Les Missions Multiples Résultant de L'encadrement de L'économie Par Les Pouvoirs Publics

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TITRE II. Les missions multiples résultant de l’encadrement de


l’économie par les pouvoirs publics

Les formes de l’encadrement de l’économie par les pouvoirs publics ont été considérablement
renouvelées après la disparition des deux grands instruments de police économique dont
disposait l’Etat. En particulier le contrôle des prix et le contrôle des changes et des
investissements, compte tenu de la libéralisation de l’économie. L’ordonnance du 1 er
décembre 1986 ne laisse subsister que des possibilités exceptionnelles d’intervention
économique de l’Etat. Malgré cela, l’Etat dispose de nouveaux leviers d’intervention.

Chapitre 1. La protection administrative de la concurrence

Loi n°2008-776 du 4 août 2008 portant modernisation de l’économie (loi LME)


Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances (« loi Macron »)

Différence entre les règles de concurrence et les règles de mise en concurrence :


- Les règles de droit de la concurrence ont pour objet de prévenir et de corriger toutes
les perturbations portant atteinte au bon fonctionnement d’un marché. La norme
fondamentale c’est la liberté d’entreprise. On a les règles nationales de concurrence et
les règles européennes de concurrence. Par exemple, l’interdiction d’un abus de
position dominante (Article 102 TFUE).

- Les règles de la mise en concurrence : Le fonctionnement normal du marché doit


être construit. Il n’est pas acquis. Le pivot de ce droit ce n’est pas la liberté
d’entreprise mais le principe d’égalité entre les entreprises. C’est sur cette égalité que
repose l’obligation de transparence dont la mise en concurrence est le corollaire
immédiat. On a tout ce qui renvoie au droit des marchés publics.
En France, on a une ordonnance du 1er décembre 1986 qui est à la source du droit public de la
concurrence.
I- L’ordonnance du 1er décembre 1986 à la source du droit public de la
concurrence

A. Une redéfinition des pratiques anticoncurrentielles


PAC (pratiques anticoncurrentielles)
La réglementation de la concurrence résulte de cette ordonnance qui a abrogé les deux
ordonnances historiques du 30 juin 1945. Désormais, les prix des biens, des produits et des
services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence. On rompt avec le droit
antérieur. Le droit de la concurrence n’est plus un instrument parmi d’autres de la lutte contre
la hausse des prix. Désormais, le droit de la concurrence est érigé en mécanisme fondamental
du fonctionnement de l’économie en France. L’ordonnance va regrouper sous le nom de PAC
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plusieurs qualifications juridiques. Elle interdit les ententes (article 7 de l’ordonnance). Sont
également interdits les abus de position dominante (article 8). L’article 38 de l’ordonnance
revient aussi sur le contrôle des concentrations.
Toutes les dispositions de l’ordonnance ont été codifiées dans le code du commerce, en
particulier au livre 4. Il faut faire la distinction méthodologique entre le droit des ententes et le
droit des abus de position dominante. Cela forme un ensemble homogène. On est face à un
droit prohibitif qui réprime des comportements interdits et qui entraine un mécanisme de
plainte devant des organes compétents pour accueillir ces plaintes. Il faut distinguer du droit
des concentrations qui n’est pas un droit prohibitif et qui vise à contrôler les structures des
entreprises. En droit des concentrations, le mécanisme de plainte est exclu comme en droit des
ententes ou en droit des abus.
L’article 53 de l’ordonnance a particulièrement attiré l’attention à l’époque. Il est devenu
l’article L410-1 du coco. Il indique que les personnes privées qui se livrent à des activités de
production, de distribution ou de service doivent respecter les règles de concurrence. Mais, il
en est de même pour les personnes publiques qui se livrent à ces mêmes activités. Non
seulement les personnes privées sont visées par le droit de la concurrence mais toutes les
sociétés publiques et tous les EPIC.
B. L’institution d’une Autorité de la concurrence (succédant au Conseil de la
concurrence)
Cette ordonnance a créé le Conseil de la concurrence. Aujourd’hui, on parle de l’Autorité
française de la concurrence. Innovations :
Le Conseil de la concurrence n’est plus cantonné dans un rôle consultatif et va prendre des
décisions juridiques et prononcer des sanctions contre les entreprises qui enfreindraient les
règles de la concurrence.
Il pouvait être saisi directement par les entreprises et non plus seulement par le ministre de
l’économie.
Les recours formés contre ses décisions devaient être portés devant la Cour d’appel de Paris et
non plus devant la juridiction administrative.
Avec cette ordonnance, s’est fait jour l’idée que le droit de la concurrence est devenu le cadre
ordinaire des activités privées des entreprises et non plus l’instrument de l’intervention de
l’administration. Ca devient un mécanisme fondamental pour le fonctionnement de
l’économie française.
Le conseil de la concurrence va développer ses activités jusqu’à une réforme d’envergure : la
loi de 2008 portant modernisation de l’économie LME  l’Autorité de la concurrence
remplace le conseil de la concurrence créé par l’ordonnance de 1986.
Il y a eu de nombreux débats intenses en doctrine à partir de 1986 pour définir la qualité de ce
Conseil de la concurrence. Est-ce une juridiction ? La loi LME du 4 aout 2008 a tranché ce
débat : L’Autorité de la concurrence est une AAI. On est face à une AAI particulière parce
qu’il y a une dimension juridictionnelle. On ne peut pas la réduire à la fonction
juridictionnelle puisque la multiplication de ses fonctions dépasse la simple juridiction. La
Cour de cassation considère que l’Autorité de la concurrence est une autorité non
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juridictionnelle même lorsqu’elle est appelée à prononcer une sanction ayant le caractère
d’une punition : Cour de cassation, 30 septembre 2021.
Il y a des caractéristiques qui renvoient de manière frappante à ceux d’une juridiction : Le fait
que la procédure est pleinement contradictoire pour toutes les parties comme devant une
juridiction sous réserve du secret des affaires. La procédure avec un vocabulaire de nature
judiciaire.
L’autorité de la concurrence dispose d’une compétence d’attribution  celle de sanctionner
les PAC. La loi LME affirme de façon nouvelle les missions de l’autorité qui doit veiller au
libre jeu de la concurrence. Elle doit aussi apporter son concours au fonctionnement
concurrentiel des marchés aux échelons européen et international.  Idée suivant laquelle
l’Autorité de la concurrence est inscrite dans un réseau européen de concurrence REC.
C’est une chose de sanctionner les PAC (Autorité française de la concurrence ou la
Commission à son niveau). C’est autre chose de réguler un marché sectoriel ou général
(renvoi aux missions des AAI). Les missions de l’Autorité de la concurrence renvoient à la
répression à posteriori des pratiques anticoncurrentielles. Il faut distinguer ce cadre des AAI :
Façonner le marché sectoriel à priori afin d’établir ou de maintenir un équilibre entre les
acteurs qui interviennent sur ce marché sectoriel. Elles sont là aussi pour prévenir les risques
d’abus. On n’est pas du tout sur les mêmes missions ce qui n’empêche pas à priori que
l’autorité de la concurrence travaille en collaboration avec les AAI.
On a quand même des risques de contrariété entre les décisions prises par l’Autorité de la
concurrence et les décisions prises par une AAI sectorielle. Mais ces risques de contrariété
sont limités. Le pouvoir de règlement des litiges de certaines AAI peut intervenir dans des
situations où se posent des problèmes de concurrence. C’est surtout dans ce cadre qu’il peut y
avoir des contrariétés. Mais ces risques sont limités parce que dans de nombreuses lois
existent des passerelles permettant à l’Autorité de la concurrence de dialoguer avec ces
autorités. Il y a beaucoup de procédures de consultations réciproques. Cette autorité de la
concurrence c’est un collège qui fait autorité. Collège de 17 membres fixés par décret avec
des magistrats mais aussi des personnalités issues des milieux professionnels. L’autorité de la
concurrence présente à la fois des traits juridictionnels et corporatistes. Il ne s’agit pas de
représenter toutes les facettes de l’économie. On a un collège important en lien avec les
contraintes imposées au titre de l’article 6 de la CEDH.
Concernant les enquêtes, on a séparé et clarifié les fonctions d’instruction et de décision. On a
amélioré les services d’enquête : Il existe des services dirigés par un rapporteur général.
L’autorité dispose de moyens réels pour instruire les affaires.
Les moyens pour mettre à jour les PAC :
 Les saisines externes représentent une source importante d’information de l’autorité
puisque les entreprises, les organisations professionnelles, les associations de
consommateurs, les ministres, CT sont habilités en vertu de la loi à saisir l’autorité de
la concurrence. On a une dizaine de saisines tous les ans par des entreprises.

 Les saisines ministérielles sont devenues rares et c’est tant mieux pour limiter
l’immixtion du ministre de l’E dans les affaires. On a au sein de l’Autorité un
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rapporteur général qui choisit les suites à donner aux rapports d’enquête qui peuvent
venir de Bercy.

 Autre source d’information : Les auto-saisines contentieuses, on a en a une douzaine


par an, auto-saisine sur initiative du rapporteur général. Exemple : Le secteur de
production de médicaments et la manière dont les médicaments sont distribués aux
pharmacies posent souvent problème.

 Les dispositifs de clémence : La clémence peut être une source d’information pour
l’autorité. Les entreprises vont faire une demande de clémence. Ces entreprises vont
dénoncer une pratique anti-concurrentielle et vont coopérer à la procédure. On a
plusieurs demandes de clémence enregistrées tous les ans.

 Dernière source d’information : La coopération au sein du REC (Réseau européen de


concurrence). Il y a des échanges d’informations numérisées entre toutes les autorités
nationales de concurrence à propos de la violation articles 101 (interdictions ententes)
et 102 (interdictions abus de position dominante) TFUE.  Cela peut contribuer à
l’apport d’une PAC pour une ANC précise. Il y a des enquêtes communes où plusieurs
ANC vont pouvoir démontrer qu’une entreprise implantée dans plusieurs Etats
membres ne respecte pas le droit de la concurrence ou le droit des ententes (Exemple
de Booking).

1) Les attributions consultatives de l’Autorité de la concurrence


L’autorité de la concurrence possède des attributions consultatives.
Elle peut être saisie sur toute question de concurrence par le gouvernement, par le Parlement,
les CT, les organisations professionnelles (les chambres pros/CCI), les organisations
syndicales et les organisations de consommateurs (Article L462 du coco).
Dès lors qu’on est sur un projet de texte restreignant la concurrence ou réglementant les prix,
l’Autorité est obligatoirement consultée.
En matière de concentrations, on a une intervention essentielle de l’Autorité de la
concurrence.
Elle peut aussi être consultée par les juridictions quand cela est nécessaire pour résoudre un
litige.
Elle peut être consulter par des AAI (régulation sectorielle).
2) Les attributions contentieuses de l’Autorité de la concurrence
L’Autorité de la concurrence peut agir dans différentes directions. La loi EME précise toute la
panoplie des pouvoirs de l’autorité notamment infliger des sanctions pécuniaires, adresser des
injonctions contraignant les entreprises à modifier leur comportement.
Elle peut aussi prononcer un non-lieu à poursuivre la procédure si les faits ne révèlent pas
l’existence d’une pratique prohibée par le coco. Elle peut aussi déclarer irrecevable une
requête déposée par des parties.
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Elle peut prendre des mesures conservatoires  Une décision provisoire à caractère
d’urgence à la demande d’une des parties lorsqu’une pratique porte une atteinte grave et
immédiate à la concurrence.
La loi LME a complété la panoplie des pouvoirs de l’autorité en y ajoutant le transfert le
contrôle de l’exécution de ses propres décisions, en particulier le contrôle du respect des
injonctions et des engagements qui sont demandés par l’Autorité.
Les mesures et décisions prises par l’autorité font l’objet d’une publicité dans le BOCCRF
(bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraude)
La procédure devant l’Autorité est soumise au principe du contradictoire. Le secret des
affaires doit être respecté.
a) Le développement des procédures négociées
Depuis l’ordonnance de 1986, le droit de la concurrence a changé de nature. Il a été conçu au
départ comme un droit de la sanction. Plus le temps a passé, plus il transparait comme un droit
de la négociation. On a vu émerger des procédures de négociation devant l’Autorité de la
concurrence. Nous avons 3 principales procédures négociées :
- Les programmes de clémence (ou la procédure de la clémence) reposent sur la
dénonciation d’une PAC  Mécanisme redoutable et assez tordu puisqu’il s’agit de
faire de la délation xD Ce mécanisme vient des USA (droit anti trust). Elle a été
introduite en 1996 par la Commission dans le droit européen de la concurrence. Cela
permet à la première entreprise qui apporte les preuves de l’existence d’une entente
non identifiée par la Commission ou par une ANC de bénéficier d’une réduction
significative de l’amende encourue voire de bénéficier d’une immunité totale. Ce
système a été perfectionné au fil du temps par le droit européen. On a un programme
modèle de clémence apparu en 2006 sur lequel tend la Commission comme les ANC à
l’alignement de programme modèle. Grâce à cette procédure, des dizaines d’ententes
internationales particulièrement graves ont été révélées à la Commission européenne.
La Commission a pu infliger des sanctions pécuniaires extrêmement élevées à des
cartels dont on ne se doutait pas. Exemple : Cartels des ascenseurs xD La Commission
a identifié 4 grands groupes ascensoristes qui s’accordaient sur les prix, sanction d’un
1milliards d’euros. Cartel du verre plat xD Saint Gobin (Sanction de 900 millions
d’euros) et autres opérateurs moins importants. On a aussi beaucoup de délations en
rapport avec la grande distribution agroalimentaire. On a pu identifier des cartels.
Exemple cartel de producteurs de yaourts comme Yoplait, la laiterie de Saint Malo.
PS : La clémence ne peut être mise en œuvre qu’en présence d’une entente et non
d’une autre pratique anticoncurrentielle. Elle s’inscrit dans le contexte de lutte contre
les ententes les plus graves, ce que la Commission appelle les « ententes
injustifiables ». C’est le moyen privilégié pour combattre des cartels très puissants
mais aussi très difficiles à détecter et surtout à prouver. Il faut donc apporter des
éléments probatoires intéressants. Il y a des ententes sur les prix. Les ententes les plus
graves sont aussi celles qui conduisent à la répartition du marché entre opérateurs d’un
point de vue géographique. A l’issue de la procédure de clémence, l’autorité peut
octroyer à l’entreprise une exonération de sanction dont le degré varie selon son rang
d’arrivée. Le système est pervers puisque la première entreprise qui dénonce bénéficie
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d’une immunité pure et simple « clémence de premier rang ». Les entreprises


suivantes bénéficieront elles d’une immunité partielle « clémence de deuxième rang »
(- 50% max de la sanction), cela peut aller jusqu’au troisième rang ou plus dans des
affaires plus compliquées (si les entreprises apportent des éléments de valeur
significative).

- La procédure de la transaction (procédure de non contestation des griefs devant


l’Autorité de la concurrence) introduite par la loi du 6 aout 2015 (loi Macron) :
Rapidité de la phase contradictoire et les entreprises peuvent escompter une moindre
sévérité de la sanction pécuniaire. Il s’agit là pour l’entreprise d’abandonner le droit de
se défendre en échange d’un rabais assez important sur l’amende à payer. Le taux de
réduction de la sanction est décidé par le collège. On est en général autour de 10% de
réduction. Le champ d’application de la transaction s’étend, contrairement à la
clémence, à l’ensemble des PAC. L’entreprise peut demander une transaction mais
sans être décisionnaire. Le rapporteur général décide d’accepter ou non la demande de
transaction émanant de l’entreprise.

- La procédure des engagements : C’est la procédure négociée la plus mise en œuvre


devant la Commission et les ANC. La vocation c’est de permettre aux autorités de la
concurrence d’intervenir rapidement pour éliminer certains comportements
d’entreprises. On est sur des PAC qui représentent de faibles degrés de gravité. Par
exemple des ententes dans le marché public d’une particulière nocivité sont exclues de
ce type de dispositifs. D’un point de vue procédural, ces procédures d’engagement
présentent l’avantage de conduire au prononcé d’un non-lieu et donc à la clôture de la
procédure. Cette procédure est très intéressante pour les entreprises à un double niveau
puisque de manière immédiate elle leur permet d’échapper à une sanction pécuniaire
et ensuite, elle permet d’échapper à la qualification juridique de PAC du
comportement en cause qui a été examiné par la Commission/ANC. Cela a des
répercussions sur le contentieux éventuel à venir. On est sur un non-lieu. Par
conséquent, sur le plus long terme, il y a des répercussions importantes avec les
procédures des engagements. La première c’est que s’agissant des suites judiciaires de
l’affaire, la victime de la PAC qui souhaiterait obtenir indemnisation de son préjudice
auprès de l’entreprise en cause va être confrontée à d’importantes difficultés de
preuve. Elle ne pourra pas s’appuyer sur une décision rendue par la Commission ou
par l’ANC qui n’aura pas qualifié la pratique de PAC puisqu’il y a eu un non-lieu.
Ensuite, l’entreprise qui réitérait à l’avenir le même type de comportement ne peut pas
être considérée juridiquement comme en état de récidive. Or, en droit de la
concurrence, une entreprise récidiviste s’expose à un alourdissement important de la
sanction pécuniaire qui va lui être infligée. Il y aucune notification des griefs à
l’entreprise mise en cause. La procédure se caractérise par un formalisme minimum.
C’est le rapporteur général de l’ADLC qui décide de l’opportunité de la poursuite des
engagements. Publicité sur le site internet  Les plaignants peuvent émettre des
observations. La négociation intervient tout au long de la procédure. L’autorité
conserve sa liberté d’appréciation jusqu’au bout. S’ils sont acceptés, les engagements
deviennent obligatoires. A ce moment, leur inexécution entraine la condamnation de
l’entreprise au payement d’une sanction pécuniaire. La décision d’engagement peut
faire l’objet d’un recours en réformation ou en annulation devant la cour d’appel de
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Paris. Les engagements qui vont induire un changement de pratique ou de structure


dans une entreprise ne concernent pas que les personnes privées. Des injonctions ont
déjà été adressées à des collectivités publiques. La procédure d’engagement peut
aboutir à « une contractualisation de l’action administrative » (doctrine).
Décision 2022-1035 QPC du 10 février 2023 : QPC émanant de la Cour de cassation relative
à une phrase du coco qui faisait débat  L’article 464-2 dispose que l’ADLC peut accepter
des engagements proposés par les entreprises de nature à mettre un terme à ses préoccupations
de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées. Ces dispositions
méconnaissaient selon les requérants plusieurs principes.
 1er grief : les principes d’indépendance et d’impartialité. La disposition du coco
n’exclurait pas un préjugement des faits par les membres de l’Autorité. Hypothèse :
Membres qui participent successivement à l’examen de la proposition d’engagement
et aux poursuites. Si jamais elle n’accepte pas l’engagement, les mêmes personnes
seraient impliquées dans le prononcé d’une sanction à raison des mêmes faits.

