Un Monde en Mutation (De 1919 À Nos Jours)

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Construire l’Histoire

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Construire l’Histoire 4

scientifique
Conseillère
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Auteurs
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Le monde 4PVTMBEJSFDUJPOEF *7BOEFS#PSHIU
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Le monde des années 1920 et 1930  +FBO-PVJT+BEPVMMFFUEF+FBO(FPSHFT 77BO-JFNQU1ZDLF


La diffusion de la crise [de 1929] dans le monde /3
Les directeurs de collection et les auteurs remercient Catherine ADAM, Jean-Luc BLANPAIN, Marie-Thérèse COENEN, Marie-
La Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
La décolonisation et l’émergence du tiers-monde
85/1

j$0/4536*3&-)*450*3&x Sous la direction de +FBO-PVJT+BEPVMMFet de +FBO(FPSHFT
Victoire de GROOTE, Xavier DELEPLANQUE, Paul de THEUX, Vincent ENGEL, Jacqueline HENDRICKX, Philippe JANSSENS,
Le monde bipolaire de 1947 à 1989  Bichara KHADER, Manya KOSYREFF, Jean PIROTTE, Anne ROEKENS, Paul SERVAIS, Anne VAN DEN BULCKE.
Le monde de 1991 à 2008 

4
Les conflits à composante religieuse aujourd’hui /1
Les opérations de paix de l’ONU /1
Un exemple de multinationale à l’heure de la mondialisation : Toyota dans le monde en 2003
Les échanges planétaires
/1
/2
t 1BSDFRVBQQSFOESFDFTUDIFSDIFS E¹DPVWSJSFUCONSTRUIREEFTDPOOBJTTBODFTOPVWFMMFTy
t 1BSDFRVF EBOTMJNQPTTJCJMJU¹EPCTFSWFSMBWJFEFTIPNNFTEVQBTT¹ MIJTUPSJFOOFQFVURVFTFO
6ONPOEFFONVUBUJPO
Les inégalités au niveau planétaire (IDH en 2006) 
La dynamique de la population mondiale
Taux de mortalité des moins de 5 ans, 2005 (pour 1000 naissances vivantes)
/1
5/2
CONSTRUIREVOFSFQS¹TFOUBUJPO MBQMVTmE¼MFQPTTJCMF
t 1BSDFRVFMBDPNQS¹IFOTJPOEVQBTT¹TFSUµQS¹QBSFSMFT¹M¼WFTµCONSTRUIREM)JTUPJSF DFMMFRVJDPNNFODF
EFµOPTKPVST
Comparaison des émissions de CO2 dans le monde /6
EFNBJOy
L’Afrique et l’Asie
La région des Grands Lacs : zones de conflit et ressources minières et énergétiques (1996-2003) /7 yMBDPMMFDUJPOj$0/4536*3&-)*450*3&xPGGSFy
Le Proche et le Moyen-Orient durant l’entre-deux-guerres /1
Les enjeux du Moyen-Orient /1
Israël et la Palestine de 1947 à 2000 /1 … µM¹M¼WF : … µMFOTFJHOBOU, un guide :
Israël et les territoires palestiniens en 2006 /1
La Chine et le Japon entre 1910 et 1950 /1 un manuel riche de très nombreux matériaux pour : - pour construire des E¹NBSDIFTEFORVºUFFUEBQQSFOUJTTBHF
La guerre de Corée (1950-1953) /1 - relier QBTT¹FUQS¹TFOU ; en classe, BOBMZTFSBWFDMFT¹M¼WFTMFTOPNCSFVYEPDVNFOUT
La guerre du Viêtnam /5
- prendre conscience de TFTQSPQSFTSFQS¹TFOUBUJPOT de la vie que contient le manuel et DPOTUSVJSFVOFWJTJPOTZOUI¹UJRVFEV
Les Amériques des hommes du passé ; QBTT¹ ; Maquette et mise en page : Page-In Lincent
- découvrir MFTSBDJOFTEFM0DDJEFOUFUEFOPTS¹HJPOT EBOTMF - proposant des TJUVBUJPOTEBQQSFOUJTTBHFFUE¹WBMVBUJPO
Photo de la couverture : Page-In Lincent
La crise de Cuba /5 NPOEF ; des quatre grandes DPNQ¹UFODFTEFMIJTUPSJFO : s’interroger,
L’Amérique latine aujourd’hui /2 - s’initier aux démarches d’BOBMZTFDSJUJRVFqui sont le propre de critiquer, synthétiser et communiquer ; Photo Fort de Breendonk : Wim Robberechts & Co nv
l’historien ; - accompagné d’un CD-ROM comprenant un choix de Crédits photographiques : voir page 336
L’Europe
- approfondir et étoffer ses découvertes BVSFHBSEEFM¹UBU EPDVNFOUTTPOPSFTFUDBSUPHSBQIJRVFT ainsi que le EPTTJFS Cartographies : K. Adams, BDK, Tongres
L’Europe en 1914  EFTDPOOBJTTBODFTIJTUPSJRVFT et s’approprier des SFQ¼SFT EBQQSFOUJTTBHF.
L’Europe aux lendemains des traités de paix /8 DISPOPMPHJRVFTFUH¹PHSBQIJRVFT ;
L’Europe des années 1920  - développer les DPNQ¹UFODFT énoncées dans les référentiels en
L’Europe en 1938-1939  vigueur dans l’enseignement secondaire.
L’Europe en 1948 
Transformations territoriales et déplacements de populations en Europe entre 1944 et 1950 /8 un dossier d’apprentissage pour l’aider à développer savoirs, savoir-
Les étrangers dans l’Europe des 25 en 2003 /3 faire et compétences, et faire le point sur ses acquis.
L’Union européenne en 2007 : l’Europe des 27 55/10
L’Europe en 2008 et la construction européenne  Même si la loi autorise, moyennant le paiement de redevances (via la société Reprobel - www.reprobel.be, créée à cet effet),
la photocopie de courts extraits dans certains contextes bien déterminés, JMSFTUFUPUBMFNFOUJOUFSEJUEFSFQSPEVJSF, sous
Les autres États et régions d’Europe Chacun des quatre tomes est réalisé par une équipe d’enseignants, QSBUJDJFOTEFMFOTFJHOFNFOU quelque forme que ce soit, en tout ou en partie, MFQS¹TFOUPVWSBHF. (Loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits
TFDPOEBJSF et/ou EJEBDUJDJFOTEFMIJTUPJSF, et conseillés par des IJTUPSJFOTEFN¹UJFS, spécialistes s du f
ne
voisins, modifiée par la loi du 3 avril 1995, parue au Moniteur du 27/07/1994 et mise à jour au 30/08/2000)
L’Italie en 1920 /1 de la période étudiée dans le manuel. L’ensemble de la collection a été conçu et supervisé par
Le démembrement de la Tchécoslovaquie [1938-1939] /9
Cette reproduction sauvage cause un préjudice certain aux auteurs et aux éditeurs.

raci

ut
Camps de concentration et centres d’extermination (1939-1945) /2
+FBO-PVJT +ADOULLE FU +FBO (EORGES, enseignants d’Histoire dans le secondaire, formateurs
L’Allemagne et Berlin [pendant la guerre froide] /2 d’enseignants et professeurs de didactique de l’Histoire à l’université. © 2008 Éditions Didier Hatier - édition corrigée 2009

ur
La guerre civile et les pertes territoriales de la Russie, 1918-1921 /1 Éditeur responsable : D2H SA - Place Baudouin Ier, 2 - B-5004 Namur (Bouge) - www.groupeerasme.be
La fin des « États-satellites » de l’URSS, 1988-1989 /11 Tome 1 - 3e année : Les racines de l’Occident (jusqu’au Xe siècle) Imprimé en Belgique
Le pétrole et le gaz russes en 2006 58/6 Tome 2 - 4e année : L’affirmation de l’Occident (XIe-XVIIIe siècle)
le ISBN : 978-2-87441-158-8
Les Balkans depuis 1992 et le plan de paix pour la Bosnie de décembre 1995 /1
Tome 3 - 5e année : L’Europe dans le monde : expansion er révolutions (de la fin du XVIIIe siècle à 1918) DL : 2009/3030/67
Tome 4 - 6e année : Un monde en mutation (de 1919 à nos jours)
nouveau

