relatives à
l’emploi de la force rentreraient dans la compétence, exclusive, du Conseil de sécurité.
1086 Voir, en faveur de cette interprétation, O. SCHACHTER, Disputes Involving the Use of Force, cit.,
p. 230-231.

305
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

La thèse de la réserve de compétence, en matière d’emploi de la force armée ou, plus


en général, de violations de la paix, poussée à ses extrêmes conséquences, implique que
les États renoncent à saisir la Cour dans tout différend qui serait susceptible de
soumission au C.d.S., ce qui n’est pas cohérent avec le principe fondamental, affirmé à
l’article 2 § 3 de la Charte des N.U., en vertu duquel les États doivent s’efforcer de
composer leurs différends par des moyens pacifiques, parmi lesquels le règlement
judiciaire est prévu, expressément, à l’article 33 de la Charte même. Par ailleurs, s’il est
vrai, que, aux termes de l’article 24 § 1 de la Charte des N.U., le Conseil à la
“responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales”, cela
ne signifie pas, pour autant, qu’il a une compétence exclusive.1087
En ligne générale, et très fermement, la C.I.J. a exclu la thèse de son incompétence à
l’égard des différends qui impliquent l’emploi de la force armée ou qui violent la
paix.1088 Par ailleurs, aucune disposition du Statut de la Cour n’exclue sa compétence à
l’égard de situations de ce genre car, au contraire, l’article 36 § 1 semble concevoir sa
juridiction en termes très larges, en prévoyant que: “La compétence de la Cour s’étend à
toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu’à tous les cas spécialement
prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur.”
Ainsi la Cour devrait être compétente pour juger tout conflit que les parties acceptent de
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

lui soumettre, même au cas où il s’agirait de se prononcer sur une action impliquant
l’emploi de la force armée en violation de la paix et de la sécurité internationales. Il
s’agit d’une solution qui laisse, bien évidemment, complètement ouvert le problème
d’un possible conflit de compétence entre la Cour et le Conseil de sécurité sur une
même question.
Ce bref résumé des opinions divergentes de la doctrine montre que, en l’absence
d’une référence normative précise, on peut arriver à soutenir n’importe quelle approche
au problème du conflit de compétence, mais il devient difficile, voir impossible, de
trouver une justification complètement satisfaisante.

§ 7.5. La primauté des décisions du C.d.S. selon la jurisprudence de la C.I.J.


élaborée au cours de l’affaire de Lockerbie.
En l’absence de mécanismes de droit matériel ou procédural aptes à résoudre le
conflit de compétence entre la C.I.J. et le C.d.S., l’issue au problème a été fournie par la
jurisprudence de la C.I.J. Jusqu’à présent la C.I.J. a évité le conflit en affirmant la
primauté des obligations naissant des décisions du C.d.S. comme de toute autre
obligation naissant de la Charte des N.U., en vertu de l’article 103, sur les autres
obligations du droit international. Cette jurisprudence s’est affirmée dans l’affaire de
Lockerbie, au cours duquel la Cour a limité sa propre efficacité en faveur du Conseil
pour éviter le risque de la contradiction.1089

1087 Celle-ci est la thèse soutenue par la Nicaragua, devant la C.I.J., au cours de l’affaire des activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua (voir C.I.J., Activités militaires et paramilitaire au Nicaragua et
contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique, arrêt du 26 novembre 1984, in C.I.J. Rec., 1984, p.
434).
1088 Voir C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-
Unis d’Amérique, arrêt du 27 juin 1986, in C.I.J. Rec., 1986, p. 435, § 95; C.I.J., Détroit de Corfou,
Royaume Uni/Albanie, arrêt du 9 avril 1949, fond, in C.I.J. Rec., 1949, p. 31, 35.
1089 Voir C.I.J., Questions d’interprétations et d’application de la Convention de Montréal de 1971
résultant de l’incident aérien de Lockerbie, Jamahiriya Arabe Libyenne/États-Unis d’Amérique,
ordonnance du 14 avril 1992, in C.I.J. Rec., 1992, p. 126. Pour un commentaire de cette ordonnance voir
E. SCISO, Puó la Corte internazionale di giustizia rilevare l’invalidità di una decisione del Consiglio di
sicurezza?, in Riv. D.I., 1992, p. 369; G. GAJA, Quale conflitto tra obblighi nell’affare relativo
all’incidente aereo di Lockerbie?, in Riv. D.I., 1992, p. 374 s. Sur la prévalence des obligations naissant

306
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

En vertu de cette interprétation, lorsque le Conseil décide en premier l’affaire, la


C.I.J., décidant successivement, serait obligée d’attribuer aux décisions du Conseil la
même valeur qu’elle accorde aux normes de la Charte des N.U., qui prévalent sur toutes
les autres normes du droit international, ainsi elle devrait s’y conformer aussi dans ses
décisions. Dans le cas contraire, quand même assez improbable étant donnée la
longueur des procédures judiciaires, où la Cour déciderait en première, le Conseil serait
obligé de se conformer aux décisions précédentes de la C.I.J. Logiquement, en effet, on
doit relever que même les obligations naissant des décisions de la C.I.J. ont la force des
autres obligations naissant de la Charte des N.U., en vertu de l’article 94 § 1 de la
Charte, qui impose aux États de se conformer aux décisions de la Cour. Dans la logique
de la jurisprudence de la C.I.J., donc, l’élément qui permet d’assurer la cohérence du
système et d’éviter la contradiction est le facteur du temps, car la première décision
s’impose sur les autres: en l’absence de toute forme de coordination de l’action des
deux organes celle-ci est la seule solution possible. Selon la jurisprudence de l’affaire
de Lockerbie, donc, prévaut la décision de celui des deux organes qui décide en
premier.
Auparavant la C.I.J. s’était limitée à soutenir le principe en vertu duquel elle aurait
pu connaître toute situation qui aurait fait l’objet d’un examen par un autre organe des
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Nations Unies, notamment par le Conseil de sécurité, sans fixer des limites
décisionnelles.1090 Par la position assumée au cours de l’affaire de Lockerbie, la Cour
confirme le principe traditionnellement affirmé, mais elle ajoute qu’elle doit se
conformer aux décisions prises antérieurement par le Conseil, en vertu des articles 25 et
103 de la Charte des N.U.
L’interprétation donnée par la C.I.J. des décisions du C.d.S., au cours de l’affaire de
Lockerbie, ne va pas sans problèmes et ne fait pas l’unanimité en doctrine.
De l’avis de certains auteurs la portée de l’article 103 de la Charte des N.U. devrait
être limitée, de sorte que le C.d.S., dans la prise des décisions, devrait respecter toutes
les normes du droit international positif. Cette thèse se fonde sur quelques dispositions
de la Charte. On cite, ainsi, l’article 1er § 1 de la Charte des N.U., qui parle de
résolution des différends “conformément aux Principes de la justice et du droit
international”. On rappèle, en outre, l’article 36 § 3 de la Charte, qui dispose que le
Conseil, en faisant des recommandations aux États pour le règlement pacifique des
différends, doit tenir compte du fait que “les différends d’ordre juridique devraient être
soumis à la Cour internationale de justice conformément aux dispositions du Statut de
la Cour”. Finalement on renvoi à l’article 40 de la Charte, qui dispose que les mesures

des décisions du C.d.S. sur les autres obligations internationales voir, en doctrine, J. COMBACAU, Le
pouvoir de sanction de l’O.N.U. Étude théorique de la coercition non militaire, cit., p. 283 s.; M.
FLORY, Commentaire de l’article 103 de la Charte des N.U., cit., p. 1381 s.; T.M. FRANCK, The
“Powers of Appreciation”: Who Is the Ultimate Guardian of U.N. Legality?, in A.J.I.L., 1992, july, vol.
86, n. 2, p. 519 s.; J.-M. SOREL, Les ordonnances de la C.I.J. du 14 avril 1992, in R.G.D.I.P., 1993, t.
97, p. 689 s.; I.G. GARDAM, Legal Restraints on Security Council Military Enforcement Action, in
Michigan Journal of International Law, 1996, vol. 17, p. 285. En jurisprudence voir C.I.J., Conséquences
juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest Africain)
nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif du 21 juin 1971, opinion
dissidente du juge Fitzmaurice, in C.I.J. Rec., 1971, p. 294.
1090 Voir C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, États-Unis
d’Amérique/Iran, arrêt du 24 mai 1980, in C.I.J. Rec., 1980, p. 22, § 40; C.I.J., Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique, mesures
conservatoires, ordonnance du 10 mai 1984, in C.I.J. Rec., 1984, p. 185-186.

307
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

d’urgence adoptées par le Conseil “ne préjugent en rien les droits, les prétentions ou la
position des parties intéressées”.1091
D’après une partie de la doctrine, d’ailleurs, l’article 103 de la Charte des N.U.
concernerait les seules obligations découlant directement des dispositions de la Charte,
non pas les obligations naissant des décisions prises par les organes des N.U. Ainsi les
résolutions du C.d.S. ne primeraient pas sur les autres dispositions du droit
international.1092
Quoi qu’il en soit, même en acceptant la thèse de la primauté des décisions du
Conseil sur les autres obligations internationales, soutenue par la jurisprudence de
l’affaire de Lockerbie, il faut considérer que, aux termes de l’article 103 de la Charte
des N.U., les obligations qui descendent de la Charte priment sur les obligations qui
découlent des “accords” internationaux. La doctrine, par conséquent, admet la
supériorité de la Charte par rapport aux traités et aux coutumes relatives, mais
s’interroge sur le rapport subsistant avec les principes généraux du droit international.
Cette question est importante car les affaires qui engendrent le problème de la
superposition des juridictions constituent des violations graves des normes
fondamentales du droit international.
Normalement, les normes de la Charte prévalent sur les principes généraux
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

disponibles, ayant la même force des traités, mais elles sont subordonnées aux principes
généraux cogentes. Le ius cogens est supérieur aux autres normes du droit international,
aussi bien coutumières que découlant des traités, donc la Charte des N.U. se rapporte au
ius cogens de façon différente qu’aux autres règles du droit international: il est
impossible de penser que les règles de la Charte puissent contrarier les règles
indisponibles de la communauté internationale.1093 Beaucoup de normes cogentes sont,
par ailleurs, réaffirmées par la Charte des N.U.: il suffit de penser au renvoi générique à
la paix, contenu dans l’article 1er de la Charte, rappelé dans plusieurs autres
dispositions, et, à titre d’exemple, aux droits de l’homme, énoncés à l’article 1er § 3 et à
l’article 55 c) de la Charte.1094 Si les obligations contenues dans les dispositions de la
Charte des N.U. sont soumises aux normes impératives du droit international général,

1091 Voir D.W. BOWETT, The Impact of Security Council Decisions on Dispute Settlement Procedures,
cit., p. 90-91.
1092 Voir D.W. BOWETT, The Impact of Security Council Decisions on Dispute Settlement Procedures,
cit., p. 92; J. COMBACAU, Le Pouvoir de sanction de l’O.N.U. Étude théorique de la coercition non
militaire, cit., p. 293; J.-M. SOREL, Les ordonnances de la Cour internationale de justice du 14 avril
1992, cit., p. 714-715.
1093 D’après M. BEDJAOUI, Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de
sécurité, cit., p. 46, il faut estimer que “la Charte, comme tout traité, ne peut pas être en contradiction
avec le droit international et en tout cas en opposition avec certaines normes impératives du droit
international. Il est donc claire que le Conseil de sécurité ne peut agir que conformément au droit
international dès lors qu’il ne fait pas de doute par ailleurs qu’il est tenu au respect du traité qui l’a
institué”. Conformément voir D.W. BOWETT, The Impact of the Security Council Decisions on Dispute
Settlement Procedures, cit., p. 89-101; D. AKANDE, The I.C.J. and the Security Council: Is there Room
for Judicial Control of Decisions of the Political Organs of the U.N.?, cit., p. 317 s.
1094 Sur le problème de l’identification des normes de ius cogens avec les normes de la Charte des N.U.
voir B. CONFORTI, Diritto internazionale, 4a ed., cit., p. 184. Sur l’obligation pour Conseil de respecter
les droits de l’homme en raison du fait qu’ils sont contenu dans la Charte des N.U. voir, en doctrine, D.
AKANDE, The I.C.J. and the Security Council: Is There Room for Judicial Control of Decision of
Political Organs of the U.N.?, cit., p. 323-325; W. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council
Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p. 55, 91; F. PROVOST, Starvation as a
Weapon: Legal Implications of the UN Food Blockade against Iraq and Kwait, in Columbia J.T.L., 1992,
vol. 30, n. 3, p. 577; T.D. GILL, Legal and Some Political Limitations on the Power of the U.N. Security
Council to Exercise Its Enforcement Powers under Chapter VII of the Charter, in N.Y.B.I.L., 1995,
XXVI, p. 33 et 82.

308
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

celles découlant des décisions de organes onusiens y sont soumises aussi. Or, si les
décisions des organes onusiens doivent respecter les obligations internationales ou, tout
du moins, celles cogentes, il est clair qu’une décision du C.d.S. ou de la C.I.J. contraire
à ces obligations devrait pouvoir être révisée, successivement, par l’un des deux
organes.1095
On voit bien, dans la jurisprudence de l’affaire Lockerbie, comme, pour résoudre un
problème de distribution de la compétence juridictionnelle, en l’absence de règles
spécifiques d’ordre matériel et procédural, la C.I.J. est forcée d’adopter une
interprétation qui n’est pas conforme au système des sources du droit international.

§ 7.6. Les décisions du Conseil de sécurité contra ius et le contrôle de la Cour


internationale de justice.
Les décisions du C.d.S. non seulement doivent respecter les normes cogentes du
droit international, mais aussi les limites, quand même assez larges, de sa fonction,
fixées par la Charte des N.U. Etant données ces prémisses, le principe affirmé par la
jurisprudence de l’affaire de Lockerbie, selon lequel la décision de l’organe qui décide
en premier prévaut, ne peut pas s’appliquer au contrôle juridictionnel de la C.I.J. sur les
décisions du C.d.S., sous peine de garantir au Conseil une véritable impunité. La
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coordination entre les deux organes serait possible, dans le cas d’une décision du C.d.S.
contraire au droit, à la seule condition que la Cour se prive d’une fonction qui lui
devrait légitimement appartenir. Autrement dit, la jurisprudence de l’affaire de
Lockerbie ne nous permet pas d’établir comment doit se conduire la C.I.J. par rapport
aux décisions du Conseil lorsque celles-ci violent, au moins, les normes impératives du
droit international général ou bien les normes de la Charte qui régissent l’organe et son
activité, qu’elles soient expresses ou implicites.1096 Il s’agit de la question du contrôle
de légitimité des actes du Conseil par la C.I.J.1097

1095 Voir, favorablement, en doctrine, M. BEDJAOUI, Du contrôle de la légalité des actes du Conseil de
sécurité, cit., p. 69. Contrairement voir L. CONDORELLI, La Corte internazionale di giustizia e gli
organi politici delle Nazioni Unite, cit., p. 911-912; D. AKANDE, The I.C.J. and the Security Council: Is
There Room for Judicial Control of Decisions of the Political Organs of the U.N.?, cit., p. 322-323. En
jurisprudence voir l’opinion favorable du juge Lauterpacht dans l’affaire du génocide en Bosnie, d’après
lequel l’embargo imposé à la Bosnie par la Résolution 713 du 25 septembre 1991 du Conseil de sécurité
peut être interprété comme une forme de support au génocide, qui est communément considéré comme
un acte contraire au ius cogens (voir C.I.J., Application de la Convention sur la prévention et la
répression du crime de génocide, Bosnie-Herzégovine/Yougoslavie (Serbie et Monténégro), mesures
conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993, opinion individuelle du juge Lauterpacht, in C.I.J.
Rec., 1993, p. 440-441, § 102).
1096 En doctrine voir D.W. BOWETT, The Impact of the Security Council Decision on Dispute
Settlement Procedures, cit., p. 92 s. En jurisprudence voir l’opinion du juge Fitzmaurice in C.I.J.,
Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-
Ouest africain) nonobstant le Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité des Nations Unies, avis
consultatif du 21 juin 1971, opinion dissidente du juge Fitzmaurice, in C.I.J. Rec., 1971, p. 226 s.
1097 Voir, sur ce sujet, T.M. FRANCK, The “Powers of Appreciation”: Who Is the Ultimate Guardian of
the U.N. Legality?, cit., p. 519; W.M. REISMAN, The Constitutional Crisis in the U.N., in A.J.I.L., 1993,
january, vol. 87, n. 1, p. 83; R. St. J. MACDONALD, Changing Relations between the I.C.J. and the
Security Council of the U.N., in Can. Y.B.I.L., 1993, XXXI, p. 3; G.B. WATSON, Constitutionalism,
Judicial Review and the World Court, cit., p. 1; W. GOWLLAND-DEBBAS, The Relationship between
the I.C.J. and the Security Council in the Light of the Lockerbie Case, in A.J.I.L., 1994, october, vol. 88,
n. 4, p. 643; T.D. GILL, Legal and Some Political Limitations on the Power of the U.N. Security Council
to Exercise Its Enforcement Powers under Chapter VII of the Charter, cit., p. 33, J.E. ALVAREZ,
Judging the Security Council, cit., p. 1; P. POZO SERRANO, La Corte internacional de justicia y las
competencias del Consejo de Seguridad en el ámbito del mantenimiento de la paz y de la seguridad
internacionales, cit., p. 421; L. CAFLISH, Is the International Court of Justice Entitled to Review

309
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Au-delà du ius cogens, en effet, bien que le pouvoir dont jouit le C.d.S. soit
largement discrétionnaire, il ne s’agit pas, tout de même, d’un pouvoir complètement
arbitraire.1098 Les limites, pourtant assez indéterminées, se trouvent dans la Charte des
N.U., qui fonde la compétence de l’organe. Ainsi, il faut estimer que, même si l’on
suivait la thèse selon laquelle l’activité du Conseil est de type, essentiellement,
politique, on serait forcés de reconnaître qu’elle est soumise aux limites imposées par le
droit de l’Organisation des Nations Unies. Comme le dispose l’article 24 § 2 de la
Charte des N.U., le Conseil exerce sa compétence, conformément aux buts et aux
principes de l’Organisation, selon les pouvoirs spécifiques qui lui dérivent des chapitres
VI, VII, VIII et XII.1099 Cette interprétation, d’ailleurs, est conforme au principe de
souveraineté, en vertu duquel les États ont le droit à ce que le Conseil se conforme aux
dispositions de la Charte, car ce sont eux qui, en dernière analyse, fondent son pouvoir
et le Conseil agit au nom de tous les États membres de l’Organisation.1100 En outre,
quoique, selon certains auteurs, l’article 24 § 2 engage le Conseil à suivre seulement les
principes fondamentaux de la Charte, non pas les autres dispositions particulières, il
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Security Council Resolutions Adopted under Chapter VII of the United Nations Charter?, in N. AL
NAUIMI, R. MEESE, International Legal Issues Arising under United Nations Decade of International
Law, The Hague/Boston/London, Martinus Nijhoff Publisher, 1995, p. 652; V. GOWLLAND-DEBBAS,
Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p 94; M. BEDJAOUI,
Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de sécurité, Bruxelles, Bruylant,
1994.
1098 Conformément voir V. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of
State Responsibility, cit., p. 40. D’après M. BOTHE, Les limites des pouvoirs du Conseil de sécurité, cit.,
p. 67-81, il ne faudrait pas configurer le pouvoir du C.d.S. comme un pouvoir discrétionnaire, mais
comme un pouvoir qui a une marge de libre appréciation, impliquant, forcement, des limites.
1099 L’article 24 § 2 de la Charte des N.U. dispose que: “Dans l’accomplissement de ses devoirs, le
Conseil de sécurité agit conformément aux Buts et aux Principes des Nations Unies. Les pouvoirs
spécifiques accordés au Conseil de sécurité pour lui permettre d’accomplir lesdits devoirs sont définis
aux chapitres VI, VII, VIII et XII”.
1100 En doctrine voir P. POZO SERRANO, La Corte internacional de justicia y las competencias del
Consejo de seguridad en el ámbito del mantenimiento de la paz y de la seguridad internacionales, cit., p.
430 s. Selon D. CIOBANU, Preliminary Objections Related to the Jurisdiction of the United Nations
Political Organs, cit., p. 70-72, un exemple de limite au pouvoir du Conseil serait constitué par le droit
de veto, qui empêche, à l’évidence, le Conseil de prendre des mesures à l’encontre d’un membre
permanent. D’après Ph. JESSUP, Parliamentary Diplomacy: an Examination of the Legal Quality of the
Rules of Procedure of Organs of the United Nations, in R.C.A.D.I., 1956-I, vol. 89, p. 201, les pouvoirs
des Nations Unies, dérivant d’un traité, ne peuvent être altérés qu’en utilisant les moyens prévus par la
Charte même. Selon H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental
Problems, cit., p. 95-96, en vertu de l’article 25 de la Charte des N.U., qui établit que: “Les États
membres conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de Sécurité conformément à la
présente Charte”, les États parties à la Charte ne seraient pas obligés de se conformer à toutes les
décisions du C.d.S., mais seulement à celles qui sont en ligne avec les dispositions de la Charte même. En
jurisprudence, voir C.I.J., Conditions de l’admission d’un État comme membre des Nations Unies (article
4 de la Charte), avis consultatif du 28 mai 1948, in C.I.J. Rec., 1948, p. 64, où l’on affirme qu’il faudrait
reconnaître que “le caractère politique d’un organe ne peut le soustraire à l’observation des dispositions
conventionnelles qui le régissent, lorsque celles-ci constituent des limites à son pouvoir ou des critères à
son jugement”; C.I.J., Certaines dépenses des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte),
avis consultatif du 20 juillet 1962, opinion dissidente du juge De Bustamante, in C.I.J. Rec., 1962, p. 304,
où l’on soutient que: “C’est seulement en raison de la soumission aux buts et aux garanties fixées par la
Charte que les États Membres ont limité partiellement la portée des leurs pouvoirs souverains […] Ce
principe de la correspondance conditionnée entre le devoir d’accepter les décisions institutionnelles et la
conformité de ces décisions à la Charte a été consacré par l’article 25”.

310
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

faut estimer, avec la doctrine majoritaire, que le Conseil doit se conformer à toutes les
normes de la Charte des N.U.1101
Aucune disposition de la Charte des N.U. n’attribue à la C.I.J. le pouvoir d’effectuer
un contrôle de légitimité sur les décisions du C.d.S. Par ailleurs, l’analyse des travaux
qui ont amené à l’élaboration du texte final confirme que les rédacteurs ont
expressément évité d’attribuer à la Cour un pouvoir de ce type.1102
L’absence de dispositions expresses qui reconnaissent à la Cour le pouvoir de réviser
les décisions du Conseil n’est pas déterminante, car il n’y pas de normes qui empêchent
ce type de contrôle. Normalement, dans les ordres juridiques internes, si la loi n’interdit
pas expressément aux juges la révision, ils la pratiquent, sur la base du principe général
selon lequel ce qui n’est pas interdit est permis.1103 Le même principe est applicable sur
le plan international, par conséquent il est indispensable que la Cour réalise un contrôle
sur la légitimité des actes du Conseil.1104

1101 En faveur de l’interprétation restrictive, selon laquelle le Conseil serait tenu seulement à respecter les
principes et les buts fondamentaux de la Charte des N.U., voir L.M. GOODRICH, E. HAMBRO,
Commentaire de la Charte des Nations Unies, Commentaire à l’article 24, éd. fr. par A.-M. Guynat,
Neuchâtel, Éd. de la Baconnière, 1948, p. 197-198. En faveur de l’interprétation large, selon laquelle le
Conseil serait tenu à respecter toutes les dispositions de la Charte, voir A. PELLET, Peut-on et doit-on
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

contrôler les actions du Conseil de sécurité?, in S.F.D.I., Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
cit., p. 234; A. PELLET, La formation du droit international dans le cadre des N.U., cit., p. 423; E.
SCISO, Può la Corte internazionale di giustizia rilevare l’invalidità di una decisione del Consiglio di
sicurezza?, cit., p. 371. Selon L. CONDORELLI, La Corte internazionale di giustizia e gli organi politici
delle Nazioni Unite, cit., p. 913, non seulement le C.d.S. serait tenu au respect des principes et de toutes
les normes expresses, mais aussi des toutes les normes implicites de la Charte des N.U.
1102 Le Comité IV/2 de la Conférence de San Francisco, considéra que, au moment de l’élaboration de la
Charte des N.U., la nature de l’Organisation des N.U. et de ses compétences ne semblaient pas inviter à
inclure dans la Charte une disposition pour conférer à la C.I.J. la compétence pour établir, de façon
obligatoire, la correcte interprétation de la Charte, de sorte qu’il valait mieux laisser aux différents
organes la compétence à décider quel type de procédure adopter pour résoudre une question
d’interprétation de la Charte (voir U.N.C.I.O., Doc. 933, IV/2/42(2), vol. XIII, p. 709). En doctrine, sur
ce problème, voir B. CONFORTI, Le Nazioni Unite, 4a ed., cit., p. 14 s.; V. GOWLLAND-DEBBAS,
Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p. 96; G.B. WATSON,
Constitutionalism, Judicial Review and the World Court, cit., p. 8-14. En jurisprudence voir C.I.J.,
Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-
Ouest africain) nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif du 21 juin
1971, opinion dissidente du juge Onyeama, in C.I.J. Rec., 1971, p. 126 s.
1103 Voir, en doctrine, M. CAPPELLETTI, The Judicial Process in Comparative Perspective, Oxford,
Clarendon Press, 1989, p. 150-155. En jurisprudence voir Cass., Ch. mixte, Administration des douanes
v. Société cafés Jacques Vabre, jugement du 24 mai 1975, in Rec. D.S., 1975, vol. II, jurisprudence, p.
501.
1104 En faveur de l’institution d’un contrôle judiciaire sur la légalité des actes des organes des N.U. voir
D. BINDSCHEDLER, Le règlement des différends relatifs au statut de d’un organisme international, in
R.C.A.D.I., 1968-II, vol. 124, p. 540, d’après lequel “l’institution d’un contrôle est en principe désirable
chaque fois que l’organisation est habilitée à prendre des décisions majoritaires qui affectent les droits et
les obligations des États”. Reconnaissent, en principe, le pouvoir de révision de la C.I.J., malgré
l’absence de dispositions expresses en ce sens dans la Charte des N.U., V. GOWLLAND-DEBBAS,
Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p. 400; L. CONDORELLI,
La C.I.J.: cinquante ans et (pour l’heure) pas une ride, cit., p. 400. Sur la nécessité de réviser le système
de la Charte afin de prévoir un mécanisme de contrôle des actes des organes des N.U. par la C.I.J. voir M.
BEDJAOUI, La visión de las culturas no occidentales sobre la legitimidad del derecho internacional
contemporáneo, in An. Der. I., 1995, XI, p. 23 s. Dans un ordre d’idées critique sur l’application du
principe du contrôle judiciaire des décisions des organisations internationales, surtout par rapport au
fonctionnement normal et rapide des sujets en question, voir W. WENGLER, Recours judiciaire à
instituer contre les décisions d’organes internationaux, in Ann. I.D.I., Session d’Aix-en-Provence –
Travaux préparatoires, 1954, avril/mai, vol. 45, t. I, p. 265 s.; W. WENGLER, Recours judiciaire à
instituer contre les décisions d’organes internationaux, in Ann. I.D.I., Session d’Amsterdam – Travaux

311
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

La nécessité d’effectuer le contrôle de légitimité pourrait naître dans plusieurs


circonstances.
Elle pourrait survenir à la demande d’exprimer un avis consultatif aux termes de
l’article 96 de la Charte des N.U., car la Cour, appelée à se prononcer sur toute sorte de
question juridique, pourrait exprimer son opinion sur la conformité au droit d’une
décision du Conseil de sécurité. Dans ce cas toutefois, étant donné que l’avis n’est pas
obligatoire, il n’y aurait pas de problèmes de conflit entre l’évaluation de la Cour et la
décision du Conseil.1105
La révision pourrait survenir, aussi, au cours d’un procès contentieux au cas où la
Cour serait saisie par les États afin de juger des faits qui ont déjà été traités par le C.d.S.
En outre, elle pourrait surgir au cours d’un procès contentieux concernant un fait illicite
international différent par rapport à ceux qui ont été considérés par le C.d.S.: la révision
des décisions du Conseil ne serait pas, alors, directe, mais par voie d’incident. Dans ces
hypothèses la Cour serait obligée d’effectuer une évaluation des décisions antérieures
du Conseil qui ont réglé la matière et pourrait les réviser dans l’exercice de ses pouvoirs
juridictionnels. S’il en était autrement, en ce qui concerne le côté substantiel de
l’affaire, la Cour devrait déclarer conformes au droit des obligations qui naissent d’un
acte illicite.1106 La révision engendrerait un conflit substantiel entre la décision de la
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Cour et celle du Conseil: en l’absence de dispositions légales expresses la décision de la


Cour devrait prévaloir, en tant que solution juridictionnelle, donc finale.
Le principe de la prééminence de l’opinion de la C.I.J., quand même, n’irait pas sans
problèmes, car la décision de la Cour entraînerait des conséquences légales. Si la
révision impliquait l’invalidité ex nunc des décisions du Conseil, la seule conséquence
serait que les effets des décisions du C.d.S. cesseraient dès le moment de l’effectivité de
la décision en révision. Si la révision impliquait la nullité ex tunc des décisions du
Conseil, il faudrait faire place à la réintégration du status quo ou à la réparation pour les
conduites tenues sur la base des obligations imposées par le Conseil. La réparation
affecterait, bien évidemment, l’État qui s’est conformé aux décisions du Conseil, mais
elle pourrait aussi affecter le Conseil de sécurité qui a pris les décisions. Par ailleurs la
réparation deviendrait plutôt compliquée dans les cas, graves, des conduites illicites
majeures internationales.1107 Sur la base de l’interprétation de la jurisprudence de la

préparatoires, 1957, septembre, vol. 47, t. I, p. 5 s. En jurisprudence voir C.I.J., Certaines dépenses des
Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif du 20 juillet 1962, in C.I.J. Rec.,
1962, p. 151; C.I.J., Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud
en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis
consultatif du 21 juin 1971, in C.I.J. Rec., 1971, p. 16.
1105 Voir D. AKANDE, The I.C.J. and the Security Council: Is There Room for Judicial Control of
Decisions of the Political Organs of the U.N.?, cit., p. 327-331, 333.
1106 Voir, en doctrine, C. TOMUSCHAT, The Lockerbie Case before the I.C.J., in International
Commission of Jurist Review, 1992, p. 48; B. GRAEFRATH, Leave to the Court What Belongs to the
Court, cit., p. 204; L. CONDORELLI, La Corte internazionale di giustizia e gli organi politici delle
Nazioni Unite, cit., p. 913. En jurisprudence voir C.I.J., Conséquences juridiques pour les États de la
présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution 276
(1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif du 21 juillet 1971, opinion individuelle du juge Dillard, in
C.I.J. Rec., 1971, p. 151 s.
1107 Il s’agit du problème des effets légaux des actes illicites des organisations internationales, qui ne
sont pas clairement définis. Sur la question voir E. LAUTERPACHT, The Legal Effect of Illegal Acts of
International Organisations, in D.W. BOWETT et al., Cambridge Essays in International Law, Essays in
Honour of Lord McNair, Cambridge Essays in International Law, London/New York, Stevens/Oceana,
1965, p. 88; E. OSIEKE, The Legal Validity of ultra vires Decisions of International Organisations, in
A.J.I.L., 1983, april, vol. 77, n. 2, p. 239; R.J. JENNINGS, Nullity and Effectivness in International Law,
in D.W. BOWETT et al., Cambridge Essays in International Law, cit., p. 64.

312
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

C.I.J. on peut affirmer, seulement, que la révision des actes du Conseil fait cesser
l’obligation des États de se conformer aux devoirs imposés par la décision invalide.1108
Une fois établi que le contrôle de légitimité est possible, et quelles peuvent en être
les conséquences, il faut constater que, si on ne peut pas exclure, en principe, la révision
pour une éventuelle violation du ius cogens, il est très difficile que la C.I.J. se trouve à
réviser une décision du C.d.S. en vertu des dispositions de la Charte des N.U., car la
marge de pouvoir discrétionnaire dont le Conseil jouit dans la prise de ses décisions est
tellement large (article 24 § 2 de la Charte) que l’hypothèse de l’illégitimité d’un de ses
actes sera intégrée dans des cas très rares.1109

§ 7.7. La responsabilité pénale de l’État entre la C.I.J. et le C.d.S.: les ordonnances


de la C.I.J. dans l’affaire relative à l’application de la Convention sur la
prévention et la répression du crime de génocide.
Pour appréhender quelles peuvent être les conséquences de la superposition des
compétences du C.d.S. et de la C.I.J. en matière de responsabilité majeure des États, on
considérera le cas, exemplaire, des ordonnances de la C.I.J. dans l’affaire relative à
l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Il faut, donc, analyser les aspects essentiels de l’affaire, pour faire, ensuite, quelques
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considérations.1110
En 1991 la République fédérale de Yougoslavie a été sanctionnée d’un embargo
“général et complet sur toutes les livraisons d’armements et d’équipements militaires”,
par la Résolution 713 du 25 septembre 1991 du C.d.S. Ce faisant, le Conseil agissait en
considérant l’éclatement de la Fédération Yougoslave comme une menace contre la
paix et la sécurité internationales en vertu du chapitre VII de la Charte des N.U.1111
En 1993 la République de Bosnie Herzégovine a porté plainte contre la République
fédérative de Yougoslavie (R.F.Y., Serbie et Monténégro), suite à la politique de

1108 La C.I.J. affirme en effet, dans l’affaire de Lockerbie, à propos des obligations qui descendent des
décisions du Conseil que “elles sont obligatoires pour tous les États Membres des N.U. qui sont par
conséquent, tenus à les respecter”, d’où l’on déduit que, si les décisions sont déclarées invalides, les
obligations pour les États cessent d’exister (voir C.I.J., Questions d’interprétation et d’application de la
Convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie, Jamahiriya Arabe
Libyenne/Royaume Uni, ordonnance du 14 avril 1992, in C.I.J. Rec., 1992, p. 3 s.; C.I.J., Question
d’interprétation et d’application de la Convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de
Lockerbie, Jamahiriya Arabe Libyenne/États-Unis d’Amérique, mesures conservatoires, ordonnance du
14 avril 1992, in C.I.J. Rec., 1992, p. 114 s.).
1109 Voir P.-M. DUPUY, Sécurité collective et organisation de la paix, cit., p. 397 s.; G. GAJA,
Réflexions sur le rôle du Conseil de sécurité dans le nouvel ordre mondial, cit., p. 397 s.; D. AKANDE,
The I.C.J. and the Security Council: Is There Room for Judicial Control of Decisions of the Political
Organs of the U.N.?, cit., p. 315.
1110 Voir C.I.J., Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
Bosnie Herzégovine/Yougoslavie (Serbie et Monténégro), mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril
1993, in C.I.J. Rec., 1993, p. 3 s.; C.I.J., Application de la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide, Bosnie Herzégovine/Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ordonnance du 13
septembre 1993, in C.I.J. Rec., 1993, p. 325. Sur l’affaire en question voir R. MAISON, Les ordonnances
de la C.I.J. dans l’affaire relative à l’application de la Convention sur la prévention et la répression du
crime de génocide, cit., p. 381 s.; L. BOISSON DE CHAZOURNES, Les ordonnances en indication de
mesures conservatoires dans l’affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide, in A.F.D.I., 1993, XXXIX, p. 514.
1111 Voir le texte de la Résolution 713 du 25 septembre 1991 du C.d.S. dans le site Internet
‹http://www.un.org/french/documents/scres.htm› (site des N.U. répertoriant les résolutions du C.d.S.).
Sur l’imposition de l’embargo à l’ex-Yougoslavie voir P. MARTIN-BIDOU, Les mesures d’embargo
prises à l’encontre de la Yougoslavie, in A.F.D.I., 1993, XXXIX, p. 262-285.

313
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

“purification ethnique” menée par la R.F.Y., pour génocide et agression.1112 Par ce


recours, la Bosnie visait à obtenir de la C.I.J. la condamnation de la Yougoslavie pour
génocide et, conséquemment, pour agression, impliquant la sanction de la cessation de
la conduite criminelle et, en cas de violation de la sanction, la reconnaissance du droit à
agir en légitime défense suivant l’article 51 de la Charte des N.U., entraînant la levée de
l’embargo pour pouvoir exercer effectivement ce droit.
La compétence de la Cour, saisie de façon unilatérale, a été reconnue sur la base de
l’article 9 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
adoptée le 9 décembre 1948 et entrée vigueur le 12 janvier 1951, considérée, aux termes
de l’article 35 § 2 du Statut de la C.I.J., comme “une disposition particulière d’un traité
en vigueur”, permettant de déroger au principe du consensus.
L’affaire portée devant la Cour impliquait deux questions majeures: tout d’abord il
s’agissait de juger la responsabilité majeure, pénale, d’un État, aux termes de la
Convention sur le génocide, en outre la C.I.J. était appelée à se prononcer sur une
affaire sur laquelle le C.d.S. avait déjà exprimé son avis et adopté des mesures
contraignantes. Une éventuelle reconnaissance de la responsabilité majeure, voire
pénale, de la R.F.Y. pour génocide, aurait entraîné un conflit entre la décision de la
Cour et la Résolution précédente du C.d.S.
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Dans l’urgence de la situation la C.I.J. prononça deux ordonnances: la première, du 8


avril 1993, contenait trois mesures conservatoires, la deuxième, du 13 septembre 1993,
confirmait, simplement, les mesures en question. Les mesures adoptées par la Cour se
limitaient à “clarifier” les mesures à prendre ou à éviter par les États, à l’égard des actes
de génocide allégés par la demande de la Bosnie. Ainsi la Cour refusait de connaître la
responsabilité étatique directe pour les actes en question et reconnaissait, seulement, le
devoir, découlant de l’article 5 de la Convention de 1948, de prévenir et de réprimer les
actes de génocide perpétrés par les individus. En outre, sans approfondir la question de
la responsabilité indirecte, qui aurait impliqué l’établissement de la responsabilité
individuelle, la Cour renonçait à condamner la R.F.Y. à la cessation de la conduite
illicite et laissait subsister la seule possibilité d’une sanction, classique, a posteriori, à
titre de réparation.
La Cour a, donc, retenu une application stricte du crime de génocide aux seuls
individus, suivant l’article 4 de la Convention sur le génocide. Toutefois elle aurait pu
choisir une approche plus audacieuse, car l’article 8 de la Convention sur le génocide
autorise tout organe des N.U. saisi à adopter les mesures nécessaires à prévenir et à
réprimer le crime. D’ailleurs, une interprétation correcte de la situation portée à
l’attention de la Cour aurait dû consister dans l’analyse de la responsabilité de l’État
pour la conduite de ses organes, directe ou bien indirecte pour omission de contrôle sur
les actes de génocide perpétrés par les individus. Abstraction faite du type de
responsabilité en question, pénale, majeure ou mineure, l’établissement de la
responsabilité de l’État de la R.F.Y. aurait dû amener la C.I.J. à le condamner à cesser
la conduite illicite.1113 La seule raison qui peut avoir détourné la C.I.J. d’une telle
interprétation réside dans le souci de ne pas contredire la position prise par le C.d.S. sur
la même question.

1112 Sur la notion de “nettoyage ethnique” en droit international voir D. PETROVIC, Ethnic Cleansing –
An Attempt at Methodology, in E.J.I.L., 1994, vol. 5, n. 3, p. 342 s.
1113 Sur l’inadéquation des décisions de la C.I.J. de 1993 aux fins de l’application de la Convention sur le
génocide, notamment en raison de la non imposition de la cessation de la conduite illicite, voir G.C.
DEWEESE, The Failure of the I.C.J. to Effectively Enforce the Genocide Convention, in Denver J.I.L.P.,
1998, summer, vol. 26, n. 4, p. 628.

314
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

Finalement, en phase avec une partie de la doctrine, on tirera de cette affaire deux
ordres de conclusions. Tout d’abord on constatera que le droit international pénal actuel
ne constitue absolument pas une alternative réelle au mécanisme, inefficace, de sécurité
collective axé sur le C.d.S., car la responsabilité pénale individuelle est totalement
périphérique par rapport à la responsabilité collective.1114 En outre on remarquera,
surtout, que la C.I.J. n’est pas libre dans son jugement en matière de responsabilité
majeure étatique lorsqu’une décision a déjà été rendue par le C.d.S. sur la même affaire:
cela entraîne des graves conséquences, en termes de dommages à l’État victime,
auxquelles aucune réparation ne saurait remédier.

§ 7.8. L’exécution des décisions de la C.I.J. par le C.d.S.: l’article 94 de la Charte


des N.U.
La question des rapports entre la C.I.J. et le C.d.S. ne se pose pas seulement au
niveau décisionnel, mais concerne, aussi, le moment exécutif de la responsabilité
étatique.
D’après le droit international général, il faut estimer que la violation d’une décision
de la C.I.J. autorise, en principe, les États à réagir en contre-mesure en dehors du
système onusien.
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Certaines mesures exécutives sont prises dans le cadre des organisations régionales,
notamment affiliées à l’O.N.U. Ainsi l’article 33 de la Constitution de l’O.I.T. prévoit
que, en cas de violation d’une obligation imposée par la C.I.J., le Conseil
d’administration recommande à la Conférence des États parties de prendre les décisions
nécessaires pour faire respecter la décision, l’article 88 du Traité de l’Aviation civile
internationale prévoit que l’Assemblée des États parties à l’O.A.C.I. peut suspendre le
droit de vote à l’Assemblée ou au Conseil d’un État membre qui ne s’acquitte pas d’une
obligation imposée par la C.I.J., par le Conseil de l’O.A.C.I. ou par un Tribunal arbitral
international, tandis que l’article 87 du même Traité interdit aux compagnies aériennes
de l’État auteur de la violation d’opérer sur le territoire des autres États membres.1115
Dans le cadre des N.U. étant donnée l’interdiction générale du recours à la force en
dehors de l’autorisation du C.d.S., l’article 94 § 2 de la Charte dispose que: “Si une
partie au litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d’un arrêt
rendu par la Cour, l’autre partie peut recourir au C.d.S. et celui-ci, s’il le juge
nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire
exécuter l’arrêt.” Cette disposition, très importante en cas de responsabilité majeure des
États, configure, au premier abord, la dépendance exécutive du C.d.S. par rapport aux
décisions de la C.I.J. Toutefois la norme soulève plusieurs problèmes de nature
interprétative.1116

1114 Voir R. MAISON, Les ordonnances de la C.I.J. dans l’affaire relative à l’application de la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, cit., p. 400. À ce propos voir C.
LOMBOIS, Droit pénal international, Paris, Dalloz, 1971, § 157, qui parle d’un droit international pénal
“positif inactif”.
1115 Voir A. TANZI, Problems of Enforcement of Decisions of the I.C.J. and the Law of the U.N., cit., p.
561 s.
1116 Sur les problèmes de l’article 94 § 2 de la Charte des N.U. voir A. TANZI, Problems of Enforcement
of Decisions of the I.C.J. and the Law of the U.N., cit., p. 539 s; O. SCHACHTER, The Enforcement of
International Judicial and Arbitral Decisions, in A.J.I.L., 1960, january, vol. 54, n. 1, p. 5; S. ROSENNE,
The Law and the Practice of the International Court, cit., p. 154; A. PELLET, La formation du droit
international dans le cadre des N.U., cit., p. 401; G. GUILLAUME, La C.I.J. à l’aube du XXI siècle – Le
regard d’un juge, cit., p. 178-186; Ph. WECKEL, Les suites des décisions de la C.I.J., in A.F.D.I., 1996,
XLII, p. 428-442. Dans la pratique des relations internationales, pour un cas d’arrêt de la C.I.J. inexécuté
voir C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, États-Unis d’Amérique/Iran,

315
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Le dispositif de l’article 94 de la Charte des N.U. est hérité de l’article 13 § 4 du


Pacte de la S.d.N., aux termes duquel “les Membres de la Société s’engagent à exécuter
de bonne foi les sentences” rendues par la voie judiciaire ou arbitrale, notamment par la
C.P.J.I. (amendements du 26 septembre 1924), faute de quoi “le Conseil propose les
mesures qui doivent en assurer l’effet, les États restant libres d’y adhérer ou pas”.
L’article 94, qui pose tout le problème de la différence entre la force obligatoire et la
force exécutive des décisions judiciaires, fut très débattu lors des travaux préparatoires
de la Charte des N.U.1117 Ainsi, une proposition cubaine avancée au cours de la
Conférence de S. Francisco, souhaitait l’introduction de cette disposition directement
dans le Statut de la C.I.J.1118 Selon une proposition norvégienne, l’exécution par le
C.d.S. aurait dû concerner non seulement les arrêts de la C.I.J., mais aussi ceux des
autres tribunaux internationaux.1119 La Turquie proposa de rendre obligatoire pour le
C.d.S. l’aide à toute partie se soumettant au règlement judiciaire d’un différend.1120
Finalement la proposition turque fut rejetée par le Comité III/3 (mesures coercitives) au
motif “que c’était trop limiter le pouvoir d’appréciation du Conseil, qu’il pourrait y
avoir des cas où la partie refusant de se soumettre à un règlement judiciaire n’était pas
nécessairement en faute”.1121 En ligne générale, d’après la doctrine, la crainte d’imposer
au C.d.S. des fonctions dépassant le cadre du maintien de la paix fut à l’origine de
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

l’aspect facultatif de l’action du Conseil dans le cadre de l’article 94 de la Charte des


N.U.1122
Dans la pratique, l’article 94 § 2 de la Charte des N.U. n’a presque jamais été
invoqué par un État en cas de violation d’un arrêt définitif ou d’une décision en
indication d’une mesure conservatoire de la C.I.J., de sorte qu’il est impossible d’établir
quel emploi fait le C.d.S. du pouvoir discrétionnaire dont il dispose par rapport aux
décisions rendues par la C.I.J.1123 Dans le cas des mesures conservatoires du 8 avril et
du 13 septembre 1993 décidées par la C.I.J. au cours de l’affaire concernant
l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
toutefois, le C.d.S. n’a pas agi à la suite des demandes d’exécution de la Bosnie à
l’égard de la R.F.Y.1124
La question majeure concerne la position du C.d.S. face à une décision de la C.I.J.
inexécutée. Il faut établir si l’article 94 § 2 de la Charte oblige le C.d.S à exécuter la
décision de la Cour ou bien si celui-ci demeure libre de l’exécuter ou de ne pas
l’exécuter.

arrêt du 24 mai 1980, in C.I.J. Rec., 1980, p. 3. Sur la présomption de l’exécution de bonne foi des
décisions judiciaires internationales voir C.P.J.I., Vapeur Wimbledon, Grande Bretagne, France, Italie,
Japon/Pologne/Allemagne, arrêts du 28 juin 1923 et du 18 août 1923, in C.P.J.I., série A, 1923, n. 1, p.
32.
1117 Sur l’importance de l’exacte exécution des décisions de la C.I.J. pour le maintien de la paix et de la
sécurité internationales voir U.N.C.I.O., vol. XIV, p. 886.
1118 Voir U.N.C.I.O., vol. IV, p. 695.
1119 Voir U.N.C.I.O., vol. IV, p. 515.
1120 Voir U.N.C.I.O., vol. XII, p. 293 et 313.
1121 Voir U.N.C.I.O., vol. XII, p. 519-520.
1122 Voir A. PILLEPICH, Commentaire de l’article 94 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A. PELLET,
La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 1277-1280.
1123 Voir A. PILLEPICH, Commentaire de l’article 94 de la Charte des N.U., cit., p. 1282-1284; H.
RUIZ-FABRI, Organisation judiciaire internationale – C.I.J. – Décision, in P. KAHN, L. VOEGEL,
Jurisclasseur de droit international, Paris, Lexisnexis, H. Vouzelland éd., 2003, t. 4, fasc. 218, p. 17, §
72.
1124 Voir U.N., Repertory of Practice of U.N. Organs, 1989-1994, suppl. n. 8, vol. VI, article 94, in
‹http://www.un.org/law/repertory/art94.htm›, p. 3-5, § 3-8.

316
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

D’après l’opinion uniforme de la doctrine, il faut estimer que le C.d.S. demeure libre
de décider s’il faut ou bien s’il ne faut pas exécuter les devoirs étatiques découlant
d’une décision de la C.I.J., car l’article 94 § 2 précise que les C.d.S. “peut” décider des
mesures exécutives “s’il le juge nécessaire”.1125 En cela l’article 94 se différencie
clairement de son précurseur, l’article 13 § 4 du Pacte de la S.d.N., qui obligeait le
Conseil à l’action.1126 Ainsi, l’inexécution d’un arrêt de la C.I.J. doit être considérée
comme un conflit distinct du litige soumis à la Cour, qui doit être réglé par des voies
politiques et non plus judiciaires. Par conséquent, dans sa prise de décision le C.d.S.
jouit d’un large pouvoir d’appréciation, notamment rien n’indique que les décisions
doivent être motivées sur la base du Chapitre VII de la Charte des N.U.1127 En résumé,
il n’y a aucune dépendance du C.d.S. par rapport à la Cour en matière exécutive, mais,
plutôt, une dépendance réelle du pouvoir judiciaire par rapport à l’exécutif car, sans la
certitude d’être exécutées, les décisions de la Cour deviennent inefficaces. La doctrine,
à ce propos, avance même l’hypothèse d’une révision des décisions de la Cour par le
C.d.S., mais il faut estimer que, si cela est possible de façon implicite, par le biais du
refus d’exécuter une décision, rien n’autorise une révision expresse.1128 En plus, du
moment que la décision aux termes de l’article 94 § 2 n’est pas d’ordre procédural, en
vertu de l’article 27 § 2 elle devrait impliquer le mécanisme du veto.1129 D’ailleurs,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

étant donné que la décision en question ne rentre pas parmi celles du chapitre VI de la
Charte des N.U., aux termes de l’article 27 § 3 une partie au différend décidé par la
C.I.J. devrait pouvoir participer à la décision en matière d’exécution.1130
Une autre question importante relative à l’article 94 § 2 de la Charte des N.U.
concerne l’extension de son application car, tandis que le premier paragraphe engage
tout État membre des N.U. à se conformer aux “décisions” de la C.I.J., le paragraphe 2
autorise le C.d.S. à exécuter un “arrêt” de la Cour. Il faut, donc, établir si l’exécution
par le C.d.S. est légitime seulement pour exécuter la décision finale, ou bien s’il est
permis aussi en cas de mesure préventive et d’avis consultatif.
En principe, il faut exclure la possibilité d’une action exécutive sur la base d’un avis
consultatif, du moment que, malgré l’opinion contraire d’une partie de la doctrine,

1125 Conformément voir A. VERDROSS, Idées directrices de l’Organisation des Nations Unies, cit., p.
50; A. TANZI, Problems of Enforcement of Decisions of the I.C.J. and the Law of the U.N., cit., p. 541;
F.B. SCHICK, The Nuremberg Trial and the International Law of the Future, cit., p. 776.
1126 Voir A. PILLEPICH, Commentaire de l’article 94 de la Charte des N.U., cit., p. 1276; L.M.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., article 94, p. 556.
1127 Voir A. PILLEPICH, Commentaire de l’article 94 de la Charte des N.U., cit., p. 1281-1282; L.M.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., p. article 94, p. 556-557.
1128 Voir A. TANZI, Problems of Enforcement of Decisions of the I.C.J. and the Law of the U.N., cit., p.
542 s.; H. KELSEN, The Settlement of Disputes by the Security Council, in Int. L.Q., 1948, p. 211 s.
D’après D.P. O’CONNELL, The Prospects for Enforcying Monetary Judgements of the I.L.C.: a Study of
Nicaragua’s Judgement against U.S., in Vanderbilt J.I.L., 1990, p. 913, le pouvoir de révision devrait
être attribué, aussi, à l’A.G.N.U.
1129 Voir C. VULCAN, L’exécution des décisions de la C.I.J. d’après la Charte des N.U., in R.G.D.I.P.,
1947, t. 51, p. 201 s.; H. KELSEN, The Settlement of Disputes by the Security Council, cit., p. 541 s.
1130 Voir C. VULCAN, L’exécution des décisions de la C.I.J. d’après la Charte des N.U., cit., p. 201 s.;
L. FERRARI BRAVO, La C.I.G. e la questione degli “ostaggi” americani a Téhéran, in Com. Int., 1981,
p. 378; A. TANZI, Problems of Enforcement of Decisions of the I.C.J. and the Law of the U.N., cit., p.
553 s.; P. TAVERNIER, L’abstention des États parties à un différend (article 27 § 3 infine de la Charte)
– Examen de la pratique, in A.F.D.I., 1976, XXII, p. 282 s.

317
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

l’avis consultatif ne peut avoir de force obligatoire que de façon indirecte, en vertu d’un
éventuel traité qui renvoie à l’avis de la Cour.1131
En ce qui concerne les mesures préventives, l’article 41 du Statut de la C.I.J. dispose
que la Cour peut “indiquer” les mesures nécessaires à préserver les droits des parties et
que, en attendant l’arrêt final, ces mesures sont “notifiées” aux parties et au C.d.S.1132
Une partie de la doctrine déduit de cette terminologie que le Conseil de Sécurité ne
serait pas tenu à l’exécution.1133 En revanche, du moment que les mesures
conservatoires sont obligatoires, il faut admettre la possibilité que le C.d.S. les exécute
en vertu de l’article 94 § 2 de la Charte des N.U.1134
Quant à la nature des mesures exécutives adoptées par le C.d.S., il faute estimer qu’il
s’agit des actions aux termes des articles 41 et 42 de la Charte des N.U., impliquant ou
n’impliquant pas l’emploi de la force armée. Certaines propositions visent à ajouter,

1131 Conformément, en doctrine, voir A. TANZI, Problems of Enforcement of Decisions of the I.C.J. and
the Law of the U.N., cit., p. 371 s. En jurisprudence voir C.I.J., Jugement du Tribunal administratif de
l’O.I.T. sur requête contre l’U.N.E.S.C.O., avis consultatif du 23 octobre 1956, in C.I.J. Rec., 1956, p. 77
s.; C.I.J., Demande de réformation du jugement n. 158 du Tribunal administratif des N.U., avis
consultatif du 12 juillet 1973, in C.I.J. Rec., 1973, p. 182-183, § 39; C.I.J., Demande de réformation du
jugement n. 273 du Tribunal administratif des N.U., avis consultatif du 20 juillet 1982, in C.I.J. Rec.,
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1982, p. 336. En doctrine, en faveur de la conception obligatoire des avis consultatifs de la C.I.J., voir, G.
BACOT, Réflexions sur les clauses qui rendent obligatoires les avis consultatifs de la C.P.J.I. et de la
C.I.J., in R.G.D.I.P., 1980, t. 84, n. 4, p. 1087 s; R. AGO, Binding Advisory Opinions of the I.C.J., in
A.J.I.L., 1991, july, vol. 85, n. 3, p. 439 s. En jurisprudence, en faveur de la conception obligatoire des
avis consultatifs, voir C.I.J., Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la
Roumanie, première phase, avis consultatif du 30 mars 1950, in C.I.J. Rec., 1950, p. 65 s.
1132 Pour une casuistique de l’adoption des mesures conservatoires, quelque peu banalisées, on retiendra
que neuf demandes ont été présentées, sur sept affaires, jusqu’en 1980 (voir, par exemple, C.I.J.,
Compétence en matière de pêcheries, Royaume Uni/Islande, mesures conservatoires, ordonnance du 17
août 1972, in C.I.J. Rec., 1972, p. 12 s.; C.I.J., Essais nucléaires, Australie/France, mesures
conservatoires, ordonnance du 22 juin 1973, in C.I.J. Rec., 1973, p. 99 s.), alors que vingt-cinq demandes
ont été présentées de 1980 à 2000 (voir, par exemple, C.I.J., Licéité de l’emploi de la force au Kosovo,
Yougoslavie/Belgique, ordonnance du 2 juin 1999, in C.I.J. Rec., 1999, p. 124 s.; C.I.J., Questions
d’interprétation et d’application de la Convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de
Lockerbie, Jamahiriya Arabe Libyenne/Royaume Uni, mesures conservatoires, ordonnance du 14 avril
1991, in C.I.J. Rec., 1992, p. 3 s.; C.I.J., Application de la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide, Bosnie Herzégovine/Yougoslavie (Serbie et Monténégro), mesures conservatoires,
ordonnance du 8 avril 1993, in C.I.J. Rec., 1993, p. 3 s.; C.I.J., Application de la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, Bosnie Herzégovine/Yougoslavie (Serbie et
Monténégro), mesures conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993, in C.I.J. Rec., 1993, p. 325 s.).
En doctrine, sur l’adoption des mesures conservatoires par la C.I.J. voir P.J. GOLDSWORTHY, Interim
Measures of Protection in the I.C.J., in A.J.I.L., 1974, april, vol. 87, n. 2, p. 125; V.S. MANY, Interim
Measures of Protection, Article 41 of the I.C.J. Statute and Article 94 of the U.N. Charter, in The Indian
Journal of International Law, 1970, p. 359; N.M. TAMA, Nicaragua vs. U.S.: the Power of the I.C.J. to
Indicate Interim Measures in Political Disputes, in Dickinson Journal of International Law, 1985, p. 65.
1133 Voir M. MENDELSON, Interim Measures of Protection and the Use of Force by States, in A.
CASSESE, The Current Regulation of the Use of Force, cit., p. 345.
1134 En faveur de cette interprétation voir A. TANZI, Problems of Enforcement of Decisions of the I.C.J.
and the Law of the U.N., cit., p. 568. Contre cette conception voir P. GUGGENHEIM, Les mesures
conservatoires dans la procédure arbitrale et judiciaire, in R.C.A.D.I., 1932-II, vol. 40, p. 685. Sur
l’action du C.d.S. par rapport aux mesures conservatoires décidées par la C.I.J. voir C.d.S. (Département
des affaires politiques et des affaires du C.d.S.), Répertoire de la pratique du Conseil de sécurité, 1945-
1961, cit., p. 249-250. Sur l’évolution de l’interprétation des mesures obligatoires, dans le sens qu’elles
seraient obligatoires, voir C.P.J.I., Zones franches de la Haute Savoie et du pays de Gex, ordonnance du 9
août 1929, in C.P.J.I., série A, 1929, n. 22, p. 13; C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique, arrêt du 27 juin 1986, fond, in C.I.J.
Rec., 1986, p. 144, § 289; C.I.J., Legrand, Allemagne/États-Unis d’Amérique, arrêt du 27 juin 2001,
‹http://www.icj-cij.org›, § 102.

318
LE CONFLIT DE COMPÉTENCE ENTRE LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ MAJEURE DES ÉTATS

notamment en cas de condamnation de l’État pour violation d’une obligation erga


omnes absolue indivisible, la réaffirmation de la condamnation prononcée par la C.I.J.
de la part du C.d.S., afin de renforcer l’engagement de tous les États de la communauté
internationale dans l’exécution de la sanction. D’autres propositions envisagent, mais
seulement comme mesure exécutive extrême, la perte de la qualité de membre de l’État
coupable à titre temporaire ou définitif, aux termes des articles 5 et 6 de la Charte.
En conclusion, bien que le C.d.S. demeure l’instrument exécutif par excellence des
décisions contentieuses de la C.I.J., qu’elles soient préventives ou définitives, l’exercice
de l’action exécutive reste discrétionnaire. Ainsi l’article 94 § 2 non seulement n’ajoute
rien aux pouvoirs dont le C.d.S. dispose déjà en vertu des articles 36, 37 § 2 et 39 de la
Charte des N.U., mais il empêche, aussi, que, en cas de décisions discordantes du C.d.S.
et de la C.I.J. sur une même affaire, les Conseil soit obligé d’exécuter la décision
contraire de la Cour. Malgré l’équilibre du système onusien soit ainsi préservé, la phase
exécutive des décisions de la C.I.J. demeure une question d’ordre politique plutôt que
juridique.1135

Conclusion.
Finalement l’analyse des rapports entre le Conseil de sécurité et la Cour
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internationale de justice montre non seulement que l’action de deux organes peut être
conflictuelle, mais aussi que, en cas de conflit, les décisions du Conseil priment.
Le C.d.S. jouit de vastes pouvoirs de décision, d’ordre juridictionnel, dans des
domaines relevant de la compétence de la Cour, notamment en cas de différends qui
impliquent la responsabilité majeure des États. Par ailleurs, tandis que la Cour est liée,
quant au démarrage de ses procès et aux limites de sa compétence, à la bonne volonté
des parties, le C.d.S. dispose d’un pouvoir beaucoup moins limité. Ainsi un organe
d’ordre “politique” se substitue à l’organe qui devrait être chargé, par excellence, de la
fonction juridictionnelle internationale. Du moment que le contrôle juridictionnel n’est
pas exercé par une Cour internationale, mais par un organe de nature politique, le
barycentre de l’organisation onusienne résulte déplacé.
Des normes capables de dirimer le conflit de compétence entre les deux organes
manquent. Cela facilite ultérieurement l’épanouissement du pouvoir du C.d.S. au
détriment de celui de la C.I.J. Lorsque l’action de la C.I.J. et du C.d.S. risquent de se
heurter en raison de la compétence ratione materiae, la Cour même parvient à limiter
ses pouvoirs en formulant le principe selon lequel les décisions du Conseil priment, en
vertu d’une interprétation, large et non incontestable, de l’article 103 de la Charte des
N.U. En revanche on ne peut reconnaître à la C.I.J. qu’un tout petit pouvoir de révision
des décision contra ius prises par le C.d.S., en cas de violation des normes cogentes ou
des limites fonctionnelles imposées par la Charte des N.U. L’hypothèse d’un contrôle
juridictionnel de la C.I.J. sur les décision du C.d.S. pour violation des limites
fonctionnelles demeure, par ailleurs, reliée dans l’espace d’une légitimité plus
hypothétique que réelle, étant donnée l’ample marge discrétionnaire dont le Conseil
jouit dans sa prise de décisions.1136 Ainsi, la relation entre l’organe politique et l’organe
juridictionnel est inversée par rapport aux relations qui s’installent dans les ordres
internes, car la Cour, organe de nature juridictionnelle, conforme ses décisions aux

1135 Voir A. TANZI, Problems of Enforcement of Decisions of the I.C.J. and the Law of the U.N., cit., p.
571-572.
1136 Sur les limites du pouvoir de révision de la C.I.J. par rapport aux décisions du C.d.S. voir V.
GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p.
97; M. KOSKENNIEMI, The Police in the Temple Order, Justice and the U.N.: a Dialectical View, cit.,
p. 327; A. PELLET, La formation du droit international dans le cadre des Nations Unies, cit., p. 424.

319
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

dispositions du C.d.S., organe de nature politique.1137 Pourtant, normalement, l’organe


juridictionnel devrait jouer le rôle de gardien ultime du bon fonctionnement du système
onusien.
La subordination au C.d.S. de la C.I.J., organe déjà largement tributaire de la
souveraineté des États, vu le nombre limité de ceux qui s’engagent au respect de la
clause obligatoire, en fait une instance judiciaire qui exerce “une justice de transition,
qui relève d’avantage de l’arrangement que de la conformité à la règle de droit”, de
sorte qu’il y a une “extrême nécessité d’un renforcement de la justice internationale,
dont la condition, non encore accomplie jusqu’ici, est dans le caractère obligatoire sans
réserves de la juridiction de la Cour”.1138
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1137 Voir J.A. FRANK, A Retourn to Lockerbie and the Montreal Convention in the Wake of the
September 11th Terrorist Attacks: Ramification of Past Security Council and International Court of
Justice Action, in Denver J.I.L.P., 2002, summer/fall, vol. 30, n. 4, p. 545-546. Sur la fonction de la
juridiction pour l’établissement des faits et le problème de la recherche de la vérité du jugement voir S.
COTTA, Quidquid latet apparebit: le problème de la vérité du jugement, in A.P.D., 1995, t. 39, p. 219 s.
1138 Voir M .CHEMILLER-GENDRAU, La Cour internationale de justice entre politique et droit, cit., p.
10-11. Sur la situation de la justice internationale à l’heure actuelle voir S.F.D.I., La juridictionnalisation
du droit international, Colloque de Lille, 12-14 septembre 2002, Paris, Pedone, 2003, p. 1-552.

320
CHAPITRE 8
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET
PROBLÈMES INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES
ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

Introduction. § 8.1. La relation entre les crimes des individus et les infractions majeures des États:
analyse subjective. § 8.2. La relation entre les crimes des individus et les infractions majeures des
États: analyse objective. § 8.3. Les crimes contre l’humanité. § 8.4. Les crimes de guerre. § 8.5.
L’agression. § 8.6. Synthèse de l’analyse subjective et objective des crimes des individus et des États
et conséquences institutionnelles. § 8.7. Problèmes posés par les tribunaux institués par les États
(notamment les Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo). § 8.8. Problèmes
constitutionnels posés par les tribunaux institués dans le cadre des Nations Unies (notamment par
le Conseil de sécurité: le T.P.I.Y. et le T.P.I.R.). § 8.9. Interférences entre l’action des Tribunaux
pénaux internationaux ad hoc et celle du Conseil de sécurité. § 8.10. Problèmes posés par la Cour
pénale internationale. § 8.11. La relation entre la Cour pénale internationale et le Conseil de
sécurité de l’Organisation des Nations Unies. § 8.12. La juridiction: la saisine de la Cour pénale
internationale par le Conseil de sécurité suivant l’article 13 § 1 b) du Statut de la C.P.I. § 8.13. La
révision de la saisine du Conseil de sécurité par la Cour pénale internationale. § 8.14. Le sursis de
la juridiction de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité suivant l’article 16 du
Statut de la C.P.I. § 8.15. La révision du sursis du Conseil de sécurité par la Cour pénale
internationale. § 8.16. Les problèmes naissant de la relation entre la Cour pénale internationale et
le Conseil de sécurité. Conclusion.
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Introduction.
La responsabilité internationale pénale des individus et la responsabilité majeure des
États présentent des caractéristiques communes, notamment en point de violation du ius
cogens et d’attribution de la conduite par le biais du mécanisme de l’imputation
organique. Une analyse approfondie du rapport entre la responsabilité individuelle et
collective est indispensable pour comprendre quelles conséquences institutionnelles
cette relation implique. Dans ce chapitre nous approfondissons l’étude de la relation
matérielle entre les crimes des individus et les infractions majeures des États pour
appréhender les problèmes d’ordre procédural qui naissent du croisement des deux
formes de responsabilité. Nous abordons, avant tout, le côté subjectif de la question,
notamment sur la base du principe de l’imputation organique, ensuite nous étudions la
relation du point de vue objectif, aussi bien dans la perspective de la théorie générale
que dans celle des figures criminelles spécifiques. Finalement nous considérons l’aspect
procédural. Cette recherche constitue le développement des réflexions que nous avons
fait, dans la première partie de la thèse, sur la relation entre la responsabilité pénale des
individus et celle des États en droit international, qui a révélé une liaison stricte entre
les deux concepts.1139
L’analyse part des crimes des individus, clairement définis dans le Statut de la C.P.I.,
instrument de synthèse des principes généraux du droit international pénal individuel,
pour remonter aux infractions majeures des États, aux contours plus incertains, définies
dans les Projets sur la responsabilité des États de 1996 et 2001, instruments de synthèse
des principes généraux de la responsabilité étatique. Même si, dans les travaux de
codification de la responsabilité individuelle, notamment dans le Statut de la C.P.I., et
de la responsabilité des État, dans le Projet relatif, la C.D.I. et les autres Commissions
qui se sont attelées à l’œuvre ont séparé les infractions individuelles et collectives, cela
n’exclue pas une relation entre les deux formes de la responsabilité. Cette étude devrait
permettre d’éclairer ultérieurement la nature des infractions majeures des États, en
soulignant les avantages, les désavantages et les éventuelles incohérences d’une

1139 Sur la relation stricte subsistant entre les crimes des individus et ceux des États voir A. PELLET,
Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 432.
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

conception pénale et d’une conception non pénale de cette catégorie, tant du point de
vue substantiel que du point de vue procédural.
Du moment que l’analyse révèle une connexion stricte entre la responsabilité pénale
des individus et celle des États, il s’en suit que la juridiction des T.P.I., relative à la
responsabilité individuelle, peut interférer non seulement avec l’action des États en
contre-mesure, mais aussi avec la compétence d’autres organes de la communauté
internationale, relative à la responsabilité étatique, notamment celle du C.d.S. Quoique
la compétence des T.P.I. soit limitée aux seules personnes physiques, leurs Statuts,
notamment celui de la C.P.I., ne peuvent pas être conçus comme des instruments
juridiques à part, isolés, mais ils doivent être considérés dans leurs relations avec
l’ensemble du système de droit international. Dans la suite de ce chapitre on s’intéresse
à la relation entre l’action des T.P.I., notamment de la C.P.I., et celle des États et des
organes onusiens, notamment du C.d.S., pour essayer de savoir si elle est cohérente ou
bien si elle pose des problèmes et, éventuellement, de quelle nature.

§ 8.1. La relation entre les crimes des individus et les infractions majeures des
États: analyse subjective.
Du point de vue subjectif l’imputation des faits aux États se réalise en passant par la
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conduite des sujets-organes, selon le critère de l’imputation organique, qui postule que
l’action des organes est l’action des États, valable pour tout comportement, licite ou
illicite. Du côté des infractions, le mécanisme est exploité tant en cas de délit qu’en cas
de crime, au delà des spécificités que l’application du principe à cette dernière catégorie
implique. L’infraction pénale des individus est, lorsqu’ils agissent comme
fonctionnaires de l’État, un acte illicite de l’État même. Il existe, donc, une double
responsabilité, possible parce que la qualité de fonctionnaire publique n’exclue pas la
responsabilité du sujet actif (article 27 du Statut de la C.P.I.).1140
Au niveau de la pratique remarquera qu’une grande partie des crimes internationaux
individuels est accomplie par des sujets agissant en qualité de fonctionnaires
publiques.1141
Logiquement, donc, il faut en déduire que la conduite criminelle de l’individu, qui
rentre dans la juridiction des T.P.I., peut entraîner la responsabilité des États, selon le
principe du cumul. En effet, comme le remarque la doctrine la plus récente, le
démarrage du fonctionnement de la C.P.I., impliquant le développement du droit de la

1140 Voir les considérations que nous avons développé, supra, à propos de la responsabilité individuelle
dans le cadre du Statut de la C.P.I.
1141 Voir F. LATTANZI, Riflessioni sulla competenza di una Corte penale internazionale, in Riv. D.I.,
1993, p. 677; M. BENNOUNA, L’organisation de la répression internationale – La Cour pénale
internationale, cit., p. 745. D’après A. PELLET, Les auteurs des infractions internationales –
Introduction, cit., p. 86 s., selon une opinion partageable, le jugement pénal des individus par la C.P.I. ne
changerait rien dans le système du droit international, sauf sur un plan symbolique, si les systèmes de
droit pénal interne fonctionnaient correctement, par contre il n’en serait pas de même lorsque les crimes
seraient commis par l’État, ou en son nom, ou sous sa couverture, notamment par les gouvernants et les
chefs d’État, car, dans ce cas, le droit international pénal abat l’écran d’immunité que la justice pénale
interne assure à l’organisation collective. Exactement sur ce point, selon l’auteur en question, la
responsabilité pénale internationale individuelle et étatique se rejoignent: l’État serait juridiquement
transparent seulement en cas de crime international, non pas en cas de délit international, en raison du fait
que les crimes internationaux, suivant la définition de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États
de 1996, violent les intérêts de la communauté internationale dans son ensemble. En général, sur la
responsabilité des individus en tant qu’agents publics en droit international, voir P. DAILLIER, A.
PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 675.

322
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

responsabilité majeure individuelle, débouche naturellement, en vertu du principe de la


responsabilité concurrentielle, sur l’analyse de la responsabilité étatique.1142
En cas de cumul des responsabilités, le degré de la responsabilité de l’État devrait
être identique au degré de la responsabilité individuelle, car l’État peut être coupable
autant que l’individu, selon les principes du dol et de la faute, et il n’existe aucune
raison pour réduire le dégrée de la responsabilité en passant du plan individuel au plan
collectif.
Étant donné ce cadre, il faut conclure que la responsabilité pour crime des individus,
selon le Statut des T.P.I., notamment de la C.P.I., lorsqu’ils agissent comme
fonctionnaires de l’État, entraîne la responsabilité majeure de l’État, de type
criminel.1143

§ 8.2. La relation entre les crimes des individus et les infractions majeures des
États: analyse objective.
Du point de vue objectif nous devons analyser le rapport entre la responsabilité
individuelle et collective selon deux lignes directrices: tout d’abord sur le plan du
contenu des violations individuelles et étatiques, ensuite sur le plan de la forme desdites
infractions.
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Du point de vue du contenu il existe une évidente proximité et, peut-être, même une
absolue identité, entre les intérêts violés par les crimes individuels et les intérêts violés
par les crimes des États: le crime de l’État englobe le crime individuel.1144
Le droit international pénal criminalise les individus pour quatre catégories
d’infractions, à savoir le génocide, les crimes contre les droits de l’homme, les crimes
de guerre et l’agression (lorsqu’elle sera définie juridiquement) (articles 5-8 du Statut
de la C.P.I. tels que précisés par le Texte adjoint sur les Éléments des crimes).1145
Le droit international général prévoit, comme “crimes” des États, les violations de la
paix (notamment l’agression), de l’autodétermination des peuples, des droits de
l’homme (notamment le génocide) et les violations de l’environnement (article 19 du
Projet sur la responsabilité des États de 1996).1146
Mise à part la catégorie des crimes environnementaux, on peut constater, à première
vue, la coïncidence des crimes contre les droits de l’homme, en tant que crimes
systématiques, y compris le génocide, au niveau individuel et collectif. Par ailleurs les
crimes de guerre intègrent aussi la catégorie des infractions aux droits de l’homme. De
surcroît le crime d’agression individuel coïncide avec le crime d’agression étatique,
même en l’absence d’une définition d’un côté comme de l’autre et, d’après une
influente doctrine, l’agression individuelle ne serait pas définissable sans le pendant

1142 Voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility
in International Law, cit., p. 639-640.
1143 Conformément voir V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 57.
1144 Voir D. Thiam, Troisième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, doc. A/CN.4/387, cit., p. 70, § 61-63; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-
cinquième session, 3 mai-23 juillet 1983, in Ann. C.D.I., 1983, vol. II, 2ème partie, p. 14, § 47. En doctrine
voir A. PELLET, “Vive le crime”!, cit., p. 311. Voir aussi A. BEAUDOUIN, Le maintien par la force
d’une domination coloniale, cit., p. 431, d’après lequel “si la relation entre les crimes des États et ceux
des individus pose des nombreux problèmes, il semble, cependant, généralement admis que les premiers
englobent les seconds, qui sont défini de façon encore plus restrictive”. Sur les figures criminelles dans le
Statut de la C.P.I. voir les considérations que nous avons fait, supra, dans le cadre de la présentation
générale du Statut de la C.P.I.
1145 Voir F. LATTANZI, Riflessioni sulla competenza di una Corte penale internazionale, cit., p. 661.
1146 Sur les figures des crimes étatiques voir les considérations que nous avons fait, supra, dans le cadre
de l’étude objective de la responsabilité des États.

323
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

étatique, comme le démontrent les études concernant la définition de l’agression


développées dans le cadre du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité et du Statut de la C.P.I.1147
Plus généralement, nous pouvons affirmer, sur la base des principes généraux du
droit international, que le génocide, les crimes de guerre et le crimes contre les droits de
l’homme intègrent une menace ou une violation de la paix.1148 En effet sur la base de ce
constat le Conseil de sécurité a pu instituer les tribunaux ad hoc chargés de juger les
crimes en question (Résolutions du Conseil de sécurité n. 808 du 22 février 1993,
relative à la ex Yougoslavie, et n. 955 du 8 novembre 1994, relative au Rwanda).1149 En
outre les interventions en Somalie et au Rwanda ont été justifiées par la violation
systématique des droits de l’homme qualifiée comme agression contre la paix
(Résolutions du Conseil de Sécurité n. 794 du 3 décembre 1992, concernant la Somalie,
et n. 929 du 22 juin 1994, concernant le Rwanda).
Le fait que, sur le plan du contenu, les crimes individuels et collectifs violent les
mêmes intérêts ne signifie pas, nécessairement, qu’ils violent les mêmes droits. Il s’agit

1147 Sur le problème de l’agression comme crime de l’individu qui implique, nécessairement, le crime de
l’État voir M. DUMÉE, Le crime d’agression, cit., p. 252, 260 s., d’après lequel la définition de
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

l’agression au sein du Statut de la C.P.I. permettra finalement de “poursuivre des individus ayant
participé à un crime dont l’auteur est un État, susceptible lui-même de voir sa responsabilité engagée […]
certes, la future C.P.I. jugera uniquement les individus sur le chef d’accusation de crime d’agression,
mais l’État ne sera plus hors d’atteinte. Pour la première fois, peut-être, un véritable lien sera établi entre
crime de l’individu et crime de l’État” et d’ailleurs “ce sont donc bien des individus qui seront
condamnés sur le chef d’accusation de crime d’agression devant la C.P.I. Mais il sera difficile d’occulter
la personne étatique et encore moins le rôle du Conseil de sécurité si le crime d’agression parvient un jour
à prendre forme”. Sur cette question voir, aussi, O. TRIFFTERER, Prosecution of States for Crimes of
State, cit., p. 346; J. HOGAN-DORAN, B.T. VAN GINKEL, Aggression as a Crime under International
Law and the Prosecution of Individuals by the Proposed International Criminal Court, cit., p. 321 s.
1148 Selon la jurisprudence du T.M.I. de Nuremberg notamment, l’agression, en tant que violation de la
paix, fondant la responsabilité pénale individuelle, constituerait “un mal dont les conséquences ne se
limitent pas aux seuls États belligérants, mais affectent le monde tout entier […] c’est le crime
international suprême, ne différant pas des autres crimes de guerre que du fait qu’il les contient tous”
(voir Tribunal militaire international de Nuremberg, Procès des grands criminels de guerre devant le
tribunal militaire international, Jugement, t. I, cit., p. 197). Sur cette question voir, en doctrine, M.
DUMÉE, Le crime d’agression, cit., p. 251-252; H. DONNEDIEU DE VABRES, Le procès de
Nuremberg devant les principes modernes du droit pénal international, cit., p. 497. Étant donné que le
crime d’agression est, nécessairement, à la fois un cime individuel et de l’État et qu’il contient tous les
autres crimes de guerre, il faut en déduire que tous les crimes de guerre sont en relation nécessaire avec le
crime étatique.
1149 En doctrine voir H. ASCENSIO, La répression des infractions internationales – Les Tribunaux ad
hoc pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, cit., p. 732. Sur le lien entre les droits de l’homme, conçus
comme une sorte de constitution de la communauté internationale, et la paix, voir P. DE STEFANI, Il
diritto internazionale dei diritti umani, cit., p. 84, 133-144, d’après lequel même le droit à la paix devrait
être classé comme droit de l’homme en tant que fondamental pour le respect des droits de la personne; F.
LATTANZI, Assistenza umanitaira e intervento di umanità, Torino, Giappichelli, 1997, p. 47 s.; P.-M.
DUPUY, Sécurité collective et organisation de la paix, cit., p. 617; A. PAPISCA, Il nesso fra diritti
umani e pace ovvero il paradosso dell’evidenza, Bologna, Publication d’Amnesty International, 1982.
Sur le droit à la paix comme droit de l’homme voir A. PAPISCA, La pace come diritto umano
fondamentale, in Pace, diritti dell’uomo, diritti dei popoli, 1987, p. 37. Sur la violation des droits de
l’homme comme cause fondamentale des conflits armés voir S. BAILEY, How Wars End: the United
Nations and the Termination of Armed Conflict, 1946-1964, Oxford, Clarendon Press, 1982, p. 10. Sur la
question voir, aussi, G. GAJA, Réflexions sur le rôle du Conseil de Sécurité dans le nouvel ordre
mondial, cit., p. 297, d’après lequel, quoique la notion de menace contre la paix soit souvent utilisée dans
un sens très large, les cas où la notion de violation de la paix a été employée en dehors du cadre d’un
conflit international ne seraient pas nombreux. Sur le lien entre le génocide et l’agression voir R.
MAISON, Les ordonnances de la C.I.J. dans l’affaire relative à l’application de la Convention sur la
prévention et la répression du crime de génocide, cit., p. 396.

324
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

d’établir quelle est la relation formelle entre le crime individuel et le crime collectif. Sur
le plan de la forme, essentiellement, il faut vérifier si les obligations dont les individus-
organes sont titulaires, violées par les crimes individuels, et les obligations dont les
États sont titulaires, violées par les crimes collectifs, coïncident ou diffèrent. Étant
donnée l’identité du contenu des obligations violées, on se trouve en face d’une
alternative. On peut penser, tout d’abord, que la conduite criminelle de l’individu, qui
est à la fois, en raison du principe de l’imputation organique, la conduite de l’État,
intègre, en même temps, la violation de plusieurs obligations ayant le même contenu, à
savoir celle dont l’individu est titulaire et celle dont l’État est titulaire, et engendre ainsi
différentes responsabilités. La violation des obligations dont l’individu est titulaire
engendrerait la responsabilité individuelle, tandis que la violation des obligations dont
l’État est titulaire engendrerait la responsabilité collective. Dans ce cas de figure on
serait en présence d’une sorte de concours formel de crimes du côté objectif, avec la
particularité de la pluralité subjective active du côté de l’imputation.1150 Plus
simplement, de préférence, on peut penser que l’obligation dont l’individu est titulaire,
en vertu de sa position d’organe, est l’obligation même de l’État.1151 La double
imputation de cette obligation unique est possible en vertu du principe de l’identité
organique. La violation de cette obligation, ayant un double titulaire, engendrerait la
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double responsabilité de l’individu et de l’État.1152


Quelle que soit l’approche choisie, l’obligation violée par l’État s’installe entre l’État
et les mêmes personnes dont les droits sont violés par les individus. Etant donné que
l’article 3 du Projet sur la responsabilité de l’État de 1996, correspondant à l’article 2 du
Projet de 2001, ne spécifie pas quel doit être le sujet passif de l’obligation internationale
violée, il est possible que celle-ci s’installe entre l’État et des sujets autres que les États.
D’ailleurs la Sixième Commission de l’A.G.N.U. a précisé que l’expression
“communauté internationale dans son ensemble”, définissant les sujets lésés par le
crime international, employée à l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de
1996, et à l’article 41 du Projet adopté par le Comité de rédaction de la C.D.I. en 2000,
correspondant à l’article 40 de lecture définitive, de 2001, indique non seulement les
États, mais aussi les individus et les O.N.G.1153

1150 En faveur de cette interprétation voir C. DOMINICÉ, La question de la double responsabilité de


l’État et de son agent, in E. YAKPO, T. BOUMEDRA, Liber amicorum Judge Mohammed Bedjaoui,
The Hague/London/Boston, Kluwer Law International, 1999, p. 143 s., d’après lequel l’acte de
l’individu-organe violerait deux obligations différentes car la source des obligations seraient deux normes
différentes.
1151 Dans cet ordre d’idées voir H. KELSEN, General Theory of Law and State (Théorie générale du
droit et de l’État), cit., p. 252-253.
1152 Dans cet ordre d’idées voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p.
48, § 123, d’après lequel la règle violée par l’acte de l’individu-organe est, pour l’essentiel, identique en
ce qui concerne tant le côté individuel que le côté collectif.
1153 Voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-cinquième
session sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-deuxième session, 2000, cit., p. 15, § 99.
Conformément voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante deuxième session, cit., p. 15-
16, § 49. En doctrine, dans le même ordre d’idées, voir P.-M. DUPUY, L’obligation en droit
international, in A.P.D., 2000, t. 44, p. 217 s.; Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p.
298. Sur cette question voir, aussi, F.V. García Amador, Responsabilité de l’État – Responsabilité
internationale, Rapport, doc. A/CN.4/96, cit., p. 194, § 106 s.; A. RANDELZHOFER, C. TOMUSCHAT,
State Responsibility and the Individual. Reparation in Instances of Grave Violation of Human Rights, La
Haye, M. Nijhoff Publisher, 1999. En général la doctrine et la jurisprudence affirment que l’action illicite
de l’État peut léser les droits des individus et cette violation constituerait, en même temps, une lésion des
droits de l’État dont les victimes individuelles ressortent, car l’État a le droit d’être respecté dans la
personne de ses ressortissants. Par conséquent l’État peut agir au nom de son ressortissant, sur le plan
international, pour réclamer la responsabilité de l’État auteur du dommage. Il s’agit du mécanisme de la

325
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

En tout cas, tant l’obligation dont l’individus est titulaire que l’obligation dont l’État
est titulaire, qu’elles soient la même obligation ou bien deux obligations différentes,
sont des obligations erga omnes indivisibles absolues. En effet, tant les crimes
individuels (préambule et article 5 § 1 du Statut de la C.P.I.) que les crimes étatiques
(article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996, article 40 du Projet de
2001) violent les intérêts fondamentaux de la communauté internationale dans son
ensemble: ce caractère pourrait constituer l’élément fondamental pour établir la
compétence universelle de la Cour, car il représente le trait d’union entre la Cour et tous
les États.1154 La doctrine parle, à ce propos, de délit naturel universel qui viole “les
règles de conduite de tous les peuples civilisés de notre époque”.1155
Finalement, que l’on se pose dans l’optique du concours formel des obligations
violées ou bien dans la perspective de l’identité de l’obligation violée, on doit
remarquer une connexion stricte entre les crimes individuels et les “crimes” des États:
les deux interprétations disposent en faveur d’une conception pénale des violations
majeures étatiques.
Cette proximité sur le plan de l’infraction n’est pas complètement confirmée du côté
de la sanction. Du point de vue de la forme, tant la sanction individuelle que celle de
l’État se configurent comme obligations erga omnes absolue indivisibles. Du point de
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vue du contenu, en revanche, tandis que la sanction individuelle consiste dans


l’emprisonnement et le payement d’une amende (article 77 du Statut de la C.P.I.), la

protection diplomatique, par lequel l’État, pleinement habilité à agir sur le plan international, se substitue
à une personne physique ou morale, ayant une capacité d’agir plus limitée, endossant ainsi sa
réclamation. Pour un cadre général du mécanisme de la protection diplomatique voir le texte du Projet
d’articles sur la protection diplomatique adopté par la C.D.I. en première lecture en 2004 in C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-sixième session, doc. A/59/10, cit., p. 17-22, § 59. En
doctrine voir B. STERN, La responsabilité internationale, cit., p. 17, § 126, p. 25, § 217. En
jurisprudence on remarquera que, au cours l’affaire de la Barcelona Traction, la Belgique a agi en justice
contre l’Espagne pour défendre les droits de certains citoyens, actionnaires de majorité d’une société
canadienne, la Barcelona Traction, dépossédée de ses installations hydrauliques en Espagne. La Cour a
examiné l’affaire sur la base de la thèse d’une violation indirecte des droits étatiques, rejetant l’hypothèse
de la lésion directe (voir C.I.J., Barcelona Traction Light and Power Company, Limited,
Belgique/Espagne, arrêt du 5 février 1970, in C.I.J. Rec., 1970, p. 45-46, § 85-86. Dans le même ordre
d’idées voir C.I.J., Elettronica sicula S.P.A. (E.L.S.I.), États-Unis d’Amérique/Italie, arrêt du 20 juillet
1989, in C.I.J. Rec., 1989, p. 15 s.; C.I.J., Anglo-Iranian Oil Company, arrêt du 22 juillet 1952, in C.I.J.
Rec., 1952, p. 93 s.). En tout cas, la Cour a tenu à préciser que la sanction demeure inter-étatique (voir
C.I.J., Barcelona Traction Light and Power Company, Limited, arrêt du 5 février 1970, opinion
individuelle du juge Morelli, in C.I.J. Rec., 1970, p. 223-224, § 3). Sur le mécanisme de la protection
diplomatique voir, aussi, C.P.J.I., Concessions Mavrommatis en Palestine, Grèce/Royaume Uni, arrêt du
30 août 1924, in C.P.J.I., série A, 1924, n. 2, p. 12. Pour une application dudit principe aux organisations
internationales voir C.I.J., Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif
du 11 avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 174 s. Sur le principe de la nationalité comme lien fondant le
mécanisme de la protection diplomatique pour les personnes physiques voir C.I.J., Nottebohm,
Lichtenstein/Guatemala, deuxième phase, arrêt du 6 avril 1955, in C.I.J. Rec., 1955, p. 23. Sur le critère
du lieu de constitution ou du siège comme fondement de la protection diplomatique pour les personnes
morales voir C.I.J., Barcelona Traction Light and Power Company, Limited, Belgique/Espagne, arrêt du
5 février 1970, in C.I.J. Rec., 1970, p. 422, § 70.
1154 Voir F. LATTANZI, Riflessioni sulla competenza di una corte penale internazionale, in Riv. D.I.,
1991, p. 686; Ph. WECKEL, La C.P.I. – Présentation générale, cit., p. 985; M. BENNOUNA,
L’organisation de la répression internationale – La Cour pénale internationale, cit., p. 735; A. PELLET,
Les auteurs des infractions internationales – Introduction, cit., p. 85. Voir, aussi, J. VEROHEVEN, Vers
un ordre répressif universel? Quelques réflexions, cit., p. 61, qui, à partir de la conception du crime
international comme violation d’un intérêt absolu de la communauté internationale, postule l’identité
absolue des crimes individuels prévus dans le Statut de la C.P.I. et des crimes des États prévus à l’article
19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996.
1155 Voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 289-291.

326
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

sanction collective consiste dans le devoir d’arrêter la conduite illicite et de fournir


réparation (articles 41-46 du Projet sur la responsabilité des États de 1996, articles 28-
29 du Projet de 2001).1156 Ce décalage, tenant à la nature de l’État en tant que personne
morale, n’empêche pas, toutefois, de concevoir la responsabilité majeure étatique
comme une responsabilité d’ordre criminel car même en droit interne les sanctions des
personnes morales diffèrent de celles des individus.
Une fois tracées les grandes lignes des relations qui subsistent entre les crimes des
individus et ceux des États il faut faire une étude analytique des figures criminelles
individuelles (articles 5, 6, 7, 8 du Statut de la C.P.I.) et étatiques (article 19 § 3 du
Projet sur la responsabilité des États de 1996), en commençant des crimes individuels,
précisément définis, pour reconstruire les figures criminelles des États, aux contours
moins définis.

§ 8.3. Les crimes contre l’humanité.


Les crimes individuels contre l’humanité (article 7 du Statut de la C.P.I.), sont des
crimes contre les droits de l’homme soit systématiques, c’est-à-dire composés de
plusieurs actions reliées, soit massifs, lorsqu’une seule conduite engendre plusieurs
violations. Le caractère systématique ou massif de la violation distingue les crimes
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contre l’humanité des simples crimes contre les droits de l’homme, qui impliquent une
seule victime et appartiennent au droit pénal international, relevant de la compétence
des juridictions nationales.1157
L’objet des crimes contre l’humanité est le même que celui des crimes contre les
droits de l’homme, car la différence entre les deux catégories se situe au seul niveau
quantitatif, non pas au niveau qualitatif: l’objet des crimes contre l’humanité est
constitué par les droits de l’homme. Un classement de ces droits peut-être dressé sur la
base de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi qu’à partir du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels.1158 La jurisprudence souligne que l’objet des crimes

1156 Voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 148-149; J.
VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques observations, cit., p. 61.
1157 Voir M. BETTATI, Le crime contre l’humanité, cit., p. 297-298; O. DE FROUVILLE, Les atteintes
massives aux droits de l’homme, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal,
cit., p. 417; A. PELLET, Pour la Cour pénale internationale, quand même! Quelques réflexions sur sa
compétence et sa saisine, in L’Observateur des Nations Unies, 1998, p. 150 s. En jurisprudence voir,
T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Kupreskic et autres, jugement du 14 janvier 2000, IT-95-16, § 543.
1158 Sur le classement des droits de l’homme à partir des textes internationaux voir les considérations que
nous avons fait, supra, dans l’introduction générale et au cours de l’analyse du Statut de la C.P.I. Pour un
cadre des droits de l’homme voir J.-F. FLAUSS, La protection des droits de l’homme et l’évolution du
droit de international, Paris, Pedone, 1998; K. VASAK, Les dimensions internationales des droits de
l’homme, Paris, U.N.E.S.C.O., 1978; P. WACHSMANN, Les droits de l’homme, 3ème éd., Paris, Dalloz,
1999; G. COHEN JONATHAN, (sous la direction de), Les droits de l’homme: droits collectifs ou droits
individuels, Colloque de Strasbourg, 13-14 novembre 1979, Paris, L.G.D.J., 1980; J. MOURGEON, Les
droits de l’homme, 6ème éd., Paris, P.U.F., coll. “Que sais-je?”, n. 1728, 1996; R. PELLOUX, Vrais et
faux droits de l’homme. Problèmes de définition et de classification, cit., p. 53; T. VAN BOVEN, Human
Rights and Rights of People, cit., p. 461 s.; R. GAETE, Human Rights and the Limits of Critical Reason,
Aldershot, Dartmouth Publishing Company L.t.d., 1993. Sur les droits de l’homme, voir les adresses
électroniques ‹http://www.unhchr.ch/french/html/intlinst_fr.htm› (site répertoriant les textes, en français,
des principaux instruments juridiques concernant les droits de l’homme); ‹http://www.unhcr.ch› (site du
H.C.R. – Haut Commissariat pour les réfugiés). Pour une définition des crimes contre l’humanité voir E.
ZOLLER, La définition des crimes contre l’humanité, in J.D.I., 1993, p. 549. Sur les crimes contre
l’humanité, dans le réseaux Internet, voir le site électronique ‹http://www.droit.fundp.ac.be/genocide›
(site des Facultés universitaires de droit de l’Université de Notre Dame de la Paix, Namur, Belgique, sur
les crimes contre l’humanité).

327
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

contre l’humanité est multiple, dans le sens que, en plus de l’objet spécifique à chacun
(droit à la vie, à la liberté, à l’intégrité physique, etc.), il violent, tous, le droit à la
dignité.1159
Les crimes contre l’humanité peuvent être commis en temps de guerre ou de paix.1160
La Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l’humanité, adoptée le 26 novembre 1968 par la Résolution 2391 (XIII) de l’A.G.N.U.
le reconnaît expressément à l’article 1er alinéa 1) lettre b) et, d’ailleurs, elle reconnaît
que, tout comme les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité sont
imprescriptibles.1161 Lorsqu’ils sont commis en temps de guerre, les crimes contre
l’humanité peuvent se superposer aux crimes de guerre.1162 Ils gardent, en tout cas, leur
autonomie et une majeure gravité par rapport aux crimes de guerre. Une partie de la
jurisprudence repère un élément différentiel dans le constat que les crimes de guerre se
voudraient utiles à la conduite de la guerre, alors que les crimes contre l’humanité
n’auraient pas cette finalité.1163 Ce principe, cependant, n’exclue pas totalement la
possibilité de la confusion des deux catégories, car il relève de l’intention, élément
subjectif, sans établir aucune différence objective.1164 Selon la doctrine et la
jurisprudence majoritaires, la différence tient tant à l’élément objectif qu’à l’élément
moral, car le caractère systématique ou massif serait une composante essentielle des
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crimes contre l’humanité, nécessairement connu par l’auteur pour que la culpabilité
subsiste, tandis qu’il ne serait qu’un élément circonstanciel des crimes de guerre.1165

1159 Voir T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Erdemovic, IT-96-22, jugement su 29 novembre 1966, § 28; T.P.I.R.,
Ch. I, Kambanda, jugement du 4 septembre 1998, ICTR-97-23, § 15.
1160 Voir M. BETTATI, Le crime contre l’humanité, cit., p. 307. Voir aussi les considérations que nous
avons fait dans le cadre de la présentation générale du Statut de la C.P.I. En général, sur les crimes contre
l’humanité, voir M.-C. BASSIOUNI, Crimes against Humanity in International Criminal Law,
Dordrecht/Boston/London, Martinus Nijhoff Publisher, 1992; M. DELMAS-MARTY, Le crime contre
l’humanité, les droits de l’homme et l’irréductible humain, in R.S.C., 1994, p. 477 s.; J. GRAVEN, Les
crimes contre l’humanité, in R.C.A.D.I., 1950-I, vol. 76, p. 427 s.; C. GRYNFOGEL, Un concept
juridique en quête d’identité: le crime contre l’humanité, in R.I.D.P., 1992, 3/4 trim., p. 1034 s.; C.
GRYNFOGEL, Le crime contre l’humanité, notion et régime juridique, thèse sous la direction de R.
Merle, Toulouse 1, 1991, p. 1-727. En jurisprudence voir T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Jélisic, jugement du 14
décembre 1999, IT-95-10, § 29, note 27; T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Blaskic, jugement du 3 mars 2000, IT-
95-14, § 66.
1161 Sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre voir P. PONCELA,
L’imprescriptibilité, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 887
s.
1162 Voir C.D.I., Rapport sur les travaux de sa trente-neuvième session, in Ann. C.D.I., 1987, vol. II, 2ème
partie, p. 16, § 4, où on lit que “la distinction entre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité
n’est, donc, ni systématique ni absolue”. Sur la relation entre les crimes contre l’humanité et les crimes de
guerre voir D. ROBINSON, Defining “Crimes against Humanity at the Rome Conference”, cit., p. 46.
1163 Voir Cass. Crim., Barbie, arrêt du 20 décembre 1985, in G.P., 1986, vol. I, p. 271.
1164 Sur la différence entre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité voir C. GRYNFOGEL,
Le crime contre l’humanité, notion et régime juridique, cit., p. 116-122.
1165 En doctrine voir M. FRULLI, Are Crimes against Humanity More Serious than War Crimes?, in
E.J.I.L., 2001, vol. 12, n. 2, p. 333-328. En jurisprudence voir T.P.I.Y., Ch. App., Tadic, jugement du 26
janvier 2000, IT-94-1, § 65-69, où l’on affirme l’égale gravité des crimes contre l’humanité et des crimes
de guerre; T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Erdemovic, jugement du 5 mars 1998, IT-96-22, § 18; T.P.I.Y., Ch. I
1ère inst., Blaskic, jugement du 3 mars 2000, IT-95-14, § 797-802; T.P.I.Y., Ch. App., Furundzija, arrêt
du 21 juillet 2000, IT-95-17/1, § 240-243; T.P.I.R., Ch. I, Kambanda, jugement du 4 septembre 1998,
ICTR-97-23, § 14, où l’on affirme la majeure gravité des crimes contre l’humanité par rapport aux crimes
de guerre.

328
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

Il faut estimer que les T.P.I. sont compétents pour juger les crimes contre l’humanité
tant s’ils impliquent un élément d’extranéité, que s’ils ne l’impliquent pas, en raison de
leur caractère naturellement international en tant que violations erga omnes.1166
Dans tous le cas de figure, sous le profil de la responsabilité étatique, les crimes
contre l’humanité individuels constituent une violation au sens de l’article 19 § 3 c) du
Projet sur la responsabilité des États de 1996, qui incrimine la violation à large échelle,
de la part de l’État, des “obligations internationales d’importance essentielle pour la
sauvegarde de l’être humain”, donc les atteintes étatiques aux droits de l’homme.
D’ailleurs, l’article 19 § 3 c) cite, comme exemples d’infractions étatiques, les
conduites du génocide, de l’esclavage et de l’apartheid, qui constituent des crimes
contre l’humanité individuels (respectivement articles 6, 7 § 1 c) et 7 § 1 j) du Statut de
la C.P.I.).1167
Selon le texte de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États, la violation
étatique semblerait constituée par l’ensemble des crimes contre l’humanité individuels,
car celui-ci qualifie le crime de l’État comme “une violation grave et à large échelle
d’une obligation internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde de l’être
humain”. En réalité il vaut mieux ne pas concevoir la conduite de l’État comme une
action unique résultant de la somme de toutes les conduites illicites individuelles. En
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

revanche il faut considérer chaque conduite illicite de l’individu-organe comme une


conduite de l’État: il y aura, par conséquent, autant de crimes étatiques qu’individuels.
Probablement, dans le texte de l’article 19, on aurait pu, tout simplement, citer les
violations, par l’État, des droits de l’homme.1168
L’obligation violée lie l’État et les personnes physiques dont les droits sont lésés.
Étant donné que l’article 3 du Projet sur la responsabilité des États ne spécifie pas quel
doit être le sujet passif de l’obligation internationale violée, il est possible que celle-ci
s’installe entre l’État, personne morale, et les individus, personne physiques, titulaires
des droits lésés. S’agissant, d’ailleurs, de la violation d’une obligation erga omnes
absolue indivisible, en plus des individus tous les autres sujets de la communauté
internationale seront victimes du crime. Du fait que les droits de l’homme sont des
droits erga omnes absolus indivisibles, auxquels correspondent les obligations
corrélatives de tous les autres sujets de la communauté internationale, parmi lesquels les
États, découle, naturellement, le caractère international de l’infraction.1169
Éventuellement, les crimes contre l’humanité peuvent constituer une violation du
droit à l’autodétermination des peuples, aux termes de l’article 19 § 3 b) du Projet sur la
responsabilité des États de 1996. En outre, ils peuvent intégrer une violation de

1166 En doctrine voir M. BETTATI, Le crime contre l’humanité, cit., p. 309; L. MANSFIELD, Crimes
against Humanity: Reflections on the Fiftieth Anniversary of Nuremberg and a Forgotten Legacy, in
Nordic Journal of International Law, 1995, vol. 64, n. 2, p. 239 s.; J.-L. CLERGERIE, La notion de
crime contre l’humanité, in R.D.P., 1988, n. 5, p. 1257. En jurisprudence voir T.P.I.Y, Ch. App.,
Erdemovic, jugement du 7 octobre 1997, IT-96-22-T, § 121.
1167 Pour un commentaire des crimes prévus dans le Statut de la C.P.I. voir D. ROBINSON, Defining
“Crimes against Humanity” at the Rome Conference, cit., p. 52-57.
1168 Sur le lien entre la responsabilité des individus et des États en cas de crimes contre l’humanité voir J.
GRAVEN, Les crimes contre l’humanité, cit., p. 511, qui considère la séparation entre la responsabilité
individuelle et collective comme “un obstacle théorique extrêmement regrettable au progrès nécessaire du
droit international public”.
1169 Sur ce sujet voir les considérations que nous avons fait sur le rapport entre les obligations erga
omnes et le crime international de l’État.

329
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

l’environnement, suivant le paragraphe 3 d) de l’article 19. De toute façon, ils


constituent, toujours, une violation de la paix selon le paragraphe 3 a) de l’article 19.1170
La catégorie des crimes contre l’humanité inclut aussi le crime de génocide, pourtant
réglé dans une disposition autonome, l’article 6, dans le Statut de la C.P.I. Le génocide,
en effet, est un crime contre l’humanité en raison de sa forme logique, en tant que
violation des droits de l’homme d’un groupe de personnes: il s’agit d’un acte contre les
droits de l’homme qui est nécessairement massif ou systématique.1171 L’article 9 de la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre
1948 prévoit expressément que le crime individuel de génocide peut engager la
responsabilité étatique et permet d’introduire un recours devant la C.I.J. Ainsi, du côté
de la responsabilité étatique, le génocide accompli par des individus agissant en qualité
d’organes de l’État devrait être attribué à l’État en vertu de l’article 19 § 3 c) du Projet
sur la responsabilité des États de 1996, donc en tant que crime contre les droits de
l’homme.1172
Les crimes contre l’humanité constituent, souvent, des crimes étatiques, en raison,
notamment, de l’élément intentionnel. En effet, la perpétration des crimes contre
l’humanité, en raison de la pluralité des victimes, implique la planification des
agissements: cette composante de programmation révèle, dans des cas nombreux,
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l’existence d’une politique étatique derrière ces actes.1173

1170 Les crimes contre l’humanité figurent dans toutes les versions du Projet de Code des crimes contre la
paix et la sécurité de l’humanité, notamment à l’article 18 dans la version finale de 1996.
1171 Voir M. BETTATI, Le crime contre l’humanité, cit., p. 104; E. DAVID, Principes de droit des
conflits armés, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 602; E. SCHWEBL, Crimes against Humanity, in B.Y.B.I.L.,
1946, XXIII, p. 183; M. FRULLI, Are Crimes against Humanity More Serious than War Crimes?, cit., p.
332. En jurisprudence voir T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Tadic, jugement du 14 juillet 1997, IT-94-1, § 8. Du
moment que le génocide implique l’élément discriminatoire, c’est-à-dire la destruction d’un groupe
ethnique, racial ou religieux, qualifié soit au niveau de l’intention (dol spécial) soit comme élément
objectif de l’infraction, il appartient à la catégorie des crimes contre l’humanité à caractère vexatoire. Sur
l’élément discriminatoire dans les crimes contre l’humanité, en jurisprudence, voir T.P.I.R., Ch. I,
Akayesu, jugement du 2 septembre 1998, ICTR-96-4, § 578; T.P.I.R., Ch. II 1ère inst., Kayshema et
Ruzindana, jugement du 21 mai 1999, § 122 et 130; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Rutaganda, jugement du 6
décembre 1999, ICTR-96-3, § 66; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Bagilishema, jugement du 7 juin 2001, ICTR-
95-1, § 81; T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Kupreskic et al., jugement du 14 janvier 2000, IT-95-16, § 558;
T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Blaskic, jugement du 3 mars 2000, IT-94-14, § 260; T.P.I.Y., Ch. App.,
Aleksovski, arrêt du 24 mars 2000, IT-95-14, § 23. Sur l’élément discriminatoire dans le génocide voir
T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Rutaganda, jugement du 6 décembre 1999, ICTR-96-3, § 59 s.; T.P.I.R., Ch. I.,
Akayesu, jugement du 2 septembre 1998, ICTR 96-4, § 125-126, 521; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Serushago,
sentence du 5 février 1999, ICTR-95-39, § 2-B-15; T.P.I.Y., Ch. I 1ère inst., Jelisic, 14 décembre 1999,
IT-95-10, § 66; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Niytegeka, jugement du 16 mai 2003, ICTR-96-14, § 410 s.;
T.P.I.R., Ch. III 1ère inst., Semanza, jugement du 15 mai 2003, ICTR-97-20, § 311 s. Sur l’élément
discriminatoire, en doctrine, voir J. SEMELIN, “Massacres” et “génocides”, in Le Monde Diplomatique,
n. 601, avril 2004, ‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 3.
1172 Sur le génocide comme acte individuel qui entraîne, forcement, la responsabilité étatique, voir R.
MAISON, Les ordonnances de la C.I.J. dans l’affaire relative à l’application de la Convention sur la
prévention et la répression du crime de génocide, cit., p. 396, note 53, d’après laquelle “l’absence d’une
responsabilité directe de l’État pour la commission du génocide est d’ailleurs l’une des insuffisances les
plus flagrantes de la Convention”.
1173 En doctrine voir M. BETTATI, Le crime contre l’humanité, cit., p. 300-301. Dans la jurisprudence
internationale voir T.P.I.R., Ch. I, Akayesu, jugement du 2 septembre 1998, ICTR-96-4, § 572; T.P.I.Y.,
Ch. II 1ère inst., Tadic, jugement du 7 mai 1997, IT-94-1, § 653 s. Dans la jurisprudence française voir
Cass. Crim., Barbie, arrêt du 3 juin 1988, in Bull. Crim., 1988, n. 246, p. 646, où on dispose que “le fait
que l’accusé [...] ait pris part à l’exécution d’un plan concerté […] constitue, non une infraction distincte
ou une circonstance aggravante, mais un élément essentiel du crime contre l’humanité consistant en ce
que les actes incriminés ont été accomplis de façon systématique au nom d’un État pratiquant par ces

330
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

Les crimes contre l’humanité individuels, étant soumis, en même temps, aux
principes de la compétence universelle et de la juridiction internationale, peuvent être
jugés tant par les juridictions de tous les États que par les T.P.I., selon des critères
variables en fonction de l’instance judiciaire internationale.

§ 8.4. Les crimes de guerre.


Les crimes de guerre individuels (article 8 du Statut de la C.P.I.) constituent,
principalement, des violations des droits de l’homme. Tel est le cas, par exemple, de la
torture et des traitements inhumains (article 8 § 2 a) ii) du Statut de la C.P.I.), comme le
reconnaît, de façon expresse, l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de
l’homme de 1948. La torture est également, à large échelle, un crime contre l’humanité
(article 7 § 1 du Statut de la C.P.I.).1174 Les droits de l’homme constituent, donc, l’objet
juridique principal, c’est-à-dire le bien juridique protégé par les normes incriminant les
infractions de guerre. Toutefois ces crimes peuvent violer d’autres droits, normalement
de façon complémentaire: le fait d’utiliser indûment des signes distinctifs et, ce faisant,
de causer la perte de vies humaines ou des blessures graves (article 8 § 2 a) vii) du
Statut de la C.P.I.), constitue une double violation, principalement des droits de
l’homme, deuxièmement de la bonne foi dans les relations juridiques. En général ces
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

infractions constituent des violations du droit de la guerre, donc du ius in bello.1175


Les crimes de guerre sont soumis à la juridiction des T.P.I., qu’ils soient commis au
cours d’un conflit international ou bien qu’ils soient perpétrés au cours d’un conflit
interne. Dans un cas comme dans l’autre ils constituent, en effet, des violations du droit
international en tant qu’infractions d’obligations erga omnes absolues indivisibles.1176

moyens une politique d’hégémonie idéologique”; Cass. Crim., Trouvier, arrêt du 27 novembre 1992, in
Bull. Crim., 1992, n. 394, p. 1082 s.
1174 Sur la torture comme violation flagrante des droits de l’homme voir E. DELAPLACE, La torture, in
H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 372 s.
1175 Sur les crimes de guerre et leur objet juridique voir G. et R. ABI-SAAB, Les crimes de guerre, cit.,
p. 265 s.; L.C. GREEN, The Contemporary Law of Armed Conflict, Manchester, Manchester University
Press, 1993, notamment chap. 18; H. McCOURBEY, War Crimes: the Criminal Jurisprudence of Armed
Conflict, in Revue de droit militaire et de droit de la guerre, 1992, p. 167 s.; T. MERON, International
Criminalization of Internal Atrocities, in A.J.I.L., 1995, july, vol. 89, n. 3, p. 554 s.; F. MALEKIAN,
International Criminal Law. The Legal and Critical Analysis of International Crimes, Uppsala, 1991.
Voir, en outre, les sites Internet ‹http://www.credho.org/index.htm› (Centre de recherche et d’études sur
les droits de l’homme et le droit humanitaire); ‹http://www.icrc.org/fre/dih› (page du site du C.I.C.R.
dédiée au droit humanitaire); ‹http://www.droitshumains.org› (site de l’Association Internet pour la
défense des droits de l’homme – A.I.D.H.); ‹http://www.humanitarian-law.org› (site du Centre
universitaire de droit international humanitaire de Genève). Voir aussi les considérations que nous avons
fait au cours de l’analyse générale du Statut de la C.P.I. Sur la différence entre le ius in bello et le ius ad
bellum voir S. SZUREK, La formation du droit international pénal – Historique, cit., p. 14-19. Sur le
problème du respect du droit humanitaire voir J. KELLENBERGER, Le combat sans fin du C.I.C.R., in
Le Monde, n. 18450, vendredi 21 mai 2004, Horizons – Débats, p. 14; P. KENNEDY, Quand la guerre
dégénère, in Le Monde, n. 18448, mercredi 19 mai 2004, Horizons – Débats, p. 1, 13; M. CANTO-
SPERBER, Une guerre sans justice, in Le Monde, n. 18447, mardi 18 mai 2004, Horizons – Débats, p.
16.
1176 Ce principe est expressément affirmé à l’article 8 § 2 c) du Statut de la C.P.I. En jurisprudence voir
T.P.I.Y., Ch. App., Delacic, Mucic, Landzo, jugement du 20 février 2001, IT-96-21, § 171-174. En
doctrine voir T. MERON, International Criminalization of Internal Atrocities, cit., p. 554 s.; G. et R.
ABI-SAAB, Les crimes de guerre, cit., p. 282; T. MERON, Is International Law Moving towards
Criminalization?, cit., p. 23; F. KALSHOVEN, State Responsibility for Warlike Acts of the Armed
Forces – From Article 3 of Hague Convention IV of 1907 to Article 91 of Additional Protocol I of 1977
and beyond, in I.C.L.Q., 1991, p. 828; C. GREENWOOD, International Humanitarian Law and the
Tadic Case, in E.J.I.L., 1996, vol. 7, n. 2, p. 265 s.; L. VIERUCCI, The First Steps of the I.C.T.F.Y., in
E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 1, p. 134 s. Pour un aperçu du débat sur la criminalisation des infractions de

331
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Sur le plan étatique, au moins depuis les premières conventions en matière


d’infractions en temps de guerre, la responsabilité pour les crimes de guerre est
entendue comme une forme de responsabilité indirecte, car l’État est obligé de
poursuivre le coupable.1177 Il en est ainsi, surtout, selon le système mis en place par les
quatre Conventions de Genève de 1949, et repris par les Protocoles additionnels de
1977, qui appliquent le principe aut dedere aut iudicare, en vertu duquel l’État, sur le
territoire duquel le coupable potentiel se trouve, est obligé soit de poursuivre l’individu
en justice, soit de l’extrader vers un autre État compétent pour juger le crime.
D’ailleurs, d’après ces Conventions, tout État signataire, en raison du principe de la
compétence universelle, peut soumettre l’individu à sa juridiction (article 49 § 2 de la
Convention (I) de Genève du 12 août 1949, article 50 § 2 de la Convention (II) de
Genève du 12 août 1949, article 19 § 2 de la Convention (III) de Genève du 12 août
1949, article 146 § 2 de la Convention (IV) de Genève du 12 août 1949, article 85 du
Protocole (I) additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, adopté le 8 juin
1977, article 1 du Protocole (II) additionnel aux Conventions de Genève du 12 août
1949, adopté le 8 juin 1977). Il est clair, donc, que, dans un tel cadre, l’État verrait sa
responsabilité internationale engagée seulement en cas de violation de l’obligation de
poursuivre l’individu présumé coupable d’un crime de guerre, non pas directement pour
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

avoir commis ledit crime. D’ailleurs il faudrait encore établir qui pourrait juger cette
responsabilité, du moment que la juridiction d’un État ne peut pas se permettre de juger
les actes d’un autre État en raison du principe de l’égalité souveraine.1178 Dans le cadre
du Statut de la C.P.I., les États signataires doivent soit juger le coupable, soit le remettre
à la C.P.I. (articles 1, 17, 18) selon le critère de la complémentarité de la juridiction de
la C.P.I. par rapport aux juridictions étatiques, suivant une approche qui confirme que la
responsabilité de l’État pour les crimes de guerre demeure de type indirect: le fait d’être
obligé de juger le coupable devrait pousser l’État à prévenir le crime.
Dans le cadre de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996 la
responsabilité étatique est envisagée d’une façon totalement autre, car elle est engagée
directement, non pas indirectement.1179 L’État, en effet, est directement responsable
pour les infractions commises au cours d’une guerre par ses organes, à tout niveau de la
hiérarchie.1180 L’action des organes étant l’action étatique, les conduites individuelles

guerre internes dans le Statut de la C.P.I. voir P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The Rome Conference on an
I.C.C.: the Negotiating Process, cit., p. 7-8. D’après A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some
Preliminary Reflections, cit., p. 150, il est regrettable que l’article 8 du Statut de la C.P.I. distingue les
crimes de guerre commis au cours d’un conflit interne de ceux qui sont perpétrés au cours d’un conflit
international, car, d’après le droit pénal international et le droit international pénal, il constituent une
catégorie unique de crimes.
1177 Voir G. et R. ABI-SAAB, Les crimes de guerre, cit., p. 265 et 27; A. CASSESE, On the Current
Trend towards Criminal Prosecution and Punishment of Breaches of International Humanitarian Law,
cit., p. 4-5; T. MERON, Is International Law Moving towards Criminalization?, cit., p. 24.
1178 Sur le principe de la juridiction universelle institué par les Conventions de Genève comme critère qui
responsabilise l’État de façon seulement indirecte voir R. MAISON, Les premiers cas d’application des
dispositions pénales des Conventions de Genève par les juridictions internes, cit., p. 260 s.; P.
TAVERNIER, Réflexions sur les mécanismes assurant le respect du droit international humanitaire
conformément aux Conventions de Genève et aux Protocoles additionnels, in Actualité et droit
international, avril 2000, ‹http://www.ridi.org/adi›.
1179 Sur la relation entre les crimes de guerre des individus et ceux des États voir H. KELSEN, Collective
and Individual Responsibility in International Law with Particular Regard to Punishment of War
Criminals, in Calif. L.R., 1942-1943, n. 31, p. 530 s.; A. CASSESE, On the Current Trend toward
Criminal Prosecution and Punishment of Breaches of International Humanitarian Law, cit., p. 3-4.
1180 Sur la responsabilité de l’État pour les actes de guerre voir, en jurisprudence, Commission de
conciliation, Shafer, Italie/États-Unis d’Amérique, décision n. 27 du 6 décembre 1954, in R.S.A., N.U.,

332
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

deviennent autant de violations de l’État. Encore une fois il faut remarquer que les
sujets passifs des obligations violées par l’État seront tant les individus que tous les
autres sujets de la communauté internationale.1181 Cette infraction constitue une
violation des droits de l’homme, donc elle rentre dans le cadre du paragraphe 3 c) de
l’article 19. Les crimes de guerre pourraient constituer aussi une violation des droits à
l’autodétermination des peuples, aux termes du paragraphe 3 b) de l’article 19, ainsi
qu’une violation de l’environnement, aux termes du paragraphe 3 d) de l’article 19,
mais ce n’est pas toujours le cas. D’ailleurs la violation du droit à l’autodétermination
peut constituer déjà un crime contre l’humanité et rentrer directement dans le cadre du
paragraphe 3 c) de l’article 19, en tant que violation systématique des droits de
l’homme.1182 Les crimes de guerre représentent, toujours, une violation de la paix, aux
termes du paragraphe 3 a) de l’article 19, même si, plus correctement, on devrait les
encadrer, simplement, comme violations du droit de la guerre.1183

vol. XIV, p. 208-210; Commission de conciliation, Différend concernant l’interprétation et l’application


des dispositions de l’article 78, § 7, du traité de paix au territoire éthiopien, France/Italie, décision n. 176
du 1er juillet 1954, in R.S.A., N.U., vol. XIII, p. 630-631.
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

1181 Sur l’évolution de la responsabilité internationale des États pour les crimes de guerre de la
Convention de La Haie du 12 octobre 1907 aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 ainsi que
leur Protocole additionnel I du 8 juin 1977 voir F. KALSHOVEN, State Responsibility for Warlike Acts
of the Armed Forces, cit., p. 827 s.
1182 Le droit à l’autodétermination constitue le premier droit reconnu par le Pacte relatif aux droits civils
et politiques de 1966, car l’article 1er § 1 prévoit que: “Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-
mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur
développement social, économique et culturel.” D’ailleurs, selon la Résolution 637 (VII) de l’Assemblée
générale des N.U. ce droit “constitue une condition préalable à la jouissance de tous les droits
fondamentaux de l’homme”. D’après les Résolutions 2621 (XV) du 13 octobre 1970, 2184 (XXI) du 12
décembre 1966, 2270 (XXII) du 17 novembre 1967 et 2391 (XXIII) du 26 novembre 1968 de
l’Assemblée générale des N.U. la violation du droit à l’autodétermination constitue un “crime contre
l’humanité”. La jurisprudence confirme cette interprétation: d’après la Commission d’arbitrage des
Communauté européennes pour l’ex-Yougoslavie “chaque être humain peut revendiquer son
appartenance à la communauté ethnique ou religieuse ou linguistique de son choix” et les nouvelles
“Républiques doivent faire bénéficier les membres de ces minorités et de ces groupes ethniques de
l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnues par le droit international, y
compris, le cas échéant, le droit de choisir leur nationalité” (voir Commission d’arbitrage des
Communautés européennes pour l’ex-Yougoslavie, avis n. 2 du 11 janvier 1992, in R.G.D.I.P., 1992, t.
96, n. 1, p. 267); dans la même ligne voir Commission d’arbitrage des Communautés européennes pour
l’ex-Yougoslavie, avis n. 1 du 29 novembre 1991, in R.G.D.I.P., 1992, t. 96, n. 1, p. 264; Commission
d’arbitrage des Communautés européennes pour l’ex-Yougoslavie, avis n. 9 du 4 juillet 1992, in
R.G.D.I.P., 1993, t. 97, n. 2, p. 592; C.I.J., Timor Oriental, Portugal/Australie, arrêt du 30 juin 1995, in
C.I.J. Rec., 1995, p. 102, § 29. D’ailleurs le Statut de la C.P.I. ne contient même pas une disposition
expresse incriminant la violation à l’autodétermination des peuples, car ce type de violation rentre déjà
dans la catégorie des crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre (qui constituent, quand même, des
crimes contre les droits de l’homme), comme, par exemple, “le transfert, direct ou indirect, par une
puissance occupante, d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la
déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la
population de ce territoire” (article 8 § 2 b) viii)), ou “la déportation ou le transfert forcé des populations”
(article 7 § 1 d)). En doctrine, conformément, voir A. BEAUDOUIN, Le maintien par la force d’une
domination coloniale, cit., p. 427.
1183 Il suffira de constater que les crimes de guerre figurent parmi les infractions criminalisées par le
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, dans toutes ses versions, notamment
à l’article 20 dans la version finale élaborée en 1996. Selon G. et R. ABI-SAAB, Les crimes de guerre,
cit., p. 277, on ne pourrait pas proprement parler de violation de la paix pour les crimes de guerre, car il
s’agit de violations du ius in bello, non pas de violations du ius ad bello, de sorte qu’il faudrait réserver la
qualification de crime contre la paix aux seuls actes d’agression, mais s’agit d’une distinction très subtile,
car même les actes d’agression peuvent constituer des crimes de guerre.

333
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

§ 8.5. L’agression.
Le crime d’agression individuel n’est pas clairement défini au niveau du droit
international pénal. Le Statut de la C.P.I. ne donne pas, pour l’heure, une définition de
l’agression. Le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité,
dans sa version finale, se limite à renvoyer à la participation individuelle à l’agression
étatique. Le Statut du T.M.I. de Nuremberg, qui incrimine la guerre d’agression (article
6 § 1 a)), n’en donne pas une définition. La jurisprudence du T.M.I. de Nuremberg a,
tout de même, remarqué que le Statut du Tribunal de Nuremberg “exprimant le droit
international en vigueur au moment de sa création […] érige en crime la conception et
la conduite d’une guerre d’agression ou d’une guerre qui comporte la violation des
traités”.1184
D’après le droit international général de la paix, nous pouvons encadrer l’agression
comme l’action des sujets qui déclenchent une guerre non justifiée par la légitime
défense. Dans cette optique, du point de vue subjectif, les auteurs d’un tel crime
seraient, normalement, les plus hauts fonctionnaires de l’État.1185 Selon cette définition
l’infraction individuelle implique, nécessairement, la responsabilité de l’État, car la
notion de guerre au sens classique est l’affrontement armé entre un ou plusieurs
États.1186 Ainsi, tandis que certaines figures de crimes individuels, tels que le crimes
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

contre l’humanité, peuvent exister de façon indépendante par rapport à la responsabilité


étatique, l’agression a, nécessairement, deux facettes: celle concernant la responsabilité
individuelle et celle concernant la responsabilité de l’État.1187
Significativement, l’agression constitue le seul crime individuel qui viole,
principalement, l’obligation dont un individu est titulaire envers une collectivité
étatique. Un meurtre, par exemple, dans le cadre d’une action systématique contre les
droits de l’homme, constitue, avant tout, la violation du droit fondamental de la
personne physique visée à la vie et, seulement en deuxième lieu, il intègre la violation
du droit au respect de la vie dont la collectivité étatique est titulaire. En revanche
l’agression constitue, avant tout, la violation du droit à la souveraineté d’un État et,
seulement en deuxième lieu, il intègre la violation du droit au respect de la souveraineté
dont les personnes physiques sont titulaires individuellement. Du moment que la
victime est, en premier lieu, une collectivité étatique, on n’arrive pas à concevoir la

1184 Voir Tribunal militaire international de Nuremberg, Procès des grands criminels de guerre devant
le tribunal militaire international, Jugement, t. I, cit., p. 230.
1185 Sur la définition de l’agression en tant que crime international voir I.I. LUKASHUK, International
Illegality and Criminality of Aggression, in G. GINSBURGS, V.N. KUDRIAVTSEV, The Nuremberg
Trial and International Law, cit., p. 121 s.; C.A. POMPE, Aggressive War and International Crime, The
Hague/Boston/London, Martinus Nijhoff Publisher, 1953; B.V.A. RÖLING, On Aggression, on
International Criminal Law, on International Criminal Jurisdiction, in Netherlands Tijdschrift voor
Internationaal Recht, 1955, p. 1 s.; J. ŽOUREK, Enfin une définition de l’agression, cit., p. 9 s.
1186 Voir, en jurisprudence, T.M.I. Nuremberg, Von Ribbentrop, jugement du 1er octobre 1946, in Procès
des grands criminels de guerre devant le T.M.I. de Nuremberg, cit., t. I, p. 303; T.M.I. Nuremberg,
Keitel, jugement du 1er octobre 1946, in Procès des grands criminels de guerre devant le T.M.I. de
Nuremberg, cit., t. I, p. 307; T.M.I. Nuremberg, Von Neurath, jugement du 1er octobre 1946, in Procès
des grands criminels de guerre devant le T.M.I. de Nuremberg, cit., t. I, p. 359-360; T.M.I. Nuremberg,
Von Papen, jugement du 1er octobre 1946, in Procès des grands criminels de guerre devant le T.M.I. de
Nuremberg, cit., t. I, p. 351-352; T.M.I. Nuremberg, Dönitz, jugement du 1er octobre 1946, in Procès des
grands criminels de guerre devant le T.M.I. de Nuremberg, cit., t. I, p. 332. En doctrine voir M.
SCHUSTER, The Rome Statute and the Crime of Aggression: a Gordian Knot in Serach of a Sword, cit.,
p. 22.
1187 Conformément voir Y. PETIT, Droit international du maintien de la paix, cit., p. 204.

334
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

responsabilité individuelle et étatique, du côté actif, de façon séparée.1188 En revanche,


le mécanisme d’imputation de l’agression est identique à celui de tous les autres crimes
internationaux individuels.
Le crime d’agression individuel (article 5 du § 1 d) et § 2 du Statut de la C.P.I.)
coïncide avec le crime d’agression étatique prévu à l’article 19 § 3 a) du Projet sur la
responsabilité des États de 1996. Ainsi on pourrait reconstruire le crime individuel à
partir du crime collectif, si seulement ce dernier n’était défini que comme violation de
la paix et de la sécurité internationales, ce qui ne suffit pas pour encadrer une figure
criminelle.1189 D’ailleurs l’agression est mal placée dans le cadre de l’alinéa a) du
paragraphe 3 de l’article 19, car toute violation prévue à l’article 19 ou, même, toute
infraction au sens absolu, constitue une violation de la paix et pourrait remplacer
l’agression dans l’alinéa a) du paragraphe 3 de l’article 19: l’on pense, par exemple, aux
crimes contre l’humanité. La définition de l’article 19 § 3 a) n’est pas précise, car
l’agression viole, en premier lieu, le droit à l’existence et à la souveraineté d’un État,
qui constituent les principes corrélatifs du devoir de ne pas faire la guerre et sont les
fondements du droit international de la paix.1190 D’ailleurs, aux termes de l’article
premier de la Résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 de l’Assemblée générale
des N.U.: “L’agression est l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté,
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l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État”. Par conséquent,


l’agression, en tant que violation de la souveraineté étatique est, mutatis mutandis,
proche de l’infraction définie à l’alinéa b) du paragraphe 3 de l’article 19, relative à
l’autodétermination des peuples. En outre l’agression peut être assimilée, à la limite, à
la violation des droits de l’homme, aux termes de l’alinéa c) du même article, en tant

1188 Voir M. DUMÉE, Le crime d’agression, cit., p. 260; O. TRIFFTERER, Prosecution of States for
Crimes of State, cit., p. 346; T. MERON, Is International Law Moving towards Criminalization?, cit., p.
23; J. ALLAIN, R.W.D. JONES, A Patchwork of Norms: a Commentary on the 1996 Draft Code of
Crimes against Peace and Security of Mankind, cit., p. 109. Pour une analyse très détaillée de la
responsabilité individuelle et collective par rapport au crime d’agression ainsi que pour des précieux
tableaux de synthèse voir Commission préparatoire du Statut de la C.P.I., Groupe de travail sur le crime
d’agression, Document établi par le Secrétariat, Analyse historique des faits relatifs à l’agression, doc.
PICCNIC/2002/WGCA/L.1, New York, 8-19 avril 2002, disponible à l’adresse électronique ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/LTD/N01/709/64/PDF/N0170964.pdf?OpenElement›, p. 1-202, et Add.1,
doc. PICCNIC/2002/WGCA/L.1/Add.1, New York, 8-19 avril 2002, disponible dans le site des N.U.
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/LTD/N02/218/86/PDF/N0221886.pdf?OpenElement›, p. 1-139.
1189 Pour une définition des différentes formes d’agression voir S.G., Mémorandum concernant le Projet
de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit.,
p. 334-343, § 101-128. Sur le problème de la définition de l’agression voir G. Amado, Mémorandum –
Question de la définition de l’agression, doc. A/CN.4/L.6, in Ann. C.D.I., 1951, vol. II, p. 28 s.; M.J.M.
Yepes, Mémorandum – Question de la définition de l’agression, doc. A/CN.4/L.7, in Ann. C.D.I., 1951,
vol. II, p. 32-33; R.J. Alfaro, Mémorandum – Question de la définition de l’agression, doc. A/CN.4/L.8,
in Ann. C.D.I., 1951, vol II, p. 33 s.; R. Cordova, Proposition – Question de la définition de l’agression,
doc. A/CN.4/L.10, in Ann. C.D.I., 1951, vol. II, p. 40; S. Hsu, Proposition – Question de la définition de
l’agression, doc. A/CN.4/L.11, in Ann. C.D.I., 1951, vol. II, p. 40; M.J.M. Yepes, Proposition – Question
de la définition de l’agression, doc. A/CN.4/L.12, in Ann. C.D.I., 1951, vol. II, p. 40; G. Scelle,
Mémorandum – Question de la définition de l’agression, doc. A/CN.4/L.19, in Ann. C.D.I., 1951, vol. II,
p. 41 s.; J. Spiropoulos, Deuxième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, doc. A/CN.4/44, in Ann. C.D.I., 1951, vol. II, p. 60 s.; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les
travaux de sa troisième session, 16 mai-27 juillet 1951, doc. A/1858, in Ann. C.D.I., 1951, vol. II, p. 123-
144.
1190 Justement l’article 10 du Pacte de la S.d.N. disposait que: “Les Membres de la Société s’engagent à
respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l’intégrité territoriale et l’indépendance
politique présente de tous les Membres”. Sur l’agression comme violation de la souveraineté territoriale
voir, en doctrine, C. DUMÉE, Le crime d’agression, cit., p. 253.

335
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

que somme des crimes de guerre individuels.1191 D’ailleurs le T.M.I. de Nuremberg a


déclaré que l’agression est “le crime international suprême, ne différent es autres crimes
de guerre que du fait qu’il les contient tous”.1192

§ 8.6. Synthèse de l’analyse subjective et objective des crimes des individus et des
États et conséquences institutionnelles.
S’il est vrai que, au cours des travaux de codification de la responsabilité
individuelle, dans le Statut de la C.P.I., et de la responsabilité des État, dans le Projet
relatif, la C.D.I. et les autres Commissions qui se sont attelées à l’œuvre ont emprunté
des chemins séparés, cela n’exclue pas une relation entre les deux formes de la
responsabilité.1193
En résumé, les relations entre les crimes internationaux individuels, notamment tels
que définis dans le Statut de la C.P.I., et les crimes des États, notamment tels que
définis dans le Projet sur la responsabilité des États de 1996, se configurent, sur le plan
objectif, de la façon suivante: l’ensemble des crimes contre l’humanité et des crimes de
guerre individuels constitue l’ensemble des crimes de l’État contre l’humanité, plus,
éventuellement, contre l’autodétermination des peuples (domination coloniale) et la
souveraineté des États (agression). Les actions des États coïncident avec les actions
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individuelles.1194

1191 Voir G. et R. ABI-SAAB, Les crimes de guerre, cit., p. 277, d’après lesquels, même si l’agression
constitue une violation du ius ad bellum et les crimes de guerre constituent une violation du ius in bello,
l’agression peut être conçue comme un crime continu, perpétré aussi longtemps que la guerre perdure et,
donc, se réduisant aux crimes de guerre. Sur la distinction entre le ius ad bellum et le ius in bello voir F.
KALSHOVEN, State Responsibility for Warlike Acts of the Armed Forces, cit., p. 828-829.
1192 Voir T.M.I., Nuremberg, Procès des grands criminels de guerre devant le T.M.I. de Nuremberg,
Jugement, t. I, cit., p. 197.
1193 On remarquera que, au cours des travaux préparatoires du Projet de Code des crimes contre la paix et
la sécurité de l’humanité, la C.D.I. a expressément débattu la question d’inclure, dans le Projet, la
responsabilité des États, telle que prévue à l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États, pour la
coordonner avec celle des individus, en concluant que la codification de la responsabilité individuelle
n’aurait pas su ignorer l’article 19 (voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-cinquième
session, 3 mai-22 juillet 1983, doc. A/38/10, in Ann. C.D.I., 1983, vol. II, 2ème partie, p. 14-15, § 50-61).
Finalement, toutefois, en raison de “l’incertitude qui pèse encore sur le problème de la responsabilité
pénale des États” la C.D.I. a décidé de limiter l’étude à la responsabilité des individus (voir C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-sixième session, 7 mai-27 juillet 1984, in Ann. C.D.I., 1984,
vol. II, 2ème partie, doc. A/39/10, p. 11, § 32).
1194 Dans le sens que la responsabilité criminelle des États est engendrée, toujours et forcement, par la
conduite illicite de l’un de ses individus-organes, voir M.-C. BASSIOUNI, Introduction au droit pénal
international, cit., p. 54, d’après lequel: “La qualification de ‘action de l’État’ et de ‘politique soutenue
par l’État’ renvoie au pouvoir collectif des individus qui, sous la couleur de l’autorité légale, mettent au
point ou exécutent une politique ou accomplissent des actes qui constituent des crimes internationaux”.
D’après G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 48, § 123, à propos du
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité et son rapport avec le Projet sur la
responsabilité des États “le crime d’un État paraîtra souvent si étroitement lié au comportement
répréhensible d’autres organes de l’État qu’il sera identifié comme étant un crime de l’État faisant l’objet
d’une qualification sinon identique, du moins très voisine. Deux facteurs se conjuguent fréquemment
pour rendre inéluctable une telle issue. L’un réside dans le fait que la règle violée est pour l’essentiel
identique dans les deux cas, tout comme la dimension du ou des faits illicites, en d’autres termes les
actions ou omissions constitutives de l’élément ‘objectif’ ou ‘externe’ du crime. L’autre facteur a trait à
l’élément dit ‘moral’ ou ‘psychologique’, à savoir l’intention délibérée (dolus)”. Selon l’opinion de
certains représentants de la Sixième Commission de l’A.G.N.U., concernant le rapport entre le Projet de
Code des crimes contre la paix et le sécurité de l’humanité et l’article 19 du Projet sur la responsabilité
des États de 1996, “tous les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité devraient être considérés
comme des crimes de droit international et comme entraînant tant la responsabilité pénale de leurs

336
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

Du côté de l’objet de la violation on peut penser que les conduites des États violent
les mêmes obligations que les conduites individuelles, selon un critère d’identité
objective parfaite, ou bien que les conduites des États violent des obligations
formellement différentes des obligations individuelles, mais ayant le même contenu, en
conformité, en tout cas, avec le principe subjectif de l’imputation organique. Quoi qu’il
en soit, l’obligation violée est, toujours, une obligation erga omnes absolue indivisible,
envers tous les autres sujets de la communauté internationale dans son ensemble. De
façon cohérente, il faut considérer que les infractions internes, qui intègrent un crime
individuel et de l’État, constituent, en même temps, en tant que violations d’obligations
erga omnes absolues indivisibles, des actes illicites internationaux. Toutes les violations
étatiques et, donc, même les violations individuelles, lèsent la paix (principe général de
l’ordre international: alterum non laedere).
Concernant la sanction, si sa forme est absolument et conjointement erga omnes tant
chez les individus que chez les États, le contenu peut varier car, du côté des individus,
elle consiste dans l’emprisonnement et dans le payement d’une amende, tandis que, du
côté des États, elle consiste dans l’obligation d’arrêter la conduite illicite et de réparer le
dommage.
À partir de ces principes, au lieu de définir de façon autonome les crimes des États,
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l’article 19 du Projet de la C.D.I. de 1996, aurait pu, tout simplement, faire un renvoi
général ou énumérer les crimes individuels applicables aux États, selon la méthode que
les droits pénaux internes adoptent pour responsabiliser les personnes morales.1195
Si nous rapprochons les crimes individuels, notamment tels que définis dans le Statut
de la C.P.I., aux infractions majeures étatiques telles que configurées dans Projet sur la
responsabilité des États de 2001, une comparaison par catégorie n’est pas possible,
mais, très aisément, on pourra s’apercevoir que les crimes individuels intègrent les
violations graves d’obligations cogentes, aux termes de l’article 40 § 1 du Projet.1196 On
est, donc, a fortiori, obligés de reconstruire les violations majeures étatiques à partir des
crimes individuels.
Finalement: ou l’on reconstruit les infractions majeures, ou criminelles, des États,
non détaillées, à partir des crimes individuels, détaillés, ou bien l’on tombe dans
l’arbitre quant à la définition de la responsabilité majeure étatique.1197 Cela ne signifie
pas que la responsabilité majeure des États doit être conçue, forcement, de façon

auteurs que la responsabilité de l’État” (voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus
pendant la cinquantième session sur les travaux de la C.D.I. de la quarante-septième session, 1995, doc.
A/CN.4/472/Add.1, cit., p. 19-20, § 75). D’ailleurs, il faut rappeler que la Commission préparatoire pour
l’établissement de la C.P.I. avait prévu l’insertion, dans le Statut de la C.P.I., d’une disposition prévoyant
que l’établissement de la responsabilité pénale individuelle n’exclue pas la responsabilité étatique (voir
Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport à l’A.G., vol. I (Travaux du Comité en
mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 47, § 192).
1195 Sur la méthode du renvoi ou de l’énumération dans les différents systèmes juridiques voir J.
PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 361.
1196 Voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility
in International Law, cit., p. 623.
1197 Voir D. Thiam, Troisième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, doc. A/CN.4/387, cit., p. 70, § 61-63; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-
cinquième session, cit., p. 14, § 47. En doctrine J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel?
Quelques réflexions, cit., p. 61, postule qu’il existe une identité absolue entre les crimes individuels
prévus dans le Statut de la C.P.I. et les crimes des États prévus à l’article 19 du Projet de la C.D.I. de
1996. Sur la définition, systématique, des crimes individuels dans le Statut de la C.P.I., du moins par
rapport au droit international pénal coutumier, voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some
Preliminary Reflections, cit., p. 149.

337
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

criminelle.1198 Toutefois, sur le plan terminologique, le croisement des critères de


l’imputation organique subjective et de l’identité objective des crimes amène à pencher
pour une conception pénale de la responsabilité des États. Cette interprétation s’inscrit
dans une conception synthétique et uniforme de l’infraction. En revanche une
conception non pénale de la responsabilité majeure des États pour les conduites pénales
de ses sujets-organes introduirait un élément de rupture dans le cadre de l’infraction, car
il faudrait amoindrir le degré de la responsabilité lorsqu’on passe du plan individuel au
plan collectif, sans qu’aucun élément juridique ne puisse le justifier, étant donnée
l’identification du sujet-organe avec l’État et l’unité de l’action. Finalement,
l’importance et la force impérative des obligations violées amène à consolider la
conception pénale de la responsabilité majeure étatique plutôt qu’à la nier.
Étant données les implications subsistant entre les crimes des individus et les
infractions majeures des États, il faut considérer les rapports subsistant entre les T.P.I.
et les organes chargés de s’occuper des violations étatiques majeures pour comprendre
si elles sont correctement configurées ou si elles présentent des incohérences. Du côté
de la responsabilité étatique on considérera, au niveau du droit international général, les
réactions des États en contre-mesure, et, au niveau du droit relatif, les procédures
onusiennes, notamment celle axée sur le C.d.S. Du côté de la responsabilité individuelle
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on s’intéressera aux T.P.I., en commençant par les T.P.I. ad hoc pour terminer avec la
C.P.I.

§ 8.7. Problèmes posés par les tribunaux institués par les États (notamment les
Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo).
Jusqu’à l’institution de la C.P.I. les juridictions pénales internationales pour juger les
personnes physiques ont été instituées ad hoc.
Les T.M.I. de Nuremberg et de Tokyo, premières cas de juridictions pénales
internationales chargées de juger des individus, ont été mis sur pied par les forces
Alliées pour juger les responsables majeurs des Puissances de l’Axe pour les crimes
commis au cours du second conflit mondial.
Le Tribunal de Nuremberg, dont le Statut est contenu dans les Accords de Londres,
signés par les Puissances alliées le 8 août 1945, jugea les grands criminels de guerre des
Puissances européennes de l’Axe. Au cours du procès de Nuremberg (14 novembre
1945-1er octobre 1946), vingt-quatre allemands furent incriminés, dont la plupart
condamnés à la mort par pendaison.1199
Le Tribunal pour l’Extrême-Orient, dont le Statut est contenu dans une ordonnance
du général Mac Arthur, du janvier 1946, jugea les grands criminels de guerre pour les
actes commis contre la paix en Extrême-Orient. Au cours du procès de Tokyo (26 avril
1946-12 novembre 1948) le Tribunal jugea 24 japonais: sept furent condamnés à la
mort par pendaison, dont Hideki Tojo, premier ministre au temps de l’attaque à Pearl
Harbour, seize se virent infliger la peine de la prison à perpétuité, deux des peines de
vingt et de sept ans d’emprisonnement, deux moururent au cours du procès. La plupart

1198 Voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility
in International Law, cit., p. 625.
1199 Voir les jugements du Tribunal de Nuremberg in Tribunal militaire international de Nuremberg,
Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international, Nuremberg, 14
novembre 1945-1er octobre 1946, Jugement, Textes officiels en langue française, Documents officiels,
Jugement, Nuremberg, 1947, tome I.

338
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

des condamnés furent libérés en 1958, l’Empereur Hirohito ne fut même pas soumis au
procès.1200
Par rapport au procès de Nuremberg, celui de Tokyo se caractérisa par le rôle
absolument central que le Général Mac Arthur joua tant dans la rédaction du Statut,
pourtant calqué sur celui du Tribunal de Nuremberg, que dans le déroulement du
procès. En effet le Tribunal vit le jour par une ordonnance du Général, contenant son
Statut, les Alliés n’ayant été consultés qu’après sa rédaction. En outre plusieurs
dispositions du Statut réservaient au Général des larges pouvoirs dans le cadre du
procès. Les articles 2 et 8 du Statut permettaient au Commandant suprême des forces
alliées de désigner les Juges et le Procureur, tandis que, aux termes des articles 2 et 14
du Statut du Tribunal de Nuremberg, ce pouvoir revenait aux Puissances signataires. En
outre l’article 17 du Statut du Tribunal de Tokyo confiait au Commandant suprême le
pouvoir de réviser et d’examiner la sentence, alors que l’article 29 du Statut du Tribunal
de Nuremberg confiait ce pouvoir au Conseil de Contrôle pour l’Allemagne, composé
des représentants des puissances alliées aux termes des Accords issus de la Conférence
de Potsdam du 1er août 1945.
En général on constatera que les deux tribunaux ont été mis sur pied après la défaite
des États qui avaient déclenché le second conflit mondial, donc, nécessairement, après
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qu’un jugement sur la responsabilité étatique et des actions exécutives en contre-mesure


avaient été adoptés. Le problème de fond de ces tribunaux, probablement plus évident
dans le cas du procès de Tokyo en raison des larges pouvoirs conférés au général Mac
Arthur, consiste dans le fait qu’ils réalisent une sorte de “justice des vainqueurs”, ayant
peu de chance d’être objective.1201
On remarquera, d’ailleurs, que le problème de la non impartialité de la juridiction
caractérise, aussi, les institutions “hybrides” crées par les États, comme le Tribunal
spécial pour l’Irak, mis sur pied le 10 décembre 2003 par le Conseil pour le
gouvernement de l’Irak, établi par l’Autorité de la Coalition, afin de juger les crimes de
guerre et les violations de la loi irakienne, commis par les irakiens entre le 17 juillet
1968 et le 1er mai 2003.1202 Le même problème affecte, en outre, le jugement porté par
les juridictions internes des États ayant déjà adopté des contre-mesures à l’égard d’un

1200 Voir les jugements du Tribunal de Tokyo in Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient
(Tribunal de Tokyo), Jugement (The International Military Tribunal for the Far East (I.M.T.F.E.), The
Tokyo judgement, 29 april 1946-12 november 1948, vol. I, Judgement, edited by B.V.A. Roling & C.F.
Ruter, A.P.A.-University Press, Amsterdam BV, 1977). En général, sur le procès de Tokyo voir C.
LEBLANC, 1948 – Le Tribunal de Tokyo, in ‹http://www.japonline.com/fra/hist/hist.aps?ID=95›. Voir,
aussi, le site Internet ‹http://www.pbs.org/wgbh/amex/macarthur/peopleevents/index.htm› (The Tokyo
War Crimes Trial (1946-1949)).
1201 Voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 114; G. SPERDUTI, L’individu et le droit
international, in R.C.A.D.I., 1956-II, vol. 90, p. 785-786. Voir, aussi, J. BERGER, De Hiroshima aux
Twin Towers, in Le Monde Diplomatique, n. 582, septembre 2002, in ‹http://www.monde-
diplomatique.fr›, p. 32, où l’auteur se demande si “tuer délibérément est-ce commettre un mal plus grave
ou plus répréhensible que tuer aveuglement ou systématiquement”. Sur le procès de Tokyo comme
“prétexte pour immoler des victimes ni plus ni mois coupables que d’autres sur l’autel des vainqueurs”
voir P. PONS, L’impunité pour Hirohito, cit., p. 13. Pour des considérations récentes sur le problème de
l’établissement de la juridiction pénale internationale après une intervention armée extérieure voir D.F.
ORENTLICHER, Venues for Prosecuting Saddam Hussein: the Legal Framework, in Proc. A.S.I.L.,
2003, december, disponible in ‹http://www.asil.org/insights.htm›.
1202 Voir A.-C. ROBERTS, Justice internationale, politique et droit, cit., p. 25.

339
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

fait étatique illicite, comme dans le cas des procédures qui se sont déroulées dans
différents pays à la suite de la deuxième guerre mondiale.1203

§ 8.8. Problèmes constitutionnels posés par les tribunaux institués dans le cadre
des Nations Unies (notamment par le Conseil de sécurité: le T.P.I.Y. et le T.P.I.R.).
Après la création de l’O.N.U., des T.P.I. ont été instituées, suite à l’action du Conseil
de sécurité, par le C.d.S. même: ainsi il en a été pour le T.P.I.Y. et pour le T.P.I.R.,
créés par les Résolutions du C.d.S. 827/1993 et 955/1994.1204
Cette façon de procéder signe l’ingérence du C.d.S. dans l’espace juridictionnel non
seulement du point de vue de la gestion des actes illicites internationaux, mais aussi de
l’institution des organes chargés du jugement relatif ratione personae, selon le principe
de la primauté de l’action politique sur l’action juridictionnelle.1205 Le fait que la Charte
des N.U. confère au Conseil le pouvoir d’instituer des tribunaux pénaux est une
question largement traitée en doctrine.1206
Bon nombre d’auteurs se sont prononcés en faveur de cette solution, surtout parce
que l’urgence des situations mettant en danger la paix internationale rendrait nécessaire
la voie autoritaire et impraticable la solution conventionnelle.
Selon une première interprétation le pouvoir du C.d.S. d’instituer des tribunaux
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pénaux internationaux serait fondé par l’article 29 de la Charte des N.U., qui permet au
Conseil de créer des organes subsidiaires.1207 Cependant on peut objecter que la
disposition en question donne au Conseil le pouvoir de mettre en place des nouveaux
organes seulement pour l’exécution de ses propres fonctions, alors que les tribunaux
pénaux ad hoc exercent une activité d’ordre juridictionnel qui dépasse la compétence du

1203 Sur la problématique du jugement par les tribunaux internes des crimes commis pendant le deuxième
conflit mondial voir W.B. COWLES, Trial of War Criminals (Non-Nuremberg), in A.J.I.L., 1948, vol.
42, n. 2, april, p. 299-319.
1204 Sur les T.P.I. ad hoc, notamment par rapport à la C.P.I., voir J. DAUCHY, Travaux de la
Commission juridique de l’Assemblée générale (cinquante et unième session), cit., p. 584-585; S. SUR,
Le droit international pénal entre l’État et la société internationale, in M. HENZELIN, R. ROTH, Le
droit pénal à l’épreuve de l’internationalisation, cit., p. 49 s. Sur le rôle joué par la création du T.P.I.Y. et
du T.P.I.R. dans la dynamique ayant abouti à l’adoption du Statut de la C.P.I. voir E. DULAC, Le rôle du
Conseil de sécurité dans la procédure devant la C.P.I., mémoire sous la direction de P.-M. Eisemann,
Université de Paris I, 1999-2000, p. 7; C.L. BLAKESLEY, Comparing the ad hoc Tribunal for Crimes
against Humanitarian Law in the Former Yougoslavia and the Project for an I.C.C. Prepared by the
I.L.C., in R.I.D.P., 1996, 1/2 trim., p. 139 s. En général sur les T.P.I. ad hoc voir H. ASCENSIO, R.
MAISON, L’activité des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (1995-1997) et pour le
Rwanda (1994-1997), cit., p. 368.
1205 Voir H. ASCENSIO, La répression des infractions internationales – Les Tribunaux ad hoc pour
l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, cit., p. 716.
1206 Voir S.D. MURPHY, Progress and Jurisprudence of the I.C.T.Y., cit., p. 63-64; J.E. ALVAREZ,
Nuremberg Revisited: the Tadic Case, in E.J.I.L., 1996, vol. 7, n. 2, p. 245 s.; P. PALCHETTI, Il potere
del Consiglio di sicurezza di istituire tribunali penali internazionali, in Riv. D.I., 1996, p. 413 s.
1207 Voir S.G. Rapport établi conformément au paragraphe 2 de la Résolution 808 (1993) du Conseil de
sécurité présenté le 3 mai 1993, Doc. S/25704, 1993, disponible dans le réseau Internet à l’adresse
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N95/248/36/IMG/N9524836.pdf?OpenElement›, § 24-28, et
les considérations relatives de G. CARELLA, Il Tribunale penale internazionale per la ex-Iugoslavia, in
P. PICONE, Interventi delle Nazioni Unite e diritto internazionale, Padova, Cedam, 1995, p. 475. En
jurisprudence, pour des considérations sur le pouvoir des organes principaux de l’O.N.U. de créer des
institutions subsidiaires, voir C.I.J., Effets des jugements du Tribunal administratif des N.U. accordant
indemnités, avis consultatif du 13 juillet 1954, in C.I.J. Rec., 1954, p. 61, où l’on affirme la légitimité de
l’institution d’une juridiction administrative par l’Assemblée générale de l’O.N.U., même en l’absence de
dispositions expresses, sur la base d’une interprétation large de l’article 101 § 1 de la Charte des N.U. En
doctrine voir B. CONFORTI, Le Nazioni Unite, 4a ed., cit., p. 103-107; D. CIOBANU, Preliminary
Objections Related to the Jurisdiction of the United Nations Political Organs, cit., p. 24-31.

340
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

Conseil, au moins selon la lettre de la Charte.1208 S’il est vrai que les tribunaux
contribuent au maintien de la paix, toutefois l’action du C.d.S. n’est pas organisée selon
les critères de l’activité judiciaire.1209
Alternativement, on pourrait justifier le pouvoir du Conseil sur la base des articles 24
et 25 de la Charte des N.U., qui lui confèrent un pouvoir général en matière de maintien
de la paix.1210
Plus généralement, selon l’interprétation majoritaire en doctrine et développée par le
Conseil de sécurité même, le fondement du pouvoir de créer des juridictions pénales se
trouverait dans les normes du chapitre VII de la Charte de N.U.1211 Ainsi quelques
auteurs rappellent les articles 40 et 42 de la Charte des N.U.1212 Selon l’opinion la plus
courante, toutefois, le pouvoir découlerait de l’article 41 de la Charte des N.U.,
concernant l’adoption des mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée.1213
Cette disposition permet au C.d.S. l’adoption de toutes sortes de mesures n’impliquant
pas l’emploi de la force armée afin de maintenir et rétablir la paix, car le texte de la

1208 Voir B. GRAEFRATH, Jugoslawientribunal-Präzedenzfall trotz fragwürdiger Rechtsgrundlage, in


Neue Justiz, 1993, p. 433-437. Il est intéressant, à ce propos, de remarquer que le Comité pour une
juridiction criminelle internationale, créé en 1951 par l’A.G.N.U. dans le but d’évaluer la possibilité
d’instituer un Tribunal pénal permanent, a exclu que l’Assemblée puisse instituer un tel Tribunal comme
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organe subsidiaire, parce que son activité dépasserait le cadre des activités propres de l’Assemblée (voir
Comité pour une juridiction criminelle internationale, Rapport sur les travaux de sa session tenue du 1er
au 31 août 1951, doc. A/2136, cit., p. 1 s.).
1209 En revanche la jurisprudence du T.P.I.Y. affirme que: “L’argument selon lequel le C.d.S., n’étant
pas doté de pouvoirs judiciaires, ne peut pas créer un organe judiciaire qui en serait pourvu, est
insoutenable […] de toute évidence, le C.d.S. n’est pas un organe judiciaire et il n’a pas de pouvoirs
judiciaires, bien qu’il puisse subsidiairement réaliser certaines activités quasi-judiciaires […] La création
du Tribunal international par le C.d.S. ne signifie pas, cependant, qu’il lui a délégué certaines de ses
propres fonctions […] Elle ne signifie non plus, a contrario, que le C.d.S. usurpe une partie d’une
fonction judiciaire qui ne lui appartient pas […] Le C.d.S. a recouru à la création d’un organe judiciaire
sous la forme d’un tribunal pénal international comme un instrument pour l’exercice de sa propre
fonction principale du maintien de la paix” (voir T.P.I.Y., Ch. App., Tadic, Arrêt relatif à l’appel de la
défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, IT-94-1, § 37-38).
Conformément voir T.P.I.R., Ch. II 1ère inst., Kajelijeli, jugement du 1er décembre 2003, ICTR-98-44, §
2; T.P.I.R., Ch. I 1ère inst., Niytegeka, jugement du 16 mai 2003, ICTR-96-14, § 2. Dans un ordre d’idées
critique sur cette approche voir G. CARELLA, Il Tribunale penale internazionale per la ex-Iugoslavia,
cit., p. 47 s.
1210 Sur ce pouvoir du C.d.S. voir C.I.J., Conséquences juridiques pour les États de la présence continue
de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution 267 (1970) du Conseil de
sécurité, avis consultatif du 21 juin 1971, in C.I.J. Rec., 1971, p. 52-54). En doctrine voir R. HIGGINS,
The Advisory Opinion on Namibia: Which U.N. Resolutions Are Binding under Article 25 of the
Charter?, in I.C.L.Q., 1972, p. 270-286. Contrairement à cette interprétation voir A. MARCHESI, I
diritti dell’uomo e le Nazioni unite, Milano, 1996, p. 128.
1211 Voir B. CONFORTI, Le Nazioni Unite, 4a ed., cit., p. 206; J.-P. JACQUE, L’avis de la C.I.J. du 21
juin 1971, in R.G.D.I.P., 1972, t. 96, n. 4, p. 1046-1097.
1212 Voir B. CONFORTI, Le Nazioni Unite, 4a ed., cit., p. 197; F. CAPOTORTI, Corso di diritto
internazionale, Milano, Giuffré, 1995, p. 476; F. LATTANZI, Alcune riflessioni su un Tribunale ad hoc
per la ex-Iugoslavia, in I diritti dell’uomo. Cronache e battaglie, 1993, 1, p. 34; F. LATTANZI, La
répression pénale des crimes du droit international: des juridictions internes aux juridictions
internationales, in Law in Humanitarian Crisis, cit., p. 121 s.
1213 Voir A. PELLET, Le Tribunal criminel international pour l’ex-Yougoslavie: poudre aux yeux ou
avancée décisive?, cit., p. 28; F.L. KIRGIS JR., The Security Council’s First Fifty Years, in A.J.I.L.,
1995, july, vol. 89, n. 3, p. 522; P. MORI, Sul Tribunale penale internazionale per la ex Jugoslavia e su
altre giurisdizioni criminali internazionali, in G. BADIALI et al., Scritti in memoria di Giuseppe Barile,
Padova, Cedam, 1995, p. 365-367. La même interprétation avait déjà été soutenue pour justifier la
création de la Commission de réparation suite à la guerre du Golfe par la Résolution 687/1991 (voir,
notamment, l’opinion de S. SUR, La Résolution 687 (3 avril 1991) du Conseil de sécurité dans l’affaire
du Golfe: problèmes de rétablissement et de garantie de la paix, in A.F.D.I., 1991, XXXVIII, p. 38-43).

341
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

disposition est générique. En effet, quoique l’article 41 dresse une liste des mesures
possibles, rien ne dit qu’elle soit exhaustive, donc même le pouvoir d’instituer des
tribunaux ad hoc pourrait y rentrer.1214 Par ailleurs l’objection que les mesures prévues
à l’article 41 devraient s’adresser directement aux États, en leur imposant des
obligations, mais ne permettraient pas une action indirecte du Conseil, comme celle
visant la création des tribunaux pénaux ad hoc, est une simple interprétation, pas
explicitée dans le texte de la norme.1215
L’approche qui reconnaît au C.d.S. le pouvoir de créer des tribunaux ad hoc dérive
de la tendance à élargir le domaine d’action du Conseil sur la base du chapitre VII de la
Charte des N.U., qui est générique aussi bien du point de vue du droit matériel que du
point de vue de la procédure, surtout par rapport au concept de “maintien de la
paix”.1216 Néanmoins la possibilité de juger la responsabilité naissant du fait illicite
international ne devrait pas rentrer parmi les pouvoirs du Conseil. En effet les thèses qui
reconnaissent ledit pouvoir au Conseil sur la base du chapitre VII de la Charte des N.U.,
ou des articles 24, 25 et 29 de la Charte, constituent des interprétations extensives, car
aucune disposition n’établit expressément ce type de compétence. L’institution des
tribunaux pénaux internationaux chargés de juger les violation individuelles dépasse la
compétence du C.d.S.1217 Notamment, l’esprit des dispositions du chapitre VII de la
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Charte est simplement celui d’assurer la cessation d’une conduite qui viole la paix,
comme il ressort des travaux préparatoires.1218 En outre les articles 36 § 1 et 37 § 2 de
la Charte limitent expressément le pouvoir du Conseil, en matière juridictionnelle, à la
possibilité de recommander des solutions ou de proposer l’adoption des procédures
pour la solution des différends.

1214 Voir A. PELLET, Le Tribunal criminel international pour l’ex-Yougoslavie: poudre aux yeux ou
avancée décisive?, cit., p. 28.
1215 Voir M.L. FORLATI-PICCHIO, La sanzione nel diritto internazionale, cit., p. 192-193; G.
CARELLA, Il Tribunale penale internazionale per la ex-Iugoslavia, cit., p. 475.
1216 Sur la tendance à élargir les pouvoirs du Conseil dans le cadre de la sécurité collective voir P.-M.
DUPUY, Sécurité collective et organisation de la paix, cit., p. 617 s.; G. GAJA, Réflexions sur le rôle du
Conseil de sécurité dans le nouvel ordre mondial, cit., p. 297; W. GOWLLAND-DEBBAS, Security
Council Enforcement Action and Issues of States Responsibility, cit., p. 55; C. TOMUSCHAT,
Obligations Arising for States without or against Their Will, cit., p. 343. Dans un ordre d’idées fortement
critique sur cette tendence voir B. GRAEFRATH, Leave to the Court What Belongs to the Court, cit., p.
184 s.
1217 Dans un ordre d’idées fortement critique sur la compétence du Conseil de sécurité pour créer des
tribunaux pénaux ad hoc voir G. ARANGIO-RUIZ, The Establishment of the International Criminal
Tribunal for the Former Territory of Yougoslavia and the Doctrine of Implied Powers of the United
Nations, in F. LATTANZI, E. SCISO, Dai tribunali penali internazionali ad hoc ad una corte
permanente, cit., p. 31-45; A. MARCHESI, I diriti dell’uomo e le Nazioni Unite, cit., p. 129-130. Sur la
question voir aussi P. PALCHETTI, Il potere del Consiglio di sicurezza di istituire tribunali penali
internazionali, cit., p. 424; A. BERNARDINI, Il Tribunale penale internazionale per la (ex) Jugoslavia:
considerazioni giuridiche, in I Diritti dell’uomo. Cronache e battaglie, 1993, p. 15 s.; F. LATTANZI,
Alcune riflessioni su un Tribunale ad hoc per la ex Jugoslavia, cit., p. 32 s.; F. LATTANZI, La
répression pénale des crimes du droit international: des juridictions internes aux juridictions
internationales, cit., p. 14-15.
1218 Le Propositions de Dumbarton Oaks, au chapitre VIII-B (correspondant au chapitre VII de la Charte
des N.U.) prévoyait, au paragraphe 2 (correspondant à l’article 39 de la Charte des N.U.), que le Conseil,
après avoir constaté l’existence d’une violation de la paix, aurait pu décider d’adopter les “measures to be
taken to maintain or restore peace and security”, alors que les mesures n’impliquant pas l’emploi de la
force armée, prévues au paragraphe 3 (correspondant à l’actuel article 41 de la Charte des N.U.) et les
mesures impliquant l’emploi de la force armée, prévues au paragraphe 4 (correspondant à l’article 42 de
la Charte des N.U.) auraient dû garantir le respect de ces décisions en cas de non acquittement de la part
d’un État.

342
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

De la même façon, il serait difficile de justifier la création des tribunaux sur la base
d’une convention internationale, notamment celle pour la prévention du génocide de
1948. Quoique l’article VIII de la Convention sur le génocide autorise les États parties à
solliciter les organes des N.U., pour qu’ils prennent les décisions nécessaires à prévenir
et supprimer le crime de génocide et prévoie, même, la création d’une juridiction
internationale, il ne confère pas aux organes onusiens des pouvoirs plus vastes que ceux
dont ils disposent en vertu de la Charte des NU.1219
La création des tribunaux ad hoc par le Conseil constitue, donc, un acte ultra vires,
qui viole les dispositions de la Charte des N.U. et que la C.I.J. devrait pouvoir déclarer
invalide.1220
Une autre justification des pouvoirs du C.d.S. d’instituer des Tribunaux ad hoc se
fonde sur l’hypothèse de l’opinion conforme des États. Selon une partie de la doctrine, à
défaut d’un mécanisme exprès de contrôle des actes des organes des NU, on devrait
estimer que l’absence d’une opposition expresse des États efface les vices de l’acte.1221
D’après quelques auteurs, dans le cas de la Résolution 827/1993, qui a institué le
T.P.I.Y., et de la Résolution 955/1994, qui a institué le T.P.I.R., la conformation à la
pratique du C.d.S. aurait été déterminée par la situation extraordinaire de l’ex-
Yougoslavie et du Rwanda, mais ces deux Résolutions ne constitueraient pas des
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précédents.1222 En tout cas, même en acceptant la solution, extrême, du consensus,


encore faudrait-il établir les conséquences d’une éventuelle opposition par l’un des
États membres, situation qui s’est produite lors de l’institution du T.P.I.Y. En suivant
les indications données par la C.I.J. dans les arrêts sur les problèmes des dépenses des
N.U., de 1962, et de la Namibie, de 1971, on devrait estimer que la contestation des
actes du C.d.S. par les États membres est efficace, par conséquent l’opposition à
l’institution du T.P.I.Y., en tant qu’acte ultra vires par rapport aux pouvoirs conférés au
C.d.S. par la Charte des N.U., devrait entraîner la nullité ex tunc de sa juridiction.1223
Finalement, l’institution des tribunaux ad hoc par le C.d.S. laisse irrésolu le
problème du jugement des crimes commis dans le cadre d’une situation menaçant la
paix internationale lorsque le Conseil est paralysé.

1219 Voir N. ROBINSON, The Genocide Convention, New York, Inst. of Jewish Affairs, 1960, p. 89-98;
N. ROBINSON, Genocide: a Commentary on the Convention, in Yale L.J., 1949, p. 1146-1149; G.
GAJA, Réflexions sur le rôle du Conseil de sécurité dans le nouvel ordre mondial, cit., p. 310; N.
RONZITTI, Genocidio, in Enciclopedia del diritto, Milano, Giuffré, 1969, vol. XVIII, p. 579.
1220 Sur cette question voir D. AKANDE, The I.C.J. and the Security Council: Is There Room for
Judicial Control of Decisions of the Political Organs of the U.N.?, cit., p. 324-325 et les considérations
que nous avons fait, supra, en parvenant à des conclusions positives.
1221 Voir B. CONFORTI, La funzione dell’accordo nel sistema delle Nazioni Unite, Padova, Cedam,
1968, p. 94-115; I. McGIBBON, The Scope of the Acquiescence in International Law, in B.Y.B.I.L.,
1954, XXXI, p. 145.
1222 Voir P. PALCHETTI, Il potere del C.d.S. di istituire tribunali penali internazionali, cit., p. 432-436.
1223 Voir C.I.J., Certaines dépenses des Nations Unies, avis consultatif du 20 juillet 1962, opinion du
juge Parcy Spender, in C.I.J. Rec., 1962, p. 188 s.; C.I.J., Conséquences juridiques pour les États de la
présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution 276
(1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif du 21 juin 1971, in C.I.J. Rec., 1971, p. 22. En doctrine
voir B. CONFORTI, Le Nazioni Unite, 4a ed., cit., p. 68; D.W. BOWETT, The Impact of the Security
Council Decision on Dispute Settlement Procedures, cit., p. 93; M. HERDEGEN, The
“Constituzionalization” of the U.N. Security System?, in Vanderbilt J.T.L., 1994, vol. 27, n. 1, p. 135.
Plus généralement, sur la possibilité, pour les États, d’exprimer leur adhésion ou rejet d’une interprétation
des traités, voir J.-P. COT, La conduite subséquente des parties à un traité, in R.G.D.I.P., 1966, t. 70, p.
632-636; G. SPERDUTI, Prescrizione, consuetudine e acquiescenza in diritto internazionale, in Riv.
D.I., 1961, p. 3-15.

343
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Ces brèves considérations concernant les tribunaux pénaux internationaux constitués


par le C.d.S. soulèvent, aussi, quelques doutes sur la légitimité des tribunaux
“hybrides”, mis sur pied par les Missions d’administration intérimaires au Kosovo et au
Timor Oriental sur la base d’un mandat du Conseil de sécurité, en vertu des Résolutions
1244 du 10 juin 1999 et 1272 du 25 octobre 1999.

§ 8.9. Interférences entre l’action des Tribunaux pénaux internationaux ad hoc et


celle du Conseil de sécurité.
L’aspect le plus intéressant de l’institution des tribunaux pénaux par le C.d.S.
concerne le fait que la source desdits tribunaux compromet fortement leur
objectivité.1224
Il existe, tout d’abord, une dépendance organique des tribunaux par rapport au
Conseil, car celui-ci conserve, au nom du maintien de la paix suivant le chapitre VII de
la Charte des N.U., le pouvoir de supprimer les tribunaux. La suppression serait
possible soit au cas où les conditions de la violation ou de la menace de la paix ne
seraient plus réunies, soit au cas où l’existence des tribunaux réaliserait une entrave au
rétablissement de la paix.1225
L’élément le plus important est constitué, de toute façon, par le facteur temporel.
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L’institution des juridictions pénales se produit, en effet, depuis que le Conseil a adopté
des mesures au titre du chapitre VII de la Charte: ainsi il en a été pour le T.P.I.Y. et
pour le T.P.I.R. Le jugement des tribunaux intervient après l’action du Conseil, qui
implique la condamnation de l’État. On a, donc, une situation impliquant la
condamnation de l’État par le Conseil de sécurité et le successif jugement des
individus-organes ayant agi au nom de l’État par les tribunaux pénaux ad hoc.1226 Il est
vrai que le C.d.S. s’intéresse au côté collectif de l’infraction, alors que les Tribunaux
s’intéressent au côté individuel de la violation, mais on peut maintenant apprécier la
relation étroite qui subsiste entre les deux types de responsabilité: une éventuelle
sentence d’acquittement, par les tribunaux, de certains sujets-organes des États déjà
culpabilisés par le C.d.S., remettrait en discussion l’intervention même du Conseil. Ce
cas de figure est assez problématique et implique, du côté de la relation entre les
tribunaux et le Conseil, que les tribunaux contredisent l’organe même qui les a créé.1227
Même si cette perspective est possible, car les Statuts des tribunaux n’établissent
aucune dépendance par rapport au Conseil en ce qui concerne le jugement, en pratique
la perspective est assez improbable. Il existe, donc, le risque d’une influence politique
sur le procès des tribunaux spéciaux.1228 Cela signifie que les tribunaux pénaux ad hoc
partent avec une forte présomption de culpabilité, en évident conflit avec le principe de
la présomption d’innocence. Il est quasiment impossible, en effet, que les tribunaux

1224 Voir T.L.H. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International Criminal Law Regime?, cit., p.
183.
1225 Voir H. ASCENSIO, La répression des infractions internationales – Les Tribunaux ad hoc pour
l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, cit., p. 732.
1226 Sur la question de la priorité de la décision du C.d.S. par rapport au jugement individuel voir F.B.
SCHICK, The Nuremberg Trial and the International Law of the Future, cit., p. 772-775.
1227 Sur la relation entre les Tribunaux ad hoc et le Conseil de sécurité voir H. ASCENSIO, La
répression des infractions internationales – Les Tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et pour le
Rwanda, cit., p. 716.
1228 Sur ce problème, par rapport au T.P.I.Y., voir X. BOUGAREL, Du bon usage du Tribunal pénal
international, in Le Monde Diplomatique, n. 577, avril 2002, ‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 16-
17. Par rapport au T.P.I.R. voir S. SMITH, Le T.P.I.R., outil d’une “justice des vainqueurs”?, in Le
Monde, n. 17918, mercredi 4 septembre 2002, International, p. 3, notamment sur le risque de
manipulation du T.P.I.R. par le nouveau régime rwandais pour s’exonérer des crimes commis en 1994.

344
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

acquittent des individus ayant agi au nom d’un État culpabilisé par le Conseil, au moins
ceux, parmi eux, qui ont joué un rôle clé dans la conduite des actions incriminées,
d’autant plus qu’une éventuelle sentence d’acquittement des individus par les
Tribunaux serait en contradiction avec la condamnation collective de la part du Conseil
et, théoriquement, devrait ouvrir la voie, au moins, à une procédure d’indemnisation, ou
à la criminalisation des responsables de l’action du Conseil. De la même façon, il est
très improbable que les Cours condamnent des individus ayant agi au nom du C.d.S. ou
par compte des États sous son égide.1229 La pratique des procès qui se déroulent devant
les juridictions spéciales montre que les agissements du Conseil de sécurité ou des États
opérant sous son mandat ne sont pas exempts d’une possible responsabilisation pénale.
Tel est le cas de certaines actions menées par l’O.T.A.N. (24 mars-10 juin 1999) à
l’égard de la R.F.Y., émergées au cours du procès de Milosevic devant le T.P.I.Y.1230
Ainsi, après l’action menée par l’O.T.A.N. en ex-Yougoslavie, un Comité a été chargé
d’enquêter sur des possibles crimes commis par les représentants de l’O.T.A.N. au
cours des bombardements contre la R.F.Y., notamment pour l’attaque aux passagers du
train à Gredlica Gorge du 12 avril 1999, l’attaque au convoi de Djakovica du 14 avril
1999, l’attaque à la station de la radio et de la télévision serbes à Belgrade du 23 avril
1999, l’attaque à l’ambassade chinoise du 5 mai 1999 et l’attaque au village de Korica
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

du 13 mai 1999. Le rapport établi par le Comité, toutefois, qui ne considère que les
actions impliquant des victimes civiles, exclut les dommages à l’environnement et aux
propriétés, l’emploi d’armes non conventionnelles, ainsi que, plus généralement,
d’autres faits pouvant constituer des crimes de guerre et semble oublier le principe de la
proportion.1231 Ce rapport a, finalement, donné lieu à une prononciation de non liquet
par le Procureur du T.P.I.Y. à l’égard des individus ayant agi au nom de l’O.T.A.N.
Une partie de la doctrine en déduit que le Comité est parvenu à miner l’impartialité du
Procureur du T.P.I.Y., niant la responsabilité de l’O.T.A.N. et des États qui en font
partie pour couvrir la responsabilité des individus agissant en son nom, tandis que les
juridictions étatiques ont, parfois, condamné leurs agissements.1232 Selon la position du
C.d.S., en revanche, “bien que certaines erreurs aient été commis par l’O.T.A.N. […] il
est permis de dire que les civils n’ont pas été spécifiquement visés” au cours de ses

1229 Voir P.A. RUBIN, Ethics and Authority in International Law, cit., p. 157.
1230 Voir C. SAMARY, Fiasco à La Haye, in Le Monde Diplomatique, n. 577, avril 2002,
‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 14; A. GIDRON, C. CORDONE, Faut-il juger l’O.T.A.N.?, in
Le Monde Diplomatique, n. 556, juillet 2000, p. 1, 18-19.
1231 Voir Comité d’enquête, Rapport sur les crimes de l’O.T.A.N. au cours des bombardements contre la
R.F.Y., N.A.T.O., Communiqué de presse du 13 juin 2000, disponible à l’adresse électronique
‹http://www.un.org/icty/pressrealnato061300.htm›.
1232 Voir P. BENVENUTI, The I.C.T.Y. Prosecutor and the Review of the N.A.T.O. Bombing Campaign
against the Federal Republic of Yougoslavia, in E.J.I.L., 2001, vol. 12, n. 3, p. 503 s.; N. RONZITTI, Is
the non liquet of the Final Report by the Committee Established to Review the N.A.T.O. Bombing against
the F.R.Y. Acceptable?, in International Review of the Red Cross, 2000, vol. 82, n. 840, p. 1020 s.; A.
GIDRON, C. CORDONE, Faut-il juger l’O.T.A.N.?, cit., p. 18-19; W.J. FENRICK, Targeting and
Proportionality during the N.A.T.O. Bombing Campaign against Yougoslavia, in E.J.I.L., 2001, vol. 12,
n. 3, p. 489 s.; M. BOTHE, The Protection of the Civilian Population and N.A.T.O. Bombing on
Yougoslavia: Comments on a Report to the Prosecutor of the I.C.T.Y., in E.J.I.L., 2001, vol. 12, n. 3, p.
531. D’après P. HAZAN, La justice face à la guerre: de Nuremberg à La Haye, Paris, Stock, 2000, p.
219 s., “ni le T.P.I., ni la justice pénale internationale en général, ni le droit international humanitaire ne
sortent grandis du rapport de la Commission établie par le Procureur du T.P.I.Y. […] Le clair parti pris
dans l’établissement des faits, les approximations où les erreurs juridiques en font un document peu
crédible et indéfendable face à un juriste qui connaît bien le droit international humanitaire”.

345
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

opérations.1233 Dans la même logique l’opinion mondiale se demande qui pourrait juger
les crimes dont sont soupçonnées les forces de la Coalition qui opèrent en Afghanistan
depuis 2002 au nom de la lutte contre le terrorisme.1234
Finalement on remarquera que même le Tribunal spécial pour le Cambodge, mis sur
pied par l’initiative de l’A.G.N.U. (Résolutions 57/228/A du 18 décembre 2002 et
57/228/B du 13 mai 2003) pour juger les crimes commis par les khmers rouges entre le
17 avril 1975 et le 6 janvier 1979, et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, constitué
par l’accord de Freetown du 16 janvier 2002 négocié entre le Secrétaire général des
N.U. et le gouvernement de la Sierra Leone pour juger les crimes commis sur le
territoire de cet État depuis le 30 novembre 1996, sont affectés par le problème du
respect du principe de légalité.
Au fond, l’incohérence majeure des tribunaux ad hoc institués dans le cadre des
Nations Unies, notamment par le C.d.S., est la même que celle des Tribunaux de
Nuremberg et de Tokyo, institués par les forces alliées contre les Puissances de l’Axe,
après le second conflit mondial, ainsi que de tout tribunal institué par la puissance
étatique après l’adoption des contre-mesures: il s’agit de juridictions qui appliquent,
exclusivement, la justice des vainqueurs. Le même problème de partialité concerne les
jugements portés par les tribunaux internes sur des individus lorsqu’une action étatique
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

en contre-mesure a été autorisée par le C.d.S., comme dans le cas des récents procès des
prisonniers de guerre afghans jugés par les tribunaux internes des États-Unis.1235

§ 8.10. Problèmes posés par la Cour pénale internationale.


La création de la C.P.I., organe permanent, permet de résoudre, en principe, le
problème de la “justice des vainqueurs” qui affecte toute juridiction ad hoc, établie soit
par la puissance étatique soit par les organes onusiens. En revanche, au niveau du droit
international général, des sérieux problèmes de coordination s’ouvrent quant à la
coordination entre l’action de la C.P.I. et les réactions décentralisées des États, tandis
que, au niveau relatif, la problématique de l’harmonisation concerne le rapport entre la
C.P.I. et les procédures onusiennes.
En droit international général, du côté du rapport entre la C.P.I. et les réactions
unilatérales étatiques, il existe, notamment, la possibilité d’un conflit entre le jugement
de la Cour sur la responsabilité individuelle et l’adoption par les États d’éventuelles
contre-mesures difformes suite à l’affirmation de la responsabilité collective. Ni le
Statut de la C.P.I. ni d’autres textes normatifs s’attachent à la question, de sorte que
seulement le développement de la pratique coutumière pourra révéler l’entité du
problème et prospecter d’éventuelles solutions.

1233 Voir C.d.S., Communiqué de presse, Les Procureurs pour les Tribunaux spéciaux pour l’ex-
Yougoslavie et le Rwanda rendent compte de ses succès et ses difficultés, CS/1996 du 2 juin 2000, in
‹http://www.un.org/news/fr-press/docs/2000/20000602.cs.1996.html›.
1234 Voir Physicians for Human Rights, Preliminary Assessment of Alleged Mass Gravities in the Area
of Mazar-I-Sharif, Afghanistan: january 16-21 and february 7-14 2002, Report, disponible à l’adresse
Internet ‹http://www.phrusa.org/research/afghanistan/report_graves.html›; L. JOURDAN, Crimes
impunis en Afghanistan, in Le Monde Diplomatique, n. 585, décembre 2002, in ‹http://www.monde-
diplomatique.fr›, p. 25; L. JOURDAN, Une enquête internationale s’impose, in Le Monde Diplomatique,
n. 582, septembre 2002, in ‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 16-17; Human Rights Watch, Au nom
du droit, crimes et exécutions en Afghanistan, in Le Monde Diplomatique, n. 601, 2004, in
‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 4-5.
1235 Voir M. TIGROUDJA, Quel(s) droit(s) applicable(s) à la “guerre au terrorisme”?, cit., p. 93-102.
Sur la nécessité d’instituer une cour pénale internationale capable de juger les sujets ressortissant tant des
États vainqueurs que des États vaincus voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il
diritto), cit., p. 144-145.

346
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

Au niveau relatif la question de l’harmonisation concerne, notamment, le rapport


entre la C.P.I., la C.I.J. et le C.d.S. de l’O.N.U.: cette problématique requiert una
analyse approfondie. Le problème se pose, aussi, par rapport à l’action de l’Assemblée
générale et au Secrétariat de l’O.N.U., ainsi qu’à d’autres organes internationaux, mais
en moindre mesure, étant donné que ces organes ne peuvent pas, en principe et sauf
quelques exceptions, imposer des obligations aux États.1236 Plus spécifiquement,
concernant l’A.G.N.U., on sait qu’elle peut, en vertu de la Résolution 377 (V) du 3
novembre 1950 (“Acheson”), se substituer au C.d.S. dans la prise des décisions
concernant le maintien de la paix en cas de paralysie de celui-ci pour l’exercice du droit
de veto. Toutefois l’A.G.N.U. ne peut agir que par le bais de la recommandation (article
10 de la Charte des N.U.), donc les décisions de la C.P.I. devraient prévaloir. Par
contre, si l’on devait attribuer aux décisions de l’A.G.N.U. en question une efficacité
spéciale, en raison de la subrogation dans les pouvoirs du C.d.S. ou d’une force
obligatoire quelconque des recommandations adoptées en matière de maintien de la
paix suivant les chapitres VI et VII de la Charte des N.U., on se retrouverait dans le
même cas de figure des rapports entre la C.P.I. et le C.d.S. En tout cas, étant donnée la
subrogation dans les pouvoirs du C.d.S. par l’A.G.N.U. déterminée par la Résolution
377 (V), certaines considérations en matière de saisine et de sursis à enquêter
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concernant le rapport entre le C.d.S. et la C.P.I. devraient valoir, aussi, pour l’A.G.N.U.
En général on ne peut pas concevoir la C.P.I. comme une institution isolée et statique
dans le système juridique international. Quoiqu’il s’agisse d’un organe qui occupe une
place définie dans la communauté internationale, elle s’inscrit dans un contexte et elle
est reliée aux autres organisations avec lesquelles elle doit interagir de façon
dynamique.1237 Le problème, au niveau normatif, est seulement approché, non pas
résolu, à l’article 2 du Statut de la C.P.I., qui prévoit que les relations entre les N.U. et
la C.P.I. sont réglées par le biais d’un accord.1238
Le fonctionnement de la C.P.I. et sa façon d’être reliée aux autres institutions ne sont
pas indifférents à la conception qu’on adopte, sur le plan matériel, en matière de
responsabilité des États. La conception pénale ou non-pénale de la responsabilité
majeure étatique comporte, nécessairement, des conséquences du côté de la procédure,
car le droit matériel et procédural sont étroitement reliés. Il faut, donc, considérer
attentivement non seulement les rapports entre les différents organes chargés de juger la
responsabilité, notamment criminelle, des États, mais aussi la liaison entre l’approche
du droit matériel de la responsabilité étatique d’un côté et les institutions et les
procédures qui s’en suivent d’un autre côté.

1236 Sur le problème de la relation entre la C.P.I. et les autres institutions chargées de faire respecter les
obligations fondamentales de la communauté internationale, avec un référence constante aux travaux de
la C.D.I. et à la position des États sur la question, voir T.L.H. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New
International Criminal Law Regime?, cit., p. 180; R.S. CLARKS, The Proposed I.C.C.: Its Establishment
and Its Relationship with the U.N., in Crim. L.F., 1997, vol. 8, n. 3, p. 411 s. Pour des considérations
générales sur la portée révolutionnaire de l’introduction, en droit international, d’un système de jugement
et d’exécution des droits de l’homme, voir P. DE STEFANI, Il diritto internazionale dei diritti umani,
cit., p. 2. Sur la compétence des organisations politiques dans la répression des crimes internationaux voir
E. CUJO, M. FORTEAU, La répression des infractions internationales – Les réactions des organes
politiques, cit., p. 663 s.
1237 Conformément, pour une conception de la C.P.I. comme institution insérée dans le cadre des
relations internationales, voir P. WECKEL, La C.P.I. – Présentation générale, cit., p. 984.
1238 Pour un aperçu de la discussion, au sein de la C.D.I., sur la relation entre la C.P.I. et l’O.N.U., voir
C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, 2 mai-22 juillet 1994, in A.G.,
doc. off., 49ème session, suppl. n. 10, A/49/10, p. 32-35.

347
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Les problèmes de coordination entre la C.P.I. et les autres organes et procédures de


la communauté internationale ont été abordés au cours des travaux pour l’élaboration du
Statut de la C.P.I. Dans ce cadre l’effort majeur pour essayer de sortir des
contradictions du système, malgré quelques voix favorables à l’élargissement de la
compétence de la C.P.I. aux États, a été développé dans le souci de garder la structure
actuelle de la responsabilité majeure internationale.1239 Au cours des travaux
préparatoires du Statut de la C.P.I., la C.D.I. avait envisagé, à l’article 2, soit de faire de
la C.P.I. “un organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies” soit de la “lier à
l’O.N.U. selon les modalités prévues dans le Statut”.1240 Finalement, l’hypothèse d’un
accord spécial, actuellement retenue par le Statut (article 2), s’est imposée.1241
Difficilement, toutefois, on peut tenter de parvenir à une solution de tous les
problèmes inter-institutionnels en jouant sur la qualification de la Cour comme organe
indépendant du système onusien.1242 La solution la plus cohérente consisterait à faire de
la C.P.I. un organe des N.U. Sûrement, comme le souligne une partie de la doctrine, la
solution intégrative présente des problèmes pratiques, car son adoption exigerait
l’amendement de la Charte des N.U. suivant la procédure de l’article 108 et il ne serait
pas facile de l’adopter.1243 En effet, on ne peut pas penser de faire de la C.P.I. un organe
judiciaire ultérieur, principal ou subsidiaire, adjoint à la C.I.J., organe judiciaire
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

principal (article 92 de la Charte des N.U.), sans passer par la voie de l’amendement.
Tout de même cela ne constitue pas un obstacle insurmontable à la qualification de la
C.P.I. comme organe des N.U. et la solution intégrative, bien que laborieuse, demeure
praticable et souhaitable.
Encore faut-il préciser que, si la qualification de la C.P.I. en tant qu’organe officiel
des N.U. n’était pas suivie d’une réforme globale des N.U., on ne parviendrait pas à
résoudre tous les problèmes relatifs au rapport entre la Cour et les autres institutions du
droit international. Sûrement la Cour en gagnerait du côté de l’universalisation, ou,
quand même, de l’élargissement de son fonctionnement et du côté du gain d’autorité et
de crédibilité.1244 Il est évident, pourtant, que, une fois résolue la question de la
qualification de l’organe, la vraie question consisterait à en définir les compétences et le
rayon d’action par rapport aux autres institutions de l’O.N.U. Du moment que les
incohérences engendrées par l’introduction de la C.P.I. au sein du système international
ont une connotation structurelle, la solution ne peut pas dépendre, uniquement, de la
simple qualification de l’organe, mais elle doit être cherchée dans la configuration du

1239 Sur la question de l’incorporation de la C.P.I. au sein de l’O.N.U. voir T.L.H. Mc CORMACK, G.J.
SIMPSON, A New International Criminal Law Regime?, cit., p. 184 s.
1240 Voir J. DEHAUSSY, Travaux de la C.D.I. (quarante-cinquième session), cit., p. 731-732.
1241 Voir Comité ad hoc pour une C.C.I., Rapport à l’A.G., doc. A/50/22, cit., p. 4, § 2; Comité
préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité en mars-avril et août
1996), doc. A/51/22, cit., p. 10, § 28-31; Comité pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. II
(Compilation des propositions), 1996, doc. A/51/22/A, cit., p. 4 (article 2 – Lien de la Cour avec l’O.N.U.
– Propositions); Comité préparatoire pour la création d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet
d’Acte final), 1998, doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 9 (article 2 – Lien de la Cour avec l’O.N.U.).
1242 Dans cet ordre d’idées P.-M CARJEU, Quelques aspects du nouveau Projet de Statut des Nations
Unies pour une juridiction criminelle internationale, cit., p. 406-407, remarque, à propos du Projet pour
une C.C.I. élaboré en 1953 par le Comité pour une juridiction criminelle internationale institué par
l’A.G.N.U., qu’une C.P.I. hors des N.U. “serait vouée à connaître une difficile éclosion, un
développement et un champ d’activité très restraint […] tout cela serait sans lendemain”.
1243 Sur les difficultés concernant la révision de la Charte des N.U. par rapport à la C.P.I. voir M.
BENNOUNA, L’organisation de la répression internationale – La Cour pénale internationale, cit., p.
737.
1244 Dans cet ordre d’idées voir P.-M CARJEU, Quelques aspects du nouveau Projet de Statut des
Nations Unies pour une juridiction criminelle internationale, cit., p. 409.

348
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

droit matériel et procédural international. L’occasion est significative, car, s’il est vrai
que la création d’une institution d’une telle envergure crée des problèmes inévitables de
coordination, il est aussi évident que la solution cohérente desdites questions peut
amener à une évolution positive du droit international.1245 En effet, de l’avis de certains
auteurs, la mise en place d’une juridiction pénale internationale reposerait sur “l’effort,
presque titanesque, de hisser la société internationale de l’état où elle se trouve aux
balbutiements de la séparation des pouvoirs, fondement d’une organisation sociale
démocratique”.1246
Au delà des possibilités et des perspectives, la solution finalement retenue par le
Statut de la C.P.I. est fortement réductive car l’article 2 (Lien de la Cour avec l’O.N.U.)
crée une institution indépendante, coordonnée à l’O.N.U. par le biais d’un accord
spécifique. L’article 2 dispose, en effet, que: “La Cour est liée aux N.U. par un accord
qui doit être approuvée par l’Assemblée des États parties au présent Statut puis conclu
par le Président de la Cour au nom de celle-ci.” Conformément le Projet d’Accord sur
les relations entre la C.P.I. et l’O.N.U., approuvé par l’Assemblée des États parties au
Statut de la C.P.I. à sa première session, le 9 septembre 2002, configure une relation
étroite, de tous les points de vue, notamment en matière d’échange du personnel et des
documents. Ledit Projet a, ensuite, été perfectionné par le Projet d’Accord négocié
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

régissant les relations entre la C.P.I. et l’O.N.U., adopté par l’Assemblé des États
parties au Statut de la C.P.I., à sa troisième session, le 7 septembre 2004 et approuvé
par la Résolution 58/318 de l’A.G.N.U. du 20 septembre 2004, mais toutes les
problématiques de fond engendrées par le conflit inter-institutionnel restent
ouvertes.1247

§ 8.11. La relation entre la Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité de


l’Organisation des Nations Unies.
Dans le système onusien, l’organe chargé d’évaluer la responsabilité majeure des
États est le Conseil de sécurité de l’O.N.U., en vertu du chapitre VII de la Charte des
N.U. Il faut, par conséquent, s’interroger sur la relation entre la C.P.I. et le Conseil de
sécurité, du moment que l’activité des deux institutions présente des points de contact
évidents: l’approche des problèmes procéduraux dépend, essentiellement, de la
qualification des infractions majeures des États.1248

1245 Conformément voir T.L.H. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International Criminal Law
Regime?, cit., p. 206.
1246 Voir M. CHEMILLER-GENDRAU, L’avenir fragile d’une juridiction pénale, in Le Monde
Diplomatique, n. 512, novembre 1996, p. 10.
1247 En doctrine P. WECKEL, La C.P.I. – Présentation générale, cit., p. 987, affirme, à propos de
l’accord entre la Cour et les N.U., que “on ne voit pas bien en quoi cette solution commode qui n’est pas
sans précédent répondrait mieux au souci d’indépendance à l’égard du pouvoir politique”.
1248 Voir Y. PETIT, Droit international du maintien de la paix, cit., p. 206. Sur la nécessité de
coordonner l’action de la C.P.I. et du Conseil de sécurité voir G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary
Remarks on the Relationship between the Envisaged Criminal Court and the U.N. Security Council, in
N.I.L.R., 1999, XLVI, p. 313 s.; T.L.H. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International Criminal
Law Regime?, cit., p. 195; J. DAUCHY, Travaux de la Commission juridique de l’Assemblée générale
(cinquante-deuxième session), in A.F.D.I., 1997, XLII, p. 525. Voir aussi M. DUMÉE, Le crime
d’agression, cit., p. 260, qui insiste, notamment, sur la nécessité d’établir un lien entre la C.P.I. et le
C.d.S. par rapport au crime d’agression. Sur la relation entre la C.P.I. et le Cd.S. voir aussi E. DULAC,
Le rôle du Conseil de sécurité dans la procédure devant la C.P.I., cit., p. 10-12, laquelle remarque,
justement, que, ratione materiae, les crimes soumis à la juridiction de la C.P.I. sont, vraisemblablement,
commis dans des situations relevant du pouvoir du C.d.S. au titre du Chapitre VII de la Charte des N.U.;
V. GOWLLAND-DEBBAS, The Relationship between the Security Council and the Projected I.C.C., in

349
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

La question a été au centre des discussions de la C.D.I. tout au long de l’élaboration


du Statut de la C.P.I. et a constitué un des sujets les plus controversés. Les membres
permanents du Conseil de sécurité, notamment, ont plaidé pour une forte limitation de
la juridiction de la C.P.I., en faveur de l’ingérence du Conseil dans sa sphère
d’action.1249
Le problème, mutatis mutandis, est le même que celui du rapport entre la C.I.J. et la
Conseil de sécurité, largement étudié par la doctrine, car il est question du croisement
de l’action d’un organe ayant une fonction essentiellement politique et d’un organe
exerçant une fonction juridictionnelle. Au cours de notre analyse nous considérons les
problématiques et les solutions concernant la relation entre la C.I.J. et le C.d.S., mais en
soulignant les spécificités dues à l’organisation de la C.P.I. aussi bien sous le profil de
l’organe que sous le profil de la procédure. Il faut, notamment, remarquer que les
problèmes concernant la C.P.I., se présentent avec une acuité majeure, étant donné le
caractère obligatoire de sa juridiction.1250
Par rapport aux T.P.I. ad hoc, on constatera que la substitution des tribunaux
spéciaux par la C.P.I. impose de penser la relation entre l’action de la C.P.I. et celle du
Conseil de sécurité dans une perspective nouvelle, notamment du point de vue de la
dimension temporelle. La C.P.I. n’est pas une émanation du Conseil de sécurité, car elle
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

existe en vertu d’une source indépendante: cette caractéristique fait de la C.P.I. un


organe plus faible des T.P.I. ad hoc par rapport à la compétence concurrente de États,
surtout en ce qui concerne la capacité d’imposer ses décisions en matière de remise des
individus et des éléments de preuve.1251 En revanche la C.P.I. est une institution
permanente qui existe ex ante, c’est-à-dire avant la commission des infractions,
respectueuse du principe du juge naturel préconçu.
La portée et l’efficacité de l’action de la C.P.I. dépendent largement de la
réglementation de la relation entre la Cour et le Conseil de sécurité. Pour comprendre
les mécanismes qui régissent cette relation il faut analyser quelques dispositions du
Statut de la C.P.I. en même temps que certaines normes de la Charte des N.U., en
considérant les positions développées par la doctrine et par la jurisprudence sur la
question.
En général la doctrine est prudente et, selon l’opinion majoritaire, étant donnée
l’évolution actuelle du droit international, il faudrait subordonner l’action de la C.P.I. à
celle du C.d.S.1252 Les tendances de la jurisprudence internationale, notamment telle

Journal of Armed Conflict Law, 1998, vol. 3, n. 1, p. 47 s.; B.F. MCPHERSON, Building an I.C.C. for
the 21st Century, in Connecticut Journal of International Law, 1998, vol. 1, p. 1 s.
1249 Voir G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the Envisaged
Criminal Court and the U.N. Security Council, cit., p. 313; P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The Rome
Conference on an International Criminal Court: the Negotiating Process, cit., p. 2-4; D.J. SCHEFFER,
The United States and the International Criminal Court, cit., p. 12.
1250 Sur la question de la relation entre l’action de la C.I.J. et celle du Conseil de sécurité voir, en
doctrine, L. CONDORELLI, La Corte internazionale di giustizia e gli organi politici delle Nazioni Unite,
cit., p. 898 s. Voir, aussi, sur ce problème, les considérations que nous avons fait en traitant de la relation
entre la C.I.J. et les organes politiques des N.U.
1251 Sur la différence entre le rapport qui lie les T.P.I. ad hoc et les États et le rapport qui lie la C.P.I. et
les États en raison de la source voir M. UBEDA, L’obligation de coopérer avec le juridictions
internationales, cit., p. 952-953. On remarquera que les décision des T.P.I. ad hoc s’imposent à touts les
États membres des N.U., car ces tribunaux dérivent leurs pouvoirs directement du Conseil de sécurité,
alors que les décisions de la C.P.I. engagent seulement les États membres du Traité de Rome et, en plus,
dans les limites fixées par le Traité même.
1252 Voir F. LATTANZI, Riflessioni sulla competenza di una Corte penale internazionale, cit., p. 674,
note 44. Pour le même ordre de considèrations par rapport à la C.I.J. voir G. GAJA, Quale conflitto fra
obblighi negli affari relativi all’incidente aereo di Lockerbie?, cit., p. 369 s.; E. SCISO, Può la Corte

350
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

que développée par la C.I.J. au cours de l’affaire de Lockerbie, s’inscrivent dans le


même sillage.1253
Plusieurs dispositions du Statut de Rome relient la C.P.I. au Conseil. Étant donné
que les deux organes sont mis en place par des sources différentes, leur relation
réciproque dépend, en grande partie, de la façon de concevoir le rapport entre le Statut
de la C.P.I. et la Charte des N.U.

§ 8.12. La juridiction: la saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de


sécurité suivant l’article 13 § 1 b) du Statut de la C.P.I.
Le Conseil de sécurité peut interférer dans la juridiction de la C.P.I. par plusieurs
moyens.
Suivant l’article 13 § 1 b) du Statut de la C.P.I. le Conseil peut renvoyer à la Cour un
crime commis dans des situations relevantes du chapitre VII de la Charte des N.U.
L’article 13 § 1 b) dispose que: “La Cour peut exercer sa compétence à l’égard d’un
crime visé à l’article 5, conformément aux dispositions du présent Statut: [...] b) Si une
situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est
déférée au Procureur par le C.d.S. agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des
N.U.”.
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Cette disposition figurait, déjà, à l’article 23 § 1 (Action du C.d.S.) du Projet de


Statut pour une C.C.I. élaboré par la C.D.I. en 1994, qui prévoyait que: “Nonobstant les
dispositions de l’article 21 (Conditions préalables de l’exercice de la compétence de la
Cour) la Cour est compétente […] suite au renvoi d’une question devant elle par le
C.d.S. agissant dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des N.U.”1254 Pareillement
disposait l’article 10 du Projet de Statut élaboré en 1998 par le Comité préparatoire pour
l’établissement d’une C.C.I.1255 Plus largement, l’article 25 du Projet de Statut élaboré
par le Groupe de travail de la C.D.I. sur un Projet de Statut pour une C.C.I. prévoyait la
saisine de la Cour par le C.d.S. sans la restriction de la condition d’agir au titre du
chapitre VII.1256

internazionale di giustizia rilevare l’invalidità di una decisione del Consiglio di sicurezza?, cit., p. 369 s.;
J.-M. SOREL, Les ordonnances de la C.I.J. du 14 avril 1992, cit., p. 689 s.
1253 Dans la célèbre affaire de Lockerbie, comme nous l’avons vu, la C.I.J., en considérant sa position,
par rapport au Conseil de sécurité, a reconnu son devoir de se conformer aux décision du Conseil, étant
donné qu’elles ont la même force que les dispositions de la Charte des N.U. et prévalent sur les autres
traités internationaux (voir C.I.J., Questions d’interprétation et d’application de la Convention de
Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie, Jamahiriya Arabe Libyenne/Etats Unis
d’Amérique, mesures conservatoires, ordonnance du 14 avril 1992, in C.I.J. Rec., 1992, p. 126). Sur la
priorité des décisions du Conseil de sécurité par rapport aux autres traités voir J. COMBACAU, Le
pouvoir de sanction de l’O.N.U. Étude théorique de la coercition non militaire, cit., p. 283 s.
1254 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 91, §91. Sur le
texte de l’article 23 § 1 voir Comité ad hoc pou une C.C.I., Rapport à l’A.G., 1995, doc. A/50/22, cit., p.
28-29, § 120-121; Comité pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité
préparatoire en mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 33-34, § 132-136; Comité pour
l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. II (Compilation des propositions), 1996, doc. A/51/22/A, cit.,
p. 77-79 (article 23 – Action du C.d.S. – Propositions).
1255 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet
d’Acte final), 1998, doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 34-35 (article 10 – ((Action du) (Rôle du) C.d.S.)
(Rapports entre les C.d.S. et la C.C.I.)).
1256 Voir, pour le texte de l’article et le commentaire relatif, Groupe de travail sur un Projet de Statut
pour une C.C.I., Rapport à la C.D.I. – Projet de Statut pour un Tribunal criminel international, in C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-cinquième session, 3 mai-23 juillet 1993, in A.G., doc.
off., 48ème sess., 1993, suppl. n. 10, A/48/10, p. 292-293. Sur le modalité de la saisine de la Cour par le
C.d.S. et le débat qui a précédé l’adoption de l’article 13 § 1 alinéa b) voir E. LA HAYE, The I.C.C.:
Controversies over the Preconditions for Exercising Its Jurisdiction, cit., p. 11-12.