 2ème grief : Mobilisation des droits de la défense. Les documents présentés dans le
cadre de la procédure d’engament peuvent être utilisés à l’encontre de l’entreprise
mise en cause dans le cadre d’une procédure de sanction si la procédure d’engagement
n’aboutit pas.

 3ème grief : Le droit à un recours juridictionnel effectif. Les entreprises ne disposent


pas d’une voie de recours spécifique en cas de rejet de leur proposition d’engagement.
Le Conseil va rejeter l’ensemble de ces arguments. L’article est conforme à la Constitution. Il
rejette une lecture trop rigoureuse du principe d’impartialité. Nous avons plusieurs procédures
de régulation paralysées par des QPC invoquant le principe d’impartialité, ce qui pose
problème pour les AAI. Toutefois, le Conseil pose dans sa décision qu’au regard des
conséquences que le refus de la procédure d’engagement peut entrainer pour une
entreprise, ce refus doit être regardé comme une décision susceptible de faire l’objet
d’un recours. La Cour d’appel de Paris avait pris position en sens contraire. Elle avait estimé,
notamment dans son arrêt du 21 avril 2022, que les seules décisions d’acceptation des
engagements sont susceptibles de recours (et non les décisions de refus).
L’approche du Con con parait audacieuse et peut soulever des difficultés. L’ADLC s’est
exprimée devant le Con con et a fait valoir le fait que si le Conseil admettait le recours direct
des entreprises contre le refus d’accepter des engagements, cela pourrait favoriser des
manœuvres dilatoires de la part de certaines entreprises qui auraient intérêt à gagner du temps
(recours en première instant devant la cour d’appel + Pourvoi devant la Cour de cassation) 
Les entreprises annulent l’un des atouts de la procédure : La rapidité que l’ADLC peut
apporter aux préoccupations de concurrence. On est aux antipodes d’une procédure répressive
et c’est justement tout l’intérêt de la procédure. Par ailleurs, l’introduction de la possibilité
d’un recours direct parait porteuse d’un nouvel équilibre dans les négociations des
engagements. On est sur un pouvoir de l’ADLC qui va être enfermé dans des limites plus
étroites (éventualité du recours si refus). Ici, les arguments de procédure ont eu une
importance stratégique par rapport aux arguments substantiels pour encadrer l’action
économique. (Les arguments substantiels : L’envergure de l’ADLC par rapport à la procédure
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d’engagement a été dénoncée en utilisant comme fondement les libertés économiques telles
que la liberté d’entreprendre.)
b) L’infliction de sanctions pécuniaires
La sévérité de l’autorité a été de plus en plus remarquée au fil du temps. L’ADLC a mis en
évidence les produits de la marque Apple : Augmentation de 1.1 milliards d’euros à la charge
d’Apple pour avoir imposé à tous ses détaillants des prix excessivement élevés. Dans les
années 2000, on a une montée en puissance des sanctions pécuniaires de l’ADLC. 534
millions d’euros à l’encontre des 3 opérateurs téléphoniques en 2006. C’était plus que la
condamnation de la Commission à l’encontre de Microsoft pour abus de position dominante.
Depuis la loi NRE (Nouvelle régulation économique), le montant maximum d’une sanction
pécuniaire c’est 10% du chiffre d’affaires du groupe hors taxe mondiale.  Accroissement du
montant des sanctions.
Ce qui change la donne c’est que les pouvoirs de l’Autorité sont augmentés au stade de
l’enquête. Avec la loi PACTE, l’ADLC s’est vu doter d’un nouveau pouvoir l’autorisant à
accéder à toutes les données de connexion (L’AMF a aussi ce seul pouvoir. Donc, l’AMF et
l’ADLC sont les seules à détenir ce pouvoir).
L’ADLC a révisé sa méthode pour déterminer sa sanction. En 2021, elle a abrogé sa méthode
datant de 2011. Ce qui est intéressant c’est que le communiqué publié par l’Autorité accentue
l’harmonisation partielle du régime des sanctions prises par l’Autorité sur le fondement du
101 et 102 du TFUE. Il s’agit de garantir que toutes les ANC soient à même de prononcer des
sanctions pécuniaires effectives, proportionnées et dissuasives (prise en compte de la durée
et de la gravité de l’infraction). C’est ce que dit la directive ECN+ de 2019. Elle vise à doter
les ANC de moyens pour appliquer plus efficacement les règles de concurrence. Les sanctions
n’ont pas de vocation réparatrice. L’ADLC a mis en ligne une carte des sanctions interactives.
Une plateforme Hermes a été mise en ligne. Elle permet d’échanger efficacement entre
l’administration et les avocats des entreprises. Aujourd’hui, cette plateforme est prévue par le
coco.
L’ADLC est parvenue à conduire Google à prendre des engagements à modifier ses pratiques
dans une décision rendue en 2021 à propos des pratiques de Google : 220 millions d’euros
pour le secteur de la publicité en ligne alors qu’on est sur un marché émergeant. L’Autorité
démontre sa capacité non seulement à sanctionner rapidement une PAC, mais dans ce type
d’affaire, on démontre que le travail en réseau devient incontournable. La portée c’est que si
l’entreprise Google ne respecte les engagements souscrits, elle s’expose à de lourdes
conséquences.
3) Les recours contre les décisions de l’Autorité de la concurrence
En vertu d’une loi du 6 juillet 1987, les recours contre les décisions l’ADLC relèvent d’une
chambre spéciale de la cour d’appel de Paris. En 1986, une ordonnance a envisagé un contrôle
du CE sur le pouvoir de sanction que pouvait exercer le conseil de la concurrence. On a
finalement retenu le contrôle de la cour d’appel de Paris. Le Con con a été saisi. Dans sa
décision du 23 janvier 1987, le Con con a choisi de valider le transfert de la compétence de
contrôle en faveur de la cour d’appel de Paris. On est sur une volonté de créer un bloc
cohérent de compétences à profit du JJ. Le Con con a jugé que ce choix était bien fondé
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malgré le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire sur le fondement de


l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Avec la réforme LME, la cour d’appel de
Paris a obtenu la compétence exclusive pour connaitre de recours en matière de pratiques
restrictives de concurrence. On a créé au sein de la cour d’appel de Paris un pôle de la
régulation économique. Le recours devant la cour d’appel de Paris n’est pas suspensif. Les
arrêts rendus par la cour d’appel de Paris sont susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi en
cassation dans le mois suivant leur notification. Le pourvoi n’est pas suspensif.
Un élément nouveau de la loi LME : Le président de l’Autorité de la concurrence peut à
présent former un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant annulé ou réformé
une décision de l’ADLC.  Accentuation du caractère frontal entre l’ADLC et la cour
d’appel de Paris. La cour d’appel de Paris fait souvent preuve de plus de mansuétude que
l’ADLC. Dans un certain nombre d’affaires, la cour d’appel de Paris n’hésite pas à trouver
des circonstances atténuantes aux entreprises pour diminuer le montant des amendes.
Le pouvoir de négociation dans le cadre des procédures négociées.
L’ADLC se positionne comme un régulateur du marché. Elle sort de son rôle répressif et
affirme son rôle de régulateur. On a eu des problèmes dans le secteur de la viande de volailles
(PAC). Il y avait plusieurs ententes sur les prix entre 2000 et 2008 (prix proposés aux
grossistes et à la grande distribution). Le secteur de la volaille est en crise. Il subit une
conjoncture très défavorable. Les sanctions financières de l’ADLC sont vues à la baisse mais
elle demande aux acteurs de prendre l’engagement de créer une interprofession de la volaille.
Cette décision démontre que quand on est en contexte de crise, la méthodologie pour fixer les
sanctions n’est pas fixée par l’Autorité. L’ADLC saisit l’occasion pour restructurer toute une
filière économique en obligeant à la mise en place d’une interprofession. La restructuration du
secteur en difficulté va être constamment placé sous le contrôle d’une autorité.  Logique de
régulation.
II- La dualité des mécanismes de contrôle des pratiques anticoncurrentielles
Le système de contrôle de la libre concurrence est complexe dès lors qu’existe un double
corpus de règles de droit et un double mécanisme de contrôle. Les deux systèmes de normes
se recoupent et ont un champ d’application commun. Le droit de l’Union va s’y intéresser.
Sinon, le droit français de la concurrence retrouve sa propre logique. On a un double niveau
de lecture. Le droit français a un champ d’application plus large que le droit européen de
la concurrence.
A. Le contrôle des ententes et abus de domination
L’ordonnance de 1986 a posé les règles en la matière. Elle pose un principe de double
compétence : Les poursuites sont exercées soit par l’ADLC, soit par les juridictions
judiciaires. C’est en 1986 qu’on a retiré au ministre de l’E le pouvoir important qu’il détenait
à ce sujet. On parlait d’un pouvoir politique.
Relèvent des juridictions judiciaires tous les abus constitutifs de faute pénale ou de faute
civile (refus de vente, vente liée etc…). L’ordonnance de 1986 a procédé à la dépénalisation
de plusieurs fautes comme le refus de vente (devient une faute civile). Les juridictions,
qu’elles soient civiles ou pénales, peuvent être saisies par les entreprises et par les
administrations.
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Les poursuites peuvent être exercées par l’ADLC. On est sur des sanctions administratives.
1) Le contrôle en droit français
Le contrôle en droit français est différent du contrôle en droit de l’Union. L’article 101 du
TFUE ne s’applique que si une pratique fausse la concurrence sur un marché, alors que de
nombreuses dispositions du coco sanctionnent les comportements indépendamment de leur
répercussion sur la situation de la concurrence sur un marché. Par exemple : La concurrence
déloyale, la revente à perte. Ces dispositions poursuivent un objectif propre. On est sur des
comportements qui ne peuvent pas être sanctionnés par l’article 101 du TFUE. La
concurrence déloyale est prohibée dans le droit français de la concurrence mais elle n’est pas
prohibée en tant que telle par le TFUE.
2) Le contrôle en droit de l’Union européenne
Ce contrôle s’appuie sur les articles 101 et 102 du TFUE.
* Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles
régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la
concurrence des États membres et de l'Union européenne

* Directive 2019/1/UE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de
concurrence des Etats membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à
garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (directive ECN+)

a) Les ententes (article 101 TFUE)


Les ententes illicites sont concernées par l’article 101 du TFUE si elles affectent les échanges
entre les Etats membres. La portée de cet article est générale. Sont concernés les produits, les
services et les droits de propriété industrielle. Ce qui est visé au travers de l’article 101, c’est
la collusion entre les entreprises avec un résultat ou un but illicite.
L’article 101 du traité ne mentionne pas l’exigence d’un élément intentionnel. Une entente
peut éventuellement ne pas être considérée comme restrictive de concurrence. Dans ce cas-là,
elle ne sera pas condamnée et pourra être rachetée sur le fondement de l’article 101 § 3 du
TFUE. L’une des innovations du règlement n°1/2003/CE du Conseil du 16 décembre 2002
relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité
(mise en œuvre décentralisée des articles 101 et 102 du traité), c’est que l’application de
l’article 101 § 3 du TFUE relève de la compétence des autorités nationales. Avant, c’était la
Commission européenne qui avait compétence exclusive pour appliquer l’article 101 § 3
(avant 81 § 3 du traité CE).
L’ADLC a reçu le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 du TFUE. L’article 5 du
règlement précité prévoit expressément que les ANC sont compétentes pour appliquer les
articles 101 et 102. Le REC a été créé grâce au règlement n°1/2003. Les ANC sont obligées
de transmettre à la Commission toutes les décisions d’application de ces articles, dès lors que
ces décisions sont notifiées aux parties.
b) L’exploitation abusive des positions dominantes (article 102 TFUE)
La domination d’une entreprise est, en elle-même, licite même si elle ne laisse subsister
qu’une concurrence résiduelle. L’article 102 sanctionne exclusivement l’exploitation abusive
d’une position dominante. L’entreprise en position dominante a une responsabilité particulière
11

sur le marché européen, celle de ne pas porter atteinte à la concurrence dans ce marché
intérieur. La frontière entre le comportement normal et le comportement anormal d’une
entreprise en position dominante est parfois ténue. Le comportement anormal peut venir de
l’entreprise elle-même mais parfois il peut venir de la législation nationale qui va offrir des
droits exclusifs à une entreprise qui est déjà dans une position dominante  Les économistes
appellent cela l’abus automatique d’une position dominante. C’est le cas avec un monopole
que l’Etat peut conférer à une entreprise qui est déjà en position dominante sur un marché.
Illustration : CJUE, 1991, Höfner : Le service de placement des chômeurs en Allemagne ne
pouvait pas continuer à bénéficier d’un monopole accordé par les pouvoirs publics. Cela
conduit l’organisme à abuser de sa position dominante.
Affaire Corsica Ferries : Un volet de l’affaire c’était que les pouvoirs publics français avaient
homologué des tarifs excessifs au profit de l’entreprise sur le marché de la desserte maritime
(Corse – Continent).
Dans certaines affaires, on a pu avoir une annulation pure et simple de la législation nationale
à l’origine de l’abus automatique et à tout le moins, la Cour va obliger le juge national à
laisser inappliquée la loi qui a instauré cet abus automatique.
B. Le contrôle des concentrations
Constitue une concentration une opération de fusion entre deux ou plusieurs entreprises qui
étaient auparavant indépendantes. Il peut s’agir aussi d’une acquisition directe ou indirecte et
du contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une ou de plusieurs entreprises. Cette définition
est très large. Elle a été forgée par le droit européen. Elle a été reprise à l’article L430-1 du
coco. Elle peut viser même une simple cession d’actifs. Par exemple : la cession d’un droit de
propriété intellectuelle (une marque, un brevet) peut constituer une concentration.
1) Le contrôle en droit de l’Union européenne
Ce contrôle est apparu tardivement avec un règlement de contrôle des concentrations qui a été
adopté en 1989, abrogé depuis par le règlement n°139/2004/CE du Conseil du 20 janvier 2004
relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.
Ce règlement européen rattache la notion de concentration à la notion de changement
durable du contrôle de l’entreprise. Ce changement durable peut résulter de deux types
d’opérations : Soit des fusions, soit des acquisitions. En revanche, sont exclues du champ
d’application du règlement européen toutes les cessions des entreprises ou les restrictions
d’entreprises consécutives à des procédures collectives.
L’article 2 du règlement permet d’interdire les concentrations qui entraveraient de manière
significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie
substantielle de celui-ci. La Commission va appliquer le test de l’entrave significative à la
concurrence effective dans le marché commun. C’est un test complexe de nature économique.
Il y a une multiplicité de paramètres économiques à prendre en compte par la Commission.
Elle doit tenir compte de la position sur le marché de toutes les entreprises concernées par le
projet de concentration, leur puissance économique, leur puissance financière, l’existence de
barrière à l’entrée sur le marché, les intérêts des consommateurs en distinguant les intérêts des
consommateurs intermédiaires et les intérêts des consommateurs finaux. En revanche, on
laisse de côté les aspects sociaux (impact d’un projet de concentration sur l’emploi). Les
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syndicats regrettent souvent cela. Exemple : Concentration Nestlé – Perrier. Le tribunal de


l’UE a expliqué que c’était normal que les projets sociaux ne soient pas examinés et que la
Commission effectuait un bilan strictement économique.
Contrairement à l’entente et l’abus, on est là sur un contrôle particulier parce que c’est un
contrôle des structures. C’est un contrôle ex ante. Cela change tout dans la mesure où
l’appréciation des effets d’une opération de concentration est fondée davantage sur une
analyse économique prospective que sur des éléments de preuve. Le raisonnement que peut
tenir le juge ou une ANC est totalement différent du raisonnement qui peut être conduit en
matière d’ententes ou d’abus. On doit imaginer ce que l’opération de concentration pourrait
avoir comme impact sur le marché alors même que l’opération n’a pas encore été réalisée.
Que ça soit la Commission ou les ANC, il faut motiver solidement les analyses d’anticipation
qui sont réalisées. Les analyses économiques prospectives doivent être extrêmement bien
motivées parce qu’autrement, sur le fondement d’une insuffisance de motivation, on peut
avoir une annulation ou une contestation.
Au niveau du contrôle européen, seules les concentrations qui ont une dimension
communautaire vont être éligibles au contrôle européen. Ce contrôle assuré par la
Commission est de nature préalable. Dès lors que certains seuils précisés dans le règlement de
2004 sont atteints, les projets de concentration de dimension communautaire doivent être
notifiés à la Commission qui a reçu une compétence exclusive pour apprécier ces projets. Si
une entreprise notifie avec retard à la Commission l’acquisition du contrôle sur une autre
entreprise, elle n’hésite pas à infliger de lourdes amendes (10% du chiffre d’affaires annuel de
l’entreprise en cause). Exemple : En 2009, Electrabel a révélé avec 4 ans de retard sa prise de
contrôle de la compagnie nationale du Rhône : Amende 20 millions d’euros. Elle pensait que
quelques années plus tard, ça passerait sous les radars xD En soi, il n’y avait aucun souci de
concurrence. Mais la Commission a envoyé un signal clair aux entreprises : Il faut informer la
Commission en amont ! L’obligation de notification constitue l’élément fondamental du
système européen de contrôle des concentrations.
Dans le règlement européen, on trouve des seuils. C’est une question sensible puisque ces
seuils déterminent la ventilation des compétences entre la Commission et les ANC. L’article
1 § 2 : La concentration est de dimension communautaire si deux critères sont remplis :
- Le Chiffre d’affaires mondial de toutes les entreprises impliquées dans le projet
excède 5 milliards d’euros.