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Construire l’Histoire
Tome 4
Un monde en mutation
(de 1919 à nos jours)
Directeurs de collection
Jean-Louis Jadoulle
Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve
Université de Liège
Jean Georges
Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve
Collège Notre-Dame de Basse-Wavre

Auteurs Conseillère scientifique

Claude Allard Marie-Émilie Ricker


Institut Saint-Pierre et Saint-Paul, Florennes Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve

Coralie Snyers
Institut Saint-André, Bruxelles

Isabelle Van der Borght


Institut Saint-André, Bruxelles

Viviane Van Liempt-Pycke


Institut des Dames de Marie, Bruxelles

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Depuis 1919, le monde a connu d’importantes mutations. Pour découvrir
l’Histoire de cette période, ce manuel t’offre différents MATÉRIAUX. Ils sont
rassemblés en TROIS PARTIES.
Mode
La première partie, appelée HÉRITAGES, est reconnaissable
par un bandeau de couleur bleue. Elle concerne le PRÉSENT. Tu y
trouveras :
d’emploi
™ des pages-Enjeux : elles permettent de découvrir différentes
questions ou situations ACTUELLES que l’étude de cette période
t’aidera à mieux comprendre ;
™ des pages-Représentations : elles présentent différentes
manières de se représenter, AUJOURD’HUI, l’histoire de
l’Occident et du monde durant cette période. Et toi, qu’en
sais-tu ? Comment l’imagines-tu ? Comment te la représentes-
tu ?
™ des pages-Patrimoine : elles présentent des œuvres, des
lieux, des sites ou des éléments patrimoniaux où l’on peut
trouver, AUJOURD’HUI encore, des traces de la vie des hommes Ce manuel se présente donc
qui ont vécu durant cette période. comme UNE BOÎTE À OUTILS. Il
doit te permettre, progressivement
et avec ton professeur et les élèves
de ta classe, de CONSTRUIRE une
synthèse de l’Histoire des hommes
La deuxième partie de ce manuel s’intitule DOCUMENTS. Elle est
depuis la fin de la Première
reconnaissable par un bandeau de couleur jaune. Elle comprend
Guerre mondiale. Pour mener
une série de dossiers qui rassemblent, à propos d’un thème ou
l’enquête, laisse-toi conduire par
d’une question de recherche, des documents. Ces documents
ton professeur. À moins que tu
doivent te permettre de MENER L’ENQUÊTE et, progressivement, de
ne veuilles partir tout de suite à
DÉCOUVRIR l’Histoire du monde depuis 1919.
la recherche du passé. Dans ce
cas, choisis une page qui t’attire
ou t’intéresse et suis les logos
qui figurent en bas de la page de
gauche.
Mais, pour découvrir leur Histoire, TU AS BESOIN DE REPÈRES ! Tu les Au fil de l’enquête, tu apprendras
trouveras surtout dans la troisième partie de ton manuel. Nommée des savoirs et des savoir-faire
REPÈRES, elle est reconnaissable au bandeau de couleur verte. nouveaux qui te permettront
Elle comprend : ensuite d’exercer quatre grandes
™ des textes de synthèse (Le point sur…) ; COMPÉTENCES de l’historien :
™ des informations (Traces) sur la manière d’analyser et de s’interroger, critiquer, synthétiser
critiquer certaines traces du passé reproduites dans la et communiquer.
partie DOCUMENTS ;
™ un jeu de lignes du temps et de cartes
(Temps et Espace) ;
™ deux dictionnaires (Dictionnaire) : d’une part les notices
biographiques des auteurs de documents et d’autre part un
lexique des termes reproduits dans le manuel en italiques*.

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Je m’outille pour analyser
de manière critique des affiches
de propagande.
Je m’interroge :
dans quelle mesure
le monde actuel peut-il être
qualifié d’« unipolaire » ?

Dictionnaire

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Enjeu
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Je relève les représentations que

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la B.D. véhicule du « monde bipolaire »

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Je fais le point sur la nature in oi

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des deux blocs en conflit et ... ERIOTSIH
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les causes de leur disparition.

Héritages
Repères

Documents

Je découvre
quelques manifestations
de la guerre froide.

CH-6_000 Intro.indd 3 1/04/09 16:34:24


Un monde en mutation (de 1919 à nos jours)
ENJEUX REPRÉSENTATIONS PATRIMOINE
HÉRITAGES
1 La population mondiale 13 Au bord de l’aventure ? 17 Charlie Chaplin
2 La sécurité collective : un rêve impossible ? L’entre-deux-guerres dans la B.D. 18 1937 : Picasso peint Guernica.
3 Un monde unipolaire ? 14 La guerre froide dans la B.D. 19 Le fort de Breendonk
4 Quelle union pour l’Europe ? 15 Raconter la Shoah ? 20 Auschwitz, camps de la mort
5 Nord et Sud : de plus en plus (in)égaux ? 16 Che Guevara 21 La Déclaration universelle des droits de l’homme
6 La mondialisation : au profit de tous ? 22 Catastrophe au Bois du Cazier
7 Comment freiner le réchauffement climatique ? 23 L’Atomium, symbole de l’Expo 58
24 Se souvenir de la guerre
8 Femmes et hommes : l’égalité ?
25 Le gratte-ciel
9 Les religions : entre guerre et paix ?
10 La Belgique : à la croisée des chemins ?
11 La tentation de l’extrême droite
12 Victoire de la démocratie ?

LE POINT SUR...
26 La « Grande Guerre » : un bouleversement humain
Conséquences de
27 Après l’armistice, construire la paix ?
1914-1918
28 Après 14-18 : l’Europe face au monde
29 L’économie américaine dans les années 1920 79 La crise de 1929. Mécanismes d’une crise économique
Les crises
30 La crise devient mondiale : les années 1930. 80 Les réponses à la crise. L’Europe et les États-Unis dans
économiques
les années 1930
31 De la Russie impériale à l’URSS (1905-1924) 81 Les révolutions russes
32 L’URSS de Staline (1924-1953)
Les régimes 33 L’Italie devient fasciste.
DOCUMENTS (+ Débat)

autoritaires 34 Le nazisme : vers le pouvoir… (1919-1933) 82 Le racisme, fondement du nazisme


1918-1945

35 L’Allemagne nazie (1933-1945)


36 L’art dans les régimes totalitaires 83 Diversité et séduction de l’autoritarisme
Difficultés des 37 La Belgique dans les années 1930
démocraties dans les 38 L’échec de la paix (1936-1939). Vers la Seconde Guerre
années 1930 mondiale
39 Sur les ruines de l’Empire ottoman 84 L'Extrême-Orient en crise (1910-1950)
Regards sur le monde

40 L’art dans l’entre-deux-guerres


Art, culture et société
41 La vie quotidienne dans l’entre-deux-guerres
La Seconde Guerre 42 La Belgique et la France sous l’Occupation 85 De la Pologne à Hiroshima (1939-1945)
mondiale et ses 43 Pie XII et la « Solution finale » 86 L’univers concentrationnaire
conséquences
44 1945 : un monde bouleversé 87 L’Organisation des Nations unies : objectifs et
Régulation
45 L’ONU : quel bilan ? fonctionnement d’une institution mondiale
internationale
88 Vers une justice pénale internationale ?
46 Aux origines du conflit Est-Ouest (1945-1947) 89 Les blocs Est et Ouest
1945-2008

47 Armement et désarmement (1945-2007) 90 La première guerre froide (1947-1974)


48 La guerre du Viêtnam (1964-1975) 91 La seconde guerre froide (1975-1989)
Les relations Est-Ouest
49 La séduction du communisme
50 L’Europe de l’Est depuis 1945 92 URSS : la fin de l’empire (1985-1991)
51 Gorbatchev : visionnaire ou fossoyeur de l’URSS ?
52 La décolonisation 93 La fin des empires coloniaux : pourquoi ?
Les relations Nord-Sud 53 Le Congo belge : du paternalisme à l’indépendance 94 Les racines du sous-développement
54 Congo, Zaïre, RDC