351
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Le mécanisme de la saisine par le C.d.S. présente un intérêt particulier sous le profil


de la compétence de la Cour car on peut se demander si elle permet au Conseil de
renvoyer à la Cour une situation concernant un sujet ressortissant d’un État qui n’est pas
partie au Statut, même contre son consentement. Dans ce cas le Conseil pourrait
franchir la limite de la compétence établie à l’article 12 du Statut, qui exige le
consentement, éventuellement ad hoc, de l’État dont le criminel ressort ou sur le
territoire duquel le crime a été commis. Le fait que l’article 12 vise expressément les
seuls alinéa a) et c) de l’article 13 laisse entendre que l’alinéa b) de l’article 13 est exclu
de son champ d’application. Par conséquent le pouvoir du Conseil de renvoyer un crime
à la Cour devrait s’appliquer ex officio même dans des situations impliquant un État qui
ne soit pas partie au Statut, au cas où le crime serait commis sur le territoire d’un État
tiers ou par le ressortissant d’un État tiers au Statut.1257
Quelques indications ultérieures peuvent être repérées à l’article 87 § 5 b) du Statut,
aux termes duquel la C.P.I. peut saisir l’Assemblée générale des N.U. en cas de non-
coopération d’un État partie ou ayant signé un arrangement ad hoc, ou bien le Conseil
de sécurité au cas où celui-ci l’aurait saisie. Dans cette dernière disposition, qui est le
pendant nécessaire de l’article 13 § 1 b), le Conseil devient l’organe de référence de la
Cour en cas de non-coopération d’un État non partie au Statut au cas où la situation lui
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aurait été renvoyée par le Conseil. Quoique l’article fasse une référence expresse aux
seuls États non partie au Statut ayant signé un accord ou un arrangement ad hoc avec la
Cour, difficilement on pourrait imaginer que, en cas de saisine de la Cour par le Conseil
de sécurité, la Cour ne puisse pas l’informer pour le seul fait que l’État non coopératif
et non partie au Statut n’a pas signé un arrangement ad hoc.1258
D’ailleurs, le texte de l’article 23 du Projet élaboré par la C.D.I. en 1994, établissait
la compétence de la C.P.I., suite à la saisine par le C.d.S.: “Nonobstant les disposition
de l’article 21”. L’article 21 du Projet en question, concernant les conditions de
l’exercice de la compétence de la Cour, sur la base de l’État de détention de l’accusé ou
sur le territoire duquel le crime a été commis, renvoyait à l’article 22, requérant le
consentement général ou ad hoc de l’État pour l’exercice de la compétence.1259 L’article
7 du Projet de Statut d’une C.C.I. élaboré par le Comité préparatoire en 1998,
concernant les conditions préalables à l’exercice de la compétence, excluait la nécessité
du consentement de l’État d’appartenance de l’auteur ou de la victime du crime, ou bien
de l’État sur le territoire duquel le crime a été commis, ou, encore, de l’État ou l’accusé
est détenu, en cas de saisine par le C.d.S. aux termes de l’article 6 § 1 a).1260
Il faut remarquer, en outre, que l’article 13 du Statut de la C.P.I. parle de saisine par
le Conseil “agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des N.U.” Selon la lettre de la
disposition le Conseil, pour saisir la Cour, devrait avoir entamé une action aux termes
de l’article 39 et suivants de la Charte. Toutefois, selon une interprétation moins

1257 Dans le sens que le principe du consentement préalable de l’État à l’exercice de la juridiction de la
C.P.I. n’opère pas en cas de saisine par le C.d.S. voir E. DULAC, Le rôle du Conseil de sécurité dans la
procédure devant la C.P.I., cit., p. 26; E. LA HAYE, The Jurisdiction of the I.C.C.: Controversies over
the Preconditions for Exercising Its Jurisdiction, cit., p. 8.
1258 Voir G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the Envisaged
Criminal Court and the U.N. Security Council, cit., p. 317 et 339; M.H ARSANJANI, The Rome Statute
of the International Criminal Court, cit., p. 22-27.
1259 Voir le texte des articles 21 et 22, suivi des commentaires relatifs, in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les
travaux de sa quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p. 85-86 et 88-89, § 91.
1260 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, (Projet de Statut et Projet
d’Acte final), 1998, doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 30 (article 6 – (Exercice de la compétence)
(Conditions préalables à l’exercice de la compétence)), p. 31, (article 7 – Conditions préalables à
l’exercice de la compétence).

352
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

restrictive, on pourrait penser que le fait de saisir la Cour est, en soi, une action
nécessaire pour le maintien de la paix, relevant du chapitre VII, donc le Conseil pourrait
déférer une situation à la Cour sans, toutefois, avoir adopté d’autres mesures à l’égard
d’une situation donnée. Quoi qu’il en soit, s’agissant d’une décision qui rentre dans le
champ d’application de l’article 27 § 3 de la Charte, la saisine de la Cour devrait être
décidée à la majorité de neuf membres, y compris les membres permanents.
En tout cas il est évident que seulement la majeure importance de la Charte des N.U.
au sein de la hiérarchie des sources permettrait au Conseil de franchir les limites
juridictionnelles de l’article 12 du Statut de la C.P.I., alors que difficilement on pourrait
penser attribuer le même pouvoir au Conseil sur la base du seul Traité de la C.P.I. La
primauté des obligations des États découlant des décisions du C.d.S. permettrait à
l’article 13 § 1 b) du Statut de la C.P.I. de déroger à la portée de l’article 12.1261
Finalement, si on accepte la thèse de la primauté des normes de la Charte des N.U.
sur le Statut de la C.P.I. on doit reconnaître que le Conseil de sécurité, dans les
situations relevant du chapitre VII de la Charte, a le pouvoir d’élargir la juridiction de la
Cour aux individus ressortissant de n’emporte quel État de la communauté
internationale. L’article 13 § 1 b) du Statut de la C.P.I. aurait, donc, l’effet de rendre
explicites les pouvoirs dont le Conseil jouirait déjà en vertu du chapitre VII de la Charte
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des N.U., comme l’on a constaté à propos de l’institution des tribunaux ad hoc.
L’article 13 § 1 b) du Statut de la C.P.I. remplace, ainsi, le pouvoir du Conseil
d’instituer des tribunaux ad hoc selon le chapitre VII de la Charte des N.U. par le
faculté de soumettre les individus ressortissant de tout État à la compétence de la
C.P.I.1262 De toute façon, il faut estimer que, en cas de saisine, le Procureur de la C.P.I.
reste libre d’entamer ou de ne pas entamer une poursuite.1263 En conclusion, quoique,
dans ces cas de figure, l’action du Conseil ne soit pas censée limiter celle de la Cour,
mais la rendre plus universelle, force est, néanmoins, de constater que le pouvoir
juridictionnel de la Cour est subordonné à la décision du Conseil.1264
Par ailleurs il faut vérifier si le pouvoir du Conseil à l’égard de la Cour, aux termes
de l’article 13 § 1 b) du Statut de la C.P.I., permet de franchir les limites de la primauté
de la juridiction nationale sur celle de la C.P.I., établies aux articles 1, 17 et 18 du Statut
de Rome.1265
D’après une partie de la doctrine la solution la plus conforme aux tendances
générales actuelles du droit international serait d’obliger l’État, partie ou tiers au Statut
de la C.P.I. et à la Charte des N.U., à se dessaisir de l’affaire en faveur de la Cour. Cette
interprétation découle de la jurisprudence de la C.I.J. de l’affaire de Lockerbie, selon

1261 Voir P. PALCHETTI, Il potere del C.d.S. di istituire tribunali penali internazionali, cit., p. 438.
1262 Voir L. ARBOUR, M. BERGSMO, Conspicuous Absence of Jurisdictional Overreach, in H.A.M.
VON HEBEL et al., Reflections on the International Criminal Court, cit., p. 139-140; P. PALCHETTI, Il
potere del Consiglio di sicurezza di istituire tribunali penali internazionali, cit., p. 437; A. CASSESE,
The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 161; Y. PETIT, Droit international du
maintien de la paix, cit., p. 206; E. DULAC, Le rôle du Conseil de sécurité dans la procédure devant la
C.P.I., cit., p. 12, d’après laquelle le pouvoir de saisine de la C.P.I. par le C.d.S. constituerait une
alternative souhaitable à la création des tribunaux ad hoc.
1263 Voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 162.
1264 Voir F. BERMAN, The Relationship between the International Criminal Court and the Security
Council, in H.A.M. VON HEBEL et al., Reflections on the International Criminal Court, cit., p. 174.
Une partie de la doctrine précise que le pouvoir de saisine descendrait des compétences générales du
C.d.S., mais on ne pourrait qualifier cette action aux termes du chapitre VII de la Charte des N.U. que
lorsque la saisine concerne un État non partie au Statut de la C.P.I. (voir P. WECKEL, La C.P.I. –
Présentation générale, cit., p. 484).
1265 Sur le principe de complémentarité de la juridiction de la C.P.I. par rapport aux juridictions internes
voir les considérations que nous avons fait dans le cadre de l’analyse générale du Statut de la C.P.I.

353
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

laquelle les décisions du Conseil sont obligatoires pour les États, notamment en vertu
des articles 25, 48 et 103 de la Charte des N.U., et prévalent sur les autres traités. On
serait, donc, en présence d’une décision du Conseil adressée à une instance judiciaire
mais ayant un effet obligatoire indirect sur les États. Dans cette perspective la saisine
par le C.d.S. prime sur la compétence d’un État partie au Statut de la C.P.I., établie en
vertu des articles 1, 17 et 18 du Statut de Rome. 1266
L’opinion selon laquelle le C.d.S. pourrait élargir la compétence de la C.P.I. même
aux États non parties au Statut de Rome et contre le principe de la juridiction
complémentaire ne fait pas l’unanimité car, de l’avis de certains auteurs, contrairement
à l’interprétation donnée par la jurisprudence de l’affaire de Lockerbie, l’efficacité du
Statut de la C.P.I. ne serait pas inférieure à celle de la Charte des N.U. Si on acceptait le
principe de l’égalité de l’importance du Statut de la C.P.I. et de la Charte des N.U. dans
la hiérarchie des sources du droit international, alors les pouvoirs du C.d.S., découlant
de la Charte, se verraient limités par les principes du Statut de la C.P.I. en matière de
juridiction. La solution au dilemme, en tout cas, ne peut venir que de la définition des
relations entre la C.P.I. et l’O.N.U. aux termes l’article 2 du Statut de Rome.1267

§ 8.13. La révision de la saisine du Conseil de sécurité par la Cour pénale


tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

internationale.
Le niveau de dépendance de la C.P.I. par rapport au C.d.S. est strictement lié à la
possibilité d’en réviser la saisine. En d’autres termes il faut établir si la Cour, saisie par
le C.d.S, est obligée de procéder, ou bien si elle demeure libre de juger da sa propre
compétence.
De façon générale, le pouvoir de révision doit être reconnu à la Cour en vertu du
principe de droit, valable aussi dans le domaine international, selon lequel les organes
judiciaires ont la faculté d’établir s’ils sont compétents pour juger un cas et si le cas est
admissible. L’article 19 § 1 du Statut de la C.P.I. confirme ce principe, car il prévoit
que “la Cour s’assure qu’elle est compétente pour connaître de toute affaire portée
devant elle. Elle peut d’office se prononcer sur la recevabilité de l’affaire
conformément à l’article 17”.1268 Conformément, le paragraphe 1 de l’article 13 dispose
que “la Cour peut exercer sa compétence”, non pas qu’elle est obligée de le faire, en cas
de saisine par le Conseil.

1266 Voir L. ARBOUR, M. BERGSMO, Conspicuous Absence of Jurisdictional Overreach, cit., p. 139-
140. Selon E. DULAC, Le rôle du C.d.S. dans la procédure devant la C.P.I., cit., p. 41-47, le principe de
complémentarité serait atténué en cas de saisine de la C.P.I. par le C.d.S.
1267 Voir M.H. ARASANJANI, The Rome Statute of the International Criminal Court, cit., p. 28.
1268 C’est toute la question de la “compétence de la compétence” (voir, sur ce sujet, I. BROWNLIE,
Principles of Public International Law, 5th ed., Oxford, Clarendon Press, 1998, p. 715). De la même
façon, l’article 36 § 6 du Statut de C.I.J. prévoit que: “En cas de contestation sur le point de savoir si la
Cour est compétente, la Cour décide”. Selon la jurisprudence du T.P.I.Y.: “Ce pouvoir, appelé principe
de ‘kompetenz-kompetenz’ en allemand ou ‘la compétence de la compétence’ en français, est un élément
et, de fait, un élément majeur de la compétence incidente ou implicite de tout tribunal judiciaire ou
arbitral et consiste en sa ‘compétence de déterminer sa propre compétence’. Ce principe est un élément
constitutif nécessaire dans l’exercice de la fonction judiciaire et il est inutile qu’il soit expressément
prévu dans les documents constitutifs de ces tribunaux, bien qu’il le soit souvent […] Il est vrai que ce
pouvoir peut être limité par une disposition expresse de l’accord d’arbitrage ou des actes constitutifs des
tribunaux permanents, bien que cette possibilité soit controversée, en particulier lorsque les limites
risquent de nuire au caractère judiciaire ou à l’indépendance du tribunal. Mais il est absolument clair
qu’une telle limite, dans la mesure où elle est recevable, ne peut pas être déduite sans une disposition
expresse autorisant la dérogation ou la restriction de ce principe bien établi en droit international” (voir
T.P.I.Y, Ch. App., Tadic, Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle
d’incompétence, 2 octobre 1995, IT-94-1, § 18-19).

354
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

La possibilité de se prononcer sur la compétence doit certainement être confiée aux


juges, toutefois le premier organe qui connaît la saisine est le Procureur, aux termes de
l’article 13 § 1 b) du Statut. Il s’agit, donc, d’établir si le pouvoir de réviser le renvoi
doit être reconnu aussi au Procureur. En vertu de l’article 53 du Statut la solution doit
être positive, mais la décision du Procureur peut être examinée, en dernière instance,
par la Chambre préliminaire, de sa propre initiative où à la demande du Conseil de
sécurité: la décision sur la compétence revient donc, finalement, aux juges.1269
En ce qui concerne le contenu de la révision, il faut exclure que, sur la base des
dispositions considérées, la C.P.I. puisse réviser les fondements d’une résolution du
Conseil relevant du chapitre VII dans la substance, car on transformerait le mécanisme
de la saisine en une forme de contrôle de la Cour sur l’action du Conseil, ce qui n’est
pas dans l’esprit de la disposition en examen et qui bouleverserait l’ordre international
actuel. Par ailleurs il n’existe pas de dispositions expresses à ce sujet dans le Statut de la
C.P.I. et, d’ailleurs, les travaux préparatoires du Statut ne prévoient rien dans ce sens.
Par contre, la possibilité d’une révision doit être prise en considération, sur le plan
formel, du point de vue de la procédure d’adoption de la résolution, du fait que le
Conseil “agisse en vertu du chapitre VII” et de la saisine en soi.
Sous le profil procédural il n’y a pas de raisons pour exclure le contrôle de la C.P.I.
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sur le C.d.S.: quoiqu’il s’agisse d’une hypothèse assez improbable, la Cour devrait
pouvoir relever ce type d’irrégularités et renvoyer la question au Conseil. Ainsi, par
exemple, la Cour ne devrait pas procéder en cas d’absence du vote nécessaire de l’un
des membres permanents.1270 L’ampleur des pouvoirs de révision dépend de
l’interprétation de l’expression selon laquelle le Conseil doit “agir en vertu du chapitre
VII de la Charte des NU” pour renvoyer la situation criminelle à la Cour. Si l’on entend
l’expression dans le sens que le Conseil doit adopter une résolution aux termes du
chapitre VII de la Charte en prenant des mesures à l’égard d’une situation menaçant la
paix, il existe l’espace pour une vérification sur l’adoption des mesures. Autrement, si
l’on accepte que le renvoi, en soi, remplit les conditions requises par l’article 13 § 1 b),
la Cour doit se limiter à prendre conscience de l’existence de l’acte de saisine de la part
du Conseil. En tout cas il faut établir si, lorsque la Cour conclue, d’après son analyse,
qu’il n’y a pas de conditions pour l’adoption des mesures aux termes du chapitre VII,
elle peut refuser d’enquêter ou bien elle est obligée de poursuivre. Normalement il
faudrait que la Cour puisse refuser l’action, car, autrement, elle serait obligée d’entamer

1269 Notamment l’article 53 § 1 du Statut de la C.P.I. prévoit que “le Procureur, après avoir évalué les
renseignements portés à sa connaissance, ouvre une enquête, à moins qu’il ne conclue qu’il n’y a pas de
base raisonnable pour poursuivre sur la base du présent Statut”. Le paragraphe 3 de l’article 53 prévoit
que: “a) À la demande de l’État qui a déféré la situation, ou du Conseil de sécurité s’il s’agit d’une
situation visée à l’article 13, paragraphe b), la Chambre préliminaire peut examiner la décision de ne pas
poursuivre prise par le Procureur en vertu des paragraphes 1 ou 2 et demander au Procureur de les
reconsidérer. b) De plus, la Chambre préliminaire peut, de sa propre initiative, examiner la décision du
Procureur de ne pas poursuivre si cette décision est fondée exclusivement sur les considérations visées au
paragraphe 1, alinéa c) et au paragraphe 2, alinéa c). En tel cas, la décision du Procureur n’a d’effet que si
elle est confirmée par la Chambre préliminaire”. Cette proposition était déjà contenue dans l’article 26 du
Projet de Syracuse élaboré par l’A.I.D.P., l’I.S.I.S.C. et le M.P.I. (voir le texte de l’article et le
commentaire relatif in Comité d’experts, Draft Statute for an I.C.C. – Alternative to the I.L.C. Draft
(Siracusa Draft), 1995, cit., p. 43-45). Par ailleurs il n’est pas clair par quel moyen le Conseil peut
s’adresser à la Cour, car l’article 53 § 3 a) ne dit rien sur ce sujet, à différence de l’article 13 b) qui
renvoie au chapitre VII de la Charte des N.U., en outre le Conseil, normalement, s’adresse aux États, non
pas à des organes judiciaires. La solution la plus probable consiste, tutefois, à supposer l’adoption d’une
simple demande dans le cadre de la résolution contenant la demande de sursis.
1270 Voir G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the Envisaged
Criminal Court and the U.N. Security Council, cit., p. 319 s.

355
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

un procès voué à l’échec, en l’absence des fondements du crime collectif et donc, très
probablement, du crime individuel.1271 De toute façon, il faut estimer que les effets de la
décision de la Cour sont limités à la saisine en soi, mais ils ne peuvent pas, en aucun
cas, remettre en discussion les mesures éventuellement adoptées par le Conseil au titre
du chapitre VII. Il existe, donc, une situation de tension entre les décisions de la Cour et
celles du Conseil.
Du côté de la saisine en soi, il faut estimer que la Cour est en mesure de juger si, de
facto, la résolution du Conseil constitue un renvoi. Il est possible, en effet, que, pendant
la phase préliminaire, le Procureur interprète une résolution dans le sens d’un renvoi,
alors qu’il n’en est pas le cas. Dans cette circonstance, les juges devraient pouvoir
revenir sur la décision du Procureur pour la réviser.
Toujours à propos des pouvoirs de la Cour relatifs à la saisine par le Conseil, il faut
établir si la Cour est liée par des éventuelles dispositions du Conseil en matière
d’admissibilité et de juridiction formulées dans une résolution qui contient un renvoi.
L’article 13 § 1 prévoit que la Cour peut exercer sa compétence “conformément aux
disposition du présent Statut”, par conséquent il ne devrait pas exister d’autres
limitations à l’exercice de sa juridiction. Une fois le renvoi effectué par le Conseil, la
Cour peut se conduire, à l’égard des crimes en question, librement, comme pour toute
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

situation dont elle a connaissance par d’autres voies, aussi bien en ce qui concerne le
commencement, qu’en ce qui concerne la suite du procès. Les articles 17, 19 et 53 du
Statut confirment cette interprétation, car aucune de ces dispositions ne contient des
obligations qui obligent les organes de la Cour à suivre les dispositions du Conseil.1272

§ 8.14. Le sursis de la juridiction de la Cour pénale internationale par le Conseil de


sécurité suivant l’article 16 du Statut de la C.P.I.
L'interférence du Conseil de sécurité dans la juridiction de la C.P.I. est encore plus
marquée du côté des pouvoirs de limitation de la compétence.
La formulation de l’article 5 § 2 du Statut de la C.P.I., qui préconise une juridiction
limitée en matière d’agression conformément aux dispositions de la Charte des N.U., et
la présence, dans le Statut, de l’article 16, qui permet au Conseil de sécurité de surseoir
la juridiction de la C.P.I. par une demande adressée à la Cour dans une résolution
adoptée en vertu du chapitre VII de la Charte des N.U., ne laissent guère beaucoup de
doutes sur la question.1273
L’article 16 (Sursis à enquêter ou à poursuivre) dispose que: “Aucune enquête ni
aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées en vertu du présent Statut pendant
les douze mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande

1271 Sur la liberté d’action du Procureur de la C.P.I. en cas de saisine par le C.d.S. voir A. CASSESE,
The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 162.
1272 Conformément voir M. ARSANJANI, Reflections on the Jurisdiction and Trigger Mechanism of the
International Criminal Court, in H.A.M. VON HEBEL et al., Reflections on the International Criminal
Court, cit., p. 57.
1273 Sur le problème de l’insertion du crime d’agression dans le Statut de la C.P.I. voir T.L.H.
McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International Criminal Law Regime?, cit., p. 191. Sur la
question du sursis de la juridiction voir P. WECKEL, La C.P.I. – Présentation générale, cit., p. 991; E.
DULAC, Le rôle du Conseil de sécurité dans la procédure devant la C.P.I., cit., p. 61-77; E. LA HAYE,
The Jurisdiction of the I.C.C.: Controversies over the Preconditions for Exercising Its Jurisdiction, cit.,
p. 14. Pour des considérations sur le rapport ente la C.P.I. et le C.d.S. en l’absence d’une définition de
l’agression dans le Statut de la C.P.I. et en faveur d’une action indépendante de la C.P.I. pour contre-
balancer le pouvoir du C.d..S. voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary
Reflections, cit., p. 146-147.

356
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

en ce sens à la Cour dans une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte
des N.U.; la demande peut être renouvelée par le Conseil dans les mêmes conditions.”
La formulation actuelle de l’article 16 a été élaborée, essentiellement, par le Comité
préparatoire dans le Projet de Statut de 1998.1274 Auparavant, l’article 27 du Projet de
Statut d’un Tribunal criminel international élaboré par le Groupe de travail de la C.D.I.
en 1993, prévoyait que la Cour n’aurait pas pu agir à l’égard d’un crime d’agression
individuel, sans le constat préalable d’un crime étatique par le C.d.S., étant donnée la
stricte liaison existante entre les deux questions.1275 Dans ce sillage l’article 23 du
Projet de Statut de la C.P.I., élaboré par la C.D.I. en 1994, subordonnait la compétence
de la C.P.I. sur les individus, pour les actes d’agression, à la vérification préalable de la
responsabilité de l’État par le Conseil de sécurité et interdisait l’exercice de la
juridiction de la C.P.I. pour tout crime relié à une situation relevant du chapitre VII de
la Charte des N.U. traitée par le Conseil de sécurité, sauf disposition contraire de celui-
ci. L’article 23 § 2, en effet, prévoyait que: “Une plainte ne peut être déposée en vertu
du présent Statut pour un acte d’agression ou en liaison directe avec un tel acte que si le
Conseil de Sécurité a constaté au préalable qu’un État a commis l’acte d’agression
faisant l’objet de la plainte”. L’article 23 § 3 disposait que: “Aucune poursuite ne peut
être engagée en vertu du présent Statut à raison d’une situation dont le Conseil de
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sécurité traite en tant que menace contre la paix ou rupture de la paix ou acte
d’agression aux termes du Chapitre VII de la Charte des Nation Unies, à moins que le
Conseil de sécurité n’en décide autrement”.1276 Ainsi l’emploi du concept d’agression
par le Conseil devenait une condition indispensable de l’engagement de la
responsabilité individuelle et de la compétence de la C.P.I.1277 Cette disposition a

1274 Voir Comité préparatoire pour la création d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte
final), 1998, doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 35-36 (article 10 – (Action du) (Rôle du) Conseil de
sécurité (Rapports entre le Conseil de sécurité et la Cour criminelle internationale)).
1275 Voir Groupe de travail sur un Projet de Statut pour une C.C.I., Rapport à la C.D.I. – Projet de Statut
d’un Tribunal criminel international, 1993, cit., p. 297-298.
1276 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p.
78, § 91 (texte et commentaire de l’article 20 – Crimes relevant de la compétence de la Cour – du Projet
de Statut pour une C.C.I. de 1994 de la C.D.I.), p. 91, § 91 (texte et commentaire de l’article 23 – Action
du Conseil de sécurité – du Projet de Statut pour une C.C.I. de 1994 de la C.D.I.). Voir, aussi, Comité ad
hoc pour une C.C.I., Rapport à l’A.G., doc. A/50/22, cit., p. 29-30, § 122-126. Pour une approche critique
des normes en question voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I
(Travaux du Comité préparatoire en mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 34-36, § 137-144;
Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. II (Compilation des propositions),
1996, cit., p. 77-79 (article 23 – Action du Conseil de sécurité – Propositions). Sur l’article 23 du Projet
adopté par la C.D.I. en 1994 voir, en doctrine, S. YEE, A Proposal to Reformulate Article 23 of the I.L.C.
Draft Statute for an I.C.C., in Hasting International and Comparative Law Review, 1996, vol. 19, n. 3, p.
529 s.; E. LA HAYE, The Jurisdiction of the I.C.C.: Controversies over the Preconditions for Exercising
Its Jurisdiction, cit., p. 12-14. Sur le rapport entre la C.P.I. et le C.d.S. dans le Projet de Statut de la
C.D.I. de 1994 voir P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The Rome Conference on an I.C.C.: the Negotiating
Process, cit., p. 10-12.
1277 En doctrine, sur ce sujet, voir T.H.L. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International
Criminal Law Regime?, cit., p. 194 s.; M. BENNOUNA, L’organisation de la répression internationale –
La Cour pénale internationale, cit., p. 743; M. DUMÉE, Le crime d’agression, cit., p. 262; J. DAUCHY,
Travaux de la Commission juridique de l’Assemblée générale (quarante-neuvième et cinquantième
sessions), in A.F.D.I., 1995, XLI, p. 528-529. D’après R. WEDGWOOD, The I.C.C.: an American View,
cit., p. 97-98, 105, la solution subordonnant la compétence de la C.P.I. à la constatation préalable de
l’agression par le C.d.S. devrait être étendue à tout crime relevant d’une situation impliquant la
compétence du C.d.S. aux termes du chapitre VII de la Charte des N.U. Cependant, comme le remarquent
justement J. ALLAIN, J.R.W.D. JONES, A Patchwork of Normes: a Commentary on the 1996 Draft
Code of Crimes against Peace and Security of Mankind, cit., p. 104, cette solution assurerait, en raison de
l’application du mécanisme du veto dans les décisions substantielles du C.d.S., l’immunité absolue des

357
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

suscité l’opposition de nombreux membres de la Sixième Commission de l’A.G.N.U.,


qui ont estimé que “en subordonnant le processus judiciaire au processus politique, le
paragraphe 2 compromettait l’indépendance de la Cour”.1278 Les travaux récents sur la
définition de l’agression dans le Statut de la C.P.I. confirment cette tendance. Dans son
rapport à la Commission préparatoire de la C.P.I. de 2002 la Groupe de travail sur le
crime d’agression envisage encore la possibilité de subordonner le jugement de
l’agression par la C.P.I. à la vérification préalable du C.d.S. Il est aussi vrai que le
rapport envisage la possibilité que la C.P.I. poursuive l’affaire, après avoir sollicité
l’avis du C.d.S., en cas d’absence de constat du crime de la part de celui-ci, toutefois
son action demeure complètement subordonnée à l’avis du Conseil. Le fait, puis, que la
Cour puisse demander au Conseil de sécurité de solliciter l’avis consultatif de la C.I.J.
ne change pas la substance des choses, car le C.d.S. n’est pas obligé par la demande de
la C.P.I. et, en outre, l’avis de la C.I.J. n’a pas de force obligatoire.1279 En revanche il
est remarquable que le Texte consolidé des propositions au sujet du crime d’agression
proposé en 1999 par le Groupe de travail prévoyait, suivant l’option 1 variante 1.8, la
compétence de la C.P.I. en matière d’agression individuelle indépendamment de tout
constat par le C.d.S. à l’égard de l’existence d’un crime étatique.1280
En attendent une définition de l’agression pour faire des considérations sûres sur la
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répartition de la compétence relative, on ne peut pas s’empêcher de remarquer que


l’article 16 du Statut actuel consacre l’ingérence, très prononcée, d’un organe politique
en matière d’affaires judiciaires.1281 Pour l’instant force est de constater que l’article 16
permet au Conseil de sécurité d’écarter le problème de sa relation avec la C.P.I.,
notamment en ce qui concerne la définition d’une situation étatique comme relevante du
chapitre VII de la Charte des N.U. et préalable à l’exercice de l’action individuelle
pénale.1282
Le fait que l’article 16 du Statut prévoit que la demande de sursis soit contenue dans
une résolution relevant du chapitre VII de la Charte des N.U. signifie que, pour
invoquer le sursis, le C.d.S. doit, au moins, adopter une résolution aux termes de

ressortissants des membres permanentes. Sur la question du rapport entre la C.P.I. et le C.d.S. en cas de
crime d’agression voir E. DULAC, Le rôle du C.d.S. dans la procédure devant la C.P.I., cit., p. 78-99.
1278 Voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la quarante-neuvième
session sur les travaux de la C.D.I. de sa quarante-sixième session, 1994, doc. A/CN.4/464/Add.1, établi
par le secrétariat, disponible, dans le réseau Internet, à l’adresse électronique des Nations Unies
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N95/023/30/PDF/N9502330.pdf?OpenElement›, p. 29, §
120.
1279 Voir Commission préparatoire de la C.P.I., Groupe de travail sur le crime d’agression, Document de
travail proposé par le Coordonnateur, Définition du crime d’agression et conditions d’exercice de la
compétence, doc. PICCNIC/2002/WGCA/RT.1, Rev.2, 1er-12 juillet 2002, cit., p. 1-2.
1280 Voir Commission préparatoire de la C.P.I., Groupe de travail sur le crime d’agression, Document de
synthèse proposé par le Coordonnateur, Texte consolidé des propositions au sujet du crime d’agression,
doc. PICCNIC/1999/WGCA/RT.1, cit., p. 3. Sur le débat concernant la nécessité ou moins de la
qualification préalable du crime d’agression étatique par rapport au jugement de la C.P.I., au cours des
travaux préparatoires du Statut de la Cour, voir M.H. ARSANJANI, The Rome Statute on the I.C.C., cit.,
p. 29-30.
1281 Voir P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The Rome Conference on an International Criminal Court: the
Negotiating Process, cit., p. 8; M.H. ARSANJANI, The Rome Statute of the International Criminal
Court, cit., p. 26-27; Y. PETIT, Droit international du maintien de la paix, cit., p. 206. D’après A.
CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 163, bien que le pouvoir de
sursis signe l’ingérence très prononcée du C.d.S. dans la procédure de la C.P.I., il ne pourrait pas être
exercé de façon arbitraire, car il serait soumis aux limites imposées par le chapitre VII de la Charte des
N.U.
1282 Voir M. DUMÉE, Le crime d’agression, cit., p. 263.

358
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

l’article 39 de la Charte, constatant une menace à la paix.1283 En tout cas l’interférence


du Conseil ne se limite pas au seul crime d’agression, autrement l’article 16 du Statut
serait un simple double de l’article 5 § 2, mais s’étend à tous les crimes prévus dans le
Statut de la C.P.I., car ceux-ci sont formellement liés aux crimes des États lesquels, à
leur tour, sont reliés objectivement entre eux par le dénominateur commun de la
violation de la paix et rentrent, conséquemment, dans la compétence du Conseil de
sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte des N.U.1284 En revanche il ne faut pas
estimer que le Conseil doit prendre des mesures aux termes de l’article 41 ou 42 pour
pouvoir formuler une demande de sursis, parce que l’expression “résolution adoptée en
vertu du chapitre VII de la Carte des N.U.”, employée à l’article 16, est très large, alors
que, si les rédacteurs avaient voulu limiter les pouvoir du Conseil, ils auraient,
probablement, employé une formule plus limitative, comme celle de l’article 13 § 1 b),
qui exige, pour le renvoi d’une affaire à la C.P.I. par le Conseil, que celui-ci “agisse en
vertu du chapitre VII de la Charte des N.U.” Le pouvoir du Conseil de surseoir les
poursuites de la C.P.I. demeure, donc, très vaste et risque de soumettre l’action pénale
aux intérêts politiques, car seulement en cas de veto de la part d’un des membres
permanentes ou en cas d’opposition de sept membres du Conseil la C.P.I. pourrait
entamer ou poursuivre ses enquêtes.1285 Ainsi, dans la pratique des relations
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internationales certains États, membres permanents du Conseil de sécurité, sont allés


jusqu’à demander que le C.d.S. exerce son pouvoir de sursis en vertu de l’article 16 du
Statut de la C.P.I., avant de consentir à l’adoption d’une résolution en vertu du Chapitre
VII. Le 30 juin 2002 les États-Unis, pour voter la Résolution 1420, prolongeant la
mission de maintien de la paix de la M.I.N.U.B.H. en Bosnie-Herzégovine, ont
prétendu, sous peine de veto, que les C.d.S. adopte une Résolution, la n. 1422 du 12
juillet 2002, excluant la juridiction de la C.P.I. sur le personnel engagé.1286 Finalement,
par la Résolution 1422 du 12 juillet 2002, le Conseil a demandé le sursis, renouvelable,

1283 Voir G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the Envisaged
Criminal Court and the U.N. Security Council, cit., p. 332.
1284 Conformément voir T.H.L. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International Criminal Law
regime?, cit., p. 197.
1285 Il faut remarquer que la formulation de l’article 16 du Statut de la C.P.I. pose quelques problèmes
d’interprétation et ouvre quelques possibilités, quand même minimales, de poursuite du procès en cas de
demande de sursis. En effet l’article 16 parle de demande adressée “à la Cour”, dont la composition est
définie à l’article 34, sans en détailler l’organe. Selon la phase du procès dans laquelle on se trouve au
moment de la demande, on pourrait penser soit à une décision de la part du Procureur, soit à une décision
de la part des sections juridictionnelles. La solution la plus probable est celle de remettre la décision sur
le sursis, qui n’est pas, quand même, discrétionnaire ou qui est très peu discrétionnaire, aux juges. En cas
de demande intervenant dans la phase préliminaire, donc, le Procureur devrait adresser une demande de
recevabilité aux juges de l’instance aux termes de l’article 19 § 3. En outre il faut retenir, en vertu d’une
interprétation extensive de l’article 18 § 6 que, pendant la décision des juges sur la demande de sursis et,
même, pendent le sursis, le Procureur puisse demander l’autorisation exceptionnelle à prendre les
mesures d’enquête nécessaires à préserver les éléments de preuve au cas où ceux-ci ne seraient plus
disponibles par la suite. Finalement l’article 16 parle de sursis des enquêtes ou des poursuites, mais il
n’empêche pas au Procureur la recherche des informations précédent les investigations aux termes de
l’article 15 § 2. Etant donné que la limite entre la recherche des informations et l’investigation peut être
très faible, un Procureur indépendant pourrait entamer ou poursuivre ses investigations pendant un sursis.
En tout cas, même en admettant la possibilité de conduire une investigation “déguisée”, le procès ne
pourrait pas parvenir à des investigations officielles, ni à la phase des débats. Sur ces problèmes voir G.
H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the Envisaged Criminal
Court and the U.N. Security Council, cit. p. 334-337.
1286 Voir B. MacPHERSON, Authority of the Security Council to Exempt Peacekeepers from I.C.C.
Proceedings, in Proc. A.S.I.L., 2002, july, in ‹www.asil.org/insights.htm›.

359
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

pour une période de douze mois, de l’action de la C.P.I., par rapport aux forces de
peacekeeping des N.U. appartenant à un État non partie au Statut de la C.P.I.1287

§ 8.15. La révision du sursis du Conseil de sécurité par la Cour pénale


internationale.
Parmi les nombreuses questions débattues autour de l’article 16 du Statut de la
C.P.I., la doctrine s’est interrogée sur la possibilité que la C.P.I. révise une demande de
sursis qui lui est adressée par le Conseil de sécurité.1288
En synthèse il faut en retenir que le seul contrôle possible est de type formel et
devrait concerner le respect de la procédure de vote d’une résolution par le Conseil, la
pertinence de la résolution avec le chapitre VII de la Charte et l’existence d’une
demande de sursis au sein d’une résolution.
Aucun contrôle ne serait possible sur la substance de la résolution. Notamment
l’emploi ambigu du terme “demande” à l’article 16 ne signifie nullement que la C.P.I.
puisse évaluer librement la valeur d’une instance de sursis lui adressée par le C.d.S. afin
de décider la suite à donner, car l’article en question prévoit explicitement que “aucune
enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées” suite à la demande de
sursis.
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La C.P.I. est, ainsi, privée de la capacité de juger de sa propre compétence, tandis


que le rapport de force en matière de juridiction demeure favorable au Conseil de
sécurité et la C.P.I. en dépend.1289

§ 8.16. Les problèmes naissant de la relation entre la Cour pénale internationale et


le Conseil de sécurité.
La définition des rapports entre la C.P.I. et le C.d.S. adoptée dans le Statut de la
C.P.I. enlève toute indépendance à la Cour, subordonnant le pouvoir judiciaire au
pouvoir politique et le concept de droit à celui de maintien de la paix.1290 C’est,

1287 Voir R. LAVALLE, A Vicious Strom in Teacup: the Action by the United Nations Security Council
to Narrow the Jurisdiction of the I.C.C., in Crim. L.F., 2003, vol. 14, issue 2, p. 153 s.; M. ARCARI, La
Risoluzione 1422 (2002) relativa ai rapporti tra Corte penale internazionale e forze di peacekeeping:
nuovi problemi di legittimità dell’azione del Consiglio di Sicurezza, in Riv. D.I., 2002, p. 722-731; M. EL
ZEILDY, The United States Dropped the Atomic Bomb of the Article 16 on the I.C.C. Statute: Security
Council Power of Deferrals and Resolution 1422, in Vanderbilt J.T.L., 2002, november, vol. 35, n. 5, in
‹http://law.vanderbilt-edu/journal›, p. 1503-1504; A. MOKHTAR, The Fine art of Arm-twisting: the U.S.
Resolution 1422 and Security Council Deferral Power under the Rome Statute, in Int. C.L.R., 2003,
november 1, vol. 3, issue 4, in ‹http://www.kluwerlawonline.com/issn/1567-536x/current›, p. 295-344.
1288 Voir G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the Envisaged
International Criminal Court and the U.N. Security Council, cit., p. 331-334.
1289 Voir G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the Envisaged
Criminal Court and the U.N. Security Council, cit., p. 331 et 334.
1290 Conformément, par rapport à l’opinion des représentants des États, voir T.H.L. McCORMACK, G.J.
SIMPSON, A New International Criminal Law Regime?, cit., p. 199. Sur cette question voir, aussi, T.M.
FRANCK, The “Powers of Appreciation”: Who Is the Ultimate Guardian of U.N. Legality?, cit., p. 519
s.; F. MALEKIAN, The Monopolization of International Criminal Law in the U.N.. A Jurisprudential
Approach, 2nd ed., Stockholm, Almqvist & Wiksell International/Uppsala University, 1995; G.H.
OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the Envisaged Criminal Court
and the U.N. Security Council, cit., p. 313 et 330. Sur l’influence décisive du C.d.S. par rapport à la C.P.I.
en raison des pouvoirs de saisine et de sursis et pour un aperçu de la position des États sur le rapport entre
la C.P.I. et le Cd.S. tout au long des travaux préparatoires du Statut de la C.P.I. voir G. HAFNER, K.
BOON, A. RUBESAME, A Reponse to the American View as Presented by Ruth Wedgwood, cit., p. 113-
115. D’après P. WECKEL, La C.P.I. – Présentation générale, cit., p. 990-991, la dépendance de la C.P.I.
du C.d.S. se concrétiserait non seulement dans le pouvoir de saisine et de sursis, mais aussi dans le

360
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

d’ailleurs, la préoccupation qui a été envisagée au cours des travaux pour l’élaboration
du Statut de la C.P.I.1291 On retombe, donc, dans la même contradiction qu’on a relevée
à propos des tribunaux ad hoc, notamment en ce qui concerne la violation du principe
de la présomption d’innocence et l’imposition de la justice des vainqueurs, de sorte
qu’on parvient presque à annuler l’efficacité de l’innovation représentée par l’institution
d’une Cour pénale internationale à caractère permanent.1292 En outre, au cours de
travaux préparatoires du Statut de la C.P.I., on a justement manifesté la crainte que le
mécanisme de prise des décisions impliquant le droit de veto au sein du C.d.S. affecte
les principes de la non-discrimination et de l’égalité devant la justice.1293
La primauté de l’organe politique sur l’organe juridictionnel pourrait poser les
mêmes problèmes qui affectent la relation entre la C.I.J. et le C.d.S., notamment en ce
qui concerne la contradiction des jugements. Même si on reconnaissait, conformément à
la jurisprudence de l’affaire de Lockerbie, le principe de la primauté des décisions du
Conseil sur les autres conventions internationales, on ne pourrait pas l’appliquer aux
normes fonctionnelles de la Charte des N.U. et à celles, cogentes, qui ont une force
supérieure aux dispositions de la Charte. Il n’existerait aucune conséquence en cas de
non-intervention (acquittement) par le Conseil de sécurité, et de condamnation par la
C.P.I., sauf une éventuelle action successive du Conseil en fonction exécutive. Par
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

contre, les conséquences seraient graves en cas d’intervention (condamnation) par le


Conseil de sécurité et d’acquittement successif par la C.P.I.: dans cette circonstance le
Conseil de sécurité devrait être condamné à la réparation, mais, mis à part le constat que
cela est, de facto, fort improbable, cette sanction ne constituerait, de toute façon, qu’un
remède minimal et insuffisant pour les actions menées au titre du chapitre VII de la
Charte des NU, qui impliquent des conséquences lourdes.1294 La subordination de la
Cour assure, en plus, l’impunité des individus ayant agi pour le compte du C.d.S.1295

pouvoir d’influencer les États dans leur volonté d’accepter la juridiction de la Cour, de renoncer à leur
juridiction en faveur de celle-ci et de coopérer avec la Cour, de sorte que l’on devrait conclure que: “En
réalité donc la Cour est privée de la possibilité de gérer l’action du Conseil de sécurité, mais elle dépend
largement du soutien que ce dernier peut lui accorder discrétionnairement”.
1291 Voir Comité pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité préparatoire en
mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 32, § 130.
1292 Conformément, dans le sens que le jugement d’un individu pour des actes qui configurent des
violations étatiques, ayant entraîné l’intervention du Conseil de sécurité, configure une véritable
présomption de culpabilité voir. T.L.H. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International Criminal
Law Regime?, cit., p. 196. Sur le problème de l’immunité des sujets agissant au nom du C.d.S. voir M.
ZWANENBURG, The Statute for an I.C.C. and the U.S.: Peacekeepers under Fire?, in E.J.I.L., 1999,
vol. 10, n. 1, p. 124 s. Pour un aperçu du débat au sein de la C.D.I. pendant les travaux préparatoires du
Statut de la C.P.I., en matière de rapports entre la C.P.I. et le Cd.S. voir P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The
Rome Conference on an I.C.C.: the Negotiating Process, cit., p. 4.
1293 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p.
40, § 65.
1294 Voir T. L. H. McCORMACK, G. J. SIMPSON, A New International Criminal Law Regime?, cit., p.
188. Le problème a été étudié par la doctrine, notamment, par rapport à l’article 23 § 2 du Statut de la
C.P.I. de 1994, qui subordonnait l’action de la C.P.I. pour les crimes d’agression au constat, préalable,
d’un crime de l’État par le C.d.S. (voir M. DUMÉE, Le crime d’agression, cit., p. 262). Sur cette question
voir, aussi, M. CRAVEN, Humanitarism and the Quest for Smarter Sanctions, in E.J.I.L., 2002, vol. 13,
n. 1, p. 43 s. Sur les effets des sanctions du C.d.S. ainsi que sur la nécessité de limiter son pouvoir de
sanctionner voir M. ELLEN O’CONNEL, Debating the Law of Sanctions, in E.J.I.L., 2002, vol. 13, n. 1,
p. 63.
1295 D’après P. BENVENUTI, The I.C.T.Y. Prosecution and the Review of the N.A.T.O. Bombing
Campaign against the F.R.Y., cit., p. 527, l’établissement de la responsabilité étatique serait une
condition indispensable pour déterminer la responsabilité individuelle.

361
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Selon une approche plus cohérente la C.P.I. devrait être libre d’entamer un procès
contre tout individus soupçonné d’un crime international en pleine indépendance.1296
Dans une telle optique l’action du Conseil de sécurité devrait non pas influencer celle
de la Cour, mais en dépendre. Dans le Statut actuel de la C.P.I., la seule disposition qui
configure une relation soumettant le Conseil de sécurité à la C.P.I. est l’article 87. Cette
disposition prévoit que, en cas de non-coopération d’un État, qu’il soit partie au Statut
(article 87 § 7) ou non (article 87 § 5), la Cour peut informer le Conseil lorsque celui-ci
a renvoyé l’affaire. Cette disposition permet, donc, au Conseil d’intervenir, par des
mesures non coercitives, aux termes du chapitre VI de la Charte des N.U., ou
coercitives, aux termes du chapitre VII de la Charte des N.U., pour obliger l’État non-
coopératif à respecter les décisions de la C.P.I.1297 Quoique cette disposition configure
une correcte relation entre la C.P.I. et le C.d.S., elle est limitée à l’adoption des mesures
finalisées à la coopération procédurale, qui demeurent marginales par rapport aux
décisions substantielles finales du procès. Par ailleurs cette action “exécutive” n’est
exploitable, selon une interprétation stricte, qu’en cas de renvoi d’une affaire à la Cour
par le Conseil. Conformément à l’orientation d’une partie de la doctrine, toutefois, il
faut estimer que, malgré cette limitation normative, le Conseil peut exercer son action
contraignante envers un État non coopératif, à la demande de la Cour, dans toute
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procédure devant celle-ci, même lorsqu’il n’a pas déféré l’affaire.1298


L’affirmation de la disjonction entre la responsabilité individuelle et collective,
notamment en raison de la négation de la responsabilité pénale des États, engendre des
contradictions graves dans la relation entre la C.P.I. et le Conseil de sécurité. Autrement
dit, ou l’on nie la compétence de la C.P.I. en matière de responsabilité criminelle des
États et l’on affirme la primauté du Conseil de sécurité sur la C.P.I., ce qui revient à
paralyser l’action de la C.P.I., ou bien l’on affirme la compétence de la C.P.I. en
matière de responsabilité criminelle des États, et l’on définit la primauté de la C.P.I. sur

1296 Sur la question de l’efficacité et de l’indépendance de la C.P.I. voir M. BENNOUNA,


L’organisation de la répression internationale – La Cour pénale internationale, cit., p. 739; J. PEJIC,
Creating a Permanent International Criminal Court: the Obstacles to Independence and Effectiveness,
in Columbia H.R.L.R., 1997, vol. 19, n. 3, p. 291. Pour des considérations équivalentes sur
l’indépendance de la C.I.J. voir B. GRAEFRATH, Leave to the Court what Belongs to the Court, cit., p.
195 s. Sur le problème du conflit des décisions et de la révision des décisions du Conseil voir D.
AKANDE, The I.C.J. and the Security Council: Is there Room for Judicial Control of Decisions of the
Political Organs of the U.N.?, cit., p. 309; L. CONDORELLI, La Corte internazionale di giustizia e gli
organi politici delle Nazioni Unite, cit., p. 897 s.
1297 Sur le recours de la C.P.I. au C.d.S. pour sanctionner le manquement d’un État à l’obligation de
coopérer voir E. DULAC, Le rôle du C.d.S. dans la procédure devant la C.P.I., cit., p. 48-60; A.
CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 166. Sur le problème de la
responsabilité de l’État pour absence de coopération voir E. DAVID, La responsabilité de l’État pour
absence de coopération, in E. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p.
129 s.
1298 Voir G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the Envisaged
International Criminal Court and the U.N. Security Council, cit., p. 338 et 340. Sur le rôle essentiel du
C.d.S. dans l’exécution des décisions de la C.P.I. voir R. WEDGWOOD, The I.C.C.: an American View,
cit., p. 106; A. CASSESE, On the Current Trend towards Prosecution and Punishment of Breaches of
International Humanitarian Law, cit., p. 15. Sur la difficulté d’exécution des décisions de la C.P.I. en cas
de non coopération d’un État voir G. HAFNER, K. BONN, A. RUBESAME, J. HUSTON, A Reponse to
the American View as Presented by Ruth Wedgwood, cit., p. 121-123. Sur la différente position de la
C.P.I. et des T.P.I. ad hoc par rapport au C.d.S. en fonction exécutive voir P. GAETA, Is N.A.T.O.
Authorized or Obliged to Arrest Persons Indicted by the I.C.T.Y.?, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 1, p. 174.

362
CROISEMENT DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET ÉTATIQUE ET PROBLÈMES
INSTITUTIONNELS CONSÉQUENTS: LES T.P.I., LES CONTRE-MESURES ÉTATIQUES ET LE C.D.S.

le Conseil de sécurité, en créant une juridiction pénale internationale réelle et


effective.1299

Conclusion.
L’analyse subjective et objective de la relation entre les crimes des individus,
notamment tels que prévus dans le Statut de la C.P.I., et ceux des États, notamment tels
que prévus dans le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États de 1996 et de 2001,
révèle un lien strict entre la responsabilité individuelle et collective. L’ensemble des
crimes contre l’humanité et des crimes de guerre individuels constitue l’ensemble des
crimes de l’État contre l’humanité, plus, éventuellement, contre l’autodétermination des
peuples (domination coloniale) et la souveraineté des États (agression). Les conduites
de l’État coïncident avec celles de ses individus-organes, en vertu du principe de
l’imputation organique. Quant à l’objet de la violation, on peut estimer que les
conduites des États lèsent les mêmes obligations que les conduites individuelles, selon
une identité objective parfaite, ou bien des obligations différentes, mais ayant le même
contenu, en conformité, en tout cas, avec le principe de l’imputation organique.
L’obligation violée est, toujours, erga omnes au sens absolu et indivisible, par
conséquent les violations internes qui intègrent un crime constituent, en même temps,
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des infractions internationales. Toutes les violations étatiques et, donc, même les
violations individuelles, lèsent la paix collective (principe général de l’ordre
international: alterum non laedere). Au niveau de la sanction, si la forme est cogens tant
chez les individus que chez les États, le contenu peut varier. La seule façon de définir
clairement les crimes des États consiste à les reconstruire à partir des crimes des
individus.1300 Le croisement des critères de l’imputation organique subjective et de
l’identité objective des crimes dépose en faveur de la conception pénale de la
responsabilité majeure des États.
Etant donnée la stricte relation qui subsiste entre les crimes des individus et ceux des
États, l’action des T.P.I. et, plus en général, des juridictions compétentes en matière de
responsabilité individuelle, peut interférer avec l’action des États en contre-mesure et
avec la compétence d’autres organes de la communauté internationale en matière de
responsabilité étatique, notamment celle des organes onusiens et, plus particulièrement,
du C.d.S.1301 Les juridictions mises sur pied par les États, intervenant après l’adoption
des contre-mesures, configurent une sorte de “justice des vainqueurs”. Dans le même
ordre de problèmes s’inscrivent les juridictions instituées dans le cadre de l’O.N.U.,
notamment par le C.d.S, dont, par ailleurs, la légitimité est douteuse. La C.P.I., en tant
qu’organe permanent, dépasse ce problème; toutefois son action interfère, au niveau
général, avec celle des États et, au niveau relatif, avec celle du C.d.S. Notamment la
C.P.I. propose et accentue les questions du rapport entre la C.I.J. et le C.d.S.: tandis que
les tribunaux pénaux internationaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda sont

1299 Sur la difficulté de trouver un équilibre dans le rapport entre la C.P.I. et le C.d.S. voir E. DULAC, Le
rôle du Conseil de sécurité dans la procédure devant la C.P.I., cit., p. 104-105; E. DAVID, La C.P.I.:
une Cour en liberté surveillée?, in International Law Forum, 1999, n. 1, p. 20 s.
1300 Sur les crimes des individus comme figures définies de façon systématique dans le Statut de la C.P.I.
voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 149.
1301 Sur la stricte relation subsistant entre les crimes des individus et ceux des États voir A. PELLET,
Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 432-433, d’après lequel seulement en cas de crime
étatique, pas en cas d’infraction ordinaire, l’immunité de l’individu-organe ne pourrait pas être invoquée,
de sorte que la responsabilité pénale individuelle serait engagée. Il existerait, donc, une stricte relation
entre la responsabilité des États prévue à l’article 19 du Projet de la C.D.I. de 1996 et celle des individus
prévue dans le Projet de Code de crimes sur la paix et la sécurité de l’humanité ainsi que dans le Statut de
la C.P.I.

363
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

une émanation du pouvoir du Conseil, la C.P.I., naissant de façon autonome en vertu du


Traité de Rome, est potentiellement en conflit avec le C.d.S. La superposition des
compétences des deux organes pourrait amener à l’adoption de décisions contradictoires
sur une même affaire, avec des conséquences graves en termes de sanction et de
réparation des dommages. Le Statut de la C.P.I. même essaye de régler la question,
notamment en autorisant le C.d.S. à saisir la C.P.I. lorsqu’une affaire relève du chapitre
VII de la Charte des N.U. (article 13 § 1 b)) et en lui confiant le pouvoir de surseoir la
juridiction de la C.P.I. par une demande adressée à la Cour dans une résolution adoptée
en vertu du chapitre VII de la Charte des N.U. (article 16). De cette façon, toutefois,
l’action de la C.P.I., organe judiciaire, n’est plus complètement libre, car elle est
fortement influencée par les décisions du C.d.S., organe politique: le système de droit
international actuel, tendant à séparer la responsabilité majeure des États, dont la
gestion, dans le système onusien, est confiée au C.d.S., de la responsabilité
internationale pénale des individus, jugée, sur le plan relatif, par la C.P.I., provoque une
inversion des rapports de force entre le C.d.S., organe de nature essentiellement
exécutive, et la C.P.I., organe de nature judiciaire.
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364
CHAPITRE 9
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

Introduction. § 9.1. Solutions de droit matériel aux problèmes du système actuel: la révision de
l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996. § 9.2. La position de l’article
concernant les crimes des États au sein du Projet sur la responsabilité des États. § 9.3. Solutions
procédurales aux problèmes du système actuel. § 9.4. Le principe de la juridiction obligatoire et les
crimes des États. § 9.5. Applications possibles du principe de la juridiction obligatoire aux crimes
des États. § 9.6. Le choix entre la Cour pénale internationale et la Cour internationale de justice
comme juge des crimes internationaux selon la nature de la responsabilité majeure des États. § 9.7.
La Cour pénale internationale comme organe unique pour juger la responsabilité des individus et
des États: la relation entre le Statut de la C.P.I., le Traité sur la responsabilité des États, la Charte
des Nations Unies et le Statut de la C.I.J. § 9.8. La juridiction de la Cour pénale internationale, à
l’égard des États, par rapport aux juridictions internes et au Conseil de sécurité. § 9.9. La
compétence de la Cour pénale internationale: sujets (individus et États) et figures criminelles.
§ 9.10. L’application des mesures préventives aux États dans le Statut de la Cour pénale
internationale. § 9.11. La collaboration de la Cour pénale internationale avec les États par rapport
au jugement étatique: notamment la présence de l’accusé au procès. § 9.12. La Cour pénale
internationale et les sanctions étatiques. § 9.13. La Cour pénale internationale, le jugement des
États et la procédure d’appel. § 9.14. La Cour pénale internationale et la procédure d’exécution de
la sanction étatique: considérations générales. § 9.15. Changements normatifs nécessaires pour
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réaliser la procédure exécutive concernant les États. Conclusion.

Introduction.
Jusqu’à présent, nous avons analysé le système de droit international pénal et ses
problèmes: il existe beaucoup d’incohérences aussi bien du côté du droit matériel que
du côté de la procédure. Concernant le droit matériel, le problème fondamental tient à la
lacune due à l’absence d’une définition précise des infractions majeures des États.
Quant à la procédure, les défaillances les plus graves dérivent des normes antinomiques,
notamment de la non cohérence de certaines normes par rapport aux principes
fondamentaux de l’ordre juridique international. Ces incohérences relèvent de la non
impartialité du Conseil de sécurité dans le jugement des infractions étatiques majeures,
en raison de sa composition et des procédures adoptées, notamment des mécanismes
décisionnels, ainsi que du conflit de compétence entre les États, le Conseil de sécurité,
la Cour internationale de justice et les T.P.I., spécialement la C.P.I. Toutes ces
incohérences naissent, au fond, de la nature du droit international, organisé, quant à la
gestion des infractions majeures, au niveau général, de façon “horizontale”, et, au
niveau relatif, de façon “verticale”, mais d’une manière fort discutable. Les problèmes
d’ordre matériel et procédural s’additionnent et engendrent un système généralement
peu cohérent. On ne méconnaîtra pas l’incidence déterminante des intérêts politiques
sur le façonnement du système de la responsabilité internationale pénale, notamment en
matière de responsabilité étatique: deux logiques s’affrontent, celle du droit et celle de
la puissance libre, et il n’est pas facile de les concilier.1302
Dans ce chapitre nous étudions des solutions plausibles pour sortir des impasses
majeures du système de droit international pénal actuellement en place. Il s’agit d’une
tâche difficile pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il existe des difficultés d’ordre
juridique, car il est question de coordonner plusieurs normes entre elles. De ce côté,
nous n’avons pas la prétention d’élaborer un système parfait: on se limite à proposer
quelques changements essentiels, en essayant de laisser subsister le moins
d’incohérences possibles. Ensuite il existe le problème de la mise en pratique des
changements proposés. De ce côté nous sommes impuissants, car la réalisation pratique

1302 Voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 79, § 3 s., p. 87, § 11.
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

de toute institution juridique dépend du mécanisme du consensus étatique. Ainsi, une


critique portant sur le constat que les crimes internationaux touchent aux questions
d’ordre politique serait inutile, car, par la nature des choses, il n’en saurait être
autrement.1303 Nous développons nos propositions dans un but exclusif de cohérence
juridique. On veut, tout simplement, regarder le système de façons objective, en termes
de mécanique juridique, sans conditionnement d’opinions extérieures, sous peine,
autrement, de ne pas objectiver les problèmes et de laisser subsister les contradictions
systématiques qu’on essaye de résoudre. Si on ne conçoit pas le système juridique
comme une machine bien réglée où toutes les parties ont un rôle essentiel pour le
fonctionnement correct de l’ensemble, on risque de rester dans un cercle de
contradictions juridiques sans pouvoir s’en en sortir. Dans cet esprit nous proposons des
solutions aussi bien du côté du droit matériel que du côté de la procédure. Du point de
vue du droit matériel nous essayons de définir avec précision les infractions pénales des
États par la révision de l’article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États
de 1996. Du point de vue de la procédure nos réflexions se concentrent, en matière de
crimes de l’État, sur l’introduction du principe de la juridiction obligatoire, sur
l’élargissement de la juridiction de la C.P.I. ainsi que sur la transformation du C.d.S. en
organe exécutif des sanctions de la C.P.I.1304 Les solutions d’ordre matériel et
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procédural sont conçues de façon coordonnée. En essayant d’aboutir à la plus grande


cohérence possible nous proposons, par conséquent, les modifications normatives
nécessaires dans le Statut de la C.P.I., dans le Projet sur la responsabilité des États de
1996 et de 2001, censé assumer la forme définitive du traité, ainsi que dans la Charte
des N.U. et le Statut de la C.I.J. Pour des raisons d’aisance et de clarté de l’exposition,
on présente dans ce chapitre, à côté des changements normatifs intéressant les États,
ceux qui pourraient concerner les autres personnes morales (organisations
internationales et personnes morales non étatiques) dont une analyse approfondie est
développée dans le chapitre suivant.

§ 9.1. Solutions de droit matériel aux problèmes du système actuel: la révision de


l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996.
Du côté du droit matériel, la doctrine la plus récente estime que, en cas de
responsabilité concurrente des États et des individus, notamment en matière de
responsabilité majeure, les normes existantes et celles de iure condendo concernant les
États, en particulier celles du Projet sur la responsabilité des États de 2001, mais aussi
celles du Projet de 1996, sont sous-développées par rapport aux normes existantes
concernant la responsabilité individuelle.1305
La seule solution possible pour combler la lacune naissant de l’imprécision de la
définition des infractions majeures des États, qui existe dans le système relatif configuré
par la Charte des N.U. et qui n’est pas comblée, au niveau général, par la dernière

1303 Pour des considérations sur le rapport entre la politique et le droit international voir A.-M.
SLAUGHTER, International Law in a World of Liberal States, in E.J.I.L., 1995, vol. 6, n. 4, p. 503 s.; O.
KORHONEN, New International Law: Silence, Defence or Deliverance?, in E.J.I.L., 1996, vol. 7, n. 1,
p. 1 s.; S.V. SCOTT, International Law as Ideology: Theorizing the Relationship between International
Law and International Politics, in E.J.I.L., 1994, vol. 5, n. 3, p. 313 s.; M. DOUGAL, Some Basic
Theoretical Concepts about International Law: a Policy Prevented Framework of Inquiry, in Journal of
Conflict Resolution, 1960, p. 337; W.D. COPLIN, The Function of International Law: an Introduction to
the Role of International Law in the Contemporary World, Chicago, Rand McNally, 1996.
1304 Sur l’application du principe de la juridiction obligatoire en cas de crime de l’État voir A. PELLET,
Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 429.
1305 Voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility
in International Law, cit., p. 639.

366
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

version du Projet sur la responsabilité des États, serait celle de prévoir spécifiquement,
au niveau normatif, les conduites illicites majeures.1306
La criminalisation des infractions internationales majeures réduirait la marge de
pouvoir discrétionnaire dans la détermination de l’existence de l’acte illicite: plus la
définition serait précise, moins de pouvoir discrétionnaire resterait à l’interprète dans la
définition des infractions. Dans cette optique, il faudrait récupérer l’article 19 du Projet
sur la responsabilité des États de1996, tout en apportant quelques modifications.1307
Essentiellement, l’article devrait mettre en évidence qu’un crime international de l’État
est une action grave qui viole les droits fondamentaux et formellement erga omnes, au
sens absolu ou relatif, de la communauté internationale.1308
L’article 19 pourrait constituer, aussi, le point de départ pour la conception de la
responsabilité des organisations internationales, toutefois on signalera cette ouverture
seulement comme possibilité évolutive, en renvoyant au chapitre 10 pour des
considérations ultérieures.
On pourrait reformuler l’article 19 de cette façon:

Crimes internationaux et infractions internationales simples


1. Le fait d’un État (ou d’une organisation internationale) qui constitue une violation
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

d’une obligation internationale est un fait internationalement illicite quel que soit l’objet
de l’obligation violée.
2. Un crime de l’État (ou d’une organisation internationale) est la violation d’une
obligation internationale fondamentale de la communauté internationale dans son
ensemble (au sens absolu ou relatif).
3. Le crime de l’État (ou d’une organisation internationale) est le fait de ses
individus, agissant en tant qu’organes, tel que prévu dans le Statut de la Cour pénale
internationale.1309
4. En conformité avec les dispositions des paragraphes 2 et 3 et d’après les règles du
droit international en vigueur, un crime de l’État (ou d’une organisation internationale)
est la violation grave d’une obligation internationale (fondamentale pour le maintien de
la paix) en cas de:
a) Violation du droit à l’existence, à la souveraineté et à l’autodétermination, par
agression ou toute autre forme d’intervention prévue dans le Statut de la Cour pénale
internationale (crime contre l’existence, la souveraineté, l’autodétermination);1310

1306 Conformément, au sens pénal, voir V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p.
115-116.
1307 Pour une critique de la formulation de l’article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des
États de 1996, peu respectueux du principe de légalité, voir D.W. BOWETT, Crimes of States and the
1996 Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit., p.165.
1308 Déjà V. Pella avait repéré dans l’importance fondamentale des intérêts protégés et dans la forme
erga omnes de l’infraction internationale les éléments distinctifs de ceux qu’il appelait les “crimes
étatiques” (voir V. PELLA, La guerre crime et les criminels de guerre, cit., p. 35, 51-52).
1309 Affirme l’identité absolue des crimes des crimes individuels prévus dans le Statut de la C.P.I. et les
crimes des États prévus à l’article 19 du Projet de la C.D.I. de 1996 J. VERHOEVEN, Vers un ordre
répressif universel? Quelques réflexions, cit., p. 61. Conformément l’article 41 § 1 de l’Avant-Projet de
code pénal international de Q. Saldaña, de 1925, prévoit que “un État est responsable pour les fautes
commises par ses agents, et d’une façon générale, par l’exécution des services publics. Il sera directement
responsable pour les actes de gestion” (voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie
générale, 1925, cit., p. 403, Partie générale, Livre Premier (L’infraction criminelle et sa répression
internationale, Titre premier (L’infraction), Chapitre IV (L’infraction en rapport aux personnes),
Première section (L’État délinquant), article 41 (Responsabilité directe de l’État)). Sur la responsabilité
directe de l’État voir, aussi, Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 292-293.

367
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

b) Violation à large échelle ou massive des droits de l’homme, commise en temps de


guerre ou de paix prévue dans le Statut de la Cour pénale internationale (crime
contre l’humanité);
c) Violation du droit de la guerre prévue dans le Statut de la Cour pénale
internationale (crime de guerre);1311
d) Violation des obligations découlant des ordres de la Cour pénale internationale
prévue dans le Statut de la Cour pénale internationale (crime contre la juridiction
internationale);
e) Omission de prévention et contrôle des crimes du Statut de la Cour pénale
internationale commise par ses organes.1312
5. Tout fait internationalement illicite qui n’est pas un crime international
conformément au paragraphe 2 constitue une infraction internationale simple.

Dans le titre on supprimerait le mot “délits”, employé à l’article 19 pour identifier les
infractions non criminelles en droit international, en raison de la connotation pénale
qu’il a dans les ordres juridiques internes. On le remplacerait par l’expression
“infractions internationales simples”, qui serait totalement neutre.1313
Le premier paragraphe resterait inchangé, car il s’agit d’une préface d’ordre général
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

qui encadre la forme de l’infraction, criminelle ou pas, quitte à prévoir l’élargissement


aux organisations internationales des principes régissant la responsabilité étatique.
Le deuxième paragraphe serait révisé du point de vue formel, sans changements de
substance, tout en sachant que le concept de “communauté internationale dans son
ensemble” peut avoir une double signification: il désignera tous les sujets de la
communauté internationale comme victimes du crime, si l’on accepte l’existence des
obligations erga omnes au sens absolu dans de la communauté internationale et,
notamment, du ius cogens, ou bien il peut indiquer seulement tous les États qui
s’engagent en signant le Traité sur la responsabilité des États, si l’on accepte l’existence
des obligations erga omnes, notamment indivisibles, au seul sens relatif en droit
international. Ainsi, si l’on admet la notion de ius cogens et l’on pense qu’elle peut être
exploitée pour concevoir la responsabilité internationale étatique, notamment la notion

1310 Sur l’agression en tant que crime de l’État voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit.,
p. 308-312.
1311 Sur la nécessité de responsabiliser les États pour les crimes de guerre, à partir de la responsabilité
des ses agents, personnes physiques, voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto),
cit., p. 103-106, 126-128, 131-132, 145; I. KANT, Zum ewigen frieden (Per la pace perpetua), cit., p. 27-
28. Déjà V. Pella songeait à criminaliser les infractions étatiques contre la paix, les infractions de lèse
humanité et les infractions de guerre, en liaison avec la responsabilité individuelle et il s’efforçait d’en
donner une définition (voir V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 16, 32-33, 49,
57). Sur la criminalisation, au niveau étatique, de l’agression, des crimes individuels contre l’humanité et
de des crimes de guerre voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 298-307. Sur la
nécessité de coordonner la responsabilité des individus et des États voir, aussi, U.I.P., Principes
fondamentaux d’un Code répressif des nations, par V. Pella, 1925, in S.G., Historique du problème de la
juridiction criminelle internationale, cit., p. 76, principes 1-4.
1312 Sur la nécessité de responsabiliser l’État par négligence voir H. DONNEDIEU DE VABRES, Les
principes modernes du droit pénal international, cit., p. 419. On remarquera, aussi, que l’article 42 § 1 de
l’Avant-Projet de Code pénal international de Q. Saldaña, de 1925, dispose que: “L’État est
indirectement responsable des actes d’autorité de ses fonctionnaires” (voir Q. Saldaña, Avant-Projet de
code pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. 403, article 42 (Responsabilité indirecte de
l’État)). Sur la responsabilité indirecte de l’État voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit.,
p. 293; L.-A. SICILIANOS, La responsabilité de l’État pour absence de prévention et de répression des
crimes internationaux, cit., p. 115 s.
1313 Sur l’opportunité de substituer le mot “délit” par l’expression “infraction simple” voir A. PELLET,
Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 434.

368
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

de crime international, on entendra l’expression “communauté international dans son


ensemble” au sens absolu, comme désignant l’ensemble de tous les États de la
communauté internationale. En revanche, si l’on refuse radicalement la notion de ius
cogens ou si l’on estime, quand même, que la responsabilité internationale étatique,
notamment criminelle, ne peut avoir qu’une portée relative, on entendra l’expression
“communauté internationale dans son ensemble”, au sens relatif, comme désignant
l’ensemble des États parties au Traité sur la responsabilité internationale.1314
Le troisième paragraphe serait ajouté pour instituer la liaison entre le crime de l’État
et le crime de ses individus-organes, tels que prévus dans le Statut de la C.P.I.,
conformément au principe de l’imputation organique. L’État serait, ainsi, responsabilisé
par les principes du dol et de la faute.1315 Par ailleurs, déjà le Plan d’un Code répressif
mondial, élaboré par V. Pella en 1925 sous les auspices de l’A.I.D.P., prévoyait, de
façon unitaire, la pluralité des responsabilités des personnes physiques, des États et des
autres personnes morales, infra-étatiques ou transnationales, au Titre 1er (Principes
généraux), Chapitre 2ème (Définition de l’infraction internationale et de ses sujets
actifs), points 1, 2, 3.1316 Cette conception unitaire de la responsabilité internationale
pénale est proposée, aussi, à l’article IV § 1.3 de la Partie générale, applicable à une
C.P.I., du Projet de Code pénal international élaboré par l’A.I.D.P. en 1981, qui déclare
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que “certains actes commis par les États, par des individus ou par des organisations sont
constitutifs d’une infraction (crime) selon le droit international”, et à l’article V § 2 de
la Partie générale du même Projet, suivant lequel: “2.1.1. Un État est responsable pour
tout crime commis en son nom, sur son ordre ou à son profit par une personne investie
d’une autorité […]. 2.1.2. Un comportement est attribué à l’État lorsqu’il est effectué
par des personnes ou des groupes agissant dans leurs fonctions officielles et possédant,
en vertu du droit interne de cet État, l’autorité de prendre des décisions pour cet État ou
pour toute subdivision politique de cet État ou possédant le statut d’organes, agences ou
instruments de cet État ou d’une subdivision politique de cet État”.1317
Le quatrième paragraphe devrait être reformulé en partant du concept de “paix” et en
rattachant les crimes des États aux crimes des individus tels que prévus dans le Statut de
la C.P.I. La paix peut être identifiée avec le principe général alterum non laedere,
entraînant le devoir du sujet passif de respecter les droits d’autrui, notamment de
l’État.1318 Ainsi définie la paix est l’objet de toute sorte de violation étatique, autant des

1314 En simplifiant le libellé du paragraphe 2 on éviterait les critiques dont il a fait l’objet, de tautologie
et de circularité (voir J. CRAWFORD, Premier rapport sur la responsabilité des États, Add.1, cit., p. 3, §
48; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 128, § 242).
1315 Voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. 404,
article 44 (Le manquement).
1316 Voir A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, rédigé par V. Pella, 1935, cit., p. 147, Titre 1er
(Principes généraux), Chapitre 2ème (Définition de l’infraction internationale et des sujets actifs), point 1
(Définition de l’infraction internationale), 2 (Sujets actifs), 3 (Pluralité des responsabilités).
1317 Voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, 1981, cit., p. 208 et 211, Partie générale –
Applicable à une C.P.I. – Système d’application directe, article IV (Infraction) § 1.3, article V
(Responsabilité) § 2.
1318 D’après H. KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental
Problems, cit., p. 19, il faut estimer que “international peace is a state of absence of force in the relations
among States”. D’après V. Pella, La guerre crime et les criminels de guerre, cit., p. 50, il faut penser que
“la paix internationale ne saurait être considérée comme un bien juridique susceptible de protection en
soi. Elle ne serait qu’une circonstance extérieure dans laquelle les États exercent leurs droits et facultés”.
En doctrine, sur le concept de “paix”, voir B. BOUTROS-GHALI, Le droit international à la recherche
de ses valeurs: paix, développement, démocratisation, in R.C.A.D.I., 2000, vol. 286, p. 23-26. Pour un
aperçu du concept de paix retenu par les N.U. voir A.G.N.U., Séances plénières, Comptes rendus
analytiques des séances, vendredi 8 novembre 2002, in A.G. doc. off., 57ème sess., 2002, A/57/PV.44,

369
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

infractions criminelles que des infractions mineures.1319 Sur la base de ces prémisses la
formulation de l’article 19 du Projet de 1996 s’avère trop générique, car elle fait de tout
comportement étatique un crime international.1320 Des simples conduites non pénales
des individus-organes deviendraient des crimes au niveau de l’État. Pour délimiter le
domaine des crimes des États, non détaillé, en tenant ferme la référence à la violation de
la paix, il faut le rattacher aux crimes des individus-organes, sous peine, autrement, de
tomber dans l’arbitre de droit matériel. Par conséquent le paragraphe 3 du Projet de
1996 devrait être reformulé, comme paragraphe 4, en suivant les conclusions que nous
avons tiré à propos du rapport entre le crime de l’individu et le crime de l’État: les
infractions pénales étatiques coïncideraient avec les infractions pénales individuelles
telles que prévues dans le Statut de la C.P.I. Pour définir les crimes des États on adopte,
donc, la méthode du renvoi général en précisant certaines caractéristiques spécifiques
du crime étatique.1321 La référence à la violation de la paix deviendrait une valve
générale pour transposer les principes généraux des crimes de la partie générale à la
partie spéciale, à la limite elle pourrait disparaître, car elle n’est pas essentielle dans
l’économie de l’article. Surtout il faut avoir à l’esprit qu’un crime international peut être
commis même en violation du droit de la guerre, notamment en cas de violation des
droits de l’homme. Du point de vue terminologique, on substituerait l’expression “un
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crime peut notamment résulter” par celle “un crime de l’État est la violation grave
d’une obligation internationale […] en cas de”, ainsi on éviterait toute critique portant
sur la définition aléatoire dont le paragraphe 3 de l’article 19 a fait l’objet.1322 Sous le
profil des conduites spécifiques en violation, l’alinéa b) du paragraphe 3 de l’article 19,
relatif à la violation du droit à l’autodétermination des peuples, serait assimilé aux
violations du droit à l’existence et à la souveraineté des États, contemplées à l’alinéa a).
L’alinéa d) du paragraphe 3 de l’article 19, relatif aux crimes environnementaux, serait
retiré, car aucun crime individuel ne lui correspond, pour l’instant. On pourrait
envisager le crime environnemental de l’État au seul cas où certaines conduites
individuelles, par exemple les atteintes massives à l’environnement ou les atteintes aux
matières nucléaires, actuellement soumises aux juridictions internes, seraient soumises
à la juridiction internationale de la C.P.I.1323 D’ailleurs toute référence aux conduites

point 24 de l’ordre du jour (culture de la paix), in ‹http://www.un.org/french/ga/57/pv.html›, p. 1-3; S.G.,


Rapport sur l’activité de l’Organisation, 20 août 2004, A/59/1, disponible à l’adresse Internet ‹http://ods-
dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/464/65/PDF/N0446465.pdf?OpenElement›, p. 78, § 295-297. Sur
le concept de “paix” voir N. BOBBIO, D. ZOLO, Hans Kelsen, the Theory of Law and the International
Legal System: a Talk, cit., p. 364.
1319 Conformément voir I. KANT, Zum ewigen frieden (Per la pace perpetua), cit., p. 23, d’après lequel
la paix constitue la fin de tous les conflits.
1320 Sur l’indétermination du paragraphe 3 de l’article 19 du Projet de 1996 voir J. Crawford, Premier
rapport sur la responsabilité des États, Add.1, cit., p. 4, § 49.
1321 Sur la méthode de définition des crimes des personnes morales en droit interne voir J. PRADEL,
Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 361.
1322 Voir J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États, Add.1, cit., p. 4, § 49; C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 128, § 243.
1323 Sur la criminalisation des infractions des individus et des personne morales contre l’environnement
en droit interne voir A.I.D.P., Protection pénale du milieu naturel, Actes du Colloque préparatoire sur la
deuxième question du XII Congrès international de droit pénal, Jablona, 29 mai-2 juin 1978, in R.I.D.P.,
1978, p. 7 s. (articles 1-365). Sur les crimes contre l’environnement, en général, voir A.I.D.P., Les
atteintes à l’environnement, Colloque préparatoire du XX Congrès international de droit pénal, Ottawa
(Canada), 2-6 novembre 1992, in R.I.D.P., 1994, 3/4 trim., p. 633 s. Sur la criminalisation internationale
des infractions contre l’environnement voir, notamment, M. Prabhu, Rapport général au Colloque
préparatoire de l’A.I.D.P. sur les atteintes contre l’environnement, Ottawa (Canada), 2-6 novembre 1992,
in R.I.D.P., 1994, 3/4 trim., p. 667-669.

370
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

criminelles exemplaires disparaîtrait, tout d’abord car ce n’est pas une façon de
procéder souhaitable en droit pénal, mais surtout parce que les conduites criminelles
seraient définies de façon précise grâce au renvoi aux crimes définis dans le Statut de la
C.P.I. L’agression et l’intervention, par contre, ne sont pas définies au niveau
individuel, notamment dans le Statut de la C.P.I. En ce qui concerne l’agression on
pourrait rappeler la définition donnée par la Résolution 3314 (XXIX) de 1974 de
l’Assemblée générale des N.U. Quant à l’intervention le problème est plus complexe. Il
s’agit, en effet, d’une conduite générale, n’étant pas définie de façon univoque et
certaine en droit international, qui embrasse bon nombre d’actions, allant de
l’émanation des lois pour régler les affaires d’un autre État jusqu’à l’agression, qui peut
être définie comme une intervention armée.1324 Même si la définition de l’intervention
est générique et peut être critiquée, nous l’avons introduite dans l’article car elle
englobe l’agression et elle est susceptible de développements intéressants.1325 Le crime
visé à l’alinéa d), contre la justice internationale, aurait la fonction de permettre à la
C.P.I. de déclencher les mesures exécutives, sous l’égide du C.d.S., en cas de violation
de ses ordres et donnerait efficacité à l’ensemble du système, substantiel et procédural.
La responsabilité de l’État, aux termes du paragraphe 4 alinéa c), subsisterait, aussi, en
cas d’omission de prévention et de contrôle de l’acte criminel d’un organe.
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Naturellement, la faute étatique serait engendrée par la faute par omission d’un autre de
ses organes.1326

1324 Sur le problème de la définition de l’intervention voir J. M. THOUVENIN, L’intervention, in H.


ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 447 s.; L.S. SUNGA, The
Emerging System of International Criminal Law, cit., p. 63 s.; V. PELLA, La codification du droit pénal
international, cit., p. 393-395. Sur le rapport entre l’intervention et l’agression voir M.S. SCHWEBEL,
Aggression, Intervention and Self-defence in Modern International Law, in R.C.A.D.I., 1972-II, vol. 136,
p. 414 s. Dans le réseau Internet voir l’adresse ‹http://www.iciss-ciise.gc.ca› (site de la Commission
internationale de l’intervention et de la souveraineté des États). Pour une définition possible de
l’agression et de l’intervention en tant que crimes voir l’article 1 du Projet de Code pénal international
élaboré par A. Levitt en 1929 in A.I.D.P., Projet de Code pénal international, rédigé par A. Levitt, 1929,
cit., p. 35-39, article 1.
1325 Sur la nécessité d’interdire l’intervention voir I. KANT, Zum ewigen frieden (Per la pace perpetua),
cit., p. 26-27.
1326 Sur la responsabilité étatique par omission voir M.-C. BASSIOUNI, Introduction au droit pénal
international, cit., p. 54. Pour une comparaison avec des hypothèses de crimes étatiques formulés par
d’autres auteurs, on rappellera que le Plan d’un Code répressif mondial, élaboré par V. Pella en 1935,
prévoyait l’existence du crime étatique en cas de: 1) Crime de guerre; 2) Emploi de moyens de guerre
interdits; 3) Recrutement de contingents militaires supérieurs à ceux autorisés; 4) Crimes contre
l’humanité; 5) Non répression, sur son territoire, des crimes dirigés contre l’indépendance d’un autre
État; 6) Tolérance d’activités contre les intérêts d’un autre État; 7) Immixtion dans les luttes politiques
intérieures d’un autre État; 8) Menace injustifiée de recours à la force ou à la violence; 9) Manœuvres
effectuées dans un but belliqueux; 10)Violation des immunités diplomatiques des représentants étrangers;
11) Falsification de monnayes et autres actions portant atteinte au crédit d’un autre État; 12) Tous autres
faits susceptibles de troubler les relations entre internationales, à prévoir par le Code (voir A.I.D.P., Plan
d’un Code répressif mondial, V. Pella, 1935, cit., p. 148-150, Titre 2ème (Nature des infractions), Chapitre
1er (Infractions commises par les États)). Pour les mêmes faits le Code prévoyait la responsabilité des
individus pour “avoir pris l’initiative ou avoir assuré la préparation ou l’exécution d’un des actes indiqués
aux points 1 à 12” (voir A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, V. Pella, 1935, cit., p. 150-151, Titre
2ème (Nature des infractions), Chapitre 2ème (Infractions commises par les individus)). Finalement, le Code
prévoyait la responsabilité des personnes juridiques autres que les États et “en tout premier lieu le fait
d’avoir favorisé la préparation ou l’exécution d’un des actes prévus aux points 1, 2, 4 et 11 du chapitre I”
(voir A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, V. Pella, 1935, cit., p. 152, Titre 2ème (Nature de
l’infraction) Chapitre 3ème (Infractions commises par des personnes juridiques autres que les États)). Pour
une possible définition des infractions étatiques voir, aussi, V. PELLA, La codification du droit pénal
international, cit., p. 376 s.; V. PELLA, De l’influence d’une juridiction criminelle internationale,
Rapport au Congrès de Bruxelles de l’A.I.D.P., 1926, cit., p. 398-411; U.I.P., Principes d’un Code

371
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Le cinquième paragraphe correspondrait au quatrième paragraphe de l’article 19 du


Projet de 1996, mais on substituerait le mot “délit” par l’expression “infraction
internationale simple”, conformément à la modification du titre.

§ 9.2. La position de l’article concernant les crimes des États au sein du Projet sur
la responsabilité des États.
L’article concernant les crimes des États devrait trouver sa place au sein du Projet
sur la responsabilité des États, faisant partie de la théorie générale de l’infraction
internationale étatique et codifiant les principes internationaux généraux en la matière.
Dans le Projet de 1996, il pourrait garder sa position en tant qu’article 19. Dans le
Projet de 2001, il devrait être placé, dans la deuxième partie, au sein du troisième
chapitre, qui règle, aux articles 40 et 41, les “violations graves d’obligations découlant
de normes impératives du droit international général”. On aurait, alors, plusieurs
solutions, selon la conception qu’on adopte de la notion de ius cogens, qui coïncide
avec le domaine des obligations erga omnes indivisibles absolues (normes impératives
du droit international général).1327
Concernant tant le Projet de 1996 que celui de 2001, sur un plan purement
terminologique, en acceptant l’existence du ius cogens, on pourrait, dans toutes les
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dispositions faisant référence au ius cogens, substituer l’expression “obligations


découlant de normes impératives du droit international général” (ius cogens), par
l’expression “obligations erga omnes indivisibles absolues”, sans changement de
substance, pour des raisons de brièveté, de clarté et de parallélisme avec la conception
relative de l’obligation erga omnes, notamment indivisible.
Concernant le Projet de 1996, selon la différente conception de la catégorie du ius
cogens, il faudrait reconsidérer quelques dispositions. Ainsi, si l’on n’acceptait pas la
catégorie du ius cogens, à l’article 18 § 2 il faudrait prévoir que la survenance d’une
obligation erga omnes indivisible relative exclue l’illicéité de la conduite étatique
illicite. Également, à l’article 29 § 2, prévoyant le consentement de l’État lésé comme
cause de justification, sauf en cas de violation d’une norme impérative, et à l’article 33
§ 2 a), prévoyant que l’état de nécessité excuse, sauf en cas de violation d’une norme
impérative, on se verrait obligés de prévoir que le consentement et l’état de nécessité
n’excluent pas l’infraction en cas de violation d’une obligation erga omnes indivisible
relative, ou bien en cas de crime. D’ailleurs, la non-reconnaissance de la catégorie des
obligations erga omnes indivisibles absolues, ou la conception exclusivement relative
du crime international, amènerait à la suppression du paragraphe 3 de l’article 40, aux
termes duquel, en cas de crime de l’État, l’expression “État lésé” désigne tous les autres
États de la communauté internationale; dans ce cas, au paragraphe 2 lettre f) il faudrait
prévoir que tous les États parties à un traité multilatéral sont lésés par un crime
international (violation d’une obligation erga omnes indivisible relative). Dans la même
ligne, en rejetant la notion du ius cogens, il faudrait substituer au concept de norme
impérative du droit international général celui d’obligation erga omnes indivisible au

répressif des nations, par V. Pella, 1925, cit., p. 77-78, principe 9. L’Avant-Projet de Code pénal
international de Q. Saldaña prévoyait, aux article 43-44, la responsabilité criminelle de l’État pour
agression, entendue au sens large, comme recours à la force, ou pour manquement à d’autres
engagements internationaux (voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale,
1925, cit., p. 404, article 43 (Responsabilité de l’État pour agression), article 44 (Responsabilité de l’État
pour manquement)).
1327 Sur la notion de ius cogens et sur sa relation avec les crimes des États voir les considérations que
nous avons fait au cours de l’étude de l’infraction criminelle de l’État. Pour un encadrement général de la
notion voir P.-M. DUPUY, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 156 s.

372
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

sens relatif à l’article 43 § 1 b), qui exclue la restitution en nature si elle implique la
violation d’une norme impérative de droit international général, et celui de crime ou de
violation d’une obligation erga omnes indivisible au sens relatif à l’article 50 § 1 e), qui
exclue l’adoption des contre-mesures contrevenant aux normes impératives de droit
international général.1328 En outre, à l’article 37 (lex specialis) il faudrait prévoir que les
normes concernant les violations criminelles et les violations d’obligations erga omnes
indivisibles (au sens absolu ou relatif) ne peuvent pas être dérogées.
Concernant le Projet de 2001, sur le plan conceptuel, si l’on accepte l’idée de la
coïncidence de la notion de crime avec la violation du ius cogens, on doit substituer
l’article 40 par l’article concernant les crimes étatiques.
Si l’on conçoit le crime international comme catégorie plus restreinte par rapport à
celle du ius cogens, on peut, tout simplement, insérer l’article concernant les crimes
entre les articles 40 et 41, sans aucune modification, pour créer une triple figure
d’infraction étatique: le crime, en tant que violation supérieure du ius cogens, la
violation du ius cogens non criminelle et l’infraction simple. Cette option avait été
envisagée par la C.D.I. au cours de l’élaboration de la deuxième lecture du Projet.1329
Tant en adhérent à l’idée de la coïncidence des domaines des crimes étatiques et du
ius cogens qu’à la conception des crimes étatiques comme catégorie plus étroite par
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rapport à celle du ius cogens, on pourrait, pour des raisons d’identité terminologique
avec les autres dispositions du Projet, substituer, dans le paragraphe 2 de l’article
concernant les crimes, les mots “d’une obligation internationale fondamentale de la
communauté internationale dans son ensemble (au sens relatif ou absolu)” par
l’expression “d’une obligation découlant d’une norme impérative de droit international
général (ou, également: d’une obligation erga omnes indivisible absolue)”. On aurait,
par conséquent, que: “2. Un crime de l’État (ou d’une organisation internationale) est la
violation d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit international
général (ou, également: d’une obligation erga omnes indivisible absolue)”.
Si l’on refuse radicalement la notion de ius cogens ou si l’on estime, quand même,
que la responsabilité internationale criminelle ne peut avoir qu’une portée relative, il
faut substituer l’article 40 par l’article concernant les crimes en tant que violations
d’obligations erga omnes indivisibles relatives. De façon tout à fait cohérente, il faudra
changer le titre du chapitre 3 de la deuxième partie en le référant aux crimes
internationaux plutôt qu’aux violations du ius cogens.
Parallèlement, à l’article 41, il faudrait prévoir que les conséquences d’une violation
grave d’une obligation internationale s’appliquent non (seulement) en cas de violation
du ius cogens, mais (aussi) en cas de crime international.
D’ailleurs, d’autres dispositions du Projet de 2001 dépendent de la conception de la
nature du ius cogens ainsi que de la conception, absolue ou relative, de l’obligation erga
omnes. Ainsi, si l’on niait l’existence de la catégorie du ius cogens ou l’on ne concevait
qu’une responsabilité internationale pénale relative, l’exclusion de l’application de
l’état de nécessité comme cause d’exonération de la culpabilité s’appliquerait seulement
en cas de violation d’une obligation erga omnes au sens relatif à l’article 25 § 1 b).
D’ailleurs tout cas de circonstance excluant l’infraction, en vertu de l’article 26,

1328 Sur l’impossibilité de l’action criminelle en contre-mesure voir C. LEBEN, Contre-mesures, cit., p.
10, § 68-69. À propos de l’article 50 du Projet de 1996, il est intéressant de noter qu’une partie de la
doctrine soutient l’opportunité de substituer au concept de ius cogens non pas une notion plus étroite,
mais celle, plus large, d’obligation erga omnes absolue (voir O. LOPEZ PEÑA, Counter-claims and
Obligations erga omnes before the I.C.J., cit., p. 732; G. GAJA, Obligations erga omnes, International
Crimes and ius cogens. A Tentative of Analysis of Three Related Concepts, cit., p. 156, note 18).
1329 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-deuxième session, cit., p. 38, § 19.

373
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

n’opérerait pas en cas de violation du ius cogens (obligation erga omnes indivisible
absolue), d’une obligation erga omnes indivisible relative, ou de crime international. De
la même façon les sanctions prévues à l’article 33 § 1, sans la catégorie des obligations
erga omnes absolues, ne pourraient pas s’appliquer envers la communauté dans son
ensemble au sens absolu mais seulement au sens relatif et, corrélativement, tous les
États ne pourraient invoquer la violation d’un droit en vertu de l’article 42 § 1 b) et 48 §
1 b), mais seulement tous les États membres du Traité (communauté internationale dans
son ensemble au sens relatif), titulaires des droits violés. Également, sans la catégorie
du ius cogens, l’adoption des contre-mesures serait exclue, aux termes de l’article 50 §
1 d), non pas en cas de violation d’une norme impérative du droit international général,
mais en cas de violation d’une obligation erga omnes indivisible absolue ou bien
relative.1330 A l’article 55 (lex specialis) il faudrait prévoir que les normes concernant
les violations criminelles et les violations d’obligations erga omnes indivisibles (au sens
absolu ou relatif) ne peuvent pas être dérogées.
Sur un autre plan, il faudrait introduire, dans le Projet de 2001, un nouveau
paragraphe 2 à l’article 45, prévoyant que la renonciation au droit d’invoquer la
responsabilité de l’État auteur de l’infraction, une sorte de cause d’extinction de la
responsabilité, n’opère pas en cas de crime.
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§ 9.3. Solutions procédurales aux problèmes du système actuel.


Du côté de la procédure on souligne, en doctrine, la différence déconcertante qui
subsiste entre les mécanismes relatifs à la responsabilité des individus et ceux relatifs à
la responsabilité des États, de sorte que le développement relatif des procédures
concernant les individus rend encore plus évidente l’absence d’une procédure légale
apte à la responsabilité majeure des États.1331
La solution la plus cohérente pour sortir des problèmes du système actuel consiste à
enlever aux États et au Conseil de sécurité le pouvoir de juger les infractions majeures
étatiques pour le confier à une Cour objective et impartiale.1332 En outre la compétence
de cette juridiction devrait être obligatoire.1333
Certains auteurs, constatant l’absence de mécanismes efficaces pour faire respecter
les valeurs fondamentales de la communauté internationale, considèrent que “mettre le
Conseil de sécurité sous haute surveillance démocratique en attendant son indispensable
réforme” et “exiger que la compétence des tribunaux internationaux, civils ou pénaux,
devienne obligatoire” constitueraient les “premières expressions d’un ordre public

1330 Pour une vision critique des dispositions en question voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de
sa cinquante-troisième session, cit., p. 208 s.
1331 Voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility
in International Law, cit., p. 627.
1332 Conformément voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 4, § 5,
p. 26 s, § 70 s.; J. Crawford, Premier rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 4, § 81. Sur le
problème de la détermination de l’organe chargé de juger le crime étatique voir C.D.I., Rapport à l’A.G.
sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit., p. 368-369, § 261-269; Sixième Commission, Résumé
thématique des débats tenus pendant la cinquantième session sur les travaux de la C.D.I. de sa quarante-
septième session, doc. A/CN.4/472/Add.1, cit., p. 24 s., § 86 s. Pour une étude des juridictions en droit
international voir C. SANTULLI, Les juridictions de droit international: essai d’identification, in
A.F.D.I., 2001, XLVII, p. 41 s.
1333 L’article 31 du Projet d’Accord pour l’institution d’une Organisation permanente pour le maintien de
la paix, proposé par H. Kelsen en 1944, prévoit la possibilité, pour l’un des États membres de
l’Organisation partie à un différend, de le soumettre au jugement d’une Cour ayant compétence
obligatoire (voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 166).

374
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

international qui puisse faire barrage à l’ordre impérial”.1334 Objecter qu’une Cour de
telle sorte aurait du mal à juger un État puissant ou une question politiquement
problématique signifie contrevenir au principe élémentaire de l’égalité des sujets face à
la loi, en déplaçant le discours sur un plan autre que celui du droit.1335
Selon l’opinion d’une doctrine influente, l’institution d’une Cour efficace serait le
premier pas vers l’institution d’un régime de paix et, même, vers la constitution d’un
État mondial fédéral, indispensable pour atteindre la paix. Suivant cette interprétation
l’évolution historique du droit, en général, serait un procès continu de centralisation, de
sorte que, nécessairement, même la communauté internationale tendrait à ce but. En
outre la mise en place des Cours, pour la solution des cas concrets, précèderait la
centralisation des fonctions législatives dans les Parlements, comme le démontre le fait
que la signification originaire du terme “Parlement” était celle de “Cour”. D’ailleurs au
début, dans les sociétés primitives, les Cours devaient être des simples arbitres, moyens
de solution des controverses alternatifs par rapport à l’autodéfense, tandis que le
passage à la centralisation de la force dans les Cours, par le biais des organes de police
exécutifs, aurait été réalisé ensuite, déterminant la constitution des sociétés civilisées.
La centralisation du pouvoir législatif et celle du pouvoir exécutif seraient, alors, de pas
ultérieurs par rapport à la constitution d’une Cour effective. Si l’évolution du droit
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international, actuellement décentralisé et dominé par le principe de l’autodéfense au


niveau général, allait dans cette direction, on pourrait éliminer le principe de
l’autodéfense dans la communauté internationale, favorisant ainsi la tendance à la
centralisation du pouvoir en commençant par un organe juridictionnel.1336 Dans ce
cadre les normes sur la responsabilité, secondaires, seraient beaucoup plus importantes
que les normes primaires, réglant les actes licites, car un juge pourrait exister sans un
législateur, mais un législateur ne pourrait pas exister sans un juge.1337
La mise en place d’une Cour internationale effective, impliquant, nécessairement,
l’adoption du principe de la juridiction obligatoire, ne serait pas forcement contraire au
principe de l’égalité souveraine des États.1338 Par l’expression “égalité souveraine” il

1334 Voir M. CHEMILLER-GENDRAU, Contre l’ordre impérial, un ordre public démocratique et


universel, in Le Monde Diplomatique, n. 585, décembre 2002, in ‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p.
23.
1335 Voir J. BARBOZA, International Criminal Law, cit. p. 108. Sur le rapport entre la problématique
juridique et celle politique concernant l’institution d’une juridiction obligatoire voir J.L. KUNZ,
Compulsory International Adjudication and Maintenance of Peace, in A.J.I.L., 1944, october, vol. 38, n.
4, p. 673-678.
1336 Voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik
(Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 153. En revanche, dans le sens que la juridiction ne
précéderait pas mais serait coexistante avec le pouvoir législatif voir A. DESCENDIÈRE-
FERRANDIÈRE, Essai critique sur la justice internationale, in R.G.D.I.P., 1934, t. 41, p. 149-163.
1337 Voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 58 s.; H.
LAUTERPACHT, The Function of the Law in the International Community, cit., p. 420.; R. MAISON,
Les ordonnances de la C.I.J. dans l’affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide, cit., p. 382. Sur l’idée d’un État fédéral comme solution pour aboutir
à la paix voir I. KANT, Zum ewigen frieden (Per la pace perpetua), cit., p. 37 s. Conformément voir G.
Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 35-37, § 150-154. Pour
des considérations critiques sur la pensée de H. Kelsen en matière d’évolution du droit international voir
F. RIGAUX, Hans Kelsen on International Law, cit., p. 317-318. Pour des considérations sur la pensée
de Lauterpacht voir I. SCOBBIE, The Theorist as a Judge: Hersch Lauterpacht’s Concept of the
International Judicial Function, cit., p. 270 s.
1338 Sur le principe de l’égalité souveraine des États voir A. LEJBOWICZ, Philosophie du droit
international, cit., p. 22-25; M. FLORY, Souveraineté, in D. CARREAU et al., Encyclopédie juridique
Dalloz – Répertoire de droit international, Paris, Dalloz, 1998, t. III, p. 1-8; B. KINGSBURY,
Sovereignity and Inequality, in E.J.I.L., 1998, vol. 9, n. 4, p. 599 s.; H. KELSEN, The Principle of

375
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

faut entendre non pas l’égalité des devoirs et des droits étatiques, mais le fait que les
États peuvent s’obliger seulement par sa propre volonté, en passant par le contrat, sur
une base d’égalité: “égalité” est synonyme d’autonomie, donc de souveraineté.1339 Il est
possible, alors, que les États renoncent à une partie de leur souveraineté pour la confier
à un organe supérieur, capable d’adopter des décisions obligatoires.1340
La Cour pourrait aisément prendre ses décisions à la majorité simple, car cette
pratique est largement acceptée en droit international. Probablement l’acceptation de la
décision à la majorité au sein des Cours, comme mécanisme conforme au principe de
l’égalité souveraine des États, est due à la considération que la Cour n’est pas en mesure
de créer le droit, mais qu’elle doit, tout simplement, se limiter à appliquer le droit déjà
en vigueur entre les États: elle serait une sorte d’assurance du status quo. En réalité une
partie de la doctrine remarque que la Cour peut faire évoluer le droit, même si de façon
plus lente par rapport aux organes de nature législative, par le biais de la décision du cas
concret.1341 En outre l’organe judiciaire présente l’avantage de l’impartialité, car un
juge ne représente pas l’État qui l’a nominé, en d’autres termes il n’est lié à aucun
gouvernement, sous peine de perdre son statut.
Rien n’empêche, donc, de penser à la mise en place d’une Cour internationale ad hoc
pour juger les crimes des États.1342 Dans la même ligne mais plus simplement, on peut
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songer à l’établissement d’une compétence pénale de la C.I.J.1343 Alternativement, on


peut envisager le jugement des crimes des États par la Cour pénale internationale
actuellement compétente pour juger les crimes des individus: cette solution présuppose
un travail de coordination de droit matériel avant que procédural.1344

Sovereign Equality of States as a Basis for International Organization, in Yale L.J., 1944, p. 207 s.; H
KELSEN, Sovereignity and International Law, in The Georgetown Law Journal, 1960, n. 48, p. 627.
1339 Sur la conception de la souveraineté comme degré d’autonomie de l’État par rapport aux normes
contraignantes du droit international voir H.L.A. HART, The Concept of Law (Il concetto di diritto), cit.,
p. 256-258. La C.P.J.I., au cours de l’affaire de l’Union douanière entre l’Allemagne et l’Autriche, en
1931, a affirmé que, par souveraineté de l’État, il faut entendre que “ce dernier reste le seul maître de ses
décisions aussi bien dans le domaine économique que dans le domaine politique, financier ou autre” (voir
C.P.J.I., Régime douanier entre l’Allemagne et l’Autriche, avis consultatif du 5 septembre 1931, in
C.P.J.I., série A/B, 1931, n. 41, p. 45).
1340 Sur la structure “horizontale” de la communauté internationale voir les considérations introductives.
En doctrine voir G. ABI-SAAB, Wither the International Community?, cit., p. 248 s. Sur la question de
l’institution d’une Cour internationale capable de juger les États de façon contraignante voir H. KELSEN,
Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 71 s. Pour des considérations sur la pensée de
Kelsen voir D. ZOLO, Hans Kelsen: International Peace through International Law, cit., p. 306 s.
1341 Voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik
(Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 123.
1342 Sur cette solution voir, en doctrine, C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième
session, cit., p. 135, § 314. En doctrine voir P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime international de
l’État”, cit., p. 481. En faveur d’une forme de procédure alternative pour juger les violations de la paix,
confiée à un organe juridictionnel, au moins dans la phase initiale de l’appréciation, J. HOGAN-DORAN,
B.T. VAN GINKEL, Aggression as a Crime under International Law and Prosecution of Individuals by
the Proposed International Criminal Court, cit., p. 348. D’ailleurs, si une partie de la doctrine considère
l’absence d’une cour pénale internationale capable de juger les individus comme un manquement
structurel du droit international, l’absence d’une cour du même type, compétente à l’égard des États,
devrait être considérée de la même façon (voir J. CRAWFORD, The Internationalization of Criminal
Law – Remarks, cit., p. 301).
1343 Sur cette possibilité voir P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime international de l’État”, cit., p.
485; G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 343; G. GILBERT, The Criminal Responsibility of
States, cit., p. 351. Pour une critique de cette solution voir C.D.I., Comptes rendus analytiques de la
vingt-huitième session, cit., p. 78, § 39.
1344 Cette hypothèse a été avancée au cours des travaux de la C.D.I. sur la responsabilité des États (voir
C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 135, § 314). Dans cet

376
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

L’introduction d’une Cour en tant qu’organe compétent pour juger les crimes des
États rendrait souhaitable la création d’un organe exécutif capable de coordonner
l’action des États nécessaire pour faire respecter les sanctions: une telle institution serait
subsidiaire par rapport à la Cour.1345 Il faudrait, notamment, y avoir recours pour
exécuter la sanction impliquant l’obligation d’arrêter la conduite illicite, mais cela vaut,
en général, pour toutes les formes de sanction. On pourrait envisager l’exploitation du
Conseil de sécurité des N.U. dans ce rôle, étant donnée sa nature de force de police
internationale, en ôtant aux membres permanentes le droit de veto et en adoptant un
système rapide de décisions à la majorité simple. Pour que l’action de l’organe exécutif
central soit efficace, en cas d’emploi de la force armée, on devrait le douer d’une force
armée internationale ou multinationale plus puissante que celle de chaque État. La force
armée internationale présenterait l’avantage d’être immédiatement à la disposition de
l’organe exécutif, tandis que les forces multinationales sont, naturellement, moins
rapides à déployer. On pourrait songer à une solution intermédiaire, impliquant le
déploiement de la force internationale pour les exécutions rapides, intégrée par des
forces multinationales. L’action exécutive des États, possiblement sous la direction d’un
organe central, serait efficace seulement à la condition que les États, au niveau absolu
ou relatif, s’obligent à limiter les armements. Le dépassement des limites des
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

armements pourrait devenir une nouvelle figure de crime international de l’État en tant
que tentative de violation du droit à l’existence, à la souveraineté et à
l’autodétermination dans le cadre de l’alinéa a) du paragraphe 4 de l’article sur la
responsabilité criminelle tel que nous l’avons formulé.
Toutes les sanctions pourraient être imposées, par la Cour, à titre préventif, comme
mesures de sécurité, au cours de la procédure de jugement.
Sans aller aussi loin, une partie de la doctrine propose des solutions “souples”.
Dans une optique strictement politique, on songe à introduire, au moins, quelques
formes de surveillance du juge sur l’action du Conseil de sécurité, par exemple en
prévoyant un contrôle obligatoire de la C.I.J. sur les décisions du C.d.S., par le biais
d’une procédure en deux phases. Cette vérification pourrait assumer plusieurs formes:
on songe, notamment, à l’hypothèse d’un avis consultatif obligatoire, préventif ou
successif, ou bien à la solution d’une décision successive de la C.I.J., en voie
contentieuse, comme une sorte d’appel de la décision du Conseil de sécurité, mais
préventive par rapport à l’exécution de la sanction. Cette approche, toutefois,
engendrerait, probablement, une certaine tension entre la C.I.J. et le C.d.S.1346
La même solution est envisagée pour l’A.G.N.U., qui pourrait, après avoir constaté
l’existence d’un crime étatique, faire des recommandations qui légitiment l’action
ultérieure des États: la C.I.J. jouerait le rôle d’instance préventive, par le biais de l’avis
consultatif, ou successive, en voie contentieuse.1347
Une autre proposition vise l’institution d’une Commission de juristes indépendante,
comme dans la pratique de la S.d.N., dotée d’un procureur, nommé par les organes

ordre d’idées et pour des considérations sur l’importance d’une procédure de jugement correcte pour
donner effectivité au droit matériel dans les domaine des crimes des États voir G.T. BLEWITT, The
Necessity for Enforcement of International Humanitarian Law, cit., p. 299.
1345 En faveur de cette solution voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit.,
p. 92. Pour des considérations sur la pensée de H. Kelsen voir D. ZOLO, Hans Kelsen: International
Peace through International Law, cit., p. 320 s.
1346 Voir G. ARANGIO-RUIZ, Fine prematura del ruolo preminente di studiosi italiani nel progetto di
codificazione della responsabilità degli Stati: specie a proposito di crimini internazionali e dei poteri del
Consiglio di sicurezza, cit., p. 118 s. (notamment note 11); G. GAJA, Réflexions sur le rôle du Conseil de
sécurité dans le nouvel ordre mondial, cit., p. 314 s.
1347 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 134-135, § 314.

377
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

politiques des N.U., l’A.G. ou le C.d.S., capable d’enquêter sut tout fait passible de
constituer un crime international.1348 Cette option, toutefois, n’offre pas toutes les
garanties d’objectivité assurées par une procédure judiciaire.
Dans un ordre d’idées complètement différent on propose de juger les crimes
internationaux par le biais de l’arbitrage.1349
Alternativement, on songe à une réponse en contre-mesure des États lésés,
éventuellement filtrée par le consensus des autres États parties au Traité sur la
responsabilité des États, suivie par une éventuelle procédure judiciaire, a posteriori,
devant la C.I.J.1350 Cette solution repose, toutefois, sur une conception décentralisée de
la réaction à l’acte illicite et pose le sérieux problème de la contradiction entre la
décision de la Cour et l’action entreprise en contre-mesure.
Une doctrine influente pense, plus simplement, à l’application de la procédure
d’exclusion d’un État de l’O.N.U., reconnue par l’article 6 de la Charte, en application
du chapitre V § 3 des Propositions de Dumbarton Oaks, quoique cette solution extrême
présente plusieurs difficultés d’application.1351 Une telle possibilité était déjà envisagée
à l’article 16 § 4 du Pacte de la S.d.N., qui prévoyait l’exclusion de la Société de “tout
Membre qui s’est rendu coupable de la violation d’un des engagements du Pacte […]
par le vote de tous les autres Membres de la Société représentés au Conseil”. Elle était
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réaffirmée à l’article 68 (Sanctions pénales contre les États délinquants – Exclusion de


la S.d.N.) de l’Avant-Projet de Code pénal international de Q. Saldaña de 1925.1352 La
critique la plus significative de cette solution réside dans le constat que l’exclusion
permettrait à l’État, du moins dans une optique relative, de ses soustraire aux
obligations de la Charte et à la discipline des crimes internationaux, notamment à
l’obligation concernant la limitation des armements, ce qui le rendrait libre de se
réarmer et de menacer l’ordre international: cette proposition s’avère incohérente avec
l’esprit et le but des normes sur la responsabilité criminelle des États.1353
En général les solutions souples seraient inefficaces parce qu’elles n’affrontent pas
de façon radicale les incohérences du système de droit international pénal.

§ 9.4. Le principe de la juridiction obligatoire et les crimes des États.


Afin que la Cour, compétente en matière de crimes des États, soit un organe effectif
et doué de primauté sur les autres organes qui agissent dans son même domaine, il
faudrait qu’on lui reconnaisse la faculté de juger les crimes étatiques de façon
contraignante. Celle-ci est la condition essentielle pour que le système de la

1348 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 133-134, § 312.
1349 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 135, § 314.
1350 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 135, § 314-316.
1351 Voir P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime international de l’État”, cit., p. 477. Voir aussi
C.D.I., Comptes rendus analytiques de la vingt-huitième session, cit., p. 86, § 5. Sur la procédure
d’exclusion voir C. LEBEN, Commentaire de l’article 6 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 195-206; L.M.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., p. 98-100, article 6.
1352 Voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. 411,
article 68 (Sanctions pénales contre les États délinquants – Exclusion de la S.d.N.).
1353 Conformément voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 97; H.
KELSEN, The Law of the United Nations. A Critical Analysis of Its Fundamental Problems, cit., p. 711-
712; V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 127.

378
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

responsabilité criminelle des États soit effectif. Il serait nécessaire, par conséquent, que
la juridiction de la Cour devienne obligatoire.1354
Il s’agirait, bien évidemment, d’une nouveauté absolue dans l’ordre juridictionnel
international, car actuellement, en droit international général, aucun État ne peut être
soumis au jugement d’une Cour contre son gré, en vertu du principe du consentement,
qui régit le règlement pacifique des différends. La nécessité d’exploiter l’accord des
parties pour introduire un recours juridictionnel est la conséquence de l’absence d’un
pouvoir supérieur aux États et de leur égalité souveraine.
Même au niveau du droit relatif, l’acceptation des clauses prévoyant la juridiction
obligatoire, lorsqu’elle est prévue, demeure facultative et les États ne s’engagent à les
respecter qu’à condition de réciprocité, pour des affaires strictement déterminés et pour
de périodes de temps limitées: le principe de la juridiction obligatoire n’a jamais été
réalisé de façon organique dans l’ordre international.
La Convention I de La Haye du 29 juillet 1899 prévoyait la seule possibilité, pour les
Puissances signataires, d’étendre “l’obligation du recours à l’arbitrage […] à tous les
cas où elles jugeront possible de les soumettre”.
L’Acte final de la Conférence de La Haye du 18 octobre 1907 reconnaissait
unanimement le principe de la juridiction obligatoire, néanmoins l’article 38 de la
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Convention I de La Haye du 18 octobre 1907 se limitait à reconnaître que “il serait


désirable que […] les Puissances contractantes eussent, le cas échéant, recours à
l’arbitrage, en tant que les circonstances le permettent”.
Un des projets du Statut de la C.P.J.I., élaborés en 1920 par le Comité consultatif ad
hoc mis en place par le Conseil de la Société des Nations, prévoyait l’application du
principe de la juridiction obligatoire. Selon ledit Projet, en effet, les États auraient pu
avoir recours à la C.P.J.I., de façon unilatérale, pour toute sorte d’infraction
internationale, après avoir essayé, en vain, les moyens de la diplomatie.1355 Le texte

1354 Sur la question de la juridiction obligatoire voir F. PRZETACZNIK, The Compulsory Jurisdiction of
the International Court of Justice as a Prerequisite for Peace, cit., p. 39 s., où on pourra retrouver un
rappel historique sur l’évolution du concept de juridiction obligatoire en fonction du droit international de
la paix. Voir aussi H. HOOVER, H. GIBSON, The Problems of Lasting Peace, Garden City, Donovan &
Co., 1942, p. 172; F.H. HINSLEY, Power and the Pursuit of Peace, cit., p. 15; W.B. ZIFF, The
Gentleman Talk of Peace, New York, 1944, p. 319. Dans plusieurs ouvrages H. Kelsen a essayé de
démontrer que la mise en place d’une juridiction obligatoire est le premier et indispensable pas vers une
réforme effective des relations internationales. Voir, notamment H. KELSEN, Peace through Law (La
pace attraverso il diritto), cit., p. 50 s.; H. KELSEN, Law and Peace in International Relations,
Cambridge, Harvard University Press, 1941; H. KELSEN, Essential Conditions of International Justice,
in Proc. A.S.I.L., 1941, p. 70 s.; H. KELSEN, International Peace by Court or Governement, in The
American Journal of Sociolgy, 1941, vol. 46, p. 571 s.; H. KELSEN, Discussion of Post War Problems,
in Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences, 1942, vol. 75, n. 1, p. 11 s.; H KELSEN,
Compulsory Adjudication of International Disputes, in A.J.I.L., 1943, july, vol. 37, n. 3, p. 397 s.; H.
KELSEN, Peace through Law, in Journal of Legal and Political Sociology, 1943, vol. 2, p. 52 s.; H.
KELSEN, The Strategy of Peace, in The American Journal of Sociology, 1944, vol. 49, p. 381 s. Pour des
considérations critiques sur la pensée de H. Kelsen en matière de juridiction obligatoire voir C. LEBEN,
Hans Kelsen and the Advancement of International Law, cit., p. 287 s.; L. CIAURRO, Kelsen e il
problema della pace, in Riv. Int. F.D., 1995, p. 263 s.; S. GORDON, Comment on Kelsen’s “Peace
through Law”, in Columbia L.R., 1945, n. 45, p. 667 s.; G. NIEMEYER, Comment on Kelsen’s “Peace
through Law”, in Harvard L.R., 1944-1945, p. 304 s. D’après A. PELLET, Can a State Commit a Crime?
Definitely, Yes!, cit., p. 429, l’introduction du concept de “crime de l’État” dans le Projet de la C.D.I. sur
la responsabilité des États implique, du côté juridictionnel, l’application du principe de la juridiction
obligatoire. Selon J. VEROHEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques réflexions, cit., p. 55,
l’absence d’une juridiction internationale obligatoire serait l’obstacle principal à la criminalisation des
États.
1355 Aux termes de l’article 31 du Projet de Statut de la C.P.J.I.: “The Court shall have jurisdiction to
hear and determine suite between States”, l’article 33 du Projet prévoyait que: “When a dispute arise

379
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

définitif du Statut de la C.P.J.I., adopté par l’Assemblée le 16 décembre 1920, par


contre, change radicalement la conception du déclenchement du procès pour les
infractions internationales et accepte le critère consensuel, en vertu duquel par le seul
biais de l’accord les États peuvent soumettre un différend à l’attention des juges.1356 La
juridiction de la C.P.J.I. aurait pu, donc, devenir obligatoire à l’égard des États,
seulement en application de l’article 36 de son Statut, en vertu de l’acceptation
volontaire par l’un quelconque des États signataires.
Une tentative d’introduire le principe de la juridiction obligatoire dans l’ordre
international a été faite, ensuite, par le biais du Protocole pour le règlement pacifique
des différends, adopté à Genève le 2 octobre 1924 par la cinquième Assemblée de la
Société des Nations, visant à amender le système mis en place par le Pacte de la S.d.N.
Tout d’abord l’article 3 du Protocole envisageait de rendre obligatoire la juridiction de
la C.P.J.I. pour les États signataires de son Statut, bien qu’en sauvegardant la possibilité
de formuler des réserves compatibles avec cette clause. En outre les articles 4 et 6
amendaient l’article 15 du Pacte de la S.d.N., concernant la réglementation des
différends par le Conseil et l’Assemblée, dans le sens que, au cas où ils n’auraient pas
réussi à donner une solution à l’unanimité à un conflit dont ils eussent été saisis, ces
organes auraient dû soumettre la question à l’arbitrage. Etant donnée l’application de la
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saisine unilatérale du Conseil et de l’Assemblée en vertu de l’article 15 § 1 du Pacte,


ces amendements auraient abouti à l’introduction du principe de la juridiction
obligatoire dans le système de la S.d.N., d’autant plus que les sanctions arbitrales,
obligatoires, auraient été exécutées par les Conseil, aux termes de l’article 4 § 6 du
Protocole, même si, en vertu des articles 7 et 8 du Protocole, le Conseil gardait ses
prérogatives majeures en cas d’agression. Ce mécanisme, par ailleurs, pouvait être
appliqué aux États non membres de la S.d.N. en vertu de l’article 16 du Pacte. Le
Protocole, cependant, n’entra jamais en vigueur.
Finalement le principe consensuel a été retenu dans la Charte des N.U. et dans le
Statut de C.I.J. L’article 36 du Statut de la C.I.J. établit, en effet, que: “La compétence
de la Cour s’étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront”, tandis que
l’article 95 de la Charte des N.U. autorise les États parties à soumettre leurs différends à
des tribunaux autres que la C.I.J.1357 Pourtant les Propositions de Dumbarton Oaks

between States, and it has been found impossible to settle it by diplomatic means, and no agreement has
been made to choose another jurisdiction, the party complaining may bring the case before the Court”,
aux termes de l’article 34 du Projet: “The Court shall also take cognisance of all disputes of any kind
which may be submitted to it by a general or particular convention between the parties. In the event of a
dispute as to whether a certain case comes within any of the above mentioned categories, the matter shall
be settled by a decision of the Court” (voir le texte des articles suivi de considérations critiques in F.
KELLOR, Security against War, New York, 1924, p. 458 s.). Voir, aussi, F. PRZETACZNIK, The
Compulsory Jurisdiction of the I.C.J. as a Prerequisite for Peace, cit, p. 55.
1356 Selon l’article 36 du texte définitif du Statut de la C.P.J.I.: “The jurisdiction of the Court comprises
all cases which the parties refer to it and all matters specially provided for in treaties and conventions in
force”. La rédaction du texte définitif suivait les critiques des États, notamment la France et l’Angleterre,
qui considéraient dangereuse l’acceptation de la possibilité qu’un État puisse amener en justice un autre
État contre sa volonté, de sorte que, selon une partie de la doctrine, représentée par des auteurs comme
B.C.J. Loder et H. Lafontaine, cette attitude signait la victoire du critère de la puissance sur le droit (voir
F. KELLOR, Security against War, New York, MacMillan Company, p. 461 s.). Selon F.
PRZETACZNIK, The Compulsory Jurisdiction of the I.C.J. as a Prerequisite for Peace, cit., p. 54,
l’élimination du principe de la juridiction obligatoire enlève presque toute efficacité à l’action de la
C.P.J.I. et, aussi, de la C.I.J. Sur l’application du principe de la juridiction volontaire à la C.P.J.I. voir H.
ARTHUR STEINER, Fundamental Conceptions of International Law in the Jurisprudence of the
Permanent Court of International Justice, in A.J.I.L., 1936, vol. 30, n. 3, july, p. 424-425.
1357 Voir J.-P. QUÉNEUDEC, Commentaire de l’article 95 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 1287-1289; L.M.

380
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

laissaient une certaine marge de manœuvre à la Conférence de S. Francisco en la


matière, car le chapitre VII section A-3 prévoyait que les parties à un différend
“devraient s’obliger, en premier lieu, à chercher une issue par le biais de la négociation,
de la médiation, de la conciliation, de l’arbitrage ou par la voie judiciaire ou par
d’autres moyens pacifiques de leur choix”. Finalement, cette disposition a été traduite,
dans le texte de la Charte des N.U., par la prévision que “d’une manière générale, les
différends d’ordre juridique devraient être soumis par les parties à la Cour
internationale de justice conformément aux dispositions du Statut” (article 36 § 3 de la
Charte), dans le cadre de la réglementation des rapports entre le C.d.S. et la C.I.J.
Pendant la Conférence de San Francisco, d’après la pensée du Rapporteur du Comité
IV/I, on constata “une nette divergence de vues […] le désir de voir s’instaurer la
compétence obligatoire de la Cour a dominé […] La crainte s’est toutefois manifesté
qu’en poursuivant la réalisation de cet idéal, on compromettait les possibilités de rallier
l’accord général tant au Statut de la Cour qu’à la Charte elle-même”.1358 L’introduction
du principe de la juridiction obligatoire aurait changé les rapports de force entre la Cour
et le Conseil, en faisant de la Cour l’organe responsable du respect de l’ordre
international en dépit du rôle de l’organe politique.1359
Bien que le principe de la juridiction obligatoire n’ait jamais été réalisé de façon
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satisfaisante, le critère de la juridiction volontaire demeure un moyen inefficace de


résolution des différends, car elle n’ajoute rien aux outils de la négociation et de la
conciliation, qui se fondent sur l’accord des parties au différend. Cette méthode, déjà
déficitaire par rapport aux infractions ordinaires, est totalement insuffisante par rapport
aux violations majeures des États.1360 Le principe de la juridiction obligatoire devrait
être interprété, dans le domaine de la responsabilité majeure, voire pénale, non
seulement dans le sens que l’État offensé peut agir unilatéralement, devant la Cour,
contre l’État auteur de l’infraction, mais aussi dans le sens que l’organe chargé de juger
les crimes étatiques devrait pouvoir entamer le procès librement, comme qu’il ait connu
les faits en questions. Seulement de cette façon l’efficacité des relations serait assurée et
on parviendrait à l’effectivité du droit: le début du procès international pour les
infractions majeures des États ne pourrait pas s’éloigner du schéma typique des

GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., article 95, p. 558-559.
1358 Voir U.N.C.I.O., vol. XIII, p. 416, Rapport du Rapporteur du Comité IV/I, doc. 913, IV/I/74(I).
Voir, aussi, B. STERN, Commentaire de l’article 36 de la Charte des N.U., cit., p. 622.
1359 Voir F. KELLOR, Security against War, cit., p. 59, d’après lequel la négation du principe de la
juridiction obligatoire serait d’autant plus grave dans la Charte des N.U. et le Statut de la C.I.J. car les
représentants étatiques savait déjà, par l’expérience faillie de la C.P.J.I., qu’une juridiction consensuelle
aurait été inefficace.
1360 Conformément voir F. PRZETACZNIK, The Compulsory Jurisdiction of the I.C.J. as a Prerequisite
for Peace, cit., p 61 et 65. Dans la pratique, il suffit de rappeler que, pendant les années 1940, même si
l’Autriche, la Danemark et la Norvège avaient accepté le principe de la juridiction obligatoire de la
C.P.J.I., les différends avec l’Allemagne Nazie ne pouvaient pas être jugés car cette dernière ne partageait
pas le même principe (voir F. KELLOR, Security against War, cit., p. 468); de la même façon, pendant
les années 1939-1940, la Russie a pu agresser la Lituanie, l’Estonie, et la Finlande, car, en n’acceptant
pas le principe de la juridiction obligatoire, à différence de ces dernières États, elle a pu agir sans devoir
soumettre préalablement la question à la C.P.J.I. (voir F. KELLOR, Security against War, cit., p. 468).
Au présent on remarquera que même les États qui acceptent la juridiction obligatoire de la C.I.J., en vertu
de l’article 36 § 2 de son Statut (clause facultative de juridiction obligatoire), normalement excluent du
nombre des violations soumises audit critère les actes illicites les plus graves (voir F. PRZETACZNIK,
The Compulsory Jurisdiction of the I.C.J. as a Prerequisite for Peace, cit., p. 61).

381
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

procédures pénales internes.1361 Par ailleurs, ce schéma d’introduction du procès


constituerait le pendant du principe de l’attribution de la fonction judiciaire à une Cour
centrale impartiale et de l’organisation de l’action exécutive de la sanction finale autour
d’un organe spécifiquement établi, qu’il soit le Conseil de sécurité ou bien une autre
institution internationale. L’application des critères de la juridiction obligatoire
centralisée et de la centralisation de l’action exécutive augmenterait, avec toute
probabilité, la capacité du système du droit international de prévenir la commission des
infractions graves, donc son efficacité, assurant une meilleure protection des intérêts
fondamentaux de la communauté internationale.

§ 9.5. Applications possibles du principe de la juridiction obligatoire aux crimes


des États.
Une fois établie la nécessité d’introduire le principe de la juridiction obligatoire, en
ligne de principe, dans les procès concernant les crimes des États, il faut comprendre
quelles peuvent être les solutions pour sortir de l’impasse dans l’ordre juridique
international actuel.
Dans le droit international général, en raison de son organisation complètement
décentralisée, il n’existe pas d’organes qui puissent exercer une juridiction
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

contraignante à l’égard des États.


Dans le droit international relatif, le Conseil de sécurité est le seul organe qui a un
pouvoir qui ressemble à celui du ministère public et qui exerce une sorte de juridiction
obligatoire, car il jouit d’un large pouvoir discrétionnaire dans la prise de décisions en
matière d’infractions graves.1362
L’organe judiciaire international par excellence, la C.I.J., en revanche, ne peut pas
procéder motu proprio dans le jugement des crimes étatiques. Pour cette raison, au cas
où l’on voudrait confier la compétence en matière de crimes internationaux à la C.I.J., il
faudrait en modifier le Statut pour créer un procès d’ordre criminel avec des
caractéristiques spécifiques, conformes à l’organisation matérielle des actions illicites
majeures.1363 Dans ce sillage le deuxième Rapporteur sur la responsabilité des États, W.

1361 En faveur de l’application du principe de la juridiction obligatoire à tous les faits illicites
internationaux voir la pensée de Gerohus de Regensburg in H. HOOVER, H. GIBSON, The Problems of
Lasting Peace, cit., p. 172, celle de W. Wilson in E.D. CRONON, The Political Thought of Woodrow
Wilson, Indianapolis, Bobbs-Merrill, 1965, p. 456, celle de James Mill in F.H. HINSLEY, Power and the
Pursuit of Peace, cit., p. 90, celle de F. Passy et H. Richard in F.H. HINSLEY, Power and the Pursuit of
Peace, cit., p.128, celle de R. Fernandez in F. KELLOR, Security against War, cit., p. 468, celle de F.
Cunningham in M. CURTI, Peace or War, New York, 1972, p. 213, d’après lequel il faudrait appliquer
des sanctions économiques, notamment l’embargo, aux États qui n’acceptent pas de soumettre les
différends internationaux au jugement d’un arbitre. Dans le même sillage voir A. EINSTEIN, Ideas and
Opinions, London, Alvin Redman Limited, 1956, p. 101; A. EINSTEIN, On Peace, New York, O.
Nathan & H. Norden eds., 1981, p. 168; D. LANGE, On Peace, in New York Times, 25 oct. 1925, p. A14.
En faveur de l’application du principe de la juridiction obligatoire dans le domaine des actes illicites
mineurs mais pas dans le domaine des conflits qui regardent les intérêts vitaux des États voir l’opinion de
J.C. Bluntschli in F.H. HINSLEY, Power and the Pursuit of Peace, cit., p. 128 et 135.
1362 Sur la possibilité de conférer au C.d.S. le pouvoir d’établir l’existence d’un crime de l’État, ayant
obligatoirement entendu, au préalable, un Comité de juristes, voir D.W. BOWETT, Crimes of State and
the 1996 Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit., p. 170.
1363 D’après la remarquable proposition de F. PRZETACZNIK, The Compulsory Jurisdiction of the
I.C.J. as a Prerequisite for Peace, cit., p. 64-67, il faudrait parvenir à la juridiction obligatoire de la C.I.J.
via l’amendement des articles 93 et 94 de la Charte des N.U. et des dispositions reliées du Statut de la
C.I.J. Suivant ladite proposition l’article 93 devrait disposer que, en cas de non-aboutissement des
moyens diplomatiques dans l’espace de six mois, les États devraient déférer toute sorte d’affaire
contentieuse, plus ou moins grave, à la C.I.J., conformément l’article 94 devrait prévoir que, en cas
d’inexécution de la sanction imposée par la C.I.J., dans l’espace de six autres mois, chaque État puisse

382
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

Riphagen, avait prévu, à l’article 4 de la troisième partie de son Projet, la juridiction


obligatoire de la C.I.J. en matière de crimes étatiques dont à l’article 19 de la première
partie du Projet, disposant que tout État, en cas de crime “peut, par une requête, le
soumettre à la décision de la C.I.J.”.1364 D’après l’opinion du troisième Rapporteur
spécial sur le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États, G. Arangio-Ruiz, il
faudrait créer les organes juridiquement habilités à enquêter, à jouer le rôle de
“ministère public” pour déférer l’affaire à la Cour, à déterminer les sanctions et imposer
l’exécution du prononcé “pénal” de la Cour.1365 Plus concrètement, dans son œuvre de
codification de la deuxième partie du Projet sur la responsabilité des États, en 1995, à
l’article 19, le Rapporteur se limita à proposer un mécanisme institutionnel prévoyant
que, sur requête d’un État membre des N.U., l’A.G. ou le C.d..S. auraient décidé, à la
majorité qualifiée, du bien fondé de la gravité d’un fait internationalement illicite. En
cas de réponse affirmative tout État membre aurait pu, alors, porter l’affaire devant la
C.I.J. La Cour aurait décidé de l’existence d’un crime dans un procès ouvert à
l’intervention de tout État membre. La condamnation par la Cour aurait impliqué les
sanctions dont à l’article 16 du Projet et l’exécution, en cas de non-acquittement, selon
les procédures dont aux article 17 et 18, par les États membres. L’article 20 laissait
subsister, tout de même, la compétence décisionnelle parallèle du C.d.S.1366 Ainsi deux
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phases auraient existé: un premier moment d’évaluation politique et un deuxième


moment de décision judiciaire.1367 Alternativement, le même Rapporteur avait prévu
que l’A.G. ou le C.d.S., à l’issue de la phase politique, auraient nommé un procureur ad
hoc chargé d’enquêter, tandis que le président de la C.I.J. aurait constitué une Chambre
spéciale de cinq juges chargée de juger l’affaire.1368 En ce sens, déjà pendant les années
1920, un Projet de Statut d’une Cour criminelle internationale, pensée comme Chambre

avoir recours au Conseil de sécurité afin qu’il adopte les mesures nécessaires aux termes de l’article 41
de la Charte des N.U., sans appliquer le droit de veto. Pour l’élaboration d’une clause modèle de
compétence obligatoire de la C.I.J., à insérer dans les traités, voir I.D.I., Résolution, Élaboration d’une
clause modèle de compétence obligatoire de la C.I.J., Grenade, 1956, disponible dans le site électronique
‹http://www.idi.iil.org//idiF/resolutionsF/1956_grena_03_fr.pdf›. En faveur de l’application du principe
de la juridiction obligatoire à la C.I.J. voir la pensée de James Mill in F.H. HINSLEY, Power and the
Pursuit of Peace, cit., p. 94. Sur la même question voir F.H. HINSLEY, Power and the pursuit of Peace,
cit., p. 86. Sur les difficultés liées à la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.I.J. voir S.G.,
Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé
par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 362, § 67. En faveur de la juridiction obligatoire de la C.I.J. en cas
de crime de l’État voir A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 429. Pour un
aperçu des arguments favorables et contraires à la juridiction obligatoire de la C.I.J. en matière de crimes
étatiques voir D.W. BOWETT, Crimes of States and the 1996 Report of the I.L.C. on State
Responsibility, cit., p. 167 s. En faveur de la juridiction obligatoire de la C.I.J. en matière de crimes
étatiques voir F. CAPOTORTI, Cour général de droit international public, in R.C.A.D.I., 1994-IV, vol.
248, p. 246.
1364 Voir W. Riphagen, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 2; W. Riphagen, Sixième
rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 19, § 32. Sur cette solution voir, aussi, G. Arangio-Ruiz,
Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 34, § 89, p. 42, § 109; G. Arangio-Ruiz,
Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 17, § 107.
1365 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 17, § 108; G.
Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 34, § 89. Conformément voir
C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 133, § 310.
1366 Voir le texte des articles in G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, Add.1,
cit., p. 2-3, § 139.
1367 Voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 34 s., § 28 s.; G.
Arangio-Ruiz, Huitième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 9 s., § 27 s.; C.D.I., Rapport à
l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 128-133, § 304-311. Voir, aussi, G.
ARANGIO-RUIZ, The “Federal Analogy” and U.N. Charter Interpretation: a Crucial Issue, cit., p. 24.
1368 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 134, § 313.

383
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

de la C.P.J.I., avait été préparé sous les auspices de l’Union Interparlementaire, d’abord,
et, ensuite, de l’A.I.D.P.1369 On signalera, notamment, le Projet de Statut pour la
création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., élaboré par V. Pella, en 1928,
sous les auspices de l’A.I.D.P.1370 Le Projet de V. Pella prévoyait, selon le modèle
ensuite proposé par G. Arangio-Ruiz, la saisine de la Chambre criminelle de la C.P.J.I.
par le Conseil de la S.d.N., sur sollicitation de n’importe quel État, ou bien par un État
déterminé autorisé préalablement par le Conseil de la S.d.N. (articles 20-27). Le Conseil
aurait pu mener des enquêtes préliminaires à l’aide de commissions spéciales (article
40). Dans ce Projet, donc, la phase strictement judiciaire de l’action pénale était
précédée par une évaluation politique.1371 Ensuite le procès aurait dû se dérouler en
quatre phases, selon un schéma de type inquisitoire, prévoyant l’instruction (articles 40-
49), le jugement (articles 53-60), la révision et l’exécution (articles 64-70).1372 Par
ailleurs V. Pella songeait, aussi, à l’institution d’un ministère public international,
chargé de s’ériger en accusateur des États devant la Cour.1373 On rappellera, également,
que l’Avant-Projet de Code pénal international, élaboré par Q. Saldaña en 1925,
prévoyait la compétence de la C.P.J.I. pour juger la responsabilité criminelle des
individus (article 23) et, éventuellement, la responsabilité pénale des États (article
57).1374
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Au cas où on songerait à mettre en place une Cour ad hoc pour juger les crimes des
États, il faudrait, également, la doter de la juridiction obligatoire, soustraite à l’influence
du Conseil de sécurité.1375 Cette solution, envisagée par quelques auteurs en doctrine,

1369 Voir U.I.P., Principes fondamentales d’un Code répressif des nations, par V. Pella, 1925, cit., p. 78,
principes 10-11; A.D.I., Projet de Statut de la Cour internationale criminelle, 1926, cit., p. 66, article
préliminaire; A.I.D.P., Projet de Statut de la Cour permanente de justice internationale criminelle,
Caloyanni, 1925, cit., p. 314-325; M.A. CALOYANNI, La Cour permanente de justice criminelle
internationale, in R.I.D.P., 1925, vol. II, p. 298 s.; A.I.D.P. Vœux adoptés par le Congrès de Bruxelles, in
R.I.D.P., 1926, vol. III, p. 462-464; Q. Saldaña, La justice criminelle internationale, Rapport au Congrès
de Bruxelles de l’A.I.D.P., in R.I.D.P., 1926, vol. III, p. 346-347; H. Donnedieu de Vabres, Y a-t-il lieu
d’instituer une juridiction criminelle internationale? Et, dans la supposition d’une réponse affirmative,
comment l’organiser?, Rapport au Congrès de Bruxelles de l’A.I.D.P., in R.I.D.P., 1926, vol. III, p. 363
s.; M.N. Politis, Y a-t-il lieu d’instituer une juridiction criminelle internationale; et, dans la supposition
d’une réponse affirmative, comment l’organiser?, Rapport au Congrès de Bruxelles de l’A.I.D.P., in
R.I.D.P., 1926, vol. III, p. 381-384; H.L. Bellot, La Cour permanente internationale criminelle, Rapport
au Congrès de Bruxelles de l’A.I.D.P., in R.I.D.P., 1926, vol. III, p. 336; A.I.D.P., Statut de la Cour
criminelle internationale, Projet Caloyanni, 1926, cit., p. 484-491; M.A. CALOYANNI, La Cour
permanente de justice criminelle internationale, in R.I.D.P., 1926, vol. III, p. 469 s.
1370 Voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., V.
Pella, 1928, cit., p. 129-144; V. Pella, Rapport sur un Projet de Statut d’une Cour criminelle
internationale présenté au Conseil de direction de l’A.I.D.P., in R.I.D.P., 1928, vol. V, p. 279-280.
1371 Voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., V.
Pella, 1928, cit., p. 135-136, Chapitre III (Des actions), § 1er (De l’action pénale internationale), articles
20-27; V. Pella, Rapport sur le Projet de Statut d’une Cour criminelle internationale présenté au Conseil
de direction de l’A.I.D.P., 1928, cit., p. 287-288.
1372 Voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., V.
Pella, 1928, cit., p. 139-144, Chapitre V (De l’instruction en général), articles 40-49, Chapitre VI (Le
jugement répressif international), articles 50-63, Chapitre VII (Des voies de recours et de l’exécution des
jugements), articles 64-70.
1373 Voir V. Pella, De l’influence d’une juridiction criminelle internationale, Rapport au Congrès de
Bruxelles de l’A.I.D.P., 1926, cit., p. 416-417.
1374 Voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. 395,
article 23, p. 408, article 57; Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 348, 366-369.
1375 Sur la difficulté pratique de réaliser un tel système voir G. Arangio-Ruz, Septième rapport sur la
responsabilité des États, cit., p. 33, § 85.

384
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

est prévue par le Projet de Code pénal international proposé par A. Levitt, sous les
auspices de l’A.I.D.P., en 1929.1376
Finalement, si l’on acceptait l’élargissement de la compétence de la C.P.I. aux
crimes des États, on appliquerait automatiquement, par extension, le principe de la
juridiction obligatoire aux infractions majeures étatiques. En effet, le principe de la
juridiction obligatoire est actuellement valable, malgré les limitations liées à
l’interférence du Conseil de sécurité, pour les individus, car la C.P.I. peut connaître, de
façon autonome, toute violation individuelle qui rentre dans sa sphère de
compétence.1377 En acceptant le principe du lien entre la responsabilité individuelle et
collective, conformément à la thèse de l’imputation organique, et la conséquente double
compétence de la C.P.I. en matière de responsabilité pénale, individuelle et collective,
on parviendrait à élargir aux États le critère de la juridiction obligatoire, déjà valable
pour les individus. Il faudrait, quand même, soustraire l’action de la C.P.I. aux
influences du Conseil de sécurité et travailler, aussi, sur sa complémentarité par rapport
aux juridictions internes, afin que l’action de la Cour puisse être complètement libre,
donc vraiment obligatoire.1378

§ 9.6. Le choix entre la Cour pénale internationale et la Cour internationale de


tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

justice comme juge des crimes internationaux selon la nature de la responsabilité


majeure des États.
Sur le plan de la juridiction le choix entre une conception pénale ou non-pénale des
crimes des États est importante pour façonner le système procédural, afin d’établir les
actions à accomplir pour juger les crimes étatiques. En revanche, elle n’est pas influente
pour décider quelle Cour doit être compétente en matière de responsabilité majeure
étatique: soit qu’on opte pour la conception pénale, soit qu’on opte pour la conception
non-pénale de la responsabilité majeure des États, les exigences de cohérence du
système juridique poussent à affirmer la nécessité d’établir la compétence de la C.P.I.
en matière de crimes étatiques.1379 Nous allons maintenant analyser quelles seraient les

1376 Voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, rédigé par A. Levitt, 1929, cit., p. 33-46, articles 1-
10. En faveur de cette solution voir, aussi, V. PELLA, La codification du droit pénal international, cit., p.
416. Sur cette possibilité voir, aussi, Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 358-359;
A.K. KUHN, International Criminal Jurisdiction, cit., p. 433. Sur la possibilité de créer une juridiction
pénale étatique autonome comme alternative à l’hypothèse de la compétence de la C.I.J. voir F.A.A.
SATCHIVI, Les sujets de droit (contribution à l’étude de la reconnaissance de l’individu comme sujet du
droit international), cit., p. 77.
1377 Sur l’action indépendante, motu proprio, du Procureur dans le Statut de la C.P.I. voir E. LA HAYE,
The Jurisdiction of the I.C.C.: Controversies over the Preconditions for Exercising Its Jurisdiction, cit.,
p. 15-16; P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The Rome Conference on an I.C.C.: the Negotiating Process, cit.,
p. 8; A. MARSTON DANNER, Enhancing the Legitimacy and Accountability of Prosecutorial
Discretion at the International Criminal Court, in A.J.I.L., 2003, july, vol. 97, n. 3, p. 510 s.
1378 En faveur de l’institution d’une juridiction pénale unique pour juger la responsabilité des individus et
des États voir F.B. SCHICK, The Nuremberg Trial and the International Law of the Future, cit., p. 775.
1379 Dans les commentaires de l’article 51 du Projet de 1996 sur la responsabilité des États
(Conséquences d’un crime international) on lit, en relation aux crimes prévus à l’article 19, que “peu
importe que cette catégorie soit dénommée ‘crimes’ ou ‘délits d’une exceptionnelle gravité’, car quelle
qu’en soit la désignation, ces faits devront emporter des conséquences spéciales” (voir C.D.I., Rapport à
l’A.G. sur les travaux de sa quarante-huitième session, cit., p. 188). Certains membres de la Sixième
Commission de l’A.G.N.U., au cours du débat sur l’article 42 du Projet d’articles sur la responsabilité des
États provisoirement adopté par le Comité de Rédaction de la C.D.I. en 2000, concernant les
conséquences des violations graves d’obligations envers la communauté internationale dans son
ensemble, affirmaient que “l’application d’un régime renforcé de responsabilité internationale lorsqu’une
‘violation grave’ était commise […] devait renvoyer expressément aux règles internationales sur la
responsabilité pénale individuelle comme le Statut de Rome de la C.P.I.” (voir Sixième Commission,

385
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

conséquences de l’attribution de la compétence majeure respectivement à la C.P.I. ou à


la C.I.J.
Une approche non-pénale de la responsabilité majeure étatique amène à affirmer la
compétence de la C.P.I. pour les crimes internationaux des États: la Cour serait appelée
à exercer une juridiction majeure, mais non pénale, sur les États, accessoire à celle,
pénale, sur les individus.
En revanche, si on avait recours, pour juger la responsabilité majeure étatique, non
pénale, à la voie classique de la juridiction volontaire, dans le sillage du Projet sur la
responsabilité des États, l’organe le plus apte à l'accomplissement de la tâche serait la
C.I.J.1380 Quoique cette solution présente l’avantage d’être conforme à l’actuelle
configuration de la juridiction internationale, elle n’irait pas sans problèmes.
Tout d’abord, le choix d’une conception non-pénale de la responsabilité majeure des
États, entraînant les procédures volontaire classiques de solution des différends
internationaux, notamment la C.I.J. pour les actes illicites majeures, poserait le vieux
problème des rapports entre la C.I.J. et les organes politiques des N.U., particulièrement
le C.d.S.
En outre, le fait de laisser à l’initiative des États mis en cause le commencement de
la procédure de jugement se traduirait, de facto, en un déni de justice, car l’État auteur
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d’une infraction grave donnerait difficilement son consentement afin qu’un crime soit
soumis à l’attention des tribunaux internationaux. Dans la plupart des cas, voire
toujours, les crimes internationaux demeureraient impunis, même s’il s’agit des
infractions portant atteinte aux intérêts essentiels qui touchent l’ensemble de la
communauté internationale. Dès lors, on serait contraint à introduire le principe de la
juridiction obligatoire dans la procédure de la C.I.J., donc à refaçonner le procès, en
reconnaissant la nature “spéciale” des infractions majeures par rapport aux infractions
internationales simples.1381
Les incohérences majeures se situeraient au niveau de la coordination des procédures
de jugement, car il y aurait un dédoublement des procès. D’un côté les juridictions
classiques jugeraient le côté collectif de l’action, d’un autre côté la C.P.I. jugerait le
côté individuel des mêmes comportements. Cette multiplication ne répond pas au critère

Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-cinquième session sur les travaux de la C.D.I.
de sa cinquante-deuxième session, doc. A/CN.4/513, cit., p. 16, § 107). Dans son opinion exprimée en
2001 sur le chapitre III du Projet sur la responsabilité des États de 2001, la Danemark, parlant au nom des
pays nordiques, affirmait que “l’essentiel n’est pas la terminologie, bien que, dans le contexte de la
responsabilité des États, le terme ‘crime’ risque de créer une impression fausse. L’essentiel est que
certaines violations comme l’agression et le génocide sont un tel affront à la communauté internationale
dans son ensemble qu’il convient de les distinguer des autres violations” (voir Doc. A/CN.4/515,
Commentaires et observations des gouvernements – Responsabilité des États, 19 mars 2001, disponible à
l’adresse ‹http://ods-dds.ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N01/292/19/PDF/N0129219.pdf?OpenElement›).
Conformément voir C.D.I. Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 151, §
306. En doctrine A. PELLET, Can a State Commit a Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 433-434, reconnaît
qu’on peut considérer un État responsable du point de vue criminel, mais l’absence d’une juridiction
internationale pénale pour les États sur le modèle des droits internes empêcherait de parler d’une
responsabilité “pénale” au sens plein du terme.
1380 Dans un ordre d’idées critique sur la définition des moyens institutionnels par rapport aux crimes des
États dans le Projet de la C.D.I. voir P.-M. DUPUY, Observations sur la pratique récente des
“sanctions” de l’illicite, in R.G.D.I.P., 1983, p. 514. Sur les avantages et les désavantages du choix de la
C.I.J. comme juge des crimes des États voir D.W. BOWETT, Crimes of State and the 1996 Report of the
I.L.C. Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 167 s.
1381 Voir D.W. BOWETT, Crimes of State and the 1996 Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit.,
p. 169, qui remarque l’absence d’un procureur dans l’organisation de la C.I.J.

386
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

de l’économie des jugements.1382 Par ailleurs le procès collectif n’irait pas sans
conséquences sur le plan du jugement des individus et vice-versa. Normalement le côté
individuel de l’action devrait être jugé, par la C.P.I., de façon autonome par rapport au
côté collectif, jugé par la C.I.J.: le procès individuel en serait clairement amputé au
niveau de la preuve et de la clarté des faits. À cela on pourrait, toutefois, remédier par la
prévision d’un système d’échange des preuves.1383 Plus gravement, on risquerait de
parvenir à la contradiction des jugements sur les mêmes faits, car on pourrait
condamner l’individu-organe et acquitter l’État au nom duquel il agit, ou vice-versa, en
violation évidente du principe de non-contradiction.1384
La possibilité de la contradiction des jugement introduit le sujet fondamental de la
coordination des procédures de jugement des crimes des individus et des États au
niveau du temps. En effet, du moment que la responsabilité collective se fonde sur celle
de l’individu et il n’est pas possible de condamner un État en l’absence de la
responsabilité d’un individu-organe, le procès étatique devant la C.I.J. devrait être
suspendu en l’attente de la définition du procès individuel. L’arrêt de condamnation du
procès individuel est une condition indispensable, sine qua non, du procès collectif: en
cas d’acquittement de l’individu-organe le procès collectif de l’État ne pourrait même
pas commencer. Ainsi la C.I.J. ne pourrait pas déclencher une éventuelle procédure
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exécutive de la sanction à titre de mesure préventive, en présence du fumus boni iuris et


du periculum in mora, dans le bon délai, étant donnée la durée de la procédure
individuelle. Le retard dans l’action exécutive préventive endommagerait les droits des
sujets lésés et il s’agirait de dommages graves aux droits fondamentaux de la
communauté internationale.1385

1382 Sur l’incompétence de la C.I.J. pour juger les organisations de sujets différentes des États ainsi que
les individus et sur le développement parallèle des juridictions alternatives spécialisées, notamment, en
matière pénale, voir L. CONDORELLI, La C.I.J.: cinquante ans et (pour l’heure) pas une ride, cit., p.
395.
1383 Sur le rapport entre les différentes procédures concernant la responsabilité des individus et celle des
États voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility
in International Law, cit., p. 628-631.
1384 Cette situation contradictoire s’est produite lorsque la C.I.J. et le T.P.I.Y. ont été appelés à se
prononcer, chacun dans son champ opératoire, sur le fait de savoir si un génocide a été commis en
Bosnie-Herzégovine. Par ailleurs, l’arrêt rendu par le T.P.I.Y. dans l’affaire Tadic a ouvertement déclaré
non conforme à la logique de la responsabilité internationale et de la pratique judiciaire des États la
position de la C.I.J. à l’égard du lien à établir entre les contras et les États-Unis, au cours de l’affaire des
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, opposant les États-Unis au
Nicaragua, quant aux crimes humanitaires perpétrés par les premiers (voir T.P.I.Y., Ch. App., Tadic, arrêt
du 15 juillet 1999, IT-94-1-AR72, § 103 s.; C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique, arrêt du 27 juin 1986, in C.I.J. Rec., 1986, p. 14 s.).
Sur la question de la juxtaposition des juridictions et des risques d’interférences ou de contradictions voir
H. RUIZ FABRI, Organisation judiciaire internationale – Organe juridictionnel – C.I.J., cit., p. 9, § 28-
29; F. LATTANZI, Riflessioni sulla competenza di una Corte penale internazionale, cit., p. 674. Sur le
problème de la relation entre la C.I.J., compétente pour juger de la responsabilité étatique, et la C.P.I.,
compétente pour juger de la responsabilité individuelle, voir M. BENNOUNA, L’organisation de la
répression internationale – La Cour pénale internationale, cit., p. 745.
1385 Pour des considérations sur l’importance d’un jugement rapide des crimes étatiques en raison du
facteur exécutif voir D.W. BOWETT, Crimes of State and the 1996 Report of the I.L.C. on State
Responsibility, cit., p. 169. Sur la faillite des mesures préventives adoptées par la C.I.J. en 1993 à
l’encontre du crime de génocide perpétré par la Serbie et le Monténégro contre la Bosnie-Herzégovine
voir G.C. DEWESEE, The Failure of the I.C.J. to Effectively Enforce the Genocide Convention, cit., p.
628, où on lit que: “In reading the I.C.J.’s orders and judgements concerning this case it is too easy to
forget what is really at issue – the lifes of thousands of innocent people. Twice in 1993 the I.C.J. ordered
that nothing be done to exacerbate the situation in Bosnia, yet two years later, a year before the Court was
to finally establish its jurisdiction, Srebrenica fell and thousands were killed. It is the ghostly events

387
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

A fortiori, une conception pénale de la responsabilité majeure étatique ouvre la voie


à l’élargissement de la compétence de la C.P.I. à la responsabilité des États.
Celle-ci est la solution adoptée dans le Projet de Code pénal international élaboré par
l’A.I.D.P. en 1981.1386
Dans une configuration pénale de la responsabilité majeure étatique il serait
impossible de confier la tâche de juger les crimes aux juridictions volontaires
traditionnelles, suivant le parcours traditionnel, car il y aurait un décalage évident entre
l’approche matériel et procédural. On serait, par conséquent, contraint d’intervenir sur
les institutions et les procédures en place pour les modifier conformément à la
conception pénale de la responsabilité des États. Il faudrait, en d’autres termes, créer
une Cour ad hoc pour juger les crimes des États, éventuellement comme section
spéciale, pénale, de la C.I.J. Toutefois cette solution ne répond pas aux critères de
l’économie et de la synthèse des moyens juridiques et laisse subsister la question du
dédoublement des procédures, entraînant la possible contradiction entre le jugement des
individus, d’un côté, et le jugement des États, d’un autre côté.
La solution la plus simple consisterait à élargir la compétence de la C.P.I. aux crimes
des États. Ce choix amènerait à l’uniformité des jugements dans l’ordre juridique
international, conformément au principe de non-contradiction. Un seul organe
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judiciaire, la C.P.I., pourrait, en effet, être chargé de juger, au cours d’une procédure
unique, tant les États que les individus, éliminant, ainsi, toute possibilité de difformité
des jugements.1387

which took place in Srebrenica that haunt me every time I think about the role of the I.C.J. in the dispute.
What good is the, I ask myself, if it cannot even get to the merits on a case of such urgency as this one?”.
Conformément voir R. MAISON, Les ordonnances de la C.I.J. dans l’affaire relative à l’application de
la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, cit., p. 400. Sur la nécessité
d’adopter des mesures de réaction rapides en cas de crime étatique voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième
rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 21-25, § 119-121; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les
travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 132-133, § 309. À ce propos il est intéressant de
remarquer que l’article 17 § 2 de la deuxième partie du Projet sur la responsabilité des États proposé par
G. Arangio-Ruiz en 1995, envisageait de consentir, en cas d’urgence, la réaction de tous les États de la
communauté internationale avant l’arrêt final de la C.I.J. (voir le texte de l’article in G. Arangio-Ruiz,
Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 2-3, § 139 et le commentaire relatif in G.
Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 16, § 42; G. Arangio-Ruiz,
Huitième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 7-8, § 20; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux
de sa quarante-septième session, cit., p. 126, § 299).
1386 Voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, 1981, cit., p. 97-236. Pour une critique du Projet
voir J.F. DECKER, A Critique of the Draft International Criminal Code, in R.I.D.P., 1981, 3/4 trim., p.
365 s.; V.P. SHUPILOV, General Comments on the Draft International Criminal Code, in R.I.D.P.,
1981, 3/4 trim., p. 373 s.; A. FATHI SOROUR, Quelques remarques sur la Partie Générale du Projet de
Code pénal international, in R.I.D.P., 1981, 3/4 trim., p. 507 s.; C. LOMBOIS, Observations sur l’Avant-
Projet de Code pénal international et rapport final sur les débats du Séminaire international de l’Institut
de Syracuse sur l’Avant-Projet, in R.I.D.P., 1981, 3/4 trim., p. 531. Cette solution avait déjà été proposée
par V. Pella dans son Plan d’un Code répressif mondial qui, au titre III (Questions de procédure), points
1, 2, 3, 4, établissait la compétence de la Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., créée par le Projet de
Statut de 1928 (voir A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 152, Titre III
(Questions de procédure), points 1 (Action pénale internationale), 2 (Compétence), 3 (Instruction et
jugement), 4 (Voies de recours)). Sur cette possibilité voir, aussi, U.I.P., Principes fondamentaux d’un
Code répressif des nations, par V. Pella, 1925, cit., p. 78, principes 13-14.
1387 D’après V. Pella, une Cour pénale internationale devrait juger, selon le principe du cumul de
responsabilités, les individus, les États et les autres personnes morales, tandis que la C.I.J. pourrait,
éventuellement, statuer sur les réparations “civiles” et trancher les conflits de compétence entre la Cour
criminelle internationale et les cours internes (voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 322, § 81,
p. 361-362, § 167). Sur cette question voir, aussi, V. PELLA, La codification du droit pénal
international, cit., p. 418-425; V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 16, 53, 123;

388
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

Cette approche répond aux critères d’économie et de célérité de l’ordre juridique, car
il évite la multiplication des procès et concentre les preuves au sein d’une procédure
unique. Il s’agit, donc, de la solution la plus cohérente dans le cadre du système
juridique international. Comme il l’avait souligné V. Pella, déjà en 1952, une fois la
juridiction criminelle internationale créée, elle devrait trouver “par son fonctionnement
même, les possibilités d’adaptation nécessaires à son progrès”.1388
D’ailleurs la C.P.I., juge unique de la responsabilité individuelle et collective,
pourrait, en présence des requis de l’urgence et du bien fondé de la question, déclencher
les mesures préventives à l’égard des États, sans crainte de tomber en contradiction.1389
Finalement le schéma du procès devant la C.P.I. assure, notamment, la défense du
sujet accusé et un niveau de la preuve plus méticuleux que les procédures ordinaires,
garanties que la doctrine invoque pour le jugement des crimes étatiques et que les
juridictions internationales pour les États actuelles ne sauraient pas assurer.1390

§ 9.7. La Cour pénale internationale comme organe unique pour juger la


responsabilité des individus et des États: la relation entre le Statut de la C.P.I., le
Traité sur la responsabilité des États, la Charte des Nations Unies et le Statut de la
C.I.J.
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La conception de la C.P.I. comme organe unitaire, capable de juger les individus et


les États en même temps, la plus conforme à la responsabilité majeure étatique, ferait de
la Cour un organe non seulement chargé d’assurer les individus à la justice, mais aussi
d’assurer le respect des obligations internationales étatiques majeures.1391
Cette solution devrait mieux garantir la cohérence du système de la responsabilité
internationale pénale et, par conséquent, elle est censée le rendre plus efficace. Or, il
n’est pas question de parvenir à éliminer les infractions majeures de l’ordre

V. Pella, De l’influence d’une juridiction criminelle internationale, Rapport au Congrès de Bruxelles de


l’A.I.D.P., 1926, cit., p. 393-394, 414-415; F. LATTANZI, Riflessioni sulla competenza di una Corte
penale internazionale, cit., p. 675.
1388 Voir V. PELLA, La codification du droit pénal international, cit., p. 457.
1389 D’après H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 145, le vrai but de
l’institution d’une Cour internationale capable de juger les crimes individuels serait celui de soumettre à
sa juridiction, avant, tout, les États, car elle servirait, essentiellement, pour juger des individus qui ont
commis des crimes dans l’exercice de leur fonctions en tant qu’agents de l’État. Pour des considérations
sur la pensée de H. Kelsen voir D. ZOLO, Hans Kelsen: International Peace through International Law,
cit., p. 320.
1390 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 152-153, § 312. En
doctrine voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State
Responsibility in International Law, cit., p. 630-631.
1391 L’article 35-bis des clauses relatives à la juridiction pénale internationale élaborés par H. Kelsen en
1944, annexés au Projet d’Accord pour l’institution d’une Organisation permanente pour le maintien de
la paix, prévoit la compétence d’une Cour pénale pour juger les individus-organes après l’exécution de
l’arrêt condamnant l’État, prononcé par la même Cour (voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace
attraverso il diritto), cit., p. 171-172). Sur la nécessité d’instituer une Cour pénale compétente pour juger
tant les individus que les États voir, en doctrine, V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre,
cit., p. 57, 117; G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the
Envisaged Criminal Court and the U.N. Security Council, cit., p. 342. Voir, aussi, M DUMÉE, Le crime
d’agression, cit., p. 253, qui constate comme, quoique cette solution, d’après la plupart de la doctrine,
amènerait à la mise en place d’une justice pénale effective, toutefois elle serait difficile à réaliser, car elle
bouleverserait profondément l’actuel système de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Sur
la fonction préventive et dissuasive de la C.P.I., capable d’assurer une paix durable par la justice, voir L.
AXWORTHY, R. BADINTER, E. BONINO, Logique du droit, logique de la guerre, in Le Monde, n.
17796, samedi 13 avril 2002, Horizons – Débats, p. 18; T. BREHIER, Le pari de la justice pénale
internationale, in Le Monde, n. 16755, mercredi 9 décembre 1998, Horizons – Analyses, p. 18.

389
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

international, car aucun système criminel n’est parfait, toutefois on peut s’attendre à une
diminution sensible des actes illicites en raison, notamment, du respect des principes de
l’égalité et de la certitude de la sanction.
La compétence de la C.P.I. serait exclusive, par rapport à toute autre organe et,
notamment, à la C.I.J.
Etant donné que celle-ci nous semble la solution la plus cohérente pour sortir des
impasses du système actuel, nous allons tâcher de proposer les changements, dans le
Statut de la C.P.I., qui seraient essentiels pour rendre la Cour capable des juger les
crimes des États, de façon effective, conformément aux critères généraux proposés.
L’intention est de proposer les changements essentiels dans un cadre cohérent sans,
toutefois, définir un ensemble parfait dans les détails. Dans cet esprit, et conformément
à l’approche adoptée dans la première partie du travail, nous limiterons nos propositions
au Statut de la C.P.I., laissant de côté les textes normatifs connexes, notamment le
Règlement de procédure et de preuve et les Éléments des crimes. Naturellement, étant
donné que ces normes sont subordonnées à celles du Statut (voir, notamment, les article
9 (Éléments des crimes) et 51 (Règlement de procédure et de preuve) du Statut de la
C.P.I.), des changements dans le Statut entraîneraient la modification des textes
connexes. Toutefois il serait impossible et inutile de s’atteler, ici, à une telle tâche, tout
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

d’abord parce que cela alourdirait excessivement le texte, ensuite parce qu’on
s’éloignerait trop des questions essentielles pour rentrer dans les détails des
problématiques substantielles et procédurales de la C.P.I. Par ailleurs, le Statut de la
C.P.I. est déjà, en soi, un texte complet, qui jouit d’une autonomie et d’une supériorité
hiérarchique par rapport aux textes coordonnés, qui permettent de limiter à celui-ci les
propositions normatives. Lorsqu’un changement dans le Statut de la C.P.I. entraîne des
modifications dans d’autres textes normatifs, notamment la Charte des N.U., le Statut
de la C.I.J. et le Projet sur la responsabilité des États, nous prenons soin de modifier ces
textes au minimum, en gardant le plus possible leur forme originaire. Concernant la
Charte des N.U., plus particulièrement, nous limitons les propositions à son texte, sans
modifier certains textes normatifs connexes, notamment le règlement interne de
l’A.G.N.U. et celui du C.d.S. Quant au Statut de la C.I.J., de la même façon, nous
limitons nos proposition aux normes y contenues, sans considérer d’autres textes reliés,
tels que le règlement interne de la Cour. En résumé il est question d’ouvrir des
nouvelles possibilités, qu’ensuite on pourra exploiter jusqu’au bout, non pas de définir
un ordre parfaitement accompli.
Quelques considérations s’imposent sur la position du Statut de la C.P.I. dans la
hiérarchie des sources du droit international, car il faut coordonner le Statut de Rome
avec d’autres sources, notamment le Projet sur la responsabilité des États, censé
assumer la forme définitive du traité, incluant l’article sur les crime internationaux des
États tel que nous l’avons proposé, et la Charte des N.U., du moment qu’elle règle,
notamment, le fonctionnement du Conseil de sécurité.1392
La relation avec le Traité sur la responsabilité des États ne pose pas beaucoup de
problèmes, étant donnée la même force des deux traités dans la hiérarchie des sources.
À partir du moment où on établit la compétence de la C.P.I. pour juger les crimes des
États, l’adhésion au Statut de la C.P.I. impliquerait, automatiquement, l’acceptation des
normes pénales du Projet sur la responsabilité des États. Vice-versa, l’adhésion au
Projet sur la responsabilité des États impliquerait, automatiquement, l’acceptation de la

1392 Conformément voir F. MALEKIAN, The Monopolization of International Criminal Law in the
United Nations. A Jurisprudential Approach, 2nd ed., Stockholm, Almqvist & Wiksell/Uppsala
University, 1995; G. ARANGIO-RUIZ, The “Federal Analogy” and U.N. Charter Interpretation: a
Crucial Issue, cit., p. 24, note 87.

390
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

compétence de la C.P.I. en matière de crimes des États, en vertu du renvoi exprès


contenu dans l’article relatif aux crimes étatiques.
Plus problématique se présente la relation entre le Statut de la C.P.I. et la Charte des
N.U., car les dispositions de la Charte priment, en vertu de l’article 103.1393
Si l’on voulait faire de la C.P.I. le véritable pivot de la communauté internationale, il
faudrait que son Statut ait la même force de la Charte des N.U. dans la hiérarchie des
sources du droit international. Malgré les difficultés pratiques posées par cette solution,
il faudrait l’adopter, car, autrement, la Cour resterait un organe périphérique et soumis
au C.d.S.1394 Ainsi les normes de la Charte des N.U., notamment celles concernant le
Conseil de sécurité, devraient s’adapter automatiquement aux dispositions concernant la
C.P.I. Plus particulièrement, il faudrait annexer le Statut de la C.P.I. à la Charte des
N.U., de la même façon que le Statut de la C.I.J. en vertu de l’article 92 de la Charte des
N.U., pour qu’il en devienne partie intégrante, via l’amendement de la Charte aux
termes des articles 108 et 109.1395 Il s’agirait, donc, d’aller bien au delà de l’accord
entre les États parties au Statut de la C.P.I. et les membres des N.U. au sens du Statut de
la C.P.I. Bien que cette option pose des difficultés de mise en œuvre pratique, car il
n’est pas simple de modifier les normes de la Charte, elle a été évoquée au cours des
travaux qui ont amené à l’élaboration du Statut de la C.P.I.1396 Notamment, l’article 2
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

du Projet de Statut d’une Cour criminelle internationale élaboré par D. Thiam en 1993,
prévoyait que: “La Cour est un organe judiciaire des Nation Unies”.1397 L’article 2
(Lien de la Cour avec l’O.N.U.) du Projet de Statut élaboré, en 1993, par le Groupe de
travail sur un Projet de Statut pour une C.C.I., aussi, envisageait cette possibilité.1398
Naturellement, dans cette optique, l’actuel Projet d’Accord sur les relations entre la
C.P.I. et l’O.N.U. perdrait toute signification. D’ailleurs, cet amendement serait en
phase avec l’esprit de l’article 2 § 3 de la Charte, d’après lequel: “Les Membres de
l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de
telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas
mises en danger”. Dans ce cas, l’Assemblée des États parties, réglée à l’article 112 du
Statut de la C.P.I., serait substituée par l’Assemblée des N.U. L’article 112 du Statut de
la C.P.I. devrait être révisé, par conséquent, en disposant que l’Assemblée des États
parties “s’identifie avec l’Assemblée générale des Nations Unies”, les paragraphes 2
alinéas a), b), c), 3, 6, 7, 8, 9, 10 devraient être abrogés et, au paragraphe 5, on devrait
supprimer l’expression “et du bureau”. Par conséquent, il faudrait adapter, aussi,

1393 Sur la question de la relation entre le Statut de la C.P.I. et la Charte des N.U. par rapport au Conseil
de sécurité voir les considérations que nous avons fait en traitant de la position de la C.P.I. dans le
système actuel de droit international. En doctrine voir E. DULAC, Le rôle du Conseil de sécurité dans la
procédure devant la C.P.I., cit., p. 104.
1394 Sur la difficulté de bâtir des juridictions internationales effectives et universelles voir M.
CHEMILLER-GENDRAU, L’ordre juridique international: une chimère?, in Le Monde Diplomatique,
n. 544, juillet 1999, p. 8-9.
1395 Dans cet ordre d’idées, au sein du Projet d’Accord pour l’institution d’une organisation permanente
pour le maintien de la paix, proposé par H. Kelsen en 1944, où tant l’Assemblée (article 3) que le Conseil
(article 27) avaient un pouvoir normatif obligatoire, la plupart des articles (4-26) étaient consacrés à la
Cour et étaient intégrés par les clauses relatives à la juridiction pénale internationale (voir H. KELSEN,
Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 157-175).
1396 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p.
36-37, § 53-55, p. 49, § 91 (texte et commentaire de l’article 2 (Lien de la Cour avec l’O.N.U.) du Projet
de Statut d’une Cour criminelle internationale élaboré par la C.D.I. en 1994), p. 174-176, Annexe III.
1397 Voir D. THIAM, Onzième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, cit., p. 9.
1398 Voir Groupe de travail sur un Projet de Statut pour une C.C.I., Rapport à la C.D.I. – Projet de Statut
d’un Tribunal criminel international, 1993, cit., p. 272-273.

391
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

l’actuel règlement intérieur de l’Assemblée des États parties en l’intégrant au


Règlement de l’A.G.N.U. adopté aux termes de l’article 21 de la Charte des N.U. Dans
ce cadre, si l’on suivait la pensée de Hans Kelsen, on devrait attribuer à chaque membre
un seul représentant et à chaque représentant un seul vote au sein de l’Assemblée, pour
ne pas créer des disparités, en reformant l’article 9 § 2 de la Charte.1399
Cette solution s’inscrit dans la ligne du Projet de Statut pour la création d’une
Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., rédigé par V. Pella en 1928, qui s’intégrait
parfaitement avec la Pacte de la S.d.N. et pouvait facilement s’adapter à la Charte des
N.U.1400 D’ailleurs, le même auteur, au débout des travaux de l’O.N.U. sur la création
d’une Cour criminelle internationale, en 1952, envisageait la création de la Cour par le
biais d’une résolution de l’A.G.N.U.1401 En outre il prévoyait, pour son Plan d’un Code
répressif mondial, une force normative identique à celle du Pacte ou de la Charte, car
son idée était celle de créer un système de droit et de procédure pénaux étatiques
organiques ayant force obligatoire pour tous les États membres des N.U.1402
Il faudrait, donc, modifier l’article 2 du Statut de la C.P.I., en prévoyant que:

Statut de la C.P.I. Article 2 (Lien de la Cour avec les Nations Unies): La Cour pénale
internationale est l’organe judiciaire des Nations Unies en matière de responsabilité
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

pénale. Son Statut est annexé à la Charte des Nations Unies, dont il fait partie
intégrante.

Dans le préambule, conséquemment, on devrait substituer l’expression selon laquelle


la C.P.I. est “indépendante reliée au système des Nations Unies” par l’expression selon
laquelle la C.P.I. serait “un des organes principaux des Nations Unies”. À l’article 1er il
faudrait prévoir que la C.P.I. est créée, en tant qu’institution permanente, comme “un
des organes judiciaires principaux des Nations Unies”.
De même, il faudrait réviser quelques dispositions finales du Statut de la C.P.I. pour
les rendre compatibles avec la Charte des Nations Unies. Notamment, concernant la
gestion financière, à l’article 113 on devrait supprimer les mots “le Bureau” et rajouter
la Charte des Nations Unies comme source primaire de règlement financier. Les articles
114-115 devraient être supprimés. À l’article 116 l’expression “sans préjudice de
l’article 115” devrait être supprimée. Les articles 117-118 seraient supprimés.
Concernant la procédure d’amendement, l’article 121 devrait renvoyer intégralement à
celle de la Charte des Nations Unies, tandis que l’article 122 serait abrogé. Quant à la
révision, l’article 123 devrait renvoyer à la procédure contemplée par la Charte des
Nations Unies. Les articles 125-128 seraient abrogés, car la participation au Traité et les
conditions de validité du Statut seraient réglées par la Charte des Nations Unies.

1399 Sur la question de l’incorporation de la C.P.I. au sein de l’O.N.U. par le biais de l’amendement de la
Charte des N.U. voir T.H.L. McCORMACK, G.J. SIMPSON, A New International Criminal Law
Regime?, cit., p. 184. Par ailleurs il faut remarquer qu’on conçoit déjà la C.P.I. comme “l’instrument
international le plus important depuis la Charte des N.U. […] institution dont tout le monde, tôt ou tard,
fera partie” (voir P. KIRSCH, La justice internationale “c’est une question de temps, de persévérance”,
Propos recueillis par C. Trean, Interview, in Le Monde, n. 17795, vendredi 12 avril 2002, International, p.
7).
1400 Voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., V.
Pella, 1928, cit., p. 129-144, articles 1-70.
1401 Voir V. PELLA, La codification du droit pénal international, cit., p. 425-428.
1402 Voir V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 127.

392
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

Par conséquent, pour permettre à la Cour d’avoir compétence sur la responsabilité


des États, il faudrait hisser, aussi, le Traité sur la responsabilité des États au niveau de la
Charte par annexion.1403
On devrait, dès lors, introduire un article préliminaire dans le Traité sur la
responsabilité des États, prévoyant que:

Traité sur la responsabilité des État. Article préliminaire: Le Traité sur la


responsabilité des États est annexé à la Charte des Nations Unies, dont il fait partie
intégrante.

Conséquemment les articles 39 du Projet de 1996 et 59 du Projet de 2001 devraient


être modifiés dans le sens que les dispositions du Traité sur la responsabilité des États
intègrent la Charte des Nations Unies.
En outre, après l’article 2 de la Charte des Nations Unies il faudrait introduire une
nouvelle disposition, de ce genre:

Charte des N.U. Article concernant les normes en matière de maintien de la paix et
de la sécurité internationales: Les normes générales concernant le maintien de la paix et
de la sécurité internationales sont contenues dans le Traité sur la responsabilité des
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États, annexé à la présente Charte.

La Charte des N.U., le Traité sur la responsabilité des États, le Statut de la C.I.J. et le
Statut de la C.P.I. définiraient, ainsi, un système de la responsabilité internationale,
notamment majeure, voire criminelle, relatif, mais réunissant la quasi-totalité des États.
L’universalisation, déjà acquise en raison du nombre des États membres des N.U.
pourrait être ultérieurement confirmée, au niveau des principes généraux du droit
international, si la pratique des États non parties aux N.U. se conformait, aussi, aux
règles onusiennes.

§ 9.8. La juridiction de la Cour pénale internationale, à l’égard des États, par


rapport aux juridictions internes et au Conseil de sécurité.
En faisant de la C.P.I. un organe capable de juger les individus et les États à la fois,
il faudrait reconsidérer les principes de la compétence de la C.P.I.
Du point de vue de la compétence territoriale, il est naturel, quoique limitatif, que la
Cour puisse juger les sujets sur la base des principes de la nationalité et du lieu de la
commission du crime, établis à l’article 12 de son Statut.
Au paragraphe 2 de l’article 12 du Statut de la C.P.I. il faudrait, quand même,
prévoir que la C.P.I. exerce sa compétence dans tous les cas prévus à l’article 13, pour
rendre la dénonciation du C.d.S. équivalente à celle des États parties ou à l’initiative
motu proprio du Procureur. En outre, la compétence de la Cour devrait être fondée aussi
lorsqu’un État partie est accusé.
En théorie on peut envisager une compétence universelle sans limites sur le modèle
de l’article III de la Partie générale, applicable à une Cour pénale internationale, du
Projet de Code pénal international de l’A.I.D.P. de 1981.1404 La doctrine, toutefois, est
partagée sur le sujet. De façon tout à fait raisonnable certains auteurs pensent, suivant

1403 Sur la difficulté de coordonner le Traité sur la responsabilité des États avec la Charte des N.U. par
rapport aux crimes des États et à l’action du C.d.S. voir, en doctrine, D.W. BOWETT, Crimes of State
and the 1996 Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit., p. 170.
1404 Voir le texte de l’article III et le commentaire relatif in A.I.D.P., Projet de Code pénal international,
1981, cit., Partie générale applicable à une C.P.I. – Système d’application directe, p. 205-207.

393
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

les propositions formulées par certains États au cours des travaux préparatoires du
Statut de la C.P.I., que l’universalisation de la compétence de la Cour serait possible en
vertu de la cession des pouvoirs des États, dont les juridictions internes sont
universellement compétentes pour juger les crimes de guerre, les crimes contre
l’humanité et le génocide. En effet, si l’on conçoit les crimes prévus dans le Statut de la
C.P.I. comme violations d’obligations erga omnes indivisibles absolues (ius cogens), ils
pourraient rentrer dans la juridiction de la Cour en ayant regard aux États parties à son
Statut en tant que victimes des infractions en question, n’importe où et par qui elles
aient été perpétrées.1405 Une autre partie de la doctrine, en revanche, estime que la C.P.I.
est une institution, pas un État, mise sur pied en vertu d’un traité, de sorte que
l’universalisation de sa compétence devrait passer par l’adhésion au Traité constitutif,
mais elle ne peut pas se produire sur la seule base de la volonté d’un nombre relatif
d’États.1406 À notre avis, en acceptant la conception du crime international comme
violation d’une obligation erga omnes indivisible absolue, on peut admettre le principe
de la compétence universelle de la C.P.I. sur la base du critère de l’État lésé: tous les
États de la communauté internationale étant lésés, la C.P.I. pourrait agir en vertu des
pouvoirs qui lui ont été conférés par les États parties à son Statut. Dans ce cas, il
faudrait réviser toutes les normes concernant la compétence de la Cour dans un sens
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

universel.
À l’article 4 § 2 il faudrait dépasser la limitation des pouvoirs de la Cour au territoire
des États parties et des États ayant signé une convention ad hoc en disposant que:

Statut de la C.P.I. Article 4 (Régime et pouvoirs juridiques de la Cour) § 2. La Cour


a compétence universelle.

Dans l’article 11, le paragraphe 2, concernant la compétence à l’égard des États


parties après l’entrée en vigueur du Statut, serait abrogé. L’article 12, concernant les
conditions territoriales d’exercice de la compétence, serait supprimé, ce qui entraînerait
la suppression, aussi, de l’article 19 § 2 c) et de la référence relative contenue aux
paragraphes 5 et 7. La compétence universelle resterait, par conséquent, fondée sur
l’article 5 § 1 du Statut, qui conçoit les crimes ensuite détaillés en tant que violations
“qui touchent l’ensemble de la communauté internationale”, en entendant cette
expression au sens absolu.
À la limite, on pourrait substituer l’article 12 par une disposition de ce type:

Statut de la C.P.I. Article concernant l’absence de limites à la compétence


universelle de la Cour: La Cour est compétente à l’égard des crimes visés à l’article 5
sans aucune limite en vertu de la conception desdites infractions en tant que violations
qui touchent l’ensemble de la communauté internationale.

En général, notamment si l’on admettait le principe de la compétence universelle de


la C.P.I., fondée sur le ius cogens, il serait souhaitable, même si pas indispensable sur le
plan purement théorique, d’universaliser, aussi, son action. Ainsi, tous les États de la
communauté internationale devraient pouvoir avoir recours à la C.P.I., de sorte qu’il

1405 Voir E. LA HAYE, The Jurisdiction of the I.C.C.: Controversies over the Preconditions for
Exercising Its Jurisdiction, cit., p. 9-10, 22-24; J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel?
Quelques observations, cit., p. 64; M. HENZELIN, Le principe de l’universalité en droit pénal
international, cit., p. 449; F. LATTANZI, Riflessioni sulla competenza di una Corte Penale
Internazionale, cit., p. 686.
1406 Voir D. SCHEFFER, The U.S. and the I.C.C., cit., p. 18.

394
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

faudrait prévoir cette possibilité aux articles 13 a) et 14 § 1 du Statut de la C.P.I.


Conséquemment, il faudrait prévoir, à l’article 18 § 1, que le Procureur avise de
l’ouverture d’une enquête tous les États de la communauté internationale.
Conformément, la possibilité pour tout État de la communauté internationale d’avoir
recours à la C.P.I. devrait être réaffirmée à l’article 35 § 1 de la Charte des N.U. Par
ailleurs, on devrait modifier dans un sens universel l’article 9 § 2 a), pour permettre à
tous les États de la communauté internationale de proposer des amendements aux
éléments des crimes. En outre, tous les États de la communauté internationale devraient
se conformer aux décisions de la Cour car, autrement, le système, relatif, axé sur la
C.P.I., se heurterait aux réactions étatiques indépendantes, basées soit sur le droit
international général, soit sur d’autres systèmes relatifs. Des éventuelles actions
entamées, librement, par les États non-parties au Statut de la C.P.I. seraient totalement
décalées par rapport aux décisions de la Cour, sûrement au niveau de la procédure et,
peut-être, au niveau de la substance aussi. L’universalisation du système axé sur la
C.P.I. est, de ce fait, fortement souhaitable: dans cet ordre d’idées il faudrait réviser
toutes les normes concernant les États parties au sens universel. Ainsi à l’article 18 § 5
il faudrait prévoir que tous les États “de la communauté internationale” répondent à la
requête de renseignement du Procureur sur une enquête en cas de sursis. À l’article 57 §
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

3 d) il faudrait prévoir la possibilité que la Chambre préliminaire autorise le Procureur à


prendre des mesures sur le territoire de tous les États “de la communauté internationale”
sans s’être assuré, au préalable, de leur coopération. La même substitution devrait être
effectuée à l’article 59 § 1, concernant la procédure d’arrestation dans l’État de
détention, à l’article 70 § 4, en matière d’atteintes à l’administration de la justice et à
l’article 75 § 5, concernant la réparation en faveur des victimes. L’article 73, traitant
des renseignements ou documents émanant de tiers, devrait être révisé, aussi, dans un
sens universel. En matière de coopération des États avec la Cour il faudrait opérer cette
substitution aux articles 86, 87 (en adaptant le paragraphe 5), 88, 89, 90, 91 § 4, 93 § 1,
§ 4, § 9 a) i), 96 § 3, 97, 99 § 4, 100 § 2, 101 § 2. En matière d’exécution des sanctions
il faudrait effectuer cette substitution aux articles 103 § 3 a), 105 § 1 et 109. Concernant
le règlement des différends il faudrait opérer la substitution à l’article 119 § 2. Dans la
Charte des Nations Unies, à l’article 25 on devrait prévoir que tous les États de la
communauté internationale se conforment au décisions du Conseil de sécurité, à
l’article 43 il faudrait disposer que tous les États de la communauté internationale, par
rapport à la répression des crimes, s’engagent à mettre à disposition du Conseil de
sécurité les forces armées et l’assistance nécessaire au maintien de la paix. Au sens
universel il faudrait réviser les articles 44, 45, 47, 48, 49, 52, concernant l’action
exécutive du C.d.S., l’article 94, concernant l’efficacité des décisions de la Cour pénale
internationale, l’article 103, en matière de supériorité de la Charte des Nations Unies
sur les obligations découlant des autres accords internationaux, les articles 104-105,
concernant la capacité de l’Organisation et de ses organes sur le territoire des États,
l’article 108, concernant l’amendement de la Charte des Nations Unies.
Quant au principe de complémentarité, la solution la plus cohérente de toutes
consisterait à affirmer la compétence exclusive de la C.P.I.1407 Cette approche

1407 Sur le principe de la juridiction complémentaire de la C.P.I. par rapport aux États, ainsi que sur sa
dépendance du C.d.S., qui limitent l’autonomie de la Cour, voir, en doctrine, Ph. WECKEL, La C.P.I. –
Présentation générale, cit., p. 986. D’après A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary
Reflections, cit., p. 159, le principe de la juridiction complémentaire crée le risque qu’un État cherche à
garantir l’impunité des individus, notamment lorsque la responsabilité étatique est impliquée, et son
application est très large car, en vertu de l’article 18 § 1, même la compétence de tout État tiers au Statut
prévaut, selon les principes du droit pénal international, sur celle de la C.P.I.

395
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

permettrait d’éviter tout dédoublement des procédures de jugement et, donc, toute
possibilité d’éventuelles contradictions entre les arrêts de la C.P.I. sur la responsabilité
des États et ceux des juridictions internes en matière de responsabilité individuelle.1408
Une telle solution, toutefois, n’est pas réaliste, étant donnés les coûts élevés de la
juridiction internationale, qui ne peut être qu’une juridiction d’élite.1409
Dans une perspective plus limitée on pourrait envisager la compétence exclusive
seulement lorsque la responsabilité étatique est impliquée, en considérant que, vu la
gravité exceptionnelle des crimes soumis à la compétence de la C.P.I., ils ne devraient
pas être innombrables.1410
La meilleure solution consisterait à affirmer la primauté de la compétence de la
C.P.I., pour les crimes soumis à sa juridiction, sur les juridictions nationales. Dans ce
cas la Cour, non plus les États, déciderait quels différends devraient être soumis à sa
compétence et quels resteraient de compétence des États.
En choisissant l’option de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la
C.P.I. par rapport aux juridictions nationales, il faudrait intervenir sur le préambule et
sur l’article premier (la Cour) du Statut de la C.P.I., en prévoyant ces options, et
supprimer, par conséquent, les articles 17 (questions relatives à la recevabilité), 18
(décision préliminaire sur la recevabilité), 19 § 2 alinéa b) (y compris les références au
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

paragraphe 2 alinéa b) contenues aux paragraphes 5 et 7), § 10 et § 11 (contestation de


la compétence de la Cour ou de la recevabilité de l’affaire), 20 § 3 (ne bis in idem), 53 §
1 b) et § 2 b), 89 § 2 (renvoi au ne bis in idem), 90 (demandes concurrentes) du Statut
de la C.P.I. En outre, on devrait, aussi, réviser l’article 19 § 1, § 4 et § 8 a) et supprimer,
aux articles 57 § 2, 90 § 2 et 95, la référence à l’article 18.
Par ailleurs, en cas d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la juridiction de
la C.P.I. par rapport aux juridictions nationales et, en même temps, de la compétence
universelle, il faudrait intervenir sur le paragraphe 4 de l’article 19, tandis que les
paragraphes 5 et 7 de l’article 19, concernant le délai de contestation de la compétence
de la Cour par les États, seraient supprimés.
Il faut, quand même, souligner que le système actuel, prévoyant la compétence
complémentaire, est assez efficace, car la Cour a la possibilité d’exercer un contrôle sur
les juridictions internes, en évoquant le procès au cas où celui-ci ne se déroulerait pas
de façon impartiale.1411 Ainsi l’article 18 § 2 du Statut prévoit que la Chambre

1408 Cette solution est prospectée par H. Kelsen à l’article 35-decies de son Projet pour l’institution d’une
Organisation permanente pour le maintien de la paix (voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace
attraverso il diritto), cit., p. 174), et soutenue par V. Pella (voir S.G., Mémorandum concernant le Projet
de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit.,
p. 310, § 51-59). La même solution est retenue à l’article IV § 12 du Projet de Code pénal international
élaboré par l’A.I.D.P. en 1981 (voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, 1981, cit., Mesures
d’exécution, Article IV (Compétence), p. 170).
1409 D’après J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques observations, cit., p. 61, 71,
la solution de la compétence exclusive de la C.P.I. serait, en abstrait, la plus souhaitable, mais, en
pratique, inexploitable. Conformément voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary
Reflections, cit., p. 158.
1410 Selon V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 123, on aurait pu penser à
instituer la compétence exclusive de la C.P.I. seulement au cas où l’action individuelle aurait déclenché
un conflit armé international.
1411 Celle-ci paraît la solution souhaitée par H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il
diritto), cit., p. 151, qui ne se soucie pas des possibles conflits des jugements et d’après lequel le
jugement d’une Cour pénale internationale sur le côté individuel de la responsabilité serait inutile, du
moins au premier degré, car les juridictions internes suffiraient pour accomplir cette tâche, de sorte que le
vrai intérêt de l’action de la Cour concernerait le jugement du côté collectif de la responsabilité pénale,
auquel les juridictions internes ne peuvent pas avoir accès, en raison du principe de l’égalité souveraine

396
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

préliminaire peut autoriser le Procureur à poursuivre l’enquête, sur sa demande, lorsque


la juridiction interne, au sens de l’article 17 § 1 b), § 2 et § 3, ne veut on ne peut pas
mener à bien les poursuites, soit pour soustraire un individu à la juridiction de la Cour,
soit pour des retards injustifiés, soit encore pour l’absence des requis de l’indépendance
ou de l’impartialité.1412 Le Comité ad hoc pour l’institution d’une Cour criminelle
internationale a précisé, à cet égard, que la dérogation au principe de la compétence
nationale ne doit être exploitée qu’au cas où rien ne permettrait d’escompter que les
intéressés seraient dûment jugés par les juridictions internes.1413 De toute façon, il
faudrait insérer un nouvel quatrième paragraphe dans l’article 17, prévoyant la faculté
de la C.P.I. d’évoquer la compétence, si le sujet présumé coupable était un individu-
organe d’un État ou si une possible responsabilité étatique était impliquée. Cette
solution permettrait d’éviter toute contradiction de jugement entre la C.P.I. et les
juridictions internes.
Le nouvel quatrième paragraphe de l’article 17 pourrait être ainsi libellé:

Statut de la C.P.I. Article 17 § 4: La Cour peut, en tout cas, évoquer la compétence


pour juger un individu présumé coupable d’un crime, lorsque sa responsabilité pourrait
entraîner celle de l’État.
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Alternativement, si on ne voulait pas adopter une solution aussi radicale, on devrait,


au moins, insérer une clause de sauvegarde, prévoyant la possibilité que la C.P.I. juge la
responsabilité des États, même au cas où les juridictions internes resteraient saisies de la
compétence individuelle. Cette solution, toutefois, ne constituerait pas une réponse à la
question de la possible contradiction des jugements.
La clause de sauvegarde pourrait être ainsi formulée:

Statut de la C.P.I. Article 17 § 4: La Cour reste, en tout cas, compétente pour juger le
côté collectif de la responsabilité, même lorsque les juridictions internes demeurent
saisies de la responsabilité individuelle.

On pourrait, à la limite, envisager d’introduire une disposition obligeant les États à


assurer, par l’adaptation de la loi interne, un procès dans un délai raisonnable,
compatible avec le jugement de la C.P.I. sur la responsabilité des États.
Ainsi on devrait insérer un cinquième paragraphe dans le cadre de l’article 17,
prévoyant que:

Statut de la C.P.I. Article 17 § 5: Les États sont tenus à assurer un procès dans un
délai raisonnable, compatible avec le jugement de la Cour sur la question de la
responsabilité collective.

des États. En faveur de la compétence complémentaire de la C.P.I. qui garde, tout de même, le pouvoir
d’évoquer la juridiction, voir J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques
observations, cit., p. 62-63, R. WEDGWOOD, The I.C.C.: an American View, cit., p. 94; A. CASSESE,
The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 159, qui doute, quand même, que le
pouvoir de la C.P.I. d’évoquer l’affaire soit efficace à l’égard des États qui cherchent à garantir
l’impunité des individus, notamment lorsque la responsabilité étatique est impliquée.
1412 Sur les circonstances dans lesquelles la juridiction de la C.P.I. prévaut sur les juridictions internes
voir E. LA HAYE, The Jurisdiction of the I.C.C.: Controversies over the Preconditions for Exercising Its
Jurisdiction, cit., p. 9-10, 22-24, d’après lequel la possibilité d’évoquer la compétence devrait être unie
au principe de la juridiction universelle de la C.P.I., pour rendre la Cour réellement capable de jouer un
rôle clé dans la poursuite des crimes internationaux. Sur l’article 17 du Statut de la C.P.I. voir, aussi,
M.H. ARSANIJANI, The Rome Statute of the I.C.C., cit., p. 27.
1413 Voir Comité ad hoc pour une C.C.I., Rapport à l’A.G., 1995, doc. A/50/22, cit., p. 8-9, § 41-47.

397
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Par contre, si on n’acceptait pas le principe de la primauté de la C.P.I., au moins


lorsque la responsabilité des États est en jeu, il faudrait ajouter une disposition qui
permette à la C.P.I. d’avoir, à tout moment, tout renseignement sur l’infraction
individuelle, du côté du droit matériel et de la procédure car, pour l’instant, seulement
le Procureur est doté de ce pouvoir en vertu de l’article 19 § 11. Cette limitation est due,
certainement, au système accusatoire, qui fait du Procureur le sujet chargé de recueillir
la preuve, mais il serait correct que le juge puisse disposer de certains pouvoirs
d’intégration.1414 D’ailleurs, le Procureur ne peut exercer ce pouvoir qu’en cas de sursis
à enquêter, alors que la Cour devrait pouvoir en disposer dans toute sorte d’affaire qui
puisse être reliée au côté collectif de la responsabilité rentrant dans sa juridiction.
Il faudrait, dès lors, insérer un douzième paragraphe dans l’article 19, prévoyant que:

Statut de la C.P.I. Article 19 § 12: La Cour, qui jugé la responsabilité de l’État, peut,
à tout moment, dans la matière de sa compétence, demander à l’État qui procède ou a
procédé à l’égard d’un individu, de lui communiquer des renseignement sur l’infraction
et le déroulement de la procédure. Ces renseignements sont tenus par confidentiels si
l’État le demande.

À l’article 20 § 3 (Ne bis in idem) il faudrait prévoir la possibilité que la C.P.I. juge
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un individu déjà jugé par une autre juridiction au cas où sa responsabilité implique la
responsabilité collective.
Du côté du rapport entre la C.P.I. et le Conseil de sécurité des N.U., naturellement, il
faudrait établir la primauté de la C.P.I. sur le C.d.S., et, par conséquent, abroger les
dispositions qui créent la dépendance de la Cour par rapport au C.d.S. Ainsi, il serait
indispensable d’éliminer, dans l’article 13 § 1 b) du Statut, qui prévoit le pouvoir du
C.d.S. de renvoyer un crime au Procureur de la C.P.I., l’expression “agissant en vertu
du chapitre VII de la Charte des Nation Unies”. En outre, il faudrait éliminer l’article 16
du Statut, qui prévoit la possibilité que le C.d.S. surseoit l’enquête par la présentation
d’une demande, renouvelable, en vertu du chapitre VII de la Charte des N.U. D’ailleurs,
on devrait aussi supprimer, dans l’article 53 § 2 du Statut, concernant la renonciation du
Procureur à poursuivre une enquête, l’expression “ou le Conseil de sécurité s’il s’agit
d’une situation visée à l’article 13, paragraphe b)”, pour que le Procureur ne soit pas
obligé d’informer le Conseil de ladite renonciation. Conséquemment, il faudrait
supprimer la possibilité que le Conseil demande à la Chambre préliminaire d’examiner
la renonciation du Procureur à poursuivre, en supprimant, dans l’article 53 § 3 a) du
Statut, les mots “ou du Conseil de sécurité s’il s’agit d’une situation visée à l’article 13
paragraphe b)”. De la même façon, on devrait exclure la possibilité que la Cour informe
le C.d.S. de l’absence de coopération d’un État tiers au Statut (lié par un arrangement
ad hoc) ou de l’éventuelle inexécution, par un État partie, d’une demande de
coopération, lorsqu’elle a été saisie par le Conseil, aux termes de l’article 87 § 5 b) et
87 § 7 du Statut.1415

1414 Sur le modèle accusatoire du procès devant la C.P.I. et les pouvoirs d’intégration du juge voir C.
JORDA, J. DE HEMPTINNE, Le rôle du juge dans la procédure face aux enjeux de la répression
internationale, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 807 s.
1415 Sur la relation entre la C.P.I. et le C.d.S. dans le cadre du Statut actuel de la C.P.I. voir les
considérations que nous avons fait en traitant de la position de la C.P.I. dans le système de droit
international actuel. Sur la question de l’indépendance de la C.P.I. voir M. BENNOUNA, L’organisation
de la répression internationale – La Cour pénale internationale, cit., p. 739; J. PEJIC, Creating a
Permanent International Criminal Court: the Obstacles to Independence and Effectiveness, cit., p. 291;
G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between the Envisaged
International Criminal Court and the Security Council, cit., p. 338 s.

398
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

§ 9.9. La compétence de la Cour pénale internationale: sujets (individus et États)


et figures criminelles.
Du côté des figures criminelles (compétence ratione materiae), on commencera par
un constat général: l’expression “crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la
communauté internationale” (voir, notamment, le Préambule et l’article 5 du Statut de
la C.P.I.) peut être entendue au sens absolu ou relatif selon que l’on admette ou pas
l’existence des obligations erga omnes, notamment indivisibles, absolues en droit
international.
Quant aux dispositions spécifiques, on pourrait élargir la juridiction de la C.P.I. au
crime d’intervention, entendu comme violation du droit à l’existence et à la
souveraineté des États et du droit à l’autodétermination des peuples, en tant que
catégorie plus large de l’agression. Dans ce cas, il faudrait ajouter l’intervention,
comme figure criminelle, à l’article 5 du Statut, et rajouter ensuite un article prévoyant
l’intervention et une liste de conduites typiques. D’ailleurs, on pourrait insérer, depuis
l’article 8 du Statut, un article, définissant l’agression, qui reprenne la définition de
l’article premier de la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des N.U.,
qualifiant l’agression comme violation, par l’emploi de la force armée, du droit à
l’existence et à la souveraineté des États. En outre il faudrait ajouter, à l’article 5 du
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Statut, et après l’article 8, le crime contre la juridiction internationale, consistant dans la


violation des obligations découlant des ordres de la C.P.I., pour permettre à la Cour de
sanctionner d’éventuelles violations et de faire exécuter les sanctions sous peine,
autrement, de risquer la paralysie du système entier de la responsabilité internationale
pénale.
En ce qui concerne, plus spécifiquement, les crimes contre l’humanité, on devrait
prévoir, au côté de l’action systématique ou généralisée, l’acte singulier contre un
nombre massif de personnes.1416
Concernant les crimes de guerre il serait souhaitable de supprimer l’article 124 du
Statut de la C.P.I., disposition transitoire permettant aux États parties de ne pas accepter
la compétence de la C.P.I. pour une période de sept ans à dater de l’entrée en vigueur du
Statut, malgré les dispositions de l’article 12, à l’égard des crimes de guerre commis par
ses ressortissants ou sur son territoire.1417
En ce qui concerne les sujets susceptibles de poursuites (compétence ratione
personarum), il faudrait élargir la juridiction de la Cour aux États et, éventuellement,
aux autres personnes morales.1418 Déjà l’article 35 du Projet de Statut pour la création

1416 Sur la question de l’acte singulier constituant un crime contre l’humanité voir les considérations que
nous avons fait dans le cadre de l’analyse générale du Statut de la C.P.I. En doctrine voir M. BETTATI,
Le crime contre l’humanité, cit., p. 310.
1417 Sur ce problème voir E. LA HAYE, The Jurisdiction of the I.C.C.: Controversies over the
Preconditions for Exercising Its Jurisdiction, cit., p. 16-18; A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some
Preliminary Reflections, cit., p. 146.
1418 Le Projet d’Accord pour l’institution d’une Organisation permanente pour le maintien de la paix, de
H. Kelsen, prévoit la mise sur pied d’une Cour, d’ordre pénal, compétente pour juger les États et les
individus-organes ayant commis des crimes internationaux, aux articles 35 et 35-quinquies § 1. Toutefois,
d’après Kelsen, le jugement sur la responsabilité individuelle devrait suivre celui sur la responsabilité des
États, tandis que, à notre avis, le jugement sur la responsabilité individuelle est préalable à celui sur la
responsabilité collective (voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p.
149, 167 et 172). Dans le sens que le jugement sur la responsabilité individuelle permettrait d’éclairer la
responsabilité collective voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 145.
Conformément voir A.I.D.P., Vœux adoptés par le Congrès de Bruxelles, 1926, cit., p. 462. En général,
sur la compétence de la C.P.I., voir F. LATTANZI, Riflessioni sulla competenza di una Corte penale
internazionale, cit., p. 661 s. Sur la question de l’élargissement de la compétence de la C.P.I. aux États

399
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., rédigé par V. Pella en 1928, prévoyait
que: “La Chambre criminelle est compétente pour juger tout État ou ses
ressortissants”.1419 Le Projet de Code pénal international rédigé par A. Levitt, en 1929,
prévoyait la compétence de la C.C.I. pour juger les États (article 6).1420 La possibilité
que la C.P.I. juge les États et les personnes morales est envisagée, aussi, aux articles IV
et V de la partie générale, applicable à une C.P.I. du Projet de Code pénal international
élaboré sous les auspices de l’A.I.D.P. en 1981.1421 Dans les travaux préparatoires du
Statut de la C.P.I. au sein des N.U. la possibilité de rendre la C.P.I. compétente pour
juger les personnes morales avait été envisagée par le Comité préparatoire pour
l’établissement d’une C.C.I., puis cette proposition a été rejetée car plusieurs
délégations ont déclaré que ce type de responsabilité est inconnu dans les ordres
internes respectifs.1422 En effet, la Troisième partie-bis (Principes généraux du droit
international), Proposition n. 2 (Personnes physiques et morales), des propositions
élaborées par le Comité préparatoire en 1996, prévoyait la responsabilité des personnes
morales, à l’exception des États, pour l’action de ses organes.1423 Également le Projet
élaboré par le Comité préparatoire pour la création d’une C.C.I., en 1998, prévoyait la
responsabilité des personnes morales, à l’exclusion des États, à l’article 23
(Responsabilité pénale individuelle).1424 De façon générale, il serait souhaitable
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d’employer le terme “sujet” au lieu du mot “personne”, moins neutre, dans les normes
du Statut, mais cela n’est pas indispensable. Par contre il faudrait, forcement, changer le
titre de l’article 25, portant “responsabilité individuelle”, en “responsabilité individuelle
et collective”, puis ajouter dans le texte le mot “États” et, éventuellement, l’expression
“les autres personnes morales”.
L’article 25 serait ainsi libellé:

Statut de la C.P.I. Article 25 (Responsabilité pénale individuelle et collective): 1.La


Cour est compétente à l’égard des personnes physiques et des États (et des autres
personnes morales) en vertu du présent Statut.

voir G.T. BLEWITT, The Necessity for Enforcement of International Humanitarian Law, cit., p. 299 s.
Sur l’élargissement de la compétence de la C.P.I. aux organisations internationales voir P. DAILLIER,
Les organisations internationales, in E. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international
pénal, cit., p. 139 s. Sur le problème de la responsabilité des organisations internationales ainsi que des
organisations infra-étatiques et trans-étatiques voir les considérations que nous faisons dans le cadre de
l’analyse de l’élargissement subjectif du système de la responsabilité internationale pénale.
1419 Voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., par
V. Pella, 1928, cit., p. 138, Chapitre IV, (De la compétence), article 35. Sur cette question voir V.
PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 115.
1420 Voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, rédigé par A. Levitt, 1929, cit., p. 40-41, article 6.
1421 Voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, 1981, cit., Partie générale – Applicable à une
C.P.I. – Système d’application directe, article IV, (Définitions), article V (Responsabilité), p. 208-216.
Pour une critique de la responsabilité étatique contemplée à l’article V du Projet en question voir A.
FATHI SOROUR, Quelques remarques sur la partie générale du Projet de Code pénal international,
cit., p. 509-510.
1422 Voir Comité préparatoire sur l’établissement d’une C.P.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité en
mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 47-48, § 194.
1423 Voir le texte de l’article in Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. II
(Compilation des propositions), 1996, doc. A/51/22/A, cit., p. 83 (Troisième partie-bis (Principes
généraux du droit international), Article B (Responsabilité pénale individuelle), proposition n. 2
(Personnes physiques et morales)). Voir, aussi, supra, les considérations que nous avons fait sur les
travaux préparatoires du Statut de la C.P.I. dans le cadre de l’analyse de l’élément subjectif dans le Statut.
1424 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet
d’Acte final), 1998, doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 49-50 (article 23 (Responsabilité pénale
individuelle)).