- Le chiffre d’affaires réalisé individuellement dans l’union par les deux principales
entreprises concernées par le projet de concentration doit dépasser 250 millions
d’euros.
Le double seuil est le seuil principal. Mais une concentration moins importante peut devenir
de dimension communautaire si un autre ensemble de seuils est satisfait. Cela est indiqué dans
l’article 1 § 3.
Il n’y a pas de principe de compétences concurrentes des droits nationaux avec le droit de
l’Union.
En droit des concentrations, on a le principe des guichets uniques  L’entreprise a
forcément un seul interlocuteur : La Commission ou l’ANC. Au niveau européen, on a une
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mise en réseau importante. Dans le règlement 139/2004, on a des affaires relevant à priori des
ANC qui peuvent être communautarisées et des affaires de dimension communautaire qui
peuvent être nationalisées. On a une certaine souplesse en fonction par exemple de l’expertise
d’une ANC. Ce contrôle des concentrations n’a pas vocation à interdire les opérations de
concentration. A ce jour, on a une vingtaine de décisions d’interdiction prises par la
Commission. On a dû avoir près de 3400 opérations contrôlées (seule une vingtaine a abouti à
une interdiction). Quand c’est le cas, ça fait du bruit. Exemple : Echec du projet Siemens –
Alstom. L’enjeu réside au niveau des engagements qui vont être demandés par la
Commission et qui ont pour effet de supprimer les effets anticoncurrentiels de l’opération
mise en place. Les engagements sont pris par les entreprises pour que la Commission déclare
l’opération compatible avec le marché intérieur. La plupart du temps, les engagements
consistent dans des modifications structurelles. Cela va souvent résulter dans des cessions
d’actifs. Les entreprises cèdent des actifs. C’est très facile à contrôler. Cela s’opère souvent
sous la direction d’un mandataire. On est sur des engagements structurels à différencier des
engagements de comportement.
La commission a autorisé l’acquisition de Fitbit par Google. Elle a demandé des engagements
importants. Dimension internationale : En particulier la Commission a coopéré avec l’autorité
de la concurrence américaine parce qu’il s’agit d’une question sur les données à caractère
personnel. Google a pris des engagements de comportement : Etanchéité des données
collectées par les montres Fitbit à l’égard de Google. Google s’est engagé pour
l’interopérabilité des montres connectées avec Android.
Le projet de concentration Monsanto-Bayer : La prof ne comprend même pas que ça soit
accepté par la Commission et en plus en quelques mois xD Il y a un grand enjeu de santé
publique. Mais pour la Commission : Aucun problème xD Il faut juste que Monsanto prenne
des engagements structurels.
Il faut être sur des dossiers très spécifiques pour que la Commission interdise des projets de
concentration. Et on a l’impression qu’à l’usure, les projets de concentration peuvent aboutir.
Alstom – Siemens : En 2019, la Commission a dit non. On était sur un problème important de
concurrence. La nouvelle entité allait détenir une position ultra dominante, notamment le
marché de la signalisation et celui du matériel roulant. On est sur un dossier très politique. A
l’été 2020, la Commission a autorisé le rapprochement entre Alstom et Bombardier en
utilisant un cadre similaire. Elle est parvenue à une décision d’autorisation malgré l’ampleur
des engagements. Un géant transatlantique a été créé.
Finalement, l’acteur qui a pris beaucoup d’importance c’est le tribunal de l’UE. Il s’est
imposé comme un acteur incontournable. C’est la phase la plus importante de la procédure de
contrôle. De nombreuses affaires ont atterri auprès du tribunal de l’UE à savoir que beaucoup
d’entreprises l’ont saisi pour remettre en cause les décisions prises par la Commission (une
décision d’interdiction de projet de concentration, des entreprises qui ne sont pas satisfaites
des engagements).  Airtours / First choice (aérien) : Le tribunal a donné raison aux
entreprises. Idem s’agissant du rachat par Airbus de Ryanair.
Le tribunal exerce un contrôle approfondi du raisonnement économique de la Commission. Il
fonde son contrôle sur la doctrine de l’erreur manifeste d’appréciation. Mais la prof pense
qu’il va beaucoup plus loin. On est dans un système qui n’est pas du tout satisfaisant. Même si
les entreprises obtiennent gain de cause devant le tribunal, quelles entreprises vont avoir la
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solidité financière pour se permettre d’attendre deux ou trois ans pour relancer leur projet de
concentration ? Deux années et demi se sont écoulées dans l’affaire Airtours entre la décision
de la Commission et l’arrêt du Tribunal. On est sur une procédure d’annulation classique
(deux ans à condition que la Commission ne fasse pas appel). Compte tenu des délais, quand
bien même l’entreprise obtient l’annulation, elle finit par jeter l’éponge xD Il faut en fait
rédiger à nouveau tout le projet de notification et reprendre toute la procédure de notification
depuis le début. Airtours a abandonné. On a également un problème de cumul des fonctions
par la Commission. Il faudrait concrètement revoir tout le système. On a introduit une
procédure accélérée (fast truck) qui concerne le tribunal et la cour également. Elle permet
d’obtenir du tribunal (et ensuite de la Cour) dans un délai de 7 à 12 mois une décision
définitive sur le fond. Ça soulève d’autres interrogations au regard du droit de la concurrence.
2) Le contrôle en droit français
Ce contrôle français a été institué par une loi de 1977. Il est apparu plus tôt que le contrôle
européen. Il diffère sur plusieurs points du contrôle communautaire qui allait apparaitre 12
ans plus tard. Ces différences ont été presqu’entièrement gommées. Le titre 3 au sein du livre
4 du coco s’intitule « Des concentrations économiques ».
La loi LME  Loi n°2008-776 du 4 août 2008 portant modernisation de l’économie :
Réforme en profondeur du contrôle français des concentrations.
a) Le pouvoir de décision transféré à l’Autorité de la concurrence
La France est restée longtemps attachée à un modèle de régulation de la concurrence dit
dualiste, c’est-à-dire reposant à la fois sur une autorité indépendante (l’ADLC) et sur le
ministre de l’économie. Entre ces deux autorités, les compétences étaient réparties selon une
alchimie subtile. La loi dite LME du 4 août 2008 va transférer les compétences en
matière de concentration du ministre de l’E vers la nouvelle ADLC. En effet, depuis
l’ordonnance de 1986 à la loi LME de 2008, le ministre de l’E avait la haute main sur la
surveillance des concentrations, tandis que le conseil de la concurrence était cantonné dans un
rôle d’expert économique. Le conseil de la concurrence était consulté par le ministre de l’E si
celui-ci décidait, à l’issue d’une première appréciation qu’on appelait la phase 1 du contrôle,
de poursuivre plus en avant l’examen de l’opération de concentration pour aller vers la phase
2 du contrôle. L’avis du conseil de la concurrence était donc requis. Désormais, la
détermination du sort réservé à une concentration revient à titre principal à l’ADLC qui
se prononce sur toutes les notifications dont elle est destinataire. Depuis la réforme de 2008,
seule l’ADLC est compétente pour prendre une décision soit à l’issue d’un examen simple
(phase 1 du contrôle), soit à l’issue d’une procédure d’examen approfondi (phase 2).
Il y a des délais d’examen impartis précis :
- Pour la phase 1, le délai d’examen est aligné sur les règles communautaires. Il a été
réduit à 25 jours.
- Pour la phase 2, l’ADLC dispose d’un délai réduit de 65 jours (au lieu de 4 mois avant
la réforme LME).
Il y a un large éventail de possibilités. Cela va de l’autorisation pure et simple, à la décision
d’interdiction en passant par l’autorisation assujettie à des engagements ou assorties
d’injonction. L’examen en phase 1 ne peut pas aboutir à une interdiction de l’opération. Les
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concurrents d’une entreprise ont intérêt à ce que l’autorité effectue un contrôle approfondi en
phase 2 puisqu’elle peut entendre des tiers. Il y a donc une contestation des décisions de refus
d’effectuer un contrôle approfondi en phase 2.
Chaque année, l’ADLC rend des dizaines de décisions dont certaines peuvent faire l’objet
d’une confirmation ou d’une infirmation par le Conseil d’Etat. Il y a parfois des contentieux
assez spectaculaires. En septembre 2011, l’ADLC a retiré l’autorisation de fusion entre
Canal+ et TPS qui a été accordé par Bercy en 2006. Canal + est condamné au paiement d’une
lourde amende d’un montant de 30 millions d’euros. L’autorisation de concentration initiale
conférait à Canal+ un quasi-monopole dans le domaine de la distribution de télévision payante
par satellite. A l’époque, l’opération n’a été autorisée que sous réserve du respect de 59
engagements structurels et comportementaux. Ces engagements posent de réelles difficultés.
Ils s’étalent sur le temps ce qui pose la question de leur effectivité. Pourquoi le ministre n’a
pas refusé purement et simplement ? 59 engagements structurels et comportementaux de
natures divergentes, ce n’est pas sérieux selon la prof xD Il vaut mieux avoir une autorité
strictement indépendante. Engagements : Permettre aux concurrents d’accéder à des
programmes pour pouvoir continuer à créer des bouquets de chaines payantes compétitives.
Le groupe Canal a manqué au respect de 10 engagements sur 59. Il est surprenant que
l’ADLC n’a pas reculé à la perspective du retrait de l’autorisation de cette concentration. 
Affirmation par rapport au ministère + signal aux entreprises de prendre au sérieux la
procédure des engagements. L’ADLC a pris une décision qui lui permet de réguler le marché
de la télévision payante. Elle s’affirme comme un vrai régulateur de ce marché. Elle cherche à
structurer la concurrence sur le marché quitte à engager un bras de fer avec un groupe tel que
Canal qui a décidé de contester le bien-fondé de la décision devant le CE. Le CE n’a pas
remis en cause la décision de l’ADLC. Il a confirmé la sanction de retrait. Pour faire bonne
figure, il a ramené la sanction financière de 30 millions à 27 millions d’euros xD  CE, 21
décembre 2012.
C’est le JA qui est compétent en matière de concentrations (pour des raisons historiques).
Le droit des concentrations va connaitre une recrudescence à l’avenir. Les restructurations
d’entreprises qui auront lieu dans les années à venir auront probablement une incidence sur
les décisions de l’ADLC sachant que celle-ci développe une analyse économique de plus en
plus sophistiquée. C’est ce qui ressort de ses lignes directrices relatives à son contrôle des
concentrations. Elle met en avant un certain nombre de théories économiques qui vont lui
servir sur le terrain pratique. Exemple : La théorie de l’entreprise défaillante  Théorie née
aux USA sous la houlette de la Cour suprême. Une opération de concentration peut être
autorisée même si elle porte atteinte à la concurrence dans le cas particulier de la reprise par
un concurrent d’une entreprise qui sinon disparaitrait après l’échéance, si l’opération n’était
pas réalisée. Les effets de la concentration sont considérés comme équivalents à ceux qui
auraient résulté de la disparition de l’entreprise défaillante. Cette théorie est rarement mise en
pratique car les conditions sont rigoureuses. La crise économique a remis au jour cette théorie
puisque plusieurs entreprises s’en sont sortis affaiblies. L’ADLC a évoqué cette théorie et a
fait comprendre qu’elle y recourrait. L’année dernière, elle a pris une décision où elle en a fait
une application inédite.  Rachat de Conforama par But : La décision de concentration a été
envoyée par la Commission parce qu’elle est susceptible de susciter des préoccupations de
concurrence en France : Renforcement d’un pouvoir d’achat du côté de But de nature à placer
les fournisseurs des produits de literie en état de dépendance économique. L’opération a
16

néanmoins été autorisée en se fondant sur l’exception de l’entreprise défaillante : Difficultés


de Conforama qui était au bord de la faillite.
Les critères ont été dégagés par le CE pour l’application de la théorie : CE, 2004, Société
royal Philipps Electronique : Affaire de concentration Moulinex SEB.
 Il faut que les difficultés économiques de la société entrainent sa disparition sans la
reprise.
 Il n’existe pas une autre offre de reprise moins dommageable pour la concurrence.
 La disparition de la société en difficulté ne serait pas moins dommageable pour les
consommateurs que la reprise projetée par le groupe But.

b) Le pouvoir résiduel d’évocation confié au Ministre chargé de l’économie pour des


motifs d’intérêt général
LME : Le ministre perd certains pouvoirs mais il en garde certains.
Commentateurs : La réforme LME est inachevée puisqu’on a maintenu des prérogatives
importantes au profit de Bercy.
Le ministre reste destinataire d’un dossier de notification et il est obligatoirement informé des
suites qui vont être réservées à la concentration. Il lui est loisible, en cas d’autorisation à
l’issue de la phase 1 du contrôle, de demander à l’ADLC de procéder à un examen approfondi
en phase 2 sans présenter de justification pour faire une telle demande. La prof pense qu’il
aurait été préférable d’étendre les pouvoirs du ministre en phase 1 au lieu de venir troubler
l’analyse économique de l’ADLC.
Il est reconnu au ministre de l’E une possibilité de passer outre la décision prise par l’ADLC à
l’issue de la phase 2 en considération de motifs d’IG autres que le maintien de la
concurrence en tenant compte de l’impact social ou de la politique de la concurrence de la
France ou de la compétitivité internationale.
Le bilan économique et concurrentiel incombe à l’ADLC et l’appréciation approfondie de
l’ADLC est fondée sur un bilan prospectif de l’opération. Le ministre peut évoquer une
affaire et statuer à la place de l’ADLC. La liste des motifs d’IG de la loi LME n’est pas
exhaustive. On peut penser qu’il aura intérêt à évoquer une affaire dans 3 hypothèses :
- En cas de décision d’interdiction pure et simple d’une opération, il peut inverser
l’interdiction.

- En cas de décision d’autorisation avec injonctions ou prescriptions, il peut assoupir


celles-ci.

- En cas de concentration autorisée par l’ADLC parce que non attentatoire à la


concurrence, il peut l’interdire au nom d’impératifs liés à la défense ou à la sécurité
publique. On peut penser au risque que peuvent présenter certains investissements
étrangers.
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La faculté d’intervention du ministre est donc très large. Les pouvoirs du ministre de l’E
français sont particulièrement importants en comparaison de ceux de ses homologues
européens (qui ont un pouvoir d’évocation dans le cas d’une interdiction d’une opération).
Les ministres successifs n’ont pas utilisé ce pouvoir prévu par l’article L430-7-30 du coco.
Bruno le Maire a été le premier à en user. Christine Lagarde avait insisté sur le fait qu’elle
comptait en faire un usage limité. Il a fallu attendre 10 ans pour qu’un premier usage de ce
pouvoir se présente avec Bruno le Maire.  Décision du Ministre de l’économie et des
finances du 19 juillet 2018 statuant sur la prise de contrôle exclusif d’une partie du pôle plats
cuisinés ambiants du groupe Agripole par Financière Cofigeo : La société Cofigeo s’apprêtait
à reprendre le contrôle de la société William Saurin du groupe Agripole. C’est le marché des
plats cuisinés appertisés (stérilisés avant d’être fermés de manière hermétique). On était sur la
création d’un quasi-monopole sur ce marché particulier de fabrication des plats cuisinés
italiens en conserve en France. L’ADLC a opéré un contrôle en phase 2. L’opération peut
avoir un impact important sur la concurrence à tel point que l’ADLC a décidé d’imposer des
injonctions. Or, Bruno le Maire n’a pas été d’accord avec cette approche. Il a évoqué l’affaire.
Il estime que les injonctions décidées par l’autorité sont susceptibles de remettre en cause la
viabilité de la stratégie industrielle de Cofigeo et les perspectives de croissance dans le
secteur. L’ADLC demandait la cession d’une usine (cession de la marque Zapetti). Cela
entrainerait des conséquences en chaine sur les fonctions supports (disparition des emplois).
Cela aurait dégradé immédiatement la rentabilité du groupe Cofigeo. Bruno le Maire est
intervenu pour maintenir les emplois du groupe Cofigeo (500 000 emplois). Cela pose la
question des finalités du droit de la concurrence. Protéger la concurrence ? Protéger les
concurrents ? Protéger les consommateurs ? Protéger l’emploi ? La décision de Bercy est
assez ambivalente. Le secteur alimentaire est un secteur où le contrôle des concentrations est
particulièrement important.
Base juridique droit européen  Directive 2004 : Article 21 paragraphe 4 : Permet au
ministre d’exercer un pouvoir d’évocation au nom de l’IG. On insiste dans la directive sur la
sécurité et sur la pluralité des médias. Mais on n’évoque pas de considérations sociales. Mais
il y a tout de même une certaine souplesse dans l’appréciation l’intérêt légitime permettant au
ministre d’exercer son pouvoir d’évocation.
L’ADLC en pratique n’interdit pas purement et simplement une opération de concentration.
C’est arrivé pour la première fois le 28 août 2020 dans le secteur du commerce en détail
alimentaire (Carrefour et Leclerc). L’ADLC redoutait un risque de duopole (dans la banlieue
parisienne) coordonné entre Leclerc et Carrefour dans cette zone, réduisant l’offre.
c) Le contentieux porté devant le juge administratif
C’est un contentieux non négligeable puisque le CE a rendu des dizaines d’arrêts en la matière
notamment par le biais du référé. On a une acculturation du JA à un raisonnement
économique qui était réservé aux autorités de concurrence. Exemple d’illustration de la
réception de l’analyse concurrentielle par le JA  CE, 19 juillet 2005, Sté Fiducial
Informatique et Sté Fiducial Expertise (arrêt avant dire droit) : En l’espèce, le CE a décidé
de saisir pour avis le Conseil de la concurrence afin de l’éclairer sur un projet de
concentration. Une société opérant sur le marché des progiciels de gestion voulait acheter une
autre société sur le même marché. Le CE n’arrivait pas à établir précisément les parts de
marché respectifs. L’opération a été autorisée par le ministre sans solliciter l’avis du Conseil
18

de la concurrence. C’était licite à l’époque (depuis la loi NRE en 2001, la consultation est
devenue obligatoire). Le CE va saisir directement le conseil de la concurrence sur le
fondement de ses pouvoirs généraux d’instruction. Audace du CE : Il n’y avait pas de
disposition dans le coco permettant de saisir le Conseil de la concurrence. En dehors de toute
disposition textuelle, le CE reconnait un rôle de principe au conseil de la concurrence en
matière de contrôle des concentrations. L’approche du CE a été critiquée. Les magistrats
choisissent de sortir de leur rapport direct avec le ministre et de se tourner vers le conseil en
introduisant une forme de contradiction technique. Cette façon de procéder a soulevé des
difficultés avant la loi LME.  CE,13 février 2006 : Au vu de l’avis rendu le 14 décembre
2005 par le Conseil de la concurrence, le CE estime que ministre n’a pas inexactement
apprécié la portée de la concentration litigieuse sur la concurrence.  Analyse
microéconomique très fouillée. Le CE utilise les mêmes méthodes d’analyse du marché que
l’ADLC. Etapes :
- Le CE effectue un examen du pouvoir de marché de la nouvelle entreprise (si les deux
entreprises se rapprochent).