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La construction 55 L’Europe en construction. Origine et objectifs 95 L’Union européenne : construction et fonctionnement
européenne
56 Les États-Unis, superpuissance ?
57 Cuba et le Chili, deux « révolutions » 96 L’Amérique latine : vers la démocratie
58 La Russie post-communiste
59 La Chine de Mao : de l’image à la réalité 97 La Yougoslavie : le retour de la guerre en Europe
Regards sur le monde 60 La Chine au tournant du millénaire 98 Le Maghreb : entre démocratie et islamisme
61 Israël-Palestine : la paix impossible ? 99 Israéliens et Arabes : 60 ans de guerre
DOCUMENTS (+ Débat)

62 L’Iran, une république islamique 100 Les conflits du Moyen-Orient


63 L’Afrique des Grands Lacs 101 Le géant indien
64 Qu’est-ce que le terrorisme ? 102 Génocide et négationnisme
1945-2008

65 La question royale en Belgique 103 Le fédéralisme belge


66 De la Belgique unitaire à la Belgique fédérale 104 Les partis politiques belges
105 La démocratie politique et sociale en Belgique. Droit de
La Belgique
vote, concertation et sécurité sociales
106 Les étrangers en Belgique. Immigrés, réfugiés, « sans-
papiers » ?
67 L’économie mondiale depuis 1945 107 Les acteurs de la mondialisation économique
68 Société et vie quotidienne après 1945
Économie et société 69 Génération 68
70 La question noire aux États-Unis
71 La planète en danger
108 L’espace, enjeu stratégique
Sciences et techniques

72 Les mutations démographiques au XXe siècle 109 Le XXe siècle ou la victoire de la médecine ?
73 Le siècle de l’automobile
À travers le siècle

Société 74 Jeux Olympiques : sport ou politique ?


75 Les femmes en Belgique
76 Famille et jeunesse au XXe siècle
77 Qu’est-ce que l’art ? 110 Compendre l’art contemporain
Art et culture
111 Planète médias
78 Le catholicisme belge au XXe siècle 112 Le catholicisme : vers un aggiornamento ?
Les religions
113 Aux racines de l’islamisme

TRACES TEMPS ET ESPACE


114 La photographie de presse Chronologie 119 Le monde de 1910 à 1960
115 L’affiche politique 120 Le monde de 1960 à 2008
116 Le dessin de presse 121 Culture et société
117 Les sources audiovisuelles
REPÈRES

122 La Belgique de 1900 à 2008


118 Internet et l’Histoire
Cartes 123 Le monde des années 1920 et 1930
124 La décolonisation et l’émergence du tiers-monde
125 Le monde bipolaire de 1947 à 1989
126 Le monde de 1991 à 2008
127 L’Europe en 1914
128 L’Europe des années 1920
129 L’Europe en 1938-1939
130 L’Europe en 1948
131 L’Europe en 2008 et la construction européenne
132 Les inégalités au niveau planétaire (IDH en 2006)
NOTICES BIOGRAPHIQUES DES AUTEURS DE DOCUMENTS – LEXIQUE – TABLE DES SIGLES – TABLE DES CARTES

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Héritages 1
La population mondiale
Enjeux

À partir du XVIIIe siècle, l’Europe a connu une transition démographique qui a provoqué une expansion de
la population. Cette croissance se poursuit-elle aujourd’hui ?
Quels sont les principaux problèmes qui distinguent, dans le monde, les populations du Nord et du Sud ?

Hypothèses sur la progression de


2 la population mondiale (D’après
A. GRESH [dir], Atlas du Monde
diplomatique, Paris, A. Colin, 2006,
p. 39)

72

76 1 La dynamique de la population mondiale (D’après Th. DE MONTBRIAL et Ph. MOREAU DEFARGES [dir], Ramses 2007,
Paris, Dunod, 2006, p. 195)

109

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Les étrangers dans l’Europe des 25 en 2003 (D’après C. WIHTOL DE WENDEN, Atlas des migrations dans le monde, Paris,
3 Autrement, 2005, p. 19)
4
- [En Belgique], le taux de fécondité*
est de 1,71. Est-ce dangereux ?
- Oui. Car le remplacement des
générations n’est pas assuré et
cela va provoquer un vieillissement
progressif de la population, avec
un poids relatif croissant des
âgés et un poids décroissant de
la population en âge de travailler.
C’est une transition historique.
Depuis deux siècles, nous avons
vécu dans une phase d’abondance
démographique. Désormais, nous
allons devoir faire face à une
rétraction démographique.
- L’enjeu du vieillissement, c’est
essentiellement le paiement des
futures pensions, non ?
- Le paiement des pensions n’est qu’un
des problèmes auxquels nous allons
devoir faire face. Plus généralement,
c’est toute l’organisation de nos
sociétés que nous devrons revoir.
Nous ne pourrons plus faire
fonctionner le marché du travail
comme avant. (…) La ressource
humaine va devenir un facteur
Lybie rare ; elle devra être de plus en plus
compétente et qualifiée. (…)
Entretien avec Géry COOMANS, dans Le Soir,
19 juillet 2007, p. 2

5
6 Excellences, Messieurs les membres et responsables d’Europe,
Nous avons l’honorable plaisir et la grande confiance de vous écrire cette
lettre, pour vous parler de l’objectif de notre voyage et de la souffrance de
nous, les enfants et jeunes d’Afrique. (…) Nous avons la guerre, la maladie,
le manque de nourriture, etc. (…) Nous avons des écoles mais un grand
manque d’éducation et d’enseignement. Sauf dans les écoles privées où
l’on peut avoir une bonne éducation et un bon enseignement, mais il faut
une forte somme d’argent. Or, nos parents sont pauvres, et il leur faut nous
nourrir. (…)
Donc, si vous voyez que nous nous sacrifions et exposons notre vie, c’est
parce qu’on souffre trop en Afrique et qu’on a besoin de vous. Pour lutter
contre la pauvreté et pour mettre fin à la guerre en Afrique.

Yaguine KOITA et Fodé TOUNKARA, lettre retrouvée le 2 août 1999 à Zaventem (D’après
Le Soir, 4 août 1999, p. 13)

PLANTU, caricature, dans Le Monde, 15 mai 1991, p. 1

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Héritages 2
La sécurité collective :
Enjeux

un rêve impossible ?
Les médias nous renvoient souvent l’image d’un monde violent. Les conflits sont-ils moins nombreux depuis
la fin de la guerre froide ? Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur la sécurité collective ?
Comment celle-ci est-elle assurée ? Avec quels résultats ?

1 Le nombre des conflits armés a été réduit de 40 % depuis 1992. Telle est la conclusion principale du rapport Guerre et paix
au XXIe siècle1. (…) Depuis 1988, une centaine de conflits ont pris fin souvent sans grande publicité. Presque partout, les
violations graves des droits de l’homme seraient en recul. Au cours des dix dernières années, le nombre de réfugiés aurait
chuté de 30 %. Les tentatives de coup d’État se raréfient avec 25 en 1963 contre 10 en 2004, qui ont toutes échoué. Moins
nombreuses, les confrontations armées entre États sont aussi moins meurtrières. (…) Les conflits opposent désormais
rarement de lourdes armées sur un champ de bataille. (…) La période qui s’est ouverte en 1945 n’a donné lieu à aucune
guerre entre grandes puissances. (…) Au nombre des explications de cette [diminution des conflits] : la fin des guerres
coloniales puis celle de la guerre froide. L’évolution de l’Organisation des Nations unies a aussi joué un rôle important : sa
paralysie a pris fin [depuis 1990] et sa contribution à la prévention ou à la résolution de conflits a augmenté. (…) En dépit de
tragiques échecs, « il y a eu plus de conflits civils résolus par la négociation ces quinze dernières années que pendant les
deux siècles précédents », souligne, dans un entretien au Monde, Gareth Evans2, président de l’International Crisis Group2.
À ses yeux, les deux principaux dangers qui menacent aujourd’hui la planète sont « la prolifération des armes de destruction
massive* » et « le terrorisme, y compris d’ailleurs l’utilisation de l’arme nucléaire par des terroristes ».
1
Étude réalisée par le Human Security Center de l’Université de Colombie britannique (Canada)
2
Ministre dans plusieurs Gouvernements socialistes en Australie, il dirige l’International Crisis Group, une ONG installée à Bruxelles et dont le projet
est d’analyser les conflits et de proposer des solutions.