400
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

D’ailleurs, il serait convenable d’ajouter, tout de suite, un paragraphe concernant la


responsabilité organique et rappelant, expressément, la responsabilité criminelle
étatique (et des organisations internationales) telle que réglée dans le Traité sur la
responsabilité des États.
Cette disposition pourrait être ainsi formulée:

Statut de la C.P.I. Article 25 § 2: La Cour est compétente à l’égard des États (et des
autres personnes morales) lorsque les crimes du présent Statut sont commis par un
individu agissant en tant qu’organe. Lorsqu’il s’agit de juger la responsabilité pénale
d’un État (ou d’une organisation internationale), la Cour applique les articles du Traité
sur la responsabilité des États concernant les crimes internationaux des États.

Le rappel des normes du Traité sur la responsabilité des États devrait valoir, en
principe, aussi pour les organisations internationales, sujets composés d’États.
Conformément à cette approche la responsabilité des organisations internationales
devrait suivre la voie de la responsabilité étatique même en matière de sanction, de
mesures préventives ainsi que de procédures exécutives. Par la suite on signalera cette
tendance seulement aux niveau des changements normatifs les plus importants, car la
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casuistique complexe des organisations internationales et l’absence d’une doctrine, pour


l’heure, suffisamment développée, nous empêchent de coordonner de façon
satisfaisante l’ensemble des normes prises en considération par rapport aux
organisations internationales. Probablement les études de la C.D.I. sur la responsabilité
des organisations internationales, qui ont débuté en 2002, permettront, à l’avenir,
d’aborder la question des organisations internationales de façon approfondie et de
développer des considérations normatives complètes.1425
Concernant l’élargissement de la compétence de la C.P.I. aux personnes morales en
général, dans l’actuel paragraphe 2 de l’article 25 du Statut, on devrait abroger le mot
“individuellement”, qui concerne la façon des sujets d’être responsables devant la Cour
et il faudrait, aussi, supprimer l’actuel paragraphe 4, selon lequel la responsabilité
individuelle et collective devraient être conçues de façon indépendante. À l’article 1er il
serait souhaitable d’introduire, depuis le mot “personnes”, l’expression “physiques, des
États (et des autres personnes morales)”. À l’article 26 il faudrait préciser que la Cour
n’est compétente qu’à l’égard d’une personne “physique” âgée de plus de 18 ans.
Cette modification implique, dans le Traité sur la responsabilité des États, l’insertion
d’un article qui prévoie la compétence de la C.P.I. en matière de crimes des États.
L’article en question pourrait être ainsi conçu:

Traité sur la responsabilité des États. Article sur la compétence de la Cour pénale
internationale en matière de crimes des États: La Cour pénale internationale est
compétente pour juger les crimes des États. Le Statut de la Cour pénale internationale
est intégralement rappelé.

Cet article aurait pu trouver sa place à la fin de la troisième partie du Projet sur la
responsabilité des États de 1996, relative à la “Réglementation des conflits” après
l’article 60. Dans le Projet de 2001, il devrait trouver sa place dans la troisième partie,
relative à la “Mise en œuvre de la responsabilité internationale de l’État” après la
réglementation des contre-mesures, comme disposition autonome.

1425 Sur le démarrage des travaux sur la responsabilité des organisations internationales voir C.D.I.,
Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-deuxième session, A/55/10, cit., p. 277, § 729.

401
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

De plus, au fond de la troisième partie du Projet de 1996, après l’article 60, il


faudrait prévoir une nouvelle disposition:

Traité sur la responsabilité des États. Article concernant la primauté des décisions
rendues par la Cour pénale internationale: Les articles 54-60 sont sans préjudice de la
compétence de la Cour pénale internationale en cas de crime international de l’État. Les
décisions de la Cour pénale internationale priment sur les décisions rendues par toute
autre juridiction.

Dans le Statut de la C.I.J., en revanche, il faudrait intégrer l’article 36 § 1,


concernant la compétence de la C.I.J., en y prévoyant que, en cas de conflit de
compétence avec la C.P.I., il faudrait éclairer la nature de l’affaire pour établir s’il s’agit
de la responsabilité majeure ou simple des États. En cas de responsabilité majeure, la
compétence reviendrait à la C.P.I., en cas de responsabilité simple, la compétence
reviendrait à la C.I.J. Conséquemment, à l’article 36 § 6, on devrait prévoir le pouvoir
de la C.P.I. de trancher en matière de compétence pour les crimes étatiques.
Du côté de l’élément psychologique de l’infraction, indépendamment de la relation
entre les crimes individuels et collectifs, il serait bien de prévoir, expressément,
l’imputation à titre de dol ou de faute.1426
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Ainsi, on pourrait modifier l’article 30 § 1, dans ce sens:

Statut de la C.P.I. Article 30 (Élément psychologique): 1. Sauf disposition contraire,


nul n’est pénalement responsable et ne peut être puni à raison d’un crime relevant de la
compétence de la Cour que si l’élément matériel du crime est commis avec dol, c’est-à-
dire avec connaissance et intention, ou avec faute, c’est à dire en l’absence d’intention
et, éventuellement, de connaissance.

D’ailleurs, on pourrait expliciter que l’élément psychologique des États est


équivalent à celui de l’individu.1427 Conformément l’article VI § 3 de la partie générale,
applicable à une C.P.I., du Projet de Code pénal international, élaboré par l’A.I.D.P. en
1981, prévoit que l’élément moral de la responsabilité des individus, des États et des
autres personnes morales, consiste “soit en l’intention, soit en la connaissance ou la
négligence”.1428

1426 Sur l’élément psychologique dans le Statut de la C.P.I. voir les considérations que nous avons fait
dans le cadre de l’analyse générale du Statut. En doctrine, sur l’élément psychologique dans les crimes
internationaux, voir, notamment, L. CAVICCHIOLI, Sull’elemento soggettivo nei crimini contro la pace
e la sicurezza dell’umanità, cit., p. 1047 s.; C. LOMBOIS, La culpabilité en droit international, cit., p.
140 s.
1427 L’article 44 (Le manquement) de l’Avant-Projet de Q. Saldaña, de 1925, prévoyait la responsabilité
de l’État, pour violation d’un engagement international “soit pour dol, soit pour faute” (voir Q. Saldaña,
Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. 404, article 44 (Responsabilité
de l’État – Manquement)). Sur l’imputation de la conduite illicite à l’ État au même titre qu’à l’individu
voir les considérations que nous avons fait en traitant le côté subjectif de la responsabilité étatique et
l’attribution de l’infraction via le principe de l’imputation organique. En doctrine voir R. AGO, Le délit
international, cit., p. 72 s.; B. CONFORTI, Diritto internazionale, 6a ed., cit., p. 363 s.
1428 Voir le texte de l’article et le commentaire relatif in A.I.D.P., Projet de Code pénal international,
1981, cit., Partie générale – Applicable à une C.P.I. – Système d’application directe, Article VI (Éléments
constitutifs du crime international), p. 217-219.

402
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

Il serait souhaitable, donc, d’insérer, à l’article 30, un paragraphe concernant


l’élément psychologique des États et, éventuellement, des autres personnes morales:

Statut de la C.P.I. Article 30 § 4: Du point de vue psychologique, les États (et les
autres personnes morales) sont responsables au même titre que les personnes physiques.

En outre, aux motifs d’exonération de la responsabilité prévus aux articles 31-33 du


Statut, on pourrait ajouter ceux du Traité sur la responsabilité des États.
Il faudrait, donc, envisager une disposition de ce type:

Statut de la C.P.I. Article relatif à l’application des motifs d’exclusion de la


responsabilité du Traité sur la responsabilité des États: La Cour pénale internationale
applique les circonstances excluant la responsabilité prévues dans le Traité sur la
responsabilité des États.

Du côté de la procédure on pourrait songer à renforcer l’office du Procureur et des


juges en cas de procès concernant la responsabilité des États, en intervenant sur les
articles 39 et 42 du Statut de la C.P.I.1429 À la limite on pourrait concevoir l’institution
d’une police judiciaire internationale ou de Commissions d’enquête chargées d’aider le
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Procureur à recueillir les preuves en cas de procès mettant en cause la responsabilité


étatique.1430

§ 9.10. L’application des mesures préventives aux États dans le Statut de la Cour
pénale internationale.
L’élargissement de la compétence la C.P.I. aux États (et aux autres personnes
morales) rendrait indispensable d’ajouter des nouvelles dispositions dans le Statut de la
C.P.I., pour régler les mesures préventives concernant ces sujets. Ainsi, il faudrait
insérer des nouvelles normes après l’article 57, qui concerne les pouvoirs de la
Chambre préliminaire, afin d’attribuer à la Chambre préliminaire le pouvoir d’imposer
des sanctions aux États (et aux organisations internationales), de façon préventive, en
présence des requis du periculum in mora et du fumus boni iuris.1431 Ce pouvoir serait,

1429 Les article 16 et 56 § 2 du Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la
C.P.J.I., rédigé par V. Pella en 1928, prévoyaient la constitution d’un organe spécial d’instruction,
composé de trois membres, pour la poursuite des actes engageant la responsabilité des États (voir
A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., par V. Pella,
1928, cit., p. 34, Chapitre II (Des organes d’instruction), article 16, p. 142, Chapitre VI (Le jugement
répressif international), § 3 (De la procédure de jugement), article 56, § 2). Sur cette question voir, aussi,
V. Pella, De l’influence d’une juridiction criminelle internationale, Rapport au Congrès de Bruxelles,
1926, cit., p. 415-416.
1430 Dans cet ordre d’idées voir V. Pella, De l’influence d’une juridiction criminelle internationale,
Rapport au Congrès de Bruxelles, 1926, cit., p. 417-418. Sur l’institut des commissions d’enquête voir S.
BARBYER, Les commissions d’enquête et d’établissement des faits, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A.
PELLET, Droit international pénal, cit., p. 607 s.
1431 Sur le periculum in mora (préjudice imminent) et le fumus boni iuris (apparence de bon droit) voir,
en jurisprudence, C.I.J., Sentence arbitrale du 31 juillet 1989, Guinée Bissau/Sénégal, mesures
conservatoires, ordonnance du 2 mars 1990, opinion dissidente du juge ad hoc, in C.I.J. Rec., 1990, p. 79
s. La jurisprudence a, d’ailleurs, développé trois critères pour décider de l’application d’une mesure
conservatoire: 1) Le critère du lien de la demande d’une mesure conservatoire avec l’instance principale,
car la décision conservatoire doit “figer” une situation dans l’atteinte de la décision principale (voir C.I.J.,
Anglo-Iranian Oil Company, Royaume-Uni/Iran, mesures conservatoires, ordonnance du 5 juillet 1951,
in C.I.J. Rec., 1951, p. 93; C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, États-
Unis d’Amérique/Iran, mesures conservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979, in C.I.J. Rec., 1979, p.
16; C.I.J., Sentence arbitrale du 31 juillet 1989, Guinée Bissau/Sénégal, mesures conservatoires,

403
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

naturellement, étendu aux juges de toutes les autres phases procédurales en vertu des
dispositions, éparpillées dans le Statut, qui rappèlent, expressément, les pouvoirs de la
Chambre préliminaire: ainsi, l’article 61 § 11 étend les pouvoirs de la Chambre
préliminaire aux juges de première instance, tandis que l’article 83 § 1 étend lesdits
pouvoirs à la Chambre d’appel.1432 Ce pouvoir serait, pour la C.P.I., l’équivalent de la

ordonnance du 2 mars 1990, in C.I.J. Rec., 1990, p. 64 s.; C.I.J., Application de la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, Bosnie Herzégovine/Yougoslavie (Serbie et
Monténégro), mesures conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993, in C.I.J. Rec., 1993, p. 325 s.;
C.I.J., Certaines procédures pénales engagées en France, République du Congo/France, demande en
indication de mesures conservatoires, ordonnance du 17 juin 2003, in ‹http://www.icj-cij.org›, p. 6, § 28;
C.I.J., Avena et autres ressortissants mexicains, Mexique/États-Unis d’Amérique, demande en indication
de mesures conservatoires, ordonnance du 5 février 2003, in ‹http://www.icj-cij.org›, p. 12, § 48; C.P.J.I.,
Réforme agraire polonaise et la majorité allemande, Allemagne/Pologne, ordonnance du 29 juillet 1933,
in C.P.J.I., série A/B, 1933, n. 58, p. 175 s.); 2) Le critère de l’urgence, c’est-à-dire l’imminence du
préjudice du droit déduit en cause (voir C.I.J., Interhaendel, Suisse/États-Unis d’Amérique, mesures
conservatoires, ordonnance du 24 octobre 1957, in C.I.J. Rec., 1957, p. 105 s.; C.I.J., Procès des
prisonniers de guerre pakistanais, Pakistan/Inde, mesures conservatoires, ordonnance du 13 juillet 1973,
in C.I.J. Rec., 1973, p. 328 s.; C.I.J., Passage du Grand Belt, Finlande/Danemark, mesures
conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991, in C.I.J. Rec., 1991, p. 12 s.; C.I.J., Convention de Vienne
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sur les relations consulaires, Paraguay/États-Unis d’Amérique, mesures conservatoires, ordonnance du 9


avril 1998, in C.I.J. Rec., 1998, p. 248 s.); 3) Le critère du préjudice irréparable, défini par la C.P.J.I., au
cours de l’affaire de la Dénonciation du Traité sino-belge, comme celui qui “ne saurait être réparé
moyennant le versement d’une simple indemnité ni aucune autre prestation matérielle”, donc le préjudice
subsistant au cas où la Cour ne pourrait pas remettre en état la situation telle qu’elle était auparavant
selon le principe de la restitutio in integrum (voir C.P.J.I., Dénonciation du Traité sino-belge du 2
novembre 1865, Belgique/Chine, ordonnance du 8 janvier 1927, in C.P.J.I., série A, 1927, n. 8, p. 7;
C.I.J., Plateau continental de la mer Égée, Grèce/Turquie, mesures conservatoires, ordonnance du 11
septembre 1976, in C.I.J. Rec., 1976, p. 11). Le préjudice peut être direct, c’est-à-dire en train de se
vérifier, ou bien éventuel, non encore réalisé mais possible (sur le préjudice directe voir C.I.J., Activités
militaires et paramilitaire au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique, mesures
conservatoires, ordonnance du 10 mars 1984, in C.I.J. Rec., 1984, p. 169 s.; sur le préjudice éventuel voir
C.I.J., Essais nucléaires, Australie/France, mesures conservatoires, ordonnance du 22 juin 1973, in C.I.J.
Rec., 1973, p. 105, § 29; C.I.J., Plateau continental de la mer Égée, Grèce/Turquie, mesures
conservatoires, ordonnance du 11 septembre 1976, in C.I.J. Rec., 1976, p. 11). Le principe du préjudice
irréparable se précise, aussi, dans l’exigence de ne pas aggraver ou étendre un différend (voir C.P.J.I.,
Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, Belgique/Bulgarie, ordonnance du 5 décembre 1939, in
C.P.J.I., série A/B, 1939, n. 79, p. 199; C.P.J.I., Statut juridique du territoire du Sud-Est du Groenland,
Norvège/Danemark, ordonnance du 3 août 1932, in C.P.J.I., série A/B, 1932, n. 48, p. 285; C.I.J.,
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-Unis d’Amérique,
mesures conservatoires, ordonnance du 10 mai 1984, in C.I.J. Rec., 1984, p. 187; C.I.J., Différend
frontalier, Burkina Faso/Mali, mesures conservatoires, ordonnances du 10 janvier 1986, p. 9). Cette
exigence est liée, aussi, à la nécessité de conserver les éléments de preuve qui pourraient être dénaturés
par l’aggravation de la situation, comme dans le cas du litige entre le Cameroun et le Nigeria, où la Cour
a affirmé que le pillage et l’occupation d’édifices publiques auraient rendu difficile l’établissement de la
souveraineté sur ces parcelles (voir C.I.J., Frontière terrestre entre le Cameroun et le Nigeria,
Cameroun/Nigeria, mesures conservatoires, ordonnance du 19 mars 1996, in C.I.J. Rec., 1996, I, p. 22-
23, § 41). Sur le periculum in mora et le fumus boni iuris comme conditions indispensables pour
l’application des mesures préventives aux États par rapport au procès devant la C.I.J., voir, en doctrine,
R. MAISON, Les ordonnances de la C.I.J. dans l’affaire relative à l’application de la Convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide, cit., p. 386.
1432 L’article 61 § 11 du Statut de la C.P.I. prévoit que: “Dès que les charges ont été confirmées
conformément au présent article, la Présidence constitue une Chambre de première instance qui […]
conduit la phase suivante de la procédure et peut remplir à cette fin toute fonction de la Chambre
préliminaire utile en l’espèce”. L’article 81 § 1 du Statut de la C.P.I. prévoit que: “Aux fins des
procédures visées à l’article 81 et au présent article (procédures d’appel) la Chambre d’appel a tous les
pouvoirs de la Chambre de première instance”. Étant donné, finalement, que la révision du procès est
conduite, aux sens de l’article 84 § 2 soit par la Chambre d’appel, saisie d’une demande de révision, soit
par la Chambre de première instance, nouvelle ou reconstituée aux fins de la révision, il faut en conclure

404
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

faculté d’imposer des sanctions préventives dont disposent les C.d.S. et la C.I.J. en
vertu, respectivement, des articles 40 de la Charte des N.U. et 41 du Statut de la C.I.J. et
dont la C.P.J.I. disposait, également, en vertu de l’article 41 de son Statut.1433 Si le
rapprochement avec le mécanisme prévu dans le Statut de la C.I.J. est immédiat, il n’en
va pas de moins pour la confrontation avec les mesures adoptées, aux termes de l’article
40 de la Charte des N.U., par le C.d.S. Il ne faut pas se laisser tromper par la nature
politique de l’organe qui adopte les mesures, car les travaux de la Conférence de S.
Francisco révèlent que l’esprit de la norme en question est celui des mécanismes
d’urgence et des mesures conservatoires.1434 Logiquement ces mesures, en tant
qu’anticipation de la sanction finale, devraient avoir force obligatoire, autrement toute
efficacité serait perdue.1435
On devrait, donc, envisager les dispositions suivantes:

Statut de la C.P.I. Article concernant la délivrance, par la Chambre préliminaire, des


mesures préventives à l’égard des personnes physiques, des États (et des autres
personnes morales):
1. Sur requête du Procureur ou sur sa propre initiative, la Chambre préliminaire peut,
en cas d’urgence (periculum in mora), lorsque les éléments de preuve sont suffisants
(fumus boni iuris), décider l’application des mesures préventives indispensables pour la
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tutelle des droits en cause. Elle peut ordonner, notamment, l’application des sanctions

que les juges de toutes les phases ont les mêmes pouvoirs que la Chambre préliminaire, notamment en
matière d’application des mesures préventives.
1433 Sur le pouvoir de la C.I.J. d’imposer des mesures conservatoires voir H. RUIZ FABRI,
Organisation judiciaire internationale – C.I.J. – Instance, in P. KAHN, L. VOEGEL, Jurisclasseur de
droit international, Paris, Lexisnexis, H. Vouzelland éd., 2003, t. 4, fasc. 217, p. 12 s., § 53 s.; A.
TANZI, Problems of Enforcement of Decisions of the I.C.J. and the Law of the United Nations, cit., p.
565 s.; G.C. FITZMAURICE, The Law and Procedure of the International Court of Justice, 1951,
Questions of Jurisdiction, Competence and Procedure, in B.Y.B.I.L., 1958, XXXIV, p. 122. La C.I.J. a
qualifié la faculté de disposer l’application des mesures conservatoires de “pouvoir exceptionnel” (voir
C.I.J., Plateau continental de la mer Égée, Grèce/Turquie, ordonnance du 1er septembre 1976, in C.I.J.
Rec., 1976, p. 11). Il n’est pas inutile de remarquer, en outre, que, en raison de l’urgence particulière de la
situation déduite devant elle, la C.I.J. peut adopter, aux termes des articles 73, 74 et 75 de son Règlement,
un procès accéléré pour statuer sur l’adoption des mesures conservatoires. Ainsi, dans l’affaire Legrand,
de 1999, entre l’Allemagne et les États-Unis d’Amérique, où la question centrale était celle de
l’exécution d’une condamnation à mort aux États-Unis, la demande est intervenue le 2 mars, à 19 h. 30,
comme le précise la Cour, et l’ordonnance a été rendue le lendemain (voir C.I.J., Legrand,
Allemagne/États-Unis d’Amérique, ordonnance du 3 mars 1999, in C.I.J. Rec., 1999, p. 13 s., notamment
§ 21 et 26). Dans les affaires opposant la Yougoslavie à certains Membres de l’O.TA.N., en revanche, les
demandes furent introduites à la fin du mois d’avril de 1999, alors que les bombardements sur la
Yougoslavie avaient lieu depuis plus d’un mois, mais les ordonnances ne furent adoptées qu’après la fin
des bombardements (voir C.I.J., Licéité de l’emploi de la force au Kosovo, Yougoslavie/Belgique,
ordonnance du 2 juin 1999, in C.I.J. Rec., 1999, p. 124 s.).
1434 Voir U.N.C.I.O., vol. IV, p. 25, 29-30. En doctrine, dans cet ordre d’idées, voir D. SIMON,
Commentaire de l’article 40 de la Charte des N.U., cit., p. 668. Sur la nature des mécanismes adoptés par
le C.d.S. aux termes de l’article 40, voir L.M. GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the
U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 40, p. 306-309. Par ailleurs, il faut remarquer que
ni le Pacte de la S.d.N. ni les Propositions de Dumbarton Oaks ne contenaient aucune disposition
concernant l’application de mesures conservatoires par le Conseil et ce ne fut, en effet, que par une
proposition de la Chine à la Conférence de S. Francisco que l’article 40 de la Charte des N.U. fut adoptée
(voir U.N.C.I.O., vol. XII, doc.289, III/3/11, p. 617 s.; en doctrine voir D. SIMON, Commentaire de
l’article 40 de la Charte de s N.U., cit., p. 668).
1435 Pour un aperçu du débat sur la force obligatoire des mesures conservatoires imposées par la C.I.J.
voir le débat développé relativement à la relation entre la C.I.J. et le C.d.S.

405
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

prévues aux articles (41-46 du Projet de 1996, 28-39 du Projet de 2001) du Traité sur la
responsabilité des États, surtout en fonction de l’interruption de la conduite illicite.
2. Si l’État (ou l’organisation internationale) ne s’acquitte pas des sanctions, la
Chambre préliminaire décide les mesures nécessaires pour les exécuter. Elle peut
autoriser l’État lésé à réagir en contre-mesure aux termes des articles (47-53 du Projet
de 1996, 41 et 49-54 du Projet de 2001) du Traité sur la responsabilité des États. Elle
peut imposer aux États l’adoption des comportements nécessaires à l’exécution des
sanctions, qui peuvent consister dans des conduites n’impliquant pas l’emploi de la
force armée, notamment l’interruption des relations économiques, des communications,
des relations diplomatiques, ou bien dans des conduites impliquant l’emploi de la force
armée. Tous les États parties (ou de la communauté internationale), en tant que victimes
du crime international, sont tenus d’exécuter les mesures décidées par la Chambre
préliminaire.

On pourrait, dans ce cadre, conférer au C.d.S. une fonction de coordination des États
dans l’exécution des contre-mesures, vu sa compétence actuelle générale en matière de
contrôle de la force, en vertu des articles 41 et 42 de la Charte des N.U.
Par rapport aux décisions provisoires de la Cour le C.d.S. aurait une fonction
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purement exécutive. Le C.d.S. garderait, donc, seulement une partie des prérogatives
qui étaient confiées au Conseil de la S.d.N. par l’article 7 du Protocole adopté à Genève
le 2 octobre 1924 par la cinquième Assemblée de la S.d.N., mais jamais entré en
vigueur.1436
De suite, il faudrait ajouter l’actuel article 50 de la Charte des N.U., ayant regard à la
partie concernant l’adoption des mesures préventives. Cette disposition, conforme aux
Propositions de Dumbarton Oaks (chapitre VIII section B § 11), permet à un État mis
en difficulté du point de vue économique par les décisions du C.d.S. prises au titre du
chapitre VIII de la Charte des N.U., de consulter le Conseil. La formulation, quelque
peu compliquée, de la disposition en question, laisse supposer que la consultation peut
avoir lieu soit en raison des frais supportés par un État suite à la participation aux
mesures décidées par le Conseil, soit en raison des difficultés qui surgissent dans un
État tiers du fait des mesures décidées contre un autre État.1437

1436 Voir, infra, les dispositions concernant l’action exécutive du C.d.S. Conformément, sur la fonction
exécutive du C.d.S. aux fins de l’application des “mesures urgentes destinées à juguler le péril” voir
A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 153, article 1, note 1; U.I.P.,
Principes fondamentaux d’un Code répressif des nations, par V. Pella, 1925, cit., p. 78, point 16, § 1.
L’Avant-Projet de Code pénal international de Q. Saldaña, de 1925, prévoyait la compétence du Conseil
de la S.d.N. pour décider l’éventuelle application des mesures préventives aux États criminels “en vue de
faire cesser au plus tôt une situation de nature à menacer la paix du monde” (article 96 – Mesures
pacifiques préventives) et contemplait les mesures suivantes: article 97 (Démilitarisation d’une zone),
article 98 (Sommation simple), article 99 (Évacuation d’un territoire), article 100 (Contrôle
d’armements), article 101 (Armistice), article 102 (Occupation) (voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code
pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. 417-418, articles 96-102). Ces mesures s’ajoutaient à
celles imposées par le juge à l’égard des individus, à savoir: article 104 (Détention préventive), article
105 (Caution de bonne conduite), article 106 (Prohibition de visiter les débits de boissons alcooliques),
article 107 (Publication de la sentence), article 108 (Emprisonnement des prisonniers de guerre) (voir Q.
Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. 418-419, articles 104-
108).
1437 Voir P.-M. EISEMANN, Commentaire de l’article 50 de la Charte des N.U., in J.-P. COT, A.
PELLET, La Charte de N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 765; L.M. GOODRICH,
E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed., cit., article 50,
p. 341.

406
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

Il faudrait, dès lors, référer l’article 50 à la C.P.I.:

Statut de la C.P.I. Article concernant la réclamation des États endommagés par


l’imposition d’une mesure préventive: Si un État est l’objet de mesures préventives
prises par la Chambre préliminaire, tout autre État, qu’il soit ou non Membre des
Nations Unies, s’il se trouve en présence de difficultés économiques particulières dues à
l’exécution desdites mesures, a le droit de consulter la Cour pénale internationale au
sujet de la solution de ces difficultés.

De suite, il faudrait insérer une disposition conférant à la Chambre préliminaire et,


donc, à tous les autres juges du procès, la faculté de réviser les sanctions imposées à
tout moment.
La disposition en question pourrait être ainsi formulée:

Statut de la C.P.I. Article concernant le pouvoir de la Chambre préliminaire de


réviser les sanctions préventives: La Chambre préliminaire réexamine périodiquement
sa décision concernant l’application des mesures de prévention. Elle peut le faire, aussi,
à la demande du Procureur ou du sujet intéressé. Elle peut modifier sa décision si elle
est convaincue que l’évolution des circonstances le justifie.
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Dans le cadre des décisions de la Chambre préliminaire prises à la majorité des ses
composants, aux termes de l’article 57 § 2 a) du Statut de la C.P.I., il faudrait ajouter les
décisions concernant les mesures de prévention.
En conformité avec ces dispositions, dans le cadre du Traité sur la responsabilité des
États, on devrait ajouter une disposition prévoyant que, en cas de crime de l’État, l’État
lésé peut adopter des contre-mesures seulement en ayant obtenu l’autorisation préalable
de la C.P.I.
La disposition pourrait être ainsi libellée:

Traité sur la responsabilité des États. Article concernant l’exécution des contre-
mesures par l’État lésé en cas de crime: En cas de crime international, l’État lésé ne
pourra adopter des contre-mesures que s’il y est autorisé par la Cour pénale
internationale.

Cette disposition aurait pu être placée après l’article 51, concernant les conséquences
d’un crime international, dans le Projet de 1996. Elle aurait dû être rappelée à l’article
48 § 1, concernant les conditions de recours aux contre-mesures. D’ailleurs, en
conformité avec cette disposition, il aurait fallu modifier l’article 48 § 3 dans le sens
d’imposer la suspension de contre-mesures au cas où la C.P.I. aurait été en train de
procéder.
La même disposition devrait être insérée après le paragraphe 1 de l’article 52,
concernant les conditions de recours aux contre-mesures, dans le Projet de 2001. Ce
changement obligerait à réviser la lettre b) du paragraphe 3 de l’article 52, en prévoyant
l’impossibilité d’adopter des contre-mesures et la nécessité de les suspendre, en cas de
crime, au cas où la C.P.I. serait en train de procéder. En outre, à l’article 43 du Projet de
2001 il faudrait ajouter un troisième paragraphe prévoyant que l’invocation de la
responsabilité par l’État lésé est subordonnée à la décision de la C.P.I. en cas de crime.
En effet, la centralisation de la procédure pour sanctionner la responsabilité majeure
étatique impose l’abolition (au sens absolu ou relatif) du système, décentralisé, des

407
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

contre-mesures, comme le prévoyaient, déjà, les articles 113 et 114 de l’Avant-Projet de


Code pénal international de Q. Saldaña de 1925.1438

§ 9.11. La collaboration de la Cour pénale internationale avec les États par


rapport au jugement étatique: notamment la présence de l’accusé au procès.
Un problème très important est celui du procès par contumace.
L’actuel Statut de la C.P.I. ne permet pas le procès par contumace de l’accusé, car,
aux termes de l’article 63 § 1, l’accusé doit être présent à son procès. Toutefois cette
disposition risque de paralyser l’activité de la Cour, car, au cas où un État refuserait de
délivrer un sujet à la Cour, celle-ci ne pourrait plus procéder.1439
Les États non parties au Statut de la Cour ne seraient pas engagés à remettre un sujet
à la Cour. En plus, l’article 90 du Statut, concernant la collaboration entre la C.P.I. et
les États, prévoit, au paragraphe 6, que, si un État partie recevait deux demandes
concurrentes, à savoir une demande de remise par la C.P.I. et une demande
d’extradition par un État non partie auquel il est lié par une obligation internationale
d’extradition, il pourrait décider de remettre le sujet à la C.P.I. ou bien de l’extrader
vers l’État requérant.
Le danger d’une non-remise est annulé par l’interprétation de la doctrine selon
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laquelle les États tiers seraient tenu à remettre les sujets requis à la Cour en vertu de
l’article 2 § 6 de la Charte des N.U., qui oblige les N.U. à faire en sorte que les États
tiers se conforment aux principes de la Charte. 1440 Cela vaudrait, a fortiori, en cas de
compétence universelle de la C.P.I. Il est aussi vrai que, si le Statut de la C.P.I. était
annexé à la Charte, tout d’abord peu d’États n’en feraient pas partie, en outre la
demande de remise aux États parties prévaudrait sur celle d’extradition d’un État non-
partie, en tout cas, en vertu de l’article 103 de la Charte des N.U. Toutefois, la
possibilité demeure qu’un État non partie ne remette pas un accusé qui a commis un
crime sur le territoire d’un État partie, ou qui a la nationalité d’un État partie, rentrant
dans la compétence de la C.P.I. Il n’est pas admissible que des États demeurent impunis
pour le seul fait que des sujets-organes n’ont pas été rendus à la justice. Ainsi, il serait
indispensable de modifier l’article 63 du Statut de la C.P.I., afin de permettre le procès
par contumace. D’ailleurs, même s’il faut constater que ni les Règlement de procédure
et de preuve du T.P.I.Y., ni celui du T.P.I.R. ne permettent le procès par contumace,
probablement pour respecter les droits de la défense, il ne s’agirait pas d’une nouveauté
absolue dans le panorama international, car le T.M.I. de Nuremberg prévoyait le
jugement par contumace.1441 En outre, s’il est vrai que les Statuts du T.P.I.Y. et du
T.P.I.R. ne prévoient pas la possibilité du procès par contumace, il faut aussi considérer

1438 Voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. 421,
article 113 (Rétorsion internationale), article 114 (Représailles).
1439 Voir D. Thiam, Onzième rapport sur le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, cit., p. 27 (article 27 et commentaire relatif).
1440 Pour cette interprétation de l’obligation de coopérer avec la C.P.I. incombant aux États non membres
voir M. UBEDA, L’obligation de coopérer avec les juridictions internationales, cit., p. 956.
1441 En faveur de l’introduction du procès par contumace devant la C.P.I. voir P.-M CARJEU, Quelques
aspects du nouveau Projet de Statut des Nations Unies pour une juridiction criminelle internationale,
cit., p. 412; C. JORDA, J. DE HEMPTINNE, Le rôle du juge dans la procédure internationale face aux
enjeux de la répression internationale, cit., p. 816, 820, d’après lesquels “l’une des plus sérieuses
difficultés que le Tribunal rencontre depuis sa création est l’absence d’une procédure par contumace”.
Par contre, d’après l’opinion de A. BUCHET, Le transfert devant les juridictions internationales, cit., p.
970, les “juridictions pénales internationales ne pourraient pas passer outre la présence des accusés; elles
ont impérativement besoin de s’en saisir pour les juger […] la remise des personnes mises en cause
constitue, donc, la condition sine qua non de l’efficacité de la justice internationale”.

408
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

que, en vertu de leur création par le C.d.S., ces deux Tribunaux disposent d’un pouvoir
renforcé vis-à-vis des États aux fins de la remise de l’accusé.1442 D’ailleurs, pendant les
travaux préparatoires du Statut de la C.P.I. la possibilité du procès en l’absence de
l’accusé avait été expressément envisagée. Ainsi l’article 37 (Présence de l’accusé au
procès) du Projet élaboré en 1994 par la C.D.I. prévoyait la possibilité du procès par
contumace.1443 De son côté l’article 37 du Projet de Syracuse, alternatif à celui de la
C.D.I., élargissait la possibilité du procès par contumace.1444 Par ailleurs, au sein du
Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., vu le caractère exceptionnel des
affaires soumises à la compétence de la C.P.I. et considéré qu’elle ne dispose pas de
moyens de coercition pour assurer, notamment, la présence de l’accusé au procès, on
avait envisagé la possibilité que la Cour procède in absentia, notamment lorsque tous
les efforts pour traduire en justice le sujet se seraient révélés vains.1445 Même les
multiples variantes de l’article 63 du Projet de Statut élaboré par le Comité préparatoire
pour la création d’une C.P.I. en 1998 prévoyaient la possibilité du procès par
contumace.1446 Parmi les projets élaborés par les associations privées, il faut remarquer
que l’article 67 du Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de
la C.P.J.I., rédigé par V. Pella en 1928, prévoyait la possibilité de la procédure par
contumace.1447
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Pour rendre le procès par contumace possible devant la C.P.I., il faudrait modifier le
premier paragraphe de l’article 63 de son Statut dans ce sens:

Statut de la C.P.I. Article 63 (Procès en présence ou en absence de l’accusé): 1.


L’accusé est présent ou absent à son procès. Le procès par contumace est admis.

Quoiqu’une disposition de ce type rendrait superflue la remise de l’accusé à la Cour,


il serait souhaitable d’abroger, dans l’article 90 du Statut de la C.P.I., les paragraphes 6
et 7, et de supprimer, dans le paragraphe 4, l’expression “s’il n’est pas tenu par une
obligation internationale d’extrader l’intéressé vers l’État requérant”. On aurait, ainsi,
établi la primauté de la demande de remise de la C.P.I. sur toute demande d’extradition
par n’importe quel État.1448

1442 Notamment, par le biais de l’article 61 lettre E (Procédure en cas d’inexécution d’un mandat d’arrêt)
de leurs Règlements de procédure et de preuve respectifs, le T.P.I.Y. et le T.P.I.R. peuvent demander
l’intervention du C.d..S. envers un État qui viole son devoir de coopération ne remettant pas l’accusé à la
Cour (sur cette question, en doctrine, voir R. MAISON, La décision de la Chambre de première instance
n. 1 du T.P.I.Y. dans l’affaire Nikolic, in E.J.I.L., 1996, vol. 7, n. 2, p. 248 s.). Sur l’impossibilité du
procès par contumace devant le T.P.I.Y. et le T.P.I.R. voir Y. PETIT, Droit international du maintien de
la paix, cit., p. 196. Sur le procès par contumace dans le Statut du T.P.I.Y. voir S.D. MURPHY, Progress
and Jurisprudence of the I.C.T.Y., cit., p. 75.
1443 Voir le texte de l’article 37 et le commentaire relatif in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa
quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p. 116-119, § 91.
1444 Voir le texte de l’article 37 et le commentaire relatif in Comité d’experts, Draft Statute for an I.C.C.
– Alternative to the I.L.C. Draft (Siracusa Draft), 1995, cit., p. 57-59.
1445 Voir Comité pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité en mars-avril et
août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 57, § 37.
1446 Voir Comité préparatoire pour la création d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte
final), 1998, doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 101-105, article 63 (Présence de l’accusé au procès).
1447 Voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., V.
Pella, 1928, cit., p. 144, article 67.
1448 L’article 63 § 5 du Projet de Statut d’un T.C.I. élaboré par le Groupe de travail de la C.D.I. sur un
Projet de Statut pour une C.C.I. en 1993 prévoyait que: “Un État partie doit, autant que possible, donner
[…] priorité sur les demandes d’extradition émanant d’autres États” à une demande émanant de la Cour
(voir Groupe de travail sur un Projet de Statut pour une C.C.I., Rapport à la C.D.I. – Projet de Statut d’un
T.C.I., 1993, cit., p. 345-346, article 63). L’article 53 § 3 du Projet de Syracuse de 1995 prévoyait la

409
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Il ne resterait que le paragraphe 4 ainsi formulé:

Statut de la C.P.I. Article 90 (Demandes concurrentes): 4. Si l’État requérant est un


État non-partie au présent Statut, l’État requis donne la priorité à la demande de remise
de la Cour, si celle-ci a jugé que l’affaire était recevable.

Naturellement, si l’on instituait la primauté ou l’exclusivité de la compétence de la


C.P.I. par rapport aux juridictions nationales et, en même temps, on appliquait le
principe de la juridiction universelle, l’article 90 devrait être supprimé, tranchant ainsi
tout problème à la racine.1449
Encore en matière de remise des personnes, il faudrait supprimer l’article 98 du
Statut de la C.P.I., concernant la coopération en relation avec la renonciation à
l’immunité et le consentement à la remise. Cette disposition empêche la Cour de
poursuivre l’exécution d’une demande qui obligerait un État à violer ses obligations en
matières d’immunités diplomatiques.1450 Or, il faut estimer que, pour les États parties,
cette disposition est dépassée par l’article 27 § 2, qui établit que la Cour exerce, quand
même, sa compétence, à l’égard de tout sujet, au delà d’éventuelles immunités ou
procédures spéciales qui s’attachent à ses qualités, de sorte que l’article 98 concerne
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seulement les États tiers. Toutefois, soit que les États tiers doivent se retenir quand
même liés aux décisions de la Cour en vertu de l’article 2 § 6 de la Charte des N.U. ou
en vertu du principe de la compétence universelle, soit qu’ils puissent se retenir libres,
cette disposition empêche la Cour d’avancer une demande pour obtenir la remise d’un
sujet accusé qui se trouve sur le territoire d’un État tiers, assurant ainsi son immunité et,
éventuellement, celle de l’État au nom duquel le sujet a agi.1451
Toujours en matière de collaboration, à l’article 87 § 4 du Statut de la C.P.I. il
faudrait prévoir que la faculté de la Cour de prendre les mesures nécessaires et de
demander à l’État la communication de tout renseignement de telle sorte que la sécurité
des personnes physiques impliquées dans le procès soit préservée, s’exerce aussi dans le
but de préserver “la sécurité des États (et des autres personnes morales)”.
À l’article 97 du Statut de la C.P.I., concernant les consultations en matière de
coopération, il faudrait supprimer la lettre c), pour permettre à une demande de la Cour

priorité de la demande de remise de la C.P.I. sur celle de tout autre État, pour les États parties au Statut
(voir Comité d’experts, Draft Statute for an I.C.C. – Alternative to the I.L.C. Draft (Siracusa Draft),
1995, cit., p. 77, article 53 (Surrender of an accused to the Court, § 3)). L’article XI de la partie générale
du Projet de Code pénal international élaboré par l’A.I.D.P. en 1981, prévoit la livraison à la Cour de
toute personne recherchée et exclue toute exception basée sur la nature politique de l’acte incriminé ou
sur d’autres restrictions appliquées à l’extradition (voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international,
1981, cit., Partie générale – Applicable à une C.P.I. – Système d’application directe, article XI (Livraison
des personnes accusées), § 1 (Engagement des États), p. 231).
1449 Sur le problème de la remise des sujets à la C.P.I. en cas de demandes concurrentes aux termes de
l’article 90 de son Statut voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit.,
p. 160, 166; S. SUR, Le droit international pénal entre l’État et la société internationale, in Actualité et
droit international, octobre 2001, in ‹http://www.ridi.org/adi›.
1450 L’article VIII § de la partie générale du Projet de Code pénal international élaboré par l’A.I.D.P. en
1981 prévoit que les immunités ne constituent pas une cause d’exonération de la responsabilité devant la
C.P.I. (voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, 1981, cit., Partie générale, Applicable à une
C.P.I. – Système d’application directe, Article VIII (Immunités), § 1.1, p. 220).
1451 Comme le remarque correctement A. BUCHET, Le transfert devant les juridictions internationales,
cit., p. 980, on doit conclure que “l’effet le plus inattendu des dispositions combinées des articles 27 et 98
du Statut de la C.P.I. est de rendre obligatoire la remise par un État partie de son propre chef, alors que
cette remise peut être paralysée si ce même chef d’État est à l’étranger, protégé par une immunité
internationalement reconnue”.

410
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

pénale internationale de prévaloir sur l’obligation de l’État requis de la coopération


envers un autre État.
En outre, à l’article 100 § 1 du Statut de la C.P.I., en matière de dépenses, il faudrait
ajouter un nouvel alinéa, après la lettre e), pour disposer que sont à la charge des États
les “Frais liés à l’exécution des mesures de prévention et de sanction à l’égard des États
(et des autres personnes morales)”.

§ 9.12. La Cour pénale internationale et les sanctions étatiques.


L’élargissement de la compétence de la C.P.I. aux crimes des États nous oblige à
développer quelques réflexions sur les sanctions applicables au terme du procès pénal
devant la C.P.I.
Il faut considérer différemment la sanction individuelle et la sanction collective.1452
En effet, malgré les connexions qui subsistent du côté de l’infraction et les liens
conséquents au niveau de la phase cognitive du procès, les sanctions concernant les
individus et celles regardant les États sont hétérogènes.1453 Selon une partie de la
doctrine cette diversification serait la conséquence de “l’invisibilité” de la
responsabilité individuelle dans la responsabilité étatique.1454
Du côté des individus la question est assez claire, étant donné que la sanction est
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autonome et actuellement réglée par le Statut de la C.P.I.1455 Du côté des États, par
contre, il faut prendre en considération les sanctions prévues par le droit international,
notamment en s’appuyant sur l’encadrement du Projet sur la responsabilité des États et
le classement établi par la doctrine.1456
La punition des individus reconnus coupables d’un crime international est encadrée à
l’article 77 du Statut de la C.P.I., qui prévoit l’emprisonnement, l’amende et la
confiscation des profits tirés du crime.
Tout au plus, on peut envisager d’élargir le nombre et le type des sanctions
applicables, notamment en ce qui concerne la possibilité de rattacher des peines
accessoires aux peines principales dont on vient de dresser la liste. Ainsi, en cas de
crime commis par un sujet agissant en tant qu’organe de l’État, on pourrait
raisonnablement prévoir la déchéance de ses fonctions, l’interdiction des fonctions
publiques et, à la limite, la perte des droits politiques. Les deux dernières sanctions,

1452 De l’avis des membres qui, au sein de la C.D.I., soutenaient que la responsabilité pénale individuelle
engendrerait la responsabilité pénale étatique “la sanction ne pourrait pas être la même pour un individu
que pour un État” (voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquantième session, cit., p. 139, §
276).
1453 Voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 148-149; H. KELSEN,
General Theory of Law and State (Théorie générale du droit et de l’État), cit., p. 157-159; J.
VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques observations, cit., p. 61.
1454 Voir A. NOLLKAEMPER, Concurrence between Individual Responsibility and State Responsibility
in International Law, cit., p. 636.
1455 Voir les considérations que nous avons fait, supra, lorsque nous avons défini le cadre général du
Statut de la C.P.I.
1456 Voir les considérations que nous avons fait, supra, au cours de l’analyse objective des sanctions de
l’infraction criminelle en droit international. Pour un encadrement général des sanctions étatiques voir P.
DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 780 s. Pour un résumé des positions
doctrinales concernant la sanction des crimes étatiques voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la
responsabilité des États, Add.2, cit., p. 23 s, § 40 s. En jurisprudence voir Trib. Arb., Pêcheries des côtes
du Nord de l’Atlantique (North Atlantic Coast Fisheries Case), Grande Bretagne/États-Unis, sentence du
7 septembre 1910, in R.S.A., N.U., vol. XI, p. 186.

411
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

notamment, pourraient être appliquées pour une période de temps limitée ou


indéterminée.1457
Du côté de la forme, il faut estimer que l’obligation punitive lie le sujet coupable à
l’ensemble de la communauté internationale, comme pendant naturel du fait que le
crime international individuel viole un droit essentiel de la communauté toute entière,
soit au sens absolu, soit au sens relatif.1458
Tant sous le profil de la forme que du contenu les sanctions individuelles sont des
peines au sens propre, comme celles appliquées en droit interne.1459
La question de la sanction des États est plus problématique. Il n’est pas possible, en
effet, de raisonner selon la logique de la peine classique, car la composition plurielle du
sujet punissable influence le contenu de la sanction.1460 Le point de départ de toute
réflexion est qu’une sanction est nécessaire afin de rendre le droit effectif.
En reprenant les considérations sur la sanction déjà développées, nous pouvons
affirmer que la sanction étatique devrait consister, fondamentalement, dans l’obligation,
à la charge de l’État auteur de l’infraction, d’arrêter la conduite illicite, lorsqu’il s’agit,
comme dans la plupart des cas, d’actions caractérisées par la continuité pas encore
terminées: celle-ci devrait être la sanction principale, ayant une finalité répressive.1461 À
cette mesure il faudrait ajouter, naturellement, l’assurance de non-répétition de la
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conduite illicite. Finalement on appliquerait les sanctions réparatrices, avant tout sous
l’angle économique, puis sous l’angle moral.1462 On peut se limiter, donc, à appliquer

1457 Sur l’application des peines accessoires en cas de crime international de l’individu voir H. KELSEN,
Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 150, 172. Sur la possible application des peines
accessoires et des mesures de sûreté voir U.I.P., Principes fondamentaux d’un Code répressif des nations,
par V. Pella, 1925, cit., p. 77, principe 8.B (Sanctions applicables aux individus). Pour une énumération
possible des sanctions accessoires applicables aux individus dans le cadre des projets qui
responsabilisent, en même temps, les États, voir A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, par V. Pella,
1935, cit., p. 156, Titre IV (Sanctions pénales et mesures de sûreté), Chapitre 2ème (Sanctions pénales et
mesures de sûreté applicables aux individus), où l’on prévoit l’application de: d) L’incapacité d’occuper
des fonctions diplomatiques et autres fonctions à énumérer dans le Statut; f) Les mesures de sûreté
(comprenant l’interdiction de se trouver dans tel pays étranger ou dans telles localités, l’interdiction
d’exercer une profession déterminée); Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie
générale, 1925, cit., p. 415-416, articles 90-93 (Sanctions pénales contre les individus – Sanctions contre
les droits), où l’on prévoit: l’interdiction civile, c’est-à-dire l’interdiction des droits de famille (article
91), l’interdiction civique, c’est-à-dire l’interdiction des droits politiques (article 92), l’interdiction mixte,
c’est-à-dire l’interdiction du droit de témoigner, d’être expert en justice, d’exercer une profession ou un
métier (article 93).
1458 Ce principe, reconnu à l’article 5 § 1 du Statut de la C.P.I., est expressément affirmé, en doctrine, par
H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 147. Sur le crime international
individuel, en doctrine, voir aussi F. LATTANZI, Riflessioni sulla competenza di una Corte penale
internazionale, cit., p. 686; A. PELLET, Les auteurs des infractions internationales – Introduction, cit.,
p. 85.
1459 Toutefois selon H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 148-149,
tous les sanctions individuelles seraient des peines en droit international, de sorte qu’il vaudrait mieux ne
pas employer le mot “peine” et le substituer par l’expression, plus générale, “sanction individuelle”, en
opposition aux sanctions collectives.
1460 Voir, à cet égard, les considérations que nous avons fait sur la nature de la sanction. En doctrine voir
R. AGO, Le délit international, cit., p. 427 s.; P.-M. DUPUY, Observations sur la pratique récente des
“sanctions” de l’illicite, cit., p. 528 s.; A. PELLET, “Vive le crime”!, cit., p. 302; D. ANZILOTTI,
Teoria generale della responsabilità dello Stato in diritto internazionale, cit., p. 76.
1461 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 4, § 63-68.
1462 Voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 150; G. Arangio-Ruiz,
Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 6, § 12. Sur la réparation comme conséquence
naturelle de l’acte illicite en droit international voir D. ANZILOTTI, Cours de droit international, Paris,
Sirey, 1929, réédité aux éditions du Panthéon/Assas, Paris, 1999, p. 517 s.; C. EAGLETON, The

412
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

les sanctions étatiques classiques du droit international général, synthétisées par le


Projet sur la responsabilité des États de 1996, qui prévoit, en outre, l’alourdissement du
contenu de la sanction criminelle à l’article 52 § 1 a) et b), et de 2001.
Pour les raisons déjà exposées la différence entre la sanction étatique criminelle, ou
majeure, et les sanctions mineures ne peut résider que dans le quantum de la sanction,
non pas dans le type de comportement imposé.1463 Toutes les sanctions devraient être
pensées, conformément au Projet sur la responsabilité des États, comme une obligation
de l’État auteur de l’infraction envers la communauté internationale dans son ensemble,
au sens absolu ou relatif, dans une perspective punitive pénale ou, quand même,
majeure, de la responsabilité.1464 L’alourdissement du contenu de l’obligation punitive
et l’universalité, relative ou absolue, de la sanction criminelle feraient toute la
différence par rapport à la sanction mineure, qui serait une obligation moins lourde
entre l’État auteur et le sujet passif de l’infraction, pas forcement collectif.1465
De façon générale, les sanctions applicables aux États devraient être applicables,
aussi, aux organisations internationales, personnes morales composées d’États.
En passant du plan des considérations générales à celui des propositions normatives,
il est clair, sur la base des prémisses exposées, que certaines normes devraient être
modifiées pour adapter le Statut de la C.P.I. aux sanctions étatiques, donc à
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l’environnement normatif du le Traité sur la responsabilité des États.


Pour que l’article 75 du Statut de la C.P.I., concernant la réparation en faveur des
victimes, soit applicable aux États, il faudrait prévoir que les États et, éventuellement,
l’organe exécutif central, lorsque la personne obligée à la restitution est un autre État,
doivent exécuter l’obligation sans préjuger les droits des tiers de bonne foi (renvoi de
l’article 75 § 5 à l’article 109 § 2) et en transférant les biens confisqués à la Cour
(renvoi de l’article 75 § 5 à l’article 109 § 3), mais sans appliquer la disposition selon
laquelle les mesures de confiscation sont exécutées selon la loi interne d’un État (renvoi
de l’article 75 § 5 à l’article 109 § 1).1466

Responsibility of States in International Law, cit., p. 28. On entend, ici, le mot “réparation” au sens large
du terme. D’après F. PRZETACZNIK, La responsabilité de l’État à raison des préjudices de caractère
moral et politique causés à un autre État, cit., p. 943, il faut distinguer, en effet, la réparation stricto
sensu, compréhensive de la restitutio in integrum et de la compensation, de la réparation lato sensu,
compréhensive de toutes les autres formes de sanction.
1463 Voir les considérations que nous avons fait, supra, dans la partie dédiée à la sanction des crimes des
États.
1464 Voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 6, § 13. Sur le crime
international de l’État comme violation d’une obligation erga omnes indivisible, au sens absolu ou relatif,
voir les considérations que nous avons fait au cours de l’analyse objective du crime international de
l’État. En doctrine voir J.B. ACOSTA ESTÉVEZ, Normas de ius cogens, efecto ergo omnes, crimen
internacional y la teoria de los círculos concentricos, cit., p. 17; P.-M. DUPUY, Observations sur le
“crime international de l’État”, cit., p. 451; A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit.,
p. 195 s.; G. GILBERT, The Criminal Responsibility of States, cit., p. 354. Sur la sanction des crimes
comme obligation de l’Etat envers l’ensemble de la communauté internationale voir G. GAJA, Should All
References to International Crimes Disappear from the I.L.C’s Draft Articles on State responsibility?,
cit., p. 368; C. DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breaches of Multilateral
Obligations, cit., p. 353 s.
1465 Voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.2, cit., p. 6, § 9, p. 9, §
15.
1466 Sur la réparation en faveur des victimes dans le Statut de la C.P.I. voir A. CASSESE, The Statute of
the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 167-168.

413
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Par conséquent, on pourrait insérer un nouveau sixième paragraphe, de ce type, dans


l’article 75 du Statut de la C.P.I.:

Statut de la C.P.I. Article 75 (Réparation en faveur des victimes) § 6: Lorsque la


personne tenue à la restitution ou à l’indemnisation est un État, aux autres États et,
éventuellement, à l’organe exécutif central, s’appliquent seulement les paragraphes 2 et
3 de l’article 109.

En outre, après l’article 77 du Statut de la C.P.I., concernant les peines applicables


aux individus, il faudrait introduire un nouvelle disposition, concernant les peines
applicables aux États (et aux organisations internationales), pour rappeler les sanctions
étatiques contenues dans le Traité sur la responsabilité des États.1467
La norme concernant la sanction des États (et des organisations internationales)
devrait avoir cette teneur:

Statut de la C.P.I. Article concernant les sanctions applicables aux États (et aux
organisations internationales): La Cour peut prononcer, contre les États (et les
organisations internationales), les sanctions prévues aux articles (41-46 du Projet de
1996, 30-39 du Projet de 2001) du Traité sur la responsabilité des États, à savoir:
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a) la cessation de la conduite illicite et l’assurance de non répétition de la conduite


illicite;

1467 Le Projet d’Accord pour l’institution d’une Association permanente pour le maintien de la paix, de
H. Kelsen, à l’article 35 se limite à prévoir, en cas de recours d’un État à la guerre ou aux représailles,
l’adoption, par la Cour, des “sanctions économiques et militaires nécessaires”, sans en détailler le
contenu (voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 167. L’article VIII
de la partie générale du Projet de Code pénal international élaboré par l’A.I.D.P. en 1981 prévoit, pour les
crimes étatiques, la sanction de l’amende en faveur de la communauté internationale ainsi que la faculté
de la C.P.I. d’imposer la cessation ou des injonctions équitables en vue de corriger les violations et d’en
prévenir la réitération (voir A.I.D.P., Projet d’un Code pénal international, 1981, cit., Partie générale –
Applicable à une C.P.I. – Système d’application directe, article VIII (Peines), § 4 (Peines imposées aux
États), p. 222-223). L’article 9 du Projet de Code pénal international élaboré par A. Levitt en 1929 dresse
une liste détaillée des sanctions étatiques (voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, rédigé par A.
Levitt, 1929, cit., p. 44-45, article 9, § 1). Le Plan d’un Code répressif mondial de V. Pella, de 1935,
prévoyait, au titre IV (Sanctions pénales et mesures de sûreté), chapitre 1er (Sanctions pénales et mesures
de sûreté applicables aux États), point 1er (Sanctions pénales), l’application des sanctions suivantes: a)
Sanctions diplomatiques (rupture des relations diplomatiques et autres); b) Sanctions juridiques (telles
que l’interdiction d’ester en justice devant les tribunaux des N.U.); c) Sanctions économiques (telles que
l’isolement de la vie économique mondiale); d) D’autres sanctions, telles que l’admonestation, l’amende,
l’interdiction de la participation aux organisations internationales, l’occupation temporaire, la perte de
l’indépendance, équivalente à la peine de mort individuelle (voir A.I.D.P., Plan d’un Code répressif
mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 153-154, Titre IV, Chapitre 1er, point 1). Sur la sanction des États
voir, aussi, S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 321, § 81; V. PELLA, De l’influence d’une
juridiction criminelle internationale, Rapport au Congrès de l’A.I.D.P., 1926, cit., p. 412; U.I.P.,
Principes fondamentaux d’un Code répressif des nations, par V. Pella, 1925, cit., p. 76-77, principe 8.A
(sanctions applicables aux États). L’Avant-Projet de Code pénal international de Q. Saldaña prévoyait,
contre l’État criminel: a) Des sanctions économiques: article 58 (Rupture des relations commerciales ou
financières (blocus économique), article 59 (Indemnisation pour violation du règlement de guerre), article
60 (Embargo), articles 61-62 (Autres sanctions économiques), article 63 (Réparation en cas de guerre
répressive), article 64 (Réparation de rupture) b) Des sanctions sociales: article 65 (Suspension ou rupture
des relations diplomatiques), article 66 (Rupture des rapports et communications personnelles (Blocus
social)), article 67 (Nullité des engagements), article 68 (Exclusion de la S.d.N.), article 69 (Suspension
des traités et conventions), article 70 (Refus d’accès à la juridiction interne aux ressortissants de l’Etat
coupable) c) Des sanctions militaires: articles 71-73 (voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal
international – Partie générale, 1925. cit., p. 408-412).

414
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

b) la réparation, consistant dans la restitution, l’indemnisation, la satisfaction;


c) l’amende et la confiscation des profits, biens et avoirs tirés du crime suivant les
critères de l’article 77 § 2;
(d) la dissolution de l’organisation internationale).
L’État (ou l’organisation internationale) sanctionné(e) doit s’acquitter des sanctions
de bonne foi.

Les sanctions de la lettre a) auraient un caractère, essentiellement, punitif, mais elles


garderaient, aussi, une fonction de réhabilitation et, surtout, préventive, conformément
aux interprétations actuelles de la fonction de la peine.1468 Les sanctions de la lettre b)
seraient, principalement, réparatrices: à ce propos on pourrait songer à autoriser
l’intervention, dans le procès devant la C.P.I., des États endommagés, de façon directe,
afin d’obtenir la réparation, mais cela serait déjà prévu, implicitement, à l’article 75 du
Statut de la C.P.I., concernant la réparation en faveur des victimes, applicable tant aux
personnes physiques qu’aux personnes morales.1469
Il est intéressant de remarquer que le Plan d’un Code répressif mondial de V. Pella,
de 1935, prévoit l’application, à l’État coupable, des mesures de sûreté, dans le but de
garantir l’assurance de non répétition de l’infraction.1470
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Éventuellement, on pourrait ajouter, de suite, des sanctions concernant les personnes


morales non étatiques. À ce propos il est intéressant de remarquer que les propositions
du Comité préparatoire d’une C.C.I., de 1996, conformément à la troisième partie-bis
(Principes généraux du droit international), article B (Responsabilité pénale
individuelle), proposition n. 2 (Personnes physiques et morales), prévoyant la
responsabilité des personnes morales à l’exclusion des États, contemplaient des
sanctions spécifiques pour ces sujets (article 47-bis – Peines applicables aux personnes

1468 Sur la cessation de la conduite illicite et l’assurance de non-répétition comme sanctions


fondamentales des crimes étatiques voir G. ABI-SAAB, The Uses of Article 19, cit., p. 350; C.
DOMINICÉ, The International Responsibility of States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p.
363; R. MAISON, Les ordonnance de la C.I.J. dans l’affaire relative à l’application de la Convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide, cit., p. 391. Sur la fonction de prévention et de
réhabilitation de l’obligation de cesser la conduite illicite et de l’assurance de non-répétition voir O.
TRIFFTERER, Prosecution of States for Crimes of State, cit., p. 361.
1469 Le Projet pour l’institution d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I. de V. Pella, de 1928,
prévoit la possibilité, pour les États ayant subi “un préjudice directe et actuel” de “se constituer partie
civile” dans le procès devant la Chambre criminelle de la C.P.J.I. impliquant la responsabilité d’un État
(voir A.I.D.P., Projet du Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., par V.
Pella, 1928, cit., p. 136-137, Chapitre III (De l’action), § 2 (De l’action en réparation du préjudice causé
par l’infraction internationale), article 28. Voir, aussi, V. Pella, La codification du droit pénal
international, cit., p. 448-450.
1470 Le Titre IV (Sanctions pénales et mesures de sûreté), Chapitre 1er (sanctions pénales et mesures de
sûreté applicables aux États), point 2 (Mesures de sûreté), prévoit, pour l’État coupable, le devoir de se
soumettre à: 1) La destruction des implantations stratégiques (voies ferrées, forts, etc.); b) La destruction
et le contrôle des usines de guerre; c) La confiscation des armements; d) La réduction de l’armée; e) Un
contrôle financier pour empêcher la destination de l’argent à des fins belliqueux; f) Le désarmement
complet; g) L’établissement de zones neutralisées au point de vue militaire; h) Le contrôle de
l’enseignement; i) La répartition sur le territoire de détachements chargés de contrôler, au nom des N.U.,
l’activité étatique (voir A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 155, Titre
IV, Chapitre 1er, point 2). Dans cette perspective beaucoup des sanctions imposées à l’Allemagne par le
Traité de Versailles, à la fin du premier conflit mondial, auraient assumé la caractère de mesures de
sûreté pénales, notamment les obligations imposées par les articles 31-117 (Clauses politiques pour
l’Europe), 118-158 et Annexes (Droits et intérêts de l’Allemagne en dehors de l’Europe), 428-453
(Garanties).

415
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

morales).1471 De la même façon, conformément à l’article 23 (Responsabilité pénale


individuelle), qui contemplait la responsabilité pénale des personnes morales, à
l’exclusion des États, le texte de l’article 76 du Projet de Statut de 1998, élaboré par le
Comité pour la création d’une C.C.I., reprenait le texte de l’article 47-bis des
propositions du Comité préparatoire, en dressant la liste des sanctions spécifiques des
sujets en question et le complétait.1472
La norme relative aux sanctions des personnes morales pourrait être ainsi formulée:

Statut de la C.P.I. Article concernant les sanctions applicables aux personnes


morales non étatiques. La Cour peut prononcer, contre les personnes morales non
étatiques, les sanctions suivantes:
a) la cessation de la conduite illicite et l’assurance de non répétition de la conduite
illicite;
b) la réparation;
c) l’amende et la confiscation des profits, biens et avoirs tirés du crime selon les
critères de l’article 77 § 2;
d) la dissolution de l’organisation.
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Les sanctions prévues aux lettres a), c), d) auraient un caractère, principalement,
punitif, celle prévue à la lettre b) serait, essentiellement, réparatrice.1473

1471 Le texte de l’article 47-bis des Propositions de 1996 prévoyait que: “1. Pour tous les crimes […] les
personnes morales dont la responsabilité pénale est reconnue par la Cour encourent les peines suivantes:
a) L’amende, dont le montant est librement fixé par la Cour; b) La dissolution; c) L’interdiction,
définitive ou pour une durée librement déterminée par la Cour, d’exercer directement ou indirectement
une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales; d) La fermeture, définitive ou pour une durée
librement déterminée par la Cour, des établissements ayant servi à commettre les faits incriminés; e) La
confiscation de toute chose ayant servi à commettre les faits incriminés ou qui est le produit de ces faits.
2. Les peines prévues au paragraphe 1 du présent article peuvent se cumuler entre elles et avec celles
prononcées pour des crimes en concours…” (voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I.,
Rapport, vol. II (Compilation des Propositions), 1996, doc. A/51/22/A, cit., p. 236, article 47-bis (Peines
applicables aux personnes morales).
1472 Le texte de l’article 76 du Projet de Statut d’une C.C.I. de 1998 rajoutait, aux sanctions de l’article
47 des propositions de 1996, des “formes appropriées de réparation” (voir Comité préparatoire pour
l’établissement d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte final), 1998, doc.
A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 124-125 (article 76 – Peines applicables aux personnes morales)).
1473 Dans le cadre des codifications élaborées par les associations privées on signalera que le Plan d’un
Code répressif mondial élaboré par V. Pella, en 1935, prévoyait, au Titre IV (Sanctions et mesures de
sûreté), Chapitre 3ème (Sanctions pénales et mesures de sûreté applicables aux personnes juridiques autres
que les États, les sanctions de: a) L’avertissement; b) L’amende et les mesures de sûreté; c) L’interdiction
d’avoir des succursales à l’étranger; d) L’interdiction de déployer une activité dans un domaine
déterminé; e) La limitation du capital; f) La surveillance spéciale ou la dissolution (voir A.I.D.P., Plan
d’un Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 156, Titre IV, Chapitre 3ème; V. PELLA, La
guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 116). Le Projet de l’A.I.D.P. d’un Code pénal
international prévoit (article VIII § 3 de la Partie générale, applicable à une C.P.I.), pour les personnes
morales, l’application des sanctions consistant en “des amendes ou en d’autres sanctions établies en
conformité avec le principe de proportionnalité” (voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, 1981,
cit., Partie générale – Applicable à une C.P.I. – Système d’application directe, article VIII (Peines), § 3
(Peines imposées aux groupes ou organisations), p. 222). Sur les sanctions des personnes morales en droit
pénal international voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 320, § 80. Dans le droit français les
peines pour les personnes morales sont réglées aux articles 131-37/131-49 du Code pénal et consistent,
essentiellement, dans la dissolution, l’interdiction d’exercer une ou plusieurs activités sociales ou
professionnelles, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture des établissements ayant servi à
la commission des crimes, l’exclusion des marchés publics, l’interdiction de faire appel public à
l’épargne, l’interdiction d’émission de chèques, la confiscation de l’objet de l’infraction, la publication de

416
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

À l’article 77 du Statut de la C.P.I. (peines applicables), concernant les sanctions


individuelles, il faudrait préciser que les peines y contenues concernent seulement les
personnes physiques. En outre, il faudrait ajouter une disposition (paragraphe 2 lettre
c)) concernant les sanctions de la cessation des fonctions publiques ainsi que
l’interdiction des fonctions publiques et la perte des droits politiques.1474
Ainsi on pourrait redéfinir l’article 77 du Statut de la C.P.I. dans ces termes:

Statut de la C.P.I. Article 77 (Peines applicables aux personnes physiques): 1.Sous


réserve de l’article 110, la Cour peut prononcer contre une personne physique déclarée
coupable d’un crime visé à l’article 5 du présent Statut l’une des peines suivantes: […]
§ 2 c) La cessation des fonctions publiques, l’interdiction des fonctions publiques et la
perte des droits politiques pour un temps limité ou illimité.

Conformément, il faudrait préciser que l’article 78 § 3 du Statut de la C.P.I., relatif à


la fixation de la peine de l’emprisonnement, s’applique exclusivement aux personnes
physiques.
Parallèlement, il faudrait apporter quelques modifications au Traité sur la
responsabilité des États. Dans le Projet de 1996, il aurait fallu introduire, après l’article
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46, une nouvelle disposition, concernant l’amende à payer en faveur de la communauté


internationale (au sens absolu ou relatif) en cas de crime. Dans le Projet de 2001 il
faudrait introduire la même disposition, mais après l’article 41, dans le chapitre
concernant les violations étatiques graves du droit international.1475
La disposition concernant l’amende à payer en faveur de la communauté
internationale pourrait être ainsi formulée:

Traité sur la responsabilité des États. Article concernant l’amende en faveur de la


communauté internationale (au sens absolu ou relatif) en cas de crime de l’État: En cas
de crime, l’État est tenu de verser une amende à la communauté internationale (au sens
absolu ou relatif) et il va être soumis à la confiscation des biens, profits et avoirs tirés
du crime, directement ou indirectement, sans préjudice des droits des tiers de bonne foi,
conformément aux articles 77 ss. du Statut de la Cour pénale internationale.

la décision (pour un commentaire des sanctions en question voir F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC,


Droit pénal général, 9ème éd., cit., p. 761 s.).
1474 Le Projet de H. Kelsen pour la constitution d’une Organisation permanente en vue du maintien de la
paix prévoit les sanctions individuelles de la cessation et de l’interdiction des fonctions publiques, ainsi
que de la perte des droits civils et politiques, à l’article 35-quinquies § 2 (voir H. KELSEN, Peace
through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 172). Le Plan d’un Code répressif mondial de V.
Pella, de 1935, au titre 4ème (Sanctions pénales et mesures de sûreté), chapitre 2ème (Sanctions pénales et
mesures de sûreté applicables aux individus), prévoyait les sanctions de: a) L’avertissement; b)
L’amende; c) L’admonestation; d) L’incapacité des fonctions diplomatiques et autres fonctions à
préciser; e) Les sanctions privatives de liberté; c) Les mesures de sûreté (voir A.I.D.P., Plan d’un Code
répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 156, Titre 4ème, Chapitre 2ème). L’Avant-Projet de Code
pénal international de Q. Saldaña, de 1925, prévoyait contre les individus (articles 74-95 – Sanctions
pénales): a) Des sanctions contre la liberté: article 77 (Interdiction de séjour), article 78 (Domicile forcé),
article 79 (arrestation domiciliaire), articles 80-87 (Emprisonnement), article 88 (Déportation), article 89
(Expulsion); b) Des sanctions contre le droit: article 91 (Interdiction civile), article 92 (Interdiction
civique), article 93 (interdiction mixte), article 94 (Amende), article 95 (Saisie, confiscation) (voir Q.
Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. p. 412-416, articles 74-
95 (Sanctions pénales contre les individus)).
1475 Sur la nécessité d’introduire l’amende envers la communauté dans son ensemble dans le Projet sur la
responsabilité des États voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, cit.,
p. 371, § 274.

417
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

D’ailleurs, dans le Projet de 1996, il aurait aussi valu mieux déplacer l’article 52,
concernant les “sanctions spécifiques des crimes”, après les sanctions génériques, au
fond du chapitre II, après l’article 46. De toute façon ces sanctions étaient probablement
trop lourdes, même en cas de crime, du moment qu’elles impliquaient la possible
violation de la dignité, de l’indépendance politique et de la stabilité économique ainsi
qu’une charge hors de toute proportion pour l’État auteur de la violation.1476 Il aurait
valu mieux abroger l’article, car l’aspect quantitatif de la réparation, en soi, et le
payement de l’amende en faveur de la communauté internationale auraient constitué un
régime suffisamment différent par rapport aux sanctions des infractions simples.

§ 9.13. La Cour pénale internationale, le jugement des États et la procédure


d’appel.
Quant à la phase d’appel du procès de la C.P.I., il faudrait introduire quelques
modifications à l’article 81 de son Statut (Appel d’une décision sur la culpabilité ou la
peine), pour y intégrer l’application des sanctions à l’égard des États.1477 Ainsi, au
paragraphe 3 alinéa a), conformément au fait que la personne “physique” reconnue
coupable reste en prison pendant la procédure d’appel, il faudrait prévoir que “l’État (et
les autres personnes morales) est (sont) tenu(s) à ne pas recommencer la conduite
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condamnée en première instance et les sanctions à son (leur) égard ne seront pas levées,
sauf décision contraire de la Chambre de première instance”. Au paragraphe 3 alinéa c)
i) il faudrait prévoir que, comme, en cas d’acquittement de l’individu, la Cour peut
disposer, dans de circonstances exceptionnelles, le maintien en détention de l’accusé à
titre de mesure préventive, “également elle peut ordonner le maintien des mesures
préventives prises à l’égard des États (et des autres personnes morales) en fonction de
l’interruption de la conduite illicite”.
D’ailleurs, il faudrait insérer, à l’article 82 § 1 du Statut de la C.P.I., un nouvel alinéa
après la lettre b) pour permettre d’interjeter appel non seulement contre une décision
concernant les sanctions préventives à l’égard des individus, mais aussi contre une

1476 Voir A. PELLET, Remarques sur une révolution inachevée, cit., p. 24. En général, d’après une partie
de la doctrine, la sanction ne devrait, jamais, porter atteinte à la dignité , à l’indépendance et à la
souveraineté de l’État responsable (voir F. PRZETACZNIK, La responsabilité internationale de l’État à
raison des préjudices de caractère moral et politique causés à un autre Etat, cit., p. 972; O. HOIJER, La
responsabilité internationale des États, Paris, Éd. Internat., 1930, p. 314; H.P. FALKE, Les blocus
pacifiques, cit., p. 59).
1477 Il faut remarquer que les Statuts des Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo prévoyaient un procès
sans appel. En 1993, lors de la proposition de la constitution du T.P.I.Y., le Secrétaire général des N.U.
recommanda la prévision d’un procès contemplant deux degrés de jugement (voir S.G., Rapport au
C.d..S. établi conformément au paragraphe 2 de la Résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité, présenté
le 3 mai 1993, doc. S/25704, disponible dans la site électroniques des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N93/248/76/IMG/N9324876.pdf?Openelement›, § 116). Sur la procédure
d’appel et de révision dans le Statut de la C.P.I. ainsi que des T.P.I. ad hoc voir A.-M- LA ROSA,
Juridictions pénales internationales. La procédure et la preuve, cit., p. 211 s; X. TRACOL, The Appeals
Chambers of the International Criminals Tribunals, in Crim. L.F., 2001, vol. 12, issue 2, p. 137 s. Sur la
procédure d’appel dans le Statut de la C.P.I. voir Ph. WECKEL, La C.P.I. – Présentation générale, cit.,
p. 992. En ce qui concerne la criminalité étatique, le Plan d’un Code répressif mondial de V. Pella, de
1935, au Titre III (Questions de procédure), point 4 (Les voies de recours), et le Projet de Statut pour la
création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., du même auteur, de 1928, au chapitre VII (Des
voies de recours et de l’exécution des jugements), article 64, prévoyaient “contre les arrêts rendus en
matière d’infractions commises par les États” le seul recours à “la révision, dans les termes de l’article 61
du Statut de la C.P.J.I. (C.I.J.)” (voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle
au sein de la C.P.J.I., par V. Pella, 1928, cit., p. 143-144, Chapitre VII, article 64; A.I.D.P., Plan d’un
Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 152, Titre 3ème, point 4).

418
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

“décision accordant ou refusant la levée des mesures préventives prises à l’égard des
États (et des autres personnes morales) faisant l’objet d’une enquête ou de poursuites”.
Si, à la suite d’une demande d’appel ou de révision, il s’avérait qu’un sanction, à
titre préventif ou définitif, a été imposée illégalement, il faudrait concéder à la victime
la réparation non seulement en cas d’arrestation ou de mise en détention, ce qui
exclurait l’État et, éventuellement, les autres personnes morales, du droit en question,
mais, plus en général, en cas d’application illégale d’une mesure de prévention ou d’une
sanction.1478 Ainsi, à l’article 85 § 1 du Statut de la C.P.I., les mots victime d’une
“arrestation ou d’une mise en détention” devraient être substituées par les mots victime
d’une “sanction appliquée à titre préventif ou à titre définitif”.

§ 9.14. La Cour pénale internationale et la procédure d’exécution de la sanction


étatique: considérations générales.
L’imposition d’une sanction pénale internationale implique le problème de son
exécution: la phase exécutive de la procédure est essentielle afin que le devoir imposé
par le juge soit effectivement respecté. La procédure d’exécution s’adapte au caractère
de la sanction, par conséquent, conformément aux différents attributs de la sanction
individuelle et étatique, il faut établir une distinction entre l’exécution de la sanction
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individuelle et collective.1479
La sanction individuelle peut assumer la forme de la réclusion, de la peine pécuniaire
et des peines accessoires de la cessation des fonctions publiques, de l’interdiction des
fonctions publiques, ainsi que de la perte des droits civils et politiques. Conséquemment
son exécution sera suivie par le Procureur de la C.P.I., selon les règles établies dans le
Statut de la Cour, normalement avec la collaboration internationale des États. Plus
spécifiquement, l’emprisonnement sera exécuté par un État désigné par la Cour (article
103 du Statut de la C.P.I.), alors que l’amende et la confiscation seront exécutées par les
États parties concernés, conformément à leur procédure interne (article 109 du Statut de
la C.P.I.). Il en serait de même pour l’exécution des sanctions accessoires concernant la
cessation et l’interdiction des fonctions publiques, ainsi que la perte des droits civils et

1478 Sur les conditions pour déclencher la procédure de révision dans la jurisprudence de la C.I.J., en
vertu de l’article 61 de son Statut, et de la C.P.J.I., en vertu de l’article 61, également, de son Statut, voir
C.P.J.I., Monastère de Saint-Naoum, avis consultatif du 4 septembre 1924, in C.P.J.I., série B, 1924, n. 9,
p. 21-22; C.I.J., Demande en révision et en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du
plateau continental (Tunisie/Jamahiriya Arabe Libyenne), Tunisie/Jamahiriya Arabe Libyenne, arrêt du
10 décembre 1985, in C.I.J. Rec., 1985, p. 192 s.; C.I.J., Demande en révision de l’arrêt du 11 juillet
1996 en l’affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Bosnie Herzégovine/Yougoslavie), Yougoslavie/Bosnie Herzégovine, exceptions
préliminaires, arrêt du 3 février 2003, in ‹http://www.icj-cij.org›, p. 1 s.; C.I.J., Demande en révision de
l’arrêt du 11 septembre 1992 en l’affaire du différend frontalier terrestre, insulaire et maritime, El
Salvador/Honduras, Nicaragua intervenant, arrêt du 18 décembre 2003, in ‹http://www.icj-cij.org›,p. 1 s.
En doctrine voir E. DECAUX, L’arrêt de la C.I.J. sur la demande en révision et en interprétation de
l’arrêt du 24 février 1982 en l’affaire du plateau continental (Tunisie/Libye), Arrêt du 10 décembre 1985,
in A.F.D.I., 1985, XXXI, p. 324. Sur les conditions pour déclencher la révision dans les procédures
arbitrales voir C.I.J., Effets des jugements du Tribunal administratif des N.U. accordant indemnités, avis
consultatif du 13 juillet 1954, in C.I.J. Rec., 1954, p. 55; C.I.J., Sentence arbitrale du 31 juillet 1989,
Guinée Bissau/Sénégal, arrêt du 12 novembre 1991, in C.I.J. Rec., 1991, p. 53 s.; Commission mixte de
réclamation, Philadelphia – Girard National Bank, États-Unis d’Amérique/Allemagne, décision du 21
avril 1930, in R.S.A., N.U., vol. VIII, p. 69 s.
1479 Le Plan d’un Code répressif mondial de V. Pella, de 1935, prévoit, au titre 4ème (Sanctions pénales et
mesures de sûreté), Chapitre 4ème (Exécution des sanctions. Exercice et extinction du droit d’exécution
des sanctions), la nécessité d’établir une distinction entre les sanctions prononcées contre les États et
celles prononcées contre les individus ou contre les des personnes juridiques autres que les États (voir
A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 156, Titre 4ème, Chapitre 4ème).

419
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

politiques. Du côté de la sanction individuelle, donc, il n’y a pas de problèmes


spécifiques.
La sanction des personnes morales non étatiques, consistant dans la cessation de la
conduite illicite et l’assurance de non-répétition, la réparation, l’amende, la confiscation
et la dissolution, devrait être suivie, aussi, par le Procureur de la C.P.I., tandis que la
Cour serait compétente pour statuer sur toute question concernant l’exécution.
Dès lors, après l’article 111, à la fin du chapitre X du Statut de la C.P.I., concernant
l’exécution de la sanction individuelle, il faudrait introduire deux dispositions de ce
type:

Statut de la C.P.I. Article concernant l’exécution des sanctions des personnes


morales non étatiques: L’exécution de la sanction des personnes morales non étatiques
est suivie par le Procureur. Les États parties (ou de la communauté internationale) se
conforment aux sanctions de la Cour à l’égard des personnes morales non étatiques.

Statut de la C.P.I. Article concernant la compétence de la Cour en matière


d’exécution des sanctions à l’égard des personnes morales non étatiques: La Cour est
compétente pour juger toute question, de droit ou de procédure, concernant l’exécution
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

des sanctions à l’égard des personnes morales non étatiques.

La question de l’exécution de la sanction des États (et des organisations


internationales) est plus problématique.1480 La sanction des États devrait assumer la
forme de la cessation de la conduite illicite, de l’assurance de non-répétition et de la
réparation. Du point de vue de la procédure il faut établir, premièrement, quel organe
doit être chargé d’évaluer la violation de la sanction et déclencher l’exécution, ensuite
quel organe doit faire respecter la sanction par le biais des actes exécutifs.1481
Le déclenchement de l’action exécutive concernant les États présente un caractère
particulier, car l’exécution n’implique pas, nécessairement, la mise en place d’actes
contraignants, mais elle est, au début, négative, parce qu’on suppose que l’État frappé
par la sanction judiciaire s’en acquitte naturellement. Ceci vaut pour l’obligation
d’arrêter la conduite illicite de même que pour les obligations de la restitution et de la
réintégration: ce type d’exécution n’implique l’action d’aucun sujet externe à l’État
coupable. Par contre, dans la sanction individuelle principale, c’est-à-dire la détention,
la privation de la liberté implique, nécessairement, l’accomplissement de certains actes

1480 Sur l’exécution forcée de la sanction étatique voir la pensée de Gerohus de Regensburg (in H.
HOOVER, H. GIBSON, The Problem of Lasting Peace, cit., p. 172), de Pierre Dubois (in F.H.
HINSLEY, Power and the Pursuit of Peace, cit., p. 15 et W.B. ZIFF, The Gentleman Talk of Peace, p.
319), de J.B. Miles et D.D. Field (in F.H. HINSLEY, Power and the Pursuit of Peace, cit., p. 128); de W.
Wilson (in E.D. CRONON, The Political Thought of Woodrow Wilson, cit., p. 473). Sur cette question
voir, aussi, A. EINSTEIN, Ideas and Opinions, cit., p. 96-97; A. EINSTEIN, On Peace, cit., p. 203,
d’après lequel la communauté internationale, en l’absence d’une action exécutive collective, serait
destinée à l’anarchie. Sur l’effet obligatoire des sentences définitives, en droit international, voir l’article
19 de la Convention I de La Haie du 29 juillet 1899, l’article 37 § 2 de la Convention I de La Haie du 18
octobre 1907, l’article 59 du Statut de la C.I.J. et du Statut de la C.P.J.I. En jurisprudence voir C.P.J.I.,
Société commerciale de Belgique, Belgique/Grèce, arrêt du 15 juin 1939, in C.P.J.I. Rec., série A/B,
1939, n. 78, p. 176; C.I.J., Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906,
Honduras/Nicaragua, arrêt du 23 décembre 1960, in C.I.J. Rec., 1960, p. 192 s.; Trib. Arb., Orinoco
Steamship Company, États-Unis/Venezuela, sentence du 25 octobre 1910, in R.S.A., N.U., vol. XI, p. 238.
1481 Il est intéressant de remarquer que, lorsque les États soumettent un différend au jugement d’un
arbitre international, ils prévoient, aussi, la mise sur pied d’organes compétents pour faire exécuter les
sentences, ainsi que les mesures exécutives à prendre (voir Trib. Arb., Frontières Colombo-
Vénézuéliennes, Colombie/Venezuela, 24 mars 1922, in R.S.A., N.U., vol. I, p. 286).

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PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

de la part du Procureur et des organes qui en dépendent. Seulement dans un deuxième


moment, en cas de violation de la sanction étatique, les sujets internationaux seront
obligés d’accomplir les actions contraignantes pour rendre la sanction effective.
Afin que les sujets désignés accomplissent les actions nécessaires à l’exécution de la
sanction, il ne suffit pas que la sanction décidée par les juges soit violée, encore faut-il
que quelqu’un évalue la violation et prenne une décision qui déclenche les actes
exécutifs. La compétence pour décider sur l’application des mesures fonctionnelles à
l’exécution de la sanction primaire devrait être attribuée aux juges de la C.P.I. Cette
compétence s’appliquerait, en outre, à toute décision concernant la phase de
l’exécution. Plus précisément, les juges compétents devraient être les mêmes qui
décident en matière d’exécution de la peine individuelle en vertu de l’article 106 § 1 du
Statut de la C.P.I., aux termes duquel: “L’exécution d’une peine d’emprisonnement est
soumise au contrôle de la Cour”.1482
En sachant que la compétence pour juger et sanctionner la commission d’un crime
international, ainsi que celle pour juger la violation d’une sanction et déclencher la
procédure exécutive devrait revenir à une Cour internationale, préférablement à la
C.P.I., il faut établir quel organe serait compétent pour exécuter une décision de la Cour
qui établit la violation d’une sanction étatique internationale.1483 Le point de départ de
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

toute spéculation est que l’exécution de la sanction exige un sujet qui accomplit les
actes d’exécution. Il faut, donc, établir quel sujet pourrait exercer ladite fonction parmi
ceux qui existent déjà, ou bien s’il est nécessaire de créer des nouveaux sujets aptes à
accomplir la fonction.1484 Pour cela faire il convient, tout d’abord, de définir les
caractéristiques subjectives que le sujet devrait posséder.1485
En général l’exercice de la fonction exécutive implique, en raison de sa nature,
l’emploi de la force. Le procès d’exécution est composé d’actions ou d’omissions
contraignantes, dont le but est celui de faire respecter les décisions des juges. Le type de
force qu’il faut employer dépend du type de sanction, qui change en fonction de la

1482 Dans le même esprit l’article 7 de la troisième partie du Projet sur la responsabilité des États
élaborée par G. Arangio-Ruiz en 1995 prévoyait que la compétence pour décider des différend
concernant les conséquences d’un crime étatique reviendrait, en cas d’échec des procédures arbitrales, à
la C.I.J. (voir G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la responsabilité des États, Add.2, cit., p. 3, § 145-
146; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-septième session, cit., p. 137, § 320).
1483 Dans le cadre du Projet sur la responsabilité des États de 1996 nous avons vu que l’exécution de la
sanction pénale est confiée à l’État qui se trouve en position de droit dans le rapport de sanction, avec
l’aide, aux termes l’article 53, de tous les autres États de la communauté internationale. En cas de
violation de la paix l’exécution serait confiée au C.d.S., du moins pour les États membres des N.U., aux
termes de l’article 39. Dans un cas comme dans l’autre, le Projet ne prévoit pas la décision préalable sur
l’existence de l’infraction de la part d’une Cour internationale, de sorte que les États offensés ou le C.d.S.
accomplissent, à la fois, le rôle de juges qui sanctionnent l’infraction, qui évaluent la violation des
sanctions par l’État sanctionné et qui exécutent la sanction en cas de violation. Les mêmes considérations
valent pour le système mise en place par le Projet sur la responsabilité des États de 2001, prévoyant
l’autodéfense étatique collective en cas de violations du ius cogens aux articles 41-45 et l’action du
C.d.S. par le renvoi de l’article 59 à la Charte des N.U. Sur la problématique, analogue, de l’exécution
des décisions de la C.I.J., voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3,
cit., p. 20, § 117; Ph. WECKEL, Les suites des décisions de la C.I.J., cit., p. 428 s. Sur l’action en contre-
mesure à titre de rétorsion ou de représailles, comme moyen d’exécution des sanctions violées, imposées
par la C.I.J., voir H. RUIZ FABRI, Organisation judiciaire internationale – C.I.J. – Décision, cit., p. 16-
17, § 67-70.
1484 Conformément voir V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 117.
1485 Sur la question de la composition de l’organe chargé d’exécuter les infractions internationales voir
W. LADD, An Essay on a Congress of Nations for the Adjustment of International Disputes, without
Resort to Arms, New York, Oxford University Press, 1916; F.H. HYNSLEY, Power and the Pursuit of
Peace, cit., p. 94.

421
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

nature de l’acte illicite. Par conséquent, la nature du sujet chargé de l’exécution pourrait
varier en fonction du type d’action qu’il faut accomplir au cours de l’exécution. Par
ailleurs, il est indispensable que l’action exécutive respecte le principe fondamental de
la proportion.
Plus spécifiquement les infractions internationales dont nous nous occupons, rentrant
dans la compétence de la C.P.I., sont: la violation du droit à l’existence et à la
souveraineté des États, du droit à l’autodétermination des peuples, des droits de
l’homme et du droit au bon fonctionnement de la juridiction internationale. Du point de
vue du contenu, l’exécution de la sanction pourrait impliquer l’emploi de la force, non
armée ou bien armée, cette dernière étant déployée surtout pour faire respecter le devoir
d’arrêter la conduite illicite, qui est, souvent, une action de type belliqueux. En tout cas,
selon une correcte application du principe de proportion, le déploiement de la force
militaire devrait être limitée le plus possible, notamment au cas où on voudrait élargir le
domaine des crimes à des conduites telles que les infractions contre
l’environnement.1486 Du point de vue de la forme, l’action exécutive devrait être
conduite par l’État lésé, soutenu par tous les autres États de la communauté
internationale (au sens absolu ou relatif), librement ou bien de façon coordonnée par
une organisation centralisée.1487 La solution centralisée est préférable, pour toute forme
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de sanction: en ligne générale, une action exécutive centralisée éviterait le risque d’une
réaction décentralisée éparpillée et serait plus rapide et efficace.1488
Quant aux mesures impliquant l’usage de la force armée, la solution centralisée
pourrait amener plus aisément à la limitation de l’armement de chaque État en faveur de
la force armée centrale, qui serait capable, donc, de s’imposer sur tous les États de la
communauté, surtout en cas d’institution d’une police internationale. Dans l’hypothèse
d’une réaction décentralisée, par contre, il serait plus difficile de limiter la puissance
militaire individuelle des États, ce qui entraînerait une augmentation du risque de la
constitution d’une super-puissance que la coalition des autres États ne pourrait pas
contraindre au respect des sanctions, de sorte que les décisions de la Cour
demeureraient inefficaces.1489
Quant aux mesures n’impliquant pas la force armée, elles consistent, essentiellement,
dans la suspension de certains droits dans les relations extérieures envers l’État
coupable, dont la nature serait égale, ou proportionnée, à celle des sanctions violées. Par
exemple, en cas de violation du devoir de dédommagement, la réaction pourrait
consister dans la suspension des certaines relations économiques.1490 Ce type de

1486 Sur le problème de l’emploi de la force armée pour arrêter les crimes internationaux voir G.
Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit., p. 9, § 84-86, qui
s’interroge, également, sur la possibilité de déployer la force armée pour obtenir des garanties suffisantes
de non-répétition. Sur l’évolution de l’environnement comme droit fondamental de la communauté
internationale voir G. GUILLAUME, La C.I.J. à l’aube du XXI siècle – Le regard d’un juge, cit., p. 197.
1487 Sur la réaction, centralisée ou décentralisée, aux crimes des États, voir, en doctrine, P.-M. DUPUY,
Observations sur la pratique récente des “sanctions” de l’illicite, cit., p. 523; D. ALLAND, Justice
privée et ordre juridique international, cit., p. 151; H. KELSEN, Collective Security and Collective Self-
defense under the Charter of the U.N., cit., p. 783; C. DOMINICÉ, The International Responsibility of
States for Breaches of Multilateral Obligations, cit., p. 363.
1488 Voir les considérations que nous avons fait, supra, en abordant le problème de la réaction aux actes
illicites en légitime défense ou sous l’égide du C.d.S. Voir, aussi, W. Riphagen, Rapport préliminaire sur
la responsabilité des États, cit., p. 119, § 68 s; G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité
des États, Add.3, cit., p. 11 s.; § 89 s.
1489 Conformément voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 56-57,
85.
1490 Cette solution est envisagée à l’article 6 § 9 du Projet de Code pénal international élaboré par A.
Levitt en 1929 (voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, rédigé par A. Levitt, 1929, cit., p. 41,

422
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

réaction était envisagée, déjà, à l’article 16 § 1 du Pacte de la S.d.N., qui engageait les
États membres à “rompre […] toutes relations commerciales ou financières, à interdire
tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l’État en rupture du Pacte et à faire cesser
toutes communications, financières, commerciales ou personnelles entre les nationaux
de cet État et ceux de tout autre État, membre ou non de la société”. Etant donné que, en
cas d’infraction majeure, le sujet passif de la violation est constitué par la communauté
internationale dans son ensemble, au sens absolu ou relatif, pour obtenir une réaction
unanime et coordonnée de la part des États lésés il est souhaitable de confier la
direction de l’exécution à un organe centralisé.
Finalement il vaudrait mieux que toute mesure exécutive des sanctions étatiques,
impliquant ou n’impliquant pas le déploiement de la force armée, soit confiée à un
organe spécifique, capable de coordonner l’action des États en contre-mesure. Dans
l’ordre international actuel le sujet le plus apte à assumer une telle fonction est le
Conseil de sécurité des N.U., mais encore faudrait-il en réviser la composition, dans un
sens plus universel, et les procédures de fonctionnement, dans un sens plus
démocratique.1491 Pour exécuter les mesures impliquant l’usage de la force armée,

article 6, § 9). Il est intéressant de remarquer que, dans l’Avant-Projet de Code pénal international de Q.
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Saldaña, de 1925, les mesures prévues aux articles 58 (Rupture des relations commerciales et
financières), 60 (Rupture des relations diplomatiques), 61 (Autres sanctions économiques), 65 (Rupture
des relations diplomatiques), 66 (Rupture des rapports et communications personnelles), 69 (Suspension
des traités et conventions), sont conçues comme sanctions de l’infraction et non comme mesures
exécutives employées pour contraindre l’État au respect d’une sanction déjà imposée et violée (Voir Q.
Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale, 1925, cit., p. 408, article 58, p. 409,
articles 60-61, p. 410, articles 65-66, p. 411, article 69), toutefois la nature de ces mesures,
essentiellement exécutive et fonctionnelle à la cessation de l’infraction, est bien évidente à l’article 109
(Mise en œuvre des sanctions), prévoyant que: “Certaines sanctions contre l’État délinquant devant être
appliquées par les membres de la S.d.N. eux-mêmes, le Conseil doit leur notifier la date à laquelle il
recommande d’appliquer les pressions économiques” (voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal
international – Partie générale, 1925, cit., p. 420, article 109). Même dans le Plan d’un Code répressif
mondial de V. Pella, de 1935, ces mesures étaient conçues comme des sanctions (voir A.I.D.P., Plan d’un
Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 153-154, Titre 4ème (Sanctions pénales et mesures de
sûreté), Chapitre 1er (Sanctions pénales et mesures de sûreté applicables aux États), point 1 (Sanctions
pénales)). Sur l’application des sanctions d’ordre économique en cas de violation de la sanction
principale par l’État voir la pensée de W. Wilson (in E.D. CRONON, The Political Thought of Woodrow
Wilson, cit., p. 457), qui propose la suppression des droits de commerce à l’égard de l’État qui viole une
sanction décidée par un arbitre international. Dans la pratique des relations internationales on rappellera
le refus du Royaume-Uni d’établir des relations diplomatiques et économiques avec l’Albanie suite au
refus par cet État d’exécuter l’arrêt rendu dans la célèbre affaire du Détroit de Corfou en 1949, qui lui
imposait le payement d’indemnités pour les dommages causés. On se souviendra, aussi, que le Royaume-
Uni, en 1955, a interrompu la fourniture de certaines livraisons à l’Iran et bloqué sa faculté de convertire
des livres sterling en dollars, suite à l’inexécution d’une ordonnance de la C.I.J. au cours de l’affaire de la
Anglo-Iranian Oil Company. Par ailleurs la compensation constitue une riposte efficace pour exécuter les
sanctions imposant des obligations d’indemnisation: de cette manière le Royaume-Uni tenta de récupérer
le stock d’or albanais (affaire de l’or monétaire pris à Rome) en compensation de l’inexécution de l’arrêt
de l’affaire du Détroit de Corfou, qui imposait à l’Albanie une obligation d’indemnisation en faveur du
Royaume-Uni. Pour une application de ces mêmes principes en cas d’inexécution d’une sentence
arbitrale voir E. DECAUX, Arbitrage entre sujets de droit international: États et organisations
internationales – Procédure et sentence arbitrale, in P. KAHN, L. VOEGEL, Jurisclasseur de droit
international, Paris, Lexisnexis, H. Vouzelland éd., 2003, t. 4, fasc. 248, p. 20, § 69.
1491 Conformément voir G. Arangio-Ruiz, Cinquième rapport sur la responsabilité des États, Add.3, cit.,
p. 173, § 110 s.; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-huitième session, cit., p. 194.
Dans le même ordre d’idées voir H. KELSEN, Collective Security and Collective Self-defense under the
Charte of the United Nations, cit., p. 789. Sur l’action du Conseil comme mesure visant à arrêter la
conduite illicite voir V. GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of
State Responsibility, cit., p. 80; A. TANZI, Problems of Enforcement of Decisions of the I.C.J. and the
Law of the U.N., cit., p. 539 s.

423
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

conformément au caractère collectif de la sanction, on pourrait songer, aussi, à la


constitution d’une force militaire internationale.1492

§ 9.15. Changements normatifs nécessaires pour réaliser la procédure exécutive


concernant les États.
En passant du plan des considérations d’ordre général à celui des propositions
normatives concrètes, on constatera que, pour rendre la C.P.I. maître de l’exécution des
sanctions étatiques, il faudrait adapter le Statut de la C.P.I. aux sanctions à l’égard des
États (et des organisations internationales).
Après l’article 111 du Statut de la C.P.I., c’est-à-dire à la fin du chapitre concernant
l’exécution de la sanction individuelle, il faudrait insérer quelques articles concernant
l’exécution de la sanction collective. Notamment, il serait nécessaire d’introduire une
disposition prévoyant la mise en œuvre des mesures exécutives, au cas où un État (ou
une organisation internationale) ne s’acquitterait pas de ses sanctions.1493
On pourrait formuler la norme relative à l’exécution de la sanction à l’égard des
États (et des organisations internationales) de cette façon:

Statut de la C.P.I. Article concernant l’exécution des sanctions à l’égard d’un État
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(ou d’une organisation internationale) qui ne s’acquitte pas de ses sanctions: Si un État
(ou une organisation internationale) ne s’acquitte pas de ses sanctions, la Cour décide
les mesures nécessaires à l’exécution des sanctions. La Cour peut autoriser l’État lésé à
réagir en contre-mesure, aux termes des articles (47-53 du Projet de 1996 et 49-54 du
Projet de 2001) du Traité sur la responsabilité des États. Elle peut imposer aux États
parties (ou de la communauté internationale) l’adoption des comportements nécessaires
à l’exécution des sanctions, qui peuvent consister dans des conduites n’impliquant pas
l’emploi de la force armée, notamment l’interruption des relations économiques, des
communications, des relations diplomatiques, ou bien dans des conduites impliquant
l’emploi de la force armée. Tous les États parties (ou de la communauté internationale),
en tant que victimes du crime international, sont tenus à exécuter de bonne foi les
mesures décidées par la Cour pénale internationale.

Dans cet esprit l’article 37 (Exécution des arrêts et des ordonnances de la Cour) du
Projet de Statut de la Cour internationale criminelle, élaboré par M. Caloyanni en 1926,
sous les auspices de l’A.I.D.P., prévoyait que: “L’arrêt condamnant un État et les

1492 En faveur de la constitution d’une force armée internationale pour l’exécution de la sanction voir J.
LORIMER, The Institutes of the Law of Nations, Edimburg, Blackwell, 1884, p. 283; F.H. HINSLEY,
Power and the Pursuit of Peace, cit., p. 134 et 136; A.S. DE BUSTAMANTE, The World Court, New
York, Hein, 1983, p. 17.
1493 Déjà Kelsen, à l’article 36 de son Projet d’institution d’une Organisation permanente pour le
maintien de la paix, prévoyait un système de sanctions et de contre-mesures en cas de violation décrétées
par une Cour d’ordre pénal (voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p.
36. Sur les mesures à adopter pour exécuter la sanction étatique violée voir A. TANZI, Problems of
Enforcement of Decisions of the I.C.J. and the Law of the U.N., cit., p. 561 s., d’après laquelle ces
mesures consisteraient dans l’interruption des relations avec l’État coupable, selon le schéma de l’article
41 de la Charte des N.U. et, éventuellement, dans l’emploi de la force armée, selon le schéma de l’article
42 de la Charte des N.U. et pourraient être adoptées dans le cadre des organisations internationales. Sur
les mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée voir, aussi, D.W. BOWETT, Contemporary
Developments in the Legal Techniques in the Settlement of Disputes, in R.C.A.D.I., 1983-II, vol. 180, p.
212.

424
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

ordonnances de la Cour seront exécutés sur requête par chacun des États
contractants”.1494
Parallèlement, dans le Traité sur la responsabilité des États, il faudrait introduire une
nouvelle disposition, prévoyant qu’un crime international oblige chaque État, au sens
absolu ou relatif, à “exécuter de bonne foi les mesures décidées par la Cour pénale
internationale pour donner exécution aux sanctions”. Cette norme trouverait sa place
comme alinéa e) de l’article 53 dans le Projet de 1996 et comme nouveau paragraphe 2
de l’article 41 du Projet de 2001, qui concernent les conséquences particulières de la
responsabilité majeure des États.
L’exécution de sanctions n’impliquant pas l’emploi de la force armée pourrait passer
directement par les États membres. Il vaudrait mieux, toutefois, en confier la
coordination à un organe central, préférablement le Conseil de sécurité, compétent en la
matière, actuellement, en vertu de l’article 41 de la Charte des N.U.
L’exécution des sanctions impliquant l’emploi de la force armée devrait passer, a
fortiori, préférablement, par la coordination d’un organe exécutif central, capable de
coordonner rapidement les forces armées des États membres.1495 Cette fonction pourrait
être confiée au Conseil de sécurité, compétent, actuellement, en la matière, en vertu de
l’article 42 de la Charte des N.U.1496
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Il faudrait, par conséquent, réformer la relation entre la C.P.I. et le Conseil de


sécurité, en répartissant les fonctions entre les deux institutions de façon nette et plus
conforme à leur nature. Dans cette perspective, en effet, l’action du Conseil de sécurité
devrait être une action exécutive finale subordonnée à l’évaluation de la responsabilité
individuelle et collective de la part de la C.P.I. La répartition des compétences serait
claire, parce que le côté juridictionnel, tant individuel que collectif, rentrerait dans la
compétence de la C.P.I., tandis que le côté exécutif de la sanction collective reviendrait
au Conseil de sécurité. Du point de vue du facteur du temps le jugement sur la
responsabilité par la C.P.I. interviendrait avant toute action exécutive menée par le
Conseil. L’action du C.d.S. deviendrait alors, selon une conception correcte de l’action
de police, la mesure d’exécution d’une sentence de condamnation prononcée par la
C.P.I., tant au niveau individuel que collectif.1497 Par ailleurs, cette forme d’exécution
pourrait être déclenchée, dans des cas rigoureusement restreints, au cours du procès
pénal de jugement comme mesure préventive, au cas où l’urgence de la situation le
rendrait nécessaire.1498 L’action du C.d.S. serait fondamentale pour rendre effectives les
décisions de la Cour, car, en l’absence de ce type de coordination, l’exécution des
sanctions serait complètement anarchique.1499 La conception du Conseil de sécurité

1494 Voir A.I.D.P., Projet de Statut de la Cour internationale criminelle, 1926, cit., p. 491, article 37.
1495 En doctrine, sur l’obligation des États de s’acquitter des obligations imposées par le C.d.S. voir V.
GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p.
84 s.
1496 Selon une partie de la doctrine, la prévision, à l’article 53 du Projet sur la responsabilité des États de
1996, de l’obligation, pour chaque État de la communauté internationale, de venir en aide de l’État
victime d’un crime international, impliquerait la coordination de l’action par le C.d.S. (voir D.W.
BOWETT, Crimes of State and the Report of the I.L.C. on State Responsibility, cit., p. 172).
1497 Conformément voir A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 153,
article 1, note 1. En doctrine voir F. PRZETACZNIK, The Compulsory Jurisdiction of the I.C.J. as a
Prerequisite for Peace, cit., p. 67.
1498 Voir, supra, les dispositions concernant l’exécution des sanctions préventives.
1499 Conformément voir G.H. OOSTHUIZEN, Some Preliminary Remarks on the Relationship between
the Envisaged International Criminal Court and the U.N. Security Council, cit., p. 335; F. BERMAN,
The Relationship beetween the International Criminal Court and the Security Council, cit., p. 179-180.

425
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

comme organe exécutif de la C.P.I. imposerait la révision de quelques normes du Statut


de la C.P.I. et, surtout, de la Charte des N.U.
Dans le Statut de la C.P.I. il faudrait ajouter un article, au sein du chapitre IV,
concernant la composition de la Cour, prévoyant l’institution d’un organe exécutif
central, capable de coordonner l’action exécutive des États et confiant cette fonction au
Conseil de sécurité des Nations Unies.1500 À ce propos il est intéressant de remarquer
que, au cours de la Conférence de San Francisco sur l’organisation internationale,
certains délégués souhaitaient que le C.d.S. fusse obligé d’avoir recours à la force
armée pour assurer l’exécution des arrêts de la C.I.J.1501
Dans le Statut de la C.P.I., après l’article 43, on devrait insérer un nouvel article:

Statut de la C.P.I. Article concernant l’institution d’un organe central pour


l’exécution des sanctions étatiques:
1. Un organe exécutif central est institué, afin de coordonner l’action des États
parties (ou: de la communauté internationale) dans l’exécution de la sanction étatique.
2. L’organe exécutif est soumis aux décisions de la Cour pénale internationale.
3. Le Conseil de sécurité des Nations Unies exercera ces fonctions.
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Tout de suite, on pourrait, éventuellement, ajouter une disposition prévoyant


l’institution d’une force armée internationale à la disposition dudit organe exécutif.
Toutefois cette disposition n’est pas indispensable, car elle est absorbée par l’article 43
de la Charte des N.U., qui prévoit la mise à disposition du C.d.S. de contingents
militaires par les États membres, en application du chapitre VIII section B § 5-10 des
Propositions de Dumbarton Oaks, donc la constitution d’une véritable force armée
onusienne, par le biais de la conclusion d’accords spéciaux. Cette norme visait, à
l’origine, à pallier un défaut du Pacte de la S.d.N., qui, à l’article 16 § 2, laissait aux
États membres le soin de décider de l’opportunité et l’ampleur des moyens militaires à
mettre au service de la sécurité internationale, le Conseil ne jouissant que d’un pouvoir
de recommandation.1502 Il faut, toutefois, reconnaître qu’une telle armée n’est pas facile

1500 Conformément, l’article 35 du Projet d’Accord pour l’institution d’une Organisation permanente
pour le maintien de la paix, de H. Kelsen, prévoit la subordination du Conseil, en fonction exécutive, aux
décisions de la Cour (voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 90 s.,
163. L’article 68 du Projet pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., rédigé par V.
Pella en 1928, prévoyait que “1. Les décisions de la Cour auront un caractère obligatoire. 2. Elles seront
communiquées au Conseil de la Société des Nations (Conseil de sécurité), auquel est confié le soin de
prendre les mesures internationales nécessaires pour l’application des sanctions prononcées contre les
États” (voir A.I.D.P., Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la C.P.J.I., par
V. Pella, 1928, cit., p. 144, article 68). Conformément voir U.I.P., Principes fondamentaux d’un Code
répressif des nations, par V. Pella., 1925, cit., p. 78, principe 16, § 2. Les articles 50, 71-72 de l’Avant-
Projet de Code pénal international de Q. Saldaña, de 1925, prévoyait également, l’action du Conseil de la
S.d.N. en fonction exécutive des sanctions pénales imposées par la C.P.J.I., toutefois il faisait sauve, en
même temps et parallèlement, à l’article 50, la possibilité pour le Conseil de déclencher des sanctions de
façon autonome (voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale, 1925, cit.,
p. 405, article 50 (Aggravation de la responsabilité de l’État – Résistance passive), article 71 (Sanctions
unilatérales contre l’État délinquant), article 72 (Répression ou châtiment militaire (La guerre-peine)). Le
Code de Q. Saldaña, en effet, proposait l’alternative entre la juridiction de la C.P.J.I. et celle du Conseil
de la S.d.N. (article 57) (voir Q. Saldaña, Avant-Projet de Code pénal international – Partie générale,
1925, cit., p. 408, article 57 (Classes de sanctions pénales contre l’État délinquant)).
1501 Voir U.N.C.I.O., vol. I, p. 507, vol. XII, p. 591 s.
1502 Voir M.-F. FURET, Commentaire de l’article 43 de la Charte des N.U., in J.-P. COT., A. PELLET,
La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 716-717. Sur l’éventuelle
institution d’une force armée internationale voir les considérations générales que nous avons fait à propos
des solutions procédurales aux problèmes du système actuel de droit international pénal. En faveur de la

426
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

à rassembler en pratique.1503 Dans l’expérience des N.U. l’idée de l’institution d’une


armée internationale, qui plonge ses racines dans le Grand dessein d’Henry IV de Sully
et dans le Projet de paix perpétuelle de l’Abbé de Saint-Pierre, conçue et envisagée dans
l’euphorie de l’union des Puissances Alliées contre celles de l’Axe, au lendemain de la
seconde guerre mondiale, n’a pas pu survivre à la rupture de cet équilibre, de sorte que
les accords spéciaux prévus à l’article 43 de la Charte des N.U. n’ont jamais été signés.
Pourtant resurgissant au début des années 1950, à moyen terme, l’idée de l’armée
onusienne a, ensuite, été abandonnée.1504 Dans le Supplément à l’Agenda pour la paix,
de 1995, le Secrétaire général des N.U. a marqué sa préférence pour les actions
coercitives menées par “les États membres, agissant à titre national ou dans le cadre
d’arrangements régionaux”.1505 Les difficultés tiendraient, plus qu’au coût des
opérations, aux résistances des États à engager des vies humaines pour des causes
auxquelles les opinions publiques internes ne sont pas prêtes à adhérer. Ainsi l’action
du C.d.S. doit passer par la constitution des forces occasionnelles multinationales
suivant l’article 48 de la Charte des N.U., qui oblige les États membres à exécuter les
décisions du C.d.S. (reprise de l’article 25 de la Charte), directement ou grâce à leur
action dans les organismes internationaux appropriés dont ils font partie, ou bien
suivant la théorie des pouvoirs implicites.1506 D’ailleurs les traités des organisations
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internationales ayant un caractère militaire prévoient la conformité de leur action à la


Charte des N.U., de sorte que leur emploi aux fins de l’exécution des actions décidées
par le C.d.S. en résulte simplifié. Tel est le cas du Traité de l’Atlantique du Nord,
instituant l’O.T.A.N., signé à Washington le 4 avril 1949, qui prévoit l’accroissement
des capacités de résistance à une attaque armée (article 3) mais l’emploi de la force en
conformité avec les buts des N.U. (article 1) et la subordination des obligations du
Traité à celles découlant de la Charte des N.U. (article 7). De toute façon, faute
d’arrangements spéciaux, le C.d.S. ne peut imposer d’obligations qu’aux États
membres, pas directement aux organisations internationales. Comme le précisa le
Comité de coordination pendant les travaux de la Conférence de San Francisco sur
l’organisation internationale, ce sont les États membres, obligés par les décisions du
C.d.S., qui doivent opérer au sein des organisations internationales pour appliquer les
décisions du Conseil.1507 Par contre, le C.d.S. garde le pouvoir, pourtant rarement, voire
jamais exercé, de se servir des organismes régionaux “pour l’application des mesures
coercitives prises sous son autorité” (article 53 de la Charte des N.U.).1508 Il est clair,
toutefois, que cette façon de procéder va à l’encontre de l’idée d’un corps de troupes

constitution d’une force armée internationale comme condition indispensable du désarmement et du


maintien de la paix voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 85-86.
1503 Sur la difficulté de créer une force armée internationale aux termes des articles 43 et 45 de la Charte
des N.U. voir R. HIGGINS, Peace and Security. Achievements and Failures, cit., p. 452.
1504 Voir J.-P. COT, A. PELLET, Les Nations Unies? Mais encore?, cit., p. 16.
1505 Voir S.G.N.U., Agenda pour la paix, in A.G., doc. off., 47ème sess., 1992, doc. A/47/277-S/24111, 17
juin 1992, in ‹http://un.org/Docs/SG/agpeace.html›; S.G.N.U., Supplément à l’Agenda pour la paix,
Rapport de situation présenté par le Secrétaire général à l’occasion du cinquantième anniversaire de
l’O.N.U., in A.G., doc. off., 50ème sess., 1995, doc. A/50/60-S/1995/1, 25 janvier 1995, in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N95/080/96/PDF/N9508096.pdf?OpenElement›, p. 19, § 79.
1506 Sur la théorie des pouvoirs implicites comme fondement du pouvoir du Conseil de sécurité des N.U.
d’engager les États membres voir P. LAGRANGE, La sous-traitance de la gestion coercitive des crises
par les Conseil de sécurité des Nations Unies, cit., p. 1-899.
1507 Voir U.N.C.I.O., vol. XIX, p. 88-89. En doctrine voir P.-M. EISEMANN, Commentaire de l’article
48 de la Charte des N.U., cit., p. 750.
1508 Voir E. KODJO, Commentaire de l’article 53 de la Charte des N.U., cit., p. 818-824.

427
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

directement rattachées à l’O.N.U.1509 C’est ainsi que la doctrine parle des projets d’une
force armée internationale comme propres “de tous les mystiques de la paix mondiale
par le droit mondial […] d’une époque où l’on a cru que la société internationale des
États n’était qu’une étape dans une évolution dont les sociétés nationales offraient le
modèle à atteindre – notamment par leur intégration de la force armée, le monopole de
la contrainte. Aujourd’hui ils subsistent les articles jaunis d’un grand projet avorté. La
plus minutieuse des pièces du musée des Nations Unies”.1510
Quoi qu’il en soit et malgré tout, la norme concernant l’institution d’une forcé armée
internationale devrait être ainsi formulée:

Statut de la C.P.I. Article concernant l’institution d’une force armée internationale


permanente sous la direction de l’organe exécutif central des sanctions étatiques: Une
force armée internationale permanente est constituée, sous la direction de l’organe
exécutif central des sanctions étatiques.

En outre, pour assurer l’efficacité de l’action exécutive impliquant l’usage de la


force armée, on devrait introduire, dans le Statut de la C.P.I., une disposition imposant
la limitation des armements étatiques, dans le sillage de l’article 26 de la Charte des
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

N.U., conforme à la Déclaration de Moscou du 30 octobre 1943 (paragraphe 7) et aux


Propositions de Dumbarton Oaks (Chapitre VI, Section B-3).1511 Cette norme, placée à
la fin du chapitre X du Statut de la Cour pénale internationale, pourrait se situer,
toutefois, plus correctement, dans la Charte des N.U., après l’article 43, concernant
l’organisation des forces armées internationales par le C.d.S.1512
La disposition concernant la limitation des armements devrait être formulée de cette
façon:

Statut de la C.P.I. Article concernant la limitation des armements par les États parties
(ou: de la communauté internationale). Les États parties (ou: de la communauté
internationale) s’engagent à limiter leurs armements de façon que l’ensemble des forces
armées des autres États (et de la force armée internationale) soit supérieur et en mesure
de rendre effectives les mesures exécutives impliquant l’emploi de la force armée. La
violation de cette obligation constitue une tentative d’agression passible de poursuite
par la Cour (pénale internationale) aux termes de l’article 5 du (de son) Statut.1513

1509 Voir M.-F. FURET, Commentaire de l’article 43 de la Charte des N.U., cit., p. 716-723; L.M.
GOODRICH, E. HAMBRO, A.P. SIMONS, Charter of the U.N. – Commentary and Documents, 3rd ed.,
cit., article 43, p. 317-326.
1510 Voir J.-C. MARTINEZ, Commentaire de l’article 46 de la Charte des N.U., in J.-P. COT., A.
PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 733.
1511 Déjà l’article 8 du Pacte de la S.d.N. prévoyait la réduction des armements étatiques au minimum
afin de garantir l’efficacité de l’action exécutive du Conseil. Cette obligation était réaffirmée à l’article
11 du Projet de Traité d’Assistance mutuelle de 1923 (voir le texte de l’article 11 in S.d.N., Journal
officiel, IV année, n. 12, décembre 1923, p. 1523). En faveur de cette disposition voir H. KELSEN,
Peace through law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 85.
1512 Sur la question de la limitation des armements par rapport à l’action de l’organe exécutif central voir
H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 56. D’après E. KANT, Zum
ewigen frieden (Per la pace perpetua), cit., p. 25, en suivant la logique de la limitation des armements, on
devrait parvenir à leur élimination complète.
1513 Il faut remarquer que, dans le but “de donner plus d’efficacité à une mesure de sûreté qui aurait été
appliquée contre un État agresseur”, le titre 2ème (Nature des infractions), chapitre 1er (Infractions
commises par les États), point 3, du Plan d’un Code répressif mondial de V. Pella, de 1935, prévoyait le
crime de “Recrutement et éducation militaire de contingents supérieurs à ceux autorisés” (voir A.I.D.P.,

428
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

Finalement, il faudrait affirmer le rôle de la C.P.I. comme juge de l’exécution


collective, autant que de l’exécution individuelle.1514
Pour le réaliser il faudrait insérer, à la fin du chapitre X du Statut de la C.P.I., après
l’article 111, une norme de ce type:

Statut de la C.P.I. Article concernant la compétence de la Cour en matière


d’exécution des sanctions à l’égard des États (et des organisations internationales): La
Cour est compétente pour juger toute question, de droit ou de procédure, concernant
l’exécution des sanctions à l’égard des États (et des organisations internationales).

De suite il faudrait, comme dans le cas de l’imposition des mesures préventives,


introduire l’article 50 de la Charte des N.U.
Cette disposition devrait être adaptée à la C.P.I., en ce qui concerne l’adoption des
mesures coercitives finales:

Statut de la C.P.I. Article concernant la réclamation des États endommagés par


l’imposition d’une mesure coercitive: Si un État est l’objet de mesures coercitives prises
par la Cour pénale internationale, tout autre État, qu’il soit ou non membre des Nations
Unies, s’il se trouve en présence de difficultés économiques particulières dues à
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

l’exécution desdites mesures, a le droit de consulter la Cour au sujet de la solution de


ces difficultés.

Parallèlement, l’institution de l’organe central chargé d’exécuter les sanctions,


identifié, préférablement, avec le Conseil de sécurité des Nations Unies, nous obligerait
à ajouter une nouvelle lettre e) dans le texte de l’article 34 du Statut de la C.P.I.,
concernant les organes de la Cour, puis, au cas où on instituerait la force armée
internationale, une ultérieure lettre d).
On reformulerait, dès lors, l’article 34 du Statut de la C.P.I. en prévoyant que:

Statut de la C.P.I. Article 34 (Organes de la Cour): Les organes de la Cour sont les
suivants: e) L’organe exécutif central des sanctions à l’égard des États (et des
organisations internationales): le Conseil de sécurité des Nations Unies; (f) La force
armée internationale sous la direction de l’organe exécutif central des sanctions
étatiques).

Conformément, les dispositions rattachées à celles concernant les organes de la


C.P.I. devraient être modifiées pour y inclure les composants des nouveaux organes.
Ainsi, à l’article 45, concernant l’engagement solennel, 46 § 1, concernant la perte des
fonctions, 47, concernant les sanctions disciplinaires, et 49, concernant le traitement
économique, depuis les mots “greffier adjoint” il faudrait ajouter l’expression “les (un)
membre(s) de l’organe exécutif central des sanctions étatiques (et les (un) membre(s)
des forces armées internationales)”. En outre, à l’article 46 § 2 il faudrait prévoir que
l’exclusion d’un membre de l’organe exécutif central des sanctions étatiques est décidée
par l’Assemblée et, conséquemment, insérer une nouvelle lettre d), prévoyant
l’exclusion d’un membre de l’organe exécutif central des sanctions étatiques à la

Plan d’un Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 149, Titre 2ème, Chapitre 1er, point 3 et note
2).
1514 Le Projet d’Accord pour l’institution d’une Organisation permanente pour le maintien de la paix, de
H. Kelsen, prévoit, à l’article 36 § 3, que la Cour est compétente pour décider des exceptions soulevées
par les États contre les actes d’exécution (voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il
diritto), cit., p. 167).

429
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

majorité absolue des États parties, tandis qu’un nouveau paragraphe devrait prévoir
l’exclusion d’un membre des forces armées internationales par les chefs militaires
compétents; parallèlement, au paragraphe 4 de l’article 46, il faudrait prévoir, pour ces
sujets, la possibilité de se défendre par la présentation d’éléments de preuve. À l’article
48 § 2 il faudrait prévoir que les membres de l’organe exécutif central des sanctions
étatiques (et les membres des forces armées internationales) jouissent des immunités
diplomatiques et au § 5, concernant la levée des privilèges et des immunités, il faudrait
ajouter une nouvelle lettre b), prévoyant la levée des privilèges et immunités aux
membres de l’organe exécutif central des sanctions étatiques à la majorité absolue des
autres membres de l’organe et, éventuellement, aux membres des forces armées
internationales, par les chefs militaires compétents.
Les changements dans le Statut de C.P.I. devraient, forcement, être suivis par une
série de changements dans la Charte des N.U., pour adapter le C.d.S. à sa nouvelle
fonction et en coordonner l’action avec les pouvoirs de la C.P.I.1515
À l’article 2 § 7 il faudrait prévoir que le principe de non ingérence dans les affaires
internes des États n’affecte pas la compétence de la Cour pénale internationale par
rapport à la répression des crimes.
À l’article 7 § 1 il faudrait placer le Conseil de sécurité, comme organe principal des
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Nations Unies, après la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale,


pour en souligner la fonction exécutive.
À l’article 24 de la Charte, concernant les fonctions et les pouvoirs du Conseil, il
faudrait réviser l’incipit en se sens: “Le Conseil de sécurité assure l’exécution rapide
des décisions de la Cour pénale internationale. Les Membres des Nations Unies
confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité exécutive pour le maintien de la paix
et de la sécurité internationales”.1516
Naturellement, dans cet ordre d’idées l’A.G.N.U. perdrait toute faculté de se
substituer au C.d.S. dans la prise de décision en matière de violation de la paix dont elle
jouit, actuellement, en vertu de la Résolution 377 (V) du 3 novembre 1950, “Acheson”.
À l’article 27 § 3 de la Charte il faudrait abroger l’expression selon laquelle les
décisions du Conseil sont prises par le vote affirmatif de neuf membres “dans lesquels
sont comprises les voix de tous les Membres permanents”.
Dans le cadre du chapitre VI de la Charte, relatif à la réglementation pacifique des
différends, dans les articles 33, 34, 36, 37 et 38 de la Charte, l’expression “le Conseil de
sécurité” devrait être substituée par l’expression “l’Assemblée générale”, pour lui
conférer le fonction d’amener les parties en conflit à la réglementation pacifique des
différends. Dans l’article 35 l’expression “le Conseil de sécurité” devrait être substituée
par l’expression “de la Cour pénale internationale, de la Cour internationale de justice”
L’article 37 § 2 de la Charte devrait être supprimé.
À la fin du chapitre VI de la Charte, après l’article 38, il faudrait introduire une
nouvelle disposition, prévoyant la primauté de la C.P.I. en matière de responsabilité
majeure des États.1517

1515 Sur le problème du rapport entre la C.P.I. et le C.d.S., conçu en fonction exécutive des décisions de
celle-ci, voir Ph. WECKEL, La C.P.I. – Présentation générale, cit., p. 990-991; E. DULAC, Le rôle du
C.d.S. dans la procédure devant la C.P.I., cit., p. 104-105.
1516 On aurait, ainsi, résolu les problèmes posés par l’article 94 § 2 de la Charte des N.U., qui configure
l’action exécutive du C.d.S. comme facultative par rapport aux décisions de la C.I.J. Sur ce problème voir
les considérations que nous avons fait, supra, dans le cadre de l’analyse de la relation entre la C.I.J. et le
C.d.S. en fonction exécutive. En doctrine voir A. TANZI, Problems of Enforcement of the Decisions of
the I.C.J. and the Law of the U.N., cit., p. 539 s.
1517 Sur le rôle fondamental de la C.P.I. au sein de la communauté internationale voir les considérations
que nous avons fait dans le cadre des considérations générales sur les solutions procédurales aux

430
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

On pourrait envisager une disposition de ce type:

Charte des N.U. Article concernant la compétence exclusive de la Cour pénale


internationale en matière de responsabilité majeure des États: Les différends qui
impliquent la responsabilité majeure des États sont soumis à la compétence de la Cour
pénale internationale conformément aux articles 25 § 1 et 5 du Statut de la Cour pénale
internationale.

En outre il faudrait subordonner le chapitre VI aux dispositions du Statut de la C.P.I.,


en prévoyant que:

Charte des N.U. Article concernant le rapport entre le Chapitre VI et le Statut de la


Cour pénale internationale: Les dispositions du présent Chapitre n’empêchent en rien
l’action de la Cour pénale internationale conformément à son Statut.

Dans le cadre du chapitre VII de la Charte, relatif à l’action “exécutive du Conseil de


sécurité”, il faudrait modifier l’article 39 en ce sens:

Charte des N.U. Article relatif au constat, par le Conseil de sécurité, d’une violation
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

de la paix: Si le Conseil de sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix,


d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression il en informe la Cour pénale
internationale et la Cour internationale de justice dans le plus bref délai.

De suite, il faudrait ajouter une norme prévoyant la fonction exécutive du C.d.S., du


type:

Charte des N.U. Article concernant la fonction exécutive du Conseil de sécurité: Le


Conseil de sécurité est compétent pour exécuter les mesures décidées par la Cour pénale
internationale et la Cour internationale de justice afin de rendre effectives les sanctions
à l’égard des États.

Les articles 40, 41 et 42 de la Charte devraient être abrogés, car la compétence pour
décider l’adoption des mesures d’exécution des sanctions, en voie préventive ou
définitive, passerait à la C.P.I. et serait prévue dans le Statut de la C.P.I.1518
À l’article 44 de la Charte il faudrait prévoir que le Conseil de sécurité convie un
État à participer aux décisions relatives à l’emploi des forces armées internationales
lorsque il “doit recourir à la force, en exécution d’une décision de la Cour pénale
internationale”.
Dans l’article 49 de la Charte l’expression “le Conseil de sécurité” devrait être
substituée par l’expression “la Cour pénale internationale et la Cour internationale de
justice”, pour affirmer le rôle décisionnel des juridictions en matière de responsabilité
majeure des États.
À l’article 51 de la Charte, l’expression “le Conseil de sécurité” devrait être
substituée par l’expression “la C.P.I.”, pour consentir l’adoption des actions en légitime
défense par les États, jusqu’à la prise des décisions par la C.P.I. “en matière de
responsabilité internationale majeure”. Cette disposition, d’ailleurs, devrait trouver sa

problèmes du système actuel. En doctrine, sur cette question, voir, H. KELSEN, Peace through Law (La
pace attraverso il diritto), cit., p. 90.
1518 Pour une analyse des mesures adoptées aux termes des articles 40 et 41 de la Charte des N.U. voir V.
GOWLLAND-DEBBAS, Security Council Enforcement Action and Issues of State Responsibility, cit., p.
62.

431
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

place naturelle dans le cadre du Traité sur la responsabilité des États, notamment à la
place de l’article 34 du Projet de 1996, et de l’article 21 du Projet de 2001, qui
concernent la légitime défense et qui rappèlent, justement, l’application de la légitime
défense aux termes de l’article 51 de la Charte des NU, en substituant les expressions
“Membres des Nations Unies” et “Membres” par l’expression “États”.
Dans le cadre du chapitre VIII de la Charte des N.U., concernant les accords
régionaux, il faudrait préciser, aux articles 52 et 53, que l’action du Conseil de sécurité
se déroule en exécution des ordres de la C.P.I. et de la C.I.J. Par ailleurs, la partie de
l’article 53 § 1, concernant l’action des organisations régionales à l’encontre des États
ennemis de la seconde guerre mondiale, ainsi que le paragraphe 2, devraient être
abrogés. L’article 54 devrait être supprimé.
Dans le Chapitre X de la Charte, à l’article 65, il faudrait prévoir que le Conseil
économique et social fournit des informations à l’Assemblée générale, non pas au
Conseil de sécurité.
Dans le chapitre XII de la Charte, aux articles 83-84, relatifs au régime de tutelle des
zones stratégiques, il faudrait substituer l’expression “le Conseil de sécurité” par
“l’Assemblée générale”, vu la fonction purement exécutive du Conseil de sécurité.
Conséquemment, il faudrait supprimer, à l’article 16, la limitation des pouvoirs de
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

l’Assemblée générale de stipuler des accords de tutelle aux seules zones non
stratégiques, et, à l’article 24 § 2, la référence aux pouvoirs du Conseil de sécurité
découlant du chapitre XII.
Dans le chapitre XIV de la Charte, relatif à la C.I.J., il faudrait, tout d’abord, ajouter
l’expression “et Cour pénale internationale” après la Cour internationale de justice dans
le titre.
En outre on devrait modifier l’article 92 de la Charte en ce sens:

Charte des N.U. Article 92. La Cour internationale de justice et la Cour pénale
internationale constituent les organes judiciaires principaux des Nations Unies. Elles
fonctionnent, respectivement, conformément à un Statut établi sur la base du Statut de la
Cour permanente de justice internationale et annexé à la présente Charte, dont il fait
partie intégrante, et au Statut de la Cour pénale internationale, annexé à la présente
Charte, dont il fait partie intégrante.

L’article 93 § 1 de la Charte devrait être modifié en ce sens:

Charte des N.U. Article 93 § 1. Tous les membres des Nations Unies sont ipso facto
Parties au Statut de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale.

D’ailleurs, au paragraphe 2 de l’article 93 de la Charte il faudrait prévoir que seule


l’Assemblé détermine quels États non membres de la C.P.I., autant que de la C.I.J.,
peuvent le devenir.
L’article 94 § 1 de la Charte devrait être modifié en prévoyant que chaque État
membre s’engage à respecter les décisions de la C.P.I. outre à celles de la C.I.J.
L’article 94 § 2 de la Charte devrait être reformulé en substituant au mot “Cour”
l’expression “Cour internationale de justice” et, éventuellement, en obligeant le Conseil
de sécurité à agir pour faire exécuter ses décisions.

432
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

En outre, il faudrait ajouter un nouveau paragraphe 3 à l’article 94 de la Charte, ainsi


formulé:

Charte des N.U. Article 94 § 3. Si une partie ne se conforme pas à une décision de la
Cour pénale internationale, celle-ci décide les mesures nécessaires à exécuter la
décision.1519

À l’article 95 de la Charte il faudrait préciser que la compétence de la C.P.I. prévaut


sur la compétence de tout autre tribunal établi par voie d’accord.
À l’article 96 de la Charte il faudrait introduire la possibilité que même la C.P.I.
donne des avis consultatifs.
Parallèlement, à l’article 1er du Statut de la C.I.J., il faudrait prévoir que la C.I.J. est
“un des organes judiciaires principaux” des Nations Unies. À l’article 37 du même
Statut, il faudrait prévoir que la C.I.J. relève la compétence de la C.P.J.I. “sauf si la
matière relève de la compétence de la Cour pénale internationale”.
Au chapitre XV de la Charte des N.U., à l’article 97 il faudrait supprimer la
recommandation du Conseil de sécurité à l’Assemblée générale en matière de
nomination du Secrétaire général.
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

D’ailleurs l’article 6 de la Charte, concernant l’exclusion d’un État de l’organisation


devrait être abrogé car, par la voie de l’exclusion, un État pourrait se soustraire aux
obligations onusiennes.1520 Les seules sanctions pour l’État qui viole les obligations de
la Charte devraient demeurer celles d’ordre juridictionnel internes à la Charte.
Parallèlement, il faudrait abroger l’exclusion des États membres à l’article 18 § 2 de la
Charte.
À l’article 4 § 2 de la Charte, il faudrait exclure la recommandation des nouveaux
Membres à l’Assemblée par le C.d.S., étant donnée la nouvelle nature exécutive du
Conseil.
À l’article 5 de la Charte, il faudrait prévoir qu’un Membre de l’Organisation contre
lequel “une condamnation a été prononcée par la Cour pénale internationale” peut être
suspendu et rétabli dans l’exercice de ses droits et privilèges par l’Assemblée générale,
non pas par le Conseil de sécurité.
En outre, il faudrait abroger l’article 12 § 1 de la Charte, qui empêche l’Assemblée
de formuler toute recommandation sur un différend dont le C.d.S. est saisi, et on
devrait, par conséquent, supprimer la référence à l’article 12 contenue dans les articles
10 et 11 § 2. À l’article 12 § 2, il faudrait éliminer l’assentiment du Conseil de sécurité
à la décision du Secrétaire Général de porter à connaissance de l’Assemblée les
questions qui menacent la paix.
Dans l’article 11 § 2 et § 3 de la Charte, il faudrait substituer la C.P.I. au C.d.S. dans
le rôle de point de référence de l’Assemblée dans la gestions des différends majeurs.

1519 Par rapport aux décisions de la C.P.I. le C.d.S. assumerait, ainsi, un rôle purement exécutif. Dans le
système actuel, par contre, en vertu de l’article 94 § 2 de la Charte des N.U., le Conseil reste libre de
décider les mesures à appliquer au cas où un État ne se conformerait pas à un arrêt de la C.I.J. Sur les
problèmes posés par l’article 94 actuel, notamment par le paragraphe 2, de la Charte des N.U. voir, en
doctrine, Ph. WECKEL, Les suites des décisions de la C.I.J., cit., p. 428 s.; G. GUILLAUME,
Enforcement of Decisions of the I.C.J., in N JASENTULIYANA, Perspectives on International Law,
London, Kluwer, 1995, p. 275 s.; G. GUILLAUME, De l’exécution des décisions de la C.I.J., in
R.S.D.I.E., 1997, p. 431.
1520 Voir les considérations générales que nous avons fait en traitant des possibles solutions procédurales
aux problèmes du système actuel. Sur ce problème, en doctrine, voir H. KELSEN, Peace through Law
(La pace attraverso il diritto), cit., p. 97.

433
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

À l’article 15 de la Charte il faudrait substituer l’expression “le Conseil de sécurité”


par le mots “la Cour pénale internationale”, pour conférer à celle-ci le pouvoir
d’envoyer des rapports à l’Assemblée générale “en matière de responsabilité majeure
des États”. A l’article 99 de la Charte, il faudrait prévoir que le Secrétaire Général peut
attirer l’attention de l’A.G.N.U., de la C.I.J. et de la C.P.I. sur les questions mettant en
danger la paix internationale.
À l’article 27 § 3 de la Charte, concernant la procédure de prise de décision du
C.d.S., il faudrait supprimer l’expression “aux termes du chapitre VI”.
À l’article 32 de la Charte, il faudrait préciser que le C.d.S. s’intéresse à la phase
exécutive d’un différend.
Le chapitre XVII (Dispositions transitoires et de sécurité) de la Charte, contenant les
articles 106 et 107, permettant aux Membres permanents du C.d.S., respectivement,
toute action nécessaire au maintien e la paix et de la sécurité internationales en
attendant la signature des accords aux termes de l’articles 43 prévoyant l’institution
d’une force armée onusienne, et l’action contre les États ennemis de la deuxième guerre
mondiale, devrait être abrogé.
Aux articles 108 et 109 § 2 de la Charte il faudrait supprimer l’expression “y
compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité” pour permettre
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

l’adoption des amendements et la révision de la Charte des N.U. sur une base
égalitaire.1521 À l’article 109 il faudrait supprimer, aussi, les pouvoirs du Conseil de
sécurité en matière de convocation de la Conférence de révision de la Charte.
Finalement, la conception du C.d.S. en fonction purement exécutive des décisions de
la C.P.I. imposerait la révision de son Règlement intérieur, adopté aux termes de
l’article 30 de la Charte des N.U.
Dans le Statut de la C.I.J. il faudrait supprimer la participation du C.d.S. aux
procédures concernant l’organisation de la Cour aux articles 4, 7, 8, 10, 12, et substituer
l’A.G.N.U au C.d.S. dans la fonction de fixer la date de l’élection des juges aux sièges
devenu vacants à l’article 14. En outre, on devrait substituer l’A.G.N.U. au C.d.S. dans
la fonction de déterminer les conditions d’ouverture de la C.I.J. à un État non partie à
son Statut, à l’article 35 § 2. Finalement, il faudrait exclure le C.d.S. de la participation
à la procédure d’amendement du Statut, à l’article 69.

Conclusion.
Pour parvenir à corriger les incohérences majeures du système de droit international
pénal actuellement en vigueur il faudrait, du côté du droit matériel, définir clairement
les infractions criminelles étatiques, et, du côté procédural, introduire la compétence
d’un organe juridictionnel, ayant juridiction obligatoire, et lui soumettre le C.d.S. en
tant qu’organe exécutif des sanctions. En vertu de la relation stricte qui subsiste entre
les crimes des individus et ceux des États il serait souhaitable que le même organe qui
juge la responsabilité pénale individuelle, juge aussi la responsabilité criminelle
étatique: pour cette raison la compétence de la C.P.I. est préférable à celle de la C.I.J.
Ces considérations valent si on opte pour une conception pénale autant que si on penche
pour une conception non-pénale de la responsabilité majeure des États. Pour réaliser ces
changements fondamentaux il faudrait modifier quelques dispositions normatives, de
façon coordonnée, dans certains textes de droit international, notamment dans le Statut
de la C.P.I., dans le Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États, dans sa version de

1521 Sur le problème du consensus inégalitaire dans les procédures d’amendement et de révision de la
Charte des N.U. voir J. DEHAUSSY, Commentaire de l’article 108 de la Charte des N.U., in J.-P. COT,
A. PELLET, La Charte des N.U. – Commentaire article par article, 2ème éd., cit., p. 1443 s.

434
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA C.P.I. COMME JUGE UNIQUE
DE LA RESPONSABILITÉ DES INDIVIDUS ET DES ÉTATS

1996 ou de 2001, censé assumer la forme définitive du traité, ainsi que dans la Charte
des N.U. et le Statut de la C.I.J.1522
Du côté du droit matériel, pour définir clairement les crimes des États et,
éventuellement, des organisations internationales, il faudrait modifier la partie spéciale
de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996, en prévoyant les figures
des crimes étatiques contre l’existence et la souveraineté des États, contre
l’autodétermination des peuples, contre l’humanité, de crimes de guerre et des crimes
contre la juridiction internationale, possibles aussi pour omission de prévention et de
contrôle. En outre il faudrait spécifier que le fait de l’État est le fait de ses individus-
organes, tel que prévu dans le Statut de la C.P.I. En revanche, du point de vue de la
théorie générale, le crime étatique demeurerait configuré comme violation d’une
obligation erga omnes indivisible, au sens absolu ou relatif, défendant un intérêt
fondamental de la communauté internationale (entendue, au sens absolu, comme
l’ensemble tous les États du monde, ou, au sens relatif, comme l’ensemble des États
parties aux Traité sur la responsabilité des États). Dans la version du Projet sur la
responsabilité des États de 1996 l’article en question pourrait garder sa place originaire,
dans la version de 2001 il faudrait l’insérer dans la deuxième partie, au troisième
chapitre, entre les articles 40 et 41, concernant les “violations graves d’obligations
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découlant de normes impératives du droit international général”.


Du côté de la procédure, pour rendre la C.P.I. compétente pour juger, à la fois, les
crimes des individus et des États, et pour transformer le C.d.S. en organe exécutif des
sanctions, il faudrait élever le Statut de la C.P.I. au même niveau de la Charte des N.U.
Notamment, il faudrait annexer le Statut de la C.P.I. à la Charte des N.U., de la même
façon que le Statut de la C.I.J., en vertu de l’article 92 de la Charte, afin qu’il en
devienne partie intégrante. Également on devrait élever le Traité sur la responsabilité
des États au niveau de la Charte des N.U. par annexion. En outre il faudrait prévoir,
dans le Statut de la C.P.I., des dispositions qui libèrent la Cour de l’actuelle dépendance
du C.d.S. et qui améliorent la relation entre la Cour et les juridictions étatiques, dans le
sens de renforcer la primauté de la C.P.I. sur les États. Par ailleurs, toujours dans le
Statut de la C.P.I., il faudrait prévoir, de façon expresse (article 25), l’élargissement de
la compétence de la Cour aux États et, éventuellement, aux autres personnes morales,
responsables à titre de dol ou de faute (article 30); cet élargissement devrait être rappelé
dans le Traité sur la responsabilité des États. De surcroît la C.P.I. devrait jouir du
pouvoir exclusif d’adopter des mesures préventives à l’égard des États et,
éventuellement, des autres personnes morales, soupçonnés d’un crime international. En
matière de remise des sujets à la Cour il faudrait, surtout, permettre le procès par
contumace, sous peine, autrement, de risquer une paralysie totale de l’activité
procédurale. Ensuite il faudrait prévoir les sanctions que la Cour peut appliquer aux
États et, éventuellement, aux autres personnes morales, consistant dans la cessation de
la conduite illicite et l’assurance de non-répétition, la réparation, l’amende et la
confiscation des profits du crime, ainsi que dans la dissolution (pour les seules
personnes morales différentes des États). Finalement, aux fins de l’exécution des
sanctions, il faudrait douer la C.P.I. du pouvoir d’imposer aux États, au sens absolu ou
relatif, l’adoption des comportements nécessaires, n’impliquant pas l’emploi de la force
armée, tels que l’interruption des relations extérieures avec l’État coupable, ou bien
impliquant l’emploi de la force armée. L’exécution des mesures décidées par la Cour

1522 D’après J. CRAWFORD, Revisiting the Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 443, la
responsabilité des États serait affine à celle des individus et, pour la réaliser, il faudrait mettre en place
des institutions spécifiques, mais en dehors du cadre du Projet sur la responsabilité des États, qui
constitue une théorie générale de la responsabilité internationale étatique.

435
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

devrait être, préférablement, coordonnée par un organe exécutif central des sanctions
étatiques, notamment le Conseil de sécurité des Nations Unies. Celui-ci devrait disposer
d’une force armée internationale, en outre les États parties devraient s’engager de façon
que la force armée d’un seul État ne soit jamais supérieure à celle de la coalition.
Conséquemment, dans la Charte des N.U., il faudrait préciser (article 24) que le C.d.S.
est un organe exécutif des décisions de la C.P.I., tandis que les autres compétences
(juridiques) en matière de différends qui impliquent la responsabilité majeure des États
et menacent la paix deviendraient de compétence de la C.P.I.
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436
CHAPITRE 10
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE
ET OBJECTIVE DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Introduction. § 10.1. La personnalité juridique et la responsabilité pénale des personnes morales en


droit international. § 10.2. Les différentes théories sur la subjectivité des organisations
internationales (intergouvernementales). § 10.3. La responsabilité des organisations internationales
de iure condito et de iure condendo. § 10.4. L’imputation des infractions aux organisations
internationales. § 10.5. La composition plurielle des organisations internationales et l’imputation.
§ 10.6. Caractères objectifs généraux des infractions criminelles des organisations internationales.
§ 10.7. La définition des infractions criminelles spécifiques des organisations internationales. § 10.8.
La procédure de jugement, la sanction et la procédure d’exécution concernant les organisations
internationales. § 10.9. La responsabilité des organisations non étatiques dont l’activité dépasse les
frontières nationales (organisations trans-étatiques). § 10.10. La responsabilité des organisations
transnationales. § 10.11. La responsabilité des organisations infra-étatiques. § 10.12. Le crime, la
procédure de jugement, la sanction et l’exécution concernant les personnes morales transnationales
et infra-étatiques. § 10.13. L’élargissement du système de la responsabilité internationale pénale du
point de vue objectif. § 10.14. Avantages et désavantages du système de droit international pénal et
de droit pénal international. § 10.15. Quelques infractions de droit pénal international susceptibles
de rentrer dans la compétence de la Cour pénale internationale: l’intervention. § 10.16. Le
mercenariat. § 10.17. Le terrorisme. § 10.18. Les atteintes contre les personnes protégées. § 10.19.
Les atteintes à la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé. § 10.20. Les actes
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illicites relatifs aux matières nucléaires. § 10.21. Les atteintes massives à l’environnement. § 10.22.
Le trafic illicite de stupéfiants. § 10.23. Les infractions relatives aux intérêts économiques: le faux
monnayage. § 10.24. La corruption. Conclusion.

Introduction.
Aucun système de droit pénal ne peut être considéré comme parfaitement accompli
en soi et, donc, statique; en revanche il doit être toujours pensé comme dynamique et
capable d’évoluer, du point de vue subjectif autant que du point de vue objectif. Du côté
subjectif la responsabilité pénale, jadis appliquée exclusivement aux personnes
physiques, a récemment été étendue aux personnes morales.1523 Du côté objectif les
crimes sont toujours susceptibles de changer pour s’adapter aux évolutions de la réalité
sociale: des nouvelles figures criminelles apparaissent tandis que d’autres sont effacées
ou modifiées. Ces considérations valent aussi pour le droit international pénal.1524
Dans ce chapitre nous étudions quel rapport subsiste entre les personnes morales
autres que les États et le droit international pénal et quelle peut être l’évolution
objective du droit international pénal. Plus spécifiquement nous essayons d’appréhender
si le système de droit international pénal que nous avons conçu pour les individus et les
États peut être étendu aux autres personnes morales (organisations internationales et
personnes morales non étatiques) et si d’autres figures criminelles peuvent y rentrer.
Cette étude se limite à considérer les grandes lignes des problèmes en question, pour
poser des interrogations et ouvrir des perspectives, sans avoir la prétention d’être
détaillée.
Du côté subjectif, nous adoptons une approche qui tient compte de la relation stricte
qui subsiste entre les individus et les personnes morales, selon une vision unitaire de la
subjectivité en droit international et en phase avec la conception de l’élément subjectif

1523 Voir D.D. CARON, State Crimes and the I.L.C. Draft Articles on State Responsibility: Insights from
Municipal Experience with Corporate Crimes, cit., p. 308.
1524 En faveur de la possibilité de responsabiliser, du point de vue criminel, les personnes morales en
droit international comme en droit interne voir T. MERON, Is International Law Moving towards
Criminalization?, cit., p. 21; C. LEBEN, The Changing Structure of International Law Revisited: by Way
of Intrdouction, cit., p. 404 s. Sur la responsabilité des organisations différentes des États pour la
violation des droits de l’homme voir T. VAN BOVEN, Human Rights and Rights of People, cit., p. 474.
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

adoptée par H. Kelsen dans l’exposition de la théorie pure du droit.1525 Tout d’abord
nous approchons la question de la responsabilité des organisations
intergouvernementales. Nous étudions si une responsabilité de ces sujets, en droit
international, est prévue, de iure condito ou de iure condendo, et quelle en est la nature.
Nous étudions la composition subjective de ces organisations pour savoir comment doit
être configurée l’imputation de la conduite illicite. En outre nous considérons, du côté
objectif, la structure de l’infraction, la sanction, ainsi que les procédures de jugement et
d’exécution. Ensuite nous étudions la responsabilité des organisations transnationales et
infra-étatiques. Après avoir analysé leur responsabilité, de iure condito et de iure
condendo, nous considérons les problèmes subjectifs et objectifs, de droit matériel et
procédural, liés à la responsabilité pénale de ces sujets. Nous reprenons et
approfondissons les modifications normatives du Statut de la C.P.I., du Traité sur la
responsabilité des États, de la Charte des N.U. et du Statut de la C.I.J., concernant les
personnes morales autres que les États, proposées dans le chapitre précédent.
Du côté objectif, nous essayons de comprendre si des nouvelles conduites peuvent
rentrer dans le domaine du droit international pénal, notamment sur la base des critères
de l’obligation erga omnes indivisible violée et de l’importance de son contenu. Une
analyse de ce genre nous pousse à approfondir l’étude des rapports subsistant entre le
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

droit international pénal et le droit pénal international. Ainsi, après une brève analyse
des avantages et désavantages typiques des deux systèmes, nous considérons quelques
figures criminelles spécifiques, relevant, notamment, du domaine du droit pénal
international, dans le but de savoir s’il serait souhaitable de les encadrer dans le droit
international pénal, pour les soumettre à la compétence de la juridiction internationale.

§ 10.1. La personnalité juridique et la responsabilité pénale des personnes morales


en droit international.
Un problème fondamental, dans le cadre de la responsabilité internationale pénale,
est celui de la responsabilité des personnes morales différentes des États.1526
La question se pose, de plus en plus, déjà dans les droits pénaux internes aux États.
Rejetée au cours du XIX siècle, dans un mesure variable, dans les différents systèmes
juridiques, selon le célèbre principe en vertu duquel societas delinquere non potest, la
responsabilité pénale des personnes morales s’est imposée au cours du XX siècle,
surtout par rapport au développement vertigineux des affaires économiques, tant au
niveau national qu’au niveau international, car souvent le crime économique est
commis dans le cadre d’une entreprise.1527

1525 Voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik


(Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 87 s., 168 s.
1526 D’après l’opinion de V. Pella, telle qu’exprimée dans son mémorandum préparé sur requête du
Secrétaire général des Nations Unies, on devrait définir le droit international pénal comme “la discipline
qui: “En vue de la défense de l’ordre international, détermine les crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, prévoit les sanctions et fixe les conditions de la responsabilité des individus, des États et des
autres personnes juridiques” (voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la
paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 294, § 36).
1527 Sur le développement du principe de la responsabilité des personnes morales dans les ordres
juridiques internes et sur les différents problèmes relatifs voir J. PRADEL, Traité de droit pénal et de
science criminelle comparée, 12ème éd., cit., p. 503.; J. PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p.
351; J. PRADEL, Le droit français de la responsabilité pénale, in Journées franco-japonaises de la
Société de législation comparée, 1992, p. 205 s.; F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal
général, 9ème éd., cit., p. 519 s.; J.-C. JOYER, Droit pénal et procédure pénale, 14ème éd., cit., p. 130 s.;
J.-H. ROBERT, Droit pénal général, 5ème éd., cit., p. 367 s.; M. Ginsburg et al., Rapports présentés au
Congrès international de droit pénal de Bucarest (octobre 1929) – La responsabilité pénale des personnes

438
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Au niveau du droit international la question se complique, car les personnes morales


peuvent être constituées soit par une association d’individus soit par un rassemblement
d’États. D’ailleurs, dans le domaine international, la croissance des organisations, en
nombre et en capacité d’action, pose le problème de leur responsabilisation au premier
plan: il suffit de considérer qu’il existe, aujourd’hui, plusieurs milliers de personnes
morales non étatiques, tandis que les États sont, à peine, deux cents.1528
La responsabilisation des personnes morales est une question d’ordre subjectif.
Autrement dit, il s’agit de savoir si et comment on peut responsabiliser une personne
morale différente des États en droit international, en considérant les caractéristiques
subjectives particulières de l’organisation en question. Il faut établir, notamment, si et
comment le système de la responsabilité valable pour les individus et les États peut être
appliqué aussi aux autres personnes morales, pour mieux comprendre le potentiel de la
catégorie de la responsabilité internationale pénale. À ce propos il est, tout de même,
remarquable qu’un texte aussi important que le Projet de Code pénal international
élaboré par l’A.I.D.P. en 1981, prévoit, à l’article V § 1.4.1 de la partie générale,
applicable à une C.P.I., que: “Un groupe ou une organisation autre qu’un État ou un
organe d’un État est collectivement responsable pour ses actes, sans égard à la
responsabilité de ses membres”.1529
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Pour approcher correctement le problème de la responsabilité pénale des personnes


morales différentes des États, il faut appréhender la nature de ces organisations: la
personnalité juridique internationale d’un sujet est fondamentale pour qu’il puisse être
responsabilisé. En effet, du côté actif de l’infraction, on doit estimer que seul un sujet
titulaire d’obligations sur le plan international peut les violer et être, par conséquent,
responsabilisé. D’ailleurs, du côté passif de l’action illicite, seul un sujet titulaire de
droits sur le plan international pourra agir devant les juridictions internationales pour les
défendre en cas de violation.1530
Si on veut résumer et chercher la définition la plus générale possible, une personne
morale est une association réglée de sujets douée de la personnalité juridique au plan
international. Etant donné que nous considérons comme sujet de droit international une
entité à laquelle l’ordre international rattache des droits et des devoirs, une personne

morales, in R.I.D.P., 1929, vol. VI, p. 219-310; B. Bouloc, La responsabilité pénale des personnes
morales d’après le droit positif français et le Projet de réforme en cours d’examen, Rapport au Colloque
international de Messine, avril 1979.
1528 Sur le problème de la globalisation et de la croissance des organisations internationales voir S.G.,
Rapport à l’A.G. sur l’activité de l’Organisation, in A.G., doc. off., 54ème session, 1999, suppl. n. 1,
A/54/1, in ‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N99/246/60/PDF/N9924660.pdf?OpenElement›,
p. 31, § 220. En doctrine voir S. CASSESE, La crisi dello Stato, Roma, Laterza, 2002.
1529 Voir A.I.D.P., Projet de Code pénal international, 1981, cit., Partie générale – Applicable à une
C.P.I. – Système d’application directe, article V (Responsabilité), § 1.4.1, p. 214.
1530 En jurisprudence voir, sur ce point, C.I.J., Réparations des dommages subis au service des N.U., avis
consultatif du 11 avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 178, où la Cour souligne la nécessaire relation
causale entre la capacité de l’organisation de présenter une réclamation internationale et sa personnalité
juridique. En doctrine voir R. IMHOOFF, La personnalité juridique et le statut des institutions de
caractère international: exemples tirés de la pratique suisse, in Annuaire Suisse de Droit International,
1989, vol. XLVI, p. 93 s.; M. RAMA-MONTALDO, International Legal Personality and Implied
Powers of International Organizations, in B.Y.B.I.L., 1970, XLIV, p. 111 s.; P. PESCATORE, Rapport –
La personnalité internationale de la Communauté, in Les relations extérieures de la Communauté unifiée,
Actes du Colloque sur la fusion des Communautés européennes, Liège, 25-27 octobre 1967, Université
de Liège, 1969, p. 77 s.; J.-P. PUISSOCHET, L’affirmation de la personnalité internationale des
Communautés européennes, in A. BARAV et al., L’Europe et le droit, Mélanges offerts à Jean Boulouis,
Paris, Dalloz, 1991, p. 437 s.

439
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

morale sera une organisation de sujets à laquelle l’ordre international rattache des droits
et des devoirs.1531
Il faut distinguer les différents sujets, car on ne peut pas traiter de la même façon
toutes les personnes morales, en raison de leur nature variable. Nous avons à l’esprit un
cadre des personnes morales qui comprend deux catégories: 1) les organisations
composées d’individus; 2) les organisations composées d’États.
Nul n’oserait douter de la subjectivité internationale des organisations composées
d’États, dites “organisations intergouvernementales” ou “publiques” ou, même, tout
simplement, “organisations internationales”.1532
Par contre il n’y a pas d’unanimité, en doctrine, sur la reconnaissance de la
personnalité juridique internationale des organisations d’individus.1533
Cependant, si nous admettons la subjectivité internationale des personnes physiques,
conséquemment nous devrions admettre la subjectivité internationale des groupements
de personnes physiques.1534 En outre certains traités internationaux font des personnes
physiques le centre de droits et devoirs non seulement au niveau individuel (voir le
Pacte sur les droits civils et politiques), mais aussi au niveau des groupements (voir le
Traité sur les droits des minorités).1535
Deux phénomènes imposent la reconnaissance de la personnalité internationale des
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personnes morales: premièrement la multiplication des relations transnationales, qui

1531 La guide juridique Dalloz définit une personne morale comme “un groupement de personnes,
physiques ou morales, auquel le droit positif reconnaît la possibilité d’être titulaire de droits et
d’obligations” (voir J.-B. AUBY et al., Guide juridique Dalloz, Paris, Dalloz, 2003, Tome IV, p. 393-1).
Sur cette définition de la subjectivité internationale voir les considérations que nous avons développé
supra, en parlant de l’imputabilité des États. En doctrine voir M. PEREZ GONZALEZ, Les organisations
internationales et le droit de la responsabilité, in R.G.D.I.P., 1988, t. 92, n. 1, p. 63; M. DE LA MUELA,
Las situacciones jurídicas subjectivas en derecho internacional público, in Estudios de derecho
internacional público y privado, Homenaje al Profesor Luís Sela Sámpil, Oviedo, 1970, I, p. 25. Sur la
subjectivité en droit, en général, voir M. DE LA MUELA, Introducción al derecho internacional público,
6a ed., Madrid, Atlas, 1974, p. 252-253.
1532 Les expressions “organisations intergouvernementales” et “publiques” sont employées par la C.D.I.
dans ses travaux de codification (voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-quatrième
session, in Ann. C.D.I., 1982, vol II, 2ème partie, p. 21). L’expression “organisations internationales” est
employée dans la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 (article 2 § 1) et dans la
Convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre
organisations internationales du 21 mars 1986 (article 2 § 1 i)).
1533 Dans un ordre d’idées contraires à la reconnaissance de la subjectivité internationale des personnes
morales composées d’individus voir B. CONFORTI, Diritto internazionale, 4a ed., cit., p. 21 s.; P.
MAYER, La neutralisation du pouvoir normatif de l’État en matière de contrats d’État, in J.D.I., 1986,
p. 21; A.P. SERENI, International Economic Institutions and the Municipal Law of States, in R.C.A.D.I.,
1959-I, vol. 96, p. 210.
1534 Conformément voir F.A.A. SATCHIVI, Les sujets de droit (contribution à l'étude de la
reconnaissance de l’individu comme sujet direct du droit international), cit., p. 13 s.
1535 Voir P. THORNEBERRY, International Law and the Rights of Minorities, Oxford, Clarendon Press,
1991; M.H. SINKONDO, Droit international public, cit., p. 465 s.; P. DE STEFANI, Il diritto
internazionale dei diritti dell’uomo, cit., p. 117 s.; I.A. DAES, Status of the Individual and Contemporary
International Law: Promotion, Protection and Restoration of Human Rights at National, Regional and
International Levels, New York, United Nations, 1992, p. 58; C.A. NØRGAARD, The Position of the
Individual in International Law, Munksgaard, Scandinavian University Book, 1962; A. CASSESE,
Individuals, in M. BEDJAOUI, International Law Achievements and Perspectives,
Paris/Dordrecht/Boston/Nowell, M. Nijhoff Publishers, 1991, p. 110 s.; R. CASSIN, L’homme sujet du
droit international et la protection des droits de l’homme dans la société universelle, in G. BASTID et
al., La technique et les principes du droit public, Études en l’honneur de G. Scelle, Paris, L.G.D.J., 1950,
t. 1, p. 68 s.; G. PENTASSUGLIA, The E.U. and the Protection of Minorities: the Case of Eastern
Europe, in E.J.I.L., 2001, vol. 12, n. 1, p. 3 s.; C.E. FOSTER, Articulating Self-determination in the Draft
Declaration on the Rights of Indigenous People, in E.J.I.L., 2001, vol. 12, n. 1, p. 141 s.

440
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

mettent en contact les personnes morales d’États différents; deuxièmement la


prolifération des organisations transnationales d’individus, qui agissent sur le plan
international. Vu la dimension de ces deux phénomènes, une approche international
serait probablement plus efficace qu’une approche purement interne: cette interprétation
répond à la réalité des relations internationales actuelles, globalisée et tendant à
dépasser les frontières étatiques, qui impose de continuer à raisonner encore, mais pas
exclusivement, en termes d’États.1536
En outre, l’État même est une organisation d’individus. Quoique nous soyons bien
conscients de la spécificité subjective de la collectivité étatique, plusieurs affinités
existent avec les autres organisations. Si on accepte la définition selon laquelle une
organisation est une association réglée de sujets douée de la personnalité juridique,
l’État n’est qu’un sous-ensemble de la catégorie générale des personnes morales.1537 La
caractéristique distinctive de l’État est l’exercice souverain du pouvoir unilatéral.1538

1536 Ainsi F.A.A. SATCHIVI, Les sujets de droit (contribution à l’étude de la reconnaissance de
l’individu comme sujet direct du droit international), cit., p. 13 s.; M.G. KOHEN, Manifeste pour le droit
international du XXIème siècle, in V. GOWLLAND-DEBBAS, L. BOISSON DE CHAZOURNES (éd.),
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

L’ordre juridique international, un système en quête d’équité et d’universalité, Liber amicorum Georges
Abi-Saab, The Hague, Martinus Nijhoff, 2001, p. 132-152; J.A. CARRILLO SALCEDO, Permanence et
mutations en droit international, in F. MAYOR et al., Paix, développement, démocratie, cit., vol. 1, p.
296. Sur la question voir, aussi, O. SCHACHTER, The Decline of the Nation State and Its Implications
for International Law, in Columbia J.T.L., 1997, vol. 26, double issue, p. 7 s.; A. EL HAOUSSE
BENTALEB, Souveraineté de l’État et mondialisation, thèse sous la direction de P.-M. Martin, Toulouse
1, 2000, p. 1-344. En faveur d’une conception élargie de la subjectivité internationale voir M.H.
SINKONDO, Droit international public, cit., p. 457; P. GUGGENHEIM, Traité de droit international
public, cit., p. 283 s.; G. SPERDUTI, L’individu et le droit international, cit., p. 727 s.; P. REUTER,
Quelques remarques sur la situation des particuliers en droit international public, in S. BASTID et al.,
La technique et les principes du droit public, cit., vol. II, p. 531 s. Sur l’érosion du principe de la
souveraineté étatique en raison de la globalisation voir B. BADIE, C.-M. SMOUTS, Le retournement du
monde – Sociologie de la scène internationale, 3ème éd., Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 1999; P.-
M. DUPUY, International Law: Torn between Coexistence, Cooperation and Globalization. General
Conclusion, cit., p. 278 s.; B. KINGSBURY, Sovereignity and Inequality, cit., p. 599 s.; G. ABI-SAAB,
Wither the International Community?, cit., p. 248 s.; B. SIMMA, A.L. PAULUS, The “International
Community”: Facing the Challenge of Globalization, cit., p. 266 s.; S. SUR, The State between
Fragmentation and Globalization, in E.J.I.L., 1997, vol. 8, n. 3, p. 428-434. Sur la globalisation voir P.
ALSTON, The Myopia of the Handmaidens: International Lawyers and Globalization, in E.J.I.L., 1997,
vol. 8, n. 3, p. 435; J. DELBRÜCK, Globalization of Law, Politics and Markets – Implications for
Domestic Law – A European Perspective, in Indiana Journal of Global Legal Studies, 1993, fall, vol. 1,
issue 1, p. 14-19.
1537 Concorde avec la définition de l’État comme personne morale P.-M. DUPUY, Observations sur le
“crime international de l’État”, cit., p. 449.
1538 Sur la souveraineté comme caractéristique distinctive de l’État voir P. DAILLIER, A. PELLET,
Droit international public, 7ème éd., cit., p. 407, 422 s.; C. ROUSSEAU, L’indépendance de l’État dans
l’ordre international, in R.C.A.D.I., 1948-II, vol. 73, p. 171 s.; H.J. MORGENTHAU, The Problem of
Sovereignity Reconsidered, in Columbia L.R., 1948, p. 341 s.; E.N. VAN KLEFFENS, Sovereignity in
International Law, in R.C.A.D.I., 1953-I, vol. 82, p. 5 s.; C. CHAUMONT, Recherche sur le contenu
irréductible du concept de souveraineté internationale de l’État, in Mél. Basdevant, Paris, Pedone, 1960,
p. 114 s.; I. DETTER DELUPIS, International Law and the Independent State, Epping (Essex), Gower
Press, 1974; F. DEMICHEL, Le rôle de la souveraineté dans les relations internationales
contemporaines, in P. AVRIL et al., Le pouvoir, Mélanges offerts à Georges Burdeau, Paris, L.G.D.J.,
1977, p. 1053 s.; J. VERHOEVEN, L’État et l’ordre juridique international, in R.G.D.I.P., 1978, t. 82, n.
3, p. 749 s.; A. TRUYOL SERRA, Souveraineté, in A.P.D., 1990, t. 35, p. 313 s.; M. MAHMOUD,
Mondialisation et souveraineté de l’État, in J.D.I., 1996, p. 611; J. KRANZ, Réflexions sur la
souveraineté, in J. MAKARCZYK et al., Theory of International Law at the Threshold of the 21st
Century, Essays in Honour of K. Skubiszewski, The Hague/Boston/London, Kluwer Law International,
1996, p. 183-214. Sur l’importance des questions relatives à la responsabilité des sujets autres que les

441
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Cette spécificité perd de signification dans une vision moniste privilégiant le droit
international sur les droits nationaux, puisque la souveraineté est une caractéristique
interne qui n’affecte pas les relations externes de l’État: même les autres personnes
morales peuvent exercer un pouvoir unilatéral interne, car elles sont organisées de façon
hiérarchique. Au plan international, donc, la différence entre l’État et les autres
personnes morales disparaît, ou, du moins, demeure seulement sur le plan fonctionnel,
c’est-à-dire du type des activités exercées.1539
Ainsi on peut élaborer une échelle de la subjectivité internationale de ce type: 1)
individu; 2) organisation infra-étatique d’individus; 3) organisation transnationale
d’individus; 4) État; 5) organisation d’États.1540
Armés de ce schéma, nous pouvons aborder la dimension subjective de la
responsabilité internationale pénale, en déplaçant l’attention de la responsabilité des
individus et des États à la responsabilité des sujets internationaux en général. On
commencera par étudier la question de la responsabilité des organisations
internationales d’États, car leur position en droit international est plus consolidée et leur
nature est proche de celle des États. Ensuite, on abordera la question de la responsabilité
des personnes morales transnationales et infra étatiques, dont la subjectivité
internationale est plus incertaine.1541
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

§ 10.2. Les différentes théories sur la subjectivité des organisations internationales


(intergouvernementales).
Les articles 2 § 1 i) de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des
traités et 2 § 1 i) de la Convention de Vienne sur le droit des traités entre États et
organisations internationales ou entre organisations internationales du 21 mars 1986
permettent de définir une organisation internationale comme “une association d’États
reposant sur un accord international et dotée d’organes doués de certaines compétences
matérielles et formelles”.1542

États voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur sa vingt-cinquième session, 7 mai-13 juillet 1973, in Ann. C.D.I.,
1973, vol. II, 2ème partie, p. 171.
1539 Conformément voir J. VERHOEVEN, L’État et l’ordre juridique international, cit., p. 774, d’après
lequel “l’important est néanmoins d’admettre la relativité fondamentale de l’État, trop ancré dans le
temps et l’espace, dans l’histoire humaine dont il ne paraît plus l’avenir, pour prétendre valablement
constituer la modèle idéal d’organisation achevant l’évolution sociale à sa mesure”; H. KELSEN, Reine
Rechtslehre. Einleitung in die rechtswissenshaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del
diritto), cit., p. 89; H. KELSEN, Principles of International Law, 2nd ed., cit., p. 114; H. KELSEN,
Théorie du droit international public, cit., p. 85; P. ALLIOT, The Concept of International Law, cit., p.
50; J. MORELLET, Le principe de la souveraineté de l’État et le droit international public, in
R.G.D.I.P., 1926, t. 33, p. 104-119; F. FARDELLA, Le dogme de la souveraineté de l’État – Un bilan, in
A.P.D., 1997, t. 41, p. 115 s. Sur la souveraineté de l’État voir J.H. JACKSON, Sovereignity-Modern: a
New Approach to an Updated Concept, in A.J.I.L., 2003, october, vol. 97, n. 4, p. 782 s.
1540 Conformément voir H. KELSEN, Théorie du droit international public, cit., p. 66-67, 107; P.
ALSTON, The Myopia of the Handmaidens: International Law and Globalization, cit., p. 446. Sur les
rapports et la continuité entre les sujets du droit international voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre.
Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p.
87-92; N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 275 s.
1541 Sur l’internationalisation des infractions dans le monde globalisé voir J. VERHOEVEN, Vers un
ordre répressif universel? Quelques observations, cit., p. 65.
1542 Voir D. BINSCHEDLER, Le règlement des différends relatifs au statut d’un organisme
international, cit., p. 462; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-quatrième session, 29
avril-7 juin et 22 juillet-16 août 2002, in A.G., doc. off., 57ème sess., 2002, suppl. n. 10, A/57/10, in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N02/597/79/PDF/N0259779.pdf?OpenElement›, p. 259, §
469.

442
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

En tenant compte de l’évolution des travaux de la C.D.I. sur la responsabilité des


organisations internationales, on devrait préciser que, si la composante étatique est
indispensable pour l’existence d’une organisation internationale, d’autres sujets
pourraient s’ajouter dans la composition de l’organisation. En effet l’article 2 du Projet
sur la responsabilité des organisations internationales, adopté par la C.D.I. en 2003,
prévoit que: “Outre des États, une organisation internationale peut comprendre parmi
ses membres des entités autres que des États”.1543
La subjectivité des organisations intergouvernementales, groupements d’États créés
par voie conventionnelle et dotés d’organes permanents, fait l’objet d’interprétations
différentes.1544
Pendant longtemps, en jurisprudence, la personnalité des organisations
internationales n’a pas été reconnue, à défaut de la souveraineté territoriale.1545 Évoquée
par la Belgique lors de la création de l’O.N.U., mais fortement contestée par l’U.R.S.S.,
la personnalité juridique des organisations internationales a été, finalement, reconnue
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

1543 Voir le texte de l’article 2 in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-cinquième
session, in A.G., doc. off., 58ème session, 2003, suppl. n. 10, A/58/10, in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N03/532/95/PDF/N0353295.pdf?OpenElement›, p. 19, suivi des
commentaires de la Commission. Voir, aussi, C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-
quatrième session, cit., p. 259, § 471; G. Gaja, Premier rapport sur la responsabilité des organisations
internationales, doc. A/CN.4/532, 2003, disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N03/300/29/PDF/N0330029.pdf?OpenElement›, p. 8, § 14.
Sur la subjectivité des organisations internationales voir, en doctrine, P.-M. DUPUY, Droit international
public, 6ème éd., cit., p. 171 s.; G. COMBACAU, S. SUR, Droit international public, 5ème éd., cit., p. 712
s.; P. REUTER, Le développement de l’ordre juridique international, cit., p. 115 s.; M. DÍEZ DE
VELASCO VALLEJO, Les organisations internationales, Paris, Economica, 2002, p. 24 s. En général,
sur le statut des organisations internationales en droit international voir P.H.F. BEKKER, The Legal
Position of Intergovernmental Organizations, Dordrecht/Boston/London, Martinus Nijhoff Publishers,
1994, p. 51-93. Il n’est pas inutile de rappeler, d’ailleurs, que le nombre des organisations internationales
s’élève, à nos jours, à plus de trois-cents (voir F. ANJAK, Organisations internationales – Panorama des
organisations, in P. KAHN, L. VOEGEL, Jurisclasseur de droit international, Paris, Lexisnexis, H.
Vouzelland éd., 2003, t. 1, fasc. 111, p. 16, § 82-83).
1544 Sur les organisations internationales, pour un encadrement général, voir P. REUTER, Organisations
internationales et évolution du droit, in A. MESTRE et al., L’évolution du droit public, Études offertes à
Achille Mestre, Paris, Sirey, 1956, p. 447-459; R. MONACO, Les principes régissant la structure et le
fonctionnement des organisations internationales, in R.C.A.D.I., 1977-III, vol. 156, p. 79 s.; J.A.
PASTOR RIDRUEJO, Le droit international à la veille du vingt et unième siècle: normes, faits et valeurs
– Cours général de droit international public, in R.C.A.D.I., 1998, vol. 274, p. 193-214. Dans le réseau
Internet voir l’adresse ‹http://www.library.nwu.edu/govpub/resource/internat/igo.html› (Northwestern
University Library – Site répertoriant les organisations internationales, intra et extra-onusiennes). Quant
aux organisation internationales que nous avons considéré le plus fréquemment au cours de notre travail
voir les adresses Internet ‹http:/www.un.org› (page d’accueil du site de l’O.N.U.); ‹http://europa.eu.int›
(portail de l’Union Européenne – Accès à toutes les institutions); ‹http://www.wto.org› (site de
l’Organisation mondiale du commerce – O.M.C. – W.T.O. – World trade organization);
‹http://www.ilo.org› (site de l’Organisation internationale du travail – O.I.T. – I.L.O. – International
Labour Organisation); ‹http://www.ilo.org/public/french› (site de l’O.I.T. – version française);
‹http://www.imo.org› (site de l’Organisation maritime internationale – O.M.I. – I.M.O. – International
Maritime Organization); ‹http://www.isa.org_jm› (site de l’Autorité internationale des fonds maritimes,
I.S.A. – International Seabed Authority); ‹http://www.imf.org› (site du Fond monétaire international –
F.M.I. – I.M.F. – International Monetary Found); ‹http://www.un.org.ch/UNCC› (site de la Commission
de compensation des N.U. – U.N.C.C. – The United Nations Compensation Commission).
1545 Voir C.P.J.I., Compétence de la Commission européenne du Danube, avis consultatif du 8 décembre
1927, in C.P.J.I. Rec., série B, 1927, n. 14, p. 6 s.

443
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

par la C.I.J. dans l’affaire de la Réparation des dommages subis au service des Nations
Unies, en 1949.1546
Selon l’interprétation la plus classique et consolidée, il faudrait reconnaître la
subjectivité des organisations intergouvernementales en droit international.1547 Cette
thèse reflète la réalité des relations internationales car les organisations internationales
sont reconnues comme sujets juridiques internationaux et responsabilisées par plusieurs
traités: l’exemple le plus évident est celui de l’O.N.U., organisation internationale par
excellence.1548 Par ailleurs, dans le cadre de la globalisation, les organisations
gouvernementales jouent un rôle de plus en plus important afin de coordonner l’action
des États.1549
D’après une autre approche, il faudrait distinguer la personnalité en fonction des
différents types d’organisations existantes. Cette théorie s’inspire du constat que les
organisations internationales ne sont pas tout à fait égales: elles se différencient,
notamment, en raison de l’acte de constitution et des fonctions exercées. L’O.N.U.
jouirait, ainsi, d’une personnalité juridique spéciale, liée au fait qu’elle représente la très
grande majorité des membres de la communauté internationale. Aux organisations
intergouvernementales différentes de l’O.N.U., en revanche, on ne devrait attribuer
qu’une personnalité réduite, en raison des fonctions et des pouvoirs énoncés dans le
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

traité constitutif et dérivant implicitement de leurs activités.1550 Les partisans de cette

1546 La Cour a, tout de même, souligné que reconnaître la personnalité d’une organisation internationale
“n’équivaut pas à dire qu’elle est un État ou que sa personnalité juridique, ses droits et ses devoirs sont
les mêmes que ceux d’un État” (voir C.I.J., Réparation des dommages subis au service des Nation Unies,
avis consultatif du 11 avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 174 s.).
1547 Voir I. BROWNLIE, Principles of Public International Law, 2nd ed., cit., p. 658 ; B. CONFORTI,
Diritto internazionale, 4a ed., cit., p. 11 s.; P.-M. DUPUY, Droit international public, 7ème éd., cit., p.
175; M. SINKONDO, Droit international public, cit., p. 418; D.W. BOWETT, The Law of International
Institutions, 4th ed., London, Stevens & Sons, 1982; R.S. IMHOOFF, La personnalité juridique et le
statut des institutions de caractère international, cit., p. 93 s.; S. BASTID, Place de la notion
d’institution dans une théorie générale des organisations internationales, in A. MESTRE et al.,
L’évolution du droit public, cit., p. 43 s.; M. VIRALLY, L’organisation mondiale, Paris, A. Colin, 1972,
G. ABI-SAAB, Le concept d’organisation internationale, Paris, U.N.E.S.C.O., 1980; R.-J. DUPUY,
Manuel sur les organisations internationales, Dordrecht, Martinus Nijhoff Publisher, 1988; C.-A.
COLLIARD, Quelques réflexions sur la structure et le fondement des organisations internationales, in
J.A. SALMON et al., Problèmes de droit des gens, Mélanges offerts à Henry Rolin, Paris, Pedone, 1964,
p. 57 s.; C. LEBEN, The Changing Structure of International Law Revisited: by Way of Introduction, cit.,
p. 403 s. En jurisprudence, la C.I.J. admet la possibilité que les organisations internationales
accomplissent une activité dans le procès devant elle (voir C.I.J., Appel concernant la compétence du
Conseil de l’O.A.C.I., Inde/Pakistan, arrêt du 18 août 1972, in C.I.J. Rec., 1972, p. 46 s.).
1548 Sur la responsabilité de l’O.N.U. en raison de sa subjectivité internationale voir, en doctrine, C.
EAGLETON, International Organisation and the Law of Responsibility, in R.C.A.D.I., 1950-I, vol. 76, p.
324-325; F.V. GARCÍA AMADOR, La responsabilité imputable aux organisations internationales, in
R.D.I., 1956, 34, p. 149 s.; P. DE VISSCHER, Observations sur le fondement et la mise en œuvre de la
responsabilité de l’O.N.U., in R.D.I.D.C., 1963, p. 165-173; G.I. TUNKIN, The Legal Nature of the U.N.,
cit., p. 7 s. Sur l’O.N.U. en tant que sujet autonome et unitaire en droit international voir, en
jurisprudence, C.I.J., Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif du
11 avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 185; en doctrine voir M. VIRALLY, Le droit international en
devenir, cit., p. 242-245. Sur les organes des N.U. voir l’adresse Internet ‹http://www.unsystem.org/›
(répertoire officiel des sites des organismes des N.U. sur la cyberétoile).
1549 Voir P. ALSTON, The Myopia of the Handmaidens: International Law and Globalization, cit., p.
438 s.; A.-M. SLAUGHTER, The Real New World Order, in F. Aff., 1997, september/october, vol. 76, n.
5, p. 183.
1550 Pour cette interprétation voir, en doctrine, M. PEREZ GONZALEZ, Les organisations
internationales et le droit de la responsabilité, cit., p. 65; M. DÍEZ DE VELASCO VALLEJO, Les
organisations internationales, cit., p. 33-34. En jurisprudence voir C.I.J., Réparation des dommages subis
au service des N.U., in C.I.J. Rec., 1949, p. 185. Sur cette question voir, aussi, G. ARANGIO-RUIZ, The

444
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

interprétation parviennent, même, à douter de la subjectivité internationale de la


Communauté Européenne, conçue comme écran entre les États et la communauté
internationale.1551 Toutefois il est difficile d’appuyer la thèse d’une personnalité
juridique à plusieurs degrés, du côté des personnes morales: ou bien un sujet possède la
subjectivité internationale, auquel cas il sera responsable de ses actes, ou alors il ne la
possède pas, auquel cas il ne sera pas responsable de ses actions.
Selon une autre interprétation, finalement, on devrait concevoir les organisations
intergouvernementales comme des simples rassemblements d’États. Dans ce cadre, une
organisation intergouvernementale ne serait qu’une association instrumentale aux États,
capable de coordonner leur activité, mais qui n’existerait pas par elle-même.1552
En admettant la personnalité juridique des organisations internationales, sur le plan
de la capacité d’agir, il faut considérer ces sujets, selon le principe de spécialité, doués
des pouvoirs que les États lui confèrent dans le traité constitutif et, en plus, des pouvoirs
implicites nécessaires pour exercer ses fonctions.1553 Sur le plan de la capacité
juridique, il faut considérer ces sujets titulaires, en principe, des mêmes droits et
obligations attribués aux États en droit international général, malgré des éventuelles
adaptations, au cas par cas, en raison de la nature spécifique de l’organisation
considérée.1554 En outre il faudra reconnaître l’imputation aux organisations
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

internationales des droits et des obligations découlant des coutumes relatives et des
traités auxquels elles sont parties. Ce régime est consacré par la Convention de Vienne
sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations
internationales du 21 mars 1986. Notamment, sur le plan général, l’article 43 de ladite
Convention reconnaît, implicitement, la soumission des organisations internationales au
droit international général. Les articles 53 et 64 soumettent les organisations
intergouvernementales au ius cogens, tandis que l’article 66 § 2 et 3 élargit la possibilité
d’avoir recours à la C.I.J., en voie consultative, ou à l’arbitrage, en voie contentieuse,
pour déterminer la nature impérative d’une obligation violée au cas où une organisation

“Federal Analogy” and U.N. Charter Interpretation: a Crucial Issue, cit., p. 16; P. TAVERNIER,
Souveraineté de l’État et qualité de Membre de l’O.T.A.N. et de l’U.E., in Actualité et droit international,
avril 2001, in ‹http://www.ridi.org/adi›.
1551 Contrairement à la reconnaissance de la subjectivité internationale de la Communauté européenne
voir R. QUADRI, Diritto internazionale pubblico, 5a ed., Napoli, Liguori, 1968, p. 534 s. En faveur de la
reconnaissance de la subjectivité internationale de la Communauté européenne voir J.V. LOUIS,
Relations extérieures (article 210 T. C.E.E.), in Le droit de la C.E.E. – Commentaire du Traité et des
textes pris pour son application, Bruxelles, 1980, p. 15-18. Sur les Communauté européennes voir les
adresses Internet ‹http//www.info-europe.fr› (site de présentation de l’U.E. du Centre d’Information sur
l’Europe); ‹http://publications.int/mode.fr› (portail d’entrée sur l’information publique diffusée par
l’U.E.); ‹http://europa.eu.int/eur-lex/index.html› (portail d’accès aux textes juridiques européens);
‹http://europa.eu.int› (portail de l’Union Européenne – Accès à toutes les institutions);
‹http://www.europarl.eu.int/home/default_fr.htm› (site Internet du Parlement européen);
‹http://europa.eu.int/comm/index_fr.htm› (site Internet de la Commission européenne);
‹http://europa.eu.int/CJ/fr/index.htm› (site de la Cour de justice des communautés européennes);
‹http://ue.eu.int/page/Asp?lang_fr› (site du Conseil de l’U.E.); ‹http://www.echr.coe.int› (site de la Cour
européenne des droits de l’homme).
1552 Voir A. DI BLASE, Sulla responsabilità internazionale per attività dell’O.N.U., in Riv. D.I., 1974,
p. 250, 264, 276.
1553 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 603-605.
1554 En doctrine voir P.M. DUPUY, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 182; M. DÍEZ DE
VELASCO VALLEJO, Les organisations internationales, Paris, Economica, 2002, p. 48-50; D.
DORMOY, Droit des organisations internationales, Paris, Dalloz, 1995, p. 37-38. En jurisprudence voir
C.I.J., Interprétation de l’accord entre l’O.M.S. et l’Egypte, avis consultatif du 20 décembre 1980, in
C.I.J. Rec., 1980, p. 89 s.; C.I.J., Réparation des dommages subis aux services des Nations Unies, avis
consultatif du 11 avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 179.

445
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

internationale serait partie au différend. Sur le plan relatif, l’article 60 élargit aux
organisations internationales le régime des réactions collectives en cas de violation
d’une obligation erga omnes contractantes indivisible.

§ 10.3. La responsabilité des organisations internationales de iure condito et de iure


condendo.
Le Projet sur la responsabilité auquel la C.D.I. travaille depuis 1950 s’intéresse à la
responsabilité des États, mais il ne dit rien à propos des organisations internationales
d’États.1555 La C.D.I. a probablement choisi cette approche pour ne pas compliquer une
tâche qui était déjà très lourde, envisageant d’aborder ensuite le problème de la
responsabilité des organisations internationales.1556 Actuellement, de toute façon, la
responsabilité des organisations intergouvernementales est à l’étude de la Commission,
car le sujet de la responsabilité des organisations internationales a été inscrit dans le
programme à longue terme de la C.D.I. en 2000, à la cinquante-deuxième session, et la
Commission a inscrit le sujet dans son programme de travail en 2002, en désignant G.
Gaja comme Rapporteur spécial.1557 Les débats tenus à la C.D.I. et à la Sixième
Commission sur le Projet d’articles concernant la responsabilité des organisations
internationales ont souligné que le Projet, malgré son autonomie par rapport à celui sur
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

la responsabilité des États, en constituerait la continuation logique et le complément.1558


Étant donné, toutefois, que les travaux concernant la responsabilité des organisations
internationales, probablement de longue haleine, viennent tout juste de commencer, il
faudra procéder en l’absence des repères législatifs importants que les travaux de la
C.D.I. offrent, en revanche, en matière de responsabilité étatique. On considérera, tout
de même, les articles concernant la responsabilité des organisations internationales qui
ont été adoptés jusqu’à présent par la Commission.
Les articles 1 et 3 du Projet sur la responsabilité des organisations internationales
adopté en 2003 par la C.D.I. reconnaissent, en principe, la responsabilité desdites
organisations pour fait illicite.1559

1555 Pour un aperçu de ce problème voir F. BELAICH, Les réactions de gouvernements au Projet de la
C.D.I. sur la responsabilité des États, cit., p. 517.
1556 Voir, à ce propos, les considérations que nous avons fait, supra, au cours de l’introduction du Projet
sur la responsabilité des États.
1557 Voir la Résolution 56/82 du 12 décembre 2001 de l’A.G.N.U. Voir, aussi, C.D.I., Rapport à l’A.G.
sur les travaux de sa cinquante-quatrième session, cit., p. 256; Sixième Commission, Rapport à l’A.G. sur
les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-quatrième session, doc. A/57/563, in A.G., doc. off., 57ème sess.,
2002, point 156 de l’ordre du jour, disponible dans le site Internet des N.U. ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/664/25/PDF/N0066425.pdf?OpenElement›, p. 3, § 2; C.D.I., Rapport
à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-deuxième session, doc. A/55/10, cit., p. 277 s., § 279.
1558 Voir G. Gaja, Premier rapport sur la responsabilité des organisations internationales, doc.
A/CN.4/532, cit., p. 1-7, § 1-11; Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la
cinquante-septième session sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-quatrième session, 2002, doc.
A/CN.4/529, établi par le S.G., disponible dans le réseau Internet à l’adresse des Nations Unies
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N03/217/13/PDF7N0321713.pdf?OpenElement›, p. 39, §
204-205; Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-huitième
session sur les travaux de la C.D.I. de sa 55ème session, 2003, doc. A/CN.4/537, établi par le S.G., in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/216/85PDF/N0421685.pdf?OpenElement›, p. 7, § 10-
11; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-quatrième session, cit., p. 260-261, § 473-
475; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-cinquième session, cit., p. 17, § 44.
1559 Voir le textes des articles in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-cinquième
session, cit., p. 19-20. Pour un encadrement général de la responsabilité des organisations internationales
étatiques par rapport à celle des États voir, en doctrine, P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international
public, 6ème éd., cit., p. 740 s., notamment p. 755 s.

446
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Au niveau du droit international général les organisations internationales, étant


assujetties aux principes généraux applicables aux États, seront responsables en cas
d’infraction, notamment, sur le plan de la responsabilité majeure, pour la violation des
normes cogentes.1560
Au niveau du droit international relatif, parfois, c’est le traité constitutif de
l’organisation qui prévoit la responsabilité en cas d’infractions spécifiques. Notamment,
le Traité sur le droit de la mer de 1982 crée l’Autorité des fonds marins (article 156) et
prévoit la possibilité qu’elle conduise des activités dans la “Zone”, c’est-à-dire sur le
fond marin situé au-delà des limites de la juridiction nationale, normalement considérée
comme patrimoine commun de l’humanité (articles 136-137). En cas d’incompétence
ou d’abus de pouvoir, pour ladite activité, l’Autorité est considérée responsable (article
187 b) et c)) et le sujet lésé peut recourir devant plusieurs organes juridictionnels,
notamment devant le Tribunal international du droit de la mer, un Tribunal arbitral ou la
C.I.J. Le même Traité, de façon plus générique, prévoit, toujours à la charge de
l’Autorité des fonds marins, l’obligation de coopérer pour l’adoption des règles de
prévention de la pollution des fonds marins (articles 194, 197, 202), ce qui implique la
responsabilité de la même Autorité au cas où elle ne s’acquitterait pas de cette
obligation. En outre, du moment que le préambule de la Convention de Vienne sur le
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droit des traités entre États et organisations internationales, du 21 mars 1986, reconnaît
la capacité des organisations internationales de conclure les traités nécessaires pour
l’exercice de leurs fonctions et la poursuite de leurs objectifs, les organisations
internationales peuvent être tenues responsables pour la violation des obligations
conventionnelles qu’elles assument. Par exemple, le Traité sur la diversité biologique,
adopté le 5 juin 1992, et celui sur le changement climatique, adopté le 9 mai 1992, sont
ouverts à la signature des organisations économiques régionales et responsabilisent, par
conséquent, les organisations internationales d’États. Le Traité qui règle les activités
dans l’espace extra-atmosphérique, du 27 janvier 1967, responsabilise les organisations
internationales étatiques pour la violation des obligations qui régissent l’action au delà
de l’atmosphère (article 6). La Convention sur la responsabilité internationale pour les
dommages causés par les objets spatiaux, du 29 mars 1972, responsabilise, également,
les organisations internationales, aux conditions établies à l’article 22 § 1, c’est-à-dire si
la plupart des États qui composent l’organisation sont parties à la Convention en
question et à celle de 1967 et si l’organisation accepte les droits et les obligations
découlant de la Convention. En matière économique, l’article 57 du Traité pour la
création de l’Agence multilatérale de garantie des investissements, adopté le 11 octobre
1985, prévoit la possibilité d’un différend entre l’Agence et un État partie en lui
rattachant la procédure de règlement aux termes de l’annexe II, ce qui suppose que
l’Agence puisse être sujet actif ou passif de la violation.
Finalement, d’après l’analyse normative, nous pouvons affirmer que les sources du
droit international responsabilisent les organisations internationales étatiques d’une
façon générale, sans prévoir aucune forme spécifique de responsabilité pénale. Le fait
que le droit international actuel n’emploie pas une terminologie faisant référence
expresse à la responsabilité criminelle, toutefois, ne doit pas constituer un obstacle à
l’individuation d’éventuelles formes d’une telle responsabilité. Ainsi, comme on l’a vu

1560 La doctrine estime que la responsabilité des organisations internationales est engagée dans les
mêmes conditions que la responsabilité des États (voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international
public, 6ème éd., cit., p. 756; J.L. FERNÁNDEZ FLORES, Planteamiento general de las infracciones del
derecho de la guerra y considración de las attribuables à los Estados y a las organisaciones
internacionales, in M. PEREZ GONZALEZ et al., Hacia un nuevo orden internacional y europeo, cit., p.
326.

447
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

pour les États, rien n’empêche d’établir différents degrés de la responsabilité des
organisations intergouvernementales, notamment sur la base du ius cogens, ouvrant la
voie à la criminalisation de la conduite.1561

§ 10.4. L’imputation des infractions aux organisations internationales.


Concernant la responsabilité des organisations internationales, nous nous occupons
du problème de la responsabilité active, c’est-à-dire pour une conduite imputable à
l’organisation, non pas du problème de la responsabilité passive, donc des dommages
subis par l’organisation. En effet, il n’y a pas de problèmes à reconnaître l’existence de
cette deuxième forme de responsabilité, car il se peut qu’une personne morale soit le
sujet passif d’une violation, comme le reconnaît la jurisprudence.1562 Celui de la
responsabilité passive, dans le cadre de notre travail, est un problème mineur, qui
regarde la victime de la violation, non pas le sujet actif, problème majeur de notre thèse.
Du côté actif, en principe, si on peut criminaliser l’État, on devrait pouvoir
responsabiliser aussi les organisations internationales en tant que rassemblements
d’États.
Le critère pour permettre la responsabilisation est fixé à l’article 4 du Projet sur la
responsabilité des organisations internationales adopté, en voie provisoire, par la C.D.I.
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en 2004, qui reprend le articles 5 et 6 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des


États de 1996: il s’agit du principe de l’imputation organique.1563 Ainsi, chaque
fonctionnaire, exerçant tout sorte d’activité, pourra engendrer, par sa conduite, la
responsabilité internationale de l’organisation.1564 D’ailleurs, pour que la responsabilité
subsiste, il faudra que l’individu agisse dans le cadre des ses fonctions, notamment on
devra distinguer la responsabilité du sujet qui agit au nom de l’organisation de la
responsabilité de l’organisation en tant que telle: de cette façon la conduite d’un
fonctionnaire de l’organisation sera imputable à titre individuel ainsi qu’à titre
collectif.1565 Par contre, il est bien évident qu’on ne peut pas employer le critère du
concours de personnes, puisque celui-ci implique une participation directe des sujets
concourant à l’action illégitime, voire la conscience de l’activité illégitime de
l’organisation criminelle, conditions qui ne se réalisent pas dans le cadre des personnes

1561 Conformément à cette interprétation voir P. DAILLIER, Les organisations internationales, cit., p.
141.
1562 Voir C.I.J., Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif du 11
avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 180 s.
1563 Voir le texte de l’article 4 in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-sixième
session, doc. A/59/10, cit., p. 99. Sur le principe d’imputation des organisations internationales voir G.
Gaja, Deuxième rapport sur la responsabilité des organisations internationales, doc. A/CN.4/451, in
‹http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/296/69/PDF/N0429669.pdf?OpenElement›, p. 8-15, §
14-28; Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-septième session
sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-quatrième session, 2002, doc. A/CN.4/529, cit., p. 40, § 207;
Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-huitième session sur les
travaux de la C.D.I. de sa cinquante-cinquième session, doc. A/CN.4/537, cit., p. 17, § 45. En doctrine
voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 756; M. PEREZ
GONZALEZ, Les organisations internationales et le droit de la responsabilité, cit., p. 81.
1564 Voir F.V. García Amador, Responsabilité de l’État – Responsabilité internationale, Rapport, doc.
A/CN.4/96, cit., p. 191, § 87. Sur le rapport entre l’agent international et l’organisation voir, en
jurisprudence, C.I.J., Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif du
11 avril 1949, in C.I.J. Rec., 1949, p. 177.
1565 En vertu du principe de l’imputation organique l’organisation devrait être tenue pour responsable
selon les mêmes principes de la mens rea, appliqués aux individus, du dol, de la faute et de la
responsabilité objective (voir T. MERON, Is International Law Moving towards Criminalisation?, cit., p.
21).

448
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

morales légitimes. Il faut, donc, garder la distinction entre l’organisation d’ordre


criminel, mise sur pied dans le but d’accomplir des actes illicites, pour la responsabilité
de laquelle on peut recourir au principe du concours de personnes, puisque tous les
sujets de l’organisation participent à l’action illégitime ou sont conscients de
l’illégitimité de l’activité menée par celle-ci, et les organisations légitimes, pour la
responsabilité desquelles il faut avoir recours au critère de l’imputation organique.
La doctrine et la jurisprudence confirment l’application du principe de l’imputation
organique aux organisations intergouvernementales. Notamment la jurisprudence, à
propos du célèbre cas des opérations de l’O.N.U.C. au Congo, a qualifié l’O.N.U.C.
d’“organe subsidiaire” des N.U., d’où on pourrait déduire l’attribution de la
responsabilité à l’O.N.U. en vertu du principe de l’identification organique.1566 La
doctrine distingue deux situations différentes: selon que l’individu-organe agit dans le
cadre de sa compétence ou en dehors de sa compétence.1567 Comme on a déjà constaté à
propos des États, la question concerne les relations internes entre l’agent et
l’organisation, donc le côté subjectif, non pas le côté externe, objectif, de l’infraction.
Dans le cas du fonctionnaire agissant dans les limites de sa compétence, il est facile
d’attribuer la conduite en violation à la fois à l’agent et à l’organisation, puisque
l’action du fonctionnaire s’inscrit dans les compétences normatives de l’organisation.
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Dans le cas du fonctionnaire agissant en dehors de sa compétence on peut, quand


même, attribuer la conduite aussi bien à l’agent qu’à l’organisation puisque, du moment
que le fonctionnaire agit au nom de l’organisation, quoiqu’en dehors de sa compétence,
l’organisation sera responsable aussi, au moins pour absence de prévention et de
contrôle, comme le prévoit l’article 6 du Projet sur la responsabilité des organisations
internationales adopté en 2004.1568

§ 10.5. La composition plurielle des organisations internationales et l’imputation.


La question majeure qui se pose au sujet de la responsabilité des organisations
internationales regarde l’extension de la responsabilité pour les actions des
organisations. Il s’agit de savoir si les actes de l’organisation doivent être attribués à
l’organisation en tant que telle ou bien à chacun des États qui la composent.1569 La

1566 Voir C.I.J., Certaines dépenses des N.U. (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif du
20 juillet 1962, in C.I.J. Rec., 1962, p. 165. En doctrine, en faveur de cette interprétation, voir M. PEREZ
GONZALEZ, Les organisations internationales et le droit de la responsabilité, cit., p. 82. Sur
l’application du principe de l’imputation organique, en doctrine, voir J.-P. RITTER, La protection
diplomatique à l’égard d’une organisation internationale, in A.F.D.I., 1962, VIII, p. 430.
1567 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 756; P. DAILLIER, Les
organisations internationales, cit., p. 145.
1568 Voir G. Gaja, Deuxième rapport sur la responsabilité des organisations internationales, cit., p. 25-29,
§ 51-59; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-sixième session, cit., p. 100. Sur la
question de la relation entre l’agent et l’organisation, notamment en ce qui concerne les organisations
internationales, par rapport aux principes de l’administration publique, voir M.H. SINKONDO, Droit
international public, cit., p. 438 s.; M. BEDJAOUI, Fonction publique internationale et influences
nationales, Paris, Pedone, 1958; G. LANGROD, La fonction publique internationale: sa genèse, son
essence, son évolution, Leyde, Sijthoff, 1963; R. CÈBE, Les fonctionnaires internationaux dans l’œil du
cyclone: la jurisprudence récente du tribunal administratif de l’O.I.T., in R.G.D.I.P., 1997, t. 101, n. 2, p.
475 s.; S.F.D.I., Les agents internationaux, Colloque d’Aix-en-Provence, 24-26 mai 1984, Paris, Pedone,
1985; A. PELLET, D. RUZIE, Les fonctionnaires internationaux, Paris, P.U.F., “Que sais-je?”, n. 2762,
1993.
1569 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-quatrième session, cit., p. 263-264, §
478-480.

449
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

solution du problème dépend de la façon de concevoir la subjectivité des organisations


en question.1570
Selon la thèse qui attribue la pleine subjectivité internationale aux organisations
intergouvernementales, on serait obligé d’attribuer la conduite de l’agent à
l’organisation dans son ensemble, non pas aux États qui la composent, étant donné
qu’on considère l’organisation douée d’une personnalité autonome différente de celle
des États qui la créent. D'ailleurs, le fait de responsabiliser chaque État d’une
organisation serait anti-économique en termes de procédure de jugement. En tant que
sujets du droit international, les organisations intergouvernementales seraient titulaires
de droits et d’obligations, ainsi on devrait admette leur capacité de défendre ses droits,
au cas où ils seraient violés, et à violer des obligations, auquel cas on serait en présence
d’un acte illicite. Autrement dit, les organisations internationales seraient parties aux
différends internationaux entraînant la responsabilité.1571 Par conséquent, toute action
ou omission d’une organisation internationale en violation des obligations découlant du
droit international, selon cette approche, lui serait imputée de façon autonome.1572
Suivant une autre interprétation, il faudrait considérer la nature de l’organisation et
décider selon le niveau d’indépendance de l’organisation par rapport aux États, telle
qu’on pourrait la déduire de l’acte constitutif et de l’activité effectivement exercée.
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Ainsi, on pourrait avoir une forme de responsabilité conjointe, concurrente ou


alternative de l’organisation et des États membres, en fonction de la cohésion ou du
degré d’intégration de l’organisation même, de la nature de l’organe agissant et de la
qualité de son action ainsi que d’autres critères d’ordre subjectif et objectif.1573 Il serait,
donc, question d’établir l’autorité sous laquelle et pour le compte de laquelle les actes
sont accomplis: le degré de dépendance et d’assujettissement des individus à
l’organisation seraient des facteurs déterminants pour l’imputation de l’acte à
l’organisation plutôt qu’à l’État.1574 Notamment, à propos des bombardements de la

1570 Sur les différentes conceptions de la subjectivité internationale des organisations internationales en
doctrine et en jurisprudence voir M. DÍEZ DE VELASCO VALLEJO, Les organisations internationales,
cit., p. 33 s.
1571 En faveur de la responsabilisation des organisations internationales en tant que telles voir M. PEREZ
GONZALEZ, Les organisations internationales et le droit de la responsabilité, cit., p. 64; P.-M DUPUY,
La responsabilité des États pour les dommages d’origine technologique et industrielle, Paris, Pedone,
1977, p. 65-68; G. ESPADA, La responsabilidad internacional por daños en el derecho del espacio,
Murcia, Universidad de Murcia, 1979, p. 255-267; R. ZACKLIN, Responsabilité des organisations
internationales, in S.F.D.I., La responsabilité dans le système international, cit., p. 91 s.; M.H.
SINKONDO, Droit international public, cit., p. 425; P. DAILLIER, Les organisations internationales,
cit., p. 141. D’ailleurs la C.D.I., au cours de l’élaboration du Projet sur la responsabilité des États, a
reconnu que “dans la pratique internationale il existe déjà des cas concrets d’imputation à une
organisations internationale des faits d’un de ses organes, en tant que source de responsabilité
internationale” (voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-septième session (commentaire à
l’article 13), in Ann. C.D.I., 1975, vol. II, 2ème partie, p. 94).
1572 Le cas le plus connu de responsabilité d’une organisation internationale, dans une jurisprudence
peux nombreuse, est celui des actions contre l’O.N.U. pour les dommages provoqués au Congo par les
forces d’urgence (O.N.U.C.), lors des troubles suivant la sécession Katangaise au début des années 1960.
Dans ce cas l’O.N.U. même a reconnu sa responsabilité en concluant deux accords d’indemnisation avec
la République du Congo (27 novembre 1961) et avec la Belgique (20 février 1965).
1573 Voir G. Gaja, Deuxième rapport sur la responsabilité des organisations internationales, cit., p. 3, § 6,
p. 5, § 8; C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-sixième session, A/59/10, cit., p. 101, §
72.
1574 Sur cette approche voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la
cinquante-septième session sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-quatrième session, 2002, doc.
A/CN.4/529, cit., p. 40, § 206, où l’on affirme que pas toutes les organisations internationales ont une
personnalité juridique internationale, faute de quoi la responsabilité retomberait sur les États membres.