- Ensuite, il recherche des obstacles éventuels quant aux possibilités pour des
concurrents d’entrer sur ce marché.

- Il établit un bilan concurrentiel.

- Il confirme la validité de l’opération de concentration autorisée par le ministre.


Il y a eu des moments forts entre Bercy et les magistrats. Le ministre prenait les décisions
d’autorisation ou d’interdiction. Exemple : Rachat Moulinex par SEB  CE, 13 février
2006, Société de Longhi SA : Le CE devait se prononcer sur la deuxième décision de Bercy
autorisant le rachat de Moulinex par Seb. La première version de Bercy avait été annulée en
2004 par le CE. Il a utilisé l’exception de l’entreprise défaillante. Il a annulé l’autorisation en
raison d’une erreur commise par Bercy dans l’analyse des gains d’efficacité dans le projet de
concentration. L’erreur avait été plutôt commise par l’ADLC et reprise telle quelle par Bercy.
Il a fallu reprendre le projet de A à Z. Dans l’arrêt de 2006, le CE valide l’analyse
concurrentielle du ministre.
Aujourd’hui, depuis la loi LME, Bercy est plus en retrait. Mais on a toujours des contentieux
intéressants notamment en matière des engagements. Exemple : CE, 8 novembre 2021,
Société Free (entreprise commune Salto) : Le CE opère un contrôle global des engagements
acceptés par l’ADLC. Le point de contrôle s’est déplacé et va porter sur la pertinence et
l’efficacité des engagements. Le JA a relevé, à plusieurs reprises, que la pertinence et
l’efficacité des engagements doivent être appréciées globalement en prenant en compte
l’ensemble des autres engagements. Le CE va juger que l’ADLC n’a pas commis d’erreur
de droit ni d’erreur d’appréciation. Il faut souligner qu’on était sur un dossier particulier :
coordination entre sociétés mères France Télé, M6 et TF1 avec une entreprise commune
dénommée Salto pour avoir comme activité l’édiction d’une offre de vidéo à la demande de
manière à contrecarrer les géants des plateformes américaines (Disney, Netflix). Il y avait un
risque de coordination entre les différentes chaînes ? En 2006, l’ADLC a autorisé la
concentration avec engagements visant à empêcher le partage d’informations sensibles entre
les sociétés mères et la nouvelle entreprise commune Salto. Il s’agissait de dissocier les
19

structures informatiques, services juridiques comptables, financiers… Le rapporteur public,


dans ce contentieux, avait procédé à une appréciation individualisée de chaque type
d’engagement souscrit par les sociétés. Il considérait que certains engagements ne peuvent pas
empêcher la circulation des informations et des agents. Il concluait à une erreur manifeste
d’appréciation de l’ADLC. Le CE ne va pas retenir l’erreur manifeste d’appréciation. Il
préfère opter pour une appréciation globalisante de l’ensemble des engagements. Incidence :
Cela aurait pour effet de minimiser l’éventuelle insuffisance de certains engagements tel que
relevé par le rapporteur public. L’ADLC n’a exigé que des engagements comportementaux à
l’exclusion d’engagements structurels (ce qui aurait été plus efficace selon la requérante, la
société Free). Le CE considère que cela est sans incidence sur la légalité de la décision.
On est dans un tournant au niveau du contentieux. A voir comment l’approche du CE
évoluera.
CE, 27 juin 2007, Société Métropole Television
CE, Ass., 21 décembre 2012, Groupe Canal Plus, Vivendi Universal
III- L’appréciation de la légalité administrative au regard des règles de
concurrence

A. Une police administrative sous le contrôle de l’autorité judiciaire chargée du


contentieux de la concurrence
Décision n°86-224 DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le
contentieux des décisions du Conseil de la concurrence : Le Con con a validé le transfert
des compétences de contrôle du contentieux de la concurrence en faveur de la cour d’appel de
Paris au détriment du CE.
Malgré cette décision, L’article L410-1 du coco a repris l’article 53 de l’ordonnance de 1986.
Il dispose que « les règles définies au présent livre s’appliquent à toutes les activités de
production, de distribution et de services y compris celles qui sont le fait de personnes
publiques notamment dans le cadre de conventions de délégation de service publique ». Il y a
eu beaucoup d’hésitations et d’errements de la part du juge. L’arrêt Ville de Pamiers a
obscurci le cadre juridique. T. confl., 6 juin 1989, Pamiers : Les règles de concurrence ne
s’appliquent aux personnes publiques que si elles se livrent à des activités de production, de
distribution et de services. Et le TC considère que l’organisation d’un SP de distribution de
l’eau n’est pas constitutive d’une activité de production, de distribution et de services. En
effet, le TC juge que l’acte juridique de dévolution de l’exécution de ce service n’est pas, par
lui-même, susceptible d’empêcher, de restreindre, ou de fausser le jeu de la concurrence sur le
marché.
Cet arrêt du TC a été très critiqué. Il introduit une grande incertitude dans l’application des
règles de concurrence de l’ordonnance de 1986 à l’égard des activités de SP. Le TC pose de
façon brutale que l’organisation du SP et les actes administratifs qui en découlent se trouvent
à l’abri des règles de la concurrence et du contrôle du Conseil de la concurrence  Idée
traditionnelle qui est toujours un peu présente en filigrane dans la JP : Le SP est antinomique
avec la mise en œuvre du droit de la concurrence.
20

Assez rapidement, il a fallu laisser place à une interprétation plus réaliste de l’article 53 de
l’ordonnance de 1986. La JP de référence en la matière TC, 1996, Société Data Sport c/
Ligue national du foot : La trame a complètement changé. Les activités des personnes
publiques peuvent relever du contrôle de l’ADLC dès lors qu’on est sur des actes
administratifs qui ne révèlent pas l’usage de PPP.
Les risques concurrentiels liés à l’intervention des personnes publiques sur le marché sont
considérables. Ils sont de plusieurs ordres.
- L’un des principaux risques, c’est la possibilité d’utiliser des moyens mis à disposition
au titre d’une mission de SP pour financer des activités concurrentielles. On songe à la
pratique des subventions croisées qui a visé les grands opérateurs publics (SNCF, la
Poste…).  Qualification juridique : Abus de position dominante (102 TFUE, 401-2
du coco). Pour éviter un détournement des subventions publiques, les autorités de la
concurrence ont préconisé la mise en place d’une comptabilité analytique retraçant
d’une façon bien stricte les activités de SP et les activités concurrentielles des
opérateurs publics. Il s’agit d’empêcher l’utilisation des moyens matériels et humaines
mis à la disposition de l’activité de SP au profit de l’activité concurrentielle.

- La pratique éventuelle de prix prédateurs qui peut être tentante pour un opérateur
public. C’est une infraction classique du droit des abus de position dominante.
L’ADLC applique le raisonnement de la CJUE qui avait dans son arrêt CJCE, 1991,
AKZO, établi un test traditionnel de prédation. Il a été repris par les ANC et
notamment par l’autorité française de la concurrence. Les prix sont considérés
comme prédateurs lorsqu’ils sont inférieurs à la moyenne des coûts variables
supportés par l’entreprise avec un plan ayant pour but d’éliminer un ou plusieurs
concurrents. Ce test de prédation connait des aménagements lorsque ces pratiques sont
le fait d’un opérateur public exerçant à la fois une activité de SP et une activité
commerciale. Question : Est-ce que EDF n’a pas pratiqué pendant une période assez
longue des prix prédateurs (électricité) ? Jamais en France, on n’a pu établir qu’EDF
avait mis en place des prix prédateurs. D’un point de vue strictement économique, on
peut penser que ça a été le cas (prix très bas pendant longtemps). Argument très habile
d’EDF : C’est le ministre de l’économie qui décide des prix (prix réglementés) 
EDF est passée entre les mailles du filet.
L’ADLC est aujourd’hui très vigilante pour sanctionner l’utilisation d’avantages liés au SP
accomplis par telle ou telle grande entreprise en France. On est là en dehors de la grille
traditionnelle d’analyse en droit des abus. Exemple : L’ADLC a sanctionné EDF pour avoir
utilisé son image de marque et sa notoriété dans le cadre de la commercialisation de ses offres
photovoltaïques. L’ADLC n’a pas hésité à sanctionner cette pratique, d’autant qu’EDF
utilisait son fichier clients pour promouvoir son offre.
B. La sanction des effets anticoncurrentiels des actes administratifs
A partir de l’année 1997, le CE va rendre opposables les règles de concurrence et le droit de la
concurrence aux décisions administratives. Cela touche à l’ensemble des domaines
traditionnels de l’action administrative. En conciliant un principe de libre concurrence avec
les objectifs de l’action publique, le JA a contribué à l’émergence d’un droit public de la
concurrence.
21

1) L’application du droit de la concurrence aux principales missions de


l’administration
Jusqu’en 1996, le JA refusait obstinément d’appliquer les règles de concurrence dans le cadre
du contentieux administratif. C’est la raison pour laquelle en 1995, le législateur a complété
l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 dans le but d’étendre son application aux
conventions de délégation de SP. C’est en 1996, dans l’arrêt CE, 1996, FFSA que le CE
accepte d’intégrer dans le bloc de légalité les règles communautaires de concurrence. En
1997, il intègre les règles françaises de concurrence  CE, 3 novembre 1997, Société
Million et Marais : La légalité d’un acte administratif peut être appréciée au regard de
l’ordonnance du 1er décembre 1986. Il s’agissait en l’espèce d’un maire qui a signé un contrat
attribuant à une société de pompes funèbres un droit exclusif sur les prestations de services
extérieurs des pompes funèbres de sa commune. Pour la première fois, le CE fait référence
aux règles françaises de concurrence. Il explique que cette situation crée une position
dominante au sens de l’article 8 de l’ordonnance de 1986. Le JA insiste sur le fait que c’est le
contrat lui-même signé par le maire de la commune qui crée une position dominante. Le CE
souligne que les clauses de ce contrat de concession ne peuvent légalement avoir pour effet de
placer l’entreprise dans une situation où elle contreviendrait aux prescriptions de
l’ordonnance. La décision place automatiquement la société en situation d’abuser de sa
position dominante. Cet arrêt consacre pour la première fois l’opposabilité de l’ordonnance de
1986 aux actes administratifs.
Un acte administratif ne peut pas en lui-même constituer une PAC mais l’acte administratif
peut favoriser voire provoquer des comportements anticoncurrentiels. Dans ce cas-là, l’acte
administratif viole les règles édictées par l’ordonnance. Mais la libre concurrence ne permet
d’emporter l’irrégularité de l’acte administratif que si la PAC est la conséquence directe et
immédiate de l’acte administratif. Pour que l’acte administratif soit censuré, il faut que
l’administration soit pleinement impliquée dans un acte administratif qui va générer,
encourager ou étendre une pratique anticoncurrentielle. Lorsque le lien de causalité n’est pas
établi, l’acte administratif est préservé et la pratique anticoncurrentielle acquiert un caractère
détachable (doctrine) et elle relèvera ensuite du contrôle éventuel des autorités de
concurrence. Ce qui peut être compliqué dans l’approche développée c’est la recherche d’un
degré d’implication de l’administration dans un processus anticoncurrentiel. On l’a bien
compris dans le contexte du contentieux porté devant le CE quand il s’agit d’apprécier des
décisions d’approbation et d’extension d’accords professionnels. Arrêt de principe  CE, 30
avril 2003, Syndicat professionnel des exploitants indépendants des réseaux d’eau et
d’assainissement : Le CE va ici annuler plusieurs dispositions de l’arrêté d’extension d’une
convention collective. Cet arrêté avait été pris par le ministre des affaires sociales. Le CE va
juger que le ministre ne pouvait pas procéder à cette extension au motif qu’elle est de nature à
fausser le jeu de la concurrence. Cet arrêt est intéressant parce que c’est la première fois que
le CE annule une décision administrative sur le fondement de la libre concurrence sans
référence à aucune disposition précise du coco. Le CE explique que la libre concurrence
doit l’emporter sur les avantages sociaux que les travailleurs auraient pu escompter de
l’extension de la convention collective. On est sur le secteur de la distribution et de
l’assainissement de l’eau en France. On a Veolia et Suez (et des petits opérateurs qui essayent
de sortir la tête de l’eau). C’est un marché très concentré. C’est la raison pour laquelle le CE
fait l’impasse sur les considérations d’ordre social. Le mécanisme imaginé à l’époque avait
22

pour conséquence qu’en cas de remise en concurrence des contrats de distribution d’eau et
d’assainissement conclus avec la commune, le nouveau délégataire (choisi par la commune)
devait reprendre le personnel de l’ancien délégataire alors même que le code de travail ne l’a
pas exigé. C’est un mécanisme qui avantage les grandes entreprises et limite l’accès des plus
petites entreprises à la commande publique. Dans tous les cas, le JA a eu un raisonnement
particulièrement intéressant en considérant que cela portait une atteinte excessive à la libre
concurrence. On a particulièrement remarqué cet arrêt pour deux raisons :
- Le CE annule rarement des arrêtés d’extension (considérations sociales souvent
déterminantes).
- Le CE n’hésite pas à se fonder sans base juridique textuelle sur le principe de la libre
concurrence pour procéder à cette censure.
Au-delà de cette filière JP, le droit de la concurrence va être appliqué par le JA à toutes les
décisions prises par les activités de police économique (au sens large). Ces activités ont un
impact sur l’accès au marché concurrentiel. Les décisions des personnes publiques peuvent
aussi conditionner l’accès au marché des opérateurs privés. On pense en particulier à la
commande publique. Dans la sphère régalienne, on trouve également toute l’activité de
gestion du domaine public qui est le support d’activités économiques.  CE, 1999, EDA : Le
CE commence à s’intéresser à l’impact du marché concurrentiel de gestion du domaine public
Vont être soumises au droit de la concurrence les mesures fiscales, ainsi que tous les actes
portant création d’une autorité administrative, les actes de police administrative  CE, avis,
22 novembre 2000, Société L & P Publicité Sarl : Le CE étend l’applicabilité du droit de la
concurrence aux actes de police administrative. L’activité de police administrative relève à
priori de l’activité économique et commerciale. Mais cet arrêt vient nous rappeler que
l’activité de PA ne saurait méconnaitre les règles de concurrence. En l’espèce, un TA
interrogeait le CE sur la validité, au regard de l’article 8 de l’ordonnance de 1986, d’un arrêté
municipal interdisant à l’avenir tout nouveau panneau publicitaire en centre-ville. Le CE va
rendre un avis mesuré. Il explique qu’il faut envisager l’applicabilité des règles de
concurrence aux actes de police mais il ne s’agit pas forcément d’une applicabilité pleine et
entière. Le JA constate que cet arrêté municipal empêche l’entrée de nouveaux opérateurs au
marché local de l’affichage urbain. Mais ensuite, le CE ne va pas déclarer les règles de
concurrence applicable. Il dit seulement que l’autorité de police doit les prendre en compte.
La formule du CE est assez ramassée : « L’autorité de police doit veiller à ce que ses mesures
de police ne portent aux règles de concurrence que des atteintes justifiées au regard des
objectifs de la réglementation des affichages urbains ». Ce sont donc les règles de police qui
priment et l’application des règles de concurrence a un caractère subsidiaire. Le CE justifie le
caractère subsidiaire par le fait que l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire et
qu’elle exerce des PPP. Dans des contentieux ultérieurs, ce n’est plus la mesure de police qui
est en cause mais la préparation de la mesure de police en raison des effets qu’elle peut avoir
 CE, 10 mars 2006, Commune d’Houlgate : Le ministre de l’intérieur doit prendre en
considération les effets sur la concurrence des modalités d’instruction prises par ses services
dans le cadre de l’autorisation de police spéciale requise pour exploiter des casinos. Il ne faut
pas qu’au stade où les demandes d’autorisation parviennent au ministère, les modalités
d’instruction puissent fausser la concurrence entre les candidats à la délégation d’un SP et
aboutir à un abus de position dominante. On constate que le champ de l’opposabilité du droit
23

de la concurrence aux actes administratifs n’a cessé de s’étendre y compris s’agissant des
activités de police économique.
2) L’émergence d’un droit public de la concurrence autonome

a) Les sources : l’apparition d’un « principe de la libre concurrence »