Philippe BOLOPION, Des guerres moins nombreuses et moins meurtrières, dans Le Monde, 19 octobre 2005, p. 1-2

2 Toute réforme globale de l’ONU est pour le moment exclue. Les trois grandes puissances du Conseil de Sécurité –
États-Unis, Chine et Russie – s’accommodent du statu quo ; pour elles, la diplomatie doit demeurer une affaire entre États
qui comptent. Plusieurs colosses – Inde, Brésil, Japon – réclament un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité,
45 mais le système est verrouillé, toute proposition de réforme de l’organisation mondiale se trouvant bloquée si l’un des cinq
membres permanents actuels met son veto (…). Pourtant l’ONU reste l’infirmier indispensable, celui auquel on fait appel
47 pour les cas désespérés, pour ces situations dont personne – et surtout pas les grandes puissances – ne veut vraiment
s’occuper. (…) L’ONU, si contestée, accomplit le travail ingrat dont les États ne tiennent pas à se charger : assumer les
64 « zones grises » où l’État a fait faillite, où les populations se retrouvent abandonnées à la violence des seigneurs de la guerre
et à la misère (…). Les interventions de l’ONU présentent trois avantages : elles sont peu coûteuses (le coût mensuel d’un
Casque bleu* est de 1000 dollars) ; elles associent des soldats ou des experts de très nombreuses nationalités, marquant le
caractère universel des actions onusiennes ; enfin, elles sont multidimensionnelles, prenant en compte toutes les facettes
87-88
militaires, économiques, culturelles, institutionnelles, etc. du processus de paix.
Philippe MOREAU DEFARGES, ONU, soixante ans, dans Th. DE MONTBRIAL et Ph. MOREAU DEFARGES (dir), Ramses 2007, Paris, Dunod, 2006, p. 271-272

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3 Pour l’opinion publique européenne, le bio-terrorisme1 est devenu une réalité à l’automne 2001 avec l’attaque aux lettres piégées aux États-Unis. (…)
Le terrorisme nucléaire est moins probable sous sa forme la plus redoutable, celle de la détention d’une ou de plusieurs armes nucléaires par des groupes
terroristes et de leur usage. Mais des attaques radiologiques2 projetant des matières radioactives à l’aide d’explosifs conventionnels* sont considérées
comme possibles. Leur utilisation ferait un nombre beaucoup moins important de victimes, mais aurait un effet psychologique dévastateur. L’utilisation de
sources largement disponibles dans les hôpitaux (comme le cobalt 60, très radioactif) est souvent évoquée. (…) L’AlEA, en 2003, a (…) fait état de trafics
clandestins de matières nucléaires susceptibles d’être utilisées dans des armes radiologiques2 en Afrique. Enfin, des attaques contre des installations
nucléaires ne peuvent être exclues, qu’il s’agisse de centrales nucléaires ou d’installations de retraitement (…).
L’inquiétude principale des services de renseignements porte cependant sur des attaques chimiques. Les agents toxiques et chimiques militaires de
première génération (ypérite par exemple) sont relativement simples à produire. La difficulté n’est pas insurmontable pour les agents de seconde génération
comme les neurotoxiques. Le sarin utilisé dans le métro de Tokyo3 en est un exemple : il était d’un niveau de pureté insuffisant mais aurait pu faire beaucoup
plus de victimes s’il avait été purifié et disséminé en aérosol. Des substances très létales peuvent aussi être produites avec des composés existant dans
le domaine industriel ou agroalimentaire (pesticides par exemple). Un attentat dans des espaces fermés (transports souterrains ou centres de congrès)
pourrait être très meurtrier. (…)
1
Actions terroristes utilisant des armes porteuses d’organismes vivants (bactéries, virus, toxines)
2
Attaque à l’aide de déchets radioactifs dispersés par l’explosion d’une bombe
3
Le 20 mars 1995

Thérèse DELPECH, Vers une nouvelle course aux armements non conventionnels ?, dans Th. DE MONTBRIAL et Ph. MOREAU DEFARGES (dir), Ramses 2004, Paris, Dunod, 2003, p. 43

4 L’adoption de la résolution 1373 (28 septembre 2001) résulte du constat des insuffisances
de la lutte contre le terrorisme, brutalement révélée par les attentats du 11 septembre1. Le
Conseil de Sécurité des Nations unies exerce ici son pouvoir d’injonction et exige que les États
prennent toutes les mesures nécessaires, notamment pour priver les groupes terroristes de
leurs ressources financières (…). Il leur impose d’adapter leur législation nationale afin d’assurer Depuis les attentats du 11 septembre 2001,
une meilleure répression du terrorisme (…). Le Conseil demande également aux États (…) de 59,2 millions de dollars possédés par Al-Qaïda
renforcer leur coopération sur la circulation des informations relatives aux groupes terroristes ou par des sociétés proches ont été gelés ou
comme sur la poursuite et la répression de leurs actes. La résolution crée enfin le Comité confisqués dans 129 États (70 % en Europe,
contre le terrorisme2. (…) Cependant, la mise en œuvre de la résolution soulève plusieurs Eurasie ou Amérique du Nord, 21 % au
Moyen-Orient, 8 % en Asie du Sud-Est).
questions. Elle comporte d’abord une lacune importante, puisque la notion de terrorisme n’y
est pas définie. Aucun accord n’a pu être trouvé en raison des difficultés soulevées par la
question de la qualification des attentats palestiniens. (…) Enfin, de nombreuses organisations
internationales ont souligné les risques d’atteintes aux droits de l’homme (…).
1
Attentats du 11 septembre 2001, qui ont détruit les deux tours du World Trade Center à New York aux États-Unis
et causé la mort de près de 3000 personnes (→ 64/5)
2
Comité composé de tous les membres du Conseil de Sécurité et chargé de suivre l’application de la résolution
1373 avec l’assistance d’un groupe d’experts

Clothilde LABATIE, La résolution 1373 du Conseil de Sécurité et la lutte contre le terrorisme, dans Questions
internationales, n° 8, juillet-août 2004, p. 54

Nombre présumé de têtes nucléaires dans le monde en 2007


5 (Adapté d’après L. ZECCHINI, Armes de destruction massive : la montée des Depuis leur indépendance en
périls, dans Le Monde, 2 février 2006, p. 23) 1947, l’Inde et le Pakistan se
disputent le contrôle de la région
du Cachemire, territoire riche en
eau et à majorité musulmane.

STEPHFF, dessin, dans The Kuwait Times, 5 mai 2003


6 (D’après http://www.courrierinternational.com,
page consultée le 19 septembre 2007)

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Héritages 3
Un monde unipolaire ?
Enjeux

La chute du mur de Berlin en 1989, la disparition des démocraties populaires*, puis de l’URSS et la fin du
conflit Est-Ouest ont amené certains observateurs à parler de l’avènement d’un monde unipolaire, par
contraste avec le monde bipolaire qui aurait été celui de la guerre froide. Ce diagnostic se vérifie-t-il ?

Projection de l’évolution du produit intérieur brut* jusque 2050 (D’après D. WILSON et


1 R. PURUSHOTHAMAN, Dreaming with BRICS : the pad to 2050, New York, Goldman Sachs, 2003, 2 1989 2000 2006
p. 9, sur www2.goldmansachs.com, page consultée le 27 septembre 2007)
États-Unis 479 060 342 172 528 692
Russie1 203 000 19 100 34 700
Royaume-Uni 62 027 47 778 59 213
France 57 812 50 395 53 091
Allemagne2 55 475 41 147 36 984
Belgique 6636 4783 4331
Inde 12 219 17 679 23 933
Chine 12 300 23 800 49 500
Japon 38 395 44 275 43 701
Brésil 14 496 11 583 13 446
1
URSS en 1989
2
République fédérale d’Allemagne (RFA) en 1989

Évolution des dépenses militaires entre 1989 et


2006, en millions de $ (D’après SIPRI Yearbook
2007. Armaments, Disarmament and International
Security, Oxford, Oxford University Press, 2007, sur
www.sipri.org, page consultée le 17 octobre 2007)