450
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

R.F.Y. par l’O.T.A.N. une partie de la doctrine soutient la thèse de la double


responsabilité, de l’organisation et des États composants.1575 Concernant les actes
dommageables attribués aux N.U. au cours des opérations au Congo, on a remarqué que
le degré d’internationalisation des forces internationales d’urgence ne permettrait pas
d’affirmer que la personnalité de l’O.N.U. a absorbé complètement celle des États
membres ayant participé aux actions en question, d’où l’idée d’un concours de
responsabilité des États et de l’organisation internationale.1576 En revanche une partie de
la doctrine défend le principe de l’unité institutionnelle de l’O.N.U. lors de la mise en
pratique des actions coercitives, repoussant ainsi la thèse de l’action multinationale et
soutenant celle de l’action communautaire.1577
Finalement, si on suivait la thèse selon laquelle une organisation internationale ne
serait qu’un rassemblement d’États, on serait contraint d’en rejeter la subjectivité au
plan international: on parviendrait, ainsi, à nier la responsabilité de l’organisation et à
affirmer la seule responsabilité des États membres. Dans ce cas l’existence de
l’organisation permettrait, tout simplement, à l’État lésé d’intenter une action conjointe,
évitant, ainsi, les désavantages procéduraux de plusieurs recours individuels contre
chacun des États membres.1578
L’interprétation qui exclue la responsabilité des organisations internationales ne
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

semble pas conforme à la réalité des conventions internationales et à l’évolution des


travaux de la C.D.I.
L’approche unitaire est plus simple, au moins au niveau de la théorie générale. Cette
interprétation s’inspire du principe selon lequel, en cas de responsabilité, pour attribuer
une action à l’organisation, il faut considérer le critère de l’imputation organique dans
son intégrité, car les principes généraux de l’imputation demeurent égaux pour toute
forme d’organisation internationale. Selon ledit critère l’acte d’un organe doit être
attribué à l’organisation dans son ensemble en vertu de l’identification et de
l’appartenance de l’organe à l’organisation.1579 Par conséquent il serait impossible
d’exclure la responsabilité de certains États parties à l’organisation. De la même façon
il serait impossible d’exclure la responsabilité de l’organisation en faveur de celle des
États en fonction de la subjectivité internationale: ou bien l’organisation jouit de la
subjectivité internationale, auquel cas elle sera responsable en tant qu’organisation, ou
alors elle n’en jouit pas et l’action illégale ne pourra pas être attribuée à un sujet qui
n’existe pas, mais elle retombera sur les États.
L’approche intermédiaire n’est pas en contradiction avec la théorie unitaire, tout
simplement elle suppose une évaluation au cas par cas du degré de responsabilité de

En doctrine voir M. PEREZ GONZALEZ, Les organisations internationales et le droit de la


responsabilité, cit., p. 66-67, 83-84. Par rapport au cas spécifique de l’O.T.A.N. voir P. BENVENUTI,
The I.C.T.Y. Prosecutor and the Review of the N.A.T.O. Bombing Campaign against the F.R.Y., cit., p.
528.
1575 Voir G. Gaja, Deuxième rapport sur la responsabilité des organisations internationales, cit., p. 3-4, §
7.
1576 En faveur de cette interprétation voir J. SALMON, Les accords Spaak-U Thant du 20 février 1965,
in A.F.D.I., 1965, XI, p. 468 s.
1577 Pour cette interprétation voir P. DE VISSCHER, Observations sur le fondement et la mise œuvre de
la responsabilité de l’O.N.U., cit., p. 168.
1578 Voir A. DI BLASE, Sulla responsabilità internazionale per attività dell’O.N.U., cit. p. 250, 264,
276; H. MOSHE, The Responsibility of International Organizations toward Third Parties: Some Basic
Principles, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1995, p. 148.
1579 D’après P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 755, la
responsabilité d’une organisation internationale ne serait que la conséquence naturelle de sa personnalité
juridique sur le plan international.

451
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

l’organisation. En effet, si l’on regardait les buts, les pouvoirs et les fonctions dérivant
aux organisations des traités et de l’activité exercée, on devrait développer une
casuistique complexe, mais elle risquerait d’être toujours incomplète en cas de
naissance de nouvelles organisations internationales.1580 Au niveau de la théorie
générale on ne pourrait élaborer que des catégories très générales permettant de
distinguer la responsabilité de l’organisation de celle des États, mais une évaluation au
cas par cas serait indispensable.1581 Cette approche laisse subsister l’hypothèse d’une
responsabilité par concours de deux personnes morales, à savoir les États et les
organisations internationales. Sur le plan de l’imputation, donc, cette théorie présuppose
une adaptation du principe de l’imputation organique en raison de la nature particulière
de l’organisation, en tant que rassemblement d’États. Normalement, toutefois, le critère
de l’imputation organique implique l’attribution de la conduite de l’individu-organe à
l’organisation en tant que telle, sans distinctions entre les différents sujets qui la
composent, car, lorsqu’un organe agit, c’est comme si l’organisation tout entière
agissait. D’ailleurs, il faut se demander jusqu’à quel point la nature de la personnalité de
l’organisation permet de déroger aux principes généraux de la responsabilité, même si
son action est régie par les règles spéciales du traité constitutif.1582
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

§ 10.6. Caractères objectifs généraux des infractions criminelles des organisations


internationales.
Sur le plan objectif on peut rappeler, pour les organisations internationales, dans ses
lignes essentielles, la théorie valable pour les États, exception faite pour quelques
spécificités liées à la nature des organisations internationales.1583
En général, il sera très difficile qu’une organisation tienne, en pratique, un
comportement contraire au droit. La conduite en violation pourrait consister, quand
même, tant dans une action que dans une omission et serait réalisée par un acte de toute
sorte, de type normatif ou bien opérationnel, conformément au principe de l’imputation
organique. Sur le plan formel, pour que le crime subsiste, il est indispensable qu’il
existe la violation d’une obligation internationale.1584

1580 Pour une classification des organisations internationales voir J. COMBACAU, S. SUR, Droit
international public, 5ème éd., cit., p. 707 s.; M. VIRALLY, Le droit international en devenir, cit., p. 232
s.; J.L. FERNÁNDEZ FLORES, Planteamiento general de las infracciones del derecho de la guerra y
consideración de las attribuables à los Estados y a las organisaciones internacionales, cit., p. 326, note
34; A. MANIN, Organisations internationales, in D. CARREAU et al., Encyclopédie juridique Dalloz –
Répertoire de droit international, Paris, Dalloz, 1998, t. III, p. 7-9, § 48 66; F. ANJAK, Organisations
internationales – Panorama des organisations, cit., p. 3-10.
1581 Voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-huitième
session sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-cinquième session, 2003, doc. A/CN.4/537, cit., p. 6,
§ 7.
1582 Dans un ordre d’idées critique sur l’interprétation fonctionnelle des organisations internationales voir
M. PEREZ GONZALEZ, Les organisations internationales et le droit de la responsabilité, cit., p. 68.
1583 Conformément voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 756; J.L.
FERNÁNDEZ FLORES, Planteamiento general de las infracciones del derecho de la guerra y
consideración de las attribuables a los Estados y a las organisaciones internacionales, cit., p. 326; G.
Gaja, Premier rapport sur la responsabilité des organisations internationales, cit., p. 20-22, § 35-39.
1584 Le texte du Projet d’articles sur la responsabilité des organisations internationales adopté par la
C.D.I. à sa cinquante-cinquième session, en 2003, prévoit que: “Article 1er (Champ d’application du
Projet) 1. Le présent projet d’articles s’applique à la responsabilité internationale d’une organisation
internationale pour un fait qui est illicite en vertu du droit international. 2. Le présent projet d’articles
s’applique aussi à la responsabilité internationale de l’État pour le fait internationalement illicite d’une
organisation internationale. Article 3 (Principes généraux) 1. Tout fait internationalement illicite d’une
organisation internationale engage sa responsabilité. 2. Il y a fait internationalement illicite d’une

452
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Étant données ces prémisses, il faut se demander si une organisation


intergouvernementale peut se rendre pénalement coupable sur le plan international.
Dans la pratique, étant donnée la rareté des violations perpétrées par les organisations
internationales, il sera d’autant plus difficile que celles-ci commettent des infractions
d’ordre criminel, toutefois on ne peut pas exclure cette possibilité, surtout en raison du
constat que ces organisations exercent un certain pouvoir concédé par les États et,
parfois, cela implique l’emploi de la force, notamment armée: le cas le plus évident est
celui de l’O.N.U. qui emploie la force par le biais du Conseil de sécurité. D’ailleurs on
a déjà constaté que, si le système des infraction majeures des États devait basculer vers
une application plus rigide du principe juridictionnel, le C.d.S. en serait fortement
touché pour ce qui en est de son pouvoir discrétionnaire dans la prise des décisions en
matière de gestion de la force. Ce n’est pas par hasard, probablement, que le différend
le plus connu impliquant une organisation internationale est celui de l’O.N.U. pour les
dommages causés au cours des opérations de l’O.N.U.C. au Congo, cas où on a relevé
l’accomplissement d’actes contraires au droit de la guerre, non justifiés par des
impératifs militaires, tels que des pillages, des assassinats et des réquisitions illégales:
ces violations rentrent dans le cadre du droit international pénal, car elles constituent
des violations des droits de l’homme. Plus généralement, l’exercice du pouvoir par les
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organisations intergouvernementales, s’accompagnant de l’emploi de la force, peut


engendrer des infractions majeures. On songe non seulement à des organisations
d’ordre politique au sens large, telles que la Communauté européenne, mais aussi à des
organisations d’ordre principalement militaire, telles que l’O.T.A.N.1585 Finalement une
organisation internationale pourrait accomplir des infractions environnementales,
surtout dans le cadre de la pollution de l’espace extra-atmosphérique.1586 Dans ce cas,
toutefois, on sait qu’il serait difficile de responsabiliser l’organisation sur le plan
criminel, car le Statut de la C.P.I. ne prévoit pas des crimes contre l’environnement,
contrairement au Projet sur la responsabilité des États.

organisation internationale lorsqu’un comportement consistant en une action ou une omission: a) Est
attribuable à l’organisation internationale en vertu du droit international; b) Constitue une violation d’une
obligation internationale de cette organisation internationale.” (Voir le texte des articles, suivi des
commentaires de la C.D.I., in C.D.I., Rapport sur les travaux de sa cinquante-cinquième session, doc.
A/58/10, cit., p. 19-20).
1585 Voir P. BENVENUTI, The I.C.T.Y. Prosecutor and the Review of the N.A.T.O. Bombing Campaign
against the F.R.Y., cit., p. 503 s.; W.J. FENRICK, Targeting and Proportionality During the N.A.T.O.
Bombing Campaign against Yougoslavia, cit., p. 489; J.L. FERNÁNDEZ FLORES, Planteamiento
general de las infracciones del derecho de la guerra y consideración de las attribuables a los Estados y a
las organisaciones internacionales, cit., p. 335-340. Sur l’emploi de la force armée par les organisations
intergouvernementales régionales par rapport au C.d.S. voir O. SCHACHTER, Authorized Uses of Force
by the U.N. and Regional Organizations, cit., p. 65 s.; B. SIMMA, N.A.T.O. the U.N. and the Use of
Force: Legal Aspects, cit., p. 14 s. Dans le réseau Internet voir les adresses électroniques
‹http://www.nato.int/home.htm› (site de l’Organisation de l’Atlantique du Nord – O.T.A.N. – N.A.T.O. –
North Atlantic Treaty Organization); ‹http://www.nato.int/docu/fonda.htm› (site contenant les documents
fondamentaux de l’O.T.A.N.).
1586 En doctrine, parmi d’autres auteurs, voir M.A. FERRER, Responsabilidad en derecho espacial de
las organisaciones internacionales, in Estudios de derecho internacional público y privado, cit., I, p. 333
s.; G. ESPADA, La responsabilidad internacional por daños en el derecho del espacio, cit., p. 259 s.; P.-
M. DUPUY, La responsabilité internationale des États pour les dommages d’origine technologique et
industrielle, cit., p. 66 s.

453
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

§ 10.7. La définition des infractions criminelles spécifiques des organisations


internationales.
Une fois établi que les organisations internationales peuvent se rendre coupables
d’éventuelles infractions pénales, il faut définir les obligations dont la violation
constituerait un crime. Il s’agit de trouver les catégories d’obligations, plus précisément
des biens juridiques défendus par les obligations, qui peuvent constituer l’objet de la
tutelle pénale et sur la base desquelles on peut rompre l’unité de la responsabilité
internationale indifférenciée. Les obligations en question doivent être repérées dans le
cadre du droit international tel qu’il est créé par ses sources: coutume, générale et
relative, traités et actes des organisations internationales.1587 Pour des raisons d’unité
systématique ces obligations doivent être cherchées dans le cadre du Projet d’articles de
la C.D.I. sur la responsabilité des États, de sorte que la référence demeure l’article 19
du Projet de 1996 et, par conséquent, le Statut de la C.P.I. En d’autres termes il s’agirait
d’élargir aux organisations internationales la responsabilité pénale que la C.D.I.
envisage pour les États, car la construction d’un système de droit international pénal
doit se faire, essentiellement, au niveau objectif. Le but fondamental d’un tel système,
comme de tout ordre de droit pénal, serait celui d’assurer une protection majeure de
certains intérêts: une fois les intérêts repérés, il incomberait à tous les sujets de les
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

respecter, en vertu du principe de l’égalité des sujets dans tout ordre juridique,
autrement on devrait admettre la possibilité de construire un droit pénal asymétrique.
Certains crimes, dits “propres”, présentent des spécificités telles que seul un sujet
particulier peut les commettre, de sorte qu’il faudrait prendre en compte, dans la
définition, les spécificités des organisations internationales. Cependant, au point où l’on
en est en droit international, il ne s’agit pas encore de définir des formes spécifiques et
accomplies de crimes, mais seulement de repérer des biens juridiques dignes de la
tutelle pénale. Pour cette raison, d’ailleurs, l’article 19 du Projet sur la responsabilité
des États prévoit des catégories générales d’obligations protégées, mais seulement des
violations spécifiques exemplaires.1588
On indiquera, donc, en suivant la classification de l’article 19 du Projet sur la
responsabilité des États de 1996, révisée à partir du Statut de la C.P.I., les catégories du
droit à l’existence et à la souveraineté des États, du droit à l’autodétermination des
peuples, des droits de l’homme, du droit humanitaire ainsi que du bon fonctionnement
de la juridiction internationale. En revanche, en raison de l’élaboration des figures des
crimes étatiques sur la base des crimes des individus prévus dans le Statut de la C.P.I.,
l’incrimination des atteintes à l’environnement demeure problématique, sauf en cas de
lien avec les autres crimes du Statut de la C.P.I., car il n’y a pas d’imputabilité
individuelle qui permet le passage à la responsabilité collective. D’ailleurs on sait que,
médiatiquement, la question de la criminalisation est plus ressentie dans le domaine
humanitaire et dans celui des droits de l’homme, qui constituent les catégories pénales
fondamentales de l’article 19.1589 Dans tous ces domaines, on peut constater que les
organisations internationales sont impliquées et, quoiqu’elles agissent avec des finalités
différentes dans des situations variables, il est question, ici, de considérer la théorie
générale unitaire de la responsabilité pénale. Par ailleurs, on ne peut pas exclure que les

1587 Voir P. DAILLIER, Les organisations internationales, cit., p. 143.


1588 Voir les considérations que nous avons fait, supra, à propos de la partie spéciale des crimes
internationaux des États telle que définie par l’article 19 § 3 du Projet sur la responsabilité des États
adopté par la C.D.I. en 1996.
1589 Voir P. DAILLIER, Les organisations internationales, cit., p. 139 et 143.

454
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

instances de la pratique amènent à élargir la classification ci-dessus définie à d’autres


domaines.

§ 10.8. La procédure de jugement, la sanction et la procédure d’exécution


concernant les organisations internationales.
Si l’on parvenait à responsabiliser les organisations internationales d’États du point
de vue pénal, la question de savoir quelle procédure adopter pour juger les organisations
internationales devrait être résolue dans un cadre unitaire, de façon cohérente avec la
procédure employée pour juger les violations des États et, en tout cas, avec le principe
de l’imputation organique.1590
Une procédure pour juger les organisations intergouvernementales totalement
autonome par rapport à la procédure employée pour juger les États ne serait pas
économique. Il faut penser, par contre, à une procédure unitaire, qui, à la limite, puisse
prévoir des changements ad hoc pour les États et pour les organisations internationales,
compte tenu des spécificités subjectives des différents acteurs.
Actuellement la seule procédure à laquelle on peut songer est celle prévue par le
Projet sur responsabilité des États, axée sur le système des contre-mesures et du recours
aux procédures volontaires de composition des différends.1591
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De iure condendo, une partie de la doctrine propose l’établissement de la


compétence d’une juridiction internationale à l’égard des organisations internationales.
Alternativement, on propose une procédure en deux étapes, prévoyant, dans un premier
temps, l’évaluation de l’infraction et son imputation à l’organisation, gérée par un
organe international, et impliquant une deuxième phase, de composition amiable du
différend entre les parties, finalisée à l’établissement de la sanction. Parmi toutes les
solutions proposées, la plus originale prévoit l’extension de la compétence de la Cour
pénale internationale aux organisations internationales.1592 Nous la retiendrons ici
comme la plus intéressante, en remarquant que nous ne sommes pas les seuls à
concevoir l’élargissement de la compétence de la C.P.I. aux organisations
complexes.1593 Cette perspective laisse entrevoir une substantielle unité de jugement des
individus, des États et des organisations d’États, qui présente l’avantage de la cohérence
et de la synthèse. Une telle approche s’inscrit dans la ligne de l’élargissement de la
compétence de la Cour à l’égard des États, considérés comme des personnes morales
parmi d’autres, selon la conception unitaire de la subjectivité en droit international.1594

1590 Les débats tenus au sein de la C.D.I. ont souligné l’importance des règles procédurales en matière de
responsabilité des États pour définir les normes correspondantes concernant les organisations
internationales (voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-quatrième session, cit., p.
265, § 486). Les débats tenus au sein de la Sixième Commission ont souligné le rôle crucial des règles
concernant le règlement des différends dans l’économie du système de la responsabilité des organisations
internationales (voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-
septième session sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-quatrième session, 2002, doc. A/CN.4/529,
cit., p. 41, § 213).
1591 Sur la nécessité d’appliquer aux organisations internationales les mêmes procédures appliquées aux
États, avec des éventuelles adaptations ad hoc, voir J.L. FERNÁNDEZ FLORES, Planteamiento general
de las infracciones del derecho de la guerra y consideración de las attribuables a los Estados y a las
organisaciones internacionales, cit., p. 326.
1592 Voir P. DAILLIER, Les organisations internationales, cit., p. 147.
1593 Cependant, contrairement à l’extension de la compétence de la C.P.I. aux organisations
internationales, voir P.-M. DUPUY, Observations sur le “crime international de l’État”, cit., p 477,
d’après lequel la compétence d’une Cour de ce type pourrait regarder exclusivement les individus, non
pas les personnes morales.
1594 Voir, supra, les considérations sur la procédure concernant les crimes des États.

455
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Dans l’optique d’étendre la compétence de la C.P.I. aux organisations


internationales, il faudrait adapter quelques normes du Statut de la C.P.I., en
commençant par l’élargissement de la compétence aux organisations internationales à
l’article 25.
Du côté des sanctions applicables aux organisations internationales, notamment
d’ordre pénal, la solution devrait être conforme à la configuration de l’infraction: le
schéma prévu dans le Projet sur la responsabilité des États devrait, essentiellement, être
étendu aux organisations internationales. Il faudrait, donc, envisager, dans un article
ajouté au Statut de la C.P.I., la cessation de la conduite illicite, l’assurance de non-
répétition, la réparation, consistant dans la restitution, l’indemnisation et la satisfaction
ainsi que les conséquences spécifiques prévues pour les seuls crimes, telles que nous les
avons envisagées, notamment le payement d’une amende en faveur de la communauté
internationale et la possible confiscation des biens.1595 En outre, on pourrait songer à
des sanctions spécifiques liées à la nature de l’organisation coupable telles que le
changement des fins statutaires, la dissolution de l’organisation ou, encore, l’annulation
des actes illégitimes accomplis par l’organisation.1596
L’éventuelle violation d’une sanction autoriserait la C.P.I. à appliquer aux
organisations internationales toutes les mesures d’exécution applicables aux États, tant
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

au niveau de l’exécution de la sanction finale qu’au niveau de l’exécution des sanctions


préventives. Le C.d.S. pourrait, alors, devenir l’organe de coordination de l’exécution
de la sanction à l’égard de organisations intergouvernementales (article 34 du Statut
C.P.I.), tandis que la C.P.I. demeurerait saisie de toute question d’ordre procédural
concernant l’exécution.1597
Pour un cadre synoptique des modifications normatives concernant les organisations
internationales nous renvoyons au travail normatif que nous avons fait sur le Statut de la
C.P.I. et les textes reliés dans la partie qui a été consacrée à la réforme faisant de la
C.P.I. le juge unitaire de la responsabilité des individus et des États (chapitre 9), où
nous avons signalé les changements intéressant non seulement les États, mais aussi les
organisations internationales (normalement entre parenthèses), pour rendre plus aisée la
compréhension de l’ensemble des modifications. Il est clair, tout de même, que les
modifications ont été étudiées principalement en fonction des États et seulement de
façon résiduelle pour les organisations internationales. D’ailleurs la casuistique
complexe des organisations internationales imposerait une analyse différenciée et
spécifique, au cas par cas, selon l’organisation en question. L’intention, plus que
jamais, est d’ouvrir des perspectives plutôt que de définir un cadre parfaitement
accompli, car un travail exhaustif exigerait la coordination de toutes les dispositions
impliquant la responsabilité des organisations internationales, dans le Statut de la C.P.I.,
autant que dans le Traité sur la responsabilité des États, la Charte des Nations Unies et
le Statut de la C.I.J., mais il s’agit d’une tâche qu’on ne peut pas accomplir à l’état
présent de l’évolution du droit des organisations intergouvernementales. Les études de
la C.D.I. sur la responsabilité des organisations internationales, qui ont débuté en 2002,

1595 En faveur de l’application aux organisations internationales des mêmes sanctions qui frappent les
États voir J.L. FERNÁNDEZ FLORES, Planteamiento general de las infracciones del derecho de la
guerra y consideración de las attribuables à los Estados y a las organisaciones internacionales, cit., p.
326.
1596 Voir P. DAILLIER, Les organisations internationales, cit., p. 149.
1597 Conformément voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la
cinquante-septième session sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-quatrième session, 2002, doc.
A/CN.4/529, cit., p. 41, § 212.

456
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

permettront, peut-être, à l’avenir, d’éclairer la question de la responsabilité majeure de


ces sujets et de développer un cadre normatif détaillé.1598

§ 10.9. La responsabilité des organisations non étatiques dont l’activité dépasse les
frontières nationales (organisations trans-étatiques).
Avant d’aborder le problème de la responsabilité des personnes morales ayant une
nature non étatique, mais dont l’activité dépasse les frontières étatiques, quelques
brèves explications s’imposent sur une possible classification de ces sujets.
Du moment, en effet, qu’il n’existe pas de règles positives énonçant une définition
uniforme, qui permettrait d’appliquer un régime juridique déterminé, la recherche de
leur statut devient tributaire d’éléments épars relevant tant du droit international que des
droits internes. Cela a engendré la multiplication démesurée des appellations conférées
à ces sujets, qualifiés, tour à tour, de “organisations non gouvernementales”,
“organisations internationales non gouvernementales”, “organisations internationales
privées”, “associations internationales”, “organisations internationales de nature
privée”, “organisations transnationales”.1599
De façon négative, une partie de la doctrine qualifie ces organisations de “non
gouvernementales”, par rapport à leur nature. Ainsi, on devrait distinguer les
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“organisations internationales intergouvernementales”, composées d’États, des


“organisations internationales non gouvernementales”, associant des personnes
privées.1600 D’autres auteurs, en revanche, réservent l’expression “organisations non
gouvernementales” à une catégorie particulière, plus restreinte, de sujets et critiquent
l’application du terme “internationales” aux organisations non étatiques, car ces sujets
ne regroupent pas des nations mais, plutôt, les traversent.1601 Cette définition n’est,
donc, pas complètement satisfaisante.
Une autre partie de la doctrine regroupe ces organisations, sur la base du critère de
l’activité, sous l’adjectif de “transnationales”.1602 Toutefois, du moment que le concept
de nation renvoie à la composante subjective plutôt qu’à celle objective, nous
n’adopterons pas cette terminologie, que nous réservons à un sous-ensemble plus
restreint de sujets.1603

1598 Sur le début des études de la C.D.I. relatifs à la responsabilité des organisations internationales voir
C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa cinquante-deuxième session, doc. A/55/10, cit., p. 277, §
729.
1599 Sur la confusion terminologique qui règne en la matière voir F. ANJAK, Organisations
internationales – Panorama des organisations, in P. KHAN, L. VOGEL, Jurisclasseur de droit
international, cit., 2003, fasc. 111, p. 3, § 4.
1600 Voir F. ANJAK, Organisations internationales – Panorama des organisations, cit., p. 3, § 1; W.J.
GANSHOF VAN DER MEERSCH, Organisations européennes, Bruxelles, Bruylant, 1966, p. 33-34;
W.J. FIELD, R.S. JORDAN, International Organizations, a Comparative Approach, New York, Praeger,
1983, p. 9-31; M. VIRALLY, Définition et classification des organisations internationales, approche
juridique, in G. ABI-SAAB, Le concept d’organisation internationale, cit., p. 52; C. ARCHER,
International Organizations, London, Allen & Unwin, 1983, p. 36-43.
1601 Sur l’utilisation étroite de l’expression “organisations non gouvernementales” et sur la nécessité de
réserver l’adjectif “internationales” aux organisations étatiques voir Sixième Commission, Résumé
thématique des débats tenus pendant la cinquante-septième session sur les travaux de la C.D.I. de sa
cinquante-quatrième session, doc. A/CN.4/529, cit., p. 39, § 203. En doctrine voir H. RUIZ FABRI, Les
organisations non gouvernementales, in D. CARREAU et al., Encyclopédie juridique Dalloz –
Répertoire de droit international, Paris, Dalloz, 1998, t. III, p. 2; M. BETTATI, P.-M. DUPUY, Les
organisations non gouvernementales et le droit international, Paris, Economica, 1986.
1602 Voir H. RUIZ FABRI, Les Organisations non gouvernementales, cit., p. 3, § 7.
1603 Sur les significations du terme “nation” voir P. BONIFACE (sous la direction de), Dictionnaire des
relations internationales, cit., p. 212. Sur le problème du caractère transnational des personnes morales

457
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

De façon plus neutre, on regroupera ces sujets par l’expression “organisations trans-
étatiques”, parce que leur conduite dépasse, juridiquement, les limites d’un ordre
déterminé.
En raison de la composition subjective, on doit partager les organisations trans-
étatiques en: 1) Organisations transnationales, qui regroupent des sujets, personnes
physiques ou morales, de nationalités différentes ou bien qui sont implantés, par leurs
sièges, dans plusieurs États. Elles se partagent, sur la base du fin statutaire, en: a)
Sociétés multinationales, ayant un but lucratif; b) Organisations non gouvernementales
(O.N.G.), n’ayant pas un but lucratif. 2) Organisations infra-étatiques, qui ne regroupent
que des sujets, personnes physiques ou morales, ayant la même nationalité et sont
implantées dans un seul pays. Parmi celles-ci, certaines ont le statut d’organisations non
gouvernementales (O.N.G.).1604
La responsabilité des organisations trans-étatiques n’est pas abordée par le Projet de
la C.D.I. concernant la responsabilité des organisations internationales, qui est limité
aux organisations intergouvernementales, essentiellement parce que celles-ci sont plus
proches des États, tandis que la variété de la nature des organisations trans-étatiques
aurait compliqué la tâche et imposé leur consécration comme sujets de droit
international.1605
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voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 643. Plus en général, sur la
question des personnes morales transnationales, voir Ph. JESSUP, Transnational Law, New Haven, Yale
U.P., 1956; C.W. JENKS, Multinational Entities in the Law of Nations, in W. FRIEDMANN, L
HENKIN, O. LISSITZYN, Transnational Law in a Changing Society, Essays in honour of Ph. Jessup,
New York, Cambridge University Press, 1972, p. 30 s.; F. RIGAUX, Droit public et droit privé dans les
relation internationales, Paris, Pedone, 1977.
1604 Il n’est pas inutile de remarquer que le nombre des O.N.G., transnationales et infra-étatiques,
s’élève, aujourd’hui, à près de treize milles (voir F. ANJACK, Organisations internationales –
Panorama des organisations, cit., p. 16, § 82-83; H. RUIZ FABRI, Les organisations non
gouvernementales, cit., p. 2, § 3). Les organisations non-gouvernementales sont, par définition, privées,
car elles n’ont pas de pouvoir unilatéral externe, et s’opposent, en tant que telles, aux organisations
internationales, qui sont composées d’États et jouissent du privilège de l’exercice du pouvoir unilatéral
(voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 7ème éd., cit., p. 643 s.; H. RUIZ FABRI,
Les organisations non gouvernementales, cit., p. 2, § 6, d’après laquelle, même si l’on peut envisager des
actions mixtes et même si une O.N.G. peut incorporer une organisation publique, une O.N.G. est “un
groupement ayant une personnalité privée et distincte des organisations publiques et
intergouvernementales”. Par contre une partie de la doctrine considère ces organisations douées même
d’un certain pouvoir normatif international (voir F.A.A. SATCHIVI, Les sujets de droit (Contribution à
l’étude de la reconnaissance de l’individu comme sujet direct du droit international), cit., p. 14).
Quelques O.N.G. ont reçu le statut d’observateurs auprès de certaines organisations internationales. Sur
le problème des organisations non-gouvernementales voir M. BETTATI, P.-M. DUPUY, Les O.N.G. et le
droit international, Paris, Economica, 1986; D. SHELTON, The Participation of Nongovernmental
Organizations in International Judicial Proceedings, in A.J.I.L., 1994, october, vol. 88, n. 4, p. 611 s. Sur
la subjectivité internationale des O.N.G. voir P. ALSTON, The Myopia of the Handmaidens:
International Lawyers and Globalization, cit., p. 443. Pour des exemples d’O.N.G., transnationales et
infra-étatiques, voir, dans le réseau Internet, les adresses ‹http://www.toile.org/psi/index.html› (site
contenant un répertoire des sites relatifs aux O.N.G.); ‹http://www.fidh.org› (site de la Fédération
internationale des ligues des droits de l’homme); ‹http://www.icrc.org› (site du C.I.C.R. – Comité
international de la Croix Rouge); ‹http://www.amnesty.org/› (site de Amnesty International);
‹http://www.hrw.org› (site de l’Association H.R.W. – Human Rights Watchers); ‹http://www.ldh-
france.asso.fr› (site français de la Ligue des droits de l’homme); ‹http://www.msf.org› (site de
l’organisation Médecins sans frontières); ‹http://www.liguedh.org› (site de la Ligue des droits de
l’homme); ‹http://www.rsf.fr› (site de l’organisation Reporters sans frontières), ‹http://www.asf.be› (site
de l’association Avocats sans frontières).
1605 Voir Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-septième
session sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-quatrième session, 2002, doc. A/CN.4/529, cit., p. 38,

458
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Le Projet d’un Code répressif mondial, élaboré par V. Pella en 1935, prévoit, au titre
1er, chapitre 2, point 2, la responsabilité pénale des “personnes juridiques et autres
collectivités organisées au sein de l’État ou ayant un caractère international”.1606

§ 10.10. La responsabilité des organisations transnationales.


On commencera par aborder la question de la responsabilité des organisations à
caractère transnational, personnes morales qui regroupent des sujets, personnes
physiques ou morales, de nationalités diverses ou bien implantées dans des pays
différents.1607
La doctrine distingue ces sujets, selon le caractère lucratif ou non lucratif, en sociétés
transnationales et organisations non gouvernementales (O.N.G.).1608 La Convention
européenne de Strasbourg sur la reconnaissance de la personnalité juridique des
organisations internationales non gouvernementales, du 24 avril 1986, consacre cette
distinction.1609
L’exemple le plus éclatant est celui des sociétés transnationales, groupements de
sujets transnationaux dont la spécificité est d’exercer une activité ayant un but
essentiellement lucratif.1610 Elles sont définies par la Résolution d’Oslo de l’I.D.I., du 7
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

§ 201; Sixième Commission, Résumé thématique des débats tenus pendant la cinquante-huitième session
sur les travaux de la C.D.I. de sa cinquante-cinquième session. 2003, doc. A/CN.4/537, cit., p. 8, § 15.
1606 Voir A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, par V. Pella, 1935, cit., p. 147, Titre 1er (Principes
généraux), Chapitre 2ème (Définition de l’infraction internationale et de ses sujets actifs), point 2 (Sujets
actifs). Sur la responsabilisation des groupements en droit pénal international et en droit international
pénal voir C. MAURO, La responsabilité pénale des groupements dans l’espace international, thèse sous
la direction de P. Fouchard, Paris 2-Panthéon-Assas, 1999.
1607 Selon le Projet de Convention sur le Statut des associations internationales élaboré par l’I.D.I. en
1923, la composante subjective multinationale serait déterminante pour la reconnaissance de la
personnalité internationale de l’organisation, car l’article 2 prévoyait que: “Sont considérées comme
internationales […] les associations de caractère privé qui sont accessibles […] aux sujets et aux
collectivités de plusieurs pays et poursuivent sans esprit de lucre un but d’intérêt international” (voir
I.D.I., Projet de Convention sur le statut des associations internationales, in Ann. I.D.I., 1923, vol. 30, p.
348-381, disponible, également, in ‹http://www.idil.iil.org/idiF/resolutionsF/1923_brux_02_fr.pdf›).
1608 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 691 et 694.; M.H.
SINKONDO, Droit international public, cit., p. 485 s.; P. VELLAS, Les entreprises multinationales et
les O.N.G., sujets de droit international, in Mélanges Couzinet, Université de Toulouse, 1974, p. 749 s.;
H. RUIZ FABRI, Les organisations non gouvernementales, cit., p. 3, § 8; A.-M. SLAUGHTER, et al.,
The Challenge of Non-State Actors, cit., p. 21 s.
1609 L’article 1er de la Convention prévoit que: “La présente Convention s’applique aux associations,
fondations et autres institutions privées (ci-après dénommées O.N.G.) qui remplissent les conditions
suivantes: a) avoir un but non lucratif d’utilité internationale […]” (voir le texte de la Convention in
R.G.D.I.P., 1986, p. 1075-1079, ou in ‹http://www.conventions.coe.int/treaty/Fr/Treaties/Html/124.htm›).
Pour un commentaire du texte de la Convention voir M.-O. WIERDEKEHR, La Convention européenne
su la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non
gouvernementales du 24 avril 1986, in A.F.D.I., 1987, XXXIII, p. 749.
1610 On s’occupe, ici, seulement des sociétés multinationales privées, en revanche les organisations
transnationales publiques rentrent dans le cadre des organisations intergouvernementales, dont nous
avons parlé supra. Sur le problème des organisations transnationales ayant un but lucratif voir F.
FELICIANO, Legal Problems of Private International Business Enterprises: an Introduction to the
International Law of Private Business Associations and Economic Development, in R.C.A.D.I., 1966-II,
vol. 118, p. 209 s.; G. ANGELO, Multinational Corporate Enterprises, in R.C.A.D.I., 1968-III, vol. 125,
p. 447 s.; D.F. WAGTS, The Multinational Enterprise: a New Challenge for Transnational Law, in
Harvard L.R., 1970, p. 739 s.; L. KOPELMANAS, L’application du droit international aux sociétés
multinationales, in R.C.A.D.I., 1976-II, vol. 150, p. 295; C. LAZARUS, C. LEBEN, A. LYON-CAEN, B.
VERDIER, L’entreprise multinationale face au droit, Paris, Lib. Techn., 1977; P. MERCIAI, Les
entreprises multinationales et le droit international, Bruxelles, Bruylant, 1993; W.A. WINES, M.A.
BUCHANAN, D.J. SMITH, The Critical Need for Law Reform to Regulate the Abusive Practicies of

459
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

octobre 1977, comme “les entreprises formées d’un centre de décision localisé dans un
pays et de centres d’activités, dotés ou non de personnalité juridique propre, situés dans
un ou plusieurs autres pays”.1611 Selon la Résolution de l’I.D.I. de Lisbonne, du 1er
septembre 1995, point I.1.: “Une entreprise multinationale est un groupe de sociétés
opérant sous un régime de propriété ou de contrôle commun, et dont les membres sont
constitués conformément à la loi de plus d’un État”.1612
Parmi les organisations transnationales à but non strictement lucratif (O.N.G.), à titre
d’exemple, on rappellera les organisations qui exercent une activité dans le domaine des
droits de l’homme, comme la Fédération internationale des ligues des droits de
l’homme, les organisations qui opèrent dans le domaine humanitaire, comme la
Fédération internationale des sociétés de la Croix Rouge, les organisations à caractère
professionnel, comme l’Association Internationale des Transports Aériens, ainsi que les
fédérations sportives, les fédérations politiques, les organisations à finalité culturelle et
celles ayant un but écologique.1613 L’action de ces organisations vise à infléchir ou à
corriger la conduite des autres sujets de droit international, en principe par une action
étendue à plusieurs États.
Dans un cadre systématique subjectif unique, tel que nous l’avons proposé, du type
sujet/organisation de sujets/organisation d’États, ces groupements ne seraient que des
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cas d’organisations de sujets caractérisés par la nature transnationale de ses composants.


L’importance des organisations de sujets à caractère transnational est mise de plus en
plus en évidence par le phénomène de la globalisation.
Le problème le plus important est celui de la reconnaissance de la personnalité
juridique internationale de ces sujets. En fait il n’y a pas de reconnaissance expresse de
la subjectivité de ces organisations en droit international, dans la doctrine traditionnelle
et dans les traités en vigueur, qui reconnaissent la personnalité seulement aux États et
aux organisations d’États, mais qui ne sont pas unanimes sur la personnalité juridique
des individus et, encore moins, sur celle des personnes morales, notamment à caractère
transnational.1614 Or, comme nous le verrons, cela est difficile à justifier pour les
personnes morales infra-étatiques, puisque leur activité dépasse les frontières
nationales.1615 Concernant les personnes morales transnationales le problème est encore
plus évident, puisque non seulement leur activité dépasse les frontières nationales, mais
aussi leur composition subjective a un caractère décidément international. En face de
cette composition, il est difficile, parfois, de résoudre le problème de leur responsabilité
exclusivement par le biais des droits internes et il vaudrait mieux reconnaître la
personnalité juridique de ces sujets sur le plan international, selon la tendance de la
doctrine la plus récente, afin de pouvoir les inclure dans le régime du droit international
pénal.1616

Transnational Corporations: the Illustrative Case of Boise Cascade Corporation in Mexico’s Costa
Grande and Elsewhere, in Denver J.I.L.P., 1998, spring, vol. 26, n. 3, disponible à l’adresse électronique
‹http://www.law.du.edu/ilj/online_issues.html›.
1611 Voir I.D.I., Résolution sur les entreprises multinationales, II Commission, Rapporteur Berthold
Goldmann, Oslo, 7 septembre 1977, in ‹http://www.idi-iil.org/idiF/resolutionsF/1977/_oslo_02_fr.pdf›.
1612 Voir I.D.I., Résolution de Lisbonne sur les obligations des entreprises multinationales et leurs
sociétés membres, XV Commission, Rapporteur Andreas Lowenfeld, 1er septembre 1995, p. 2, pr. II.1, in
‹http://www.idi.iil.org/idiF/resolutionsF/1995_lis_04_fr.pdf›.
1613 Sur la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme voir le site Internet
‹http://www.fidh.org›.
1614 Voir B. CONFORTI, Diritto internazionale, 4a ed., cit., p. 11 s.
1615 Voir les considérations que nous faisons, infra, en parlant des organisations infra-étatiques.
1616 Voir F.A.A. SATCHIVI, Les sujets de droit (Contribution à l’étude de la reconnaissance de
l’individu comme sujet direct du droit international), cit., p. 14; P. DAILLIER, A. PELLET, Droit

460
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Par ailleurs on rappellera que la Convention européenne de Strasbourg de 1986


reconnaît la personnalité juridique des O.N.G., notamment celles qui ont “leur siège
statutaire sur le territoire d’une Partie et leur siège réel sur le territoire de cette Partie ou
d’une autre Partie” (article 1 alinéa d)).
De toute façon il faut estimer que, du moins les O.N.G., ont une subjectivité, bien
que réduite, sur le plan international. En général, en effet, elles peuvent agir vis-à-vis
des États et des organisations internationales ou en collaboration avec eux, en exerçant
une activité normative, directe ou indirecte, ainsi qu’opérationnelle, mais la capacité
d’action varie beaucoup en fonction de chaque organisation. À ce propos il est
intéressant de remarquer que certaines O.N.G. ont été transformées en organisations
internationales, comme dans le cas de l’Union internationale des organismes officiels
du tourisme, transformée, en 1970, en Organisation mondiale du tourisme.1617
Étant douées de la subjectivité, bien que réduite, au plan international, les
organisations transnationales seront soumises tant aux principes généraux du droit
international qu’aux normes relatives dont elles sont destinataires.
Au niveau du droit international général, la responsabilité des organisations
transnationales sera concevable comme ordinaire ou bien majeure, en cas de violation
du ius cogens. Notamment l’A.G.N.U., par sa Résolution 42/115 du 7 décembre 1987, a
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affirmé que l’hégémonie économique des sociétés transnationales peut constituer une
entrave à la jouissance des droits de l’homme.1618 La doctrine, de son côté, remarque
que les O.N.G. sont responsables pour les violations du droit international général mais
que, lorsque leur personnalité n’est pas reconnue, la responsabilité passe inaperçue,
comme dans le cas de la violation du principe de souveraineté au cours des conflits
armés, en général pour une bonne cause, par les organisations humanitaires.1619 Les
réactions, toutefois, passent par les juridictions internes, en l’absence d’organes
compétents à l’égard de ces sujets.
Au niveau du droit international relatif la responsabilité des organisations
transnationales est indirecte. Plusieurs normes responsabilisent les personnes morales
transnationales, dans des domaines différents, comme celui des relations économiques,
de l’environnement et de l’utilisation de l’espace, pour n’en citer que quelques-uns. À
titre d’exemple, dans les traités environnementaux, plusieurs normes visant à empêcher
la pollution concernent, directement ou indirectement, les organisations transnationales,

international public, cit., p. 643 s., d’après lesquels, concernant les personnes morales privées
transnationales et les organisations non gouvernementales, il faut estimer que le caractère transnational
est une donnée de fait incontournable, qui oblige à envisager non seulement leurs obligations mais
également leurs droits éventuels face aux sujets de droit international et à leur reconnaître la qualité de
sujets du droit international sans obstacles théoriques ou pratiques dirimants, mais en tenant compte du
fait qu’il s’agirait, quand même, d’une personnalité mineure, dont les pouvoirs seraient limités par
rapport aux sujets classiques du droit international, États et organisations internationales. En faveur de la
reconnaissance de la subjectivité internationale des personnes morales transnationales voir, aussi, C.
LEBEN, The Changing Structure of International Law Revisited: by Way of Introduction, cit., p. 404.
1617 Voir H. RUIZ FABRI, Les organisations non gouvernementales, cit., p. 4, § 16-17, p. 4-6, § 18-33.
1618 Sur le problème du respect des droits de l’homme et les valeurs fondamentales de la communauté
internationale, notamment par rapport aux violations des entreprises multinationales, voir M. DELMAS-
MARTY, Ordre juridique et paix positive, cit., p. 5; J.J. PAUST, Human Rights Responsibilities of
Private Corporations, in Vanderbilt J.T.L., 2002, may, vol. 35, n. 3, disponible dans le réseau Internet à
l’adresse ‹http://law.Vanderbilt.edu/journal›, p. 801-825; D. WEISSBRODT, M. KRUGER, Norms on
the Responsibilities of Transnational Corporations and Other Business Enterprises with Regard to
Human Rights, in A.J.I.L., 2003, october, vol. 97, n. 4, p. 901.
1619 Voir M. BETTATI, P.-M. DUPUY, Les O.N.G. et le droit international, cit., p. 10 s.

461
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

notamment les entreprises, et visent à les responsabiliser pour leurs activités.1620 La


plupart des normes oblige les États à adopter d’autres normes pour régler l’action des
personnes morales transnationales: la réglementation passe, essentiellement, par les lois
nationales, et par quelques normes à caractère international. Les normes internationales
indirectes s’adressent, avant tout, aux États, qui doivent adopter les dispositions visant à
responsabiliser, même du point de vue pénal, les personnes morales: il s’agit, donc,
d’une réponse à caractère national. La norme internationale décrit l’acte prohibé, tandis
que la norme nationale s’attache à incriminer le comportement illégitime et à édicter la
répression.1621 Plus que d’une réponse au niveau du droit international, il s’agit d’une
forme d’harmonisation des législations nationales et de coopération internationale, qui
relève des mécanismes du droit pénal international.1622
Quelques unes des normes relatives du droit international intéressent, directement,
les organisations transnationales, notamment les entreprises. Plus spécifiquement, la
Convention de l’O.M.I. pour la prévention de la pollution de la mer par hydrocarbures,
de Londres, du 12 mai 1954, “Oilpol”, responsabilise directement les personnes morales
transnationales car, aux termes de l’article VI, tout État partie à la Convention peut
sanctionner un navire déchargeant à la mer des hydrocarbures.1623 Les règles qui
s’adressent directement aux organisations transnationales, prévoient, toutefois, une
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

forme de responsabilité internationale générale et jamais une forme de responsabilité


pénale expresse: il s’agit d’une responsabilité embryonnaire, voir presque
inexistante.1624 Ainsi, les Principes directeurs de l’O.C.D.É. à l’intention des entreprises
multinationales, tels qu’adoptés le 27 juin 2000, prévoient la responsabilité des sociétés
transnationales pour une série de violations graves, sans préciser la nature de cette
responsabilité (Titre II, Principes généraux).1625 En revanche le travail de la
Commission des N.U. des sociétés transnationales, mise sur pied en 1974, n’a pas
abouti à la formulation du Code de conduite obligatoire pour les sociétés
transnationales, pourtant négocié jusqu’en 1992.1626
Le Statut de la C.P.I., s’intéressant exclusivement aux personnes physiques, exclue
les organisations transnationales de son domaine de compétence. Probablement,
l’absence de l’intérêt du droit international pénal pour ces sujets est due au fait que, si
les personnes morales commettent des crimes, il s’agit d’infractions d’ordre
économique. En effet, c’est en relation à la criminalité économique que la responsabilité
des personnes morales s’est affirmée en droit interne.1627 Par contre les juridictions
internationales pénales ne sont pas compétentes pour juger des crimes d’ordre

1620 Pour un aperçu des traités intéressants la responsabilité des personnes morales transnationales voir
A. HUET, R. KOERING-JOULIN, Droit international pénal, Paris, P.U.F., 1994, p. 60 s.
1621 Voir N. CASTELL, C. DEYRICKE, Les entreprises transnationales, in H. ASCENSIO, E.
DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 160.
1622 Pour un aperçu de cette technique dans le domaine économique voir J. CHAPPEZ, Les conventions
internationales de lutte contre les trafics illicites, in P. KAHN, K. KESSEDJIAN, L’illicite dans le
commerce international, Paris, Litec, 1996, p. 445 s.
1623 Voir A. DE RAULIN, L’épopée judiciaire de l’Amoco Cadiz, in J.D.I., 1993, p. 41 s.; L.
LUCCHINI, Le procès de l’Amoco Cadiz: présent et voies du futur, in A.F.D.I., 1985, XXXII, p. 762-
782.
1624 Voir, dans ce sens, N. CASTELL, C. DERYCKE, Les entreprises transnationales, cit., p. 158.
1625 Voir O.C.D.É., Principes directeurs de l’O.C.D.É. à l’intention des entreprises multinationales, 27
juin 2000, in ‹http://www.oecd.org/dataoecd/56/39/1922470.pdf›.
1626 Sur les codes de conduite des entreprises transnationales voir F. RIGAUX, Les insuffisances des
codes de conduite, Dossier droits de l’homme, droits des peuples, in Le Monde Diplomatique, n. 359,
février 1984, p. 15-16.
1627 Voir J. PRADEL, Traité de droit pénal et de science criminelle comparée, 12ème éd., cit., p. 502.

462
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

économique: la lutte contre le crime économique reste confiée à la coordination des


juridictions internes, surtout par le biais de la collaboration entre les États. Certains
auteurs remarquent, en effet, que l’étau juridique international se resserre sur les
dictateurs et les criminels de guerre, tandis que les crimes, notamment économiques,
des entreprises multinationales restent impunis.1628 Cependant une partie de la doctrine
remarque que la criminalité des organisations transnationales va au delà des infractions
économiques car, au cours de la deuxième guerre mondiale, certaines organisations ont
exercé une activité subversive et d’espionnage, d’autres ont facilité, ou organisé, des
expériences monstrueuses, soi-disant scientifiques, sur des êtres humains, dans les
camps de concentration, d’autres encore ont financé la propagande belliqueuse et
préparé la guerre d’agression.1629 Récemment, d’ailleurs, le Secrétaire général des N.U.
a eu l’occasion de rappeler que “les activités et les méthodes des sociétés
transnationales ont des incidences sur la bonne application d’un certain nombre des
droits de l’homme” tels que le droit des peuples à l’autodétermination et à la
souveraineté sur les ressources naturelles, le droit au développement, le droit à la santé
physique et mentale. Ainsi l’action des sociétés transnationales pourrait violer le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, du 16 décembre 1966, le Pacte relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels, du 16 décembre 1966, la Résolution 1803
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(XVII) du 14 décembre 1962 portant “Souveraineté permanente sur les ressources


naturelles” de l’A.G.N.U., la Charte des droits et devoirs économiques des États
adoptée par la Résolution 3281 (XXIX) de l’A.G.N.U. du 12 décembre 1974 ainsi que
la Résolution 2542 (XXIV) de l’A.G.N.U. du 11 décembre 1969 portant “Déclaration
sur le progrès et le développement dans le domaine social”.1630 Le Secrétaire général a,
aussi, remarqué que “même si chaque filiale d’une société transnationale est en principe
assujettie aux réglementations de son pays d’implantation, la société transnationale en
tant que telle n’est responsable devant aucun pays” de sorte que des nouvelles normes
internationales de la responsabilité devraient être formulées, axées, notamment, sur le
principe du respect de l’être humain.1631 L’I.D.I., dans sa Résolution de Berlin du 25
août 1999, concernant: “L’application du droit international humanitaire et des droits
fondamentaux de l’homme dans les conflits armés auxquels prennent part des entités
non étatiques”, a affirmé que les organisations non étatiques, internationales (N.U.,
régionales ou autres) ou non internationales (principe I), doivent respecter le droit
humanitaire et les droits de l’homme au cours des conflits armés, tout comme les États
(principes II, III, V) et que toute violation doit être sanctionnée soit par l’O.N.U. soit

1628 Voir N. ALBALA, Crimes économiques impunis, in Le Monde Diplomatique, n. 597, décembre
2003, p. 3.
1629 Voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 320, § 80.
1630 Voir S.G., Le rapport entre, d’une part, la jouissance des droits de l’homme, notamment du droit au
travail et des droits syndicaux reconnus sur le plan international et, d’autre part, les méthodes de travail et
les activités des sociétés transnationales, Document d’information établi par le S.G.
E/CN.4/Sub2/1995/11, 24 juillet 1995, disponible dans le site Internet des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G95/130/60/IMG/G9513060.pdf?OpenElement›, p. 18-21.
1631 Voir S.G., Effets des activités et des méthodes de travail des sociétés transnationales sur la pleine
jouissance de tous les droits de l’homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels et le
droit au développement, compte tenu des directives, règles et normes internationales existant sur ce sujet,
Rapport, doc. E/CN.4/Sub2/1996/12, 17 juin 1996, disponible dans le site Internet ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G96/130/50/PDF/G9613050.pdf?Openelement›, p. 25.

463
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

par les États (principes VI, VII), en tout cas en passant par la responsabilité des
individus agissant en qualité d’organes (principe VIII).1632
Étant donné ce cadre et la multiplication en nombre et activités des organisations
transnationales, il faut se demander si, au niveau du droit international, il ne vaudrait
pas mieux élaborer un système clair de la responsabilité de ces sujets, notamment en
matière de responsabilité internationale pénale et des réactions conséquentes.

§ 10.11. La responsabilité des organisations infra-étatiques.


Les organisations infra-étatiques ne regroupent que des sujets, personnes physiques
ou morales, d’égale nationalité et sont implantées dans un seul pays.
Dans cette catégorie rentrent les sujets les plus variés, parmi lesquels certains
accèdent au statut de O.N.G.1633
Les débats de la doctrine traditionnelle ne font pas de place au problème de la
responsabilité des personnes morales dont la dimension subjective ne dépasse pas les
frontières étatiques. Probablement, on considère que la réglementation de cette
responsabilité intéresse exclusivement les États d’appartenance.1634 Cependant, dans
l’optique subjective synthétique que nous avons adoptée, il faut considérer la possibilité
de responsabiliser ces organisations sur le plan international.1635 En effet, quoique la
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dimension de ces groupements, du point de vue subjectif, demeure confinée à l’intérieur


d’un État, il ne faut pas négliger que, objectivement, leur activité peut dépasser ces
limites pour assumer une dimension internationale, comme l’activité des individus.1636
Nous pouvons reprendre et adapter, à propos des organisations infra-étatiques, les
considérations faites sur la responsabilité des personnes morales transnationales, tout en
tenant compte de la dimension subjective infra-étatique des organisations en question.
Le problème le plus important est celui de la reconnaissance de la personnalité
juridique internationale de ces sujets. La doctrine traditionnelle ne reconnaît pas la
subjectivité des organisations infra-étatiques en droit international. En revanche les
tendances de la pensée la plus récente reconnaissent la personnalité internationale
desdits sujets.
La doctrine s’est attelée au problème du côté des O.N.G., en reconnaissant que ces
organisations transcendent objectivement, par leur action, les frontières nationales, en

1632 Voir I.D.I., Résolution concernant l’application du droit international humanitaire et des droits
fondamentaux de l’homme dans les conflits armés auxquels prennent part des entités non étatiques, XIV
Commission, Rapporteur Milan Šahovice, Berlin, 25 août 1999, in ‹http://www.idi-
iil.org/idiF/resolutionsF/1999_ber_03_fr.pdf›, p. 3-4, principes II, III, V, VII, VIII. Sur le problème de la
guerre conduite par des sociétés privées voir P.W. SINGER, Les nouveaux mercenaires, in Le Monde, n.
18455, jeudi 27 mai 2004, Horizons – Débats, p. 15.
1633 Nous traitons, ici, des organisations d’ordre privé en considérant les organisations infra-étatiques
publiques comme une composante de l’État, dont nous nous sommes occupé, supra, dans le cadre de
l’imputation de la conduite illicite à l’État. À propos du statut d’O.N.G. des organisations infra-étatiques,
il faut remarquer qu’une partie de la doctrine nie l’existence des O.N.G. infra-étatiques car, en plus de
l’exercice d’une activité transfrontalière, il faudrait que l’organisation soit subjectivement multinationale
pour prétendre à cette appellation (voir F. ANJACK, Organisations internationales – Panorama des
organisations, cit., p. 10, § 58; K. SKJELSBAEK, The Growth of International Nongovernmental
Organization in the Twentieth Century, in International Organization, 1971, p. 422).
1634 Pour un aperçu comparative de la réglementation de la responsabilité des personnes morales dans les
différents systèmes juridiques du monde voir J. PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd., cit., p. 351-363;
C. WELLS, Corporations and Command Responsibility, Oxford, Oxford University Press, 1993.
1635 Voir G.A. CHRISTENSON, Attribution Issues in State Responsibility – Remarks, cit., p. 59.
1636 Sur ce problème voir I. BROWNLIE, Principles of Public International Law, 2nd ed., cit., p. 69 ; S.
GEEROMS, La responsabilité pénale de la personne morale: une étude comparative, in R.I.D.C., 1996,
p. 533 s.; A. CLAPHAM, On Complicity, cit., p. 266 s.

464
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

exprimant des solidarités spécifiques dans différents domaines (religieux, sportif,


politique, syndical, économique, etc.). Le caractère transnational de l’action est
déterminant pour attribuer aux organisations infra-étatiques le caractère de O.N.G.1637
Conformément à cette tendance, l’article 1er lettre c) de la Convention européenne de
Strasbourg sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations non
gouvernementales du 24 avril 1986 requiert “une activité effective dans au moins deux
pays” pour qu’une association, fondation ou autre institution privée puisse acquérir la
personnalité internationale. Ainsi, en faisant abstraction du critère de la composition
subjective, la Convention fait du caractère transnational de l’action le principe
déterminant pour l’attribution de la personnalité internationale.1638 Sur la base de ce
principe, selon une partie de la doctrine, on pourrait regrouper les organisations infra-
étatiques dont l’activité dépasse les frontières nationales (organisations ultra-étatiques)
et transnationales sous l’unique dénomination de “organisations transnationales”.1639
Dans la pratique le cas le plus remarquable est celui du C.I.C.R., organisation
exclusivement suisse par son statut et la nationalité de ses membres (article 7 § 1 du
Statut du C.I.C.R.), mais jouissant de la qualification de O.N.G. en raison du caractère
transfrontalier de son activité, qualité pour laquelle le C.I.C.R. jouit, aussi, du statut
d’observateur auprès de l’O.N.U. et parvient à passer des accords avec des
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gouvernements afin de régler ses activités.1640


Si on reconnaît la personnalité juridique internationale des O.N.G. infra-étatiques, il
faudrait, aussi, reconnaître la personnalité des autres organisations, notamment
lucratives, infra-étatiques, dont l’activité dépasse les frontières nationales.1641
Sur le plan normatif les considérations faites sur les personnes morales
transnationales valent, aussi, pour les personnes morales infra-étatiques.
En cas de reconnaissance de la personnalité juridique internationale, les
organisations infra-étatiques seraient assujetties aux principes généraux du droit
international ainsi qu’aux normes relatives qui les concernent.
Au niveau du droit international général on doit songer à une responsabilité ordinaire
ou majeure, en cas de violation des normes cogentes. La réponse, toutefois, passe par
les juridictions nationales.
Au niveau du droit international relatif les règles agissent de façon indirecte. Dans
plusieurs domaines, dont l’environnement est le plus exemplaire, les normes
internationales s’adressent, premièrement, aux États, qui, ensuite, adoptent les lois
nationales nécessaires à responsabiliser, même du point de vue pénal, les personnes

1637 Voir H. RUIZ FABRI, Les organisations non gouvernementales, cit., p. 3, § 7.


1638 Voir M.O. WIEDERKEHR, La Convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité
juridique des O.N.G. du 24 avril 1986, cit., p. 749 s.
1639 Pour cette classification voir H. RUIZ FABRI, Les organisations non gouvernementales, cit., p. 3, §
7.
1640 Voir le texte du Statut du C.I.C.R. dans le site Internet ‹http://www.icrc.org/Web/fre/sitefree0.nsf›.
Sur le Statut du C.I.C.R. voir G. RONA, Le Statut du C.I.C.R.: dans une catégorie à part, 12 février
2004, in ‹http://www.icrc.org/Web/free/sitefree0.nsf/htmlall/section_mandate?OpenDocument›; P.
RUEGGER, L’organisation de la Croix-Rouge internationale sous ses aspects juridiques, in R.C.A.D.I.,
1953-I, vol. 82, p. 373-480; P. REUTER, La personnalité juridique du C.I.C.R., in C. SWINARSKI,
Études et essais sur le droit international humanitaire et sur les principes de la Croix-Rouge, Mélanges
en l’honneur de Jean Pictet, Genève/La Haye, C.I.C.R./Nijhoff, 1984, p. 783 s.; R. HEACOCK, J.
FREYMOND, The International Committe of the Red Cross, La Haye, Martinus Nijoff Publisher, 1984.
Sur le C.I.C.R. comme organe, crée en 1983, devant servir au développement de sociétés nationales,
prêtes à seconder les services de santé des leurs pays, mais ayant contribué au développement du droit
humanitaire voir S. SZUREK, La formation du droit international pénal – Historique, cit., p. 17.
1641 Sur ce problème voir M. REVILLARD, Les conventions internationales relatives aux associations,
in J.D.I., 1992, p. 299 s.

465
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

morales. Rarement les normes internationales responsabilisent, directement, les


personnes morales, et, lorsque cela arrive, la responsabilité est générique. Cependant
quelquefois l’activité des personnes morales internes a été considérée comme relevante
dans le domaine de la responsabilité majeure en droit international. En effet, certaines
résolutions du Conseil de sécurité s’adressent aux États pour leur recommander de
veiller à ce que les personnes morales internes s’adaptent à la conduite étatique pour
exécuter une obligation sanctionnant un État tiers. C’est le cas des Résolution 283 du 29
juillet 1970, concernant la Namibie, par laquelle le C.d.S. demanda aux États membres
des N.U. de veiller à ce que les entreprises nationales n’établissent pas des relations
avec la Namibie contrôlée par le gouvernement sud-africain. C’est, aussi, le cas de la
Résolution 333 du 22 mars 1973, par laquelle où le C.d.S. demanda aux États Membres
de “mettre en vigueur immédiatement des mesures législatives prévoyant l’imposition
de peines sévères aux personnes physiques ou morales” violant les sanctions prises
contre le régime illégal de la Rhodésie, consistant dans l’interruption des relations
commerciales. Dans le cas de la Rhodésie du Sud le Conseil arriva à mettre sur pied un
Comité, appelé Watchdog Committe, pour contrôler les fréquentes violations des
sanctions imposées. Dans des tels cas, toutefois, le Conseil de sécurité, pour arriver à
maîtriser les infractions criminelles, est obligé de demander la collaboration des États,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

selon le schéma du droit pénal international, du moment qu’il n’y a pas de règles
procédurales uniformes pour poursuivre les infractions en question.1642
Le problème des personnes morales infra-étatiques propose à nouveau la question
déjà soulevée à propos des personnes morales transnationales, c’est-à-dire la nécessité
d’étudier la possibilité de créer un droit international de la responsabilité, notamment
pénale, des personnes morales en général.

§ 10.12. Le crime, la procédure de jugement, la sanction et l’exécution concernant


les personnes morales transnationales et infra-étatiques.
Au cas où l’on déciderait de sortir les personnes morales infra-étatiques et
transnationales du domaine exclusif du droit pénal international, pour en faire des sujets
de droit international pénal, comme l’a envisagé l’A.G.N.U. dans la Résolution 44/39
du 4 décembre 1989, à propos des crimes contre l’humanité, notamment pour les
organisations commerciales, mais, aussi, pour les autres organisations trans-étatiques, il
faudrait régler la question de la définition des crimes, de la procédure de jugement et,
par conséquent, de la sanction ainsi que de la procédure d’exécution.1643
Nous n’avons pas l’intention, ici, de développer toute l’analyse et le débat qui
seraient nécessaires pour élaborer un cadre suffisamment détaillé de la question. Tout
simplement on se limitera à faire quelques considérations en marge du problème central
de notre travail, qui est celui de la responsabilité des États.
De façon générale, nous ne pouvons que réaffirmer que l’élargissement de la
compétence de la C.P.I. aux personnes morales non-étatiques serait conforme aux

1642 Voir A. BEAUDOUIN, Le maintien par la force d’une domination coloniale, cit., p. 434; Ch.
CADOUX, Naissance d’une nation: le Zimbabwe, in A.F.D.I., 1980, XXV, p. 9 s.; S. PARK, Business as
Usual, Transactions Violating Rhodesian Sanctions, Washington, Carnegie Endowment, 1973; P.J.
KUYPER, The Implementation of International Sanctions. The Netherlands and Rhodesia, Amsterdam,
Sijthoff, 1978.
1643 En droit interne l’article 213-3 du Code pénal français prévoit la responsabilité des personnes
morales pour les crimes contre l’humanité, dans le but d’atteindre, notamment, les entreprises
commerciales, mais, aussi, d’autres formes d’organisation, ainsi toutes les personnes morales
s’investissant dans le crime international, à l’exception de l’État, sont concernées. En doctrine, sur cette
question, voir Y. JUROVICS, L. HUSSON, Le crime contre l’humanité, cit., p. 36, § 142-143.

466
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

principes d’économie et de non-contradiction du système juridique. D’ailleurs, si


l’élargissement de la juridiction est possible par rapport aux États et aux organisations
internationales, il devrait l’être aussi par rapport aux autres personnes morales. Comme
nous l’avons vu, en effet, le principe de l’imputation organique n’est pas valable
seulement pour les organisations étatiques, mais aussi pour toute sorte d’organisation
qui agit par la voie des ses organes.1644 L’article 121-2 alinéa 1 du Code pénal français,
par exemple, prévoit que les personnes morales sont imputables pour les fautes
commises par les personnes physiques agissant en tant qu’organes, selon le principe du
cumul des responsabilités.1645 Dans cet ordre d’idées, la norme fondamentale à modifier
serait l’article 25 du Statut de la C.P.I., concernant la compétence ratione personae,
pour permettre le jugement non seulement des États et des organisations internationales,
mais aussi des autres personnes morales.1646 Par l’extension de la compétence de la
C.P.I. on élargirait, aussi, les infractions criminelles prévues à l’article 5 de son Statut à
toutes les personnes morales. Dans cet esprit le Plan d’un Code répressif mondial,
élaboré par V. Pella en 1935, prévoyait (titre 1er (Principes généraux), chapitre 2ème
(Définition de l’infraction internationale), points 2 (Sujet actif) et 3 (Pluralité de
responsabilités) la responsabilité de: “a) L’État; b) Les personne physiques et autres
collectivités organisées au sein de l’État ou ayant un caractère international”.1647
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

En matière de sanctions, il faudrait introduire une nouvelle norme, autonome, dans le


Statut de la C.P.I., prévoyant les sanctions finales de la cessation de la conduite illicite,
de l’assurance de non-répétition, de la réparation, du payement d’une amende, de la
confiscation des biens et profits tirés du crime et de la dissolution de la personne
juridique, dans des cas extrêmement graves.1648 Ces sanctions devraient pouvoir
s’appliquer, aussi, à titre préventif au cours du procès. Comme on peut aisément le
remarquer, il s’agirait de sanctions ressemblant plus à celles qui frappent les États et les
organisations internationales qu’à celles qui frappent les personnes physiques, ce qui
confirme la proximité qui subsiste entre les deux catégories de sujets.

1644 Conformément à l’application du principe de l’imputation organique, les organisations


transnationales et infra-étatiques devraient être tenues pour responsables, à titre de dol, de faute ou de
responsabilité objective, selon les mêmes principes appliqués aux individus (voir T. MERON, Is
International Law Moving towards Criminalization?, cit., p. 21).
1645 Voir les considérations que nous avons fait au cours de la comparaison de l’imputation des
personnes morales en droit interne et des États en droit international. En doctrine voir F. DESPORTES,
F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 9ème éd., cit., p. 571 s. Sur le problème de l’évolution de la
responsabilité des personnes morales et des sanctions de l’ancien au nouveau Code pénal français voir D.
VILLETET, Les personnages du Code pénal, mémoire sous la direction de G.-R. de Boubée, Toulouse 1,
2000/2001, p. 42-55. Sur les sanctions des personnes morales en droit pénal français, aux termes des
articles 131-37/131-49 du Code pénal voir F. DESPORTES, F. LE GUNEHEC, Droit pénal général, 9ème
éd., cit., p. 761. Dans une perspective de droit comparé voir J. PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd.,
cit., p.357-361.
1646 La proximité entre la responsabilité de l’État et celle des personnes morales infra-étatiques et
transnationales est évidente dans le cas où ces dernières regroupent, à côté de sujets privés, des personnes
publiques. C’est le cas, par exemple, de l’Association internationale du transport aérien, qui regroupe des
compagnies aériennes dont certaines sont publiques.
1647 Voir A.I.D.P., Plan d’un Code répressif mondial, rédigé par V. Pella, 1935, cit., p. 147, Titre 1er,
Chapitre 2ème, points 2 et 3.
1648 Pour un cadre général de ces sanctions voir les considérations que nous avons fait en marge de
l’article concernant les peines applicables aux personnes morales différentes des États dans l’optique de
la réforme du système de droit international pénal axée sur la C.P.I. Sur les sanctions des personnes
morales en droit international voir l’opinion de V. Pella in S.G., Mémorandum concernant le Projet de
Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, p. 320,
§ 80.

467
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Quant à l’exécution de la sanction, des nouvelles normes, dans le Statut de la C.P.I.,


devraient prévoir la responsabilité du Procureur et la compétence de la Cour pour se
prononcer sur toute question naissant au cours de cette phase.
Pour un cadre synoptique des modifications normatives nous renvoyons à la partie
qui a été consacrée à la réforme faisant de la C.P.I. le juge unitaire de la responsabilité
des individus et des États (chapitre 9), où nous avons introduit (normalement entre
parenthèses) les changements statutaires concernant les personnes morales autres que
les États, afin de faciliter la compréhension de l’ensemble des modifications normatives
proposées.

§ 10.13. L’élargissement du système de la responsabilité internationale pénale du


point de vue objectif.
Du point de vue objectif, il s’agit de voir si l’on peut élargir le système de la
responsabilité pénale ainsi conçu à d’autres conduites. Cette opération est envisageable
car le système n’est pas rigide, mais susceptible d’évoluer constamment, de sorte qu’il
peut accueillir dans son enceinte non seulement des nouveaux sujets, mais aussi des
nouvelles conduites criminelles. Les critères pour accepter des nouvelles actions dans le
cadre des infractions de droit international pénal, affirmés à l’article 19 du Projet sur la
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

responsabilité des États de 1996 et à l’article 5 § 1 du Statut de la C.P.I., demeurent les


principes de l’importance de l’obligation violée et sa forme erga omnes indivisible,
sinon au sens absolu, au moins au sens relatif, envers les autres sujets de la
communauté internationale dans son ensemble.1649
Sur la base desdits principes, une analyse visant à repérer, en droit international, les
infractions passibles d’être soumises à la juridiction de la C.P.I., doit, nécessairement,
examiner les conduites spécifiques des individus, éventuellement agissant en tant
qu’organes des États ou des autres personnes morales, pour en définir précisément les
éléments afin d’élaborer des définitions claires, susceptibles de rentrer dans le domaine
privilégié du droit international pénal. Il s’agit, essentiellement, d’un travail concernant
la partie spéciale du système de droit international pénal. D’ailleurs, comme il est vrai
qu’il n’y a pas de conflits qui ne peuvent pas être réglés par le droit international, car
une matière existe uniquement à l’intérieur d’un ordre juridique jusqu’à ce qu’elle ne
soit réglée par une convention internationale, de sorte qu’une question jadis relevant
exclusivement du droit interne pourrait devenir, ensuite, de droit pénal international,
ainsi il est possible qu’une norme, probablement déjà acquise au droit pénal
international, devienne de droit international pénal.1650 Le Projet de Code pénal
international élaboré sous les auspices de l’A.I.D.P. en 1981 prévoit, en effet, une partie
spéciale dressant la liste des crimes susceptibles d’être jugés, alternativement, par les
juridictions pénales internes ou par une juridiction internationale.1651

1649 Sur le caractère erga omnes indivisible de l’obligation comme critère essentiel pour distinguer, de
iure condendo, les crimes des infractions simples, voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace
attraverso il diritto), cit., p. 146-147.
1650 Sur la différence entre le crime international et le crime de droit commun voir S.G., Mémorandum
concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella,
doc. A/CN.4/39, cit., p. 292-293, § 34. Sur la réglementation des conflits et des matières par le droit
international voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 69.
1651 Voir. A.I.D.P., Projet de Code pénal international, 1981, cit., Partie spéciale, p. 99-163. Pour
l’élaboration d’un système coordonné de droit pénal international et de droit international pénal voir,
aussi, A.I.D.P., Actes du Colloque préparatoire du XIV Congrès international de droit pénal – Projet de
Résolution, Hammamet, Tunisie, 6-8 juin 1987, in R.I.D.P., 1989, p. 584-586; A.I.D.P., XIV Congrès
international de droit pénal, Résolution concernant les rapports entre les crimes internationaux et le droit
pénal interne, Vienne, 2-7 octobre 1989, in R.I.D.P., 1990, p. 107-110.

468
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Une analyse de ce genre ne peut que déboucher sur une recherche dans le champ du
droit pénal international, parmi les infractions criminelles qui sont soumises à la
juridiction interne des États, sur la base des critères de la compétence territoriale, de la
nationalité de l’auteur du crime, de la nationalité des victimes, de la compétence réelle
et de la compétence universelle, bien que les États se soient accordés, de façon plus ou
moins stricte, sur une définition uniforme de la sanction.1652 Dans ce domaine, en effet,
on peut plus aisément repérer des conduites graves, susceptibles de violer les intérêts
fondamentaux de la communauté internationale dans son ensemble et, donc, de passer
de la catégorie du droit pénal international à celle du droit international pénal.1653 Dans
cette logique l’article 20 § 1 e) et l’Annexe du Projet de Statut de la C.C.I. de 1994,
élaboré par la C.D.I., reprenant, essentiellement, les articles 22 et 26 § 1 du Projet
élaboré en 1993 par le Groupe de travail sur un Projet de Statut pour une C.C.I.,
dressaient une liste des normes conventionnelles définissant des infractions qui auraient
pu rentrer dans la compétence de la C.P.I., comprenant, parmi d’autres dispositions,
l’article 1er de la Convention pour la prévention et la répression de la capture illicite
d’aéronefs de La Haie, du 16 décembre 1970, l’article 2 de la Convention sur la
prévention et le répression des infractions contre les personnes jouissant d’une
protection internationale, y compris les agents diplomatiques, de New York, du 14
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

décembre 1973, les articles 2 et 3 de la Convention contre le trafic illicite de stupéfiants


et des substances psychotropes de Vienne du 20 décembre 1988.1654 L’article 5 § 1 e)
du Projet de Statut de la Cour criminelle internationale, élaboré par le Comité
préparatoire en 1998, envisageait de soumettre à la compétence de la Cour les actes de
terrorisme, les crimes contre le personnel des N.U. et le trafic illicite des stupéfiants et
substances psychotropes.1655
D’ailleurs, une étude de ce genre est, nécessairement, liée à la question de
l’élargissement subjectif du système de droit international pénal car les personnes
morales différentes des États et des organisations internationales sont, normalement,
criminalisées par le biais des lois internes et des mécanismes du droit pénal
international. Ainsi, même si la doctrine n’est pas unanime quant à la possibilité de
soumettre les personnes juridiques au jugement de la C.P.I., en faisant d’un crime de
droit pénal international un crime de droit international pénal on ouvrirait la voie à la
criminalisation des personnes morales en droit international pénal.1656 Ce discours est

1652 Voir R. LEGROS, L’avenir du droit pénal international, in J.A. SALMON et al., Problèmes de droit
des gens, cit., p. 171; P.-M CARJEU, Quelques aspects du nouveau Projet de Statut des Nations Unies
pour une juridiction criminelle internationale, cit., p. 414.
1653 Sur les crimes de droit pénal international comme catégorie qui côtoie le bord inférieur du domaine
des normes de droit international pénal voir les considérations que nous avons fait dans l’introduction
générale. Pour des considérations intéressantes du point de vue substantiel sur la relation entre le droit
international pénal et le droit pénal international voir S. SUR, Le droit international pénal entre l’État et
la société internationale, cit., p. 49 s.; M. HENZELIN, Droit international pénal et droits pénaux
étatiques, cit., p. 69 s.
1654 Voir le texte de l’article 20 § 1 e) et de l’Annexe du Projet de 1994 de la C.D.I. in C.D.I., Rapport à
l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p. 76, § 91, p. 155-173. Voir le
texte des articles 22 et 26 du Projet élaboré en 1993 par le Groupe de travail et les commentaires relatifs
in Groupe de travail sur un Projet de Statut pour une C.C.I., Rapport à la C.D.I. – Projet de Statut d’un
Tribunal criminel international, 1993, cit., p. 285-288, 293-297.
1655 Voir Comité préparatoire pour la création d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte
final), 1998, doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 28-30, article 5 § 1 e) (Crimes relevant de la compétence
de la Cour).
1656 Sur la question de l’élargissement de la compétence de la C.P.I. aux personnes morales voir O.
Triffterer, Efforts to Recognize and Identify International Crimes, Rapport général au Colloque
préparatoire du XIV Congrès international de droit pénal, cit., p. 61-66.

469
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

particulièrement valable pour les atteintes massives à l’environnement, car dans ce


domaine les entreprises commettent souvent des infractions, malgré l’obligation
internationale préventive de contrôle et de sanction qui incombe aux États en vertu de
plusieurs conventions. De toute façon, depuis longtemps la meilleure doctrine souligne
que le droit international pénal peut constituer une arme importante nouvelle dans le
combat de la criminalité croissante.1657
Même si l’élaboration d’un système de droit international pénal, tel que nous l’avons
proposé, ouvre, avec beaucoup d’interrogations, l’espace pour une recherche de ce type,
qui pourrait servir à vérifier le potentiel du système conçu, ce n’est pas dans notre
intention de développer une étude analytique de ce genre.1658 On se limitera à
considérer rapidement quels peuvent être les avantages et les désavantages du système
de droit international pénal par rapport à celui du droit pénal international et on prendra
en considération seulement quelques infractions de droit pénal international, à titre
exemplaire, juste pour ouvrir des perspectives.1659
Dans le monde globalisé, où le crime assume, de plus en plus, une dimension
transnationale, le droit international pénal pourrait se révéler une arme précieuse pour
compléter la réponse du droit pénal international.1660
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

§ 10.14. Avantages et désavantages du système de droit international pénal et de


droit pénal international.
Nous avons déjà développé une analyse essentielle des mécanismes et une
comparaison des systèmes de droit international pénal et de droit pénal international au
cours des considérations introductives. Rappelons quelques éléments indispensables
pour développer des considérations ultérieures.1661

1657 Voir Q. SALDAÑA, La justice pénale internationale, cit., p. 285-289. Sur la question de
l’élargissement objectif de la compétence de la C.P.I. voir, aussi, Comité préparatoire pour
l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité préparatoire en mars-avril et août 1996),
doc. A/51/22, cit., p. 26-28, § 103-104; Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport,
vol. II (Compilation des propositions), 1996, doc. A/51/22/A, cit., p. 301-302 (Annexe I – Crimes définis
ou visés par des traités)).
1658 Pour une étude analytique des relations entre les crimes de droit international pénal et le droit pénal
international voir A.I.D.P., Actes du Colloque préparatoire du XIV Congrès international de droit pénal,
Hammamet, Tunisie, 6-8- juin 1987, in R.I.D.P., 1989, 1/2 trim., p. 9-595.
1659 Pour une approche des crimes de droit pénal international susceptibles de rentrer dans le domaine du
droit international pénal voir L.S. SUNGA, The Emerging System of International Criminal Law, cit., p.
183-226. Pour un cadre général des crimes susceptibles de constituer la partie spéciale du droit
international pénal voir S.G., Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité, préparé par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 334-357.
1660 Sur le problème du développement de la criminalité transnationale voir S.G., Rapport à l’A.G. sur
l’activité de l’Organisation, in A.G., doc. off., 52ème sess., 1997, suppl. n. 1, A/52/1, in ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N97/227/43/PDF/N9722743.pdf?OpenElement›, p. 21-23, § 130-142.
1661 Sur la relation entre le système de la justice internationale pénale et les systèmes pénaux nationaux
voir M.-C. BASSIOUNI, Le droit pénal international: son histoire, son objet, son contenu, cit., p. 76-82;
A. CASSESE, La répression des infractions internationales – Introduction, in H. ASCENSIO, E.
DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 621 s.; A. CASSESE, International Criminal
Law, Oxford/New York/Auckland, Oxford University Press, 2003; G.K. MCDONALD, O. SWAAK
GOLDMAN, Substantive and Procedural Aspects of International Criminal Law: the Experience of
International and National Courts, The Hague/Boston/London, Nijhoff, 2000; L. CORNIL, Les
possibilités du droit international pénal, in R.I.D.P., 1956, 1/2 trim., p. 9-32; V. ABELLAN
HONRUBIA, La responsabilité internationale de l’individu, cit., p. 135 s.; J.-P. LABORDE Les apports
des institutions et instruments internationaux aux systèmes de justice pénale nationaux, in R.I.D.P., 1997,
1/2 trim., p. 233 s.; F. MARKUS, Les possibilités et les conditions de la justice pénale internationale, in

470
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

En comparant le système de droit international pénal et celui de droit pénal


international, il faut reconnaître que le premier est plus cohérent que le second. La
raison la plus évidente réside dans le fait que l’infraction, en droit international pénal,
est unique, définie de façon uniforme dans un traité qui institue une juridiction
internationale, ce qui répond au principe fondamental de la précision dans la définition
des crimes et, surtout, assure à tout sujet accusé le même traitement. Par contre, la
définition des infractions de droit pénal international n’est encadrée que dans ses
grandes lignes par un traité, tandis que les lois internes doivent, ensuite, définir
précisément les éléments du crime. Ainsi, il est évident qu’il ne peut pas y avoir
d’uniformité dans la définition du crime, tout au plus il pourra exister une ressemblance
dans la définition de la figure criminelle, selon que le traité définira les critères pour
encadrer le crime et la sanction de manière plus ou moins stricte. L’absence
d’uniformité dans la définition de l’infraction dans le différents États amène à juger de
façon différente des cas égaux ou, du moins, semblables, ce qui réduit la certitude, donc
la confiance des sujets dans le système et, par conséquent, l’efficacité. Justement, un
des critères pour évaluer si un crime de droit pénal international peut rentrer dans la
catégorie du droit international pénal est celui du degré d’uniformité de sa
définition.1662 D’ailleurs, la non-uniformité du droit pénal pourrait se manifester non
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

seulement par la réglementation différente de la même figure criminelle dans des États
différents, mais aussi par une réglementation non cohérente de figures criminelles
différentes. Ce problème naît de l’accord en tant que source du droit international, car
un État pourrait participer à plusieurs conventions qui règlent des matières différentes
indépendamment les unes des autres, sans avoir spécialement regard au principe de la
proportion. Étant engagé par plusieurs conventions non complètement cohérentes, un
État se verrait obligé de se conformer aux obligations internationales, en sacrifiant la
cohérence interne de son ordre juridique. L’incohérence du droit pénal international ne
peut que résulter augmentée par le fait que les conventions rassemblent des pays qui
ont, souvent, des traditions juridiques très différentes, qui sont obligés de faire des
concessions réciproques et de parvenir à des compromis pas tout à fait cohérents avec
les principes typiques des ordres internes respectifs. Il suffit de considérer que, dans les
pays de tradition de Common Law, le jugement sur la base du précédent, en droit pénal,
est admis, alors que l’application de cette règle, dans les pays adhérent à la tradition de
la Civil Law, constituerait une violation flagrante du principe de légalité (nullum
crimen, nulla poena sine lege). Par ailleurs, il est vrai qu’on rencontre cette difficulté
même dans le domaine du droit international pénal, lorsqu’il s’agit de dégager des
règles absolument communes en partant de positions très différentes.1663
Au niveau de la procédure, le jugement des mêmes faits par des juridictions
différentes peut amener à des arrêts non uniformes, entraînant une ultérieure
fragmentation du droit pénal international. Cette différence de traitement se

R.I.D.P., 1974, 3/4 trim., p. 453-461; T. VOGLER, The Philosophy of Criminal Justice in International
Criminal Law, in R.I.D.P., 1982, 3/4 trim., p. 917 s.
1662 Sur le problème de l’application des sanctions différentes à des cas égaux voir M. HENZELIN, Droit
international pénal et droits pénaux étatiques, cit., p. 101 s; K. AMBOS, On the Rationale of Punishment
at the Domestic and International Level, in M. HENZELIN, R. ROTH, Le droit pénal à l’épreuve de
l’internationalisation, cit., p. 305 s.
1663 Sur la question du désordre du droit pénal international et du droit international pénal voir B.
SIMMA, A. PAULUS, Le rôle relatif des différentes sources du droit international pénal, cit., p. 58,
d’après lesquels: “Le droit conventionnel souffre de l’absence d’un système cohérent organisant
l’ensemble du droit international pénal.”. Pour un panorama des problématiques liées au système de droit
pénal international voir G. DE LAPRADELLE, La compétence universelle, cit., p. 908-910; M.
HENZELIN, Droit international pénal et droits pénaux étatiques, cit., p. 95 s.

471
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

manifesterait, notamment, dans l’interprétation variable des règles internationales par


les juges internes.1664 En revanche, la juridiction internationale devrait amener à
l’uniformité du jugement, notamment dans l’application de la peine.1665 De surcroît la
juridiction internationale présente l’avantage de l’impartialité du jugement par rapport
aux juridictions internes.1666
Du côté substantiel, le droit pénal international impose l’application du principe de la
lex fori, car aucune juridiction n’applique la loi pénale d’un État étranger, ce qui n’est
pas équitable. Du côté procédural, il faut résoudre les problèmes de la coopération inter-
étatique, pas toujours facile à réaliser, et de la reconnaissance des sentences étrangères,
qui pose le problème du ne bis in idem. En effet, bien que les organes internationaux
puissent faciliter la collaboration, comme dans le cas de la Résolution 3074 (XXVIII)
de l’A.G.N.U. du 3 décembre 1973, qui invite les États à coopérer dans le jugement des
sujets responsables de crimes de guerre et contre l’humanité, les décisions dépendent,
finalement, des États.1667
En outre la juridiction internationale pénale permettrait, au moins en théorie, de
responsabiliser les États pour des conduites criminelles, si l’on appliquait correctement
le principe de l’imputation organique et si les États mêmes décidaient de se soumettre à
la juridiction internationale, car la juridiction internationale est supérieure aux États
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souverains.1668 En revanche, dans le cadre du droit pénal international, aucune


juridiction ne pourrait juger un État, en vertu du principe de l’égalité souveraine.1669 Ce
principe a été clairement affirmé par la C.D.I. dans le Projet d’articles sur les immunités
des États adopté en 1991. Aux termes de l’article 5, en effet: “Un État jouit, pour lui
même et pour ses biens, de l’immunité de juridiction devant les tribunaux d’un autre
État”.1670 Par ailleurs, même les chefs d’État dans l’exercice des fonctions jouissent de

1664 Voir V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 122. Sur la liberté
d’interprétation du droit international par les juges internes voir I.D.I., Résolution, L’activité du juge
interne et les relations internationales de l’État, Milan, 7 septembre 1993, disponible dans le site Internet
‹http://www.idi-iil.org/idiF/resolutionsF/1993_mil_01_fr.PDF›, p. 1-3, articles 1-7.
1665 Dans cet ordre d’idées voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p.
142.
1666 Voir A. CASSESE, On the Current Trend toward Criminal Prosecution and Punishment of
Breaches of International Humanitarian Law, cit., p. 8; H. KELSEN, Peace through Law (La pace
attraverso il diritto) cit., p. 141-142.
1667 Voir J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques observations, cit., p. 67-70. Sur
la question de la coopération inter-étatique voir W. BOURDON, La coopération judiciaire inter-étatique,
cit., p. 921 s.
1668 En effet, d’après l’opinion de V. Pella, le droit international pénal est “la discipline qui, en vue de la
défense de l’ordre international, détermine les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, prévoit
les sanctions et fixe les conditions de la responsabilité des individus, des États et des autres personnes
juridiques” (voir V. PELLA, La codification du droit pénal international, cit., p. 347). Sur l’érosion de la
souveraineté étatique par les T.P.I. voir A. CASSESE, Y-a-t-il un conflit insurmontable entre
souveraineté des États et justice pénale internationale?, in A. CASSESE, M. DELMAS-MARTY (sous
la direction de), Crimes internationaux et juridictions internationales, cit., p. 13- 29; R. BADINTER,
Réflexions générales, in A. CASSESE, M. DELMAS-MARTY (sous la direction de), Crimes
internationaux et juridictions internationales, cit., p. 49-56.
1669 Sur l’impossibilité que la juridiction d’un État juge les actes d’un autre État voir H. KELSEN, Peace
through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 113 s. Toutefois, pour interprétation différente voir E.
BENVENISTI, Justice and Foreign Affairs: a Comment on the Institut de droit international’s
Resolution on “The Activities of National Courts and the International Relations of Their State”, in
E.J.I.L., 1994, vol. 5, n. 3, p. 423 s.; H.G. SCHERMERS, The Role of Domestic Courts in Effectuating
International Law, in Leiden J.I.L., 1990, n. 3, p. 77, 79.
1670 Voir le texte du Projet in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-troisième session,
29 avril-19 juillet 1991, in A.G., doc. off., 46ème sess., 1991, suppl. n. 10, A/46/10, in ‹http://ods-dds-
ny.un.org.doc/UNDOC/GEN/G69/171/57/IMG/G6917157.pdf?OenElement›, p. 11 s., § 28. Sur le Projet

472
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

l’immunité absolue à l’égard des juridictions étatiques, étant couverts par le principe de
la souveraineté (par in parem non habet imperium).1671 En revanche, depuis l’évolution
de la jurisprudence anglaise dans l’affaire Pinochet, les chefs d’État ayant cessé leurs
fonctions ne jouissent plus d’une immunité absolue à l’égard des juridictions étrangères
car, du moins pour certains crimes, ils sont passibles de jugement.1672 C’est la raison
pour laquelle on a affirmé que “après quarante-cinq ans de respect de la souveraineté
des États, qui se trouve à la base du droit international, c’est-à-dire inter-étatique, la
référence à des principes éthiques universels donne peu à peu naissance à un autre droit,
mondial cette fois”.1673 Les juridictions internes, quand même, risquent de rencontrer
des obstacles sérieux dans ce type de jugements, notamment en raison des enjeux
politiques qui s’y rattachent.1674 De facto, toutefois, la juridiction internationale
obligatoire est acceptée seulement pour les individus, tandis que toute tentative
d’instaurer le principe de la responsabilité pénale des États a misérablement échoué. En
outre, dans la pratique de la coopération avec les États, les juridictions internationales
rencontrent des nombreux obstacles aux poursuites, notamment en matière de
disponibilité à recueillir les preuves et à remettre les sujets accusés à la Cour.
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voir C. KESSEDJIAN, C. SCHREUER, Le Projet d’articles de la C.D.I. des N.U. sur les immunités des
États, in R.G.D.I.P., 1992, t. 96, n. 2, p. 299 s. Conformément voir l’opinion de V. Pella in S.G.,
Mémorandum concernant le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, préparé
par V. Pella, doc. A/CN.4/39, cit., p. 359, § 163.
1671 Sur l’immunité des agents étatiques pour les actes accomplis dans l’exercice des fonctions et le
dépassement par la juridiction pénale internationale voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace
attraverso il diritto), cit., p. 114-117, 130, 139.
1672 Voir House of Lords, Regina v. Bartle and the Commissioner of Police for the Metropolis and
Others Ex Parte Pinochet, Regina v. Evans and the Commissioner of Police for the Metropolis and
Others Ex Parte Pinochet (on Appeal from a Divisional Court of the Queen’s Bench Division),
Judgement (appeal), 24 march 1999, in ‹http://www.ridi.org/adi/199812s1.html›; House of Lords, In Re
Pinochet, Judgement, 17 december 1998/15 january 1999, disponible dans le site Internet
‹http://www.ridi.org/adi/199812s1.html›; House of Lords, Regina v. Bartle and the Commissioner of
Police for the Metropolis and Others Ex Parte Pinochet (on Appeal from a Divisional Court of the
Queen’s Bench Division), Regina v. Evans and Another and the Commissioner of Police for the
Metropolis and Others Ex Parte Pinochet (on Appeal from a Divisional Court of the Queen’s Bench
Division), Judgement (Appeal), 25 november 1998, disponible dans le site Internet
‹http://www.ridi.org/adi/199812s1.html›. Sur l’évolution de la jurisprudence dans ce domaine voir J.
BARBOZA, International Criminal Law, cit., p. 170 s.; N. BOISTER, R. BURCHILL, The Pinochet
Precedent: Don’t Leave home without It, in Crim. L.F., 1999, vol. 10, issue 4, p. 405 s.; A.F. PEREZ,
The Perils of Pinochet: Problems for Transnational Justice and a Supranational Governance Solution, in
Denver J.I.L.P., 2000, spring, vol. 28, n. 2, p. 175 s.; A. MUXART, Immunité de l’ex-chef de l’État et
compétence universelle: quelques réflexions à propos de l’affaire Pinochet, in Actualité et droit
international, décembre 1998, in ‹http://www.ridi.org/adi›; H. FOX, The Pinochet Case No. 3, in
I.C.L.Q., 1999, p. 687-702; H. FOX, The First Pinochet Case: Immunity of a Former Head of State, in
I.C.L.Q., 1999, p. 207-216; J.-Y. DE CARA, L’affaire Pinochet devant la Chambre des Lords, in
A.F.D.I., 1999, XLV, p. 72-104; M. MAHMOUD, Les leçons de l’affaire Pinochet, in J.D.I., 1999, p.
1021-1041; S. VILLALPANDO, L’affaire Pinochet: beaucoup de bruit pour rien? L’apport au droit
international de la décision de la Chambre des Lords du 24 mars 1999, in R.I.D.P., 2000, t. 104, n. 2, p.
393-427. Dans la presse non spécialisée voir C. TREAN, Les Lords ont ouvert un nouveau chapitre de la
justice internationale, in Le Monde, n. 16745, vendredi 27 novembre 1998, p. 4; C. TREAN, La
jurisprudence Pinochet, in Le Monde, n. 17112, mardi 1er février 2000, Horizons – Analyses, p. 1, 19; C.
TREAN, L’affaire Pinochet relance le débat sur le jugement des crimes contre l’humanité, in Le Monde,
n. 16740, samedi 21 novembre 1998, p. 2.
1673 Voir J. LÉVI, Vers une société politique mondiale, in Le Monde, n. 16751, vendredi 4 décembre
1998, Horizons – Débats, p. 16.
1674 Voir C. TREAN, Le cas d’Augusto Pinochet illustre les difficultés politiques du combat contre
l’impunité, in Le Monde, n. 16713, mercredi 21 octobre 1998, Analyse, p. 4.

473
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Du point de vue des avantages du droit pénal international, il faut signaler que les
juridictions nationales ont plus de facilité, en général, à recueillir les preuves, au moins
lorsque le principe qui fonde la compétence et celui du lieu de la commission du crime.
En effet, siégeant dans des États souvent neutres par rapport au crime, les tribunaux
internationaux sont loin des éléments de preuves, de sorte qu’ils sont contraints de
s’appuyer sur la collaboration des États, mais alors la tâche se complique.1675 En outre,
en général, la justice internationale est très coûteuse, pour plusieurs raisons, dont on ne
citera que le nombre des sujets accusés, qui demande l’emploi d’un personnel
consistant et la mise en place d’instruments techniques imposants, tandis que la justice
ordinaire interne est plus économique.1676 Par ailleurs, la justice internationale pénale
est centralisée, donc trop lourde pour faire face à tous les crimes de l’ordre juridique
international, tandis que la justice pénale internationale est plus flexible.1677
Ayant ainsi défini les avantages et les désavantages du système de droit international
pénal et de droit pénal international, on peut conclure que, si le premier est plus
cohérent, le deuxième est sûrement plus pratique: forcement le deux systèmes doivent
coexister. Toutefois, alors que les systèmes criminels nationaux sont indispensables à la
justice internationale pénale, le contraire n’est pas vrai, car les droits internes ne
dépendent pas de la juridiction internationale.1678
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Nécessairement le domaine du droit international pénal est plus étroit que celui du
droit pénal international. La doctrine parle, à ce sujet, de “crimes au sens strict (crimes
stricto sensu)” et de “crimes au sens large (crimes lato sensu)”.1679 Selon le point 1 de
la première partie de la Résolution concernant les crimes internationaux et le droit pénal
interne, adopté par l’A.I.D.P. lors du XIV Congrès international de droit pénal, tenu à
Vienne en en 1989: “a) Les infractions internationales stricto sensu devraient être
reconnues par la communauté internationale selon les règles généralement admises pour
la création du droit international public […] les infractions internationales stricto sensu
devraient être limitées aux violations des valeurs essentiels de la communauté
internationale. Si ces conditions sont remplies, cette catégorie peut comprendre d’autres
infractions internationales; b) Les infractions internationales lato sensu […] ne sont pas
nécessairement reconnues par l’ensemble de la communauté internationale et ont trait à
des violations de valeurs dont la protection nécessite la coopération des États concernés.
La responsabilité pour ces infractions sera admise sur la base du droit interne”.1680

1675 Voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some Preliminary Reflections, cit., p. 158; A.
CASSESE, On the Current Trend towards Criminal Prosecution and Punishment of Breaches of
International Humanitarian Law, cit., p. 10 s.; S. SUR, Le droit international pénal entre l’État et la
société internationale, in Actualité et droit international, octobre 2001, in ‹http://www.ridi.org/adi›.
1676 Sur les problèmes de la mise en pratique de la juridiction internationale pénale voir F. JARASCH,
Establishment, Organization and Financing of the I.C.C. (Parts I, IV, XI-XIII), in European Journal of
Crime, Criminal Law and Criminal Justice, 1998, vol. 6, issue 4, p. 325; A. CASSESE, On the Current
Trend towards Criminal Prosecution and Punishment of Breaches of International Humanitarian Law,
cit., p. 10.
1677 Voir J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques observations, cit., p. 71.
1678 Sur la cohabitation et le fonctionnement parallèle du système de droit international pénal (model
directe de poursuite) et du système de droit pénal international (model indirecte de poursuite) voir L.
Gardock, Legal Problems Emerging from the Implementation of International Crimes in International
Criminal Law, Rapport général au Colloque préparatoire du XIV Congrès international de droit pénal,
Hammamet, Tunisie, 6-8 juin 1987, in R.I.D.P., 1989, p. 91-111.
1679 Voir O. Triffterer, Effort to Recognize and Codify International Crimes, Rapport général au
Colloque préparatoire du XIV Congrès international de droit pénal, 1987, cit., p. 39-54.
1680 Voir A.I.D.P., Résolution concernant les crimes internationaux et le droit pénal interne, 1989, cit., p.
108, 1ère partie, point 1.

474
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Etant donnée la nature exclusive du droit international pénal, toute recherche qui
essaye de définir les catégories de crimes susceptibles de rentrer dans le cadre du droit
international pénal s’annonce comme une tâche difficile.

§ 10.15. Quelques infractions de droit pénal international susceptibles de rentrer


dans la compétence de la Cour pénale internationale: l’intervention.
Parmi les infractions de droit pénal international, l’intervention est, sûrement, l’une
des plus graves et des plus problématiques.
Nous avons déjà soulevé la question dans le cadre de la reforme de l’article
définissant les crimes des États. Il nous a semblé bien de faire de l’intervention une
conduite criminelle contre le droit à l’existence, à la souveraineté des États et à
l’autodétermination des peuples en mesure, même, d’absorber l’agression. Toutefois
nous avons aussi souligné comme la définition de l’intervention est, à l’état actuel, trop
générique pour en faire une catégorie criminelle solide.1681
Plusieurs textes se sont occupés de l’intervention, mais leur efficacité est variable et
leurs définitions de l’infraction ne sont pas uniformes. L’Assemblée générale des N.U.
a élaboré plusieurs résolutions et déclarations sur la question, notamment les
Résolutions 290 (IV) du 1er décembre 1949 et 2131 (XX) du 1er décembre 1963, sur
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des États et la protection


de leur indépendance et de leur souveraineté, la Résolution 2625 (XXV) du 24 octobre
1965, contenant la Déclaration relative aux relations amicales et à la coopération entre
États, 3ème principe, la Résolution 31/91 du 14 décembre 1976, sur le principe de non
intervention, la Résolution 36/103 du 9 décembre 1981, portant Déclaration sur
l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des
États. Au plan régional on se souviendra de la Charte de l’O.E.A. du 30 avril 1948
(article 19), de l’Acte final de la conférence d’Helsinki, du 1er août 1975 (Questions
relatives à la sécurité en Europe – 1, 1-A-VI), de la Charte de l’O.U.A. du 25 mai 1963
(article 3 § 2), ainsi que de l’Acte constitutif de l’O.U.A., de Lomé, du 11 juillet 2000
(article 4).
La définition la plus claire semble celle fournie par la jurisprudence de la C.I.J.,
d’après laquelle l’intervention peut être encadrée comme une ingérence contraignante
par un État dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État en violation du
principe de souveraineté.1682 Dans cet ordre d’idées, l’agression n’est qu’une forme
d’intervention particulière: celle exercée par le biais de la force armée.1683
Toutefois la définition est trop large, car beaucoup de conduites pourraient rentrer
dans la catégorie de l’intervention, allant de l’agression jusqu’à la promulgation des lois

1681 Voir le considérations que nous avons fait, supra, en traitant du problème de la définition des
conduites criminelles spécifiques et de la réforme de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États
de 1996.
1682 Voir C.I.J., Activités militaire et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua/États-
Unis d’Amérique, arrêt du 27 juin 1986, in C.I.J. Rec., 1986, p. 108, où l’on affirme que “d’après les
formulations généralement acceptées […] l’intervention interdite doit donc porter sur des matières à
propos desquelles le principe de souveraineté des États permet à chacun d’entre eux de se décider
librement. Il en est ainsi du système politique, économique, social et culturel et de la formulation des
relations extérieures. L’intervention est illicite lorsqu’à propos de ces choix, qui doivent demeurer libres,
elle utilise des moyens de contrainte”. Sur le problème de la définition de l’intervention voir, en doctrine,
J.-M. THOUVENIN, L’intervention, cit., p. 447 s.
1683 D’après le 7ème paragraphe du préambule de la Résolution 2131 (XX) de l’A.G.N.U. du 1er décembre
1963 “l’intervention armée est synonyme d’agression”.

475
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

ayant des effets de contrainte sur un autre État.1684 En outre, il n’est pas facile de définir
la limite entre l’intervention licite et celle illicite, surtout en raison de la
“désacralisation” progressive du principe de non-intervention, du moment qu’il faut
établir quel est le seuil de contrainte tolérable.1685 C’est ainsi que le Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité qui, dans les élaborations de 1954 et
de 1991, prévoyait le crime individuel d’intervention, dans sa dernière version de 1996
renonce à classer la figure comme crime contre la paix et la sécurité de l’humanité.
Il est certain, tout de même, que, pour réaliser l’intervention, il faut que l’individu,
punissable à titre individuel, agisse en tant qu’organe d’un État, de sorte que ce crime
implique, nécessairement, la responsabilité collective en même temps que celle de la
personne physique. Par conséquent, si on ne le soumet pas à la compétence de la
juridiction internationale, il demeurera impuni, ou soumis à la seule réglementation
politique. Il serait, donc, souhaitable de parvenir à définir cette figure criminelle afin de
l’introduire dans le Statut de la C.P.I. et dans le Projet sur la responsabilité des États.1686

§ 10.16. Le mercenariat.
Le mercenariat est un crime strictement lié aux conflits armés: pour cette raison,
notamment pour sa liaison avec le sujet étatique, il constitue une figure intéressante du
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

point de vue du droit international pénal.1687


L’histoire montre que la pratique du mercenariat a été longtemps et habituellement
pratiquée aux cours des siècles, jusqu’à ce que l’éveil du sentiment national n’en a
signé le recul. Au cours du XX siècle c’est surtout dans les conflits africains que les
États ont souvent eu recours à l’aide de personnes étrangères pour des fins militaires.
Il n’y a pas beaucoup d’instruments internationaux effectifs qui traitent du crime en
question. L’A.G.N.U. s’est occupé du mercenariat dans les Résolution 57/196 du 18
février 2002 et 58/162 du 22 décembre 2003, portant “Utilisation des mercenaires
comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des
peuples à l’autodétermination”. La Convention de l’O.U.A. sur l’élimination du
mercenariat, adoptée à Libreville le 3 juillet 1977 et entrée en vigueur le 22 avril 1985,
s’occupe spécifiquement de la question. En revanche, la Convention internationale
contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction des mercenaires,
adoptée par l’A.G.N.U. par la Résolution 44/34 du 4 décembre 1989, n’est pas encore
entrée en vigueur.1688 Le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité s’est occupé de la question en 1991 (article 23), mais il a complètement
abandonné cette forme d’incrimination dans sa dernière version, de 1996, suite à la
réduction drastique des conduites incriminées.

1684 Voir A. PELLET, Sanctions, extraterritorialité, intervention des lois très reprochables, in H.
GHÉRARI, S. SZUREK Sanctions unilatérales, mondialisation du commerce et ordre juridique
international, Paris, Montchrestien, 1998, p. 321 s.
1685 Voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 440; I. BROWNLIE,
Principles of Public International Law, 4ème éd., Oxford, Clarendon Press, 1990, p. 291.
1686 En faveur de la pénalisation de l’intervention, malgré l’attitude hostile des États, voir J.-M-
THOUVENIN, L’intervention, cit., p. 454 s.
1687 Sur le crime de mercenariat en droit international voir H. GHÉRARI, Le mercenariat, in H.
ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 467-475; E. DAVID, Les
mercenaires en droit international, in R.B.D.I., 1977, p. 197 s.; P. GARGIULO, Il diritto internazionale e
il problema dei mercenari, in Com. Int., 1985, p. 79 s.; J. TERCINET, Les mercenaires et le droit
international, in A.F.D.I., 1977, XXIII, p. 269 s.; L.S. SUNGA, The Emerging System of International
Criminal Law, cit., p. 203-205.
1688 Sur la Convention en question voir T. TREVES, La Convention de 1989 sur les mercenaires, in
A.F.D.I., 1990, XXXVI, p. 520 s.

476
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Sur la base des données juridiques mentionnées, notamment de la Convention


élaborée au sein des N.U., on peut affirmer que l’infraction consiste dans le fait
d’engager un mercenaire afin qu’il participe à des hostilités ou à des actes de violence
concertés, notamment directs contre l’ordre d’un État. La faute est double, consistant
dans le fait d’engager, financer ou instruire un mercenaire ou bien de se battre pour
obtenir des avantages strictement personnels (position du mercenaire).1689
Le sujet qui participe aux hostilités doit être qualifié de mercenaire lorsqu’il combat
pour obtenir un avantage personnel, sans être ressortissant d’une partie au conflit, ni
résident dans le territoire contrôlé par celle-ci, ni même membre d’une force armée
étatique.1690
D’après la Convention des N.U. de 1989, les États sont chargés de réprimer les
agissements criminels en question. La Convention de l’O.U.A. de 1977 suit la même
ligne, tout en précisant que la peine pour le crime doit être la plus sévère prévue dans la
législation interne. Les critères pour établir la compétence consistent dans les principes
du lieu de la commission du crime, de la nationalité de l’auteur de l’infraction ainsi que
dans le critère du lieu où se trouve le suspect, renforcé par l’application de la règle aut
dedere aut iudicare. Le régime auquel le crime de mercenariat est soumis relève, donc,
clairement, du droit pénal international, car la définition de l’action illicite est prévue,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

au niveau international, seulement de façon générique, tandis que la définition


spécifique du crime et le régime des poursuites relèvent de la compétence interne et de
la coordination entre les différentes juridictions. Quoique le régime des poursuites
applique des principes sévères pour faire face à cette infraction, il est impuissant face à
la responsabilité étatique, souvent impliquée dans le crime, notamment du côté de
l’engagement, de l’instruction et du financement du mercenaire. Le Statut de la C.P.I.
ne dit rien à ce propos, de sorte qu’il faut exclure, du moins à l’état actuel, la
compétence de la Cour en la matière. Pourtant, le Groupe de travail de la C.D.I. sur un
Projet de Statut pour une C.C.I. avait envisagé, en 1993, la possibilité de soumettre le
mercenariat à la compétence de la Cour.1691

§ 10.17. Le terrorisme.
Un autre crime susceptible de rentrer dans le domaine des infractions soumises à la
juridiction de la C.P.I. est, sans doute, le terrorisme. En ce sens s’étaient exprimés
certains membres du Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I. lors des
travaux de 1996.1692 D’ailleurs, déjà l’article 20 § 1 e) et l’Annexe du Projet de Statut
de la C.C.I., de 1994, proposé par la C.D.I., dans le sillage des articles 22 et 26 § 2 du
Projet de 1993 du Groupe de Travail sur un Projet de Statut pour une C.C.I., faisaient
rentrer dans la compétence de la Cour les infractions prévues à l’article 1er de la

1689 Sur la question de l’emploi des mercenaires voir H.C. BURMESTER, The Recruitement and Use of
Mercenaries in Armed Conflicts, in A.J.I.L., 1978, january, vol. 72, n. 1, p. 37 s. Pour une étude de la
définition du mercenariat voir A. Bernales Ballestreros (Rapporteur spécial de la Commission des droits
de l’homme), Rapport à l’A.G. sur la question de l’utilisation des mercenaires comme moyen de violer
les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à l’autodétermination, in A.G., doc.
off., 58ème sess., 2003, A/58/115, disponible dans le site électronique des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N03/417/13/PDF/N0341713.pdf?OpenElement›, p. 1-23.
1690 Sur la définition de la figure du mercenaire voir A. CASSESE, Mercenaries, Lawful Combatants or
War Criminals?, in Z.a.ö.R.V., 1980, vol. 40, p. 1 s.; E. DAVID, Mercenaires et volontaires
internationaux en droit des gens, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1978.
1691 Voir Groupe de travail sur un Projet de statut pour une C.C.I., Rapport à la C.D.I. – Projet de Statut
d’un T.C.I., 1993, cit., p. 288.
1692 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité
préparatoire en mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 26-27, § 106-107.

477
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Convention de La Haye pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, du 16


décembre 1970.1693 L’article 5 § 1 e) du Projet de Statut élaboré par le Comité
préparatoire en 1998 envisageait expressément de soumettre le terrorisme à la
compétence de la Cour.1694 Finalement cette hypothèse a été écartée, dans le Statut de la
C.P.I., pour l’impossibilité de parvenir à une définition précise et uniforme de
l’infraction et parce que la réponse étatique, décentralisée, semblait plus efficace.1695 En
outre, déjà en 1937, sous les auspices de la S.d.N., une Conférence
intergouvernementale, composée de treize États, adopta une Convention, finalement
non ratifiée, pour la création d’une Cour pénale internationale, compétente en matière
de terrorisme, sur la base d’un Projet de V. Pella.1696 Dans les intentions de l’auteur,
tout de même, on aurait dû élargir la compétence de la Cour à tous les crimes mettant en
danger la sécurité internationale.1697
La question a tristement acquis, aujourd’hui, une dimension planétaire grave, de
sorte que le terrorisme constitue, selon la position de l’A.G.N.U., une “menace directe à
la paix et à la sécurité internationales”.1698 Dans le même sillage le C.d.S. a affirmé que
le terrorisme constitue une atteinte à la paix et à la sécurité internationales dans ses
Résolutions 1269 du 19 octobre 1999 (Responsabilité du Conseil de sécurité quant au
maintien de la paix et de la sécurité internationales), 1368 du 12 septembre 2001
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(Menaces à la paix et à la sécurité internationales résultant d’actes terroristes), 1373 du


28 septembre 2001 (Menaces à la paix et à la sécurité internationales résultant d’actes
terroristes), 1526 du 30 janvier 2004 (Menaces à la paix et à la sécurité internationales
résultant d’actes terroristes) et 1566 du 8 octobre 2004 (Menaces à la paix et à la
sécurité internationales résultant d’actes terroristes).1699 Par ailleurs, la Résolution 1373,
perfectionnée, ensuite, par les Résolutions 1526 et 1566, met en place un mécanisme de
réaction étatique exceptionnel par rapport à cette infraction, en érigeant en crime la
fourniture ou la collecte de fonds utilisés pour des actes terroristes, en obligeant les
États à ne pas aider les terroristes et à prendre les mesures de prévention nécessaires, en
remarquant le lien subsistant entre le terrorisme, le blanchiment d’argent, le trafic
d’armes et le trafic illégal de matières nucléaires et, finalement, en constituant le

1693 Voir C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p.
76, § 91, article 20 § 1, p. 155-173, Annexe; Groupe de travail sur un Projet de Statut d’une C.C.I.,
Rapport à la C.D.I. – Projet de Statut d’un Tribunal criminel international, 1993, cit., p. 285-288, article
22, p. 293-297, article 26 § 2.
1694 Voir Comité préparatoire pour la création d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte
final), 1998, doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 28, article 5 § 1 e) (Crimes relevant de la compétence de la
Cour). Sur le débat concernant l’inclusion du crime de terrorisme dans la compétence de la C.P.I. pendant
les travaux préparatoires de son Statut voir, en doctrine, J. SCHEFFER, The U.S. and the I.C.C., cit., p.
1329.
1695 Voir P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The Rome Conference on an I.C.C.: the Negotiating Process, cit.,
p. 29.
1696 Voir le texte de la Convention in V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit.,
Annexe III, p. 157-165.
1697 Voir V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre, cit., p. 121.
1698 Voir A.G.N.U., Séances plénières, Comptes rendus analytiques des séances, lundi 1er octobre 2001-
vendredi 5 octobre 2001, 12ème-22ème séances plénières, in A.G., doc. off., 56ème sess., 2001, A/56/PV.12-
22, point 106 de l’ordre du jour (Mesures visant à éliminer le terrorisme international), disponible in
‹http://www.un.org/french/ga/56/pv.htm›, p. 1 s.
1699 Sur la qualification du terrorisme en tant que “menace contre la paix et la sécurité internationales”
voir, aussi, C.d.S., Rapport à l’A.G., 16 juin 2001-31 juillet 2002, in A.G., doc. off., 57ème sess., suppl. n.
2 (A/57/2), disponible dans le réseau Internet à l’adresse électronique des Nations Unies ‹http://ods-dds-
ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N02/607/82/PDF/N0260782.pdf?OpenElement›, p. 8. En doctrine voir J.A.
FRANK, A Retourn to Lockerbie and the Montreal Convention in the Wake of the September 11th
Terrorist Attacks: Ramifications of Past Security Council and I.C.J. Action, cit., p. 545.

478
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Comité du C.d.S., organe chargé de contrôler l’application de la Résolution. Dans la


pratique des relations internationales les États ont, parfois, eu recours à l’adoption de
contre-mesures, impliquant ou n’impliquant pas l’usage de la force armée, à l’égard
d’États accusés d’avoir méconnu leurs obligations dans le domaine du terrorisme,
comme dans le cas des sanctions prises par les États-Unis à l’encontre de la Libye à la
suite de l’accident aérien de Lockerbie.1700
Malgré la conscience de la gravité des actes de terrorisme, comme dans le cas de
l’intervention, il est difficile de parvenir à une définition uniforme, car il n’y a guère
d’uniformité de points de vue sur son encadrement, surtout au niveau des représentants
étatiques. En effet, pour l’instant, le terrorisme n’existe pas en tant que figure
autonome, car les conduites illicites doivent être repérées dans différentes conventions,
pas nécessairement axées sur cette figure de crime.1701 En particulier la récente vague
d’actes terroristes dans le monde propose de nouveau les problèmes de définir le
terrorisme par rapport à la guerre et de le distinguer du combat légitime.1702 Les
conventions qui définissent les conduites susceptibles de constituer des actes de
terrorisme sont: la Convention de Rome pour la répression d’actes illicites contre la
sécurité de la navigation maritime, du 10 mars 1988, la Convention de Vienne de
l’A.I.E.A. sur la protection physique des matières nucléaires du 3 mars 1980, les
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Conventions contre le détournement d’avions, notamment la Convention relative aux


infractions et à certains actes survenant à bord des aéronefs de Tokyo du 14 septembre
1963, la Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs de La Haye du
16 décembre 1970, la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la
sécurité de l’aviation civile de Montréal du 23 septembre 1971, la Convention de New
York sur la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection
internationale, y compris les agents diplomatiques, du 14 décembre 1973, la
Convention de New York contre la prise d’otages, adoptée par la Résolution 34/146 de
l’A.G.N.U. du 17 décembre 1979, la Convention de l’O.E.A. pour la prévention et la
répression des actes de terrorisme prenant la forme de crimes contre les personnes ou
d’actes connexes qui ont une portée internationale, de Washington, du 2 février 1971, la
Convention européenne pour la répression du terrorisme de Strasbourg du 27 janvier
1977, la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à
l’explosif, adoptée à New York le 15 décembre 1997 par la Résolution 52/164 de
l’A.G.N.U., la Convention internationale pour la répression du financement du
terrorisme, adoptée à New York le 8 décembre 1999.
Notamment, la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à
l’explosif, adoptée à New York le 15 décembre 1997 par la Résolution 52/164 de
l’A.G.N.U. (sur le rapport de la Sixième Commission (A/52/65)) prévoit “l’infraction
de quiconque pose, livre, fait exploser ou détoner un engin explosif dans ou contre un
lieu public, une installation gouvernementale ou une autre installation publique, un
système de transport public ou une infrastructure: a) Dans l’intention de procurer la
mort ou des dommages corporels graves; b) Dans l’intention de causer des destructions

1700 En doctrine, sur ce point, voir S. REGOURD, Raids “anti-terroristes” et développements récents
des atteintes illicites au principe de non-intervention, in A.F.D.I., 1986, XXXII, p. 79.
1701 Voir l’adresse Internet ‹http://www.un.org/french/terrorism/conventions.htm› (site des conventions
des N.U. pour la répression des crimes de terrorisme).
1702 Voir J. DERRIDA, Qu’est-ce que le terrorisme?, in Le Monde Diplomatique, n. 599, février 2004, in
‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 16; J. HABERMAS, Qu’est-ce que le terrorisme?, in Le Monde
Diplomatique, n. 599, février 2004, in ‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 17; J. BROWN, Les
périlleuses tentatives de définir le terrorisme, in Le Monde Diplomatique, n. 575, février 2002, in
‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 4-5.

479
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

massives” (article 2). La Convention internationale pour la répression du financement


du terrorisme, adoptée à New York le 8 décembre 1999, prévoit l’infraction de
quiconque “fournit ou réunit des fonds dans l’intention de les voir utilisés ou en sachant
qu’ils seront utilisés, en tout ou en partie, à fin de commettre: a) Un acte qui constitue
une infraction au regard et selon la définition des traités énumérés en annexe
(Convention du 15 décembre 1997 et autres convention contre le terrorisme); b) Tout
acte destiné à tuer ou blesser grièvement toute personne qui ne participe pas
directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque par sa nature ou
son contexte cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement
ou une organisation internationale à accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte
quelconque” (article 2).
Ces Conventions exploitent, généralement, le principe de la compétence universelle,
associé au critère aut dedere aut iudicare, en vertu duquel tout État sur le territoire
duquel se trouve l’individu accusé est obligé soit de le juger, soit de l’extrader. Ce
mécanisme assure une réponse générale au crime, mais, étant donné l’aspect politique
qui peut s’associer au terrorisme et, surtout, l’éventualité de la participation active d’un
État au crime, il ne serait pas impensable de soumettre l’infraction à la compétence de
la C.P.I.1703 En outre la récente aggravation du crime pousse, souvent, les États à
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adopter des mesures exceptionnelles comme, par exemple, l’institution de tribunaux


spéciaux, qui constituent des limitations des droits fondamentaux, ce qui démontre
l’insuffisance de l’approche interne et la nécessité de penser une réponse internationale
unitaire.1704
En l’absence d’une définition précise on peut qualifier le terrorisme comme un acte
de violence qui vise à créer la terreur afin de forcer la volonté publique.1705 Il s’agit
d’un crime qui lèse, en plus des différents droits attaqués directement par la conduite
illégitime, la liberté de détermination de chaque individu. Il viole les droits de l’homme
et peut aisément assumer la forme du crime contre l’humanité s’il est exécuté, de façon
massive ou systématique, à l’encontre de plusieurs personnes.

1703 Sur l’insuffisance de la répression interne, surtout lorsqu’un État supporte l’action terroriste, voir J.
NYAMUYA MAOGOTOL, War on the Enemy: Self-defence and State-sponsored Terrorism, in
Melbourne J.I.L., 2003, october, vol. 4, n. 2, in ‹http://mjil,law.unimelb.edu.au/mjil/flash/default.asp›, p.
406-438.
1704 Voir I. RAMONET, Antiterrorisme, in Le Monde Diplomatique, n. 600, mars 2004, in
‹http://www.monde-diplomatique.fr›, p. 1; M. DELMAS-MARTY, A crime globale, justice globale, cit.,
p. 14.
1705 Sur la définition du terrorisme voir C. BOURGUÈS-HABIF, Le terrorisme international, in H.
ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 457 s.; G. BOUTHOUL, Le
terrorisme, Études polémologiques, in Revue française de polémologie, 1973, avril, n. 8, p. 37; J.
DAUCHY, Travaux de la Commission juridique de l’Assemblée générale (quarante-neuvième et
cinquantième sessions), cit., p. 515; J. DAUCHY, Travaux de la Commission juridique de l’Assemblée
générale (cinquante et unième session), cit., p. 582 s.; G. GUILLAUME, Terrorisme et droit
international, in R.C.A.D.I., 1989-III, vol. 215, p. 287 s.; H. LABAYLE, Droit international et lutte
contre le terrorisme, in A.F.D.I., 1986, XXII, p. 105 s.; J. PRADEL, Les infractions du terrorisme. Un
nouvel exemple de l’éclatement du droit pénal. La loi du 9 septembre 1986, in Rec. D.S., Chroniques,
1987, p. 39; K. BANNELLIER et al., Le droit international face au terrorisme, Paris, Pedone, 2002; G.
GUILLAUME, Terrorisme international, in D. CARREAU et al., Encyclopédie juridique Dalloz –
Répertoire de droit international, Paris, Dalloz, 1998, t. II, p. 1-6; J.-P. MARGENAUD, La qualification
pénale des actes de terrorisme, in R.S.C., 1990, p. 1 s.; A. CASSESE, Terrorism Is Also Disrupting Some
Crucial Legal Categories of International Law, in E.J.I.L., 2001, vol. 12, n. 5, p. 993 s.; V.P. NANDA,
Foreword: Combating International Terrorism, in Denver J.I.L.P., 2003, vol. 31, n. 1, disponible in
‹http://www.law.du.edu/ilj/online_issues.html›; L.D. JOHNSON, The Threath of Nuclear Terrorism and
September 11th: Wake-up Call to Get the Treaties Right, in Denver J.I.L.P., 2002, fall, vol. 31, n. 1, p. 80
s., in ‹http://www.law.du.edu/ilj/online_issue.html›.

480
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Etant donné ce cadre, il faut se demander si le terrorisme ne peut déjà rentrer dans la
juridiction de la C.P.I., qui, en vertu de l’article 7 § 1 k) de son Statut, peut juger les
“actes inhumains ou analogues [aux autres crimes contre l’humanité] causant
intentionnellement des grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique
ou à la santé psychique ou mentale”. C’est la même question qui concerne la prise
d’otages, les expérimentations médicales inhumaines et la pédophilie, crimes qui
violent les droits de l’homme et qui, commis à large échelle, pourraient rentrer dans la
compétence de la C.P.I. en vertu de l’article 7 § 1 k).1706 Toutefois la façon d’opérer de
la disposition en question, en tant que “valve générale”, n’est pas totalement cohérente
avec les principes fondamentaux du droit pénal.
En ce qui concerne l’aspect subjectif, le terrorisme peut se configurer soit comme
crime de l’individu, ou de plusieurs individus, envers l’État, soit comme crime de l’État
envers l’individu. Le régime de la responsabilité individuelle est difficile à établir en
raison de l’absence d’une définition précise du crime.1707 La responsabilité de l’État
peut prendre la forme tant de la participation active que de l’omission de vigilance et de
contrôle.1708 D’après la définition de la Convention sur la prévention et la répression du
terrorisme, adoptée à Genève le 16 novembre 1937 dans le cadre de la S.d.N., parallèle
à la Convention sur l’institution d’une C.P.I. mais également jamais entrée en vigueur,
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

le fait d’agir pour le compte d’un État était un élément indispensable pour l’existence
du crime. De la même façon le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité de 1991 ne prévoyait que le terrorisme d’État (article 24) dans le sillage des
versions de 1951 et 1953. La présomption de l’article 24 du Projet de 1991 est que seul
le terrorisme d’État constitue une violation grave des intérêts fondamentaux de
l’ensemble de la communauté internationale et mérite, par conséquent, la qualification
de crime contre la paix et la sécurité de l’humanité.1709 La version finale du Projet de
Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, de 1996, en revanche, ne
prévoit pas le crime en question. Tandis que la responsabilité de plusieurs individus
agissant de concert contre l’État pourrait être jugée par la C.P.I. sur la base du principe
de l’organisation criminelle, seulement en cas d’élargissement de sa compétence à
l’égard des États, la C.P.I. pourrait juger, aussi, la responsabilité étatique pour les actes

1706 Les expériences médicales inhumaines, tout de même, sont contemplées expressément comme
crimes de guerre à l’article 8 § 2 b) vii) du Statut de la C.P.I. Le texte des Éléments des crimes précise
que les autres actes inhumains doivent infliger “des grandes souffrances” ou “porter gravement atteinte à
l’intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale” des victimes et doivent “avoir un caractère
similaire à l’un quelconque des actes visés à l’article 7, paragraphe 1, du Statut”. Pour des considérations
critiques sur l’article 7 § 1 du Statut de la C.P.I. voir A. CASSESE, The Statute of the I.C.C.: Some
Preliminary Reflections, cit., p. 150. Sur la disposition concernant les “autres actes inhumains”, prévue,
aussi, par les Statuts des T.P.I. de Nuremberg, de Tokyo, pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, voir,
en jurisprudence, T.P.I.R., Ch. II 1ère inst., Kayshema et Ruzindana, jugement du 21 mai 1999, ICTR-95-
1, § 150-151, où on considère que, pour être qualifié d’inhumain au même niveau des crimes dont les
Statuts cités dressent la liste, un acte doit causer “un préjudice à un être humain, en l’atteignant dans son
intégrité, physique ou mentale, sa santé ou sa dignité”, de sorte qu’il porte atteinte à “l’irréductible
humain, cet élément qui fait de chacun une personne”; T.P.I.R., Ch. II 1ère inst., Kajelijelli, jugement du
1er décembre 2003, ICTR-98-44, § 929 s.; T.P.I.Y., Ch. II 1ère inst., Vasijlievic, jugement du 29 novembre
2002, IT-98-32, § 234-237.
1707 Voir T.M. FRANCK, Criminals, Combatants or What? An Examination of the Role of Law in
Responding to the Threat of Terror, in A.J.I.L., 2004, october, vol. 98, n. 4, p. 686.
1708 En jurisprudence voir Commission générale de réclamation, Chapman, États-Unis
d’Amérique/Mexique, décision du 24 octobre 1930, in R.S.A., N.U., vol. IV, 1930, p. 632 s.
1709 Voir L.S. SUNGA, The Emerging System of International Criminal Law, cit., p. 200-203.

481
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

de terrorisme.1710 Probablement, d’ailleurs, l’extension de la compétence de la C.P.I.


aux États, introduisant un jugement impartial tant au niveau individuel que collectif,
permettrait de sortir des ambiguïtés de la “guerre au terrorisme”.1711

§ 10.18. Les atteintes contre les personnes protégées.


Un crime d’une extrême gravité est constitué par les atteintes contre les personnes
protégées. Étant donné que ces types d’atteintes, en raison de la position des victimes
visées, cherchent à créer la terreur afin de forcer la volonté publique, on peut affirmer
qu’il s’agit d’une forme spécifique de terrorisme.1712
Le Projet de Code des crimes contre la sécurité et la paix de l’humanité qui, jusqu’en
1991, intégrait le crime en question à la figure, plus générale, du terrorisme, dans sa
dernière version de 1996 ne contemple pas cette infraction.
D’autres instruments s’occupent de ce crime de façon autonome: il s’agit,
essentiellement, de la Convention du 14 décembre 1973 sur la prévention et la
répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale
et de la Convention de l’Organisations des États Américains sur la prévention et la
répression des actes terroristes prenant la forme de crimes contre des personnes ou
d’actes d’extorsion connexes ayant une portée internationale, de Washington, du 2
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

février 1971. Ces Conventions définissent un régime de gestion du crime qui relève du
domaine du droit pénal international car l’infraction est définie au niveau international,
tandis que les poursuites sont, essentiellement, confiées aux juridictions internes.
L’action incriminée est constituée par toute conduite qui porte atteinte à l’intégrité
physique, à la dignité ou à la liberté d’une personne protégée, ainsi qu’aux locaux
qu’elle utilise. La victime peut être toute personne protégée appartenant à un État ou à
une organisation internationale: par exemple un agent diplomatique, un chef d’État, un
chef de gouvernement, un ministre, un roi, ainsi que son personnel et sa famille. Les
États signataires des Conventions citées doivent, toutefois, définir l’infraction dans le
détail. Le régime des poursuites est assez strict, prévoyant l’application, pour tous les
État, du principe aut dedere aut iudicare (article 7 de la Convention du 14 décembre
1973, article 5 de la Convention de l’O.E.A. du 2 février 1971). Par ailleurs, l’État qui
effectue les poursuites est tenu d’en informer tout État intéressé ainsi que le Secrétaire
général des N.U.
Valent, pour cette figure criminelle, les considérations déjà faites à propos du
terrorisme: même si le régime de droit pénal international est assez rigide, étant donnée
la gravité du crime en question, il ne serait pas impensable de soumettre explicitement
cette infraction, dont la qualification pénale n’est pas en question, à la juridiction
internationale, surtout en raison du fait qu’on ne peut pas exclure, a priori, une

1710 Sur la nécessité de soumettre le crime de terrorisme au jugement d’une juridiction pénale
internationale voir L. GROSS, International Terrorism and International Criminal Jurisdiction, in
A.J.I.L., 1973, july, vol. 67, n. 3, p. 508-511.
1711 Sur la problématique de la “guerre au terrorisme” voir M. POULAIN, Les attentats du 11 septembre
et leurs suites – Quelques points de repères, in A.F.D.I., 2002, XLVIII, p. 43-45; M. TIGROUDJA,
Quel(s) droit(s) applicable(s) à la “guerre au terrorisme”?, cit., p. 81 s.
1712 Sur les atteintes contre les personnes protégées et leur relation avec le terrorisme voir S. BONAN,
Les attentats contre les personnes protégées, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit
international pénal, cit., p. 485-491; V. COUSSIRAT-COUSTÈRE, L’arrêt de la C.I.J. sur le personnel
diplomatique et consulaire à Téhéran, in A.F.D.I., 1980, XXVI, p. 201 s.; R. HIGGINS, M. FLORY,
Terrorism and International Law, London, New York, Routledge, 1997; J.F. PREVOST, Les aspects
nouveaux du terrorisme international, in A.F.D.I., 1973, XIX, p. 579 s.; F. PRZETACZNIK, La
responsabilité internationale de l’État à raison des préjudices de caractère moral et politique causés à
un autre État, cit., p. 920 s.

482
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

participation étatique à sa commission. Par ailleurs, l’article 20 § 1 e) et l’Annexe du


Projet de Statut de la C.C.I. soumis par la C.D.I. à l’A.G.N.U. en 1994, dans la ligne
des articles 22 et 26 § 2 du Projet du Groupe de travail sur un Projet de Statut pour une
C.C.I., comprenaient, parmi les infractions soumises à la compétence de la Cour, celles
prévues à l’article 2 de la Convention de New York sur la prévention et la répression
des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale y compris
les agents diplomatiques, du 14 décembre 1973.1713

§ 10.19. Les atteintes à la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel


associé.
Un autre crime qui peut être classé comme une forme de terrorisme est constitué par
l’atteinte à la sécurité du personnel des Nations Unies. Il s’agit, en effet, d’un cas
particulier d’infraction à l’égard des personnes protégées, dont la spécificité est
constituée par la qualité de la victime, appartenant à l’Organisation des N.U.: en droit
interne on qualifierait ce crime de “propre”. Naturellement il faut exclure de la
catégorie des victimes le personnel militaire, qui reste sous la protection des règles des
conflits armés. Le but ultime de l’action criminelle demeure, en principe, celui de créer
la terreur publique, en violation de la stabilité de l’ordre juridique, qu’il soit national ou
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international: pour cette raison on peut associer le crime en question à la figure, plus
générale, du terrorisme.1714
C’est à la suite de la croissante importance assumée par les Nations Unies dans la
gestion de la communauté internationale, au cours des années 1990, que la communauté
internationale a ressenti la nécessité de concevoir ce crime de façon autonome. Ainsi,
en 1993, par le biais de la Résolution 48/37 du 9 décembre 1993, l’A.G.N.U. constituait
un Comité ad hoc pour l’élaboration d’une Convention internationale régissant la sûreté
et la sécurité du personnel des Nations Unies et des personnels associés. Le travail du
Comité spécial a abouti à la rédaction du texte de la Convention qui a été adoptée le 9
décembre 1994 et ouverte à la signature des États au siège des N.U. à New York le 15
décembre 1994. Par ailleurs, le Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité prévoit explicitement, dans sa dernière version de 1996, les atteintes contre
le personnel des N.U. comme figure criminelle autonome, toutefois il délimite le champ
d’application de la figure en disposant l’application seulement en cas de violation à
large échelle commise en vue d’empêcher l’accomplissement d’une opération de
l’Organisation.
La conduite incriminée consiste dans toute lésion, même au niveau de la mise en
danger, de l’intégrité physique ou de la liberté personnelle de la victime. Sujet actif peut
être éventuellement, en plus de l’individu, une organisation, de type criminel ou bien
légal, notamment un État. Quant aux poursuites, la Convention du 9 décembre 1994
prévoit l’obligation générale, pour les États signataires, de garantir la sécurité du

1713 Voir C.D.I. Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p. 76,
§ 91, article 20 § 1, p. 155-173, Annexe; Groupe de travail sur un Projet de Statut d’une C.C.I., Rapport à
la C.D.I. – Projet de Statut d’un Tribunal criminel international, 1993, cit., p. 285-288, article 22, p. 293-
297, article 26 § 2. Sur le débat concernant les atteintes aux personnes protégées au cours des travaux
préparatoires du Statut de la C.P.I. voir P. KIRSCH, J.T. HOLMES, The Rome Conference on an I.C.C.:
the Negotiating Process., cit., p. 29.
1714 Sur les atteintes contre le personnel des N.U. et le personnel associé, ainsi que sur sa relation avec le
terrorisme, voir, S. GALICKI, Les atteintes contre la sécurité du personnel des N.U. et des personnels
associés, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 493-501; M.-C.
BOURLOYANNIS-VRAILAS, The Convention on the Safety of United Nations and Associated
Personnel, in I.C.L.Q., p. 560 s.; L.S. SUNGA, The Emerging System of International Criminal Law, cit.,
p. 203-205.

483
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

personnel des N.U. ainsi que celle, plus spécifique, de définir dans le détail le crime,
qualifié de façon générale au niveau international. Le régime des poursuites prévoit
aussi, pour les États, l’obligation de respecter le principe aut dedere aut judicare. Il
s’agit d’un régime sévère et efficace de droit pénal international. L’on peut se demander
légitimement, toutefois, si cette infraction pourrait avoir sa place parmi celles qui sont
jugées par la juridiction internationale, notamment en raison de sa gravité et des effets
nocifs généraux qu’elle cause. En effet, l’article 5 § 1 e) du Projet de Statut d’une C.C.I.
du Comité préparatoire, de 1998, prévoyait la soumission du crime contre le personnel
des N.U. et le personnel associé à la compétence de la C.P.I.1715

§ 10.20. Les actes illicites relatifs aux matières nucléaires.


Les actes illicites relatifs aux matières nucléaires constituent un danger grave pour la
communauté internationale, car ils représentent une lourde attaque non seulement
contre l’environnement, mais aussi contre d’autres biens juridiques fondamentaux,
notamment les droits de l’homme, et, plus spécifiquement, le droit à la vie et à la
santé.1716
La gravité de l’infraction dépend, notamment, de l’élément physique, réel, qui
constitue l’objet matériel lésé par la conduite illicite: l’extrême danger inhérent à
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l’emploi des matières nucléaires détermine la gravité des crimes en question et


provoque l’attention spéciale de la communauté internationale. Parmi d’autres
conventions, le Traité de non prolifération nucléaire (T.N.P.), signé en 1986, charge les
États de prévenir les actes illicites relatifs aux matières nucléaires, mais c’est,
notamment, la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, adoptée
le 26 octobre 1979 et entrée en vigueur en 1987, stipulée dans le cadre de l’Agence
internationale de l’énergie atomique (A.I.E.A.), qui s’occupe de la définition des actes
illicites et des mesures de réaction. La conduite en violation, dans laquelle rentrent,
typiquement, le vol, le détournement et le sabotage, est définie de façon limitée, car la
Convention s’occupe seulement des actes illicites relatifs aux matières nucléaires
employées à des fins pacifiques et, en plus, en phase de transport. Les mécanismes de
réglementation de la matière relèvent, clairement, de la technique du droit pénal
international: la Convention décrit les infractions, tandis que les États se chargent de
réaliser la répression en concret, conformément aux dispositions du Traité. La
Convention impose aux États de qualifier les actes illicites relatifs aux matières
nucléaires comme infractions graves, assurant, en pratique, la définition pénale des
violations en question, mais l’encadrement précis, autant que la prévision des sanctions
corrélatives, relève de la compétence étatique. Les États ont, par ailleurs, le devoir de
prévenir la commission des infractions par la mise en place de mesures adéquates,
notamment par le biais de la coopération, et sont obligés de réaliser un système de
sanctions appropriées, selon le critère de la proportion. La Convention, tout de même,
ne qualifie pas expressément les actes illicites en question de criminels, de sorte que les
États restent libres de préciser le profil, pénal ou non, de la violation. La juridiction est

1715 Voir Comité préparatoire pour la création d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte
final), 1998, doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 28-29, article 5 § 1 e) (Crimes relevant de la compétence
de la Cour).
1716 Sur la question de la qualification et du régime auquel sont soumis les actes illicites relatifs aux
matières nucléaires voir M. GUEUYOU, La protection physique des matières nucléaires, in H.
ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 555-560; HA-VING PUONG,
La protection physique des matières nucléaires – Le cadre juridique, in A.I.E.A. Bulletin, 1985,
printemps, vol. 27, n. 1, p. 22 s.; M.J.L. HARDY, International Protection against Nuclear Risks, in
I.C.L.Q., 1961, p. 739 s.

484
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

exercée selon les principes classiques de la compétence nationale, fondée sur le lieu de
commission de l’infraction et la nationalité de l’auteur du crime ou bien de la victime,
auxquels il faut ajouter la compétence de l’État qui participe à l’importation ou à
l’exportation de la matière nucléaire. En outre, en vertu de l’article 8 § 2 de la
Convention, tout État sur le territoire duquel l’auteur présumé d’une violation de ce
type se trouve, est tenu soit à le juger, soit à l’extrader envers un État compétent, selon
la plus classique formulation du principe aut dedere aut iudicare.1717
Il est intéressant de remarquer qu’une organisation internationale, l’Euratom,
participe à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires de 1979.
Cet engagement témoigne de l’importance de la question concernant le problème de la
responsabilisation des organisations internationales d’États en cas de violation d’une
obligation internationale.
Plus généralement, les infractions relatives aux matières nucléaires constituent des
actes illicites très graves et il n’est pas impossible qu’elles soient accomplies pour le
compte d’un État. Finalement, ces violations pourraient s’associer à d’autres infractions
graves, comme des actes éventuels de terrorisme, selon les principes de la continuité ou
du concours formel des crimes. Étant données ces prémisses, il ne serait pas
impensable, d’un côté, d’élargir les limites de la conduite illicite et, d’un autre côté, de
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soumettre lesdites violations à la juridiction internationale pénale.

§ 10.21. Les atteintes massives à l’environnement.


Parmi les crimes de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États de 1996
figurait la catégorie des atteintes à l’environnement, notamment la pollution massive de
la mer ou de l’atmosphère, le caractère massif de la violation étant référé à la gravité
objective de la lésion, mesurée en termes de dommages à l’environnement.
Les atteintes massives à l’environnement constituent l’objet d’une obligation
générale de prévention à la charge des États, comme le prévoient le principe 21 de la
Déclaration sur l’environnement de la Conférence des Nations Unies de Stockholm, du
16 juin 1972, ainsi que le principe 2 de la Déclaration sur l’environnement et le
développement, adoptée par la Conférence de Rio le 14 juin 1992.1718 La jurisprudence
confirme l’existence du principe général en question.1719 Du côté des individus, en
revanche, les infractions sont définies seulement de façon sectorielle et rarement de
façon criminelle.1720

1717 Sur l’application du principe de la compétence universelle aux actes illicites relatifs aux matières
nucléaires voir P. DAILLIER, A. PELLET, Droit international public, 6ème éd., cit., p. 673.
1718 Selon le deuxième principe de la Déclaration de Rio, qui reprend celle de Stockholm, “les États ont
le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et ils ont le
devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle
ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres États ou dans des régions ne relevant
d’aucune juridiction nationale”.
1719 Voir C.I.J., Détroit de Corfou, Royaume-Uni/Albanie, arrêt du 9 avril 1949, fond, in C.I.J. Rec.,
1949, p. 22, d’après laquelle un État a l’obligation “de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d’actes
contraires aux droits des autres États”; Trib. Arb., Fonderie de Trail (Trail Smelter Arbitration), États-
Unis d’Amérique/Canada, décision du 11 mars 1941, in R.S.A., vol. III, notamment p. 1965.
1720 Sur les atteintes massives à l’environnement voir, en doctrine, C. NÈGRE, Les atteintes massives à
l’environnement, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 537 s.;
L. BOISSON DE CHAZOURNES, R. DESGAGNÉ, C. ROMANO, Protection internationale de
l’environnement – Recueil d’instruments juridiques, Paris, Pedone, 1998; J.-H. ROBERT, M. REMOND-
GOUILLOUD, Droit pénal de l’environnement, Masson, 1983, p. 281 s.; F. FRANCIONI, T.
SCOVAZZI, International Responsibility for Environmental Harm, London, Graham and Trotman, 1991;
M.T. PONTE IGLESIAS, El crimen ecológico internacional: problemas y perspectivas de futuro, in R.
esp. D.I., 1989, p. 423 s.

485
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Parmi les normes relatives qui règlent les infractions environnementales on peut
repérer des dispositions différentes, plus ou moins strictes dans la définition de la
violation en tant que crime. La Convention sur la prévention de la pollution par les
navires (Marpol), signée à Londres le 2 novembre 1973, constitue en infraction le rejet
à la mer de liquides nuisibles et d’ordures, obligeant les États à réprimer les infractions
dont la Convention dresse la liste (article 4).1721 La Convention sur le droit de la mer de
Montego Bay, du 10 décembre 1982, se limite a rappeler l’obligation générale, à la
charge des États, de préserver le milieu marin (article 194) et envisage la répression
interne des infractions par le biais de l’imposition de sanctions pénales de type
pécuniaire (articles 207-236). La Convention de Bâle, adoptée le 22 mars 1989, sur le
contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination,
criminalise (article 4 alinéa 3), le trafic illicite de déchets de façon expresse, en
disposant (article 4 alinéa 4) que les États doivent prendre les mesures nationales
nécessaires pour mettre en œuvre ce type de responsabilité.1722 La réglementation est,
donc, variable et seulement quelques conventions obligent les États à criminaliser la
conduite illicite, tandis que d’autres se limitent à imposer la prévision d’une infraction
générique, sans exiger sa criminalisation. En général, quand même, ces traités chargent
les États de la mise en œuvre des dispositions existantes, car ils se limitent à définir les
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grandes lignes de l’infraction, en laissant aux États le soin de décider comment


l’encadrer et la réprimer en détail. On est, donc, dans une optique stricte de droit pénal
international, tandis que le caractère massif de la violation et l’importance des intérêts
protégés mériteraient une réflexion sérieuse sur la possible soumission de ces violations
à la juridiction de la C.P.I.
Parmi les normes relatives qui règlent les infractions environnementales en temps de
guerre, on rappellera que le Statut de la C.P.I. prévoit, comme crime, le fait de lancer
une attaque qui provoque un dommage excessif à l’environnement, dans le sillage de
l’article 22 § 2 d) du Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité de 1991, ainsi que des Conventions de La Haye de 1907 et des Conventions
de Genève de 1949.1723 Le Protocole (I) additionnel au Conventions de Genève du 12
août 1944, relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, du
8 juin 1977, à l’article 35 alinéa 3, prévoit l’obligation individuelle de ne pas utiliser
des méthodes de guerre qui peuvent causer des dommages étendus, durables et graves à
l’environnement naturel. Finalement, la Convention sur l’interdiction d’utiliser des
techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou tous autres fins
hostiles (E.N.M.O.D.) du 18 mai 1977, élaborée à la suite des nouvelles technologies de
guerre déployées au cours de la guerre du Viêt-nam, engage les États à ne pas employer
des modifications techniques de l’environnement ayant des effets sévères ou durables

1721 Voir A. HUET, L’infraction de rejet d’hydrocarbures en mer (Convention Marpol du 2 novembre
1973 et Loi n 83-583 du 5 juillet 1983), in Revue juridique de l’environnement, 1983, p. 295 s.
1722 Voir F. BITAR, Les mouvements transfrontières de déchets dangereux selon la Convention de Bâle,
Étude des régimes de responsabilité, Paris, Pedone, 1997.
1723 Notamment, aux termes de l’article 8 § 2 b) iv) du Statut de la C.P.I., constitue un crime “le fait de
lancer une attaque délibérée en sachant qu’elle causera incidemment des pertes en vies humaines ou des
blessures parmi la population civile, des dommages aux biens de caractère civil ou des dommages
étendus, durables et graves, à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à
l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu”, tandis que l’article 22 § 2 d) du Projet de
Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, incrimine le fait de “l’utilisation de méthodes
ou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut s’attendre qu’ils causeront, des
dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel”. En revanche, dans la version du Projet
de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité de 1996, le crime contre l’environnement
n’a pas été retenu.

486
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

(article 1) et à empêcher l’utilisation par tout sujet soumis à leur juridiction (article 4). Il
s’agit, bien évidemment, d’un ensemble de dispositions qui visent à limiter les dégâts,
inévitables en temps de conflit armée, et qui ont déjà une consistance propre comme
infractions criminelles, même au sein du droit international pénal.1724
Il est intéressant de remarquer que l’article 26 du Projet de Code des crimes contre la
paix et la sécurité de l’humanité de 1991 prévoyait le crime de l’individu qui cause
intentionnellement “des dommages étendus, durables et graves” à l’environnement.
S’agissant d’une norme générale, elle aurait dû s’appliquer tant en temps de guerre
qu’en temps de paix, toutefois l’imprécision de la définition et l’exclusion de la
responsabilité par faute en causèrent l’exclusion du Projet de 1996.1725
Depuis longtemps l’A.I.D.P. a signalé la nécessité de criminaliser les atteintes contre
l’environnement en droit international pénal. La Résolution adoptée par l’Association
lors du Colloque préparatoire de Ottawa, de 1992, prévoit (titre IV, point 4) que: “Si
une convention internationale constitue une Cour pénale internationale qui sera saisie
des crimes internationaux, cette Cour devrait également avoir le pouvoir de trancher en
matière de crimes environnementaux reconnus à l’échelle internationale”.1726 Ce vœu
est réaffirmé au point 28 de la Résolution adoptée par l’A.I.D.P. lors du XV Congrès
international de droit pénal, tenu à Rio de Janeiro en 1994, suivant lequel: “En vue de
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faciliter les poursuites en matière d’atteintes à l’environnement de la planète, la


compétence de la Cour internationale proposée par la Commission du droit
international, et actuellement examinée par l’Assemblée Générale des Nations Unies,
devrait inclure ces infractions”.1727
Par ailleurs, au cours des travaux préparatoires pour l’élaboration du Statut de la
C.P.I., le Comité préparatoire avait envisagé la possibilité de faire rentrer les infractions
environnementales dans la compétence de la Cour.1728

§ 10.22. Le trafic illicite de stupéfiants.


Quatre Conventions, aujourd’hui, s’occupent de définir l’infraction constituée par le
trafic illicite de substances psychotropes et stupéfiantes et d’en organiser la répression.
Il s’agit de la Convention pour la répression du trafic illicite des drogues nuisibles,
signée à Genève le 26 juin 1936 (amendée par le Protocole signé à Lake Succes, New
York, le 11 décembre 1946), de la Convention Unique sur les stupéfiants, signée à New
York le 30 mars 1961, entrée en vigueur en 1964, amendée par le Protocole de Genève
du 25 mars 1972, de la Convention de Vienne sur les substances psychotropes, du 21
février 1971 et de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants
et de substances psychotropes, adoptée à Vienne le 20 décembre 1988. Ces instruments

1724 Sur les crimes contre l’environnement en temps de guerre voir P. ANTOINE, Droit international
humanitaire et protection de l’environnement en cas de conflit armé, in R.I.C.R., 1992, n. 798, p. 537 s.;
P. FAUTEUX, L’utilisation de l’environnement comme instrument de guerre au Koweït occupé, in B.
STERN, Les aspects juridiques de la crise et de la Guerre du Golfe, Colloque du C.E.D.I.N., 7-8 juin
1991, Paris, Montchrestien, 1991, p. 227 s.; M.N. SCHMITT, Humanitarian Law and the Environment,
in Denver J.I.L.P., 2000, summer, vol. 28, n. 3, p. 265 s.
1725 Voir L.S. SUNGA, The Emerging System of International Criminal Law, cit., p. 224-226, qui
souligne l’absence de dispositions définissant les infractions criminelles environnementales des individus
en droit international pénal.
1726 Voir A.I.D.P., Résolution adopté au Colloque international sur les atteintes à l’environnement,
Ottawa, Canada, 2-6 novembre 1992, in R.I.D.P., 1994, 3/4 trim., p. 1212, Titre IV, point 4.
1727 Voir A.I.D.P., Résolution adoptée au XV Congrès international de droit pénal, Rio de Janeiro,
Brésil, 4-10 septembre 1994, in R.I.D.P., 1995, 1/2 trim., p. 26, point 28.
1728 Voir Comité préparatoire pour l’établissement d’une C.C.I., Rapport, vol. I (Travaux du Comité
préparatoire en mars-avril et août 1996), doc. A/51/22, cit., p. 28, § 114.

487
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

dressent une liste des substances nocives pour la santé dont le trafic constitue un acte
illicite.
En synthèse, l’infraction est constituée, au niveau objectif, par la production, l’achat,
la vente des substances prohibées, ainsi que par le blanchiment des profits tirée du trafic
illicite.1729 La sanction est organisée autour des instruments classiques du droit pénal
international. Les Conventions citées chargent les États de régler au niveau interne tant
l’infraction que la sanction relative. Parmi les directives en matière de réglementation, à
l’adresse des États signataires, figure l’obligation de prévoir non seulement des
sanctions proportionnées à la gravité des faits incriminés, mais aussi les mesures
spécifiques de la confiscation et de la saisie, à côté d’un large emploi des sanctions
alternatives. La réponse internationale demeure confiée aux mécanismes de la
coopération et de l’extradition. Dans ce cadre il faut remarquer, notamment, la mise en
place de plusieurs organisations finalisées au contrôle et à l’échange des
renseignements concernant l’infraction, notamment dans le cadre des Nations Unies.
Malgré la réponse au crime passe, actuellement, par la coordination de droits
internes, il ne faut pas oublier que la création de la C.P.I. a été envisagée, à la fin des
années 1980, pour le jugement, notamment, du trafic des substances stupéfiantes,
perpétré non seulement par les individus, mais, aussi, par les personnes morales.
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Comme nous l’avons constaté, la Résolution 44/39 du 4 décembre 1989 de l’A.G.N.U.,


confiant à la C.D.I. la tâche d’étudier la question d’une juridiction criminelle
internationale, portait sur la “Responsabilité pénale internationale des particuliers et des
entités qui se livrent au trafic illicite transfrontière de stupéfiants et à d’autres activités
criminelles transnationales: création d’une cour de justice pénale internationale ayant
compétence pour connaître de ces délits”.1730 À maintes reprises, en outre, au cours des
travaux préparatoires du Statut, le trafic de substances stupéfiantes a été inclus dans la
compétence de la Cour. Notamment l’article 20 § 1 e) et l’Annexe du Projet de Statut
d’une C.C.I., élaboré par la C.D.I. en 1994, reprenant les articles 22 et 26 § 2 du Projet
du Groupe de travail sur un Projet de Statut pour une C.C.I., de 1993, concernant la
compétence de la Cour, rappelaient expressément les articles 2 et 3 de la Convention de
Vienne contre le trafic illicite de substances stupéfiantes et psychotropes du 20
décembre 1988.1731 L’article 5 § 1 e) du Projet de Statut de la C.C.I., élaboré par le
Comité préparatoire en 1998, prévoyait, également, la compétence de la Cour en
matière de trafic de stupéfiants.1732 Par ailleurs il se peut qu’il y ait une participation
étatique à la perpétration du crime. Sur la base de ces constats une éventuelle
compétence de la C.P.I. ne peut pas être exclue, de iure condendo, surtout au cas où la
réponse des juridictions internes devrait se révéler inefficace.

1729 Sur le trafic illicite de stupéfiants voir S. EL ZEIN, Trafic illicite de stupéfiants, in H. ASCENSIO,
E. DECAUX, A. PELLET, Droit international pénal, cit., p. 583 s.; M. BETTATI, Le contrôle
international des stupéfiants, in R.G.D.I.P., 1974, t. 78, p. 170 s.
1730 Voir les considérations que nous avons fait, supra, au cours de l’analyse du Statut de la C.P.I.
1731 Voir C.D.I. Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa quarante-sixième session, doc. A/49/10, cit., p. 76,
§ 91, article 20 § 1, p. 155-173, Annexe; Groupe de travail sur un Projet de Statut d’une C.C.I., Rapport à
la C.D.I. – Projet de Statut d’un Tribunal criminel international, 1993, cit., p. 285-288, article 22, p. 293-
297, article 26 § 2.
1732 Voir Comité préparatoire pour la création d’une C.C.I., Rapport (Projet de Statut et Projet d’Acte
final), 1998, doc. A/Conf.183/2/Add.1, cit., p. 28-30, article 5 § 1 e) (Crimes relevant de la compétence
de la Cour).

488
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

§ 10.23. Les infractions relatives aux intérêts économiques: le faux monnayage.


Au cours de ses travaux sur la responsabilité pénale des États la C.D.I. a considéré la
possibilité de formuler des incriminations pour les violations des intérêts économiques.
Cette possibilité a été évaluée pour les infractions déjà criminalisées par l’article 19 du
Projet de 1996, qui peuvent entraîner des violations d’ordre économique, ainsi que pour
la formulation d’hypothèses autonomes de crimes. Finalement, toutefois, aucune figure
autonome de crime d’ordre économique n’a été retenue dans la liste des crimes
étatiques. Également le Statut de la C.P.I. ne prévoit pas de figures criminelles typiques
d’ordre économique. La réaction aux crimes contre l’économie demeure confiée au
système de droit pénal international, donc à la coordination de l’action des États et,
notamment, de leurs juridictions.1733
Parmi ces types d’infractions le faux monnayage représente une figure intéressante,
surtout parce que le pouvoir de battre monnaye constitue pour tout État l’expression de
la souveraineté et une des prérogatives fondamentales de la puissance publique: cette
violation lèse un droit fondamental de l’État dans son ensemble. L’action illicite
consiste dans la contrefaçon de pièces de monnaie ou de billets, autant que dans le fait
de les mettre en circulation.1734
L’infraction est réglée uniquement par la Convention de Genève adoptée le 20 avril
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1929, en vigueur depuis 1931, qui définit la violation de façon uniforme (article 3) mais
laisse aux États le soin de déterminer le crime dans le détail ainsi que les peines
applicables, sauf en ce qui concerne l’obligation de prévoir la confiscation des objets du
délit (article 11), selon une démarche typique du droit pénal international. Du fait que
ce crime concerne tous les États et met en danger l’intérêt à la sécurité des relations
économiques, qui regarde l’ensemble de la communauté internationale, la Convention
institue à son égard le principe de la compétence universelle et engage les États soit à
punir soit à extrader le sujet présumé coupable (articles 8-9). Pour mieux coordonner
l’action des États la Convention prévoit la mise sur pied d’un Office central
international, dont le rôle est dévolu à Interpol, chargé de faciliter l’échange
d’informations concernant le crime entre les États membres.
D’après une partie de la doctrine le faux monnayage constituerait une violation
individuelle de la paix et de la sécurité internationales.1735 Cette conception témoigne de
l’importance des intérêts économiques pour la stabilité de l’ordre international et, en
même temps, de la liaison stricte qui subsiste entre cet intérêt et d’autres intérêts
fondamentaux de la communauté internationale, selon l’approche esquissée au cours
des débats au sein de la C.D.I. Par ailleurs, quoique ce crime soit considéré,
essentiellement, comme l’action de personnes privées, il n’est pas impossible qu’il soit

1733 Sur la question de la criminalité économique transnationale voir S. MANACORDA, La criminalité


économique transnationale: un premier bilan des instruments de politique criminelle, in Trim. du Monde,
1995, n. 29, p. 59 s. N. ALBALA, Crimes économiques impunis, cit., p. 3.
1734 Sur le droit souverain des États de battre monnaye et sur le crime de faux monnayage voir G.
BURDEAU, Internalisation des monnayes et souveraineté des États, in P. KAHN, Droit et monnaye:
États et espace monétaire transnational, Paris, Litec, 1988, p. 414 s.; J.-P. DUBOIS, L’exercice de la
puissance publique monétaire, le cas français, in P. KAHN, Droit et monnaie: États et espace monétaire
transnational, cit., p. 475 s.; L.-H. DUPRIEZ, La répression internationale du faux monnayage, in
R.D.I.L.C., 1929, p. 511 s.; V. PELLA, La coopération des États dans la lutte contre le faux monnayage,
in R.G.D.I.P., 1927, t. 34, p. 673 s.; V. PELLA, La codification du droit pénal international, cit., p. 337
s.
1735 Voir V. Pella, Mémorandum sur l’établissement d’une cour criminelle internationale, U.N. Doc.
A/CN.48/3, 17 juillet 1951, p. 149-151.

489
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

commis par des agents publics et qu’il implique la responsabilité des États.1736 De
surcroît, la responsabilité de l’État pourrait être engagée, de façon indirecte, lorsqu’il
tolère ou encourage le faux monnayage, portant atteinte à la stabilité des structures
économiques et politiques d’un autre État.1737 Etant données ces prémisses, il n’est pas
improbable que le faux monnayage rentre dans le domaine des crimes individuels
soumis à la juridiction de la C.P.I., entraînant, en plus, la responsabilité des États.

§ 10.24. La corruption.
La corruption, du côté actif, peut être définie comme l’acte d’offrir, de proposer ou
de donner tout avantage non dû à un sujet agissant au nom d’une organisation publique
ou privée afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte dans l’exercice de
ses fonctions. Du côté passif le crime consiste dans l’acte de l’agent qui sollicite,
accepte un avantage non dû, ou, même, sa simple promesse, pour accomplir un acte
contraire aux devoirs liés à sa fonction ou bien pour ne pas accomplir un acte dû. Le
sujet-organe peut agir aussi bien au nom d’un État que d’une organisation privée, ainsi
que d’une organisation intergouvernementale ou non gouvernementale.1738 Le sujet actif
peut être une personne physique ou morale.1739
La criminalisation de la corruption, sur le plan international, se développe au fur et à
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mesure que le phénomène dépasse les frontières nationales, parallèlement à la


multiplication des transactions commerciales internationales, auxquelles le phénomène
de la corruption est intimement lié. Toutefois la réaction est menée exclusivement sur le
plan du droit pénal international, sans que cette figure criminelle parvienne à rentrer
dans le domaine du droit international pénal.1740 Notamment les instruments qui
s’occupent de l’infraction en question sont la Convention interaméricaine contre la
corruption du 29 mars 1996, conclue au sein de l’O.E.A., la Convention de l’O.C.D.É.
sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions
commerciales internationales, du 17 décembre 1997, la Convention de l’U.E. visant les
actes de corruption qui impliquent des fonctionnaires des Communautés européennes
ou des États membres de l’Union, du 26 mai 1997, et la Convention pénale sur la
corruption, élaborée par le G.M.C. (Groupe Multidisciplinaire, créé en 1994 par la XIX
Conférence des ministres européens de la justice au sein du Conseil d’Europe), du 29

1736 On peut considérer, à titre d’exemple, le rapport de du Centre de recherche du Parti républicain à la
Chambre des représentants, aux États-Unis, accusant la Syrie et l’Iran d’émettre des Supernotes
imprimées à la Banque centrale iranienne à Téhéran (voir P. DELVAL, Faux et fraudes: la criminalité
internationale des faux documents, Paris, P.U.F., 1998, p. 2-6).
1737 En faveur de la conception du faux monnayage comme possible crime de l’État, non seulement des
personnes privées, voir L. DJERMOUN, Le faux monnayage, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A.
PELLET, Droit international pénal, cit., p. 478.
1738 La possibilité d’incriminer pour corruption les agents des organisations privées est reconnue par les
articles 7 et 8 de la Convention du Conseil d’Europe contre la corruption du 29 janvier 1999.
1739 Voir L. LANKARANI, La lutte contre la corruption, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, A. PELLET,
Droit international pénal, cit., p. 604.
1740 Sur le problème de la corruption qui dépasse les frontières nationales et sur les réponses possibles à
ce phénomène voir, en doctrine, K.M. MEESEN, Fighting Corruption across the Border, in Fordham
I.L.J., 1995, p. 1647 s.; P.M. NICHOLS, Outlawing Transnational Bribery through the World Trade
Organization, in Law and Policy in International Business, 1997, vol. 28, p. 305; B. OPPETIT, Le
paradoxe de la corruption à l’épreuve du droit du commerce international, in J.D.I., 1987, p. 5 s.; C.
YANNACA-SMALL, Les paiements illicites dans le commerce international et les actions entreprises
pour les combattre, in A.F.D.I., 1994, XL, p. 792 s. Voir, aussi, O.C.D.É., Rapport sur les payements
illicites dans les transactions commerciales internationales, in Inventaire des législations et des pratiques
des pays membres de l’O.C.D.É., juin 1990; P. ALLDRIGE, Reforming the Criminal Law of Corruption,
in Crim. L.F., 2000, vol. 11, issue 3, p. 287 s.

490
PERSPECTIVES DE RÉFORME: LA POSSIBLE EXPANSION SUBJECTIVE ET OBJECTIVE
DU SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

janvier 1999. Mise à part la Convention élaborée au sein de l’O.C.D.É., toutes ces
Conventions ont un caractère régional.1741
Le souci majeur des conventions en matière de corruption est celui d’harmoniser les
législations nationales dans la définition de la figure criminelle. Au niveau des
sanctions les textes en question se limitent à envisager l’adoption de mesures
proportionnelles dissuasives. Dans le cas des personnes physiques, d’ailleurs, ces
Conventions prévoient l’adoption de sanctions suffisantes pour permettre l’extradition
et l’entraide internationale, en revanche l’exception à l’extradition en cas d’infraction
politique n’est pas exclue. Du côté des personnes morales, lorsque les législations
nationales permettent leur incrimination, les Conventions prévoient la sanction de la
confiscation des biens. Concernant la compétence juridictionnelle, les critères retenus se
fondent sur le lieu de commission de l’infraction, la nationalité de l’auteur du crime ou
de la victime, ainsi que le principe de la compétence réelle. La Convention élaborée par
le Conseil d’Europe laisse les États libres de se reconnaître, en vertu de leur droit
national, une compétence universelle. Il faut, ainsi, conclure que la réaction à la
corruption emploie, exclusivement, les instruments du droit pénal international, tandis
qu’aucune convention n’envisage l’exploitation de la juridiction internationale.
D’ailleurs il se peut que la réaction par la coordination des droit pénaux nationaux soit
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plus facilement exploitable, étant donnée la croissance du phénomène de la corruption


en raison de la globalisation des échanges et les coûts très élevés de la justice
internationale pénale.

Conclusion.
Le système normatif de la responsabilité internationale pénale peut évoluer du point
de vue subjectif autant que du point de vue objectif.
Du côté subjectif la multiplication des acteurs au plan international ainsi que des
relations transnationales impose de songer au problème de la responsabilité pénale des
personnes morales, qu’elles soient infra-étatiques, transnationales ou bien des
organisations intergouvernementales. De iure condito et de iure condendo les normes
de droit international ne prévoient, pour les organisations intergouvernementales,
qu’une forme de responsabilité générique, tandis que la responsabilité des organisations
infra-étatiques et transnationales passe par l’harmonisation des législations internes et
relève des mécanismes du droit pénal international.
Selon une conception unitaire de la subjectivité internationale, qui limite fortement
la distinction traditionnelle entre les États et les autres personnes morales basée sur le
critère de la souveraineté et qui tient compte des relations entre les individus et les
organisations, en phase avec la doctrine de H. Kelsen, on pourrait songer à élargir le
système de la responsabilité conçu pour les individus et les États aux autres personnes
morales.1742 Ainsi les organisations intergouvernementales, que l’on pensera,
préférablement, comme des sujets unitaires, capables d’imputation autonome, peuvent
être responsabilisées par le biais du mécanisme de l’imputation organique, pour les

1741 Sur la Convention de l’O.C.D.É. voir Ph. CAVALERIE, La Convention O.C.D.É. du 17 décembre
1997 sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales, in A.F.D.I., 1997, XLIII, p. 609 s.
1742 Sur la conception unitaire de la subjectivité internationale voir H. KELSEN, Reine Rechtslehre.
Einleitung in die rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 87
s., 168 s.; P. ALLIOT, The Concept of International Law, cit., p. 37. Sur la nécessité d’étudier des
mécanismes de réaction supra-étatiques pour faire face à la montée de la violence internationale des
organisations privées voir N. BOBBIO, D. ZOLO, Hans Kelsen, the Theory of Law and the International
Legal System: a Talk, cit., p. 367-368.

491
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

actes des individus-organes accomplis en violation d’une obligation internationale de


l’organisation. Les crimes spécifiques des organisations internationales seraient
identiques à ceux des États, contre l’existence et la souveraineté des États,
l’autodétermination des peuples, les droits de l’homme, le droit humanitaire et le droit
au bon fonctionnement de la juridiction internationale, tout comme les sanctions, en
prévoyant d’éventuelles spécificités liées à la nature des organisations. Du point de vue
procédural il faudrait élargir aux organisations internationales la compétence
juridictionnelle de la C.P.I. et celle, exécutive, du C.d.S. Concernant les organisations
infra-étatiques et transnationales, au cas où l’on déciderait de les soustraire au domaine
du droit pénal international pour en faire des sujets de droit international pénal, étant
acquis le principe de l’imputation organique, il faudrait leur élargir aussi le système des
crimes, des sanctions et procédural, axé sur la C.P.I., conçu pour les individus et les
États, en prévoyant des sanctions spécifiques dont l’exécution serait confiée au
Procureur de la C.P.I. On parviendrait, de cette façon, à élaborer un système de la
responsabilité internationale pénale unique et objectivement égal pour tous les sujets du
droit international.1743
Du côté objectif, sur la base des principes de l’obligation erga omnes indivisible
violée et de l’importance de l’intérêt défendu, certaines figures criminelles,
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actuellement relevant du domaine du droit pénal international, pourraient rentrer dans le


cadre du droit international pénal pour être soumises à la juridiction internationale. Ce
changement de statut permettrait une réglementation uniforme des figures criminelles et
ouvrirait plus aisément la voie à la responsabilisation pénale et au jugement des États et
des autres personnes morales par la juridiction internationale. Parmi les figures
examinées, les crimes les plus susceptibles de rentrer dans le domaine du droit
international pénal sont ceux qui visent la stabilité des États et des organisations
internationales par le biais de l’intervention, du mercenariat ainsi que des différentes
formes de terrorisme, d’autant plus qu’ils impliquent, souvent, la participation active
d’un État à la commission du crime. Du côté des atteintes contre l’environnement, en
revanche, exception faite pour certaines atteintes massives en temps de guerre, déjà
soumises au régime de la C.P.I., la plupart des violations massives ainsi que les actes
illicites relatifs aux matières nucléaires demeurent soumis au régime du droit pénal
international, toutefois l’association des crimes contre l’environnement avec la figure
du terrorisme et l’approche de plus en plus international aux questions
environnementales renvoient à une possible solution de droit international pénal. Dans
le domaine des infractions contre les intérêts économiques, finalement, tandis que la
corruption semble suffisamment et, probablement, mieux combattue par le biais du
droit pénal international, il ne serait pas impensable de faire du faux monnayage une
figure de droit international pénal, notamment en raison de la gravité de l’attaque qu’il
porte à la stabilité du système étatique et, en outre, en raison de la possible participation
active d’un État à la commission du crime.

1743 De l’avis d’une partie de la doctrine, du fait que l’on peut responsabiliser du point de vue pénal les
personnes morales en général en droit international, on devrait déduire que le vrai obstacle à la
responsabilisation pénale des États ne serait pas sa nature, mais, plutôt, le principe de souveraineté (voir
T. MERON, Is International Law Moving towards Criminalization?, cit., p. 21).

492
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

L’analyse du système de la responsabilité internationale pénale, selon les principes


de la cohérence et de l’efficacité, dévoile un cadre assez problématique, non seulement
du côté de la responsabilité des individus et des États, mais, aussi, du côté du rapport
entre les deux formes de responsabilité.
Au niveau des principes généraux du droit international, la conception de l’infraction
étatique majeure, voire pénale, comme violation d’une obligation erga omnes
indivisible absolue, autorise tout État à réagir en contre-mesure. L’absence d’un organe
de coordination des réactions configure un cadre complètement anarchique de la gestion
des différends majeurs.1744 Le recours aux méthodes consensuelles de composition des
controverses, notamment à la conciliation et aux juridictions internationales, étant basé
sur l’accord des États, sujets égaux et souverains, ne suffit pas pour pallier le problème.
Dans le cadre du droit international relatif, tandis que les systèmes de réglementation
des différends mis sur pied par les Conventions de La Haye pour le règlement pacifique
des différends de 1899 et 1907, tout d’abord, et par le Pacte de la S.d.N., ensuite, ne
dérogeaient pas au critère consensuel, le système issu de la Charte des Nations Unies,
auquel la quasi-totalité des États adhère, confie la gestion des infractions majeures au
C.d.S.: aucun État ne peut réagir aux violations de la paix sans l’autorisation du
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Conseil, sauf en cas de légitime défense pour répondre à une agression armée.1745 Toute
thèse visant à légitimer la réaction des États membres des N.U. en dehors de
l’autorisation du C.d.S., se fondant sur le principe de la violation du ius cogens,
notamment de l’intervention humanitaire, de la légitime défense préventive, ou bien de
l’autorisation implicite, n’a pas un solide fondement juridique et consacre le système
anarchique de l’autodéfense.
La procédure axée sur le C.d.S., issue de l’accord des Puissances Alliées à la fin du
second conflit mondial, est, dans son ensemble, assez incohérente. Le problème
fondamental tient au fait que le Conseil joue un rôle de type juridictionnel dans la
qualification des infractions majeures et dans l’application des sanctions conséquentes.
L’interprétation politique de l’action du C.d.S. n’est pas soutenable, car tout différend
peut être encadré dans la logique du droit. Par ailleurs l’hypothèse d’une simple action
de police en contre-mesure ne tient pas compte de l’évaluation des infractions, de type
judiciaire, que le C.d.S. est appelé à faire. Une fois encadrée l’action du C.d.S. comme
étant de type juridictionnel, en ressortent les problèmes ultérieurs liés à l’absence d’une
définition précise des infractions, ce qui donne au Conseil un pouvoir discrétionnaire
trop large, de même qu’à la composition politique de l’organe et à la prise de décision
par le mécanisme, partiel, du veto.
Les problèmes liés à la procédure axée sur le C.d.S. ne sont pas, exclusivement, de
cohérence interne, mais tiennent, aussi, aux relations entre le C.d.S. et d’autres organes
de la communauté internationale compétents en matière d’infractions majeures
étatiques. Notamment, l’action du C.d.S. pourrait entrer en conflit avec celle de la C.I.J.
En l’absence de mécanismes normatifs sûrs d’attribution de la compétence, la
jurisprudence de la C.I.J. reconnaît la primauté des décisions du C.d.S. Du moment que

1744 Voir D. SIMON, L.-A. SICILIANOS, La “contre-violence” unilatérale: pratiques étatiques en droit
international, cit., p. 53 s. Sur le risque d’abuses des contre-mesures, notamment pénales, en droit
international voir J. VERHOEVEN, Vers un ordre répressif universel? Quelques réflexions, cit., p. 55; G.
ABI-SAAB, Wither the International Community?, cit., p. 256 s.
1745 Voir H. FREUDENSCHUB, Between Unilateralism and Collective Security: Authorizations of the
Use of Force by the United Nations Security Council, cit., p. 492 s.; G. GAJA, Use of Force Made or
Authorized by the U.N., in C. TOMUSCHAT, The U.N. at Age Fifty: a Legal Perspective, The
Hague/Boston/London, Kluwer Law International, 1995, p. 39 s.
INCOHÉRENCES ET PERSPECTIVES DE RÉFORME DU SYSTÈME NORMATIF
DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

l’hypothèse d’un contrôle juridictionnel des décisions du C.d.S. par la C.I.J. demeure
assez improbable, il en découle la substitution de l’organe politique à l’organe
juridictionnel dans la prise des décisions judiciaires fondamentales de la communauté
internationale.
Une analyse croisée de la responsabilité majeure des États et de la responsabilité
internationale pénale des individus, au niveau des principes généraux, tels que
synthétisés par le Projet sur la responsabilité des États et le Statut de la C.P.I., dévoile
ce type de relation: l’ensemble des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre
individuels constitue l’ensemble des crimes de l’État contre l’humanité, plus,
éventuellement, contre l’autodétermination des peuples (domination coloniale) et la
souveraineté des États (agression). Les actions des États coïncident avec celles des
individus-organes.1746 En outre on peut estimer que la conduite étatique viole soit les
mêmes obligations que la conduite individuelle, selon une identité objective parfaite,
soit des obligations différentes de celles lésées par la conduite individuelle, mais ayant
le même contenu, en conformité, en tout cas, avec le principe de l’imputation
organique. De toute façon l’obligation violée est, toujours, erga omnes indivisible et
absolue, envers tous les autres sujets de la communauté internationale. Toutes les
violations étatiques et, par conséquent, même les violations individuelles, lèsent la paix
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(principe général de l’ordre international: alterum non laedere). Du côté de la sanction,


si sa forme est erga omnes indivisible et absolue tant chez les individus que chez les
États, son contenu peut varier car, concernant les individus, elle consiste dans
l’emprisonnement et dans le payement d’une amende, tandis que, concernant les États,
elle consiste dans l’obligation d’arrêter la conduite illicite et de réparer le dommage.
Finalement, il faut décrire les infractions majeures, voire criminelles, des États, non
détaillées, à partir des crimes individuels, détaillés, sous peine, autrement, de tomber
dans la définition arbitraire de la responsabilité majeure étatique.1747 Etant données les
implications existant entre les crimes des individus et les infractions majeures des États,
les rapports entre les T.P.I. et les institutions chargées de gérer la responsabilité majeure
des États sont problématiques. Les T.P.I. institués par les États, notamment ceux de
Nuremberg et de Tokyo, constitués après l’adoption des contre-mesures, appliquent une
“justice des vainqueurs”, mettant en péril, notamment, le respect du principe de la
présomption d’innocence, tout comme le tribunaux institués dans le cadre onusien,
notamment le T.P.I.Y. et le T.P.I.R. La légitimité des T.P.I. institués par le C.d.S., en
plus, est douteuse. L’action de la C.P.I., juridiction préventive, est, en principe,
objective, mais elle peut entrer en conflit avec celle des États, au niveau général, et avec
celle du C.d.S., au niveau relatif. Sur le plan conventionnel le Statut de la C.P.I. tente de
résoudre le conflit potentiel avec le C.d.S. en donnant au Conseil le pouvoir de saisir la
Cour ainsi que d’en surseoir la juridiction pour une affaire relevant du chapitre VII de la
Charte des N.U., mais, de cette façon, le pouvoir de l’organe politique prime sur celui
de l’organe juridictionnel.
Pour tâcher de corriger les incohérences majeures du système de la responsabilité
internationale pénale actuel il faudrait, du côté du droit matériel, définir avec précision
les infractions criminelles des États et, du côté de la procédure, en confier le jugement à
un organe judiciaire, doué de compétence obligatoire, et lui soumettre le C.d.S. en tant

1746 Voir M.-C. BASSIOUNI, Introduction au droit pénal international, cit., p. 54; G. Arangio-Ruiz,
Septième rapport sur la responsabilité des États, cit., p. 48, § 123.
1747 Sur la relation entre les crimes des individus et des États voir A. PELLET, Can a State Commit a
Crime? Definitely, Yes!, cit., p. 432-433; J. VERHOEVEN, Vers un ordre juridique universel? Quelques
observations, cit., p. 61, qui conçoit une identité absolue entre les crimes individuels du Statut de la C.P.I.
et les crimes étatiques de l’article 19 du Projet de la C.D.I. sur la responsabilité des États de 1996.

494
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

qu’organe exécutif des sanctions. En raison de la stricte connexion qui subsiste entre les
crimes des individus et ceux des États il serait souhaitable qu’un seul organe juge la
double responsabilité, notamment la C.P.I., abstraction faite de la conception, pénale ou
non, que l’on adopte de la responsabilité majeure étatique. Pour ce faire il faudrait
modifier et coordonner les textes normatifs du Statut de la C.P.I., des Projets sur la
responsabilité des États (censés devenir des Traités) de 1996 et 2001, ainsi que de la
Charte des N.U. et du Statut de la C.I.J. Essentiellement on devrait modifier l’article 19
du Projet sur la responsabilité des États de 1996 en prévoyant les crimes contre
l’existence, la souveraineté et l’autodétermination, contre l’humanité et les crimes de
guerre, liés, par le biais du principe de l’imputation organique, aux crimes individuels
prévus dans le Statut de la C.P.I. Ensuite il faudrait élargir la compétence de la C.P.I.
aux États. Finalement, en faisant du Statut de la C.P.I. et du Traité sur la responsabilité
des États des parties intégrantes de la Charte des N.U., on devrait inverser les rapports
de force entre la C.P.I. et le C.d.S. en concevant ce dernier comme organe exécutif des
décisions de la Cour.1748 Un tel ordre, de nature conventionnelle, donc relatif, pourrait
être universalisé en exploitant la notion de crime comme violation d’une obligation
erga omnes indivisible absolue.
Selon une conception unitaire de la subjectivité internationale, le système de droit
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international pénal axé sur la C.P.I. pourrait être élargi aux personnes morales
différentes des États, notamment aux organisations intergouvernementales, aussi bien
qu’aux organisations infra-étatiques et transnationales. Du point de vue objectif, un tel
système pourrait être élargi à des nouvelles figures de crimes, notamment celles qui
rentrent, pour l’heure, dans le domaine du droit pénal international, choisies selon le
critère de la violation d’une obligation erga omnes indivisible défendant un intérêt
fondamental de la communauté internationale dans son ensemble.

1748 D’après J. CRAWFORD, Revisiting the Draft Articles on State Responsibility, cit., p. 443, la
responsabilité pénale des États serait affine à celle des individus, sa mise en place exigerait la mise en
place des institutions appropriées, mais cela devrait se faire en dehors du Projet sur la responsabilité des
États, qui a un caractère général, non spécifique.

495
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008
CONCLUSION GÉNÉRALE

L’ordre juridique international intègre des normes qui règlent la responsabilité


pénale des individus: il s’agit d’un ensemble assez développé et cohérent.1749 D’autres
normes règlent la responsabilité majeure, voire pénale, des États: elles constituent un
ensemble moins développé et moins cohérent.1750 On ne peut pas concevoir les deux
systèmes normatifs comme deux ordres totalement différents et séparés, car l’analyse
des relations qui subsistent entre l’un et l’autre révèle, plutôt, un rapport d’implication.
Les infractions majeures des États et les crimes des individus violent les mêmes
obligations, cogentes, et sont attribués par le biais de la même conduite, en vertu du
principe de l’imputation organique: la responsabilité individuelle est à la base de la
responsabilité collective, de sorte qu’il faut concevoir les normes sur la responsabilité
individuelle et celles sur la responsabilité collective comme un système unique. La
nature du système de la responsabilité internationale pénale ressemble, pour certains
aspects, à celle des ordres pénaux internes, surtout en ce qui concerne les caractères
essentiels de l’universalité de la violation (critère formel) et de la gravité de l’action
illicite (critère matériel). Ainsi, en somme, nous pouvons définir le crime international
individuel comme un acte très grave qui viole les droits de la communauté
internationale dans son ensemble et peut impliquer la responsabilité criminelle de l’État.
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Certains caractères des ordres pénaux internes ne peuvent pas, semble-t-il, être
appliqués au droit international, en raison des caractéristiques structurelles de cet ordre.
Le droit international, notamment, a une nature fondamentalement privée, peu
compatible avec la centralisation publique du droit pénal interne.1751 En outre la
sanction de l’État, personne morale, semble être un institut atypique. Ces deux
objections ne sont pas insurmontables. Les normes de ius cogens ou, alternativement,
les normes indivisibles ayant une validité erga omnes contractantes, offrent, du côté du
droit matériel, le soutien nécessaire pour l’institution d’éventuels organes centraux de
jugement dans l’ordre international. D’ailleurs, pour résoudre le problème de la
sanction de l’État en tant qu’organe collectif il suffit de constater que les droits pénaux
internes responsabilisent les personnes morales.1752 Il n’est pas essentiel, de toute façon,
d’essayer à tout prix d’appliquer à l’ordre pénal, ou de la responsabilité plus grave,
international, les caractéristiques des ordres pénaux internes: il suffit de constater qu’il
existe des similitudes et des différences, au delà du choix terminologique. Ainsi on
parlera, indifféremment, d’un système de la responsabilité internationale “pénale” ou
“majeure”; l’important est de constater l’existence d’un ordre où la responsabilité
individuelle et collective entretiennent des liens stricts.

1749 Il faut rappeler que nous réduisons le concept de “norme” à celui de “devoir être” donc au “droit” de
sorte qu’on peut parler, indifféremment, de “ système normatif”, “système de devoirs” ou “système de
droits” (sur cette identité voir H. KELSEN, Allgemeine theorie der normen (Théorie générale des
normes), cit., p. 11-14).
1750 Sur l’incohérence structurelle du droit international voir A. LEJBOWICZ, Philosophie du droit
international, cit., p. 63-66.
1751 Sur le droit international comme droit de nature privée en raison de l’accord en tant que source
fondamentale voir A. LEJBOWICZ, Philosophie du droit international, cit., p. 25; D. ANZILOTTI,
Cours de droit international, cit., p. 45, 188 s.
1752 Sur le problème de la responsabilité des personnes morales en droit interne voir F. DESPORTES, F.
LE GUNEHEC, Droit pénal général, 9ème éd., cit., p. 571 s.; J. PRADEL, Droit pénal comparé, 2ème éd.,
cit., p. 357-361. Sur la question de la responsabilité des organisations publiques voir J. RIVERO, J.
VALINE, Droit administratif, 19ème éd., cit., p. 264.
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Le fait qu’un ordre de droit international pénal est en place ne signifie nullement
qu’il est cohérent. L’évaluation du système actuellement en vigueur, selon les critères
de la cohérence et de l’efficacité, révèle, au contraire, qu’il est assez problématique.
Du point de vue de la cohérence, les problèmes naissent, essentiellement, d’un
manque d’économie et de simplicité dans l’organisation des normes, ainsi que de la
présence d’antinomies et de lacunes.
Au niveau du droit international général la définition des infractions majeures
étatiques comme violations du ius cogens pose deux ordres de problèmes. Tout d’abord
la définition du contenu du ius cogens est lacunaire, sinon en théorie, du moins en
pratique. En outre, du moment que les infractions majeures étatiques lèsent des
obligations erga omnes indivisibles absolues, tous les États de la communauté
internationale peuvent réagir en contre-mesure (articles 40 § 3 et 53 c) du Projet sur la
responsabilité des États de 1996, articles 42 b), 48 § 1 b) et 54 du Projet de 2001). On
définit, ainsi, une gestion anarchique et contradictoire du jugement et de l’exécution de
la sanction à l’égard des “crimes” étatiques. Les procédures consensuelles pour le
règlement des différends, au niveau de la négociation ou judiciaire, ne peuvent pas
pallier le problème, étant axées sur la volonté des parties. Au niveau du droit
international relatif le système onusien centralise la réponse aux infractions majeures
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des États dans le C.d.S.: aucun État ne peut réagir en contre-mesure sans son
autorisation, sauf en cas de légitime défense. Bien que la centralisation de la gestion des
différends majeurs soit, en soi, positive, la procédure axée sur le C.d.S. ne va pas sans
problèmes. Sur le plan interne, le Conseil jouit d’un pouvoir presque illimité dans la
définition des infractions et des sanctions conséquentes, car la description des faits
illicites majeurs et des sanctions est lacunaire, se fondant sur le concept de “rupture ou
menace de la paix” (article 39 de la Charte des N.U.), tandis que, au niveau des
procédures exécutives, le Conseil dispose de l’emploi général de la force, armée et non
armée (articles 41 et 42 de la Charte des N.U.). Ce vide normatif est d’autant plus grave
car le rôle du C.d.S. est de type judiciaire, les interprétations de son action sur un plan
purement politique ou comme exercice d’une force de police étant insoutenables. En
outre le Conseil a une composition et adopte des procédures, notamment celle
impliquant le mécanisme du veto, peu respectueuses du principe d’égalité.1753 Sur le
plan externe, l’action du C.d.S. peut entrer en conflit avec celle de la C.I.J., au cas où
les deux organes seraient saisis d’une même affaire ou d’affaires ayant le même
contenu: les décisions rendues peuvent être antinomiques. Quoique les antinomies
puissent être résolues par le biais de l’interprétation, l’existence de sources de normes
contradictoires est le signe inquiétant d’un manque de cohérence générale.1754.
Les problèmes ne concernent pas exclusivement la responsabilité majeure étatique,
mais tiennent, aussi, à son rapport avec la responsabilité individuelle. En effet, étant
donnée la relation stricte subsistant entre les deux formes de responsabilité, des
incohérences se manifestent dans un système qui tente de les séparer, spécialement au
niveau de la réponse procédurale. Ainsi, les T.P.I. ad hoc institués par les États après
l’adoption des contre-mesures, notamment ceux de Nuremberg et de Tokyo, exercent
une “justice des vainqueurs”, comme les tribunaux institués par l’O.N.U., notamment le

1753 Voir M KOSKENNIEMI, The Police in the Temple Order, Justice and the U.N.: a Dialectical View,
cit., p. 328; N. ROS, La balance de la justice: à la recherche d’un nouvel équilibre onusien, in Actualité
et droit international, janvier 1999, in ‹http://www.ridi.org/adi›.
1754 Sur le problème des antinomies et des techniques pour les résoudre voir N. BOBBIO, Teoria
generale del diritto, cit., p. 201 s.; H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die
rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 154-155; H.
KELSEN, Allgemeine Theorie der normen (Théorie générale des normes), cit., p. 285-303.

498
CONCLUSION GÉNÉRALE

T.P.I.Y. et le T.P.I.R. La C.P.I., en revanche, ne pose pas ce problème, étant une


juridiction préalablement établie, mais son action peut entrer en conflit avec celle des
États, au niveau général, et avec celle du C.d.S., au niveau relatif. Sur le plan relatif le
Statut de la C.P.I., pour résoudre le problème, établit, essentiellement, la primauté du
C.d.S. sur la C.P.I., consacrant, ainsi, la priorité de l’organe politique sur l’organe
juridictionnel.
Les incohérences influencent négativement l’efficacité: le système de la
responsabilité majeure actuellement en place n’est pas satisfaisant, du moins dans
l’optique du droit international général de la paix.1755 On reconnaît, en effet, que la
pratique des relations internationales est généralement dominée par la rencontre des
puissances libres, peu contrôlées, non seulement étatiques ou individuelles, mais ayant
aussi d’autres formes d’organisation. Dans le domaine des infractions majeures, la
survenance des guerres d’agression et des violations des droits de l’homme témoigne de
l’inefficacité préventive des normes secondaires majeures, générales ou
conventionnelles, donc de leur faillite dans le but essentiel d’orienter la conduite des
destinataires. D’ailleurs, un système non ou mal centralisé, voire assez primitif, et en
bonne partie incohérent, aura peu de probabilités d’être efficace.1756
Étant données les graves défaillances de l’ordre international actuel dans le domaine
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des infractions majeures, on ne peut pas s’empêcher de songer à des changements:


plusieurs solutions sont envisageables. Essentiellement, pour résoudre les incohérences
actuelles, on devrait introduire trois ordres de nouveautés. Tout d’abord il faudrait
prévoir les conduites illicites internationales majeures des États de façon claire et
spécifique, selon l’esprit de l’article 19 du Projet sur la responsabilité des États adopté,
en première lecture, en 1996. Ensuite il faudrait confier la compétence pour juger ces
conduites à une Cour internationale impartiale, exerçant une juridiction obligatoire.
L’action de cette Cour devrait être coordonnée avec celle de la Cour compétente pour
juger la responsabilité criminelle des individus, car le jugement de la responsabilité
collective suit, logiquement, celui de la responsabilité individuelle, en vertu du principe
de l’imputation organique. Enfin, il faudrait que la Cour soit douée d’un organe exécutif
capable de coordonner l’action étatique: dans cette optique le Conseil de sécurité des
N.U. devrait être transformé en organe exécutif des décisions de la Cour impliquant
l’emploi de la force, conformément à sa vraie nature. Pour que son action soit efficace,
en cas d’emploi de la force armée, il faudrait que l’organe exécutif, voire le Conseil de
sécurité, puisse gérer une force armée internationale ou multinationale supérieure à
celle de chaque État, ce qui est possible seulement si les États s’obligent à limiter leurs
armements.1757
Afin que le système de la responsabilité majeure soit le plus cohérent possible il
serait souhaitable, conformément au principe matériel de l’imputation organique
subjective valable en droit international, que la même Cour qui juge les crimes
individuels soit compétente pour juger les crimes des États. La juridiction de la C.P.I.
devrait, par conséquent, être élargie à la responsabilité criminelle des États, dans le
cadre d’une réforme globale du système des Nations Unies. Étant d’origine

1755 Voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 234-235.


1756 Voir N. BOBBIO, Teoria generale del diritto, cit., p. 130, 140; H.L.A. HART, The Concept of Law
(Il concetto di diritto), cit., p. 111-112, 248, 262-263; H. KELSEN, Reine Rechtslehre. Einleitung in die
rechtswissenschaftliche Problematik (Lineamenti di dottrina pura del diritto), cit., p. 140-142, 151; H.
KELSEN, General Theory of Law and State (Théorie générale du droit et de l’État), cit., p. 378; A.
LEJBOWICZ, Philosophie du droit international, cit., p. 133 s.; M. VIRALLY, Le droit international en
devenir, cit., p. 91 s.
1757 Voir H. KELSEN, Peace through Law (La pace attraverso il diritto), cit., p. 56 s.

499
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

conventionnelle, un ordre de ce type aurait une efficacité relative, erga omnes


contractantes, cependant il pourrait être universalisé en exploitant la notion
d’obligation erga omnes indivisible absolue (ius cogens). Un système de droit
international pénal ainsi conçu pourrait être élargi, du côté subjectif, par la
responsabilisation des organisations internationales ainsi que des organisations infra-
étatiques et trans-étatiques et, du côté objectif, par l’inclusion de nouvelles conduites
dans le champ des infractions criminelles, selon l’évolution des nécessités du droit
international en tant que droit vivant.
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500
CHRONOLOGIE ESSENTIELLE DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

¾ 1864, 22 août – Adoption de la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des militaires
blessés dans les armées en campagne.
¾ 1870 – Gustave Moynier propose l’institution d’une C.P.I. pour juger les infractions à la Convention de
Genève du 22 août 1864.
¾ 1899 – Franz von Liszt lance l’idée de la rédaction d’un code pénal universel.
¾ 1899, 29 juillet – Signature des Conventions I (Règlement pacifique des différends), II (Lois et
coutumes de la guerre sur terre) et III (Adaptation à la guerre maritime des principes de la
Convention de Genève du 22 août 1864) de La Haye.
¾ 1905 – R. Garofalo élabore les Maximes pour servir à la formation d’un code pénal universel.
¾ 1906, 6 juillet – Adoption de la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et
malades dans les armées en campagne.
¾ 1907, 18 octobre – Signature des Conventions de La Haye sur le droit humanitaire et sur le règlement
pacifique des différends.
¾ 1919, 28 avril – Adoption du Pacte de la Société des Nations.
¾ 1919, 28 juin – Signature du Traité de Versailles. L’article 227 prévoit la mise en accusation de l’ex-
empereur de l’Allemagne Guillaume II de Hohenzollern pour “offense suprême contre la morale
internationale et l’autorité sacrée des traités”. L’article 228 prévoit le jugement des ressortissants
allemands responsables des crimes de guerre par les tribunaux militaires des Puissances alliées
et associées. Il inclut le Pacte de la S.d.N. (26 premiers articles du Traité).
¾ 1920 – Le Comité consultatif de juristes chargé par le Conseil de la S.d.N. d’élaborer le Statut d’une
C.P.J.I., adopte, sur la base d’une proposition de son Président, le baron Descamps, un vœu
prévoyant l’institution d’une instance compétente pour juger “les crimes contre l’ordre public
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international et le droit des gens universel, qui lui seront déférés par l’Assemblée plénière de la
Société des Nations ou par le Conseil de cette Société”. Le Conseil et l’Assemblée de la S.d.N.
repoussent le Projet en le jugeant prématuré.
¾ 1923 – Élaboration du Projet de Traité d’assistance mutuelle, qui qualifie la guerre comme “crime
international”.
¾ 1924, 2 octobre – Adoption, par la cinquième Assemblée de la S.d.N., du Protocole de Genève pour
le règlement pacifique des différends (Doc.C.606.M.211.1924.IX) qualifiant la guerre comme
“crime international”.
¾ 1925 – Adoption, par l’U.I.P., de la Résolution sur la criminalité de la guerre d’agression et
l’organisation d’une répression internationale contenant (Annexe III) les Principes fondamentaux
d’un Code répressif des nations de V. Pella.
¾ 1925 – Élaboration de l’Avant-Projet de Code pénal internationale par Q. Saldaña.
¾ 1925 – Élaboration du Projet de Statut pour la Cour permanente de justice internationale criminelle,
par M. Caloyanni sous les auspices de l’A.I.D.P.
¾ 1926 – Adoption, par l’A.I.D.P., de la Résolution du Congrès de Bruxelles, exprimant le vœu
concernant l’institution d’une cour criminelle internationale.
¾ 1926 – Élaboration d’un Statut de la Cour criminelle internationale par M. Caloyanni sous les auspices
de l’A.I.D.P.
¾ 1927, 24 septembre – Adoption, par la S.d.N., d’une Résolution portant Déclaration relative à la
guerre d’agression (doc. A.119.1927.IX).
¾ 1928, 16 janvier – Élaboration du Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein
de la C.P.J.I., par V. Pella, sous les auspices de l’A.I.D.P.
¾ 1929 – Élaboration d’un Projet de Code pénal international par A. Levitt, sous les auspices de
l’A.I.D.P.
¾ 1929, 27 juillet – Adoption de la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et
malades dans les armées en campagne.
¾ 1929, 27 juillet – Adoption de la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de
guerre.
¾ 1935, 15 mars – Élaboration du Plan d’un Code répressif mondial, par V. Pella, sous les auspices de
l’A.I.D.P.
¾ 1937, 16 novembre – Ouverture à la signature à Genève, sous les auspices de la S.d.N., de la
Convention pour la prévention et la répression du terrorisme (Partie I (1) de l’Acte final de la
Conférence internationale sur la répression du terrorisme) et de la Convention pour la création
d’une C.P.I. compétente pour juger les individus coupables du crime de terrorisme, basée sur un
projet de V. Pella (Partie I (2) de l’Acte final de la Conférence internationale sur la répression du
terrorisme) (S.d.N. Doc.C.548.M.385.1937.V).
¾ 1943 – Élaboration d’un Projet de Convention portant création d’une Cour criminelle internationale,
par l’Assemblée internationale de Londres.
¾ 1943, 30 octobre – Les États-Unis, l’Union Soviétique et la Grande Bretagne publient à Moscou une
déclaration (Déclaration des quatre Nations) affirmant leur détermination à châtier les criminels
de guerre après la victoire du second conflit mondial.
¾ 1944 – Élaboration du Projet de Convention portant création d’un Tribunal des Nations Unies pour les
crimes de guerre, par la Commission des N.U. pour les crimes de guerre.
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

¾ 1944 – Élaboration du Projet pour l’institution d’une Organisation pour le maintien de la paix et des
clauses du Traité relatif à la responsabilité individuelle pour la violation du droit international
(juridiction pénale internationale) par H. Kelsen.
¾ 1944, 7 octobre – Élaboration des Propositions de Dumbarton Oaks, contenant les lignes inspiratrices
de la Charte des Nations Unies.
¾ 1945, 26 juin – Adoption de la Charte des Nation Unies et du Statut de la C.I.J.
¾ 1945, 8 août – Institution du Tribunal Militaire international de Nuremberg par l’Accord de Londres
concernant la poursuite et la châtiment des grands criminels de guerre des Puissances
européennes de l’Axe.
¾ 1946 – Présentation à la Commission pour le développement progressif du droit international et sa
codification du Mémorandum portant Projet de création d’une juridiction criminelle internationale,
par le délégué de la France H. Donnedieu de Vabres.
¾ 1946, 19 janvier – Institution du Tribunal Militaire International pour l’Extrême-Orient (Tokyo) par une
déclaration du Commandant suprême des forces alliées, le général Mac Arthur.
er
¾ 1946, 1 octobre – Sentence du T.M.I. de Nuremberg contre les grands criminels de guerre des
Puissances européennes de l’Axe.
¾ 1946, 11 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 95/I portant Confirmation des
principes de droit international reconnus par le Statut de la Cour de Nuremberg.
¾ 1946, 11 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 96/I (Le crime de génocide), qui
donne mandat au Conseil économique et social d’élaborer un Projet de Convention sur le crime
de génocide.
¾ 1946/1948 – Élaboration d’un Projet de Convention sur le crime de génocide, par le Secrétaire
général des Nations Unies, doc. E/447.
¾ 1946/1948 – Élaboration d’un Projet de Convention sur le crime de génocide, par le Comité spécial
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sur le génocide, doc. E/794.


¾ 1947, 21 novembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 177 (II) (Formulation des principes
reconnus par le Statut de la Cour de Nuremberg et dans l’arrêt de cette Cour), donnant mandat à
la C.D.I. d’élaborer un Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité et de
formuler les Principes de Nuremberg.
¾ 1948, 12 novembre – Sentence du T.M.I. de Tokyo contre les criminels majeurs de guerre en
Extrême-Orient.
¾ 1948, 9 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 260 (III) qui approuve la Convention
sur la prévention et la répression du crime de génocide et charge la C.D.I. d’étudier la possibilité
de créer une juridiction criminelle internationale.
¾ 1948, 10 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 247 (III) (Charte internationale des
droits de l’homme), contenant la Déclaration universelle des droits de l’homme.
¾ 1949, 12 août – Signature des quatre Conventions de Genève sur le droit humanitaire établissant un
régime de protection des droits des sujets non combattant.
¾ 1950 – Élaboration, par la C.D.I., des Principes du droit international consacrés par le Statut du
Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de ce Tribunal.
¾ 1950, 3 novembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 377 (V) (Union pour le maintien de la
paix), “Acheson”, autorisant la substitution de l’Assemblée au C.d.S., en cas de paralysie de
celui-ci, dans la prise de décision en matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationales.
¾ 1950, 12 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 489 (V) (Juridiction criminelle
internationale), créant un Comité spécial pour une Cour criminelle internationale.
¾ 1951 – Adoption, par la C.D.I., de la première version du Projet de Code des crimes contre la paix et
la sécurité de l’humanité.
¾ 1951 – Adoption, par le Comité pour une juridiction criminelle internationale, du Projet de Statut d’une
C.C.I. (doc. A/2136).
¾ 1952, 20 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 688 (VII) (Question de la définition de
l’agression), instituant le Comité spécial pour la définition de l’agression.
¾ 1953 – Adoption, par le Comité pour une juridiction criminelle internationale, du Projet de Statut pour
une C.C.I. (doc. A/2645).
¾ 1954 – Adoption, par la C.D.I., de la deuxième version du Projet de Code des crimes contre la paix et
la sécurité de l’humanité.
¾ 1954, 4 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 895 (IX) (Question de la définition de
l’agression), instituant le Comité spécial pour la définition de l’agression.
¾ 1954, 14 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 897 (IX) (Projet de Code des crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité), subordonnant l’élaboration du Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité à la définition de l’agression.
¾ 1954, 14 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 898 (IX) (Juridiction criminelle
internationale), subordonnant l’élaboration du Statut d’une Cour criminelle internationale à la
définition de l’agression et au Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité.