Est apparu un principe de la libre concurrence. Dans la plupart des cas, le JA se réfère
directement au coco ou aux règles du TFUE. Mais il a une grande latitude pour sélectionner
ses sources. Ce qui a été frappant c’est que le JA a utilisé de plus en plus souvent une source
spécifique de droit public de la concurrence qu’il a créé de façon prétorienne. Selon le CE,
l’existence de ce principe découle de l’ordonnance du 1 er décembre 1986 : CE, 30 avril 2003,
Syndicat professionnel des exploitants indépendants des réseaux d’eau et
d’assainissement. Le CE convoque pour la première fois ce principe de la libre concurrence.
Il s’affranchit des règles écrites. Ce principe permet au CE de maîtriser les sources de ce droit
public de la concurrence. Il va s’affranchir des règles du droit privé de la concurrence. Grâce
à ce principe prétorien, il peut, dans certains cas, s’affranchir de ces règles et en tempérer en
tout cas les exigences lorsqu’il estime qu’un IG est en cause. L’intérêt c’est qu’il peut dès lors
sanctionner tout avantage concurrentiel sans avoir à faire la démonstration des différents
critères exigés par le coco.
La question qui s’est posée : Comment on va articuler ce principe de libre concurrence avec
les autres libertés économiques précédemment examinées ? La libre concurrence est, en droit
interne, un PGD : CE, 1998, Union hospitalière privée. Dans différentes affaires, le CE a
souligné que si la libre concurrence peut être une exigence importante notamment pour
garantir le respect de la LE et du principe d’égalité, cette liberté de concurrence n’est pas au
nombre des droits et libertés garantis par la Constitution. Ce principe n'a rien en commun avec
les autres libertés économiques classiques comme la LE ou la LCI. Elles sont conçues comme
des libertés publiques de première génération, c’est à dire des principes juridiques qui
définissent une sphère d’autonomie du sujet du droit, ce dernier devant être protégé contre
toute incursion extérieure. On est face à des droits subjectifs. Ce n’est pas le cas du principe
de la libre concurrence. Il n’est pas conçu comme un moyen de protéger des droits individuels
vis-à-vis des pouvoirs publics. C’est une liberté qui tend plutôt à définir les modalités
d’intervention de l’Etat. Cette liberté s’oppose à ce que les autorités publiques génèrent,
favorisent ou amplifient une PAC. Cela veut dire que le principe de la libre concurrence vise
la protection du marché en tant que structure au-delà de la protection des intérêts particuliers
des concurrents. Dans l’approche du CE, la LCI et cette libre concurrence sont
complémentaires mais il n’est pas exclu que dans certains arrêts, ces deux libertés puissent
parfois s’opposer lorsque la libre concurrence vise la protection du marché dans son ensemble
alors que la LCI tend à préserver les droits individuels de certaines entreprises. Il y a eu
pendant un certain temps une certaine ambiguïté concernant l’articulation de ces deux libertés.
C’est l’arrêt RATP qui va établir la distinction entre la LCI et la LC. Très souvent, le CE avait
pour habitude de rejeter en bloc les moyens tirés d’une atteinte à la LCI ainsi qu’à la LC.
Souvent, les requérants invoquaient les deux principes mais, concernant la LC, sans se donner
la peine de décrire le marché pertinent au sens du droit de la concurrence  CE, 23 mai
2012, Régie autonome des transports parisiens (RATP) : Le principe de la LCI et les règles
de concurrence ont une signification et une portée différentes. Cet arrêt a permis d’harmoniser
les justifications aux restrictions apportées aux libertés économiques. Qu’il s’agisse de la LE
24

ou de la LCI, les autorités publiques ne peuvent y porter atteinte que pour des motifs tirés de
l’IG. C’est l’approche du Con con qui a été reprise par le CE. Le JA va donc contrôler à
l’avenir que l’atteinte apportée à une liberté économique est bien nécessaire à un objectif d’IG
et va effectuer un contrôle de proportionnalité classique. Le principe de la LC en tant que tel
est souvent utilisé par le CE. Jusque-là, il n’a pas acquis de valeur constitutionnelle. Ce
principe n’est pas pour le juge constitutionnel, un principe de valeur constitutionnelle. Le
principe s’impose seulement aux autorités administratives et judiciaires mais ne s’impose pas
au législateur dès lors que la seule liberté économique ayant une valeur constitutionnelle est la
LE. Le CE a adopté la même approche.
Cela dit, la référence à la concurrence a progressé dans la JP constitutionnelle mais il y a
toujours une grande ambiguïté. Quel est le fondement juridique du raisonnement du Con con ?
Dans certaines décisions, la LC est présentée par le Con con comme un corollaire du principe
d’égalité entre les entreprises. Dans d’autres décisions, le Con con présente les choses
différemment. Il présente le principe de la libre concurrence comme une préoccupation d’IG
qui relève d’un OP économique. Dans d’autres JP, la LC semble avoir un autre fondement
juridique. L’objectif de la LC semble se rattacher à la LE. Dans ces conditions, il n’existe
aucune certitude quant à l’éventuel fondement constitutionnel de cette libre concurrence. On
garde une sensation d’inachevé. En revanche, du côté du CE, la JP est bien stabilisée depuis
l’arrêt RATP.
Décision 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Groupe Canal +
b) La méthode du juge administratif
Le JA prend en compte l’analyse économique de manière très nette. Il utilise dans les
contentieux différentes analyses dont il va se servir pour identifier des actes administratifs
méconnaissant les règles de concurrence. Dans la plupart des arrêts, on peut noter que le JA
réalise un contrôle étendu de l’appréciation des faits. Il utilise une grille d’analyse
économique de façon très poussée. Illustration  CE, 29 juillet 2002, Cegedim (théorie des
facilités essentielles) : Le CE emprunte la théorie économique des facilités essentielles. Cette
théorie vise à mettre à la disposition des opérateurs économiques l’accès à une ressource rare
qu’on ne peut pas dupliquer. Il y a deux théories en une (Théorie des facilités essentielles et la
théorie des ressources rares). Les deux théories se rejoignent. On doit néanmoins les
distinguer. La ressource rare se distingue de la facilité essentielle en ce qu’elle est accordée
sous forme d’une autorisation administrative par une personne dotée de PPP. L’attribution
temporaire d’une ressource rare constitue une PPP exercée par l’Etat ou pour le compte de
l’Etat par une personne morale de droit public ou de droit privé. Exemples : Attribution de
numéros de téléphone par l’ARCEP, attributions des sillons ferroviaires aux trains,
attributions de noms de domaines pour les sites internet (Ils sont attribués par l’association à
but non lucratif l’AFNIC). La facilité essentielle crée, elle, une obligation de donner l’accès à
des infrastructures au bénéfice des concurrents. Si les concurrents en face n’ont pas accès au
marché amont, ils ne peuvent pas accéder au marché aval. Exemple : Marché aval du
transport, il faut avoir accès à l’infrastructure ferroviaire/maritime (marché amont). Ces
facilités essentielles ne requièrent pas une autorisation administrative par une personne dotée
de PPP. C’est ce qui marque la distinction. L’arrêt Cegedim a été une étape importante dans le
changement de comportement du JA. Il a fait référence explicitement à cette théorie. A
compter de cette JP novatrice, les organismes publics ne peuvent pas profiter d’un monopole
25

ou d’un quasi-monopole découlant de la propriété intellectuelle sur une base de données. Ici,
le CE était saisi d’un REP contre un acte administratif fixant les tarifs de commercialisation
d’un fichier qui était une base de données élaborée par l’INSEE (Fichier Sirène). En l’espèce,
l’arrêté attaqué établissait un tarif unitaire dégressif pour tous les clients finaux de l’INSEE
qui avaient besoin de ces données pour contacter des clients. Il s’agit d’une redevance de 20
centimes par fichier. Pour le JA, l’arrêté attaqué était de nature à placer l’INSEE en situation
d’abuser automatiquement de sa position dominante sur un marché pertinent. La redevance de
20 centimes est considérée comme élevée pour les entreprises qui ont besoin de centaines de
contacts pour constituer leurs fichiers. Le CE souligne que l’arrêté doit être censuré pour
méconnaissance de l’article 8 de l’ordonnance de 1986. Le CE va plus loin que la position
dominante en parlant d’abus automatique de position dominante. Il fait une analyse très
précise du marché pertinent. Il indique clairement que la fixation des tarifs d’un SP ne peut
pas méconnaitre les règles de concurrence. Dans cette affaire, le CE fait appel à deux théories
cumulatives :
 Théorie des facilités essentielles

 Théorie de l’abus automatique de position dominante imputable à l’intervention


des pouvoirs publics.
Cet arrêt nous montre d’emblée que le CE choisit, déjà à l’époque, d’insérer les règles de la
concurrence dans sa propre grille d’analyse, à savoir celle du droit administratif. C’est assez
habile parce que cela permet au CE d’imposer ses propres objectifs aux règles de la
concurrence. Il y a cette idée d’exception qu’il faut apporter à la concurrence et où on va
légitimer des pratiques pourtant prohibées par le droit de la concurrence afin de tenir compte
des missions de SP. Le CE qualifie les règles de la concurrence de but d’IG comme si les
règles de la concurrence faisaient désormais partie intégrante des impératifs propres au droit
administratif. On est sur une vision autonome du droit public de la concurrence qui se
développe sous l’impulsion du JA.
Le droit de la concurrence devient partie intégrante de la légalité des actes administratifs.
Mais cet enrichissement du contrôle de la légalité administrative présente un facteur de
complication non négligeable.
C. La délimitation de la compétence contentieuse de l’ordre juridictionnel
administratif

1) Le contentieux de la légalité
Décision n°86-224 DC du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le
contentieux des décisions du Conseil de la concurrence : Le Con con a unifié sous le
contrôle de la Cour de cassation tout le contentieux des pratiques anticoncurrentielles pour des
raisons de bonne administration de la justice.
Ces règles de la concurrence sont communes au droit privé et public. Les actes administratifs
sont donc susceptibles d’être soumis au contrôle des deux ordres de juridiction.
- Le JJ d’une part est appelé à connaitre des décisions de l’ADLC appréciant l’atteinte
portée à la concurrence par certains actes de la puissance publique. Exemple : Le JJ
peut être compétent envers les SP même administratifs. Les exploitants des services
26

publics sont sanctionnés par le JJ. 2.6 millions d’euros ont été infligés au port
autonome du Havre (EP) par l’ADLC  Abus de position dominante dans la fixation
des tarifs à l’encontre des entreprises de manutention. On a ici un opérateur public
chargé d’une mission de SP.

- Le JA contrôle la légalité des actes administratifs. Ces pratiques illicites vont avoir
pour origine les conditions dans lesquelles un SP est attribué et organisé. Ces
conditions résultent d’actes administratifs unilatéraux pris par l’exploitant ou la
collectivité publique qui lui a confié le SP. Seul le JA est compétent pour annuler ou
se prononcer sur la régularité des contrats administratifs en cause. Il applique les
dispositions du coco.
On se pose parfois des questions sur la ligne de partage des compétences entre l’ADLC et le
JA. Dans l’hypothèse où une personne publique méconnait les règles de la concurrence, il faut
répondre à la question suivante : Est-ce que la PAC reprochée à la personne publique est
détachable de l’exercice de ses PPP ? Définition du PPP donnée par le professeur Chapus : La
PPP consiste dans l’exercice d’un pouvoir de décision destiné à satisfaire les exigences de
l’intérêt général / les besoins du service public.
TC, 4 novembre 1996, Datasport (théorie de l’acte détachable) : Seuls les actes
détachables des missions de puissance publique vont être soumis à l’ADLC. Pour les actes
liés à des activités de productions, de distribution ou de services au sens de l’article L410-1 du
coco, c’est le JJ qui est compétent. En revanche, si l’exercice d’une PPP est identifié en vue
de satisfaire une mission de SP, l’ADLC ne sera pas compétente et c’est la compétence du JA
qui devrait être assurée.
L’identification de l’acte détachable n’est pas toujours évidente. On va avoir un doute sur le
caractère détachable d’un acte lorsque la qualité d’autorité publique se double de celle
d’opérateur de marché. Ainsi, une même entité agissant par voie de PPP peut voir ses actes
qualifiés d’activités d’entreprises en aval par les autorités de la concurrence parce qu’on a
beaucoup de litiges qui naissent d’une forme de suspicion à l’encontre d’actes pris par des
organismes chargés en même temps d’activités de SP et d’activités commerciales. Exemple de
l’Aéroport de Paris (ADP) : ADP touche à un certain nombre de redevances dont certaines qui
ont été qualifiées par le JJ d’actes commerciaux. En parallèle, il y a d’autres redevances qui
ont été considérées comme relevant de l’exercice de PPP et soustraites au droit privé de la
concurrence. C’est par exemple le cas des redevances perçues dans le cadre d’activités de la
surveillance antipollution : CJCE, 1997, Diego Cali.
Le JA n’est pas contraint d’appliquer systématiquement le droit de la concurrence. Le JA
n’est pas obligé d’aller dans le sens des requérants qui développent un argumentaire dans le
sens de l’analyse concurrentielle. Le JA doit prendre en considération de nombreuses
exigences d’IG. Il n’est pas en charge exclusivement de la protection de la concurrence.
La difficulté c’est qu’on peut avoir de la dissonance dans la manière d’appréhender la
détachabilité d’un acte. Parfois, la Cour de cassation va être en contradiction avec le JA et le
TC. Dans l’arrêt Data Sport, le TC s’intéressait à un contrat attribuant la concession exclusive
d’une billetterie à une société d’informatique (Data Sport) avec la Ligue nationale de football.
Cela échappait au droit de la concurrence parce que le contrat renvoyait à l’exercice de PPP,
selon l’analyse du TC. L’année suivante : Chambre commerciale de la Cour de cassation, 2
27

décembre 1997 : La ligue nationale de foot a attribué de manière exclusive à une société
(Nike) la fourniture du matériel de sport aux joueurs. Ici, la Cour estime que cette attribution
exclusive ne se rattache pas à l’exercice de PPP et l’acte est donc soumis au droit de la
concurrence. Les deux arrêts traitaient d’affaires très similaires et aboutissent à des résultats
différents.
Ce critère de PPP est imparfait parce que chaque ordre juridictionnel l’utilise pour dire s’il est
ou non compétent. Les risques de divergence sont permanents, notamment lorsque les actes
sont pris en matière de gestion du domaine public. Finalement, certains auteurs se demandent
si le souci d’une bonne administration de la justice n’aurait pas été mieux garanti s’il avait été
laissé entièrement dans les mains du JA.
2) Le contentieux de la responsabilité : un bloc de compétence dégagé au profit du
juge administratif pour toutes les actions en responsabilité exercées à l’encontre
des auteurs de pratiques anticoncurrentielles dans le cadre de contrats
administratifs

Pendant longtemps, le contentieux des PAC s’est focalisé sur de l’action des autorités
publiques. « Public enforcement » : On a mis l’accent sur la mise en œuvre publique des
règles de concurrence  Intervention des autorités pour lutter contre les PAC et les
sanctionner. Aujourd’hui, sous l’influence du droit de l’Union, il y a une volonté de
développer le « Private enforcement ». Ce mouvement a été amorcé par la directive 2014/104
qui a fixé des règles régissant les actions en D&I pour les infractions au droit de la
concurrence. Cette directive reconnait un droit à réparation à toute personne physique ou
morale lésée par une infraction au droit de la concurrence. Les victimes de PAC décident de
saisir le juge en raison du préjudice subi. On est sur des litiges contractuels ou
extracontractuels qui concernent les particuliers. Ils vont relever de 16 juridictions
spécialisées sous le contrôle de la cour d’appel de Paris.
TC, 16 novembre 2015, Région Ile-de-France : Le TC a ravivé les discussions sur la
compétence des juges en matière de concurrence. Il juge que les litiges relatifs à la
responsabilité des personnes auxquelles sont imputées des comportements susceptibles
d’avoir altéré les stipulations d’un contrat administratif vont relever de la compétence du JA.
On est ici face à des litiges qui causent un préjudice à la personne publique qui a conclu le
contrat. L’affaire était inédite parce qu’elle trouvait son origine dans un litige opposant la
région IDF à plusieurs entreprises attributaires de marchés qui avaient été condamnées par le
Conseil de la concurrence à des amendes. On avait des préposés de ces opérateurs privés qui
ont été condamnés par le juge pénal pour participation à des PAC. La région IDF était victime
et voulait obtenir la réparation du préjudice qu’elle a subi en payant des prix excessifs du fait
de ces PAC. Quel juge est compétent ? Cela peut être évident que le TC ait retenu la
compétence du JA : Indemnisation des personnes publiques en cas de PAC. La solution
s’explique par le caractère contractuel de la matière. On est en présence de contrats
administratifs. De plus, on est face à un comportement dolosif de plusieurs entreprises et la
région peut choisir de se placer sur le terrain de la nullité du contrat (administratif et donc
JA). Toutefois, la solution ne s’imposait pas avec évidence. L’avocat général avait une vision
tout à fait différente. Il estimait que l’instance indemnitaire devait être poursuivie devant le JJ
en particulier parce que la région n’agissait pas contre les parties au contrat administratif. Il y
28

avait toute une cohorte d’acteurs (préposés, plusieurs sous-traitants). Toutes ces personnes
privées incriminées, quel que soit le statut juridique et leur lien avec la région, vont se trouver
devant le JA. Le souci, pour l’avocat général, c’est qu’il y a des dizaines de personnes privées
impliquées. De plus, le dol trouve sa source dans des infractions pénales et commerciales (JJ).
Le TC a choisi d’élargir la compétence administrative en retenant des critères
particulièrement larges. Il considère que pour que le JA soit compétent, il suffit que soient en
cause des comportements susceptibles d’avoir altéré les stipulations du contrat
administratif. Cela veut dire que le lien avec le contrat administratif peut être distendu. Il
suffit que le contenu du contrat ait été altéré par des agissements quelle que soit leur nature.
On est sur un choix assez radical qui a suscité des critiques doctrinales. Pour beaucoup
d’auteurs, le vrai intérêt d’attribuer la compétence au JA c’est de pouvoir inciter les
collectivités publiques à agir en réparation. Cela peut participer à un mouvement
d’émancipation des collectivités publiques qui seraient davantage prêtes à agir.
L’action en indemnisation est une action « follow on », il faut d’abord une décision prise
par l’autorité de la concurrence pour que la victime puisse introduire ensuite une action en
indemnisation. C’est une condition préalable. C’est l’approche retenue par la directive
2014/104. Ensuite, il y a la question du calcul et de l’évaluation du préjudice subi par la
personne publique.
A partir, de 2019, le CE a été saisi de plusieurs affaires relatives aux conséquences de
plusieurs ententes anticoncurrentielles subies par des personnes publiques.
CE, 9 mai 2023, Région Ile-de-France : Le CE est intervenu pour traiter l’hypothèse
pathologique dans laquelle une personne publique a permis ou encouragé la pratique
anticoncurrentielle. Une loi en 1983 a confié aux régions la compétence pour assurer la
construction et l’équipement des lycées. La région IDF a impliqué la passation de 250
marchés pour un montant d’1.5 milliards d’euros (somme énorme). Ce programme
d’investissement a donné lieu à « la mise en place d’un dispositif frauduleux de grande
ampleur » dixit cour d’appel de Paris. La procédure pénale a conduit à ce que plusieurs
responsables de la région IDF ont été condamnés pour ententes, corruption et abus de
confiance. C’est un jugement du TGI de Paris qui est intervenu à cet égard. En parallèle, le
Conseil de la concurrence a prononcé des sanctions pécuniaires à l’encontre de plusieurs
entreprises impliquées. On est sur des contentieux entre 2005 et 2008. Ce n’est qu’en 2015
que le contentieux a été redirigé devant le JA après intervention de l’arrêt de TC, région IDF
en 2015. Le CE a ouvert deux voies de droit distinctes aux personnes publiques victimes de
PAC de leurs cocontractants pour faire valoir leurs droits. Deux voies de droit différentes ont
été aménagées :
- L’annulation du contrat peut être demandée au JA même après son terme. Cela permet
d’obtenir la restitution du prix du marché minoré.
- L’action en responsabilité sur un fondement quasi-délictuel tendant à la réparation du
surcoût induit par l’entente.
La région IDF a engagé 28 actions (deuxième voie). Toutes ses demandes ont été rejetées au
motif de la prescription. Le dossier est très compliqué. Le CE va s’intéresser à la situation de
la région IDF. Il estime que la décision de l’ADLC qui a sanctionné les auteurs du cartel doit
prévaloir sur la prescription. Pour le CE, c’est la décision de l’ADLC qui doit constituer le
point de départ de la prescription. Il recherche la date où la victime (région IDF) a eu une
29