25

47

56

60

101

108

Affiche pour la campagne référendaire sur le traité


de Maastricht en France, septembre 1992 3

10

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4 L’essai par la Chine d’une arme antisatellite (…) fait ressurgir le spectre de dans l’espace et, si besoin, refuser cette liberté à ses adversaires », proclame
« la guerre des étoiles1 » et ravive les craintes d’une nouvelle course aux encore la directive. En ligne de mire de cette stratégie : la Chine. Une menace
armements (…). En décidant la destruction d’un de ses vieux satellites par un que Donald Rumsfeld2 avait auparavant évoquée, appelant à mieux protéger
de ses missiles, Pékin envoie un message net à la puissance américaine. (…) Ce les intérêts américains pour éviter un possible « Pearl Harbour3 de l’espace ».
missile balistique de moyenne portée percutant un satellite à 800 km signifierait (…) En décembre dernier, l’état-major chinois soulignait dans un livre blanc qu’il
que les Chinois disposent désormais de moyens capables de neutraliser les entendait se donner les moyens de protéger la souveraineté de la République
satellites espions mais aussi les systèmes antimissiles commandés à partir de populaire et « aussi sa sécurité dans l’espace ». Des moyens qui nécessitent
l’espace que les Américains ont l’intention de déployer en Asie. des investissements énormes et seraient de nature à piéger la Chine dans une
C’est aussi une réponse à la nouvelle politique spatiale adoptée en août dernier nouvelle course aux armements, comme ce fut le cas pour l’URSS. Sans qu’à
par le président Bush. « La liberté d’action dans l’espace est aussi importante aucun moment la sécurité collective de la planète y trouve son compte.
pour les États-Unis que la puissance aérienne et maritime », réaffirmait la
1
directive approuvée par Bush et par laquelle Washington « rejette toute Programme de bouclier antimissile américain lancé par le président Ronald Reagan en 1983
sous le nom d’« Initiative de Défense stratégique » ou IDS
limitation de son droit fondamental à opérer dans l’espace ». Hors de question, 2
Secrétaire de la Défense des États-Unis de 2001 à 2006
donc, d’accepter d’éventuels traités de contrôle des armements (…). Offrant 3
→ 85
la protection de ses capacités spatiales à ses « amis et alliés », Washington
se réserve le droit d’expulser de l’espace, manu militari si nécessaire, ses Dominique BARI, Pékin casse l’hégémonie spatiale de Washington, dans L’Humanité,
« adversaires ». La « guerre des étoiles1 » n’est plus une utopie : « Le secrétariat 27 janvier 2007 (D’après http://www.humanite.fr, page consultée le 17 octobre 2007)
à la Défense devra développer ses capacités pour assurer la liberté d’action

5 Partout autour de nous, les États s’organisent pour tirer le meilleur parti de (…) L’Europe est aujourd’hui la première puissance commerciale du monde.
la mondialisation* et pour renforcer leurs positions stratégiques. L’Inde se En quelques années, douze États membres dont la France ont créé une
rapproche de la Chine ; le Brésil, l’Afrique du Sud et d’autres pays émergents monnaie stable et protectrice : l’euro. Et pourtant notre taux de croissance
réalisent désormais entre eux le tiers de leur commerce extérieur et défendent reste inférieur à celui des États-Unis ou des pays asiatiques, tandis que notre
collectivement leurs positions dans le cadre du G201 ; les pays d’Amérique taux de chômage se maintient à un niveau élevé. (…) En quelques décennies,
du Sud développent leurs liens économiques : nous ne pouvons pas rester à l’agriculture a rendu l’Europe indépendante en matière d’approvisionnement
l’écart de ce grand mouvement de réorganisation de la planète. Nous devons agricole (…). Les atouts européens dans les domaines de la physique, des
être en mesure de défendre nos intérêts politiques, économiques et sociaux mathématiques ou de la chimie ne sont pas suffisamment exploités.
en meilleure position, rassemblés et solidaires.
1
Forum créé en 1999, il rassemble les 20 ministres des Finances et directeurs des banques
(…) Soit nous nous donnons les moyens de construire cette nouvelle Europe
centrales des nations les plus industrialisées ainsi que des pays à l’économie émergente
politique, qui s’exprimera et agira dans le monde de demain, soit nous nous
résignons à faire de notre continent une vaste zone de libre-échange gouvernée Dominique de VILLEPIN, Une nouvelle Europe politique, dans Le Soir, 29 juin 2005, p. 17
par les règles de la concurrence.

6 Il y a 20 ans, le monde était divisé sur le plan économique et idéologique et Unis, a débordé de ses frontières nationales dans tous les domaines : dans
sa sécurité était assurée par les potentiels stratégiques immenses des deux l’économie, la politique et dans la sphère humanitaire, et est imposé à
superpuissances. (…) Le monde unipolaire proposé après la guerre froide ne d’autres États. (…) La domination du facteur force alimente inévitablement
s’est pas non plus réalisé. (…) Qu’est-ce qu’un monde unipolaire ? (…) C’est l’aspiration de certains pays à détenir des armes de destruction massive*.
le monde d’un unique maître, d’un unique souverain. En fin de compte, cela Qui plus est, on a vu apparaître des menaces foncièrement nouvelles qui
est fatal à tous ceux qui se trouvent au sein de ce système aussi bien qu’au étaient connues auparavant, mais qui acquièrent aujourd’hui un caractère
souverain lui-même, qui se détruira de l’intérieur. Bien entendu, cela n’a rien global, par exemple, le terrorisme.
à voir avec la démocratie, car la démocratie, c’est, comme on le sait, le (…) Le PIB commun de l’Inde et de la Chine (…) dépasse déjà celui des
pouvoir de la majorité qui prend en considération les intérêts et les opinions États-Unis. Le PIB des États du groupe BRIC – Brésil, Russie, Inde et Chine –
de la minorité. À propos, on donne constamment des leçons de démocratie évalué selon le même principe dépasse le PIB de l’Union européenne tout
à la Russie. Mais ceux qui le font ne veulent pas, on ne sait pourquoi, eux- entière. Selon les experts, ce fossé va s’élargir dans un avenir prévisible. Il
mêmes apprendre. ne fait pas de doute que le potentiel économique des nouveaux centres de
(…) Quel en est le résultat ? Les actions unilatérales, souvent illégitimes, n’ont la croissance mondiale sera inévitablement converti en influence politique,
réglé aucun problème. Bien plus, elles ont entraîné de nouvelles tragédies et la multipolarité se renforcera.
humaines et de nouveaux foyers de tension. Jugez par vous-mêmes : les
Vladimir POUTINE, discours prononcé lors de la 43e conférence sur la politique de sécurité,
guerres, les conflits locaux et régionaux n’ont pas diminué. (…) Presque
Munich, 10 février 2007 (D’après www.alterinfo.net, page consultée en mai 2007)
tout le système du droit d’un seul État, avant tout, bien entendu, des États-

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Héritages 4
Quelle union pour l’Europe ?
Enjeux

Honnie par certains, adulée par d’autres, l’Union européenne ne cesse de s’étendre. À quels défis doit-elle
faire face ? Quels sont les principaux débats qui l’animent ?

1 L’Europe doit présenter des frontières claires et naturelles : celles du continent. Elle ne peut s’étendre à l’Asie, se perdre
dans un processus d’élargissement indéfini : elle y deviendrait un carrefour de civilisations ouvert à tous les vents. Mais
surtout, cet ensemble ne peut se reconnaître que dans le legs d’un passé commun. Il ne peut se retrouver que dans le stock
des croyances, religions, idéologies, représentations, symboles et mythes qui forment le socle mental des civilisations.
Or, la géographie installe la Turquie en Asie pour 95 % de son territoire. Et l’Histoire la trouve plus étrangère encore à
l’Europe. Deux courants historiques ont, tour à tour, baigné notre continent. Le premier fut, après la romanité, l’union dans la
foi, dans la christianitas, une union saccagée par les guerres de religion. Le second fut l’idéal du Progrès venu des Lumières,
saccagé, lui, au XXe siècle, par la guerre des idéologies. À ces deux courants, la Turquie est étrangère. (…)
Cet univers-là, vous le savez, n’est pas celui de la Turquie. L’héritage ottoman est immense, sa civilisation prestigieuse, mais
ce n’est pas la nôtre. Nous n’avons pas la même parenté. (…) Il ne faut, aujourd’hui, s’engager ni dans un « oui » irrévocable,
ni, bien sûr, rabrouer la Turquie. Il faut lui offrir une solution d’association. Pour l’heure, sa masse est inabsorbable :
73 millions d’hommes à très faible revenu moyen ! Le laïcisme* imposé, jadis, par Mustafa Kemal Atatürk prospère, mais
rencontre un Islam aujourd’hui renaissant. (…) De surcroît, la Turquie, en grande nation, rêve à l’Ouest, mais bouge à l’Est
vers l’immense univers turcophone de la Caspienne et du Caucase. Elle reste encombrée de contentieux lourds (Chypre,
l’Arménie, le Kurdistan).
Bref, il est sage – et pour l’Europe, et pour la Turquie – de « voir venir ». Dans 10 ou 15 ans, il sera temps d’aviser. Mais, de
grâce, refusons une décision hâtive qui verrouillerait notre avenir !
Claude IMBERT, Le logiciel ottoman, dans Le Point, 16 décembre 2004, p. 3