502
ANNEXE 1
CHRONOLOGIE ESSENTIELLE DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

¾ 1957, 11 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 1186 (VII) (Projet de Code des crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité), subordonnant l’élaboration du Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité à la définition de l’agression.
¾ 1957, 11 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 1187 (XII) (Juridiction criminelle
internationale), subordonnant l’élaboration du Statut d’une Cour criminelle internationale à la
définition de l’agression et au Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité.
¾ 1966, 16 décembre – Adoption du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, par la
Résolution de l’A.G.N.U. 2200 (A) (XXI).
¾ 1966, 16 décembre – Adoption du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels, par la Résolution de l’A.G.N.U. 2200 (A) (XXI).
¾ 1968, 26 novembre – Adoption, par la Résolution 2391 (XXIII) de l’A.G.N.U., de la Convention sur
l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
¾ 1969, 23 mai – Adoption de la Convention de Vienne sur le droit des traités, contenant (article 53) la
définition du ius cogens.
¾ 1970, 5 février – Arrêt de la C.I.J. dans l’affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company,
Limited (Belgique/Espagne), contenant une définition du concept d’obligation erga omnes.
¾ 1970, 24 octobre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 2625 (XXV), portant Déclaration relative
aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre États,
conformément à la Charte des Nations Unies qualifiant la guerre comme “crime”.
¾ 1972, 16 juin – Adoption, par la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, de la Déclaration
de Stockholm sur l’environnement, affirmant le droit fondamental de l’homme au respect de
l’environnement et le devoir absolu des États de ne pas endommager l’environnement.
¾ 1973, 30 novembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 3068 (XXVIII) portant en annexe la
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Convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid qui mentionne (Article 5) la


possible création d’une Cour pénale internationale et permet (Article 8) un recours unilatéral à la
C.I.J.
¾ 1974, 14 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 3314 (XXIX), portant Définition de
l’agression, qualifiant la guerre comme “crime”.
¾ 1976 – Élaboration, par R. Ago, du Projet d’article 18 sur la responsabilité des États (Contenu de
l’obligation internationale violée), créant une distinction entre la catégorie des “délits” et celle des
“crimes” internationaux (in R. Ago, Cinquième rapport sur la responsabilité des États – Le fait
internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité internationale, in Ann. C.D.I., 1976,
ère
vol. II, 1 partie, doc. A/CN.4/292 et Add.1-2, p. 57).
¾ 1976 – La C.D.I. adopte le Projet d’article 19 (crimes et délits internationaux), confirmant la distinction
entre “crimes” et “délits” internationaux, dans le cadre du Projet d’articles sur la responsabilité
des États, Première partie, Le fait internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité
internationale (in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa vingt-huitième session, 3 mai-23
ème
juillet 1976, in Ann. C.D.I., 1976, vol. II, 2 partie, p. 70).
¾ 1977, 8 juillet – Signature des deux Protocoles additionnels aux quatre Conventions de Genève du 1
août 1949, relatifs à la protections des victimes des conflits armés internationaux et non
internationaux.
¾ 1978, 16 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 33/97 (Projet de Code des crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité), décidant l’examen prioritaire du Projet de Code des
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.
¾ 1980 – Adoption, par la C.D.I. de la première partie du Projet d’articles sur la responsabilité des États
Le fait internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité internationale, contenant le
texte de l’article 19 (crimes et délits internationaux) (in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de
ème
sa trente-deuxième session, 5 mai-25 juillet 1980, in Ann. C.D.I., 1980 , vol. II, 2 partie, doc.
ème
A/CN.4/SER.A/1980/Add.1 (2 partie), p. 29-32).
¾ 1981 – Élaboration d’un Projet de Code pénal international, par C. Bassiouni, sous les auspices de
l’A.I.D.P.
¾ 1981, 10 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 36/106 (Projet de Code des crimes
contre la paix et la sécurité de l’humanité), donnant mandat, de nouveau, à la C.D.I. d’élaborer un
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.
¾ 1982 – Élaboration, par W. Riphagen, du Projet d’article 6, dans le cadre du Projet sur la
responsabilité des États, concernant les conséquences du crime international étatique (in Ann.
C.D.I., 1982, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/354 et Add.1-2, p. 56).
¾ 1984, 10 décembre – Adoption de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants par la Résolution de l’A.G.N.U. 39/46 du 10 décembre 1984.
¾ 1985 – Proposition, par W. Riphagen, du Projet des articles 5, 14 et 15 réglant les sujets passifs et les
conséquences du crime international de l’État dans le cadre du Projet sur la responsabilité des
États, Deuxième partie, Le contenu, les formes et les degrés de la responsabilité internationale,
(in C.D.I., Comptes rendus analytiques des séances de la trente-septième session, 6 mai-26
juillet 1985, in Ann. C.D.I., 1985, vol. I, doc. A/CN.4/SER.A/1985, p. 82-83).
er
¾ 1986 – Élaboration, par W. Riphagen, des Projets d’articles 1 -4, réglant les conditions du recours
unilatéral de la victime du crime de l’État à la C.I.J. dans le cadre du Projet sur la responsabilité

503
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

des États, Troisième partie, “mise en œuvre” de la responsabilité internationale et règlement des
différends (in W. Riphagen, Septième rapport sur la responsabilité des États – Le contenu, les
formes et les degrés de la responsabilité internationale (deuxième partie du Projet d’articles) et
“mise en œuvre” de la responsabilité internationale et règlement des différends (troisième partie
du Projet d’articles), in Ann. C.D.I., 1986, vol. II, 1ère partie, doc. A/CN.4/397 et Add.1, p. 2).
¾ 1986 – La C.D.I. adopte le Projet d’article 5, définissant la collectivité des États comme sujet passif du
crime international de l’État (§ 3), dans le cadre du Projet d’articles sur la responsabilité des
États, Deuxième partie, Le contenu, les formes et les degrés de la responsabilité internationale
(in C.D.I., Rapport à l’A.G. sur les travaux de sa trente-huitième session, 5 mai-11 juillet 1986, in
ème
Ann. C.D.I., 1986, vol. II, 2 partie, doc. A/CN.4/SER.A/1986/Add.1 (2ème partie), p. 41).
¾ 1986, 21 mars – Adoption, à Vienne, de la Convention sur le droit des traités entre États et
organisations internationales ou entre organisations internationales, réaffirmant (article 53) la
notion de ius cogens.
¾ 1989, 4 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 44/39 (Responsabilité pénale des
particuliers et des entités qui se livrent au trafic illicite transfrontière de stupéfiants et à d’autres
activités criminelles transnationales: création d’une Cour de justice pénale internationale ayant
compétence pour connaître de ces délits), demandant à la C.D.I. d’étudier à nouveau la question
de l’institution d’une juridiction criminelle internationale.
¾ 1990, 28 novembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 45/41 (Rapport de la C.D.I. sur les
travaux de sa quarante-deuxième session), demandant à la C.D.I. d’étudier à nouveau la
question d’une juridiction criminelle internationale.
¾ 1991 – Adoption en première lecture, par la C.D.I., du Projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité.
¾ 1991, 9 décembre – A.G.N.U., Résolution 46/54 (A/RES/46/54) (Rapport de la C.D.I. sur les travaux
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de sa quarante-troisième session), demandant à la C.D.I. d’étudier à nouveau la question d’une


juridiction criminelle internationale.
¾ 1992, 14 juin – Adoption, par la Conférence de Rio de Janeiro sur l’environnement et le
développement, de la Déclaration sur l’environnement et le développement, réaffirmant le droit
fondamental de l’homme au respect de l’environnement et le devoir absolu des États de ne pas
endommager l’environnement.
¾ 1993 – Élaboration, par D. Thiam, d’un Projet de Statut d’une C.P.I., dans le cadre des travaux sur le
Projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.
¾ 1993 – Élaboration, par le Groupe de travail de la C.D.I. sur un Projet de Statut pour une C.C.I., d’un
Projet de Statut d’une C.C.I.
¾ 1993, 8 avril – Ordonnance de la C.I.J. dans l’affaire de l’Application de la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine/Yougoslavie (Serbie et
Monténégro)), déclarant l’incompétence de la C.I.J. à l’égard de la responsabilité étatique directe
pour le crime de génocide.
¾ 1993, 25 mai – Adoption, par le C.d.S., de la Résolution 827 (S/RES/827(1993)) (Tribunal (Ex
Yougoslavie)), instituant le T.P.I.Y.
¾ 1993, 13 septembre – Ordonnance de la C.I.J. dans l’affaire de l’Application de la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine/Yougoslavie (Serbie et
Monténégro)), déclarant l’incompétence de la C.I.J. à l’égard de la responsabilité étatique directe
pour le crime de génocide.
¾ 1994 – Adoption, par la C.D.I., du Projet de Statut d’une C.P.I.
¾ 1994, 8 novembre – Adoption, par le C.d.S., de la Résolution 955 (S/RES/955(1994)) (Situation
concernant le Rwanda (Création Tribunal international)), instituant le T.P.I.R.
¾ 1995 – Proposition, par G. Arangio-Ruiz, des articles 15-20 de la deuxième partie du Projet d’articles
sur la responsabilité des États, esquissant une procédure de jugement des crimes des États
axée sur le C.d.S. ou l’A.G.N.U. et la C.I.J. contemplant la juridiction obligatoire, et de l’article 7
de la troisième partie, instituant la juridiction obligatoire de la C.I.J. en cas de violation d’une
sentence concernant un crime étatique (in G. Arangio-Ruiz, Septième rapport sur la
responsabilité des États, Add.1-2, 1995, doc. A/CN.4/469/Add.1-2).
¾ 1995 – Rapport du Comité ad hoc pour une Cour criminelle internationale à l’A.G., contenant les
propositions pour l’institution d’une C.C.I. (doc. A/50/22).
¾ 1995, 17 février – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 49/53 du 17 février 1995 (A/RES/49/53)
(Création d’une Cour criminelle internationale) instituant un Comité ad hoc pour la Cour criminelle
internationale.
¾ 1995, juillet – Élaboration, par un Comité d’experts, sous les auspices de l’A.I.D.P., de l’I.S.I.S.C. et
l’M.P.I., du Projet de Statut de Syracuse pour une Cour Pénale Internationale (Draft Statute for
an I.C.C. – Alternative to the I.L.C. Draft (Siracusa Draft)).
¾ 1995, 11 décembre – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 50/46 (A/RES/50/46) (Création d’une
Cour criminelle internationale), instituant le Comité préparatoire de la C.P.I., chargé de rédiger “le
texte consolidé d’une convention portant création d’une C.P.I.” en vue d’un examen par une
Conférence plénipotentiaire.
¾ 1996, 11 juillet – Arrêt de la C.I.J. dans l’affaire de l’Application de la Convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide (Bosnie Herzégovine/Yougoslavie (Serbie et Monténégro)),

504
ANNEXE 1
CHRONOLOGIE ESSENTIELLE DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

affirmant, sur la base des articles 3 et 9 de la Convention, que la responsabilité individuelle


n’exclue pas la responsabilité collective.
¾ 1996, 26 juillet – Adoption, de la part de la C.D.I., du Projet de Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité, en deuxième lecture.
¾ 1996, 26 juillet – Adoption, par la C.D.I., du Projet d’articles sur la responsabilité des États, en
première lecture.
¾ 1996, 13 septembre – Élaboration des Propositions concernant le Projet de Statut d’une Cour pénale
internationale, par le Comité préparatoire de la C.P.I. (doc. A/51/22/A).
¾ 1997, 7 mai – Jugement, par la deuxième Chambre de premier instance du T.P.I.Y., dans l’affaire
Tadic (IT-94-1), affirmant que la responsabilité individuelle pour le crime de génocide peut
engendrer la responsabilité étatique.
¾ 1998 – Élaboration du Projet de Statut et Projet d’Acte final pour une C.P.I. par le Comité préparatoire
de la C.P.I. (doc. A/Conf.183/2/Add.1).
¾ 1998, 17 juillet – Adoption de la Convention portant Statut de la C.P.I., à Rome, à l’issue d’une
Conférence plénipotentiaire.
¾ 1998, 17 juillet – Adoption, par le C.D.P.N.U.C.C.I., de la Résolution F, instituant la Commission
préparatoire de la C.P.I. chargée d’élaborer les dispositions nécessaires en vue de l’entrée en
vigueur su Statut de la Cour (in C.D.P.N.U.C.C.I., Acte final, doc. A/Conf.183/10, 17 juillet 1998).
¾ 1998, 25 novembre – Jugement de la House of Lords, dans l’affaire Pinochet, affirmant la possibilité
qu’un chef d’État ayant cessé ses fonctions soit jugé par une juridiction étrangère pour certains
crimes commis au cours de son mandat (suivi par les jugements du 17 décembre 1998/15 janvier
1999 et du 24 mars 1999).
¾ 1999, 3 août – Création d’un Groupe de travail sur le crime d’agression, par la Commission
préparatoire de la C.P.I., à sa deuxième session.
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¾ 2000 – Élaboration, par J. Crawford, du texte du Projet d’articles sur la responsabilité des États (in J.
Crawford, Troisième rapport sur la responsabilité des États, doc. A/CN.4/507 et Add.1-4).
¾ 2000 – Le Comité de rédaction de la C.D.I., adopte provisoirement, en deuxième lecture, le texte du
Projet d’articles sur la responsabilité des États.
¾ 2000, 15 février – La M.I.N.U.K. confère, par le Règlement 2000/6, au Représentant spécial du
Secrétaire général des Nations Unies au Kosovo, le pouvoir de nommer des juges et des
procureurs internationaux auprès des Tribunaux du district de Mitrovica, ayant compétence,
notamment, en matière criminelle. Ce pouvoir sera étendu, ensuite, à tout tribunal ou bureau du
procureur relevant de la juridiction territoriale du Kosovo.
¾ 2000, 6 mars – L’A.T.N.U.T.O. crée, par Règlement 2000/11 (UNTAET/REG/2000/11), une Chambre
spéciale, à composition mixte, au Tribunal de District de Dili, pour juger les crimes graves au
Timor Oriental.
¾ 2001 – Adoption en deuxième lecture, par la C.D.I., du Projet d’articles sur la responsabilité des États.
¾ 2001, 12 septembre – Adoption, par le Conseil de sécurité, de la Résolution 1368, portant sur les
Menaces à la paix et à la sécurité internationales résultant d’actes terroristes.
¾ 2002, 16 janvier – Signature, à Freetown, de l’Accord pour le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
er
¾ 2002, 1 juillet – Entrée en vigueur du Statut de la Cour pénale internationale.
¾ 2002, 12 juillet – Élaboration d’un document, par le Groupe de travail sur le crime d’agression,
concernant la Définition du crime d’agression et les conditions d’exercice de la compétence de la
C.P.I. (PICCNIC 2002/WGCA/RT.1/Rev.2).
¾ 2002, 9 septembre – Adoption, par l’Assemblée des États parties au Statut de la C.P.I., de la
Résolution ICC-Asp/1/Res.1, prolongeant les travaux du Groupe de travail sur le crime
d’agression.
¾ 2002, 9 septembre – Adoption, par l’Assemblée des États parties au Statut de Rome sur la C.P.I., du
texte du Règlement de procédure et de preuve, des Éléments des crimes, du Règlement intérieur
de l’Assemblée des États parties, du Règlement financier et des règles de gestion financière, de
l’Accord sur les privilèges et immunités de la C.P.I., des Principes de base devant régir l’Accord
de siège à négocier entre la C.P.I. et le pays hôte, du Projet d’Accord sur les relations entre la
C.P.I. et l’O.N.U. (in A.É.P.S.R.C.P.I., Rapport sur sa 1ère session, doc. off. ICC-ASP/1/3).
¾ 2003, 13 mai – Adoption, par l’A.G.N.U., de la Résolution 57/228/B (Procès des Khmers rouges),
approuvant l’Accord entre les Nations Unies et la Cambodge, portant création des Chambres
criminelles extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens pour juger les auteurs des crimes
commis au cour de la période comprise entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979.
¾ 2003, 10 décembre – Adoption, par le Conseil de gouvernement de l’Irak, créé par l’Autorité de la
Coalition, du Statut du Tribunal spécial pour l’Irak, compétent pour juger les crimes de génocide,
de guerre, contre l’humanité et les violations la loi irakienne commis pendant la période allant du
er
17 juillet 1968 au 1 mai 2003.
¾ 2004 – Adoption, par la C.D.I., de manière provisoire, du Projet sur la responsabilité des organisations
internationales.

505
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TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

(Note préliminaire: l’élaboration d’un annexe normatif recueillant les textes essentiels de la responsabilité
internationale pénale impose un choix restrictif. On trouvera, ci-après, des textes normatifs ou des extraits
de textes normatifs, choisis selon le critère de leur importance pour appréhender la relation entre la
responsabilité des États, ainsi que des autres personnes morales, et celle des personnes physiques en
droit international).

PACTE DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS


(AVEC ANNEXE)
(Adopté le 28 avril 1919, inclus dans le texte du Traité de Versailles, le 28 juin 1919, ainsi que dans
les Traités de Saint Germain, de Trianon et de Neuilly, dont il forme le 26 premiers articles, entré en
vigueur le 10 janvier 1920)
LES HAUTES PARTIES CONTRACTANTES,
Considérant que, pour développer la coopération entre les nations et pour leur garantir la paix et la
sûreté, il importe :
d’accepter certaines obligations de ne pas recourir a la guerre,
d’entretenir au grand jour ses relations internationales fondées sur la justice et l'honneur,
d’observer rigoureusement les prescriptions du Droit international, reconnues désormais comme
règle de conduite effective des Gouvernements,
de faire régner la justice et de respecter scrupuleusement toutes les obligations des Traités dans
les rapports mutuels des peuples organisés,
Adoptent le présent Pacte qui institue la Société des Nations.
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ARTICLE PREMIER
Sont Membres originaires de la Société des Nations ceux des Signataires dont les noms figurent dans
l’annexe au présent Pacte, ainsi que les États, également nommés dans l’annexe, qui auront accédé au
présent Pacte sans aucune réserve par une déclaration déposée au Secrétariat dans les deux mois de
l’entrée en vigueur du Pacte et dont notification sera faite aux Membres de la Société.
Tout État, Dominion ou Colonie qui se gouverne librement et qui n’est pas désigné dans l’annexe peut
devenir Membre de la Société, si son admission est prononcée par les deux tiers de l’Assemblée, pourvu
qu’il donne des garanties effectives de son intention sincère d’observer ses engagements internationaux
et qu’il accepte le règlement établi par la Société en ce qui concerne ses forces et ses armements
militaires et navals.
Tout Membre de la Société peut, après un préavis de deux ans, se retirer de la Société, a la condition
d’avoir rempli à ce moment toutes ses obligations internationales y compris celles du présent Pacte.
ARTICLE 2
L’action de la Société, telle qu’elle est définie dans le présent Pacte, s’exerce par une Assemblée et
par un Conseil assistés d’un Secrétariat permanent.
ARTICLE 3
L’Assemblée se compose de Représentants des Membres de la Société.
Elle se réunit à des époques fixées et à tout autre moment, si les circonstances le demandent, au
siège de la Société ou en tel autre lieu qui pourra être désigné.
L’Assemble connaît de toute question qui rentre dans la sphère d’activité de la Société ou qui affecte la
paix du monde.
Chaque Membre de la Société ne peut compter plus de trois Représentants dans l’Assemblée et ne
dispose que d’une voix.
ARTICLE 4
Le Conseil se compose de Représentants des Principales Puissances alliées et associées (1), ainsi
que de Représentants de quatre autres Membres de la Société. Ces quatre Membres de la Société sont
désignés librement par l’Assemblée et aux époques qu’il lui plait de choisir. Jusqu’à la première
désignation par l’Assemblée, les Représentants de la Belgique, du Brésil, de l’Espagne et de la Grèce
sont Membres du Conseil.
Avec l’approbation de la majorité de l’Assemblée, le Conseil peut désigner d’autres Membres de la
Société dont la représentation sera désormais permanente au Conseil. II peut, avec la même approbation,
augmenter le nombre des Membres de la Société qui seront choisis par l’Assemblée pour être représentés
au Conseil.
Le Conseil se réunit quand les circonstances le demandent, et au moins une fois par an, au siège de la
Société ou en tel autre lieu qui pourra être désigné.
Le Conseil connaît de toute question rentrant dans la sphère d’activité de la Société ou affectant la
paix du monde.
Tout Membre de la Société qui n’est pas représenté au Conseil est invité à y envoyer siéger un
Représentant lorsqu’une question qui l’intéresse particulièrement est portée devant le Conseil.
Chaque Membre de la Société représenté au Conseil ne dispose que d’une voix et n’a qu’un
Représentant.
(1) Les principales puissances alliées et associées sont les suivantes : les États-Unis d’Amérique,
l’Empire Britannique, la France, l’Italie et le Japon (Voir préambule du Traité de Paix avec l’Allemagne).
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

ARTICLE 5
Sauf disposition expressément contraire du présent Pacte ou des clauses du présent Traité, les
décisions de l’Assemblée ou du Conseil sont prises à l’unanimité des Membres de la Société représentés
à la réunion.
Toutes questions de procédure qui se posent aux réunions de l’Assemblée ou du Conseil, y compris la
désignation des Commissions chargées d’enquêter sur des points particuliers, sont réglées par
l’Assemblée ou par le Conseil et décidées à la majorité des Membres de la Société représentés à la
réunion.
La première réunion de l’Assemblée et la première réunion du Conseil auront lieu sur la convocation
du Président des États-Unis d’Amérique.
ARTICLE 6
Le Secrétariat permanent est établi au siège de la Société. il comprend un Secrétaire général, ainsi
que les secrétaires et le personnel nécessaires.
Le premier Secrétaire général est désigné dans l’annexe. Par la suite, le Secrétaire général sera
nommé par le Conseil avec l’approbation de la majorité de l’Assemblée.
Les secrétaires et le personnel du Secrétariat sont nommés par le Secrétaire général avec
l’approbation du Conseil.
Le Secrétaire général de la Société est de droit Secrétaire général de l’Assemblée et du Conseil.
Les dépenses du Secrétariat sont supportées par les Membres de la Société dans la proportion établie
pour le Bureau international de l’Union postale universelle.
ARTICLE 7
Le siège de la Société est établi à Genève.
Le Conseil peut à tout moment décider de l’établir en tout autre lieu.
Toutes les fonctions de la Société ou des services qui s’y rattachent, y compris le Secrétariat, sont
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également accessibles aux hommes et aux femmes.


Les Représentants des Membres de la Société et ses agents jouissent dans l’exercice de leurs
fonctions des privilèges et immunités diplomatiques.
Les bâtiments et terrains occupés par la Société, par ses services ou ses réunions, sont inviolables.
ARTICLE 8
Les Membres de la Société reconnaissent que le maintien de la paix exige la réduction des armements
nationaux au minimum compatible avec la sécurité nationale et avec l’exécution des obligations
internationales imposée par une action commune.
Le Conseil, tenant compte de la situation géographique et des conditions spéciales de chaque État,
prépare les plans de cette réduction, en vue de l’examen et de la décision des divers Gouvernements.
Ces plans doivent faire l’objet d’un nouvel examen et, s’il y a lieu, d’une révision tous les dix ans au
moins.
Après leur adoption par les divers Gouvernements, la limite des armements ainsi fixée ne peut être
dépassée sans le consentement du Conseil.
Considérant que la fabrication privée des munitions et du matériel de guerre soulève de graves
objections, les Membres de la Société chargent le Conseil d’aviser aux mesures propres à en éviter les
fâcheux effets, en tenant compte des besoins des Membres de la Société qui ne peuvent pas fabriquer les
munitions et le matériel de guerre nécessaires à leur sûreté.
Les Membres de la Société s’engagent à échanger, de la manière la plus franche et la plus complète,
tous renseignements relatifs à l’échelle de leurs armements, à leurs programmes militaires et navals et à
la condition de celles de leurs industries susceptibles d’être utilisées pour la guerre.
ARTICLE 9
Une Commission permanente sera formée pour donner au Conseil son avis sur l’exécution des
dispositions des articles 1 et 8 et, d’une façon générale, sur les questions militaires et navales.
ARTICLE 10
Les Membres de la Société s'engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure
l’intégrité territoriale et l’indépendance politique présente de tous les Membres de la Société. En cas
d’agression, de menace ou de danger d’agression, le Conseil avise aux moyens d’assurer l’exécution de
cette obligation.
ARTICLE 11
Il est expressément déclaré que toute guerre ou menace de guerre, qu’elle affecte directement ou non
l’un des Membres de la Société, intéresse la Société tout entière et que celle-ci doit prendre les mesures
propres à sauvegarder efficacement la paix des nations. En pareil cas, le Secrétaire général convoque
immédiatement le Conseil, à la demande de tout Membre de la Société.
Il est, en outre, déclaré que tout Membre de la Société a le droit, à titre amical, d’appeler l’attention de
l’Assemblée ou du Conseil sur toute circonstance de nature à affecter les relations internationales et qui
menace par suite de troubler la paix ou la bonne entente entre nations, dont la paix dépend.
ARTICLE 12
Tous les Membres de la Société conviennent que, s’il s’élève entre eux un différend susceptible
d’entraîner une rupture, ils le soumettront soit à la procédure de l’arbitrage, soit à l’examen du Conseil. Ils
conviennent encore qu’en aucun cas ils ne doivent recourir à la guerre avant l’expiration d’un délai de trois
mois après la sentence des arbitres ou le rapport du Conseil.

508
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Dans tous les cas prévus par cet article, la sentence des arbitres doit être rendue dans un délai
raisonnable et le rapport du Conseil doit être établi dans les six mois à dater du jour oil il aura été saisi du
différend.
ARTICLE 13
Les Membres de la Société conviennent que s’il s’élève entre eux un différend susceptible, à leur avis,
d’une solution arbitrale et si ce différend ne peut se régler de façon satisfaisante par la voie diplomatique,
la question sera soumise intégralement à l’arbitrage.
Parmi ceux qui sont généralement susceptibles de solution arbitrale, on déclare tels les différends
relatifs à l’interprétation d’un Traité, à tout point de droit international, à la réalité de tout fait qui, s’il était
établi, constituerait la rupture d’un engagement international, ou à l’étendue ou à la nature de la réparation
due pour une telle rupture.
La Cour d’arbitrage à laquelle la cause est soumise, est la Cour désignée par les Parties ou prévue
dans leurs Conventions antérieures.
Les Membres de la Société s’engagent à exécuter de bonne foi les sentences rendues et à ne pas
recourir à la guerre contre tout Membre de la Société qui s’y conformera. Faute d’exécution de la
sentence, le Conseil propose les mesures qui doivent en assurer l’effet.
ARTICLE 14
Le Conseil est chargé de préparer un projet de Cour permanente de Justice internationale et de le
soumettre aux Membres de la Société. Cette Cour connaîtra de tous différends d’un caractère
international que les Parties lui soumettront. Elle donnera aussi des avis consultatifs sur tout différend ou
tout point dont la saisira le Conseil ou l’Assemblée.
ARTICLE 15
S’il s’élève entre les Membres de la Société un différend susceptible d’entraîner une rupture et si ce
différend n’est pas soumis l’arbitrage prévu a l’article 13, les Membres de la Société conviennent de le
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porter devant le Conseil. À cet effet, il suffit que l’un d’eux avise de ce différend le Secrétaire général, qui
prend toutes dispositions en vue d’une enquête et d’un examen complets.
Dans le plus bref délai, les Parties doivent lui communiquer l’exposé de leur cause avec tous faits
pertinents et pièces justificatives. Le Conseil peut en ordonner la publication immédiate.
Le Conseil s’efforce d’assurer le règlement du différend. S’il y réussit, il publie, dans la mesure qu’il
juge utile, un exposé relatant les faits, les explications qu’ils comportent et les termes de ce règlement.
Si le différend n’a pu se régler, le Conseil rédige et publie un rapport, voté soit à l’unanimité, soit à la
majorité des voix, pour faire connaître les circonstances du différend et les solutions qu’il recommande
comme les plus équitables et les mieux appropriées à l’espèce.
Tout Membre de la Société représenté au Conseil peut également publier un exposé des faits du
différend et ses propres conclusions.
Si le rapport du Conseil est accepté à l’unanimité, le vote des Représentants des Parties ne comptant
pas dans le calcul de cette unanimité, les Membres de la Société s’engagent à ne recourir à la guerre
contre aucune Partie qui se conforme aux conclusions du rapport.
Dans le cas où le Conseil ne réussit pas à faire accepter son rapport par tous ses Membres autres que
les Représentants de toute Partie au différend, les Membres de la Société se réservent le droit d’agir
comme ils le jugeront nécessaire pour le maintien du droit et de la justice.
Si l’une des Parties prétend et si le Conseil reconnaît que le différend porte sur une question que le
droit international laisse à la compétence exclusive de cette Partie, le Conseil le constatera dans un
rapport, mais sans recommander aucune solution.
Le Conseil peut, dans tous les cas prévus au présent article, porter le différend devant l’Assemblée.
L’Assemblée devra de même être saisie du différend à la requête de l’une des Parties; cette requête devra
être présentée dans les quatorze jours à dater du moment où le différend est porté devant le Conseil.
Dans toute affaire soumise à l’Assemblée, les dispositions du présent article et de l’article 12 relatives
à l’action et aux pouvoirs du Conseil, s’appliquent également à l’action et aux pouvoirs de l’Assemblée. II
est entendu qu’un rapport fait par l’Assemblée avec l’approbation des Représentants des Membres de la
Société représentés au Conseil et d’une majorité des autres Membres de la Société, à l’exclusion, dans
chaque cas, des Représentants des Parties, a le même effet qu’un rapport du Conseil adopté à l’unanimité
de ses Membres autres que les Représentants des Parties.
ARTICLE 16
Si un Membre de la Société recourt à la guerre, contrairement aux engagements pris aux articles 12,
13 ou 15, il est ipso facto considère comme ayant commis un acte de guerre contre tous les autres
Membres de la Société. Ceux-ci s’engagent à rompre immédiatement avec lui toutes relations
commerciales ou financières, à interdire tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l’État en rupture de
pacte et à faire cesser toutes communications financières, commerciales ou personnelles entre les
nationaux de cet État et ceux de tout autre État, Membre ou non de la Société.
En ce cas, le Conseil a le devoir de recommander aux divers Gouvernements intéressés les effectifs
militaires ou navals, par lesquels les Membres de la Société contribueront respectivement aux forces
armées destinées a faire respecter les engagements de la Société.
Les Membres de la Société conviennent, en outre, de se prêter l’un à l'autre un mutuel appui dans
l’application des mesures économiques et financières à prendre en vertu du présent article pour réduire au
minimum les pertes et les inconvénients qui peuvent en résulter. Ils se prêtent également un mutuel appui
pour résister à toute mesure spéciale dirigée contre l’un d'eux par l’État en rupture du pacte. Ils prennent

509
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

les dispositions nécessaires pour faciliter le passage à travers leur territoire des forces de tout Membre de
la Société qui participe à une action commune pour faire respecter les engagements de la Société.
Peut être exclu de la Société tout Membre qui s’est rendu coupable de la violation d’un des
engagements résultant du Pacte. L’exclusion est prononcée par le vote de tous les autres Membres de la
Société représentés au Conseil.
ARTICLE 17
En cas de différend entre deux États, dont un seulement est Membre de la Société ou dont aucun n'en
fait partie, l’État ou les États étrangers à la Société sont invités à se soumettre aux obligations qui
s’imposent à ses Membres aux fins de règlement du différend, aux conditions estimées justes par le
Conseil. Si cette invitation est acceptée, les dispositions des articles 12 a 16 s’appliquent sous réserve des
modifications jugées nécessaires par le Conseil.
Dès l’envoi de cette invitation, le Conseil ouvre une enquête sur les circonstances du différend et
propose telle mesure qui lui paraît la meilleure et la plus efficace dans le cas particulier.
Si l’État invité, refusant d’accepter les obligations de Membre de la Société, aux fins de règlement du
différend, recourt à la guerre contre un Membre de la Société, les dispositions de l’article 16 lui sont
applicables.
Si les deux Parties invitées refusent d’accepter les obligations de Membre de la Société aux fins de
règlement du différend, le Conseil peut prendre toutes mesures et faire toutes propositions de nature à
prévenir les hostilités et à amener la solution du conflit.
ARTICLE 18
Tout traité ou engagement international conclu à l’avenir par un Membre de la Société devra être
immédiatement enregistré par le Secrétariat et publié par lui aussitôt que possible. Aucun de ces traités ou
engagements internationaux ne sera obligatoire avant d’avoir été enregistré.
ARTICLE 19
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L’Assemblée peut, de temps à autre, inviter les Membres de la Société à procéder à un nouvel examen
des traités devenus inapplicables ainsi que des situations internationales, dont le maintien pourrait mettre
en péril la paix du monde.
ARTICLE 20
Les Membres de la Société reconnaissent, chacun en ce qui le concerne, que le présent Pacte abroge
toutes obligations ou ententes inter se incompatibles avec ses termes et s’engagent solennellement à n’en
pas contracter à l’avenir de semblables.
Si, avant son entrée dans la Société, un Membre a assumé des obligations incompatibles avec les
termes du Pacte, il doit prendre des mesures immédiates pour se dégager de ces obligations.
ARTICLE 21
Les engagements internationaux, tels que les traités d’arbitrage, et les ententes régionales, comme la
doctrine de Monroe, qui assurent le maintien de la paix, ne sont considérées comme incompatibles avec
aucune des dispositions du présent Pacte.
ARTICLE 22
Les principes suivants s’appliquent aux colonies et territoires qui, à la suite de la guerre, ont cessé
d’être sous la souveraineté des États qui les gouvernaient précédemment et qui sont habités par des
peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du
monde moderne. Le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de
civilisation, et il convient d’incorporer dans le présent Pacte des garanties pour l’accomplissement de cette
mission.
La meilleure méthode de réaliser pratiquement ce principe est de confier la tutelle de ces peuples aux
nations développées qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position
géographique, sont le mieux à même d’assumer cette responsabilité et qui consentent à l’accepter: elles
exerceraient cette tutelle en qualité de Mandataires et au nom de la Société.
Le caractère du mandat doit différer suivant le degré de développement du peuple, la situation
géographique du territoire, ses conditions économiques et toutes autres circonstances analogues.
Certaines communautés, qui appartenaient autrefois à l’Empire ottoman, ont atteint un degré de
développement tel que leur existence comme Nations indépendantes peut être reconnue provisoirement,
à la condition que les conseils et l’aide d’un Mandataire guident leur administration jusqu’au moment où
elles seront capables de se conduire seules. Les vœux de ces communautés doivent être pris d’abord en
considération pour le choix du Mandataire.
Le degré de développement où se trouvent d’autres peuples, spécialement ceux de l’Afrique centrale,
exige que le Mandataire y assume l’administration du territoire à des conditions qui, avec la prohibition
d’abus, tels que la traite des esclaves, le trafic des armes et celui de l’alcool, garantiront la liberté de
conscience et de religion, sans autres limitations que celles que peut imposer le maintien de l’ordre public
et des bonnes mœurs, et l’interdiction d’établir des fortifications ou des bases militaires ou navales et de
donner aux indigènes une instruction militaire, si ce n’est pour la police ou la défense du territoire, et qui
assureront également aux autres Membres de la Société des conditions d’égalité pour les échanges et le
commerce.
Enfin, il y a des territoires, tels que le Sud-Ouest africain et certaines îles du Pacifique austral, qui, par
suite de la faible densité de leur population, de leur superficie restreinte, de leur éloignement des centres
de civilisation, de leur contiguïté géographique au territoire du Mandataire, ou d’autres circonstances, ne

510
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

sauraient être mieux administrés que sous les lois du Mandataire, comme une partie intégrante de son
territoire, sous réserve des garanties prévues plus haut dans l’intérêt de la population indigène.
Dans tons les cas le Mandataire doit envoyer au Conseil un rapport annuel concernant les territoires
dont il a la charge.
Si le degré d’autorité, de contrôle ou d’administration à exercer par le Mandataire n’a pas fait l’objet
d’une Convention antérieure entre les Membres de la Société, il sera expressément statué sur ces points
par le Conseil.
Une commission permanente sera chargée de recevoir et d’examiner les rapports annuels des
Mandataires et de donner au Conseil son avis sur toutes questions relatives à l'exécution des mandats.
ARTICLE 23
Sous la réserve, et en conformité des dispositions des Conventions internationales actuellement
existantes ou qui seront ultérieurement conclues, les Membres de la Société :
a) s’efforceront d’assurer et de maintenir des conditions de travail équitables et humaines pour
l’homme, la femme et l’enfant sur leurs propres territoires, ainsi que dans tous les pays auxquels
s’étendent leurs relations de commerce et d’industrie, et, dans ce but, d’établir et d’entretenir les
organisations internationales nécessaires ;
b) s’engagent à assurer le traitement équitable des populations indigènes dans les territoires
soumis à leur administration ;
c) chargent la Société du contrôle general des accords relatifs à la traite des femmes et des
enfants, du trafic de l’opium et autres drogues nuisibles ;
d) chargent la Société du contrôle general du commerce des armes et des munitions avec les
pays où le contrôle de ce commerce est indispensable à l’intérêt commun ;
e) prendront les dispositions nécessaires pour assurer la garantie et le maintien de la liberté des
communications et du transit, ainsi qu’un équitable traitement du commerce de tous les Membres
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de la Société, étant entendu que les nécessites spéciales des régions dévastées pendant la
guerre 1914-1918 devront être prises en considération ;
f) s’efforceront de prendre des mesures d’ordre international pour prévenir et combattre les
maladies.
ARTICLE 24
Tous les bureaux internationaux antérieurement établis par traités collectifs seront, sous réserve de
l’assentiment des parties, placés sous l’autorité de la Société. Tous autres bureaux internationaux et
toutes commissions pour le règlement des affaires d’intérêt international qui seront créés ultérieurement
seront places sous l’autorité de la Société.
Pour toutes questions d’intérêt international réglées par des conventions generales, mais non
soumises au contrôle de Commissions ou de bureaux internationaux, le Secrétariat de la Société devra, si
les parties le demandent et si le Conseil y consent, réunir et distribuer toutes informations utiles et prêter
toute l’assistance nécessaire ou désirable
Le Conseil peut décider de faire rentrer dans les dépenses du Secrétariat celles de tout bureau ou
Commission placés sous l’autorité de la Société.
ARTICLE 25
Les Membres de la Société s’engagent à encourager et favoriser l’établissement et la coopération des
organisations volontaires nationales de la Croix-Rouge, dûment autorisées, qui ont pour objet
l’amélioration de la santé, la défense préventive contre la maladie et l’adoucissement de la souffrance
dans le monde.
ARTICLE 26
Les amendements au présent Pacte entreront en vigueur dès leur ratification par les Membres de la
Société, dont les Représentants composent le Conseil, et par la majorité de ceux dont les Représentants
forment l’Assemblée.
Tout Membre de la Société est libre de ne pas accepter les amendements apportés au Pacte, auquel
cas il cesse de faire partie de la Société.
ANNEXE
I. Membres originaires de la Société des Nations, signataires du Traite de Paix.
États-Unis d'Amérique, Haïti, Belgique, Hedjaz, Bolivie, Honduras, Brésil, Italie, Empire Britannique,
Japon, Afrique du Sud, Libéria, Australie, Nicaragua, Canada, Panama, Inde, Pérou, Nouvelle-Zélande,
Pologne, Chine, Portugal, Cuba, Roumanie, Équateur, État Serbe-Croate-Slovène, France, Siam, Grèce,
Tchécoslovaquie, Guatemala, Uruguay.
États invités à accéder au Pacte.
Argentine, Pays-Bas, Chili, Perse, Colombie, Salvador, Danemark, Suède, Espagne, Suisse, Norvège,
Venezuela, Paraguay.
II. Premier Secrétaire général de la Société des Nations.
L’Honorable Sir James Eric DRUMMOND, K.C.M.G., C.B.

511
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

TRAITÉ DE VERSAILLES
(Adopté le 28 juin 1919, entré en vigueur le 10 janvier 1920)
Extrait
[…]
Article 227
Les Puissances alliées et associées mettent en accusation publique Guillaume II de Hohenzollern, ex-
empereur de l’Allemagne, pour offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des
traités.
Un Tribunal spécial sera constitué pour juger l’accusé en lui laissant les garanties essentielles du droit
de défense. Il sera composé de cinq juges, nommés par chacune des cinq Puissances suivantes, savoir:
les États-Unis d’Amérique, la Grande Bretagne, la France, l’Italie et le Japon.
Le Tribunal jugera sur motifs inspirés des principes les plus élevés de la politique entre les nations
avec le souci d’assurer le respect des obligations solennelles et des engagements internationaux ainsi que
de la morale internationale. Il lui appartiendra de déterminer la peine qu’il estimera devoir être appliquée.
Les Puissances alliées et associées adresseront au Gouvernement des Pays-Bas une requête le
priant de livrer l’ancien empereur entre leurs mains pour qu’il soit jugé.
[…]

COMITÉ CONSULTATIF DE JURISTES DE LA S.D.N. POUR L’ÉTABLISSEMENT DE LA C.P.J.I.


PROCÈS VERBAUX DES SÉANCES DE 1920
Extrait
VŒU CONCERNANT L’INSTITUTION D’UNE HAUTE COUR DE JUSTICE INTERNATIONALE
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ADOPTÉ SUR UNE PROPOSITION DU PRÉSIDENT, LE BARON DESCAMPS


SOUMIS À L’ATTENTION DU CONSEIL ET DE L’ASSEMBLÉE DE LA S.D.N.
Article 1
Il est institué une haute cour de justice internationale.
Article 2
Cette Cour se compose d’un membre par État respectivement choisi par le groupe des délégués de
chaque État à la Cour d’arbitrage.
Article 3
La haute cour de justice internationale sera compétente pour juger les crimes contre l’ordre public
international et le droit des gens universel, qui lui seront déférés par l’Assemblée plénière de la Société
des Nations ou par le Conseil de cette Société.
Article 4
La cour possédera un pouvoir appréciateur pour caractériser le délit, fixer la peine et déterminer les
moyens appropriés à l’exécution de la sentence. Elle détermine la procédure à suivre dans ce cas par son
règlement d’ordre intérieur.

RÉSOLUTION DE L’UNION INTERPARLEMENTAIRE SUR LA CRIMINALITÉ DE LA GUERRE


D’AGRESSION ET L’ORGANISATION D’UNE RÉPRESSION INTERNATIONALE
(Union interparlementaire, Compte rendu de la XIII Conférence, Washington, 1925)
(in S.G., Historique du problème de la juridiction criminelle internationale, Mémorandum, doc. N.U.
A/CN.4/7/Rev.1, New York, 27 mai 1949, p. 75-79, Annexe 5)
Extrait
Rapporteur: M. V.V. Pella, professeur à l’université de Bucarest, membre de l’Assemblée constituante
(Roumanie).
La XXIIIème Conférence interparlementaire,
Après avoir entendu le rapport de M. V.V. Pella,
Constatant la possibilité d’une criminalité collective des États, et considérant que cette criminalité doit
être étudiée au point de vue scientifique, afin de déterminer les lois naturelles qui la régissent et d’établir
les moyens destinés à la prévenir et à la réprimer,
Décide
D’instituer, au sein de la Commission pour l’étude des questions juridiques, une sous-commission
permanente, appelée
a) À étudier toutes les causes sociales, politiques, économiques et morales de la guerre
d’agression et à trouver des solutions pratiques assurant la prévention de ce crime ;
b) À procéder à l’élaboration d’un avant-projet de code répressif des nations.
À cette fin, la Conférence recommande à l’attention de la sous-Commission les thèses que M. V.V.
Pella a développées dans son rapport et résumées dans l’annexe à la présente résolution
ANNEXE À LA RÉSOLUTION III
Principes fondamentaux d’un code répressif des nations
1. Le code répressif des nations doit avoir une application universelle.

512
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

2. La répression doit être étendue non seulement au fait matériel de la déclaration de la guerre
d’agression, mais encore à toutes les actions individuelles ou collectives qui tendent à la préparation ou au
déclenchement d’une pareille guerre.
3. En dehors de la responsabilité des États il y a lieu d’admettre aussi la responsabilité des personnes
physiques qui commettent des infractions contre l’ordre public international et contre le droit des gens
universel.
4. Toutes les infractions commises par des États ou des individus doivent être prévues et sanctionnées
d’avance par des textes précis. Le principe nulla poena sine lege doit être à la base de la répression
internationale.
[...]
8. Les sanctions qui auront à être établies devront appartenir à deux catégories :
A. Sanctions applicables aux États :
a) Sanctions diplomatiques : l’avertissement de la rupture des relations diplomatiques, la révocation de
l’exequatur accordé aux consuls de l’État coupable, la suppression du droit de bénéficier des accord
internationaux ;
b) Sanctions juridiques: la mise sous séquestre des biens appartenant aux nationaux de l’État
coupable qui se trouveraient sur le territoire des autres États, la suppression, frappant les mêmes
nationaux, des droits de propriété industrielle, littéraire, artistique, scientifique, etc., l’interdiction d’ester
en justice devant les tribunaux des États associés, la privation de l’exercice des droits civils ;
c) Sanctions économiques: l’application à l’État coupable de la privation des avantages qui découlent
de la solidarité économique internationale, en l’isolant de la vie économique mondiale, moyennant: le
blocus, le boycottage, l’embargo, le refus de fournir les denrées ou les matières premières,
l’augmentation des droits de douane sur les produits provenant de l’État coupable, le refus d’accorder
des emprunts, le refus d’admettre à la cote des bourses les valeurs de l’État délinquant, l’interdiction
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des voies de communication ;


d) Recours à la force armée
B) Sanctions applicables aux individus :
a) L’avertissement ;
b) L’amende ;
c) L’admonestation ;
d) L’interdiction de séjour ;
e) L’incapacité d’occuper à l’avenir des fonctions diplomatiques à l’étranger ;
f) La prison ;
g) L’exil ;
9. La partie spéciale de l’avant-projet du code répressif des nations doit prévenir tous les faits positifs
ou négatifs considérés comme nuisibles à l’ordre public international.
Il y a lieu ainsi de punir les infractions suivantes :
A. Infractions commises par les États :
a) Le crime international de la guerre agressive ;
b) La violation des zones démilitarisées ;
c) L’inexécution de l’obligation de porter les conflicts graves devant la Cour permanente de Justice
internationale dans les cas où la compétence de cette Cour serait obligatoire ;
d) Les mobilisations militaires, navales et aériennes, industrielles et économiques dans les cas
d’apparition d’un conflit ;
e) Le fait, de la part d’un État, de permettre la préparation ou de préparer sur son propre territoire des
attentats contre la sécurité intérieure d’un autre État ou de favoriser les bandes de malfaiteurs qui
effectuent des incursions sur les territoires des autres États ;
f) L’immixtion d’un État dans les luttes politiques intérieures d’un autre État par des subventions ou des
appuis de tous genres accordés à certains partis politiques ;
g) La simple menace injustifiée d’une guerre agressive, procédé représenté dans le passé par le
système des ultimatums ;
h) Le recrutement des troupes et l’armement qui dépassent le nombre ou la quantité fixés par les
convention ou les traités ;
i) Les manœuvres ou les mobilisations effectuées dans un but de démonstration ou de préparation de
la guerre ;
j) La violation de l’immunité diplomatique des représentants étrangers ;
k) La falsification des monnaies, des billets de banque et toutes autres actions déloyales commises ou
tolérées par un État dans le but de porter atteinte au crédit d’un autre État.
B. Infractions commises par les individus :
a) Le fait pour un souverain de déclarer une guerre agressive ;
b) Le fait pour un agent diplomatique d’abuser des privilèges qui lui sont accordés pour commettre des
actions en contradiction flagrante avec les principes fondamentaux de l’ordre public international ou
constituant des actes de préparation d’une guerre agressive ;
c) Les délits militaires internationaux, ainsi que tous les autres faits commis en temps de guerre qui
sont contraires aux coutumes et aux règles du droit des gens ;
d) Les délits de droit commun commis par les armées étrangères dans les territoires occupés
(massacres, pillages, viols, vols, etc.) ;

513
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

e) La propagation de fausses nouvelles pouvant compromettre la paix.


10. La Cour permanente de Justice internationale doit être compétente pour statuer sur tous les crimes
et les délits internationaux.
11. En vue du parfait fonctionnement de la justice répressive internationale, il y aurait lieu d’organiser,
auprès de la Cour permanente, un ministère public international et une chambre de mise en accusation.
12. En vue de recherches préliminaires et de l’établissement des preuves, il y a lieu de proposer
l’institution de commissions d’enquêtes ad hoc, qui rempliront l’office de police judiciaire.
13. Les infractions commises par les États sont jugées par les Chambres réunies de la Cour
permanente.
14. En ce qui concerne les cas de responsabilité individuelle, il serait indiqué, conformément à l’article
26 du statut de la Cour, de créer une Chambre spéciale criminelle. La compétence de cette Chambre
s’étendrait à toutes les infractions internationales commises par des individus, ainsi qu’à toutes les
infractions qui, à cause de leur nature, auraient à être soustraites à la compétence des juridictions
nationales.
15. La Cour se prononcera aussi bien sur l’action publique que sur les demandes de dommages-
intérêts des États lésés par l’infraction internationale.
16. Au cas d’une agression violente, il appartient au Conseil de la Société des Nations de prendre les
mesures de police urgentes.
L’exécution des décisions de la Cour permanente de Justice internationale est également de la
compétence du Conseil de la Société des Nations.
Celui-ci avisera aux modalités politiques de l’exécution desdites décisions.
17. Dans le but de concilier l’idée d’une sécurité générale avec les nécessités spéciales de chaque
État, il y a lieu de déclarer que tous les États faisant partie de la Société des Nations ont l’obligation
virtuelle de participer à l’exécution des sanctions.
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Cette obligation devient opérante pour chaque État seulement à partir du moment où le Conseil de la
Société des Nations lui adresse l’invitation de participer à l’action de répression et lui indique les sanctions
qu’il est tenu d’appliquer.
[…]
18. Sont aussi susceptibles de la répression internationale, les États qui, ayant reçu des injonctions du
Conseil de la Société des Nations, refusent de participer ou ne participent pas d’une manière loyale à
l’œuvre de l’exécution des sanctions.

AVANT-PROJET DE CODE PÉNAL INTERNATIONAL


(Le nouveau Droit pénal international codifié)
Partie générale
Par
Q. Saldaña
(in R.C.A.D.I., 1925-V, t. 10, p. 387-422)
Extrait
TITRE PRÉLIMINAIRE
DE LA LOI PÉNALE ET DE SA SPHÈRE D’APPLICATION
CHAPITRE PREMIER
DE LA LOI PÉNALE INTERNATIONALE EN GÉNÉRAL
(Le domaine d’application du Code pénal international par rapport aux autres lois)
But de ce code
Article premier
Le code pénal international est au service de la Société internationale (aujourd’hui « Société des
Nations »), dans sa lutte contre la criminalité internationale (Comp. Garofalo, Maximes, I).
Déclaration d’exclusivité légale
Article 2
Seule la loi pénale internationale (ce code) peut établir les cas et les conditions de la responsabilité
criminelle, et fixer la sanction correspondante, dans ses formes et dans ses modalités.
Nullum delictum sine lege
Article 3
Nul ne pourra être condamné pour un fait non expressément prévu comme un crime (ou délit)
international par une loi pénale internationale.
Nulla poena sine lege
Article 4
Nul crime international ne peut être puni de peines qui n’étaient pas établies par une loi internationale
au moment où il a été commis (Comp. Code pénal., 1810, art. 4).
[…]
Loi d’application
Article 7
Tous les États signataires devront présenter à l’approbation de leurs chambres, avant le … ou
autoriser par eux-mêmes les lois d’application de ce code. Ce délai expiré, le Conseil de la Société des

514
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Nations avisera aux mesures à prendre au cas de non-exécution de cette obligation. Le fait sera soumis à
la connaissance de l’Assemblée (Comp. Proj. Suisse, 1915, art. 426).
[…]
CHAPITRE IV
DE LA LOI PÉNALE INTERNATIONALE PAR RAPPORT AUX PERSONNES
(Extension et application personnelles du code pénal international)
[…]
Justice pénale internationale
Article 23
Les criminels internationaux, même ressortissants du pays où ils sont détenus sont soumis à la
juridiction obligatoire et à la compétence pénale suprême de la Cour permanente de justice internationale.
[…]
PARTIE GÉNÉRALE
LIVRE PREMIER
L’INFRACTION CRIMINELLE ET SA RÉPRESSION INTERNATIONALE
(Principes généraux et règles sur la responsabilité et la pénalité en matière internationale)
TITRE PREMIER
L’INFRACTION
[…]
CHAPITRE IV
L’INFRACTION EN RAPPORT AUX PERSONNES
(Le criminel)
PREMIÈRE SECTION
L’ÉTAT DÉLINQUANT
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RESPONSABILITÉ DE L’ÉTAT
a) Directe
Article 41
Un État est responsable pour les fautes commises par ses agents, et d’une façon générale, pour les
dommages causés par l’exécution des services publics. Il sera directement responsable par les actes de
gestions (Doctrine générale).
L’État belligérant sera responsable de tous les actes commis par les personnes faisant partie de sa
force armée (Comp. IV, Convention de La Haye, 18 oct. 1907, art. 3).
La Société des Nations étant composée de nations constituées en États et pourvues d’institutions
représentatives, celles-ci permettent de les considérer comme responsables elles-mêmes des actes de
leur propre gouvernement (résolutions adoptées par la commission ministérielle française, en juin 1918, I,
n. 3, § 2).
b) Indirecte
Article 42
Un État est indirectement responsable des actes d’autorité de ses fonctionnaires, alors que ces actes
étaient prévus et réglementés par la loi (Doctrine générale).
Il en est de même pour les infractions encouragées ou tolérées par l’un des États membre de la
Société des Nations (Résolutions de la commission ministérielle française, 1918, II, 2, a).
TYPES DE CRIMINALITÉ DE L’ÉTAT
a) L’agression
Article 43
La responsabilité directe de l’État peut découler de l’agression ou du manquement à une obligation
internationale quelconque.
Il y a agression internationale, d’une manière générale, toutes les fois qu’un État recourt à la force – y
compris à la guerre – en violation des engagements pris par lui, soit dans des traités et conventions, soit
dans le pacte s’il est membre de la Société des Nations et qu’il n’a pas respecté l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique d’un autre membre de la Société, soit dans le Protocole de 1924, si, bien
qu’ayant signé le protocole, il a refusé de se soumettre à une sentence arbitrale ou à une décision
ère
unanime du Conseil (Analyse du protocole, travaux de la 1 Commission, 8, détermination de
l’agression).
b) Le manquement
Article 44
Il y a manquement international, toutes les fois qu’un État, sans recourir à la force, mais volontairement
viole les engagements pris par lui, – traité, Pacte, Protocole – soit par dol, soit par faute.
[…]
AGGRAVATION DE LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉTAT
Résistance passive
Article 50
Dans le cas où un État manquerait à ses engagements, le Conseil exercera toute son influence pour
en assurer le respect. Si la partie récalcitrante se borne à opposer à la solution intervenue une résistance
passive, elle subira d’abord la pression pacifique du Conseil. Si le Conseil n’y réussit pas, il doit proposer
les mesures propres à assurer l’effet de la décision rendue; il pourra ainsi déclencher contre le récalcitrant
des sanctions collectives d’ordre économique ou financier (Protocole, art. 4, n. 6 et Analyse, id.).

515
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

SECTION DEUXIÈME
L’INDIVIDU DÉLINQUANT
[…]
Pas de crimes, mais des criminels
Article 52
Après la constatation d’un crime ou délit, commis par un criminel ou délinquant, il est désirable que le
juge soit en mesure d’établir le type d’action de celui-ci d’après une classification scientifique des
criminels, point de départ nécessaire pour l’individualisation de la sanction.
[…]
TITRE II
LES SANCTIONS
CHAPITRE PREMIER
LES SANCTIONS EN GÉNÉRAL
PREMIÈRE SECTION
LES SANCTIONS PÉNALES
A) CONTRE LES ÉTATS DÉLINQUANT
Classes de sanctions
Article 57
Les sanctions que le Conseil (ou éventuellement la cour permanente de justice internationale) peut
imposer États délinquants, d’après ce code, sont :
a) Économiques, commerciales et financières ;
b) Sociales, diplomatiques et juridiques ;
c) Militaires, navales et aériennes.
a) SANCTIONS ÉCONOMIQUES
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Rupture des relations commerciales ou financières (blocus économique)


Article 58
Dans le cas du crime défini à l’article …, les membres de la Société des Nations seront tenues de
rompre immédiatement avec l’État agresseur toutes relations commerciales ou financières entre les
personnes résidant sur le territoire de l’État délinquant, et de faire cesser toutes communications
financières ou commerciales entre les personnes résident sur le territoire de cet État et celles résident sur
le territoire de toute autre État, membre ou non de la Société (Pacte, art. 16. d’après l’amendement de la
ème
5 Assemblée).
Indemnisation pour violation du règlement de guerre
Article 59
La partie belligérante qui violerait les dispositions du règlement concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre sera tenue à indemnité, s’il y a lieu (IV, Convention de la Haye, 18 oct. 1907, art. 3).
L’embargo
Article 60
Une contrainte efficace sur l’État qui aura méconnu le pacte est la saisie et la mise sous séquestre
provisoire, dans les ports et dans les eaux territoriales des États associés, des navires et des cargaisons
appartenant à l’État coupable et à ses nationaux, ainsi que la saisie de toutes marchandises à destination
de cet État (Résolutions, II, 3, b).
Autres sanctions économiques
Article 61
Il en est de même du refus des matières premières et denrées alimentaires indispensables à sa vie
économique (Résolutions, II, 3, c).
Article 62
De même aussi pour l’interdiction d’émettre des emprunts publics sur le territoire des nations
associées, le refus d’admission à la cote du marché officiel des valeurs émises au dehors et même le
retrait de l’admission antérieurement accordée (Résolutions, II, 3, d).
Réparation en cas de guerre répressive
Article 63
La totalité des frais de toute opération d’ordre militaire, naval ou aérien, entreprise pour la répression
d’une agression, ainsi que la réparation de tous dommages subis par les personnes civiles ou militaires, et
de tous dommages matériels occasionnés par les opérations, de part et d’autre, seront supportés par
l’État agresseur jusqu’à l’extrême limite de sa capacité.
Réparation de rupture
Article 64
En cas de rupture d’un engagement international, l’État délinquant est tenu d’une réparation, dont la
nature et l’étendue seront déterminées par la Cour permanente de justice internationale (Statut de la
C.P.J.I., art. 36).
b) SANCTIONS SOCIALES
b’) Temporaires (diplomatiques)
Article 65
Dans les nouveaux rapports sociaux internationaux qu’entraîne la Société des Nations, il y a des
sanctions dont le résultat est de mettre, pendant un temps plus ou moins long, l’État délinquant au ban
des nations associées. Telles sont :

516
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

La suspension ou la rupture des rapports diplomatiques que cet État a jusqu’alors entretenus avec les
autres États ayant adhéré à la Société des Nations.
Le retrait de l’exequatur accordé à ses consuls.
Son exclusion du bénéfice des accords internationaux d’un intérêt général, auxquels il a participé
(Résolutions de la commission ministérielle française, 1918, II, 2, a, b, c).
Rupture des rapports et communications personnelles (Blocus social)
Article 66
Dans le cas de l’article …, tous les membres de la Société des Nations seront tenus d’interdire
immédiatement tous rapports entre les personnes résidant sur leur territoire et celles résidant sur le
territoire de l’État en rupture du pacte, et de faire cesser toutes communications personnelles (Pacte, art.
16, d’après l’amendement de la 5ème Assemblée).
b’’) Définitives (Juridiques). Nullité des engagements
Article 67
Dans le cas des articles … et… (traités ou pactes secrets et clauses secrètes), aucun de ces traités ou
engagements internationaux ne sera obligatoire, ces traités ou pactes étant entachés de nullité (Comp.
Pacte, art. 18).
Exclusion de la Société des Nations
Article 68
Sera exclus de la Société tout membre qui s’est rendu coupable du crime défini à l’article .… (Violation
des engagements résultant du pacte).
L’exclusion sera prononcée par le vote de tous les autres membres de la Société des Nations
représentés au Conseil (Comp. Pacte, art. 16, al. 4).
Suspension des traités et conventions
Article 69
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Lorsque la Société des Nations se trouvera dans la nécessité de faire respecter les principes dont elle
a la garde, sera particulièrement efficace la suspension, au regard des sujets de l’État contrevenant, des
traités d’établissement, des conventions relatives à la protection des droits d’auteurs et à la propriété
industrielle, des conventions de droit international privé que cet État a conclu avec les autres États,
membres de la Société des Nations (Résolutions, cit., II, 2, b).
Sanctions sociales d’ordre judiciaire
Article 70
Dans le même cas, est également efficace, le refus aux nationaux de l’État contrevenant, soit de
l’accès des tribunaux dans les pays associés, soit, dans ces divers pays, de l’exequatur aux sentences
rendues par les tribunaux, dans l’intérêt de leurs ressortissants (Résolutions, cit. II, 2, b).
c) SANCTIONS MILITAIRES
Article 71
La justice internationale et l’organisme international doivent disposer éventuellement d’une force
militaire fournie par les membres de la Société des Nations, et cela dans les deux buts suivants :
1 Assurer l’exécution des décisions de la Société des Nations et de celles de la Cour permanente de
Justice internationale ;
2 Maîtriser, le cas échéant, les forces qui pourraient être opposées à la Société des Nations en cas de
conflit armé (Résolutions, cit., III, 1).
Répression ou châtiment militaire (La guerre-peine)
Article 72
Dans le cas de l’article … (violation des engagements internationaux) et sur la recommandation du
Conseil, des membres de la Société des Nations contribueront par des effectifs militaires, navals ou
aériens, aux forces armées destinées à faire respecter les engagements de la Société. Une guerre
collective contre l’État en rupture du pacte, en est la conséquence (Comp. Pacte, art. 16, al. 2).
Limite des sanctions contre les États
Article 73
D’après l’article 10 du pacte, il ne pourra, comme suite à l’application des sanctions contre les États,
être porté atteinte, en aucun cas, à l’intégrité territoriale ou à l’indépendance politique de l’État agresseur
(Protocole, 1924, art. 15, al. 2).
B) SANCTIONS CONTRE LES INDIVIDUS
Classes des sanctions
Article 74
Les sanctions qu’un juge national ou international peut appliquer aux individus délinquants, d’après ce
code, sont de trois sortes :
a) Sanctions contre la liberté ;
b) Sanctions contre les droits ;
c) Sanctions contre la propriété.
[…]

517
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

DEUXIÈME SECTION
LES MESURES
A) MESURES CONTRE LES ÉTATS
Mesures pacifiques préventives
Article 96
Lors de toute guerre ou menace de guerre, qu’elle affecte ou non l’un des membres de la Société des
Nations, celle-ci doit prendre toutes les mesures propres à sauvegarder efficacement la paix. En cas de
violation du pacte ou du protocole, le Conseil doit décider les mesures à prendre en vue de faire cesser au
plut tôt une situation de nature à menacer la paix du monde (Pacte, art. 11, Prot., art. 7, al. 4).
Démilitarisation d’une zone
Article 97
Afin d’éviter le crime d’agression, qui pourrait être commis par un pays belligérant, des zones
délimitées seront démilitarisées, soit pour un certain temps, soit pour toujours. Cette mesure sera prise :
Après qu’un crime d’agression a été commis et lorsqu’une récidive est à redouter ;
Après une menace d’agression ;
Après la constatation d’une présomption d’agression (Comp. Protocole, art. 9, 10).
Sommation simple
Article 98
Si, à la suite des enquêtes et investigations, une infraction quelconque aux dispositions du protocole
er
(article 7, al. 1 ) est établie, il est du devoir du Conseil de sommer l’État ou les États coupables de
l’infraction de la faire disparaître (Protocole, 1924, art. 7, al. 4).
Évacuation d’un territoire
Article 99
Lorsque l’État sommé refuse de faire disparaître l’infraction, le Conseil doit prendre des mesures
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ème
appropriées à chaque cas concret, par exemple l’évacuation des territoires (Prot., travaux de la 3 Com.,
2).
Contrôle d’armements
Article 100
Afin d’éviter les fâcheux effets de la fabrication privée des munitions et du matériel de guerre, le
Conseil est chargé du contrôle des armements, en tenant compte des besoins des membres de la Société
des Nations qui ne peuvent pas fabriquer les munitions et le matériel de guerre nécessaires à leur sûreté
(Comp. Pacte, art. 8, al. 5).
L’armistice
Article 101
Dans le cas d’hostilités engagées, si le Conseil n’a pu déterminer dans le plus bref délai l’agresseur, il
aura l’obligation de prescrire aux belligérants un armistice dont il fixera les conditions à la majorité des
deux tiers et dont il surveillera l’observation (Protocole, art. 10, al. 5).
L’occupation
Article 102
Afin d’assurer l’accomplissement d’un devoir international, ajourné sans délai ou refusé de fait, une
occupation du territoire n’est licite que si elle est temporaire et limitée à son but.
Portée des mesures provisoires prises contre les États
Article 103
Les mesures préalables prises par le Conseil sont destinées uniquement à faciliter le règlement
pacifique des différends et ne doivent préjuger en rien du règlement lui-même (Prot.., 1924, art. 7, al. 3).
[…]
CHAPITRE II
Application des sanctions dans le temps
(Sanctions et mesures pénales)
Mise en œuvre des sanctions
Article 109
Certaines sanctions contre l’État délinquant devant être appliquées par les membres de la Société des
Nations eux-mêmes, le Conseil doit leur notifier la date à laquelle il recommande d’appliquer les pressions
économiques visées à l’article … (Pacte, art. 16, al. 3, d’après l’amendement).
[…]
CHAPITRE III
APPLICATION DES SANCTIONS DANS L’ESPACE
(Des sanctions en matière internationale)
Rétorsion internationale
Article 113
Le mal que l’on fait subir à un État ennemi par mesure de rétorsion pour un acte contraire à l’équité
qu’il a commis est contre la Justice internationale. La rétorsion étant seulement un usage reçu dans les
rapports juridiques non statués, est et demeure abolie.

518
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Représailles
Article 114
Le mal que l’on fait subir à un État ennemi pour s’indemniser d’un dommage qu’il a causé (représaille-
indemnité) ou pour se venger d’un acte contraire au droit qu’il a commis (représaille-vengeance), est aussi
un acte contraire à la Justice internationale, et il est aboli.
[…]

PROJET DE STATUT POUR LA COUR PERMANENTE


DE JUSTICE INTERNATIONALE CRIMINELLE
M.A. Caloyanni
(in R.I.D.P., 1925, vol. II, p. 314-325)
Extrait
CHAPITRE PREMIER
Article premier
Il est institué par le présent acte une Cour internationale criminelle, conformément aux dispositions de
la convention de … jour de … 192…
Cette Cour sera adjointe et distincte de la Cour permanente de Justice internationale à La Haye.
[…]
CHAPITRE II
Article 24
La Cour sera ouverte aux sujets citoyens de tous les États, qu’ils soient belligérants ou neutres, que ce
soit durant une guerre ou après sa fin, pourvu toujours qu’aucune plainte ou accusation ne soit examinée
par la Cour sans que le plaignant ait obtenu le « fiat » ou consentement formel des agents de la Justice,
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de l’accusateur public ou du Ministère de la Justice de son État, suivant le cas.


Tout État aura le droit de déposer une plainte en son propre nom ou au nom de ses sujets ou citoyens.
Article 25
La Cour aura juridiction pour juger toute plainte ou accusation, pour violation des lois et coutumes de
guerre acceptées comme obligatoires ou contenues dans des conventions internationales, ou dans des
traités en vigueur entre États dont les plaignants ou les défendeurs (accusés) sont sujets ou citoyens.
La Cour aura en outre juridiction pour toutes offences contraires aux lois de l’humanité et aux règles de
la conscience publique.
En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.
[…]

VŒUX DU CONGRES INTERNATIONAL DE DROIT PÉNAL


CONCERNANT UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE
Bruxelles, 1926
(in R.I.D.P., 1926, vol. III, p. 462-463)
Extrait
[…]
Sur la troisième question: Cour criminelle internationale.
Le Congrès émet le vœu :
1. qu’il soit attribué à la Cour permanente de justice internationale une compétence en matière
répressive ;
[…]
3. que la dite Cour permanente connaisse de toute responsabilité pénale, née à la charge des États à
la suite d’une agression injuste et de toute violation de la loi internationale. Elle prononcera contre l’État
coupable des sanctions pénales et des mesures de sûreté ;
4. que la dite Cour permanente connaisse en outre des responsabilités individuelles, que peuvent
mettre en jeu le crime d’agression, les crimes ou délits connexes, ainsi que toute violation de la loi
internationale commise en temps de paix, ou en temps de guerre et spécialement des crimes de droit
commun qui, à raison de la nationalité de la victime ou des auteurs présumés, peuvent être considérés par
eux-mêmes ou par d’autres États comme des offenses internationales et constituent une menace pour la
paix du monde ;
[…]
6. Toutes les infractions commises par des États ou des individus doivent être prévues et sanctionnées
d’avance par des textes précis. Des conventions internationales définiront les crimes et délits rentrant
dans la compétence de la Cour, fixeront les sanctions pénales et les mesures de sûreté.
7. Le nombre des juges de la Cour sera augmenté. Les membres nouveaux seront choisis parmi des
personnes réputées pour avoir de connaissances spéciales dans la science et la pratique du droit criminel.
Le personnel de la Cour sera complété par l’institution d’un parquet. L’action publique internationale sera
exercée par le Conseil de la Société des Nations. L’instruction sera confiée à un organisme spécial.
[…]
9. Les décisions de la Cour auront un caractère obligatoire. Les arrêts de condamnation prononcés
contre des États seront exécutés par les soins du Conseil de la Société des Nations. L’exécution de ceux

519
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

qui concernent les individus sera confiée par le conseil à un pays déterminé, qui aura l’obligation d’y
procéder sous sa surveillance, d’après sa propre législation.
10. Le Conseil de la Société des Nations aura le droit de suspension et de commutation des peines.
[…]
12. Enfin, le Congrès estime que le but à atteindre, l’institution d’une justice pénale internationale, doit
être réalisé progressivement, par voie d’accords particuliers conclu entre des États et auxquels d’autres
États adhéreront.
[…]

PROJET DE STATUT DE LA COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE


M.A. Caloyanni, 1926
(in R.I.D.P., 1926, vol. III, p. 484-491)
Extrait
Article préliminaire
Convention
La Constitution permanente de la Cour Internationale Criminelle est établie aux termes de la
convention de (lieu) datée le …, 192… Ladite Cour sera une Chambre de la Cour Permanente de Justice
Internationale de La Haye, mais elle exercera ainsi qu’il est défini plus bas, sa juridiction séparément dans
les affaires où des États ou des individus seront accusés d’infractions internationales.
[…]
Article 21
Compétence
La compétence de la Cour s’étend à toute accusation de :
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a) Violations d’obligations internationales, ayant un caractère pénal, commises par les sujets ou
citoyens d’un État, ou par un heimatlos, contre un autre État, ou ses sujets, ou ses citoyens.
b) Violations de tous traité, convention ou déclaration liant les États parties à la Convention de (lieu)
datée le … 192…, qui règle les méthodes et la conduite des hostilités.
c) Violations des lois et coutumes de guerre généralement acceptées et reconnues obligatoires par les
nations civilisées.
Sous réserve de la compétence ordinaire de la Cour, ainsi qu’elle est définie plus haut, la Cour est
compétente pour juger toutes affaires ayant un caractère pénal, qui lui seraient déférées par le Conseil
ou l’Assemblée de la Société des Nations, pour être jugées ou pour être l’objet d’une enquête, et pour
présenter un rapport à leur propos. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
Article 22
Jugement, Condamnation, Arrêt
La Cour peut rendre un arrêt déclaratif, en toute manière portée devant elle, sans prononcer aucune
peine.
Lorsque la Cour trouve que l’accusation portée contre un État est établie, elle peut ordonner qu’il soit
payé par cet État à l’État plaignant :
a) Une pénalité pécuniaire ; b) une indemnité pour tout dommage causé ; c) une somme à tout sujet ou
citoyen de l’État plaignant, sous forme d’indemnité, qui aura prouvé avoir subi une perte ou un dommage
causé par l’acte ou l’omission de l’État accusé, ou de tout sujet, ou de tout citoyen de cet État.
Lorsque la Cour trouve qu’une accusation contre un sujet, ou un citoyen, ou un heimatlos, est établie,
la Cour peut condamner à toute peine qu’elle croit juste […].
[…]
Article 37
Exécution des Arrêts et des Ordonnances de la Cour
L’arrêt prononcé par la Cour est exécuté par l’État dont le condamné est sujet ou citoyen, ou si le
condamné est un heimatlos, par l’État dans lequel il réside […].
L’arrêt condamnant un État et les Ordonnances de la Cour seront exécutés sur requête par chacun
des États contractants.
[…]

520
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

PROJET DE STATUT POUR LA CRÉATION D’UNE CHAMBRE CRIMINELLE AU SEIN DE LA COUR


PERMANENTE DE JUSTICE INTERNATIONALE
Rédigé par le Professeur V.V. Pella et adopté par l’Association internationale de droit pénal
Paris, 16 janvier 1928
(in R.I.D.P., 1928, vol. V, p. 293-307; in V. PELLA, La guerre crime et les criminels de guerre –
Réflexions sur la justice pénale internationale ce qu’elle est et ce qu’elle devrait être, Genève/Paris,
Sottile/Pedone, 1946, Annexe I, p. 129-144)
Extrait
Article premier
Il est institué au sein de la Cour permanente de Justice internationale* une Chambre criminelle**.
* L’expression « Cour permanente de justice internationale » doit être remplacée dans ce texte, ainsi
que dans les autres textes qui suivent, par l’expression « Cour internationale de justice », dénomination
donnée à la nouvelle Cour par la Charte des Nations Unies.
** […] Moyennant quelques légères modifications, le projet de Statut peut également servir à
l’élaboration de textes concernant la création et le fonctionnement d’une Cour criminelle internationale qui
serait indépendante de la Cour internationale de Justice.
CHAPITRE PREMIER
ORGANISATION DE LA CHAMBRE CRIMINELLE
[…]
§ 4. Sections de la Chambre criminelle. Séances plénières
Article 11
Pour les affaires qui intéressent uniquement la responsabilité pénale des personnes physiques ainsi
que les questions prévues à l’art. 38, il est créé une Section permanente au sein de la Chambre criminelle,
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composée de cinq juges titulaires.


[…]
Article 12
Quand la responsabilité pénale des États est mise en cause, tous les juges titulaires de la Chambre
criminelle se réunissent en séance plénière.
[…]
CHAPITRE II
DES ORGANES D’INSTRUCTION
Article 16
En vue de l’instruction des actes engageant la responsabilité pénale des États, il est créé un
organisme spécial composé de trois membres, désignés au début de chaque année, suppléants de la
Chambre criminelle.
Trois membres suppléants seront également désignés par voie de tirage au sort.
[…]
CHAPITRE III
DES ACTIONS
§ 1. De l’action pénale internationale
Article 20
L’action pénale internationale sera exercée par le Conseil de la Société des Nations.*
Elle peut également être exercée par un État déterminé, à la condition que le Conseil de la Société des
Nations* ait donné l’autorisation que l’affaire soit portée devant la Chambre criminelle ou devant une
Section de cette Chambre.
* « Le Conseil de sécurité ».
[…]
Article 22
Seuls les États ont le droit de porter plainte au Conseil de la Société des Nations* pour leur propre
compte ou pour le compte de leurs ressortissants.
Cette plainte peut être dirigée contre un État déterminé ou contre les ressortissants de cet État.
* « Le Conseil de sécurité ».
[…]
Article 24
Le Conseil décidera s’il y a lieu ou non de donner suite à la plainte ou à la dénonciation.
Il décidera également du point de savoir si la Chambre criminelle ou la Section sera saisie de l’affaire
en son entier, ou d’une partie seulement. Il décidera aussi à l’égard de quelle personne, physique ou
morale, indiquée dans la plainte ou la dénonciation, le renvoi sera fait.
§ 2. De l’action en réparation du préjudice causé par l’infraction internationale
[…]
Article 31
Au cours des poursuites pénales dirigées seulement contre une personne physique, s’il apparaît
d’après la nature des circonstances que l’État, dont cette personne ressortit comme citoyen, pourrait être
déclaré solidairement responsable des dommages et intérêts qui seraient dus, la Section compétente
surseoira à statuer et renverra la cause et les parties devant le Conseil de la Société des Nations.

521
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 32
Si le Conseil de la Société des Nations* estime qu’une extension de poursuites peut être accordée
contre l’État, retenu comme civilement responsable de l’acte de son national, l’affaire est renvoyée devant
l’Assemblée plénière de la Chambre criminelle, composée de quinze juges; et la Section compétente est
dessaisie.
Au cas contraire, la reprise de l’instance sera faite devant cette Section, qui ne pourra pas mettre en
cause l’État en question.
* « Conseil de sécurité ».
[…]
Chapitre IV
DE LA COMPÉTENCE
Article 35
La Chambre criminelle est compétente pour juger tout État ou ses ressortissants, à la condition que
cet État ait déclaré accepter la juridiction, dans les termes et les conditions fixés par le présent Statut.
Les infractions de la compétence de la Chambre criminelle seront établies, par un STATUT PÉNAL
INTERNATIONAL, soit par voie d’accords particuliers conclu entre certains États, auxquels d’autres États
pourront adhérer.
Le Statut pénal international ainsi que les accords particuliers, excepté dans les cas indiqués à l’article
36, lettres a) et b), détermineront avec précision les éléments des infractions déférées à la Chambre
criminelle, ainsi que les peines et les mesures de sûreté.
[…]
CHAPITRE V
DE L’INSTRUCTION EN GENERAL
§ 1. Des Commissions d’enquête
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Article 40
En vue des recherches préliminaires et de la réunion des preuves, le Conseil de la Société des
Nations*, avant de donner suite ou après avoir donné suite à la plainte ou à la dénonciation d’un État
déterminé, peut nommer des commissions d’enquête ad hoc.
*« Conseil de sécurité ».
[…]
CHAPITRE VI
LE JUGEMENT RÉPRESSIF INTERNATIONAL
[…]
§ 2. Du juge national
[…]
Article 54
Dans les affaires entraînant la responsabilité pénale des États, la Chambre criminelle sera composée
de treize juges d’une nationalité autre que celle des parties; dans les affaires entraînant la responsabilité
de personnes physiques, la Section compétente devra s’assurer la présence de trois juges d’une
nationalité autre que celle des parties.
[…]
§ 4. Des jugements
[…]
Article 63
Quels qu’aient été les résultats des recherches effectuées pendant l’instruction, la juridiction de
jugement ne peut mettre en cause comme défendeurs un autre État ou d’autres personnes physiques que
les parties indiquées dans l’acte d’accusation envoyé à la Cour par le Conseil de la Société des Nations,*
conformément à l’article 26.
* « Conseil de sécurité ».
CHAPITRE VII
DES VOIES DE RECOURS ET DE L’EXÉCUTION DES JUGEMENTS
Article 64
Contre les arrêts rendus en matière d’infractions commises par les États, il n’y aura pas d’autre voie de
recours que la révision, dans les termes de l’article 61, du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale.*
* « L’article 61 du Statut de la Cour internationale de justice ».
Article 65
Si l’État défendeur ne se fait pas représenter à l’audience, ou si la personne physique inculpée ou
accusée ne comparaît pas, la Chambre criminelle ou la Section, après s’être fait représenter la preuve que
l’acte d’accusation a été signifié, procédera au jugement de l’affaire et rendra son arrêt.
Dans tous les cas, la juridiction de jugement doit s’assurer non seulement de sa compétence pour
connaître l’infraction, mais du bien fondé de l’accusation, en fait et en droit.
Article 66
Les dispositions de l’article 64 s’appliquent également aux arrêts rendus en présence de personnes
physiques, condamnées pour infractions internationales.

522
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 67
En cas de défaut de la personne physique, la procédure par contumace est applicable, selon les
dispositions contenues dans la loi nationale de l’accusé ou du condamné.
Article 68
Les décisions de la Cour auront un caractère obligatoire.
Elles seront communiquées au Conseil de la Société des Nations,* auquel est confié le soin de
prendre les mesures internationales nécessaires pour l’application des sanctions prononcées contre les
États.
* « Conseil de sécurité ».
[…]

PROJET DE CODE PÉNAL INTERNATIONAL


Par Albert Levitt
(Professeur à la Faculté de Droit de l’Université de St.-Laurence (Brooklyn))
(in R.I.D.P., 1929, vol. VI, p. 33-46)
Extrait
[…]
Article 1
Nul acte fait par un État ou par ses nationaux n’est censé être crime international, à moins qu’il ne soit
qualifié crime international par le présent Code.
Sont formellement interdits les actes, qualifiés, dans le présent article, crimes internationaux, qui
seront commis par un État quelconque.
Sont qualifiés crimes internationaux les actes suivants :
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1. Toute guerre d’agression qui sera faite par un État à l’encontre d’un autre État.
(Il y a guerre d’agression, lorsque la force armée d’un État se trouve sur le territoire d’un autre
État dans le but de commettre des actes d’hostilité).
2. Toute provocation d’un État à faire une guerre d’agression contre un autre État.
3. Toute aide ou appui donné d’une manière quelconque à un État aux fins d’une guerre
d’agression contre un autre État.
4. Toute fourniture, d’une manière quelconque ou à n’importe quel moment, de munitions de
guerre à un autre État.
5. Toute fourniture, d’une manière quelconque ou à n’importe quel moment, de munitions de
guerre à une personne ou à un groupe de personnes sur le territoire d’un autre État.
6. Toute intervention armée, sous n’importe quelle forme, dans les affaires politiques d’un autre
État.
7. Tout encouragement ou provocation faite, toute aide et appui fournis d’une manière
quelconque aux fins d’une révolution politique dans un autre État, sans toutefois que cette
disposition soit interprétée de manière à nier aux nationaux d’un autre État, le droit de faire la
révolution eux-mêmes, ou à un État quelconque le droit de reconnaître le parti révolutionnaire qui
aurait prévalu dans un autre État.
8. La violation des obligations découlant d’un traité ou des traités légitimement conclus. (Tout
traité ou partie d’un traité qui serait contraire aux dispositions du présent Code est réputé nul).
9. Toute intervention, avec violence, dirigée contre les navires ou le commerce d’un autre État.
10. Le fait par un État de provoquer ses nationaux à commettre un acte qualifié aux termes de
l’article 3 du présent Code, crime international, ou l’aide ou l’appui donné par un État à ses
nationaux dans la commission d’un tel acte.
11. Tout manquement d’un État quelconque à l’obligation qui lui incombe, de punir ses nationaux
qui aura commis un acte qualifié crime international en l’article 3 du présent Code.
12. Le traitement de ses propres nationaux ou de ceux d’un autre État d’une manière cruelle,
inhumaine ou barbare.
[…]
Article 4
Il est institué une Cour permanente de justice criminelle internationale.
[…]
Article 6
1. Tout État qui aura commis un crime international sera jugé par l’Assemblée des Magistrats.
2. Un État ne peut être accusé d’un crime international que par un autre État.
3. Les faits faisant l’objet de l’accusation sont dénoncés à l’Assemblée des Magistrats, qui décide s’il y
a des motifs suffisants en droit de suivre. En cas affirmatif, l’État accusé est cité devant l’Assemblée des
Magistrats pour se défendre contre l’accusation.
Toutes facilités seront accordées à l’État, pour qu’il puisse fournir sa défense dans une forme complète et
suffisante. La charge de la preuve incombe à l’État accusateur.
4. L’Assemblée des Magistrats statue souverainement sur toutes questions de droit et de fait.
5. Un État ne peut être convaincu d’un crime international, à moins que neuf membres de la Cour au
moins se soient prononcés dans le sens de la condamnation.

523
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

6. Si un État est reconnu coupable d’un crime international, l’Assemblée des Magistrats prononce la
condamnation et applique la peine prévue par l’article 9 du présent Code.
7. La peine est déterminée à la simple majorité des voix des membres de la Cour constituant
l’Assemblée des Magistrats.
8. Dans le cas où l’État accusé est reconnu non coupable, l’Assemblée des Magistrats prononce
l’absolution et ordonne que l’État accusateur fasse à l’État accusé telle réparation que, égard à toutes les
circonstances, l’Assemblée des Magistrat estime équitable.
9. Si l’État accusé ne comparaît pas devant l’Assemblée des Magistrats ou s’il refuse de subir la peine
qui lui aura été infligée, les autres États signataires du présent Code appliquent à l’encontre de cet État et
de ses nationaux, toutes les peines économiques prévues à l’article 9 du présent Code.
Article 7
1. Les dispositions de l’article 6 du présent Code sont applicables à tout Empereur, Roi, Président,
Dictateur ou autre chef d’État, qui commet un crime international commun, elles sont applicables à l’État
lui-même.
[…]
Article 9
1. Les peines suivantes seront appliquées aux États reconnus coupable d’un crime international :
(a) La rupture des relations diplomatiques.
(b) L’avertissement en vue d’une rupture éventuelle des relations diplomatiques.
(c) Le retrait, en tout ou en partie, des privilèges et des immunités diplomatiques des officiers et
des agents des Corps diplomatiques.
(d) La révocation de l’exequatur accordé aux Consuls.
(e) La suppression, en tout ou en partie, du droit de bénéficier de des accords internationaux.
(f) Le séquestre des biens appartenant à l’État coupable, qui se trouvent sur le territoire d’autres
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États.
(g) Le séquestre des biens appartenant aux nationaux de l’État coupable, quand les biens se
trouvent sur le territoire d’autres États.
(h) L’annulation des droits de propriété industrielle, littéraire, artistique, scientifique ou d’autres
droits analogues, dont jouissent les nationaux de l’État coupable.
(i) Le refus à l’État coupable ou aux nationaux de l’État coupable du droit d’ester en justice devant
les tribunaux d’autres États.
(j) L’interdiction des droits civiques, dont jouissent les nationaux de l’État coupable en d’autres
États.
(k) Le boycottage économique de l’État coupable.
(l) L’embargo contre l’État coupable.
(m) Le refus de fournir les matières premières à l’État coupable.
(n) Le refus d’accorder des emprunts à l’État coupable.
(o) L’augmentation des droits de douane sur les produits provenant de l’État coupable.
(p) La prohibition, faite aux nationaux des autres État d’accorder toute aide financière, de toute
espèce ou de quelque manière que ce soit, à l’État coupable.
(q) L’interdiction des voies de communication, de transport et du commerce entre les territoires de
l’État coupable et ceux des autres États.
(r) L’obligation pour l’État coupable de réparer le préjudice qu’il aura causé à un autre État ou aux
nationaux d’un autre État.
[…]

PLAN D’UN CODE RÉPRESSIF MONDIAL


par V.V. PELLA
Destiné à servir de base aux travaux de l’Union interparlementaire,
de l’International Law Association et de l’Association internationale de droit pénal
Bucarest, 15 mars 1935
(in V. PELLA, La guerre-crime et les criminels de guerre – Réflexions sur la justice pénale
internationale ce qu’elle est et ce qu’elle devrait être, Genève/Paris, Sottile/Pedone, 1946, Annexe II,
p. 145-156).
TITRE PREMIER
PRINCIPES GÉNÉRAUX
CHAPITRE PREMIER
APPLICATION DU DROIT RÉPRESSIF MONDIAL
Application universelle de ce droit et sa primauté. Légalité des incriminations et de sanctions
internationales.
CHAPITRE DEUXIÈME
DÉFINITION DE L’INFRACTION INTERNATIONALE ET DES SUJETS ACTIFS
1. DÉFINITION DE L’INFRACTION INTERNATIONALE. Les infractions inter-étatiques. Autres
infractions.
2. SUJETS ACTIFS: a) l’État ; b) les personnes physiques ; c) les personnes juridiques et autres
collectivités organisées au sein de l’État ou ayant un caractère international.

524
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

3. PLURALITÉ DES RESPONSABILITÉS.


CHAPITRE TROISIÈME
ÉLÉMENTS ET CIRCONSTANCES DE L’INFRACTION INTERNATIONALE
ET DE LA PARTICIPATION
Sous-chapitre Premier
L’INFRACTION INTER-ÉTATIQUE
1. LES ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX DE L’INFRACTION ET LES QUESTIONS QUI S’Y RATTACHENT. a)
Actes préparatoires, tentative ; b) Cas fortuit, erreur de fait, état de nécessité, contrainte matérielle ; c)
Légitime défense et excès de défense, actes autorisés ou imposés par le droit mondial, consentement de
la victime.
2. LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES ET LES EXCUSES. (Préméditation, accomplissement de
plusieurs infractions, récidive, provocation, réparation du préjudice, etc.).
3. LA PARTICIPATION DE PLUSIEURS ÉTATS A LA PERPÉTRATION D’UNE INFRACTION.
Instigateurs et auxiliaires. L’association en vue de commettre des infractions inter-étatiques (les traités
offensifs).
Sous-Chapitre Deuxième
AUTRES INFRACTIONS
1. Application des règles générales de répression contenues dans la législation nationale de l’accusé
en cas d’infraction internationale commise par les personnes physiques et dérogations à ces règles.
2. Règles générales sur la responsabilité des personnes juridiques et autres collectivités organisées
ayant agi en vue de la perpétration d’une infraction internationale.
TITRE DEUXIÈME
NATURE DES INFRACTIONS
CHAPITRE PREMIER
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INFRACTIONS COMMISES PAR LES ÉTATS


1. Le crime de la guerre consistant dans le fait de la part d’un État de commettre le premier l’une des
actions suivantes: a) déclaration de guerre à un autre État ; b) invasion par ses forces armées, même
sans déclaration de guerre, du territoire d’un autre État ; c) attaque, par ses forces terrestres, navales ou
aériennes, même sans déclaration de guerre, du territoire, des navires ou des aéronefs d’un autre État ; d)
blocus naval des côtes ou des ports d’un autre État ; e) appui donné à des bandes armées qui, sur son
territoire, auront envahi le territoire d’un autre État, ou refus, malgré la demande de l’État envahi, de
prendre sur son propre territoire, toutes les mesures en son pouvoir pour priver les dites bandes de toute
aide ou protection.
2. Fabrication, commerce, approvisionnement, entraînement à l’emploi de moyens de guerre interdits.
Emploi de ces moyens (par exemple la guerre chimique, incendiaire ou bactérienne). Autres violations des
lois et des coutumes de la guerre. La guerre atomique au cas où elle serait interdite.
3. Recrutement et éducation militaire de contingents supérieurs à ceux autorisés.*
* C’est une incrimination destinée à renforcer les stipulations d’une Convention pour la réduction des
armements ou pour donner pleine efficacité à une mesure de sûreté qui aurait été appliquée contre un
État agresseur.
4. Recours, aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre, à des méthodes d’extermination,
d’asservissement ou de persécution de certaines populations civiles et consistant dans des actes dirigés,
pour des motifs raciaux, politiques ou religieux, contre la vie, l’intégrité corporelle, la santé ou la liberté. Le
génocide.
5. Non-répression des crimes préparés sur le territoire de l’État et qui sont dirigés contre
l’indépendance ou l’intégrité territoriale d’un autre État.
6. Fait d’un État, de tolérer sur son territoire ou de donner par tout moyen aide et assistance aux
individus ou organisations qui préparent des infractions contre les intérêts d’un autre État, notamment : a)
l’attentat à la vie ou à la liberté soit des chefs d’État étrangers soit des membres du Gouvernement, des
assemblées politiques ou administratives ou de corps judiciaires d‘un État étranger ; b) l’attentat contre
des bâtiments publics, chemins de fer, navires, aéronefs et autres moyens de communication d’un État
étranger ou ayant un caractère international ; c) l’association en vue de commettre les mêmes infractions.
7. Immixtion d’un État étranger dans les luttes politiques intérieures d’un autre État.
8. Menace injustifiée du recours à la force ou à la violence (système des ultimatums).
9. Manœuvres ou mobilisations effectuées dans un but de démonstration belliqueuse.
10. Violation de l’immunité diplomatique des représentants étrangers.
11. Falsification de monnaies, de billets de banque et toute autre action déloyale commise ou tolérée
par un État en vue de porter atteinte au crédit d’un autre État.
12. Tous autres faits susceptibles de troubler les relations internationales, et à prévoir par le Code.
CHAPITRE DEUXIÈME
INFRACTIONS COMMISES PAR LES INDIVIDUS
1. Fait d’un chef d’État ou d’autres personnes particulièrement qualifiées par leur situation, d’avoir pris
l’initiative ou d’avoir assuré la préparation ou l’exécution d’un des actes indiqués aux points 1 à 12
inclusivement du chapitre précédent, ainsi que toute entente ou association en vue de la perpétration des
mêmes actes.
2. Incitation directe par tout moyen de publicité à ces mêmes actes et tout spécialement la propagande
de guerre.

525
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

3. Participation ou aide donnée à des bandes armées qui, formées sur le territoire de l’État, auraient
envahi le territoire d’un autre État.
4. Perpétration dans les conditions indiquées au N. 6 du chapitre précédent, d’une infraction dirigée
contre un État étranger ainsi que détention d’armes, munitions, explosifs, ou engins incendiaires en vue de
commettre les mêmes infractions.
5. Diffusion de faux documents ou de fausses nouvelles pouvant compromettre les relations
internationales.
6. Outrage commis à l’égard d’un État étranger et qui consiste à lui attribuer de mauvaise foi des faits
manifestement inexacts qui suscitent contre lui la haine ou le mépris public.
7. Fait, de la part d’un agent diplomatique, d’abuser des privilèges qui lui sont accordés pour
commettre des actes s’attaquant à l’ordre public international ou constituant des infractions contre la
personnalité de l’État où il est accrédité.
8. Exportation d’armes et de munitions sans l’autorisation de l’État.
9. Crimes et délits commis à l’occasion d’un conflit armé international (infractions militaires
internationales et infractions de droit commun commises par les personnes civiles ou militaires
appartenant aux autorités d’occupation dans les territoires occupés).
10. Autres faits qui mettent en danger les relations pacifiques entre les États, et qui sont à prévoir par
le Code.
CHAPITRE TROISIÈME
INFRACTIONS COMMISES PAR DES PERSONNES JURIDIQUES AUTRES QUE LES ÉTATS
Infractions susceptibles d’être commises par des personnes juridiques* et en tout premier lieu le fait
d’avoir favorisé la préparation ou l’exécution d’un des actes prévus aux points 1, 2, 4 et 11 du chapitre 1.
* D’importants documents ont été découverts concernant l’activité de certaines personnes juridiques
allemandes. Parmi celles qui possédaient des succursales à l’étranger, plusieurs se sont rendues
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coupables de nombreux faits graves, notamment d’espionnage. D’autres ont favorisé – ou même organisé
– les expériences monstrueuses de prétendu caractère scientifique, faites sur des personnes humaines,
dans les camps de concentration.
TITRE TROISIÈME
QUESTIONS DE PROCÉDURE*
1. L’ACTION PÉNALE INTERNATIONALE ET L’ACTION EN RÉPARATION DU PRÉJUDICE CAUSÉ
PAR UNE INFRACTION INTERNATIONALE. EXERCICE DE CES ACTIONS ET LEUR EXTINCTION.
(Art. 20-34 du Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la Cour permanente
de Justice internationale).
2. LA COMPÉTENCE. (Art. 30-39 du Statut ci-dessus cité).
3. L’INSTRUCTION ET LE JUGEMENT. (Art. 40-61 du même Statut).
4. LES VOIES DE RECOURS. (Voir le même Statut, art. 64-66).
* La plupart des textes concernant les questions de procédure indiquées sous le présent titre, se
trouvent déjà dans le Projet de Statut pour la création d’une Chambre criminelle au sein de la Cour
permanente de justice internationale […].
TITRE QUATRIÈME
SANCTIONS PÉNALES ET MESURES DE SÛRETÉ
CHAPITRE PREMIER
SANCTIONS PÉNALES ET MESURES DE SÛRETÉ APPLICABLES AUX ÉTATS
1. SANCTION PÉNALES*, notamment: a) sanctions diplomatiques (l’avertissement, la rupture de
relations diplomatiques, la révocation de l’exequatur, accordé aux consuls de l’État coupable, la
suppression du droit de bénéficier des accord internationaux, etc.) ; b) sanctions juridiques (la mise sous
séquestre des biens appartenant aux ressortissants de l’État coupable, la suppression, frappant les
mêmes nationaux, des droits de propriété industrielle, littéraire, artistique, scientifique, etc., l’interdiction
d’ester en justice devant les tribunaux des Nations Unies, la privation de l’exercice des droits civils) ; c)
sanctions économiques (l’application à l’État coupable de la privation des avantages qui découlent de la
solidarité économique internationale, en l’isolant de la vie économique mondiale, moyennant: le blocus, le
boycottage, l’embargo, le refus de fournir les données ou les matières premières, l’augmentation des
droits de douane sur les produits provenant de l’État coupable, le refus d’accorder des emprunts, le refus
d’admettre à la cote des Bourses les valeurs de l’État délinquant, l’interdiction partielle ou totale des
moyens de communication) ; d) autres sanctions telles que l’admonestation, l’amende, l’interdiction, pour
un temps déterminé, d’être représentés à certaines institutions internationales ou d’exercer le droit de vote
au sein des organes principaux de l’O.N.U. ou autres conseils, commissions, etc., la révocation des
mandats coloniaux, la suspension ou l’exclusion de l’Organisation des Nations Unies**, l’occupation
temporaire (totale ou partielle), la perte de l’indépendance***.
* Il y a lieu d’observer que les mesures prévues aux articles 41 et 42 de la Charte des Nations Unies
sont des mesures de contrainte et non pas des mesures de répression proprement dites. Il est toutefois
évident que, selon la gravité des cas, l’application de ces mesures de contrainte par le Conseil de sécurité
pourra revêtir un caractère nettement répressif. Il va de soi que tous les développements concernant
l’application de sanctions aux États supposent une organisation de la communauté internationale
marquant une distinction bien nette entre le « stade exécutif » et l’action répressive. La première suppose
le recours à des mesures urgentes destinées à « juguler le péril ». La seconde implique une recherche
des circonstances dans lesquelles l’acte incriminé a été commis et l’application, le cas échéant, de

526
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

sanctions pour le trouble apporté à l’ordre inter-étatique par ledit acte. De même qu’en droit interne,
lorsqu’il s’agit d’un malfaiteur dangereux, on prend tout d’abord des mesures de police pour le mettre dans
l’impossibilité de continuer à nuire, et ensuite on le juge, et on le punit pour le crime qu’il a commis, de
même en droit pénal inter-étatique, au moment où « une action illégale se produira », on devra recourir
tout d’abord à une action « d’inhibition » par des mesures de contrainte, et ensuite dégager les
responsabilités et prononcer le sanctions.
** Nous mentionnons cette sanction uniquement parce qu’elle existait sans le Pacte de la Société des
Nations (article 16 § 4) et qu’on la retrouve dans la Charte des Nations Unies (art. 6). Selon nous, une telle
sanction est inconcevable.
*** La perte de l’indépendance est pour les États ce qu’est la peine de mort pour les individus. Quoique
concevable dans un système de sanctions répressives allant jusqu’à l’extrême limite des mesures de
défense de la communauté internationale, cette sanction ne saurait toutefois être retenue.
2. MESURES DE SÛRETÉ*, notamment : a) la destruction des voies ferrées stratégiques, le
démantèlement des forts, etc. ; b) la suppression des usines d’armes et de toutes usines destinées à
produire du matériel de guerre ou pouvant être rapidement transformées à cet effet, ainsi que l’exercice
d’un contrôle industriel permanent ; c) la confiscation des armements dont disposerait l’État condamné ; d)
la réduction, à l’avenir, de l’armée de l’État coupable ; e) un contrôle financier exercé de manière que les
sommes inscrites dans les budgets futurs de l’État coupable ne soient plus employées en vue de
l’augmentation des effectifs et de l’armement ; f) le désarmement complet ; g) la fixation de zones
neutralisées au point de vue militaire ; h) le contrôle de l’enseignement ; i) la répartition, sur différents
points du territoire, de détachements chargés de contrôler, au nom des Nations Unies, l’activité de l’État
condamné.
* Le danger exceptionnel que peut présenter pour l’ordre public international un État agresseur
imposera l’application – en dehors de mesures répressives proprement dites – de certaines mesures
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destinées à rendre cet État autant que possible inoffensif, c’est-à-dire des « mesures de sûreté », selon la
dénomination consacrée en droit pénal interne.
CHAPITRE DEUXIÈME
SANCTIONS PÉNALES ET MESURES DE SÛRETÉ APPLICABLES AUX INDIVIDUS
a) L’avertissement ; b) l’amende ; c) L’admonestation ; d) l’incapacité d’occuper des fonctions
diplomatiques et autres fonctions à énumérer dans le Statut ; e) sanctions privatives de liberté ; f) mesures
de sûreté.
CHAPITRE TROISIÈME
SANCTIONS PÉNALES ET MESURES DE SÛRETÉ APPLICABLES AUX PERSONNES JURIDIQUES
AUTRES QUE LES ÉTATS
a) L’avertissement ; b) l’amende ; c) l’interdiction d’avoir des succursales à l’intérieur du pays ou à
l’étranger ; d) l’interdiction de déployer une activité dans un domaine déterminé ; e) limitation du capital et
du personnel ou interdiction de les augmenter ; f) surveillance spéciale par la nomination de contrôleurs
pour un temps déterminé ; g) la suspension ou la dissolution.
CHAPITRE QUATRIÈME
EXÉCUTION DES SANCTIONS
EXERCICE ET EXTINCTION DU DROIT D’EXÉCUTION DES SANCTIONS
(Distinction à établir entre les sanctions prononcées contre les États et les sanctions prononcées
contre les individus ou contre des personnes juridiques autre que les États. Précisions et dérogations
concernant les mesures de sûreté).

COVENANT OF A PERMANENT LEAGUE FOR THE MAINTENANCE OF PEACE


by H. Kelsen
(in H. KELSEN, Peace through Law, 1944, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1944,
Annex I, p. 127-140).
Extraits
[…]
ORGANS OF THE LEAGUE
Article 2
The organs of the League are:
a. The Assembly
b. The Court
c. The Council
d. The Secretariat
[…]
THE COURT
Article 4
The Court shall consist of 17 members appointed from amongst persons of high moral character who
are experts in international law.
[…]

527
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 13
Members of the Court are independent.
[…]
THE COUNCIL
Article 27
1. The United States of America, the United kingdom of Great Britain and Northern Ireland, the Union
of Soviet Socialist Republics, and China are permanent members of the Council.
2. Non-permanents members of the Council shall be chosen by the Assembly only for a fixed term.
[…]
7. The Council is competent to adopt decisions binding upon the members only in matters provided for
in this Covenant.
[…]
COMPETENCE OF THE COURT
Article 31
1. If there should arise between members of the League any dispute, any party to the dispute may
submit the matter to the Court.
2. The Court is competent to decide any dispute between Members of the League submitted by one of
the parties to the dispute.
Article 32
The Court is competent to decide any dispute between a Member and a State which is not a Member
of the League if the latter, by a declaration deposited with the Court, accepts the provisions of Articles 33-
36 with the rights and obligations of a member for the purpose of such dispute.
Article 33
1. In deciding disputes mentioned in Articles 31 and 32, the Court shall apply the rules of International
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Law.
2. The general principles of law recognized by civilized nations are considered to be part of
International Law.
3. The Court shall decide a case ex æquo et bono if the parties agree thereto.
PROHIBITION OF WAR AND REPRISALS
Article 34
No member of the League is allowed to resort to war or reprisals against another Member except in
cases foreseen in Article 35 and Article 36, Section 2 of this Covenant.
SANCTIONS AGAINST MEMBER STATES
Article 35
Should any member of the League resort to war or reprisals against another Member in disregard of its
obligation under Article 34 the Court shall, on the request of the injured Member or of the Council, decide
the question whether the accused Member has violated the Covenant. In accordance with the decision the
Council shall order the necessary economic or military sanctions against the Member declared responsible
for the violation.
EXECUTION
Article 36
1. All orders and decisions of the Court and the Council must be executed in full good faith by the
Member State designated in the order or decision.
2. If a Member State does not fulfill this obligation the Council shall, at the request of the Court or on its
own initiative, order the necessary measures destined to assure the execution.
3. In the event the Member State concerned should object to the order or decision to be executed
excess of jurisdiction, the matter shall be settled by a decision of the Court.
Article 37
If the Member of the League against which the measures provided for by articles 35 and 36 are
directed is a member of the Council, its representative shall be excluded from the consideration and
decision in this matter.
[…]

TREATY STIPULATIONS ESTABLISHING INDIVIDUAL RESPONSIBILITY FOR VIOLATIONS OF


INTERNATIONAL LAW (INTERNATIONAL CRIMINAL JURISDICTION)
by H. KELSEN
(in H. KELSEN, Peace through Law, Chapell Hill, The University of North Carolina Press, 1944,
Annexe II, p. 141-148).
Extraits
Articles 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, and 24 of the Covenant in Annex may be replaced or modified by the
following stipulations:
Article 4
The Court shall consist of twenty-four (17) members appointed from amongst persons of high moral
character. Seventeen (12) members shall be experts in international law, seven (5) members experts in
criminal law.
[…]

528
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

The following Articles may be inserted between Articles 35 and 36 of the Covenant in Annex I:
COMPETENCE OF THE COURT AS CRIMINAL COURT OF FIRST (AND LAST) INSTANCE
Article 35 a
1. After the sanction ordered by the Council according to Article 35 has been carried out, the Court
shall, at the request of the injured Member State or of the Council, ascertain the individuals who as organs
of the guilty State are responsible for the latter’s violation of the Covenant.
2. The Court is authorized to sentence the guilty individuals to penalties which it thinks to be adequate.
Death penalty, however, is excluded if the law of the State whose organ has been found guilty does not
provide such penalty.
Article 35 b
1. Any violation of the laws of warfare committed by a member of the Governement of a Member State,
or at the command, or with the authorization of such Government, may be brought to justice before the
Court at the request of the injured Member State or of the Council.
2. The Court is authorized to sentence the guilty individual to the penalty which the criminal law of the
State whose organ is responsible for the war crime provides for the act if the latter were not an act of
State. If that law does not provide a penalty for such an act, the Court shall fix the penalty according to its
discretion.
Article 35 c
If the State whose organs shall be brought to justice before the Court is a member of the Council, its
representative shall be excluded from the consideration and decision in the matter of the request to be
made by the Council according to Article 35 a, Section 1, and 35 b, Section 1.
Article 35 d
1. After having decided the dispute referred to in Articles 31 and 32, the Court shall, at the request of
the State which according to the decision of the Court has been injured by the other State, ascertain the
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individuals who as organs of the latter are responsible for its violation of international law.
2. The Court is authorized to inflict upon the guilty persons as punishment:
a. Forfeiture of office
b. Forfeiture of capacity to hold public office
c. Forfeiture of all political rights
3. Forfeiture of capacity to hold public office or of political rights may be inflicted for a certain period of
time or forever.
4. In case of minor infringiments of international law the Court may limit its sentence to the
establishment of the fact that the accused is responsible for the violation of international law committed by
his State.
[…]
COMMITMENT OF INDIVIDUALS TO THE COURT
Article 35 i
1. At the request of the Court any Member State is obliged to commit to the Court any individual who is
under the jurisdiction and within the power of the State concerned.
2. The Court may decide whether an individual who has been committed to it shall be placed under
arrest, and under what conditions he may be set at liberty.
[…]
RIGHT OF PARDON
Article 35 k
1. The right of pardon shall be exercised by the Council of the League.
2. If the person who has been sentenced by the Court according to Article 35 a or 35 b is the organ of a
State which is a member of the Council, or if the person who has been sentenced by the Court according
to Article 35 e has been tried in the first instance by the court of a State which is a member of the Council,
the representative of this State shall be excluded from the consideration and decision in the matter of
pardon.

CHARTE DES NATIONS UNIES


(adoptée le 26 juin 1945, entrée en vigueur le 24 octobre 1945)
TABLE DE MATIÈRES
Note Liminaire
Préambule
Chapitre I : Buts et principes (articles 1-2)
Chapitre II : Membres (articles 3-6)
Chapitre III : Organes (articles 7-8)
Chapitre IV : Assemblée générale (articles 9-22)
Chapitre V : Conseil de sécurité (articles 23-32)
Chapitre VI : Règlement pacifique des différends (articles 33-38)
Chapitre VII : Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression
(articles 39-51)
Chapitre VIII : Accords régionaux (articles 52-54)
Chapitre IX : Coopération économique et sociale internationale (articles 55-60)

529
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Chapitre X : Conseil économique et social (articles 61-72)


Chapitre XI : Déclaration relative aux territoires non autonomes (articles 73-74)
Chapitre XII : Régime international de tutelle (articles 75-85)
Chapitre XIII : Conseil de tutelle (articles 86-91)
Chapitre XIV : Cour internationale de justice (articles 92-96)
Chapitre XV : Secrétariat (articles 97-101)
Chapitre XVI : Dispositions diverses (articles 102-105)
Chapitre XVII : Dispositions transitoires de sécurité (articles 106-107)
Chapitre XVIII : Amendements (articles 108-109)
Chapitre XIX : Ratification et signature (Articles 110-111)
Note liminaire:
Des amendements aux articles 23, 27 et 61 de la Charte ont été adoptés par l’Assemblée générale le
17 décembre 1963 et sont entrés en vigueur le 31 août 1965. Un autre amendement à l’article 61 a été
adopté par l’Assemblée générale le 20 décembre 1971 et est entré en vigueur le 24 septembre 1973. Un
amendement à l’article 109, adopté par l’Assemblée générale le 20 décembre 1965, est entré en vigueur
le 12 juin 1968.
L’amendement à l’article 23 porte de onze à quinze le nombre des membres du Conseil de sécurité.
L’amendement à l’article 27 dispose que les décisions du Conseil de sécurité sur des questions de
procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf membres (précédemment sept) et que ses décisions
sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres (précédemment
sept) dans lequel sont comprises les voix des cinq membres permanents du Conseil.
L’amendement à l’article 61, qui est entré en vigueur le 31 août 1965, portait de dix-huit à vingt-sept le
nombre des membres du Conseil économique et social. L’amendement suivant à cet article, qui est entré
en vigueur le 24 septembre 1973, a porté de vingt-sept à cinquante-quatre le nombre des membres du
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Conseil.
L’amendement à l’article 109, qui concerne le paragraphe 1 de cet article, dispose qu’une conférence
générale des Membres des Nations Unies, aux fins d’une révision de la Charte, pourra être réunie aux lieu
et date qui seront fixés par un vote de l’Assemblée générale à la majorité des deux tiers et par un vote de
neuf (précédemment sept) quelconques des membres du Conseil de sécurité. Le paragraphe 3 de l’Article
109, aux termes duquel l’Assemblée générale devait, à sa dixième session ordinaire, examiner la question
de la convocation d’une conférence de révision de la Charte, a été maintenu sous sa forme originale, bien
qu’il dispose “par un vote de sept quelconques des membres du Conseil de sécurité”, l’Assemblée et le
Conseil de sécurité ayant donné suite à ce paragraphe à la dixième session ordinaire de l’Assemblée, en
1955.
Préambule:
Nous, peuples des Nations Unies,
Résolus :
À préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a
infligé à l’humanité d’indicibles souffrances,
À proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur
de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations,
grandes et petites,
À créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des
traités et autres sources du droit international,
À favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,
et à ces fins :
À pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage,
À unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales,
À accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force
des armes, sauf dans l’intérêt commun,
À recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les
peuples,
Avons décidé d’associer nos efforts,
Pour réaliser ces desseins
En conséquence, nos gouvernements respectifs, par l’intermédiaire de leurs représentants, réunis en
la ville de San Francisco, et munis de pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont adopté la
présente Charte des Nations Unies et établissent par les présentes une organisation internationale qui
prendra le nom de Nations Unies.
CHAPITRE PREMIER
Buts et principes
Article 1
Les buts des Nations Unies sont les suivants :
1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives
efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou
autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice
et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère
international, susceptibles de mener à une rupture de la paix ;

530
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité
de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à
consolider la paix du monde ;
3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre
économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits
de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion ;
4. Être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.
Article 2
L’Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à l'Article 1,
doivent agir conformément aux principes suivants :
1. L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres.
2. Les Membres de l’Organisation, afin d’assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant
de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de
la présente Charte.
3. Les Membres de l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques,
de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en
danger.
4. Les Membres de l'Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la
menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État,
soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
5. Les Membres de l’Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par
elle conformément aux dispositions de la présente Charte et s’abstiennent de prêter assistance à un État
contre lequel l’Organisation entreprend une action préventive ou coercitive.
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6. L’Organisation fait en sorte que les États qui ne sont pas Membres des Nations Unies agissent
conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité
internationales.
7. Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires
qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre
des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte ; toutefois, ce
principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII.
Chapitre II
Membres
Article 3
Sont Membres originaires des Nations Unies les États qui, ayant participé à la Conférence des Nations
Unies pour l’Organisation internationale à San Francisco ou ayant antérieurement signé la Déclaration des
Nations Unies, en date du 1er janvier 1942, signent la présente Charte et la ratifient conformément à
l’Article 110.
Article 4
1. Peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres États pacifiques qui acceptent les
obligations de la présente Charte et, au jugement de l’Organisation, sont capables de les remplir et
disposés à le faire.
2. L’admission comme Membres des Nations Unies de tout État remplissant ces conditions se fait par
décision de l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité.
Article 5
Un Membre de l’Organisation contre lequel une action préventive ou coercitive a été entreprise par le
Conseil de sécurité peut être suspendu par l’Assemblée générale, sur recommandation du Conseil de
sécurité, de l’exercice des droits et privilèges inhérents à la qualité de Membre. L’exercice de ces droits et
privilèges peut être rétabli par le Conseil de sécurité.
Article 6
Si un Membre de l’Organisation enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la présente
Charte, il peut être exclu de l’Organisation par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de
sécurité.
Chapitre III
Organes
Article 7
1. Il est créé comme organes principaux de l’Organisation des Nations Unies: une Assemblée
générale, un Conseil de sécurité, un Conseil économique et social, un Conseil de tutelle, une Cour
internationale de Justice et un Secrétariat.
2. Les organes subsidiaires qui se révéleraient nécessaires pourront être créés conformément à la
présente Charte.
Article 8
Aucune restriction ne sera imposée par l’Organisation à l’accès des hommes et des femmes, dans des
conditions égales, à toutes les fonctions, dans ses organes principaux et subsidiaires.

531
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Chapitre IV
Assemblée générale
Composition
Article 9
1. L’Assemblée générale se compose de tous les Membres des Nations Unies.
2. Chaque Membre a cinq représentants au plus à l’Assemblée générale.
Fonctions et pouvoirs
Article 10
L’Assemblée générale peut discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente
Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de l’un quelconque des organes prévus dans la
présente Charte, et, sous réserve des dispositions de l’Article 12, formuler sur ces questions ou affaires
des recommandations aux Membres de l’Organisation des Nations Unies, au Conseil de sécurité, ou aux
Membres de l’Organisation et au Conseil de sécurité.
Article 11
1. L’Assemblée générale peut étudier les principes généraux de coopération pour le maintien de la
paix et de la sécurité internationales, y compris les principes régissant le désarmement et la
réglementation des armements, et faire, sur ces principes, des recommandations soit aux Membres de
l’Organisation, soit au Conseil de sécurité, soit aux Membres de l’Organisation et au Conseil de sécurité.
2. L’Assemblée générale peut discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la
sécurité internationales dont elle aura été saisie par l’une quelconque des Nations Unies, ou par le Conseil
de sécurité, ou par un État qui n’est pas Membre de l’Organisation conformément aux dispositions du
paragraphe 2 de l’Article 35, et, sous réserve de l’Article 12, faire sur toutes questions de ce genre des
recommandations soit à l’État ou aux États intéressés, soit au Conseil de sécurité, soit aux États et au
Conseil de sécurité. Toute question de ce genre qui appelle une action est renvoyée au Conseil de
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sécurité par l’Assemblée générale, avant ou après discussion.


3. L’Assemblée générale peut attirer l’attention du Conseil de sécurité sur les situations qui semblent
devoir mettre en danger la paix et la sécurité internationales.
4. Les pouvoirs de l’Assemblée générale énumérés dans le présent Article ne limitent pas la portée
générale de l’Article 10.
Article 12
1. Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l’égard d’un différend ou d’une situation quelconque, les
fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l’Assemblée générale ne doit faire aucune
recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande.
2. Le Secrétaire général, avec l’assentiment du Conseil de sécurité, porte à la connaissance de
l’Assemblée générale, lors de chaque session, les affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité
internationales dont s’occupe le Conseil de sécurité; il avise de même l’Assemblée générale ou, si
l’Assemblée générale ne siège pas, les Membres de l’Organisation, dès que le Conseil de sécurité cesse
de s’occuper desdites affaires.
Article 13
1. L’Assemblée générale provoque des études et fait des recommandations en vue de :
a. développer la coopération internationale dans le domaine politique et encourager le développement
progressif du droit international et sa codification ;
b. développer la coopération internationale dans les domaines économique, social, de la culture
intellectuelle et de l’éducation, de la santé publique, et faciliter pour tous, sans distinction de race, de sexe,
de langue ou de religion, la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
2. Les autres responsabilités, fonctions et pouvoirs de l’Assemblée générale, relativement aux
questions mentionnées au paragraphe 1, b, ci-dessus, sont énoncés aux Chapitres IX et X.
Article 14
Sous réserve des dispositions de l’Article 12, l’Assemblée générale peut recommander les mesures
propres à assurer l’ajustement pacifique de toute situation, quelle qu’en soit l’origine, qui lui semble de
nature à nuire au bien général ou à compromettre les relations amicales entre nations, y compris les
situations résultant d’une infraction aux dispositions de la présente Charte où sont énoncés les buts et les
principes des Nations Unies.
Article 15
1. L’Assemblée générale reçoit et étudie les rapports annuels et les rapports spéciaux du Conseil de
sécurité ; ces rapports comprennent un compte rendu des mesures que le Conseil de sécurité a décidées
ou prises pour maintenir la paix et la sécurité internationales.
2. L’Assemblée générale reçoit et étudie les rapports des autres organes de l’Organisation.
Article 16
L’Assemblée générale remplit, en ce qui concerne le régime international de tutelle, les fonctions qui lui
sont dévolues en vertu des Chapitres XII et XIII ; entre autres, elle approuve les accords de tutelle relatifs
aux zones non désignées comme zones stratégiques.
Article 17
1. L’Assemblée générale examine et approuve le budget de l’Organisation.
2. Les dépenses de l’Organisation sont supportées par les Membres selon la répartition fixée par
l’Assemblée générale.

532
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

3. L’Assemblée générale examine et approuve tous arrangements financiers et budgétaires passés


avec les institutions spécialisées visées à l’Article 57 et examine les budgets administratifs desdites
institutions en vue de leur adresser des recommandations.
Vote
Article 18
1. Chaque membre de l’Assemblée générale dispose d’une voix.
2. Les décisions de l’Assemblée générale sur les questions importantes sont prises à la majorité des
deux tiers des membres présents et votants. Sont considérées comme questions importantes: les
recommandations relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’élection des membres
non permanents du Conseil de sécurité, l’élection des membres du Conseil économique et social,
l’élection des membres du Conseil de tutelle conformément au paragraphe 1, c, de l’Article 86, l’admission
de nouveaux Membres dans l’Organisation, la suspension des droits et privilèges de Membres, l’exclusion
de Membres, les questions relatives au fonctionnement du régime de tutelle et les questions budgétaires.
3. Les décisions sur d’autres questions, y compris la détermination de nouvelles catégories de
questions à trancher à la majorité des deux tiers, sont prises à la majorité des membres présents et
votants.
Article 19
Un Membre des Nations Unies en retard dans le paiement de sa contribution aux dépenses de
l’Organisation ne peut participer au vote à l’Assemblée générale si le montant de ses arriérés est égal ou
supérieur à la contribution due par lui pour les deux années complètes écoulées. L’Assemblée générale
peut néanmoins autoriser ce Membre à participer au vote si elle constate que le manquement est dû à des
circonstances indépendantes de sa volonté.
Procédure
Article 20
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L’Assemblée générale tient une session annuelle régulière et, lorsque les circonstances l’exigent, des
sessions extraordinaires. Celles-ci sont convoquées par le Secrétaire général sur la demande du Conseil
de sécurité ou de la majorité des Membres des Nations Unies.
Article 21
L’Assemblée générale établit son règlement intérieur. Elle désigne son Président pour chaque session.
Article 22
L’Assemblée générale peut créer les organes subsidiaires qu’elle juge nécessaires à l’exercice de ses
fonctions.
Chapitre V
Conseil de sécurité
Composition
Article 23
1. Le Conseil de sécurité se compose de quinze Membres de l’Organisation. La République de Chine,
la France, l’Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord, et les États-Unis d’Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité. Dix
autres Membres de l’Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité,
par l’Assemblée générale qui tient spécialement compte, en premier lieu, de la contribution des Membres
de l’Organisation au maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de
l’Organisation, et aussi d’une répartition géographique équitable.
2. Les membres non permanents du Conseil de sécurité sont élus pour une période de deux ans. Lors
de la première élection des membres non permanents après que le nombre des membres du Conseil de
sécurité aura été porté de onze à quinze, deux des quatre membres supplémentaires seront élus pour une
période d’un an. Les membres sortants ne sont pas immédiatement rééligibles.
3. Chaque membre du Conseil de sécurité a un représentant au Conseil.
Fonctions et pouvoirs
Article 24
1. Afin d’assurer l’action rapide et efficace de l’Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de
sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et
reconnaissent qu’en s’acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit
en leur nom.
2. Dans l’accomplissement de ces devoirs, le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et
principes des Nations Unies. Les pouvoirs spécifiques accordés au Conseil de sécurité pour lui permettre
d’accomplir lesdits devoirs sont définis aux Chapitres VI, VII, VIII et XII.
3. Le Conseil de sécurité soumet pour examen des rapports annuels et, le cas échéant, des rapports
spéciaux à l’Assemblée générale.
Article 25
Les Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de
sécurité conformément à la présente Charte.
Article 26
Afin de favoriser l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne
détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le
Conseil de sécurité est chargé, avec l’assistance du Comité d'état-major prévu à l’Article 47, d’élaborer

533
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

des plans qui seront soumis aux Membres de l’Organisation en vue d’établir un système de
réglementation des armements.
Vote
Article 27
1. Chaque membre du Conseil de sécurité dispose d’une voix.
2. Les décisions du Conseil de sécurité sur des questions de procédure sont prises par un vote
affirmatif de neuf membres.
3. Les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de
neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents, étant
entendu que, dans les décisions prises aux termes du Chapitre VI et du paragraphe 3 de l’Article 52, une
partie à un différend s’abstient de voter.
Procédure
Article 28
1. Le Conseil de sécurité est organisé de manière à pouvoir exercer ses fonctions en permanence. À
cet effet, chaque membre du Conseil de sécurité doit avoir en tout temps un représentant au Siège de
l’Organisation.
2. Le Conseil de sécurité tient des réunions périodiques auxquelles chacun de ses membres peut, s’il
le désire, se faire représenter par un membre de son gouvernement ou par quelque autre représentant
spécialement désigné.
3. Le Conseil de sécurité peut tenir des réunions à tous endroits autres que le Siège de l’Organisation
qu’il juge les plus propres à faciliter sa tâche.
Article 29
Le Conseil de sécurité peut créer les organes subsidiaires qu’il juge nécessaires à l’exercice de ses
fonctions.
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Article 30
Le Conseil de sécurité établit son règlement intérieur, dans lequel il fixe le mode de désignation de son
Président.
Article 31
Tout Membre de l’Organisation qui n’est pas membre du Conseil de sécurité peut participer, sans droit
de vote, à la discussion de toute question soumise au Conseil de sécurité, chaque fois que celui-ci estime
que les intérêts de ce Membre sont particulièrement affectés.
Article 32
Tout Membre des Nations Unies qui n’est pas membre du Conseil de sécurité ou tout État qui n’est pas
Membre des Nations Unies, s’il est partie à un différend examiné par le Conseil de sécurité, est convié à
participer, sans droit de vote, aux discussions relatives à ce différend. Le Conseil de sécurité détermine
les conditions qu’il estime juste de mettre à la participation d’un État qui n’est pas Membre de
l’Organisation.
Chapitre VI
Règlement pacifique des différends
Article 33
1. Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et
de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation,
d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes
ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix.
2. Le Conseil de sécurité, s’il le juge nécessaire, invite les parties à régler leur différend par de tels
moyens.
Article 34
Le Conseil de sécurité peut enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un
désaccord entre nations ou engendrer un différend, afin de déterminer si la prolongation de ce différend ou
de cette situation semble devoir menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Article 35
1. Tout Membre de l’Organisation peut attirer l’attention du Conseil de sécurité ou de l’Assemblée
générale sur un différend ou une situation de la nature visée dans l’Article 34.
2. Un État qui n’est pas Membre de l’Organisation peut attirer l’attention du Conseil de sécurité ou de
l’Assemblée générale sur tout différend auquel il est partie, pourvu qu’il accepte préalablement, aux fins de
ce différend, les obligations de règlement pacifique prévues dans la présente Charte.
3. Les actes de l’Assemblée générale relativement aux affaires portées à son attention en vertu du
présent Article sont soumis aux dispositions des Articles 11 et 12.
Article 36
1. Le Conseil de sécurité peut, à tout moment de l’évolution d’un différend de la nature mentionnée à
l’Article 33 ou d’une situation analogue, recommander les procédures ou méthodes d’ajustement
appropriées.
2. Le Conseil de sécurité devra prendre en considération toutes procédures déjà adoptées par les
parties pour le règlement de ce différend.
3. En faisant les recommandations prévues au présent Article, le Conseil de sécurité doit aussi tenir
compte du fait que, d’une manière générale, les différends d’ordre juridique devraient être soumis par les
parties à la Cour internationale de Justice conformément aux dispositions du Statut de la Cour.

534
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 37
1. Si les parties à un différend de la nature mentionnée à l’Article 33 ne réussissent pas à le régler par
les moyens indiqués audit Article, elles le soumettent au Conseil de sécurité.
2. Si le Conseil de sécurité estime que la prolongation du différend semble, en fait, menacer le
maintien de la paix et de la sécurité internationales, il décide s’il doit agir en application de l’Article 36 ou
recommander tels termes de règlement qu’il juge appropriés.
Article 38
Sans préjudice des dispositions des Articles 33 à 37, le Conseil de sécurité peut, si toutes les parties à
un différend le demandent, faire des recommandations à celles-ci en vue d’un règlement pacifique de ce
différend.
Chapitre VII
Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression
Article 39
Le Conseil de sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou
d’un acte d’agression et fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises conformément
aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.
Article 40
Afin d’empêcher la situation de s’aggraver, le Conseil de sécurité, avant de faire les recommandations
ou de décider des mesures à prendre conformément à l’Article 39, peut inviter les parties intéressées à se
conformer aux mesures provisoires qu’il juge nécessaires ou souhaitables. Ces mesures provisoires ne
préjugent en rien les droits, les prétentions ou la position des parties intéressées. En cas de non-exécution
de ces mesures provisoires, le Conseil de sécurité tient dûment compte de cette défaillance.
Article 41
Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée
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doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les Membres des Nations Unies à
appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l’interruption complète ou partielle des relations
économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques,
radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques.
Article 42
Si le Conseil de sécurité estime que les mesures prévues à l’Article 41 seraient inadéquates ou
qu’elles se sont révélées telles, il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres,
toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité
internationales. Cette action peut comprendre des démonstrations, des mesures de blocus et d’autres
opérations exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres de Membres des Nations Unies.
Article 43
1. Tous les Membres des Nations Unies, afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, s’engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité, sur son invitation et
conformément à un accord spécial ou à des accords spéciaux, les forces armées, l’assistance et les
facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
2. L’accord ou les accords susvisés fixeront les effectifs et la nature de ces forces, leur degré de
préparation et leur emplacement général, ainsi que la nature des facilités et de l’assistance à fournir.
3. L’accord ou les accords seront négociés aussitôt que possible, sur l’initiative du Conseil de sécurité.
Ils seront conclus entre le Conseil de sécurité et des Membres de l’Organisation, ou entre le Conseil de
sécurité et des groupes de Membres de l’Organisation, et devront être ratifiés par les États signataires
selon leurs règles constitutionnelles respectives.
Article 44
Lorsque le Conseil de sécurité a décidé de recourir à la force, il doit, avant d’inviter un Membre non
représenté au Conseil à fournir des forces armées en exécution des obligations contractées en vertu de
l’Article 43, convier ledit Membre, si celui-ci le désire, à participer aux décisions du Conseil de sécurité
touchant l’emploi de contingents des forces armées de ce Membre.
Article 45
Afin de permettre à l’Organisation de prendre d'urgence des mesures d’ordre militaire, des Membres
des Nations Unies maintiendront des contingents nationaux de forces aériennes immédiatement utilisables
en vue de l’exécution combinée d’une action coercitive internationale. Dans les limites prévues par
l’accord spécial ou les accords spéciaux mentionnés à l’Article 43, le Conseil de sécurité, avec l’aide du
Comité d’état-major, fixe l’importance et le degré de préparation de ces contingents et établit des plans
prévoyant leur action combinée.
Article 46
Les plans pour l’emploi de la force armée sont établis par le Conseil de sécurité avec l’aide du Comité
d’état-major.
Article 47
1. Il est établi un Comité d’état-major chargé de conseiller et d’assister le Conseil de sécurité pour tout
ce qui concerne les moyens d’ordre militaire nécessaires au Conseil pour maintenir la paix et la sécurité
internationales, l’emploi et le commandement des forces mises à sa disposition, la réglementation des
armements et le désarmement éventuel.
2. Le Comité d’état-major se compose des chefs d’état-major des membres permanents du Conseil de
sécurité ou de leurs représentants. Il convie tout Membre des Nations Unies qui n’est pas représenté au

535
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Comité d’une façon permanente à s’associer à lui, lorsque la participation de ce Membre à ses travaux lui
est nécessaire pour la bonne exécution de sa tâche.
3. Le Comité d’état-major est responsable, sous l’autorité du Conseil de sécurité, de la direction
stratégique de toutes forces armées mises à la disposition du Conseil. Les questions relatives au
commandement de ces forces seront réglées ultérieurement.
4. Des sous-comités régionaux du Comité d’état-major peuvent être établis par lui avec l’autorisation
du Conseil de sécurité et après consultation des organismes régionaux appropriés.
Article 48
1. Les mesures nécessaires à l’exécution des décisions du Conseil de sécurité pour le maintien de la
paix et de la sécurité internationales sont prises par tous les Membres des Nations Unies ou certains
d’entre eux, selon l’appréciation du Conseil.
2. Ces décisions sont exécutées par les Membres des Nations Unies directement et grâce à leur action
dans les organismes internationaux appropriés dont ils font partie.
Article 49
Les Membres des Nations Unies s’associent pour se prêter mutuellement assistance dans l’exécution
des mesures arrêtées par le Conseil de sécurité.
Article 50
Si un État est l’objet de mesures préventives ou coercitives prises par le Conseil de sécurité, tout autre
État, qu’il soit ou non Membre des Nations Unies, s’il se trouve en présence de difficultés économiques
particulières dues à l’exécution desdites mesures, a le droit de consulter le Conseil de sécurité au sujet de
la solution de ces difficultés.
Article 51
Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense,
individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée,
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jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité
internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont
immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le
devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge
nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.
Chapitre VIII
Accords régionaux
Article 52
1. Aucune disposition de la présente Charte ne s’oppose à l’existence d’accords ou d’organismes
régionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces organismes
et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies.
2. Les Membres des Nations Unies qui concluent ces accords ou constituent ces organismes doivent
faire tous leurs efforts pour régler d’une manière pacifique, par le moyen desdits accords ou organismes,
les différends d’ordre local, avant de les soumettre au Conseil de sécurité.
3. Le Conseil de sécurité encourage le développement du règlement pacifique des différends d’ordre
local par le moyen de ces accords ou de ces organismes régionaux, soit sur l’initiative des États
intéressés, soit sur renvoi du Conseil de sécurité.
4. Le présent Article n’affecte en rien l’application des Articles 34 et 35.
Article 53
1. Le Conseil de sécurité utilise, s’il y a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l’application
des mesures coercitives prises sous son autorité. Toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise
en vertu d’accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l’autorisation du Conseil de sécurité;
sont exceptées les mesures contre tout État ennemi au sens de la définition donnée au paragraphe 2 du
présent Article, prévues en application de l’Article 107 ou dans les accords régionaux dirigés contre la
reprise, par un tel État, d’une politique d’agression, jusqu’au moment où l’Organisation pourra, à la
demande des gouvernements intéressés, être chargée de la tâche de prévenir toute nouvelle agression de
la part d’un tel État.
2. Le terme “État ennemi”, employé au paragraphe 1 du présent Article, s’applique à tout État qui, au
cours de la seconde guerre mondiale, a été l’ennemi de l’un quelconque des signataires de la présente
Charte.
Article 54
Le Conseil de sécurité doit, en tout temps, être tenu pleinement au courant de toute action entreprise
ou envisagée, en vertu d’accords régionaux ou par des organismes régionaux, pour le maintien de la paix
et de la sécurité internationales.
Chapitre IX
Coopération économique et sociale internationale
Article 55
En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations
des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples
et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront :
a. le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement
dans l’ordre économique et social ;

536
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

b. la solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé
publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture
intellectuelle et de l’éducation ;
c. le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.
Article 56
Les Membres s’engagent, en vue d’atteindre les buts énoncés à l'Article 55, à agir, tant conjointement
que séparément, en coopération avec l’Organisation.
Article 57
1. Les diverses institutions spécialisées créées par accords intergouvernementaux et pourvues, aux
termes de leurs statuts, d’attributions internationales étendues dans les domaines économique, social, de
la culture intellectuelle et de l’éducation, de la santé publique et autres domaines connexes sont reliées à
l’Organisation conformément aux dispositions de l’Article 63.
2. Les institutions ainsi reliées à l’Organisation sont désignées ci-après par l’expression “institutions
spécialisées”.
Article 58
L’Organisation fait des recommandations en vue de coordonner les programmes et activités des
institutions spécialisées.
Article 59
L’Organisation provoque, lorsqu’il y a lieu, des négociations entre les États intéressés en vue de la
création de toutes nouvelles institutions spécialisées nécessaires pour atteindre les buts énoncés à
l’Article 55.
Article 60
L’Assemblée générale et, sous son autorité, le Conseil économique et social, qui dispose à cet effet
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des pouvoirs qui lui sont attribués aux termes du Chapitre X, sont chargés de remplir les fonctions de
l’Organisation énoncées au présent Chapitre.
Chapitre X
Conseil économique et social
Composition
Article 61
1. Le Conseil économique et social se compose de cinquante-quatre Membres de l’Organisation des
Nations Unies, élus par l’Assemblée générale.
2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, dix-huit membres du Conseil économique et social
sont élus chaque année pour une période de trois ans. Les membres sortants sont immédiatement
rééligibles.
3. Lors de la première élection qui aura lieu après que le nombre des membres du Conseil
économique et social aura été porté de vingt-sept à cinquante-quatre, vingt-sept membres seront élus en
plus de ceux qui auront été élus en remplacement des neuf membres dont le mandat viendra à expiration
à la fin de l’année. Le mandat de neuf de ces vingt-sept membres supplémentaires expirera au bout d’un
an et celui de neuf autres au bout de deux ans, selon les dispositions prises par l’Assemblée générale.
4. Chaque membre du Conseil économique et social a un représentant au Conseil.
Fonctions et pouvoirs
Article 62
1. Le Conseil économique et social peut faire ou provoquer des études et des rapports sur des
questions internationales dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de
l’éducation, de la santé publique et autres domaines connexes et peut adresser des recommandations sur
toutes ces questions à l’Assemblée générale, aux Membres de l’Organisation et aux institutions
spécialisées intéressées.
2. Il peut faire des recommandations en vue d’assurer le respect effectif des droits de l’homme et des
libertés fondamentales pour tous.
3. Il peut, sur des questions de sa compétence, préparer des projets de convention pour les soumettre
à l’Assemblée générale.
4. Il peut convoquer, conformément aux règles fixées par l’Organisation, des conférences
internationales sur des questions de sa compétence.
Article 63
1. Le Conseil économique et social peut conclure, avec toute institution visée à l’Article 57, des
accords fixant les conditions dans lesquelles cette institution sera reliée à l’Organisation. Ces accords sont
soumis à l’approbation de l’Assemblée générale.
2. Il peut coordonner l’activité des institutions spécialisées en se concertant avec elles, en leur
adressant des recommandations, ainsi qu’en adressant des recommandations à l’Assemblée générale et
aux Membres des Nations Unies.
Article 64
1. Le Conseil économique et social peut prendre toutes mesures utiles pour recevoir des rapports
réguliers des institutions spécialisées. Il peut s’entendre avec les Membres de l’Organisation et avec les
institutions spécialisées afin de recevoir des rapports sur les mesures prises en exécution de ses propres
recommandations et des recommandations de l’Assemblée générale sur des objets relevant de la
compétence du Conseil.

537
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. Il peut communiquer à l’Assemblée générale ses observations sur ces rapports.


Article 65
Le Conseil économique et social peut fournir des informations au Conseil de sécurité et l’assister si
celui-ci le demande.
Article 66
1. Le Conseil économique et social, dans l’exécution des recommandations de l’Assemblée générale,
s’acquitte de toutes les fonctions qui entrent dans sa compétence.
2. Il peut, avec l’approbation de l’Assemblée générale, rendre les services qui lui seraient demandés
par des Membres de l’Organisation ou par des institutions spécialisées.
3. Il s’acquitte des autres fonctions qui lui sont dévolues dans d’autres parties de la présente Charte ou
qui peuvent lui être attribuées par l’Assemblée générale.
Vote
Article 67
1. Chaque membre du Conseil économique et social dispose d’une voix.
2. Les décisions du Conseil économique et social sont prises à la majorité des membres présents et
votants.
Procédure
Article 68
Le Conseil économique et social institue des commissions pour les questions économiques et sociales
et le progrès des droits de l’homme ainsi que toutes autres commissions nécessaires à l’exercice de ses
fonctions.
Article 69
Le Conseil économique et social, lorsqu’il examine une question qui intéresse particulièrement un
Membre de l’Organisation, convie celui-ci à participer, sans droit de vote, à ses délibérations.
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Article 70
Le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions pour que des représentants des
institutions spécialisées participent, sans droit de vote, à ses délibérations et à celles des commissions
instituées par lui, et pour que ses propres représentants participent aux délibérations des institutions
spécialisées.
Article 71
Le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les
organisations non gouvernementales qui s’occupent de questions relevant de sa compétence. Ces
dispositions peuvent s’appliquer à des organisations internationales et, s’il y a lieu, à des organisations
nationales après consultation du Membre intéressé de l’Organisation.
Article 72
1. Le Conseil économique et social adopte son règlement intérieur, dans lequel il fixe le mode de
désignation de son Président.
2. Il se réunit selon les besoins, conformément à son règlement ; celui-ci comportera des dispositions
prévoyant la convocation du Conseil sur la demande de la majorité de ses membres.
Chapitre XI
Déclaration relative aux territoires non autonomes
Article 73
Les Membres des Nations Unies qui ont ou qui assument la responsabilité d’administrer des territoires
dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes reconnaissent le principe de
la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée
l’obligation de favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité, dans le cadre du système de paix et
de sécurité internationales établi par la présente Charte et, à cette fin :
a. d’assurer, en respectant la culture des populations en question, leur progrès politique, économique
et social, ainsi que le développement de leur instruction, de les traiter avec équité et de les protéger contre
les abus ;
b. de développer leur capacité de s’administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques
des populations et de les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques,
dans la mesure appropriée aux conditions particulières de chaque territoire et de ses populations et à
leurs degrés variables de développement ;
c. d’affermir la paix et la sécurité internationales ;
d. de favoriser des mesures constructives de développement, d’encourager des travaux de recherche,
de coopérer entre eux et, quand les circonstances s’y prêteront, avec les organismes internationaux
spécialisés, en vue d’atteindre effectivement les buts sociaux, économiques et scientifiques énoncés au
présent Article ;
e. de communiquer régulièrement au Secrétaire général, à titre d’information, sous réserve des
exigences de la sécurité et de considérations d’ordre constitutionnel, des renseignements statistiques et
autres de nature technique relatifs aux conditions économiques, sociales et de l’instruction dans les
territoires dont ils sont respectivement responsables, autres que ceux auxquels s’appliquent les Chapitres
XII et XIII.
Article 74
Les Membres de l’Organisation reconnaissent aussi que leur politique doit être fondée, autant dans les
territoires auxquels s’applique le présent Chapitre que dans leurs territoires métropolitains, sur le principe

538
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

général du bon voisinage dans le domaine social, économique et commercial, compte tenu des intérêts et
de la prospérité du reste du monde.
Chapitre XII
Régime international de tutelle
Article 75
L’Organisation des Nations Unies établira, sous son autorité, un régime international de tutelle pour
l’administration et la surveillance des territoires qui pourront être placés sous ce régime en vertu d’accords
particuliers ultérieurs. Ces territoires sont désignés ci-après par l’expression “territoires sous tutelle”.
Article 76
Conformément aux buts des Nations Unies, énoncés à l’Article 1 de la présente Charte, les fins
essentielles du régime de tutelle sont les suivantes :
a. affermir la paix et la sécurité internationales ;
b. favoriser le progrès politique, économique et social des populations des territoires sous tutelle ainsi
que le développement de leur instruction ; favoriser également leur évolution progressive vers la capacité
à s’administrer eux-mêmes ou l’indépendance, compte tenu des conditions particulières à chaque territoire
et à ses populations, des aspirations librement exprimées des populations intéressées et des dispositions
qui pourront être prévues dans chaque accord de tutelle ;
c. encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, et développer le sentiment de l’interdépendance des
peuples du monde ;
d. assurer l’égalité de traitement dans le domaine social, économique et commercial à tous les
Membres de l’Organisation et à leurs ressortissants ; assurer de même à ces derniers l’égalité de
traitement dans l’administration de la justice, sans porter préjudice à la réalisation des fins énoncées ci-
dessus, et sous réserve des dispositions de l’Article 80.
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Article 77
1. Le régime de tutelle s’appliquera aux territoires entrant dans les catégories ci-dessous et qui
viendraient à être placés sous ce régime en vertu d’accords de tutelle :
a. territoires actuellement sous mandat ;
b. territoires qui peuvent être détachés d’États ennemis par suite de la seconde guerre mondiale ;
c. territoires volontairement placés sous ce régime par les États responsables de leur administration.
2. Un accord ultérieur déterminera quels territoires, entrant dans les catégories susmentionnées,
seront placés sous le régime de tutelle, et dans quelles conditions.
Article 78
Le régime de tutelle ne s’appliquera pas aux pays devenus Membres des Nations Unies, les relations
entre celles-ci devant être fondées sur le respect du principe de l’égalité souveraine.
Article 79
Les termes du régime de tutelle, pour chacun des territoires à placer sous ce régime, de même que les
modifications et amendements qui peuvent y être apportés, feront l’objet d’un accord entre les États
directement intéressés, y compris la Puissance mandataire dans le cas de territoires sous mandat d’un
Membre des Nations Unies, et seront approuvés conformément aux Articles 83 et 85.
Article 80
1. À l’exception de ce qui peut être convenu dans les accords particuliers de tutelle conclus
conformément aux Articles 77, 79 et 81 et plaçant chaque territoire sous le régime de tutelle, et jusqu’à ce
que ces accords aient été conclus, aucune disposition du présent Chapitre ne sera interprétée comme
modifiant directement ou indirectement en aucune manière les droits quelconques d’aucun État ou
d’aucun peuple ou les dispositions d’actes internationaux en vigueur auxquels des Membres de
l’Organisation peuvent être parties.
2. Le paragraphe 1 du présent Article ne doit pas être interprété comme motivant un retard ou un
ajournement de la négociation et de la conclusion d’accords destinés à placer sous le régime de tutelle
des territoires sous mandat ou d’autres territoires ainsi qu’il est prévu à l’Article 77.
Article 81
L’accord de tutelle comprend, dans chaque cas, les conditions dans lesquelles le territoire sous tutelle
sera administré et désigne l’autorité qui en assurera l’administration. Cette autorité, désignée ci-après par
l’expression “autorité chargée de l'administration”, peut être constituée par un ou plusieurs États ou par
l’Organisation elle-même.
Article 82
Un accord de tutelle peut désigner une ou plusieurs zones stratégiques pouvant comprendre tout ou
partie du territoire sous tutelle auquel l’accord s’applique, sans préjudice de tout accord spécial ou de tous
accords spéciaux conclus en application de l’Article 43.
Article 83
1. En ce qui concerne les zones stratégiques, toutes les fonctions dévolues à l’Organisation, y compris
l’approbation des termes des accords de tutelle ainsi que de la modification ou de l’amendement éventuels
de ceux-ci, sont exercées par le Conseil de sécurité.
2. Les fins essentielles énoncées à l’Article 76 valent pour la population de chacune des zones
stratégiques.
3. Le Conseil de sécurité, eu égard aux dispositions des accords de tutelle et sous réserve des
exigences de la sécurité, aura recours à l’assistance du Conseil de tutelle dans l’exercice des fonctions

539
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

assumées par l’Organisation, au titre du régime de tutelle, en matière politique, économique et sociale, et
en matière d’instruction, dans les zones stratégiques.
Article 84
L’autorité chargée de l’administration a le devoir de veiller à ce que le territoire sous tutelle apporte sa
contribution au maintien de la paix et de la sécurité internationales. À cette fin, elle peut utiliser des
contingents de volontaires, les facilités et l’aide du territoire sous tutelle pour remplir les obligations qu’elle
a contractées à cet égard envers le Conseil de sécurité, ainsi que pour assurer la défense locale et le
maintien de l’ordre à l’intérieur du territoire sous tutelle.
Article 85
1. En ce qui concerne les accords de tutelle relatifs à toutes les zones qui ne sont pas désignées
comme zones stratégiques, les fonctions de l’Organisation, y compris l’approbation des termes des
accords de tutelle et de leur modification ou amendement, sont exercées par l’Assemblée générale.
2. Le Conseil de tutelle, agissant sous l’autorité de l’Assemblée générale, assiste celle-ci dans
l’accomplissement de ces tâches.
Chapitre XIII
Conseil de tutelle
Composition
Article 86
1. Le Conseil de tutelle se compose des Membres suivants des Nations Unies:
a. les Membres chargés d’administrer des territoires sous tutelle ;
b. ceux des Membres désignés nommément à l’Article 23 qui n’administrent pas de territoires sous
tutelle ;
c. autant d’autres Membres élus pour trois ans, par l’Assemblée générale, qu’il sera nécessaire pour
que le nombre total des membres du Conseil de tutelle se partage également entre les Membres des
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Nations Unies qui administrent des territoires sous tutelle et ceux qui n’en administrent pas.
2. Chaque membre du Conseil de tutelle désigne une personne particulièrement qualifiée pour le
représenter au Conseil.
Fonctions et pouvoirs
Article 87
L’Assemblée générale et, sous son autorité, le Conseil de tutelle, dans l’exercice de leurs fonctions,
peuvent :
a. examiner les rapports soumis par l’autorité chargée de l’administration ;
b. recevoir des pétitions et les examiner en consultation avec ladite autorité ;
c. faire procéder à des visites périodiques dans les territoires administrés par ladite autorité, à des
dates convenues avec elle ;
d. prendre ces dispositions et toutes autres conformément aux termes des accords de tutelle.
Article 88
Le Conseil de tutelle établit un questionnaire portant sur les progrès des habitants de chaque territoire
sous tutelle dans les domaines politique, économique et social et dans celui de l’instruction ; l’autorité
chargée de l’administration de chaque territoire sous tutelle relevant de la compétence de l’Assemblée
générale adresse à celle-ci un rapport annuel fondé sur le questionnaire précité.
Vote
Article 89
1. Chaque membre du Conseil de tutelle dispose d’une voix.
2. Les décisions du Conseil de tutelle sont prises à la majorité des membres présents et votants.
Procédure
Article 90
1. Le Conseil de tutelle adopte son règlement intérieur, dans lequel il fixe le mode de désignation de
son Président.
2. Il se réunit selon les besoins, conformément à son règlement ; celui-ci comprend des dispositions
prévoyant la convocation du Conseil à la demande de la majorité de ses membres.
Article 91
Le Conseil de tutelle recourt, quand il y a lieu, à l’assistance du Conseil économique et social et à celle
des institutions spécialisées, pour les questions qui relèvent de leurs compétences respectives.
Chapitre XIV
Cour internationale de Justice
Article 92
La Cour internationale de Justice constitue l’organe judiciaire principal des Nations Unies. Elle
fonctionne conformément à un Statut établi sur la base du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale et annexé à la présente Charte dont il fait partie intégrante.
Article 93
1. Tous les Membres des Nations Unies sont ipso facto parties au Statut de la Cour internationale de
Justice.
2. Les conditions dans lesquelles les États qui ne sont pas Membres de l’Organisation peuvent devenir
parties au Statut de la Cour internationale de Justice sont déterminées, dans chaque cas, par l’Assemblée
générale sur recommandation du Conseil de sécurité.

540
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 94
1. Chaque Membre des Nations Unies s’engage à se conformer à la décision de la Cour internationale
de Justice dans tout litige auquel il est partie.
2. Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d’un arrêt rendu
par la Cour, l’autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s’il le juge nécessaire, peut faire
des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt.
Article 95
Aucune disposition de la présente Charte n’empêche les Membres de l’Organisation de confier la
solution de leurs différends à d’autres tribunaux en vertu d’accords déjà existants ou qui pourront être
conclus à l’avenir.
Article 96
1. L’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice
un avis consultatif sur toute question juridique.
2. Tous autres organes de l’Organisation et institutions spécialisées qui peuvent, à un moment
quelconque, recevoir de l’Assemblée générale une autorisation à cet effet ont également le droit de
demander à la Cour des avis consultatifs sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de
leur activité.
Chapitre XV
Secrétariat
Article 97
Le Secrétariat comprend un Secrétaire général et le personnel que peut exiger l’Organisation. Le
Secrétaire général est nommé par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité. Il est
le plus haut fonctionnaire de l’Organisation.
Article 98
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Le Secrétaire général agit en cette qualité à toutes les réunions de l’Assemblée générale, du Conseil
de sécurité, du Conseil économique et social et du Conseil de tutelle. Il remplit toutes autres fonctions dont
il est chargé par ces organes. Il présente à l’Assemblée générale un rapport annuel sur l’activité de
l’Organisation.
Article 99
Le Secrétaire général peut attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis,
pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Article 100
1. Dans l’accomplissement de leurs devoirs, le Secrétaire général et le personnel ne solliciteront ni
n’accepteront d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autorité extérieure à l’Organisation. Ils
s’abstiendront de tout acte incompatible avec leur situation de fonctionnaires internationaux et ne sont
responsables qu’envers l’Organisation.
2. Chaque Membre de l’Organisation s’engage à respecter le caractère exclusivement international
des fonctions du Secrétaire général et du personnel et à ne pas chercher à les influencer dans l’exécution
de leur tâche.
Article 101
1. Le personnel est nommé par le Secrétaire général conformément aux règles fixées par l’Assemblée
générale.
2. Un personnel spécial est affecté d’une manière permanente au Conseil économique et social, au
Conseil de tutelle et, s’il y a lieu, à d’autres organes de l’Organisation. Ce personnel fait partie du
Secrétariat.
3. La considération dominante dans le recrutement et la fixation des conditions d’emploi du personnel
doit être la nécessité d’assurer à l’Organisation les services de personnes possédant les plus hautes
qualités de travail, de compétence et d’intégrité. Sera dûment prise en considération l’importance d’un
recrutement effectué sur une base géographique aussi large que possible.
Chapitre XVI
Dispositions diverses
Article 102
1. Tout traité ou accord international conclu par un Membre des Nations Unies après l'entrée en
vigueur de la présente Charte sera, le plus tôt possible, enregistré au Secrétariat et publié par lui.
2. Aucune partie à un traité ou accord international qui n’aura pas été enregistré conformément aux
dispositions du paragraphe 1 du présent Article ne pourra invoquer ledit traité ou accord devant un organe
de l’Organisation.
Article 103
En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte
et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront.
Article 104
L’Organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses Membres, de la capacité juridique qui lui est
nécessaire pour exercer ses fonctions et atteindre ses buts.
Article 105
1. L’Organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses Membres, des privilèges et immunités qui lui
sont nécessaires pour atteindre ses buts.

541
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. Les représentants des Membres des Nations Unies et les fonctionnaires de l’Organisation jouissent
également des privilèges et immunités qui leur sont nécessaires pour exercer en toute indépendance leurs
fonctions en rapport avec l’Organisation.
3. L’Assemblée générale peut faire des recommandations en vue de fixer les détails d’application des
paragraphes 1 et 2 du présent Article ou proposer aux Membres des Nations Unies des conventions à cet
effet.
Chapitre XVII
Dispositions transitoires de sécurité
Article 106
En attendant l’entrée en vigueur des accords spéciaux mentionnés à l’Article 43, qui, de l’avis du
Conseil de sécurité, lui permettront de commencer à assumer les responsabilités lui incombant en
application de l’Article 42, les parties à la Déclaration des Quatre Nations signée à Moscou le 30 octobre
1943 et la France se concerteront entre elles et, s’il y a lieu, avec d’autres Membres de l’Organisation,
conformément aux dispositions du paragraphe 5 de cette Déclaration, en vue d’entreprendre en commun,
au nom des Nations Unies, toute action qui pourrait être nécessaire pour maintenir la paix et la sécurité
internationales.
Article 107
Aucune disposition de la présente Charte n’affecte ou n’interdit, vis-à-vis d’un État qui, au cours de la
seconde guerre mondiale, a été l’ennemi de l’un quelconque des signataires de la présente Charte, une
action entreprise ou autorisée, comme suite de cette guerre, par les gouvernements qui ont la
responsabilité de cette action.
Chapitre XVIII
Amendements
Article 108
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Les amendements à la présente Charte entreront en vigueur pour tous les Membres des Nations Unies
quand ils auront été adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée générale et ratifiés,
conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres de
l’Organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de sécurité.
Article 109
1. Une conférence générale des Membres des Nations Unies, aux fins d’une révision de la présente
Charte, pourra être réunie aux lieu et date qui seront fixés par un vote de l’Assemblée générale à la
majorité des deux tiers et par un vote de neuf quelconques des membres du Conseil de sécurité. Chaque
Membre de l’Organisation disposera d’une voix à la conférence.
2. Toute modification à la présente Charte recommandée par la conférence à la majorité des deux tiers
prendra effet lorsqu’elle aura été ratifiée, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par
les deux tiers des Membres des Nations Unies, y compris tous les membres permanents du Conseil de
sécurité.
3. Si cette conférence n’a pas été réunie avant la dixième session annuelle de l’Assemblée générale
qui suivra l’entrée en vigueur de la présente Charte, une proposition en vue de la convoquer sera inscrite
à l’ordre du jour de cette session, et la conférence sera réunie, s’il en est ainsi décidé par un vote de la
majorité de l’Assemblée générale et par un vote de sept quelconques des membres du Conseil de
sécurité.
Chapitre XIX
Ratification et signature
Article 110
1. La présente Charte sera ratifiée par les États signataires conformément à leurs règles
constitutionnelles respectives.
2. Les ratifications seront déposées auprès du Gouvernement des États-Unis d’Amérique, qui notifiera
chaque dépôt à tous les États signataires ainsi qu’au Secrétaire général de l’Organisation, lorsque celui-ci
aura été nommé.
3. La présente Charte entrera en vigueur après le dépôt des ratifications par la République de Chine, la
France, l’Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande
du Nord, les États-Unis d’Amérique et par la majorité des autres États signataires. Un procès-verbal de
dépôt des ratifications sera ensuite dressé par le Gouvernement des États-Unis d’Amérique qui en
communiquera copie à tous les États signataires.
4. Les États signataires de la présente Charte qui la ratifieront après son entrée en vigueur deviendront
Membres originaires des Nations Unies à la date du dépôt de leurs ratifications respectives.
Article 111
La présente Charte, dont les textes chinois, français, russe, anglais et espagnol feront également foi,
sera déposée dans les archives du Gouvernement des États-Unis d’Amérique. Des copies dûment
certifiées conformes en seront remises par lui aux Gouvernements des autres États signataires.
En foi de quoi les représentants des Gouvernements des Nations Unies ont signé la présente Charte.
Fait à San Francisco le vingt-six juin mil neuf cent quarante-cinq.

542
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

STATUT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE


(adopté le 26 juin 1945, entré en vigueur le 24 octobre 1945)
Article 1
La Cour internationale de Justice instituée par la Charte des Nations Unies comme organe judiciaire
principal de l’Organisation sera constituée et fonctionnera conformément aux dispositions du présent
Statut.
CHAPITRE I
Organisation de la Cour
Article 2
La Cour est un corps de magistrats indépendants, élus, sans égard à leur nationalité, parmi les
personnes jouissant de la plus haute considération morale, et qui réunissent les conditions requises pour
l’exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires, ou qui sont des jurisconsultes
possédant une compétence notoire en matière de droit international.
Article 3
1. La Cour se compose de quinze membres. Elle ne pourra comprendre plus d’un ressortissant du
même État.
2. À cet égard, celui qui pourrait être considéré comme le ressortissant de plus d’un État sera censé
être ressortissant de celui où il exerce habituellement ses droits civils et politiques.
Article 4
1. Les membres de la Cour sont élus par l’Assemblée générale et par le Conseil de sécurité sur une
liste de personnes présentées par les groupes nationaux de la Cour permanente d’arbitrage,
conformément aux dispositions suivantes.
2. En ce qui concerne les Membres des Nations Unies qui ne sont pas représentés à la Cour
permanente d’arbitrage, les candidats seront présentés par des groupes nationaux, désignés à cet effet
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par leurs gouvernements, dans les mêmes conditions que celles stipulées pour les membres de la Cour
permanente d’arbitrage par l’article 44 de la Convention de La Haye de 1907 sur le règlement pacifique
des conflits internationaux.
3. En l’absence d’accord spécial, l’Assemblée générale, sur la recommandation du Conseil de sécurité,
réglera les conditions auxquelles peut participer à l’élection des membres de la Cour un État qui, tout en
étant partie au présent Statut, n’est pas Membre des Nations Unies.
Article 5
1. Trois mois au moins avant la date de l’élection, le Secrétaire général des Nations Unies invite par
écrit les membres de la Cour permanente d’arbitrage appartenant aux États qui sont parties au présent
Statut, ainsi que les membres des groupes nationaux désignés conformément au paragraphe 2 de l’Article
4, à procéder dans un délai déterminé, par groupes nationaux, à la présentation de personnes en situation
de remplir les fonctions de membre de la Cour.
2. Chaque groupe ne peut, en aucun cas, présenter plus de quatre personnes, dont deux au plus de sa
nationalité. En aucun cas, il ne peut être présenté un nombre de candidats plus élevé que le double des
sièges à pourvoir.
Article 6
Avant de procéder à cette désignation, il est recommandé à chaque groupe national de consulter la
plus haute cour de justice, les facultés et écoles de droit, les académies nationales et les sections
nationales d’académies internationales vouées à l’étude du droit.
Article 7
1. Le Secrétaire général dresse, par ordre alphabétique, une liste de toutes les personnes ainsi
désignées ; seules ces personnes sont éligibles, sauf le cas prévu au paragraphe 2 de l’Article 12.
2. Le Secrétaire général communique cette liste à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité.
Article 8
L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité procèdent indépendamment l’un de l'autre à l’élection
des membres de la Cour.
Article 9
Dans toute élection, les électeurs auront en vue que les personnes appelées à faire partie de la Cour
non seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans l’ensemble la
représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde.
Article 10
1. Sont élus ceux qui ont réuni la majorité absolue des voix dans l’Assemblée générale et dans le
Conseil de sécurité.
2. Le vote au Conseil de sécurité, soit pour l’élection des juges, soit pour la nomination des membres
de la commission visée à l’Article 12 ci-après, ne comportera aucune distinction entre membres
permanents et membres non permanents du Conseil de sécurité.
3. Au cas où le double scrutin de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité se porterait sur plus
d’un ressortissant du même État, le plus âgé est seul élu.
Article 11
Si, après la première séance d’élection, il reste encore des sièges à pourvoir, il est procédé, de la
même manière, à une seconde et, s’il est nécessaire, à une troisième.

543
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 12
1. Si, après la troisième séance d’élection, il reste encore des sièges à pourvoir, il peut être à tout
moment formé, sur la demande soit de l’Assemblée générale, soit du Conseil de sécurité, une
Commission médiatrice de six membres, nommés trois par l’Assemblée générale, trois par le Conseil de
sécurité, en vue de choisir par un vote à la majorité absolue, pour chaque siège non pourvu, un nom à
présenter à l’adoption séparée de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.
2. La Commission médiatrice peut porter sur sa liste le nom de toute personne satisfaisant aux
conditions requises et qui recueille l’unanimité de ses suffrages, lors même qu’il n’aurait pas figuré sur la
liste de présentation visée à l’Article 7.
3. Si la Commission médiatrice constate qu’elle ne peut réussir à assurer l’élection, les membres de la
Cour déjà nommés pourvoient aux sièges vacants, dans un délai à fixer par le Conseil de sécurité, en
choisissant parmi les personnes qui ont obtenu des suffrages soit dans l’Assemblée générale, soit dans le
Conseil de sécurité.
4. Si, parmi les juges, il y a partage égal des voix, la voix du juge le plus âgé l’emporte.
Article 13
1. Les membres de la Cour sont élus pour neuf ans et ils sont rééligibles ; toutefois, en ce qui concerne
les juges nommés à la première élection de la Cour, les fonctions de cinq juges prendront fin au bout de
trois ans, et celles de cinq autres juges prendront fin au bout de six ans.
2. Les juges dont les fonctions prendront fin au terme des périodes initiales de trois et six ans
mentionnées ci-dessus seront désignés par tirage au sort effectué par le Secrétaire général,
immédiatement après qu’il aura été procédé à la première élection.
3. Les membres de la Cour restent en fonction jusqu’à leur remplacement. Après ce remplacement, ils
continuent de connaître des affaires dont ils sont déjà saisis.
4. En cas de démission d’un membre de la Cour, la démission sera adressée au Président de la Cour,
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pour être transmise au Secrétaire général. Cette dernière notification emporte vacance de siège.
Article 14
Il est pourvu aux sièges devenus vacants selon la méthode suivie pour la première élection, sous
réserve de la disposition ci-après: dans le mois qui suivra la vacance, le Secrétaire général procédera à
l’invitation prescrite par l’Article 5, et la date d’élection sera fixée par le Conseil de sécurité.
Article 15
Le membre de la Cour élu en remplacement d’un membre dont le mandat n’est pas expiré achève le
terme du mandat de son prédécesseur.
Article 16
1. Les membres de la Cour ne peuvent exercer aucune fonction politique ou administrative, ni se livrer
à aucune autre occupation de caractère professionnel.
2. En cas de doute, la Cour décide.
Article 17
1. Les membres de la Cour ne peuvent exercer les fonctions d’agent, de conseil ou d’avocat dans
aucune affaire.
2. Ils ne peuvent participer au règlement d’aucune affaire dans laquelle ils sont antérieurement
intervenus comme agents, conseils ou avocats de l’une des parties, membres d’un tribunal national ou
international, d’une commission d’enquête, ou à tout autre titre.
3. En cas de doute, la Cour décide.
Article 18
1. Les membres de la Cour ne peuvent être relevés de leurs fonctions que si, au jugement unanime
des autres membres, ils ont cessé de répondre aux conditions requises.
2. Le Secrétaire général en est officiellement informé par le Greffier.
3. Cette communication emporte vacance de siège.
Article 19
Les membres de la Cour jouissent, dans l’exercice de leurs fonctions, des privilèges et immunités
diplomatiques.
Article 20
Tout membre de la Cour doit, avant d’entrer en fonction, en séance publique, prendre l’engagement
solennel d’exercer ses attributions en pleine impartialité et en toute conscience.
Article 21
1. La Cour nomme, pour trois ans, son Président et son Vice-Président ; ils sont rééligibles.
2. Elle nomme son Greffier et peut pourvoir à la nomination de tels autres fonctionnaires qui seraient
nécessaires.
Article 22
1. Le siège de la Cour est fixé à La Haye. La Cour peut toutefois siéger et exercer ses fonctions
ailleurs lorsqu’elle le juge désirable.
2. Le Président et le Greffier résident au siège de la Cour.
Article 23
1. La Cour reste toujours en fonction, excepté pendant les vacances judiciaires, dont les périodes et la
durée sont fixées par la Cour.
2. Les membres de la Cour ont droit à des congés périodiques dont la date et la durée seront fixées
par la Cour, en tenant compte de la distance qui sépare La Haye de leurs foyers.

544
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

3. Les membres de la Cour sont tenus, à moins de congé, d’empêchement pour cause de maladie ou
autre motif grave dûment justifié auprès du Président, d’être à tout moment à la disposition de la Cour.
Article 24
1. Si, pour une raison spéciale, l’un des membres de la Cour estime devoir ne pas participer au
jugement d’une affaire déterminée, il en fait part au Président.
2. Si le Président estime qu’un des membres de la Cour ne doit pas, pour une raison spéciale, siéger
dans une affaire déterminée, il en avertit celui-ci.
3. Si, en pareils cas, le membre de la Cour et le Président sont en désaccord, la Cour décide.
Article 25
1. Sauf exception expressément prévue par le présent Statut, la Cour exerce ses attributions en
séance plénière.
2. Sous la condition que le nombre des juges disponibles pour constituer la Cour ne soit pas réduit à
moins de onze, le Règlement de la Cour pourra prévoir que, selon les circonstances et à tour de rôle, un
ou plusieurs juges pourront être dispensés de siéger.
3. Le quorum de neuf est suffisant pour constituer la Cour.
Article 26
1. La Cour peut, à toute époque, constituer une ou plusieurs chambres, composées de trois juges au
moins selon ce qu’elle décidera, pour connaître de catégories déterminées d’affaires, par exemple
d’affaires de travail et d’affaires concernant le transit et les communications.
2. La Cour peut, à toute époque, constituer une chambre pour connaître d’une affaire déterminée. Le
nombre des juges de cette chambre sera fixé par la Cour avec l’assentiment des parties.
3. Les chambres prévues au présent Article statueront, si les parties le demandent.
Article 27
Tout arrêt rendu par l’une des chambres prévues aux Articles 26 et 29 sera considéré comme rendu
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par la Cour.
Article 28
Les chambres prévues aux Articles 26 et 29 peuvent, avec le consentement des parties, siéger et
exercer leurs fonctions ailleurs qu’à La Haye.
Article 29
En vue de la prompte expédition des affaires, la Cour compose annuellement une chambre de cinq
juges, appelés à statuer en procédure sommaire lorsque les parties le demandent. Deux juges seront, en
outre, désignés pour remplacer celui des juges qui se trouverait dans l’impossibilité de siéger.
Article 30
1. La Cour détermine par un règlement le mode suivant lequel elle exerce ses attributions. Elle règle
notamment sa procédure.
2. Le Règlement de la Cour peut prévoir des assesseurs siégeant à la Cour ou dans ses chambres,
sans droit de vote.
Article 31
1. Les juges de la nationalité de chacune des parties conservent le droit de siéger dans l’affaire dont la
Cour est saisie.
2. Si la Cour compte sur le siège un juge de la nationalité d’une des parties, toute autre partie peut
désigner une personne de son choix pour siéger en qualité de juge. Celle-ci devra être prise de préférence
parmi les personnes qui ont été l’objet d’une présentation en conformité des Articles 4 et 5.
3. Si la Cour ne compte sur le siège aucun juge de la nationalité des parties, chacune de ces parties
peut procéder à la désignation d’un juge de la même manière qu’au paragraphe précédent.
4. Le présent Article s’applique dans le cas des Articles 26 et 29. En pareils cas, le Président priera un,
ou, s’il y a lieu, deux des membres de la Cour composant la chambre, de céder leur place aux membres
de la Cour de la nationalité des parties intéressées et, à défaut ou en cas d’empêchement, aux juges
spécialement désignés par les parties.
5. Lorsque plusieurs parties font cause commune, elles ne comptent, pour l’application des
dispositions qui précèdent, que pour une seule. En cas de doute, la Cour décide.
6. Les juges désignés comme il est dit aux paragraphes 2, 3 et 4 du présent Article doivent satisfaire
aux prescriptions des Articles 2, 17 (paragraphe 2), 20 et 24 du présent Statut. Ils participent à la décision
dans des conditions de complète égalité avec leurs collègues.
Article 32
1. Les membres de la Cour reçoivent un traitement annuel.
2. Le Président reçoit une allocation annuelle spéciale.
3. Le Vice-Président reçoit une allocation spéciale pour chaque jour où il remplit les fonctions de
Président.
4. Les juges désignés par application de l’Article 31, autres que les membres de la Cour, reçoivent une
indemnité pour chaque jour où ils exercent leurs fonctions.
5. Ces traitements, allocations et indemnités sont fixés par l’Assemblée générale. Ils ne peuvent être
diminués pendant la durée des fonctions.
6. Le traitement du Greffier est fixé par l’Assemblée générale sur la proposition de la Cour.
7. Un règlement adopté par l’Assemblée générale fixe les conditions dans lesquelles des pensions
sont allouées aux membres de la Cour et au Greffier, ainsi que les conditions dans lesquelles les
membres de la Cour et le Greffier reçoivent le remboursement de leurs frais de voyage.

545
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

8. Les traitements, allocations et indemnités sont exempts de tout impôt.


Article 33
Les frais de la Cour sont supportés par les Nations Unies de la manière que l’Assemblée générale
décide.
CHAPITRE II
Compétence de la Cour
Article 34
1. Seuls les États ont qualité pour se présenter devant la Cour.
2. La Cour, dans les conditions prescrites par son Règlement, pourra demander aux organisations
internationales publiques des renseignements relatifs aux affaires portées devant elle, et recevra
également lesdits renseignements qui lui seraient présentés par ces organisations de leur propre initiative.
3. Lorsque l’interprétation de l’acte constitutif d’une organisation internationale publique ou celle d’une
convention internationale adoptée en vertu de cet acte est mise en question dans une affaire soumise à la
Cour, le Greffier en avise cette organisation et lui communique toute la procédure écrite.
Article 35
1. La Cour est ouverte aux États parties au présent Statut.
2. Les conditions auxquelles elle est ouverte aux autres États sont, sous réserve des dispositions
particulières des traités en vigueur, réglées par le Conseil de sécurité, et, dans tous les cas, sans qu’il
puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour.
3. Lorsqu’un État qui n’est pas Membre des Nations Unies est partie en cause, la Cour fixera la
contribution aux frais de la Cour que cette partie devra supporter. Toutefois, cette disposition ne
s’appliquera pas si cet État participe aux dépenses de la Cour.
Article 36
1. La compétence de la Cour s’étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à
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tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en
vigueur.
2. Les États parties au présent Statut pourront, à n’importe quel moment, déclarer reconnaître comme
obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout autre État acceptant la même
obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet :
a. l’interprétation d’un traité ;
b. tout point de droit international ;
c. la réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement international ;
d. la nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement international.
3. Les déclarations ci-dessus visées pourront être faites purement et simplement ou sous condition de
réciprocité de la part de plusieurs ou de certains États, ou pour un délai déterminé.
4. Ces déclarations seront remises au Secrétaire général des Nations Unies qui en transmettra copie
aux parties au présent Statut ainsi qu’au Greffier de la Cour.
5. Les déclarations faites en application de l’Article 36 du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale pour une durée qui n’est pas encore expirée seront considérées, dans les rapports entre
parties au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour
internationale de Justice pour la durée restant à courir d’après ces déclarations et conformément à leurs
termes.
6. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.
Article 37
Lorsqu’un traité ou une convention en vigueur prévoit le renvoi à une juridiction que devait instituer la
Société des Nations ou à la Cour permanente de Justice internationale, la Cour internationale de Justice
constituera cette juridiction entre les parties au présent Statut.
Article 38
1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis, applique :
a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément
reconnues par les États en litige ;
b. la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit ;
c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ;
d. sous réserve de la disposition de l’Article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes
les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit.
2. La présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties sont d’accord,
de statuer ex aequo et bono.
CHAPITRE III
Procédure
Article 39
1. Les langues officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Si les parties sont d’accord pour que
toute la procédure ait lieu en français, le jugement sera prononcé en cette langue. Si les parties sont
d’accord pour que toute la procédure ait lieu en anglais, le jugement sera prononcé en cette langue.
2. À défaut d’un accord fixant la langue dont il sera fait usage, les parties pourront employer pour les
plaidoiries celle des deux langues qu’elles préféreront, et l’arrêt de la Cour sera rendu en français et en
anglais. En ce cas, la Cour désignera en même temps celui des deux textes qui fera foi.

546
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

3. La Cour, à la demande de toute partie, autorisera l’emploi par cette partie d’une langue autre que le
français ou l’anglais.
Article 40
1. Les affaires sont portées devant la Cour, selon le cas, soit par notification du compromis, soit par
une requête, adressées au Greffier; dans les deux cas, l’objet du différend et les parties doivent être
indiqués.
2. Le Greffier donne immédiatement communication de la requête à tous intéressés.
3. Il en informe également les Membres des Nations Unies par l’entremise du Secrétaire général, ainsi
que les autres États admis à ester en justice devant la Cour.
Article 41
1. La Cour a le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les circonstances l’exigent, quelles mesures
conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provisoire.
2. En attendant l’arrêt définitif, l’indication de ces mesures est immédiatement notifiée aux parties et au
Conseil de sécurité.
Article 42
1. Les parties sont représentées par des agents.
2. Elles peuvent se faire assister devant la Cour par des conseils ou des avocats.
3. Les agents, conseils et avocats des parties devant la Cour jouiront des privilèges et immunités
nécessaires à l’exercice indépendant de leurs fonctions.
Article 43
1. La procédure a deux phases : l’une écrite, l’autre orale.
2. La procédure écrite comprend la communication à juge et à partie des mémoires, des contre-
mémoires et, éventuellement, des répliques, ainsi que de toute pièce et document à l’appui.
3. La communication se fait par l'entremise du Greffier dans l’ordre et les délais déterminés par la
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Cour.
4. Toute pièce produite par l’une des parties doit être communiquée à l’autre en copie certifiée
conforme.
5. La procédure orale consiste dans l’audition par la Cour des témoins, experts, agents, conseils et
avocats.
Article 44
1. Pour toute notification à faire à d’autres personnes que les agents, conseils et avocats, la Cour
s’adresse directement au gouvernement de l’État sur le territoire duquel la notification doit produire effet.
2. Il en est de même s’il s’agit de faire procéder sur place à l’établissement de tous moyens de preuve.
Article 45
Les débats sont dirigés par le Président et, à défaut de celui-ci, par le Vice-Président; en cas
d'empêchement, par le plus ancien des juges présents.
Article 46
L’audience est publique, à moins qu’il n’en soit autrement décidé par la Cour ou que les deux parties
ne demandent que le public ne soit pas admis.
Article 47
1. Il est tenu de chaque audience un procès-verbal signé par le Greffier et le Président.
2. Ce procès-verbal a seul caractère authentique.
Article 48
La Cour rend des ordonnances pour la direction du procès, la détermination des formes et délais dans
lesquels chaque partie doit finalement conclure ; elle prend toutes les mesures que comporte
l'administration des preuves.
Article 49
La Cour peut, même avant tout débat, demander aux agents de produire tout document et de fournir
toutes explications. En cas de refus, elle en prend acte.
Article 50
À tout moment, la Cour peut confier une enquête ou une expertise à toute personne, corps, bureau,
commission ou organe de son choix.
Article 51
Au cours des débats, toutes questions utiles sont posées aux témoins et experts dans les conditions
que fixera la Cour dans le règlement visé à l’Article 30.
Article 52
Après avoir reçu les preuves et témoignages dans les délais déterminés par elle, la Cour peut écarter
toutes dépositions ou documents nouveaux qu’une des parties voudrait lui présenter sans l’assentiment de
l’autre.
Article 53
1. Lorsqu’une des parties ne se présente pas, ou s’abstient de faire valoir ses moyens, l’autre partie
peut demander à la Cour de lui adjuger ses conclusions.
2. La Cour, avant d’y faire droit, doit s’assurer non seulement qu’elle a compétence aux termes des
Articles 36 et 37, mais que les conclusions sont fondées en fait et en droit.
Article 54
1. Quand les agents, conseils et avocats ont fait valoir, sous le contrôle de la Cour, tous les moyens
qu’ils jugent utiles, le Président prononce la clôture des débats.

547
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. La Cour se retire en Chambre du conseil pour délibérer.


3. Les délibérations de la Cour sont et restent secrètes.
Article 55
1. Les décisions de la Cour sont prises à la majorité des juges présents.
2. En cas de partage des voix, la voix du Président ou de celui qui le remplace est prépondérante.
Article 56
1. L’arrêt est motivé.
2. Il mentionne les noms des juges qui y ont pris part.
Article 57
Si l’arrêt n’exprime pas en tout ou en partie l'opinion unanime des juges, tout juge aura le droit d’y
joindre l’exposé de son opinion individuelle.
Article 58
L’arrêt est signé par le Président et par le Greffier. Il est lu en séance publique, les agents dûment
prévenus.
Article 59
La décision de la Cour n’est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé.
Article 60
L’arrêt est définitif et sans recours. En cas de contestation sur le sens et la portée de l’arrêt, il
appartient à la Cour de l’interpréter, à la demande de toute partie.
Article 61
1. La révision de l’arrêt ne peut être éventuellement demandée à la Cour qu’en raison de la découverte
d’un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l’arrêt, était inconnu de la
Cour et de la partie qui demande la révision, sans qu’il y ait, de sa part, faute à l’ignorer.
2. La procédure de révision s’ouvre par un arrêt de la Cour constatant expressément l’existence du fait
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nouveau, lui reconnaissant les caractères qui donnent ouverture à la révision, et déclarant de ce chef la
demande recevable.
3. La Cour peut subordonner l’ouverture de la procédure en révision à l’exécution préalable de l’arrêt.
4. La demande en révision devra être formée au plus tard dans le délai de six mois après la
découverte du fait nouveau.
5. Aucune demande de révision ne pourra être formée après l’expiration d’un délai de dix ans à dater
de l’arrêt.
Article 62
1. Lorsqu’un État estime que, dans un différend, un intérêt d’ordre juridique est pour lui en cause, il
peut adresser à la Cour une requête, à fin d’intervention.
2. La Cour décide.
Article 63
1. Lorsqu’il s'agit de l’interprétation d’une convention à laquelle ont participé d’autres États que les
parties en litige, le Greffier les avertit sans délai.
2. Chacun d’eux a le droit d’intervenir au procès et, s’il exerce cette faculté, l’interprétation contenue
dans la sentence est également obligatoire à son égard.
Article 64
S’il n’en est autrement décidé par la Cour, chaque partie supporte ses frais de procédure.
CHAPITRE IV
Avis consultatifs
Article 65
1. La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou
institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies, ou conformément à ses dispositions, à
demander cet avis.
2. Les questions sur lesquelles l’avis consultatif de la Cour est demandé sont exposées à la Cour par
une requête écrite qui formule, en termes précis, la question sur laquelle l’avis de la Cour est demandé. Il
y est joint tout document pouvant servir à élucider la question.
Article 66
1. Le Greffier notifie immédiatement la requête demandant l’avis consultatif à tous les États admis à
ester en justice devant la Cour.
2. En outre, à tout État admis à ester devant la Cour et à toute organisation internationale jugés par la
Cour, ou par le Président si elle ne siège pas, susceptibles de fournir des renseignements sur la question,
le Greffier fait connaître, par communication spéciale et directe, que la Cour est disposée à recevoir des
exposés écrits, dans un délai à fixer par le Président, ou à entendre des exposés oraux au cours d’une
audience publique tenue à cet effet.
3. Si un de ces États, n’ayant pas été l’objet de la communication spéciale visée au paragraphe 2 du
présent Article, exprime le désir de soumettre un exposé écrit ou d’être entendu, la Cour statue.
4. Les États ou organisations qui ont présenté des exposés écrits ou oraux sont admis à discuter les
exposés faits par d’autres États et organisations dans les formes, mesures et délais fixés, dans chaque
cas d’espèce, par la Cour ou, si elle ne siège pas, par le Président. À cet effet, le Greffier communique, en
temps voulu, les exposés écrits aux États ou organisations qui en ont eux-mêmes présenté.

548
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 67
La Cour prononcera ses avis consultatifs en audience publique, le Secrétaire général et les
représentants des Membres des Nations Unies, des autres États et des organisations internationales
directement intéressés étant prévenus.
Article 68
Dans l’exercice de ses attributions consultatives, la Cour s’inspirera en outre des dispositions du
présent Statut qui s’appliquent en matière contentieuse dans la mesure où elle les reconnaîtra applicables.
CHAPITRE V
Amendements
Article 69
Les amendements au présent Statut seront effectués par la même procédure que celle prévue pour les
amendements à la Charte des Nations Unies, sous réserve des dispositions qu’adopterait l’Assemblée
générale, sur la recommandation du Conseil de sécurité, pour régler la participation à cette procédure des
États qui, tout en ayant accepté le présent Statut de la Cour, ne sont pas Membres des Nations Unies.
Article 70
La Cour pourra proposer les amendements qu’elle jugera nécessaire d’apporter au présent Statut, par
la voie de communications écrites adressées au Secrétaire général, aux fins d’examen conformément aux
dispositions de l’Article 69.

ACCORD CONCERNANT LA POURSUITE ET LE CHÂTIMENT


DES GRANDS CRIMINELS DE GUERRE
DES PUISSANCE EUROPÉENNES DE L’AXE
ET STATUT DU TRIBUNAL INTERNATIONAL MILITAIRE
London, 8 août 1945
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Préambule
Considérant que les Nations Unies ont, à diverses reprises, proclamé leur intention de traduire en
justice les criminels de guerre;
Considérant que la Déclaration publiée à Moscou le 30 octobre 1943 sur les atrocités allemandes en
Europe occupée a spécifié que les officiers et soldats allemands et les membres du parti nazi qui sont
responsables d’atrocités et de crimes, ou qui ont pris volontairement part à leur accomplissement, seront
renvoyés dans les pays où leurs forfaits abominables ont été perpétrés, afin qu’ils puissent être jugés et
punis conformément aux lois de ces pays libérés et des Gouvernements libres qui y seront établis;
Considérant que cette Déclaration était faite sous réserve du cas des grands criminels, dont les crimes
sont sans localisation géographique précise et qui seront punis par une décision commune des
Gouvernements alliés;
En conséquence, le Gouvernement provisoire de la République Française et les Gouvernements des
États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l’Irlande du Nord, et de l’Union des
Républiques Socialistes Soviétiques (dénommés ci-après «les signataires»), agissant dans l’intérêt de
toutes les Nations Unies, ont, par leurs Représentants dûment autorisés, conclu le présent Accord:
Accord
Article premier
Un Tribunal Militaire International sera établi, après consultation avec le Conseil de Contrôle en
Allemagne, pour juger les criminels de guerre dont les crimes sont sans localisation géographique précise,
qu’ils soient accusés individuellement, ou à titre de membres d’organisations ou de groupes, ou à ce
double titre.
Article 2
La constitution, la juridiction et les fonctions du Tribunal Militaire International sont prévues dans le
statut annexé au présent Accord, ce statut formant partie intégrale de l’Accord.
Article 3
Chaque Signataire prendra les mesures nécessaires pour assurer la présence aux enquêtes, et au
procès, des grands criminels de guerre qu’il détient et qui devront être jugés par le Tribunal Militaire
International. Les Signataires devront également employer tous leurs efforts pour assurer la présence aux
enquêtes et au procès devant le Tribunal Militaire International de ceux des grands criminels qui ne se
trouvent pas sur le territoire de l’un des Signataires.
Article 4
Aucune disposition du présent Accord ne porte atteinte aux principes fixés par la Déclaration de
Moscou en ce qui concerne le renvoi des criminels de guerre dans les pays où ils ont commis leurs
crimes.
Article 5
Tous les Gouvernements des Nations Unies peuvent adhérer à cet Accord par avis donné par voie
diplomatique au Gouvernement du Royaume-Uni, lequel notifiera chaque adhésion aux autres
Gouvernements signataires et adhérents.
Article 6
Aucune disposition du présent Accord ne porte atteinte à la juridiction ou à la compétence des
tribunaux nationaux ou des tribunaux d’occupation déjà établis, ou qui seront créés, dans les territoires
alliés ou en Allemagne pour juger les criminels de guerre.

549
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 7
Cet Accord entrera en vigueur au jour de la signature; il restera en vigueur pendant une période d’un
an et portera ensuite effet, sous réserve du droit de tout Signataire d’indiquer par la voie diplomatique,
avec un préavis d’un mois, son intention d’y mettre fin. Cette résiliation ne portera pas atteinte aux
mesures déjà prises ni aux décisions déjà rendues, en exécution du présent Accord.
En foi de quoi les Signataires ont signé le présent Accord.
Établi en quatre exemplaires à Londres ce huitième jour du mois d’août 1945 en français, anglais et
russe, chacun des textes étant un texte authentique.
Statut.
I Constitution du Tribunal Militaire International
Article Premier
En exécution de l’Accord signé le 8 août 1945 par le Gouvernement provisoire de la République
Française et les Gouvernements des États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni de Grande Bretagne et
d’Irlande du Nord, et de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, un Tribunal Militaire International
(dénommé ci-après «le Tribunal») sera crée pour juger et punir de façon appropriée et sans délai, les
grands criminels de guerre des pays européens de l’Axe.
[…]
II. Juridiction et principes généraux
Article 6
Le Tribunal établi par l’Accord mentionné à l’article premier ci-dessus pour le jugement et le châtiment
des grands criminels de guerre des pays européens de l’Axe, sera compétent pour juger et punir toutes
personnes qui, agissant pour le compte des pays européens de l’Axe, auront commis, individuellement ou
à titre de membres d’organisations, l’un quelconque des crimes suivants:
Les actes suivant ou l’un quelconque d’entre eux sont des crimes soumis à la juridiction du Tribunal et
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entraînant une responsabilité individuelle:


a) Les crimes contre la paix: c’est-à-dire la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite
d’une guerre d’agression ou d’une guerre de violation des traités, assurances ou accords
internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un
quelconque des actes qui précèdent;
b) Les crimes de guerre: c’est-à-dire les violations des lois et coutumes de la guerre. Ces violations
comprennent, sans y être limitées, l’assassinat, les mauvais traitements ou la déportation pour des
travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat
ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des
otages, le pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif, des villes et des villages ou la
dévastation que ne justifient pas les exigences militaires;
c) Les crimes contre l’humanité: c’est-à-dire l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la
déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la
guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou
persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été
perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime entrant dans la compétence du Tribunal, ou en
liaison avec ce crime.
Les dirigeants, organisateurs, provocateurs ou complices qui ont pris part à l’élaboration ou à
l’exécution d’un plan concerté ou d’un complot pour commettre l’un quelconque des crimes ci-dessus
définis sont responsables de tous les actes accompli par toutes personnes, en exécution de ce plan.
Article 7
La situation officielle des accusés, soit comme chefs d’État, soit comme hauts fonctionnaires, ne sera
considérée ni comme une excuse absolutoire, ni comme un motif de diminution de la peine.
Article 8
Le fait que l’accusé a agi conformément aux instructions de son gouvernement ou d’un supérieur
hiérarchique ne le dégagera pas de sa responsabilité, mais pourra être considéré comme un motif de
diminution de la peine, si le Tribunal décide que la justice l’exige.
Article 9
Lors d’un procès contre tout membre d’un groupement ou d’une organisation quelconque, le Tribunal
pourra déclarer (à l’occasion de tout acte dont cet individu pourrait être reconnu coupable) que le
groupement, ou l’organisation à laquelle il appartient était une organisation criminelle.
Après avoir reçu l’Acte d’accusation, le Tribunal devra faire connaître, de la manière qu’il jugera
opportune, que le Ministère public a l’intention de demander au Tribunal de faire une déclaration en ce
sens et tout Membre de l’organisation aura le droit de demander au Tribunal à être entendu par celui-ci,
sur la question du caractère criminel de l’organisation. Le Tribunal aura compétence pour accéder à cette
demande ou la rejeter, le Tribunal pourra fixer le mode selon lequel les requérants seront représentés et
entendus.
Article 10
Dans tous les cas où le Tribunal aura proclamé le caractère criminel d’un groupement ou d’une
organisation, les autorités compétentes et chaque Signataire auront le droit de traduire tout individu devant
les tribunaux nationaux, militaires ou d’occupation en raison de son affiliation à ce groupement ou à cette
organisation. Dans cette hypothèse, le caractère criminel du groupement ou de l’organisation sera
considéré comme établi et ne pourra plus être contesté.

550
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 11
Toute personne condamnée par le Tribunal pourra être inculpée devant un tribunal national, militaire
ou d’occupation, mentionnés à l’article 10 ci-dessus, d’un crime autre que son affiliation à une organisation
ou à un groupement criminels, et le tribunal saisi pourra, après l’avoir reconnu coupable, lui infliger une
peine supplémentaire indépendante de celle déjà imposée par le Tribunal pour sa participation aux
activités criminelles de ce groupement ou de cette organisation.
Article 12
Le Tribunal sera compétent pour juger en son absence tout accusé ayant à répondre des crimes
prévus par l’article 6 du présent Statut, soit que cet accusé n’ait pu être découvert, soit que le Tribunal
l’estime nécessaire pour toute autre raison dans l’intérêt de la justice.
[…]
Jugement et peine
Article 26
La décision du Tribunal relative à la culpabilité ou à l’innocence de tout accusé devra être motivée et
sera définitive et non susceptible de révision.
Article 27
Le Tribunal pourra prononcer contre les accusés convaincus de culpabilité la peine de mort ou tout
autre châtiment qu’il estimera juste.
[…]

PROJET DE CRÉATION D’UNE JURIDICTION CRIMINELLE INTERNATIONALE


Mémorandum présenté à la Commission pour le développement progressif du
droit international et sa codification par le délégué de la France H. Donnedieu De Vabres
Nations Unies, doc. A/AC.10/21
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1946
(in SG, Historique du problème de la juridiction criminelle internationale, Mémorandum, doc. N.U.
A/CN.4/7/Rev.1, New-York, 27 mai 1949, Annexe 11, p. 126-128)
Extraits
La répression des crimes internationaux contre la paix et l’humanité prévue en application des
principes du jugement de Nuremberg, que l’Assemblée générale des Nations Unies a confirmé par sa
résolution du 11 décembre 1946, ne peut être assurée que par la création d’une juridiction pénale
internationale.
Ainsi sera prévenu, pour l’avenir, le reproche parfois adressé au tribunal militaire international des
grands criminels de guerre: celui d’être une juridiction ad hoc et ne représentant que d’une façon
imparfaite la communauté internationale.
[…] Ces propositions peuvent se ranger en deux catégories :
1. Celles qui préconisent l’attribution d’une compétence criminelle à la Cour permanente de Justice
internationale (aujourd’hui la Cour internationale de Justice).
2. Celles qui prévoient la création d’une juridiction criminelle internationale appelée à statuer sur le fait.
[…]
Il paraît opportun de combiner les deux systèmes, de réunir leurs avantages respectifs, en prévoyant
deux compétences distinctes :
1) La compétence attribuée à la Chambre criminelle qui sera instituée au sein de la Cour internationale
de Justice. Celle-ci connaîtrait :
[…]
b) Des inculpations relatives au crime contre la paix (crime d’agression sous toutes ses formes) qui
seraient encourues par un État ou par les gouvernants de cet État ;
c) Des inculpations relatives au crime contre l’humanité qui seraient encourues par un État ou par les
gouvernants de cet État.
La Chambre criminelle pourrait être composée de quinze juges élus dans les mêmes conditions que
les autres membres de la Cour internationale de Justice. […] Le Parquet chargé de mettre en mouvement
l’action publique internationale serait en relation avec le Conseil de sécurité.
[…]
2) La compétence attribuée à une Cour de justice internationale appelée à connaître :
a) De toutes infractions internationales susceptibles d’être commises en temps de paix, notamment
des délits dits délits de droit des gens ;
b) Des crimes de guerre, c’est-à-dire des infractions de droit commun qui renferment une violation des
lois de la guerre ;
c) De toutes infractions de droit commun connexes aux crimes contre l’humanité, perpétrés par les
gouvernants d’un État.
[…]
Suivant les besoins, une ou plusieurs juridictions pénales internationales de cette nature seraient
instituées.
[…]

551
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

CONVENTION POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE


(approuvée et soumise à la signature et à la ratification ou à l’adhésion par l’Assemblée générale
dans sa résolution 260 A (III) du 9 décembre 1948, entrée en vigueur le 12 janvier 1951)
Extrait
Article 9
Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la
présente Convention, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un État en matière de génocide ou de
l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article 3, seront soumis à la Cour internationale de Justice,
à la requête d’une partie au différend.

Assemblée générale des Nations Unies


Résolution 217 (III) du 10 décembre 1948
CHARTE INTERNATIONALE DES DROITS DE L’HOMME
Extrait
DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME
PRÉAMBULE
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et
de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le
monde,
Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de
barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les être humains
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seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus
haute aspiration de l’homme,
Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour
que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression,
Considérant qu’il est essentiel d’encourager le développement de relations amicales entre nations,
Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans
les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité
des droits des hommes et des femmes, et qu’ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à
instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,
Considérant que les États Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l’Organisation
des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
Considérant qu’une conception commune de ces droits et libertés est de la plus haute importance pour
remplir pleinement cet engagement,
L’Assemblée générale
Proclame la présente Déclaration universelle des droits de l’homme comme l’idéal commun à atteindre
par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société,
ayant cette Déclaration constamment à l’esprit, s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de
développer le respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures progressives d’ordre
national et international, la reconnaissance et l’application universelles et effectives, tant parmi les
populations des États Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction.
Article premier
Tous les être humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de
conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Article 2
Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente
Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion,
d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de
toute autre situation.
De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du
pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous
tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.
Article 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
Article 4
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous
toutes leurs formes.
Article 5
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Article 6
Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique.

552
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 7
Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans aucune distinction à une égale protection de la loi. Tous
ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait le présente Déclaration et contre
toute provocation à une telle discrimination.
Article 8
Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les
actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.
Article 9
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé.
Article 10
Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et
publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du
bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Article 11
1. Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité
ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui
auront été assurées.
2. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne
constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé
aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’acte délictueux a été commis.
Article 12
Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa
correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de
la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.
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Article 13
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.
Article 14
1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en
d’autres pays.
2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit
commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.
Article 15
1. Tout individu a droit à une nationalité.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.
Article 16
1. À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité
ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du
mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.
2. Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux.
3. La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et
de l’État.
Article 17
1. Toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.
Article 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté
de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction,
seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et
l’accomplissement des rites.
Article 19
Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de
frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.
Article 20
1. Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’associations pacifiques.
2. Nul ne peut être obligé de faire partie d’une association.
Article 21
1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit
directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis.
2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son
pays.
3. La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit
s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et
au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.

553
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 22
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à
obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre
développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et la coopération internationale, compte tenu
de l’organisation et des ressources de chaque pays.
Article 23
1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et
satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa
famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de
protection sociale.
4. Toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour
la défense de ses intérêts.
Article 24
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du
travail et à des congés payés périodiques.
Article 25
1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de
sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les
services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de
veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de
circonstances indépendantes de sa volonté.
2. La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu’ils
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soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale.
Article 26
1. Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne
l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement
technique et professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine
égalité à tous en fonction de leur mérite.
2. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du
respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la
tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groups raciaux ou religieux, ainsi que le
développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.
Article 27
1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir
des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production
scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.
Article 28
Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que
les droits et les libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet.
Article 29
1. L’individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développement
de sa personnalité est possible.
2. Dans l’exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n’est soumis qu’aux
limitations établies par la loi exclusivement en vue d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et
libertés d’autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être
général dans une société démocratique.
3. Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s’exercer contrairement aux buts et aux principes
des Nations Unies.
Article 30
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État,
un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant
à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


Travaux de la deuxième session (5 juin-29 juillet 1950)
Document A/1316
(in Ann. C.D.I., 1950, vol. II, p. 374-378)
PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL CONSACRÉS PAR LE STATUT DU TRIBUNAL DE
NUREMBERG ET DANS LE JUGEMENT DE CE TRIBUNAL
Principe 1
Tout auteur d’un acte qui constitue un crime de droit international est responsable de ce chef et
passible de châtiment.

554
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Principe 2
Le fait que le droit interne ne punit pas un acte qui constitue un crime de droit international ne dégage
pas la responsabilité en droit international de celui qui l’a commis.
Principe 3
Le fait que l’auteur d’un acte qui constitue un crime de droit international a agi en qualité de chef d’État
ou de gouvernement ne dégage pas sa responsabilité en droit international.
Principe 4
Le fait d’avoir agi sur l’ordre de son gouvernement ou celui d’un supérieur hiérarchique ne dégage pas
la responsabilité de l’auteur en droit international, s’il a eu moralement la faculté de choisir.
Principe 5
Toute personne accusée d’un crime de droit international a droit à un procès équitable, tant en ce qui
concerne les faits qu’en ce qui concerne le droit.
Principe 6
Les crimes énumérés ci-après sont punis en tant que crimes de droit international.
a. Crimes contre la paix:
i) Projeter, préparer, déclencher ou poursuivre une guerre d’agression ou une guerre faite en
violation de traités, accords et engagements internationaux;
ii) Participer à un plan concerté ou à un complot pour l’accomplissement de l’un quelconque des
actes mentionnés à l’alinéa i.
b) Crimes de guerre:
Les violations des lois et coutumes de guerre qui comprennent, sans y être limitées, les
assassinats, les mauvais traitements ou la déportation pour les travaux forcés, ou pour tout autre
but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinats ou les mauvais traitements
des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, les pillages des
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biens publics ou privés, la destruction perverse des villes ou villages ou la dévastation que ne
justifient pas les exigences militaires.
c) Crimes contre l’humanité:
L’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou toute autre acte
inhumain commis contre toutes populations civiles, ou bien les persécutions pour des motifs
politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions sont commis à la suite d’un
crime contre la paix ou d’un crime de guerre, ou en liaison avec ces crimes.
Principe 7
La complicité d’un crime contre la paix, d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité, tels qu’ils
sont définis dans le principe 6 est un crime de droit international.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


Travaux de la sixième session (3 juin-28 juillet 1954)
Assemblée générale
Documents officiels – 9ème session – supplément No. 9 (A/2693)
Extrait
PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
54. On trouvera ci-après le texte intégral du projet de code adopté par la Commission au cours de sa
sixième session.
Article premier
Les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité définis dans le présent code sont des crimes de
droit international, et les individus qui en sont responsables seront punis.
Article 2
Les actes suivants sont des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité :
1) Toute acte d’agression, y compris l’emploi par les autorités d’un État de la force armée contre un
autre État à des fins autres que la légitime défense nationale ou collective ou, soit l’exécution d’une
décision, soit l’application d’une recommandation d’un organe compétent des Nations Unies.
2) Toute menace, par les autorités d’un État, de recourir à un acte d’agression contre un autre État.
3) Le fait, pour les autorités d’un État, de préparer l’emploi de la force armée contre un autre État à des
fins autres que la légitime défense nationale ou collective ou soit l’exécution d’une décision, soit
l’application d’une recommandation d’un organe compétent des Nations Unies.
4) Le fait, pour les autorités d’un État, d’organiser ou d’encourager sur son territoire ou sur toute autre
territoire l’organisation des bandes armées en vue d’incursions sur le territoire d’un autre État, ou d’en
tolérer l’organisation sur son propre territoire, ou le fait, pour les autorités d’un État, de tolérer que des
bandes armées se servent de son territoire comme base d’opérations ou comme point de départ pour des
incursions sur le territoire d’un autre État, ainsi que la participation directe ou l’appui donné à l’incursion.
5) Le fait, pour les autorités d’un État, d’entreprendre ou d’encourager des activités visant à fomenter
la guerre civile dans un autre État, ou le fait, pour les autorités d’un État, de tolérer des activités
organisées visant à fomenter la guerre civile dans un autre État.

555
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

6) Le fait, pour les autorités d’un État, d’entreprendre ou d’encourager des activités terroristes dans un
autre État, ou le fait, pour les autorités d’un État, de tolérer des activités organisées calculées en vue de
perpétrer des actes terroristes dans un autre État.
7) Les actes commis par les autorités d’un État en violation des obligations qui incombent à cet État en
vertu d’un traité destiné à assurer la paix et la sécurité internationales au moyen de restrictions ou de
limitations aux armements, à la préparation militaire ou aux fortifications, ou d’autres restrictions de même
nature.
8) Le fait, pour les autorités d’un État, d’annexer, au moyen d’actes contraires au droit international, un
territoire appartenant à un autre État.
9) Le fait, pour les autorités d’un État, d’intervenir dans les affaire intérieures ou extérieures d’un autre
État par des mesures de coercition, d’ordre économique ou politique, en vue de forcer sa décision et
d’obtenir des avantages de quelque nature que ce soit.
10) Les actes commis par les autorités d’un État ou par des particuliers dans l’intention de détruire, en
tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel, y compris :
i) Le meurtre de membres du groupe ;
ii) L’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
iii) La soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence susceptibles d’entraîner sa
destruction physique totale ou partielle ;
iv) Les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
v) Le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
11) Les actes inhumains, tels que l’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la
déportation ou les persécutions, commis contre des éléments de la population civile pour des motifs
sociaux, politiques, raciaux, religieux ou culturels, par les autorités d’un État ou par des particuliers
agissant à l’instigation de ces autorités ou avec leur consentement.
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12) Les actes commis en violation des lois et coutumes de guerre.