connaissance suffisamment certaine de l’étendue du dommage. Le CE va appliquer le régime


de prescription issu du code civil. L’article de référence c’est l’article 2224 du code civil. On
l’a incorporé dans le coco et on a prévu une prescription quinquennale (5 ans).
TC, 8 février 2021, SNCF Réseau et SNCF : C’est une société de conseil qui a saisi la cour
d’appel de Paris d’une action dirigée contre SNCF Réseau et SNCF pour obtenir réparation du
préjudice subi du fait de la rupture brutale (sans préavis) de leur relation commerciale. La
Cour d’appel de Paris a retenu la compétence du JJ. La SNCF a formé un pourvoi dont a été
saisie la Cour de cassation. Elle contestait la compétence du JJ. La Cour a renvoyé la question
au TC. Au moment des faits (avant 2020), la SNCF avait la qualité d’EPIC (désormais SA :
loi pour un nouveau pacte ferroviaire). Le contrat conclu par un EPIC est un contrat
administratif  Compétence JA à l’égard de l’action en responsabilité. Cela parait assez
évident. Alors pourquoi la cour d’appel de Paris a retenu la solution inverse ?
Il y a toujours une incertitude sur la question de la compétence. Il y a souvent des enjeux
politiques en droit économique à prendre en compte.
CAA de Douai, 22 février 2018, Société Signalisation SA c. Département de la Seine-
Maritime (illustration) : Le JA est obligé de préciser les modalités d’indemnisation des
préjudices subis par un acheteur public résultant d’une entente horizontale entre plusieurs
sociétés fabricants les panneaux de signalisation dans le département de la Seine-Maritime.
En 2010, l’ADLC a condamné 8 sociétés à des sanctions pécuniaires pour avoir participé à
plusieurs ententes horizontales sur une période de près de 10 ans (entre 1997 et 2006). En
2012, la sanction a été confirmée par la cour d’appel de Paris. Le Département a décidé de
saisir le TA de Rouen pour demander l’annulation des marchés publics et l’indemnisation du
préjudice subi. En première instance, le TA a condamné les sociétés au versement de 2.6
millions d’euros. Le calcul est assez compliqué parce qu’il faut faire la différence entre les
prix payés pour la prestation payée et le véritable prix de marché s’il n’y avait pas eu
d’entente. L’analyse de la CAA de Douai est basée sur une estimation des surcoûts par
rapport à une situation de concurrence normale. Les surcoûts ne sont pas toujours les mêmes.
Elle estime les surcoûts de l’ordre de 46% payé par le département. Elle a condamné la
société Signalisation à verser au département la somme de 1.1 millions d’euros au titre des
marchés publics qui se sont étalés sur plusieurs années.

Chapitre 2. La distribution des aides publiques

Les aides publiques constituent un moyen d’action traditionnel très important des pouvoirs
publics pour agir sur l’économie tant à l’égard des entreprises publiques qu’à l’égard des
entreprises privées. L’ensemble de ces aides est soumis au contrôle exercé par le JA. C’est
aussi un contrôle qui n’est pas simplement celui du JA mais un contrôle européen
extrêmement poussé qui va s’appliquer à toutes les aides publiques.
La décentralisation a beaucoup accru les possibilités juridiques d’aides offertes par les CT. Il
faut distinguer le régime général des aides économiques issues du droit administratif du
régime spécifique des aides économiques relavant des CT qui est régi par le CGCT.
30

Il n’existe pas en droit français de règlementation générale sur les aides publiques. Le
législateur et le JA ont réglé point par point les difficultés juridiques soulevées par la décision
de l’octroi d’une aide, le contrôle de sa régularité ou le retrait de l’aide octroyée. Mais il n’y a
pas de législation transversale sur les aides publiques.
En France, la puissance publique consacre un budget d’environ 60 milliards d’euros à des
dispositifs d’aides aux entreprises (période hors Covid-19). Ce sont des sommes très
importantes. Il y a par ailleurs une grande complexité des régimes d’aides. Ces régimes sont
beaucoup trop nombreux. Les entreprises ont du mal à s’y retrouver. Un état des lieux
interministériel a été établi. Il a montré que les règles utilisées pour accorder les aides sont
devenues une source d’insécurité juridique pour les entreprises. L’Etat a entrepris des efforts
importants pour rendre plus lisibles et accessible le dispositif des demandes et d’instructions
des subventions attribuées par l’Etat. Le décret du 25 juin 2018 a procédé à une refonte
complète du dispositif des demandes et des instructions des subventions attribuées par l’Etat
pour les entreprises mais aussi pour les associations et les CT. Ce décret ne s’applique pas aux
dotations versées directement aux CT. Le gouvernement a harmonisé les règles grâce à ce
décret. On n’a plus que 6 items (contre 30 avant) dans le dispositif. Les services de l’Etat
déclarent recevable une demande de subvention au vu de ces 6 items seulement.
I- Le contrôle des aides publiques en droit interne

A. La notion d’aide publique, non définie dans les textes


On a une circulaire du PM qui a été adoptée le 26 avril 2017 et qui a repris les définitions
issues du droit européen des aides d’Etat. On va reprendre la notion européenne  L’aide
d’Etat est une aide accordée à une entreprise par l’Etat ou au moyen de ressources publiques
procurant un avantage sélectif et affectant les échanges entre les Etats membres et la
concurrence.
Cette circulaire a voulu faire converger la notion d’aide publique (droit français) et la notion
d’aide d’Etat (droit européen). Il s’agit de toutes les aides provenant de ressources publiques.
L’aide peut être accordée par l’Etat, une CT, un regroupement de CT. Il peut s’agir aussi de
contributions qui sont gérées en application de lois publiques. Il peut s’agir aussi de
contributions qui viennent d’organisations internationales comme les fonds structurels
européens. La notion juridique d’aide publique n’existe pas en droit français. Le législateur
n’a jamais posé de règles générales qui seraient applicables à toutes les aides publiques. Les
textes emploient plutôt le terme de subvention sans le définir. Les subventions de l’Etat sont
faiblement règlementées. Elles sont envisagées dans les textes dans une optique de contrôle
des comptes de leurs bénéficiaires. C’est par exemple le cas avec le décret-loi de 1934 relatif
aux subventions aux sociétés privées. Selon l’article 1, toute association, société ou
collectivité privée qui reçoit une subvention de l’Etat est tenue de fournir ses budgets et
comptes au ministre qui accorde la subvention. On a assez peu de textes qui encadrent les
aides aux personnes privées alors qu’on a plus de textes et de JP encadrant les aides publiques
versées par les CT. On a eu une absence d’approche générale des aides publiques en France.
Cela reflète une absence de vision d’ensemble sur ce sujet étant donné qu’en France, les aides
publiques constituent un important levier de l’action de l’Etat dans l’économie. C’est le droit
de l’UE qui va imposer une approche rationalisée des aides d’Etat. La Cour des comptes a
souvent eu l’occasion de dénoncer les inconvénients d’une approche éclatée des aides
31

publiques, ainsi qu’une efficacité insuffisante dans le rendement de ces aides publiques alors
même qu’on est dans un contexte de rigueur budgétaire (recherche d’une meilleure efficacité
des deniers publics).
Au niveau des bénéficiaires : Le bénéficiaire est une entreprise. On exclut les aides aux CT.
Plus complexe est la question de savoir si les aides accordées à des particuliers peuvent entrer
dans le champ des aides économiques. En général, ces aides aux particuliers en sont exclues.
En effet, la qualification d’aide d’Etat au sens de l’article 107 TFUE implique que le
bénéficiaire de l’aide doit être une entreprise.
 Il arrive parfois que des aides versées à des particuliers bénéficient indirectement à des
entreprises et constituent donc des aides d’Etat.  Affaire Mediaset  CJUE, 2011,
Mediaset : Il s’agissait d’une subvention accordée à des particuliers qui utilisaient
certains décodeurs numériques. Cela avantageait certains diffuseurs numériques
terrestres comme Mediaset.

 De même, peuvent relever du droit des aides d’Etat des subventions engagées en
faveur de certaines catégories de la population et qui sont susceptibles de bénéficier à
certaines entreprises. CE, 16 janvier 2006, Département des Landes : Le
Département avait pris en charge certains frais des étudiants à travers des subventions
destinées à des organismes gérant des cartes et offrant des tarifs préférentiels aux
étudiants. Cela avantageait certains types d’entreprises bien identifiées. On est donc
dans le champ du droit des aides d’Etat.
Le JA s’attache à la qualité d’entreprise du bénéficiaire de l’aide. C’est pourquoi dans de
nombreux cas de figure, il va pouvoir exclure la qualification d’aide publique. C’est le cas
pour un prêt accordé par la ville de Dunkerque à une association gérant un centre de
formation de football : CE, 2000, Ville de Dunkerque.
CE, 6 avril 2007, Commune d’Aix en Provence : Le CE a écarté la qualification d’aide
d’Etat concernant une association qui gérait l’organisation du festival d’art lyrique d’Aix en
Provence. Cette association n’est pas un opérateur sur un marché concurrentiel.
La notion d’entreprise en droit français telle qu’elle se dégage dans la JP administrative est
plus floue et restrictive que ce qu’on connait en droit européen. Cela peut contribuer aux
contours incertains de l’aide publique/économique. On a parfois la sensation que l’approche
du CE peut être fluctuante.
B. La typologie des diverses aides économiques

1) Classement selon la nature juridique de l’aide : aides unilatérales versus aides


contractuelles
Les aides sont principalement établies et dispensées par des actes unilatéraux. Elles peuvent
être prévues par la loi qui renvoie souvent à des règlements pour leur mise en œuvre. La mise
en œuvre des actes règlementaires passe par des actes individuels.
La décision d’octroyer une aide publique est généralement un acte administratif même si
ensuite, la mise en œuvre de l’aide passe par des mécanismes de droit privé comme des prises
32

de participation, des prêts, de la vente. Le caractère administratif de ces décisions d’octroi est
admis quel que soit celui qui octroie : Etat/EPIC.
L’octroi d’une aide est une décision créatrice de droits dans la mesure où le bénéficiaire
respecte les conditions dont l’aide est assortie. Lorsque la condition n’est plus remplie, l’aide
est abrogée. Lorsqu’une aide a été versée mais que les conditions n’ont pas été respectées par
l’entreprise, le retrait peut intervenir sans délai. On est là face à une décision soumise au
principe du contradictoire.
Le phénomène de la contractualisation des aides publiques a pris de l’ampleur. L’attribution
d’une aide par acte unilatéral est souvent suivie d’un contrat. Le CE a jugé dans différentes
affaires que l’attribution d’une subvention résulte bien d’un acte unilatéral même si
l’attribution de cette subvention est accompagnée de la signature d’un contrat qui encadre les
conditions de son versement. Cela tend à faire apparaitre l’acte de subvention comme un acte
hybride (acte unilatéral + contrat). La forme contractuelle est devenue fréquente aujourd’hui.
Cela apparait comme un gage de transparence de nature à limiter certains risques en
particulier au regard du droit des aides d’Etat. La contractualisation permet de préciser les
conditions d’utilisation de l’aide par le bénéficiaire. La forme contractuelle est aussi préférée
par l’Etat quand il s’agit de soutenir une entreprise conjointement avec d’autres acteurs
(investisseurs privés, banques). D’autre part, dans le CGCT, il y a plusieurs types d’aides où
la signature d’aides est devenue obligatoire.
2) Classement selon la forme de l’aide
On a essentiellement les aides matérielles (les plus nombreuses). Elles peuvent consister dans
la réalisation d’équipements utiles à des entreprises. Il peut s’agir de fournir certaines
prestations comme une assistance logistique, un logement, un bâtiment etc… Il peut s’agir de
prestations de conseil. Ces aides matérielles sont souvent fournies par des organismes publics.
Les aides juridiques : Attribution à l’entreprise bénéficiaire d’un privilège. Exemple : Un
monopole ou l’utilisation à son bénéficie d’une PPP. Les PPP peuvent être exercées au profit
d’une entreprise privée dont l’activité présente un IG. C’est le cas par exemple du droit de
préemption en vue d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil d’activités économiques.
On pense aussi à l’expropriation pour cause d’utilité publique qui peut être exercée par une
entreprise privée dès lors que la décision n’a pas été prise dans l’unique but de favoriser un
opérateur (détournement de pouvoir). L’expropriation peut être utilisée pour étendre une zone
commerciale.
Les aides financières (moins nombreuses que les aides matérielles et juridiques) : On a près
de 1700 aides financières répertoriées dans la base de données des aides aux entreprises. Elles
consistent soit en un accord de ressources monétaires, immédiat ou différé, soit une dispense
de prélèvement obligatoire. On distingue les aides régies par le droit fiscal (aides fiscales), les
aides régies par le droit budgétaire (aides budgétaires) et les aides régies par le droit privé des
affaires (accords de capitaux, prêts, garanties…)  On parle d’interventions financières dans
ce dernier cas. Toutes ces aides ont en commun qu’elles sont régies par le droit administratif.
C. Le rôle des collectivités territoriales dans l’attribution des aides économiques
Les CT jouent un grand rôle dans l’attribution des aides économiques.
1) Le rôle prééminent de la collectivité régionale
33

La loi NOTRe (Loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de
la République) a modifié le rôle de la région en matière d’aides. On a une présentation des
compétences plus favorable à la région. Elle réconforte la prédominance de la région en
matière d’aides locales aux entreprises. On a un monopole de la région pour prendre
l’initiative et encadrer les aides au développement. La seule exception c’est les aides à
l’immobilier d’entreprises.
La possibilité pour les collectivités infra régionale de contourner la région éventuellement
avec le soutien de l’Etat pour dispenser les aides au développement n’est plus possible depuis
la loi NOTRe. Désormais, c’est interdit par le CGCT (avant il y avait la possibilité pour ces
collectivités de signer des conventions avec l’Etat en ce sens).
Même si la région dispose d’un monopole de l’initiative en matière d’aide économique, la
stratégie de l’Etat reste très importante. Il se réserve le droit d’exercer une sorte de filtrage des
projets locaux.
La loi n’impose pas à l’Etat de notifier tous les projets d’aides aux entreprises que les CT
souhaitent mettre en œuvre. L’Etat a la liberté de ne transmettre à la Commission
européenne que les projets d’aides publiques compatibles avec les stratégies de
développement de l’Etat qui sont arrêtées par un comité interministériel s’occupant de la
compétitivité et l’aménagement des territoires.
Loi NOTRe  Les régions doivent élaborer deux schémas descriptifs :
 En matière de développement économique : SRDEII (Schéma régional de
développement économique, d’innovation et d’internationalisation)  La région
doit développer toutes ses orientations concernant les aides.
 Le SRADDET (Schéma Régional d’Aménagement de Développement Durable et
d’Egalité des Territoires).
L’élaboration de ces schémas se fait en concertation avec les métropoles ce qui résulte dans
un certain nombre de tensions. En cas de désaccord, le conseil de métropole peut élaborer son
propre document d’orientation stratégique. Dans ce cas, la métropole doit prendre en compte
le schéma régional. Par exception, le Schéma de la région IDF est adopté par le seul conseil
région d’IDF.
Les régions peuvent, de manière plus importante que par le passé, participer au capital de
sociétés commerciales. Elles ne sont plus soumises à une autorisation préalable par décret en
Conseil d’Etat. Traditionnellement, les dispositions du CGCT excluaient toute participation
d’une CT au capital d’une société commerciale. Désormais, le législateur a supprimé cette
obligation d’obtenir l’autorisation préalable. Néanmoins, il y a des conditions à respecter :
 Il faut que la prise de participation s’inscrive dans la mise en œuvre du SRDEII.