2 L’Union européenne est un ensemble de nations qui se sont liées entre elles par des traités et des institutions parfaitement
séculiers, laïques* (…). C’est d’ailleurs le seul moyen de faire vivre ensemble des communautés nationales à dominante
catholique, protestante ou orthodoxe et de garantir les droits d’importantes communautés juive et musulmane.
Aucun organe de l’Union n’a donc compétence pour tirer de ce qu’elle est et des traités qui la fondent un argument négatif
à l’endroit d’une nation candidate à l’adhésion en raison de sa religion dominante. (...) Chacun sait que, dans une dizaine
d’années, dans l’ex-Yougoslavie, la Slovénie ayant montré le chemin, l’Albanie et la Bosnie musulmane demanderont leur
adhésion, et qu’il faudra répondre « oui » pour conforter la paix, la stabilité et le développement dans toute la zone. (…)
Dire « non » [à la Turquie] serait une maladresse (...) à l’encontre des 10 millions de musulmans qui vivent en Europe et plus
encore de toute la communauté musulmane du monde. (…) Rejeter la Turquie, ce serait rejeter le plus important, et presque
39 le seul des pays musulmans qui se soit doté d’institutions [laïques*]. (…) La Turquie n’est pas européenne, dit M. Giscard
d’Estaing. C’est l’argument géographique. C’est aussi l’un des plus blessants pour la Turquie. Byzance-Constantinople-
55 Istanbul a joué sur deux millénaires un tel rôle dans notre Histoire que l’« européité » de la plus grande ville de Turquie
s’impose dès l’énoncé de son nom. (...) Le fait que la Turquie soit à cheval sur deux continents présente un avantage
indiscutable de clarification : son appartenance à l’un ou à l’autre faisant doute, elle ne peut être déclarée que par un choix
délibéré tenant à d’autres raisons.
Michel ROCARD, Turquie, dire oui est vital, dans Le Monde, 27 novembre 2002, p. 1, 18
95

12

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3
4 - Faut-il vraiment ratifier* le texte du projet de Constitution européenne par
CHAPPATTE, dessin, référendum ?
dans The International - Valéry Giscard d’Estaing : (…) Cela permet de mettre fin à cette impression
Herald Tribune, mai que l’Europe se fait trop loin des gens ! (…) Le « oui » ouvre la voie à une
2005
meilleure Europe.
- Certains mots comme « libéralisme » ou « concurrence libre et non
faussée » font figure en France de repoussoir.
- VGDE : Ce débat nous aura permis d’évacuer des idées fausses.
Notamment celle que l’on pourrait avoir une économie prospère sans
accepter une certaine concurrence. Seuls les Français y croient ! Ni les
Américains, ni les Chinois, ni maintenant les Russes... L’expression de
« concurrence libre et non faussée » est présente dès le traité de Rome.
(…)
- Si vous deviez relever trois points essentiels [de la nouvelle Constitution],
quels seraient-ils ?
- VGDE : D’abord, la définition de l’Union. Elle tranche le problème en
suspens depuis Robert Schuman1 et de Gaulle1 sur la question de savoir
ce qu’est l’Europe. Est-ce une fédération européenne ? Est-ce un groupe
5 Le traité modificatif paraît différent du traité constitutionnel, mais d’États qui coordonnent en commun un certain nombre de choses ? Nous
il s’agit bien du même texte, à 99 %. (…) Il attribue 105 nouvelles écrivons que c’est « une union d’États qui attribuent à l’Union européenne
compétences à l’Union, exactement comme la Constitution. Selon le des compétences pour atteindre des objectifs communs », compétences
nouveau traité, 62 domaines peuvent être votés à la majorité qualifiée, qu’on exerce sur le mode fédéral. (...)
contre 61 dans le texte précédent. (…) Ce traité est antidémocratique, La deuxième avancée importante est la définition des objectifs de l’Union
tout simplement. Le droit de veto cède désormais le pas à la majorité et particulièrement des objectifs de la politique économique et sociale (…).
qualifiée, ce qui signifie que des États qui ne sont pas d’accord devront L’Union n’est pas une simple économie de marché, c’est une économie
adopter des législations auxquelles ils ne tiennent pas. Au Conseil, vous sociale de marché ! Une économie qui ne tend pas seulement à un niveau
avez une nouvelle représentation proportionnelle. Moi, je souhaiterais élevé d’emploi, comme c’était inscrit dans les textes antérieurs, mais qui
une Europe de la démocratie où tous les États disposeraient d’une voix, vise le plein-emploi et le progrès social ! (…)
comme aux États-Unis, et où les sièges seraient répartis entre pays à la La troisième avancée est la stabilité de la présidence européenne. Cela
proportionnelle au Parlement européen. Or, avec ce traité, l’Allemagne changera tout. Nous sommes tous intéressés par ce que fait l’Europe.
va renforcer son poids au sein du Conseil, et elle disposera également Mais cette Europe, avec sa présidence anonyme et tournante, ne peut
du plus grand nombre d’eurodéputés. pas avoir de grands projets, ni une politique suivie, ni se positionner sur
Autre chose : tous les États membres ne seront plus représentés au les grands enjeux de notre époque. (…) Dans la Constitution, le président
sein de la Commission, ce qui pose un réel problème parce que c’est européen est élu par le Conseil européen, qui est un corps électoral
elle qui a le droit d’initiative. Enfin, le traité est illisible. (...) relativement réduit. (…) À l’horizon plus lointain, dans 20 ou 30 ans, le
Je me félicite toutefois que le pouvoir d’influence du Parlement président de l’Union pourrait être élu au suffrage universel (…). Mais
européen soit accru, puisqu’il disposera de la codécision dans plusieurs ceci n’est toutefois pas réalisable à l’heure actuelle, pour des raisons
domaines. Mais il n’aura pas pour autant le pouvoir législatif perdu par politiques, culturelles et linguistiques.
les parlements nationaux, dont l’influence sur les décisions européennes 1
Voir la notice biographique en fin de manuel
reste par ailleurs limitée.
Entretien avec Valéry GISCARD D’ESTAING, Le Oui ouvre la voie à une meilleure Europe, dans
Entretien avec Jens-Peter BONDE, dans La Libre Belgique, 18 octobre 2007, p. 2 La Croix, 9 mai 2005, p. 3

La nuit du 18 au 19 octobre 2007,


2007 les
l chefs
h f dd’État des 27 pays membres de l’Union
européenne se mettent d’accord sur un traité modificatif, dit traité de Lisbonne.
Ce texte revoit le projet de Constitution européenne rejeté lors des référendums
organisés par la France et les Pays-Bas en 2005.

Manifestation de la Confédération européenne


des syndicats à Bruxelles, 13 décembre 2001 6

13

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Héritages 5
Nord et Sud : de plus en plus (in)égaux ?
Enjeux

Depuis 1945 et toujours à l’aube de ce nouveau millénaire, le développement des pays du Sud est une des
priorités de l’ONU. La décennie 1970-1980 fut même proclamée « décennie du développement ».
Quel bilan dresser de la situation des pays du Sud aujourd’hui ?

1 On estime à environ 2,9 milliards le nombre de personnes sur Terre vivant avec moins de 2 $ par jour. Plus inquiétant encore,
1,2 milliard d’entre elles survivraient avec moins de 1 $ par jour. L’Afrique est, en valeur relative, le continent le plus concerné
puisqu’un Africain sur deux n’atteint pas ce seuil. Mais d’autres zones géographiques sont également très touchées. Ainsi,
en Asie de l’Est, 880 millions d’hommes et de femmes reçoivent moins de 1 $ par jour. En Asie du Sud, ce sont près
de 500 millions de personnes qui vivent en situation de dénuement absolu. En Europe centrale et orientale, les chiffres
se sont considérablement détériorés depuis 1990 puisque le pourcentage de la population ayant moins de 1 $ par jour pour
subsister était de 8 % à l’époque contre 20 % en 1999. Le fossé entre les pays industrialisés et les pays en développement
ne cesse de se creuser. Un pays comme la Suisse a aujourd’hui un PIB par habitant 400 fois supérieur à celui de l’Éthiopie
et 115 fois supérieur à celui de l’Inde.