13) Les actes qui constituent :
i) Le complot en vue de commettre l’un quelconque des crimes définis aux paragraphes précédents du
présent article ;
ii) L’incitation directe à commettre l’un quelconque des crimes définis aux paragraphes précédents du
présent article ;
iii) La complicité dans l’un quelconque des crimes définis aux paragraphes précédents du présent
article ;
iv) La tentative pour commettre l’un quelconque des crimes définis aux paragraphes précédents du
présent article.
Article 3
Le fait que l’auteur a agi en qualité de chef d’État ou de gouvernant ne l’exonère pas de la
responsabilité encourue pour avoir commis l’un des crimes définis dans le présent code.
Article 4
Le fait qu’une personne accusée d’un des crimes définis dans le présent code a agi sur l’ordre de son
gouvernement ou d’un supérieur hiérarchique ne dégage pas sa responsabilité en droit international si elle
avait la possibilité, dans les circonstances existantes, de ne pas se conformer à cet ordre.

CONVENTION DE VIENNE SUR LE DROIT DES TRAITÉS


(Adoptée le 23 mai 1969, entrée en vigueur le 27 janvier 1980)
Extrait
Cinquième partie
Nullité, extinction et suspension de l’application des traités
[…]
Section 2
Nullité des traités
[…]
Article 53
Traités en conflit avec une norme impérative du droit international général (jus cogens)
Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit
international général. Aux fins de la présente Convention, une norme impérative du droit international
général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son
ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que
par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère.
[…]
Section 3
Extinction des traités et suspension de leur application
[…]
Article 64
Survenance d’une nouvelle norme impérative du droit international général (jus cogens)
Si une nouvelle norme impérative du droit international général survient, tout traité existant qui est en
conflit avec cette norme devient nul et prend fin.

556
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Section 4
Procédure
[…]
Article 66
Procédures de règlement judiciaire, d’arbitrage et de conciliation
Si, dans les douze mois qui ont suivi la date à laquelle l’objection a été soulevée, il n’a pas été possible
de parvenir à une solution conformément au paragraphe 3 de l’article 65, les procédures ci-après seront
appliquées :
a) toute partie à un différend concernant l’application ou l’interprétation des articles 53 ou 64 peut, par
une requête, le soumettre à la décision de la Cour internationale de Justice, à moins que les parties ne
décident d’un commun accord de soumettre le différend à l’arbitrage ;
b) toute partie à un différend concernant l’application ou l’interprétation de l’un quelconque des autres
articles de la partie V de la présente Convention peut mettre en oeuvre la procédure indiquée à l’annexe à
la Convention en adressant une demande à cet effet au Secrétaire général des Nations Unies.
[…]
Section 5
Conséquences de la nullité, de l’extinction ou de la suspension de l’application d’un traité
[…]
Article 71
Conséquences de la nullité d’un traité qui est en conflit
avec une norme impérative du droit international général
1. Dans le cas d’un traité qui est nul en vertu de l’article 53, les Parties sont tenues :
a) D’éliminer, dans la mesure du possible, les conséquences de tout acte accompli sur la base d’une
disposition qui est en conflit avec la norme impérative du droit international général ; et
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b) De rendre leurs relations mutuelles conformes à la norme impérative du droit international général.
2. Dans le cas d’un traité qui devient nul et prend fin en vertu de l’article 64, la fin du traité :
a) Libère les Parties de l’obligation de continuer d’exécuter le traité ;
b) Ne porte atteinte à aucun droit, aucune obligation, ni aucune situation juridique des Parties, créés
par l’exécution du traité avant qu’il n’ait pris fin ; toutefois, ces droits, obligations ou situations ne peuvent
être maintenus par la suite que dans la mesure où leur maintien n’est pas en soi en conflit avec la nouvelle
norme impérative du droit international général.
[…]

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE


AFFAIRE DE LA BARCELONA TRACTION, LIGHT AND POWER COMPANY, LIMITED
(Belgique/Espagne)
ARRÊT DU 5 FÉVRIER 1970
(in C.I.J. Rec., 1970, p. 1)
Extrait
§ 33. […] Une distinction essentielle doit en particulier être établie entre les obligations des États
envers la communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d’un autre État
dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature même, les premières concernent tous les
États. Vu l’importance des droits en cause, tous les États peuvent être considérés comme ayant un intérêt
juridique à ce que ces droits soient protégés ; les obligations dont il s’agit sont des obligations erga
omnes.
§ 34. Ces obligations découlent par exemple, dans le droit international contemporain, de la mise hors
loi des actes d’agression et du génocide mais aussi des principes et des règles concernant les droits
fondamentaux de la personne humaine, y compris la protection contre la pratique de l’esclavage et la
discrimination raciale. Certains droits de protection correspondant se sont intégrés au droit international
général (Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 23) ; d’autres sont conférés par des instruments internationaux de
caractère universel ou quasi universel.

Assemblée générale des Nations Unies


Résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970
Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre États, conformément à la Charte des Nations Unies
[…]
L’Assemblée générale,
[…]
Préambule
[…]
Ayant présent à l’esprit qu’il est important de maintenir et de renforcer la paix internationale fondée sur
la liberté, l’égalité, la justice et le respect des droits fondamentaux de l’homme et de développer les

557
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

relations amicales entre les nations indépendamment des différences de leurs systèmes politiques,
économiques et sociaux ou de leurs niveaux de développement.
[…]
Ayant pris en considération les principes du droit international relatifs aux relations amicales et à la
coopération entre États,
1. Proclame solennellement les principes ci-après :
Le principe que les États s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou
à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute
autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies
Tout État a le devoir de s’abstenir, dans ses relations internationales, de recourir à la menace ou à
l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute
autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. Pareil recours à la menace ou à l’emploi de
la force constitue une violation du droit international et de la Charte des Nations Unies et ne dois jamais
être utilisé comme moyen de règlement des problèmes internationaux.
Une guerre d’agression constitue un crime contre la paix, qui engage la responsabilité en vertu du droit
international.
[…]
Le principe que les États règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle
manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger
Tous les États doivent régler leurs différends internationaux avec d’autres États par des moyens
pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas
mises en danger.
Les États doivent donc rechercher rapidement une solution équitable de leur différends internationaux
par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de
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recours à des organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix. En
recherchant cette solution, les parties conviendront des moyens pacifiques qui seront appropriés aux
circonstances et à la nature du différend.
Les parties à un différend ont le devoir, au cas où elles ne parviendraient pas à une solution par l’un
des moyens pacifiques susmentionnés, de continuer de rechercher un règlement à leur différend par
d’autres moyens pacifiques dont elles seront convenues.
[…]
Le principe relatif au devoir de ne pas intervenir dans les affaires relevant de la compétence nationale
d’un État, conformément à la Charte
Aucun État ni groupe d’États n’a le droit d’intervenir, directement ou indirectement, pour quelque raison
que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État. En conséquence, non seulement
l’intervention armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la
personnalité d’un État ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont contraires au droit
international.
[…]
Le devoir des États de coopérer les uns avec les autres conformément à la Charte
Les États ont le devoir de coopérer les uns avec les autres, quelles que soient les différences existant
entre leurs systèmes politiques, économiques et sociaux, dans les divers domaines des relations
internationales, afin de maintenir la paix et la sécurité internationales et de favoriser le progrès et la
stabilité économique internationaux, ainsi que le bien-être général des nations et une coopération
internationale qui soit exempte de discrimination fondée sur ces différences.
À cette fin :
a) Les États doivent coopérer les uns avec les autres au maintien de la paix et de la sécurité
internationales ;
b) Les États doivent coopérer pour assurer le respect universel et la mise en œuvre des droits de
l’homme et des libertés fondamentales pour tous, ainsi que l’élimination de la discrimination raciale et
de l’intolérance religieuse sous toutes leurs formes ;
c) Les États doivent conduire leurs relations internationales dans les domaines économique, social,
culturel, technique et commercial conformément aux principes de l’égalité souveraine et de la non-
intervention ;
d) Les États Membres de l’Organisation des Nations Unies ont le devoir d’agir tant conjointement
qu’individuellement en coopération avec l’Organisation des Nations Unies, conformément aux
dispositions pertinentes de la Charte.
[…]
Le principe de l’égalité de droit des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes
En vertu du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, principe
consacré dans la Charte des Nations Unies, toutes les peuples ont le droit de déterminer leur statut
politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure, et de poursuivre leur développement économique,
social et culturel, et tout État a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte.
[…]

558
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Le principe de l’égalité souveraine des États


Tous les États jouissent de l’égalité souveraine. Ils ont des droits et des devoirs égaux et sont des
membres égaux de la communauté internationale, nonobstant les différences d’ordre économique, social,
politique ou d’une autre nature.
En particulier, l’égalité souveraine comprend les éléments suivants :
a) Les États sont juridiquement égaux ;
b) Chaque État jouit des droits inhérents à la pleine souveraineté ;
c) Chaque État a le devoir de respecter la personnalité des autres États ;
d) L’intégrité territoriale et l’indépendance politique de l’États sont inviolables ;
e) Chaque État a le droit de choisir et de développer librement son système politique, social,
économique et culturel ;
f) Chaque État a le devoir de s’acquitter pleinement et de bonne foi de ses obligations internationales
et de vivre en paix avec les autres États.
[…]
Le principe que les États remplissent de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées conformément à
la Charte
Chaque État a le devoir de remplir de bonne foi les obligations qu’il a assumées conformément à la
Charte des Nations Unies.
Chaque État a le devoir de remplir de bonne foi les obligations qui lui incombent en vertu des principes
et règles généralement reconnus du droit international.
Chaque État a le devoir de remplir de bonne foi les obligations qui lui incombent en vertu d’accords
internationaux conformes aux principes et règles généralement reconnus du droit international.
En cas de conflit entre les obligations nées d’accords internationaux et les obligations des Membres de
l’Organisation des Nations Unies en vertu de la Charte, ces dernières prévaudront.
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Dispositions générales
[…]
2. Déclare que :
Dans leur interprétation et leur application, les principes qui précèdent sont liés entre eux et chaque
principe doit être interprété dans le contexte des autres principes.
[…]
3. Déclare en outre que :
Les principes de la Charte qui sont inscrits dans la présente Déclaration constituent des principes
fondamentaux du droit international, et demande en conséquence à tous les États de s’inspirer de ces
principes dans leur conduite internationale et de développer leurs relations mutuelles sur la base du
respect rigoureux desdits principes.

Conférence des Nations Unies sur l’environnement


DÉCLARATION SUR L’ENVIRONNEMENT
(Stockholm, le 16 juin 1972)
La Conférence des Nations Unies sur l’environnement
S’étant réunie à Stockholm du 5 au 16 juin 1972, et
Ayant examiné la nécessité d’adopter une conception commune et des principes communs qui
inspireront et guideront les efforts des peuples du monde en vue de préserver et d’améliorer
l’environnement,
[…]
Exprime la conviction commune que :
Principe 1
L’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans
un environnement dont la qualité lui permettra de vivre dans la dignité et le bien-être. Il a le devoir solennel
de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures. À cet égard, les
politiques qui encouragent ou qui perpétuent l’apartheid, la ségrégation raciale, la discrimination, les
formes, coloniale et autres, d’oppression et de domination étrangères sont condamnées et doivent être
éliminées.
[…]
Principe 21
Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le
droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et ils ont le devoir
de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne
causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres États ou dans des régions ne relevant
d’aucune juridiction nationale.
[…]

559
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION ET LA RÉPRESSION DU CRIME D’APARTHEID


(adoptée et ouverte à la signature et à la ratification par l’Assemblée générale dans sa résolution
3068 (XXVIII) du 30 novembre 1973, entrée en vigueur le 18 juillet 1976).
Extrait
Article 8
Tout État partie à la présente Convention peut demander à l’un quelconque des organes compétents
de l’Organisation des Nations Unies de prendre, conformément à la Charte des Nations Unies, les
mesures qu’il juge appropriées pour prévenir et éliminer le crime d’apartheid.

Assemblée générale des Nations Unies


Résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974
Définition de l’agression
Extrait
L’Assemblée générale,
Ayant examiné le rapport du Comité spécial pour la question de la définition de l’agression, créé en
application sa résolution 2330 (XXII) du 18 décembre 1967, qui a trait aux travaux de la septième session
du Comité spécial, tenue du 11 mars au 12 avril 1974, et qui comprend le projet de définition de
l’agression adopté par consensus par le Comité spécial et recommandé pour adoption à l’Assemblée
générale,
[…]
Adopte la définition de l’agression ci-après :
Article premier
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

L’agression est l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute manière incompatible avec la Charte des Nations
Unies, ainsi qu’il ressort de la présente Définition.
Note explicative. – Dans la présente définition, le terme « État » :
a) Est employé sans préjuger la question de la reconnaissance ou le point de savoir si un État est
membre de l’Organisation des Nations Unies ;
b) Inclut, le cas échéant, le concept de « groupe d’États ».
[…]
Article 5
1. Aucune considération de quelque nature que ce soit, politique, économique, militaire ou autre, ne
saurait justifier une agression.
2. Une guerre d’agression est un crime contre la paix internationale. L’agression donne lieu à
responsabilité internationale.
3. Aucune acquisition territoriale ni aucun avantage spécial résultant d’une agression ne sont licites ni
ne seront reconnus comme tels.
[…]

CINQUIÈME RAPPORT SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS


DOCUMENT A/CN.4/292 et Add.1 et 2
Par M. Roberto Ago, rapporteur spécial
Le fait internationalement illicite de l’État, source de la responsabilité internationale (suite)
(in Ann. C.D.I., 1976, vol. II, 1ère partie, p. 3)
Extrait
ARTICLE 18. – CONTENU DE L’OBLIGATION INTERNATIONALE VIOLÉE
155. A la lumière de ce qui précède, le Rapporteur spécial propose à la Commission l’adoption du
texte suivant :
Article 18. – Contenu de l’obligation internationale violée
1. La violation par un État d’une obligation internationale existant à sa charge est un fait
internationalement illicite quel que soit le contenu de l’obligation violée.
2. La violation par un État d’une obligation internationale établie aux fins du maintien de la paix et de la
sécurité internationales, et notamment la violation par un État de l’interdiction de recourir à la menace ou
à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, est un
« crime international ».
3. Est également un « crime international » la violation grave par un État d’une obligation internationale
établie par une norme de droit international général acceptée et reconnue comme essentielle par la
communauté internationale dans son ensemble et ayant pour objet :
a) le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ; ou
b) le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race,
de sexe, de langue ou de religion ; ou
c) la conservation et la libre jouissance pour tous d’un bien commun de l’humanité.
4. La violation par un État de toute autre obligation internationale est un « délit international ».

560
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


TRAVAUX DE LA VINGT-HUITIEME SESSION (3 mai-23 juillet 1976)
Document A/31/10
ème
(in Ann. C.D.I., 1976, vol. II, 2 partie, p. 1)
Extrait
RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
TEXTE DU PROJET D’ARTICLE 19 (CRIMES ET DÉLITS INTERNATIONAUX)
APPROUVÉ PAR LA COMMISSION
B. – Projet d’articles sur la responsabilité des États.
78. Le texte des articles 1 à 19, adoptés par la Commission à sa vingt-cinquième, vingt-sixième et
vingt-septième session et à la présente session […] est reproduit ci-après pour l’information de
l’Assemblée générale.
TEXTE DE TOUS LES ARTICLES DU PROJET ADOPTES JUSQU’ICI PAR LA COMMISSION
[…]
CHAPITRE III
VIOLATION D’UNE OBLIGATION INTERNATIONALE
[…]
Article 19. – Crimes et délits internationaux
1. Le fait d’un État qui constitue une violation d’une obligation internationale est un fait
internationalement illicite quel que soit l’objet de l’obligation violée.
2. Le fait internationalement illicite qui résulte d’une violation par un État d’une obligation internationale
si essentielle pour la sauvegarde d’intérêts fondamentaux de la communauté internationale que sa
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violation est reconnue comme un crime par cette communauté dans son ensemble constitue un crime
international.
3. Sous réserve des dispositions du paragraphe 2 et d’après les règles du droit international en
vigueur, un crime international peut notamment résulter :
a) d’une violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle pour le maintien de la
paix et de la sécurité internationales, comme celle interdisant l’agression ;
b) d’une violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde du
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, comme celle interdisant l’établissement ou le maintien par
la force d’une domination coloniale ;
c) d’une violation grave et à large échelle d’une obligation internationale d’importance essentielle pour
la sauvegarde de l’être humain, comme celle interdisant l’esclavage, le génocide, l’apartheid ;
d) d’une violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde et
la préservation de l’environnement humain, comme celles interdisant la pollution massive de
l’atmosphère et des mers.
4. Tout fait internationalement illicite qui n’est pas un crime international conformément au paragraphe
2 constitue un délit international.

PROJET DE CODE PÉNAL INTERNATIONAL


Par M. Chérif Bassiouni
A.I.D.P.
(in R.I.D.P., 1981, 1/2 trim., p. 97-236)
Extraits
STRUCTURE ET SCHÉMA FONCTIONNEL DU PROJET DE CODE PÉNAL INTERNATIONAL
ère
1 Partie – Partie Générale
Applicable à une Cour Pénale Internationale
(Système d’application directe).
ème
2 Partie – Partie spéciale
Applicable à une Cour Pénale Internationale
(Système d’application directe) ; et
Applicable à un Code Pénal International Conventionnel
(Système d’application indirecte) ; et
Applicable aux législations nationales.
3ème Partie – Mesures d’exécution
Applicable à une Cour Pénale Internationale
(Système d’application directe) ; et
Applicable à un Code Pénal International Conventionnel
(Système d’application indirecte) ; et
Applicable aux législations nationales.

561
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

4ème Partie – Dispositions générales


Applicable à une Cour Pénale Internationale
(Système d’application directe) ; et
Applicable à un Code Pénal International Conventionnel
(Système d’application indirecte).
PARTIE SPÉCIALE
TABLE DES MATIÈRES
Titre de ce Code
Article I – Agression
[…]
Article II – Crimes de Guerre
[…]
Article III – Emploi Illicite d’Armes
[…]
Article IV – Génocide
[…]
Article V – Crimes contre l’Humanité
[…]
Article VI – Apartheid
[…]
Article VII – Esclavage et Crimes se rattachant à l’Esclavage
[…]
Article VIII – Torture
[…]
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Article IX – Expérimentation Médicale Illicite


[…]
Article X – Piraterie
[…]
Article XI – Crimes relatifs aux Communications Internationales Aériennes
[…]
Article XII – Menace et emploi de Violence contre les Personnes jouissant d’une Protection Internationale
[…]
Article XIII – Prise d’otage
[…]
Article XIV – Emploi illicite de la Poste
[…]
Article XV – Délits se rattachant aux stupéfiants
[…]
Article XVI – Faux Monnayage
[…]
Article XVII – Vol de Trésors Nationaux et Archéologiques
[…]
Article XVIII – Corruption de Fonctionnaires Étrangers
[…]
Article XIX – Interférence avec Câbles Sous-Marins
[…]
Article XX – Trafic International de Publications Obscènes
[…]
N.B. – Cette Partie peut être utilisée comme faisant partie d’un Code Pénal International applicable à
une Cour Pénale Internationale, dans l’hypothèse d’un système d’application directe. […]
Cette Partie peut aussi être utilisée indépendamment de la « Partie générale », dans un Code Pénal
International qui serait adopté dans la forme d’une convention internationale, ceci dans l’hypothèse d’un
système d’application indirecte.
TITRE DE CE CODE
Ce Code sera connu comme le Code Pénal International et aucune infraction ne sera considérée
comme une infraction internationale à moins qu’elle ne soit définie comme telle dans ce code.
ARTICLE I – AGRESSION
L’agression est l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des
Nations Unies, ainsi qu’il en ressort de la présente définition.
[…]
MESURES D’EXÉCUTION*
Article I – Coopération Internationale
[…]
Article II – Aut dedere aut judicare
[…]

562
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article III – Punition


[…]
Article IV – Compétence
[…]
Article V – Extradition
[…]
Article VI – Entraide judiciaire
[…]
Article VII – Reconnaissance de jugements répressifs étrangers
[…]
Article VIII – Le transfert de délinquants et l’exécution de sanctions à l’étranger
[…]
Article IX – Droits de l’individu
[…]
Article X – Frais de procédure
[…]
(*) N.B. Cette Partie reflète le système d’Application Indirecte. Elle s’applique en conjonction avec la
« Partie Spéciale » à l’exclusion de la « Partie Générale ».
[…]
ARTICLE IV – COMPÉTENCE
Paragraphe 1. Priorité des compétences
1.1. La compétence en ce qui concerne la poursuite et la répression des crimes internationaux définis
dans ce Code (Partie Spéciale) sera établie dans l’ordre suivant :
(a) la Partie Contractante sur le territoire de laquelle le crime s’est déroulé entièrement ou en partie ;
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(b) toute Partie Contractante dont le prévenu est un ressortissant ;


(c) toute Partie Contractante dont la victime est un ressortissant ;
(d) toute autre Partie Contractante sur le territoire de laquelle l’accusé peut être trouvé.
1.2. Les dispositions du présent article s’appliqueront sans préjudice de toute juridiction pénale
internationale.
[…]
PARTIE GÉNÉRALE
Applicable à une Cour Pénale Internationale
Système d’application directe
Article I – Modalités d’application
[…]
Article II – Initiative de l’action par un État
[…]
Article III – Compétence
[…]
Article IV – Définition
Paragraphe 1. Infraction internationale
Paragraphe 2. État
Paragraphe 3. Personne – individu
Paragraphe 4. Groupe ou organisation
Paragraphe 5. Entité
[…]
Article V – Responsabilité
Paragraphe 1. Responsabilité individuelle
Paragraphe 2. Responsabilité d’État
Article VI – Éléments constitutifs de crime international
[…]
Article VII – Immunités
[…]
Article VIII – Peines
Paragraphe 1. Punissabilité
Paragraphe 2. Peines imposées aux individus
Paragraphe 3. Peines imposées aux groupes ou organisations
Paragraphe 4. Peines imposées aux États
[…]
Article IX – Exonération
[…]
Article X – Prescription
[…]
Article XI – Livraison des personnes accusées
[…]
Article XII – Engagements des États et autres formes de coopération
[…]

563
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article XIII – La reconnaissance des jugements pénaux rendus par la Cour Pénale Internationale
[…]
Article XIV – Transfert de délinquants et exécution de jugements
[…]
Article XV – Droits de l’individu
[…]
[…]
Article III – COMPÉTENCE
Paragraphe 1. Compétence primaire
1.0. La Cour Pénale Internationale sera compétente pour connaître de toutes les infractions relevant
de ce Code, sans égard au fait qu’elles aient été commises entièrement ou en partie dans un ou plusieurs
États; et dans tout territoire international sur lequel ou dans lequel aucun État n’exerce une compétence
exclusive, comme par exemple la haute mer, l’air, l’espace, l’Antarctique, la lune et d’autres astres; et
dans tout milieu international reconnu par le droit international comme ne relevant de la compétence
exclusive d’aucun État; et sur le territoire ou la propriété d’une organisation internationale ayant un statut
juridique spécial.
[…]
ARTICLE IV – DÉFINITIONS
[…]
Paragraphe 2. État
2.0. Un État est une entité juridique internationale, définie par le droit international.
(a) Ce terme est utilisé sans préjudice des questions de reconnaissance ou de qualité de membre des
Nations Unies.
(b) Ce terme inclut également un nombre d’États agissant collectivement.
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Paragraphe 3. Personne – Individu


3.0. Aux fins de ce Code, le mots « personne » ou « individu »sont interchangeables et se réfèrent l’un
et l’autre à un être physique humain vivant.
Paragraphe 4. Groupe ou organisation
4.1. Aux fins de ce Code, les mots « groupe » et « organisation » sont interchangeables.
4.2. Un groupe consiste en plusieurs personnes, agissant de façon concertée en vue de la commission
d’un acte particulier.
Paragraphe 5. Entité
5.0. Le terme « entité » est utilisé pour des groupes, organes d’État, États ou groupes d’États.
[…]
ARTICLE V – RESPONSABILITÉ
[…]
Paragraphe 1. Responsabilité individuelle
1.1. D’après ce Code, une personne est pénalement responsable dès l’âge de dix-huit (18) ans.
[…]
1.4. Responsabilité collective
1.4.1. Un groupe ou organisation autre qu’un État ou un organe d’État est collectivement responsable
pour ses actes, sans égard à la responsabilité de ses membres.
1.4.2. Est responsable pour des crimes commis par un groupe ou par une organisation celui qui,
sachant ou ayant des raisons de savoir que de tels crimes seraient commis, est cependant resté membre
du groupe.
[…]
Paragraphe 2. Responsabilité d’État
2.1. Comportement pour lequel les États sont responsables
2.1.1. Un État est responsable pour tout crime commis en son nom, sur son ordre ou à son profit par
une personne investie d’une autorité, même si ces actes ne sont pas punissables selon le droit interne.
2.1.2. Un comportement est attribué à un État lorsqu’il est effectué par des personnes ou des groupes
agissant dans leurs fonctions officielles et possédant, en vertu du droit interne de cet État, l’autorité de
prendre des décisions pour cet État ou pour toute subdivision politique de cet État ou possédant le statut
d’organes, agences ou instruments de cet État ou d’une subdivision politique de cet État.
2.1.3. Un comportement dépassant les limites de la compétence de toute entité énumérée dans le
paragraphe 2.1.2 de cet Article sera attribué à l’État.
2.2. Responsabilité d’État pour omission
2.2.1. Sera constitutif d’une infraction internationale le fait qu’un État omet d’agir en conformité avec
ses obligations imposées par ce Code.
2.2.2. Tout mouvement révolutionnaire qui crée un État ou qui renverse un gouvernement sera, dans le
nouvel État ou le nouveau gouvernement, responsable pour soit la poursuite, soit l’extradition de membres
du mouvement du chef de violation de ce Code. À défaut, la responsabilité de l’État sera entraînée.

564
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

ARTICLE VI – ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE CRIME INTERNATIONAL


Paragraphe 1. Définition
1.0. Un crime tel que défini dans ce Code ou tel qu’il est incorporé conformément à l’Article IV,
paragraphe 1 ci-dessus, sera composé de quatre éléments: un élément matériel, un élément moral, un
élément de causalité et l’élément « préjudice » […].
[…]
Paragraphe 3. Élément moral
3.1. L’élément moral d’une infraction au moment de la commission de l’élément matériel consistera soit
en l’intention, soit en la connaissance ou la négligence, à moins que la définition du crime ne spécifie les
trois éléments.
[…]
ARTICLE VIII – PEINES
[…]
Paragraphe 2 – Peines imposées aux individus
2.0. Les peines infligées aux personnes condamnées pour avoir commis un crime consisteront en
l’emprisonnement ou en des alternatives à l’emprisonnement ou en des amendes promulguées par cette
Cour Pénale Internationale.
Paragraphe 3 – Peines imposées aux groupes ou organisations
3.1. Les peines pour les crimes pour lesquels des groupes sont collectivement responsables aux
termes de l’Article IV, paragraphe 1.4, consisteront en des amendes ou en d’autres sanctions établies en
conformité avec le principe de la proportionnalité décrit par le paragraphe 1 de cet Article et promulguées
par cette Cour Pénale Internationale.
3.2. Des amendes seront prononcées collectivement contre les biens des groupes et des participants
individuels, et appliquées par l’État ou les Parties Contractantes dans lesquels ces biens peuvent être
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

trouvés.
Paragraphe 4 – Peines imposées aux États
4.1. Les peines imposées aux États responsables pour des crimes prévus par l’Article V, paragraphe 2,
de ce Code consisteront en des amendes et d’autres sanctions imposées sur la base de la
proportionnalité décrite par le paragraphe 1 de cet Article, sans préjudice des obligations ou
indemnisations et dommages-intérêts civils.
4.2. Ces amendes devront être payées par l’État, à condition qu’elles ne menacent pas la vie
économique de ce dernier.
4.3. La détermination et l’imposition d’amendes contre un État seront effectuées par cette Cour Pénale
Internationale et les amendes seront collectées par et à l’intervention des Nations Unies.
4.4. Les dispositions de cet Article ne préjudicient pas aux droits et obligations des Nations Unies en
ce qui concerne l’imposition de sanctions contre un État comme prévu par la Charte des Nations Unies.
4.5. Remèdes spéciaux. Aucune disposition de cet Article n’empêchera cette Cour Pénale
Internationale d’invoquer son pouvoir judiciaire inhérent pour ordonner à un État la cessation d’une activité
qui constitue une violation de ce Code ou pour établir la nature d’injonctions équitables en vue de corriger
des violations précédentes et de prévenir leur réitération.
[…]

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


TRAVAUX DE LA TRENTE CINQUIÈME SESSION (3 mai-22 juillet 1983)
Doc. A/38/10
ème
(in Ann. C.D.I., 1983, vol. II, 2 partie, p. 1)
Extrait
CHAPITRE II
PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
b. Examen du sujet à la présente session
1. Champ d’application du projet de codification
[…]
b) Contenu ratione personae du projet
50. Le problème est de savoir à quels sujets de droit une responsabilité pénale internationale peut être
attribuée: aux individus seulement ou aussi aux États et autres groupes ?
51. Depuis Nuremberg et Tokyo la responsabilité pénale internationale de l’individu ne fait plus de
doute et, au sein de la Commission, cette thèse a été unanimement reconnue.
52. En ce qui concerne l’État, l’opiniâtreté d’une bonne partie de la doctrine et, dans une certaine
mesure, l’évolution des idées au sein de la Commission, et son œuvre elle-même, amènent à se poser la
question de savoir si de nouveaux sujets de droit ne sont pas apparus dans le domaine criminel en la
personne de l’État, ou de certains autres groupements.
53. L’article 19 de la première partie du projet d’articles sur la responsabilité des États, élaboré par la
Commission, indique quels sont les faits internationalement illicites d’un État qui constituent des crimes et
délits internationaux […].

565
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

54. Le débat s’est trouvé ainsi relancé au sein de la Commission. L’opinion prépondérante était que la
responsabilité pénale de l’État devait être reconnue et énoncée dans le projet. En faveur de cette thèse,
on a fait valoir que les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité sont souvent les fait des États et,
dans beaucoup de cas, ne peuvent d’ailleurs être commis que par des États. Il en est ainsi, par exemple,
de l’agression ou de l’apartheid, ou de l’annexion. Ne pas reconnaître l’État comme sujet de droit pénal
serait tout simplement consacrer l’impunité de ces crimes. On a souligné aussi qu’il serait regrettable de
ne pas tirer de l’article 19 toutes les conséquences juridiques que son principe implique, alors qu’un
système de sanctions adapté à la nature des États paraîtrait tout à fait concevable: des sanctions de
caractère moral ou pécuniaire, et il en existerait bien d’autres encore. […] On a également insisté sur le
rôle de prévention et de dissuasion du code. Mieux vaut prévenir les crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité qu’avoir à les réprimer. […] Dans l’intérêt des États moyens et petits, le champ d’application du
projet de code doit englober les États et les autres personnes morales.
55. En revanche, certains membres de la Commission étaient hostiles à l’idée qu’une responsabilité
pénale internationale puisse être attribuée à un État dans le cadre du présent projet de code. Ils ont
souligné l’impossibilité pratique d’engager des poursuites pénales contre les États […] Ils ont fait valoir
que la responsabilité des États pour faits qualifiés crimes internationaux devrait n’être examinée que dans
le seul cadre du projet sur la responsabilité des États.
[…]
57. Certains membres étaient hostiles à l’idée d’une responsabilité pénale de l’État parce que, selon
eux, cette responsabilité n’existait pas en droit international actuel.
58. De toute manière le présent projet de codification ne peut ignorer l’article 19.
[…]
61. En ce qui concerne les États, les partisans de la responsabilité pénale des ces personnes morales
ont considéré que celle-ci devrait être soumise, a fortiori, à un régime particulier, compte tenu de la nature
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spécifique des entités juridiques.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


TRAVAUX DE LA TRENTE-SIXIEME SESSION (7 mai-27 juillet 1984)
Doc. A/39/10
ème
(in Ann. C.D.I., 1984, vol. II, 2 partie, p. 1)
Extrait
CHAPITRE II
PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
B) Examen du sujet à la présente session
1. LE CONTENU ratione personae DU PROJET DE CODE
32. En ce qui concerne le contenu ratione personae, la Commission a estimé que ses efforts devaient
à ce stade être consacrés exclusivement à la responsabilité pénale des individus. Cette démarche
s’explique par l’incertitude qui pèse encore sur le problème de la responsabilité pénale des États.
Cependant, cette incertitude n’empêche pas que puisse être abordé, séparément, le problème de la
responsabilité criminelle des individus. Il est vrai que la responsabilité criminelle des individus n’écarte pas
la responsabilité internationale des États en ce qui concerne les conséquences des actes commis par les
personnes agissant en qualité d’organes ou d’agents de ces États. Mais cette responsabilité est d’une
autre nature, et elle s’inscrit dans le concept traditionnel de la responsabilité des États. La responsabilité
criminelle de l’État ne peut obéir au même régime que la responsabilité pénale des individus, ne serait-ce
que du point de vue de la sanction, et des règles de procédure. Certaines notions comme l’extradition
seraient inconcevables, et d’autres comme l’imprescriptibilité paraissent incertaines. Pour toutes ces
raisons, la question de la responsabilité pénale internationale devait être limitée, au moins au stade actuel,
à celle des individus.

CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS,


INHUMAINS OU DÉGRADANTS
(Conclue à New York le 10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987)
Extrait
Art. 30
1. Tout différend entre deux ou plus des États parties concernant l’interprétation ou l’application de la
présente Convention qui ne peut pas être réglé par voie de négociation est soumis à l’arbitrage à la
demande de l’un d’entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande d’arbitrage, les
parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organisation de l’arbitrage, l’une quelconque d’entre
elles peut soumettre le différend à la Cour internationale de Justice en déposant une requête
conformément au Statut de la Cour.
2. Chaque État pourra, au moment où il signera ou ratifiera la présente Convention ou y adhérera,
déclarer qu’il ne se considère pas lié par les dispositions du paragraphe 1 du présent article. Les autres
États parties ne seront pas liés par lesdites dispositions envers tout État partie qui aura formulé une telle
réserve.

566
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

3. Tout État partie qui aura formulé une réserve conformément aux dispositions du paragraphe 2 du
présent article pourra à tout moment lever cette réserve par une notification adressée au Secrétaire
général de l’Organisation des Nations Unies.

COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


COMPTES RENDUS ANALYTIQUES DES SÉANCES
TRENTE-SEPTIÈME SESSION (6 mai-26 juillet 1985)
(in Ann. C.D.I., 1985, vol. I, p. 1)
Extrait
CONTENU, FORMES ET DEGRÉS DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE
(DEUXIÈME PARTIE DU PROJET D’ARTICLES SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS)
PROJET D’ARTICLES PRÉSENTÉ PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL, M. W. RIPHAGEN
1890e SÉANCE
Responsabilité des États
Contenu, formes et degrés de la responsabilité internationale (deuxième partie du projet d’articles)
[…]
PROJET D’ARTICLES PRÉSENTÉ PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL
[…]
3. Les projets d’articles 1 à 16, dont le Rapporteur spécial a présenté le texte dans son cinquième
rapport (A/CN.4/380), se lisent comme suit :
Article premier
La responsabilité internationale d’un État qui, conformément aux dispositions de la première partie, est
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

engagée par un fait internationalement illicite commis par cet État, entraîne des conséquences juridiques
énoncées dans la présente partie.
[…]
Article 4
Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite d’un État énoncées dans les
dispositions de la présente partie sont, s’il y a lieu, soumises aux dispositions et procédures de la Charte
des Nations Unies relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Article 5
Aux fins des présents articles, l’expression « État lésé » désigne :
a) si le fait internationalement illicite constitue une atteinte à un droit appartenant à un État en vertu
d’une règle coutumière du droit international ou à un droit crée en faveur d’un État tiers par une clause
d’un traité, l’État dont le droit a été lésé ;
b) si le fait internationalement illicite constitue la violation d’une obligation imposée par un jugement ou
par une autre décision obligatoire rendu par une cour ou par un tribunal international en vue du
règlement d’un différend, l’autre État partie ou les autres États parties au différend ;
c) si le fait internationalement illicite constitue une violation d’une obligation imposée par un traité
bilatéral, l’autre État partie au traité ;
d) si le fait internationalement illicite constitue une violation d’une obligation imposée par un traité
multilatéral, un État partie à ce traité, s’il est établi :
i) que l’obligation a été énoncée en sa faveur, ou
ii) que la violation de l’obligation par un État partie affecte nécessairement l’exercice des droits ou
l’exécution des obligations de tous les autres États parties, ou
iii) que l’obligation a été énoncée pour la protection des intérêts collectifs des États parties, ou
iv) que l’obligation a été énoncé pour la protection des particuliers, quelle que soit leur
nationalité ;
e) si le fait internationalement illicite constitue un crime international, tous les autres États.
[…]
Article 14
1. Un crime international fait naître toutes les conséquences juridiques d’un fait internationalement
illicite et, de surcroît, tous droits et obligations ressortissant aux règles applicables acceptées par la
communauté internationale dans son ensemble.
2. Un crime international commis par un État fait naître pour chaque autre État l’obligation :
a) de ne pas reconnaître comme légale la situation créée par ledit crime ; et
b) de ne prêter ni aide ni assistance à l’État qui a commis ce crime pour maintenir la situation créée par
ledit crime ; et
c) de se joindre aux autres États pour se prêter assistance mutuelle dans l’exécution des obligations
énoncées aux alinéas a et b.
3. A moins qu’une règle applicable du droit international général n’en dispose autrement, l’exercice des
droits découlant du paragraphe 1 du présent article et l’exécution des obligations découlant des
paragraphes 1 et 2 du présent article sont soumis, mutatis mutandis, aux procédures prévues par la
Charte des Nations Unies en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

567
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

4. Sous réserve de l’Article 103 de la Charte des Nations Unies, en cas de conflit entre les obligations
d’un État en vertu des paragraphes 1, 2 et 3 du présent article et ses droits et obligations en vertu de toute
autre règle de droit international, les obligations nées du présent article l’emportent.
Article 15
Un acte d’agression fait naître toutes les conséquences juridiques d’un crime international et, de
surcroît, tous les droits et obligations prévus dans la Charte des Nations Unies ou en découlant.
[…]

TROISIÈME RAPPORT SUR


LE PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
Par M. D. Thiam
Doc. A/CN.4/387
Original: français
8 avril 1985
(in Ann. C.D.I., 1985, vol. II, 1ère partie, p. 63)
Extrait
CHAPITRE I
PRÉCISION DU CHAMP D’APPLICATION RATIONE PERSONAE
ET DÉFINITION DU CRIME CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
B. Définition du crime contre la paix et la sécurité de l’humanité
2. Sens de la notion de crime contre la paix et la sécurité de l’humanité
[…]
61. La définition du crime international donnée à l’article 19 de la première partie du projet d’articles sur
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

la responsabilité des États englobe, par sa généralité, les crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité: ceux-ci ne sont qu’une catégorie de crimes internationaux caractérisés par leur extrême
gravité, celle-ci s’appréciant en fonction de l’objet de l’obligation violée. […] Plus l’objet est important, plus
sa violation est grave. Le crime contre la paix et la sécurité de l’humanité recouvre les infractions qui
naissent de la violation d’une obligation dont l’objet est d’une importance particulière pour la communauté
internationale. Il est vrai que tous les crimes internationaux se caractérisent par la violation d’une
obligation internationale essentielle pour la sauvegarde d’intérêts fondamentaux de l’humanité. Mais il
existe quelques intérêts qu’il convient de placer en tête de la hiérarchie. Il s’agit de la paix et de la sécurité
internationales, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de la sauvegarde de l’être humain, de la
préservation de son environnement. Voilà les quatre points cardinaux autour desquels gravitent les
préoccupations les plus essentielles. Elles constituent le sommet de la pyramide, en raison de leur
importance primordiale. On remarquera, d’ailleurs, que c’est en raison de cette importance primordiale que
l’article 19 les énonce à titre illustratif, aux alinéas a à d du paragraphe 3. On aurait pu aussi bien définir
les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité en constituant une sous-catégorie à l’intérieur de
l’article 19, constituée par les infractions visées dans ces quatre alinéas. Mais tel n’est pas son objet.
62. Cependant, si l’article 19 cite lesdites infractions à titre d’exemple, c’est bien parce qu’elles
constituent les violations les plus graves du droit international. […]
63. Les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité pourraient donc être définis de la manière
suivante:
Les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité sont les crimes qui résultent :
a) soit d’une violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde
de la paix et de la sécurité internationales ;
b) soit d’une violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle pour la sauvegarde
du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ;
c) soit d’une violation grave et à une large échelle d’une obligation d’importance essentielle pour la
sauvegarde de l’être humain ;
d) soit d’une violation grave et à une large échelle d’une obligation d’importance essentielle pour la
sauvegarde et la préservation de l’environnement humain.
[…]
65. Bien entendu, une autre définition, plus synthétique, pourrait être proposée, telle que la suivante :
Est crime contre la paix et la sécurité de l’humanité toute violation d’une obligation internationale
qui est reconnue comme telle par la communauté internationale dans son ensemble.
66. Cette deuxième définition a l’avantage de la brièveté, de la concision, mais elle ne met pas
suffisamment en relief les divers objets auxquels peut s’appliquer la violation de l’obligation en cause. La
première définition, bien que longue, a le mérite de la cohérence. Elle repose sur une unité de conception
et de formulation avec l’article 19. Elle met en relief les deux éléments qui sont à la base de l’infraction
pénale: l’élément subjectif (le sentiment de la communauté internationale) et l’élément objectif (l’objet de
l’obligation violée).

568
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

CONVENTION SUR LE DROIT DES TRAITÉS ENTRE ÉTATS ET ORGANISATIONS


INTERNATIONALES OU ENTRE ORGANISATIONS INTERNATIONALES
(Signée a Vienne le 21 mars 1986, pas encore entrée en vigueur)
Extrait
PARTIE 1
INTRODUCTION
[…]
Article 2
Expressions employées
Aux fins de la présente Convention :
[…]
i) l’expression “organisation internationale” s’entend d’une organisation intergouvernementale ;
[…]
Partie V
NULLITÉ, EXTINCTION ET SUSPENSION DE L’APPLICATION DES TRAITÉS
[…]
Section 2
[…]
Nullité des traités
Article 53
Traités en conflit avec une norme impérative du droit international général (jus cogens)
Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit
international général. Aux fins de la présente Convention, une norme impérative du droit international
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son
ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que
par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère.
[…]
Section 3
Extinction des traités et suspension de leur application
[…]
Article 64
Survenance d’une nouvelle norme impérative du droit international général (jus cogens)
Si une nouvelle norme impérative du droit international général survient, tout traité existant qui est en
conflit avec cette norme devient nul et prend fin.
[…]
Section 4
Procédure
[…]
Article 66
Procédures de règlement judiciaire, d’arbitrage et de conciliation
[…]
2. S’agissant d’un différend concernant l’application ou l’interprétation des articles 53 ou 64 :
a) tout État partie au différend auquel un ou plusieurs autres États sont parties peut, par une requête,
saisir la Cour internationale de Justice afin qu’elle se prononce sur le différend ;
b) tout État partie au différend auquel une ou plusieurs organisations internationales sont parties peut,
au besoin par l’intermédiaire d’un État Membre de l’Organisation des Nations Unies, prier l’Assemblée
générale ou le Conseil de sécurité ou, le cas échéant, l’organe compétent d’une organisation
internationale qui est partie au différend et autorisée conformément à l’article 96 de la Charte des Nations
Unies, de demander un avis consultatif à la Cour internationale de Justice conformément à l’article 65 du
Statut de la Cour ;
c) si l’Organisation des Nations Unies ou une organisation internationale autorisée conformément à
l’article 96 de la Charte des Nations Unies sont parties au différend, elles peuvent demander un avis
consultatif à la Cour internationale de Justice conformément à l’article 65 du Statut de la Cour ;
d) toute organisation internationale autre que les organisations visées à l’alinéa c) qui est partie au
différend peut, par l’intermédiaire d’un État Membre de l’Organisation des Nations Unies, suivre la
procédure indiquée à l’alinéa b) ;
e) l’avis donné par la Cour en vertu des alinéas b), c) ou d) sera accepté comme décisif par toutes les
parties au différend ;
f) s’il n’est pas fait droit à la demande d’avis consultatif présentée en vertu de l’alinéa b), c) ou d), toute
partie au différend peut, par notification écrite à l’autre partie ou aux autres parties, soumettre le différend
à l’arbitrage conformément aux dispositions de l’annexe à la présente Convention.
3. Les dispositions du paragraphe 2 s’appliquent à moins que toutes les parties à un différend relevant
dudit paragraphe ne décident d’un commun accord de le soumettre à une procédure d’arbitrage,
notamment à la procédure définie dans l’annexe à la présente Convention.
[…]

569
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Section 5
Conséquences de la nullité, de l’extinction ou de la suspension de l’application d’un traité
[…]
Article 71
Conséquences de la nullité d’un traité en conflit
avec une norme impérative du droit international général
1. Dans le cas d’un traité qui est nul en vertu de l’article 53, les parties sont tenues :
a) d’éliminer, dans la mesure du possible, les conséquences de tout acte accompli sur la base d’une
disposition qui est en conflit avec la norme impérative du droit international général ; et
b) de rendre leurs relations mutuelles conformes à la norme impérative du droit international général.
2. Dans le cas d’un traité qui devient nul et prend fin en vertu de l’article 64, la fin du traité :
a) libère les parties de l’obligation de continuer d’exécuter le traité ;
b) ne porte atteinte à aucun droit, aucune obligation ni aucune situation juridique des parties créés par
l’exécution du traité avant qu’il ait pris fin ; toutefois, ces droits, obligation ou situations ne peuvent être
maintenus par la suite que dans la mesure où leur maintien n’est pas en soi en conflit avec la nouvelle
norme impérative du droit international général.
[…]

SEPTIÈME RAPPORT SUR LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE DES ÉTATS


MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE ET RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
(TROISIÈME PARTIE DU PROJET D’ARTICLES)
par M. W. RIPHAGEN, rapporteur spécial
Français (Original: anglais)
4 mars et 23 avril 1986
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Doc. A/CN.4/397 et Add.1


ère
(in Ann. C.D.I., 1986, vol. II, 1 partie, p. 1)
Extrait
I. MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE ET RÈGLEMENT DES
DIFFÉRENDS INTERNATIONAUX (TROISIÈME PARTIE DU PROJET D’ARTICLES)
A. Texte des articles et de l’annexe de la troisième partie du projet
Article premier
Un État qui désire invoquer l’article 6 de la deuxième partie des présents articles doit notifier sa
prétention à l’État dont il est allégué qu’il a commis le fait internationalement illicite. La notification doit
indiquer les mesures exigées et en donner les raisons.
Article 2
1. Si, après un délai qui, sauf en cas d’urgence particulière, ne saurait être inférieur à une période de
trois mois à compter de la réception de la notification prescrite à l’article premier, l’État réclamant désire
invoquer l’article 8 ou l’article 9 de la deuxième partie des présents articles, il doit notifier à l’État, dont il
est allégué qu’il a commis le fait internationalement illicite, son intention de suspendre l’exécution de ses
obligations à l’égard de cet État. La notification doit indiquer les mesures envisagées.
[…]
Article 3
1. Si contre des mesures prises ou envisagées en vertu de l’article 8 ou de l’article 9 de la deuxième
partie des présents articles une objection a été soulevée par l’État dont il est allégué qu’il a commis le fait
internationalement illicite ou par un autre État qui se prétend lésé du fait de la suspension de l’exécution
des obligations considérées, les États intéressés devront rechercher une solution par les moyens indiqués
à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies.
[…]
Article 4
Si, dans le douze mois qui ont suivi la date à laquelle l’objection a été soulevée, il n’a pas été possible
de parvenir à une solution conformément au paragraphe 1 de l’article 3, les procédures ci-après seront
appliquées :
[…]
b) Toute partie à un différend concernant les droits et obligations supplémentaires visés à l’article 14
de la deuxième partie des présents articles peut, par une requête, le soumettre à la décision de la Cour
internationale de Justice.
[…]

570
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


TRAVAUX DE LA TRENTE-HUITIÈME SESSION (5 mai-11 juillet 1986)
Doc. A/41/10
ème
(in Ann. C.D.I., 1986, vol. II, 2 partie, p. 1)
Extrait
TEXTE DES PROJETS D’ARTICLES SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
ADOPTÉS PAR LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL À TITRE PROVISOIRE
CHAPITRE IV – RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
C. Projet d’articles sur la responsabilité des États
Deuxième partie – Contenu, formes et degrés de la responsabilité internationale
TEXTE DES PROJETS D’ARTICLES
ADOPTÉS JUSQU’ICI PAR LA COMMISSION À TITRE PROVISOIRE
Article premier
La responsabilité internationale d’un État qui, conformément aux dispositions de la première partie, est
engagée par un fait internationalement illicite commis par cet État entraîne des conséquences juridiques
énoncées dans la présente partie.
[…]
Article 4
Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite d’un État énoncées dans les
dispositions de la présente parties sont, s’il y a lieu, soumises aux dispositions et procédures de la Charte
des Nations Unies relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Article 5
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

1. Aux fins des présents articles, l’expression « État lésé » s’entend de tout État qui est atteint dans un
droit par le fait d’un autre État, si ce fait constitue, conformément aux dispositions de la première partie, un
fait internationalement illicite de cet État.
2. En particulier, l’expression « État lésé » désigne :
a) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un traité bilatéral, l’autre État partie au traité.
b) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un jugement ou autre décision obligatoire
relative au règlement d’un différend rendu par une cour ou un tribunal international, l’autre État ou les
autres États qui sont parties au différend et bénéficiaires de ce droit ;
c) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’une décision obligatoire d’un organe
international autre qu’une cour ou un tribunal international, l’État ou les États qui, conformément à
l’instrument constitutif de l’organisation internationale concernée, sont bénéficiaires de ce droit ;
d) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’une disposition conventionnelle en faveur
d’un État tiers, cet État tiers ;
e) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un traité multilatéral ou d’une règle du droit
international coutumier, toute autre État partie au traité multilatéral ou lié par la règle du droit
international coutumier, lorsqu’il est établi :
i) que le droit a été crée ou est reconnu en sa faveur ;
ii) que l’atteinte portée au droit par le fait d’un État affecte nécessairement la jouissance des droits ou
l’exécution des obligations des autres États parties au traité multilatéral ou liés par la règle du droit
international coutumier ; ou
iii) que le droit a été crée ou est reconnu pour la protection des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
f) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte, résulte d’un traité multilatéral, tout autre État partie au
traité multilatéral, lorsqu’il est établi que ce droit a été expressément énoncé dans le traité pour la
protection des intérêts collectifs des États parties.
3. En outre, l’expression « État lésé » désigne, si le fait internationalement illicite constitue un crime
international [et dans le contexte des droits et obligations des États aux termes des articles 14 et 15] tous
les autres États.

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
RÉSOLUTION 44/39 (4 décembre 1989)
Responsabilité pénale internationale des particuliers et des entités qui se livrent au trafic illicite
transfrontière de stupéfiants et à d’autres activités criminelles transnationales : création d’une
cour de justice pénale internationale ayant compétence pour connaître de ces délits.
L’Assemblée générale,
Consciente de ce que, en vertu du paragraphe 1 de l’Article 13 de la Charte des Nations Unies,
l’Assemblée générale est invitée à provoquer des études et à faire des recommandations en vue
d’encourager le développement progressif du droit international et sa codification.
Constatant qu’il existe un lien bien établi entre le trafic illicite de stupéfiants et d’autres activités
criminelles organisées qui compromettent l’ordre constitutionnel des États et violent les droits
fondamentaux de l’homme,

571
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Ayant à l’esprit l’adoption, le 19 décembre 1988, de la Convention des Nations Unies contre le trafic
illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, qui fait du trafic illicite de stupéfiants une activité
criminelle internationale.
Considérant la nécessité de poursuivre l’étude des questions de droit international qui, du fait qu’elles
présentent un intérêt nouveau ou renouvelé pour la communauté internationale, peuvent se prêter au
développement progressif du droit international et à sa codification,
1. Prie la Commission du droit international, lorsqu’elle examinera à sa quarante-deuxième session la
questions intitulée « Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité », d’étudier la
question de la création d’une cour de justice pénale internationale ou d’un autre mécanisme juridictionnel
pénal de caractère international qui aurait compétence à l’égard de personnes présumées avoir commis
des infractions éventuellement prévues dans un tel code, notamment à l’égard des personnes se livrant au
trafic illicite transfrontière de stupéfiants, et la prie de s’attacher plus particulièrement à cette question
dans le rapport qu’elle consacrera à ladite session ;
2. Prie le Secrétaire général de transmettre à la Commission du droit international les vues que les
États Membres auraient fait connaître en vertu du paragraphe 3 de la résolution 44/32 du 4 décembre
1989, ainsi que les comptes rendus analytiques des débats au titre du présent point de l’ordre du jour au
cours de la quarante-quatrième session de l’Assemblée générale ;
3. Décide d’étudier la question de la création d’une cour de justice pénale internationale ou d’un autre
mécanisme juridictionnel pénal de caractère international à sa quarante-cinquième session, lorsqu’elle
examinera le rapport de la Commission du droit international.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


Travaux de sa quarante-troisième session (29 avril-19 juillet 1991)
Assemblée générale – doc. off. – suppl. No. 10 (A/46/10)
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Original: anglais, arabe, chinois, espagnol, français, russe


10 septembre 1991
Extrait
PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
CHAPITRE IV
PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
D. Projet d’articles du projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité
1.Texte du Projet d’articles adopté à titre provisoire par la Commission en première lecture
PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE PREMIER. DÉFINITION ET QUALIFICATION
Article premier
Définition
Les crimes [de droit international] définis dans le présent Code constituent des crimes contre la paix et
la sécurité de l’humanité.
[…]
CHAPITRE 2. PRINCIPES GÉNÉRAUX
Article 3
Responsabilité et sanctions
1. Tout individu qui commet un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité est responsable de ce
chef et passible de châtiment.
[…]
Article 5
Responsabilité des États
Les poursuites engagées contre un individu pour un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité
n’excluent pas la responsabilité en droit international d’un État pour une action ou une omission qui lui est
attribuable.
Article 6
Obligation de juger ou d’extrader
1. Tout État sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé d’un crime contre la paix et la sécurité
de l’humanité est tenu soit de le juger soit de l’extrader.
2. Si l’extradition est demandée par plusieurs États, une considération particulière sera accordée à la
demande de l’État sur le territoire duquel le crime a été commis.
3. Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne préjugent pas la création et la compétence d’un tribunal
criminel international.
[…]
Article 11
Le fait qu’un individu accusé d’un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité a agi sur ordre d’un
gouvernement ou d’un supérieur hiérarchique ne dégage pas sa responsabilité pénale s’il avait la
possibilité de ne pas se conformer à cet ordre compte tenu des circonstances.

572
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 12
Responsabilité du supérieur hiérarchique
Le fait qu’un crime conter la paix et la sécurité de l’humanité a été commis par un subordonné
n’exonère pas ses supérieurs de leur responsabilité pénale, s’ils savaient, ou possédaient des
informations leur permettant de conclure, dans les circonstances du moment, que ce subordonné
commettait ou allait commettre un tel crime et s’ils n’ont pas pris toutes les mesures en leur pouvoir,
pratiquement possibles, pour empêcher ou réprimer ce crime.
Article 13
Qualité officielle et responsabilité
La qualité officielle de l’auteur d’un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité, et notamment le
fait qu’il a agi en qualité de chef d’État ou de gouvernement, ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale.
[…]
DEUXIÈME PARTIE
CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
Article 15
Agression
1. Tout individu qui, en qualité de dirigeant ou d’organisateur planifie, commet ou ordonne que soit
commis un acte d’agression, sera, une fois reconnu coupable de cet acte, condamné [à …].
2. L’agression est l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique d’un autre État ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des
Nations Unies.
[…]
[Toute constatation du Conseil de sécurité portant sur l’existence d’un acte d’agression lie les tribunaux
nationaux.]
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

[…]
Article 16
Menace d’agression
1. Tout individu qui, en tant que dirigeant ou organisateur, commet ou ordonne que soit commise une
menace d’agression sera, une fois reconnu coupable de cet acte, condamné [à …].
2. La menace d’agression consiste en des déclarations, des communications, des démonstrations de
force ou toute autre autres mesures de nature à donner au gouvernement d’un État de bonnes raisons de
croire qu’une agression est sérieusement envisagée contre cet État.
Article 17
Intervention
1. Tout individu qui, en tant que dirigeant ou organisateur, commet ou ordonne que soit commis un
acte d’intervention dans les affaire intérieures ou extérieures d’un État sera, une fois reconnu coupable de
cet acte, condamné [à …].
2. L’intervention dans les affaires intérieures ou extérieures d’un État consiste à fomenter des activités
[armées] subversives ou terroristes, ou à organiser, aider ou financer de telles activités ou à fournir des
armes aux fins de telles activités, portant ainsi [gravement] atteinte au libre exercice par cet État de ses
droits souverains.
3. Rien dans le présent article ne pourra en aucune manière porter préjudice au droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes tel qu’il est consacré dans la Charte des Nations Unies.
Article 18
Domination coloniale et autres formes de domination étrangère
Tout individu qui, en qualité de dirigeant ou d’organisateur, établit ou maintient par la force ou ordonne
l’établissement ou la maintien par la force d’une domination coloniale ou de toute autre forme de
domination étrangère en violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes tel qu’il est consacré dans
la Charte des Nations Unies sera, une fois reconnu coupable de cet acte, condamné [à …].
Article 19
Génocide
1. Tout individu qui commet ou ordonne que soit commis un acte de génocide sera, une fois reconnu
coupable de cet acte, condamné [à …].
2. Le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en
tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel :
a) le meurtre de membres du groupe ;
b) l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa
destruction physique totale ou partielle ;
d) les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Article 20
Apartheid
1. Tout individu qui, en qualité de dirigeant ou d’organisateur, commet ou ordonne que soit commis le
crime d’apartheid, sera, une fois reconnu coupable de cet acte, condamné [à …].

573
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. L’apartheid consiste en l’un quelconque des actes ci-après, basés sur des politiques et pratiques de
ségrégation et de discrimination raciales commis en vue d’instituer ou d’entretenir la domination d’un
groupe racial sur n’importe quel autre groupe racial et d’opprimer systématiquement celui-ci :
a) refuser à un membre ou à des membres d’un groupe racial le droit à la vie et à la liberté de la
personne ;
b) imposer délibérément à un groupe racial des conditions de vie destinées à entraîner sa
destruction physique totale ou partielle ;
c) prendre des mesures, législatives ou autres, destinées à empêcher un groupe racial de participer
à la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays et créer délibérément des conditions
faisant obstacle au plein développement du groupe considéré ;
d) prendre des mesures, y compris des mesures législatives, visant à diviser la population selon
des critères raciaux, en particulier en créant des réserves et des ghettos séparés pour les membres
d’un groupe racial, en interdisant les mariages entre personnes appartenant à des groupes raciaux
différents et en expropriant les biens-fonds appartenant à un groupe racial ou à des membres de ce
groupe ;
e) exploiter le travail des membres d’un groupe racial, en particulier en les soumettant au travail
forcé ;
f) persécuter des organisations ou des personnes, en les privant des libertés et droits
fondamentaux, parce qu’elles s’opposent à l’apartheid.
Article 21
Violations systématiques ou massives des droits de l’homme
Tout individu qui commet ou ordonne que soit commise l’une quelconque des violations ci-après des
droits de l’homme :
– l’homicide intentionnel
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

– la torture
– le fait de placer ou de maintenir des personnes en état d’esclavage, de servitude ou de travail forcé
– la persécution pour des motifs sociaux, politiques, raciaux, religieux ou culturels
d’une manière systématique ou massive ; ou
– la déportation ou le transfert forcé de populations
sera, une fois reconnu coupable de cet actes, condamné [à …].
Article 22
Crimes de guerre d’une exceptionnelle gravité
1. Tout individu qui commet ou ordonne que soi commis un crime de guerre d’une exceptionnelle
gravité sera, une fois reconnu coupable de cet acte, condamné [à …].
[…]
Article 23
Recrutement, utilisation, financement et instruction de mercenaires
1. Tout individu qu, en qualité d’agent ou de représentant d’un État, commet ou ordonne que soit
commis l’un quelconque des actes ci-après :
– Recruter, utiliser, financer ou instruire des mercenaires pour des activités dirigées contre un autre
État ou en vue de s’opposer à l’exercice légitime du droit inaliénable des peuples à
l’autodétermination tel qu’il est reconnu par le droit international
sera, une fois reconnu coupable de cet acte, condamné [à …].
[…]
Article 24
Terrorisme international
Tout individu qui, en qualité d’agent ou de représentant d’un État, commet ou ordonne que soit commis
l’un quelconque des actes ci-après :
– entreprendre, organiser, aider, financer, encourager ou tolérer des actes contre un autre État, visant
des personnes ou des biens et de nature à provoquer la terreur parmi des dirigeants, des groupes de
personnes ou la population
sera, une fois reconnu coupable de cet acte, condamné [à …].
Article 25
Trafic illicite de stupéfiants
1. Tout individu qui commet ou ordonne que soit commis l’un quelconque des actes ci-après :
– entreprendre, organiser, faciliter, financer ou encourager le trafic illicite de stupéfiants à une vaste
échelle, dans le cadre d’un État ou un cadre transfrontière
sera, une fois reconnu coupable de cet acte, condamné [à …].
Article 26
Dommages délibérés et graves à l’environnement
Tout individu qui cause délibérément ou ordonne que soient causés des dommages étendus, durables
et graves à l’environnement naturel sera, une fois reconnu coupable de cet acte, condamné [à …].

574
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement


DÉCLARATION SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT
(Rio de Janeiro, le 14 juin 1992)
La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement
Réunie à Rio De Janeiro du 3 au 14 juin 1992,
Réaffirmant la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement adoptée à
Stockholm le 16 juin 1972, et cherchant à en assurer le prolongement,
Dans le but d’établir un partenariat mondial sur une base nouvelle et équitable en créant des niveaux
de coopération nouveaux entre les États, les secteurs clefs de la société et les peuples,
Oeuvrant en vue d’accords internationaux qui respectent les intérêts de tous et protègent l’intégrité du
système mondial de l’environnement et du développement,
Reconnaissant que la Terre, foyer de l’humanité, constitue un tout marqué par l’interdépendance,
Proclame ce qui suit :
Principe 1
Les être humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à
une vie saine et productive en harmonie avec la nature.
Principe 2
Conformément à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les États ont le
droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et de
développement, et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur
juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l’environnement dans d’autres États ou
dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale.
[…]
Principe 25
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

La paix, le développement et la protection de l’environnement sont interdépendants et indissociables.


[…]

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


TRAVAUX DE LA QUARANTE-CINQUIÈME SESSION (3 mai-23 juillet 1993)
ème
Assemblée générale – Documents officiels – 48 session – Suppl. No. 10 (A/48/10)
Extrait
GROUPE DE TRAVAIL
SUR UN PROJET DE STATUT POUR UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE
PROJET DE STATUT D’UN TRIBUNAL CRIMINEL INTERNATIONAL
ANNEXE
Rapport du Groupe de travail sur un projet de statut pour une cour criminelle internationale
B. PROJET DE STATUT D’UN TRIBUNAL CRIMINEL INTERNATIONAL
Article premier
Institution du Tribunal
Il est institué un Tribunal criminel international (ci-après dénommé le Tribunal) dont la compétence et le
fonctionnement sont régis par les dispositions du présent Statut.
Article 2
Lien du Tribunal avec l’Organisation des Nations Unies
[Le Tribunal est un organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies.]
[Le Tribunal est lié à l’Organisation des Nations Unies selon les modalités prévues dans le présent
Statut.]
[…]
DEUXIÈME PARTIE : COMPÉTENCE ET DROIT APPLICABLE
Article 22
Liste des crimes définis par voie de traité
La Cour peut se voir attribuer compétence pour les crimes suivants :
a) le génocide et les crimes connexes, tels qu’ils sont définis aux articles II et III de la Convention pour
la prévention et le répression du crime de génocide, du 9 décembre 1948 ;
b) les infractions graves :
i) à la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces
armées en campagne, du 12 août 1949, telles qu’elles sont définies à l’article 50 de ladite Convention ;
ii) à la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufrages
des forces armées sur mer, du 12 août 1949, telles qu’elles sont définies à l’article 51 de ladite
Convention ;
iii) à la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, du 12 août 1949, telles
qu’elles sont définies à l’article 130 de ladite Convention ;
iv) à la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12
août 1949, telles qu’elles sont définies à l’article 147 de ladite Convention ;

575
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

v) au Protocole I additionnel aux Conventions de Genève, du 12 août 1949, relatif à la protection des
victimes des conflits armés internationaux, du 8 juin 1977, telles qu’elles sont définies à l’article 85
dudit Protocole ;
c) la capture illicite d’aéronefs, telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention pour la
répression de la capture illicite d’aéronefs, du 16 décembre 1970 ;
d) les crimes définis à l’article premier de la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés
contre la sécurité de l’aviation civile, du 23 septembre 1971 ;
e) l’apartheid et les crimes connexes, tels qu’ils sont définis à l’article 2 de la Convention internationale
sur l’élimination et la répression su crime d’apartheid, du 30 novembre 1973 ;
f) les crimes définis à l’article 2 de la Convention sur la prévention et la répression des infractions
contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, du
14 décembre 1973 ;
g) la prise d’otages et les crimes connexes, tels qu’ils sont définis à l’article premier de la Convention
internationale contre la prise d’otages, du 17 décembre 1979 ;
h) les crimes définis à l’article 3 de la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité
de la navigation maritime et à l’article 2 du Protocole pour la répression d’actes illicites contre la
sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, tous deux du 10 mars 1988.
[…]
Article 26
Acceptation spéciale par des États de la compétence de la Cour
dans des cas autres que ceux visés à l’article 22
1. La Cour a également compétence en vertu du présent Statut pour d’autres crimes internationaux
que ceux visés à l’article 22, à condition que l’État ou les États définis au paragraphe 3 notifient par écrit
au Greffier leur consentement spécial à l’exercice par la Cour, relativement au crime en questions, de sa
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

compétence à l’égard des personnes ou catégories de personnes spécifiées.


2. Les autres crimes internationaux visés au paragraphe 1 sont :
a) tout crime au regard du droit international général, c’est-à-dire d’une norme de droit international
acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble comme étant de
nature si fondamentale que sa violation engage la responsabilité pénale d’individus ;
b) tout crime, tel un crime lié aux drogues, au regard d’une loi nationale destinée à donner effet aux
dispositions d’un traité multilatéral, tel que la Convention des Nations Unies de 1988 contre le trafic
illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, visant à réprimer les crimes de cette nature, et
qui constitue un crime d’une gravité exceptionnelle aux termes de ce traité.
3. L’État ou les États visés au paragraphe 1 sont :
a) s’agissant d’un crime visé au paragraphe 2 a), l’État sur le territoire duquel se trouve le suspect et
l’État sur le territoire duquel l’acte ou l’omission considéré est intervenu ;
b) s’agissant d’un crime visé au paragraphe 2 b), l’État sur le territoire duquel se trouve le suspect et
qui a compétence aux termes du traité pour le faire juger pou ce crime par ses propres tribunaux.
[…]
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL
TRAVAUX DE LA QUARANTE-SIXIÈME SESSION (2 mai-22 juillet 1994)
ème
Assemblée générale – Documents officiels – 49 session – Suppl. No. 10 (A/49/10)
Extrait
PROJET DE STATUT D’UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE
CHAPITRE II
PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
B. Examen du sujet à la présente session
I. Projet de statut d’une cour criminelle internationale
[…]
TROISIÈME PARTIE : COMPÉTENCE DE LA COUR
Article 20
Crimes relevant de la compétence de la Cour
La Cour a compétence conformément au présent Statut pour les crimes suivants :
a) le crime de génocide ;
b) le crime d’agression ;
c) les violations graves des lois et coutumes applicables dans les conflits armés ;
d) les crimes contre l’humanité ;
e) les crimes définis ou visés par les dispositions de traités énumérées à l’annexe qui, eu égard au
comportement incriminé, constituent des crimes de portée internationale qui sont d’une exceptionnelle
gravité.
[…]

576
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Appendice II
Dispositions conventionnelles pertinentes mentionnées dans l’Annexe (art. 20 e))
1. Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces
armées en campagne du 12 août 1949
Article 50
[…]
2. Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufrages des
forces armées sur mer du 12 août 1949
Article 51
[…]
3. Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre du 12 août 1949
Article 130
[…]
4. Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août
1949
Article 147
[…]
5. Protocole additionnel No I aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armés internationaux (1977)
Article 85 : Répression des infractions au présent Protocole
[…]
6. Convention pour la répression et la capture illicite d’aéronefs, La Haye, le 16 décembre 1970
Article premier
[…]
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

7. Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, Montréal,
le 23 septembre 1971
Article premier
[…]
8. Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid du 30 novembre
1973
Article II
[…]
9. Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une
protection internationale, y compris les agents diplomatiques, New York, le 14 décembre 1973
Article 2
[…]
10. Convention internationale contre la prise d’otages du 17 décembre 1979
Article premier
[…]
11. Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du
10 décembre 1984
Article premier
[…]
Article 4
12. Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, Rome,
le 10 mars 1988
Article 3
[…]
13. Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur
le plateau continental. Rome, le 10 mars 1988
Article 2
[…]
14. Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.
Vienne, le 19 décembre 1988
Article 2 – PORTÉE DE LA CONVENTION
[…]
Article 3 – INFRACTIONS ET SANCTIONS
[…]
Appendice III
Aperçu des moyens par lesquels une cour criminelle internationale permanent pourrait être reliée à
l’Organisation des Nations Unies
[…]
A. La cour est intégrée à la structure organique de l’Organisation des Nations Unies
[…]
I. Création de la Cour en tant qu’organe principal de l’organisation des Nations Unies
[…]

577
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

II. Création de la Cour en tant qu’organe subsidiaire de l’Organisation des Nations Unies
[…]
B. La cour n’est pas intégrée à la structure organique de l’Organisation des Nations Unies et est créée
par voie de traité
[…]
I. La Cour est reliée à l’Organisation des Nations Unies par voie d’accord entre la Cour et l’ONU
[…]
II. La Cour est reliée à l’Organisation des Nations Unies par voie de résolution d’un organe de l’ONU
[…]

NATIONS UNIES
Assemblée générale
Distr. GÉNÉRALE A/CN.4/469/Add.1
24 mai 1995
FRANÇAIS (Original : ANGLAIS)
COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL
Quarante-septième session (2 mai-21 juillet 1995)
SEPTIÈME RAPPORT SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
Par M. Gaetano ARANGIO-RUIZ, Rapporteur spécial
Additif
TABLE DES MATIÈRES
E. Texte des articles 15 à 20 de la deuxième partie du projet d’articles sur la responsabilité des États :
paragraphe 139.
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

E. Texte des articles 15 à 20 de la deuxième partie du projet d’articles sur la responsabilité des États
139. Les projets d’articles proposés sont formulés comme suit :
Article 15
Sans préjudice [En sus] des conséquences juridiques qu’entraîne un délit international en vertu des
articles 6 à 14 de la présente partie, un crime international au sens de l’article 19 de la première partie
entraîne les conséquences spéciales ou supplémentaires énoncées dans les articles 16 à 19 ci-après.
Article 16
1. Lorsqu’un fait internationalement illicite commis par un État est un crime international, tout État est
en droit, sous réserve de la condition énoncée au paragraphe 5 de l’article 19 ci-dessous, d’exiger que
l’État qui est en train de commettre ou a commis le crime cesse son comportement illicite et accorde une
réparation intégrale conformément aux articles 6 à 10 bis, tels qu’ils sont modifiés par les paragraphes 2 et
3 ci-après.
2. Le droit qu’a tout État lésé d’obtenir la restitution en nature prévue à l’article 7 n’est pas soumis aux
limitations énoncées dans les alinéas c) et d) du paragraphe 1 dudit article, à moins que la restitution en
nature ne mette en péril l’existence de l’État fautif en tant que membre indépendant de la communauté
internationale, son intégrité territoriale ou la satisfaction des besoins vitaux de son peuple.
3. Sous réserve que son existence en tant que membre indépendant de la communauté internationale
soit préservée et que son intégrité territoriale et la satisfaction des besoins vitaux de sa population soient
sauvegardés, un État qui a commis un crime international n’est en droit de bénéficier d’aucune des
limitations à l’obligation qui lui incombe d’accorder la satisfaction et les garanties de non-répétition
envisagées aux articles 10 et 10 bis, en ce qui concerne le respect de sa dignité, et d’aucun des principes
ou règles du droit international relatifs à la protection de sa souveraineté et de sa liberté.
Article 17 (*/)
1. Lorsque le fait internationalement illicite commis par un État constitue un crime international, tout
État dont les exigences en vertu de l’article 16 n’ont pas reçu de réponse satisfaisante de la part de l’État
qui a commis ou est en train de commettre le crime est en droit, sous réserve de la condition énoncée au
paragraphe 5 de l’article 19 ci-dessous, de recourir à des contre-mesures, assorties des conditions et
restrictions énoncées dans les articles 11, 13 et 14 tels qu’ils sont modifiés par les paragraphes 2 et 3 du
présent article.
2. La condition énoncée au paragraphe 5 de l’article 19 ci-dessous ne s’applique pas aux mesures
conservatoires d’urgence qui seraient nécessaires pour préserver les droits d’un État lésé ou limiter le
dommage occasionné par le crime international.
3. Le critère de la proportionnalité énoncé dans l’article 13 s’applique aux contre-mesures prises par
tout État, afin que celles-ci ne soient pas hors de proportion avec le degré de gravité du crime
international.
(*/La formulation de cet article dépend dans une certaine mesure de celle que le Comité de rédaction
choisira de donner aux articles 11, 12 et 13 (de la deuxième partie)).
Article 18
1. Lorsqu’un fait internationalement illicite constitue un crime international, tous les États, sous réserve
de la condition énoncée au paragraphe 5 de l’article 19 ci-après :
a) s’abstiennent de reconnaître la légalité ou la validité, en droit international ou national, de la situation
créée par le crime international ;
b) s’abstiennent de tout action ou omission susceptible d’aider l’État fautif à maintenir ladite situation ;

578
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

c) s’entraident pour s’acquitter de leurs obligations en vertu des alinéas a) et b) et, dans la mesure du
possible, coordonnent leurs réactions respectives par l’entremise des organismes internationaux ou
arrangements spéciaux disponibles ;
d) s’abstiennent d’entraver de quelque manière que ce soit, par action ou omission, l’exercice des
droits ou pouvoirs visés aux articles 16 et 17 ;
e) mettent pleinement en oeuvre le principe dedere aut iudicare, à l’égard de tout individu accusé de
crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité dont la commission a provoqué le crime international de
l’État ou y a contribué ;
f) participent, collectivement ou individuellement, à toutes mesures licites qu’une organisation
internationale dont ils sont membres déciderait ou recommanderait de prendre à l’encontre de l’État qui a
commis ou est en train de commettre le crime international ;
g) facilitent, par tous les moyens possibles, l’adoption et la mise en oeuvre de toutes mesures licites
visant à remédier aux éventuelles situations d’urgence créées par le crime international.
2. Sous réserve des conditions énoncées au paragraphe 5 de l’article 19 ci-après, l’État qui a commis
ou est en train de commettre un crime international ne s’oppose pas aux opérations d’établissement des
faits ou aux missions d’observation destinées à vérifier sur son territoire qu’il s’acquitte de ses obligations
de cessation ou de réparation.
Article 19
1. Tout État Membre de l’Organisation des Nations Unies partie à la présente Convention alléguant
qu’un crime international a été ou est en train d’être commis par un ou plusieurs États porte la question à
l’attention de l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité des Nations Unies conformément au
Chapitre VI de la Charte des Nations Unies.
2. Si l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité décide à la majorité qualifiée des membres
présents et votants que l’allégation est suffisamment fondée pour requérir l’attention de la communauté
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

internationale par sa gravité, tout État Membre de l’Organisation des Nations Unies partie à la présente
Convention, y compris l’État visé par l’allégation, peut porter l’affaire devant la Cour internationale de
Justice par une requête unilatérale demandant à la Cour de se prononcer par un arrêt sur la question de
savoir si le crime international allégué a été ou est en train d’être commis par l’État qui en est accusé.
3. La majorité qualifiée visée au paragraphe qui précède est constituée, dans le cas de l’Assemblée
générale, par les deux tiers des membres présents et votants, et dans le cas du Conseil de sécurité, par
neuf membres présents et votants, dont les membres permanents, étant entendu que les membres qui
seraient directement concernés s’abstiendraient lors du vote.
4. Dans toute affaire où la Cour internationale de Justice exerce sa compétence dans un différend
entre deux États Membres ou plus de l’Organisation des Nations Unies parties à la présente Convention,
sur la base d’un titre de compétence autre que le paragraphe 2 du présent article, à propos de l’existence
d’un crime international d’État, tout autre État Membre de l’Organisation des Nations Unies partie à la
présente Convention est en droit d’intervenir, par requête unilatérale, dans la procédure engagée devant
la Cour aux fins du paragraphe 5 du présent article.
5. Une décision de la Cour internationale de Justice à l’effet qu’un crime international a été ou est en
train d’être commis réalise la condition nécessaire à la mise en oeuvre, par tout État Membre de
l’Organisation des Nations Unies partie à la présente Convention, des conséquences juridiques spéciales
ou supplémentaires des crimes internationaux des États envisagées dans les articles 16, 17 et 18 de la
présente partie.
Article 20
Les dispositions des articles de la présente partie sont sans préjudice :
i) de toutes mesures que le Conseil de sécurité des Nations Unies pourrait décider de prendre dans
l’exercice des fonctions qui lui sont conférées en vertu des dispositions de la Charte ;
ii) du droit naturel de légitime défense prévu dans l’Article 51 de la Charte.

NATIONS UNIES
Assemblée générale
Distr. GÉNÉRALE A/CN.4/469/Add.2
29 mai 1995
Français (Original : ANGLAIS)
COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL
Quarante-septième session (2 mai-21 juillet 1995)
SEPTIÈME RAPPORT SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
Par M. Gaetano ARANGIO-RUIZ, rapporteur spécial
Additif
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE II. RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS RELATIFS AUX CONSÉQUENCES JURIDIQUES
D’UN CRIME INTERNATIONAL : paragraphes 140 – 146.

579
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

CHAPITRE II
RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS RELATIFS AUX CONSÉQUENCES JURIDIQUES
D’UN CRIME INTERNATIONAL
140. Comme on l’a vu dans les troisième 1/, quatrième 2/ et cinquième 3/ rapports et au paragraphe
109 du présent document, les projets d’article proposés par le Rapporteur spécial pour la troisième partie,
tels qu’ils ont été présentés en 1993 4/, ne portent que sur le règlement des différends consécutifs à
l’adoption de contre-mesures à l’encontre d’un État qui a commis un acte illicite du type qualifié de délit
dans l’article 17 de la première partie. Ces différends sont les seuls pour lesquels les projets d’articles 1 à
6 envisagent les procédures de conciliation et d’arbitrage (et un éventuel rôle de la Cour internationale de
Justice en cas d’impossibilité de mettre sur pied une procédure arbitrale ou de violation présumée des
règles fondamentales de la procédure arbitrale par le tribunal arbitral). Lesdits projets d’article ne portent
pas sur les différends qui peuvent s’élever à la suite de l’adoption de contre-mesures à l’encontre d’un État
qui a commis ou est en train de commettre un crime.
(1/ A/CN.4/440, par. 52 à 62; 2/ A/CN.4.444, par. 24 à 21; 3/ A/CN.4/453, par. 41 à 59; 4/
A/CN.4/453Add.1 et Corr. 1 à 3).
141. Considérant la gravité des crimes internationaux des États, la procédure qui paraît s’imposer pour
tout différend surgissant entre deux États ou plus à la suite de l’adoption de contre-mesures consécutives
à un crime international est le règlement judiciaire par la Cour internationale de Justice. Cette procédure
devrait en particulier être envisagée en tant que procédure obligatoire, en ce sens qu’elle pourrait être
engagée par requête unilatérale de l’une quelconque des parties au différend, y compris, bien entendu,
l’État qui a commis ou est en train de commettre le crime international. Les parties devraient néanmoins
avoir toute latitude de choisir l’arbitrage.
142. Pour ce qui est du champ de la compétence de la CIJ à ce stade (postérieur aux contre-mesures),
il devrait être moins large que celui des procédures de conciliation et d’arbitrage envisagées dans les
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

projets d’articles 1 et 3 proposés en 1993.


143. Comme il est indiqué dans les projets d’article cités et dans les paragraphes 64 et 66 du
cinquième rapport, la compétence des deux procédures envisagées dans les projets d’articles 1 et 3 de la
troisième partie devrait s’étendre non seulement aux questions touchant l’application des règles relatives
au régime des contre-mesures (celles qui peuvent découler des articles 11 à 14 de la deuxième partie du
projet, par exemple) mais également à toute question susceptible de se poser lors de l’application de
toutes dispositions du projet relatif à la responsabilité des États, y compris celles des articles 1 à 35 de la
première partie et celles des articles 6 à 10 bis de la deuxième partie.
144. Cet élargissement du champ de la procédure de règlement par une “tierce partie” ne serait pas
indiqué en ce qui concerne la compétence de la CIJ dont il est question ici.
145. Considérant que la CIJ se serait déjà prononcée par un arrêt (comme envisagé plus haut, aux
paragraphes 108 à 111, et dans l’article 19 de la deuxième partie proposé dans le présent rapport) sur
l’existence/attribution du crime international, la compétence de la Cour dans la phase postérieure aux
contre-mesures ne devrait pas s’étendre à cette question. Elle devrait porter sur les questions de fait ou de
droit relatives aux conséquences juridiques – substantielles ou instrumentales – du crime international,
c’est-à-dire toutes questions soulevées par l’application de toute disposition des articles 6 à 19 de la
deuxième partie. La compétence de la CIJ ne devrait donc s’étendre, en principe, à aucune des questions
qui se poseraient dans le cadre des articles 1 à 35 de la première partie.
146. Le projet d’article pertinent de la troisième partie – à savoir l’article 7 – devrait être libellé comme
suit :
1. Tout différend qui pourrait s’élever entre des États à propos des conséquences juridiques d’un crime
aux termes des articles 6 à 19 de la deuxième partie est réglé par voie d’arbitrage sur proposition de l’une
ou l’autre des parties.
2. Si le différend n’est pas soumis à un tribunal arbitral dans les quatre mois qui suivent la proposition
en ce sens, l’une ou l’autre des parties défère unilatéralement l’affaire à la Cour internationale de Justice.
3. La compétence de la Cour s’étend à toutes questions de fait ou de droit en vertu des présents
articles autres que celle de l’existence et de l’attribution qui a été précédemment tranchée en application
de l’article 19 de la deuxième partie.

580
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

NATIONS UNIES
Assemblée générale
Distr. GÉNÉRALE A/51/332
30 juillet 1996
FRANÇAIS (ORIGINAL: ANGLAIS/ARABE/CHINOIS/ESPAGNOL/FRANÇAIS/RUSSE)
Cinquante et unième session
Point 148 de l’ordre du jour provisoire (A/51/50)
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL
SUR LES TRAVAUX DE SA QUARANTE-HUITIEME SESSION
Note du Secrétaire général
Extrait
PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
PROJET D’ARTICLES SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
TABLE DES MATIÈRES
I. INTRODUCTION
II. ARTICLES DU PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE
L’HUMANITÉ
III. PROJET D’ARTICLES SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
I. INTRODUCTION
1. La Commission du droit international, créée en application de la résolution 174 (II) de l’Assemblée
générale en date du 21 novembre 1947, a, conformément à son statut joint en annexe à ladite résolution
et modifié par la suite, tenu sa quarante-huitième session à son siège permanent de l’Office des Nations
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Unies à Genève, du 6 mai au 26 juillet 1996.


2. L’ordre du jour de la quarante-huitième session de la Commission comprenait les points suivants :
1. Organisation des travaux de la session
2. Responsabilité des États
3. Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité
[…]
3. Les travaux de la Commission à sa quarante-septième session sont exposés dans son rapport à
l’Assemblée générale(1). Le chapitre II, consacré au “Projet de code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité”, contient le texte des articles 1 à 20 définitivement adoptés par la Commission sur
ce sujet; le chapitre III, relatif à la “Responsabilité des États”, contient les articles 1 à 60, plus les annexes
I et II concernant ce sujet, adoptés à titre provisoire par la Commission en première lecture.
(1) Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante et unième session, Supplément No. 10
(A/51/10).
4. Pour faciliter la tâche des représentants à la cinquante et unième session de l’Assemblée générale, le
texte des articles adoptés par la Commission à sa quarante-huitième session sur les deux sujets
susmentionnés est reproduit ci-après.
II. ARTICLES DU PROJET DE CODE DES CRIMES CONTRE LA PAIX
ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
PREMIÈRE PARTIE. DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article premier
Portée et application du présent Code
1. Le présent Code s’applique aux crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité visés dans la
Deuxième partie.
2. Les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité sont des crimes en vertu du droit international
et sont punissables en tant que tels, qu’ils soient ou non punissables par le droit national.
Article 2
Responsabilité individuelle
1. Un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité engage la responsabilité individuelle.
2. Un individu est tenu responsable de crime d’agression conformément à l’article 16.
3. Un individu est tenu responsable d’un crime visé à l’article 17, 18, 19 ou 20, si cet individu :
a) commet intentionnellement un tel crime ;
b) ordonne la commission d’un tel crime, dans la mesure où ce crime a été effectivement commis
ou tenté ;
c) omet d’empêcher ou de réprimer la commission d’un tel crime dans les circonstances visées à
l’article 6 ;
d) en connaissance de cause, fournit une aide ou une assistance à la commission d’un tel crime
ou la facilite de toute autre manière, directement et de façon substantielle, y compris en procurant
les moyens de le commettre ;
e) participe directement à la planification ou à une entente en vue de commettre un tel crime,
dans la mesure où ce crime a été effectivement perpétré ;
f) incite directement et publiquement un autre individu à commettre un tel crime, dans la mesure
où ce crime a été effectivement perpétré ;

581
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

g) tente de commettre un tel crime si ce crime a fait l’objet d’un commencement d’exécution qui
n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de sa volonté.
Article 3
Sanction
Tout individu qui est responsable d’un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité est passible de
châtiment. Le châtiment est proportionnel au caractère et à la gravité de ce crime.
Article 4
Responsabilité des États
Le fait que le présent Code prévoie la responsabilité des individus pour les crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité est sans préjudice de toute question de responsabilité des États en droit
international.
Article 5
Ordre d’un gouvernement ou d’un supérieur hiérarchique
Le fait qu’un individu accusé d’un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité a agi sur ordre d’un
gouvernement ou d’un supérieur hiérarchique ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale, mais peut être
considéré comme un motif de diminution de la peine si cela est conforme à la justice.
Article 6
Responsabilité du supérieur hiérarchique
Le fait qu’un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité a été commis par un subordonné
n’exonère pas ses supérieurs de leur responsabilité pénale, s’ils savaient, ou avaient des raisons de
savoir, dans les circonstances du moment, que ce subordonné commettait ou allait commettre un tel crime
et s’ils n’ont pas pris toutes les mesures nécessaires en leur pouvoir pour empêcher ou réprimer ce crime.
Article 7
Qualité officielle et responsabilité
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La qualité officielle de l’auteur d’un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité, même s’il a agi en
qualité de chef d’État ou de gouvernement, ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale et n’est pas un
motif de diminution de la peine.
Article 8
Compétence
Sans préjudice de la compétence d’une cour criminelle internationale, chaque État partie prend les
mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des crimes visés aux articles 17,
18, 19 et 20 quels que soient le lieu ou l’auteur de ces crimes. La compétence aux fins de connaître du
crime visé à l’article 16 appartient à une cour criminelle internationale. Néanmoins, il n’est pas interdit à un
État mentionné à l’article 16 de juger ses ressortissants pour le crime visé à cet article.
Article 9
Obligation d’extrader ou de poursuivre
Sans préjudice de la compétence d’une cour criminelle internationale, l’État Partie sur le territoire
duquel l’auteur présumé d’un crime visé à l’article 17, 18, 19 ou 20 est découvert extrade ou poursuit ce
dernier.
Article 10
Extradition des auteurs présumés de crimes
1. Si les crimes visés aux articles 17, 18, 19 et 20 ne figurent pas en tant que cas d’extradition dans un
traité d’extradition conclu entre les États Parties, ils sont réputés y figurer à ce titre. Les États Parties
s’engagent à faire figurer ces crimes comme cas d’extradition dans tout traité d’extradition à conclure entre
eux.
2. Si un État Partie qui subordonne l’extradition à l’existence d’un traité est saisi d’une demande
d’extradition par un autre État Partie auquel il n’est pas lié par un traité d’extradition, il a la faculté de
considérer le présent Code comme constituant la base juridique de l’extradition en ce qui concerne ces
crimes. L’extradition est subordonnée aux conditions prévues par la législation de l’État requis.
3. Les États Parties qui ne subordonnent pas l’extradition à l’existence d’un traité reconnaissent ces
crimes comme cas d’extradition entre eux conformément aux conditions prévues par la législation de l’État
requis.
4. Entre États Parties, chacun de ces crimes est considéré aux fins d’extradition comme ayant été
commis tant au lieu de sa perpétration que sur le territoire de tout autre État Partie.
Article 11
Garanties judiciaires
1. Tout individu accusé d’un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité est présumé innocent
jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie et a droit sans discrimination aux garanties minimales reconnues
à toute personne humaine tant en ce qui concerne le droit qu’en ce qui concerne les faits et il a droit à :
a) ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent,
indépendant et impartial, régulièrement établi par la loi et qui décidera du bien-fondé de toute accusation
dirigée contre lui ;
b) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et de façon détaillée, de
la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui ;
c) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et communiquer
avec le conseil de son choix ;
d) être jugé sans retard excessif ;

582
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

e) être présent au procès et se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son
choix; s’il n’a pas de défenseur, être informé de son droit d’en avoir un, et se voir attribuer d’office
un défenseur, sans frais, s’il n’a pas les moyens de le rémunérer ;
f) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et l’interrogatoire
des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
g) se faire assister gratuitement d’un interprète s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue
employée à l’audience ;
h) ne pas être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable.
2. Tout individu déclaré coupable d’un crime a le droit de faire réexaminer la déclaration de culpabilité
et la condamnation, conformément à la loi.
Article 12
Non bis in idem
1. Nul ne peut être poursuivi en raison d’un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité pour lequel
il a déjà été condamné ou acquitté par un jugement définitif d’une cour criminelle internationale.
2. Un individu ne peut être poursuivi à nouveau en raison d’un crime pour lequel il a été condamné ou
acquitté par un jugement définitif d’une juridiction nationale, si ce n’est dans les cas suivants ; il peut être
poursuivi :
a) par une cour criminelle internationale, si :
i) le fait pour lequel il a été jugé par la juridiction nationale a été qualifié par ladite juridiction de
crime ordinaire et non de crime contre la paix et la sécurité de l’humanité ; ou
ii) la juridiction nationale n’a pas statué de façon impartiale ou indépendante, la procédure
engagée devant elle visait à soustraire l’accusé à sa responsabilité pénale internationale, ou la
poursuite n’a pas été exercée avec diligence ;
b) par une juridiction nationale d’un autre État, si :
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i) le fait pour lequel il a été jugé précédemment a eu lieu sur le territoire de cet État ; ou
ii) cet État a été la principale victime de ce crime.
3. En cas de nouvelle condamnation en vertu du présent Code, le tribunal tient compte, pour décider
de la peine à infliger, de la mesure dans laquelle l’intéressé a déjà purgé toute peine qui pourrait lui avoir
été infligée par une juridiction nationale pour le même fait.
Article 13
Non-rétroactivité
1. Nul ne peut être condamné en vertu du présent Code pour des actes commis avant son entrée en
vigueur.
2. Rien dans le présent article ne s’oppose au jugement de tout individu en raison d’actes qui, au
moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels en vertu du droit international ou du droit
national.
Article 14
Faits justificatifs
Le tribunal compétent apprécie l’existence de faits justificatifs conformément aux principes généraux
de droit, compte tenu du caractère de chaque crime.
Article 15
Circonstances atténuantes
En prononçant la sentence, le tribunal tient compte, le cas échéant, de circonstances atténuantes,
conformément aux principes généraux de droit.
DEUXIÈME PARTIE.
CRIMES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ DE L’HUMANITÉ
Article 16
Crime d’agression
Tout individu qui, en qualité de dirigeant ou d’organisateur, prend une part active dans – ou ordonne –
la planification, la préparation, le déclenchement ou la conduite d’une agression commise par un État, est
responsable de crime d’agression.
Article 17
Crime de génocide
Le crime de génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) le meurtre de membres du groupe ;
b) l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa
destruction physique totale ou partielle ;
d) les mesures visant à empêcher les naissances au sein du groupe ;
e) le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Article 18
Crimes contre l’humanité
On entend par crime contre l’humanité le fait de commettre, d’une manière systématique ou sur une
grande échelle et à l’instigation ou sous la direction d’un gouvernement, d’une organisation ou d’un
groupe, l’un des actes ci-après :
a) le meurtre ;

583
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

b) l’extermination ;
c) la torture ;
d) la réduction en esclavage ;
e) les persécutions pour des motifs politiques, raciaux, religieux ou ethniques ;
f) la discrimination institutionnalisée pour des motifs raciaux, ethniques ou religieux comportant la
violation des libertés et droits fondamentaux de l’être humain et ayant pour résultat de défavoriser
gravement une partie de la population ;
g) la déportation ou le transfert forcé de populations, opérés de manière arbitraire ;
h) l’emprisonnement arbitraire ;
i) la disparition forcée de personnes ;
j) le viol, la contrainte à la prostitution et les autres formes de violence sexuelle ;
k) d’autres actes inhumains, qui portent gravement atteinte à l’intégrité physique ou mentale, à la
santé ou à la dignité humaine, tels que mutilations et sévices graves.
Article 19
Crime contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé
1. Les infractions ci-après constituent des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité lorsqu’elles
sont commises intentionnellement et d’une manière systématique ou sur une grande échelle contre le
personnel des Nations Unies et le personnel associé participant à une opération des Nations Unies, dans
le but d’empêcher ou d’entraver l’exécution du mandat assigné à cette opération :
a) un meurtre, un enlèvement ou toute autre atteinte contre la personne ou la liberté d’un membre
de ces personnels ;
b) une atteinte accompagnée de violence contre les locaux officiels, le domicile privé ou les
moyens de transport d’un membre de ces personnels, de nature à mettre sa personne ou sa liberté en
danger.
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2. Cet article ne s’applique pas à une opération des Nations Unies autorisée par le Conseil de sécurité
en tant qu’action coercitive en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, dans le cadre de
laquelle du personnel est engagé comme combattant contre des forces armées organisées et à laquelle
s’applique le droit des conflits armés internationaux.
Article 20
Crimes de guerre
Chacun des crimes de guerre ci-après constitue un crime contre la paix et la sécurité de l’humanité
lorsqu’il est commis d’une manière systématique ou sur une grande échelle :
a) l’un quelconque des actes ci-après commis en violation du droit international humanitaire :
i) l’homicide intentionnel ;
ii) la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques ;
iii) le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à
l’intégrité physique ou à la santé ;
iv) la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et
exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;
v) le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une autre personne protégée à servir dans les
forces armées de la puissance ennemie ;
vi) le fait de priver un prisonnier de guerre, ou une autre personne protégée, de son droit d’être
jugé régulièrement et impartialement ;
vii) la déportation ou le transfert illégaux ou la détention illégale de personnes protégées ;
viii) la prise d’otages ;
b) l’un quelconque des actes ci-après commis intentionnellement en violation du droit
international humanitaire et entraînant la mort ou causant des atteintes graves à l’intégrité
physique ou à la santé :
i) le fait de soumettre la population civile ou des personnes civiles à une attaque ;
ii) le fait de lancer une attaque sans discrimination atteignant la population civile ou des biens de
caractère civil, en sachant que cette attaque causera des pertes en vies humaines, des blessures
aux personnes civiles ou des dommages aux biens de caractère civil, qui sont excessifs ;
iii) le fait de lancer une attaque contre des ouvrages ou installations contenant des forces
dangereuses, en sachant que cette attaque causera des pertes en vies humaines, des blessures
aux personnes civiles ou des dommages aux biens de caractère civil, qui sont excessifs ;
iv) le fait de soumettre une personne à une attaque en la sachant hors de combat ;
v) le fait d’utiliser perfidement le signe distinctif de la Croix-Rouge, du Croissant-Rouge ou du
Lion et du Soleil Rouges ou d’autres signes protecteurs reconnus ;
c) l’un quelconque des actes ci-après commis intentionnellement en violation du droit international
humanitaire :
i) le transfert par la puissance occupante d’une partie de sa population civile dans le territoire
qu’elle occupe ;
ii) tout retard injustifié dans le rapatriement des prisonniers de guerre ou des civils ;
d) les atteintes à la dignité de la personne en violation du droit international humanitaire,
notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout
attentat à la pudeur ;

584
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

e) l’un quelconque des actes ci-après commis en violation des lois ou coutumes de la guerre :
i) l’emploi d’armes toxiques ou d’autres armes conçues pour causer des souffrances inutiles ;
ii) la destruction sans motif de villes et de villages ou la dévastation que ne justifient pas les
exigences militaires ;
iii) l’attaque ou le bombardement, par quelque moyen que ce soit, de villes, villages, habitations
ou bâtiments non défendus ou de zones démilitarisées ;
iv) la saisie, la destruction ou l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion, à la
bienfaisance et à l’enseignement, aux arts et aux sciences, de monuments historiques, d’œuvres
d’art et d’œuvres de caractère scientifique ;
v) le pillage de biens publics ou privés ;
f) l’un quelconque des actes ci-après commis en violation du droit international humanitaire
applicable aux conflits armés qui ne revêtent pas un caractère international :
i) les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, en
particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou
toutes formes de peines corporelles ;
ii) les punitions collectives ;
iii) la prise d’otages ;
iv) les actes de terrorisme ;
v) les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le
viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur ;
vi) le pillage ;
vii) les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable
rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti de toutes les garanties judiciaires
généralement reconnues comme indispensables ;
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g) dans le cas d’un conflit armé : l’utilisation de méthodes ou moyens de guerre non justifiés par
des nécessités militaires dans l’intention de causer des dommages étendus, durables et graves à
l’environnement naturel, et de porter gravement atteinte, de ce fait, à la santé ou à la survie de la
population, ces dommages s’étant effectivement produits.
III. PROJET D’ARTICLES SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
Première partie
Origine de la responsabilité internationale
CHAPITRE PREMIER
PRINCIPES GÉNÉRAUX
Article premier
Responsabilité de l’État pour ses faits internationalement illicites
Tout fait internationalement illicite d’un État engage sa responsabilité internationale.
Article 2
Possibilité que tout État soit considéré comme ayant commis un fait internationalement illicite
Tout État est susceptible d’être considéré comme ayant commis un fait internationalement illicite
engageant sa responsabilité internationale.
Article 3
Éléments du fait internationalement illicite de l’État
Il y a fait internationalement illicite de l’État lorsque :
a) Un comportement consistant en une action ou en une omission est attribuable d’après le droit
international à l’État ; et
b) Ce comportement constitue une violation d’une obligation internationale de l’État.
Article 4
Qualification d’un fait de l’État comme internationalement illicite
Le fait d’un État ne peut être qualifié d’internationalement illicite que d’après le droit international. Une
telle qualification ne saurait être affectée par la qualification du même fait comme licite d’après le droit
interne.
CHAPITRE II
LE “FAIT DE L’ÉTAT” SELON LE DROIT INTERNATIONAL
Article 5
Attribution à l’État du comportement de ses organes
Aux fins des présents articles, est considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le
comportement de tout organe de l’État ayant ce statut d’après le droit interne de cet État, pour autant que,
en l’occurrence, il ait agi en cette qualité.
Article 6
Non-pertinence de la position de l’organe dans le cadre de l’organisation de l’État
Le comportement d’un organe de l’État est considéré comme un fait de cet État d’après le droit
international que cet organe appartienne au pouvoir constituant, législatif, judiciaire ou autre, que ses
fonctions aient un caractère international ou interne, et que sa position dans le cadre de l’organisation de
l’État soit supérieure ou subordonnée.

585
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 7
Attribution à l’État du comportement d’autres entités habilitées à l’exercice de prérogatives de la puissance
publique
1. Est aussi considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’un
organe d’une collectivité publique territoriale de cet État, pour autant que, en l’occurrence, il ait agi en
cette qualité.
2. Est également considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’un
organe d’une entité qui ne fait pas partie de la structure même de l’État ou d’une collectivité publique
territoriale, mais qui est habilitée par le droit interne de cet État à exercer des prérogatives de la puissance
publique, pour autant que, en l’occurrence, cet organe ait agi en cette qualité.
Article 8
Attribution à l’État du comportement de personnes agissant en fait pour le compte de l’État
Est aussi considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’une
personne ou d’un groupe de personnes si :
a) il est établi que cette personne ou ce groupe de personnes agissait en fait pour le compte de
cet État ; ou
b) cette personne ou ce groupe de personnes se trouvait exercer en fait des prérogatives de la
puissance publique en cas de carence des autorités officielles et dans des circonstances qui
justifiaient l’exercice de ces prérogatives.
Article 9
Attribution à l’État du comportement d’organes mis à sa disposition par un autre État ou par une
organisation internationale
Est de même considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’un
organe qui a été mis à sa disposition par un autre État ou par une organisation internationale, pour autant
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que cet organe ait agi dans l’exercice de prérogatives de la puissance publique de l’État à la disposition
duquel il se trouve.
Article 10
Attribution à l’État du comportement d’organes agissant en dépassement de leur compétence ou en
contradiction avec les instructions concernant leur activité
Le comportement d’un organe de l’État, d’une collectivité publique territoriale ou d’une entité habilitée à
l’exercice de prérogatives de la puissance publique, ledit organe ayant agi en cette qualité, est considéré
comme un fait de l’État d’après le droit international même si, en l’occurrence, l’organe a dépassé sa
compétence selon le droit interne ou a contrevenu aux instructions concernant son activité.
Article 11
Comportement de personnes n’agissant pas pour le compte de l’État
1. N’est pas considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’une
personne ou d’un groupe de personnes n’agissant pas pour le compte de l’État.
2. Le paragraphe 1 est sans préjudice de l’attribution à l’État de tout autre comportement qui est en
rapport avec celui des personnes ou groupes de personnes visés audit paragraphe et qui doit être
considéré comme un fait de l’État en vertu des articles 5 à 10.
Article 12
Comportement d’organes d’un autre État
1. N’est pas considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement adopté sur
son territoire ou sur tout autre territoire soumis à sa juridiction par un organe d’un autre État agissant en
cette qualité.
2. Le paragraphe 1 est sans préjudice de l’attribution à un État de tout autre comportement qui est en
rapport avec celui envisagé audit paragraphe et qui doit être considéré comme un fait de cet État en vertu
des articles 5 à 10.
Article 13
Comportement d’organes d’une organisation internationale
N’est pas considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’un organe
d’une organisation internationale agissant en cette qualité du seul fait que ledit comportement a été adopté
sur le territoire de cet État ou sur tout autre territoire soumis à sa juridiction.
Article 14
Comportement d’organes d’un mouvement insurrectionnel
1. N’est pas considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’un
organe d’un mouvement insurrectionnel établi sur le territoire de cet État ou sur tout autre territoire sous
son administration.
2. Le paragraphe 1 est sans préjudice de l’attribution à un État de tout autre comportement qui est en
rapport avec celui de l’organe du mouvement insurrectionnel et qui doit être considéré comme un fait de
cet État en vertu des articles 5 à 10.
3. De même, le paragraphe 1 est sans préjudice de l’attribution du comportement de l’organe du
mouvement insurrectionnel à ce mouvement dans tous les cas où une telle attribution peut se faire d’après
le droit international.

586
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 15
Attribution à l’État du fait d’un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement d’un État
ou qui aboutit à la création d’un nouvel État
1. Le fait d’un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement d’un État est
considéré comme un fait de cet État. Toutefois, une telle attribution est sans préjudice de l’attribution à cet
État d’un comportement qui aurait auparavant été considéré comme un fait de l’État en vertu des articles 5
à 10.
2. Le fait d’un mouvement insurrectionnel dont l’action aboutit à la création d’un nouvel État sur une
partie du territoire d’un État préexistant ou sur un territoire sous son administration est considéré comme
un fait de ce nouvel État.
CHAPITRE III
VIOLATION D’UNE OBLIGATION INTERNATIONALE
Article 16
Existence d’une violation d’une obligation internationale
Il y a violation d’une obligation internationale par un État lorsqu’un fait dudit État n’est pas conforme à
ce qui est requis de lui par cette obligation.
Article 17
Non-pertinence de l’origine de l’obligation internationale violée
1. Le fait d’un État qui constitue une violation d’une obligation internationale est un fait
internationalement illicite quelle que soit l’origine, coutumière, conventionnelle ou autre, de cette
obligation.
2. L’origine de l’obligation internationale violée par un État est sans effet sur la responsabilité
internationale engagée par le fait internationalement illicite de cet État.
Article 18
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Condition que l’obligation internationale soit en vigueur à l’égard de l’État


1. Le fait de l’État qui n’est pas conforme à ce qui est requis de lui par une obligation internationale ne
constitue une violation de cette obligation que si ce fait a été accompli à un moment où l’obligation était en
vigueur à l’égard de cet État.
2. Toutefois, le fait de l’État qui, au moment où il a été accompli, n’était pas conforme à ce qui était
requis de lui par une obligation internationale en vigueur à l’égard de cet État n’est plus considéré comme
un fait internationalement illicite si, par la suite, un tel fait est devenu obligatoire en vertu d’une norme
impérative du droit international général.
3. Si le fait de l’État qui n’est pas conforme à ce qui est requis de lui par une obligation internationale a
un caractère de continuité, il n’y a violation de cette obligation qu’en regard de la période durant laquelle le
fait se déroule pendant que l’obligation est en vigueur à l’égard de cet État.
4. Si le fait de l’État qui n’est pas conforme à ce qui est requis de lui par une obligation internationale
est composé d’une série d’actions ou omissions relatives à des cas distincts, il y a violation de cette
obligation si un tel fait peut être considéré comme constitué par les actions ou omissions accomplies
pendant la période durant laquelle l’obligation est en vigueur à l’égard de cet État.
5. Si le fait de l’État qui n’est pas conforme à ce qui est requis de lui par une obligation internationale
est un fait complexe constitué d’actions ou omissions du même organe ou d’organes différents de l’État
par rapport à un même cas, il y a violation de cette obligation si le fait complexe non conforme à celle-ci
commence par une action ou omission accomplie pendant la période durant laquelle l’obligation est en
vigueur à l’égard de cet État, même si ce fait est complété après cette période.
Article 19
Crimes et délits internationaux
1. Le fait d’un État qui constitue une violation d’une obligation internationale est un fait
internationalement illicite quel que soit l’objet de l’obligation violée.
2. Le fait internationalement illicite qui résulte d’une violation par un État d’une obligation internationale
si essentielle pour la sauvegarde d’intérêts fondamentaux de la communauté internationale que sa
violation est reconnue comme un crime par cette communauté dans son ensemble constitue un crime
international.
3. Sous réserve des dispositions du paragraphe 2 et d’après les règles du droit international en
vigueur, un crime international peut notamment résulter :
a) d’une violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle pour le maintien
de la paix et de la sécurité internationales, comme celle interdisant l’agression ;
b) d’une violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle pour la
sauvegarde du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, comme celle interdisant
l’établissement ou le maintien par la force d’une domination coloniale ;
c) d’une violation grave et à une large échelle d’une obligation internationale d’importance
essentielle pour la sauvegarde de l’être humain, comme celles interdisant l’esclavage, le
génocide, l’apartheid ;
d) d’une violation grave d’une obligation internationale d’importance essentielle pour la
sauvegarde et la préservation de l’environnement humain, comme celles interdisant la pollution
massive de l’atmosphère ou des mers.
4. Tout fait internationalement illicite qui n’est pas un crime international conformément au paragraphe
2 constitue un délit international.

587
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 20
Violation d’une obligation internationale requérant
d’adopter un comportement spécifiquement déterminé
Il y a violation par un État d’une obligation internationale le requérant d’adopter un comportement
spécifiquement déterminé lorsque le comportement de cet État n’est pas conforme à celui requis de lui par
cette obligation.
Article 21
Violation d’une obligation internationale requérant d’assurer un résultat déterminé
1. Il y a violation par un État d’une obligation internationale le requérant d’assurer, par un moyen de
son choix, un résultat déterminé si, par le comportement adopté, l’État n’assure pas le résultat requis de
lui par cette obligation.
2. Lorsqu’un comportement de l’État a créé une situation non conforme au résultat requis de lui par
une obligation internationale, mais qu’il ressort de l’obligation que ce résultat ou un résultat équivalent peut
néanmoins être acquis par un comportement ultérieur de l’État, il n’y a violation de l’obligation que si l’État
manque aussi par son comportement ultérieur à assurer le résultat requis de lui par cette obligation.
Article 22
Épuisement des recours internes
Lorsqu’un comportement d’un État a créé une situation non conforme au résultat requis de lui par une
obligation internationale concernant le traitement à réserver à des particuliers étrangers, personnes
physiques ou morales, mais qu’il ressort de l’obligation que ce résultat ou un résultat équivalent peut
néanmoins être acquis par un comportement ultérieur de l’État, il n’y a violation de l’obligation que si les
particuliers intéressés ont épuisé les recours internes efficaces leur étant disponibles sans obtenir le
traitement prévu par l’obligation ou, au cas où cela n’était pas possible, un traitement équivalent.
Article 23
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Violation d’une obligation internationale requérant de prévenir un événement donné


Lorsque le résultat requis d’un État par une obligation internationale est de prévenir, par un moyen de
son choix, la survenance d’un événement donné, il n’y a violation de cette obligation que si, par le
comportement adopté, l’État n’assure pas ce résultat.
Article 24
Moment et durée de la violation d’une obligation internationale
réalisée par un fait de l’État ne s’étendant pas dans le temps
La violation d’une obligation internationale par un fait de l’État ne s’étendant pas dans le temps se
produit au moment où ce fait est accompli. La perpétration de cette violation ne s’étend pas au-delà dudit
moment, même si les effets du fait de l’État se prolongent dans le temps.
Article 25
Moment et durée de la violation d’une obligation internationale réalisée par un fait de l’État s’étendant
dans le temps
1. La violation d’une obligation internationale par un fait de l’État ayant un caractère de continuité se
produit au moment où ce fait commence. Toutefois, le temps de perpétration de la violation s’étend sur la
période entière durant laquelle ce fait continue et reste non conforme à l’obligation internationale.
2. La violation d’une obligation internationale par un fait de l’État composé d’une série d’actions ou
omissions relatives à des cas distincts se produit au moment de la réalisation de celle des actions ou
omissions de la série qui établit l’existence du fait composé. Toutefois, le temps de perpétration de la
violation s’étend sur la période entière à partir de la première des actions ou omissions dont l’ensemble
constitue le fait composé non conforme à l’obligation internationale et autant que ces actions ou omissions
se répètent.
3. La violation d’une obligation internationale par un fait de l’État complexe, constitué par une
succession d’actions ou omissions émanant des mêmes ou de différents organes étatiques intervenant
dans une même affaire, se produit au moment de la réalisation du dernier élément constitutif dudit fait
complexe. Toutefois, le temps de perpétration de la violation s’étend sur la période entière allant du
comportement qui a amorcé la violation à celui qui l’a parachevée.
Article 26
Moment et durée de la violation d’une obligation internationale de prévenir un événement donné
La violation d’une obligation internationale requérant de l’État de prévenir un événement donné se
produit au moment où l’événement commence. Toutefois, le temps de perpétration de la violation s’étend
sur la période entière durant laquelle l’événement continue.
CHAPITRE IV
IMPLICATION D’UN ÉTAT DANS LE FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE D’UN AUTRE ÉTAT
Article 27
Aide ou assistance d’un État à un autre État pour la perpétration d’un fait internationalement illicite
L’aide ou l’assistance d’un État à un autre État, s’il est établi qu’elle est prêtée pour la perpétration d’un
fait internationalement illicite réalisée par ce dernier, constitue elle aussi un fait internationalement illicite,
même si, prise isolément, cette aide ou assistance ne constituerait pas la violation d’une obligation
internationale.

588
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 28
Responsabilité d’un État pour le fait internationalement illicite d’un autre État
1. Le fait internationalement illicite commis par un État dans un domaine d’activité dans lequel cet État
est soumis au pouvoir de direction ou de contrôle d’un autre État engage la responsabilité internationale
de cet autre État.
2. Le fait internationalement illicite commis par un État en conséquence de la contrainte exercée par un
autre État pour provoquer la perpétration de ce fait engage la responsabilité internationale de cet autre
État.
3. Les paragraphes 1 et 2 sont sans préjudice de la responsabilité internationale, en vertu des autres
dispositions des présents articles de l’État ayant commis le fait internationalement illicite.
CHAPITRE V
CIRCONSTANCES EXCLUANT L’ILLICÉITÉ
Article 29
Consentement
1. Le consentement valablement donné par un État à la commission par un autre État d’un fait
déterminé non conforme à une obligation de ce dernier envers le premier État exclut l’illicéité de ce fait à
l’égard dudit État pour autant que le fait reste dans les limites de ce consentement.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si l’obligation découle d’une norme impérative du droit
international général. Aux fins des présents articles, une norme impérative du droit international général
est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en
tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une
nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère.
Article 30
Contre-mesures à l’égard d’un fait internationalement illicite
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

L’illicéité d’un fait d’un État non conforme à une obligation de ce dernier envers un autre État est
exclue si ce fait constitue une mesure légitime d’après le droit international à l’encontre de cet autre État, à
la suite d’un fait internationalement illicite de ce dernier État.
Article 31
Force majeure et cas fortuit
1. L’illicéité d’un fait d’un État non conforme à une obligation internationale de cet État est exclue si ce
fait a été dû à une force irrésistible ou à un événement extérieur imprévu, en dehors de son contrôle, qui a
rendu matériellement impossible à l’État d’agir conformément à cette obligation ou de se rendre compte
que son comportement n’était pas conforme à cette obligation.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si l’État en question a contribué à la survenance de la situation
d’impossibilité matérielle.
Article 32
Détresse
1. L’illicéité d’un fait d’un État non conforme à une obligation internationale de cet État est exclue si
l’auteur du comportement qui constitue le fait de cet État n’avait pas d’autre moyen, dans une situation
d’extrême détresse, de sauver sa vie ou celle de personnes confiées à sa garde.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si l’État en question a contribué à la survenance de la situation
d’extrême détresse ou si le comportement en question était susceptible de créer un péril comparable ou
supérieur.
Article 33
État de nécessité
1. L’état de nécessité ne peut pas être invoqué par un État comme une cause d’exclusion de l’illicéité
d’un fait de cet État non conforme à une de ses obligations internationales, à moins que :
a) ce fait n’ait constitué le seul moyen de sauvegarder un intérêt essentiel dudit État contre un
péril grave et imminent ; et que
b) ce fait n’ait pas gravement porté atteinte à un intérêt essentiel de l’État à l’égard duquel
l’obligation existait.
2. En tout état de cause, l’état de nécessité ne peut pas être invoqué par un État comme une cause
d’exclusion d’illicéité :
a) si l’obligation internationale à laquelle le fait de l’État n’est pas conforme découle d’une norme
impérative du droit international général ; ou
b) si l’obligation internationale à laquelle le fait de l’État n’est pas conforme est prévue par un
traité qui, explicitement ou implicitement, exclut la possibilité d’invoquer l’état de nécessité en ce
qui concerne cette obligation ; ou
c) si l’État en question a contribué à la survenance de l’état de nécessité.
Article 34
Légitime défense
L’illicéité d’un fait d’un État non conforme à une obligation internationale de cet État est exclue si ce fait
constitue une mesure licite de légitime défense prise en conformité avec la Charte des Nations Unies.

589
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 35
Réserve relative à l’indemnisation des dommages
L’exclusion de l’illicéité d’un fait d’un État en vertu des dispositions des articles 29, 31, 32 ou 33 ne
préjuge pas des questions qui pourraient se poser à propos de l’indemnisation des dommages causés par
ce fait.
Deuxième partie
Contenu, formes et degrés de la responsabilité internationale
CHAPITRE PREMIER
PRINCIPES GÉNÉRAUX
Article 36
Conséquences d’un fait internationalement illicite
1. La responsabilité internationale d’un État qui, conformément aux dispositions de la Première partie,
est engagée par un fait internationalement illicite commis par cet État entraîne des conséquences
juridiques énoncées dans la présente partie.
2. Les conséquences juridiques visées au paragraphe 1 sont sans préjudice du maintien du devoir de
l’État qui a commis le fait internationalement illicite d’exécuter l’obligation qu’il a violée.
Article 37
Lex specialis
Les dispositions de la présente partie ne s’appliquent pas dans les cas ou dans la mesure où les
conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite d’un État sont déterminées par d’autres règles
de droit international qui se rapportent spécifiquement à ce fait.
Article 38
Droit international coutumier
Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite d’un État qui ne sont pas énoncées
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

dans les dispositions de la présente partie continuent d’être régies par les règles du droit international
coutumier.
Article 39 (2)
Relation avec la Charte des Nations Unies
Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite d’un État énoncées dans les
dispositions de la présente partie sont, s’il y a lieu, soumises aux dispositions et procédures de la Charte
des Nations Unies relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
(2) La Commission a reconnu que, dans la mesure où les articles finalement adoptés le seront sous la
forme d’une convention, la relation de cette convention avec la Charte sera régie par l’Article 103 de cette
dernière. Étant donné que les dispositions de la Charte prévalent, de nombreux membres de la
Commission ont manifesté la crainte que les droits et obligations d’un État en vertu de la Convention –
c’est-à-dire fondés sur le droit de la responsabilité des États – ne puissent être rendus inopérants par des
décisions que prendrait le Conseil de sécurité au titre du Chapitre VII de la Charte, décisions que les États
Membres, en vertu de l’Article 25 de celle-ci, sont tenus d’accepter et d’appliquer.
Par exemple, le Conseil de sécurité, agissant dans le but de maintenir ou de rétablir la paix et la
sécurité internationales, aurait-il la faculté de déclarer irrecevable l’argument de nécessité invoqué par un
État (art. 33), de dénier à un État le droit de prendre des contre-mesures (art. 47 et 48) ou d’imposer une
obligation de recourir à l’arbitrage (art. 58) ? Selon un point de vue, le Conseil de sécurité ne pourrait pas,
en principe, priver un État de ses droits juridiquement établis ni lui imposer des obligations allant au-delà
de celles qui découlent du droit international général et de la Charte elle-même. Exceptionnellement, il
pourrait inviter un État à suspendre l’exercice de ses droits, en lui demandant, par exemple, à titre de
mesure provisoire conformément à l’Article 40 de la Charte, de suspendre l’application de contre-mesures.
Ou bien le déni de droits juridiquement établis pourrait être plus permanent, à l’égard d’un État résolu à se
comporter en agresseur. Mais, en règle générale, selon ce point de vue, le Conseil de sécurité devrait agir
en ayant pleinement égard aux droits des États.
Selon un autre point de vue, cette conception serait trop restrictive, trop “légaliste”, et reléguerait au
second plan l’intérêt prépondérant qu’a l’ensemble de la communauté des États à ce que la paix
internationale soit préservée.
Les termes de l’article 39 ne tentent pas de régler ce point, ni dans un sens ni dans l’autre. La
Commission accueillera avec intérêt toutes observations précises des États sur les points soulevés, de
manière à pouvoir revenir sur ces questions importantes lors de l’examen du texte en deuxième lecture.
Article 40
Sens de l’expression “État lésé”
1. Aux fins des présents articles, l’expression “État lésé” s’entend de tout État qui est atteint dans un
droit par le fait d’un autre État, si ce fait constitue, conformément aux dispositions de la Première partie, un
fait internationalement illicite de cet État.
2. En particulier, l’expression “État lésé” désigne :
a) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un traité bilatéral, l’autre État partie au
traité ;
b) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un jugement ou autre décision
obligatoire relative au règlement d’un différend qui est rendu par une cour ou un tribunal
international, l’autre État ou les autres États qui sont parties au différend et bénéficiaires de ce
droit ;

590
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

c) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’une décision obligatoire d’un organe
international autre qu’une cour ou un tribunal international, l’État ou les États qui, conformément à
l’instrument constitutif de l’organisation internationale concernée, sont bénéficiaires de ce droit ;
d) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’une disposition conventionnelle en
faveur d’un État tiers, cet État tiers ;
e) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un traité multilatéral ou d’une règle du
droit international coutumier, tout autre État partie au traité multilatéral ou lié par la règle du droit
international coutumier, lorsqu’il est établi :
i) que le droit a été créé ou est reconnu en sa faveur ;
ii) que l’atteinte portée au droit par le fait d’un État affecte nécessairement la jouissance des
droits ou l’exécution des obligations des autres États parties au traité multilatéral ou liés par la
règle du droit international coutumier ; ou
iii) que le droit a été créé ou est reconnu pour la protection des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
f) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un traité multilatéral, tout autre État
partie au traité multilatéral, lorsqu’il est établi que ce droit a été expressément énoncé dans le
traité pour la protection des intérêts collectifs des États parties.
3. En outre, l’expression “État lésé” désigne, si le fait internationalement illicite constitue un crime
international*, tous les autres États.
* Le terme “crime” est employé ici par souci de cohérence avec l’article 19 de la Première partie des
articles. Toutefois, il a été noté que des formules comme “un fait internationalement illicite de nature
grave” ou “un fait illicite d’une exceptionnelle gravité” pourraient être substituées au terme “crime”, ce qui,
notamment, éviterait l’implication pénale de ce terme.
CHAPITRE II
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

DROITS DE L’ÉTAT LÉSÉ ET OBLIGATIONS DE L’ÉTAT AUTEUR


DU FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE
Article 41
Cessation du comportement illicite
Tout État dont le comportement constitue un fait internationalement illicite ayant un caractère de
continuité est tenu de l’obligation de cesser ce comportement, sans préjudice de la responsabilité qu’il a
déjà encourue.
Article 42
Réparation
1. L’État lésé est en droit d’obtenir de l’État qui a commis un fait internationalement illicite une
réparation intégrale sous une ou plusieurs formes de réparation – restitution en nature, indemnisation,
satisfaction et assurances et garanties de non-répétition.
2. Pour déterminer la réparation, il est tenu compte de la négligence ou de l’action ou omission
délibérée :
a) de l’État lésé ; ou
b) d’un ressortissant de l’État au nom duquel la demande est présentée qui a contribué au
dommage.
3. En aucun cas la réparation n’a pour effet de priver une population de ses propres moyens de
subsistance.
4. L’État qui a commis le fait internationalement illicite ne peut pas invoquer les dispositions de son
droit interne pour s’abstenir de réparer intégralement.
Article 43
Restitution en nature
L’État lésé est en droit d’obtenir de l’État qui a commis un fait internationalement illicite la restitution en
nature, c’est-à-dire le rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit commis, dès
lors et pour autant qu’une telle restitution en nature :
a) n’est pas matériellement impossible ;
b) n’entraîne pas la violation d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit
international général ;
c) n’impose pas une charge hors de toute proportion avec l’avantage que l’État lésé gagnerait en
obtenant la restitution en nature plutôt que l’indemnisation ; ou
d) ne menace pas sérieusement l’indépendance politique ou la stabilité économique de l’État qui
a commis le fait internationalement illicite, alors que l’État lésé ne serait pas affecté dans la même
mesure s’il n’obtenait pas la restitution en nature.
Article 44
Indemnisation
1. L’État lésé est en droit d’obtenir de l’État qui a commis un fait internationalement illicite une
indemnisation pour le dommage causé par ce fait si, et dans la mesure où, le dommage n’est pas réparé
par la restitution en nature.
2. Aux fins du présent article, l’indemnisation couvre tout dommage susceptible d’évaluation
économique subi par l’État lésé et peut comprendre des intérêts et, le cas échéant, le manque à gagner.

591
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 45
Satisfaction
1. L’État lésé est en droit d’obtenir de l’État qui a commis un fait internationalement illicite satisfaction
pour le dommage, notamment moral, causé par ce fait si, et dans la mesure où, cela est nécessaire pour
que la réparation soit intégrale.
2. La satisfaction peut prendre une ou plusieurs des formes suivantes :
a) des excuses ;
b) des dommages-intérêts symboliques ;
c) en cas d’atteinte grave aux droits de l’État lésé, des dommages intérêts correspondant à la
gravité de l’atteinte ;
d) si le fait internationalement illicite résulte de fautes graves d’agents de l’État ou d’agissements
criminels d’agents de l’État ou de personnes privées, une action disciplinaire à l’encontre des
responsables ou leur châtiment.
3. Le droit de l’État lésé d’obtenir satisfaction ne l’autorise pas à formuler des exigences qui porteraient
atteinte à la dignité de l’État qui a commis le fait internationalement illicite.
Article 46
Assurances et garanties de non-répétition
L’État lésé est en droit, le cas échéant, d’obtenir de l’État qui a commis un fait internationalement illicite
des assurances ou garanties de non répétition dudit fait.
CHAPITRE III
CONTRE-MESURES
Article 47
Contre-mesures d’un État lésé
1. Aux fins des présents articles, on entend par contre-mesures le fait pour l’État lésé de ne pas
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

s’acquitter d’une ou plusieurs de ses obligations envers l’État auteur d’un fait internationalement illicite
pour l’inciter à s’acquitter de ses obligations au titre des articles 41 à 46, aussi longtemps qu’il ne s’est pas
acquitté de ces obligations et pour autant que cela soit nécessaire à la lumière de ses réponses aux
demandes de l’État lésé afin qu’il s’en acquitte.
2. La prise de contre-mesures est soumise aux conditions et restrictions énoncées dans les articles 48
à 50.
3. Si une contre-mesure visant un État auteur d’un fait internationalement illicite entraîne la violation
d’une obligation à l’égard d’un État tiers, cette violation ne peut être justifiée à l’encontre de l’État tiers au
titre de ce chapitre.
Article 48
Conditions du recours à des contre-mesures
1. Avant d’entreprendre des contre-mesures un État lésé s’acquitte de l’obligation de négocier prévue
à l’article 54. Cette obligation est sans préjudice de l’adoption par cet État de mesures conservatoires qui
sont nécessaires pour préserver ses droits et sont par ailleurs conformes aux conditions stipulées dans ce
chapitre.
2. Un État lésé qui prend des contre-mesures s’acquitte des obligations relatives au règlement des
différends découlant de la Troisième partie ou de toute autre procédure de règlement obligatoire des
différends en vigueur entre l’État lésé et l’État auteur du fait internationalement illicite.
3. Sous réserve que le fait internationalement illicite ait cessé, l’État lésé doit suspendre les contre-
mesures dans les cas et dans la mesure où la procédure de règlement des différends visée au paragraphe
2 est appliquée de bonne foi par l’État qui a commis ledit fait, et où le différend est soumis à un tribunal qui
est habilité à émettre des injonctions obligatoires pour les parties.
4. L’obligation de suspendre les contre-mesures prend fin en cas de défaut de l’État auteur du fait
internationalement illicite de se conformer à une demande ou à une injonction émanant de la procédure de
règlement du différend.
Article 49
Proportionnalité
Les contre-mesures prises par un État lésé ne doivent pas être hors de proportion avec le degré de
gravité du fait internationalement illicite ou ses effets sur l’État lésé.
Article 50
Contre-mesures interdites
Un État lésé ne doit pas recourir à titre de contre-mesure :
a) à la menace ou à l’emploi de la force, interdits par la Charte des Nations Unies ;
b) à des mesures de contrainte économique ou politique extrêmes visant à porter atteinte à
l’intégrité territoriale ou à l’indépendance politique de l’État qui a commis le fait internationalement
illicite ;
c) à tout comportement qui porte atteinte à l’inviolabilité des agents, locaux, archives et
documents diplomatiques ou consulaires ;
d) à tout comportement qui déroge aux droits de l’homme fondamentaux ; ou
e) à tout autre comportement contrevenant à une norme impérative du droit international général.

592
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

CHAPITRE IV
CRIMES INTERNATIONAUX
Article 51
Conséquences d’un crime international
Un crime international fait naître toutes les conséquences juridiques découlant de tout autre fait
internationalement illicite et, de surcroît, toutes les conséquences supplémentaires énoncées aux articles
52 et 53 ci-après.
Article 52
Conséquences spécifiques
Lorsqu’un fait internationalement illicite commis par un État est un crime international :
a) le droit d’un État lésé à obtenir la restitution en nature n’est pas soumis aux limitations
énoncées aux alinéas c) et d) de l’article 43 ;
b) le droit d’un État lésé à obtenir satisfaction n’est pas soumis à la restriction prévue au
paragraphe 3 de l’article 45.
Article 53
Obligations incombant à tous les États
Un crime international commis par un État fait naître pour chaque autre État l’obligation :
a) de ne pas reconnaître comme licite la situation créée par le crime ;
b) de ne pas prêter aide ou assistance à l’État qui a commis le crime pour maintenir la situation
ainsi créée ;
c) de coopérer avec les autres États pour exécuter les obligations énoncées aux alinéas a) et b) ;
et
d) de coopérer avec les autres États pour appliquer les mesures visant à éliminer les
conséquences du crime.
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Troisième partie
Règlement des différends
Article 54
Négociation
Si un différend concernant l’interprétation ou l’application des présents articles s’élève entre deux ou
plusieurs États parties à ceux-ci, lesdits États parties s’efforcent, à la demande de l’un quelconque d’entre
eux, de le régler à l’amiable par négociation.
Article 55
Bons offices et médiation
Tout État partie aux présents articles qui n’est pas partie au différend pourra, à la demande de toute
partie au différend, ou de sa propre initiative, proposer ses bons offices ou offrir sa médiation en vue de
faciliter un règlement amiable du différend.
Article 56
Conciliation
Si, trois mois après la première demande de négociations, le différend n’a pas été réglé par accord et
qu’aucun mode de règlement obligatoire par tierce partie n’a été institué, toute partie au différend peut le
soumettre à la conciliation conformément à la procédure indiquée dans l’annexe I des présents articles.
Article 57
Tâche de la commission de conciliation
1. La commission de conciliation aura pour tâche d’élucider les questions en litige, de recueillir à cet
effet toutes les informations nécessaires, par voie d’enquête ou autrement, et de s’efforcer d’amener les
parties au différend à un règlement.
2. À cette fin, les parties adresseront à la commission un mémoire exposant leur position au sujet du
différend ainsi que les faits sur lesquels cette position est fondée. En outre, elles fourniront à la
commission tous éléments supplémentaires d’information ou de preuve qu’elle pourra demander et
aideront la commission dans toute enquête indépendante qu’elle pourra souhaiter entreprendre, y compris
sur le territoire de toute partie au différend, sauf lorsque des raisons exceptionnelles s’y opposeront. Dans
ce cas, cette partie donnera à la commission une explication de ces raisons exceptionnelles.
3. La commission pourra, à sa discrétion, faire des propositions préliminaires à l’une quelconque des
parties ou à toutes les parties, sans préjudice de ses recommandations ultérieures.
4. Les recommandations aux parties seront contenues dans un rapport qui sera présenté au plus tard
trois mois à compter de la constitution officielle de la commission, et la commission pourra fixer le délai
dans lequel les parties devront répondre à ces recommandations.
5. Si la réponse des parties aux recommandations de la commission ne conduit pas à un règlement du
différend, la commission pourra leur présenter un rapport final contenant son appréciation du différend et
ses recommandations en vue d’un règlement.
Article 58
Arbitrage
1. Si la commission de conciliation prévue à l’article 56 n’a pas été saisie du différend ou si les parties
n’ont pas réussi à régler leur différend à l’amiable dans les six mois suivant la présentation du rapport de
la commission, les parties au différend peuvent, d’un commun accord, soumettre le différend à un tribunal
arbitral qui sera constitué conformément aux dispositions de l’annexe II des présents articles.

593
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. Toutefois, lorsque le différend s’élève entre des États parties aux présents articles dont l’un a pris
des contre-mesures à l’encontre de l’autre, l’État à l’encontre duquel les contre-mesures sont prises a le
droit de soumettre unilatéralement à tout moment le différend à un tribunal arbitral qui sera constitué
conformément à l’annexe II des présents articles.
Article 59
Mandat du tribunal arbitral
1. Le tribunal arbitral, qui sera appelé à trancher avec effet obligatoire les points de fait ou de droit qui
seront en litige entre les parties et qui seront pertinents en vertu de toute disposition des présent articles,
sera régi par les règles énoncées ou visées dans l’annexe II des présents articles et fera connaître sa
décision aux parties dans un délai de six mois à compter de la date de clôture de la procédure orale et de
la procédure écrite et du dépôt des conclusions des parties.
2. Le tribunal sera habilité à faire toute enquête qu’il jugera nécessaire pour établir les faits de la
cause.
Article 60
Validité d’une sentence arbitrale
1. Si la validité d’une sentence arbitrale est contestée par l’une ou l’autre partie au différend et si, dans
les trois mois qui suivent la date de la contestation, les parties ne se sont pas mises d’accord sur un autre
tribunal, la Cour internationale de Justice sera compétente, à la demande faite en temps voulu par toute
partie, pour confirmer la validité de la sentence ou la déclarer nulle en totalité ou en partie.
2. Toute question en litige non résolue par l’annulation de la sentence peut, à la demande de toute
partie, être soumise à un nouvel arbitrage devant un tribunal arbitral qui sera constitué conformément à
l’annexe II des présents articles.
Annexe I
La commission de conciliation
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1. Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies dresse et tient une liste de conciliateurs
composée de juristes qualifiés. À cette fin, tout État Membre de l’Organisation des Nations Unies ou partie
aux présents articles est invité à désigner deux conciliateurs, et les noms des personnes ainsi désignées
composeront la liste. La désignation des conciliateurs, y compris ceux qui sont désignés pour remplir une
vacance fortuite, est faite pour une période de cinq ans renouvelable. À l’expiration de la période pour
laquelle ils auront été désignés, les conciliateurs continueront à exercer les fonctions pour lesquelles ils
auront été choisis conformément au paragraphe 2.
2. Une partie à un différend peut soumettre celui-ci à la conciliation conformément à l’article 56 en
adressant une demande au Secrétaire général, qui établit une commission de conciliation composée
comme suit :
a) L’État ou les États constituant une des parties au différend nomme :
i) Un conciliateur de la nationalité de cet État ou de l’un de ces États, choisi ou non sur la liste
visée au paragraphe 1 ; et
ii) Un conciliateur n’ayant pas la nationalité de cet État ou de l’un de ces États, choisi sur la liste.
b) L’État ou les États constituant l’autre partie au différend nomment deux conciliateurs de la
même manière.
c) Les quatre conciliateurs choisis par les parties doivent être nommés dans les soixante jours
suivant la date à laquelle le Secrétaire général reçoit la demande.
d) Dans les soixante jours qui suivent la dernière nomination, les quatre conciliateurs en
nomment un cinquième, choisi sur la liste, qui sera président.
e) Si la nomination du président ou de l’un quelconque des autres conciliateurs n’intervient pas
dans le délai prescrit ci-dessus pour cette nomination, elle sera faite par le Secrétaire général
dans les soixante jours qui suivent l’expiration de ce délai parmi les personnes inscrites sur la
liste. L’un quelconque des délais dans lesquels les nominations doivent être faites peut être
prorogé par accord des parties.
f) Toute vacance doit être remplie de la façon spécifiée pour la nomination initiale.
3. Le fait pour une ou plusieurs parties de ne pas participer à la procédure de conciliation ne constitue
pas un obstacle à la procédure.
4. En cas de contestation sur le point de savoir si une commission constituée en vertu de la présente
annexe est compétente, cette commission décide.
5. La commission arrête elle-même sa procédure. Les décisions de la commission sont adoptées à la
majorité des voix de ses cinq membres.
6. Lorsque plus de deux parties font cause séparée ou ne peuvent s’entendre sur le point de savoir si
elles doivent faire cause commune, les parties au différend appliquent le paragraphe 2 dans toute la
mesure possible.
Annexe II
Le tribunal arbitral
1. Le tribunal arbitral visé aux articles 58 et 60, paragraphe 2, se composera de cinq membres. Les
parties au différend en nommeront chacune un, qui pourra être choisi parmi leurs nationaux respectifs. Les
trois autres arbitres, y compris le surarbitre, seront choisis d’un commun accord parmi les nationaux
d’États tiers.
2. Si la nomination des membres du tribunal n’intervient pas dans un délai de trois mois à compter de
la demande adressée par l’une des parties à l’autre de constituer un tribunal arbitral, les nominations

594
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

nécessaires seront faites par le Président de la Cour internationale de Justice. Si celui-ci est empêché ou
s’il est de la nationalité de l’une des parties, les nominations seront faites par le Vice-Président. Si celui-ci
est empêché ou s’il est de la nationalité de l’une des parties, les nominations seront faites par le plus
ancien membre de la Cour qui n’a la nationalité d’aucune des parties. Les membres ainsi nommés devront
être de nationalités différentes et, sauf dans le cas de nominations faites parce que l’une ou l’autre des
parties n’a pas nommé de membre, ne devront pas être de la nationalité ni se trouver au service d’une des
parties, ni avoir leur résidence habituelle sur le territoire de l’une d’elles.
3. Il sera pourvu, dans le plus bref délai, à toute vacance qui viendrait à se produire par suite de décès
ou de démission, ou pour toute autre raison, suivant le mode fixé pour les nominations initiales.
4. À la suite de la constitution du tribunal, les parties rédigeront un accord précisant l’objet du litige, si
elles ne l’ont pas fait précédemment.
5. Si un accord n’a pas été conclu dans un délai de trois mois à compter de la constitution du tribunal,
l’objet du différend sera déterminé par le tribunal sur la base de la requête dont il aura été saisi.
6. Le fait pour une ou plusieurs parties de ne pas participer à la procédure d’arbitrage ne constitue pas
un obstacle à la procédure.
7. À moins que les parties au différend n’en conviennent autrement, le tribunal arbitral arrêtera lui-
même sa procédure. Les décisions du tribunal sont adoptées à la majorité des voix de ses cinq membres.

RAPPORT DU COMITÉ PRÉPARATOIRE POUR LA CRÉATION D’UNE COUR CRIMINELLE


INTERNATIONALE
Volume II (Compilation des propositions)
Assemblée générale
Documents officiels – Cinquante et unième session
Supplément No 22A (A/51/22)
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

13 septembre 1996
Extrait
TROISIÈME PARTIE. COMPÉTENCE DE LA COUR
Article 20*
Crimes relevant de la compétence de la Cour
I. PROJET DE LA CDI
La Cour a compétence conformément au présent Statut pour les crimes suivants :
a) Le crime de génocide ;
b) Le crime d’agression ;
c) Les violations graves des lois et coutumes applicables dans les conflits armés ;
d) Les crimes contre l’humanité ;
e) Les crimes définis ou visés par les dispositions de traités énumérées à l’annexe (*) qui, eu
égard au comportement incriminé, constituent des crimes de portée internationale qui sont d’une
exceptionnelle gravité.
(*) Voir l’appendice II de l’annexe au projet de la CDI.
[…]
TROISIÈME PARTIE bis. PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT INTERNATIONAL
SECTION 1. QUESTIONS DE FOND
[…]
Article B
Responsabilité pénale individuelle
a) Compétence ratione personae
Proposition 1
1. Le Tribunal international a compétence à l’égard des personnes [physiques] conformément aux
dispositions du présent Statut.
2. Quiconque commet un crime au sens du présent Statut en est individuellement responsable et
passible d’une peine.
[2 bis. La responsabilité pénale est individuelle et ne s’étend pas au-delà de la personne incriminée et
de ses biens.]
3. Le fait que le présent Statut prévoit la responsabilité pénale individuelle est sans préjudice de la
responsabilité des États en vertu du droit international.
Proposition 2
Personnes physiques et personnes morales
1. La Cour est compétente pour connaître de la responsabilité pénale :
a) Des personnes physiques ;
b) Des personnes morales, à l’exclusion des États, lorsque les crimes commis l’ont été pour leur
compte, par leurs organes ou leurs représentants.
2. La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques
auteurs ou complices des mêmes crimes.
3. Ces dispositions sont sans préjudice de la responsabilité des États au regard du droit international.
[Note. Certaines délégations ont indiqué que l’expression “personnes morales” devrait s’étendre aux
organisations dépourvues de statut juridique.

595
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Certaines délégations ont émis des doutes concernant l’inclusion dans le Statut de la responsabilité
pénale des personnes morales.
Il a été proposé, en tant que solution de remplacement possible, de mentionner la “responsabilité” des
personnes morales sans l’assortir de l’adjectif “pénale”.]
[…]
CINQUIÈME PARTIE. LE PROCÈS.
[…]
Article 47. Peines applicables
[…]
f) Personnes morales (art. 47 bis)
[1. Pour tous les crimes visés à [...], les personnes morales dont la responsabilité pénale est reconnue
par la Cour encourent les peines suivantes :
a) L’amende, dont le montant est librement fixé par la Cour ;
b) La dissolution ;
c) L’interdiction, définitive ou pour une durée librement déterminée par la Cour, d’exercer
directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;
d) La fermeture, définitive ou pour une durée librement déterminée par la Cour, des
établissements ayant servi à commettre les faits incriminés ;
e) La confiscation de toute chose ayant servi à commettre les faits incriminés ou qui est le produit
de ces faits.
2. Les peines prévues au paragraphe 1 du présent article peuvent se cumuler entre elles et avec celles
prononcées pour des crimes en concours au sens du [...] du présent Statut.]
[…]
ANNEXE I
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Crimes définis ou visés par des traités


(voir article 20, alinéa e))
PROJET DE LA CDI
1. Les infractions graves :
i) À la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les
forces armées en campagne, du 12 août 1949, telles qu’elles sont définies à l’article 50 de ladite
Convention ;
ii) À la Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des
naufragés des forces armées sur mer, du 12 août 1949, telles qu’elles sont définies à l’article 51
de ladite Convention ;
iii) À la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, du 12 août 1949,
telles qu’elles sont définies à l’article 130 de ladite Convention ;
iv) À la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre,
du 12 août 1949, telles qu’elles sont définies à l’article 147 de ladite Convention ;
v) Au Protocole I additionnel aux Conventions de Genève, du 12 août 1949, relatif à la protection
des victimes des conflits armés internationaux, du 8 juin 1977, telles qu’elles sont définies à
l’article 85 dudit Protocole.
2. La capture illicite d’aéronefs, telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention de La Haye
pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, du 16 décembre 1970.
3. Les crimes définis à l’article premier de la Convention de Montréal pour la répression d’actes illicites
dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, du 23 septembre 1971.
4. L’apartheid et les crimes connexes, tels qu’ils sont définis à l’article II de la Convention internationale
sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid, du 30 novembre 1973.
5. Les crimes définis à l’article 2 de la Convention sur la prévention et la répression des infractions
contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, du 14
décembre 1973.
6. La prise d’otages et les crimes connexes, tels qu’ils sont définis à l’article premier de la Convention
internationale contre la prise d’otages, du 17 décembre 1979.
7. Le crime de torture, punissable en vertu de l’article 4 de la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984.
8. Les crimes définis à l’article 3 de la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité
de la navigation maritime et à l’article 2 du Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité
des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, l’une et l’autre du 10 mars 1988.
9. Les crimes liés au trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes tels qu’ils sont
envisagés au paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de
stupéfiants et de substances psychotropes, du 20 décembre 1988, qui, eu égard à l’article 2 de la
Convention, constituent des crimes ayant une dimension internationale.

596
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

NATIONS UNIES
Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies
sur la création d’une Cour criminelle internationale
Rome (Italie) – 15 juin-17 juillet 1998
Distr. GÉNÉRALE A/CONF.183/2/Add.1
14 avril 1998
FRANÇAIS (ORIGINAL : ANGLAIS)
RAPPORT DU COMITÉ PRÉPARATOIRE POUR LA CRÉATION
D’UNE COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE
Additif
(Projet de Statut et projet d’acte final)
PREMIÈRE PARTIE.
PROJET DE STATUT DE LA COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE.
[…]CHAPITRE II. COMPÉTENCE, RECEVABILITÉ ET DROIT APPLICABLE
Article 5
Crimes relevant de la compétence de la Cour
La Cour a compétence conformément au présent Statut pour les crimes suivants :
a) Le crime de génocide ;
b) Le crime d’agression ;
c) Les crimes de guerre ;
d) Les crimes contre l’humanité ;
e) ...
N. B. Une fois qu’une décision aura été prise au sujet des crimes à inclure dans le projet de statut, les
paragraphes de cet article liminaire devront être modifiés en conséquence et les dispositions qui suivront
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

feront l’objet d’articles distincts qui seront alors numérotés.


[…]
*
Le Comité préparatoire a examiné les trois catégories de crimes ci-après (crimes de terrorisme, crime
contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé et crimes liés au trafic illicite de stupéfiants
et de substances psychotropes) sans préjuger la décision qui serait prise en définitive quant à l’insertion
de dispositions à leur sujet dans le Statut. Toutefois, il ne les a examinées qu’en termes généraux, n’ayant
pas eu le temps de leur consacrer un débat aussi approfondi que pour les autres crimes.[Crimes de
terrorisme
Aux fins du présent Statut, on entend par “crime de terrorisme” :
1) Le fait d’entreprendre, d’organiser, de commanditer, d’ordonner, de faciliter, de financer,
d’encourager ou de tolérer des actes de violence dirigés contre des ressortissants ou des biens d’un autre
État et de nature à provoquer la terreur, la peur ou l’insécurité parmi les dirigeants, des groupes de
personnes, le public ou des populations, quels que soient les considérations et les objectifs d’ordre
politique, philosophique, idéologique, racial, ethnique, religieux ou autre qui pourraient être invoqués pour
les justifier ;
2) Toute infraction définie dans les conventions ci-après :
a) Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile ;
b) Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs ;
c) Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant
d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques ;
d) Convention internationale contre la prise d’otages ;
e) Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime ;
f) Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées
sur le plateau continental.
3) Le fait d’utiliser des armes à feu ou d’autres armes, des explosifs ou des substances dangereuses
pour commettre des actes de violence aveugle qui font des morts ou des blessés graves, soit isolément
soit dans des groupes de personnes ou des populations, ou qui causent des dommages matériels
importants.]
[Crimes contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé
1. Aux fins du présent Statut, on entend par “crimes contre le personnel des Nations Unies et le
personnel associé” l’un quelconque des actes ci-après [lorsqu’ils sont commis intentionnellement et de
manière systématique ou à grande échelle contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé
qui participent à une opération des Nations Unies, dans le but d’empêcher l’accomplissement du mandat
de l’opération ou d’y faire entrave] :
a) Meurtre, enlèvement ou autre atteinte à la personne ou à la liberté d’un membre quelconque
de ces personnels ;
b) Attaque de locaux officiels, du domicile privé ou du moyen de transport d’un membre
quelconque de ces personnels, de nature à porter atteinte à la personne de l’intéressé ou à sa
liberté.
2. Le présent article ne s’applique pas à une opération des Nations Unies autorisée par le Conseil de
sécurité en tant qu’action coercitive en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, dans le cadre

597
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

de laquelle des membres de ces personnels participent comme combattants contre des forces armées
organisées et à laquelle s’applique le droit des conflits armés internationaux.]
[Crimes liés au trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes]
Aux fins du présent Statut, on entend par “crimes liés au trafic illicite de stupéfiants et de substances
psychotropes” l’un quelconque des actes ci-après commis à grande échelle et dans un contexte
transfrontière :
a) i) La production, la fabrication, l’extraction, la préparation, l’offre, la mise en vente, la distribution, la
vente, la livraison à quelque condition que ce soit, le courtage, l’expédition, l’expédition en transit, le
transport, l’importation ou l’exportation de tout stupéfiant ou de toute substance psychotrope en
violation des dispositions de la Convention de 1961, de la Convention de 1961 telle que modifiée ou de
la Convention de 1971 ;
ii) La culture du pavot à opium, du cocaïer ou de la plante de cannabis aux fins de la production de
stupéfiants en violation des dispositions de la Convention de 1961 et de la Convention de 1961 telle
que modifiée ;
iii) La détention ou l’achat de tout stupéfiant ou de toute substance psychotrope aux fins de l’une des
activités énumérées au sous-alinéa i) ci-dessus ;
iv) La fabrication, le transport ou la distribution d’équipements, de matériels ou de substances inscrites
au tableau I et au tableau II figurant en annexe à la Convention des Nations Unies de 1988 contre le
trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, dont celui qui s’y livre sait qu’ils doivent être
utilisés dans ou pour la culture, la production ou la fabrication illicites de stupéfiants ou de substances
psychotropes ;
v) L’organisation, la direction ou le financement de l’une des infractions énumérées aux sous-alinéas i),
ii), iii) ou iv) ci-dessus ;
b) i) La conversion ou le transfert de biens dont celui qui s’y livre sait qu’ils proviennent d’une des
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

infractions établies conformément à l’alinéa a) du présent paragraphe ou d’une participation à sa


commission, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute
personne qui est impliquée dans la commission de l’une de ces infractions à échapper aux
conséquences juridiques de ses actes ;
ii) La dissimulation ou le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du
mouvement, ou de la propriété réels de biens ou de droits y relatifs, dont l’auteur sait qu’ils proviennent
de l’une des infractions établies conformément à l’alinéa a) du présent paragraphe ou d’une
participation à une de ces infractions.
N.B. S’agissant de ces crimes, la compétence de la Cour ne s’appliquera qu’aux États Parties au
Statut qui l’auront acceptée pour de tels crimes. Voir article 9, variante 1, paragraphe 2, ou variante 2,
paragraphe 1.]
[…]
Chapitre III. PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT PÉNAL.
[…]
Article 23
Responsabilité pénale individuelle
1. La Cour est compétente à l’égard des personnes physiques conformément au présent Statut.
2. Quiconque commet un crime relevant du présent Statut est individuellement responsable et passible
d’une peine.
[3. La responsabilité pénale est individuelle et ne s’étend pas au-delà de la personne incriminée et de
ses biens.]
(Cette proposition a principalement trait aux limites de la responsabilité civile et devrait être examinée
plus avant en relation avec les peines, les confiscations et les réparations aux victimes de crimes)
4. Le fait que le présent Statut prévoit la responsabilité pénale des individus est sans préjudice de la
responsabilité des États au regard du droit international.
[5. La Cour est également compétente à l’égard des personnes morales, à l’exclusion des États,
lorsque les organes ou représentants de telles personnes ont commis les crimes au nom de celles-ci.
6. La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques
auteurs ou complices des mêmes crimes.]
(Les avis divergent profondément quant à l’opportunité d’inclure la responsabilité des personnes
morales dans le Statut. De nombreuses délégations y sont fermement opposées, tandis que d’autres y
sont très favorables. D’autres encore n’ont pas d’idée arrêtée en la matière. Certaines délégations font
valoir qu’une disposition prévoyant seulement la responsabilité civile ou administrative des personnes
morales constituerait un compromis. Cette possibilité n’a toutefois pas été examinée à fond. Des
délégations favorables à l’inclusion de la responsabilité des personnes morales sont d’avis que
l’expression “personne morale” devrait s’étendre aux organisations dépourvues de statut juridique).
[…]
Chapitre VII. LES PEINES
[…]
[Article 76 *; **
Peines applicables aux personnes morales
Les personnes morales encourent une ou plusieurs des peines suivantes :
i) Amendes ;

598
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

[ii) Dissolution ;]
[iii) Interdiction, pour une période fixée par la Cour, d’exercer toute activité ;]
[iv) Fermeture, pour une période fixée par la Cour, de l’établissement ayant servi à commettre les
faits incriminés ;]
[v) Confiscation [de toute chose ayant servi à commettre les faits incriminés et] du produit de ces
faits et des biens et avoirs découlant de leur commission ;] [et]
[vi) Formes appropriées de réparation.]
* La décision d’inclure ou non des dispositions relatives à ces peines dépendra des conclusions du
débat sur la responsabilité pénale individuelle des personnes morales.
** Certains ont estimé que ces dispositions pourraient soulever des questions relatives à l’application
des peines au chapitre X du projet.
N.B. L’alinéa vi) devrait être examiné dans le contexte de la réparation en faveur des victimes.
[…]

NATIONS UNIES
Assemblée générale
15 mars 2000
Distr. Générale A/CN.4/507
Français (original: anglais)
Commission du droit international
er
Cinquante-deuxième session (Genève, 1 mai-9 juin, 10 juillet-18 août 2000)
TROISIÈME RAPPORT SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
Présenté par M. James Crawford, Rapporteur spécial
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Extrait
6. Conclusions concernant la deuxième partie, chapitre premier
119. Pour les raisons exposées plus haut, il conviendrait que le chapitre premier de la deuxième
partie soit formulée comme suit :
Deuxième partie
Conséquences juridiques du fait internationalement illicite d’un État
Chapitre premier
Principes généraux
Article 36
Contenu de la responsabilité internationale
La responsabilité internationale d’un État qui, conformément aux dispositions de
la première partie, est engagée par un fait internationalement illicite entraîne des
conséquences juridiques énoncées dans la présente partie.
[…]
Article 40 bis*
Droit pour un État d’invoquer la responsabilité d’un autre État
1. Aux fins du présent projet d’articles, un État est lésé par le fait internationalement illicite d’un autre
État si :
a) Il est individuellement le bénéficiaire de l’obligation transgressée ;
ou si
b) Le bénéficiaire de l’obligation en question est la communauté internationale dans son ensemble
(erga omnes), ou un groupe d’États dont il fait partie, et si la transgression de l’obligation :
i) L’atteint spécialement ; ou si
ii) Elle porte nécessairement atteinte à la jouissance de ses droits ou à l’exécution de ses obligations.
2. En outre, aux fins du présent projet d’articles, un État a un intérêt juridique dans l’exécution d’une
obligation internationale à laquelle il est tenu si :
a) Le bénéficiaire de l’obligation est la communauté internationale dans son ensemble (erga omnes) ;
b) L’obligation est établie aux fins de la protection des intérêts collectifs d’un groupe d’États, y compris
l’État considéré.
3. Le présent article est sans préjudice d’aucun droit découlant de la commission d’un fait
internationalement illicite par un État et s’attachant directement à une personne ou une entité quelconques
autres qu’un État.
* Ces formulations relatives aux atteintes portées à l’intérêt juridique devront être reprises dans les
articles qui suivront traitant des diverses conséquences secondaires de la responsabilité d’un État qui a
commis un fait internationalement illicite. Le meilleur moyen pour ce faire consisterait à prévoir une partie
distincte traitant du droit d’invoquer la responsabilité de l’État, aussi l’emplacement actuellement prévu
pour l’article 40-bis est-il provisoire.

599
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

NATIONS UNIES
Assemblée générale
Distr. Générale A/CN.4/507/Add.4
1 août 2000
Original: anglais/français
Commission du droit international
Cinquante-deuxième session (Genève, 1er mai-9 juin, 10 juillet-18 août 2000)
TROISIÈME RAPPORT SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
présenté par M. James Crawford, Rapporteur spécial
Additif
Extrait
D. Résumé des conclusions relatives à la deuxième partie, chapitre III et à la deuxième partie bis
412. […] le Rapporteur spécial propose que le texte de la deuxième partie, chapitre III soit rédigé
comme suit :
[Chapitre III
Violations graves d’obligations dues à la communauté internationale dans son ensemble
Article 51
Conséquences des violations graves d’obligations
dues à la communauté internationale dans son ensemble
1) Ce chapitre s’applique à la responsabilité internationale qu’entraîne la violation grave et manifeste
par un État d’une obligation due à la communauté internationale dans son ensemble.
2) Une telle violation fait naître, pour l’État qui en est responsable, toutes les conséquences juridiques
découlant de tout autre fait internationalement illicite et, de surcroît, [des dommages-intérêts punitifs] [des
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

dommages-intérêts correspondant à la gravité de la violation].


3) Elle fait également naître, pour tous les autres États, les obligations :
a) de ne pas reconnaître comme licite la situation créée par la violation ;
b) de ne pas prêter aide ou assistance à l’État qui a commis la violation pour maintenir la situation
ainsi créée ;
c) de coopérer pour appliquer les mesures visant à mettre fin à la violation et, autant que
possible, à en éliminer les conséquences.
4) Les paragraphes 2 et 3 sont sans préjudice des conséquences pénales ou autres supplémentaires
que la violation peut faire naître en droit international.]
Dans la mesure où le chapitre III proposé se suffit à lui-même et puisque l’article 19 adopté en
première lecture ne jouait aucun rôle particulier dans la première partie, cet article peut lui-même être
supprimé si le chapitre III est adopté. Il faudra expliquer de façon plus détaillée dans le commentaire le
contenu limité de la catégorie à laquelle s’applique le chapitre III et le caractère non-exclusif des
conséquences énumérées au paragraphe 3.
413. Un certain nombre de dispositions doivent également être ajoutées à la deuxième partie bis déjà
proposée. En premier lieu, l’article 40 bis préalablement présenté devrait indiquer clairement les cas dans
lesquels la catégorie d’États plus large (mentionnée au paragraphe 2) est en droit d’invoquer la
responsabilité, conformément aux recommandations qui ont déjà été faites. Les conditions de l’invocation
de la responsabilité posées dans la deuxième partie bis devraient aussi s’appliquer autant que nécessaire
à ces États (On peut atteindre ce résultat en ajoutant au projet d’article 40 bis des dispositions prévoyant
qu’un État lésé peut invoquer toutes les conséquences d’un fait internationalement illicite conformes à la
deuxième partie. En outre, le paragraphe suivant devrait être ajouté par rapport à la catégorie d’États plus
large actuellement mentionnée dans l’article 40 bis, paragraphe 2: “Un État mentionné au paragraphe 2
peut demander: a) la cessation du fait internationalement illicite, conformément à l’article 36 bis b) au nom
de l’État lésé et avec son consentement, la réparation due à cet État conformément à l’article 37 bis et au
chapitre II; c) lorsqu’il n’y a pas d’État lésé: i) la restitution dans l’intérêt de la personne ou de l’entité lésée,
conformément à l’article 43, et ii) [des dommages-intérêts punitifs] [des dommages-intérêts correspondant
à la gravité de la violation], conformément à l’article 51, paragraphe 2, à la condition que ces dommages-
intérêts soient utiles au bénéfice des victimes de la violation”. De plus, l’article 46 ter déjà proposé (supra,
paragraphe 284) peut s’appliquer à tout État qui invoque la responsabilité, qu’il soit ou non un État lésé).
De surcroît, les dispositions suivantes devraient être ajoutées à cette partie :
Article 50A*
Contre-mesures au nom d’un État lésé
Tout autre État habilité à invoquer la responsabilité d’un État en vertu de [l’article 40 bis, paragraphe 2]
peut prendre des contre-mesures à la demande et au nom d’un État lésé, sous réserve des conditions
posées par cet État et dans la mesure où cet État est lui-même habilité à prendre ces contre-mesures.
Article 50B
Contre-mesures en cas de violations graves d’obligations
dues à la communauté internationale dans son ensemble
1) Dans les cas mentionnés à l’article 51 où aucun État particulier n’est lésé par la violation, tout État
peut prendre des contre-mesures, sous réserve du présent chapitre et conformément à celui-ci, afin de
garantir la cessation de la violation et la réparation dans l’intérêt des victimes.

600
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

2) Lorsque plus d’un État prennent des contre-mesures en vertu du paragraphe 1, ces États doivent
coopérer pour s’assurer que les conditions posées dans le présent chapitre pour recourir à des contre-
mesures sont remplies.
* Ces articles seraient placés avant l’article 50 bis (Suspension et cessation des contre-mesures) qui a été
proposé supra, par. 367.

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


Cinquante-deuxième session (1er mai-9 juin et 10 juillet-18 août 2000)
Assemblée générale
Documents officiels – Cinquante-cinquième session – Supplément No 10 (A/55/10)
Extrait
Projets d'articles provisoirement adoptés par le Comité de rédaction en seconde lecture
DEUXIÈME PARTIE
CONTENU DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE DES ÉTATS
[…]
Chapitre III
Violations graves d’obligations essentielles envers la communauté internationale
Article 41
Application du présent chapitre
1. Le présent chapitre s’applique à la responsabilité internationale découlant d’un fait
internationalement illicite qui constitue une violation grave par un État d’une obligation envers la
communauté internationale dans son ensemble et essentielle pour la protection de ses intérêts
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

fondamentaux.
2. La violation d’une telle obligation est grave si elle dénote que l’État responsable s’est abstenu de
façon flagrante ou systématique d’exécuter l’obligation, risquant de causer une atteinte substantielle aux
intérêts fondamentaux protégés par celle-ci.
Article 42 [51, 53]
Conséquences des violations graves d’obligations
envers la communauté internationale dans son ensemble
1. Une violation grave au sens de l’article 41 peut entraîner pour l’État qui en est responsable
l’obligation de verser des dommages-intérêts correspondant à la gravité de la violation.
2. Elle fait naître, pour tous les autres États, les obligations :
a) De ne pas reconnaître comme licite la situation créée par la violation ;
b) De ne pas prêter aide ou assistance à l'État responsable pour maintenir la situation ainsi
créée ;
c) De coopérer autant que possible pour mettre fin à la violation.
3. Le présent article est sans préjudice des conséquences prévues au chapitre II et de toute
conséquence supplémentaire que peut entraîner une violation à laquelle s'applique le présent chapitre.
[…]

RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


Cinquante-troisième session (23 avril-1er juin et 2 juillet-10 août 2001)
Assemblée générale
Documents officiels – Cinquante-sixième session – Supplément No. 10 (A/56/10)
Extrait
PROJET D’ARTICLES SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
POUR FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE
e
74. À sa 2709 séance, le 9 août 2001, la Commission, après avoir adopté le texte du projet d’articles
sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, a adopté la résolution suivante par
acclamation :
« La Commission du droit international,
Ayant adopté le projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite,
Exprime à M. James Crawford, Rapporteur spécial, sa profonde gratitude et ses chaleureuses
félicitations pour la contribution exceptionnelle qu’il a apportée à l’élaboration du projet d’articles par son
dévouement et ses efforts inlassables, et pour les résultats qu’il a obtenus dans l’élaboration du projet
d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite. »
75. La Commission a aussi exprimé sa profonde gratitude aux précédents rapporteurs spéciaux, MM.
Francisco V. García-Amador, Roberto Ago, Willem Riphagen et Gaetano Arangio-Ruiz pour leur
contribution exceptionnelle aux travaux sur le sujet.
E. Texte du projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite
1. Texte du projet d’articles

601
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

76. Le texte du projet d’articles adopté par la Commission à sa cinquante-troisième session est
reproduit ci-après :
RESPONSABILITÉ DE L’ÉTAT POUR FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE
PREMIÈRE PARTIE
LE FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE DE L’ÉTAT
CHAPITRE PREMIER
Principes généraux
Article premier
Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite
Tout fait internationalement illicite de l’État engage sa responsabilité internationale.
Article 2
Éléments du fait internationalement illicite de l’État
Il y a fait internationalement illicite de l’État lorsqu’un comportement consistant en une action ou une
omission:
a) Est attribuable à l’État en vertu du droit international; et
b) Constitue une violation d’une obligation internationale de l’État.
Article 3
Qualification du fait de l’État comme internationalement illicite
La qualification du fait de l’État comme internationalement illicite relève du droit international. Une telle
qualification n’est pas affectée par la qualification du même fait comme licite par le droit interne.
CHAPITRE II
Attribution d’un comportement à l’État
Article 4
Comportement des organes de l’État
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1. Le comportement de tout organe de l’État est considéré comme un fait de l’État d’après le droit
international, que cet organe exerce des fonctions législative, exécutive, judiciaire ou autres, quelle que
soit la position qu’il occupe dans l’organisation de l’État, et quelle que soit sa nature en tant qu’organe du
gouvernement central ou d’une collectivité territoriale de l’État.
2. Un organe comprend toute personne ou entité qui a ce statut d’après le droit interne de l’État.
Article 5
Comportement d’une personne ou d’une entité exerçant des prérogatives de puissance publique
Le comportement d’une personne ou entité qui n’est pas un organe de l’État au titre de l’article 4, mais
qui est habilitée par le droit de cet État à exercer des prérogatives de puissance publique, pour autant que,
en l’espèce, cette personne ou entité agisse en cette qualité, est considéré comme un fait de l’État d’après
le droit international.
Article 6
Comportement d’un organe mis à la disposition de l’État par un autre État
Le comportement d’un organe mis à la disposition de l’État par un autre État, pour autant que cet
organe agisse dans l’exercice de prérogatives de puissance publique de l’État à la disposition duquel il se
trouve, est considéré comme un fait du premier État d’après le droit international.
Article 7
Excès de pouvoir ou comportement contraire aux instructions
Le comportement d’un organe de l’État ou d’une personne ou entité habilitée à l’exercice de
prérogatives de puissance publique est considéré comme un fait de l’État d’après le droit international si
cet organe, cette personne ou cette entité agit en cette qualité, même s’il outrepasse sa compétence ou
contrevient à ses instructions.
Article 8
Comportement sous la direction ou le contrôle de l’État
Le comportement d’une personne ou d’un groupe de personnes est considéré comme un fait de l’État
d’après le droit international si cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement,
agit en fait sur les instructions ou les directives ou sous le contrôle de cet État.
Article 9
Comportement en cas d’absence ou de carence des autorités officielles
Le comportement d’une personne ou d’un groupe de personnes est considéré comme un fait de l’État
d’après le droit international si cette personne ou ce groupe de personnes exerce en fait des prérogatives
de puissance publique en cas d’absence ou de carence des autorités officielles et dans des circonstances
qui requièrent l’exercice de ces prérogatives.
Article 10
Comportement d’un mouvement insurrectionnel ou autre
1. Le comportement d’un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement de l’État
est considéré comme un fait de cet État d’après le droit international.
2. Le comportement d’un mouvement insurrectionnel ou autre qui parvient à créer un nouvel État sur
une partie du territoire d’un État préexistant ou sur un territoire sous son administration est considéré
comme un fait de ce nouvel État d’après le droit international.
3. Le présent article est sans préjudice de l’attribution à l’État de tout comportement, lié de quelque
façon que ce soit à celui du mouvement concerné, qui doit être considéré comme un fait de cet État en
vertu des articles 4 à 9.

602
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 11
Comportement reconnu et adopté par l’État comme étant sien
Un comportement qui n’est pas attribuable à l’État selon les articles précédents est néanmoins
considéré comme un fait de cet État d’après le droit international si, et dans la mesure où, cet État
reconnaît et adopte ledit comportement comme sien.
CHAPITRE III
Violation d’une obligation internationale
Article 12
Existence de la violation d’une obligation internationale
Il y a violation d’une obligation internationale par un État lorsqu’un fait dudit État n’est pas conforme à
ce qui est requis de lui en vertu de cette obligation, quelle que soit l’origine ou la nature de celle-ci.
Article 13
Obligation internationale en vigueur à l’égard de l’État
Le fait de l’État ne constitue pas une violation d’une obligation internationale à moins que l’État ne soit
lié par ladite obligation au moment où le fait se produit.
Article 14
Extension dans le temps de la violation d’une obligation internationale
1. La violation d’une obligation internationale par le fait de l’État n’ayant pas un caractère continu a lieu
au moment où le fait se produit, même si ses effets perdurent.
2. La violation d’une obligation internationale par le fait de l’État ayant un caractère continu s’étend sur
toute la période durant laquelle le fait continue et reste non conforme à l’obligation internationale.
3. La violation d’une obligation internationale requérant de l’État qu’il prévienne un événement donné a
lieu au moment où l’événement survient et s’étend sur toute la période durant laquelle l’événement
continue et reste non conforme à cette obligation.
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Article 15
Violation constituée par un fait composite
1. La violation d’une obligation internationale par l’État à raison d’une série d’actions ou d’omissions,
définie dans son ensemble comme illicite, a lieu quand se produit l’action ou l’omission qui, conjuguée aux
autres actions ou omissions, suffit à constituer le fait illicite.
2. Dans un tel cas, la violation s’étend sur toute la période débutant avec la première des actions ou
omissions de la série et dure aussi longtemps que ces actions ou omissions se répètent et restent non
conformes à ladite obligation internationale.
CHAPITRE IV
Responsabilité de l’État à raison du fait d’un autre État
Article 16
Aide ou assistance dans la commission du fait internationalement illicite
L’État qui aide ou assiste un autre État dans la commission du fait internationalement illicite par ce
dernier est internationalement responsable pour avoir agi de la sorte dans le cas où:
a) Ledit État agit ainsi en connaissance des circonstances du fait
internationalement illicite; et
b) Le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet État.
Article 17
Directives et contrôle dans la commission du fait internationalement illicite
L’État qui donne des directives à un autre État et qui exerce un contrôle dans la commission du fait
internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable de ce fait dans le cas où:
a) Ledit État agit ainsi en connaissance des circonstances du fait internationalement illicite; et
b) Le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet État.
Article 18
Contrainte sur un autre État
L’État qui contraint un autre État à commettre un fait est internationalement responsable de ce fait
dans le cas où:
a) Le fait constituerait, en l’absence de contrainte, un fait internationalement illicite de l’État soumis à la
contrainte; et
b) L’État qui exerce la contrainte agit en connaissance des circonstances dudit fait.
Article 19
Effet du présent chapitre
Le présent chapitre est sans préjudice de la responsabilité internationale, en vertu d’autres dispositions
des présents articles, de l’État qui commet le fait en question ou de tout autre État.
CHAPITRE V
Circonstances excluant l’illicéité
Article 20
Consentement
Le consentement valide de l’État à la commission par un autre État d’un fait donné exclut l’illicéité de
ce fait à l’égard du premier État pour autant que le fait reste dans les limites de ce consentement.

603
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 21
Légitime défense
L’illicéité du fait de l’État est exclue si ce fait constitue une mesure licite de légitime défense prise en
conformité avec la Charte des Nations Unies.
Article 22
Contre-mesures à raison d’un fait internationalement illicite
L’illicéité du fait d’un État non conforme à l’une de ses obligations internationales à l’égard d’un autre
État est exclue si, et dans la mesure où, ce fait constitue une contre-mesure prise à l’encontre de cet autre
État conformément au chapitre II de la troisième partie.
Article 23
Force majeure
1. L’illicéité du fait d’un État non conforme à une obligation internationale de cet État est exclue si ce
fait est dû à la force majeure, consistant en la survenance d’une force irrésistible ou d’un événement
extérieur imprévu qui échappe au contrôle de l’État et fait qu’il est matériellement impossible, étant donné
les circonstances, d’exécuter l’obligation.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas:
a) Si la situation de force majeure est due, soit uniquement soit en conjonction avec d’autres
facteurs, au comportement de l’État qui l’invoque; ou
b) Si l’État a assumé le risque que survienne une telle situation.
Article 24
Détresse
1. L’illicéité du fait d’un État non conforme à une obligation internationale de cet État est exclue si
l’auteur dudit fait n’a raisonnablement pas d’autre moyen, dans une situation de détresse, de sauver sa
propre vie ou celle de personnes qu’il a la charge de protéger.
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2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas:


a) Si la situation de détresse est due, soit uniquement soit en conjonction avec d’autres facteurs,
au comportement de l’État qui l’invoque; ou
b) Si ledit fait est susceptible de créer un péril comparable ou plus grave.
Article 25
État de nécessité
1. L’État ne peut invoquer l’état de nécessité comme cause d’exclusion de l’illicéité d’un fait non
conforme à l’une de ses obligations internationales que si ce fait:
a) Constitue pour l’État le seul moyen de protéger un intérêt essentiel contre un péril grave et
imminent; et
b) Ne porte pas gravement atteinte à un intérêt essentiel de l’État ou des États à l’égard desquels
l’obligation existe ou de la communauté internationale dans son ensemble.
2. En tout cas, l’état de nécessité ne peut être invoqué par l’État comme cause d’exclusion de l’illicéité:
a) Si l’obligation internationale en question exclut la possibilité d’invoquer l’état de nécessité; ou
b) Si l’État a contribué à la survenance de cette situation.
Article 26
Respect de normes impératives
Aucune disposition du présent chapitre n’exclut l’illicéité de tout fait de l’État qui n’est pas conforme à
une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général.
Article 27
Conséquences de l’invocation d’une circonstance excluant l’illicéité
L’invocation d’une circonstance excluant l’illicéité conformément au présent chapitre est sans
préjudice:
a) Du respect de l’obligation en question si, et dans la mesure où, la circonstance excluant
l’illicéité n’existe plus;
b) De la question de l’indemnisation de toute perte effective causée par le fait en question.
DEUXIÈME PARTIE
CONTENU DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE DE L’ÉTAT
CHAPITRE PREMIER
Principes généraux
Article 28
Conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite
La responsabilité internationale de l’État qui, conformément aux dispositions de la première partie,
résulte d’un fait internationalement illicite comporte les conséquences juridiques qui sont énoncées dans la
présente partie.
Article 29
Maintien du devoir d’exécuter l’obligation
Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite prévues dans la présente partie
n’affectent pas le maintien du devoir de l’État responsable d’exécuter l’obligation violée.
Article 30
Cessation et non-répétition
L’État responsable du fait internationalement illicite a l’obligation:
a) D’y mettre fin si ce fait continue;

604
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

b) D’offrir des assurances et des garanties de non-répétition appropriées si les circonstances


l’exigent.
Article 31
Réparation
1. L’État responsable est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le fait
internationalement illicite.
2. Le préjudice comprend tout dommage, tant matériel que moral, résultant du fait internationalement
illicite de l’État.
Article 32
Non-pertinence du droit interne
L’État responsable ne peut pas se prévaloir des dispositions de son droit interne pour justifier un
manquement aux obligations qui lui incombent en vertu de la présente partie.
Article 33
Portée des obligations internationales énoncées dans la présente partie
1. Les obligations de l’État responsable énoncées dans la présente partie peuvent être dues à un autre
État, à plusieurs États ou à la communauté internationale dans son ensemble, en fonction notamment de
la nature et du contenu de l’obligation internationale violée et des circonstances de la violation.
2. La présente partie est sans préjudice de tout droit que la responsabilité internationale de l’État peut
faire naître directement au profit d’une personne ou d’une entité autre qu’un État.
CHAPITRE II
Réparation du préjudice
Article 34
Formes de la réparation
La réparation intégrale du préjudice causé par le fait internationalement illicite prend la forme de
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restitution, d’indemnisation et de satisfaction, séparément ou conjointement, conformément aux


dispositions du présent chapitre.
Article 35
Restitution
L’État responsable du fait internationalement illicite a l’obligation de procéder à la restitution consistant
dans le rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit commis, dès lors et pour
autant qu’une telle restitution:
a) N’est pas matériellement impossible;
b) N’impose pas une charge hors de toute proportion avec l’avantage qui dériverait de la
restitution plutôt que de l’indemnisation.
Article 36
Indemnisation
1. L’État responsable du fait internationalement illicite est tenu d’indemniser le dommage causé par ce
fait dans la mesure où ce dommage n’est pas réparé par la restitution.
2. L’indemnité couvre tout dommage susceptible d’évaluation financière, y compris le manque à
gagner dans la mesure où celui-ci est établi.
Article 37
Satisfaction
1. L’État responsable d’un fait internationalement illicite est tenu de donner satisfaction pour le
préjudice causé par ce fait dans la mesure où il ne peut pas être réparé par la restitution ou
l’indemnisation.
2. La satisfaction peut consister en une reconnaissance de la violation, une expression de regrets, des
excuses formelles ou toute autre modalité appropriée.
3. La satisfaction ne doit pas être hors de proportion avec le préjudice et ne peut pas prendre une
forme humiliante pour l’État responsable.
Article 38
Intérêts
1. Des intérêts sur toute somme principale due en vertu du présent chapitre sont payables dans la
mesure nécessaire pour assurer la réparation intégrale. Le taux d’intérêt et le mode de calcul sont fixés de
façon à atteindre ce résultat.
2. Les intérêts courent à compter de la date à laquelle la somme principale aurait dû être versée
jusqu’au jour où l’obligation de payer est exécutée.
Article 39
Contribution au préjudice
Pour déterminer la réparation, il est tenu compte de la contribution au préjudice due à l’action ou à
l’omission, intentionnelle ou par négligence, de l’État lésé ou de toute personne ou entité au titre de
laquelle réparation est demandée.

605
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

CHAPITRE III
Violations graves d’obligations découlant de normes impératives
du droit international général
Article 40
Application du présent chapitre
1. Le présent chapitre s’applique à la responsabilité internationale qui résulte d’une violation grave par
l’État d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général.
2. La violation d’une telle obligation est grave si elle dénote de la part de l’État responsable un
manquement flagrant ou systématique à l’exécution de l’obligation.
Article 41
Conséquences particulières d’une violation grave d’une obligation
en vertu du présent chapitre
1. Les États doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave au sens
de l’article 40.
2. Aucun État ne doit reconnaître comme licite une situation créée par une violation grave au sens de
l’article 40, ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation.
3. Le présent article est sans préjudice des autres conséquences prévues dans la présente partie et de
toute conséquence supplémentaire que peut entraîner, d’après le droit international, une violation à
laquelle s’applique le présent chapitre.
TROISIÈME PARTIE
MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITÉ
INTERNATIONALE DE L’ÉTAT
CHAPITRE PREMIER
Invocation de la responsabilité de l’État
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Article 42
Invocation de la responsabilité par l’État lésé
Un État est en droit en tant qu’État lésé d’invoquer la responsabilité d’un autre État si l’obligation violée
est due:
a) À cet État individuellement; ou
b) À un groupe d’États dont il fait partie ou à la communauté internationale dans son ensemble, et
si la violation de l’obligation:
i) Atteint spécialement cet État; ou
ii) Est de nature à modifier radicalement la situation de tous les autres États auxquels l’obligation
est due quant à l’exécution ultérieure de cette obligation.
Article 43
Notification par l’État lésé
1. L’État lésé qui invoque la responsabilité d’un autre État notifie sa demande à cet État.
2. L’État lésé peut préciser notamment:
a) Le comportement que devrait adopter l’État responsable pour mettre fin au fait illicite si ce fait
continue;
b) La forme que devrait prendre la réparation, conformément aux dispositions de la deuxième
partie.
Article 44
Recevabilité de la demande
La responsabilité de l’État ne peut pas être invoquée si:
a) La demande n’est pas présentée conformément aux règles applicables en matière de
nationalité des réclamations;
b) Toutes les voies de recours internes disponibles et efficaces n’ont pas été épuisées au cas où
la demande est soumise à la règle de l’épuisement des voies de recours internes.
Article 45
Renonciation au droit d’invoquer la responsabilité
La responsabilité de l’État ne peut pas être invoquée si:
a) L’État lésé a valablement renoncé à la demande; ou
b) L’État lésé doit, en raison de son comportement, être considéré comme ayant valablement
acquiescé à l’abandon de la demande.
Article 46
Pluralité d’États lésés
Lorsque plusieurs États sont lésés par le même fait internationalement illicite, chaque État lésé peut
invoquer séparément la responsabilité de l’État qui a commis le fait internationalement illicite.
Article 47
Pluralité d’États responsables
1. Lorsque plusieurs États sont responsables du même fait internationalement illicite, la responsabilité
de chaque État peut être invoquée par rapport à ce fait.
2. Le paragraphe 1:
a) Ne permet à aucun État lésé de recevoir une indemnisation supérieure au dommage qu’il a
subi;
b) Est sans préjudice de tout droit de recours à l’égard des autres États responsables.

606
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 48
Invocation de la responsabilité par un État autre qu’un État lésé
1. Conformément au paragraphe 2, tout État autre qu’un État lésé est en droit d’invoquer la
responsabilité d’un autre État, si:
a) L’obligation violée est due à un groupe d’États dont il fait partie, et si l’obligation est établie aux
fins de la protection d’un intérêt collectif du groupe; ou
b) L’obligation violée est due à la communauté internationale dans son ensemble.
2. Tout État en droit d’invoquer la responsabilité en vertu du paragraphe 1 peut exiger de l’État
responsable:
a) La cessation du fait internationalement illicite et des assurances et garanties de non-répétition,
conformément à l’article 30; et
b) L’exécution de l’obligation de réparation conformément aux articles précédents, dans l’intérêt
de l’État lésé ou des bénéficiaires de l’obligation violée.
3. Les conditions posées par les articles 43, 44 et 45 à l’invocation de la responsabilité par un État lésé
s’appliquent à l’invocation de la responsabilité par un État en droit de le faire en vertu du paragraphe 1.
CHAPITRE II
Contre-mesures
Article 49
Objet et limites des contre-mesures
1. L’État lésé ne peut prendre de contre-mesures à l’encontre de l’État responsable du fait
internationalement illicite que pour amener cet État à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu
de la deuxième partie.
2. Les contre-mesures sont limitées à l’inexécution temporaire d’obligations internationales de l’État
prenant les mesures envers l’État responsable.
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3. Les contre-mesures doivent, autant que possible, être prises d’une manière qui permette la reprise
de l’exécution des obligations en question.
Article 50
Obligations ne pouvant être affectées par des contre-mesures
1. Les contre-mesures ne peuvent porter aucune atteinte:
a) À l’obligation de ne pas recourir à la menace ou à l’emploi de la force telle qu’elle est énoncée
dans la Charte des Nations Unies;
b) Aux obligations concernant la protection des droits fondamentaux de l’homme;
c) Aux obligations de caractère humanitaire excluant les représailles;
d) Aux autres obligations découlant de normes impératives du droit international général.
2. L’État qui prend des contre-mesures n’est pas dégagé des obligations qui lui incombent:
a) En vertu de toute procédure de règlement des différends applicable entre lui et l’État
responsable;
b) De respecter l’inviolabilité des agents, locaux, archives et documents diplomatiques ou
consulaires.
Article 51
Proportionnalité
Les contre-mesures doivent être proportionnelles au préjudice subi, compte tenu de la gravité du fait
internationalement illicite et des droits en cause.
Article 52
Conditions du recours à des contre-mesures
1. Avant de prendre des contre-mesures, l’État lésé doit:
a) Demander à l’État responsable, conformément à l’article 43, de s’acquitter des obligations qui
lui incombent en vertu de la deuxième partie;
b) Notifier à l’État responsable toute décision de prendre des contre-mesures et offrir de négocier
avec cet État.
2. Nonobstant le paragraphe 1 b, l’État lésé peut prendre les contre-mesures urgentes qui sont
nécessaires pour préserver ses droits.
3. Des contre-mesures ne peuvent être prises et, si elles sont déjà prises, doivent être suspendues
sans retard indu si:
a) Le fait internationalement illicite a cessé; et
b) Le différend est en instance devant une cour ou un tribunal habilité à rendre des décisions
obligatoires pour les parties.
4. Le paragraphe 3 ne s’applique pas si l’État responsable ne met pas en œuvre de bonne foi les
procédures de règlement des différends.
Article 53
Cessation des contre-mesures
Il doit être mis fin aux contre-mesures dès que l’État responsable s’est acquitté des obligations qui lui
incombent à raison du fait internationalement illicite conformément à la deuxième partie.
Article 54
Mesures prises par des États autres qu’un État lésé
Le présent chapitre est sans préjudice du droit de tout État, habilité en vertu de l’article 48, paragraphe
1, à invoquer la responsabilité d’un autre État, de prendre des mesures licites à l’encontre de ce dernier

607
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

afin d’assurer la cessation de la violation ainsi que la réparation dans l’intérêt de l’État lésé ou des
bénéficiaires de l’obligation violée.
QUATRIÈME PARTIE
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 55
Lex specialis
Les présents articles ne s’appliquent pas dans les cas et dans la mesure où les conditions d’existence
d’un fait internationalement illicite ou le contenu ou la mise en œuvre de la responsabilité internationale
d’un État sont régis par des règles spéciales de droit international.
Article 56
Questions concernant la responsabilité de l’État non régies par les présents articles
Les règles de droit international applicables continuent de régir les questions concernant la
responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite dans la mesure où ces questions ne sont pas
régies par les présents articles.
Article 57
Responsabilité d’une organisation internationale
Les présents articles sont sans préjudice de toute question relative à la responsabilité d’après le droit
international d’une organisation internationale ou d’un État pour le comportement d’une organisation
internationale.
Article 58
Responsabilité individuelle
Les présents articles sont sans préjudice de toute question relative à la responsabilité individuelle
d’après le droit international de toute personne qui agit pour le compte d’un État.
Article 59
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Charte des Nations Unies


Les présents articles sont sans préjudice de la Charte des Nations Unies.

STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE


(Le texte du Statut de Rome est celui du document distribué sous la cote A/CONF.183/9, en date du
17 juillet 1998, et amendé par les procès-verbaux en date des 10 novembre 1998, 12 juillet 1999, 30
novembre 1999, 8 mai 2000, 17 janvier 2001 et 16 janvier 2002. Le Statut est entré en vigueur le 1er
juillet 2002).
PRÉAMBULE
Les États Parties au présent Statut,
Conscients que tous les peuples sont unis par des liens étroits et que leurs cultures forment un
patrimoine commun, et soucieux du fait que cette mosaïque délicate puisse être brisée à tout moment,
Ayant à l’esprit qu’au cours de ce siècle, des millions d’enfants, de femmes et d’hommes ont été
victimes d’atrocités qui défient l’imagination et heurtent profondément la conscience humaine,
Reconnaissant que des crimes d’une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du
monde,
Affirmant que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne
sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises
dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale,
Déterminés à mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la
prévention de nouveaux crimes,
Rappelant qu’il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables
de crimes internationaux,
Réaffirmant les buts et principes de la Charte des Nations Unies et, en particulier, que tous les États
doivent s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations
Unies,
Soulignant à cet égard que rien dans le présent Statut ne peut être interprété comme autorisant un
État Partie à intervenir dans un conflit armé ou dans les affaires intérieures d’un autre État,
Déterminés, à ces fins et dans l’intérêt des générations présentes et futures, à créer une cour pénale
internationale permanente et indépendante reliée au système des Nations Unies, ayant compétence à
l’égard des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale,
Soulignant que la cour pénale internationale dont le présent Statut porte création est complémentaire
des juridictions pénales nationales,
Résolus à garantir durablement le respect de la justice internationale et sa mise en œuvre,
Sont convenus de ce qui suit :
CHAPITRE PREMIER. INSTITUTION DE LA COUR
Article premier
LA COUR
Il est créé une Cour pénale internationale (« la Cour ») en tant qu’institution permanente, qui peut
exercer sa compétence à l’égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée

608
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

internationale, au sens du présent Statut. Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales. Sa
compétence et son fonctionnement sont régis par les dispositions du présent Statut.
Article 2
LIEN DE LA COUR AVEC LES NATIONS UNIES
La Cour est liée aux Nations Unies par un accord qui doit être approuvé par l’Assemblée des États
Parties au présent Statut, puis conclu par le Président de la Cour au nom de celle-ci.
Article 3
SIÈGE DE LA COUR
1. La Cour a son siège à La Haye, aux Pays-Bas (« l’État hôte »).
2. La Cour et l’État hôte conviennent d’un accord de siège qui doit être approuvé par l’Assemblée des
États Parties, puis conclu par le Président de la Cour au nom de celle-ci.
3. Si elle le juge souhaitable, la Cour peut siéger ailleurs selon les dispositions du présent Statut.
Article 4
RÉGIME ET POUVOIRS JURIDIQUES DE LA COUR
1. La Cour a la personnalité juridique internationale. Elle a aussi la capacité juridique qui lui est
nécessaire pour exercer ses fonctions et accomplir sa mission.
2. La Cour peut exercer ses fonctions et ses pouvoirs, comme prévu dans le présent Statut, sur le
territoire de tout État Partie et, par une convention à cet effet, sur le territoire de tout autre État.
CHAPITRE II. COMPÉTENCE, RECEVABILITÉ ET DROIT APPLICABLE
Article 5
CRIMES RELEVANT DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR
1. La compétence de la Cour est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la
communauté internationale. En vertu du présent Statut, la Cour a compétence à l’égard des crimes
suivants :
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a) Le crime de génocide ;
b) Les crimes contre l’humanité ;
c) Les crimes de guerre ;
d) Le crime d’agression.
2. La Cour exercera sa compétence à l’égard du crime d’agression quand une disposition aura été
adoptée conformément aux articles 121 et 123, qui définira ce crime et fixera les conditions de l’exercice
de la compétence de la Cour à son égard. Cette disposition devra être compatible avec les dispositions
pertinentes de la Charte des Nations Unies.
Article 6
CRIME DE GÉNOCIDE
Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l’un quelconque des actes ci-après
commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa
destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Article 7
CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ
1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après
lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute
population civile et en connaissance de cette attaque :
a) Meurtre ;
b) Extermination ;
c) Réduction en esclavage ;
d) Déportation ou transfert forcé de population ;
e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des
dispositions fondamentales du droit international ;
f) Torture ;
g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre
forme de violence sexuelle de gravité comparable ;
h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique,
racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction
d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en
corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la
compétence de la Cour ;
i) Disparitions forcées de personnes ;
j) Crime d’apartheid ;
k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes
souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.

609
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. Aux fins du paragraphe 1 :


a) Par « attaque lancée contre une population civile », on entend le comportement qui consiste en
la commission multiple d’actes visés au paragraphe 1 à l’encontre d’une population civile
quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation
ayant pour but une telle attaque ;
b) Par « extermination », on entend notamment le fait d’imposer intentionnellement des conditions
de vie, telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner
la destruction d’une partie de la population ;
c) Par « réduction en esclavage », on entend le fait d’exercer sur une personne l’un quelconque
ou l’ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des être
humains, en particulier des femmes et des enfants ;
d) Par « déportation ou transfert forcé de population », on entend le fait de déplacer de force des
personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent
légalement, sans motifs admis en droit international ;
e) Par « torture », on entend le fait d’infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances
aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle ;
l’acception de ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de
sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles ;
f) Par « grossesse forcée », on entend la détention illégale d’une femme mise enceinte de force,
dans l’intention de modifier la composition ethnique d’une population ou de commettre d’autres
violations graves du droit international. Cette définition ne peut en aucune manière s’interpréter
comme ayant une incidence sur les lois nationales relatives à la grossesse ;
g) Par « persécution », on entend le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en
violation du droit international, pour des motifs liés à l’identité du groupe ou de la collectivité qui
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en fait l’objet ;
h) Par « crime d’apartheid », on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le
paragraphe 1, commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et
de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et
dans l’intention de maintenir ce régime ;
i) Par « disparitions forcées de personnes », on entend les cas où des personnes sont arrêtées,
détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l’autorisation, l’appui ou
l’assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse ensuite d’admettre que ces
personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l’endroit où elles se
trouvent, dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée.
3. Aux fins du présent Statut, le terme « sexe » s’entend de l’un et l’autre sexes, masculin et féminin,
suivant le contexte de la société. Il n’implique aucun autre sens.
Article 8
CRIMES DE GUERRE
1. La Cour a compétence à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent
dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis
sur une grande échelle.
2. Aux fins du Statut, on entend par « crimes de guerre »:
a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l’un quelconque
des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des
Conventions de Genève :
i) L’homicide intentionnel ;
ii) La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques ;
iii) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à
l’intégrité physique ou à la santé ;
iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et
exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ;
v) Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les
forces d’une puissance ennemie ;
vi) Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée
de son droit d’être jugé régulièrement et impartialement ;
vii) La déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale ;
viii) La prise d’otages ;
b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux
dans le cadre établi du droit international, à savoir, l’un quelconque des actes ci-après :
i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou
contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilités ;
ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c’est-à-
dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires ;
iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le
matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou
de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit

610
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de
caractère civil ;
iv) Le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causera incidemment des
pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des
dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à
l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de
l’avantage militaire concret et direct attendu ;
v) Le fait d’attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages,
habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires ;
vi) Le fait de tuer ou de blesser un combattant qui, ayant déposé les armes ou n’ayant plus de
moyens de se défendre, s’est rendu à discrétion ;
vii) Le fait d’utiliser indûment le pavillon parlementaire, le drapeau ou les insignes militaires et
l’uniforme de l’ennemi ou de l’Organisation des Nations Unies, ainsi que les signes distinctifs
prévus par les Conventions de Genève, et, ce faisant, de causer la perte de vies humaines ou
des blessures graves ;
viii) Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population
civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du
territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire ;
ix) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion,
à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des
hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition qu’ils ne soient
pas des objectifs militaires ;
x) Le fait de soumettre des personnes d’une partie adverse tombées en son pouvoir à des
mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu’elles soient qui ne sont ni
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motivées par un traitement médical, dentaire ou hospitalier, ni effectuées dans l’intérêt de ces
personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé ;
xi) Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise des individus appartenant à la nation ou à l’armée
ennemie ;
xii) Le fait de déclarer qu’il ne sera pas fait de quartier ;
xiii) Le fait de détruire ou de saisir les biens de l’ennemi, sauf dans les cas où ces destructions ou
saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre ;
xiv) Le fait de déclarer éteints, suspendus ou non recevables en justice les droits et actions des
nationaux de la partie adverse ;
xv) Le fait pour un belligérant de contraindre les nationaux de la partie adverse à prendre part aux
opérations de guerre dirigées contre leur pays, même s’ils étaient au service de ce belligérant
avant le commencement de la guerre ;
xvi) Le pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut ;
xvii) Le fait d’employer du poison ou des armes empoisonnées ;
xviii) Le fait d’employer des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous liquides,
matières ou procédés analogues ;
xix) Le fait d’utiliser des balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement dans le corps
humain, telles que des balles dont l’enveloppe dure ne recouvre pas entièrement le centre ou est
percée d’entailles ;
xx) Le fait d’employer les armes, projectiles, matières et méthodes de guerre de nature à causer
des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à frapper sans discrimination en violation du
droit international des conflits armés, à condition que ces armes, projectiles, matières et
méthodes de guerre fassent l’objet d’une interdiction générale et qu’ils soient inscrits dans une
annexe au présent Statut, par voie d’amendement adopté selon les dispositions des articles 121
et 123 ;
xxi) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et
dégradants ;
xxii) Le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à
l’article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle
constituant une infraction grave aux Conventions de Genève ;
xxiii) Le fait d’utiliser la présence d’un civil ou d’une autre personne protégée pour éviter que
certains points, zones ou forces militaires ne soient la cible d’opérations militaires ;
xxiv) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités
et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit
international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève ;
xxv) Le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, en les privant de biens
indispensables à leur survie, y compris en empêchant intentionnellement l’envoi des secours
prévus par les Conventions de Genève ;
xxvi) Le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans
les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités ;
c) En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international, les violations graves de
l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l’un quelconque
des actes ci-après commis à l’encontre de personnes qui ne participent pas directement aux

611
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes
qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention ou par toute autre cause :
i) Les atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes,
les mutilations, les traitements cruels et la torture ;
ii) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants ;
iii) Les prises d’otages ;
iv) Les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable,
rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires généralement
reconnues comme indispensables ;
d) L’alinéa c) du paragraphe 2 s’applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère
international et ne s’applique donc pas aux situations de troubles et tensions internes telles que
les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire ;
e) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés ne présentant
pas un caractère international, dans le cadre établi du droit international, à savoir l’un quelconque
des actes ci-après :
i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou
contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités ;
ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités et
les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international,
les signes distinctifs des Conventions de Genève ;
iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le
matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou
de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit
à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de
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caractère civil ;
iv) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion,
à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des
hôpitaux et des lieux où des malades et des blessés sont rassemblés, pour autant que ces
bâtiments ne soient pas des objectifs militaires ;
v) Le pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut ;
vi) Le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à
l’article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée, ou toute autre forme de violence sexuelle
constituant une violation grave de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève ;
vii) Le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les
forces armées ou dans des groupes armés ou de les faire participer activement à des hostilités ;
viii) Le fait d’ordonner le déplacement de la population civile pour des raisons ayant trait au
conflit, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exigent ;
ix) Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise un adversaire combattant ;
x) Le fait de déclarer qu’il ne sera pas fait de quartier ;
xi) Le fait de soumettre des personnes d’une autre partie au conflit tombées en son pouvoir à des
mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu’elles soient qui ne sont ni
motivées par un traitement médical, dentaire ou hospitalier, ni effectuées dans l’intérêt de ces
personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé ;
xii) Le fait de détruire ou de saisir les biens d’un adversaire, sauf si ces destructions ou saisies
sont impérieusement commandées par les nécessités du conflit ;
f) L’alinéa e) du paragraphe 2 s’applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère
international et ne s’applique donc pas aux situations de troubles et tensions internes telles que
les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire. Il
s’applique aux conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d’un État les
autorités du gouvernement de cet État et des groupes armés organisés ou des groupes armés
organisés entre eux.
3. Rien dans le paragraphe 2, alinéas c) et e), n’affecte la responsabilité d’un gouvernement de
maintenir ou rétablir l’ordre public dans l’État ou de défendre l’unité et l’intégrité territoriale de l’État par
tous les moyens légitimes.
Article 9
ÉLÉMENTS DES CRIMES
1. Les éléments des crimes aident la Cour à interpréter et appliquer les articles 6, 7 et 8. Ils doivent
être adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée des États Parties.
2. Des amendements aux éléments des crimes peuvent être proposés par :
a) Tout État Partie ;
b) Les juges, statuant à la majorité absolue ;
c) Le Procureur.
Les amendements doivent être adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée des
États Parties.
3. Les éléments des crimes et les amendements s’y rapportant sont conformes au présent Statut.

612
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 10
Aucune disposition du présent chapitre ne doit être interprétée comme limitant ou affectant de quelque
manière que ce soit les règles du droit international existantes ou en formation qui visent d’autres fins que
le présent Statut.
Article 11
COMPÉTENCE RATIONE TEMPORIS
1. La Cour n’a compétence qu’à l’égard des crimes relevant de sa compétence commis après l’entrée
en vigueur du présent Statut.
2. Si un État devient Partie au présent Statut après l’entrée en vigueur de celui-ci, la Cour ne peut
exercer sa compétence qu’à l’égard des crimes commis après l’entrée en vigueur du Statut pour cet État,
sauf si ledit État fait la déclaration prévue à l’article 12, paragraphe 3.
Article 12
CONDITIONS PRÉALABLES À L’EXERCICE DE LA COMPÉTENCE
1. Un État qui devient Partie au Statut accepte par là même la compétence de la Cour à l’égard des
crimes visés à l’article 5.
2. Dans les cas visés à l’article 13, paragraphes a) ou c), la Cour peut exercer sa compétence si l’un
des États suivants ou les deux sont Parties au présent Statut ou ont accepté la compétence de la Cour
conformément au paragraphe 3 :
a) L’État sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu ou, si le crime a été commis à bord
d’un navire ou d’un aéronef, l’État du pavillon ou l’État d’immatriculation ;
b) L’État dont la personne accusée du crime est un ressortissant.
3. Si l’acceptation de la compétence de la Cour par un État qui n’est pas Partie au présent Statut est
nécessaire aux fins du paragraphe 2, cet État peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir
à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit. L’État ayant accepté la
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compétence de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans exception conformément au chapitre IX.
Article 13
EXERCICE DE LA COMPÉTENCE
La Cour peut exercer sa compétence à l’égard d’un crime visé à l’article 5, conformément aux
dispositions du présent Statut :
a) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est
déférée au Procureur par un État Partie, comme prévu à l’article 14 ;
b) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est
déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des
Nations Unies ; ou
c) Si le Procureur a ouvert une enquête sur le crime en question en vertu de l’article 15.
Article 14
RENVOI D’UNE SITUATION PAR UN ÉTAT PARTIE
1. Tout État Partie peut déférer au Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes
relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis, et prier le Procureur d’enquêter sur
cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes identifiées devraient être accusées de
ces crimes.
2. L’État qui procède au renvoi indique autant que possible les circonstances pertinentes de l’affaire et
produit les pièces à l’appui dont il dispose.
Article 15
LE PROCUREUR
1. Le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu de renseignements concernant
des crimes relevant de la compétence de la Cour.
2. Le Procureur vérifie le sérieux des renseignements reçus. À cette fin, il peut rechercher des
renseignements supplémentaires auprès d’États, d’organes de l’Organisation des Nations Unies,
d’organisations intergouvernementales et non gouvernementales, ou d’autres sources dignes de foi qu’il
juge appropriées, et recueillir des dépositions écrites ou orales au siège de la Cour.
3. S’il conclut qu’il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête, le Procureur présente à la
Chambre préliminaire une demande d’autorisation en ce sens, accompagnée de tout élément justificatif
recueilli. Les victimes peuvent adresser des représentations à la Chambre préliminaire, conformément au
Règlement de procédure et de preuve.
4. Si elle estime, après examen de la demande et des éléments justificatifs qui l’accompagnent, qu’il
existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête et que l’affaire semble relever de la compétence de
la Cour, la Chambre préliminaire donne son autorisation, sans préjudice des décisions que la Cour
prendra ultérieurement en matière de compétence et de recevabilité.
5. Une réponse négative de la Chambre préliminaire n’empêche pas le Procureur de présenter par la
suite une nouvelle demande en se fondant sur des faits ou des éléments de preuve nouveaux ayant trait à
la même situation.
6. Si, après l’examen préliminaire visé aux paragraphes 1 et 2, le Procureur conclut que les
renseignements qui lui ont été soumis ne constituent pas une base raisonnable pour l’ouverture d’une
enquête, il en avise ceux qui les lui ont fournis. Il ne lui est pas pour autant interdit d’examiner, à la lumière
de faits ou d’éléments de preuve nouveaux, les autres renseignements qui pourraient lui être
communiqués au sujet de la même affaire.