 Il faut respecter les limites d’intervention qui ont été précisées dans un décret en CE :
décret du 16 juin 2016. On est sur un cadre assez précis fixé par le CE. En particulier,
on note que le montant de cette prise de participation par une région dans une
entreprise ne peut pas excéder 1% des recettes de fonctionnement de la région. Si
on cumule toutes les participations d’une région au capital d’une entreprise, cela ne
peut pas représenter plus de 5% des recettes de fonctionnement de la région.
34

Notamment le CE précise bien dans son décret de 2016 qu’il ne s’agit pas de conférer
aux régions la qualité de minorité de blocage dans les entreprises : On ne peut pas aller
au-delà de 33% de participation dans le capital d’une entreprise. Le cadre juridique est
assez serré puisque la CPT (Commission des participations et des transferts) doit être
saisie et donner son avis pour des opérations qui concernent les régions dès lors que la
participation régionale > 3 millions d’euros. Ces garde-fous sont importants puisqu’on
a vu prospérer des tentatives régionales en ce sens : La région Bretagne promeut ce
type d’initiatives. Elle est entrée dans le capital de différentes entreprises (Groupe
coopération agroalimentaire D’aucy qu’elle juge structurant pour le territoire breton).
En revanche, les régions ne sont plus compétentes pour définir et décider l’octroi d’aides
publiques en matière d’immobilier d’entreprise. Cela relève depuis la loi NOTRe des
communes et des EPCI à fiscalité propre.
La région (mais aussi d’autres collectivités) peut octroyer des aides à l’installation des
professionnels de santé. Idem exploitation des salles de cinéma (dans les zones rurales, ce
serait plutôt le département ou les com com).
La région peut aussi octroyer des aides pour reprendre une entreprise.
2) Le rôle différencié des collectivités infrarégionales
Ce rôle a été substantiellement modifié par la loi NOTRe. Le grand perdant c’est le
département. Les compétences des communes, métropoles et EPCI sont réconfortées par la loi
NOTRe. La loi NOTRe a réduit les possibilités d’intervention du département. Ils ne sont plus
compétents en matière d’interventions économiques de droit commun. Ils conservent
seulement des compétences précises déterminées par la loi. On s’inscrit en général dans le
cadre d’une solidarité territoriale. Depuis le 1 er janvier 2016, le département ne peut plus
participer au financement des aides de la région en faveur de la création ou de l’extension
d’activités économiques. Il ne peut plus conclure de conventions avec l’Etat permettant de
déroger au droit applicable. Toutes ces interventions avaient pour fondement légal la clause
générale de compétence des départements. Aujourd’hui, cette clause n’existe que pour les
communes. Il n’y a que sur l’immobilier d’entreprises que le département peut jouer un rôle
quoique indirect puisqu’il s’agit d’une compétence des communes et de leurs groupements.
Les communes (ou leur groupements) peuvent déléguer au département la compétence
d’octroi des aides à l’immobilier d’entreprise par la voie d’une convention.
La montée en puissance des métropoles est symbolisée par la compétence en matière d’aides
aux entreprises dans les mêmes conditions que les autres EPCI à fiscalité propre. Mais
contrairement aux autres EPCI à fiscalité propre, les métropoles peuvent agir sans
intervention préalable de la région dans deux domaines :
- Subventionner la création et la reprise d’entreprise
- Participation dans le capital de sociétés d’économie mixte et de sociétés ayant pour
objet le transfert de technologies (les SATT)
En revanche, ces métropoles ne peuvent pas mettre en œuvre leur propre régime d’aides. Elles
doivent forcément utiliser les régimes qui ont été définis par la région.
Les EPCI à fiscalité propre conservent la capacité importante d’intervenir même sans action
préalable de la région pour octroyer des aides spécifiques. Les professionnels de santé en zone
35

déficitaire, les salles de spectacle… Maintenir n’importe quel service nécessaire à la


satisfaction des besoins de la population. On retrouve les critères classiques (lorsque
l’initiative privée est insuffisante ou défaillante  Donner un coup de pouce : C’est le rôle
des EPCI à fiscalité propre).
D. Le contrôle opéré par les juridictions administratives
Le contrôle s’exerce d’abord dans le cadre d’un REP à l’égard des actes pris par les pouvoirs
publics. On a soit le recours du préfet ou le bénéficiaire ou d’un tiers lésé ou le contribuable
local. C’est également de la compétence du JA que relèvent la plupart des actions en
responsabilité engagées par le candidat à une aide. Cela peut être l’entreprise qui a bénéficié
d’une aide qui va saisir le JA d’une action en responsabilité en raison d’une faute commise
par l’administration dans l’octroi de l’aide. On a des affaires de retrait d’une garantie
d’emprunt opérée sans prévenir l’entreprise. Ici, l’administration commet une faute. Il arrive
aussi souvent qu’une action soit engagée par l’un des concurrents de l’entreprise ayant
bénéficié d’une aide. En outre, si l’Etat accorde une aide à une entreprise en violant son
obligation de notifier au préalable son aide à la Commission européenne, l’Etat commet une
faute qui engage sa responsabilité.  Arrêt de référence : TA Clermont Ferrand 2004,
Fontenille.
Le JA va avoir un rôle important dans la récupération des aides. Il y a une obligation de
récupérer une aide d’Etat incompatible avec le marché intérieur. C’est la Commission
européenne qui va décider si une aide d’Etat est compatible ou non avec le marché intérieur.
La Commission va prendre une décision d’incompatibilité d’un projet d’aide avec le marché
intérieur. Ce principe a été régulièrement rappelé par la CJUE mais aussi par le CE dans
différentes affaires. Cette obligation de récupération des aides d’Etat s’impose aux autorités
nationales. Elles s’imposent à toutes les juridictions françaises que le juge soit administratif
ou judiciaire. Cette récupération de l’aide incompatible est indispensable pour éliminer la
distorsion de concurrence qui a été causée par un avantage concurrentiel.
CE, 13 janvier 2017, Société internationale de diffusion et d’édition (SIDE) (nouvelle
voie de droit ouverte pour des actions indemnitaires portant sur les dommages concurrentiels
résultant du versement d’aides d’Etat incompatibles) : Le CE va ouvrir une nouvelle voie de
droit pour une action indemnitaire. On ouvre la voie à l’indemnisation d’un préjudice subi par
les concurrents d’un bénéficiaire d’une aide d’Etat qui a été déclarée incompatible par la
Commission. Il y a un préjudice parce que le bénéficiaire de l’aide a pu augmenter ses
capacités ou il a pu baisser ses prix (baisse de prix financées par le versement d’une aide
d’Etat). Le CE s’est prononcé sur une demande formée par la SIDE. Cette société
internationale a subi un préjudice parce que son concurrent direct la CELF (coopérative
d’exportation du livre français) a bénéficié de nombreuses aides d’Etat. Ces aides ont été
déclarées incompatibles par la Commission dans une décision de 2010. Le CE reconnait
implicitement la possibilité pour le concurrent du bénéficiaire de l’aide d’Etat d’engager la
responsabilité de l’Etat pour obtenir la réparation du préjudice subi du fait du versement de
cette aide. Les dispositions de la directive 2014/104 n’ont vocation à s’appliquer qu’aux PAC
au sens strict (ententes + abus de position dominante). Ce qui est intéressant c’est que la voie
ouverte par le CE s’applique en dehors de ces hypothèses puisqu’on vise tous les dommages
concurrentiels. Le fondement de la responsabilité de l’Etat semble être le principe de l’effet
utile du droit de l’UE. Cette voie sera portée systématiquement devant le JA contrairement
36

aux actions classiques de private enforcement où on ira devant le JJ. Particularité


administrative de la charge de la preuve : Le CE va appliquer à la réparation des
dommages concurrentiels un principe du contentieux administratif particulièrement favorable
aux requérants  Dès lors que le juge reconnait l’existence d’un préjudice, il ne peut pas
rejeter la demande sans faire usage de ses pouvoirs d’instructions notamment pour quantifier
le préjudice  Intérêt pour les victimes de dommages concurrentiels devant le JA.
CE, 27 novembre 2020, Sté AOM Air Liberté (élaboration d’un régime de responsabilité
pour faute simple de l’Etat du fait de l’octroi d’une aide à une entreprise défaillante) :
Contentieux de la responsabilité de l’Etat du fait de l’octroi d’aides d’Etat. C’est un
contentieux qui est longtemps resté marginal. Ici, le CE vient préciser les conditions dans
lesquelles la responsabilité de l’Etat peut être engagée du fait de l’octroi d’une aide à une
entreprise alors que la situation de l’entreprise est particulièrement compromise (entreprise
défaillante). S’agit-il d’une sorte d’ « acharnement thérapeutique » ? On aggravait le passif de
l’entreprise en lui permettant de poursuivre son activité.  Argument du mandataire
liquidateur dans cette affaire. En effet, la prolongation artificielle de l’activité d’une société
par le biais d’aides publiques est susceptible d’entrainer la responsabilité de l’Etat pour faute
simple dans 3 situations alternatives :
 L’aide a été accordée en méconnaissance des textes applicables : Aides illégales.

 Il est manifeste qu’à la date de son octroi, l’aide était susceptible de réaliser un
objectif d’intérêt général. A contrario, il est possible de montrer qu’à la date de son
octroi, l’aide n’était pas susceptible de permettre la réalisation d’un tel objectif.

 Le cas de figure où le montant de l’aide publique est sans rapport avec la poursuite
d’un objectif d’intérêt général.
Cet arrêt crée un régime de responsabilité de l’Etat pour les aides octroyées à des entreprises
condamnées à disparaitre.
Il y a néanmoins des cas de compétence du JJ  Exemple des aides bancaires (apport des
capitaux etc…) où on laisse les banques sélectionner les bénéficiaires.
Le juge français a une obligation de récupérer les aides d’Etat incompatibles avec le marché
intérieur. Il s’agit d’une obligation de résultat pour l’Etat membre concerné. L’obligation de
récupérer les aides d’Etat illégale s’impose au juge national (JA +JJ)  Règlement 659/1999.
II- Le contrôle des aides publiques en droit de l’Union européenne
La logique n’est pas la même puisqu’en droit interne, les règles relatives aux aides
économiques visent surtout à encadrer les interventions économiques des CT. En droit de
l’Union, le droit des aides d’Etat s’inscrit dans une logique distincte des règles de concurrence
auxquelles sont rattachés les articles 107 et 108 TFUE
Règlement 2021/1237 de la Commission du 23 juillet 2021 modifiant le règlement
n°651/2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en
application des articles 107 et 108 TFUE (règlement général d’exemption par catégories –
RGEC) : Ce règlement déclare certaines aides compatibles avec le marché intérieur. Il couvre
un vaste champ d’aides exemptées de l’obligation de notification préalable à la Commission.
37

Il faut respecter un certain nombre de conditions tenant à la finalité et aux seuils de l’aide.
Cela dit, la Commission peut toujours enclencher un contrôle approfondi si elle a des
inquiétudes particulières. On vise les aides régionales, les aides aux PME, aides à
l’environnement. On applique pour chaque type d’aide des règles particulières d’exemption.
Règlement n°1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l’application des
articles 107 et 108 TFUE aux aides de minimis (Règlement dit de minimis) : Ce règlement
est complémentaire du règlement RGEC. Il est destiné à alléger davantage le contrôle de la
Commission sur des aides ayant un effet jugé insignifiant sur le commerce
intracommunautaire. Ce seuil est applicable à toute entreprise qu’elle exerce ou non une
activité d’intérêt général. Il est de 200 000 euros sur 3 ans. En revanche, pour les entreprises
qui gèrent un SIEG (un SP), il y a un seuil de minimis plus élevé. Il est porté à 500 000 euros
pour 3 ans.
On souligne par ailleurs que de nombreux autres secteurs ne sont pas visés par le règlement
RGEC ou le règlement de minimis sont visés par la Commission qui adopte régulièrement des
communications précisant la manière dont elle entend appliquer les articles 107 et 108 TFUE
afin de sécuriser les aides qui relèvent de certains secteurs. Exemples : Une communication
sur les aides d’Etat versées aux aéroports et aux compagnies aériennes, une communication
sur les aides d’Etat à l’investissement public en infrastructure… On reproche à la Commission
d’interpréter les règles du traité dans des actes de Soft law et qui n’ont donc pas en principe de
caractère contraignant.
Illustration : Encadrement temporaire des mesures d’aide du 19 mars 2020 visant à soutenir
l’économie dans le contexte actuel de la flambée de Covid-19  Cet encadrement a été
applicable pendant de nombreux mois et a permis aux Etats d’attribuer des aides avec un
contrôle minimaliste de la Commission.
A. La procédure de contrôle de la compatibilité des aides d’Etat

1) Présentation du dispositif de contrôle


La Commission a une compétence exclusive en matière de contrôle des aides d’Etat. Elle
vérifie la compatibilité avec le marché intérieur. Article 108 TFUE : La Commission procède
avec les Etats membres à l’examen permanant des régimes d’aides. Cela implique un pouvoir
de surveillance qui appartient à la Commission. Pour exercer ce pouvoir, la Commission
bénéficie de pouvoirs de contrôle et d’investigation très importants dès lors qu’elle peut avoir
un doute sur le caractère légal d’une aide octroyée par un Etat.
Tout le système repose sur la distinction entre les aides nouvelles et les aides existantes.
Les aides existantes n’ont à être notifiées à la Commission (article 108) mais cette dispense de
notification n’empêche pas que ces aides existantes sont toujours exposées à un contrôle
permanent de la Commission. Les aides existantes sont celles qui correspondent à des
demandes adressées par les Etats et pour lesquelles la Commission n’a pas réagi (expiration
d’un délai de 2 mois). Il s’agit donc d’aides autorisées individuellement expressément ou
tacitement. Ce sont aussi toutes les aides rentrant dans le champ d’application soit du
règlement de minimis, soit du règlement RGEC. On est dans une volonté de responsabiliser
les Etats membres et les CT. Les aides nouvelles doivent être impérativement notifiées à la
Commission (108 § 3 TFUE). On est dans le cadre d’un contrôle préalable assuré par la
38

Commission. Elles ne peuvent pas être mises en œuvre tant que la Commission n’a pas donné
un avis favorable ou qu’elle s’est opposée officiellement. La notification d’un projet d’aide
nouvelle a un effet suspensif. L’Etat doit attendre la réaction de la Commission. Si l’Etat
n’attend pas la réponse de la Commission, l’aide serait nulle et les entreprises seraient
obligées de restituer.  Effet direct  Tous les juges nationaux doivent assurer l’effet utile
de cette règle de procédure. Si l’Etat n’a reçu aucune réponse dans un délai de deux mois, il
peut mettre l’aide à exécution. La Commission peut prendre une décision officielle favorable.
Mais si elle a des doutes, elle peut notifier à l’Etat une décision d’ouverture de la procédure
d’examen. Elle va permettre un examen approfondi de l’aide projetée et prendre une décision
de compatibilité ou d’incompatibilité. Souvent la procédure se dénoue par une décision de
comptabilité en demandant à l’Etat notifiant un certain nombre d’engagements. C’est souvent
le cas pour les aides assorties de forts montants (par exemple les aides de la France à Air
France).
2) Les caractéristiques de la procédure

a) La compétence exclusive de la Commission pour apprécier les aides


On a fait le choix de doter la Commission d’une compétence exclusive pour apprécier les
aides. Tant qu’elle n’a pas pris de décision, un juge national ne saurait donner sa propre
interprétation des articles 107 et 108 TFUE dans le but de valider ou condamner une aide. En
revanche, dès lors que la Commission a pris une décision, le juge national est lié par la
décision.
Contre modèle : Période de la seconde guerre mondiale où l’industrie allemande a été
massivement soutenue par des aides d’Etat.  Cela explique le « traumatisme » qui a amené
la CECA à encadrer les aides d’Etat.
L’article 107 § 3 TFUE a un effet direct : Une entreprise peut demander à tout moment au
juge national l’annulation d’une aide prise par un Etat membre sans attendre la fin de la
procédure d’examen d’une aide. Une mesure d’aide mise en œuvre avant que la
Commission ait statué est illégale. L’intervention ultérieure de la Commission ne peut avoir
pour effet que de régulariser la mesure d’aide.
La Commission est tenue par une obligation d’instruire tous les dossiers notifiés : Examen par
la DG concurrence de la Commission. Elle est aussi tenue par un examen diligent et impartial
des plaintes émanant des concurrents.
b) Un face à face exclusif entre la Commission et l’Etat membre concerné
Le contrôle des aides d’Etat implique uniquement les Etats membres. La participation des
tiers dans la procédure de contrôle se limite au droit de présenter des observations sur les
décisions de la Commission d’ouverture d’une enquête. C’est bien l’Etat membre qui a
l’obligation de notifier l’aide. Il est seul responsable d’une éventuelle violation de cette
obligation. Cela ne peut donc concerner ni les CT, ni les bénéficiaires des aides.
La procédure de contrôle revêt à l’encontre de l’Etat un caractère contradictoire. Il faut
respecter les droits de la défense de l’Etat.
En revanche, ce qui peut poser problème c’est que dans la procédure de contrôle, la
Commission ne peut pas tenir compte des points de vue et préoccupations des
39

entreprises concernées par les projets d’aides. Il y a de ce point de vue là une forte pression
par le droit des aides d’Etat pour que les entreprises disposent de droits procéduraux.
Le contrôle des aides par la Commission porte sur des mesures d’aides individuelles d’un
montant élevé et qui intéressent des entreprises bien déterminées. Ces entreprises qui vont se
voir attribuer des aides vont négocier avec l’Etat les modalités d’attribution contrairement aux
régimes d’aides qui intéressent un nombre indéterminé d’entreprises. Or, dans la procédure de
contrôle, l’entreprise n’est qu’une personne intéressée (article 108 § 8 TFUE). Elle est
simplement informée de l’ouverture de la procédure par un avis publié au JO. Elle peut
présenter des observations à la Commission mais ce sera en marge de la procédure. Ces
entreprises n’ont pas accès au dossier et n’ont pas de droits associés. L’Etat français peut
choisir d’associer l’entreprise à la procédure. Exemple : Aides au crédit lyonnais  Le Crédit
lyonnais a déposé un recours en annulation contre la décision de la Commission de 1995
concernant ce projet d’aide. Le crédit lyonnais n’a pas été associé à la procédure d’examen
approfondi. Au terme de sa procédure de contrôle, la Commission a reconnu la compatibilité
des aides de l’Etat français au crédit lyonnais mais la Commission a demandé des
engagements à l’Etat français. Il y avait des engagements importants concernant la stratégie
de la banque publique à l’époque. Or, les dirigeants de la banque n’y ont pas été associés !
c) Le caractère impératif de l’obligation de récupération découlant du constat de
l’incompatibilité d’une aide
Il est quasiment impossible en droit interne de neutraliser cette obligation de récupération. Le
seul élément évoqué par la Cour dans sa JP CJUE, CELF II, 2010 : Le principe de
confiance légitime est éventuellement apte à empêcher la récupération d’une aide dans
certains cas précis. La Cour a néanmoins toujours rejeté cet argument en l’espèce.
Règlement d’exécution 659/1999 relatif à la récupération des aides illicites : L’article 14
n’interdit la récupération d’une aide que si cela va à l’encontre d’un principe général du
droit communautaire. La formule est assez floue. La Cour exclut toute règle interne même
de nature constitutionnelle comme pouvant faire obstacle à l’application du droit de l’Union.
Il faudrait imaginer que la récupération porte atteinte à un principe interne ayant son
équivalent en droit de l’Union (raisonnement à l’envers par rapport à l’arrêt Arcelor).
L’autonomie procédurale des Etats membres devient théorique en droit des aides d’Etat.
B. La fixation délicate de l’avantage résultant de l’utilisation des ressources
publiques
Le champ d’application de l’article 107 TFUE s’avère très large ce qui s’explique tant par le
caractère extensif de la notion d’aide d’Etat mais aussi par la variété des destinataires des
aides.
Les conditions qui doivent être cumulativement réunies pour qu’une mesure constitue une
aide d’Etat au sens de l’article 107 TFUE :
 La mesure doit entrainer un avantage par rapport à la situation normale du marché.