Klaus Werner JONAS, Améliorer les perspectives des pays en développement, rapport de la Commission des Questions économiques et du
Développement sur la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe, 10 décembre 2003 (D’après http://www.ladocumentationfrancaise.fr, page consultée le 14 novembre 2007)

2
Taux de mortalité*
des moins de 5 ans,
2005 (pour 1000
naissances vivantes)
(D’après Objectifs du
Millénaire des Nations
unies. Investir dans le
développement. Plan
pratique pour réaliser les
Objectifs du Millénaire
pour le Développement,
New York, Millennium
Project, 2005, p. 13)

54

63

94

14

CH-6_001-cs3.indd 14 1/04/09 16:41:42


3 Alors que les pays du Nord profitent des avancées technologiques dans les domaines de la communication, de la recherche et
de la productivité économique, l’Afrique n’a pas accès aux technologies modernes. L’Afrique n’abrite par exemple que 0,8 %
des personnes ayant accès à Internet dans le monde (c’est à peine 0,1 % pour les 48 pays d’Afrique subsaharienne qui abritent
pourtant 10 % de la population mondiale). (…) En outre, alors que les experts de l’OMC (…) parlent du marché du commerce
mondial unifié1, la contribution africaine à ce marché n’est que de 2 %. Le pire est que cette situation ne provient pas d’une
politique africaine de repli sur soi : depuis les années 1980, l’Afrique a largement ouvert ses marchés, suivant les conseils du
FMI et appliquant les plans d’ajustement structurel2. Or, cette ouverture des marchés africains a paradoxalement eu pour effet
de diminuer sa contribution au commerce mondial, qui s’élevait à 4 % en 1980 (soit le double d’aujourd’hui).
(...) La place qui (…) a été dévolue [à l’Afrique] dans le panorama de la mondialisation* est double : exporter vers le Nord quelques
matières premières (cacao, café, caoutchouc, pétrole, minerais, coton, sucre, etc.) et importer du Nord les technologies, les
Le Courrier est un produits manufacturés et une partie des céréales de base. Or, les termes de ces échanges entre Nord et Afrique sont de loin
quotidien catholique
défavorables à cette dernière, puisque depuis les années 1980 et hormis quelques rares exceptions (comme le boom passager
suisse de Genève, créé
du cacao et du café en 1995-96), les prix des matières premières (…) n’ont cessé de baisser plus rapidement que les prix des
en 1868. En raison de
sa tendance de gauche,
produits manufacturés du Nord. Il en résulte que l’Afrique se voit condamnée par des fluctuations extérieures à vendre ses
il rompt avec l’Église matières premières sans valeur ajoutée. Depuis 1980, la valeur du panier des produits exportés par l’Afrique a ainsi perdu
en 1996. Il constitue un la moitié de sa valeur face aux produits importés du Nord. Conséquence logique de cette réalité : la balance commerciale*
journal d’information et africaine connaît un déficit croissant. La situation est particulièrement dramatique pour les pays d’Afrique subsaharienne : leur
d’opinion, humaniste et déficit commercial, inexistant au début des années 1980, passe de 600 millions de dollars en 1990 à 11,5 milliards en 1996, soit
progressiste. Engagé, presque 20 fois plus en 6 ans ! (...)
il n’est toutefois lié à
1
aucun parti politique, Par la libéralisation des échanges, l’OMC veut organiser un vaste marché mondial permettant à tous les produits de circuler à travers le monde, sans
syndicat ou association. contrainte.
2
→ 107

Des « échanges » injustes et en baisse, dans Le Courrier, Genève, 9 décembre 2000 (D’après http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch, page consultée le 16 novembre
2007)

4 Objectif 1 : Réduction de l’extrême pauvreté et de la faim 5 La dette est le principal obstacle à la satisfaction des besoins
Cible 1 : Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion humains fondamentaux, comme l’accès à l’eau potable, à
de la population dont le revenu est inférieur à 1 $ par une alimentation décente, à des soins de santé de base,
jour à une éducation primaire, à un logement correct, à des
Cible 2 : Réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion infrastructures satisfaisantes. En 2002, plus de 320 millions
de la population qui souffre de la faim d’Africains étaient contraints de vivre avec moins de 1 $ par
Objectif 2 : Assurer l’éducation primaire pour tous jour et 210 millions d’Africains souffrent de la faim. Environ
Objectif 3 : Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des 300 millions d’Africains n’ont pas un accès régulier à l’eau
femmes potable et sont privés d’infrastructures sanitaires. Chaque
Objectif 4 : Réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans année, 5,5 millions d’enfants de moins de 5 ans meurent en
Objectif 5 : Améliorer la santé maternelle Afrique, soit plus de 15 000 par jour (…). La dette opère donc
Objectif 6 : Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies une ponction insupportable sur les budgets des pays du Sud,
Objectif 7 : Assurer un environnement durable les empêchant de garantir des conditions de vie décentes
Objectif 8 : Mettre en place un partenariat mondial pour le développement pour leurs citoyens. En moyenne, 38 % des budgets des
pays d’Afrique subsaharienne vont au remboursement de la
Objectifs du Millénaire pour le Développement (D’après Projet Objectifs du Millénaire des dette.
Nations unies. Investir dans le développement. Plan pratique pour réaliser les Objectifs du
Millénaire pour le Développement, New York, Millennium Project, 2005, p. XII-XIII)
Éric TOUSSAINT, La dette de l’Afrique aujourd’hui, texte présenté à Addis
Abéba le 21 mars 2005 pour le Comité pour l’Annulation de la Dette du
Tiers-Monde (D’après D. MILLET, La dette de l’Afrique aujourd’hui sur
http://www.cadtm.org, page consultée le 14 novembre 2007)
6 Années 1961 1971 1980 1986 1992 1995 1997 2004
Dette 21,5 70 560 1086 1419 1940 2317 2600

Évolution de la dette extérieure des pays du tiers-monde (1961-2004) (en milliards de


dollars) (D’après Abolir la dette pour libérer le développement, Bruxelles, CNCD, 2001, p. 4
et D. MILLET, Les chiffres de la dette, CADTM, 2005 sur http://www.cadtm.org, page consultée
le 14 novembre 2007)

15

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Héritages 6
La mondialisation : au profit de tous ?
Enjeux

Le terme « mondialisation » est apparu au début des années 1980. Comment la mondialisation se
manifeste-t-elle ? À qui profite-t-elle ? Quelles alternatives ceux qui la critiquent proposent-ils ?

AFRIQUE

1 Un exemple de multinationale* à l’heure de la mondialisation : Toyota dans le monde en 2003


(D’après L. CARROUE, La mondialisation en débat, dans La Documentation photographique, n° 8037, mai 2004, p. 19)

2 [La] mondialisation de l’économie, c’est d’abord le café du matin, importé par bateau de Colombie ou d’Ouganda, lyophilisé
et mis en boîte en RFA, transporté en train (...), puis redistribué ensuite par la chaîne de supermarchés avant de venir dans
votre tasse. Ce sont les oranges venues d’Israël ou d’Espagne, que je mangerai ce soir, l’essence de ma voiture, venue
d’Arabie Saoudite ou de mer du Nord, par pipeline ou pétrolier. Ce sont mes chaussures fabriquées en Italie ; l’ordinateur
personnel sur lequel je frappe cet article, dont les composants viennent de l’autre bout de la planète. Avant d’être sur ma
table, dans mon assiette et sur mon corps, la plupart des produits que j’utilise et consomme ont parcouru des milliers de
kilomètres, sont passés par des mains d’ouvriers asiatiques ou de dockers africains. Ces hommes, je ne les connaîtrai jamais
et eux m’ignorent. Pourtant, une maigre fraction de ce que j’ai payé servira à nourrir leur famille, peut-être à acheter une paire
67-68 de lunettes qui se fabrique à quelques pas de chez moi. Tous ces produits ont fait l’objet de transactions commerciales entre
quelques firmes suédoises, indonésiennes ou françaises. L’économie mondiale, c’est ce maillage indissoluble de matières
premières, de produits, de capitaux, et surtout d’hommes et de femmes qui investissent, produisent, vendent, achètent,
transportent et enfin consomment. Au-delà des produits et des capitaux, l’économie mondiale, c’est aussi par voie de
conséquence des images qui voyagent (la série américaine à la télévision), des modes de consommation qui se répandent
107 (Coca-Cola ou cuisine chinoise), des hommes et des idées qui circulent.