613
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 16
SURSIS À ENQUÊTER OU À POURSUIVRE
Aucune enquête ni aucune poursuite ne peuvent être engagées ni menées en vertu du présent Statut
pendant les douze mois qui suivent la date à laquelle le Conseil de sécurité a fait une demande en ce
sens à la Cour dans une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies ; la
demande peut être renouvelée par le Conseil dans les mêmes conditions.
Article 17
QUESTIONS RELATIVES À LA RECEVABILITÉ
1. Eu égard au dixième alinéa du préambule et à l’article premier, une affaire est jugée irrecevable par
la Cour lorsque :
a) L’affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en
l’espèce, à moins que cet État n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de mener
véritablement à bien l’enquête ou les poursuites ;
b) L’affaire a fait l’objet d’une enquête de la part d’un État ayant compétence en l’espèce et que
cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit
l’effet du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien des
poursuites ;
c) La personne concernée a déjà été jugée pour le comportement faisant l’objet de la plainte, et
qu’elle ne peut être jugée par la Cour en vertu de l’article 20, paragraphe 3 ;
d) L’affaire n’est pas suffisamment grave pour que la Cour y donne suite.
2. Pour déterminer s’il y a manque de volonté de l’État dans un cas d’espèce, la Cour considère
l’existence, eu égard aux garanties d’un procès équitable reconnues par le droit international, de l’une ou
de plusieurs des circonstances suivantes :
a) La procédure a été ou est engagée ou la décision de l’État a été prise dans le dessein de
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soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour les crimes relevant de la


compétence de la Cour visés à l’article 5 ;
b) La procédure a subi un retard injustifié qui, dans les circonstances, est incompatible avec
l’intention de traduire en justice la personne concernée ;
c) La procédure n’a pas été ou n’est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais
d’une manière qui, dans les circonstances, est incompatible avec l’intention de traduire en justice
la personne concernée.
3. Pour déterminer s’il y a incapacité de l’État dans un cas d’espèce, la Cour considère si l’État est
incapable, en raison de l’effondrement de la totalité ou d’une partie substantielle de son propre appareil
judiciaire ou de l’indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l’accusé, de réunir les éléments de preuve et les
témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure.
Article 18
DÉCISION PRÉLIMINAIRE SUR LA RECEVABILITÉ
1. Lorsqu’une situation a été déférée à la Cour comme le prévoit l’article 13, alinéa a), et que le
Procureur a déterminé qu’il y aurait une base raisonnable pour ouvrir une enquête, ou lorsque le
Procureur a ouvert une enquête au titre des articles 13, paragraphe c), et 15, le Procureur le notifie à tous
les États Parties et aux États qui, selon les renseignements disponibles, auraient normalement
compétence à l’égard des crimes dont il s’agit. Il peut le faire à titre confidentiel et, quand il juge que cela
est nécessaire pour protéger des personnes, prévenir la destruction d’éléments de preuve ou empêcher la
fuite de personnes, il peut restreindre l’étendue des renseignements qu’il communique aux États.
2. Dans le mois qui suit la réception de cette notification, un État peut informer la Cour qu’il ouvre ou a
ouvert une enquête sur ses ressortissants ou d’autres personnes sous sa juridiction pour des actes
criminels qui pourraient être constitutifs des crimes visés à l’article 5 et qui ont un rapport avec les
renseignements notifiés aux États. Si l’État le lui demande, le Procureur lui défère le soin de l’enquête sur
ces personnes, à moins que la Chambre préliminaire ne l’autorise, sur sa demande, à faire enquête lui-
même.
3. Ce sursis à enquêter peut être réexaminé par le Procureur six mois après avoir été décidé, ou à tout
moment où il se sera produit un changement notable de circonstances découlant du manque de volonté
ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien l’enquête modifie sensiblement les
circonstances.
4. L’État intéressé ou le Procureur peut relever appel devant la Chambre d’appel de la décision de la
Chambre préliminaire, comme le prévoit l’article 82. Cet appel peut être examiné selon une procédure
accélérée.
5. Lorsqu’il sursoit à enquêter comme prévu au paragraphe 2, le Procureur peut demander à l’État
concerné de lui rendre régulièrement compte des progrès de son enquête et, le cas échéant, des
poursuites engagées par la suite. Les États Parties répondent à ces demandes sans retard injustifié.
6. En attendant la décision de la Chambre préliminaire, ou à tout moment après avoir décidé de
surseoir à son enquête comme le prévoit le présent article, le Procureur peut, à titre exceptionnel,
demander à la Chambre préliminaire l’autorisation de prendre les mesures d’enquête nécessaires pour
préserver des éléments de preuve dans le cas où l’occasion de recueillir des éléments de preuve
importants ne se représentera pas ou s’il y a un risque appréciable que ces éléments de preuve ne soient
plus disponibles par la suite.

614
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

7. L’État qui a contesté une décision de la Chambre préliminaire en vertu du présent article peut
contester la recevabilité d’une affaire au regard de l’article 19 en invoquant des faits nouveaux ou un
changement de circonstances notables.
Article 19
CONTESTATION DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR OU DE LA RECEVABILITÉ D’UNE AFFAIRE
1. La Cour s’assure qu’elle est compétente pour connaître de toute affaire portée devant elle. Elle peut
d’office se prononcer sur la recevabilité de l’affaire conformément à l’article 17.
2. Peuvent contester la recevabilité de l’affaire pour les motifs indiqués à l’article 17 ou contester la
compétence de la Cour :
a) L’accusé ou la personne à l’encontre de laquelle a été délivré un mandat d’arrêt ou une citation
à comparaître en vertu de l’article 58 ;
b) L’État qui est compétent à l’égard du crime considéré du fait qu’il mène ou a mené une
enquête, ou qu’il exerce ou a exercé des poursuites en l’espèce ; ou
c) L’État qui doit avoir accepté la compétence de la Cour selon l’article 12.
3. Le Procureur peut demander à la Cour de se prononcer sur une question de compétence ou de
recevabilité. Dans les procédures portant sur la compétence ou la recevabilité, ceux qui ont déféré une
situation en application de l’article 13, ainsi que les victimes, peuvent également soumettre des
observations à la Cour.
4. La recevabilité d’une affaire ou la compétence de la Cour ne peut être contestée qu’une fois par les
personnes ou les États visés au paragraphe 2. L’exception doit être soulevée avant l’ouverture ou à
l’ouverture du procès. Dans des circonstances exceptionnelles, la Cour peut autoriser qu’une exception
soit soulevée plus d’une fois ou à une phase ultérieure du procès. Les exceptions d’irrecevabilité
soulevées à l’ouverture du procès, ou par la suite avec l’autorisation de la Cour, ne peuvent être fondées
que sur les dispositions de l’article 17, paragraphe 1, alinéa c).
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5. Les États visés au paragraphe 2, alinéas b) et c), soulèvent leur exception le plus tôt possible.
6. Avant la confirmation des charges, les exceptions d’irrecevabilité ou d’incompétence sont renvoyées
à la Chambre préliminaire. Après la confirmation des charges, elles sont renvoyées à la Chambre de
première instance. Il peut être fait appel des décisions portant sur la compétence ou la recevabilité devant
la Chambre d’appel conformément à l’article 82.
7. Si l’exception est soulevée par l’État visé au paragraphe 2, alinéas b) ou c), le Procureur sursoit à
enquêter jusqu’à ce que la Cour ait pris la décision prévue à l’article 17.
8. En attendant qu’elle statue, le Procureur peut demander à la Cour l’autorisation :
a) De prendre les mesures d’enquête visées à l’article 18, paragraphe 6 ;
b) De recueillir la déposition ou le témoignage d’un témoin ou de mener à bien les opérations de
rassemblement et d’examen des éléments de preuve commencées avant que l’exception ait été
soulevée ;
c) D’empêcher, en coopération avec les États concernés, la fuite des personnes contre lesquelles
le Procureur a déjà requis un mandat d’arrêt conformément à l’article 58.
9. Une exception n’entache en rien la validité de toute action du Procureur ou de toute ordonnance
rendue ou de tout mandat délivré par la Cour avant que l’exception ait été soulevée.
10. Quand la Cour a jugé une affaire irrecevable au regard de l’article 17, le Procureur peut lui
demander de reconsidérer sa décision s’il est certain que des faits nouvellement apparus infirment les
raisons pour lesquelles l’affaire avait été jugée irrecevable en vertu de l’article 17.
11. Si, eu égard aux questions visées à l’article 17, le Procureur sursoit à enquêter, il peut demander à
l’État intéressé de lui communiquer des renseignements sur le déroulement de la procédure. Ces
renseignements sont tenus confidentiels si l’État le demande. Si le Procureur décide par la suite d’ouvrir
une enquête, il notifie sa décision à l’État dont la procédure était à l’origine du sursis.
Article 20
NE BIS IN IDEM
1. Sauf disposition contraire du présent Statut, nul ne peut être jugé par la Cour pour des actes
constitutifs de crimes pour lesquels il a déjà été condamné ou acquitté par elle.
2. Nul ne peut être jugé par une autre juridiction pour un crime visé à l’article 5 pour lequel il a déjà été
condamné ou acquitté par la Cour.
3. Quiconque a été jugé par une autre juridiction pour un comportement tombant aussi sous le coup
des articles 6, 7 ou 8 ne peut être jugé par la Cour que si la procédure devant l’autre juridiction :
a) Avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes
relevant de la compétence de la Cour ; ou
b) N’a pas été au demeurant menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des
garanties d’un procès équitable prévues par le droit international, mais d’une manière qui, dans les
circonstances, était incompatible avec l’intention de traduire l’intéressé en justice.
Article 21
DROIT APPLICABLE
1. La Cour applique:
a) En premier lieu, le présent Statut, les éléments des crimes et le Règlement de procédure et de
preuve ;
b) En second lieu, selon qu’il convient, les traités applicables et les principes et règles du droit
international, y compris les principes établis du droit international des conflits armés ;

615
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

c) À défaut, les principes généraux du droit dégagés par la Cour à partir des lois nationales
représentant les différents systèmes juridiques du monde, y compris, selon qu’il convient, les lois
nationales des États sous la juridiction desquels tomberait normalement le crime, si ces principes
ne sont pas incompatibles avec le présent Statut ni avec le droit international et les règles et
normes internationales reconnues.
2. La Cour peut appliquer les principes et règles de droit tels qu’elle les a interprétés dans ses
décisions antérieures.
3. L’application et l’interprétation du droit prévues au présent article doivent être compatibles avec les
droits de l’homme internationalement reconnus et exemptes de toute discrimination fondée sur des
considérations telles que l’appartenance à l’un ou l’autre sexe tel que défini à l’article 7, paragraphe 3,
l’âge, la race, la couleur, la langue, la religion ou la conviction, les opinions politiques ou autres, l’origine
nationale, ethnique ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre qualité.
CHAPITRE III. PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT PÉNAL
Article 22
NULLUM CRIMEN SINE LEGE
1. Une personne n’est responsable pénalement en vertu du présent Statut que si son comportement
constitue, au moment où il se produit, un crime relevant de la compétence de la Cour.
2. La définition d’un crime est d’interprétation stricte et ne peut être étendue par analogie. En cas
d’ambiguïté, elle est interprétée en faveur de la personne qui fait l’objet d’une enquête, de poursuites ou
d’une condamnation.
3. Le présent article n’empêche pas qu’un comportement soit qualifié de crime au regard du droit
international, indépendamment du présent Statut.
Article 23
NULLA POENA SINE LEGE
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Une personne qui a été condamnée par la Cour ne peut être punie que conformément aux dispositions
du présent Statut.
Article 24
NON-RÉTROACTIVITÉ RATIONE PERSONAE
1. Nul n’est pénalement responsable, en vertu du présent Statut, pour un comportement antérieur à
l’entrée en vigueur du Statut.
2. Si le droit applicable à une affaire est modifié avant le jugement définitif, c’est le droit le plus
favorable à la personne faisant l’objet d’une enquête, de poursuites ou d’une condamnation qui s’applique.
Article 25
RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE
1. La Cour est compétente à l’égard des personnes physiques en vertu du présent Statut.
2. Quiconque commet un crime relevant de la compétence de la Cour est individuellement responsable
et peut être puni conformément au présent Statut.
3. Aux termes du présent Statut, une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un
crime relevant de la compétence de la Cour si :
a) Elle commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec une autre personne ou
par l’intermédiaire d’une autre personne, que cette autre personne soit ou non pénalement
responsable ;
b) Elle ordonne, sollicite ou encourage la commission d’un tel crime, dès lors qu’il y a commission ou
tentative de commission de ce crime ;
c) En vue de faciliter la commission d’un tel crime, elle apporte son aide, son concours ou toute autre
forme d’assistance à la commission ou à la tentative de commission de ce crime, y compris en
fournissant les moyens de cette commission ;
d) Elle contribue de toute autre manière à la commission ou à la tentative de commission d’un tel crime
par un groupe de personnes agissant de concert. Cette contribution doit être intentionnelle et, selon le
cas :
i) Viser à faciliter l’activité criminelle ou le dessein criminel du groupe, si cette activité ou ce dessein
comporte l’exécution d’un crime relevant de la compétence de la Cour ; ou
ii) Être faite en pleine connaissance de l’intention du groupe de commettre ce crime ;
e) S’agissant du crime de génocide, elle incite directement et publiquement autrui à le commettre ;
f) Elle tente de commettre un tel crime par des actes qui, par leur caractère substantiel, constituent un
commencement d’exécution mais sans que le crime soit accompli en raison de circonstances
indépendantes de sa volonté. Toutefois, la personne qui abandonne l’effort tendant à commettre le
crime ou en empêche de quelque autre façon l’achèvement ne peut être punie en vertu du présent
Statut pour sa tentative si elle a complètement et volontairement renoncé au dessein criminel.
4. Aucune disposition du présent Statut relative à la responsabilité pénale des individus n’affecte la
responsabilité des États en droit international.
Article 26
INCOMPÉTENCE À L’ÉGARD DES PERSONNES DE MOINS DE 18 ANS
La Cour n’a pas compétence à l’égard d’une personne qui était âgée de moins de 18 ans au moment
de la commission prétendue d’un crime.

616
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 27
DÉFAUT DE PERTINENCE DE LA QUALITÉ OFFICIELLE
1. Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité
officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un
gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la
responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif
de réduction de la peine.
2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une
personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa
compétence à l’égard de cette personne.
Article 28
RESPONSABILITÉ DES CHEFS MILITAIRES ET AUTRES SUPÉRIEURS HIÉRARCHIQUES
Outre les autres motifs de responsabilité pénale au regard du présent Statut pour des crimes relevant
de la compétence de la Cour :
a) Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement
responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son
commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas,
lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où :
i) Ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces
forces commettaient ou allaient commettre ces crimes ; et
ii) Ce chef militaire ou cette personne n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui
étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités
compétentes aux fins d’enquête et de poursuites ;
b) En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au
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paragraphe a), le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de la
compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs,
lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dans les cas où :
i) Le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces
crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement ;
ii) Ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ; et
iii) Le supérieur hiérarchique n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en
son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes
aux fins d’enquête et de poursuites.
Article 29
IMPRESCRIPTIBILITÉ
Les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas.
Article 30
ÉLÉMENT PSYCHOLOGIQUE
1. Sauf disposition contraire, nul n’est pénalement responsable et ne peut être puni à raison d’un crime
relevant de la compétence de la Cour que si l’élément matériel du crime est commis avec intention et
connaissance.
2. Il y a intention au sens du présent article lorsque :
a) Relativement à un comportement, une personne entend adopter ce comportement ;
b) Relativement à une conséquence, une personne entend causer cette conséquence ou est
consciente que celle-ci adviendra dans le cours normal des événements.
3. Il y a connaissance, au sens du présent article, lorsqu’une personne est consciente qu’une
circonstance existe ou qu’une conséquence adviendra dans le cours normal des événements.
« Connaître » et « en connaissance de cause » s’interprètent en conséquence.
Article 31
MOTIFS D’EXONÉRATION DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
1. Outre les autres motifs d’exonération de la responsabilité pénale prévus par le présent Statut, une
personne n’est pas responsable pénalement si, au moment du comportement en cause :
a) Elle souffrait d’une maladie ou d’une déficience mentale qui la privait de la faculté de
comprendre le caractère délictueux ou la nature de son comportement, ou de maîtriser celui-ci
pour le conformer aux exigences de la loi ;
b) Elle était dans un état d’intoxication qui la privait de la faculté de comprendre le caractère
délictueux ou la nature de son comportement, ou de maîtriser celui-ci pour le conformer aux
exigences de la loi, à moins qu’elle ne se soit volontairement intoxiquée dans des circonstances
telles qu’elle savait que, du fait de son intoxication, elle risquait d’adopter un comportement
constituant un crime relevant de la compétence de la Cour, ou qu’elle n’ait tenu aucun compte de
ce risque ;
c) Elle a agi raisonnablement pour se défendre, pour défendre autrui ou, dans le cas des crimes
de guerre, pour défendre des biens essentiels à sa survie ou à celle d’autrui ou essentiels à
l’accomplissement d’une mission militaire, contre un recours imminent et illicite à la force, d’une
manière proportionnée à l’ampleur du danger qu’elle courait ou que couraient l’autre personne ou
les biens protégés. Le fait qu’une personne ait participé à une opération défensive menée par des

617
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

forces armées ne constitue pas en soi un motif d’exonération de la responsabilité pénale au titre
du présent alinéa ;
d) Le comportement dont il est allégué qu’il constitue un crime relevant de la compétence de la
Cour a été adopté sous la contrainte résultant d’une menace de mort imminente ou d’une atteinte
grave, continue ou imminente à sa propre intégrité physique ou à celle d’autrui, et si elle a agi par
nécessité et de façon raisonnable pour écarter cette menace, à condition qu’elle n’ait pas eu
l’intention de causer un dommage plus grand que celui qu’elle cherchait à éviter. Cette menace
peut être :
i) Soit exercée par d’autres personnes ;
ii) Soit constituée par d’autres circonstances indépendantes de sa volonté.
2. La Cour se prononce sur la question de savoir si les motifs d’exonération de la responsabilité pénale
prévus dans le présent Statut sont applicables au cas dont elle est saisie.
3. Lors du procès, la Cour peut prendre en considération un motif d’exonération autre que ceux qui
sont prévus au paragraphe 1, si ce motif découle du droit applicable indiqué à l’article 21. La procédure
d’examen de ce motif d’exonération est fixée dans le Règlement de procédure et de preuve.
Article 32
ERREUR DE FAIT OU ERREUR DE DROIT
1. Une erreur de fait n’est un motif d’exonération de la responsabilité pénale que si elle fait disparaître
l’élément psychologique du crime.
2. Une erreur de droit portant sur la question de savoir si un comportement donné constitue un crime
relevant de la compétence de la Cour n’est pas un motif d’exonération de la responsabilité pénale.
Toutefois, une erreur de droit peut être un motif d’exonération de la responsabilité pénale si elle fait
disparaître l’élément psychologique du crime ou si elle relève de l’article 33.
Article 33
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ORDRE HIÉRARCHIQUE ET ORDRE DE LA LOI


1. Le fait qu’un crime relevant de la compétence de la Cour a été commis sur ordre d’un gouvernement
ou d’un supérieur, militaire ou civil, n’exonère pas la personne qui l’a commis de sa responsabilité pénale,
à moins que :
a) Cette personne n’ait eu l’obligation légale d’obéir aux ordres du gouvernement ou du supérieur
en question ;
b) Cette personne n’ait pas su que l’ordre était illégal ; et
c) L’ordre n’ait pas été manifestement illégal.
2. Aux fins du présent article, l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité est
manifestement illégal.
CHAPITRE IV. COMPOSITION ET ADMINISTRATION DE LA COUR
Article 34
ORGANES DE LA COUR
Les organes de la Cour sont les suivants :
a) La Présidence ;
b) Une Section des appels, une Section de première instance et une Section préliminaire ;
c) Le Bureau du Procureur ;
d) Le Greffe.
Article 35
EXERCICE DES FONCTIONS DES JUGES
1. Tous les juges sont élus en tant que membres à plein temps de la Cour et sont disponibles pour
exercer leurs fonctions à plein temps dès que commence leur mandat.
2. Les juges qui composent la Présidence exercent leurs fonctions à plein temps dès leur élection.
3. La Présidence peut, en fonction de la charge de travail de la Cour et en consultation avec les autres
juges, décider périodiquement de la mesure dans laquelle ceux-ci sont tenus d’exercer leurs fonctions à
plein temps. Les décisions prises à cet égard le sont sans préjudice des dispositions de l’article 40.
4. Les arrangements financiers concernant les juges qui ne sont pas tenus d’exercer leurs fonctions à
plein temps sont établis conformément à l’article 49.
Article 36
QUALIFICATIONS, CANDIDATURE ET ÉLECTION DES JUGES
1. Sous réserve du paragraphe 2, la Cour se compose de 18 juges.
2. a) La Présidence peut au nom de la Cour proposer d’augmenter le nombre des juges fixé au
paragraphe 1, en motivant dûment sa proposition. Celle-ci est communiquée sans délai à tous les
États Parties par le Greffier.
b) La proposition est ensuite examinée lors d’une réunion de l’Assemblée des États Parties convoquée
conformément à l’article 112. Elle est considérée comme adoptée si elle est approuvée à cette réunion
à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée des États Parties. Elle devient effective à la
date que fixe l’Assemblée des États Parties.
c) i) Quand la proposition d’augmenter le nombre des juges a été adoptée conformément à l’alinéa b),
l’élection des juges supplémentaires a lieu à la réunion suivante de l’Assemblée des États Parties,
conformément aux paragraphes 3 à 8, et à l’article 37, paragraphe 2 ;
ii) Quand la proposition d’augmenter le nombre des juges a été adoptée et est devenue effective
conformément aux alinéas b) et c), sous-alinéa i), la Présidence peut proposer à tout moment par la

618
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

suite, si le travail de la Cour le justifie, de réduire le nombre des juges, mais pas en deçà du nombre
fixé au paragraphe 1. La proposition est examinée selon la procédure établie aux alinéas a) et b). Si
elle est adoptée, le nombre des juges diminue progressivement à mesure que le mandat des juges en
exercice vient à expiration, et ainsi jusqu’à ce que le nombre prévu soit atteint.
3. a) Les juges sont choisis parmi des personnes jouissant d’une haute considération morale, connues
pour leur impartialité et leur intégrité et réunissant les conditions requises dans leurs États respectifs
pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires.
b) Tout candidat à un siège à la Cour doit :
i) Avoir une compétence reconnue dans les domaines du droit pénal et de la procédure pénale ainsi
que l’expérience nécessaire du procès pénal, que ce soit en qualité de juge, de procureur ou d’avocat,
ou en toute autre qualité similaire ; ou
ii) Avoir une compétence reconnue dans des domaines pertinents du droit international, tels que le
droit international humanitaire et les droits de l’homme, ainsi qu’une grande expérience dans une
profession juridique qui présente un intérêt pour le travail judiciaire de la Cour ;
c) Tout candidat à un siège à la Cour doit avoir une excellente connaissance et une pratique courante
d’au moins une des langues de travail de la Cour.
4. a) Les candidats à un siège à la Cour peuvent être présentés par tout État Partie au présent Statut:
i) Selon la procédure de présentation de candidatures aux plus hautes fonctions judiciaires dans l’État
en question ; ou
ii) Selon la procédure de présentation de candidatures à la Cour internationale de Justice prévue dans
le Statut de celle-ci. Les candidatures sont accompagnées d’un document détaillé montrant que le
candidat présente les qualités prévues au paragraphe 3.
b) Chaque État Partie peut présenter la candidature d’une personne à une élection donnée. Cette
personne n’a pas nécessairement sa nationalité mais doit avoir celle d’un État Partie.
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c) L’Assemblée des États Parties peut décider de constituer, selon qu’il convient, une commission
consultative pour l’examen des candidatures. Dans ce cas, la composition et le mandat de cette
commission sont définis par l’Assemblée des États Parties.
5. Aux fins de l’élection, il est établi deux listes de candidats :
La liste A, qui contient les noms des candidats possédant les compétences visées au paragraphe
3, alinéa b), sous-alinéa i ) ;
La liste B, qui contient les noms des candidats possédant les compétences visées au paragraphe
3, alinéa b), sous-alinéa ii).
Tout candidat possédant les compétences requises pour figurer sur les deux listes peut choisir celle
sur laquelle il se présente. À la première élection, neuf juges au moins sont élus parmi les candidats de la
liste A et cinq juges au moins parmi ceux de la liste B. Les élections suivantes sont organisées de manière
à maintenir la même proportion entre les juges élus sur l’une et l’autre listes.
6. a) Les juges sont élus au scrutin secret lors d’une réunion de l’Assemblée des États Parties
convoquée à cet effet en vertu de l’article 112. Sous réserve du paragraphe 7, sont élus les 18
candidats ayant obtenu le nombre de voix le plus élevé et la majorité des deux tiers des États Parties
présents et votants.
b) S’il reste des sièges à pourvoir à l’issue du premier tour de scrutin, il est procédé à des scrutins
successifs conformément à la procédure établie à l’alinéa a) jusqu’à ce que les sièges restants aient
été pourvus.
7. La Cour ne peut comprendre plus d’un ressortissant du même État. À cet égard, celui qui peut être
considéré comme le ressortissant de plus d’un État est censé être ressortissant de l’État où il exerce
habituellement ses droits civils et politiques.
8. a) Dans le choix des juges, les États Parties tiennent compte de la nécessité d’assurer, dans la
composition de la Cour :
i) La représentation des principaux systèmes juridiques du monde ;
ii) Une représentation géographique équitable ; et
iii) Une représentation équitable des hommes et des femmes ;
b) Les États Parties tiennent également compte de la nécessité d’assurer la présence de juges
spécialisés dans certaines matières, y compris, mais sans s’y limiter, les questions liées à la violence
contre les femmes ou les enfants.
9. a) Sous réserve de l’alinéa b), les juges sont élus pour un mandat de neuf ans et, sous réserve de
l’alinéa c) et de l’article 37, paragraphe 2, ils ne sont pas rééligibles.
b) À la première élection, un tiers des juges élus, désignés par tirage au sort, sont nommés pour un
mandat de trois ans ; un tiers des juges élus, désignés par tirage au sort, sont nommés pour un
mandat de six ans ; les autres juges sont nommés pour un mandat de neuf ans.
c) Un juge nommé pour un mandat de trois ans en application de l’alinéa b) est rééligible pour un
mandat complet.
10. Nonobstant les dispositions du paragraphe 9, un juge affecté à une Chambre de première instance
ou d’appel conformément à l’article 39, qui a commencé à connaître devant cette chambre d’une affaire en
première instance ou en appel, reste en fonctions jusqu’à la conclusion de cette affaire.
Article 37
SIÈGES VACANTS
1. Il est pourvu par élection aux sièges devenus vacants, selon les dispositions de l’article 36.

619
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. Un juge élu à un siège devenu vacant achève le mandat de son prédécesseur ; si la durée du
mandat à achever est inférieure ou égale à trois ans, il est rééligible pour un mandat entier conformément
à l’article 36.
Article 38
LA PRÉSIDENCE
1. Le Président et les Premier et Second Vice-Présidents sont élus à la majorité absolue des juges. Ils
sont élus pour trois ans, ou jusqu’à l’expiration de leur mandat de juge si celui-ci prend fin avant trois ans.
Ils sont rééligibles une fois.
2. Le Premier Vice-Président remplace le Président lorsque celui-ci est empêché ou récusé. Le second
Vice-Président remplace le Président lorsque celui-ci et le Premier Vice-Président sont tous deux
empêchés ou récusés.
3. Le Président, le Premier Vice-Président et le Second Vice-Président composent la Présidence,
laquelle est chargée :
a) De la bonne administration de la Cour, à l’exception du Bureau du Procureur ; et
b) Des autres fonctions qui lui sont conférées conformément au présent Statut.
4. Dans l’exercice des attributions visées au paragraphe 3, alinéa a), la Présidence agit en
coordination avec le Procureur, dont elle recherche l’accord pour toutes les questions d’intérêt commun.
Article 39
LES CHAMBRES
1. Dès que possible après l’élection des juges, la Cour s’organise en sections comme le prévoit l’article
34, paragraphe b). La Section des appels est composée du Président et de quatre autres juges; la Section
de première instance et la Section préliminaire sont composées chacune de six juges au moins.
L’affectation des juges aux sections est fondée sur la nature des fonctions assignées à chacune d’elles et
sur les compétences et l’expérience des juges élus à la Cour, de telle sorte que chaque section comporte
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la proportion voulue de spécialistes du droit pénal et de la procédure pénale et de spécialistes du droit


international. La Section préliminaire et la Section de première instance sont principalement composées
de juges ayant l’expérience des procès pénaux.
2. a) Les fonctions judiciaires de la Cour sont exercées dans chaque section par des Chambres.
b) i) La Chambre d’appel est composée de tous les juges de la Section des appels ;
ii) Les fonctions de la Chambre de première instance sont exercées par trois juges de la Section de
première instance ;
iii) Les fonctions de la Chambre préliminaire sont exercées soit par trois juges de la Section
préliminaire soit par un seul juge de cette Section conformément au présent Statut et au Règlement de
procédure et de preuve ;
c) Aucune disposition du présent paragraphe n’interdit la constitution simultanée de plus d’une
chambre de première instance ou chambre préliminaire lorsque le travail de la Cour l’exige.
3. a) Les juges affectés à la Section préliminaire et à la Section de première instance y siègent
pendant trois ans; ils continuent d’y siéger au-delà de ce terme, jusqu’au règlement de toute affaire
dont ils ont eu à connaître dans ces sections.
b) Les juges affectés à la Section des appels y siègent pendant toute la durée de leur mandat.
4. Les juges affectés à la Section des appels siègent exclusivement dans cette Section. Aucune
disposition du présent article n’interdit toutefois l’affectation provisoire de juges de la Section de première
instance à la Section préliminaire, ou inversement, si la Présidence estime que le travail de la Cour l’exige,
étant entendu qu’un juge qui a participé à la phase préliminaire d’une affaire n’est en aucun cas autorisé à
siéger à la Chambre de première instance saisie de cette affaire.
Article 40
INDÉPENDANCE DES JUGES
1. Les juges exercent leurs fonctions en toute indépendance.
2. Les juges n’exercent aucune activité qui pourrait être incompatible avec leurs fonctions judiciaires ou
faire douter de leur indépendance.
3. Les juges tenus d’exercer leurs fonctions à plein temps au siège de la Cour ne doivent se livrer à
aucune autre activité de caractère professionnel.
4. Toute question qui soulève l’application des paragraphes 2 et 3 est tranchée à la majorité absolue
des juges. Un juge ne participe pas à la décision portant sur une question qui le concerne.
Article 41
DÉCHARGE ET RÉCUSATION DES JUGES
1. La Présidence peut décharger un juge, à sa demande, des fonctions qui lui sont attribuées en vertu
du présent Statut, conformément au Règlement de procédure et de preuve.
2. a) Un juge ne peut participer au règlement d’aucune affaire dans laquelle son impartialité pourrait
raisonnablement être mise en doute pour un motif quelconque. Un juge est récusé pour une affaire
conformément au présent paragraphe notamment s’il est intervenu auparavant, à quelque titre que ce
soit, dans cette affaire devant la Cour ou dans une affaire pénale connexe au niveau national dans
laquelle la personne faisant l’objet de l’enquête ou des poursuites était impliquée. Un juge peut aussi
être récusé pour les autres motifs prévus par le Règlement de procédure et de preuve.
b) Le Procureur ou la personne faisant l’objet de l’enquête ou des poursuites peut demander la
récusation d’un juge en vertu du présent paragraphe.

620
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

c) Toute question relative à la récusation d’un juge est tranchée à la majorité absolue des juges. Le
juge dont la récusation est demandée peut présenter ses observations sur la question mais ne
participe pas à la décision.
Article 42
LE BUREAU DU PROCUREUR
1. Le Bureau du Procureur agit indépendamment en tant qu’organe distinct au sein de la Cour. Il est
chargé de recevoir les communications et tout renseignement dûment étayé concernant les crimes
relevant de la compétence de la Cour, de les examiner, de conduire les enquêtes et de soutenir
l’accusation devant la Cour. Ses membres ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucune source
extérieure.
2. Le Bureau est dirigé par le Procureur. Celui-ci a toute autorité sur la gestion et l’administration du
Bureau, y compris le personnel, les installations et les autres ressources. Le Procureur est secondé par un
ou plusieurs procureurs adjoints, habilités à procéder à tous les actes que le présent Statut requiert du
Procureur. Le Procureur et les procureurs adjoints sont de nationalités différentes. Ils exercent leurs
fonctions à plein temps.
3. Le Procureur et les procureurs adjoints doivent jouir d’une haute considération morale et avoir de
solides compétences et une grande expérience pratique en matière de poursuites ou de procès dans des
affaires pénales. Ils doivent avoir une excellente connaissance et une pratique courante d’au moins une
des langues de travail de la Cour.
4. Le Procureur est élu au scrutin secret par l’Assemblée des États Parties, à la majorité absolue des
membres de celle-ci. Les procureurs adjoints sont élus de la même façon sur une liste de candidats
présentée par le Procureur. Le Procureur présente trois candidats pour chaque poste de procureur adjoint
à pourvoir. À moins qu’il ne soit décidé d’un mandat plus court au moment de leur élection, le Procureur et
les procureurs adjoints exercent leurs fonctions pendant neuf ans et ne sont pas rééligibles.
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5. Ni le Procureur ni les procureurs adjoints n’exercent d’activité risquant d’être incompatible avec leurs
fonctions en matière de poursuites ou de faire douter de leur indépendance. Ils ne se livrent à aucune
autre activité de caractère professionnel.
6. La Présidence peut décharger, à sa demande, le Procureur ou un procureur adjoint de ses fonctions
dans une affaire déterminée.
7. Ni le Procureur, ni les procureurs adjoints ne peuvent participer au règlement d’une affaire dans
laquelle leur impartialité pourrait être raisonnablement mise en doute pour un motif quelconque. Ils sont
récusés pour une affaire conformément au présent paragraphe si, entre autres, ils sont antérieurement
intervenus, à quelque titre que ce soit, dans cette affaire devant la Cour ou dans une affaire pénale
connexe au niveau national dans laquelle la personne faisant l’objet de l’enquête ou des poursuites était
impliquée.
8. Toute question relative à la récusation du Procureur ou d’un procureur adjoint est tranchée par la
Chambre d’appel.
a) La personne faisant l’objet d’une enquête ou de poursuites peut à tout moment demander la
récusation du Procureur ou d’un procureur adjoint pour les motifs énoncés dans le présent article ;
b) Le Procureur ou le Procureur adjoint intéressé, selon le cas, peut présenter ses observations sur la
question.
9. Le Procureur nomme des conseillers qui sont des spécialistes du droit relatif à certaines questions, y
compris, mais s’en s’y limiter, celles des violences sexuelles, des violences à motivation sexiste et des
violences contre les enfants.
Article 43
LE GREFFE
1. Le Greffe est responsable des aspects non judiciaires de l’administration et du service de la Cour,
sans préjudice des fonctions et attributions du Procureur définies à l’article 42.
2. Le Greffe est dirigé par le Greffier, qui est le responsable principal de l’administration de la Cour. Le
Greffier exerce ses fonctions sous l’autorité du Président de la Cour.
3. Le Greffier et le Greffier adjoint doivent être des personnes d’une haute moralité et d’une grande
compétence, ayant une excellente connaissance et une pratique courante d’au moins une des langues de
travail de la Cour.
4. Les juges élisent le Greffier à la majorité absolue et au scrutin secret, en tenant compte des
recommandations éventuelles de l’Assemblée des États Parties. Si le besoin s’en fait sentir, ils élisent de
la même manière un greffier adjoint sur recommandation du Greffier.
5. Le Greffier est élu pour cinq ans, est rééligible une fois et exerce ses fonctions à plein temps. Le
Greffier adjoint est élu pour cinq ans ou pour un mandat plus court, selon ce qui peut être décidé à la
majorité absolue des juges ; il est appelé à exercer ses fonctions selon les exigences du service.
6. Le Greffier crée, au sein du Greffe, une division d’aide aux victimes et aux témoins. Cette division
est chargée, en consultation avec le Bureau du Procureur, de conseiller et d’aider de toute manière
appropriée les témoins, les victimes qui comparaissent devant la Cour et les autres personnes auxquelles
les dépositions de ces témoins peuvent faire courir un risque, ainsi que de prévoir les mesures et les
dispositions à prendre pour assurer leur protection et leur sécurité. Le personnel de la Division comprend
des spécialistes de l’aide aux victimes de traumatismes, y compris de traumatismes consécutifs à des
violences sexuelles.

621
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 44
LE PERSONNEL
1. Le Procureur et le Greffier nomment le personnel qualifié nécessaire dans leurs services respectifs,
y compris, dans le cas du Procureur, des enquêteurs.
2. Lorsqu’ils recrutent le personnel, le Procureur et le Greffier veillent à s’assurer les services de
personnes possédant les plus hautes qualités d’efficacité, de compétence et d’intégrité, en tenant compte,
mutatis mutandis, des critères énoncés à l’article 36, paragraphe 8.
3. Le Greffier, en accord avec la Présidence et le Procureur, propose le Statut du personnel, qui
comprend les conditions de nomination, de rémunération et de cessation de fonctions. Le Statut du
personnel est approuvé par l’Assemblée des États Parties.
4. La Cour peut, dans des circonstances exceptionnelles, avoir recours à l’expertise de personnel mis
à sa disposition à titre gracieux par des États Parties, des organisations intergouvernementales ou des
organisations non gouvernementales pour aider tout organe de la Cour dans ses travaux. Le Procureur
peut accepter un tel personnel pour le Bureau du Procureur. Les personnes mises à disposition à titre
gracieux sont employées conformément aux directives qui seront établies par l’Assemblée des États
Parties.
Article 45
ENGAGEMENT SOLENNEL
Avant de prendre les fonctions que prévoit le présent Statut, les juges, le Procureur, les procureurs
adjoints, le Greffier et le Greffier adjoint prennent en séance publique l’engagement solennel d’exercer
leurs attributions en toute impartialité et en toute conscience.
Article 46
PERTE DE FONCTIONS
1. Un juge, le Procureur, un procureur adjoint, le Greffier ou le Greffier adjoint est relevé de ses
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fonctions sur décision prise conformément au paragraphe 2, dans les cas où :


a) Il est établi qu’il a commis une faute lourde ou un manquement grave aux devoirs que lui impose le
présent Statut, selon ce qui est prévu dans le Règlement de procédure et de preuve ; ou
b) Il se trouve dans l’incapacité d’exercer ses fonctions, telles que les définit le présent Statut.
2. La décision concernant la perte de fonctions d’un juge, du Procureur ou d’un procureur adjoint en
application du paragraphe 1 est prise par l’Assemblée des États Parties au scrutin secret :
a) Dans le cas d’un juge, à la majorité des deux tiers des États Parties sur recommandation adoptée à
la majorité des deux tiers des autres juges ;
b) Dans le cas du Procureur, à la majorité absolue des États Parties ;
c) Dans le cas d’un procureur adjoint, à la majorité absolue des États Parties sur recommandation du
Procureur.
3. La décision concernant la perte de fonctions du Greffier ou du Greffier adjoint est prise à la majorité
absolue des juges.
4. Un juge, un procureur, un procureur adjoint, un greffier ou un greffier adjoint dont le comportement
ou l’aptitude à exercer les fonctions prévues par le présent Statut sont contestés en vertu du présent
article a toute latitude pour produire et recevoir des éléments de preuve et pour faire valoir ses arguments
conformément au Règlement de procédure et de preuve. Il ne participe pas autrement à l’examen de la
question.
Article 47
SANCTIONS DISCIPLINAIRES
Un juge, un procureur, un procureur adjoint, un greffier ou un greffier adjoint qui a commis une faute
d’une gravité moindre que celle visée à l’article 46, paragraphe 1, encourt les sanctions disciplinaires
prévues par le Règlement de procédure et de preuve.
Article 48
PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS
1. La Cour jouit sur le territoire des États Parties des privilèges et immunités nécessaires à
l’accomplissement de sa mission.
2. Les juges, le Procureur, les procureurs adjoints et le Greffier jouissent, dans l’exercice de leurs
fonctions ou relativement à ces fonctions, des privilèges et immunités accordés aux chefs de missions
diplomatiques. Après l’expiration de leur mandat, ils continuent à jouir de l’immunité contre toute
procédure légale pour les paroles, les écrits et les actes qui relèvent de l’exercice de leurs fonctions
officielles.
3. Le Greffier adjoint, le personnel du Bureau du Procureur et le personnel du Greffe jouissent des
privilèges, immunités et facilités nécessaires à l’exercice de leurs fonctions, conformément à l’accord sur
les privilèges et immunités de la Cour.
4. Les avocats, experts, témoins ou autres personnes dont la présence est requise au siège de la Cour
bénéficient du traitement nécessaire au bon fonctionnement de la Cour, conformément à l’accord sur les
privilèges et immunités de la Cour.
5. Les privilèges et immunités peuvent être levés :
a) Dans le cas d’un juge ou du Procureur, par décision prise à la majorité absolue des juges ;
b) Dans le cas du Greffier, par la Présidence ;
c) Dans le cas des procureurs adjoints et du personnel du Bureau du Procureur, par le Procureur ;
d) Dans le cas du Greffier adjoint et du personnel du Greffe, par le Greffier.

622
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

Article 49
TRAITEMENTS, INDEMNITÉS ET REMBOURSEMENT DE FRAIS
Les juges, le Procureur, les procureurs adjoints, le Greffier et le Greffier adjoint perçoivent les
traitements, indemnités et remboursements arrêtés par l’Assemblée des États Parties. Ces traitements et
indemnités ne sont pas réduits en cours de mandat.
Article 50
LANGUES OFFICIELLES ET LANGUES DE TRAVAIL
1. Les langues officielles de la Cour sont l’anglais, l’arabe, le chinois, l’espagnol, le français et le russe.
Les arrêts de la Cour ainsi que les autres décisions réglant des questions fondamentales qui lui sont
soumises sont publiés dans les langues officielles. La Présidence détermine, au regard des critères fixés
par le Règlement de procédure et de preuve, quelles décisions peuvent être considérées aux fins du
présent paragraphe comme réglant des questions fondamentales.
2. Les langues de travail de la Cour sont l’anglais et le français. Le Règlement de procédure et de
preuve définit les cas dans lesquels d’autres langues officielles peuvent être employées comme langues
de travail.
3. À la demande d’une partie à une procédure ou d’un État autorisé à intervenir dans une procédure, la
Cour autorise l’emploi par cette partie ou cet État d’une langue autre que l’anglais ou le français si elle
l’estime justifié.
Article 51
RÈGLEMENT DE PROCÉDURE ET DE PREUVE
1. Le Règlement de procédure et de preuve entre en vigueur dès son adoption par l’Assemblée des
États Parties à la majorité des deux tiers de ses membres.
2. Des amendements au Règlement de procédure et de preuve peuvent être proposés par :
a) Tout État Partie ;
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b) Les juges agissant à la majorité absolue ;


c) Le Procureur.
Ces amendements entrent en vigueur dès leur adoption à la majorité des deux tiers des membres de
l’Assemblée des États Parties.
3. Après l’adoption du Règlement de procédure et de preuve, dans les cas urgents où la situation
particulière portée devant la Cour n’est pas prévue par le Règlement, les juges peuvent, à la majorité des
deux tiers, établir des règles provisoires qui s’appliquent jusqu’à ce que l’Assemblée des États Parties, à
sa réunion ordinaire ou extraordinaire suivante, les adopte, les modifie ou les rejette.
4. Le Règlement de procédure et de preuve, les amendements s’y rapportant et les règles provisoires
sont conformes aux dispositions du présent Statut. Les amendements au Règlement de procédure et de
preuve ainsi que les règles provisoires ne s’appliquent pas rétroactivement au préjudice de la personne
qui fait l’objet d’une enquête, de poursuites ou d’une condamnation.
5. En cas de conflit entre le Statut et le Règlement de procédure et de preuve, le Statut prévaut.
Article 52
RÈGLEMENT DE LA COUR
1. Les juges adoptent à la majorité absolue, conformément au présent Statut et au Règlement de
procédure et de preuve, le règlement nécessaire au fonctionnement quotidien de la Cour.
2. Le Procureur et le Greffier sont consultés pour l’élaboration du Règlement de la Cour et de tout
amendement s’y rapportant.
3. Le Règlement de la Cour et tout amendement s’y rapportant prennent effet dès leur adoption, à
moins que les juges n’en décident autrement. Ils sont communiqués immédiatement après leur adoption
aux États Parties, pour observation. Ils restent en vigueur si la majorité des États Parties n’y fait pas
objection dans les six mois.
CHAPITRE V. ENQUÊTE ET POURSUITES
Article 53
OUVERTURE D’UNE ENQUÊTE
1. Le Procureur, après avoir évalué les renseignements portés à sa connaissance, ouvre une enquête,
à moins qu’il ne conclue qu’il n’y a pas de base raisonnable pour poursuivre en vertu du présent Statut.
Pour prendre sa décision, le Procureur examine :
a) Si les renseignements en sa possession fournissent une base raisonnable pour croire qu’un crime
relevant de la compétence de la Cour a été ou est en voie d’être commis ;
b) Si l’affaire est ou serait recevable au regard de l’article 17 ; et
c) S’il y a des raisons sérieuses de penser, compte tenu de la gravité du crime et des intérêts des
victimes, qu’une enquête ne servirait pas les intérêts de la justice.
S’il ou elle conclut qu’il n’y a pas de base raisonnable pour poursuivre et si cette conclusion est fondée
exclusivement sur les considérations visées à l’alinéa c), le Procureur en informe la Chambre préliminaire.
2. Si, après enquête, le Procureur conclut qu’il n’y a pas de base suffisante pour engager des
poursuites :
a) Parce qu’il n’y a pas de base suffisante, en droit ou en fait, pour demander un mandat d’arrêt ou une
citation à comparaître en application de l’article 58 ;
b) Parce que l’affaire est irrecevable au regard de l’article 17 ; ou

623
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

c) Parce que poursuivre ne servirait pas les intérêts de la justice, compte tenu de toutes les
circonstances, y compris la gravité du crime, les intérêts des victimes, l’âge ou le handicap de l’auteur
présumé et son rôle dans le crime allégué ;
il ou elle informe de sa conclusion et des raisons qui l’ont motivée la Chambre préliminaire et l’État qui lui
a déféré la situation conformément à l’article 14, ou le Conseil de sécurité s’il s’agit d’une situation visée à
l’article 13, paragraphe b).
3. a) À la demande de l’État qui a déféré la situation conformément à l’article 14, ou du Conseil de
sécurité s’il s’agit d’une situation visée à l’article 13, paragraphe b) la Chambre préliminaire peut
examiner la décision de ne pas poursuivre prise par le Procureur en vertu des paragraphes 1 ou 2 et
demander au Procureur de la reconsidérer.
b) De plus, la Chambre préliminaire peut, de sa propre initiative, examiner la décision du Procureur de
ne pas poursuivre si cette décision est fondée exclusivement sur les considérations visées au
paragraphe 1, alinéa c) et au paragraphe 2, alinéa c). En tel cas, la décision du Procureur n’a d’effet
que si elle est confirmée par la Chambre préliminaire.
4. Le Procureur peut à tout moment reconsidérer sa décision d’ouvrir ou non une enquête ou
d’engager ou non des poursuites à la lumière de faits ou de renseignements nouveaux.
Article 54
DEVOIRS ET POUVOIRS DU PROCUREUR EN MATIÈRE D’ENQUÊTES
1. Le Procureur :
a) Pour établir la vérité, étend l’enquête à tous les faits et éléments de preuve qui peuvent être
utiles pour déterminer s’il y a responsabilité pénale au regard du présent Statut et, ce faisant,
enquête tant à charge qu’à décharge ;
b) Prend les mesures propres à assurer l’efficacité des enquêtes et des poursuites visant des
crimes relevant de la compétence de la Cour. Ce faisant, il a égard aux intérêts et à la situation
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personnelle des victimes et des témoins, y compris leur âge, leur sexe, tel que défini à l’article 7,
paragraphe 3, et leur état de santé ; il tient également compte de la nature du crime, en particulier
lorsque celui-ci comporte des violences sexuelles, des violences à caractère sexiste ou des
violences contre des enfants ; et
c) Respecte pleinement les droits des personnes énoncés dans le présent Statut.
2. Le Procureur peut enquêter sur le territoire d’un État :
a) Conformément aux dispositions du chapitre IX ; ou
b) Avec l’autorisation de la Chambre préliminaire en vertu de l’article 57, paragraphe 3, alinéa d).
3. Le Procureur peut :
a) Recueillir et examiner des éléments de preuve ;
b) Convoquer et interroger des personnes faisant l’objet d’une enquête, des victimes et des
témoins ;
c) Rechercher la coopération de tout État ou organisation intergouvernementale ou accord
intergouvernemental conformément à leurs compétences ou à leur mandat respectifs ;
d) Conclure tous arrangements ou accords qui ne sont pas contraires aux dispositions du présent
Statut et qui peuvent être nécessaires pour faciliter la coopération d’un État, d’une organisation
intergouvernementale ou d’une personne ;
e) S’engager à ne divulguer à aucun stade de la procédure les documents ou renseignements
qu’il a obtenus sous la condition qu’ils demeurent confidentiels et ne servent qu’à obtenir de
nouveaux éléments de preuve, à moins que celui qui a fourni l’information ne consente à leur
divulgation ; et
f) Prendre, ou demander que soient prises, des mesures nécessaires pour assurer la
confidentialité des renseignements recueillis, la protection des personnes ou la préservation des
éléments de preuve.
Article 55
DROITS DES PERSONNES DANS LE CADRE D’UNE ENQUÊTE
1. Dans une enquête ouverte en vertu du présent Statut, une personne :
a) N’est pas obligée de témoigner contre elle-même ni de s’avouer coupable ;
b) N’est soumise à aucune forme de coercition, de contrainte ou de menace, ni à la torture ni à
aucune autre forme de peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant ;
c) Bénéficie gratuitement, si elle n’est pas interrogée dans une langue qu’elle comprend et parle
parfaitement, de l’aide d’un interprète compétent et de toutes traductions que rendent
nécessaires les exigences de l’équité ; et
d) Ne peut être arrêtée ou détenue arbitrairement ; elle ne peut être privée de sa liberté si ce n’est
pour les motifs et selon les procédures prévus dans le présent Statut.
2. Lorsqu’il y a des motifs de croire qu’une personne a commis un crime relevant de la compétence de
la Cour et que cette personne doit être interrogée, soit par le Procureur soit par les autorités nationales en
vertu d’une demande faite au titre du chapitre IX, cette personne a de plus les droits suivants, dont elle est
informée avant d’être interrogée :
a) Être informée avant d’être interrogée qu’il y a des raisons de croire qu’elle a commis un crime
relevant de la compétence de la Cour ;
b) Garder le silence, sans que ce silence soit pris en considération pour la détermination de sa
culpabilité ou de son innocence ;

624
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

c) Être assistée par le défenseur de son choix ou, si elle n’en a pas, par un défenseur commis
d’office chaque fois que les intérêts de la justice l’exigent, sans avoir dans ce cas à verser de
rémunération si elle n’en a pas les moyens ; et
d) Être interrogée en présence de son conseil, à moins qu’elle n’ait renoncé volontairement à son
droit d’être assistée d’un conseil.
Article 56
RÔLE DE LA CHAMBRE PRÉLIMINAIRE DANS LE CAS OÙ L’OCCASION
D’OBTENIR DES RENSEIGNEMENTS NE SE PRÉSENTERA PLUS
1. a) Lorsque le Procureur considère qu’une enquête offre l’occasion unique, qui peut ne plus se
présenter par la suite, de recueillir un témoignage ou une déposition, ou d’examiner, recueillir ou
vérifier des éléments de preuve aux fins d’un procès, il en avise la Chambre préliminaire ;
b) La Chambre préliminaire peut alors, à la demande du Procureur, prendre toutes mesures propres à
assurer l’efficacité et l’intégrité de la procédure et, en particulier, à protéger les droits de la défense ;
c) Sauf ordonnance contraire de la Chambre préliminaire, le Procureur informe également de la
circonstance visée à l’alinéa a) la personne qui a été arrêtée ou a comparu sur citation délivrée dans le
cadre de l’enquête, afin que cette personne puisse être entendue.
2. Les mesures visées au paragraphe 1, alinéa b), peuvent consister :
a) À faire des recommandations ou rendre des ordonnances concernant la marche à suivre ;
b) À ordonner qu’il soit dressé procès-verbal de la procédure ;
c) À nommer un expert ;
d) À autoriser l’avocat d’une personne qui a été arrêtée, ou a comparu devant la Cour sur citation, à
participer à la procédure ou, lorsque l’arrestation ou la comparution n’a pas encore eu lieu ou que
l’avocat n’a pas encore été choisi, à désigner un avocat qui se chargera des intérêts de la défense et
les représentera ;
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e) À charger un de ses membres ou, au besoin, un des juges disponibles de la Section préliminaire ou
de la Section de première instance, de faire des recommandations ou de rendre des ordonnances
concernant le rassemblement et la préservation des éléments de preuve et les auditions de
personnes ;
f) À prendre toute autre mesure nécessaire pour recueillir ou préserver les éléments de preuve.
3. a) Lorsque le Procureur n’a pas demandé les mesures visées au présent article mais que la
Chambre préliminaire est d’avis que ces mesures sont nécessaires pour préserver des éléments de
preuve qu’elle juge essentiels pour la défense au cours du procès, elle consulte le Procureur pour
savoir si celui-ci avait de bonnes raisons de ne pas demander les mesures en question. Si, après
consultation, elle conclut que le fait de ne pas avoir demandé ces mesures n’est pas justifié, elle peut
prendre des mesures de sa propre initiative.
b) Le Procureur peut faire appel de la décision de la Chambre préliminaire d’agir de sa propre initiative
en vertu du présent paragraphe. Cet appel est examiné selon une procédure accélérée.
4. L’admissibilité des éléments de preuve préservés ou recueillis aux fins du procès en application du
présent article, ou de l’enregistrement de ces éléments de preuve, est régie par l’article 69, leur valeur
étant celle que leur donne la Chambre de première instance.
Article 57
FONCTIONS ET POUVOIRS DE LA CHAMBRE PRÉLIMINAIRE
1. À moins que le présent Statut n’en dispose autrement, la Chambre préliminaire exerce ses fonctions
conformément aux dispositions du présent article.
2. a) Les décisions rendues par la Chambre préliminaire en vertu des articles 15, 18, 19, 54,
paragraphe 2, 61, paragraphe 7, et 72 sont prises à la majorité des juges qui la composent ;
b) Dans tous les autres cas, un seul juge de la Chambre préliminaire peut exercer les fonctions
prévues dans le présent Statut, sauf disposition contraire du Règlement de procédure et de preuve ou
décision contraire de la Chambre préliminaire prise à la majorité.
3. Indépendamment des autres fonctions qui lui sont conférées en vertu du présent Statut, la Chambre
préliminaire peut :
a) Sur requête du Procureur, rendre les ordonnances et délivrer les mandats qui peuvent être
nécessaires aux fins d’une enquête ;
b) À la demande d’une personne qui a été arrêtée ou a comparu sur citation conformément à l’article
58, rendre toute ordonnance, y compris des mesures telles que visées à l’article 56, ou solliciter tout
concours au titre du chapitre IX qui peuvent être nécessaires pour aider la personne à préparer sa
défense ;
c) En cas de besoin, assurer la protection et le respect de la vie privée des victimes et des témoins, la
préservation des preuves, la protection des personnes qui ont été arrêtées ou ont comparu sur citation,
ainsi que la protection des renseignements touchant la sécurité nationale ;
d) Autoriser le Procureur à prendre certaines mesures d’enquête sur le territoire d’un État Partie sans
s’être assuré de la coopération de cet État au titre du chapitre IX si, ayant tenu compte dans la mesure
du possible des vues de cet État, elle a déterminé qu’en l’espèce celui-ci est manifestement incapable
de donner suite à une demande de coopération parce qu’aucune autorité ou composante compétente
de son appareil judiciaire national n’est disponible pour donner suite à une demande de coopération au
titre du chapitre IX ;

625
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

e) Lorsqu’un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître a été délivré en vertu de l’article 58, solliciter
la coopération des États en vertu de l’article 93, paragraphe 1, alinéa k), en tenant dûment compte de
la force des éléments de preuve et des droits des parties concernées, comme prévu dans le présent
Statut et dans le Règlement de procédure et de preuve, pour qu’ils prennent des mesures
conservatoires aux fins de confiscation, en particulier dans l’intérêt supérieur des victimes.
Article 58
DÉLIVRANCE PAR LA CHAMBRE PRÉLIMINAIRE D’UN MANDAT D’ARRÊT
OU D’UNE CITATION À COMPARAÎTRE
1. À tout moment après l’ouverture d’une enquête, la Chambre préliminaire délivre, sur requête du
Procureur, un mandat d’arrêt contre une personne si, après examen de la requête et des éléments de
preuve ou autres renseignements fournis par le Procureur, elle est convaincue :
a) Qu’il y a des motifs raisonnables de croire que cette personne a commis un crime relevant de
la compétence de la Cour ; et
b) Que l’arrestation de cette personne apparaît nécessaire pour garantir :
i) Que la personne comparaîtra ;
ii) Qu’elle ne fera pas obstacle à l’enquête ou à la procédure devant la Cour, ni n’en
compromettra le déroulement ; ou
iii) Le cas échéant, qu’elle ne poursuivra pas l’exécution du crime dont il s’agit ou d’un crime
connexe relevant de la compétence de la Cour et se produisant dans les mêmes circonstances.
2. La requête du Procureur contient les éléments suivants :
a) Le nom de la personne visée et tous autres éléments utiles d’identification ;
b) Une référence précise au crime relevant de la compétence de la Cour que la personne est
censée avoir commis ;
c) L’exposé succinct des faits dont il est allégué qu’ils constituent ce crime ;
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d) Un résumé des éléments de preuve qui donnent des motifs raisonnables de croire que la
personne a commis ce crime ; et
e) Les raisons pour lesquelles le Procureur estime qu’il est nécessaire de procéder à l’arrestation
de cette personne.
3. Le mandat d’arrêt contient les éléments suivants :
a) Le nom de la personne visée et tous autres éléments utiles d’identification ;
b) Une référence précise au crime relevant de la compétence de la Cour qui justifie l’arrestation ;
et
c) L’exposé succinct des faits dont il est allégué qu’ils constituent ce crime.
4. Le mandat d’arrêt reste en vigueur tant que la Cour n’en a pas décidé autrement.
5. Sur la base du mandat d’arrêt, la Cour peut demander l’arrestation provisoire ou l’arrestation et la
remise de la personne conformément au chapitre IX.
6. Le Procureur peut demander à la Chambre préliminaire de modifier le mandat d’arrêt en requalifiant
les crimes qui y sont visés ou en y ajoutant de nouveaux crimes. La Chambre préliminaire modifie le
mandat d’arrêt si elle a des motifs raisonnables de croire que la personne a commis les crimes requalifiés
ou les nouveaux crimes.
7. Le Procureur peut demander à la Chambre préliminaire de délivrer une citation à comparaître au lieu
d’un mandat d’arrêt. Si la Chambre préliminaire est convaincue qu’il y a des motifs raisonnables de croire
que la personne a commis le crime qui lui est imputé et qu’une citation à comparaître suffit à garantir
qu’elle se présentera devant la Cour, elle délivre la citation, avec ou sans conditions restrictives de liberté
(autres que la détention) si la législation nationale le prévoit. La citation contient les éléments suivants :
a) Le nom de la personne visée et tous autres éléments utiles d’identification ;
b) La date de comparution ;
c) Une référence précise au crime relevant de la compétence de la Cour que la personne est
censée avoir commis ; et
d) L’exposé succinct des faits dont il est allégué qu’ils constituent le crime.
La citation est notifiée à la personne qu’elle vise.
Article 59
PROCÉDURE D’ARRESTATION DANS L’ÉTAT DE DÉTENTION
1. L’État Partie qui a reçu une demande d’arrestation provisoire ou d’arrestation et de remise prend
immédiatement des mesures pour faire arrêter la personne dont il s’agit conformément à sa législation et
aux dispositions du chapitre IX.
2. Toute personne arrêtée est déférée aussitôt à l’autorité judiciaire compétente de l’État de détention
qui vérifie, conformément à la législation de cet État :
a) Que le mandat vise bien cette personne ;
b) Que celle-ci a été arrêtée selon la procédure régulière ; et
c) Que ses droits ont été respectés.
3. La personne arrêtée a le droit de demander à l’autorité compétente de l’État de détention sa mise en
liberté provisoire en attendant sa remise.
4. Lorsqu’elle se prononce sur cette demande, l’autorité compétente de l’État de détention examine si,
eu égard à la gravité des crimes allégués, l’urgence et des circonstances exceptionnelles justifient la mise
en liberté provisoire et si les garanties voulues assurent que l’État de détention peut s’acquitter de son
obligation de remettre la personne à la Cour. L’autorité compétente de l’État de détention ne peut pas

626
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

examiner si le mandat d’arrêt a été régulièrement délivré au regard de l’article 58, paragraphe 1, alinéas a)
et b).
5. La Chambre préliminaire est avisée de toute demande de mise en liberté provisoire et fait des
recommandations à l’autorité compétente de l’État de détention. Avant de rendre sa décision, celle-ci
prend pleinement en considération ces recommandations, y compris éventuellement celles qui portent sur
les mesures propres à empêcher l’évasion de la personne.
6. Si la mise en liberté provisoire est accordée, la Chambre préliminaire peut demander des rapports
périodiques sur le régime de la liberté provisoire.
7. Une fois ordonnée la remise par l’État de détention, la personne est livrée à la Cour aussitôt que
possible.
Article 60
PROCÉDURE INITIALE DEVANT LA COUR
1. Dès que la personne est remise à la Cour ou dès qu’elle comparaît devant celle-ci, volontairement
ou sur citation, la Chambre préliminaire vérifie qu’elle a été informée des crimes qui lui sont imputés et des
droits que lui reconnaît le présent Statut, y compris le droit de demander sa mise en liberté provisoire en
attendant d’être jugée.
2. La personne visée par un mandat d’arrêt peut demander sa mise en liberté provisoire en attendant
d’être jugée. Si la Chambre préliminaire est convaincue que les conditions énoncées à l’article 58,
paragraphe 1, sont réalisées, la personne est maintenue en détention. Sinon, la Chambre préliminaire la
met en liberté, avec ou sans conditions.
3. La Chambre préliminaire réexamine périodiquement sa décision de mise en liberté ou de maintien
en détention. Elle peut le faire à tout moment à la demande du Procureur ou de l’intéressé. Elle peut alors
modifier sa décision concernant la détention, la mise en liberté ou les conditions de celle-ci si elle est
convaincue que l’évolution des circonstances le justifie.
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4. La Chambre préliminaire s’assure que la détention avant le procès ne se prolonge pas de manière
excessive à cause d’un retard injustifiable imputable au Procureur. Si un tel retard se produit, la Cour
examine la possibilité de mettre l’intéressé en liberté, avec ou sans conditions.
5. Si besoin est, la Chambre préliminaire peut délivrer un mandat d’arrêt pour garantir la comparution
d’une personne qui a été mise en liberté.
Article 61
CONFIRMATION DES CHARGES AVANT LE PROCÈS
1. Sous réserve du paragraphe 2, dans un délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour
ou sa comparution volontaire devant celle-ci, la Chambre préliminaire tient une audience pour confirmer
les charges sur lesquelles le Procureur entend se fonder pour requérir le renvoi en jugement. L’audience
se déroule en présence du Procureur et de la personne faisant l’objet de l’enquête ou des poursuites, ainsi
que du conseil de celle-ci.
2. La Chambre préliminaire peut, à la demande du Procureur ou de sa propre initiative, tenir une
audience en l’absence de l’intéressé pour confirmer les charges sur lesquelles le Procureur entend se
fonder pour requérir le renvoi en jugement lorsque la personne :
a) A renoncé à son droit d’être présente ; ou
b) A pris la fuite ou est introuvable, et que tout ce qui était raisonnablement possible a été fait
pour garantir sa comparution devant la Cour et l’informer des charges qui pèsent contre elle et de
la tenue prochaine d’une audience pour confirmer ces charges.
Dans ces cas, la personne est représentée par un conseil lorsque la Chambre préliminaire juge que
cela sert les intérêts de la justice.
3. Dans un délai raisonnable avant l’audience, la personne :
a) Reçoit notification écrite des charges sur lesquelles le Procureur entend se fonder pour
requérir le renvoi en jugement ; et
b) Est informée des éléments de preuve sur lesquels le Procureur entend se fonder à l’audience.
La Chambre préliminaire peut rendre des ordonnances concernant la divulgation de renseignements
aux fins de l’audience.
4. Avant l’audience, le Procureur peut poursuivre l’enquête et peut modifier ou retirer des charges. La
personne visée reçoit notification de tout amendement ou retrait de charges dans un délai raisonnable
avant l’audience. En cas de retrait de charges, le Procureur informe la Chambre préliminaire des motifs de
ce retrait.
5. À l’audience, le Procureur étaye chacune des charges avec des éléments de preuve suffisants pour
établir l’existence de motifs substantiels de croire que la personne a commis le crime qui lui est imputé. Il
peut se fonder sur des éléments de preuve sous forme de documents ou de résumés et n’est pas tenu de
faire comparaître les témoins qui doivent déposer au procès.
6. À l’audience, la personne peut :
a) Contester les charges ;
b) Contester les éléments de preuve produits par le Procureur ; et
c) Présenter des éléments de preuve.

627
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

7. À l’issue de l’audience, la Chambre préliminaire détermine s’il existe des preuves suffisantes
donnant des motifs substantiels de croire que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont
imputés. Selon ce qu’elle a déterminé, la Chambre préliminaire :
a) Confirme les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il y avait des preuves suffisantes et
renvoie la personne devant une chambre de première instance pour y être jugée sur la base des
charges confirmées ;
b) Ne confirme pas les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il n’y avait pas de preuves
suffisantes ;
c) Ajourne l’audience et demande au Procureur d’envisager :
i) D’apporter des éléments de preuve supplémentaires ou de procéder à de nouvelles enquêtes
relativement à une charge particulière ; ou
ii) De modifier une charge si les éléments de preuve produits semblent établir qu’un crime
différent, relevant de la compétence de la Cour, a été commis.
8. Lorsque la Chambre préliminaire ne confirme pas une charge, il n’est pas interdit au Procureur de
demander ultérieurement la confirmation de cette charge s’il étaye sa demande d’éléments de preuve
supplémentaires.
9. Après confirmation des charges et avant que le procès ne commence, le Procureur peut modifier les
charges avec l’autorisation de la Chambre préliminaire et après que l’accusé en a été avisé. Si le
Procureur entend ajouter des charges supplémentaires ou substituer aux charges des charges plus
graves, une audience doit se tenir conformément au présent article pour confirmer les charges nouvelles.
Après l’ouverture du procès, le Procureur peut retirer les charges avec l’autorisation de première instance.
10. Tout mandat déjà délivré cesse d’avoir effet à l’égard de toute charge non confirmée par la
Chambre préliminaire ou retirée par le Procureur.
11. Dès que les charges ont été confirmées conformément au présent article, la Présidence constitue
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une chambre de première instance qui, sous réserve du paragraphe 9 et de l’article 64, paragraphe 4,
conduit la phase suivante de la procédure et peut remplir à cette fin toute fonction de la Chambre
préliminaire utile en l’espèce.
CHAPITRE VI. LE PROCÈS
Article 62
LIEU DU PROCÈS
Sauf s’il en est décidé autrement, le procès se tient au siège de la Cour.
Article 63
PROCÈS EN PRÉSENCE DE L’ACCUSÉ
1. L’accusé est présent à son procès.
2. Si l’accusé, présent devant la Cour, trouble de manière persistante le déroulement du procès, la
Chambre de première instance peut ordonner son expulsion de la salle d’audience et fait alors en sorte
qu’il suive le procès et donne des instructions à son conseil de l’extérieur de la salle, au besoin à l’aide
des moyens techniques de communication. De telles mesures ne sont prises que dans des circonstances
exceptionnelles, quand d’autres solutions raisonnables se sont révélées vaines et seulement pour la durée
strictement nécessaire.
Article 64
FONCTIONS ET POUVOIRS DE LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
1. Les fonctions et pouvoirs de la Chambre de première instance énoncés dans le présent article sont
exercés conformément au Statut et au Règlement de procédure et de preuve.
2. La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit conduit de façon équitable et avec
diligence, dans le plein respect des droits de l’accusé et en ayant pleinement égard à la nécessité
d’assurer la protection des victimes et des témoins.
3. Lorsqu’une affaire est renvoyée en jugement conformément au présent Statut, la Chambre de
première instance à laquelle elle est attribuée :
a) Consulte les parties et adopte toutes procédures utiles à la conduite équitable et diligente de
l’instance ;
b) Détermine la langue ou les langues du procès ; et
c) Sous réserve de toutes autres dispositions applicables du présent Statut, assure la divulgation
de documents ou de renseignements encore non divulgués, suffisamment tôt avant l’ouverture du
procès pour permettre une préparation suffisante de celui-ci.
4. La Chambre de première instance peut, si cela est nécessaire pour assurer son fonctionnement
efficace et équitable, soumettre des questions préliminaires à la Chambre préliminaire ou, au besoin, à un
autre juge disponible de la Section préliminaire.
5. La Chambre de première instance peut, en le notifiant aux parties, ordonner la jonction ou la
disjonction, selon le cas, des charges portées contre plusieurs accusés.
6. Dans l’exercice de ses fonctions avant ou pendant un procès, la Chambre de première instance
peut, si besoin est :
a) Assumer toutes les fonctions de la Chambre préliminaire visées à l’article 61, paragraphe 11 ;
b) Ordonner la comparution des témoins et leur audition ainsi que la production de documents et
d’autres éléments de preuve, en obtenant au besoin l’aide des États selon les dispositions du présent
Statut ;
c) Assurer la protection des renseignements confidentiels ;

628
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

d) Ordonner la production d’éléments de preuve en complément de ceux qui ont été recueillis avant le
procès ou présentés au procès par les parties ;
e) Assurer la protection de l’accusé, des témoins et des victimes ; et
f) Statuer sur toute autre question pertinente.
7. Le procès est public. Toutefois, la Chambre de première instance peut, en raison de circonstances
particulières, prononcer le huis clos pour certaines audiences aux fins énoncées à l’article 68 ou en vue de
protéger des renseignements confidentiels ou sensibles donnés dans les dépositions.
8. a) À l’ouverture du procès, la Chambre de première instance fait donner lecture à l’accusé des
charges préalablement confirmées par la Chambre préliminaire. La Chambre de première instance
s’assure que l’accusé comprend la nature des charges. Elle donne à l’accusé la possibilité de plaider
coupable selon ce qui est prévu à l’article 65, ou de plaider non coupable ;
b) Lors du procès, le Président peut donner des instructions pour la conduite de la procédure,
notamment pour qu’elle soit conduite d’une manière équitable et impartiale. Sous réserve de toute
instruction du Président, les parties peuvent produire des éléments de preuve conformément aux
dispositions du présent Statut.
9. La Chambre de première instance peut notamment, à la requête d’une partie ou d’office :
a) Statuer sur la recevabilité ou la pertinence des preuves ; et
b) Prendre toute mesure nécessaire pour assurer l’ordre à l’audience.
10. La Chambre de première instance veille à ce que le Greffier établisse et conserve un procès-verbal
intégral du procès relatant fidèlement les débats.
Article 65
PROCÉDURE EN CAS D’AVEU DE CULPABILITÉ
1. Lorsque l’accusé reconnaît sa culpabilité comme le prévoit l’article 64, paragraphe 8, alinéa a), la
Chambre de première instance détermine :
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a) Si l’accusé comprend la nature et les conséquences de son aveu de culpabilité ;


b) Si l’aveu de culpabilité a été fait volontairement après consultation suffisante avec le défenseur
de l’accusé ; et
c) Si l’aveu de culpabilité est étayé par les faits de la cause tels qu’ils ressortent :
i) Des charges présentées par le Procureur et admises par l’accusé ;
ii) De toutes pièces présentées par le Procureur qui accompagnent les charges et que l’accusé
accepte ; et
iii) De tous autres éléments de preuve, tels que les témoignages, présentés par le Procureur ou
l’accusé.
2. Si la Chambre de première instance est convaincue que les conditions visées au paragraphe 1 sont
réunies, elle considère que l’aveu de culpabilité, accompagné de toutes les preuves complémentaires
présentées, établit tous les éléments constitutifs du crime sur lequel il porte, et elle peut reconnaître
l’accusé coupable de ce crime.
3. Si la Chambre de première instance n’est pas convaincue que les conditions visées au paragraphe
1 sont réunies, elle considère qu’il n’y a pas eu aveu de culpabilité, auquel cas elle ordonne que le procès
se poursuive selon les procédures normales prévues par le présent Statut et peut renvoyer l’affaire à une
autre chambre de première instance.
4. Si la Chambre de première instance est convaincue qu’une présentation plus complète des faits de
la cause serait dans l’intérêt de la justice, en particulier dans l’intérêt des victimes, elle peut :
a) Demander au Procureur de présenter des éléments de preuve supplémentaires, y compris des
dépositions de témoins ; ou
b) Ordonner que le procès se poursuive selon les procédures normales prévues par le présent
Statut, auquel cas elle considère qu’il n’y a pas eu aveu de culpabilité et peut renvoyer l’affaire à
une autre chambre de première instance.
5. Toute discussion entre le Procureur et la défense relative à la modification des chefs d’accusation, à
l’aveu de culpabilité ou à la peine à prononcer n’engage pas la Cour.
Article 66
PRÉSOMPTION D’INNOCENCE
1. Toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie devant la Cour
conformément au droit applicable.
2. Il incombe au Procureur de prouver la culpabilité de l’accusé.
3. Pour condamner l’accusé, la Cour doit être convaincue de sa culpabilité au-delà de tout doute
raisonnable.
Article 67
DROITS DE L’ACCUSÉ
1. Lors de l’examen des charges portées contre lui, l’accusé a droit à ce que sa cause soit entendue
publiquement, compte tenu des dispositions du présent Statut, équitablement et de façon impartiale. Il a
droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :
a) Être informé dans le plus court délai et de façon détaillée de la nature, de la cause et de la
teneur des charges dans une langue qu’il comprend et parle parfaitement ;
b) Disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et communiquer
librement et confidentiellement avec le conseil de son choix ;
c) Être jugé sans retard excessif ;

629
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

d) Sous réserve des dispositions du paragraphe 2 de l’article 63, être présent à son procès, se
défendre lui-même ou se faire assister par le défenseur de son choix ; s’il n’a pas de défenseur,
être informé de son droit d’en avoir un et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, se voir
attribuer d’office un défenseur par la Cour, sans frais s’il n’a pas les moyens de le rémunérer ;
e) Interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et l’interrogatoire
des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. L’accusé a
également le droit de faire valoir des moyens de défense et de présenter d’autres éléments de
preuve admissibles en vertu du présent Statut ;
f) Se faire assister gratuitement d’un interprète compétent et bénéficier des traductions
nécessaires pour satisfaire aux exigences de l’équité, si la langue employée dans toute
procédure suivie devant la Cour ou dans tout document présenté à la Cour n’est pas une langue
qu’il comprend et parle parfaitement ;
g) Ne pas être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable, et garder le silence
sans que ce silence soit pris en considération pour déterminer sa culpabilité ou son innocence ;
h) Faire, sans prêter serment, une déclaration écrite ou orale pour sa défense ; et
i) Ne pas se voir imposer le renversement du fardeau de la preuve ni la charge de la réfutation.
2. Outre toute autre communication prévue par le présent Statut, le Procureur communique à la
défense, dès que cela est possible, les éléments de preuve en sa possession ou à sa disposition dont il
estime qu’ils disculpent l’accusé ou tendent à le disculper ou à atténuer sa culpabilité, ou sont de nature à
entamer la crédibilité des éléments de preuve à charge. En cas de doute quant à l’application du présent
paragraphe, la Cour tranche.
Article 68
PROTECTION ET PARTICIPATION AU PROCÈS DES VICTIMES ET DES TÉMOINS
1. La Cour prend les mesures propres à protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la
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dignité et le respect de la vie privée des victimes et des témoins. Ce faisant, elle tient compte de tous les
facteurs pertinents, notamment l’âge, le sexe tel que défini à l’article 7, paragraphe 3, et l’état de santé,
ainsi que la nature du crime, en particulier, mais sans s’y limiter, lorsque celui-ci s’accompagne de
violences à caractère sexuel, de violences à caractère sexiste ou de violences contre des enfants. Le
Procureur prend ces mesures en particulier au stade de l’enquête et des poursuites. Ces mesures ne
doivent être ni préjudiciables ni contraires aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable
et impartial.
2. Par exception au principe de la publicité des débats énoncé à l’article 67, les Chambres de la Cour
peuvent, pour protéger les victimes et les témoins ou un accusé, ordonner le huis clos pour une partie
quelconque de la procédure ou permettre que les dépositions soient recueillies par des moyens
électroniques ou autres moyens spéciaux. Ces mesures sont appliquées en particulier à l’égard d’une
victime de violences sexuelles ou d’un enfant qui est victime ou témoin, à moins que la Cour n’en décide
autrement compte tenu de toutes les circonstances, en particulier des vues de la victime ou du témoin.
3. Lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, la Cour permet que leurs vues et
préoccupations soient exposées et examinées, à des stades de la procédure qu’elle estime appropriés et
d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès
équitable et impartial. Ces vues et préoccupations peuvent être exposées par les représentants légaux
des victimes lorsque la Cour l’estime approprié, conformément au Règlement de procédure et de preuve.
4. La Division d’aide aux victimes et aux témoins peut conseiller le Procureur et la Cour sur les
mesures de protection, les dispositions de sécurité et les activités de conseil et d’aide visées à l’article 43,
paragraphe 6.
5. Lorsque la divulgation d’éléments de preuve et de renseignements en vertu du présent Statut risque
de mettre gravement en danger un témoin ou les membres de sa famille, le Procureur peut, dans toute
procédure engagée avant l’ouverture du procès, s’abstenir de divulguer ces éléments de preuve ou
renseignements et en présenter un résumé. De telles mesures doivent être appliquées d’une manière qui
n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et
impartial.
6. Un État peut demander que soient prises les mesures nécessaires pour assurer la protection de ses
fonctionnaires ou agents et la protection d’informations confidentielles ou sensibles.
Article 69
PREUVE
1. Avant de déposer, chaque témoin, conformément au Règlement de procédure et de preuve, prend
l’engagement de dire la vérité.
2. Les témoins sont entendus en personne lors d’une audience, sous réserve des mesures prévues à
l’article 68 ou dans le Règlement de procédure et de preuve. La Cour peut également autoriser un témoin
à présenter une déposition orale ou un enregistrement vidéo ou audio, et à présenter des documents ou
des transcriptions écrites, sous réserve des dispositions du présent Statut et conformément au Règlement
de procédure et de preuve. Ces mesures ne doivent être ni préjudiciables ni contraires aux droits de la
défense.
3. Les parties peuvent présenter des éléments de preuve pertinents pour l’affaire, conformément à
l’article 64. La Cour a le pouvoir de demander la présentation de tous les éléments de preuve qu’elle juge
nécessaires à la manifestation de la vérité.

630
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

4. La Cour peut se prononcer sur la pertinence et l’admissibilité de tout élément de preuve


conformément au Règlement de procédure et de preuve, en tenant compte notamment de la valeur
probante de cet élément de preuve et de la possibilité qu’il nuise à l’équité du procès ou à une évaluation
équitable de la déposition d’un témoin.
5. La Cour respecte les règles de confidentialité telles qu’elles sont énoncées dans le Règlement de
procédure et de preuve.
6. La Cour n’exige pas la preuve des faits qui sont notoires, mais en dresse le constat judiciaire.
7. Les éléments de preuve obtenus par un moyen violant le présent Statut ou les droits de l’homme
internationalement reconnus ne sont pas admissibles :
a) Si la violation met sérieusement en question la crédibilité des éléments de preuve ; ou
b) Si l’admission de ces éléments de preuve serait de nature à compromettre la procédure et à
porter gravement atteinte à son intégrité.
8. Lorsqu’elle se prononce sur la pertinence ou l’admissibilité d’éléments de preuve réunis par un État,
la Cour ne se prononce pas sur l’application de la législation nationale de cet État.
Article 70
ATTEINTES À L’ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
1. La Cour a compétence pour connaître des atteintes suivantes à son administration de la justice
lorsqu’elles sont commises intentionnellement :
a) Faux témoignage d’une personne qui a pris l’engagement de dire la vérité en application de l’article
69, paragraphe 1 ;
b) Production d’éléments de preuve faux ou falsifiés en connaissance de cause ;
c) Subornation de témoin, manœuvres visant à empêcher un témoin de comparaître ou de déposer
librement, représailles exercées contre un témoin en raison de sa déposition, destruction ou
falsification d’éléments de preuve, ou entrave au rassemblement de tels éléments ;
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d) Intimidation d’un membre ou agent de la Cour, entrave à son action ou trafic d’influence afin de
l’amener, par la contrainte ou la persuasion, à ne pas exercer ses fonctions ou à ne pas les exercer
comme il convient ;
e) Représailles contre un membre ou un agent de la Cour en raison des fonctions exercées par celui-ci
ou par un autre membre ou agent ;
f) Sollicitation ou acceptation d’une rétribution illégale par un membre ou un agent de la Cour dans le
cadre de ses fonctions officielles.
2. Les principes et les procédures régissant l’exercice par la Cour de sa compétence à l’égard des
atteintes à l’administration de la justice en vertu du présent article sont énoncés dans le Règlement de
procédure et de preuve. Les modalités de la coopération internationale avec la Cour dans la mise en
œuvre des dispositions du présent article sont régies par la législation nationale de l’État requis.
3. En cas de condamnation, la Cour peut imposer une peine d’emprisonnement ne pouvant excéder
cinq années, ou une amende prévue dans le Règlement de procédure et de preuve, ou les deux.
4. a) Les États Parties étendent les dispositions de leur droit pénal qui répriment les atteintes à
l’intégrité de leurs procédures d’enquête ou de leur système judiciaire aux atteintes à l’administration
de la justice en vertu du présent article commises sur leur territoire, ou par l’un de leurs ressortissants ;
b) À la demande de la Cour, un État Partie saisit ses autorités compétentes aux fins de poursuites
chaque fois qu’il le juge approprié. Ces autorités traitent les dossiers dont il s’agit avec diligence, en y
consacrant les moyens nécessaires à une action efficace.
Article 71
SANCTIONS EN CAS D’INCONDUITE À L’AUDIENCE
1. La Cour peut sanctionner l’inconduite à l’audience, y compris la perturbation de l’audience ou le
refus délibéré de suivre ses instructions, par des mesures administratives autres qu’une peine
d’emprisonnement, par exemple l’expulsion temporaire ou permanente de la salle, une amende ou
d’autres mesures analogues prévues dans le Règlement de procédure et de preuve.
2. Le régime des sanctions indiquées au paragraphe 1 est fixé dans le Règlement de procédure et de
preuve.
Article 72
PROTECTION DE RENSEIGNEMENTS TOUCHANT À LA SÉCURITÉ NATIONALE
1. Le présent article s’applique dans tous les cas où la divulgation de renseignements ou de
documents d’un État porterait atteinte, de l’avis de cet État, aux intérêts de sa sécurité nationale. Ces cas
sont, en particulier, ceux qui relèvent de l’article 56, paragraphes 2 et 3, de l’article 61, paragraphe 3, de
l’article 64, paragraphe 3, de l’article 67, paragraphe 2, de l’article 68, paragraphe 6, de l’article 87,
paragraphe 6, et de l’article 93, ainsi que les cas, à tout autre stade de la procédure, où une telle
divulgation peut être en cause.
2. Le présent article s’applique également lorsqu’une personne qui a été invitée à fournir des
renseignements ou des éléments de preuve a refusé de le faire ou en a référé à l’État au motif que leur
divulgation porterait atteinte aux intérêts d’un État en matière de sécurité nationale et lorsque cet État
confirme qu’à son avis la divulgation de ces renseignements porterait atteinte aux intérêts de sa sécurité
nationale.
3. Aucune disposition du présent article ne porte atteinte aux normes de confidentialité applicables en
vertu de l’article 54, paragraphe 3, alinéas e) et f), ni à l’application de l’article 73.

631
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

4. Si un État apprend que des renseignements ou des documents de l’État sont ou seront
probablement divulgués à un stade quelconque de la procédure, et s’il estime qu’une telle divulgation
porterait atteinte aux intérêts de sa sécurité nationale, cet État a le droit d’intervenir en vue d’obtenir le
règlement de la question selon les dispositions du présent article.
5. Lorsqu’un État estime que la divulgation de renseignements porterait atteinte aux intérêts de sa
sécurité nationale, il prend, en liaison avec le Procureur, la défense, la Chambre préliminaire ou la
Chambre de première instance, selon le cas, toutes les mesures raisonnablement possibles pour trouver
une solution par la concertation. Ces mesures peuvent notamment consister à :
a) Modifier ou préciser la demande ;
b) Faire trancher par la Cour la question de la pertinence des renseignements ou éléments de
preuve demandés, ou la question de savoir si les éléments de preuve, quoique pertinents,
pourraient être ou ont été obtenus d’une source autre que l’État requis ;
c) Obtenir les renseignements ou éléments de preuve d’une autre source ou sous une forme
différente ; ou
d) Trouver un accord sur les conditions auxquelles l’assistance pourrait être fournie, notamment
par la communication de résumés ou de versions corrigées, l’imposition de restrictions à la
divulgation, le recours à une procédure à huis clos ou ex parte, ou l’application d’autres mesures
de protection autorisées par le Statut ou le Règlement de procédure et de preuve.
6. Lorsque toutes les mesures raisonnablement possibles ont été prises pour régler la question par la
concertation et que l’État estime qu’il n’existe ni moyens ni conditions qui lui permettraient de
communiquer ou de divulguer les renseignements ou les documents sans porter atteinte aux intérêts de
sa sécurité nationale, il en avise le Procureur ou la Cour en indiquant les raisons précises qui l’ont conduit
à cette conclusion, à moins qu’un énoncé précis de ces raisons ne porte nécessairement atteinte aux
intérêts de l’État en matière de sécurité nationale.
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7. Par la suite, si la Cour détermine que les éléments de preuve sont pertinents et nécessaires pour
l’établissement de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé, elle peut prendre les mesures ci-après :
a) Lorsque la divulgation des renseignements ou du document est sollicitée dans le cadre d’une
demande de coopération au titre du chapitre IX ou dans les circonstances décrites au paragraphe 2, et
que l’État a invoqué le motif de refus visé à l’article 93, paragraphe 4 :
i) La Cour peut, avant de tirer la conclusion visée au paragraphe 7, alinéa a) ii), demander la tenue de
consultations supplémentaires aux fins d’examiner les observations de l’État, y compris, le cas
échéant, la tenue d’audiences à huis clos et ex parte ;
ii) Si la Cour conclut qu’en invoquant le motif de refus énoncé à l’article 93, paragraphe 4, dans les
circonstances de l’espèce, l’État requis n’agit pas conformément aux obligations qui lui incombent en
vertu du présent Statut, elle peut renvoyer l’affaire conformément à l’article 87, paragraphe 7, en
précisant les raisons qui motivent sa conclusion ; et
iii) La Cour peut tirer toute conclusion qu’elle estime appropriée en l’espèce, lorsqu’elle juge l’accusé,
quant à l’existence ou la non-existence d’un fait ; ou
b) Dans toutes les autres circonstances :
i) Ordonner la divulgation ; ou
ii) Dans la mesure où elle n’ordonne pas la divulgation, tirer toute conclusion qu’elle estime appropriée
en l’espèce, lorsqu’elle juge l’accusé, quant à l’existence ou la non-existence d’un fait.
Article 73
RENSEIGNEMENTS OU DOCUMENTS ÉMANANT DE TIERS
Si un État Partie est requis par la Cour de fournir un document ou un renseignement en sa possession,
sous sa garde ou sous son contrôle qui lui a été communiqué à titre confidentiel par un État, une
organisation intergouvernementale ou une organisation internationale, il demande à celui dont il tient le
renseignement ou le document l’autorisation de le divulguer. Si celui qui a communiqué le renseignement
ou le document est un État Partie, il consent à la divulgation du renseignement ou du document, ou
s’efforce de régler la question avec la Cour, sous réserve des dispositions de l’article 72. Si celui qui a
communiqué le renseignement ou le document n’est pas un État Partie et refuse de consentir à la
divulgation, l’État requis informe la Cour qu’il n’est pas en mesure de fournir le document ou le
renseignement en raison d’une obligation préexistante de confidentialité à l’égard de celui dont il le tient.
Article 74
CONDITIONS REQUISES POUR LA DÉCISION
1. Tous les juges de la Chambre de première instance assistent à chaque phase du procès et à
l’intégralité des débats. La Présidence peut désigner, au cas par cas un ou plusieurs juges suppléants, en
fonction des disponibilités, pour assister également à toutes les phases du procès et remplacer un
membre de la Chambre de première instance qui ne pourrait continuer de siéger.
2. La Chambre de première instance fonde sa décision sur son appréciation des preuves et sur
l’ensemble des procédures. Sa décision ne peut aller au-delà des faits et des circonstances décrits dans
les charges et les modifications apportées à celles-ci. Elle est fondée exclusivement sur les preuves
produites et examinées au procès.
3. Les juges s’efforcent de prendre leur décision à l’unanimité, faute de quoi, ils la prennent à la
majorité.
4. Les délibérations de la Chambre de première instance sont et demeurent secrètes.

632
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

5. La décision est présentée par écrit. Elle contient l’exposé complet et motivé des constatations de la
Chambre de première instance sur les preuves et les conclusions. Il n’est prononcé qu’une seule décision.
S’il n’y pas unanimité, la décision contient les vues de la majorité et de la minorité. Il est donné lecture de
la décision ou de son résumé en audience publique.
Article 75
RÉPARATION EN FAVEUR DES VICTIMES
1. La Cour établit des principes applicables aux formes de réparation, telles que la restitution,
l’indemnisation ou la réhabilitation, à accorder aux victimes ou à leurs ayants droit. Sur cette base, la Cour
peut, sur demande, ou de son propre chef dans des circonstances exceptionnelles, déterminer dans sa
décision l’ampleur du dommage, de la perte ou du préjudice causé aux victimes ou à leurs ayants droit, en
indiquant les principes sur lesquels elle fonde sa décision.
2. La Cour peut rendre contre une personne condamnée une ordonnance indiquant la réparation qu’il
convient d’accorder aux victimes ou à leurs ayants droit. Cette réparation peut prendre notamment la
forme de la restitution, de l’indemnisation ou de la réhabilitation. Le cas échéant, la Cour peut décider que
l’indemnité accordée à titre de réparation est versée par l’intermédiaire du Fonds visé à l’article 79.
3. Avant de rendre une ordonnance en vertu du présent article, la Cour peut solliciter, et prend en
considération, les observations de la personne condamnée, des victimes, des autres personnes
intéressées ou des États intéressés, et les observations formulées au nom de ces personnes ou de ces
États.
4. Lorsqu’elle exerce le pouvoir que lui confère le présent article et après qu’une personne a été
reconnue coupable d’un crime relevant de sa compétence, la Cour peut déterminer s’il est nécessaire,
pour donner effet aux ordonnances qu’elle rend en vertu du présent article, de demander des mesures au
titre de l’article 93, paragraphe 1.
5. Les États Parties font appliquer les décisions prises en vertu du présent article comme si les
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dispositions de l’article 109 étaient applicables au présent article.


6. Les dispositions du présent article s’entendent sans préjudice des droits que le droit interne ou le
droit international reconnaissent aux victimes.
Article 76
PRONONCÉ DE LA PEINE
1. En cas de verdict de culpabilité, la Chambre de première instance fixe la peine à appliquer en tenant
compte des conclusions et éléments de preuve pertinents présentés au procès.
2. Sauf dans les cas où l’article 65 s’applique et avant la fin du procès, la Chambre de première
instance peut d’office, et doit à la demande du Procureur ou de l’accusé, tenir une audience
supplémentaire pour prendre connaissance de toutes nouvelles conclusions et de tous nouveaux
éléments de preuve pertinents pour la fixation de la peine conformément au Règlement de procédure et
de preuve.
3. Lorsque le paragraphe 2 s’applique, la Chambre de première instance entend les observations
prévues à l’article 75 au cours de l’audience supplémentaire visée au paragraphe 2 et, au besoin, au cours
de toute nouvelle audience.
4. La sentence est prononcée en audience publique et, lorsque cela est possible, en présence de
l’accusé.
CHAPITRE VII. LES PEINES
Article 77
PEINES APPLICABLES
1. Sous réserve de l’article 110, la Cour peut prononcer contre une personne déclarée coupable d’un
crime visé à l’article 5 du présent Statut l’une des peines suivantes :
a) Une peine d’emprisonnement à temps de 30 ans au plus ; ou
b) Une peine d’emprisonnement à perpétuité, si l’extrême gravité du crime et la situation
personnelle du condamné le justifient.
2. À la peine d’emprisonnement, la Cour peut ajouter :
a) Une amende fixée selon les critères prévus par le Règlement de procédure et de preuve ;
b) La confiscation des profits, biens et avoirs tirés directement ou indirectement du crime, sans
préjudice des droits des tiers de bonne foi.
Article 78
FIXATION DE LA PEINE
1. Lorsqu’elle fixe la peine, la Cour tient compte, conformément au Règlement de procédure et de
preuve, de considérations telles que la gravité du crime et la situation personnelle du condamné.
2. Lorsqu’elle prononce une peine d’emprisonnement, la Cour en déduit le temps que le condamné a
passé, sur son ordre, en détention. Elle peut également en déduire toute autre période passée en
détention à raison d’un comportement lié au crime.
3. Lorsqu’une personne est reconnue coupable de plusieurs crimes, la Cour prononce une peine pour
chaque crime et une peine unique indiquant la durée totale d’emprisonnement. Cette durée ne peut être
inférieure à celle de la peine individuelle la plus lourde et ne peut être supérieure à 30 ans ou à celle de la
peine d’emprisonnement à perpétuité prévue à l’article 77, paragraphe 1, alinéa b).

633
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 79
FONDS AU PROFIT DES VICTIMES
1. Un fonds est créé, sur décision de l’Assemblée des États Parties, au profit des victimes de crimes
relevant de la compétence de la Cour et de leurs familles.
2. La Cour peut ordonner que le produit des amendes et tout autre bien confisqué soient versés au
fonds.
3. Le fonds est géré selon les principes fixés par l’Assemblée des États Parties.
Article 80
LE STATUT, L’APPLICATION DES PEINES PAR LES ÉTATS ET LE DROIT NATIONAL
Rien dans le présent chapitre n’affecte l’application par les États des peines que prévoit leur droit
interne, ni l’application du droit des États qui ne prévoient pas les peines prévues dans le présent chapitre.
CHAPITRE VIII. APPEL ET RÉVISION
Article 81
APPEL D’UNE DÉCISION SUR LA CULPABILITÉ OU LA PEINE
1. Il peut être fait appel, conformément au Règlement de procédure et de preuve, d’une décision
rendue en vertu de l’article 74 selon les modalités suivantes :
a) Le Procureur peut interjeter appel pour l’un des motifs suivants :
i) Vice de procédure ;
ii) Erreur de fait ;
iii) Erreur de droit ;
b) La personne déclarée coupable, ou le Procureur au nom de cette personne, peut interjeter
appel pour l’un des motifs suivants :
i) Vice de procédure ;
ii) Erreur de fait ;
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iii) Erreur de droit ;


iv) Tout autre motif de nature à compromettre l’équité ou la régularité de la procédure ou de la
décision.
2. a) Le Procureur ou le condamné peut, conformément au Règlement de procédure et de preuve,
interjeter appel de la peine prononcée au motif d’une disproportion entre celle-ci et le crime ;
b) Si, à l’occasion d’un appel contre la peine prononcée, la Cour estime qu’il existe des motifs qui
pourraient justifier l’annulation de tout ou partie de la décision sur la culpabilité, elle peut inviter le
Procureur et le condamné à invoquer les motifs énoncés à l’article 81, paragraphe 1, alinéas a) ou b),
et se prononcer sur la décision sur la culpabilité conformément à l’article 83 ;
c) La même procédure s’applique si, à l’occasion d’un appel concernant uniquement la décision sur la
culpabilité, la Cour estime qu’il existe des motifs justifiant une réduction de la peine en vertu du
paragraphe 2, alinéa a).
3. a) À moins que la Chambre de première instance n’en décide autrement, la personne reconnue
coupable reste détenue pendant la procédure d’appel ;
b) Lorsque la durée de la détention dépasse la durée de la peine prononcée, la personne reconnue
coupable est mise en liberté ; toutefois, si le Procureur fait également appel, la libération peut être
subordonnée aux conditions énoncées à l’alinéa c) ci-après ;
c) En cas d’acquittement, l’accusé est immédiatement mis en liberté, sous réserve des conditions
suivantes :
i) Dans des circonstances exceptionnelles, et en fonction, notamment, du risque d’évasion, de la
gravité de l’infraction et des chances de voir l’appel aboutir, la Chambre de première instance peut, à
la demande du Procureur, ordonner le maintien en détention de l’accusé pendant la procédure
d’appel ;
ii) La décision rendue par la Chambre de première instance en vertu du sous-alinéa c i) est susceptible
d’appel conformément au Règlement de procédure et de preuve.
4. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, alinéas a) et b), il est sursis à l’exécution de la
décision sur la culpabilité ou la peine durant le délai consenti pour le recours en appel et durant la
procédure d’appel.
Article 82
APPEL D’AUTRES DÉCISIONS
1. L’une ou l’autre partie peut faire appel, conformément au Règlement de procédure et de preuve, de
l’une des décisions ci-après :
a) Décision sur la compétence ou la recevabilité ;
b) Décision accordant ou refusant la mise en liberté de la personne faisant l’objet d’une enquête
ou de poursuites ;
c) Décision de la Chambre préliminaire d’agir de sa propre initiative en vertu de l’article 56,
paragraphe 3 ;
d) Décision soulevant une question de nature à affecter de manière appréciable le déroulement
équitable et rapide de la procédure ou l’issue du procès, et dont le règlement immédiat par la
Chambre d’appel pourrait, de l’avis de la Chambre préliminaire ou de la Chambre de première
instance, faire sensiblement progresser la procédure.

634
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

2. La décision de la Chambre préliminaire visée à l’article 57, paragraphe 3, alinéa d), est susceptible
d’appel de la part de l’État concerné ou du Procureur, avec l’autorisation de la Chambre préliminaire. Cet
appel est examiné selon une procédure accélérée.
3. L’appel n’a d’effet suspensif que si la Chambre d’appel l’ordonne sur requête présentée
conformément au Règlement de procédure et de preuve.
4. Le représentant légal des victimes, la personne condamnée ou le propriétaire de bonne foi d’un bien
affecté par une ordonnance rendue en vertu de l’article 75 peut relever appel de cette ordonnance
conformément au Règlement de procédure et de preuve.
Article 83
PROCÉDURE D’APPEL
1. Aux fins des procédures visées à l’article 81 et au présent article, la Chambre d’appel a tous les
pouvoirs de la Chambre de première instance.
2. Si la Chambre d’appel conclut que la procédure faisant l’objet de l’appel est viciée au point de porter
atteinte à la régularité de la décision ou de la condamnation, ou que la décision ou la condamnation
faisant l’objet de l’appel est sérieusement entachée d’une erreur de fait ou de droit, elle peut :
a) Annuler ou modifier la décision ou la condamnation ; ou
b) Ordonner un nouveau procès devant une chambre de première instance différente.
À ces fins, la Chambre d’appel peut renvoyer une question de fait devant la Chambre de première
instance initialement saisie afin que celle-ci tranche la question et lui fasse rapport, ou elle peut elle-même
demander des éléments de preuve afin de trancher. Lorsque seule la personne condamnée, ou le
Procureur en son nom, a interjeté appel de la décision ou de la condamnation, celle-ci ne peut être
modifiée à son détriment.
3. Si, dans le cadre de l’appel d’une condamnation, la Chambre d’appel constate que la peine est
disproportionnée par rapport au crime, elle peut la modifier conformément au chapitre VII.
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4. L’arrêt de la Chambre d’appel est adopté à la majorité des juges et rendu en audience publique. Il
est motivé. Lorsqu’il n’y a pas unanimité, il contient les vues de la majorité et de la minorité, mais un juge
peut présenter une opinion individuelle ou une opinion dissidente sur une question de droit.
5. La Chambre d’appel peut prononcer son arrêt en l’absence de la personne acquittée ou condamnée.
Article 84
RÉVISION D’UNE DÉCISION SUR LA CULPABILITÉ OU LA PEINE
1. La personne déclarée coupable ou, si elle est décédée, son conjoint, ses enfants, ses parents ou
toute personne vivant au moment de son décès qu’elle a mandatée par écrit expressément à cette fin, ou
le Procureur agissant au nom de cette personne, peuvent saisir la Chambre d’appel d’une requête en
révision de la décision définitive sur la culpabilité ou la peine pour les motifs suivants :
a) Il a été découvert un fait nouveau qui :
i) N’était pas connu au moment du procès sans que cette circonstance puisse être imputée, en
totalité ou en partie, au requérant ; et
ii) S’il avait été établi lors du procès, aurait vraisemblablement entraîné un verdict différent ;
b) Il a été découvert qu’un élément de preuve décisif, retenu lors du procès et sur la base duquel
la culpabilité a été établie, était faux, contrefait ou falsifié ;
c) Un ou plusieurs des juges qui ont participé à la décision sur la culpabilité ou qui ont confirmé
les charges ont commis dans cette affaire un acte constituant une faute lourde ou un
manquement à leurs devoirs d’une gravité suffisante pour justifier qu’ils soient relevés de leurs
fonctions en application de l’article 46.
2. La Chambre d’appel rejette la requête si elle la juge infondée. Si elle estime que la requête est
fondée sur des motifs valables, elle peut, selon ce qui convient :
a) Réunir à nouveau la Chambre de première instance qui a rendu le jugement initial ;
b) Constituer une nouvelle chambre de première instance ; ou
c) Rester saisie de l’affaire, afin de déterminer, après avoir entendu les parties selon les
modalités prévues dans le Règlement de procédure et de preuve, si le jugement doit être révisé.
Article 85
INDEMNISATION DES PERSONNES ARRÊTÉES OU CONDAMNÉES
1. Quiconque a été victime d’une arrestation ou mise en détention illégales a droit à réparation.
2. Lorsqu’une condamnation définitive est ultérieurement annulée parce qu’un fait nouveau ou
nouvellement révélé prouve qu’il s’est produit une erreur judiciaire, la personne qui a subi une peine en
raison de cette condamnation est indemnisée conformément à la loi, à moins qu’il ne soit prouvé que la
non-révélation en temps utile du fait inconnu lui est imputable en tout ou partie.
3. Dans des circonstances exceptionnelles, si la Cour constate, au vu de faits probants, qu’une erreur
judiciaire grave et manifeste a été commise, elle peut, à sa discrétion, accorder une indemnité conforme
aux critères énoncés dans le Règlement de procédure et de preuve à une personne qui avait été placée
en détention et a été libérée à la suite d’un acquittement définitif ou parce qu’il a été mis fin aux poursuites
pour ce motif.

635
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

CHAPITRE IX. COOPÉRATION INTERNATIONALE


ET ASSISTANCE JUDICIAIRE
Article 86
OBLIGATION GÉNÉRALE DE COOPÉRER
Conformément aux dispositions du présent Statut, les États Parties coopèrent pleinement avec la Cour
dans les enquêtes et poursuites qu’elle mène pour les crimes relevant de sa compétence.
Article 87
DEMANDES DE COOPÉRATION : DISPOSITIONS GÉNÉRALES
1. a) La Cour est habilitée à adresser des demandes de coopération aux États Parties. Ces demandes
sont transmises par la voie diplomatique ou toute autre voie appropriée que chaque État Partie choisit au
moment de la ratification, de l’acceptation ou de l’approbation du présent Statut ou de l’adhésion à celui-ci.
Toute modification ultérieure du choix de la voie de transmission est faite par chaque État Partie
conformément au Règlement de procédure et de preuve.
b) S’il y a lieu, et sans préjudice des dispositions de l’alinéa a), les demandes peuvent être
également transmises par l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) ou par
toute organisation régionale compétente.
2. Les demandes de coopération et les pièces justificatives y afférentes sont soit rédigées dans une
langue officielle de l’État requis ou accompagnées d’une traduction dans cette langue, soit rédigées dans
l’une des langues de travail de la Cour ou accompagnées d’une traduction dans l’une de ces langues,
selon le choix fait par l’État requis au moment de la ratification, de l’acceptation ou de l’approbation du
présent Statut ou de l’adhésion à celui-ci. Toute modification ultérieure de ce choix est faite conformément
au Règlement de procédure et de preuve.
3. L’État requis respecte le caractère confidentiel des demandes de coopération et des pièces
justificatives y afférentes, sauf dans la mesure où leur divulgation est nécessaire pour donner suite à la
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demande.
4. En ce qui concerne les demandes d’assistance présentées au titre du présent chapitre, la Cour peut
prendre, notamment en matière de protection des renseignements, les mesures qui peuvent être
nécessaires pour garantir la sécurité et le bien-être physique ou psychologique des victimes, des témoins
potentiels et des membres de leur famille. La Cour peut demander que tout renseignement fourni au titre
du présent chapitre soit communiqué et traité de telle sorte que soient préservés la sécurité et le bien-être
physique ou psychologique des victimes, des témoins potentiels et des membres de leur famille.
5. a) La Cour peut inviter tout État non partie au présent Statut à prêter son assistance au titre du
présent chapitre sur la base d’un arrangement ad hoc ou d’un accord conclu avec cet État ou sur toute
autre base appropriée.
b) Si, ayant conclu avec la Cour un arrangement ad hoc ou un accord, un État non partie au présent
Statut n’apporte pas l’assistance qui lui est demandée en vertu de cet arrangement ou de cet accord, la
Cour peut en informer l’Assemblée des États Parties, ou le Conseil de sécurité lorsque c’est celui-ci qui l’a
saisie.
6. La Cour peut demander des renseignements ou des documents à toute organisation
intergouvernementale. Elle peut également solliciter d’autres formes de coopération et d’assistance dont
elle est convenue avec une organisation intergouvernementale et qui sont conformes aux compétences ou
au mandat de celle-ci.
7. Si un État Partie n’accède pas à une demande de coopération de la Cour contrairement à ce que
prévoit le présent Statut, et l’empêche ainsi d’exercer les fonctions et les pouvoirs que lui confère le
présent Statut, la Cour peut en prendre acte et en référer à l’Assemblée des États Parties ou au Conseil
de sécurité lorsque c’est celui-ci qui l’a saisie.
Article 88
PROCÉDURES DISPONIBLES SELON LA LÉGISLATION NATIONALE
Les États Parties veillent à prévoir dans leur législation nationale les procédures qui permettent la
réalisation de toutes les formes de coopération visées dans le présent chapitre.
Article 89
REMISE DE CERTAINES PERSONNES À LA COUR
1. La Cour peut présenter à tout État sur le territoire duquel une personne est susceptible de se trouver
une demande, accompagnée des pièces justificatives indiquées à l’article 91, tendant à ce que cette
personne soit arrêtée et lui soit remise, et sollicite la coopération de cet État pour l’arrestation et la remise
de la personne. Les États Parties répondent à toute demande d’arrestation et de remise conformément
aux dispositions du présent chapitre et aux procédures prévues par leur législation nationale.
2. Lorsque la personne dont la remise est sollicitée saisit une juridiction nationale d’une contestation
fondée sur le principe ne bis in idem, comme prévu à l’article 20, l’État requis consulte immédiatement la
Cour pour savoir s’il y a eu en l’espèce une décision sur la recevabilité. S’il a été décidé que l’affaire est
recevable, l’État requis donne suite à la demande. Si la décision sur la recevabilité est pendante, l’État
requis peut différer l’exécution de la demande jusqu’à ce que la Cour ait statué.
3. a) Les États Parties autorisent le transport à travers leur territoire, conformément aux procédures
prévues par leur législation nationale, de toute personne transférée à la Cour par un autre État, sauf
dans le cas où le transit par leur territoire gênerait ou retarderait la remise.
b) Une demande de transit est transmise par la Cour conformément à l’article 87. Elle contient :
i) Le signalement de la personne transportée ;

636
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

ii) Un bref exposé des faits et de leur qualification juridique ; et


iii) Le mandat d’arrêt et de remise ;
c) La personne transportée reste détenue pendant le transit.
d) Aucune autorisation n’est nécessaire si la personne est transportée par voie aérienne et si aucun
atterrissage n’est prévu sur le territoire de l’État de transit.
e) Si un atterrissage imprévu a lieu sur le territoire de l’État de transit, celui-ci peut exiger de la Cour la
présentation d’une demande de transit dans les formes prescrites à l’alinéa b). L’État de transit place la
personne transportée en détention jusqu’à la réception de la demande de transit et l’accomplissement
effectif du transit. Toutefois, la détention au titre du présent alinéa ne peut se prolonger au-delà de 96
heures après l’atterrissage imprévu si la demande n’est pas reçue dans ce délai.
4. Si la personne réclamée fait l’objet de poursuites ou exécute une peine dans l’État requis pour un
crime différent de celui pour lequel sa remise à la Cour est demandée, cet État, après avoir décidé
d’accéder à la demande de la Cour, consulte celle-ci.
Article 90
DEMANDES CONCURRENTES
1. Si un État Partie reçoit de la Cour, conformément à l’article 89, une demande de remise et reçoit par
ailleurs de tout autre État une demande d’extradition de la même personne pour le même comportement,
qui constitue la base du crime pour lequel la Cour demande la remise de cette personne, il en avise la
Cour et l’État requérant.
2. Lorsque l’État requérant est un État Partie, l’État requis donne la priorité à la demande de la Cour :
a) Si la Cour a décidé, en application des articles 18 ou 19, que l’affaire que concerne la
demande de remise est recevable en tenant compte de l’enquête menée ou des poursuites
engagées par l’État requérant en relation avec la demande d’extradition de celui-ci ; ou
b) Si la Cour prend la décision visée à l’alinéa a) à la suite de la notification faite par l’État requis
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en application du paragraphe 1.
3. Lorsque la Cour n’a pas pris la décision visée au paragraphe 2, alinéa a), l’État requis peut, s’il le
souhaite, commencer à instruire la demande d’extradition de l’État requérant en attendant que la Cour se
prononce comme prévu à l’alinéa b). Il n’extrade pas la personne tant que la Cour n’a pas jugé l’affaire
irrecevable. La Cour se prononce selon une procédure accélérée.
4. Si l’État requérant est un État non partie au présent Statut, l’État requis, s’il n’est pas tenu par une
obligation internationale d’extrader l’intéressé vers l’État requérant, donne la priorité à la demande de
remise de la Cour, si celle-ci a jugé que l’affaire était recevable.
5. Quand une affaire relevant du paragraphe 4 n’a pas été jugée recevable par la Cour, l’État requis
peut, s’il le souhaite, commencer à instruire la demande d’extradition de l’État requérant.
6. Dans les cas où le paragraphe 4 s’applique mais que l’État requis est tenu par une obligation
internationale d’extrader la personne vers l’État non partie requérant, l’État requis détermine s’il y a lieu de
remettre la personne à la Cour ou de l’extrader vers l’État requérant. Dans sa décision, il tient compte de
toutes les considérations pertinentes, notamment :
a) L’ordre chronologique des demandes ;
b) Les intérêts de l’État requérant, en particulier, le cas échéant, le fait que le crime a été commis
sur son territoire et la nationalité des victimes et de la personne réclamée ; et
c) La possibilité que la Cour et l’État requérant parviennent ultérieurement à un accord
concernant la remise de cette personne.
7. Si un État Partie reçoit de la Cour une demande de remise et reçoit par ailleurs d’un autre État une
demande d’extradition de la même personne pour un comportement différent de celui qui constitue le
crime pour lequel la Cour demande la remise :
a) L’État requis donne la priorité à la demande de la Cour s’il n’est pas tenu par une obligation
internationale d’extrader la personne vers l’État requérant ;
b) S’il est tenu par une obligation internationale d’extrader la personne vers l’État requérant, l’État
requis soit remet cette personne à la Cour soit l’extrade vers l’État requérant. Dans son choix, il
tient compte de toutes les considérations pertinentes, notamment celles qui sont énoncées au
paragraphe 6, mais accorde une importance particulière à la nature et à la gravité relative du
comportement en cause.
8. Lorsqu’à la suite d’une notification reçue en application du présent article, la Cour a jugé une affaire
irrecevable et que l’extradition vers l’État requérant est ultérieurement refusée, l’État requis avise la Cour
de cette décision.
Article 91
CONTENU DE LA DEMANDE D’ARRESTATION ET DE REMISE
1. Une demande d’arrestation et de remise est faite par écrit. En cas d’urgence, elle peut être faite par
tout moyen laissant une trace écrite, à condition d’être confirmée selon les modalités prévues à l’article 87,
paragraphe 1, alinéa a).
2. Si la demande concerne l’arrestation et la remise d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt
délivré par la Chambre préliminaire en vertu de l’article 58, elle contient ou est accompagnée d’un dossier
contenant les pièces justificatives suivantes :
a) Le signalement de la personne recherchée, suffisant pour l’identifier, et des renseignements
sur le lieu où elle se trouve probablement ;
b) Une copie du mandat d’arrêt ; et

637
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

c) Les documents, déclarations et renseignements qui peuvent être exigés dans l’État requis pour
procéder à la remise; toutefois, les exigences de l’État requis ne doivent pas être plus lourdes
dans ce cas que dans celui des demandes d’extradition présentées en application de traités ou
arrangements conclus entre l’État requis et d’autres États et devraient même, si possible, l’être
moins, eu égard au caractère particulier de la Cour.
3. Si la demande concerne l’arrestation et la remise d’une personne qui a déjà été reconnue coupable,
elle contient ou est accompagnée d’un dossier contenant les pièces justificatives suivantes :
a) Une copie de tout mandat d’arrêt visant cette personne ;
b) Une copie du jugement ;
c) Des renseignements attestant que la personne recherchée est bien celle visée par le
jugement ; et
d) Si la personne recherchée a été condamnée à une peine, une copie de la condamnation, avec,
dans le cas d’une peine d’emprisonnement, indication du temps déjà accompli et du temps
restant à accomplir.
4. À la demande de la Cour, un État Partie tient avec celle-ci, soit d’une manière générale, soit à
propos d’une question particulière, des consultations sur les conditions prévues par sa législation interne
qui pourraient s’appliquer selon le paragraphe 2, alinéa c). Lors de ces consultations, l’État Partie informe
la Cour des exigences particulières de sa législation.
Article 92
ARRESTATION PROVISOIRE
1. En cas d’urgence, la Cour peut demander l’arrestation provisoire de la personne recherchée en
attendant que soient présentées la demande de remise et les pièces justificatives visées à l’article 91.
2. La demande d’arrestation provisoire est faite par tout moyen laissant une trace écrite et contient :
a) Le signalement de la personne recherchée, suffisant pour l’identifier, et des renseignements
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sur le lieu où elle se trouve probablement ;


b) L’exposé succinct des crimes pour lesquels la personne est recherchée et des faits qui
seraient constitutifs de ces crimes, y compris, si possible, la date et le lieu où ils se seraient
produits ;
c) Une déclaration affirmant l’existence à l’encontre de la personne recherchée d’un mandat
d’arrêt ou d’un jugement établissant sa culpabilité ; et
d) Une déclaration indiquant qu’une demande de remise de la personne recherchée suivra.
3. Une personne provisoirement arrêtée peut être remise en liberté si l’État requis n’a pas reçu la
demande de remise et les pièces justificatives visées à l’article 91 dans le délai prescrit par le Règlement
de procédure et de preuve. Toutefois, cette personne peut consentir à être remise avant l’expiration de ce
délai si la législation de l’État requis le permet. Dans ce cas, l’État requis procède aussitôt que possible à
sa remise à la Cour.
4. La mise en liberté de la personne recherchée prévu au paragraphe 3, est sans préjudice de son
arrestation ultérieure et de sa remise si la demande de remise accompagnée des pièces justificatives est
présentée par la suite.
Article 93
AUTRES FORMES DE COOPÉRATION
1. Les États Parties font droit, conformément aux dispositions du présent chapitre et aux procédures
prévues par leur législation nationale, aux demandes d’assistance de la Cour liées à une enquête ou à des
poursuites et concernant :
a) L’identification d’une personne, le lieu où elle se trouve ou la localisation de biens ;
b) Le rassemblement d’éléments de preuve, y compris les dépositions faites sous serment, et la
production d’éléments de preuve, y compris les expertises et les rapports dont la Cour a besoin ;
c) L’interrogatoire des personnes faisant l’objet d’une enquête ou de poursuites ;
d) La signification de documents, y compris les pièces de procédure ;
e) Les mesures propres à faciliter la comparution volontaire devant la Cour de personnes
déposant comme témoins ou experts ;
f) Le transfèrement temporaire de personnes en vertu du paragraphe 7 ;
g) L’examen de localités ou de sites, notamment l’exhumation et l’examen de cadavres enterrés
dans des fosses communes ;
h) L’exécution de perquisitions et de saisies ;
i) La transmission de dossiers et de documents, y compris les dossiers et les documents officiels ;
j) La protection des victimes et des témoins et la préservation des éléments de preuve ;
k) L’identification, la localisation, le gel ou la saisie du produit des crimes, des biens, des avoirs et
des instruments qui sont liés aux crimes, aux fins de leur confiscation éventuelle, sans préjudice
des droits des tiers de bonne foi ; et
l) Toute autre forme d’assistance non interdite par la législation de l’État requis propre à faciliter
l’enquête et les poursuites relatives aux crimes relevant de la compétence de la Cour.
2. La Cour est habilitée à fournir à un témoin ou à un expert comparaissant devant elle l’assurance
qu’il ne sera ni poursuivi, ni détenu, ni soumis par elle à une restriction quelconque de sa liberté
personnelle pour un acte ou une omission antérieurs à son départ de l’État requis.
3. Si l’exécution d’une mesure particulière d’assistance décrite dans une demande présentée en vertu
du paragraphe 1 est interdite dans l’État requis en vertu d’un principe juridique fondamental d’application

638
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

générale, ledit État engage sans tarder des consultations avec la Cour pour tenter de régler la question.
Au cours de ces consultations, il est envisagé d’apporter l’assistance demandée sous une autre forme ou
sous certaines conditions. Si la question n’est pas réglée à l’issue des consultations, la Cour modifie la
demande.
4. Conformément à l’article 72, un État Partie ne peut rejeter, totalement ou partiellement, une
demande d’assistance de la Cour que si cette demande a pour objet la production de documents ou la
divulgation d’éléments de preuve qui touchent à sa sécurité nationale.
5. Avant de rejeter une demande d’assistance visée au paragraphe 1, alinéa l), l’État requis détermine
si l’assistance peut être fournie sous certaines conditions, ou pourrait l’être ultérieurement ou sous une
autre forme, étant entendu que si la Cour ou le Procureur acceptent ces conditions, ils sont tenus de les
observer.
6. L’État requis qui rejette une demande d’assistance fait connaître sans retard ses raisons à la Cour
ou au Procureur.
7. a) La Cour peut demander le transfèrement temporaire d’une personne détenue aux fins
d’identification ou pour obtenir un témoignage ou d’autres formes d’assistance. Cette personne peut
être transférée si les conditions suivantes sont remplies :
i) La personne donne librement et en connaissance de cause son consentement au transfèrement ; et
ii) L’État requis donne son accord au transfèrement, sous réserve des conditions dont cet État et la
Cour peuvent convenir.
b) La personne transférée reste détenue. Une fois l’objectif du transfèrement atteint, la Cour renvoie
sans délai cette personne dans l’État requis.
8. a) La Cour préserve le caractère confidentiel des pièces et renseignements recueillis, sauf dans la
mesure nécessaire à l’enquête et aux procédures décrites dans la demande.
b) L’État requis peut au besoin communiquer des documents ou des renseignements au Procureur à
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titre confidentiel. Le Procureur ne peut alors les utiliser que pour recueillir des éléments de preuve
nouveaux.
c) L’État requis peut, soit d’office, soit à la demande du Procureur, autoriser par la suite la divulgation
de ces documents ou renseignements. Ceux-ci peuvent alors être utilisés comme moyen de preuve
conformément aux dispositions des chapitres V et VI et au Règlement de procédure et de preuve.
9. a) i) Si un État Partie reçoit, d’une part, de la Cour et, d’autre part, d’un autre État dans le cadre
d’une obligation internationale, des demandes concurrentes ayant un autre objet que la remise ou
l’extradition, il s’efforce, en consultation avec la Cour et cet autre État, de faire droit aux deux
demandes, au besoin en différant l’une ou l’autre ou en la subordonnant à certaines conditions.
ii) À défaut, la concurrence des demandes est résolue conformément aux principes établis à l’article
90.
b) Toutefois, lorsque la demande de la Cour concerne des renseignements, des biens ou des
personnes qui se trouvent sous l’autorité d’un État tiers ou d’une organisation internationale en vertu
d’un accord international, l’État requis en informe la Cour et celle-ci adresse sa demande à l’État tiers
ou à l’organisation internationale.
10. a) Si elle reçoit une demande en ce sens, la Cour peut coopérer avec l’État Partie qui mène une
enquête ou un procès concernant un comportement qui constitue un crime relevant de la compétence
de la Cour ou un crime grave au regard du droit interne de cet État, et prêter assistance à cet État.
b) i) Cette assistance comprend notamment :
a. La transmission de dépositions, documents et autres éléments de preuve recueillis au cours
d’une enquête ou d’un procès menés par la Cour ; et
b. L’interrogatoire de toute personne détenue par ordre de la Cour ;
ii) Dans le cas visé au point a. du sous-alinéa b, i) :
a. La transmission des documents et autres éléments de preuve obtenus avec l’assistance d’un
État requiert le consentement de cet État ;
b. La transmission des dépositions, documents et autres éléments de preuve fournis par un
témoin ou par un expert se fait conformément aux dispositions de l’article 68.
c) La Cour peut, dans les conditions énoncées au présent paragraphe, faire droit à une demande
d’assistance émanant d’un État qui n’est pas partie au présent Statut.
Article 94
SURSIS À EXÉCUTION D’UNE DEMANDE À RAISON D’UNE ENQUÊTE
OU DE POURSUITES EN COURS
1. Si l’exécution immédiate d’une demande devait nuire au bon déroulement de l’enquête ou des
poursuites en cours dans une affaire différente de celle à laquelle se rapporte la demande, l’État requis
peut surseoir à l’exécution de celle-ci pendant un temps fixé d’un commun accord avec la Cour. Toutefois,
ce sursis ne dure pas plus qu’il n’est nécessaire pour mener à bien l’enquête ou les poursuites en question
dans l’État requis. Avant de décider de surseoir à l’exécution de la demande, l’État requis examine si
l’assistance peut être fournie immédiatement sous certaines conditions.
2. Si la décision est prise de surseoir à l’exécution de la demande en application du paragraphe 1, le
Procureur peut toutefois demander l’adoption de mesures pour préserver les éléments de preuve en vertu
de l’article 93, paragraphe 1, alinéa j).

639
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 95
SURSIS À EXÉCUTION D’UNE DEMANDE EN RAISON D’UNE EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ
Lorsque la Cour examine une exception d’irrecevabilité conformément aux articles 18 ou 19, l’État
requis peut surseoir à l’exécution d’une demande faite au titre du présent chapitre en attendant que la
Cour ait statué, à moins que la Cour n’ait expressément décidé que le Procureur pouvait continuer de
rassembler des éléments de preuve en application des articles 18 ou 19.
Article 96
CONTENU D’UNE DEMANDE PORTANT SUR D’AUTRES FORMES
DE COOPÉRATION VISÉES À L’ARTICLE 93
1. Une demande portant sur d’autres formes de coopération visées à l’article 93 est faite par écrit. En
cas d’urgence, elle peut être faite par tout moyen laissant une trace écrite, à condition d’être confirmée
selon les modalités indiquées à l’article 87, paragraphe 1, alinéa a).
2. La demande contient ou est accompagnée d’un dossier contenant les éléments suivants :
a) L’exposé succinct de l’objet de la demande et de la nature de l’assistance demandée, y
compris les fondements juridiques et les motifs de la demande ;
b) Des renseignements aussi détaillés que possible sur la personne ou le lieu qui doivent être
identifiés ou localisés, de manière que l’assistance demandée puisse être fournie ;
c) L’exposé succinct des faits essentiels qui justifient la demande ;
d) L’exposé des motifs et l’explication détaillée des procédures ou des conditions à respecter ;
e) Tout renseignement que peut exiger la législation de l’État requis pour qu’il soit donné suite à
la demande ; et
f) Tout autre renseignement utile pour que l’assistance demandée puisse être fournie.
3. À la demande de la Cour, un État Partie tient avec celle-ci, soit d’une manière générale, soit à
propos d’une question particulière, des consultations sur les conditions prévues par sa législation qui
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pourraient s’appliquer comme prévu au paragraphe 2, alinéa e). Lors de ces consultations, l’État Partie
informe la Cour des exigences particulières de sa législation.
4. Les dispositions du présent article s’appliquent aussi, le cas échéant, à une demande d’assistance
adressée à la Cour.
Article 97
CONSULTATIONS
Lorsqu’un État Partie est saisi d’une demande au titre du présent chapitre et constate qu’elle soulève
des difficultés qui pourraient en gêner ou en empêcher l’exécution, il consulte la Cour sans tarder en vue
de régler la question. Ces difficultés peuvent prendre notamment les formes suivantes :
a) Les informations ne sont pas suffisantes pour donner suite à la demande ;
b) Dans le cas d’une demande de remise, la personne réclamée reste introuvable en dépit de
tous les efforts, ou les recherches ont permis d’établir que la personne se trouvant dans l’État
requis n’est manifestement pas celle que vise le mandat ; ou
c) L’État requis serait contraint, pour donner suite à la demande sous sa forme actuelle, de violer
une obligation conventionnelle qu’il a déjà à l’égard d’un autre État.
Article 98
COOPÉRATION EN RELATION AVEC LA RENONCIATION À L’IMMUNITÉ
ET LE CONSENTEMENT À LA REMISE
1. La Cour ne peut poursuivre l’exécution d’une demande de remise ou d’assistance qui contraindrait
l’État requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en
matière d’immunité des États ou d’immunité diplomatique d’une personne ou de biens d’un État tiers, à
moins d’obtenir au préalable la coopération de cet État tiers en vue de la levée de l’immunité.
2. La Cour ne peut poursuivre l’exécution d’une demande de remise qui contraindrait l’État requis à
agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en vertu d’accords internationaux selon
lesquels le consentement de l’État d’envoi est nécessaire pour que soit remise à la Cour une personne
relevant de cet État, à moins que la Cour ne puisse au préalable obtenir la coopération de l’État d’envoi
pour qu’il consente à la remise.
Article 99
EXÉCUTION DES DEMANDES PRÉSENTÉES AU TITRE DES ARTICLES 93 ET 96
1. L’État requis donne suite aux demandes d’assistance conformément à la procédure prévue par sa
législation et, à moins que cette législation ne l’interdise, de la manière précisée dans la demande, y
compris en appliquant toute procédure indiquée dans celle-ci ou en autorisant les personnes qu’elle
précise à être présentes et à participer à l’exécution de la demande.
2. En cas de demande urgente, les documents ou éléments de preuve produits pour y répondre sont, à
la requête de la Cour, envoyés d’urgence.
3. Les réponses de l’État requis sont communiquées dans leur langue et sous leur forme originales.
4. Sans préjudice des autres articles du présent chapitre, lorsque cela est nécessaire pour exécuter
efficacement une demande à laquelle il peut être donné suite sans recourir à des mesures de contrainte,
notamment lorsqu’il s’agit d’entendre ou de faire déposer une personne agissant de son plein gré, y
compris hors de la présence des autorités de l’État partie requis quand cela est déterminant pour la bonne
exécution de la demande, ou lorsqu’il s’agit d’inspecter un site public ou un autre lieu public sans le
modifier, le Procureur peut réaliser l’objet de la demande directement sur le territoire de l’État, selon les
modalités suivantes:

640
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

a) Lorsque l’État requis est l’État sur le territoire duquel il est allégué que le crime a été commis et
qu’il y a eu une décision sur la recevabilité comme prévu aux articles 18 ou 19, le Procureur peut
exécuter directement la demande, après avoir mené avec l’État requis des consultations aussi
étendues que possible ;
b) Dans les autres cas, le Procureur peut exécuter la demande après consultations avec l’État
Partie requis et eu égard aux conditions ou préoccupations raisonnables que cet État a
éventuellement fait valoir. Lorsque l’État requis constate que l’exécution d’une demande relevant
du présent alinéa soulève des difficultés, il consulte aussitôt la Cour en vue d’y remédier.
5. Les dispositions autorisant la personne entendue ou interrogée par la Cour au titre de l’article 72 à
invoquer les restrictions prévues pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles touchant à la
sécurité nationale s’appliquent également à l’exécution des demandes d’assistance relevant du présent
article.
Article 100
DÉPENSES
1. Les dépenses ordinaires afférentes à l’exécution des demandes sur le territoire de l’État requis sont
à la charge de cet État, à l’exception des frais suivants, qui sont à la charge de la Cour :
a) Frais liés aux voyages et à la protection des témoins et des experts ou au transfèrement des
détenus en vertu de l’article 93 ;
b) Frais de traduction, d’interprétation et de transcription ;
c) Frais de déplacement et de séjour des juges, du Procureur, des procureurs adjoints, du
Greffier, du Greffier adjoint et des membres du personnel de tous les organes de la Cour ;
d) Coût des expertises ou rapports demandés par la Cour ;
e) Frais liés au transport des personnes remises à la Cour par l’État de détention ; et
f) Après consultation, tous frais extraordinaires que peut entraîner l’exécution d’une demande.
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2. Les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent, selon qu’il convient, aux demandes adressées à la
Cour par les États Parties. Dans ce cas, la Cour prend à sa charge les frais ordinaires de l’exécution.
Article 101
RÈGLE DE LA SPÉCIALITÉ
1. Une personne remise à la Cour en application du présent Statut ne peut être poursuivie, punie ou
détenue à raison de comportements antérieurs à sa remise, à moins que ceux-ci ne soient constitutifs des
crimes pour lesquels elle a été remise.
2. La Cour peut solliciter de l’État qui lui a remis une personne une dérogation aux conditions posées
au paragraphe 1. Elle fournit au besoin des renseignements supplémentaires conformément à l’article 91.
Les États Parties sont habilités à accorder une dérogation à la Cour et doivent s’efforcer de le faire.
Article 102
EMPLOI DES TERMES
Aux fins du présent Statut :
a) On entend par « remise » le fait pour un État de livrer une personne à la Cour en application du
présent Statut.
b) On entend par « extradition » le fait pour un État de livrer une personne à un autre État en
application d’un traité, d’une convention ou de la législation nationale.
CHAPITRE X. EXÉCUTION
Article 103
RÔLE DES ÉTATS DANS L’EXÉCUTION DES PEINES D’EMPRISONNEMENT
1. a) Les peines d’emprisonnement sont accomplies dans un État désigné par la Cour sur la liste des
États qui lui ont fait savoir qu’ils étaient disposés à recevoir des condamnés.
b) Lorsqu’il déclare qu’il est disposé à recevoir des condamnés, un État peut assortir son acceptation
de conditions qui doivent être agréées par la Cour et être conformes aux dispositions du présent
chapitre.
c) L’État désigné dans une affaire donnée fait savoir promptement à la Cour s’il accepte ou non sa
désignation.
2. a) L’État chargé de l’exécution avise la Cour de toute circonstance, y compris la réalisation de toute
condition convenue en application du paragraphe 1, qui serait de nature à modifier sensiblement les
conditions ou la durée de la détention. La Cour est avisée au moins 45 jours à l’avance de toute
circonstance de ce type connue ou prévisible. Pendant ce délai, l’État chargé de l’exécution ne prend
aucune mesure qui pourrait être contraire à ses obligations en vertu de l’article 110 ;
b) Si la Cour ne peut accepter les circonstances visées à l’alinéa a), elle en avise l’État chargé de
l’exécution et procède conformément à l’article 104, paragraphe 1.
3. Quand elle exerce son pouvoir de désignation conformément au paragraphe 1, la Cour prend en
considération :
a) Le principe selon lequel les États Parties doivent partager la responsabilité de l’exécution des
peines d’emprisonnement conformément aux principes de répartition équitable énoncés dans le
Règlement de procédure et de preuve ;
b) Les règles conventionnelles du droit international généralement acceptées qui régissent le
traitement des détenus ;
c) Les vues de la personne condamnée ;
d) La nationalité de la personne condamnée ;

641
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

e) Toute autre circonstance relative au crime, à la situation de la personne condamnée ou à l’exécution


effective de la peine, susceptible de guider le choix de l’État chargé de l’exécution.
4. Si aucun État n’est désigné comme prévu au paragraphe 1, la peine d’emprisonnement est
accomplie dans un établissement pénitentiaire fourni par l’État hôte, dans les conditions définies par
l’accord de siège visé à l’article 3, paragraphe 2. Dans ce cas, les dépenses afférentes à l’exécution de la
peine sont à la charge de la Cour.
Article 104
MODIFICATION DE LA DÉSIGNATION DE L’ÉTAT
CHARGÉ DE L’EXÉCUTION
1. La Cour peut décider à tout moment de transférer un condamné dans une prison d’un autre État.
2. La personne condamnée par la Cour peut à tout moment demander à celle-ci son transfert hors de
l’État chargé de l’exécution.
Article 105
EXÉCUTION DE LA PEINE
1. Sous réserve des conditions qu’un État a éventuellement formulées comme le prévoit l’article 103,
paragraphe 1, alinéa b), la peine d’emprisonnement est exécutoire pour les États Parties, qui ne peuvent
en aucun cas la modifier.
2. La Cour a seule le droit de se prononcer sur une demande de révision de sa décision sur la
culpabilité ou la peine. L’État chargé de l’exécution n’empêche pas le condamné de présenter une telle
demande.
Article 106
CONTRÔLE DE L’EXÉCUTION DE LA PEINE ET CONDITIONS DE DÉTENTION
1. L’exécution d’une peine d’emprisonnement est soumise au contrôle de la Cour. Elle est conforme
aux règles conventionnelles internationales largement acceptées en matière de traitement des détenus.
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2. Les conditions de détention sont régies par la législation de l’État chargé de l’exécution. Elles sont
conformes aux règles conventionnelles internationales largement acceptées en matière de traitement des
détenus. Elles ne peuvent en aucun cas être ni plus ni moins favorables que celles que l’État chargé de
l’exécution réserve aux détenus condamnés pour des infractions similaires.
3. Les communications entre le condamné et la Cour sont libres et confidentielles.
Article 107
TRANSFÈREMENT DU CONDAMNÉ QUI A ACCOMPLI SA PEINE
1. Une fois sa peine purgée, une personne qui n’est pas un ressortissant de l’État chargé de
l’exécution peut être transférée, conformément à la législation de l’État chargé de l’exécution, dans un
autre État qui accepte ou est tenu de l’accueillir ou dans un autre État qui accepte de l’accueillir en
réponse au souhait qu’elle a formulé d’être transférée dans cet État, à moins que l’État chargé de
l’exécution n’autorise cette personne à demeurer sur son territoire.
2. Les dépenses afférentes au transfèrement du condamné dans un autre État en application du
paragraphe 1 sont supportées par la Cour si aucun État ne les prend à sa charge.
3. Sous réserve des dispositions de l’article 108, l’État de détention peut également, en application de
sa législation, extrader ou remettre de quelque autre manière la personne à un État qui a demandé son
extradition ou sa remise aux fins de jugement ou d’exécution d’une peine.
Article 108
LIMITES EN MATIÈRE DE POURSUITES OU DE CONDAMNATIONS
POUR D’AUTRES INFRACTIONS
1. Le condamné détenu par l’État chargé de l’exécution ne peut être poursuivi, condamné ou extradé
vers un État tiers pour un comportement antérieur à son transfèrement dans l’État chargé de l’exécution, à
moins que la Cour n’ait approuvé ces poursuites, cette condamnation ou cette extradition à la demande de
l’État chargé de l’exécution.
2. La Cour statue sur la question après avoir entendu le condamné.
3. Le paragraphe 1 cesse de s’appliquer si le condamné demeure volontairement plus de 30 jours sur
le territoire de l’État chargé de l’exécution après avoir accompli la totalité de la peine prononcée par la
Cour, ou s’il retourne sur le territoire de cet État après l’avoir quitté.
Article 109
EXÉCUTION DES PEINES D’AMENDE ET DES MESURES DE CONFISCATION
1. Les États Parties font exécuter les peines d’amende et les mesures de confiscation ordonnées par
la Cour en vertu du chapitre VII, sans préjudice des droits des tiers de bonne foi et conformément à la
procédure prévue par leur législation interne.
2. Lorsqu’un État Partie n’est pas en mesure de donner effet à l’ordonnance de confiscation, il prend
des mesures pour récupérer la valeur du produit, des biens ou des avoirs dont la Cour a ordonné la
confiscation, sans préjudice des droits des tiers de bonne foi.
3. Les biens, ou le produit de la vente de biens immobiliers ou, le cas échéant, d’autres biens, obtenus
par un État Partie en exécution d’un arrêt de la Cour sont transférés à la Cour.
Article 110
EXAMEN PAR LA COUR DE LA QUESTION D’UNE RÉDUCTION DE PEINE
1. L’État chargé de l’exécution ne peut libérer la personne détenue avant la fin de la peine prononcée
par la Cour.

642
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

2. La Cour a seule le droit de décider d’une réduction de peine. Elle se prononce après avoir entendu
le condamné.
3. Lorsque la personne a purgé les deux tiers de sa peine ou accompli 25 années d’emprisonnement
dans le cas d’une condamnation à perpétuité, la Cour réexamine la peine pour déterminer s’il y a lieu de la
réduire. Elle ne procède pas à ce réexamen avant ce terme.
4. Lors du réexamen prévu au paragraphe 3, la Cour peut réduire la peine si elle constate qu’une ou
plusieurs des conditions suivantes sont réalisées :
a) La personne a, dès le début et de façon continue, manifesté sa volonté de coopérer avec la
Cour dans les enquêtes et poursuites de celle-ci ;
b) La personne a facilité spontanément l’exécution des décisions et ordonnances de la Cour dans
d’autres cas, en particulier en l’aidant à localiser des avoirs faisant l’objet de décisions ordonnant
leur confiscation, le versement d’une amende ou une réparation et pouvant être employés au
profit des victimes ; ou
c) D’autres facteurs prévus dans le Règlement de procédure et de preuve attestent un
changement de circonstances manifeste aux conséquences appréciables de nature à justifier la
réduction de la peine.
5. Si, lors du réexamen prévu au paragraphe 3, la Cour détermine qu’il n’y a pas lieu de réduire la
peine, elle réexamine par la suite la question de la réduction de peine aux intervalles prévus dans le
Règlement de procédure et de preuve et en appliquant les critères qui y sont énoncés.
Article 111
ÉVASION
Si un condamné s’évade de son lieu de détention et fuit l’État chargé de l’exécution de la peine, cet
État peut, après avoir consulté la Cour, demander à l’État dans lequel se trouve le condamné de le lui
remettre en application des accords bilatéraux ou multilatéraux en vigueur, ou demander à la Cour de
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solliciter la remise de cette personne au titre du chapitre IX. Lorsque la Cour sollicite la remise d’une
personne, elle peut demander que cette personne soit livrée à l’État dans lequel elle accomplissait sa
peine ou à un autre État qu’elle désigne.
CHAPITRE XI. ASSEMBLÉE DES ÉTATS PARTIES
Article 112
ASSEMBLÉE DES ÉTATS PARTIES
1. Il est constitué une Assemblée des États Parties au présent Statut. Chaque État Partie y dispose
d’un représentant, qui peut être secondé par des suppléants et des conseillers. Les autres États qui ont
signé le présent Statut ou l’Acte final peuvent y siéger à titre d’observateurs.
2. L’Assemblée :
a) Examine et adopte, s’il y a lieu, les recommandations de la Commission préparatoire ;
b) Donne à la Présidence, au Procureur et au Greffier des orientations générales pour
l’administration de la Cour ;
c) Examine les rapports et les activités du Bureau établi en vertu du paragraphe 3 et prend les
mesures qu’ils appellent ;
d) Examine et arrête le budget de la Cour ;
e) Décide s’il y a lieu, conformément à l’article 36, de modifier le nombre des juges ;
f) Examine, conformément à l’article 87, paragraphes 5 et 7, toute question relative à la non-
coopération des États ;
g) S’acquitte de toute autre fonction compatible avec les dispositions du présent Statut et du
Règlement de procédure et de preuve.
3. a) L’Assemblée est dotée d’un bureau, composé d’un président, de deux vice-présidents et de 18
membres élus par elle pour trois ans.
b) Le Bureau a un caractère représentatif, eu égard, en particulier, au principe de la répartition
géographique équitable et à la nécessité d’assurer une représentation adéquate des principaux
systèmes juridiques du monde.
c) Le Bureau se réunit aussi souvent que nécessaire, mais au moins une fois par an. Il aide
l’Assemblée à s’acquitter de ses responsabilités.
4. L’Assemblée crée les autres organes subsidiaires qu’elle juge nécessaires, notamment un
mécanisme de contrôle indépendant qui procède à des inspections, évaluations et enquêtes afin que la
Cour soit administrée de la manière la plus efficace et la plus économique possible.
5. Le Président de la Cour, le Procureur et le Greffier ou leurs représentants participent, selon qu’il
convient, aux réunions de l’Assemblée et du Bureau.
6. L’Assemblée se réunit une fois par an et, lorsque les circonstances l’y engagent, elle tient des
sessions extraordinaires, au siège de la Cour ou au Siège de l’Organisation des Nations Unies. À moins
que le présent Statut n’en dispose autrement, les sessions extraordinaires sont convoquées par le Bureau
soit d’office soit à la demande du tiers des États Parties.
7. Chaque État Partie dispose d’une voix. L’Assemblée et le Bureau s’efforcent dans toute la mesure
possible d’adopter leurs décisions par consensus. Si le consensus n’est pas possible, et à moins que le
Statut n’en dispose autrement :
a) Les décisions sur les questions de fond sont prises à la majorité des deux tiers des présents et
votants, la majorité absolue des États Parties constituant le quorum pour le scrutin ;

643
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

b) Les décisions sur les questions de procédure sont prises à la majorité simple des États Parties
présents et votants.
8. Un État Partie en retard dans le paiement de sa contribution aux dépenses de la Cour ne peut
participer au vote ni à l’Assemblée ni au Bureau si le montant de ses arriérés est égal ou supérieur à la
contribution dont il est redevable pour les deux années complètes écoulées. L’Assemblée peut néanmoins
autoriser cet État à participer au vote à l’Assemblée et au Bureau si elle constate que son manquement
est dû à des circonstances indépendantes de sa volonté.
9. L’Assemblée adopte son propre règlement intérieur.
10. Les langues officielles et les langues de travail de l’Assemblée des États Parties sont celles de
l’Assemblée générale des Nations Unies.
CHAPITRE XII. FINANCEMENT
Article 113
RÈGLEMENT FINANCIER ET RÈGLES DE GESTION FINANCIÈRE
Sauf disposition contraire expresse, toutes les questions financières qui se rapportent à la Cour et aux
réunions de l’Assemblée des États Parties, y compris le Bureau et les organes subsidiaires de celle-ci,
sont régis par le présent Statut, le Règlement financier et règles de gestion financière adoptés par
l’Assemblée des États Parties.
Article 114
RÈGLEMENT DES DÉPENSES
Les dépenses de la Cour et de l’Assemblée des États Parties, y compris le Bureau et les organes
subsidiaires de celle-ci, sont réglées par prélèvement sur les ressources financières de la Cour.
Article 115
RESSOURCES FINANCIÈRES DE LA COUR ET DE L’ASSEMBLÉE DES ÉTATS PARTIES
Les dépenses de la Cour et de l’Assemblée des États Parties, y compris le Bureau et les organes
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subsidiaires de celle-ci, inscrites au budget arrêté par l’Assemblée des États Parties, sont financées par
les sources suivantes :
a) Les contributions des États Parties ;
b) Les ressources financières fournies par l’Organisation des Nations Unies, sous réserve de
l’approbation de l’Assemblée générale, en particulier dans le cas des dépenses liées à la saisine
de la Cour par le Conseil de sécurité.
Article 116
CONTRIBUTIONS VOLONTAIRES
Sans préjudice de l’article 115, la Cour peut recevoir et utiliser à titre de ressources financières
supplémentaires les contributions volontaires des gouvernements, des organisations internationales, des
particuliers, des entreprises et d’autres entités, selon les critères fixés en la matière par l’Assemblée des
États Parties.
Article 117
CALCUL DES CONTRIBUTIONS
Les contributions des États Parties sont calculées selon un barème des quotes-parts convenu, fondé
sur le barème adopté par l’Organisation des Nations Unies pour son budget ordinaire, et adapté
conformément aux principes sur lesquels ce barème est fondé.
Article 118
VÉRIFICATION ANNUELLE DES COMPTES
Les rapports, livres et comptes de la Cour, y compris ses états financiers annuels, sont vérifiés chaque
année par un contrôleur indépendant.
CHAPITRE XIII. CLAUSES FINALES
Article 119
RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS
1. Tout différend relatif aux fonctions judiciaires de la Cour est réglé par décision de la Cour.
2. Tout autre différend entre deux ou plusieurs États Parties concernant l’interprétation ou l’application
du présent Statut qui n’est pas résolu par la voie de négociations dans les trois mois après le début de
celles-ci est renvoyé à l’Assemblée des États Parties. L’Assemblée peut chercher à résoudre elle-même le
différend ou faire des recommandations sur d’autres moyens de le régler, y compris le renvoi à la Cour
internationale de Justice en conformité avec le Statut de celle-ci.
Article 120
RÉSERVES
Le présent Statut n’admet aucune réserve.
Article 121
AMENDEMENTS
1. À l’expiration d’une période de sept ans commençant à la date d’entrée en vigueur du présent
Statut, tout État Partie peut proposer des amendements à celui-ci. Le texte des propositions
d’amendement est soumis au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, qui le communique
sans retard à tous les États Parties.
2. Trois mois au plus tôt après la date de cette communication, l’Assemblée des États Parties, à la
réunion suivante, décide, à la majorité de ses membres présents et votants, de se saisir ou non de la
proposition. L’Assemblée peut traiter cette proposition elle-même ou convoquer une conférence de
révision si la question soulevée le justifie.

644
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

3. L’adoption d’un amendement lors d’une réunion de l’Assemblée des États Parties ou d’une
conférence de révision requiert, s’il n’est pas possible de parvenir à un consensus, la majorité des deux
tiers des États Parties.
4. Sous réserve des dispositions du paragraphe 5, un amendement entre en vigueur à l’égard de tous
les États Parties un an après que les sept huitièmes d’entre eux ont déposé leurs instruments de
ratification ou d’acceptation auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.
5. Un amendement aux articles 5, 6, 7 et 8 du présent Statut entre en vigueur à l’égard des États
Parties qui l’ont accepté un an après le dépôt de leurs instruments de ratification ou d’acceptation. La Cour
n’exerce pas sa compétence à l’égard d’un crime faisant l’objet de cet amendement lorsque ce crime a été
commis par un ressortissant d’un État Partie qui n’a pas accepté l’amendement ou sur le territoire de cet
État.
6. Si un amendement a été accepté par les sept huitièmes des États Parties conformément au
paragraphe 4, tout État Partie qui ne l’a pas accepté peut se retirer du présent Statut avec effet immédiat,
nonobstant l’article 127, paragraphe 1, mais sous réserve de l’article 127, paragraphe 2, en donnant
notification de son retrait au plus tard un an après l’entrée en vigueur de cet amendement.
7. Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies communique à tous les États Parties les
amendements adoptés lors d’une réunion de l’Assemblée des États Parties ou d’une conférence de
révision.
Article 122
AMENDEMENTS AUX DISPOSITIONS DE CARACTÈRE INSTITUTIONNEL
1. Tout État Partie peut proposer, nonobstant l’article 121, paragraphe 1, des amendements aux
dispositions du présent Statut de caractère exclusivement institutionnel, à savoir les articles 35, 36,
paragraphes 8 et 9, 37, 38, 39, paragraphes 1 (deux premières phrases), 2 et 4, 42, paragraphes 4 à 9,
43, paragraphes 2 et 3, 44, 46, 47 et 49. Le texte de tout amendement proposé est soumis au Secrétaire
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général de l’Organisation des Nations Unies ou à toute autre personne désignée par l’Assemblée des
États Parties, qui le communique sans retard à tous les États Parties et aux autres participants à
l’Assemblée.
2. Les amendements relevant du présent article pour lesquels il n’est pas possible de parvenir à un
consensus sont adoptés par l’Assemblée des États Parties ou par une conférence de révision à la majorité
des deux tiers des États Parties. Ils entrent en vigueur à l’égard de tous les États Parties six mois après
leur adoption par l’Assemblée ou, selon le cas, par la conférence de révision.
Article 123
RÉVISION DU STATUT
1. Sept ans après l’entrée en vigueur du présent Statut, le Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies convoquera une conférence de révision pour examiner tout amendement au présent Statut.
L’examen pourra porter notamment, mais pas exclusivement, sur la liste des crimes figurant à l’article 5.
La conférence sera ouverte aux participants à l’Assemblée des États Parties, selon les mêmes conditions.
2. À tout moment par la suite, à la demande d’un État Partie et aux fins énoncées au paragraphe 1, le
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, avec l’approbation de la majorité des États
Parties, convoque une conférence de révision.
3. L’adoption et l’entrée en vigueur de tout amendement au Statut examiné lors d’une conférence de
révision sont régies par les dispositions de l’article 121, paragraphes 3 à 7.
Article 124
DISPOSITION TRANSITOIRE
Nonobstant les dispositions de l’article 12, paragraphes 1 et 2, un État qui devient partie au présent
Statut peut déclarer que, pour une période de sept ans à partir de l’entrée en vigueur du Statut à son
égard, il n’accepte pas la compétence de la Cour en ce qui concerne la catégorie de crimes visée à
l’article 8 lorsqu’il est allégué qu’un crime a été commis sur son territoire ou par ses ressortissants. Il peut
à tout moment retirer cette déclaration. Les dispositions du présent article seront réexaminées à la
conférence de révision convoquée conformément à l’article 123, paragraphe 1.
Article 125
SIGNATURE, RATIFICATION, ACCEPTATION, APPROBATION OU ADHÉSION
1. Le présent Statut est ouvert à la signature de tous les États le 17 juillet 1998, au siège de
l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, à Rome. Il reste ouvert à la signature
jusqu’au 17 octobre 1998, au Ministère des affaires étrangères de l’Italie, à Rome, et, après cette date,
jusqu’au 31 décembre 2000, au Siège de l’Organisation des Nations Unies, à New York.
2. Le présent Statut est soumis à ratification, acceptation ou approbation par les États signataires. Les
instruments de ratification, d’acceptation ou d’approbation seront déposés auprès du Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies.
3. Le présent Statut est ouvert à l’adhésion de tous les États. Les instruments d’adhésion seront
déposés auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.
Article 126
ENTRÉE EN VIGUEUR
1. Le présent Statut entrera en vigueur le premier jour du mois suivant le soixantième jour après la
date de dépôt du soixantième instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion auprès
du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.

645
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. À l’égard de chaque État qui ratifie, accepte ou approuve le présent Statut ou y adhère après le
dépôt du soixantième instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, le Statut entre
en vigueur le premier jour du mois suivant le soixantième jour après le dépôt par cet État de son
instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion.
Article 127
RETRAIT
1. Tout État Partie peut, par voie de notification écrite adressée au Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies, se retirer du présent Statut. Le retrait prend effet un an après la date à laquelle la
notification a été reçue, à moins que celle-ci ne prévoie une date postérieure.
2. Son retrait ne dégage pas l’État des obligations mises à sa charge par le présent Statut alors qu’il y
était Partie, y compris les obligations financières encourues, et n’affecte pas non plus la coopération
établie avec la Cour à l’occasion des enquêtes et procédures pénales à l’égard desquelles l’État avait le
devoir de coopérer et qui ont été commencées avant la date à laquelle le retrait a pris effet ; le retrait
n’affecte en rien la poursuite de l’examen des affaires que la Cour avait déjà commencé à examiner avant
la date à laquelle il a pris effet.
Article 128
TEXTES FAISANT FOI
L’original du présent Statut, dont les textes anglais, arabe, chinois, espagnol, français et russe font
également foi, sera déposé auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, qui en fera
tenir copie certifiée conforme à tous les États.
EN FOI DE QUOI les soussignés, à ce dûment autorisés par leur gouvernement respectif, ont signé le
présent Statut.
FAIT à Rome ce dix-septième jour de juillet de l’an mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.
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RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL


Cinquante-sixième session (3 mai-4 juin et 5 juillet-6 août 2004)
Assemblée générale
Documents officiels – Cinquante-neuvième session – Supplément No. 10 (A/59/10)
Extrait
PROJET D’ARTICLES SUR LA RESPONSABILITÉ DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
C. Texte des projets d’articles sur la responsabilité des organisations internationales
adoptés à ce jour à titre provisoire par la Commission
1. Texte des projets d’articles
53. Le texte des projets d’articles adoptés à ce jour à titre provisoire par la Commission est reproduit
ci-après.
RESPONSABILITÉ DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
Article premier
Champ d’application du présent projet d’articles
1. Le présent projet d’articles s’applique à la responsabilité internationale d’une organisation
internationale pour un fait qui est illicite en vertu du droit international.
2. Le présent projet d’articles s’applique aussi à la responsabilité internationale de l’État pour le fait
internationalement illicite d’une organisation internationale.
Article 2
Définition
Aux fins du présent projet d’articles, on entend par «organisation internationale» toute organisation
instituée par un traité ou un autre instrument régi par le droit international et dotée d’une personnalité
juridique internationale propre. Outre des États, une organisation internationale peut comprendre parmi
ses membres des entités autres que des États.
Article 3
Principes généraux
1. Tout fait internationalement illicite d’une organisation internationale engage sa responsabilité
internationale.
2. Il y a fait internationalement illicite d’une organisation internationale lorsqu’un comportement
consistant en une action ou une omission:
a) Est attribuable à l’organisation internationale en vertu du droit international; et
b) Constitue une violation d’une obligation internationale de cette organisation internationale.
Article 4
Règle générale en matière d’attribution d’un comportement à une organisation internationale
1. Le comportement d’un organe ou d’un agent d’une organisation internationale dans l’exercice des
fonctions de cet organe ou de cet agent est considéré comme un fait de cette organisation d’après le droit
international, quelle que soit la position de l’organe ou de l’agent dans l’organisation.
2. Aux fins du paragraphe 1, le terme «agent» s’entend des fonctionnaires et des autres personnes ou
entités par l’intermédiaire desquelles l’organisation agit.
3. Les règles de l’organisation s’appliquent pour déterminer les fonctions de ses organes et agents.

646
ANNEXE 2
TEXTES ESSENTIELS CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE PÉNALE

4. Aux fins du présent article, l’expression «règles de l’organisation» s’entend notamment des actes
constitutifs, des décisions, résolutions et autres actes de l’organisation adoptés conformément aux actes
constitutifs, ainsi que de la pratique bien établie de l’organisation.
Article 5
Comportement des organes ou agents mis à la disposition d’une organisation internationale
par un État ou une autre organisation internationale
Le comportement d’un organe d’un État ou d’un organe ou d’un agent d’une organisation internationale
qui est mis à la disposition d’une autre organisation internationale est considéré comme un fait de cette
dernière d’après le droit international pour autant qu’elle exerce un contrôle effectif sur ce comportement.
Article 6
Excès de pouvoir ou comportement contraire aux instructions
Le comportement d’un organe ou d’un agent d’une organisation internationale est considéré comme un
fait de l’organisation d’après le droit international si cet organe ou cet agent agit en cette qualité, même si
ce comportement outrepasse la compétence de cet organe ou de cet agent ou contrevient à ses
instructions.
Article 7
Comportement reconnu et adopté comme sien par une organisation internationale
Un comportement qui n’est pas attribuable à une organisation internationale selon les articles
précédents est néanmoins considéré comme un fait de cette organisation internationale d’après le droit
international si, et dans la mesure où, cette organisation reconnaît et adopte ledit comportement comme
sien.
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647
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TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

(Note préliminaire: sont présentés, ci-après, les textes de la Charte des Nations Unies, du Projet sur la
responsabilité des États tel qu’adopté en 1996 et en 2001, du Statut de la C.I.J. ainsi que celui du Statut
de la C.P.I., modifiés selon les indications données aux chapitres 9 et 10 de la thèse. Cette annexe
constitue un tableau synoptique des résultats de l’ensemble du travail. Les modifications sont signalées en
caractères gras italiques).

CHARTE DES NATIONS UNIES


ADOPTÉE LE 26 JUIN 1945, ENTRÉE EN VIGUEUR LE 24 OCTOBRE 1945
MODIFIÉE
TABLE DE MATIÈRES
Note Liminaire
Préambule
Chapitre I: Buts et principes
Chapitre II: Membres
Chapitre III: Organes
Chapitre IV: Assemblée générale
Chapitre V: Conseil de sécurité
Chapitre VI: Règlement pacifique des différends
Chapitre VII: Action exécutive du Conseil de sécurité
Chapitre VIII: Accords régionaux
Chapitre IX: Coopération économique et sociale internationale
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Chapitre X: Conseil économique et social


Chapitre XI: Déclaration relative aux territoires non autonomes
Chapitre XII: Régime international de tutelle
Chapitre XIII: Conseil de tutelle
Chapitre XIV: Cour internationale de justice et Cour pénale internationale
Chapitre XV: Secrétariat
Chapitre XVI: Dispositions diverses
Chapitre XVII: Dispositions transitoires de sécurité
Chapitre XVIII: Amendements
Chapitre XIX: Ratification et signature
Note liminaire:
Des amendements aux articles 23, 27 et 61 de la Charte ont été adoptés par l’Assemblée générale le
17 décembre 1963 et sont entrés en vigueur le 31 août 1965. Un autre amendement à l’article 61 a été
adopté par l’Assemblée générale le 20 décembre 1971 et est entré en vigueur le 24 septembre 1973. Un
amendement à l’article 109, adopté par l’Assemblée générale le 20 décembre 1965, est entré en vigueur
le 12 juin 1968.
Préambule:
Nous, peuples des Nations Unies,
Résolus:
À préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a
infligé à l’humanité d’indicibles souffrances,
À proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur
de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations,
grandes et petites,
À créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des
traités et autres sources du droit international,
À favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,
et à ces fins:
À pratiquer la tolérance, à vivre en paix l’un avec l'autre dans un esprit de bon voisinage,
À unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationales,
À accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force
des armes, sauf dans l’intérêt commun,
À recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les
peuples,
Avons décidé d’associer nos efforts,
Pour réaliser ces desseins
En conséquence, nos gouvernements respectifs, par l’intermédiaire de leurs représentants, réunis en
la ville de San Francisco, et munis de pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont adopté la
présente Charte des Nations Unies et établissent par les présentes une organisation internationale qui
prendra le nom de Nations Unies.
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

CHAPITRE PREMIER
Buts et principes
Article 1
Les buts des Nations Unies sont les suivants:
1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin: prendre des mesures collectives
efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou
autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice
et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère
international, susceptibles de mener à une rupture de la paix;
2. Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité
de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à
consolider la paix du monde;
3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre
économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits
de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion;
4. Être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.
Article 2
L’Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à l’Article 1,
doivent agir conformément aux principes suivants:
1. L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres.
2. Les Membres de l’Organisation, afin d’assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant
de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de
la présente Charte.
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3. Les Membres de l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques,
de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en
danger.
4. Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la
menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État,
soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
5. Les Membres de l’Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par
elle conformément aux dispositions de la présente Charte et s’abstiennent de prêter assistance à un État
contre lequel l’Organisation entreprend une action préventive ou coercitive.
6. L’Organisation fait en sorte que les États qui ne sont pas Membres des Nations Unies agissent
conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité
internationales.
7. Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires
qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre
des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce
principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII ni à la
compétence de la Cour pénale internationale par rapport à la répression des crimes.
Article ajouté
Normes en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales
Les normes générales concernant le maintien de la paix et de la sécurité internationales sont
contenues dans le Traité sur la responsabilité des États, annexé à la présente Charte.
Chapitre II
Membres
Article 3
Sont Membres originaires des Nations Unies les États qui, ayant participé à la Conférence des Nations
Unies pour l’Organisation internationale à San Francisco ou ayant antérieurement signé la Déclaration des
Nations Unies, en date du 1er janvier 1942, signent la présente Charte et la ratifient conformément à
l’Article 110.
Article 4
1. Peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres États pacifiques qui acceptent les
obligations de la présente Charte et, au jugement de l’Organisation, sont capables de les remplir et
disposés à le faire.
2. L’admission comme Membres des Nations Unies de tout État remplissant ces conditions se fait par
décision de l’Assemblée générale […].
Article 5
Un Membre de l’Organisation contre lequel une condamnation a été prononcée par la Cour pénale
internationale […] peut être suspendu par l’Assemblée générale […] de l’exercice des droits et privilèges
inhérents à la qualité de Membre. L’exercice de ces droits et privilèges peut être rétabli par l’Assemblée
générale.
[…]

650
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

Chapitre III
Organes
Article 7
1. Il est créé comme organes principaux de l’Organisation des Nations Unies: une Assemblée
générale, […] un Conseil économique et social, un Conseil de tutelle, une Cour internationale de Justice,
une Cour pénale internationale, un Conseil de sécurité et un Secrétariat.
2. Les organes subsidiaires qui se révéleraient nécessaires pourront être créés conformément à la
présente Charte.
Article 8
Aucune restriction ne sera imposée par l’Organisation à l’accès des hommes et des femmes, dans des
conditions égales, à toutes les fonctions, dans ses organes principaux et subsidiaires.
Chapitre IV
Assemblée générale
Composition
Article 9
1. L’Assemblée générale se compose de tous les Membres des Nations Unies.
2. Chaque Membre a cinq (un) représentant(s) au plus à l’Assemblée générale.
Fonctions et pouvoirs
Article 10
L’Assemblée générale peut discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente
Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de l’un quelconque des organes prévus dans la
présente Charte, et […] formuler sur ces questions ou affaires des recommandations aux Membres de
l’Organisation des Nations Unies, au Conseil de sécurité, ou aux Membres de l’Organisation et au Conseil
de sécurité.
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Article 11
1. L’Assemblée générale peut étudier les principes généraux de coopération pour le maintien de la
paix et de la sécurité internationales, y compris les principes régissant le désarmement et la
réglementation des armements, et faire, sur ces principes, des recommandations soit aux Membres de
l’Organisation, soit au Conseil de sécurité, soit aux Membres de l’Organisation et au Conseil de sécurité.
2. L’Assemblée générale peut discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la
sécurité internationales dont elle aura été saisie par l’une quelconque des Nations Unies, ou par la Cour
pénale internationale, ou par le Conseil de sécurité, ou par un État qui n’est pas Membre de
l’Organisation conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’Article 35, et […] faire sur toutes
questions de ce genre des recommandations soit à l’État ou aux États intéressés, soit au Conseil de
sécurité, soit aux États et au Conseil de sécurité. Toute question de ce genre qui appelle une action est
renvoyée à la Cour pénale internationale par l’Assemblée générale, avant ou après discussion.
3. L’Assemblée générale peut attirer l'attention de la Cour pénale internationale sur les situations qui
semblent devoir mettre en danger la paix et la sécurité internationales.
4. Les pouvoirs de l’Assemblée générale énumérés dans le présent Article ne limitent pas la portée
générale de l’Article 10.
Article 12
[…]
2. Le Secrétaire Général […] porte à la connaissance de l’Assemblée générale, lors de chaque
session, les affaires relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont s’occupe la Cour
pénale internationale; il avise de même l’Assemblée générale ou, si l’Assemblée générale ne siège pas,
les Membre de l’Organisation, dès que la Cour pénale internationale cesse de s’occuper desdites
affaires.
Article 13
1. L’Assemblée générale provoque des études et fait des recommandations en vue de:
a. développer la coopération internationale dans le domaine politique et encourager le développement
progressif du droit international et sa codification;
b. développer la coopération internationale dans les domaines économique, social, de la culture
intellectuelle et de l’éducation, de la santé publique, et faciliter pour tous, sans distinction de race, de sexe,
de langue ou de religion, la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
2. Les autres responsabilités, fonctions et pouvoirs de l’Assemblée générale, relativement aux
questions mentionnées au paragraphe 1, b, ci-dessus, sont énoncés aux Chapitres IX et X.
Article 14
Sous réserve des dispositions de l’Article 12, l’Assemblée générale peut recommander les mesures
propres à assurer l’ajustement pacifique de toute situation, quelle qu’en soit l’origine, qui lui semble de
nature à nuire au bien général ou à compromettre les relations amicales entre nations, y compris les
situations résultant d’une infraction aux dispositions de la présente Charte où sont énoncés les buts et les
principes des Nations Unies.
Article 15
1. L’Assemblée générale reçoit et étudie les rapports annuels et les rapports spéciaux de la Cour
pénale internationale; ces rapports comprennent un compte rendu des mesures que la Cour pénale
internationale a décidées ou prises en matière de responsabilité majeure des États.
2. L’Assemblée générale reçoit et étudie les rapports des autres organes de l’Organisation.

651
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 16
L’Assemblée générale remplit, en ce qui concerne le régime international de tutelle, les fonctions qui lui
sont dévolues en vertu des Chapitres XII et XIII; entre autres, elle approuve les accords de tutelle […].
Article 17
1. L’Assemblée générale examine et approuve le budget de l’Organisation.
2. Les dépenses de l’Organisation sont supportées par les Membres selon la répartition fixée par
l’Assemblée générale.
3. L’Assemblée générale examine et approuve tous arrangements financiers et budgétaires passés
avec les institutions spécialisées visées à l’Article 57 et examine les budgets administratifs desdites
institutions en vue de leur adresser des recommandations.
Vote
Article 18
1. Chaque membre de l’Assemblée générale dispose d’une voix.
2. Les décisions de l’Assemblée générale sur les questions importantes sont prises à la majorité des
deux tiers des membres présents et votants. Sont considérées comme questions importantes: les
recommandations relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’élection des membres
non permanents du Conseil de sécurité, l’élection des membres du Conseil économique et social,
l’élection des membres du Conseil de tutelle conformément au paragraphe 1, c, de l’Article 86, l’admission
de nouveaux Membres dans l’Organisation, la suspension des droits et privilèges de Membres […], les
questions relatives au fonctionnement du régime de tutelle et les questions budgétaires.
3. Les décisions sur d’autres questions, y compris la détermination de nouvelles catégories de
questions à trancher à la majorité des deux tiers, sont prises à la majorité des membres présents et
votants.
Article 19
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Un Membre des Nations Unies en retard dans le paiement de sa contribution aux dépenses de
l’Organisation ne peut participer au vote à l’Assemblée générale si le montant de ses arriérés est égal ou
supérieur à la contribution due par lui pour les deux années complètes écoulées. L’Assemblée générale
peut néanmoins autoriser ce Membre à participer au vote si elle constate que le manquement est dû à des
circonstances indépendantes de sa volonté.
Procédure
Article 20
L’Assemblée générale tient une session annuelle régulière et, lorsque les circonstances l’exigent, des
sessions extraordinaires. Celles-ci sont convoquées par le Secrétaire général sur la demande de la Cour
pénale internationale ou de la majorité des Membres des Nations Unies.
Article 21
L’Assemblée générale établit son règlement intérieur. Elle désigne son Président pour chaque session.
Article 22
L’Assemblée générale peut créer les organes subsidiaires qu’elle juge nécessaires à l’exercice de ses
fonctions.
Chapitre V
Conseil de sécurité
Composition
Article 23
1. Le Conseil de sécurité se compose de quinze Membres de l’Organisation. La République de Chine,
la France, l’Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord, et les États-Unis d’Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité. Dix
autres Membres de l’Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité,
par l’Assemblée générale qui tient spécialement compte, en premier lieu, de la contribution des Membres
de l’Organisation au maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de
l’Organisation, et aussi d’une répartition géographique équitable.
2. Les membres non permanents du Conseil de sécurité sont élus pour une période de deux ans. Lors
de la première élection des membres non permanents après que le nombre des membres du Conseil de
sécurité aura été porté de onze à quinze, deux des quatre membres supplémentaires seront élus pour une
période d’un an. Les membres sortants ne sont pas immédiatement rééligibles.
3. Chaque membre du Conseil de sécurité a un représentant au Conseil.
Fonctions et pouvoirs
Article 24
1. Le Conseil de sécurité assure l’exécution rapide des décisions de la Cour pénale
internationale. […] Les Membres des Nations Unies confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité
exécutive pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu’en s’acquittant
des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom.
2. Dans l’accomplissement de ces devoirs, le Conseil de sécurité agit conformément aux buts et
principes des Nations Unies. Les pouvoirs spécifiques accordés au Conseil de sécurité pour lui permettre
d’accomplir lesdits devoirs sont définis aux Chapitres VI, VII, VIII […].
3. Le Conseil de sécurité soumet pour examen des rapports annuels et, le cas échéant, des rapports
spéciaux à l’Assemblée générale.

652
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

Article 25
Les Membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de
sécurité conformément à la présente Charte.
(Éventuellement, notamment en cas de compétence universelle de la Cour pénale
internationale: – Chaque membre de la communauté internationale se conforme aux décisions du
Conseil de sécurité)
Article 26
Afin de favoriser l’établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne
détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le
Conseil de sécurité est chargé, avec l’assistance du Comité d’état-major prévu à l’Article 47, d’élaborer
des plans qui seront soumis aux Membres de l'Organisation en vue d’établir un système de réglementation
des armements, comme prévu aux articles 111 ss. du Statut de la Cour pénale internationale.
Vote
Article 27
1. Chaque membre du Conseil de sécurité dispose d’une voix.
2. Les décisions du Conseil de sécurité sur des questions de procédure sont prises par un vote
affirmatif de neuf membres.
3. Les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de
neuf de ses membres […], étant entendu que, dans les décisions prises aux termes […] du paragraphe 3
de l’Article 52, une partie à un différend s’abstient de voter.
Procédure
Article 28
1. Le Conseil de sécurité est organisé de manière à pouvoir exercer ses fonctions en permanence. À
cet effet, chaque membre du Conseil de sécurité doit avoir en tout temps un représentant au Siège de
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l’Organisation.
2. Le Conseil de sécurité tient des réunions périodiques auxquelles chacun de ses membres peut, s’il
le désire, se faire représenter par un membre de son gouvernement ou par quelque autre représentant
spécialement désigné.
3. Le Conseil de sécurité peut tenir des réunions à tous endroits autres que le Siège de l’Organisation
qu’il juge les plus propres à faciliter sa tâche.
Article 29
Le Conseil de sécurité peut créer les organes subsidiaires qu’il juge nécessaires à l’exercice de ses
fonctions.
Article 30
Le Conseil de sécurité établit son règlement intérieur, dans lequel il fixe le mode de désignation de son
Président.
Article 31
Tout Membre de l’Organisation qui n’est pas membre du Conseil de sécurité peut participer, sans droit
de vote, à la discussion de toute question soumise au Conseil de sécurité, chaque fois que celui-ci estime
que les intérêts de ce Membre sont particulièrement affectés.
Article 32
Tout Membre des Nations Unies qui n’est pas membre du Conseil de sécurité ou tout État qui n’est pas
Membre des Nations Unies, s’il est partie à un différend en phase exécutive examiné par le Conseil de
sécurité, est convié à participer, sans droit de vote, aux discussions relatives à la phase exécutive de ce
différend. Le Conseil de sécurité détermine les conditions qu’il estime juste de mettre à la participation
d’un État qui n’est pas Membre de l’Organisation.
Chapitre VI
Règlement pacifique des différends
Article 33
1. Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et
de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation,
d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes
ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix.
2. L’Assemblée générale, si elle le juge nécessaire, invite les parties à régler leur différend par de
tels moyens.
Article 34
L’Assemblée générale peut enquêter sur tout différend ou toute situation qui pourrait entraîner un
désaccord entre nations ou engendrer un différend, afin de déterminer si la prolongation de ce différend ou
de cette situation semble devoir menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Article 35
1. Tout Membre de l’Organisation peut attirer l’attention de la Cour pénale internationale, de la Cour
internationale de Justice ou de l’Assemblée générale sur un différend ou une situation de la nature visée
dans l’Article 34.
(Éventuellement, notamment en cas de compétence universelle de la Cour pénale internationale: –
Tout État de la communauté internationale peut attirer l’attention de la Cour pénale internationale
sur un différend ou une situation de la nature visée dans l’Article 34).

653
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. Un État qui n’est pas Membre de l’Organisation peut attirer l’attention de la Cour pénale
internationale, de la Cour internationale de Justice ou de l’Assemblée générale sur tout différend
auquel il est partie, pourvu qu’il accepte préalablement, aux fins de ce différend, les obligations de
règlement pacifique prévues dans la présente Charte.
3. Les actes de l’Assemblée générale relativement aux affaires portées à son attention en vertu du
présent Article sont soumis aux dispositions des Articles 11 et 12.
Article 36
1. L’Assemblée générale peut, à tout moment de l’évolution d’un différend de la nature mentionnée à
l’Article 33 ou d’une situation analogue, recommander les procédures ou méthodes d’ajustement
appropriées.
2. L’Assemblée générale devra prendre en considération toutes procédures déjà adoptées par les
parties pour le règlement de ce différend.
3. En faisant les recommandations prévues au présent Article, l’Assemblée générale doit aussi tenir
compte du fait que, d’une manière générale, les différends d’ordre juridique devraient être soumis par les
parties à la Cour internationale de Justice conformément aux dispositions du Statut de la Cour.
Article 37
1. Si les parties à un différend de la nature mentionnée à l’Article 33 ne réussissent pas à le régler par
les moyens indiqués audit Article, elles le soumettent à l’Assemblée générale.
[…]
Article 38
Sans préjudice des dispositions des Articles 33 à 37, l’Assemblée générale peut, si toutes les parties
à un différend le demandent, faire des recommandations à celles-ci en vue d’un règlement pacifique de ce
différend.
Article ajouté
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Compétence exclusive de la Cour pénale internationale


en matière de responsabilité majeure des États.
Les différends qui impliquent la responsabilité majeure des États sont soumis à la compétence
de la Cour pénale internationale conformément aux articles 25 § 1 et 5 du Statut de la Cour pénale
internationale.
Article ajouté
Rapport entre le Chapitre VI et le Statut de la Cour pénale internationale
Les dispositions du présent Chapitre n’empêchent en rien l’action de la Cour pénale
internationale conformément à son Statut.
Chapitre VII
Action exécutive du Conseil de sécurité
Article 39
Constat, par le Conseil de sécurité, d’une violation de la paix
Si le Conseil de sécurité constate l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou
d’un acte d’agression il en informe la Cour pénale internationale et la Cour internationale de Justice
dans le plus bref délai.
Article ajouté
Fonction exécutive du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité est compétent pour exécuter les mesurés décidées par la Cour pénale
internationale et la Cour internationale de Justice afin de rendre effectives les sanctions à l’égard
des États.
[…]
Article 43
1. Tous les Membres des Nations Unies afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, s’engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité, sur son invitation et
conformément à un accord spécial ou à des accords spéciaux, les forces armées, l’assistance et les
facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
(Cette obligation s’étend à tous les États de la communauté internationale par rapport à la
répression des crimes (en cas d’admission de la notion d’obligation erga omnes indivisible
absolue et de la compétence universelle de la Cour pénale internationale))
2. L’accord ou les accords susvisés fixeront les effectifs et la nature de ces forces, leur degré de
préparation et leur emplacement général, ainsi que la nature des facilités et de l’assistance à fournir.
3. L’accord ou les accords seront négociés aussitôt que possible, sur l’initiative du Conseil de sécurité.
Ils seront conclus entre le Conseil de sécurité et des Membres de l’Organisation (ou de la communauté
internationale), ou entre le Conseil de sécurité et des groupes de Membres de l’Organisation (ou de la
communauté internationale), et devront être ratifiés par les États signataires selon leurs règles
constitutionnelles respectives.
(Article ajouté
Limitation des armements par les États parties (ou: de la communauté internationale)
Les États parties (ou: de la communauté internationale) s’engagent à limiter leurs armements
de façon que l’ensemble des forces armées des autres États (et de la force armée internationale)
soit supérieur et en mesure de rendre effectives les mesures exécutives impliquant l’emploi de la

654
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

armée. La violation de cette obligation constitue une tentative d’agression passible de poursuite
par la Cour pénale internationale aux termes de l’article 5 de son Statut.)
Article 44
Lorsque le Conseil de sécurité doit recourir à la force, en exécution d’une décision de la Cour
pénale internationale il doit, avant d’inviter un Membre (ou: un État) non représenté au Conseil à fournir
des forces armées en exécution des obligations contractées en vertu de l’Article 43, convier ledit Membre
(État), si celui-ci le désire, à participer aux décisions du Conseil de sécurité touchant l’emploi de
contingents des forces armées de ce Membre (État).
Article 45
Afin de permettre à l’Organisation de prendre d’urgence des mesures d’ordre militaire, des Membres
des Nations Unies (ou: de la communauté internationale) maintiendront des contingents nationaux de
forces aériennes immédiatement utilisables en vue de l’exécution combinée d’une action coercitive
internationale. Dans les limites prévues par l’accord spécial ou les accords spéciaux mentionnés à l’Article
43, le Conseil de sécurité, avec l’aide du Comité d’état-major, fixe l’importance et le degré de préparation
de ces contingents et établit des plans prévoyant leur action combinée.
Article 46
Les plans pour l’emploi de la force armée sont établis par le Conseil de sécurité avec l’aide du Comité
d’état-major.
Article 47
1. Il est établi un Comité d’état-major chargé de conseiller et d’assister le Conseil de sécurité pour tout
ce qui concerne les moyens d’ordre militaire nécessaires au Conseil pour maintenir la paix et la sécurité
internationales, l’emploi et le commandement des forces mises à sa disposition, la réglementation des
armements et le désarmement éventuel.
2. Le Comité d’état-major se compose des chefs d’état-major des membres permanents du Conseil de
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sécurité ou de leurs représentants. Il convie tout Membre des Nations Unies (ou: de la communauté
internationale) qui n’est pas représenté au Comité d’une façon permanente à s’associer à lui, lorsque la
participation de ce Membre à ses travaux lui est nécessaire pour la bonne exécution de sa tâche.
3. Le Comité d’état-major est responsable, sous l’autorité du Conseil de sécurité, de la direction
stratégique de toutes forces armées mises à la disposition du Conseil. Les questions relatives au
commandement de ces forces seront réglées ultérieurement.
4. Des sous-comités régionaux du Comité d’état-major peuvent être établis par lui avec l’autorisation
du Conseil de sécurité et après consultation des organismes régionaux appropriés.
Article 48
1. Les mesures nécessaires à l’exécution des décisions du Conseil de sécurité pour le maintien de la
paix et de la sécurité internationales sont prises par tous les Membres des Nations Unies (ou: de la
communauté internationale) ou certains d’entre eux, selon l’appréciation du Conseil.
2. Ces décisions sont exécutées par les Membres des Nations Unies (ou: de la communauté
internationale) directement et grâce à leur action dans les organismes internationaux appropriés dont ils
font partie.
Article 49
Les Membres des Nations Unies (ou: de la communauté internationale) s’associent pour se prêter
mutuellement assistance dans l’exécution des mesures arrêtées par la Cour pénale internationale et la
Cour internationale de Justice.
Article 50 déplacé dans le Statut de la Cour pénale internationale
Article 51 déplacé dans le Traité sur la responsabilité des États
Chapitre VIII
Accords régionaux
Article 52
1. Aucune disposition de la présente Charte ne s’oppose à l’existence d’accords ou d’organismes
régionaux destinés à régler les affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces organismes
et leur activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies.
2. Les Membres des Nations Unies (ou: de la communauté internationale) qui concluent ces
accords ou constituent ces organismes doivent faire tous leurs efforts pour régler d’une manière pacifique,
par le moyen desdits accords ou organismes, les différends d’ordre local […].
3. Le Conseil de sécurité, dans l’exécution des ordres de la Cour pénale internationale et de la
Cour internationale de Justice, encourage le développement du règlement pacifique des différends
d’ordre local par le moyen de ces accords ou de ces organismes régionaux, soit sur l’initiative des États
intéressés, soit sur renvoi du Conseil de sécurité.
4. Le présent Article n’affecte en rien l’application des Articles 34 et 35.

655
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 53
1. Le Conseil de sécurité utilise, dans l’exécution des ordres de la Cour pénale internationale et
de la Cour internationale de Justice s’il y a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l’application
des mesures coercitives prises sous son autorité. Toutefois, aucune action coercitive ne sera entreprise
en vertu d’accords régionaux ou par des organismes régionaux sans l’autorisation de la Cour pénale
internationale et de la Cour internationale de justice […].
[…]
Chapitre IX
Coopération économique et sociale internationale
Article 55
En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations
des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples
et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront:
a. le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement
dans l’ordre économique et social;
b. la solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé
publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture
intellectuelle et de l’éducation;
c. le respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.
Article 56
Les Membres s’engagent, en vue d’atteindre les buts énoncés à l’Article 55, à agir, tant conjointement
que séparément, en coopération avec l’Organisation.
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Article 57
1. Les diverses institutions spécialisées créées par accords intergouvernementaux et pourvues, aux
termes de leurs statuts, d’attributions internationales étendues dans les domaines économique, social, de
la culture intellectuelle et de l’éducation, de la santé publique et autres domaines connexes sont reliées à
l’Organisation conformément aux dispositions de l’Article 63.
2. Les institutions ainsi reliées à l’Organisation sont désignées ci-après par l’expression “institutions
spécialisées”.
Article 58
L’Organisation fait des recommandations en vue de coordonner les programmes et activités des
institutions spécialisées.
Article 59
L’Organisation provoque, lorsqu’il y a lieu, des négociations entre les États intéressés en vue de la
création de toutes nouvelles institutions spécialisées nécessaires pour atteindre les buts énoncés à
l’Article 55.
Article 60
L’Assemblée générale et, sous son autorité, le Conseil économique et social, qui dispose à cet effet
des pouvoirs qui lui sont attribués aux termes du Chapitre X, sont chargés de remplir les fonctions de
l’Organisation énoncées au présent Chapitre.
Chapitre X
Conseil économique et social
Composition
Article 61
1. Le Conseil économique et social se compose de cinquante-quatre Membres de l’Organisation des
Nations Unies, élus par l’Assemblée générale.
2. Sous réserve des dispositions du paragraphe 3, dix-huit membres du Conseil économique et social
sont élus chaque année pour une période de trois ans. Les membres sortants sont immédiatement
rééligibles.
3. Lors de la première élection qui aura lieu après que le nombre des membres du Conseil
économique et social aura été porté de vingt-sept à cinquante-quatre, vingt-sept membres seront élus en
plus de ceux qui auront été élus en remplacement des neuf membres dont le mandat viendra à expiration
à la fin de l’année. Le mandat de neuf de ces vingt-sept membres supplémentaires expirera au bout d’un
an et celui de neuf autres au bout de deux ans, selon les dispositions prises par l’Assemblée générale.
4. Chaque membre du Conseil économique et social a un représentant au Conseil.
Fonctions et pouvoirs
Article 62
1. Le Conseil économique et social peut faire ou provoquer des études et des rapports sur des
questions internationales dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de
l’éducation, de la santé publique et autres domaines connexes et peut adresser des recommandations sur
toutes ces questions à l’Assemblée générale, aux Membres de l’Organisation et aux institutions
spécialisées intéressées.
2. Il peut faire des recommandations en vue d’assurer le respect effectif des droits de l’homme et des
libertés fondamentales pour tous.

656
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

3. Il peut, sur des questions de sa compétence, préparer des projets de convention pour les soumettre
à l’Assemblée générale.
4. Il peut convoquer, conformément aux règles fixées par l’Organisation, des conférences
internationales sur des questions de sa compétence.
Article 63
1. Le Conseil économique et social peut conclure, avec toute institution visée à l’Article 57, des
accords fixant les conditions dans lesquelles cette institution sera reliée à l’Organisation. Ces accords sont
soumis à l’approbation de l’Assemblée générale.
2. Il peut coordonner l’activité des institutions spécialisées en se concertant avec elles, en leur
adressant des recommandations, ainsi qu’en adressant des recommandations à l’Assemblée générale et
aux Membres des Nations Unies.
Article 64
1. Le Conseil économique et social peut prendre toutes mesures utiles pour recevoir des rapports
réguliers des institutions spécialisées. Il peut s’entendre avec les Membres de l’Organisation et avec les
institutions spécialisées afin de recevoir des rapports sur les mesures prises en exécution de ses propres
recommandations et des recommandations de l’Assemblée générale sur des objets relevant de la
compétence du Conseil.
2. Il peut communiquer à l’Assemblée générale ses observations sur ces rapports.
Article 65
Le Conseil économique et social peut fournir des informations à l’Assemblée générale et l’assister si
celle-ci le demande.
Article 66
1. Le Conseil économique et social, dans l’exécution des recommandations de l’Assemblée générale,
s’acquitte de toutes les fonctions qui entrent dans sa compétence.
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2. Il peut, avec l’approbation de l’Assemblée générale, rendre les services qui lui seraient demandés
par des Membres de l'Organisation ou par des institutions spécialisées.
3. Il s’acquitte des autres fonctions qui lui sont dévolues dans d’autres parties de la présente Charte ou
qui peuvent lui être attribuées par l’Assemblée générale.
Vote
Article 67
1. Chaque membre du Conseil économique et social dispose d’une voix.
2. Les décisions du Conseil économique et social sont prises à la majorité des membres présents et
votants.
Procédure
Article 68
Le Conseil économique et social institue des commissions pour les questions économiques et sociales
et le progrès des droits de l’homme ainsi que toutes autres commissions nécessaires à l’exercice de ses
fonctions.
Article 69
Le Conseil économique et social, lorsqu’il examine une question qui intéresse particulièrement un
Membre de l’Organisation, convie celui-ci à participer, sans droit de vote, à ses délibérations.
Article 70
Le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions pour que des représentants des
institutions spécialisées participent, sans droit de vote, à ses délibérations et à celles des commissions
instituées par lui, et pour que ses propres représentants participent aux délibérations des institutions
spécialisées.
Article 71
Le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les
organisations non gouvernementales qui s’occupent de questions relevant de sa compétence. Ces
dispositions peuvent s’appliquer à des organisations internationales et, s’il y a lieu, à des organisations
nationales après consultation du Membre intéressé de l’Organisation.
Article 72
1. Le Conseil économique et social adopte son règlement intérieur, dans lequel il fixe le mode de
désignation de son Président.
2. Il se réunit selon les besoins, conformément à son règlement; celui-ci comportera des dispositions
prévoyant la convocation du Conseil sur la demande de la majorité de ses membres.
Chapitre XI
Déclaration relative aux territoires non autonomes
Article 73
Les Membres des Nations Unies qui ont ou qui assument la responsabilité d’administrer des territoires
dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes reconnaissent le principe de
la primauté des intérêts des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée
l’obligation de favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité, dans le cadre du système de paix et
de sécurité internationales établi par la présente Charte et, à cette fin:
a. d’assurer, en respectant la culture des populations en question, leur progrès politique, économique
et social, ainsi que le développement de leur instruction, de les traiter avec équité et de les protéger contre
les abus;

657
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

b. de développer leur capacité de s’administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques
des populations et de les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques,
dans la mesure appropriée aux conditions particulières de chaque territoire et de ses populations et à
leurs degrés variables de développement;
c. d’affermir la paix et la sécurité internationales;
d. de favoriser des mesures constructives de développement, d’encourager des travaux de recherche,
de coopérer entre eux et, quand les circonstances s’y prêteront, avec les organismes internationaux
spécialisés, en vue d’atteindre effectivement les buts sociaux, économiques et scientifiques énoncés au
présent Article;
e. de communiquer régulièrement au Secrétaire général, à titre d’information, sous réserve des
exigences de la sécurité et de considérations d’ordre constitutionnel, des renseignements statistiques et
autres de nature technique relatifs aux conditions économiques, sociales et de l’instruction dans les
territoires dont ils sont respectivement responsables, autres que ceux auxquels s’appliquent les Chapitres
XII et XIII.
Article 74
Les Membres de l’Organisation reconnaissent aussi que leur politique doit être fondée, autant dans les
territoires auxquels s’applique le présent Chapitre que dans leurs territoires métropolitains, sur le principe
général du bon voisinage dans le domaine social, économique et commercial, compte tenu des intérêts et
de la prospérité du reste du monde.
Chapitre XII
Régime international de tutelle
Article 75
L’Organisation des Nations Unies établira, sous son autorité, un régime international de tutelle pour
l’administration et la surveillance des territoires qui pourront être placés sous ce régime en vertu d’accords
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particuliers ultérieurs. Ces territoires sont désignés ci-après par l’expression “territoires sous tutelle”.
Article 76
Conformément aux buts des Nations Unies, énoncés à l’Article 1 de la présente Charte, les fins
essentielles du régime de tutelle sont les suivantes:
a. affermir la paix et la sécurité internationales;
b. favoriser le progrès politique, économique et social des populations des territoires sous tutelle ainsi
que le développement de leur instruction; favoriser également leur évolution progressive vers la capacité à
s’administrer eux-mêmes ou l’indépendance, compte tenu des conditions particulières à chaque territoire
et à ses populations, des aspirations librement exprimées des populations intéressées et des dispositions
qui pourront être prévues dans chaque accord de tutelle;
c. encourager le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans
distinction de race, de sexe, de langue ou de religion, et développer le sentiment de l’interdépendance des
peuples du monde;
d. assurer l’égalité de traitement dans le domaine social, économique et commercial à tous les
Membres de l’Organisation et à leurs ressortissants; assurer de même à ces derniers l’égalité de
traitement dans l’administration de la justice, sans porter préjudice à la réalisation des fins énoncées ci-
dessus, et sous réserve des dispositions de l’Article 80.
Article 77
1. Le régime de tutelle s’appliquera aux territoires entrant dans les catégories ci-dessous et qui
viendraient à être placés sous ce régime en vertu d’accords de tutelle:
a. territoires actuellement sous mandat;
b. territoires qui peuvent être détachés d’États ennemis par suite de la seconde guerre mondiale;
c. territoires volontairement placés sous ce régime par les États responsables de leur administration.
2. Un accord ultérieur déterminera quels territoires, entrant dans les catégories susmentionnées,
seront placés sous le régime de tutelle, et dans quelles conditions.
Article 78
Le régime de tutelle ne s’appliquera pas aux pays devenus Membres des Nations Unies, les relations
entre celles-ci devant être fondées sur le respect du principe de l’égalité souveraine.
Article 79
Les termes du régime de tutelle, pour chacun des territoires à placer sous ce régime, de même que les
modifications et amendements qui peuvent y être apportés, feront l’objet d’un accord entre les États
directement intéressés, y compris la Puissance mandataire dans le cas de territoires sous mandat d’un
Membre des Nations Unies, et seront approuvés conformément aux Articles 83 et 85.
Article 80
1. À l’exception de ce qui peut être convenu dans les accords particuliers de tutelle conclus
conformément aux Articles 77, 79 et 81 et plaçant chaque territoire sous le régime de tutelle, et jusqu’à ce
que ces accords aient été conclus, aucune disposition du présent Chapitre ne sera interprétée comme
modifiant directement ou indirectement en aucune manière les droits quelconques d’aucun État ou
d’aucun peuple ou les dispositions d’actes internationaux en vigueur auxquels des Membres de
l’Organisation peuvent être parties.
2. Le paragraphe 1 du présent Article ne doit pas être interprété comme motivant un retard ou un
ajournement de la négociation et de la conclusion d’accords destinés à placer sous le régime de tutelle
des territoires sous mandat ou d’autres territoires ainsi qu’il est prévu à l’Article 77.

658
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

Article 81
L’accord de tutelle comprend, dans chaque cas, les conditions dans lesquelles le territoire sous tutelle
sera administré et désigne l’autorité qui en assurera l’administration. Cette autorité, désignée ci-après par
l’expression “autorité chargée de l'administration”, peut être constituée par un ou plusieurs États ou par
l’Organisation elle-même.
Article 82
Un accord de tutelle peut désigner une ou plusieurs zones stratégiques pouvant comprendre tout ou
partie du territoire sous tutelle auquel l’accord s’applique, sans préjudice de tout accord spécial ou de tous
accords spéciaux conclus en application de l’Article 43.
Article 83
1. En ce qui concerne les zones stratégiques, toutes les fonctions dévolues à l’Organisation, y compris
l’approbation des termes des accords de tutelle ainsi que de la modification ou de l’amendement éventuels
de ceux-ci, sont exercées par l’Assemblée générale.
2. Les fins essentielles énoncées à l’Article 76 valent pour la population de chacune des zones
stratégiques.
3. L’Assemblée générale, eu égard aux dispositions des accords de tutelle et sous réserve des
exigences de la sécurité, aura recours à l’assistance du Conseil de tutelle dans l’exercice des fonctions
assumées par l’Organisation, au titre du régime de tutelle, en matière politique, économique et sociale, et
en matière d’instruction, dans les zones stratégiques.
Article 84
L’autorité chargée de l’administration a le devoir de veiller à ce que le territoire sous tutelle apporte sa
contribution au maintien de la paix et de la sécurité internationales. À cette fin, elle peut utiliser des
contingents de volontaires, les facilités et l’aide du territoire sous tutelle pour remplir les obligations qu’elle
a contractées à cet égard envers l’Assemblée générale, ainsi que pour assurer la défense locale et le
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maintien de l’ordre à l'intérieur du territoire sous tutelle.


Article 85
1. En ce qui concerne les accords de tutelle relatifs à toutes les zones qui ne sont pas désignées
comme zones stratégiques, les fonctions de l’Organisation, y compris l’approbation des termes des
accords de tutelle et de leur modification ou amendement, sont exercées par l’Assemblée générale.
2. Le Conseil de tutelle, agissant sous l’autorité de l’Assemblée générale, assiste celle-ci dans
l’accomplissement de ces tâches.
Chapitre XIII
Conseil de tutelle
Composition
Article 86
1. Le Conseil de tutelle se compose des Membres suivants des Nations Unies:
a. les Membres chargés d’administrer des territoires sous tutelle;
b. ceux des Membres désignés nommément à l’Article 23 qui n’administrent pas de territoires sous
tutelle;
c. autant d’autres Membres élus pour trois ans, par l’Assemblée générale, qu’il sera nécessaire pour
que le nombre total des membres du Conseil de tutelle se partage également entre les Membres des
Nations Unies qui administrent des territoires sous tutelle et ceux qui n’en administrent pas.
2. Chaque membre du Conseil de tutelle désigne une personne particulièrement qualifiée pour le
représenter au Conseil.
Fonctions et pouvoirs
Article 87
L’Assemblée générale et, sous son autorité, le Conseil de tutelle, dans l’exercice de leurs fonctions,
peuvent:
a. examiner les rapports soumis par l’autorité chargée de l’administration;
b. recevoir des pétitions et les examiner en consultation avec ladite autorité;
c. faire procéder à des visites périodiques dans les territoires administrés par ladite autorité, à des
dates convenues avec elle;
d. prendre ces dispositions et toutes autres conformément aux termes des accords de tutelle.
Article 88
Le Conseil de tutelle établit un questionnaire portant sur les progrès des habitants de chaque territoire
sous tutelle dans les domaines politique, économique et social et dans celui de l’instruction; l’autorité
chargée de l’administration de chaque territoire sous tutelle relevant de la compétence de l’Assemblée
générale adresse à celle-ci un rapport annuel fondé sur le questionnaire précité.
Vote
Article 89
1. Chaque membre du Conseil de tutelle dispose d’une voix.
2. Les décisions du Conseil de tutelle sont prises à la majorité des membres présents et votants.
Procédure
Article 90
1. Le Conseil de tutelle adopte son règlement intérieur, dans lequel il fixe le mode de désignation de
son Président.

659
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. Il se réunit selon les besoins, conformément à son règlement; celui-ci comprend des dispositions
prévoyant la convocation du Conseil à la demande de la majorité de ses membres.
Article 91
Le Conseil de tutelle recourt, quand il y a lieu, à l’assistance du Conseil économique et social et à celle
des institutions spécialisées, pour les questions qui relèvent de leurs compétences respectives.
Chapitre XIV
Cour internationale de Justice et Cour pénale internationale
Article 92
La Cour internationale de Justice et la Cour pénale internationale constituent les organes
judiciaires principaux des Nations Unies. Elles fonctionnent, respectivement, conformément à un
Statut établi sur la base du Statut de la Cour permanente de Justice internationale et annexé à la présente
Charte, dont il fait partie intégrante, et au Statut de la Cour pénale internationale, annexé à la présente
Charte, dont il fait partie intégrante.
Article 93
1. Tous les Membres des Nations Unies sont ipso facto parties au Statut de la Cour internationale de
Justice et de la Cour pénale internationale.
2. Les conditions dans lesquelles les États qui ne sont pas Membres de l’Organisation peuvent devenir
parties au Statut de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale sont
déterminées, dans chaque cas, par l’Assemblée générale […].
Article 94
1. Chaque Membre des Nations Unies s’engage à se conformer à la décision de la Cour internationale
de Justice et de la Cour pénale internationale dans tout litige auquel il est partie. (Chaque membre de
la communauté internationale se conforme aux décisions de la Cour pénale internationale.)
2. Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d’un arrêt rendu
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par la Cour internationale de Justice, l’autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci(, s’il le
juge nécessaire, peut faire (mieux: fait) des recommandations ou) décide(r) des mesures à prendre pour
faire exécuter l’arrêt.
3. Si une partie à un litige ne se conforme pas à une décision de la Cour pénale internationale,
celle-ci décide les mesures nécessaires à exécuter la décision.
Article 95
Aucune disposition de la présente Charte n’empêche les Membres de l’Organisation de confier la
solution de leurs différends à d’autres tribunaux en vertu d’accords déjà existants ou qui pourront être
conclus à l’avenir. La compétence de la Cour pénale internationale en matière de responsabilité
étatique prévaut sur celle de toute autre juridiction.
Article 96
1. L’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice
et à la Cour pénale internationale un avis consultatif sur toute question juridique.
2. Tous autres organes de l’Organisation et institutions spécialisées qui peuvent, à un moment
quelconque, recevoir de l’Assemblée générale une autorisation à cet effet ont également le droit de
demander à la Cour internationale de Justice et à la Cour pénale internationale des avis consultatifs
sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de leur activité.
Chapitre XV
Secrétariat
Article 97
Le Secrétariat comprend un Secrétaire général et le personnel que peut exiger l’Organisation. Le
Secrétaire général est nommé par l’Assemblée générale […]. Il est le plus haut fonctionnaire de
l’Organisation.
Article 98
Le Secrétaire général agit en cette qualité à toutes les réunions de l’Assemblée générale, du Conseil
de sécurité, du Conseil économique et social et du Conseil de tutelle. Il remplit toutes autres fonctions dont
il est chargé par ces organes. Il présente à l’Assemblée générale un rapport annuel sur l’activité de
l’Organisation.
Article 99
Le Secrétaire général peut attirer l’attention de l’Assemblée générale, de la Cour internationale de
Justice et de la Cour pénale internationale sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le
maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Article 100
1. Dans l’accomplissement de leurs devoirs, le Secrétaire général et le personnel ne solliciteront ni
n’accepteront d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autorité extérieure à l’Organisation. Ils
s’abstiendront de tout acte incompatible avec leur situation de fonctionnaires internationaux et ne sont
responsables qu’envers l’Organisation.
2. Chaque Membre de l’Organisation s’engage à respecter le caractère exclusivement international
des fonctions du Secrétaire général et du personnel et à ne pas chercher à les influencer dans l’exécution
de leur tâche.
Article 101
1. Le personnel est nommé par le Secrétaire général conformément aux règles fixées par l’Assemblée
générale.