 L’avantage fourni par l’aide doit être individualisé au profit d’une ou de plusieurs
entreprises ou au profit d’un secteur de l’économie. En tout cas, l’aide publique doit
être distinguée des mesures de politique générale (exemple : procédés de type
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macroéconomique pour relancer l’économie). Seules des contributions suffisamment


sélectives vont mériter la qualification d’aide d’Etat.

 L’avantage doit provenir de l’Etat ou de ressources d’Etat.

 L’avantage doit fausser la concurrence ou être susceptible de le faire dans les échanges
intracommunautaires.  La condition des affectation des échanges entre les Etats
membres. On peut penser que des aides d’une ampleur limitée (montant de l’aide /
taille modeste de l’opérateur) attribuées en dehors du règlement de minimis peuvent
échapper à ce critère de l’affectation des échanges entre les Etats membres.

1) Le test de l’investisseur privé en économie de marché


Ce test a été développé par la Commission. Il a été ensuite décliné par la Commission sous
d’autres formes : On trouve le test du créancier privé (lorsque l’Etat prête de l’argent) et le
test du vendeur privé (lorsque l’Etat vend des biens ou des services).
Ce test permet de faire bénéficier les Etats membres d’une présomption d’absence d’aide et
donc d’une dispense de notification à la Commission. L’Etat doit pouvoir évaluer si en
procédant à un investissement dans une entreprise, il le fait dans des conditions similaires à
celles d’un investisseur privé agissant dans une perspective de rentabilité. Ce test permet de
déterminer si l’intervention économique d’un Etat membre peut ou non être considérée
comme neutre au regard des règles d’aides d’Etat.
La mise en œuvre du test soulève des difficultés par rapport à la Commission. L’objet du
contrôle de la Commission n’est pas d’évaluer le caractère avisé de l’investissement mais de
déterminer l’objectif économique propre à l’opération d’investissement. Cela permet à la
Commission de décider si l’application du test est justifiée ou non dans chaque cas d’espèce.
Ce qui pose problème c’est le fait qu’il faut analyser l’objectif poursuivi par l’Etat pour
chaque opération d’investissement. C’est un point qui fait débat entre la Commission et la
Cour de justice parce qu’on est dans une démarche de la Commission complètement
contradictoire à l’ensemble des aides d’Etat. En effet, on définit toujours la notion d’aide
d’Etat en fonction de ses effets restrictifs de concurrence et non de la finalité et les objectifs
poursuivis par les pouvoirs publics. Cela crée une tension entre la pratique de la Commission
et la JP de la CJUE.
Seules les interventions de l’Etat ayant un caractère économique se voient appliquer le test de
l’investisseur avisé.  Une prise de participation dans le capital d’une entreprise, quand
l’Etat octroie des prêts conséquents à une entreprise, les garanties d’Etat, renoncer à une
créance d’impôt (affaire EDF)
CJUE 15 juin 2012, Commission c. EDF, aff. C-124/10 : L’Etat renonce à une créance
d’impôt dans le cadre de la participation de l’Etat à l’augmentation du capital d’EDF. Est-ce
qu’on est sur une intervention de l’Etat français qui présente un caractère économique ?
Argument de la France : L’intervention de l’Etat relève des actes de puissance publique (c’est
un fourre-tout assez pratique : On peut y mettre la politique sociale / fiscale etc…). Le critère
de l’investisseur privé est inopérant. La Commission est allée dans le sens de l’Etat français et
a refusé d’appliquer le test de l’investisseur privé. Ce qui est intéressant c’est que dès l’arrêt
rendu en première instance, le tribunal de l’UE juge que le refus de la Commission
41

d’appliquer le test est une erreur de droit. Le tribunal annule la décision de la Commission. Il
y a eu un pourvoi introduit par la Commission. La Cour a enfoncé le clou et a rejeté le
pourvoi. Elle a bien précisé comment on devait apprécier ce type de situation. Elle a souligné
qu’un avantage économique, même accordé par des moyens de nature fiscale, doit être
apprécié notamment au regard du critère de l’investisseur privé s’il apparait que l’Etat a,
malgré l’emploi de moyens relevant de la puissance publique, accordé un avantage en sa
qualité d’actionnaire de l’entreprise lui appartenant.
La difficulté consiste à opérer une analyse économique alors même qu’on ne dispose pas de
conditions normales du marché. Si on est sur un marché qui n’attire pas des investisseurs et
que l’Etat intervient (parce que c’est le seul à intervenir mdr), la Commission se trouve un peu
bloquée pour apprécier si l’Etat a agi en tant qu’investisseur avisé. C’est en particulier le cas
pour les marchés en cours de libéralisation.
2) L’individualisation des bénéficiaires
La condition est posée par l’article 107 § 1 TFUE.
Cela renvoie à la distinction entre les aides sélectives et les mesures de soutien général
(mesures de relance de l’économie : L’Etat agit sans mesures d’individualisation). Ces aides
générales ne sont pas en principe des aides d’Etat au sens de l’article 107. Ce sont des
mesures de soutien général de l’économie. Toutefois, la distinction entre aides individuelles et
mesures générales est délicate à apprécier. Dès lors qu’une mesure isole une catégorie
d’entreprises ou qu’un Etat membre individualise ses mesures de soutien, on sera dans le
champ de l’article 107 TFUE.
CJCE 26 septembre 1996, Kimberly Clark : La Commission va défendre une appréhension
extensive de la notion d’aide d’Etat. Il s’agissait d’une intervention de l’Etat français à
hauteur de 25% du coût du plan social de l’entreprise Kimberly Clark. L’entreprise a établi
des mesures alternatives au licenciement d’un certain nombre d’employés au prix d’un
engament financier de l’Etat français par le truchement d’une convention du Fonds national
de l’emploi. A l’époque, le FNE était l’instrument privilégié de l’Etat français pour atténuer
les conséquences sociales des licenciements. Ce FNE était applicable sans exception à toutes
les entreprises. A priori, le critère de la sélectivité de l’entreprise fait défaut. Mais l’approche
de la Commission va être beaucoup plus sévère et pointilleuse. La Commission a constaté que
ces conventions FNE étaient négociées par l’administration française dans le cadre d’un
pouvoir discrétionnaire. Dès lors, pour la Commission et la Cour de justice, qu’on est sur un
dispositif qui introduit un pouvoir discrétionnaire au profit de l’administration, on rentre dans
le cadre d’un régime d’aide d’Etat. Le jeu normal de la concurrence peut être faussé. L’arrêt
est intéressant parce qu’il montre qu’il est difficile pour les Etats membres de convaincre dans
chaque cas d’espèce la Commission que la mesure est générale et non pas sélective par nature.
Toute contribution d’un Etat aux coûts sociaux d’une restructuration d’entreprise va être
assimilée à une aide d’Etat. On retrouve la même problématique dans différentes affaires :
Plan de soutien dans le secteur du textile dans les années 1990  Toutes les aides perçues
dans le secteur textile à partir de 1995 ont dû être restituées à l’Etat français.
3) La compensation ou surcompensation d’une mission de service public
La question s’est posée de savoir comment qualifier les compensations financières accordées
par l’Etat aux entreprises gérant un SIEG. La dérogation importante figure à l’article 106 § 2
42

du TFUE : « Les entreprises chargées de la gestion de SIEG sont soumises aux règles de
concurrence sous réserve que l’application de ces règles ne fasse pas échec à
l’accomplissement de la mission particulière qui leur a été impartie ». Cette dérogation est
fondamentale et a beaucoup été utilisée en matière d’aides d’Etat. Les entreprises avaient
tendance à utiliser les subventions croisées qui permettaient à des entreprises de recevoir des
subventions destinées à des objectifs d’IG pour des activités concurrentielles (entreprises de
réseaux comme la poste et la SNCF). Les règles de droit n’imposaient pas aux entreprises de
réseau d’établir une comptabilité analytique.
TPICE 27 février 1997, Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) : C’est le
premier jugement où on a fait application de l’article 106. Des abattements fiscaux ont été
accordés à la Poste pour tenir compte des contraintes de desserte et de présence postales sur
tout le territoire national. Le problème c’est que l’avantage fiscal incluait dans son assiette la
totalité des coûts et du CA de la Poste xD La Commission était convaincue qu’on était dans le
champ d’une aide d’Etat. Le tribunal va se placer immédiatement sur le terrain de l’article
106§2. Certes, on est bien sur une qualification d’aide d’Etat. Mais la dérogation permet à
échapper à l’interdiction des aides d’Etat posées par l’article 107§1 TFUE. Les abattements
fiscaux ne visaient qu’à compenser les surcoûts engendrés pour la Poste par
l’accomplissement d’une mission de SP. Ces abattements fiscaux ont été indispensables pour
que les activités non concurrentielles de la Poste soient en équilibre financier. Mais on n’avait
aucune garantie dans ce type de dossier à l’époque. Et si l’Etat était plutôt dans une
surcompensation ? Par la suite, une directive postale a été adoptée en 1997 va obliger les
entreprises comme La Poste à dresser une comptabilité séparée pour les activités relevant du
secteur préservé et les activités relevant du secteur concurrentiel. Le Tribunal manifeste dans
l’arrêt son embarras en précisant que s’il y avait eu une telle comptabilité, la Commission
aurait pu établir sur un fondement plus certain la qualification d’aide d’Etat. Le Tribunal
voulait de toute façon mettre en avant la dérogation de l’article 106§2.
Après cet arrêt, il y a eu une période où les Etats ont pu utiliser cette dérogation. Ensuite la
Cour est intervenue avec un arrêt important  CJCE 24 juillet 2003, Altmark, aff. C-
280/00 : La Cour va plus loin dans le raisonnement juridique. Elle va poser les conditions
nécessaires afin qu’une compensation financière pour charge de SIEG ne soit pas considérée
et qualifiée comme une aide d’Etat. La Cour va fixer 4 conditions rigoureuses et cumulatives
qui vont permettre aux pouvoirs publics de ne pas notifier un projet d’aides compensant des
missions de SP :
 L’entreprise bénéficiaire de la subvention doit être chargée de mission de SIEG dans
des termes clairement définies. On peut penser à des actes de mandatement.

 La compensation ne doit pas dépasser le nécessaire pour couvrir le coût des missions
de SP.

 Les paramètres de calcul de la compensation doivent avoir été établies au préalable de


façon objective et transparente.

 Lorsque le choix de l’entreprise chargée d’un SIEG n’a pas été opéré à la suite d’une
procédure de marché public, le niveau des coûts doit être déterminé par la personne
publique en fonction des coûts qu’une entreprise moyenne bien gérée aurait encourus.
43

La Cour veut encourager les Etats membres à privilégier la sélection des entreprises
par le biais de la procédure marché public.
Cet arrêt Altmark a suscité du soulagement. Il allège la charge de notification préalable. C’est
un arrêt politique qui visait à répondre aux attentes des Etats membres qui trouvaient le
système de contrôle restrictif. Mais assez rapidement, ce soulagement a laissé place à une
inquiétude de la part des Etats membres puisqu’ils ne savaient pas dans chaque espèce s’ils
remplissaient les 4 conditions Altmark ce qui a généré une insécurité juridique importante.
Fait assez rare : La Commission a décidé d’agir pour éclairer l’arrêt Altmark. La Commission
a adopté un paquet de textes Monti-Kroes en 2005. Ce paquet a été révisé en 2011  Paquet
Almunia. On est encore sous le régime Almunia.
La Commission va compléter l’arrêt Altmark  Décision n°2005/842 de la Commission du
28 novembre 2005 relative à l’application de l’article 106 §2 TFUE aux aides d’Etat sous
forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la
gestion de SIEG (paquet Monti-Kroes) : Les pouvoirs publics veulent compenser des
missions de SP accomplies par les entreprises. La décision va déclarer d’emblée compatibles
avec le marché intérieur un certain nombre d’aides qui pourtant ne satisfont pas aux critères
de la décision Altmark. La Commission va aller plus loin que la Cour dans le but de sécuriser
juridiquement la situation des entreprises et des Etats. En particulier, dans cette décision, les
aides destinées aux hôpitaux, aux logements sociaux, vont être d’emblée considérées comme
compatibles. Idem pour les compensations octroyées à des entreprises pour assurer les liaisons
aériennes ou maritimes avec les îles.
La décision Altmark a été à la fois saluée et critiquée. En adoptant une telle décision, la
commission légifère d’une certaine façon, ce qu’elle ne devrait normalement pas faire au
regard de ses compétences dans les traités. Instrument normal : Une directive prise par le
Conseil des ministres et le Parlement (législateur de l’Union).
Le paquet Monti-Kroes a été remplacé par le paquet Almunia  Décision n°2012/21 de la
Commission du 20 décembre 2011 relative à l’application de l’article 106 §2 TFUE aux aides
d’Etat sous forme de compensation de service public octroyées à certaines entreprises
chargées de la gestion de SIEG (paquet Almunia) : Les compensations pour obligations de SP
seront exemptées d’une obligation de notification à la Commission. La Commission va
étendre via sa décision le nombre de services dont les subventions vont être exemptées de
notification. Il s’agit pour l’essentiel de compensations octroyées pour des services répondant
à des besoins sociaux. Il y a une liste de services sociaux  SSIG (Services sociaux d’IG).
On y trouve les soins de santé et de longue durée, la garde d’enfants, l’insertion sur le marché
du travail, l’insertion sociale des groupes vulnérables (On peut penser à des personnes venant
de pays tiers à l’Union, handicapés souffrant de discriminations etc…). Auparavant, seul le
logement social et le service des hôpitaux étaient concernés par l’exemption de 2005. Quel
que soit le montant, l’Etat et les CT peuvent s’abriter derrière cette décision pour ne pas
notifier le projet à la Commission. C’est une avancée. Mais c’est une avancée à relativiser. La
liste des SSIG n’est pas exhaustive. Cela laisse de la place à certains doutes. Les activités
sociales ne sont pas clairement définies. En ultime ressort, c’est la Commission qui va
pouvoir définir les SSIG qui relèvent du champ de l’exemption qu’elle a posée.
Exemple de ce genre de difficultés  Pays scandinaves : Conception différente du logement
social. N’importe quelle personne peut accéder au logement social. Ces pays ont dit devant la
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Commission que les subventions versées aux organismes gérant le logement social rentraient
bien dans le cadre de l’exemption. Réponse de la Commission : Il y a un problème dès lors
que le système est accessible à tous. Ces pays ne peuvent pas bénéficier de l’exemption. Il
faut délimiter le périmètre du logement social avec des populations bien définies.
Les décisions de la Commission ont incité les CT en France à recourir aux appels d’offre,
l’idée que ces appels d’offre constituent le meilleur moyen de fixer le montant des OSP
correspondant à des missions d’IG. Les paquets de la décision ont encouragé les Etats à faire
précéder l’allocation des fonds publics indispensables à la prise en charge de SIEG d’une
procédure de publicité et de mise en concurrence. Aujourd’hui, dans le contentieux
administratif, on se souvient de l’affaire  CE, 13 juillet 2012, Communauté de communes
d’Erdre e.a. c. Aéroport Notre-Damedes-Landes : On voit de quelle manière l’Etat
applique de manière stricte les critères de la JP Altmark à la subvention destinée à la
construction de l’aéroport pour la concession d’exploitation de l’aéroport. La subvention a été
prévue au bénéfice de la société Aéroports du Grand Ouest. S’agit-il d’une aide d’Etat ? Le
CE a jugé dans cette affaire que l’aide de 165 millions d’euros ne constituait pas une aide
d’Etat. Il s’est appuyé sur les critères Altmark. Le CE souligne qu’aucun investisseur avisé en
économie de marché ne pourrait assumer la construction de cet ouvrage.
Cette JP Altmark est appliquée scrupuleusement par le JA. Toutefois, cette JP peut aussi avoir
des victimes. Elle n’est pas toujours favorable. Exemple : ASNCM (Corse Méditerranée) :
Dans une décision en 2013, la Commission a qualifié d’aide d’Etat toute une partie de
subventions attribuées par la CT de Corse à l’ASNCM au titre d’une délégation de SP
attribuée à l’ASNCM. La contribution versée n’avait pas été notifiée à la Commission
européenne en violation de l’article 108§3 TFUE. La contribution était illégale. L’ASNCM
était menacée de rembourser la somme à l’office des transports de Corse.  Trib. UE, 1er
mars 2017, République française c. Commission, T-366/13 et SNCM c. Commission, T-
454/13 : Le Tribunal condamne la France à récupérer au plus vite l’aide de 220 millions
d’euros indument versées au délégataire de SP l’ASNCM. La France s’est défendue en disant
que les critères Altmark étaient remplis. La CT de Corse a fait valoir les mesures de publicité
et de mise en concurrence. Mais la Commission a considéré que les critères n’étaient pas
remplis, en particulier le premier critère. Il faut être sur une mission de SP (SIEG). En
l’espèce, on estime qu’on n’est pas sur un réel besoin de SP. La Commission estimait que le
service complémentaire en cause dans le dossier ne correspondait pas à une mission de SP. La
France a donc commis une erreur manifeste d’appréciation. Certes, il y a eu une convention
de DSP mettant en évidence que le service complémentaire était inclus dans le SIEG. Mais
pour la Commission, on n’est justement pas dans le cadre d’un SIEG. Le Tribunal précise
qu’il n’est pas systématique qu’une procédure de DSP corresponde aux exigences de la JP
Altmark. Le fait que le Tribunal et la Commission aient insisté sur les particularités
A la différence des marchés publics, la procédure de DSP permet la négociation entre
l’autorité délégante et le futur délégataire. Il y a une marge d’appréciation laissée à la
collectivité publique pour choisir son cocontractant. La Commission veut s’assurer que la
procédure de DSP permet bien un degré de concurrence effectif et aboutit bien à la sélection
de l’entreprise capable de fournir un service au moindre coût.
La JP peut permettre de condamner des pratiques d’aides d’Etat dès lors que le SIEG n’est pas
avéré.

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