660
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

2. Un personnel spécial est affecté d’une manière permanente au Conseil économique et social, au
Conseil de tutelle et, s’il y a lieu, à d’autres organes de l’Organisation. Ce personnel fait partie du
Secrétariat.
3. La considération dominante dans le recrutement et la fixation des conditions d’emploi du personnel
doit être la nécessité d’assurer à l’Organisation les services de personnes possédant les plus hautes
qualités de travail, de compétence et d'intégrité. Sera dûment prise en considération l’importance d’un
recrutement effectué sur une base géographique aussi large que possible.
Chapitre XVI
Dispositions diverses
Article 102
1. Tout traité ou accord international conclu par un Membre des Nations Unies après l’entrée en
vigueur de la présente Charte sera, le plus tôt possible, enregistré au Secrétariat et publié par lui.
2. Aucune partie à un traité ou accord international qui n’aura pas été enregistré conformément aux
dispositions du paragraphe 1 du présent Article ne pourra invoquer ledit traité ou accord devant un organe
de l’Organisation.
Article 103
En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies (ou, par rapport aux crimes,
de la communauté internationale) en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout
autre accord international, les premières prévaudront.
Article 104
L’Organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses Membres (ou, par rapport aux crimes, de la
communauté internationale), de la capacité juridique qui lui est nécessaire pour exercer ses fonctions et
atteindre ses buts.
Article 105
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

1. L’Organisation jouit, sur le territoire de chacun de ses Membres (ou, par rapport aux crimes, de la
communauté internationale), des privilèges et immunités qui lui sont nécessaires pour atteindre ses
buts.
2. Les représentants des Membres des Nations Unies et les fonctionnaires de l’Organisation jouissent
également des privilèges et immunités qui leur sont nécessaires pour exercer en toute indépendance leurs
fonctions en rapport avec l’Organisation.
3. L’Assemblée générale peut faire des recommandations en vue de fixer les détails d’application des
paragraphes 1 et 2 du présent Article ou proposer aux Membres des Nations Unies (ou, par rapport aux
crimes, de la communauté internationale) des conventions à cet effet.
[…]
Chapitre XVIII
Amendements
Article 108
Les amendements à la présente Charte entreront en vigueur pour tous les Membres des Nations Unies
(ou, par rapport aux crimes, de la communauté internationale) quand ils auront été adoptés à la
majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée générale et ratifiés, conformément à leurs règles
constitutionnelles respectives, par les deux tiers des Membres de l’Organisation […].
Article 109
1. Une conférence générale des Membres des Nations Unies, aux fins d’une révision de la présente
Charte, pourra être réunie aux lieu et date qui seront fixés par un vote de l’Assemblée générale à la
majorité des deux tiers […]. Chaque Membre de l’Organisation disposera d’une voix à la conférence.
2. Toute modification à la présente Charte recommandée par la conférence à la majorité des deux tiers
prendra effet lorsqu’elle aura été ratifiée, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives, par
les deux tiers des Membres des Nations Unies […].
3. Si cette conférence n’a pas été réunie avant la dixième session annuelle de l’Assemblée générale
qui suivra l’entrée en vigueur de la présente Charte, une proposition en vue de la convoquer sera inscrite
à l’ordre du jour de cette session, et la conférence sera réunie, s’il en est ainsi décidé par un vote de la
majorité de l’Assemblée générale […].
Chapitre XIX
Ratification et signature
Article 110
1. La présente Charte sera ratifiée par les États signataires conformément à leurs règles
constitutionnelles respectives.
2. Les ratifications seront déposées auprès du Gouvernement des États-Unis d’Amérique, qui notifiera
chaque dépôt à tous les États signataires ainsi qu’au Secrétaire général de l’Organisation, lorsque celui-ci
aura été nommé.
3. La présente Charte entrera en vigueur après le dépôt des ratifications par la République de Chine, la
France, l’Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande
du Nord, les États-Unis d’Amérique et par la majorité des autres États signataires. Un procès-verbal de
dépôt des ratifications sera ensuite dressé par le Gouvernement des États-Unis d’Amérique qui en
communiquera copie à tous les États signataires.

661
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

4. Les États signataires de la présente Charte qui la ratifieront après son entrée en vigueur deviendront
Membres originaires des Nations Unies à la date du dépôt de leurs ratifications respectives.
Article 111
La présente Charte, dont les textes chinois, français, russe, anglais et espagnol feront également foi,
sera déposée dans les archives du Gouvernement des États-Unis d’Amérique. Des copies dûment
certifiées conformes en seront remises par lui aux Gouvernements des autres États signataires.
En foi de quoi les représentants des Gouvernements des Nations Unies ont signé la présente Charte.
Fait à San Francisco le vingt-six juin mil neuf cent quarante-cinq.

PROJET D’ARTICLES SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS


ADOPTÉ À TITRE PROVISOIRE PAR LA C.D.I. EN PREMIÈRE LECTURE EN 1996
MODIFIÉ: TRAITÉ SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
Article préliminaire
Le Traité sur la responsabilité des États est annexé à la Charte des Nations Unies, dont il fait
partie intégrante.
Première partie
Origine de la responsabilité internationale
CHAPITRE PREMIER
PRINCIPES GÉNÉRAUX
Article premier
Responsabilité de l’État pour ses faits internationalement illicites
Tout fait internationalement illicite d’un État engage sa responsabilité internationale.
Article 2
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

Possibilité que tout État soit considéré comme ayant commis un fait internationalement illicite
Tout État est susceptible d’être considéré comme ayant commis un fait internationalement illicite
engageant sa responsabilité internationale.
Article 3
Éléments du fait internationalement illicite de l’État
Il y a fait internationalement illicite de l’État lorsque:
a) Un comportement consistant en une action ou en une omission est attribuable d’après le droit
international à l’État; et
b) Ce comportement constitue une violation d’une obligation internationale de l’État.
Article 4
Qualification d’un fait de l’État comme internationalement illicite
Le fait d’un État ne peut être qualifié d’internationalement illicite que d’après le droit international. Une
telle qualification ne saurait être affectée par la qualification du même fait comme licite d’après le droit
interne.
CHAPITRE II
LE “FAIT DE L’ÉTAT” SELON LE DROIT INTERNATIONAL
Article 5
Attribution à l’État du comportement de ses organes
Aux fins des présents articles, est considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le
comportement de tout organe de l’État ayant ce statut d’après le droit interne de cet État, pour autant que,
en l’occurrence, il ait agi en cette qualité.
Article 6
Non-pertinence de la position de l’organe dans le cadre de l’organisation de l’État
Le comportement d’un organe de l’État est considéré comme un fait de cet État d’après le droit
international que cet organe appartienne au pouvoir constituant, législatif, judiciaire ou autre, que ses
fonctions aient un caractère international ou interne, et que sa position dans le cadre de l’organisation de
l’État soit supérieure ou subordonnée.
Article 7
Attribution à l’État du comportement d’autres entités habilitées à l’exercice de prérogatives de la puissance
publique
1. Est aussi considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’un
organe d’une collectivité publique territoriale de cet État, pour autant que, en l’occurrence, il ait agi en
cette qualité.
2. Est également considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’un
organe d’une entité qui ne fait pas partie de la structure même de l’État ou d’une collectivité publique
territoriale, mais qui est habilitée par le droit interne de cet État à exercer des prérogatives de la puissance
publique, pour autant que, en l’occurrence, cet organe ait agi en cette qualité.
Article 8
Attribution à l’État du comportement de personnes agissant en fait pour le compte de l’État
Est aussi considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’une
personne ou d’un groupe de personnes si:
a) il est établi que cette personne ou ce groupe de personnes agissait en fait pour le compte de
cet État; ou

662
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

b) cette personne ou ce groupe de personnes se trouvait exercer en fait des prérogatives de la


puissance publique en cas de carence des autorités officielles et dans des circonstances qui
justifiaient l’exercice de ces prérogatives.
Article 9
Attribution à l’État du comportement d’organes mis à sa disposition par un autre État ou par une
organisation internationale
Est de même considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’un
organe qui a été mis à sa disposition par un autre État ou par une organisation internationale, pour autant
que cet organe ait agi dans l’exercice de prérogatives de la puissance publique de l’État à la disposition
duquel il se trouve.
Article 10
Attribution à l’État du comportement d’organes agissant en dépassement de leur compétence ou en
contradiction avec les instructions concernant leur activité
Le comportement d’un organe de l’État, d’une collectivité publique territoriale ou d’une entité habilitée à
l’exercice de prérogatives de la puissance publique, ledit organe ayant agi en cette qualité, est considéré
comme un fait de l’État d’après le droit international même si, en l’occurrence, l’organe a dépassé sa
compétence selon le droit interne ou a contrevenu aux instructions concernant son activité.
Article 11
Comportement de personnes n’agissant pas pour le compte de l’État
1. N’est pas considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’une
personne ou d’un groupe de personnes n’agissant pas pour le compte de l’État.
2. Le paragraphe 1 est sans préjudice de l’attribution à l’État de tout autre comportement qui est en
rapport avec celui des personnes ou groupes de personnes visés audit paragraphe et qui doit être
considéré comme un fait de l’État en vertu des articles 5 à 10.
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Article 12
Comportement d’organes d’un autre État
1. N’est pas considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement adopté sur
son territoire ou sur tout autre territoire soumis à sa juridiction par un organe d’un autre État agissant en
cette qualité.
2. Le paragraphe 1 est sans préjudice de l’attribution à un État de tout autre comportement qui est en
rapport avec celui envisagé audit paragraphe et qui doit être considéré comme un fait de cet État en vertu
des articles 5 à 10.
Article 13
Comportement d’organes d’une organisation internationale
N’est pas considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’un organe
d’une organisation internationale agissant en cette qualité du seul fait que ledit comportement a été adopté
sur le territoire de cet État ou sur tout autre territoire soumis à sa juridiction.
Article 14
Comportement d’organes d’un mouvement insurrectionnel
1. N’est pas considéré comme un fait de l’État d’après le droit international le comportement d’un
organe d’un mouvement insurrectionnel établi sur le territoire de cet État ou sur tout autre territoire sous
son administration.
2. Le paragraphe 1 est sans préjudice de l’attribution à un État de tout autre comportement qui est en
rapport avec celui de l’organe du mouvement insurrectionnel et qui doit être considéré comme un fait de
cet État en vertu des articles 5 à 10.
3. De même, le paragraphe 1 est sans préjudice de l’attribution du comportement de l’organe du
mouvement insurrectionnel à ce mouvement dans tous les cas où une telle attribution peut se faire d’après
le droit international.
Article 15
Attribution à l’État du fait d’un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement d’un État
ou qui aboutit à la création d’un nouvel État
1. Le fait d’un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement d’un État est
considéré comme un fait de cet État. Toutefois, une telle attribution est sans préjudice de l’attribution à cet
État d’un comportement qui aurait auparavant été considéré comme un fait de l’État en vertu des articles 5
à 10.
2. Le fait d’un mouvement insurrectionnel dont l’action aboutit à la création d’un nouvel État sur une
partie du territoire d’un État préexistant ou sur un territoire sous son administration est considéré comme
un fait de ce nouvel État.
CHAPITRE III
VIOLATION D’UNE OBLIGATION INTERNATIONALE
Article 16
Existence d’une violation d’une obligation internationale
Il y a violation d’une obligation internationale par un État lorsqu’un fait dudit État n’est pas conforme à
ce qui est requis de lui par cette obligation.

663
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 17
Non-pertinence de l’origine de l’obligation internationale violée
1. Le fait d’un État qui constitue une violation d’une obligation internationale est un fait
internationalement illicite quelle que soit l’origine, coutumière, conventionnelle ou autre, de cette
obligation.
2. L’origine de l’obligation internationale violée par un État est sans effet sur la responsabilité
internationale engagée par le fait internationalement illicite de cet État.
Article 18
Condition que l’obligation internationale soit en vigueur à l’égard de l’État
1. Le fait de l’État qui n’est pas conforme à ce qui est requis de lui par une obligation internationale ne
constitue une violation de cette obligation que si ce fait a été accompli à un moment où l’obligation était en
vigueur à l’égard de cet État.
2. Toutefois, le fait de l’État qui, au moment où il a été accompli, n’était pas conforme à ce qui était
requis de lui par une obligation internationale en vigueur à l’égard de cet État n’est plus considéré comme
un fait internationalement illicite si, par la suite, un tel fait est devenu obligatoire en vertu d’une norme
impérative du droit international général (ou, également: d’une norme créant une obligation erga
omnes indivisible absolue) (ou bien: d’une norme créant une obligation erga omnes indivisible
relative).
3. Si le fait de l’État qui n’est pas conforme à ce qui est requis de lui par une obligation internationale a
un caractère de continuité, il n’y a violation de cette obligation qu’en regard de la période durant laquelle le
fait se déroule pendant que l’obligation est en vigueur à l’égard de cet État.
4. Si le fait de l’État qui n’est pas conforme à ce qui est requis de lui par une obligation internationale
est composé d’une série d’actions ou omissions relatives à des cas distincts, il y a violation de cette
obligation si un tel fait peut être considéré comme constitué par les actions ou omissions accomplies
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

pendant la période durant laquelle l’obligation est en vigueur à l’égard de cet État.
5. Si le fait de l’État qui n’est pas conforme à ce qui est requis de lui par une obligation internationale
est un fait complexe constitué d’actions ou omissions du même organe ou d’organes différents de l’État
par rapport à un même cas, il y a violation de cette obligation si le fait complexe non conforme à celle-ci
commence par une action ou omission accomplie pendant la période durant laquelle l’obligation est en
vigueur à l’égard de cet État, même si ce fait est complété après cette période.
Article 19
Crimes internationaux et infractions internationales simples
1. Le fait d’un État (ou d’une organisation internationale) qui constitue une violation d’une obligation
internationale est un fait internationalement illicite quel que soit l’objet de l’obligation violée.
2. Un crime de l’État (ou d’une organisation internationale) est la violation d’une obligation
internationale fondamentale de la communauté internationale dans son ensemble (au sens absolu
ou relatif).
3. Le crime de l’État (ou d’une organisation internationale) est le fait de ses individus, agissant
en tant qu’organes, tel que prévu dans le Statut de la Cour pénale internationale.
4. En conformité avec les dispositions des paragraphes 2 et 3 et d’après les règles du droit
international en vigueur, un crime de l’État (ou d’une organisation internationale) est la violation
grave d’une obligation internationale (fondamentale pour le maintien de la paix) en cas de:
a) Violation du droit à l’existence, à la souveraineté et l’autodétermination, par agression
ou toute autre forme d’intervention prévue dans le Statut de la Cour pénale internationale
(crime contre l’existence, la souveraineté, l’autodétermination);
b) Violation à large échelle ou massive des droits de l’homme, commise en temps de
guerre ou de paix prévue dans le Statut de la Cour pénale internationale (crime contre
l’humanité);
c) Violation du droit de la guerre prévue dans le Statut de la Cour pénale internationale
(crime de guerre);
d) Violation des obligations découlant des ordres de la Cour pénale internationale prévue
dans le Statut de la Cour pénale internationale (crime contre la juridiction internationale);
e) Omission de prévention et contrôle des crimes du Statut de la Cour pénale
internationale commise par ses organes.
5. Tout fait internationalement illicite qui n’est pas un crime international conformément au paragraphe
2 constitue une infraction internationale simple.
Article 20
Violation d’une obligation internationale requérant
d’adopter un comportement spécifiquement déterminé
Il y a violation par un État d’une obligation internationale le requérant d’adopter un comportement
spécifiquement déterminé lorsque le comportement de cet État n’est pas conforme à celui requis de lui par
cette obligation.
Article 21
Violation d’une obligation internationale requérant d’assurer un résultat déterminé
1. Il y a violation par un État d’une obligation internationale le requérant d’assurer, par un moyen de
son choix, un résultat déterminé si, par le comportement adopté, l’État n’assure pas le résultat requis de
lui par cette obligation.

664
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

2. Lorsqu’un comportement de l’État a créé une situation non conforme au résultat requis de lui par
une obligation internationale, mais qu’il ressort de l’obligation que ce résultat ou un résultat équivalent peut
néanmoins être acquis par un comportement ultérieur de l’État, il n’y a violation de l’obligation que si l’État
manque aussi par son comportement ultérieur à assurer le résultat requis de lui par cette obligation.
Article 22
Épuisement des recours internes
Lorsqu’un comportement d’un État a créé une situation non conforme au résultat requis de lui par une
obligation internationale concernant le traitement à réserver à des particuliers étrangers, personnes
physiques ou morales, mais qu’il ressort de l’obligation que ce résultat ou un résultat équivalent peut
néanmoins être acquis par un comportement ultérieur de l’État, il n’y a violation de l’obligation que si les
particuliers intéressés ont épuisé les recours internes efficaces leur étant disponibles sans obtenir le
traitement prévu par l’obligation ou, au cas où cela n’était pas possible, un traitement équivalent.
Article 23
Violation d’une obligation internationale requérant de prévenir un événement donné
Lorsque le résultat requis d’un État par une obligation internationale est de prévenir, par un moyen de
son choix, la survenance d’un événement donné, il n’y a violation de cette obligation que si, par le
comportement adopté, l’État n’assure pas ce résultat.
Article 24
Moment et durée de la violation d’une obligation internationale
réalisée par un fait de l’État ne s’étendant pas dans le temps
La violation d’une obligation internationale par un fait de l’État ne s’étendant pas dans le temps se
produit au moment où ce fait est accompli. La perpétration de cette violation ne s’étend pas au-delà dudit
moment, même si les effets du fait de l’État se prolongent dans le temps.
Article 25
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Moment et durée de la violation d’une obligation internationale


réalisée par un fait de l’État s’étendant dans le temps
1. La violation d’une obligation internationale par un fait de l’État ayant un caractère de continuité se
produit au moment où ce fait commence. Toutefois, le temps de perpétration de la violation s’étend sur la
période entière durant laquelle ce fait continue et reste non conforme à l’obligation internationale.
2. La violation d’une obligation internationale par un fait de l’État composé d’une série d’actions ou
omissions relatives à des cas distincts se produit au moment de la réalisation de celle des actions ou
omissions de la série qui établit l’existence du fait composé. Toutefois, le temps de perpétration de la
violation s’étend sur la période entière à partir de la première des actions ou omissions dont l’ensemble
constitue le fait composé non conforme à l’obligation internationale et autant que ces actions ou omissions
se répètent.
3. La violation d’une obligation internationale par un fait de l’État complexe, constitué par une
succession d’actions ou omissions émanant des mêmes ou de différents organes étatiques intervenant
dans une même affaire, se produit au moment de la réalisation du dernier élément constitutif dudit fait
complexe. Toutefois, le temps de perpétration de la violation s’étend sur la période entière allant du
comportement qui a amorcé la violation à celui qui l’a parachevée.
Article 26
Moment et durée de la violation d’une obligation internationale de prévenir un événement donné
La violation d’une obligation internationale requérant de l’État de prévenir un événement donné se
produit au moment où l’événement commence. Toutefois, le temps de perpétration de la violation s’étend
sur la période entière durant laquelle l’événement continue.
CHAPITRE IV
IMPLICATION D’UN ÉTAT DANS LE FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE D’UN AUTRE ÉTAT
Article 27
Aide ou assistance d’un État à un autre État pour la perpétration d’un fait internationalement illicite
L’aide ou l’assistance d’un État à un autre État, s’il est établi qu’elle est prêtée pour la perpétration d’un
fait internationalement illicite réalisée par ce dernier, constitue elle aussi un fait internationalement illicite,
même si, prise isolément, cette aide ou assistance ne constituerait pas la violation d’une obligation
internationale.
Article 28
Responsabilité d’un État pour le fait internationalement illicite d’un autre État
1. Le fait internationalement illicite commis par un État dans un domaine d’activité dans lequel cet État
est soumis au pouvoir de direction ou de contrôle d’un autre État engage la responsabilité internationale
de cet autre État.
2. Le fait internationalement illicite commis par un État en conséquence de la contrainte exercée par un
autre État pour provoquer la perpétration de ce fait engage la responsabilité internationale de cet autre
État.
3. Les paragraphes 1 et 2 sont sans préjudice de la responsabilité internationale, en vertu des autres
dispositions des présents articles de l’État ayant commis le fait internationalement illicite.

665
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

CHAPITRE V
CIRCONSTANCES EXCLUANT L’ILLICÉITÉ
Article 29
Consentement
1. Le consentement valablement donné par un État à la commission par un autre État d’un fait
déterminé non conforme à une obligation de ce dernier envers le premier État exclut l’illicéité de ce fait à
l’égard dudit État pour autant que le fait reste dans les limites de ce consentement.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si l’obligation découle d’une norme impérative du droit
international général (ou, également: d’une obligation erga omnes indivisible absolue). Aux fins des
présents articles, une norme impérative du droit international général (ou, également: une obligation
erga omnes indivisible absolue) est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale
des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut
être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère.
Ou bien:
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si l’obligation erga omnes indivisible a une validité
relative.
Ou bien:
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas en cas de crime international.
Article 30
Contre-mesures à l’égard d’un fait internationalement illicite
L’illicéité d’un fait d’un État non conforme à une obligation de ce dernier envers un autre État est
exclue si ce fait constitue une mesure légitime d’après le droit international à l’encontre de cet autre État, à
la suite d’un fait internationalement illicite de ce dernier État.
Article 31
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Force majeure et cas fortuit


1. L’illicéité d’un fait d’un État non conforme à une obligation internationale de cet État est exclue si ce
fait a été dû à une force irrésistible ou à un événement extérieur imprévu, en dehors de son contrôle, qui a
rendu matériellement impossible à l’État d’agir conformément à cette obligation ou de se rendre compte
que son comportement n’était pas conforme à cette obligation.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si l’État en question a contribué à la survenance de la situation
d’impossibilité matérielle.
Article 32
Détresse
1. L’illicéité d’un fait d’un État non conforme à une obligation internationale de cet État est exclue si
l’auteur du comportement qui constitue le fait de cet État n’avait pas d’autre moyen, dans une situation
d’extrême détresse, de sauver sa vie ou celle de personnes confiées à sa garde.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas si l’État en question a contribué à la survenance de la situation
d’extrême détresse ou si le comportement en question était susceptible de créer un péril comparable ou
supérieur.
Article 33
État de nécessité
1. L’état de nécessité ne peut pas être invoqué par un État comme une cause d’exclusion de l’illicéité
d’un fait de cet État non conforme à une de ses obligations internationales, à moins que:
a) ce fait n’ait constitué le seul moyen de sauvegarder un intérêt essentiel dudit État contre un
péril grave et imminent; et que
b) ce fait n’ait pas gravement porté atteinte à un intérêt essentiel de l’État à l’égard duquel
l’obligation existait.
2. En tout état de cause, l’état de nécessité ne peut pas être invoqué par un État comme une cause
d’exclusion d’illicéité:
a) si l’obligation internationale à laquelle le fait de l’État n’est pas conforme découle d’une norme
impérative du droit international général (ou, également: si l’obligation, indivisible, à laquelle
le fait de l’État n’est pas conforme découle d’une norme ayant une validité erga omnes
absolue); ou
Ou bien:
a) si l’obligation, indivisible, à laquelle le fait de l’État n’est pas conforme découle d’une
norme ayant une validité erga omnes relative; ou
Ou bien:
a) si le comportement de l’État constitue un crime international; ou
b) si l’obligation internationale à laquelle le fait de l’État n’est pas conforme est prévue par un
traité qui, explicitement ou implicitement, exclut la possibilité d’invoquer l’état de nécessité en ce
qui concerne cette obligation; ou
c) si l’État en question a contribué à la survenance de l’état de nécessité.
Article 34
Légitime défense
L’illicéité d’un fait d’un État non conforme à une obligation internationale de cet État est exclue si ce fait
constitue une mesure licite de légitime défense […].

666
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

Article ajouté
Droit de légitime défense
Aucune disposition ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou
collective, dans le cas où un État est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que la Cour pénale
internationale ait pris les mesures nécessaires en matière de responsabilité internationale majeure.
Les mesures prises par des États dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont
immédiatement portées à la connaissance de la Cour pénale internationale et n’affectent en rien le
pouvoir et le devoir qu’a la Cour, en vertu de son Statut, d’agir à tout moment de la manière qu’elle
juge nécessaire.
Article 35
Réserve relative à l’indemnisation des dommages
L’exclusion de l’illicéité d’un fait d’un État en vertu des dispositions des articles 29, 31, 32 ou 33 ne
préjuge pas des questions qui pourraient se poser à propos de l’indemnisation des dommages causés par
ce fait.
Deuxième partie
Contenu, formes et degrés de la responsabilité internationale
CHAPITRE PREMIER
PRINCIPES GÉNÉRAUX
Article 36
Conséquences d’un fait internationalement illicite
1. La responsabilité internationale d’un État qui, conformément aux dispositions de la Première partie,
est engagée par un fait internationalement illicite commis par cet État entraîne des conséquences
juridiques énoncées dans la présente partie.
2. Les conséquences juridiques visées au paragraphe 1 sont sans préjudice du maintien du devoir de
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

l’État qui a commis le fait internationalement illicite d’exécuter l’obligation qu’il a violée.
Article 37
Lex specialis
Les dispositions de la présente partie ne s’appliquent pas dans les cas ou dans la mesure où les
conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite d’un État sont déterminées par d’autres règles
de droit international qui se rapportent spécifiquement à ce fait, sauf en cas de crime et de violation
d’une obligation due à la communauté internationale dans son ensemble (au sens absolu ou
relatif).
Article 38
Droit international coutumier
Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite d’un État qui ne sont pas énoncées
dans les dispositions de la présente partie continuent d’être régies par les règles du droit international
coutumier.
Article 39
Relation avec la Charte des Nations Unies
Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite d’un État énoncées dans les
dispositions de la présente partie intègrent […] les dispositions et procédures de la Charte des Nations
Unies relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Article 40
Sens de l’expression “État lésé”
1. Aux fins des présents articles, l’expression "État lésé" s’entend de tout État qui est atteint dans un
droit par le fait d’un autre État, si ce fait constitue, conformément aux dispositions de la Première partie, un
fait internationalement illicite de cet État.
2. En particulier, l’expression “État lésé” désigne:
a) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un traité bilatéral, l’autre État partie au
traité;
b) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un jugement ou autre décision
obligatoire relative au règlement d’un différend qui est rendu par une cour ou un tribunal
international, l’autre État ou les autres États qui sont parties au différend et bénéficiaires de ce
droit;
c) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’une décision obligatoire d’un organe
international autre qu’une cour ou un tribunal international, l’État ou les États qui, conformément à
l’instrument constitutif de l’organisation internationale concernée, sont bénéficiaires de ce droit;
d) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’une disposition conventionnelle en
faveur d’un État tiers, cet État tiers;
e) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un traité multilatéral ou d’une règle du
droit international coutumier, tout autre État partie au traité multilatéral ou lié par la règle du droit
international coutumier, lorsqu’il est établi:
i) que le droit a été créé ou est reconnu en sa faveur;
ii) que l’atteinte portée au droit par le fait d’un État affecte nécessairement la jouissance des
droits ou l’exécution des obligations des autres États parties au traité multilatéral ou liés par la
règle du droit international coutumier; ou

667
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

iii) que le droit a été créé ou est reconnu pour la protection des droits de l’homme et des libertés
fondamentales;
f) si le droit auquel le fait d’un État porte atteinte résulte d’un traité multilatéral, tout autre État
partie au traité multilatéral, lorsqu’il est établi que ce droit a été expressément énoncé dans le
traité pour la protection des intérêts collectifs des États parties (obligation erga omnes
indivisible relative), notamment en cas de crime international.
3. En outre, l’expression “État lésé” désigne, si le fait internationalement illicite constitue un crime
international, tous les autres États (supprimé en cas de non-reconnaissance de la catégorie des
obligations erga omnes indivisibles absolues ou en cas de conception exclusivement relative de la
responsabilité criminelle).
CHAPITRE II
DROITS DE L’ÉTAT LÉSÉ ET OBLIGATIONS DE L’ÉTAT AUTEUR
DU FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE
Article 41
Cessation du comportement illicite
Tout État dont le comportement constitue un fait internationalement illicite ayant un caractère de
continuité est tenu de l’obligation de cesser ce comportement, sans préjudice de la responsabilité qu’il a
déjà encourue.
Article 42
Réparation
1. L’État lésé est en droit d’obtenir de l’État qui a commis un fait internationalement illicite une
réparation intégrale sous une ou plusieurs formes de réparation – restitution en nature, indemnisation,
satisfaction et assurances et garanties de non-répétition.
2. Pour déterminer la réparation, il est tenu compte de la négligence ou de l’action ou omission
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délibérée :
a) de l’État lésé; ou
b) d’un ressortissant de l’État au nom duquel la demande est présentée qui a contribué au
dommage.
3. En aucun cas la réparation n’a pour effet de priver une population de ses propres moyens de
subsistance.
4. L’État qui a commis le fait internationalement illicite ne peut pas invoquer les dispositions de son
droit interne pour s’abstenir de réparer intégralement.
Article 43
Restitution en nature
L’État lésé est en droit d’obtenir de l’État qui a commis un fait internationalement illicite la restitution en
nature, c’est-à-dire le rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit commis, dès
lors et pour autant qu’une telle restitution en nature:
a) n’est pas matériellement impossible;
b) n’entraîne pas la violation d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit
international général (ou, également: d’une obligation erga omnes indivisible absolue);
Ou bien:
b) n’entraîne pas la violation d’une obligation erga omnes indivisible relative;
c) n’impose pas une charge hors de toute proportion avec l’avantage que l’État lésé gagnerait en
obtenant la restitution en nature plutôt que l’indemnisation; ou
d) ne menace pas sérieusement l’indépendance politique ou la stabilité économique de l’État qui
a commis le fait internationalement illicite, alors que l’État lésé ne serait pas affecté dans la même
mesure s’il n’obtenait pas la restitution en nature.
Article 44
Indemnisation
1. L’État lésé est en droit d’obtenir de l’État qui a commis un fait internationalement illicite une
indemnisation pour le dommage causé par ce fait si, et dans la mesure où, le dommage n’est pas réparé
par la restitution en nature.
2. Aux fins du présent article, l’indemnisation couvre tout dommage susceptible d’évaluation
économique subi par l’État lésé et peut comprendre des intérêts et, le cas échéant, le manque à gagner.
Article 45
Satisfaction
1. L’État lésé est en droit d’obtenir de l’État qui a commis un fait internationalement illicite satisfaction
pour le dommage, notamment moral, causé par ce fait si, et dans la mesure où, cela est nécessaire pour
que la réparation soit intégrale.
2. La satisfaction peut prendre une ou plusieurs des formes suivantes:
a) des excuses;
b) des dommages-intérêts symboliques;
c) en cas d’atteinte grave aux droits de l’État lésé, des dommages intérêts correspondant à la
gravité de l’atteinte;
d) si le fait internationalement illicite résulte de fautes graves d’agents de l’État ou d’agissements
criminels d’agents de l’État ou de personnes privées, une action disciplinaire à l’encontre des
responsables ou leur châtiment.

668
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

3. Le droit de l’État lésé d’obtenir satisfaction ne l’autorise pas à formuler des exigences qui porteraient
atteinte à la dignité de l’État qui a commis le fait internationalement illicite.
Article 46
Assurances et garanties de non-répétition
L’État lésé est en droit, le cas échéant, d’obtenir de l’État qui a commis un fait internationalement illicite
des assurances ou garanties de non répétition dudit fait.
Article (52) déplacé
(éventuellement abrogé)
Sanctions spécifiques des crimes
Lorsqu’un fait internationalement illicite commis par un État est un crime international:
a) le droit d’un État lésé à obtenir la restitution en nature n’est pas soumis aux limitations
énoncées aux alinéas c) et d) de l’article 43;
b) le droit d’un État lésé à obtenir satisfaction n’est pas soumis à la restriction prévue au
paragraphe 3 de l’article 45.
Article ajouté
Amende en faveur de la communauté internationale (au sens absolu ou relatif)
en cas de crime de l’État
En cas de crime, l’État est tenu de verser une amende à la communauté internationale (au sens
absolu ou relatif) et il va être soumis à la confiscation des biens, profits et avoirs tirés du crime,
directement ou indirectement, sans préjudice des droits des tiers de bonne foi, conformément aux
articles 77 ss. du Statut de la Cour pénale internationale.
CHAPITRE III
CONTRE-MESURES
Article 47
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Contre-mesures d’un État lésé


1. Aux fins des présents articles, on entend par contre-mesures le fait pour l’État lésé de ne pas
s’acquitter d’une ou plusieurs de ses obligations envers l’État auteur d’un fait internationalement illicite
pour l’inciter à s’acquitter de ses obligations au titre des articles 41 à 46, aussi longtemps qu’il ne s’est pas
acquitté de ces obligations et pour autant que cela soit nécessaire à la lumière de ses réponses aux
demandes de l’État lésé afin qu’il s’en acquitte.
2. La prise de contre-mesures est soumise aux conditions et restrictions énoncées dans les articles 48
à 50.
3. Si une contre-mesure visant un État auteur d’un fait internationalement illicite entraîne la violation
d’une obligation à l’égard d’un État tiers, cette violation ne peut être justifiée à l’encontre de l’État tiers au
titre de ce chapitre.
Article 48
Conditions du recours à des contre-mesures
1. Avant d’entreprendre des contre-mesures un État lésé s’acquitte de l’obligation de négocier prévue
à l’article 54. En cas de crime l’État ne peut adopter des contre-mesures sans l’autorisation de la
Cour pénale internationale aux termes de l’article concernant l’exécution des contre-mesures par
l’État lésé en cas de crime. Cette obligation est sans préjudice de l’adoption par cet État de mesures
conservatoires qui sont nécessaires pour préserver ses droits et sont par ailleurs conformes aux
conditions stipulées dans ce chapitre.
2. Un État lésé qui prend des contre-mesures s’acquitte des obligations relatives au règlement des
différends découlant de la Troisième partie ou de toute autre procédure de règlement obligatoire des
différends en vigueur entre l’État lésé et l’État auteur du fait internationalement illicite.
3. Sous réserve que le fait internationalement illicite ait cessé, l’État lésé doit suspendre les contre-
mesures dans les cas et dans la mesure où la procédure de règlement des différends visée au paragraphe
2 est appliquée de bonne foi par l’État qui a commis ledit fait, et où le différend est soumis à un tribunal qui
est habilité à émettre des injonctions obligatoires pour les parties, notamment si la Cour pénale
internationale est en train de procéder à l’égard d’un crime international.
4. L’obligation de suspendre les contre-mesures prend fin en cas de défaut de l’État auteur du fait
internationalement illicite de se conformer à une demande ou à une injonction émanant de la procédure de
règlement du différend.
Article 49
Proportionnalité
Les contre-mesures prises par un État lésé ne doivent pas être hors de proportion avec le degré de
gravité du fait internationalement illicite ou ses effets sur l’État lésé.
Article 50
Contre-mesures interdites
Un État lésé ne doit pas recourir à titre de contre-mesure:
a) à la menace ou à l’emploi de la force, interdits par la Charte des Nations Unies;
b) à des mesures de contrainte économique ou politique extrêmes visant à porter atteinte à
l’intégrité territoriale ou à l’indépendance politique de l’État qui a commis le fait internationalement
illicite;
c) à tout comportement qui porte atteinte à l’inviolabilité des agents, locaux, archives et
documents diplomatiques ou consulaires;

669
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

d) à tout comportement qui déroge aux droits de l’homme fondamentaux; ou


e) à tout autre comportement contrevenant à une norme impérative du droit international général
(ou, également: une obligation erga omnes indivisible absolue).
Ou bien:
e) à tout comportement constituant la violation d’une obligation erga omnes indivisible
relative.
Ou bien:
e) à tout comportement constituant un crime international.
CHAPITRE IV
CRIMES INTERNATIONAUX
Article 51
Conséquences d’un crime international
Un crime international fait naître toutes les conséquences juridiques découlant de tout autre fait
internationalement illicite et, de surcroît, toutes les conséquences supplémentaires énoncées aux articles
52 et 53 ci-après.
(Article 52 déplacé après l’article 46)
Article ajouté
Exécution des contre-mesures par l’Etat lésé en cas de crime
En cas de crime international, un État lésé ne pourra adopter des contre-mesures que s’il y est
autorisé par la Cour pénale internationale.
Article 53
Obligations incombant à tous les États
Un crime international commis par un État fait naître pour chaque autre État l’obligation:
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a) de ne pas reconnaître comme licite la situation créée par le crime;


b) de ne pas prêter aide ou assistance à l’État qui a commis le crime pour maintenir la situation
ainsi créée;
c) de coopérer avec les autres États pour exécuter les obligations énoncées aux alinéas a) et b);
et
d) de coopérer avec les autres États pour appliquer les mesures visant à éliminer les
conséquences du crime;
e) d’exécuter de bonne foi les mesures décidées par la Cour pénale internationale pour
donner exécution aux sanctions.
Troisième partie
Règlement des différends
Article 54
Négociation
Si un différend concernant l’interprétation ou l’application des présents articles s’élève entre deux ou
plusieurs États parties à ceux-ci, lesdits États parties s’efforcent, à la demande de l’un quelconque d’entre
eux, de le régler à l’amiable par négociation.
Article 55
Bons offices et médiation
Tout État partie aux présents articles qui n’est pas partie au différend pourra, à la demande de toute
partie au différend, ou de sa propre initiative, proposer ses bons offices ou offrir sa médiation en vue de
faciliter un règlement amiable du différend.
Article 56
Conciliation
Si, trois mois après la première demande de négociations, le différend n’a pas été réglé par accord et
qu’aucun mode de règlement obligatoire par tierce partie n’a été institué, toute partie au différend peut le
soumettre à la conciliation conformément à la procédure indiquée dans l’annexe I des présents articles.
Article 57
Tâche de la commission de conciliation
1. La commission de conciliation aura pour tâche d’élucider les questions en litige, de recueillir à cet
effet toutes les informations nécessaires, par voie d’enquête ou autrement, et de s’efforcer d’amener les
parties au différend à un règlement.
2. À cette fin, les parties adresseront à la commission un mémoire exposant leur position au sujet du
différend ainsi que les faits sur lesquels cette position est fondée. En outre, elles fourniront à la
commission tous éléments supplémentaires d’information ou de preuve qu’elle pourra demander et
aideront la commission dans toute enquête indépendante qu’elle pourra souhaiter entreprendre, y compris
sur le territoire de toute partie au différend, sauf lorsque des raisons exceptionnelles s’y opposeront. Dans
ce cas, cette partie donnera à la commission une explication de ces raisons exceptionnelles.
3. La commission pourra, à sa discrétion, faire des propositions préliminaires à l’une quelconque des
parties ou à toutes les parties, sans préjudice de ses recommandations ultérieures.
4. Les recommandations aux parties seront contenues dans un rapport qui sera présenté au plus tard
trois mois à compter de la constitution officielle de la commission, et la commission pourra fixer le délai
dans lequel les parties devront répondre à ces recommandations.

670
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

5. Si la réponse des parties aux recommandations de la commission ne conduit pas à un règlement du


différend, la commission pourra leur présenter un rapport final contenant son appréciation du différend et
ses recommandations en vue d’un règlement.
Article 58
Arbitrage
1. Si la commission de conciliation prévue à l’article 56 n’a pas été saisie du différend ou si les parties
n’ont pas réussi à régler leur différend à l’amiable dans les six mois suivant la présentation du rapport de
la commission, les parties au différend peuvent, d’un commun accord, soumettre le différend à un tribunal
arbitral qui sera constitué conformément aux dispositions de l’annexe II des présents articles.
2. Toutefois, lorsque le différend s’élève entre des États parties aux présents articles dont l’un a pris
des contre-mesures à l’encontre de l’autre, l’État à l’encontre duquel les contre-mesures sont prises a le
droit de soumettre unilatéralement à tout moment le différend à un tribunal arbitral qui sera constitué
conformément à l’annexe II des présents articles.
Article 59
Mandat du tribunal arbitral
1. Le tribunal arbitral, qui sera appelé à trancher avec effet obligatoire les points de fait ou de droit qui
seront en litige entre les parties et qui seront pertinents en vertu de toute disposition des présent articles,
sera régi par les règles énoncées ou visées dans l’annexe II des présents articles et fera connaître sa
décision aux parties dans un délai de six mois à compter de la date de clôture de la procédure orale et de
la procédure écrite et du dépôt des conclusions des parties.
2. Le tribunal sera habilité à faire toute enquête qu’il jugera nécessaire pour établir les faits de la
cause.
Article 60
Validité d’une sentence arbitrale
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1. Si la validité d’une sentence arbitrale est contestée par l’une ou l’autre partie au différend et si, dans
les trois mois qui suivent la date de la contestation, les parties ne se sont pas mises d’accord sur un autre
tribunal, la Cour internationale de Justice sera compétente, à la demande faite en temps voulu par toute
partie, pour confirmer la validité de la sentence ou la déclarer nulle en totalité ou en partie.
2. Toute question en litige non résolue par l’annulation de la sentence peut, à la demande de toute
partie, être soumise à un nouvel arbitrage devant un tribunal arbitral qui sera constitué conformément à
l’annexe II des présents articles.
Article ajouté
Primauté des décisions rendues par la Cour pénale internationale
Les articles 54-60 sont sans préjudice de la compétence de la Cour pénale internationale en cas
de crime international de l’État. Les décisions de la Cour pénale internationale priment sur les
décisions rendues par toute autre juridiction.
Article ajouté
Compétence de la Cour pénale internationale en matière de crimes des États
La Cour pénale internationale est compétente pour juger les crimes des États. Le Statut de la
Cour pénale internationale est intégralement rappelé.
Annexe I
La commission de conciliation
1. Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies dresse et tient une liste de conciliateurs
composée de juristes qualifiés. À cette fin, tout État Membre de l’Organisation des Nations Unies ou partie
aux présents articles est invité à désigner deux conciliateurs, et les noms des personnes ainsi désignées
composeront la liste. La désignation des conciliateurs, y compris ceux qui sont désignés pour remplir une
vacance fortuite, est faite pour une période de cinq ans renouvelable. À l’expiration de la période pour
laquelle ils auront été désignés, les conciliateurs continueront à exercer les fonctions pour lesquelles ils
auront été choisis conformément au paragraphe 2.
2. Une partie à un différend peut soumettre celui-ci à la conciliation conformément à l’article 56 en
adressant une demande au Secrétaire général, qui établit une commission de conciliation composée
comme suit:
a) L’État ou les États constituant une des parties au différend nomme:
i) Un conciliateur de la nationalité de cet État ou de l’un de ces États, choisi ou non sur la liste
visée au paragraphe 1; et
ii) Un conciliateur n’ayant pas la nationalité de cet État ou de l’un de ces États, choisi sur la liste.
b) L’État ou les États constituant l’autre partie au différend nomment deux conciliateurs de la
même manière.
c) Les quatre conciliateurs choisis par les parties doivent être nommés dans les soixante jours
suivant la date à laquelle le Secrétaire général reçoit la demande.
d) Dans les soixante jours qui suivent la dernière nomination, les quatre conciliateurs en
nomment un cinquième, choisi sur la liste, qui sera président.
e) Si la nomination du président ou de l’un quelconque des autres conciliateurs n’intervient pas
dans le délai prescrit ci-dessus pour cette nomination, elle sera faite par le Secrétaire général
dans les soixante jours qui suivent l’expiration de ce délai parmi les personnes inscrites sur la
liste. L’un quelconque des délais dans lesquels les nominations doivent être faites peut être
prorogé par accord des parties.

671
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

f) Toute vacance doit être remplie de la façon spécifiée pour la nomination initiale.
3. Le fait pour une ou plusieurs parties de ne pas participer à la procédure de conciliation ne constitue
pas un obstacle à la procédure.
4. En cas de contestation sur le point de savoir si une commission constituée en vertu de la présente
annexe est compétente, cette commission décide.
5. La commission arrête elle-même sa procédure. Les décisions de la commission sont adoptées à la
majorité des voix de ses cinq membres.
6. Lorsque plus de deux parties font cause séparée ou ne peuvent s’entendre sur le point de savoir si
elles doivent faire cause commune, les parties au différend appliquent le paragraphe 2 dans toute la
mesure possible.
Annexe II
Le tribunal arbitral
1. Le tribunal arbitral visé aux articles 58 et 60, paragraphe 2, se composera de cinq membres. Les
parties au différend en nommeront chacune un, qui pourra être choisi parmi leurs nationaux respectifs. Les
trois autres arbitres, y compris le surarbitre, seront choisis d’un commun accord parmi les nationaux
d’États tiers.
2. Si la nomination des membres du tribunal n’intervient pas dans un délai de trois mois à compter de
la demande adressée par l’une des parties à l’autre de constituer un tribunal arbitral, les nominations
nécessaires seront faites par le Président de la Cour internationale de Justice. Si celui-ci est empêché ou
s’il est de la nationalité de l’une des parties, les nominations seront faites par le Vice-Président. Si celui-ci
est empêché ou s’il est de la nationalité de l’une des parties, les nominations seront faites par le plus
ancien membre de la Cour qui n’a la nationalité d’aucune des parties. Les membres ainsi nommés devront
être de nationalités différentes et, sauf dans le cas de nominations faites parce que l’une ou l’autre des
parties n’a pas nommé de membre, ne devront pas être de la nationalité ni se trouver au service d’une des
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parties, ni avoir leur résidence habituelle sur le territoire de l’une d’elles.


3. Il sera pourvu, dans le plus bref délai, à toute vacance qui viendrait à se produire par suite de décès
ou de démission, ou pour toute autre raison, suivant le mode fixé pour les nominations initiales.
4. À la suite de la constitution du tribunal, les parties rédigeront un accord précisant l’objet du litige, si
elles ne l’ont pas fait précédemment.
5. Si un accord n’a pas été conclu dans un délai de trois mois à compter de la constitution du tribunal,
l’objet du différend sera déterminé par le tribunal sur la base de la requête dont il aura été saisi.
6. Le fait pour une ou plusieurs parties de ne pas participer à la procédure d’arbitrage ne constitue pas
un obstacle à la procédure.
7. À moins que les parties au différend n’en conviennent autrement, le tribunal arbitral arrêtera lui-
même sa procédure. Les décisions du tribunal sont adoptées à la majorité des voix de ses cinq membres.

PROJET D’ARTICLES SUR LA


RESPONSABILITÉ DE L’ÉTAT POUR FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE
ADOPTÉ PAR LA C.D.I. EN DEUXIÈME LECTURE EN 2001
MODIFIÉ: TRAITÉ SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
Article préliminaire
Le Traité sur la responsabilité des États est annexé à la Charte des Nations Unies, dont il fait
partie intégrante.
PREMIÈRE PARTIE
LE FAIT INTERNATIONALEMENT ILLICITE DE L’ÉTAT
CHAPITRE PREMIER
Principes généraux
Article premier
Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite
Tout fait internationalement illicite de l’État engage sa responsabilité internationale.
Article 2
Éléments du fait internationalement illicite de l’État
Il y a fait internationalement illicite de l’État lorsqu’un comportement consistant en une action ou une
omission:
a) Est attribuable à l’État en vertu du droit international; et
b) Constitue une violation d’une obligation internationale de l’État.
Article 3
Qualification du fait de l’État comme internationalement illicite
La qualification du fait de l’État comme internationalement illicite relève du droit international. Une telle
qualification n’est pas affectée par la qualification du même fait comme licite par le droit interne.
CHAPITRE II
Attribution d’un comportement à l’État
Article 4
Comportement des organes de l’État
1. Le comportement de tout organe de l’État est considéré comme un fait de l’État d’après le droit
international, que cet organe exerce des fonctions législative, exécutive, judiciaire ou autres, quelle que

672
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

soit la position qu’il occupe dans l’organisation de l’État, et quelle que soit sa nature en tant qu’organe du
gouvernement central ou d’une collectivité territoriale de l’État.
2. Un organe comprend toute personne ou entité qui a ce statut d’après le droit interne de l’État.
Article 5
Comportement d’une personne ou d’une entité exerçant des prérogatives de puissance publique
Le comportement d’une personne ou entité qui n’est pas un organe de l’État au titre de l’article 4, mais
qui est habilitée par le droit de cet État à exercer des prérogatives de puissance publique, pour autant que,
en l’espèce, cette personne ou entité agisse en cette qualité, est considéré comme un fait de l’État d’après
le droit international.
Article 6
Comportement d’un organe mis à la disposition de l’État par un autre État
Le comportement d’un organe mis à la disposition de l’État par un autre État, pour autant que cet
organe agisse dans l’exercice de prérogatives de puissance publique de l’État à la disposition duquel il se
trouve, est considéré comme un fait du premier État d’après le droit international.
Article 7
Excès de pouvoir ou comportement contraire aux instructions
Le comportement d’un organe de l’État ou d’une personne ou entité habilitée à l’exercice de
prérogatives de puissance publique est considéré comme un fait de l’État d’après le droit international si
cet organe, cette personne ou cette entité agit en cette qualité, même s’il outrepasse sa compétence ou
contrevient à ses instructions.
Article 8
Comportement sous la direction ou le contrôle de l’État
Le comportement d’une personne ou d’un groupe de personnes est considéré comme un fait de l’État
d’après le droit international si cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement,
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agit en fait sur les instructions ou les directives ou sous le contrôle de cet État.
Article 9
Comportement en cas d’absence ou de carence des autorités officielles
Le comportement d’une personne ou d’un groupe de personnes est considéré comme un fait de l’État
d’après le droit international si cette personne ou ce groupe de personnes exerce en fait des prérogatives
de puissance publique en cas d’absence ou de carence des autorités officielles et dans des circonstances
qui requièrent l’exercice de ces prérogatives.
Article 10
Comportement d’un mouvement insurrectionnel ou autre
1. Le comportement d’un mouvement insurrectionnel qui devient le nouveau gouvernement de l’État
est considéré comme un fait de cet État d’après le droit international.
2. Le comportement d’un mouvement insurrectionnel ou autre qui parvient à créer un nouvel État sur
une partie du territoire d’un État préexistant ou sur un territoire sous son administration est considéré
comme un fait de ce nouvel État d’après le droit international.
3. Le présent article est sans préjudice de l’attribution à l’État de tout comportement, lié de quelque
façon que ce soit à celui du mouvement concerné, qui doit être considéré comme un fait de cet État en
vertu des articles 4 à 9.
Article 11
Comportement reconnu et adopté par l’État comme étant sien
Un comportement qui n’est pas attribuable à l’État selon les articles précédents est néanmoins
considéré comme un fait de cet État d’après le droit international si, et dans la mesure où, cet État
reconnaît et adopte ledit comportement comme sien.
CHAPITRE III
Violation d’une obligation internationale
Article 12
Existence de la violation d’une obligation internationale
Il y a violation d’une obligation internationale par un État lorsqu’un fait dudit État n’est pas conforme à
ce qui est requis de lui en vertu de cette obligation, quelle que soit l’origine ou la nature de celle-ci.
Article 13
Obligation internationale en vigueur à l’égard de l’État
Le fait de l’État ne constitue pas une violation d’une obligation internationale à moins que l’État ne soit
lié par ladite obligation au moment où le fait se produit.
Article 14
Extension dans le temps de la violation d’une obligation internationale
1. La violation d’une obligation internationale par le fait de l’État n’ayant pas un caractère continu a lieu
au moment où le fait se produit, même si ses effets perdurent.
2. La violation d’une obligation internationale par le fait de l’État ayant un caractère continu s’étend sur
toute la période durant laquelle le fait continue et reste non conforme à l’obligation internationale.
3. La violation d’une obligation internationale requérant de l’État qu’il prévienne un événement donné a
lieu au moment où l’événement survient et s’étend sur toute la période durant laquelle l’événement
continue et reste non conforme à cette obligation.

673
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 15
Violation constituée par un fait composite
1. La violation d’une obligation internationale par l’État à raison d’une série d’actions ou d’omissions,
définie dans son ensemble comme illicite, a lieu quand se produit l’action ou l’omission qui, conjuguée aux
autres actions ou omissions, suffit à constituer le fait illicite.
2. Dans un tel cas, la violation s’étend sur toute la période débutant avec la première des actions ou
omissions de la série et dure aussi longtemps que ces actions ou omissions se répètent et restent non
conformes à ladite obligation internationale.
CHAPITRE IV
Responsabilité de l’État à raison du fait d’un autre État
Article 16
Aide ou assistance dans la commission du fait internationalement illicite
L’État qui aide ou assiste un autre État dans la commission du fait internationalement illicite par ce
dernier est internationalement responsable pour avoir agi de la sorte dans le cas où:
a) Ledit État agit ainsi en connaissance des circonstances du fait
internationalement illicite; et
b) Le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet État.
Article 17
Directives et contrôle dans la commission du fait internationalement illicite
L’État qui donne des directives à un autre État et qui exerce un contrôle dans la commission du fait
internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable de ce fait dans le cas où:
a) Ledit État agit ainsi en connaissance des circonstances du fait internationalement illicite; et
b) Le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet État.
Article 18
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Contrainte sur un autre État


L’État qui contraint un autre État à commettre un fait est internationalement responsable de ce fait
dans le cas où:
a) Le fait constituerait, en l’absence de contrainte, un fait internationalement illicite de l’État soumis à la
contrainte; et
b) L’État qui exerce la contrainte agit en connaissance des circonstances dudit fait.
Article 19
Effet du présent chapitre
Le présent chapitre est sans préjudice de la responsabilité internationale, en vertu d’autres dispositions
des présents articles, de l’État qui commet le fait en question ou de tout autre État.
CHAPITRE V
Circonstances excluant l’illicéité
Article 20
Consentement
Le consentement valide de l’État à la commission par un autre État d’un fait donné exclut l’illicéité de ce
fait à l’égard du premier État pour autant que le fait reste dans les limites de ce consentement.
Article 21
Légitime défense
L’illicéité du fait de l’État est exclue si ce fait constitue une mesure licite de légitime défense […].
Article ajouté
Droit de légitime défense
Aucune disposition ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou
collective, dans le cas où un État est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que la Cour pénale
internationale ait pris les mesures nécessaires en matière de responsabilité internationale majeure.
Les mesures prises par des États dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont
immédiatement portées à la connaissance de la Cour pénale internationale et n’affectent en rien le
pouvoir et le devoir qu’a la Cour, en vertu de son Statut, d’agir à tout moment de la manière qu’elle
juge nécessaire.
Article 22
Contre-mesures à raison d’un fait internationalement illicite
L’illicéité du fait d’un État non conforme à l’une de ses obligations internationales à l’égard d’un autre
État est exclue si, et dans la mesure où, ce fait constitue une contre-mesure prise à l’encontre de cet autre
État conformément au chapitre II de la troisième partie.
Article 23
Force majeure
1. L’illicéité du fait d’un État non conforme à une obligation internationale de cet État est exclue si ce
fait est dû à la force majeure, consistant en la survenance d’une force irrésistible ou d’un événement
extérieur imprévu qui échappe au contrôle de l’État et fait qu’il est matériellement impossible, étant donné
les circonstances, d’exécuter l’obligation.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas:
a) Si la situation de force majeure est due, soit uniquement soit en conjonction avec d’autres
facteurs, au comportement de l’État qui l’invoque; ou
b) Si l’État a assumé le risque que survienne une telle situation.

674
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

Article 24
Détresse
1. L’illicéité du fait d’un État non conforme à une obligation internationale de cet État est exclue si
l’auteur dudit fait n’a raisonnablement pas d’autre moyen, dans une situation de détresse, de sauver sa
propre vie ou celle de personnes qu’il a la charge de protéger.
2. Le paragraphe 1 ne s’applique pas:
a) Si la situation de détresse est due, soit uniquement soit en conjonction avec d’autres facteurs,
au comportement de l’État qui l’invoque; ou
b) Si ledit fait est susceptible de créer un péril comparable ou plus grave.
Article 25
État de nécessité
1. L’État ne peut invoquer l’état de nécessité comme cause d’exclusion de l’illicéité d’un fait non
conforme à l’une de ses obligations internationales que si ce fait:
a) Constitue pour l’État le seul moyen de protéger un intérêt essentiel contre un péril grave et
imminent; et
b) Ne porte pas gravement atteinte à un intérêt essentiel de l’État ou des États à l’égard desquels
l’obligation existe ou de la communauté internationale dans son ensemble (au sens absolu ou
relatif).
2. En tout cas, l’état de nécessité ne peut être invoqué par l’État comme cause d’exclusion de l’illicéité:
a) Si l’obligation internationale en question exclut la possibilité d’invoquer l’état de nécessité; ou
b) Si l’État a contribué à la survenance de cette situation.
Article 26
Respect de normes impératives
Aucune disposition du présent chapitre n’exclut l’illicéité de tout fait de l’État qui n’est pas conforme à
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une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général (ou, également: à une
obligation erga omnes indivisible absolue).
Ou bien:
Aucune disposition du présent article n’exclut l’illicéité de tout fait de l’État qui n’est pas
conforme à une obligation erga omnes indivisible relative.
Ou bien:
Aucune disposition du présent chapitre n’exclut l’illicéité de tout fait de l’État qui constitue un
crime international.
Article 27
Conséquences de l’invocation d’une circonstance excluant l’illicéité
L’invocation d’une circonstance excluant l’illicéité conformément au présent chapitre est sans
préjudice:
a) Du respect de l’obligation en question si, et dans la mesure où, la circonstance excluant
l’illicéité n’existe plus;
b) De la question de l’indemnisation de toute perte effective causée par le fait en question.
DEUXIÈME PARTIE
CONTENU DE LA RESPONSABILITÉ INTERNATIONALE DE L’ÉTAT
CHAPITRE PREMIER
Principes généraux
Article 28
Conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite
La responsabilité internationale de l’État qui, conformément aux dispositions de la première partie,
résulte d’un fait internationalement illicite comporte les conséquences juridiques qui sont énoncées dans la
présente partie.
Article 29
Maintien du devoir d’exécuter l’obligation
Les conséquences juridiques d’un fait internationalement illicite prévues dans la présente partie
n’affectent pas le maintien du devoir de l’État responsable d’exécuter l’obligation violée.
Article 30
Cessation et non-répétition
L’État responsable du fait internationalement illicite a l’obligation:
a) D’y mettre fin si ce fait continue;
b) D’offrir des assurances et des garanties de non-répétition appropriées si les circonstances
l’exigent.
Article 31
Réparation
1. L’État responsable est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le fait
internationalement illicite.
2. Le préjudice comprend tout dommage, tant matériel que moral, résultant du fait internationalement
illicite de l’État.

675
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 32
Non-pertinence du droit interne
L’État responsable ne peut pas se prévaloir des dispositions de son droit interne pour justifier un
manquement aux obligations qui lui incombent en vertu de la présente partie.
Article 33
Portée des obligations internationales énoncées dans la présente partie
1. Les obligations de l’État responsable énoncées dans la présente partie peuvent être dues à un autre
État, à plusieurs États ou à la communauté internationale dans son ensemble (au sens absolu ou
relatif), en fonction notamment de la nature et du contenu de l’obligation internationale violée et des
circonstances de la violation.
2. La présente partie est sans préjudice de tout droit que la responsabilité internationale de l’État peut
faire naître directement au profit d’une personne ou d’une entité autre qu’un État.
CHAPITRE II
Réparation du préjudice
Article 34
Formes de la réparation
La réparation intégrale du préjudice causé par le fait internationalement illicite prend la forme de
restitution, d’indemnisation et de satisfaction, séparément ou conjointement, conformément aux
dispositions du présent chapitre.
Article 35
Restitution
L’État responsable du fait internationalement illicite a l’obligation de procéder à la restitution consistant
dans le rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit commis, dès lors et pour
autant qu’une telle restitution:
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a) N’est pas matériellement impossible;


b) N’impose pas une charge hors de toute proportion avec l’avantage qui dériverait de la
restitution plutôt que de l’indemnisation.
Article 36
Indemnisation
1. L’État responsable du fait internationalement illicite est tenu d’indemniser le dommage causé par ce
fait dans la mesure où ce dommage n’est pas réparé par la restitution.
2. L’indemnité couvre tout dommage susceptible d’évaluation financière, y compris le manque à
gagner dans la mesure où celui-ci est établi.
Article 37
Satisfaction
1. L’État responsable d’un fait internationalement illicite est tenu de donner satisfaction pour le
préjudice causé par ce fait dans la mesure où il ne peut pas être réparé par la restitution ou
l’indemnisation.
2. La satisfaction peut consister en une reconnaissance de la violation, une expression de regrets, des
excuses formelles ou toute autre modalité appropriée.
3. La satisfaction ne doit pas être hors de proportion avec le préjudice et ne peut pas prendre une
forme humiliante pour l’État responsable.
Article 38
Intérêts
1. Des intérêts sur toute somme principale due en vertu du présent chapitre sont payables dans la
mesure nécessaire pour assurer la réparation intégrale. Le taux d’intérêt et le mode de calcul sont fixés de
façon à atteindre ce résultat.
2. Les intérêts courent à compter de la date à laquelle la somme principale aurait dû être versée
jusqu’au jour où l’obligation de payer est exécutée.
Article 39
Contribution au préjudice
Pour déterminer la réparation, il est tenu compte de la contribution au préjudice due à l’action ou à
l’omission, intentionnelle ou par négligence, de l’État lésé ou de toute personne ou entité au titre de
laquelle réparation est demandée.
CHAPITRE III
Violations graves d’obligations découlant de normes impératives
du droit international général (ou, également: d’obligations erga omnes indivisibles absolues)
(ou: Crimes internationaux)
Article 40
(éventuellement supprimé)
Application du présent chapitre
1. Le présent chapitre s’applique à la responsabilité internationale qui résulte d’une violation grave par
l’État d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général (ou également:
d’une obligation erga omnes indivisible absolue).
2. La violation d’une telle obligation est grave si elle dénote de la part de l’État responsable un
manquement flagrant ou systématique à l’exécution de l’obligation.

676
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

Article ajouté
Crimes internationaux et infractions internationales simples
1. Le fait d’un État (ou d’une organisation internationale) qui constitue une violation d’une
obligation internationale est un fait internationalement illicite quel que soit l’objet de l’obligation
violée.
2. Un crime de l’État (ou d’une organisation internationale) est la violation d’une obligation
internationale fondamentale de la communauté internationale dans son ensemble (au sens absolu
(également: d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général/d’une
obligation erga omnes indivisible absolue) ou au sens relatif).
3. Le crime de l’État (ou d’une organisation internationale) est le fait de ses individus, agissant
en tant qu’organes, tel que prévu dans le Statut de la Cour pénale internationale.
4. En conformité avec les dispositions des paragraphes 2 et 3 et d’après les règles du droit
international en vigueur, un crime de l’État (ou d’une organisation internationale) est la violation
grave d’une obligation internationale (fondamentale pour le maintien de la paix) en cas de:
a) Violation du droit à l’existence, à la souveraineté et l’autodétermination, par agression
ou toute autre forme d’intervention prévue dans le Statut de la Cour pénale internationale
(crime contre l’existence, la souveraineté, l’autodétermination);
b) Violation à large échelle ou massive des droits de l’homme, commise en temps de
guerre ou de paix prévue dans le Statut de la Cour pénale internationale (crime contre
l’humanité);
c) Violation du droit de la guerre prévue dans le Statut de la Cour pénale internationale
(crime de guerre);
d) Violation des obligations découlant des ordres de la Cour pénale internationale prévue
dans le Statut de la Cour pénale internationale (crime contre la juridiction internationale);
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e) Omission de prévention et contrôle des crimes du Statut de la Cour pénale


internationale commise par ses organes.
5. Tout fait internationalement illicite qui n’est pas un crime international conformément au
paragraphe 2 constitue une infraction internationale simple.
Article 41
Conséquences particulières d’une violation grave d’une obligation
en vertu du présent chapitre
1. Les États doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave au sens
de l’article 40 (et/ou: aux crimes internationaux).
– Les États doivent exécuter de bonne foi les mesures décidées par la Cour pénale
internationale pour donner exécution aux sanctions.
2. Aucun État ne doit reconnaître comme licite une situation créée par une violation grave au sens de
l’article 40 (et/ou: par des crimes internationaux), ni prêter aide ou assistance au maintien de cette
situation.
3. Le présent article est sans préjudice des autres conséquences prévues dans la présente partie et de
toute conséquence supplémentaire que peut entraîner, d’après le droit international, une violation à
laquelle s’applique le présent chapitre.
Article ajouté
Amende en faveur de la communauté internationale (au sens absolu ou relatif)
en cas de crime de l’État
En cas de crime, l’État est tenu de verser une amende à la communauté internationale (au sens
absolu ou relatif) et il va être soumis à la confiscation des biens, profits et avoirs tirés du crime,
directement ou indirectement, sans préjudice des droits des tiers de bonne foi, conformément aux
articles 77 ss. du Statut de la Cour pénale internationale.
TROISIÈME PARTIE
MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITÉ
INTERNATIONALE DE L’ÉTAT
CHAPITRE PREMIER
Invocation de la responsabilité de l’État
Article 42
Invocation de la responsabilité par l’État lésé
Un État est en droit en tant qu’État lésé d’invoquer la responsabilité d’un autre État si l’obligation violée
est due:
a) À cet État individuellement; ou
b) À un groupe d’États dont il fait partie ou à la communauté internationale dans son ensemble
(au sens absolu ou relatif), et si la violation de l’obligation:
i) Atteint spécialement cet État; ou
ii) Est de nature à modifier radicalement la situation de tous les autres États auxquels l’obligation
est due quant à l’exécution ultérieure de cette obligation.
Article 43
Notification par l’État lésé
1. L’État lésé qui invoque la responsabilité d’un autre État notifie sa demande à cet État.

677
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. L’État lésé peut préciser notamment:


a) Le comportement que devrait adopter l’État responsable pour mettre fin au fait illicite si ce fait
continue;
b) La forme que devrait prendre la réparation, conformément aux dispositions de la deuxième
partie.
3. En cas de crime de l’État, l’application de cette disposition est soumise à la décision de la
Cour pénale internationale.
Article 44
Recevabilité de la demande
La responsabilité de l’État ne peut pas être invoquée si:
a) La demande n’est pas présentée conformément aux règles applicables en matière de
nationalité des réclamations;
b) Toutes les voies de recours internes disponibles et efficaces n’ont pas été épuisées au cas où
la demande est soumise à la règle de l’épuisement des voies de recours internes.
Article 45
Renonciation au droit d’invoquer la responsabilité
1. La responsabilité de l’État ne peut pas être invoquée si:
a) L’État lésé a valablement renoncé à la demande; ou
b) L’État lésé doit, en raison de son comportement, être considéré comme ayant valablement
acquiescé à l’abandon de la demande.
2. Cette disposition ne s’applique pas en cas de crime.
Article 46
Pluralité d’États lésés
Lorsque plusieurs États sont lésés par le même fait internationalement illicite, chaque État lésé peut
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invoquer séparément la responsabilité de l’État qui a commis le fait internationalement illicite.


Article 47
Pluralité d’États responsables
1. Lorsque plusieurs États sont responsables du même fait internationalement illicite, la responsabilité
de chaque État peut être invoquée par rapport à ce fait.
2. Le paragraphe 1:
a) Ne permet à aucun État lésé de recevoir une indemnisation supérieure au dommage qu’il a
subi;
b) Est sans préjudice de tout droit de recours à l’égard des autres États responsables.
Article 48
Invocation de la responsabilité par un État autre qu’un État lésé
1. Conformément au paragraphe 2, tout État autre qu’un État lésé est en droit d’invoquer la
responsabilité d’un autre État, si:
a) L’obligation violée est due à un groupe d’États dont il fait partie, et si l’obligation est établie aux
fins de la protection d’un intérêt collectif du groupe; ou
b) L’obligation violée est due à la communauté internationale dans son ensemble (au sens
absolu ou relatif).
2. Tout État en droit d’invoquer la responsabilité en vertu du paragraphe 1 peut exiger de l’État
responsable:
a) La cessation du fait internationalement illicite et des assurances et garanties de non-répétition,
conformément à l’article 30; et
b) L’exécution de l’obligation de réparation conformément aux articles précédents, dans l’intérêt
de l’État lésé ou des bénéficiaires de l’obligation violée.
3. Les conditions posées par les articles 43, 44 et 45 à l’invocation de la responsabilité par un État lésé
s’appliquent à l’invocation de la responsabilité par un État en droit de le faire en vertu du paragraphe 1.
CHAPITRE II
Contre-mesures
Article 49
Objet et limites des contre-mesures
1. L’État lésé ne peut prendre de contre-mesures à l’encontre de l’État responsable du fait
internationalement illicite que pour amener cet État à s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu
de la deuxième partie.
2. Les contre-mesures sont limitées à l’inexécution temporaire d’obligations internationales de l’État
prenant les mesures envers l’État responsable.
3. Les contre-mesures doivent, autant que possible, être prises d’une manière qui permette la reprise
de l’exécution des obligations en question.
Article 50
Obligations ne pouvant être affectées par des contre-mesures
1. Les contre-mesures ne peuvent porter aucune atteinte:
a) À l’obligation de ne pas recourir à la menace ou à l’emploi de la force telle qu’elle est énoncée
dans la Charte des Nations Unies;
b) Aux obligations concernant la protection des droits fondamentaux de l’homme;
c) Aux obligations de caractère humanitaire excluant les représailles;

678
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

d) Aux autres obligations découlant de normes impératives du droit international général (ou,
également: obligations erga omnes indivisibles absolues).
Ou bien:
d) à toute obligation erga omnes indivisible relative.
2. L’État qui prend des contre-mesures n’est pas dégagé des obligations qui lui incombent:
a) En vertu de toute procédure de règlement des différends applicable entre lui et l’État
responsable;
b) De respecter l’inviolabilité des agents, locaux, archives et documents diplomatiques ou
consulaires.
Article 51
Proportionnalité
Les contre-mesures doivent être proportionnelles au préjudice subi, compte tenu de la gravité du fait
internationalement illicite et des droits en cause.
Article 52
Conditions du recours à des contre-mesures
1. Avant de prendre des contre-mesures, l’État lésé doit:
a) Demander à l’État responsable, conformément à l’article 43, de s’acquitter des obligations qui
lui incombent en vertu de la deuxième partie;
b) Notifier à l’État responsable toute décision de prendre des contre-mesures et offrir de négocier
avec cet État.
– En cas de crime international, l’État lésé ne pourra adopter des contre-mesures que s’il y est
autorisé par la Cour pénale internationale.
2. Nonobstant le paragraphe 1 b, l’État lésé peut prendre les contre-mesures urgentes qui sont
nécessaires pour préserver ses droits.
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3. Des contre-mesures ne peuvent être prises et, si elles sont déjà prises, doivent être suspendues
sans retard indu si:
a) Le fait internationalement illicite a cessé; et
b) Le différend est en instance devant une cour ou un tribunal habilité à rendre des décisions
obligatoires pour les parties, notamment, en cas de crime, si la Cour pénale internationale
est en train de procéder.
4. Le paragraphe 3 ne s’applique pas si l’État responsable ne met pas en œuvre de bonne foi les
procédures de règlement des différends.
Article 53
Cessation des contre-mesures
Il doit être mis fin aux contre-mesures dès que l’État responsable s’est acquitté des obligations qui lui
incombent à raison du fait internationalement illicite conformément à la deuxième partie.
Article 54
Mesures prises par des États autres qu’un État lésé
Le présent chapitre est sans préjudice du droit de tout État, habilité en vertu de l’article 48, paragraphe
1, à invoquer la responsabilité d’un autre État, de prendre des mesures licites à l’encontre de ce dernier
afin d’assurer la cessation de la violation ainsi que la réparation dans l’intérêt de l’État lésé ou des
bénéficiaires de l’obligation violée.
Article ajouté
Compétence de la Cour pénale internationale en matière de crimes des États
La Cour pénale internationale est compétente pour juger les crimes des États. Le Statut de la
Cour pénale internationale est intégralement rappelé.
QUATRIÈME PARTIE
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 55
Lex specialis
Les présents articles ne s’appliquent pas dans les cas et dans la mesure où les conditions d’existence
d’un fait internationalement illicite ou le contenu ou la mise en œuvre de la responsabilité internationale
d’un État sont régis par des règles spéciales de droit international, sauf en cas de crime et de violation
d’une obligation due à la communauté internationale dans son ensemble (au sens absolu ou
relatif).
Article 56
Questions concernant la responsabilité de l’État non régies par les présents articles
Les règles de droit international applicables continuent de régir les questions concernant la
responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite dans la mesure où ces questions ne sont pas
régies par les présents articles.
Article 57
Responsabilité d’une organisation internationale
Les présents articles sont sans préjudice de toute question relative à la responsabilité d’après le droit
international d’une organisation internationale ou d’un État pour le comportement d’une organisation
internationale.

679
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 58
Responsabilité individuelle
Les présents articles sont sans préjudice de toute question relative à la responsabilité individuelle
d’après le droit international de toute personne qui agit pour le compte d’un État.
Article 59
Charte des Nations Unies
Les présents articles intègrent la Charte des Nations Unies.

STATUT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE


(ADOPTÉ LE 26 JUIN 1945, ENTRÉ EN VIGUEUR LE 24 OCTOBRE 1945)
MODIFIÉ
Article 1
La Cour internationale de Justice instituée par la Charte des Nations Unies comme un des organes
judiciaires principaux de l’Organisation sera constituée et fonctionnera conformément aux dispositions
du présent Statut.
CHAPITRE I
Organisation de la Cour
Article 2
La Cour est un corps de magistrats indépendants, élus, sans égard à leur nationalité, parmi les
personnes jouissant de la plus haute considération morale, et qui réunissent les conditions requises pour
l’exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires, ou qui sont des jurisconsultes
possédant une compétence notoire en matière de droit international.
Article 3
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1. La Cour se compose de quinze membres. Elle ne pourra comprendre plus d’un ressortissant du
même État.
2. À cet égard, celui qui pourrait être considéré comme le ressortissant de plus d’un État sera censé
être ressortissant de celui où il exerce habituellement ses droits civils et politiques.
Article 4
1. Les membres de la Cour sont élus par l’Assemblée générale […] sur une liste de personnes
présentées par les groupes nationaux de la Cour permanente d’arbitrage, conformément aux dispositions
suivantes.
2. En ce qui concerne les Membres des Nations Unies qui ne sont pas représentés à la Cour
permanente d’arbitrage, les candidats seront présentés par des groupes nationaux, désignés à cet effet
par leurs gouvernements, dans les mêmes conditions que celles stipulées pour les membres de la Cour
permanente d’arbitrage par l’article 44 de la Convention de La Haye de 1907 sur le règlement pacifique
des conflits internationaux.
3. En l’absence d’accord spécial, l’Assemblée générale […] réglera les conditions auxquelles peut
participer à l’élection des membres de la Cour un État qui, tout en étant partie au présent Statut, n’est pas
Membre des Nations Unies.
Article 5
1. Trois mois au moins avant la date de l’élection, le Secrétaire général des Nations Unies invite par
écrit les membres de la Cour permanente d’arbitrage appartenant aux États qui sont parties au présent
Statut, ainsi que les membres des groupes nationaux désignés conformément au paragraphe 2 de l’Article
4, à procéder dans un délai déterminé, par groupes nationaux, à la présentation de personnes en situation
de remplir les fonctions de membre de la Cour.
2. Chaque groupe ne peut, en aucun cas, présenter plus de quatre personnes, dont deux au plus de sa
nationalité. En aucun cas, il ne peut être présenté un nombre de candidats plus élevé que le double des
sièges à pourvoir.
Article 6
Avant de procéder à cette désignation, il est recommandé à chaque groupe national de consulter la
plus haute cour de justice, les facultés et écoles de droit, les académies nationales et les sections
nationales d’académies internationales vouées à l’étude du droit.
Article 7
1. Le Secrétaire général dresse, par ordre alphabétique, une liste de toutes les personnes ainsi
désignées; seules ces personnes sont éligibles, sauf le cas prévu au paragraphe 2 de l’Article 12.
2. Le Secrétaire général communique cette liste à l’Assemblée générale […].
Article 8
L’Assemblée générale […] procède […] à l’élection des membres de la Cour.
Article 9
Dans toute élection, les électeurs auront en vue que les personnes appelées à faire partie de la Cour
non seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans l’ensemble la
représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde.
Article 10
1. Sont élus ceux qui ont réuni la majorité absolue des voix dans l’Assemblée générale […].
[…]

680
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

3. Au cas où le double scrutin de l’Assemblée générale […] se porterait sur plus d’un ressortissant du
même État, le plus âgé est seul élu.
Article 11
Si, après la première séance d’élection, il reste encore des sièges à pourvoir, il est procédé, de la
même manière, à une seconde et, s’il est nécessaire, à une troisième.
Article 12
1. Si, après la troisième séance d’élection, il reste encore des sièges à pourvoir, il peut être à tout
moment formé, sur la demande […] de l’Assemblée générale […], une Commission médiatrice de six
membres, nommés […] par l’Assemblée générale […], en vue de choisir par un vote à la majorité absolue,
pour chaque siège non pourvu, un nom à présenter à l’adoption […] de l’Assemblée générale […].
2. La Commission médiatrice peut porter sur sa liste le nom de toute personne satisfaisant aux
conditions requises et qui recueille l’unanimité de ses suffrages, lors même qu’il n’aurait pas figuré sur la
liste de présentation visée à l’Article 7.
3. Si la Commission médiatrice constate qu’elle ne peut réussir à assurer l’élection, les membres de la
Cour déjà nommés pourvoient aux sièges vacants, dans un délai à fixer […], en choisissant parmi les
personnes qui ont obtenu des suffrages […] dans l’Assemblée générale […].
4. Si, parmi les juges, il y a partage égal des voix, la voix du juge le plus âgé l’emporte.
Article 13
1. Les membres de la Cour sont élus pour neuf ans et ils sont rééligibles; toutefois, en ce qui concerne
les juges nommés à la première élection de la Cour, les fonctions de cinq juges prendront fin au bout de
trois ans, et celles de cinq autres juges prendront fin au bout de six ans.
2. Les juges dont les fonctions prendront fin au terme des périodes initiales de trois et six ans
mentionnées ci-dessus seront désignés par tirage au sort effectué par le Secrétaire général,
immédiatement après qu’il aura été procédé à la première élection.
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3. Les membres de la Cour restent en fonction jusqu’à leur remplacement. Après ce remplacement, ils
continuent de connaître des affaires dont ils sont déjà saisis.
4. En cas de démission d’un membre de la Cour, la démission sera adressée au Président de la Cour,
pour être transmise au Secrétaire général. Cette dernière notification emporte vacance de siège.
Article 14
Il est pourvu aux sièges devenus vacants selon la méthode suivie pour la première élection, sous
réserve de la disposition ci-après: dans le mois qui suivra la vacance, le Secrétaire général procédera à
l’invitation prescrite par l’Article 5, et la date d’élection sera fixée par l’Assemblée générale.
Article 15
Le membre de la Cour élu en remplacement d’un membre dont le mandat n’est pas expiré achève le
terme du mandat de son prédécesseur.
Article 16
1. Les membres de la Cour ne peuvent exercer aucune fonction politique ou administrative, ni se livrer
à aucune autre occupation de caractère professionnel.
2. En cas de doute, la Cour décide.
Article 17
1. Les membres de la Cour ne peuvent exercer les fonctions d’agent, de conseil ou d’avocat dans
aucune affaire.
2. Ils ne peuvent participer au règlement d’aucune affaire dans laquelle ils sont antérieurement
intervenus comme agents, conseils ou avocats de l’une des parties, membres d’un tribunal national ou
international, d’une commission d’enquête, ou à tout autre titre.
3. En cas de doute, la Cour décide.
Article 18
1. Les membres de la Cour ne peuvent être relevés de leurs fonctions que si, au jugement unanime
des autres membres, ils ont cessé de répondre aux conditions requises.
2. Le Secrétaire général en est officiellement informé par le Greffier.
3. Cette communication emporte vacance de siège.
Article 19
Les membres de la Cour jouissent, dans l’exercice de leurs fonctions, des privilèges et immunités
diplomatiques.
Article 20
Tout membre de la Cour doit, avant d’entrer en fonction, en séance publique, prendre l’engagement
solennel d’exercer ses attributions en pleine impartialité et en toute conscience.
Article 21
1. La Cour nomme, pour trois ans, son Président et son Vice-Président; ils sont rééligibles.
2. Elle nomme son Greffier et peut pourvoir à la nomination de tels autres fonctionnaires qui seraient
nécessaires.
Article 22
1. Le siège de la Cour est fixé à La Haye. La Cour peut toutefois siéger et exercer ses fonctions
ailleurs lorsqu’elle le juge désirable.
2. Le Président et le Greffier résident au siège de la Cour.

681
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 23
1. La Cour reste toujours en fonction, excepté pendant les vacances judiciaires, dont les périodes et la
durée sont fixées par la Cour.
2. Les membres de la Cour ont droit à des congés périodiques dont la date et la durée seront fixées
par la Cour, en tenant compte de la distance qui sépare La Haye de leurs foyers.
3. Les membres de la Cour sont tenus, à moins de congé, d’empêchement pour cause de maladie ou
autre motif grave dûment justifié auprès du Président, d’être à tout moment à la disposition de la Cour.
Article 24
1. Si, pour une raison spéciale, l’un des membres de la Cour estime devoir ne pas participer au
jugement d’une affaire déterminée, il en fait part au Président.
2. Si le Président estime qu’un des membres de la Cour ne doit pas, pour une raison spéciale, siéger
dans une affaire déterminée, il en avertit celui-ci.
3. Si, en pareils cas, le membre de la Cour et le Président sont en désaccord, la Cour décide.
Article 25
1. Sauf exception expressément prévue par le présent Statut, la Cour exerce ses attributions en
séance plénière.
2. Sous la condition que le nombre des juges disponibles pour constituer la Cour ne soit pas réduit à
moins de onze, le Règlement de la Cour pourra prévoir que, selon les circonstances et à tour de rôle, un
ou plusieurs juges pourront être dispensés de siéger.
3. Le quorum de neuf est suffisant pour constituer la Cour.
Article 26
1. La Cour peut, à toute époque, constituer une ou plusieurs chambres, composées de trois juges au
moins selon ce qu’elle décidera, pour connaître de catégories déterminées d’affaires, par exemple
d’affaires de travail et d’affaires concernant le transit et les communications.
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2. La Cour peut, à toute époque, constituer une chambre pour connaître d’une affaire déterminée. Le
nombre des juges de cette chambre sera fixé par la Cour avec l’assentiment des parties.
3. Les chambres prévues au présent Article statueront, si les parties le demandent.
Article 27
Tout arrêt rendu par l’une des chambres prévues aux Articles 26 et 29 sera considéré comme rendu
par la Cour.
Article 28
Les chambres prévues aux Articles 26 et 29 peuvent, avec le consentement des parties, siéger et
exercer leurs fonctions ailleurs qu’à La Haye.
Article 29
En vue de la prompte expédition des affaires, la Cour compose annuellement une chambre de cinq
juges, appelés à statuer en procédure sommaire lorsque les parties le demandent. Deux juges seront, en
outre, désignés pour remplacer celui des juges qui se trouverait dans l’impossibilité de siéger.
Article 30
1. La Cour détermine par un règlement le mode suivant lequel elle exerce ses attributions. Elle règle
notamment sa procédure.
2. Le Règlement de la Cour peut prévoir des assesseurs siégeant à la Cour ou dans ses chambres,
sans droit de vote.
Article 31
1. Les juges de la nationalité de chacune des parties conservent le droit de siéger dans l’affaire dont la
Cour est saisie.
2. Si la Cour compte sur le siège un juge de la nationalité d’une des parties, toute autre partie peut
désigner une personne de son choix pour siéger en qualité de juge. Celle-ci devra être prise de préférence
parmi les personnes qui ont été l’objet d’une présentation en conformité des Articles 4 et 5.
3. Si la Cour ne compte sur le siège aucun juge de la nationalité des parties, chacune de ces parties
peut procéder à la désignation d’un juge de la même manière qu’au paragraphe précédent.
4. Le présent Article s’applique dans le cas des Articles 26 et 29. En pareils cas, le Président priera un,
ou, s’il y a lieu, deux des membres de la Cour composant la chambre, de céder leur place aux membres
de la Cour de la nationalité des parties intéressées et, à défaut ou en cas d’empêchement, aux juges
spécialement désignés par les parties.
5. Lorsque plusieurs parties font cause commune, elles ne comptent, pour l’application des
dispositions qui précèdent, que pour une seule. En cas de doute, la Cour décide.
6. Les juges désignés comme il est dit aux paragraphes 2, 3 et 4 du présent Article doivent satisfaire
aux prescriptions des Articles 2, 17 (paragraphe 2), 20 et 24 du présent Statut. Ils participent à la décision
dans des conditions de complète égalité avec leurs collègues.
Article 32
1. Les membres de la Cour reçoivent un traitement annuel.
2. Le Président reçoit une allocation annuelle spéciale.
3. Le Vice-Président reçoit une allocation spéciale pour chaque jour où il remplit les fonctions de
Président.
4. Les juges désignés par application de l’Article 31, autres que les membres de la Cour, reçoivent une
indemnité pour chaque jour où ils exercent leurs fonctions.

682
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

5. Ces traitements, allocations et indemnités sont fixés par l’Assemblée générale. Ils ne peuvent être
diminués pendant la durée des fonctions.
6. Le traitement du Greffier est fixé par l’Assemblée générale sur la proposition de la Cour.
7. Un règlement adopté par l’Assemblée générale fixe les conditions dans lesquelles des pensions
sont allouées aux membres de la Cour et au Greffier, ainsi que les conditions dans lesquelles les
membres de la Cour et le Greffier reçoivent le remboursement de leurs frais de voyage.
8. Les traitements, allocations et indemnités sont exempts de tout impôt.
Article 33
Les frais de la Cour sont supportés par les Nations Unies de la manière que l’Assemblée générale
décide.
CHAPITRE II
Compétence de la Cour
Article 34
1. Seuls les États ont qualité pour se présenter devant la Cour.
2. La Cour, dans les conditions prescrites par son Règlement, pourra demander aux organisations
internationales publiques des renseignements relatifs aux affaires portées devant elle, et recevra
également lesdits renseignements qui lui seraient présentés par ces organisations de leur propre initiative.
3. Lorsque l’interprétation de l’acte constitutif d’une organisation internationale publique ou celle d’une
convention internationale adoptée en vertu de cet acte est mise en question dans une affaire soumise à la
Cour, le Greffier en avise cette organisation et lui communique toute la procédure écrite.
Article 35
1. La Cour est ouverte aux États parties au présent Statut.
2. Les conditions auxquelles elle est ouverte aux autres États sont, sous réserve des dispositions
particulières des traités en vigueur, réglées par l’Assemblée générale, et, dans tous les cas, sans qu’il
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puisse en résulter pour les parties aucune inégalité devant la Cour.


3. Lorsqu’un État qui n’est pas Membre des Nations Unies est partie en cause, la Cour fixera la
contribution aux frais de la Cour que cette partie devra supporter. Toutefois, cette disposition ne
s’appliquera pas si cet État participe aux dépenses de la Cour.
Article 36
1. La compétence de la Cour s’étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu’à
tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et conventions en
vigueur. En cas de conflit de compétence avec la Cour pénale internationale, il faudra éclairer la
nature de l’affaire. S’il s’agit d’une infraction internationale simple, la Cour internationale de justice
sera compétente, s’il s’agit d’un crime, la Cour pénale internationale sera compétente.
2. Les États parties au présent Statut pourront, à n’importe quel moment, déclarer reconnaître comme
obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout autre État acceptant la même
obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet:
a. l’interprétation d’un traité;
b. tout point de droit international;
c. la réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement international;
d. la nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement international.
3. Les déclarations ci-dessus visées pourront être faites purement et simplement ou sous condition de
réciprocité de la part de plusieurs ou de certains États, ou pour un délai déterminé.
4. Ces déclarations seront remises au Secrétaire général des Nations Unies qui en transmettra copie
aux parties au présent Statut ainsi qu’au Greffier de la Cour.
5. Les déclarations faites en application de l’Article 36 du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale pour une durée qui n’est pas encore expirée seront considérées, dans les rapports entre
parties au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour
internationale de Justice pour la durée restant à courir d’après ces déclarations et conformément à leurs
termes.
6. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide. En matière
de crimes étatiques la Cour pénale internationale décide en point de compétence.
Article 37
Lorsqu’un traité ou une convention en vigueur prévoit le renvoi à une juridiction que devait instituer la
Société des Nations ou à la Cour permanente de Justice internationale, la Cour internationale de Justice
constituera cette juridiction entre les parties au présent Statut, sauf si la matière relève de la
compétence de la Cour pénale internationale.
Article 38
1. La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis, applique:
a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément
reconnues par les États en litige;
b. la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale, acceptée comme étant le droit;
c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées;
d. sous réserve de la disposition de l’Article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes
les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit.

683
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. La présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour la Cour, si les parties sont d’accord,
de statuer ex aequo et bono.
CHAPITRE III
Procédure
Article 39
1. Les langues officielles de la Cour sont le français et l'anglais. Si les parties sont d’accord pour que
toute la procédure ait lieu en français, le jugement sera prononcé en cette langue. Si les parties sont
d’accord pour que toute la procédure ait lieu en anglais, le jugement sera prononcé en cette langue.
2. À défaut d’un accord fixant la langue dont il sera fait usage, les parties pourront employer pour les
plaidoiries celle des deux langues qu’elles préféreront, et l’arrêt de la Cour sera rendu en français et en
anglais. En ce cas, la Cour désignera en même temps celui des deux textes qui fera foi.
3. La Cour, à la demande de toute partie, autorisera l’emploi par cette partie d’une langue autre que le
français ou l’anglais.
Article 40
1. Les affaires sont portées devant la Cour, selon le cas, soit par notification du compromis, soit par
une requête, adressées au Greffier; dans les deux cas, l’objet du différend et les parties doivent être
indiqués.
2. Le Greffier donne immédiatement communication de la requête à tous intéressés.
3. Il en informe également les Membres des Nations Unies par l’entremise du Secrétaire général, ainsi
que les autres États admis à ester en justice devant la Cour.
Article 41
1. La Cour a le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les circonstances l’exigent, quelles mesures
conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre provisoire.
2. En attendant l’arrêt définitif, l’indication de ces mesures est immédiatement notifiée aux parties et au
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Conseil de sécurité.
Article 42
1. Les parties sont représentées par des agents.
2. Elles peuvent se faire assister devant la Cour par des conseils ou des avocats.
3. Les agents, conseils et avocats des parties devant la Cour jouiront des privilèges et immunités
nécessaires à l’exercice indépendant de leurs fonctions.
Article 43
1. La procédure a deux phases: l’une écrite, l’autre orale.
2. La procédure écrite comprend la communication à juge et à partie des mémoires, des contre-
mémoires et, éventuellement, des répliques, ainsi que de toute pièce et document à l’appui.
3. La communication se fait par l’entremise du Greffier dans l’ordre et les délais déterminés par la
Cour.
4. Toute pièce produite par l’une des parties doit être communiquée à l’autre en copie certifiée
conforme.
5. La procédure orale consiste dans l’audition par la Cour des témoins, experts, agents, conseils et
avocats.
Article 44
1. Pour toute notification à faire à d’autres personnes que les agents, conseils et avocats, la Cour
s’adresse directement au gouvernement de l’État sur le territoire duquel la notification doit produire effet.
2. Il en est de même s’il s’agit de faire procéder sur place à l’établissement de tous moyens de preuve.
Article 45
Les débats sont dirigés par le Président et, à défaut de celui-ci, par le Vice-Président; en cas
d’empêchement, par le plus ancien des juges présents.
Article 46
L’audience est publique, à moins qu’il n’en soit autrement décidé par la Cour ou que les deux parties
ne demandent que le public ne soit pas admis.
Article 47
1. Il est tenu de chaque audience un procès-verbal signé par le Greffier et le Président.
2. Ce procès-verbal a seul caractère authentique.
Article 48
La Cour rend des ordonnances pour la direction du procès, la détermination des formes et délais dans
lesquels chaque partie doit finalement conclure; elle prend toutes les mesures que comporte
l’administration des preuves.
Article 49
La Cour peut, même avant tout débat, demander aux agents de produire tout document et de fournir
toutes explications. En cas de refus, elle en prend acte.
Article 50
À tout moment, la Cour peut confier une enquête ou une expertise à toute personne, corps, bureau,
commission ou organe de son choix.
Article 51
Au cours des débats, toutes questions utiles sont posées aux témoins et experts dans les conditions
que fixera la Cour dans le règlement visé à l’Article 30.

684
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

Article 52
Après avoir reçu les preuves et témoignages dans les délais déterminés par elle, la Cour peut écarter
toutes dépositions ou documents nouveaux qu’une des parties voudrait lui présenter sans l’assentiment de
l’autre.
Article 53
1. Lorsqu’une des parties ne se présente pas, ou s’abstient de faire valoir ses moyens, l’autre partie
peut demander à la Cour de lui adjuger ses conclusions.
2. La Cour, avant d’y faire droit, doit s’assurer non seulement qu’elle a compétence aux termes des
Articles 36 et 37, mais que les conclusions sont fondées en fait et en droit.
Article 54
1. Quand les agents, conseils et avocats ont fait valoir, sous le contrôle de la Cour, tous les moyens
qu’ils jugent utiles, le Président prononce la clôture des débats.
2. La Cour se retire en Chambre du conseil pour délibérer.
3. Les délibérations de la Cour sont et restent secrètes.
Article 55
1. Les décisions de la Cour sont prises à la majorité des juges présents.
2. En cas de partage des voix, la voix du Président ou de celui qui le remplace est prépondérante.
Article 56
1. L’arrêt est motivé.
2. Il mentionne les noms des juges qui y ont pris part.
Article 57
Si l’arrêt n’exprime pas en tout ou en partie l’opinion unanime des juges, tout juge aura le droit d’y
joindre l’exposé de son opinion individuelle.
Article 58
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L’arrêt est signé par le Président et par le Greffier. Il est lu en séance publique, les agents dûment
prévenus.
Article 59
La décision de la Cour n’est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé.
Article 60
L’arrêt est définitif et sans recours. En cas de contestation sur le sens et la portée de l’arrêt, il
appartient à la Cour de l’interpréter, à la demande de toute partie.
Article 61
1. La révision de l’arrêt ne peut être éventuellement demandée à la Cour qu’en raison de la découverte
d’un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de l’arrêt, était inconnu de la
Cour et de la partie qui demande la révision, sans qu’il y ait, de sa part, faute à l’ignorer.
2. La procédure de révision s’ouvre par un arrêt de la Cour constatant expressément l’existence du fait
nouveau, lui reconnaissant les caractères qui donnent ouverture à la révision, et déclarant de ce chef la
demande recevable.
3. La Cour peut subordonner l’ouverture de la procédure en révision à l’exécution préalable de l’arrêt.
4. La demande en révision devra être formée au plus tard dans le délai de six mois après la
découverte du fait nouveau.
5. Aucune demande de révision ne pourra être formée après l’expiration d’un délai de dix ans à dater
de l’arrêt.
Article 62
1. Lorsqu’un État estime que, dans un différend, un intérêt d’ordre juridique est pour lui en cause, il
peut adresser à la Cour une requête, à fin d’intervention.
2. La Cour décide.
Article 63
1. Lorsqu’il s’agit de l’interprétation d’une convention à laquelle ont participé d’autres États que les
parties en litige, le Greffier les avertit sans délai.
2. Chacun d’eux a le droit d’intervenir au procès et, s’il exerce cette faculté, l’interprétation contenue
dans la sentence est également obligatoire à son égard.
Article 64
S’il n’en est autrement décidé par la Cour, chaque partie supporte ses frais de procédure.
CHAPITRE IV
Avis consultatifs
Article 65
1. La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou
institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies, ou conformément à ses dispositions, à
demander cet avis.
2. Les questions sur lesquelles l’avis consultatif de la Cour est demandé sont exposées à la Cour par
une requête écrite qui formule, en termes précis, la question sur laquelle l’avis de la Cour est demandé. Il
y est joint tout document pouvant servir à élucider la question.
Article 66
1. Le Greffier notifie immédiatement la requête demandant l’avis consultatif à tous les États admis à
ester en justice devant la Cour.

685
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. En outre, à tout État admis à ester devant la Cour et à toute organisation internationale jugés par la
Cour, ou par le Président si elle ne siège pas, susceptibles de fournir des renseignements sur la question,
le Greffier fait connaître, par communication spéciale et directe, que la Cour est disposée à recevoir des
exposés écrits, dans un délai à fixer par le Président, ou à entendre des exposés oraux au cours d’une
audience publique tenue à cet effet.
3. Si un de ces États, n’ayant pas été l’objet de la communication spéciale visée au paragraphe 2 du
présent Article, exprime le désir de soumettre un exposé écrit ou d’être entendu, la Cour statue.
4. Les États ou organisations qui ont présenté des exposés écrits ou oraux sont admis à discuter les
exposés faits par d’autres États et organisations dans les formes, mesures et délais fixés, dans chaque
cas d’espèce, par la Cour ou, si elle ne siège pas, par le Président. À cet effet, le Greffier communique, en
temps voulu, les exposés écrits aux États ou organisations qui en ont eux-mêmes présenté.
Article 67
La Cour prononcera ses avis consultatifs en audience publique, le Secrétaire général et les
représentants des Membres des Nations Unies, des autres États et des organisations internationales
directement intéressés étant prévenus.
Article 68
Dans l’exercice de ses attributions consultatives, la Cour s’inspirera en outre des dispositions du
présent Statut qui s’appliquent en matière contentieuse dans la mesure où elle les reconnaîtra applicables.
CHAPITRE V
Amendements
Article 69
Les amendements au présent Statut seront effectués par la même procédure que celle prévue pour les
amendements à la Charte des Nations Unies, sous réserve des dispositions qu’adopterait l’Assemblée
générale […] pour régler la participation à cette procédure des États qui, tout en ayant accepté le présent
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Statut de la Cour, ne sont pas Membres des Nations Unies.


Article 70
La Cour pourra proposer les amendements qu’elle jugera nécessaire d’apporter au présent Statut, par
la voie de communications écrites adressées au Secrétaire général, aux fins d’examen conformément aux
dispositions de l’Article 69.

STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE


MODIFIÉ
(Le texte du Statut de Rome est celui du document distribué sous la cote A/CONF.183/9, en date du
17 juillet 1998, et amendé par les procès-verbaux en date des 10 novembre 1998, 12 juillet 1999, 30
er
novembre 1999, 8 mai 2000, 17 janvier 2001 et 16 janvier 2002. Le Statut est entré en vigueur le 1
juillet 2002)
PRÉAMBULE
Les États Parties au présent Statut,
Conscients que tous les peuples sont unis par des liens étroits et que leurs cultures forment un
patrimoine commun, et soucieux du fait que cette mosaïque délicate puisse être brisée à tout moment,
Ayant à l’esprit qu’au cours de ce siècle, des millions d’enfants, de femmes et d’hommes ont été
victimes d’atrocités qui défient l’imagination et heurtent profondément la conscience humaine,
Reconnaissant que des crimes d’une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du
monde,
Affirmant que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale (au
sens absolu ou relatif) ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement assurée
par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale,
Déterminés à mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la
prévention de nouveaux crimes,
Rappelant qu’il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables
de crimes internationaux,
Réaffirmant les buts et principes de la Charte des Nations Unies et, en particulier, que tous les États
doivent s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations
Unies,
Soulignant à cet égard que rien dans le présent Statut ne peut être interprété comme autorisant un
État Partie à intervenir dans un conflit armé ou dans les affaires intérieures d’un autre État,
Déterminés, à ces fins et dans l’intérêt des générations présentes et futures, à créer une cour pénale
internationale permanente comme un des organes judiciaires principaux des Nations Unies, ayant
compétence à l’égard des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté
internationale,
Soulignant que la cour pénale internationale dont le présent Statut porte création est complémentaire
des juridictions pénales nationales,
(Ou bien: Soulignant que la cour pénale internationale dont le présent Statut porte création
prime sur les juridictions pénales nationales)

686
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

(Ou bien: Soulignant que la cour pénale internationale dont le présent Statut porte création est
exclusive des juridictions pénales nationales)
Résolus à garantir durablement le respect de la justice internationale et sa mise en œuvre,
Sont convenus de ce qui suit:
CHAPITRE PREMIER. INSTITUTION DE LA COUR
Article premier
LA COUR
Il est créé une Cour pénale internationale (“la Cour”) en tant qu’institution permanente judiciaire des
Nations Unies qui peut exercer sa compétence à l’égard des personnes physiques, des États (et des
autres personnes morales) pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du
présent Statut. Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales (ou: elle prime sur les
juridictions pénales nationales; ou: elle est exclusive des juridictions pénales nationales). Sa
compétence et son fonctionnement sont régis par les dispositions du présent Statut.
Article 2
LIEN DE LA COUR AVEC LES NATIONS UNIES
La Cour pénale internationale est l’organe judiciaire des Nations Unies en matière de
responsabilité pénale. Son Statut est annexé à la Charte des Nations Unies, dont il fait partie
intégrante.
Article 3
SIÈGE DE LA COUR
1. La Cour a son siège à La Haye, aux Pays-Bas (“l’État hôte”).
2. La Cour et l’État hôte conviennent d’un accord de siège qui doit être approuvé par l’Assemblée des
États Parties, puis conclu par le Président de la Cour au nom de celle-ci.
3. Si elle le juge souhaitable, la Cour peut siéger ailleurs selon les dispositions du présent Statut.
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Article 4
RÉGIME ET POUVOIRS JURIDIQUES DE LA COUR
1. La Cour a la personnalité juridique internationale. Elle a aussi la capacité juridique qui lui est
nécessaire pour exercer ses fonctions et accomplir sa mission.
2. La Cour peut exercer ses fonctions et ses pouvoirs, comme prévu dans le présent Statut, sur le
territoire de tout État Partie et, par une convention à cet effet, sur le territoire de tout autre État.
Ou bien (en reconnaissant l’existence des obligations erga omnes indivisible absolues et en
fixant le critère de l’État victime comme principe d’établissement de la compétence):
2. La Cour a compétence universelle.
CHAPITRE II. COMPÉTENCE, RECEVABILITÉ ET DROIT APPLICABLE
Article 5
CRIMES RELEVANT DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR
1. La compétence de la Cour est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la
communauté internationale (au sens absolu ou relatif). En vertu du présent Statut, la Cour a
compétence à l’égard des crimes suivants:
a) Le crime de génocide;
b) Les crimes contre l’humanité;
c) Les crimes de guerre;
d) L’intervention (contrainte en violation du principe d’existence, de souveraineté d’un État
et d’autodétermination des peuples);
e) Le crime d’agression (violation par la force armée de la souveraineté, l’intégrité
territoriale ou l’indépendance politique d’un État);
f) Le crime contre la juridiction internationale.
(Possible élargissement du champ des infractions criminelles: le mercenariat, le terrorisme, les
atteintes contre les personnes protégées, les atteintes à la sécurité du personnel des Nations
Unies et du personnel associé, les actes illicites relatifs aux matières nucléaires, les atteintes
massives à l’environnement, le trafic illicite de stupéfiants, le faux monnayage, la corruption).
2. La Cour exercera sa compétence à l’égard du crime d’agression quand une disposition aura été
adoptée conformément aux articles 121 et 123, qui définira ce crime et fixera les conditions de l’exercice
de la compétence de la Cour à son égard. Cette disposition devra être compatible avec les dispositions
pertinentes de la Charte des Nations Unies (voir les propositions ensuite formulées).
Article 6
CRIME DE GÉNOCIDE
Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l’un quelconque des actes ci-après
commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
comme tel:
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa
destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

687
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article 7
CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ
1. Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après
lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique (y compris l’acte singulier
contre un nombre massif de personnes) lancée contre toute population civile et en connaissance de
cette attaque:
a) Meurtre;
b) Extermination;
c) Réduction en esclavage;
d) Déportation ou transfert forcé de population;
e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des
dispositions fondamentales du droit international;
f) Torture;
g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre
forme de violence sexuelle de gravité comparable;
h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique,
racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction
d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en
corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la
compétence de la Cour;
i) Disparitions forcées de personnes;
j) Crime d’apartheid;
k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes
souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.
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2. Aux fins du paragraphe 1:


a) Par “attaque lancée contre une population civile”, on entend le comportement qui consiste en
la commission multiple d’actes visés au paragraphe 1 à l’encontre d’une population civile
quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation
ayant pour but une telle attaque;
b) Par “extermination”, on entend notamment le fait d’imposer intentionnellement des conditions
de vie, telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner
la destruction d’une partie de la population;
c) Par “réduction en esclavage”, on entend le fait d’exercer sur une personne l’un quelconque ou
l’ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des être
humains, en particulier des femmes et des enfants;
d) Par “déportation ou transfert forcé de population”, on entend le fait de déplacer de force des
personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent
légalement, sans motifs admis en droit international;
e) Par “torture”, on entend le fait d’infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances
aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle;
l’acception de ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de
sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles;
f) Par “grossesse forcée”, on entend la détention illégale d’une femme mise enceinte de force,
dans l’intention de modifier la composition ethnique d’une population ou de commettre d’autres
violations graves du droit international. Cette définition ne peut en aucune manière s’interpréter
comme ayant une incidence sur les lois nationales relatives à la grossesse;
g) Par “persécution”, on entend le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation
du droit international, pour des motifs liés à l’identité du groupe ou de la collectivité qui en fait
l’objet;
h) Par “crime d’apartheid”, on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le
paragraphe 1, commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et
de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et
dans l’intention de maintenir ce régime;
i) Par “disparitions forcées de personnes”, on entend les cas où des personnes sont arrêtées,
détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l’autorisation, l’appui ou
l’assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse ensuite d’admettre que ces
personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l’endroit où elles se
trouvent, dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée.
3. Aux fins du présent Statut, le terme “sexe” s’entend de l’un et l’autre sexes, masculin et féminin,
suivant le contexte de la société. Il n’implique aucun autre sens.
Article 8
CRIMES DE GUERRE
1. La Cour a compétence à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent
dans le cadre d’un plan ou d’une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis
sur une grande échelle.

688
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

2. Aux fins du Statut, on entend par “crimes de guerre”:


a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l’un quelconque
des actes ci-après lorsqu’ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des
Conventions de Genève:
i) L’homicide intentionnel;
ii) La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques;
iii) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à
l’intégrité physique ou à la santé;
iv) La destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et
exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire;
v) Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les
forces d’une puissance ennemie;
vi) Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre personne protégée
de son droit d’être jugé régulièrement et impartialement;
vii) La déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale;
viii) La prise d’otages;
b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux
dans le cadre établi du droit international, à savoir, l’un quelconque des actes ci-après:
i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou
contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilités;
ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens de caractère civil, c’est-à-
dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires;
iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le
matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou
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de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit
à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de
caractère civil;
iv) Le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causera incidemment des
pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des
dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à
l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de
l’avantage militaire concret et direct attendu;
v) Le fait d’attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages,
habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires;
vi) Le fait de tuer ou de blesser un combattant qui, ayant déposé les armes ou n’ayant plus de
moyens de se défendre, s’est rendu à discrétion;
vii) Le fait d’utiliser indûment le pavillon parlementaire, le drapeau ou les insignes militaires et
l’uniforme de l’ennemi ou de l’Organisation des Nations Unies, ainsi que les signes distinctifs
prévus par les Conventions de Genève, et, ce faisant, de causer la perte de vies humaines ou
des blessures graves;
viii) Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population
civile, dans le territoire qu’elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l’intérieur ou hors du
territoire occupé de la totalité ou d’une partie de la population de ce territoire;
ix) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion,
à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des
hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, à condition qu’ils ne soient
pas des objectifs militaires;
x) Le fait de soumettre des personnes d’une partie adverse tombées en son pouvoir à des
mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu’elles soient qui ne sont ni
motivées par un traitement médical, dentaire ou hospitalier, ni effectuées dans l’intérêt de ces
personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé ;
xi) Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise des individus appartenant à la nation ou à l’armée
ennemie;
xii) Le fait de déclarer qu’il ne sera pas fait de quartier;
xiii) Le fait de détruire ou de saisir les biens de l’ennemi, sauf dans les cas où ces destructions ou
saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre;
xiv) Le fait de déclarer éteints, suspendus ou non recevables en justice les droits et actions des
nationaux de la partie adverse;
xv) Le fait pour un belligérant de contraindre les nationaux de la partie adverse à prendre part aux
opérations de guerre dirigées contre leur pays, même s’ils étaient au service de ce belligérant
avant le commencement de la guerre;
xvi) Le pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut;
xvii) Le fait d’employer du poison ou des armes empoisonnées;
xviii) Le fait d’employer des gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que tous liquides,
matières ou procédés analogues;

689
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

xix) Le fait d’utiliser des balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement dans le corps
humain, telles que des balles dont l’enveloppe dure ne recouvre pas entièrement le centre ou est
percée d’entailles;
xx) Le fait d’employer les armes, projectiles, matières et méthodes de guerre de nature à causer
des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à frapper sans discrimination en violation du
droit international des conflits armés, à condition que ces armes, projectiles, matières et
méthodes de guerre fassent l’objet d’une interdiction générale et qu’ils soient inscrits dans une
annexe au présent Statut, par voie d’amendement adopté selon les dispositions des articles 121
et 123;
xxi) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants;
xxii) Le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à
l’article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle
constituant une infraction grave aux Conventions de Genève;
xxiii) Le fait d’utiliser la présence d’un civil ou d’une autre personne protégée pour éviter que
certains points, zones ou forces militaires ne soient la cible d’opérations militaires;
xxiv) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités
et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit
international, les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève;
xxv) Le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, en les privant de biens
indispensables à leur survie, y compris en empêchant intentionnellement l’envoi des secours
prévus par les Conventions de Genève;
xxvi) Le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans
les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités;
c) En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international, les violations graves de
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l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l’un quelconque
des actes ci-après commis à l’encontre de personnes qui ne participent pas directement aux
hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes
qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention ou par toute autre cause:
i) Les atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes,
les mutilations, les traitements cruels et la torture;
ii) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants;
iii) Les prises d’otages;
iv) Les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable,
rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires généralement
reconnues comme indispensables;
d) L’alinéa c) du paragraphe 2 s’applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère
international et ne s’applique donc pas aux situations de troubles et tensions internes telles que
les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire;
e) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés ne présentant
pas un caractère international, dans le cadre établi du droit international, à savoir l’un quelconque
des actes ci-après:
i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou
contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités;
ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre les bâtiments, le matériel, les unités et
les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international,
les signes distinctifs des Conventions de Genève;
iii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le
matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou
de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit
à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de
caractère civil;
iv) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion,
à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des
hôpitaux et des lieux où des malades et des blessés sont rassemblés, pour autant que ces
bâtiments ne soient pas des objectifs militaires;
v) Le pillage d’une ville ou d’une localité, même prise d’assaut;
vi) Le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à
l’article 7, paragraphe 2, alinéa f), la stérilisation forcée, ou toute autre forme de violence sexuelle
constituant une violation grave de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève;
vii) Le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans dans les
forces armées ou dans des groupes armés ou de les faire participer activement à des hostilités ;
viii) Le fait d’ordonner le déplacement de la population civile pour des raisons ayant trait au
conflit, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exigent;
ix) Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise un adversaire combattant;
x) Le fait de déclarer qu’il ne sera pas fait de quartier;
xi) Le fait de soumettre des personnes d’une autre partie au conflit tombées en son pouvoir à des
mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu’elles soient qui ne sont ni

690
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

motivées par un traitement médical, dentaire ou hospitalier, ni effectuées dans l’intérêt de ces
personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé;
xii) Le fait de détruire ou de saisir les biens d’un adversaire, sauf si ces destructions ou saisies
sont impérieusement commandées par les nécessités du conflit;
f) L’alinéa e) du paragraphe 2 s’applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère
international et ne s’applique donc pas aux situations de troubles et tensions internes telles que
les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence ou les actes de nature similaire. Il
s’applique aux conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d’un État les
autorités du gouvernement de cet État et des groupes armés organisés ou des groupes armés
organisés entre eux.
3. Rien dans le paragraphe 2, alinéas c) et e), n’affecte la responsabilité d’un gouvernement de
maintenir ou rétablir l’ordre public dans l’État ou de défendre l’unité et l’intégrité territoriale de l’État par
tous les moyens légitimes.
Article ajouté
INTERVENTION
Aux fins du présent Statut on entend par intervention la contrainte (emploi de la force) exercée
à l’encontre du principe d’existence, de souveraineté d’un État et d’autodétermination des peuples.
(Ajouter une liste de conduites typiques)
Article ajouté
AGRESSION
Aux fins du présent Statut on entend par agression l’emploi de la force armée contre la
souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un État.
(Ajouter une liste de conduites typiques)
Article ajouté
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CRIME CONTRE LA JURIDICTION INTERNATIONALE


Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre la juridiction internationale le fait de ne
pas s’acquitter des obligations découlant des ordres de la Cour pénale internationale.
Article 9
ÉLÉMENTS DES CRIMES
1. Les éléments des crimes aident la Cour à interpréter et appliquer les articles 6, 7 et 8. Ils doivent
être adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée des États Parties.
2. Des amendements aux éléments des crimes peuvent être proposés par:
a) Tout État Partie (ou: de la communauté internationale);
b) Les juges, statuant à la majorité absolue;
c) Le Procureur.
Les amendements doivent être adoptés à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée des
États Parties.
3. Les éléments des crimes et les amendements s’y rapportant sont conformes au présent Statut.
Article 10
Aucune disposition du présent chapitre ne doit être interprétée comme limitant ou affectant de quelque
manière que ce soit les règles du droit international existantes ou en formation qui visent d’autres fins que
le présent Statut.
Article 11
COMPÉTENCE RATIONE TEMPORIS
1. La Cour n’a compétence qu’à l’égard des crimes relevant de sa compétence commis après l’entrée
en vigueur du présent Statut.
(2. Si un État devient Partie au présent Statut après l’entrée en vigueur de celui-ci, la Cour ne peut
exercer sa compétence qu’à l’égard des crimes commis après l’entrée en vigueur du Statut pour cet État,
sauf si ledit État fait la déclaration prévue à l’article 12, paragraphe 3. – supprimé en cas de
reconnaissance du principe de la compétence universelle de la Cour)
Article 12
CONDITIONS PRÉALABLES À L’EXERCICE DE LA COMPÉTENCE
(Article supprimé en cas d’institution de la compétence universelle de la Cour)
1. Un État qui devient Partie au Statut accepte par là même la compétence de la Cour à l’égard des
crimes visés à l’article 5.
2. Dans les cas visés à l’article 13, paragraphes a), b) ou c), la Cour peut exercer sa compétence si
l’un des États suivants est Partie au présent Statut ou a accepté la compétence de la Cour conformément
au paragraphe 3:
a) L’État sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu ou, si le crime a été commis à bord
d’un navire ou d’un aéronef, l’État du pavillon ou l’État d’immatriculation;
b) L’État dont la personne accusée du crime est un ressortissant;
c) L’État accusé.
3. Si l’acceptation de la compétence de la Cour par un État qui n’est pas Partie au présent Statut est
nécessaire aux fins du paragraphe 2, cet État peut, par déclaration déposée auprès du Greffier, consentir
à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit. L’État ayant accepté la
compétence de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans exception conformément au chapitre IX.

691
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

(En cas d’institution de la compétence universelle de la Cour on pourrait substituer cet article par
une disposition de ce type:
Article concernant l’absence de limites à la compétence universelle de la Cour
La Cour est compétente à l’égard des crimes visés à l’article 5 sans aucune limite en vertu de la
conception desdites infractions en tant que violations qui touchent l’ensemble de la communauté
internationale.)
Article 13
EXERCICE DE LA COMPÉTENCE
La Cour peut exercer sa compétence à l’égard d’un crime visé à l’article 5, conformément aux
dispositions du présent Statut:
a) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est
déférée au Procureur par un État Partie (ou: de la communauté internationale), comme prévu à
l’article 14;
b) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est
déférée au Procureur par le Conseil de sécurité […]; ou
c) Si le Procureur a ouvert une enquête sur le crime en question en vertu de l’article 15.
Article 14
RENVOI D’UNE SITUATION PAR UN ÉTAT PARTIE
1. Tout État Partie (ou: de la communauté internationale) peut déférer au Procureur une situation
dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été
commis, et prier le Procureur d’enquêter sur cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs
personnes identifiées devraient être accusées de ces crimes.
2. L’État qui procède au renvoi indique autant que possible les circonstances pertinentes de l’affaire et
produit les pièces à l’appui dont il dispose.
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Article 15
LE PROCUREUR
1. Le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu de renseignements concernant
des crimes relevant de la compétence de la Cour.
2. Le Procureur vérifie le sérieux des renseignements reçus. À cette fin, il peut rechercher des
renseignements supplémentaires auprès d’États, d’organes de l’Organisation des Nations Unies,
d’organisations intergouvernementales et non gouvernementales, ou d’autres sources dignes de foi qu’il
juge appropriées, et recueillir des dépositions écrites ou orales au siège de la Cour.
3. S’il conclut qu’il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête, le Procureur présente à la
Chambre préliminaire une demande d’autorisation en ce sens, accompagnée de tout élément justificatif
recueilli. Les victimes peuvent adresser des représentations à la Chambre préliminaire, conformément au
Règlement de procédure et de preuve.
4. Si elle estime, après examen de la demande et des éléments justificatifs qui l’accompagnent, qu’il
existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête et que l’affaire semble relever de la compétence de
la Cour, la Chambre préliminaire donne son autorisation, sans préjudice des décisions que la Cour
prendra ultérieurement en matière de compétence et de recevabilité.
5. Une réponse négative de la Chambre préliminaire n’empêche pas le Procureur de présenter par la
suite une nouvelle demande en se fondant sur des faits ou des éléments de preuve nouveaux ayant trait à
la même situation.
6. Si, après l’examen préliminaire visé aux paragraphes 1 et 2, le Procureur conclut que les
renseignements qui lui ont été soumis ne constituent pas une base raisonnable pour l’ouverture d’une
enquête, il en avise ceux qui les lui ont fournis. Il ne lui est pas pour autant interdit d’examiner, à la lumière
de faits ou d’éléments de preuve nouveaux, les autres renseignements qui pourraient lui être
communiqués au sujet de la même affaire.
[…]
Article 17
QUESTIONS RELATIVES À LA RECEVABILITÉ
(Supprimé en cas d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour
pénale internationale par rapport aux juridictions nationales)
1. Eu égard au dixième alinéa du préambule et à l’article premier, une affaire est jugée irrecevable par
la Cour lorsque:
a) L’affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en
l’espèce, à moins que cet État n’ait pas la volonté ou soit dans l’incapacité de mener
véritablement à bien l’enquête ou les poursuites;
b) L’affaire a fait l’objet d’une enquête de la part d’un État ayant compétence en l’espèce et que
cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit
l’effet du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien des
poursuites;
c) La personne concernée a déjà été jugée pour le comportement faisant l’objet de la plainte, et
qu’elle ne peut être jugée par la Cour en vertu de l’article 20, paragraphe 3;
d) L’affaire n’est pas suffisamment grave pour que la Cour y donne suite.

692
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

2. Pour déterminer s’il y a manque de volonté de l’État dans un cas d’espèce, la Cour considère
l’existence, eu égard aux garanties d’un procès équitable reconnues par le droit international, de l’une ou
de plusieurs des circonstances suivantes:
a) La procédure a été ou est engagée ou la décision de l’État a été prise dans le dessein de
soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour les crimes relevant de la
compétence de la Cour visés à l’article 5;
b) La procédure a subi un retard injustifié qui, dans les circonstances, est incompatible avec
l’intention de traduire en justice la personne concernée;
c) La procédure n’a pas été ou n’est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais
d’une manière qui, dans les circonstances, est incompatible avec l’intention de traduire en justice
la personne concernée.
3. Pour déterminer s’il y a incapacité de l’État dans un cas d’espèce, la Cour considère si l’État est
incapable, en raison de l’effondrement de la totalité ou d’une partie substantielle de son propre appareil
judiciaire ou de l’indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l’accusé, de réunir les éléments de preuve et les
témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure.
4. La Cour peut, en tout cas, évoquer la compétence pour juger un individu présumé coupable
d’un crime, lorsque sa responsabilité pourrait entraîner celle de l’État.
Ou bien (moins souhaitable):
4. La Cour reste, en tout cas, compétente pour juger le côté collectif de la responsabilité, même
lorsque les juridictions internes demeurent saisies de la responsabilité individuelle.
5. Les États sont tenus à assurer un procès dans un délai raisonnable, compatible avec le
jugement de la Cour sur la question de la responsabilité collective.
Article 18
DÉCISION PRÉLIMINAIRE SUR LA RECEVABILITÉ
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(Supprimé en cas d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour


pénale internationale par rapport aux juridictions nationales)
1. Lorsqu’une situation a été déférée à la Cour comme le prévoit l’article 13, alinéa a), et que le
Procureur a déterminé qu’il y aurait une base raisonnable pour ouvrir une enquête, ou lorsque le
Procureur a ouvert une enquête au titre des articles 13, paragraphe c), et 15, le Procureur le notifie à tous
les États Parties (ou: de la communauté internationale) et aux États qui, selon les renseignements
disponibles, auraient normalement compétence à l’égard des crimes dont il s’agit. Il peut le faire à titre
confidentiel et, quand il juge que cela est nécessaire pour protéger des personnes, prévenir la destruction
d’éléments de preuve ou empêcher la fuite de personnes, il peut restreindre l’étendue des renseignements
qu’il communique aux États.
2. Dans le mois qui suit la réception de cette notification, un État peut informer la Cour qu’il ouvre ou a
ouvert une enquête sur ses ressortissants ou d’autres personnes sous sa juridiction pour des actes
criminels qui pourraient être constitutifs des crimes visés à l’article 5 et qui ont un rapport avec les
renseignements notifiés aux États. Si l’État le lui demande, le Procureur lui défère le soin de l’enquête sur
ces personnes, à moins que la Chambre préliminaire ne l’autorise, sur sa demande, à faire enquête lui-
même.
3. Ce sursis à enquêter peut être réexaminé par le Procureur six mois après avoir été décidé, ou à tout
moment où il se sera produit un changement notable de circonstances découlant du manque de volonté
ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien l’enquête modifie sensiblement les
circonstances.
4. L’État intéressé ou le Procureur peut relever appel devant la Chambre d’appel de la décision de la
Chambre préliminaire, comme le prévoit l’article 82. Cet appel peut être examiné selon une procédure
accélérée.
5. Lorsqu’il sursoit à enquêter comme prévu au paragraphe 2, le Procureur peut demander à l’État
concerné de lui rendre régulièrement compte des progrès de son enquête et, le cas échéant, des
poursuites engagées par la suite. Les États Parties (ou: de la communauté internationale) répondent à
ces demandes sans retard injustifié.
6. En attendant la décision de la Chambre préliminaire, ou à tout moment après avoir décidé de
surseoir à son enquête comme le prévoit le présent article, le Procureur peut, à titre exceptionnel,
demander à la Chambre préliminaire l’autorisation de prendre les mesures d’enquête nécessaires pour
préserver des éléments de preuve dans le cas où l’occasion de recueillir des éléments de preuve
importants ne se représentera pas ou s’il y a un risque appréciable que ces éléments de preuve ne soient
plus disponibles par la suite.
7. L’État qui a contesté une décision de la Chambre préliminaire en vertu du présent article peut
contester la recevabilité d’une affaire au regard de l’article 19 en invoquant des faits nouveaux ou un
changement de circonstances notables.
Article 19
CONTESTATION DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR OU DE LA RECEVABILITÉ D’UNE AFFAIRE
1. La Cour s’assure qu’elle est compétente pour connaître de toute affaire portée devant elle. (Elle peut
d’office se prononcer sur la recevabilité de l’affaire conformément à l’article 17. – supprimé en cas
d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale internationale
par rapport aux juridictions nationales)

693
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

2. Peuvent contester la recevabilité de l’affaire pour les motifs indiqués à l’article 17 ou contester la
compétence de la Cour:
a) L’accusé ou la personne à l’encontre de laquelle a été délivré un mandat d’arrêt ou une citation
à comparaître en vertu de l’article 58;
(b) L’État qui est compétent à l’égard du crime considéré du fait qu’il mène ou a mené une
enquête, ou qu’il exerce ou a exercé des poursuites en l’espèce; ou – supprimé en cas
d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale
internationale par rapport aux juridictions nationales)
(c) L’État qui doit avoir accepté la compétence de la Cour selon l’article 12. – supprimé en cas
d’institution de la compétence universelle)
3. Le Procureur peut demander à la Cour de se prononcer sur une question de compétence ou de
recevabilité. Dans les procédures portant sur la compétence ou la recevabilité, ceux qui ont déféré une
situation en application de l’article 13, ainsi que les victimes, peuvent également soumettre des
observations à la Cour.
4. La recevabilité d’une affaire ou la compétence de la Cour ne peut être contestée qu’une fois par les
personnes (ou les États visés au paragraphe 2 – supprimé en cas d’institution de la primauté ou de
l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale internationale par rapport aux juridictions
nationales et, en même temps, de la compétence universelle). L’exception doit être soulevée avant
l’ouverture ou à l’ouverture du procès. Dans des circonstances exceptionnelles, la Cour peut autoriser
qu’une exception soit soulevée plus d’une fois ou à une phase ultérieure du procès. (Les exceptions
d’irrecevabilité soulevées à l’ouverture du procès, ou par la suite avec l’autorisation de la Cour, ne peuvent
être fondées que sur les dispositions de l’article 17, paragraphe 1, alinéa c). – supprimé en cas
d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale internationale
par rapport aux juridictions nationales)
tel-00279988, version 1 - 16 May 2008

(5. Les États visés au paragraphe 2, alinéas (b) et – supprimé en cas d’institution de la primauté
ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale internationale par rapport aux juridictions
nationales) (c), soulèvent leur exception le plus tôt possible – supprimé en cas d’institution de la
compétence universelle) – tout le paragraphe serait supprimé en cas d’institution, en même temps,
de la juridiction universelle et de la primauté ou exclusivité de la compétence de la Cour pénale
internationale par rapport aux juridictions internes).
6. Avant la confirmation des charges, les exceptions d’irrecevabilité ou d’incompétence sont renvoyées
à la Chambre préliminaire. Après la confirmation des charges, elles sont renvoyées à la Chambre de
première instance. Il peut être fait appel des décisions portant sur la compétence ou la recevabilité devant
la Chambre d’appel conformément à l’article 82.
(7. Si l’exception est soulevée par l’État visé au paragraphe 2, alinéas (b) ou supprimé en cas
d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale internationale
par rapport aux juridictions nationales) (c), le Procureur sursoit à enquêter jusqu’à ce que la Cour ait
pris la décision prévue à l’article 17 – supprimé en cas d’institution de la compétence universelle) –
tout le paragraphe serait supprimé en cas d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la
compétence de la Cour pénale internationale par rapport aux juridictions internes et, en même
temps, de la juridiction universelle).
8. En attendant qu’elle statue, le Procureur peut demander à la Cour l’autorisation:
a) De prendre les mesures d’enquête visées à l’article 18, paragraphe 6 (ou bien, en cas
d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence par rapport aux
juridictions nationales: le Procureur peut, à titre exceptionnel, demander à la Chambre
préliminaire l’autorisation de prendre les mesures d’enquête nécessaires pour préserver
des éléments de preuve dans le cas où l’occasion de recueillir des éléments de preuve
importants ne se représentera pas ou s’il y a un risque appréciable que ces éléments de
preuve ne soient plus disponibles par la suite);
b) De recueillir la déposition ou le témoignage d’un témoin ou de mener à bien les opérations de
rassemblement et d’examen des éléments de preuve commencées avant que l’exception ait été
soulevée;
c) D’empêcher, en coopération avec les États concernés, la fuite des personnes contre lesquelles
le Procureur a déjà requis un mandat d’arrêt conformément à l’article 58.
9. Une exception n’entache en rien la validité de toute action du Procureur ou de toute ordonnance
rendue ou de tout mandat délivré par la Cour avant que l’exception ait été soulevée.
(10. Quand la Cour a jugé une affaire irrecevable au regard de l’article 17, le Procureur peut lui
demander de reconsidérer sa décision s’il est certain que des faits nouvellement apparus infirment les
raisons pour lesquelles l’affaire avait été jugée irrecevable en vertu de l’article 17. – Supprimé en cas
d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale internationale
par rapport aux juridictions nationales)
(11. Si, eu égard aux questions visées à l’article 17, le Procureur sursoit à enquêter, il peut demander
à l’État intéressé de lui communiquer des renseignements sur le déroulement de la procédure. Ces
renseignements sont tenus confidentiels si l’État le demande. Si le Procureur décide par la suite d’ouvrir
une enquête, il notifie sa décision à l’État dont la procédure était à l’origine du sursis. – Supprimé en cas
d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale internationale
par rapport aux juridictions nationales)

694
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

12. La Cour, qui juge la responsabilité de l’État, peut, à tout moment, dans la matière de sa
compétence, demander à l’État qui procède ou a procédé à l’égard d’un individu, de lui
communiquer des renseignements sur l’infraction et le déroulement de la procédure. Ces
renseignements sont tenus par confidentiels si l’État le demande.
Article 20
NE BIS IN IDEM
1. Sauf disposition contraire du présent Statut, nul ne peut être jugé par la Cour pour des actes
constitutifs de crimes pour lesquels il a déjà été condamné ou acquitté par elle.
2. Nul ne peut être jugé par une autre juridiction pour un crime visé à l’article 5 pour lequel il a déjà été
condamné ou acquitté par la Cour.
3. Quiconque a été jugé par une autre juridiction pour un comportement tombant aussi sous le coup
des articles 6, 7 ou 8 ne peut être jugé par la Cour que si la procédure devant l’autre juridiction:
a) Avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes
relevant de la compétence de la Cour; ou
b) N’a pas été au demeurant menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des
garanties d’un procès équitable prévues par le droit international, mais d’une manière qui, dans les
circonstances, était incompatible avec l’intention de traduire l’intéressé en justice; ou
c) La responsabilité de l’individu entraîne la responsabilité collective.
(Le paragraphe 3 serait supprimé en cas d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la
compétence de la Cour pénale internationale par rapport aux juridictions nationales)
Article 21
DROIT APPLICABLE
1. La Cour applique:
a) En premier lieu, le présent Statut, les éléments des crimes et le Règlement de procédure et de
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preuve;
b) En second lieu, selon qu’il convient, les traités applicables et les principes et règles du droit
international, y compris les principes établis du droit international des conflits armés;
c) À défaut, les principes généraux du droit dégagés par la Cour à partir des lois nationales
représentant les différents systèmes juridiques du monde, y compris, selon qu’il convient, les lois
nationales des États sous la juridiction desquels tomberait normalement le crime, si ces principes
ne sont pas incompatibles avec le présent Statut ni avec le droit international et les règles et
normes internationales reconnues.
2. La Cour peut appliquer les principes et règles de droit tels qu’elle les a interprétés dans ses
décisions antérieures.
3. L’application et l’interprétation du droit prévues au présent article doivent être compatibles avec les
droits de l’homme internationalement reconnus et exemptes de toute discrimination fondée sur des
considérations telles que l’appartenance à l’un ou l’autre sexe tel que défini à l’article 7, paragraphe 3,
l’âge, la race, la couleur, la langue, la religion ou la conviction, les opinions politiques ou autres, l’origine
nationale, ethnique ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre qualité.
CHAPITRE III. PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT PÉNAL
Article 22
NULLUM CRIMEN SINE LEGE
1. Une personne n’est responsable pénalement en vertu du présent Statut que si son comportement
constitue, au moment où il se produit, un crime relevant de la compétence de la Cour.
2. La définition d’un crime est d’interprétation stricte et ne peut être étendue par analogie. En cas
d’ambiguïté, elle est interprétée en faveur de la personne qui fait l’objet d’une enquête, de poursuites ou
d’une condamnation.
3. Le présent article n’empêche pas qu’un comportement soit qualifié de crime au regard du droit
international, indépendamment du présent Statut.
Article 23
NULLA POENA SINE LEGE
Une personne qui a été condamnée par la Cour ne peut être punie que conformément aux dispositions
du présent Statut.
Article 24
NON-RÉTROACTIVITÉ RATIONE PERSONAE
1. Nul n’est pénalement responsable, en vertu du présent Statut, pour un comportement antérieur à
l’entrée en vigueur du Statut.
2. Si le droit applicable à une affaire est modifié avant le jugement définitif, c’est le droit le plus
favorable à la personne faisant l’objet d’une enquête, de poursuites ou d’une condamnation qui s’applique.
Article 25
RESPONSABILITÉ PÉNALE INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE
1. La Cour est compétente à l’égard des personnes physiques et des États (et des autres personnes
morales) en vertu du présent Statut.
– La Cour est compétente à l’égard des États (et des autres personnes morales) lorsque les
crimes du présent Statut sont commis par un individu agissant en tant qu’organe. Lorsqu’il
s’agit de juger la responsabilité pénale d’un État (ou d’une organisation internationale), la Cour

695
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

applique les articles du Traité sur la responsabilité des États concernant les crimes
internationaux des États.
2. Quiconque commet un crime relevant de la compétence de la Cour est […] responsable et peut être
puni conformément au présent Statut.
3. Aux termes du présent Statut, une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un
crime relevant de la compétence de la Cour si:
a) Elle commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec une autre personne ou
par l’intermédiaire d’une autre personne, que cette autre personne soit ou non pénalement
responsable;
b) Elle ordonne, sollicite ou encourage la commission d’un tel crime, dès lors qu’il y a commission ou
tentative de commission de ce crime;
c) En vue de faciliter la commission d’un tel crime, elle apporte son aide, son concours ou toute autre
forme d’assistance à la commission ou à la tentative de commission de ce crime, y compris en
fournissant les moyens de cette commission;
d) Elle contribue de toute autre manière à la commission ou à la tentative de commission d’un tel crime
par un groupe de personnes agissant de concert. Cette contribution doit être intentionnelle et, selon le
cas:
i) Viser à faciliter l’activité criminelle ou le dessein criminel du groupe, si cette activité ou ce dessein
comporte l’exécution d’un crime relevant de la compétence de la Cour; ou
ii) Être faite en pleine connaissance de l’intention du groupe de commettre ce crime;
e) S’agissant du crime de génocide, elle incite directement et publiquement autrui à le commettre;
f) Elle tente de commettre un tel crime par des actes qui, par leur caractère substantiel, constituent un
commencement d’exécution mais sans que le crime soit accompli en raison de circonstances
indépendantes de sa volonté. Toutefois, la personne qui abandonne l’effort tendant à commettre le
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crime ou en empêche de quelque autre façon l’achèvement ne peut être punie en vertu du présent
Statut pour sa tentative si elle a complètement et volontairement renoncé au dessein criminel.
[…]
Article 26
INCOMPÉTENCE À L’ÉGARD DES PERSONNES DE MOINS DE 18 ANS
La Cour n’a pas compétence à l’égard d’une personne physique qui était âgée de moins de 18 ans au
moment de la commission prétendue d’un crime.
Article 27
DÉFAUT DE PERTINENCE DE LA QUALITÉ OFFICIELLE
1. Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité
officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un
gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la
responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif
de réduction de la peine.
2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une
personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa
compétence à l’égard de cette personne.
Article 28
RESPONSABILITÉ DES CHEFS MILITAIRES ET AUTRES SUPÉRIEURS HIÉRARCHIQUES
Outre les autres motifs de responsabilité pénale au regard du présent Statut pour des crimes relevant
de la compétence de la Cour:
a) Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement
responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son
commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas,
lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où:
i) Ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces
forces commettaient ou allaient commettre ces crimes; et
ii) Ce chef militaire ou cette personne n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui
étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités
compétentes aux fins d’enquête et de poursuites;
b) En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au
paragraphe a), le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de la
compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs,
lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dans les cas où:
i) Le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces
crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement;
ii) Ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs; et
iii) Le supérieur hiérarchique n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en
son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes
aux fins d’enquête et de poursuites.
Article 29
IMPRESCRIPTIBILITÉ
Les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent pas.

696
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

Article 30
ÉLÉMENT PSYCHOLOGIQUE
1. Sauf disposition contraire, nul n’est pénalement responsable et ne peut être puni à raison d’un crime
relevant de la compétence de la Cour que si l’élément matériel du crime est commis avec dol, c’est-à-
dire avec connaissance et intention, ou avec faute, c’est-à-dire en l’absence d’intention et,
éventuellement, de connaissance.
2. Il y a intention au sens du présent article lorsque:
a) Relativement à un comportement, une personne entend adopter ce comportement;
b) Relativement à une conséquence, une personne entend causer cette conséquence ou est
consciente que celle-ci adviendra dans le cours normal des événements.
3. Il y a connaissance, au sens du présent article, lorsqu’une personne est consciente qu’une
circonstance existe ou qu’une conséquence adviendra dans le cours normal des événements. “Connaître”
et “en connaissance de cause” s’interprètent en conséquence.
4. Du point de vue psychologique, les États (et les autres personnes morales) sont
responsables au même titre que les personnes physiques.
Article 31
MOTIFS D’EXONÉRATION DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
1. Outre les autres motifs d’exonération de la responsabilité pénale prévus par le présent Statut, une
personne n’est pas responsable pénalement si, au moment du comportement en cause:
a) Elle souffrait d’une maladie ou d’une déficience mentale qui la privait de la faculté de
comprendre le caractère délictueux ou la nature de son comportement, ou de maîtriser celui-ci
pour le conformer aux exigences de la loi;
b) Elle était dans un état d’intoxication qui la privait de la faculté de comprendre le caractère
délictueux ou la nature de son comportement, ou de maîtriser celui-ci pour le conformer aux
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exigences de la loi, à moins qu’elle ne se soit volontairement intoxiquée dans des circonstances
telles qu’elle savait que, du fait de son intoxication, elle risquait d’adopter un comportement
constituant un crime relevant de la compétence de la Cour, ou qu’elle n’ait tenu aucun compte de
ce risque;
c) Elle a agi raisonnablement pour se défendre, pour défendre autrui ou, dans le cas des crimes
de guerre, pour défendre des biens essentiels à sa survie ou à celle d’autrui ou essentiels à
l’accomplissement d’une mission militaire, contre un recours imminent et illicite à la force, d’une
manière proportionnée à l’ampleur du danger qu’elle courait ou que couraient l’autre personne ou
les biens protégés. Le fait qu’une personne ait participé à une opération défensive menée par des
forces armées ne constitue pas en soi un motif d’exonération de la responsabilité pénale au titre
du présent alinéa;
d) Le comportement dont il est allégué qu’il constitue un crime relevant de la compétence de la
Cour a été adopté sous la contrainte résultant d’une menace de mort imminente ou d’une atteinte
grave, continue ou imminente à sa propre intégrité physique ou à celle d’autrui, et si elle a agi par
nécessité et de façon raisonnable pour écarter cette menace, à condition qu’elle n’ait pas eu
l’intention de causer un dommage plus grand que celui qu’elle cherchait à éviter. Cette menace
peut être:
i) Soit exercée par d’autres personnes;
ii) Soit constituée par d’autres circonstances indépendantes de sa volonté.
2. La Cour se prononce sur la question de savoir si les motifs d’exonération de la responsabilité pénale
prévus dans le présent Statut sont applicables au cas dont elle est saisie.
3. Lors du procès, la Cour peut prendre en considération un motif d’exonération autre que ceux qui
sont prévus au paragraphe 1, si ce motif découle du droit applicable indiqué à l’article 21. La procédure
d’examen de ce motif d’exonération est fixée dans le Règlement de procédure et de preuve.
Article 32
ERREUR DE FAIT OU ERREUR DE DROIT
1. Une erreur de fait n’est un motif d’exonération de la responsabilité pénale que si elle fait disparaître
l’élément psychologique du crime.
2. Une erreur de droit portant sur la question de savoir si un comportement donné constitue un crime
relevant de la compétence de la Cour n’est pas un motif d’exonération de la responsabilité pénale.
Toutefois, une erreur de droit peut être un motif d’exonération de la responsabilité pénale si elle fait
disparaître l’élément psychologique du crime ou si elle relève de l’article 33.
Article 33
ORDRE HIÉRARCHIQUE ET ORDRE DE LA LOI
1. Le fait qu’un crime relevant de la compétence de la Cour a été commis sur ordre d’un gouvernement
ou d’un supérieur, militaire ou civil, n’exonère pas la personne qui l’a commis de sa responsabilité pénale,
à moins que:
a) Cette personne n’ait eu l’obligation légale d’obéir aux ordres du gouvernement ou du supérieur
en question;
b) Cette personne n’ait pas su que l’ordre était illégal; et
c) L’ordre n’ait pas été manifestement illégal.
2. Aux fins du présent article, l’ordre de commettre un génocide ou un crime contre l’humanité est
manifestement illégal.

697
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

Article ajouté
APPLICATION DES MOTIFS D’EXCLUSION
DE LA RESPONSABILITÉ DU TRAITÉ SUR LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
La Cour pénale internationale applique les circonstances excluant la responsabilité prévues
dans le Traité sur la responsabilité des États.
CHAPITRE IV. COMPOSITION ET ADMINISTRATION DE LA COUR
Article 34
ORGANES DE LA COUR
Les organes de la Cour sont les suivants:
a) La Présidence;
b) Une Section des appels, une Section de première instance et une Section préliminaire;
c) Le Bureau du Procureur;
d) Le Greffe;
e) L’organe exécutif central des sanctions à l’égard des États (et des organisations
internationales): le Conseil de sécurité des Nations Unies;
(f) La force armée internationale sous la direction de l’organe exécutif central des
sanctions étatiques).
Article 35
EXERCICE DES FONCTIONS DES JUGES
1. Tous les juges sont élus en tant que membres à plein temps de la Cour et sont disponibles pour
exercer leurs fonctions à plein temps dès que commence leur mandat.
2. Les juges qui composent la Présidence exercent leurs fonctions à plein temps dès leur élection.
3. La Présidence peut, en fonction de la charge de travail de la Cour et en consultation avec les autres
juges, décider périodiquement de la mesure dans laquelle ceux-ci sont tenus d’exercer leurs fonctions à
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plein temps. Les décisions prises à cet égard le sont sans préjudice des dispositions de l’article 40.
4. Les arrangements financiers concernant les juges qui ne sont pas tenus d’exercer leurs fonctions à
plein temps sont établis conformément à l’article 49.
Article 36
QUALIFICATIONS, CANDIDATURE ET ÉLECTION DES JUGES
1. Sous réserve du paragraphe 2, la Cour se compose de 18 juges.
2. a) La Présidence peut au nom de la Cour proposer d’augmenter le nombre des juges fixé au
paragraphe 1, en motivant dûment sa proposition. Celle-ci est communiquée sans délai à tous les
États Parties par le Greffier.
b) La proposition est ensuite examinée lors d’une réunion de l’Assemblée des États Parties convoquée
conformément à l’article 112. Elle est considérée comme adoptée si elle est approuvée à cette réunion
à la majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée des États Parties. Elle devient effective à la
date que fixe l’Assemblée des États Parties.
c) i) Quand la proposition d’augmenter le nombre des juges a été adoptée conformément à l’alinéa b),
l’élection des juges supplémentaires a lieu à la réunion suivante de l’Assemblée des États Parties,
conformément aux paragraphes 3 à 8, et à l’article 37, paragraphe 2;
ii) Quand la proposition d’augmenter le nombre des juges a été adoptée et est devenue effective
conformément aux alinéas b) et c), sous-alinéa i), la Présidence peut proposer à tout moment par la
suite, si le travail de la Cour le justifie, de réduire le nombre des juges, mais pas en deçà du nombre
fixé au paragraphe 1. La proposition est examinée selon la procédure établie aux alinéas a) et b). Si
elle est adoptée, le nombre des juges diminue progressivement à mesure que le mandat des juges en
exercice vient à expiration, et ainsi jusqu’à ce que le nombre prévu soit atteint.
3. a) Les juges sont choisis parmi des personnes jouissant d’une haute considération morale, connues
pour leur impartialité et leur intégrité et réunissant les conditions requises dans leurs États respectifs
pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires.
b) Tout candidat à un siège à la Cour doit:
i) Avoir une compétence reconnue dans les domaines du droit pénal et de la procédure pénale ainsi
que l’expérience nécessaire du procès pénal, que ce soit en qualité de juge, de procureur ou d’avocat,
ou en toute autre qualité similaire; ou
ii) Avoir une compétence reconnue dans des domaines pertinents du droit international, tels que le
droit international humanitaire et les droits de l’homme, ainsi qu’une grande expérience dans une
profession juridique qui présente un intérêt pour le travail judiciaire de la Cour;
c) Tout candidat à un siège à la Cour doit avoir une excellente connaissance et une pratique courante
d’au moins une des langues de travail de la Cour.
4. a) Les candidats à un siège à la Cour peuvent être présentés par tout État Partie au présent Statut:
i) Selon la procédure de présentation de candidatures aux plus hautes fonctions judiciaires dans l’État
en question; ou
ii) Selon la procédure de présentation de candidatures à la Cour internationale de Justice prévue dans
le Statut de celle-ci. Les candidatures sont accompagnées d’un document détaillé montrant que le
candidat présente les qualités prévues au paragraphe 3.
b) Chaque État Partie peut présenter la candidature d’une personne à une élection donnée. Cette
personne n’a pas nécessairement sa nationalité mais doit avoir celle d’un État Partie.

698
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

c) L’Assemblée des États Parties peut décider de constituer, selon qu’il convient, une commission
consultative pour l’examen des candidatures. Dans ce cas, la composition et le mandat de cette
commission sont définis par l’Assemblée des États Parties.
5. Aux fins de l’élection, il est établi deux listes de candidats:
La liste A, qui contient les noms des candidats possédant les compétences visées au paragraphe
3, alinéa b), sous-alinéa i);
La liste B, qui contient les noms des candidats possédant les compétences visées au paragraphe
3, alinéa b), sous-alinéa ii).
Tout candidat possédant les compétences requises pour figurer sur les deux listes peut choisir celle
sur laquelle il se présente. À la première élection, neuf juges au moins sont élus parmi les candidats de la
liste A et cinq juges au moins parmi ceux de la liste B. Les élections suivantes sont organisées de manière
à maintenir la même proportion entre les juges élus sur l’une et l’autre listes.
6. a) Les juges sont élus au scrutin secret lors d’une réunion de l’Assemblée des États Parties
convoquée à cet effet en vertu de l’article 112. Sous réserve du paragraphe 7, sont élus les 18
candidats ayant obtenu le nombre de voix le plus élevé et la majorité des deux tiers des États Parties
présents et votants.
b) S’il reste des sièges à pourvoir à l’issue du premier tour de scrutin, il est procédé à des scrutins
successifs conformément à la procédure établie à l’alinéa a) jusqu’à ce que les sièges restants aient
été pourvus.
7. La Cour ne peut comprendre plus d’un ressortissant du même État. À cet égard, celui qui peut être
considéré comme le ressortissant de plus d’un État est censé être ressortissant de l’État où il exerce
habituellement ses droits civils et politiques.
8. a) Dans le choix des juges, les États Parties tiennent compte de la nécessité d’assurer, dans la
composition de la Cour:
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i) La représentation des principaux systèmes juridiques du monde;


ii) Une représentation géographique équitable; et
iii) Une représentation équitable des hommes et des femmes;
b) Les États Parties tiennent également compte de la nécessité d’assurer la présence de juges
spécialisés dans certaines matières, y compris, mais sans s’y limiter, les questions liées à la violence
contre les femmes ou les enfants.
9. a) Sous réserve de l’alinéa b), les juges sont élus pour un mandat de neuf ans et, sous réserve de
l’alinéa c) et de l’article 37, paragraphe 2, ils ne sont pas rééligibles.
b) À la première élection, un tiers des juges élus, désignés par tirage au sort, sont nommés pour un
mandat de trois ans; un tiers des juges élus, désignés par tirage au sort, sont nommés pour un mandat
de six ans; les autres juges sont nommés pour un mandat de neuf ans.
c) Un juge nommé pour un mandat de trois ans en application de l’alinéa b) est rééligible pour un
mandat complet.
10. Nonobstant les dispositions du paragraphe 9, un juge affecté à une Chambre de première instance
ou d’appel conformément à l’article 39, qui a commencé à connaître devant cette chambre d’une affaire en
première instance ou en appel, reste en fonctions jusqu’à la conclusion de cette affaire.
Article 37
SIÈGES VACANTS
1. Il est pourvu par élection aux sièges devenus vacants, selon les dispositions de l’article 36.
2. Un juge élu à un siège devenu vacant achève le mandat de son prédécesseur; si la durée du
mandat à achever est inférieure ou égale à trois ans, il est rééligible pour un mandat entier conformément
à l’article 36.
Article 38
LA PRÉSIDENCE
1. Le Président et les Premier et Second Vice-Présidents sont élus à la majorité absolue des juges. Ils
sont élus pour trois ans, ou jusqu’à l’expiration de leur mandat de juge si celui-ci prend fin avant trois ans.
Ils sont rééligibles une fois.
2. Le Premier Vice-Président remplace le Président lorsque celui-ci est empêché ou récusé. Le second
Vice-Président remplace le Président lorsque celui-ci et le Premier Vice-Président sont tous deux
empêchés ou récusés.
3. Le Président, le Premier Vice-Président et le Second Vice-Président composent la Présidence,
laquelle est chargée:
a) De la bonne administration de la Cour, à l’exception du Bureau du Procureur; et
b) Des autres fonctions qui lui sont conférées conformément au présent Statut.
4. Dans l’exercice des attributions visées au paragraphe 3, alinéa a), la Présidence agit en
coordination avec le Procureur, dont elle recherche l’accord pour toutes les questions d’intérêt commun.
Article 39
LES CHAMBRES
(Éventuellement renforcées au cas où on procède pour la responsabilité collective)
1. Dès que possible après l’élection des juges, la Cour s’organise en sections comme le prévoit l’article
34, paragraphe b). La Section des appels est composée du Président et de quatre autres juges; la Section
de première instance et la Section préliminaire sont composées chacune de six juges au moins.
L’affectation des juges aux sections est fondée sur la nature des fonctions assignées à chacune d’elles et

699
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

sur les compétences et l’expérience des juges élus à la Cour, de telle sorte que chaque section comporte
la proportion voulue de spécialistes du droit pénal et de la procédure pénale et de spécialistes du droit
international. La Section préliminaire et la Section de première instance sont principalement composées
de juges ayant l’expérience des procès pénaux.
2. a) Les fonctions judiciaires de la Cour sont exercées dans chaque section par des Chambres.
b) i) La Chambre d’appel est composée de tous les juges de la Section des appels;
ii) Les fonctions de la Chambre de première instance sont exercées par trois juges de la Section de
première instance;
iii) Les fonctions de la Chambre préliminaire sont exercées soit par trois juges de la Section
préliminaire soit par un seul juge de cette Section conformément au présent Statut et au Règlement de
procédure et de preuve;
c) Aucune disposition du présent paragraphe n’interdit la constitution simultanée de plus d’une
chambre de première instance ou chambre préliminaire lorsque le travail de la Cour l’exige.
3. a) Les juges affectés à la Section préliminaire et à la Section de première instance y siègent
pendant trois ans; ils continuent d’y siéger au-delà de ce terme, jusqu’au règlement de toute affaire
dont ils ont eu à connaître dans ces sections.
b) Les juges affectés à la Section des appels y siègent pendant toute la durée de leur mandat.
4. Les juges affectés à la Section des appels siègent exclusivement dans cette Section. Aucune
disposition du présent article n’interdit toutefois l’affectation provisoire de juges de la Section de première
instance à la Section préliminaire, ou inversement, si la Présidence estime que le travail de la Cour l’exige,
étant entendu qu’un juge qui a participé à la phase préliminaire d’une affaire n’est en aucun cas autorisé à
siéger à la Chambre de première instance saisie de cette affaire.
Article 40
INDÉPENDANCE DES JUGES
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1. Les juges exercent leurs fonctions en toute indépendance.


2. Les juges n’exercent aucune activité qui pourrait être incompatible avec leurs fonctions judiciaires ou
faire douter de leur indépendance.
3. Les juges tenus d’exercer leurs fonctions à plein temps au siège de la Cour ne doivent se livrer à
aucune autre activité de caractère professionnel.
4. Toute question qui soulève l’application des paragraphes 2 et 3 est tranchée à la majorité absolue
des juges. Un juge ne participe pas à la décision portant sur une question qui le concerne.
Article 41
DÉCHARGE ET RÉCUSATION DES JUGES
1. La Présidence peut décharger un juge, à sa demande, des fonctions qui lui sont attribuées en vertu
du présent Statut, conformément au Règlement de procédure et de preuve.
2. a) Un juge ne peut participer au règlement d’aucune affaire dans laquelle son impartialité pourrait
raisonnablement être mise en doute pour un motif quelconque. Un juge est récusé pour une affaire
conformément au présent paragraphe notamment s’il est intervenu auparavant, à quelque titre que ce
soit, dans cette affaire devant la Cour ou dans une affaire pénale connexe au niveau national dans
laquelle la personne faisant l’objet de l’enquête ou des poursuites était impliquée. Un juge peut aussi
être récusé pour les autres motifs prévus par le Règlement de procédure et de preuve.
b) Le Procureur ou la personne faisant l’objet de l’enquête ou des poursuites peut demander la
récusation d’un juge en vertu du présent paragraphe.
c) Toute question relative à la récusation d’un juge est tranchée à la majorité absolue des juges. Le
juge dont la récusation est demandée peut présenter ses observations sur la question mais ne
participe pas à la décision.
Article 42
LE BUREAU DU PROCUREUR
(Éventuellement renforcé au cas où on procède pour la responsabilité collective)
1. Le Bureau du Procureur agit indépendamment en tant qu’organe distinct au sein de la Cour. Il est
chargé de recevoir les communications et tout renseignement dûment étayé concernant les crimes
relevant de la compétence de la Cour, de les examiner, de conduire les enquêtes et de soutenir
l’accusation devant la Cour. Ses membres ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucune source
extérieure.
2. Le Bureau est dirigé par le Procureur. Celui-ci a toute autorité sur la gestion et l’administration du
Bureau, y compris le personnel, les installations et les autres ressources. Le Procureur est secondé par un
ou plusieurs procureurs adjoints, habilités à procéder à tous les actes que le présent Statut requiert du
Procureur. Le Procureur et les procureurs adjoints sont de nationalités différentes. Ils exercent leurs
fonctions à plein temps.
3. Le Procureur et les procureurs adjoints doivent jouir d’une haute considération morale et avoir de
solides compétences et une grande expérience pratique en matière de poursuites ou de procès dans des
affaires pénales. Ils doivent avoir une excellente connaissance et une pratique courante d’au moins une
des langues de travail de la Cour.
4. Le Procureur est élu au scrutin secret par l’Assemblée des États Parties, à la majorité absolue des
membres de celle-ci. Les procureurs adjoints sont élus de la même façon sur une liste de candidats
présentée par le Procureur. Le Procureur présente trois candidats pour chaque poste de procureur adjoint

700
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

à pourvoir. À moins qu’il ne soit décidé d’un mandat plus court au moment de leur élection, le Procureur et
les procureurs adjoints exercent leurs fonctions pendant neuf ans et ne sont pas rééligibles.
5. Ni le Procureur ni les procureurs adjoints n’exercent d’activité risquant d’être incompatible avec leurs
fonctions en matière de poursuites ou de faire douter de leur indépendance. Ils ne se livrent à aucune
autre activité de caractère professionnel.
6. La Présidence peut décharger, à sa demande, le Procureur ou un procureur adjoint de ses fonctions
dans une affaire déterminée.
7. Ni le Procureur, ni les procureurs adjoints ne peuvent participer au règlement d’une affaire dans
laquelle leur impartialité pourrait être raisonnablement mise en doute pour un motif quelconque. Ils sont
récusés pour une affaire conformément au présent paragraphe si, entre autres, ils sont antérieurement
intervenus, à quelque titre que ce soit, dans cette affaire devant la Cour ou dans une affaire pénale
connexe au niveau national dans laquelle la personne faisant l’objet de l’enquête ou des poursuites était
impliquée.
8. Toute question relative à la récusation du Procureur ou d’un procureur adjoint est tranchée par la
Chambre d’appel.
a) La personne faisant l’objet d’une enquête ou de poursuites peut à tout moment demander la
récusation du Procureur ou d’un procureur adjoint pour les motifs énoncés dans le présent article;
b) Le Procureur ou le Procureur adjoint intéressé, selon le cas, peut présenter ses observations sur la
question.
9. Le Procureur nomme des conseillers qui sont des spécialistes du droit relatif à certaines questions, y
compris, mais s’en s’y limiter, celles des violences sexuelles, des violences à motivation sexiste et des
violences contre les enfants.
Article 43
LE GREFFE
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1. Le Greffe est responsable des aspects non judiciaires de l’administration et du service de la Cour,
sans préjudice des fonctions et attributions du Procureur définies à l’article 42.
2. Le Greffe est dirigé par le Greffier, qui est le responsable principal de l’administration de la Cour. Le
Greffier exerce ses fonctions sous l’autorité du Président de la Cour.
3. Le Greffier et le Greffier adjoint doivent être des personnes d’une haute moralité et d’une grande
compétence, ayant une excellente connaissance et une pratique courante d’au moins une des langues de
travail de la Cour.
4. Les juges élisent le Greffier à la majorité absolue et au scrutin secret, en tenant compte des
recommandations éventuelles de l’Assemblée des États Parties. Si le besoin s’en fait sentir, ils élisent de
la même manière un greffier adjoint sur recommandation du Greffier.
5. Le Greffier est élu pour cinq ans, est rééligible une fois et exerce ses fonctions à plein temps. Le
Greffier adjoint est élu pour cinq ans ou pour un mandat plus court, selon ce qui peut être décidé à la
majorité absolue des juges; il est appelé à exercer ses fonctions selon les exigences du service.
6. Le Greffier crée, au sein du Greffe, une division d’aide aux victimes et aux témoins. Cette division
est chargée, en consultation avec le Bureau du Procureur, de conseiller et d’aider de toute manière
appropriée les témoins, les victimes qui comparaissent devant la Cour et les autres personnes auxquelles
les dépositions de ces témoins peuvent faire courir un risque, ainsi que de prévoir les mesures et les
dispositions à prendre pour assurer leur protection et leur sécurité. Le personnel de la Division comprend
des spécialistes de l’aide aux victimes de traumatismes, y compris de traumatismes consécutifs à des
violences sexuelles.
Article ajouté
INSTITUTION D’UN ORGANE CENTRAL
POUR L’EXÉCUTION DES SANCTIONS ÉTATIQUES
1. Un organe exécutif central est institué, afin de coordonner l’action des États parties (ou: de la
communauté internationale) dans l’exécution de la sanction étatique.
2. L’organe exécutif est soumis aux décisions de la Cour pénale internationale.
3. Le Conseil de sécurité des Nations Unies exercera ces fonctions.
(Article ajouté
INSTITUTION D’UNE FORCE ARMÉE INTERNATIONALE PERMANENTE
SOUS LA DIRECTION DE L’ORGANE EXÉCUTIF CENTRAL DES SANCTIONS ÉTATIQUES
Une force armée internationale permanente est constituée, sous la direction de l’organe
exécutif central des sanctions étatiques.)
Article 44
LE PERSONNEL
1. Le Procureur et le Greffier nomment le personnel qualifié nécessaire dans leurs services respectifs,
y compris, dans le cas du Procureur, des enquêteurs.
2. Lorsqu’ils recrutent le personnel, le Procureur et le Greffier veillent à s’assurer les services de
personnes possédant les plus hautes qualités d’efficacité, de compétence et d’intégrité, en tenant compte,
mutatis mutandis, des critères énoncés à l’article 36, paragraphe 8.
3. Le Greffier, en accord avec la Présidence et le Procureur, propose le Statut du personnel, qui
comprend les conditions de nomination, de rémunération et de cessation de fonctions. Le Statut du
personnel est approuvé par l’Assemblée des États Parties.

701
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

4. La Cour peut, dans des circonstances exceptionnelles, avoir recours à l’expertise de personnel mis
à sa disposition à titre gracieux par des États Parties, des organisations intergouvernementales ou des
organisations non gouvernementales pour aider tout organe de la Cour dans ses travaux. Le Procureur
peut accepter un tel personnel pour le Bureau du Procureur. Les personnes mises à disposition à titre
gracieux sont employées conformément aux directives qui seront établies par l’Assemblée des États
Parties.
Article 45
ENGAGEMENT SOLENNEL
Avant de prendre les fonctions que prévoit le présent Statut, les juges, le Procureur, les procureurs
adjoints, le Greffier […], le Greffier adjoint, les membres de l’organe exécutif central des sanctions
étatiques (et les membres des forces armées internationales) prennent en séance publique
l’engagement solennel d’exercer leurs attributions en toute impartialité et en toute conscience.
Article 46
PERTE DE FONCTIONS
1. Un juge, le Procureur, un procureur adjoint, le Greffier […], le Greffier adjoint, un membre de
l’organe exécutif central des sanctions étatiques (et un membre des forces armées internationales)
est relevé de ses fonctions sur décision prise conformément aux paragraphes 2 ss., dans les cas où:
a) Il est établi qu’il a commis une faute lourde ou un manquement grave aux devoirs que lui impose le
présent Statut, selon ce qui est prévu dans le Règlement de procédure et de preuve; ou
b) Il se trouve dans l’incapacité d’exercer ses fonctions, telles que les définit le présent Statut.
2. La décision concernant la perte de fonctions d’un juge, du Procureur […], d’un procureur adjoint,
d’un membre de l’organe exécutif central des sanctions étatiques en application du paragraphe 1 est
prise par l’Assemblée des États Parties au scrutin secret:
a) Dans le cas d’un juge, à la majorité des deux tiers des États Parties sur recommandation adoptée à
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la majorité des deux tiers des autres juges;


b) Dans le cas du Procureur, à la majorité absolue des États Parties;
c) Dans le cas d’un procureur adjoint, à la majorité absolue des États Parties sur recommandation du
Procureur;
d) Dans le cas d’un membre de l’organe exécutif central des sanctions étatiques, à la majorité
absolue des États parties.
– L’exclusion d’un membre des forces armées internationales est décidée par les chefs
militaires compétents.
3. La décision concernant la perte de fonctions du Greffier ou du Greffier adjoint est prise à la majorité
absolue des juges.
4. Un juge, un procureur, un procureur adjoint, un greffier […], un greffier adjoint, un membre de
l’organe exécutif central des sanctions étatiques (et un membre des forces armées internationales)
dont le comportement ou l’aptitude à exercer les fonctions prévues par le présent Statut sont contestés en
vertu du présent article a toute latitude pour produire et recevoir des éléments de preuve et pour faire
valoir ses arguments conformément au Règlement de procédure et de preuve. Il ne participe pas
autrement à l’examen de la question.
Article 47
SANCTIONS DISCIPLINAIRES
Un juge, un procureur, un procureur adjoint, un greffier […], un greffier adjoint, un membre de
l’organe exécutif central des sanctions étatiques (et un membre des forces armées internationales)
qui a commis une faute d’une gravité moindre que celle visée à l’article 46, paragraphe 1, encourt les
sanctions disciplinaires prévues par le Règlement de procédure et de preuve.
Article 48
PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS
1. La Cour jouit sur le territoire des États Parties des privilèges et immunités nécessaires à
l’accomplissement de sa mission.
2. Les juges, le Procureur, les procureurs adjoints […] le Greffier, les membres de l’organe exécutif
central des sanctions étatiques (et les membres des forces armées internationales) jouissent, dans
l’exercice de leurs fonctions ou relativement à ces fonctions, des privilèges et immunités accordés aux
chefs de missions diplomatiques. Après l’expiration de leur mandat, ils continuent à jouir de l’immunité
contre toute procédure légale pour les paroles, les écrits et les actes qui relèvent de l’exercice de leurs
fonctions officielles.
3. Le Greffier adjoint, le personnel du Bureau du Procureur et le personnel du Greffe jouissent des
privilèges, immunités et facilités nécessaires à l’exercice de leurs fonctions, conformément à l’accord sur
les privilèges et immunités de la Cour.
4. Les avocats, experts, témoins ou autres personnes dont la présence est requise au siège de la Cour
bénéficient du traitement nécessaire au bon fonctionnement de la Cour, conformément à l’accord sur les
privilèges et immunités de la Cour.
5. Les privilèges et immunités peuvent être levés:
a) Dans le cas d’un juge ou du Procureur, par décision prise à la majorité absolue des juges;
–) Dans le cas des membres de l’organe exécutif central des sanctions étatiques à la majorité
absolue des autres membres de l’organe;

702
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

(–) Dans le cas des membres des forces armées internationales, par les chefs militaires
compétents;)
b) Dans le cas du Greffier, par la Présidence;
c) Dans le cas des procureurs adjoints et du personnel du Bureau du Procureur, par le Procureur;
d) Dans le cas du Greffier adjoint et du personnel du Greffe, par le Greffier.
Article 49
TRAITEMENTS, INDEMNITÉS ET REMBOURSEMENT DE FRAIS
Les juges, le Procureur, les procureurs adjoints, le Greffier […], le Greffier adjoint les membres de
l’organe exécutif central des sanctions étatiques (et les membres des forces armées
internationales) perçoivent les traitements, indemnités et remboursements arrêtés par l’Assemblée des
États Parties. Ces traitements et indemnités ne sont pas réduits en cours de mandat.
Article 50
LANGUES OFFICIELLES ET LANGUES DE TRAVAIL
1. Les langues officielles de la Cour sont l’anglais, l’arabe, le chinois, l’espagnol, le français et le russe.
Les arrêts de la Cour ainsi que les autres décisions réglant des questions fondamentales qui lui sont
soumises sont publiés dans les langues officielles. La Présidence détermine, au regard des critères fixés
par le Règlement de procédure et de preuve, quelles décisions peuvent être considérées aux fins du
présent paragraphe comme réglant des questions fondamentales.
2. Les langues de travail de la Cour sont l’anglais et le français. Le Règlement de procédure et de
preuve définit les cas dans lesquels d’autres langues officielles peuvent être employées comme langues
de travail.
3. À la demande d’une partie à une procédure ou d’un État autorisé à intervenir dans une procédure, la
Cour autorise l’emploi par cette partie ou cet État d’une langue autre que l’anglais ou le français si elle
l’estime justifié.
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Article 51
RÈGLEMENT DE PROCÉDURE ET DE PREUVE
1. Le Règlement de procédure et de preuve entre en vigueur dès son adoption par l’Assemblée des
États Parties à la majorité des deux tiers de ses membres.
2. Des amendements au Règlement de procédure et de preuve peuvent être proposés par:
a) Tout État Partie;
b) Les juges agissant à la majorité absolue;
c) Le Procureur.
Ces amendements entrent en vigueur dès leur adoption à la majorité des deux tiers des membres de
l’Assemblée des États Parties.
3. Après l’adoption du Règlement de procédure et de preuve, dans les cas urgents où la situation
particulière portée devant la Cour n’est pas prévue par le Règlement, les juges peuvent, à la majorité des
deux tiers, établir des règles provisoires qui s’appliquent jusqu’à ce que l’Assemblée des États Parties, à
sa réunion ordinaire ou extraordinaire suivante, les adopte, les modifie ou les rejette.
4. Le Règlement de procédure et de preuve, les amendements s’y rapportant et les règles provisoires
sont conformes aux dispositions du présent Statut. Les amendements au Règlement de procédure et de
preuve ainsi que les règles provisoires ne s’appliquent pas rétroactivement au préjudice de la personne
qui fait l’objet d’une enquête, de poursuites ou d’une condamnation.
5. En cas de conflit entre le Statut et le Règlement de procédure et de preuve, le Statut prévaut.
Article 52
RÈGLEMENT DE LA COUR
1. Les juges adoptent à la majorité absolue, conformément au présent Statut et au Règlement de
procédure et de preuve, le règlement nécessaire au fonctionnement quotidien de la Cour.
2. Le Procureur et le Greffier sont consultés pour l’élaboration du Règlement de la Cour et de tout
amendement s’y rapportant.
3. Le Règlement de la Cour et tout amendement s’y rapportant prennent effet dès leur adoption, à
moins que les juges n’en décident autrement. Ils sont communiqués immédiatement après leur adoption
aux États Parties, pour observation. Ils restent en vigueur si la majorité des États Parties n’y fait pas
objection dans les six mois.
CHAPITRE V. ENQUÊTE ET POURSUITES
Article 53
OUVERTURE D’UNE ENQUÊTE
1. Le Procureur, après avoir évalué les renseignements portés à sa connaissance, ouvre une enquête,
à moins qu’il ne conclue qu’il n’y a pas de base raisonnable pour poursuivre en vertu du présent Statut.
Pour prendre sa décision, le Procureur examine:
a) Si les renseignements en sa possession fournissent une base raisonnable pour croire qu’un crime
relevant de la compétence de la Cour a été ou est en voie d’être commis;
(b) Si l’affaire est ou serait recevable au regard de l’article 17 – supprimé en cas d’institution de la
primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale internationale par rapport aux
juridictions internes); et
c) S’il y a des raisons sérieuses de penser, compte tenu de la gravité du crime et des intérêts des
victimes, qu’une enquête ne servirait pas les intérêts de la justice.

703
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

S’il ou elle conclut qu’il n’y a pas de base raisonnable pour poursuivre et si cette conclusion est fondée
exclusivement sur les considérations visées à l’alinéa c), le Procureur en informe la Chambre préliminaire.
2. Si, après enquête, le Procureur conclut qu’il n’y a pas de base suffisante pour engager des
poursuites:
a) Parce qu’il n’y a pas de base suffisante, en droit ou en fait, pour demander un mandat d’arrêt ou une
citation à comparaître en application de l’article 58;
(b) Parce que l’affaire est irrecevable au regard de l’article 17 – supprimé en cas d’institution de la
primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale internationale par rapport aux
juridictions internes); ou
c) Parce que poursuivre ne servirait pas les intérêts de la justice, compte tenu de toutes les
circonstances, y compris la gravité du crime, les intérêts des victimes, l’âge ou le handicap de l’auteur
présumé et son rôle dans le crime allégué;
il ou elle informe de sa conclusion et des raisons qui l’ont motivée la Chambre préliminaire et l’État qui lui
a déféré la situation conformément à l’article 14 […].
3. a) À la demande de l’État qui a déféré la situation conformément à l’article 14, […] la Chambre
préliminaire peut examiner la décision de ne pas poursuivre prise par le Procureur en vertu des
paragraphes 1 ou 2 et demander au Procureur de la reconsidérer.
b) De plus, la Chambre préliminaire peut, de sa propre initiative, examiner la décision du Procureur de
ne pas poursuivre si cette décision est fondée exclusivement sur les considérations visées au
paragraphe 1, alinéa c) et au paragraphe 2, alinéa c). En tel cas, la décision du Procureur n’a d’effet
que si elle est confirmée par la Chambre préliminaire.
4. Le Procureur peut à tout moment reconsidérer sa décision d’ouvrir ou non une enquête ou
d’engager ou non des poursuites à la lumière de faits ou de renseignements nouveaux.
Article 54
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DEVOIRS ET POUVOIRS DU PROCUREUR EN MATIÈRE D’ENQUÊTES


1. Le Procureur:
a) Pour établir la vérité, étend l’enquête à tous les faits et éléments de preuve qui peuvent être
utiles pour déterminer s’il y a responsabilité pénale au regard du présent Statut et, ce faisant,
enquête tant à charge qu’à décharge;
b) Prend les mesures propres à assurer l’efficacité des enquêtes et des poursuites visant des
crimes relevant de la compétence de la Cour. Ce faisant, il a égard aux intérêts et à la situation
personnelle des victimes et des témoins, y compris leur âge, leur sexe, tel que défini à l’article 7,
paragraphe 3, et leur état de santé; il tient également compte de la nature du crime, en particulier
lorsque celui-ci comporte des violences sexuelles, des violences à caractère sexiste ou des
violences contre des enfants; et
c) Respecte pleinement les droits des personnes énoncés dans le présent Statut.
2. Le Procureur peut enquêter sur le territoire d’un État:
a) Conformément aux dispositions du chapitre IX; ou
b) Avec l’autorisation de la Chambre préliminaire en vertu de l’article 57, paragraphe 3, alinéa d).
3. Le Procureur peut:
a) Recueillir et examiner des éléments de preuve;
b) Convoquer et interroger des personnes faisant l’objet d’une enquête, des victimes et des
témoins;
c) Rechercher la coopération de tout État ou organisation intergouvernementale ou accord
intergouvernemental conformément à leurs compétences ou à leur mandat respectifs;
d) Conclure tous arrangements ou accords qui ne sont pas contraires aux dispositions du présent
Statut et qui peuvent être nécessaires pour faciliter la coopération d’un État, d’une organisation
intergouvernementale ou d’une personne;
e) S’engager à ne divulguer à aucun stade de la procédure les documents ou renseignements
qu’il a obtenus sous la condition qu’ils demeurent confidentiels et ne servent qu’à obtenir de
nouveaux éléments de preuve, à moins que celui qui a fourni l’information ne consente à leur
divulgation; et
f) Prendre, ou demander que soient prises, des mesures nécessaires pour assurer la
confidentialité des renseignements recueillis, la protection des personnes ou la préservation des
éléments de preuve.
Article 55
DROITS DES PERSONNES DANS LE CADRE D’UNE ENQUÊTE
1. Dans une enquête ouverte en vertu du présent Statut, une personne:
a) N’est pas obligée de témoigner contre elle-même ni de s’avouer coupable;
b) N’est soumise à aucune forme de coercition, de contrainte ou de menace, ni à la torture ni à
aucune autre forme de peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant;
c) Bénéficie gratuitement, si elle n’est pas interrogée dans une langue qu’elle comprend et parle
parfaitement, de l’aide d’un interprète compétent et de toutes traductions que rendent
nécessaires les exigences de l’équité; et
d) Ne peut être arrêtée ou détenue arbitrairement; elle ne peut être privée de sa liberté si ce n’est
pour les motifs et selon les procédures prévus dans le présent Statut.

704
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

2. Lorsqu’il y a des motifs de croire qu’une personne a commis un crime relevant de la compétence de
la Cour et que cette personne doit être interrogée, soit par le Procureur soit par les autorités nationales en
vertu d’une demande faite au titre du chapitre IX, cette personne a de plus les droits suivants, dont elle est
informée avant d’être interrogée:
a) Être informée avant d’être interrogée qu’il y a des raisons de croire qu’elle a commis un crime
relevant de la compétence de la Cour;
b) Garder le silence, sans que ce silence soit pris en considération pour la détermination de sa
culpabilité ou de son innocence;
c) Être assistée par le défenseur de son choix ou, si elle n’en a pas, par un défenseur commis
d’office chaque fois que les intérêts de la justice l’exigent, sans avoir dans ce cas à verser de
rémunération si elle n’en a pas les moyens; et
d) Être interrogée en présence de son conseil, à moins qu’elle n’ait renoncé volontairement à son
droit d’être assistée d’un conseil.
Article 56
RÔLE DE LA CHAMBRE PRÉLIMINAIRE DANS LE CAS OÙ L’OCCASION
D’OBTENIR DES RENSEIGNEMENTS NE SE PRÉSENTERA PLUS
1. a) Lorsque le Procureur considère qu’une enquête offre l’occasion unique, qui peut ne plus se
présenter par la suite, de recueillir un témoignage ou une déposition, ou d’examiner, recueillir ou
vérifier des éléments de preuve aux fins d’un procès, il en avise la Chambre préliminaire;
b) La Chambre préliminaire peut alors, à la demande du Procureur, prendre toutes mesures propres à
assurer l’efficacité et l’intégrité de la procédure et, en particulier, à protéger les droits de la défense;
c) Sauf ordonnance contraire de la Chambre préliminaire, le Procureur informe également de la
circonstance visée à l’alinéa a) la personne qui a été arrêtée ou a comparu sur citation délivrée dans le
cadre de l’enquête, afin que cette personne puisse être entendue.
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2. Les mesures visées au paragraphe 1, alinéa b), peuvent consister:


a) À faire des recommandations ou rendre des ordonnances concernant la marche à suivre;
b) À ordonner qu’il soit dressé procès-verbal de la procédure;
c) À nommer un expert;
d) À autoriser l’avocat d’une personne qui a été arrêtée, ou a comparu devant la Cour sur citation, à
participer à la procédure ou, lorsque l’arrestation ou la comparution n’a pas encore eu lieu ou que
l’avocat n’a pas encore été choisi, à désigner un avocat qui se chargera des intérêts de la défense et
les représentera;
e) À charger un de ses membres ou, au besoin, un des juges disponibles de la Section préliminaire ou
de la Section de première instance, de faire des recommandations ou de rendre des ordonnances
concernant le rassemblement et la préservation des éléments de preuve et les auditions de personnes;
f) À prendre toute autre mesure nécessaire pour recueillir ou préserver les éléments de preuve.
3. a) Lorsque le Procureur n’a pas demandé les mesures visées au présent article mais que la
Chambre préliminaire est d’avis que ces mesures sont nécessaires pour préserver des éléments de
preuve qu’elle juge essentiels pour la défense au cours du procès, elle consulte le Procureur pour
savoir si celui-ci avait de bonnes raisons de ne pas demander les mesures en question. Si, après
consultation, elle conclut que le fait de ne pas avoir demandé ces mesures n’est pas justifié, elle peut
prendre des mesures de sa propre initiative.
b) Le Procureur peut faire appel de la décision de la Chambre préliminaire d’agir de sa propre initiative
en vertu du présent paragraphe. Cet appel est examiné selon une procédure accélérée.
4. L’admissibilité des éléments de preuve préservés ou recueillis aux fins du procès en application du
présent article, ou de l’enregistrement de ces éléments de preuve, est régie par l’article 69, leur valeur
étant celle que leur donne la Chambre de première instance.
Article 57
FONCTIONS ET POUVOIRS DE LA CHAMBRE PRÉLIMINAIRE
1. À moins que le présent Statut n’en dispose autrement, la Chambre préliminaire exerce ses fonctions
conformément aux dispositions du présent article.
2. a) Les décisions rendues par la Chambre préliminaire en vertu des articles 15, (18, – supprimé en
cas d’institution de la primauté ou de l’exclusivité de la compétence de la Cour pénale
internationale par rapport aux juridictions nationales) 19, 54, paragraphe 2, de l’article concernant
l’adoption des mesures préventives à l’égard des personnes physiques ou morales, des articles 61,
paragraphe 7, et 72 sont prises à la majorité des juges qui la composent;
b) Dans tous les autres cas, un seul juge de la Chambre préliminaire peut exercer les fonctions
prévues dans le présent Statut, sauf disposition contraire du Règlement de procédure et de preuve ou
décision contraire de la Chambre préliminaire prise à la majorité.
3. Indépendamment des autres fonctions qui lui sont conférées en vertu du présent Statut, la Chambre
préliminaire peut:
a) Sur requête du Procureur, rendre les ordonnances et délivrer les mandats qui peuvent être
nécessaires aux fins d’une enquête;
b) À la demande d’une personne qui a été arrêtée ou a comparu sur citation conformément à l’article
58, rendre toute ordonnance, y compris des mesures telles que visées à l’article 56, ou solliciter tout
concours au titre du chapitre IX qui peuvent être nécessaires pour aider la personne à préparer sa
défense;

705
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

c) En cas de besoin, assurer la protection et le respect de la vie privée des victimes et des témoins, la
préservation des preuves, la protection des personnes qui ont été arrêtées ou ont comparu sur citation,
ainsi que la protection des renseignements touchant la sécurité nationale;
d) Autoriser le Procureur à prendre certaines mesures d’enquête sur le territoire d’un État Partie (ou:
de la communauté internationale) sans s’être assuré de la coopération de cet État au titre du
chapitre IX si, ayant tenu compte dans la mesure du possible des vues de cet État, elle a déterminé
qu’en l’espèce celui-ci est manifestement incapable de donner suite à une demande de coopération
parce qu’aucune autorité ou composante compétente de son appareil judiciaire national n’est
disponible pour donner suite à une demande de coopération au titre du chapitre IX;
e) Lorsqu’un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître a été délivré en vertu de l’article 58, solliciter
la coopération des États en vertu de l’article 93, paragraphe 1, alinéa k), en tenant dûment compte de
la force des éléments de preuve et des droits des parties concernées, comme prévu dans le présent
Statut et dans le Règlement de procédure et de preuve, pour qu’ils prennent des mesures
conservatoires aux fins de confiscation, en particulier dans l’intérêt supérieur des victimes.
Article ajouté
DÉLIVRANCE, PAR LA CHAMBRE PRÉLIMINAIRE, DES MESURES PRÉVENTIVES A L’ÉGARD
DES PERSONNES PHYSIQUES, DES ÉTATS (ET DES AUTRES PERSONNES MORALES)
1. Sur requête du Procureur ou sur sa propre initiative, la Chambre préliminaire peut, en cas
d’urgence (periculum in mora), lorsque les éléments de preuve sont suffisants (fumus boni iuris),
décider l’application des mesures préventives indispensables pour la tutelle des droits en cause.
Elle peut ordonner, notamment, l’application des sanctions prévues aux articles (41-46 du Projet de
1996, 28-39 du Projet de 2001) du Traité sur la responsabilité des États, surtout en fonction de
l’interruption de la conduite illicite.
2. Si l’État (ou l’organisation internationale) ne s’acquitte pas des sanctions, la Chambre
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préliminaire décide les mesures nécessaires pour les exécuter. Elle peut autoriser l’État lésé à
réagir en contre-mesure aux termes des articles (47-53 du Projet de 1996, 41 et 49-54 du Projet de
2001) du Traité sur la responsabilité des États. Elle peut imposer aux États l’adoption des
comportements nécessaires à l’exécution des sanctions, qui peuvent consister dans des
conduites n’impliquant pas l’emploi de la force armée, notamment l’interruption des relations
économiques, des communications, des relations diplomatiques, ou bien dans des conduites
impliquant l’emploi de la force armée. Tous les États parties (ou de la communauté internationale),
en tant que victimes du crime international, sont tenus d’exécuter les mesures décidées par la
Chambre préliminaire.
Article ajouté
RÉCLAMATION DES ÉTATS ENDOMMAGÉS
PAR L’IMPOSITION D’UNE MESURE PRÉVENTIVE
Si un État est l’objet de mesures préventives prises par la Chambre préliminaire, tout autre État,
qu’il soit ou non Membre des Nations Unies, s’il se trouve en présence de difficultés économiques
particulières dues à l’exécution desdites mesures, a le droit de consulter la Cour pénale
internationale au sujet de la solution de ces difficultés.
Article ajouté
POUVOIR DE LA CHAMBRE PRÉLIMINAIRE DE RÉVISER LES SANCTIONS PRÉVENTIVES
La Chambre préliminaire réexamine périodiquement sa décision concernant l’application des
mesures de prévention. Elle peut le faire, aussi, à la demande du Procureur ou du sujet intéressé.
Elle peut modifier sa décision si elle est convaincue que l’évolution des circonstances le justifie.
Article 58
DÉLIVRANCE PAR LA CHAMBRE PRÉLIMINAIRE D’UN MANDAT D’ARRÊT
OU D’UNE CITATION À COMPARAÎTRE
1. À tout moment après l’ouverture d’une enquête, la Chambre préliminaire délivre, sur requête du
Procureur, un mandat d’arrêt contre une personne si, après examen de la requête et des éléments de
preuve ou autres renseignements fournis par le Procureur, elle est convaincue:
a) Qu’il y a des motifs raisonnables de croire que cette personne a commis un crime relevant de
la compétence de la Cour; et
b) Que l’arrestation de cette personne apparaît nécessaire pour garantir:
i) Que la personne comparaîtra;
ii) Qu’elle ne fera pas obstacle à l’enquête ou à la procédure devant la Cour, ni n’en
compromettra le déroulement; ou
iii) Le cas échéant, qu’elle ne poursuivra pas l’exécution du crime dont il s’agit ou d’un crime
connexe relevant de la compétence de la Cour et se produisant dans les mêmes circonstances.
2. La requête du Procureur contient les éléments suivants:
a) Le nom de la personne visée et tous autres éléments utiles d’identification;
b) Une référence précise au crime relevant de la compétence de la Cour que la personne est
censée avoir commis;
c) L’exposé succinct des faits dont il est allégué qu’ils constituent ce crime;
d) Un résumé des éléments de preuve qui donnent des motifs raisonnables de croire que la
personne a commis ce crime; et

706
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

e) Les raisons pour lesquelles le Procureur estime qu’il est nécessaire de procéder à l’arrestation
de cette personne.
3. Le mandat d’arrêt contient les éléments suivants:
a) Le nom de la personne visée et tous autres éléments utiles d’identification;
b) Une référence précise au crime relevant de la compétence de la Cour qui justifie l’arrestation;
et
c) L’exposé succinct des faits dont il est allégué qu’ils constituent ce crime.
4. Le mandat d’arrêt reste en vigueur tant que la Cour n’en a pas décidé autrement.
5. Sur la base du mandat d’arrêt, la Cour peut demander l’arrestation provisoire ou l’arrestation et la
remise de la personne conformément au chapitre IX.
6. Le Procureur peut demander à la Chambre préliminaire de modifier le mandat d’arrêt en requalifiant
les crimes qui y sont visés ou en y ajoutant de nouveaux crimes. La Chambre préliminaire modifie le
mandat d’arrêt si elle a des motifs raisonnables de croire que la personne a commis les crimes requalifiés
ou les nouveaux crimes.
7. Le Procureur peut demander à la Chambre préliminaire de délivrer une citation à comparaître au lieu
d’un mandat d’arrêt. Si la Chambre préliminaire est convaincue qu’il y a des motifs raisonnables de croire
que la personne a commis le crime qui lui est imputé et qu’une citation à comparaître suffit à garantir
qu’elle se présentera devant la Cour, elle délivre la citation, avec ou sans conditions restrictives de liberté
(autres que la détention) si la législation nationale le prévoit. La citation contient les éléments suivants:
a) Le nom de la personne visée et tous autres éléments utiles d’identification;
b) La date de comparution;
c) Une référence précise au crime relevant de la compétence de la Cour que la personne est
censée avoir commis; et
d) L’exposé succinct des faits dont il est allégué qu’ils constituent le crime.
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La citation est notifiée à la personne qu’elle vise.


Article 59
PROCÉDURE D’ARRESTATION DANS L’ÉTAT DE DÉTENTION
1. L’État Partie (ou: de la communauté internationale) qui a reçu une demande d’arrestation
provisoire ou d’arrestation et de remise prend immédiatement des mesures pour faire arrêter la personne
dont il s’agit conformément à sa législation et aux dispositions du chapitre IX.
2. Toute personne arrêtée est déférée aussitôt à l’autorité judiciaire compétente de l’État de détention
qui vérifie, conformément à la législation de cet État:
a) Que le mandat vise bien cette personne;
b) Que celle-ci a été arrêtée selon la procédure régulière; et
c) Que ses droits ont été respectés.
3. La personne arrêtée a le droit de demander à l’autorité compétente de l’État de détention sa mise en
liberté provisoire en attendant sa remise.
4. Lorsqu’elle se prononce sur cette demande, l’autorité compétente de l’État de détention examine si,
eu égard à la gravité des crimes allégués, l’urgence et des circonstances exceptionnelles justifient la mise
en liberté provisoire et si les garanties voulues assurent que l’État de détention peut s’acquitter de son
obligation de remettre la personne à la Cour. L’autorité compétente de l’État de détention ne peut pas
examiner si le mandat d’arrêt a été régulièrement délivré au regard de l’article 58, paragraphe 1, alinéas a)
et b).
5. La Chambre préliminaire est avisée de toute demande de mise en liberté provisoire et fait des
recommandations à l’autorité compétente de l’État de détention. Avant de rendre sa décision, celle-ci
prend pleinement en considération ces recommandations, y compris éventuellement celles qui portent sur
les mesures propres à empêcher l’évasion de la personne.
6. Si la mise en liberté provisoire est accordée, la Chambre préliminaire peut demander des rapports
périodiques sur le régime de la liberté provisoire.
7. Une fois ordonnée la remise par l’État de détention, la personne est livrée à la Cour aussitôt que
possible.
Article 60
PROCÉDURE INITIALE DEVANT LA COUR
1. Dès que la personne est remise à la Cour ou dès qu’elle comparaît devant celle-ci, volontairement
ou sur citation, la Chambre préliminaire vérifie qu’elle a été informée des crimes qui lui sont imputés et des
droits que lui reconnaît le présent Statut, y compris le droit de demander sa mise en liberté provisoire en
attendant d’être jugée.
2. La personne visée par un mandat d’arrêt peut demander sa mise en liberté provisoire en attendant
d’être jugée. Si la Chambre préliminaire est convaincue que les conditions énoncées à l’article 58,
paragraphe 1, sont réalisées, la personne est maintenue en détention. Sinon, la Chambre préliminaire la
met en liberté, avec ou sans conditions.
3. La Chambre préliminaire réexamine périodiquement sa décision de mise en liberté ou de maintien
en détention. Elle peut le faire à tout moment à la demande du Procureur ou de l’intéressé. Elle peut alors
modifier sa décision concernant la détention, la mise en liberté ou les conditions de celle-ci si elle est
convaincue que l’évolution des circonstances le justifie.

707
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

4. La Chambre préliminaire s’assure que la détention avant le procès ne se prolonge pas de manière
excessive à cause d’un retard injustifiable imputable au Procureur. Si un tel retard se produit, la Cour
examine la possibilité de mettre l’intéressé en liberté, avec ou sans conditions.
5. Si besoin est, la Chambre préliminaire peut délivrer un mandat d’arrêt pour garantir la comparution
d’une personne qui a été mise en liberté.
Article 61
CONFIRMATION DES CHARGES AVANT LE PROCÈS
1. Sous réserve du paragraphe 2, dans un délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour
ou sa comparution volontaire devant celle-ci, la Chambre préliminaire tient une audience pour confirmer
les charges sur lesquelles le Procureur entend se fonder pour requérir le renvoi en jugement. L’audience
se déroule en présence du Procureur et de la personne faisant l’objet de l’enquête ou des poursuites, ainsi
que du conseil de celle-ci.
2. La Chambre préliminaire peut, à la demande du Procureur ou de sa propre initiative, tenir une
audience en l’absence de l’intéressé pour confirmer les charges sur lesquelles le Procureur entend se
fonder pour requérir le renvoi en jugement lorsque la personne:
a) A renoncé à son droit d’être présente; ou
b) A pris la fuite ou est introuvable, et que tout ce qui était raisonnablement possible a été fait
pour garantir sa comparution devant la Cour et l’informer des charges qui pèsent contre elle et de
la tenue prochaine d’une audience pour confirmer ces charges.
Dans ces cas, la personne est représentée par un conseil lorsque la Chambre préliminaire juge que
cela sert les intérêts de la justice.
3. Dans un délai raisonnable avant l’audience, la personne:
a) Reçoit notification écrite des charges sur lesquelles le Procureur entend se fonder pour
requérir le renvoi en jugement; et
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b) Est informée des éléments de preuve sur lesquels le Procureur entend se fonder à l’audience.
La Chambre préliminaire peut rendre des ordonnances concernant la divulgation de renseignements
aux fins de l’audience.
4. Avant l’audience, le Procureur peut poursuivre l’enquête et peut modifier ou retirer des charges. La
personne visée reçoit notification de tout amendement ou retrait de charges dans un délai raisonnable
avant l’audience. En cas de retrait de charges, le Procureur informe la Chambre préliminaire des motifs de
ce retrait.
5. À l’audience, le Procureur étaye chacune des charges avec des éléments de preuve suffisants pour
établir l’existence de motifs substantiels de croire que la personne a commis le crime qui lui est imputé. Il
peut se fonder sur des éléments de preuve sous forme de documents ou de résumés et n’est pas tenu de
faire comparaître les témoins qui doivent déposer au procès.
6. À l’audience, la personne peut:
a) Contester les charges;
b) Contester les éléments de preuve produits par le Procureur; et
c) Présenter des éléments de preuve.
7. À l’issue de l’audience, la Chambre préliminaire détermine s’il existe des preuves suffisantes
donnant des motifs substantiels de croire que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont
imputés. Selon ce qu’elle a déterminé, la Chambre préliminaire:
a) Confirme les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il y avait des preuves suffisantes et
renvoie la personne devant une chambre de première instance pour y être jugée sur la base des
charges confirmées;
b) Ne confirme pas les charges pour lesquelles elle a conclu qu’il n’y avait pas de preuves
suffisantes;
c) Ajourne l’audience et demande au Procureur d’envisager:
i) D’apporter des éléments de preuve supplémentaires ou de procéder à de nouvelles enquêtes
relativement à une charge particulière; ou
ii) De modifier une charge si les éléments de preuve produits semblent établir qu’un crime
différent, relevant de la compétence de la Cour, a été commis.
8. Lorsque la Chambre préliminaire ne confirme pas une charge, il n’est pas interdit au Procureur de
demander ultérieurement la confirmation de cette charge s’il étaye sa demande d’éléments de preuve
supplémentaires.
9. Après confirmation des charges et avant que le procès ne commence, le Procureur peut modifier les
charges avec l’autorisation de la Chambre préliminaire et après que l’accusé en a été avisé. Si le
Procureur entend ajouter des charges supplémentaires ou substituer aux charges des charges plus
graves, une audience doit se tenir conformément au présent article pour confirmer les charges nouvelles.
Après l’ouverture du procès, le Procureur peut retirer les charges avec l’autorisation de première instance.
10. Tout mandat déjà délivré cesse d’avoir effet à l’égard de toute charge non confirmée par la
Chambre préliminaire ou retirée par le Procureur.
11. Dès que les charges ont été confirmées conformément au présent article, la Présidence constitue
une chambre de première instance qui, sous réserve du paragraphe 9 et de l’article 64, paragraphe 4,
conduit la phase suivante de la procédure et peut remplir à cette fin toute fonction de la Chambre
préliminaire utile en l’espèce.

708
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

CHAPITRE VI. LE PROCÈS


Article 62
LIEU DU PROCÈS
Sauf s’il en est décidé autrement, le procès se tient au siège de la Cour.
Article 63
PROCÈS EN PRÉSENCE OU EN ABSENCE DE L’ACCUSÉ
1. L’accusé est présent ou absent à son procès. Le procès par contumace est admis.
2. Si l’accusé, présent devant la Cour, trouble de manière persistante le déroulement du procès, la
Chambre de première instance peut ordonner son expulsion de la salle d’audience et fait alors en sorte
qu’il suive le procès et donne des instructions à son conseil de l’extérieur de la salle, au besoin à l’aide
des moyens techniques de communication. De telles mesures ne sont prises que dans des circonstances
exceptionnelles, quand d’autres solutions raisonnables se sont révélées vaines et seulement pour la durée
strictement nécessaire.
Article 64
FONCTIONS ET POUVOIRS DE LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
1. Les fonctions et pouvoirs de la Chambre de première instance énoncés dans le présent article sont
exercés conformément au Statut et au Règlement de procédure et de preuve.
2. La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit conduit de façon équitable et avec
diligence, dans le plein respect des droits de l’accusé et en ayant pleinement égard à la nécessité
d’assurer la protection des victimes et des témoins.
3. Lorsqu’une affaire est renvoyée en jugement conformément au présent Statut, la Chambre de
première instance à laquelle elle est attribuée:
a) Consulte les parties et adopte toutes procédures utiles à la conduite équitable et diligente de
l’instance;
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b) Détermine la langue ou les langues du procès; et


c) Sous réserve de toutes autres dispositions applicables du présent Statut, assure la divulgation
de documents ou de renseignements encore non divulgués, suffisamment tôt avant l’ouverture du
procès pour permettre une préparation suffisante de celui-ci.
4. La Chambre de première instance peut, si cela est nécessaire pour assurer son fonctionnement
efficace et équitable, soumettre des questions préliminaires à la Chambre préliminaire ou, au besoin, à un
autre juge disponible de la Section préliminaire.
5. La Chambre de première instance peut, en le notifiant aux parties, ordonner la jonction ou la
disjonction, selon le cas, des charges portées contre plusieurs accusés.
6. Dans l’exercice de ses fonctions avant ou pendant un procès, la Chambre de première instance
peut, si besoin est:
a) Assumer toutes les fonctions de la Chambre préliminaire visées à l’article 61, paragraphe 11;
b) Ordonner la comparution des témoins et leur audition ainsi que la production de documents et
d’autres éléments de preuve, en obtenant au besoin l’aide des États selon les dispositions du présent
Statut;
c) Assurer la protection des renseignements confidentiels;
d) Ordonner la production d’éléments de preuve en complément de ceux qui ont été recueillis avant le
procès ou présentés au procès par les parties;
e) Assurer la protection de l’accusé, des témoins et des victimes; et
f) Statuer sur toute autre question pertinente.
7. Le procès est public. Toutefois, la Chambre de première instance peut, en raison de circonstances
particulières, prononcer le huis clos pour certaines audiences aux fins énoncées à l’article 68 ou en vue de
protéger des renseignements confidentiels ou sensibles donnés dans les dépositions.
8. a) À l’ouverture du procès, la Chambre de première instance fait donner lecture à l’accusé des
charges préalablement confirmées par la Chambre préliminaire. La Chambre de première instance
s’assure que l’accusé comprend la nature des charges. Elle donne à l’accusé la possibilité de plaider
coupable selon ce qui est prévu à l’article 65, ou de plaider non coupable;
b) Lors du procès, le Président peut donner des instructions pour la conduite de la procédure,
notamment pour qu’elle soit conduite d’une manière équitable et impartiale. Sous réserve de toute
instruction du Président, les parties peuvent produire des éléments de preuve conformément aux
dispositions du présent Statut.
9. La Chambre de première instance peut notamment, à la requête d’une partie ou d’office:
a) Statuer sur la recevabilité ou la pertinence des preuves; et
b) Prendre toute mesure nécessaire pour assurer l’ordre à l’audience.
10. La Chambre de première instance veille à ce que le Greffier établisse et conserve un procès-verbal
intégral du procès relatant fidèlement les débats.
Article 65
PROCÉDURE EN CAS D’AVEU DE CULPABILITÉ
1. Lorsque l’accusé reconnaît sa culpabilité comme le prévoit l’article 64, paragraphe 8, alinéa a), la
Chambre de première instance détermine:
a) Si l’accusé comprend la nature et les conséquences de son aveu de culpabilité;
b) Si l’aveu de culpabilité a été fait volontairement après consultation suffisante avec le défenseur
de l’accusé; et

709
RÉFLEXIONS SUR LE SYSTÈME DU DROIT INTERNATIONAL PÉNAL

c) Si l’aveu de culpabilité est étayé par les faits de la cause tels qu’ils ressortent:
i) Des charges présentées par le Procureur et admises par l’accusé;
ii) De toutes pièces présentées par le Procureur qui accompagnent les charges et que l’accusé
accepte; et
iii) De tous autres éléments de preuve, tels que les témoignages, présentés par le Procureur ou
l’accusé.
2. Si la Chambre de première instance est convaincue que les conditions visées au paragraphe 1 sont
réunies, elle considère que l’aveu de culpabilité, accompagné de toutes les preuves complémentaires
présentées, établit tous les éléments constitutifs du crime sur lequel il porte, et elle peut reconnaître
l’accusé coupable de ce crime.
3. Si la Chambre de première instance n’est pas convaincue que les conditions visées au paragraphe
1 sont réunies, elle considère qu’il n’y a pas eu aveu de culpabilité, auquel cas elle ordonne que le procès
se poursuive selon les procédures normales prévues par le présent Statut et peut renvoyer l’affaire à une
autre chambre de première instance.
4. Si la Chambre de première instance est convaincue qu’une présentation plus complète des faits de
la cause serait dans l’intérêt de la justice, en particulier dans l’intérêt des victimes, elle peut:
a) Demander au Procureur de présenter des éléments de preuve supplémentaires, y compris des
dépositions de témoins; ou
b) Ordonner que le procès se poursuive selon les procédures normales prévues par le présent
Statut, auquel cas elle considère qu’il n’y a pas eu aveu de culpabilité et peut renvoyer l’affaire à
une autre chambre de première instance.
5. Toute discussion entre le Procureur et la défense relative à la modification des chefs d’accusation, à
l’aveu de culpabilité ou à la peine à prononcer n’engage pas la Cour.
Article 66
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PRÉSOMPTION D’INNOCENCE
1. Toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie devant la Cour
conformément au droit applicable.
2. Il incombe au Procureur de prouver la culpabilité de l’accusé.
3. Pour condamner l’accusé, la Cour doit être convaincue de sa culpabilité au-delà de tout doute
raisonnable.
Article 67
DROITS DE L’ACCUSÉ
1. Lors de l’examen des charges portées contre lui, l’accusé a droit à ce que sa cause soit entendue
publiquement, compte tenu des dispositions du présent Statut, équitablement et de façon impartiale. Il a
droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes:
a) Être informé dans le plus court délai et de façon détaillée de la nature, de la cause et de la
teneur des charges dans une langue qu’il comprend et parle parfaitement;
b) Disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et communiquer
librement et confidentiellement avec le conseil de son choix;
c) Être jugé sans retard excessif;
d) Sous réserve des dispositions du paragraphe 2 de l’article 63, être présent à son procès, se
défendre lui-même ou se faire assister par le défenseur de son choix; s’il n’a pas de défenseur,
être informé de son droit d’en avoir un et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, se voir
attribuer d’office un défenseur par la Cour, sans frais s’il n’a pas les moyens de le rémunérer;
e) Interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et l’interrogatoire
des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. L’accusé a
également le droit de faire valoir des moyens de défense et de présenter d’autres éléments de
preuve admissibles en vertu du présent Statut;
f) Se faire assister gratuitement d’un interprète compétent et bénéficier des traductions
nécessaires pour satisfaire aux exigences de l’équité, si la langue employée dans toute
procédure suivie devant la Cour ou dans tout document présenté à la Cour n’est pas une langue
qu’il comprend et parle parfaitement;
g) Ne pas être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable, et garder le silence
sans que ce silence soit pris en considération pour déterminer sa culpabilité ou son innocence;
h) Faire, sans prêter serment, une déclaration écrite ou orale pour sa défense; et
i) Ne pas se voir imposer le renversement du fardeau de la preuve ni la charge de la réfutation.
2. Outre toute autre communication prévue par le présent Statut, le Procureur communique à la
défense, dès que cela est possible, les éléments de preuve en sa possession ou à sa disposition dont il
estime qu’ils disculpent l’accusé ou tendent à le disculper ou à atténuer sa culpabilité, ou sont de nature à
entamer la crédibilité des éléments de preuve à charge. En cas de doute quant à l’application du présent
paragraphe, la Cour tranche.
Article 68
PROTECTION ET PARTICIPATION AU PROCÈS DES VICTIMES ET DES TÉMOINS
1. La Cour prend les mesures propres à protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la
dignité et le respect de la vie privée des victimes et des témoins. Ce faisant, elle tient compte de tous les
facteurs pertinents, notamment l’âge, le sexe tel que défini à l’article 7, paragraphe 3, et l’état de santé,
ainsi que la nature du crime, en particulier, mais sans s’y limiter, lorsque celui-ci s’accompagne de

710
ANNEXE 3
TEXTES JURIDIQUES RÉFORMÉS

violences à caractère sexuel, de violences à caractère sexiste ou de violences contre des enfants. Le
Procureur prend ces mesures en particulier au stade de l’enquête et des poursuites. Ces mesures ne
doivent être ni préjudiciables ni contraires aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable
et impartial.
2. Par exception au principe de la publicité des débats énoncé à l’article 67, les Chambres de la Cour
peuvent, pour protéger les victimes et les témoins ou un accusé, ordonner le huis clos p

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