Achille WEINBERG, La mondialisation de l’économie, tendances et mutations, dans Sciences humaines, n° 14, février 1992, p. 13

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3 La mondialisation, qu’est-ce que c’est ? C’est l’effacement des frontières sur la facilité des communications. Ce constat est certainement à l’origine d’un
du fait des nouveaux moyens technologiques qui permettent de meilleurs glissement de vocabulaire : les « antimondialistes » qui contestaient dans les
communications, transports et contacts, une liberté plus grande des années 1990 les conditions de la globalisation se nomment majoritairement
mouvements de capitaux, l’extension de l’économie de marché, l’irruption maintenant « altermondialistes », signifiant ainsi qu’une autre mondialisation
des technologies de l’information ; c’est, en même temps, la cause et la est possible. Certes, la mondialisation est efficace (c’est le capitalisme plus
conséquence de la chute du communisme, cet événement géopolitique qui a la technologie), mais elle ne produit pas naturellement de la justice sociale,
mis fin à un monde coupé en deux. Par voie de conséquence, pour les uns, la elle suscite au contraire de nouvelles inégalités. Mais cette situation n’est pas
mondialisation est l’extension à l’échelle mondiale des valeurs démocratiques une fatalité. Contrairement à ce que l’on entend souvent, la globalisation n’est
et de la prospérité. Pour les autres, c’est l’américanisation de la planète, pas un processus mécanique impossible à arrêter ; elle peut être un projet
l’augmentation des inégalités et la remise en cause des identités au profit d’un dont les contours seront déterminés par des choix politiques. Tout dépend
monde déshumanisé. des orientations prises. Les décideurs d’aujourd’hui peuvent être différents de
Mais, de fait, que l’on en soit satisfait ou non, la mondialisation est là : il est ceux d’hier, ils ne sont pas pour autant impuissants, sauf de façon volontaire.
certain qu’on ne supprimera pas Internet ou qu’on ne reviendra pas en arrière
Pascal BONIFACE, 50 idées reçues sur l’état du monde, Paris, A. Colin, 2007, p. 27-28

4 Il y a la globalisation économique, qui résulte des révolutions technologiques 5 Régulée par des lois démocratiques et des institutions civiques, la liberté
et informatiques (…). Ici, les principaux acteurs sont les multinationales*, économique peut contribuer à la prospérité et à la sécurité des peuples.
les investisseurs, les banques et les services privés, en plus des États (…). Mais la sécurité ne peut exister durablement dans un monde dérégulé
C’est la forme présente du capitalisme (…). Elle pose un dilemme capital où, selon les chiffres officiels des Nations unies, la fortune cumulée
pour les États : efficacité d’abord, ou équité d’abord ? La spécialisation de moins de trois cents personnes physiques est égale au revenu de
et l’intégration de firmes permettent d’accroître la richesse (…), mais la deux milliards d’humains. Un monde qui tolère les paradis fiscaux (...)
logique du capitalisme pur ne travaille guère pour la justice sociale (…). et le blanchiment de l’argent « hors les lois » dont se nourrissent le
La globalisation économique est un formidable facteur d’inégalité entre terrorisme ou d’autres formes de criminalité n’est pas un monde sûr. (...)
États et au sein de l’État, et le souci de compétitivité au plan mondial limite La mondialisation sauvage que nous connaissons doit être remplacée
l’aptitude de l’État à la réduire. par une mondialisation « à visage humain » et un projet de civilisation à
Puis vient la globalisation culturelle, produite par la révolution technologique l’échelle planétaire.
et par la globalisation économique qui facilite le flux des produits culturels.
La question clé est celle de l’uniformisation (ou de l’américanisation). (…) Pour la création d’un collège international éthique, politique et scientifique, appel du
Forum social mondial de Porto Alegre (Brésil), 1er février 2002
Il y a enfin la globalisation politique (…). Elle prend deux formes : celle de la
prépondérance américaine et celle d’institutions politiques (les organisations
internationales et régionales), (…) et d’institutions privées comme les
organisations qui ne sont ni gouvernementales ni purement nationales. Les Le Forum social mondial réunit depuis 2001 (Brésil)
principaux problèmes ici sont (...) le besoin de démocratisation de beaucoup des ONG, syndicats et associations altermondialistes
de ces organismes et la faiblesse (…) de leur autorité (…). qui contestent la gestion libérale des grandes
organisations économiques (OMC, OCDE, G8) et
Stanley HOFFMANN, Le XXIe siècle a commencé, dans Vingtième siècle, octobre-décembre dénoncent la politique des États-Unis.
2002, p. 36

Comparaison du prix d’achat auprès du producteur du café Arabica dans le cadre


6 du commerce équitable et sur le marché de New York entre 1989 et 2007
320.00
faible récolte à cause
du gel au Brésil
280.00
sécheresse au Brésil Le prix d’achat auprès du producteur, dans le cadre du commerce
240.00 équitable, est de 121 cents de dollar par livre (environ 450 g), plus
cent de dollar par livre

une prime de développement de 10 cents par livre. Cette prime


200.00
fin de l’International permet aux villages des petits producteurs de café d’investir dans des
sécheresse au Brésil
Coffee Agreement
160.00 installations scolaires ou médicales, des infrastructures collectives…
Si le cours mondial est supérieur à 121 cents de dollar par livre, le
120.00
commerce équitable s’aligne sur ce cours, en y ajoutant la prime de
80.00 développement de 10 cents de dollar par livre de café.
40.00
L’International Coffee Agreement regroupait les pays producteurs de
cours le plus bas café de manière à maintenir les prix sur le marché international. Elle a
depuis 30 ans
0.00 disparu en 1989.
Jan 1989 Jan 1996 Oct 1999 Mars 2003 Oct 2007

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Héritages 7
Comment freiner le réchauffement
Enjeux

climatique ?
Le réchauffement climatique apparaît de plus en plus comme un des grands défis du XXIe siècle.
Quelles mesures sont prises pour enrayer cette menace ? Qui sont les acteurs de cette lutte et quelles sont
les solutions disponibles ? Quels freins en limitent l’efficacité ?

1
Les objectifs de
Kyoto (D’après
Trop chaud, hors-
série du Courrier Le protocole de Kyoto est entré en vigueur en 2005. Les 165 pays qui
international, l’ont ratifié se sont engagés à collaborer pour atteindre une diminution
octobre-novembre globale de 5,2 % des gaz à effet de serre, dans l’industrie, d’ici à 2012.
2006, p. 100)
Ils s’engagent aussi à ne pas dépasser un seuil défini pour chacun
d’entre eux par rapport au niveau de référence de 1990. Un pays
qui produit plus de CO2 que le quota prévu peut acheter un permis
d’émission à un pays qui en produit moins ou qui a réduit davantage
ses émissions. Ainsi, la pollution collective ne devrait pas dépasser
les limites fixées. Les États-Unis n’ont pas ratifié le protocole. Pays
« émergents », la Chine, l’Inde et le Brésil ne sont pas tenus de limiter
leurs émissions de CO2.

2 Émissions de gaz. L’Union européenne (UE) prend « de manière indépendante, l’engagement ferme
de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % en 2020 par rapport à 1990 ».
Énergies renouvelables. Elles (…) devront représenter 20 % de la consommation énergétique de
l’UE en 2020. La répartition entre les 27 de cet effort contraignant se fera en étroite collaboration
avec les États membres et tiendra compte « des différents points de départ nationaux » (niveau
existant des énergies renouvelables, palette énergétique et potentiel de chaque pays).
Biocarburants. Ils devront obligatoirement représenter au moins 10 % de la consommation totale
67-68
d’essence et de gazole dans les transports.
Efficacité énergétique. Économiser 20 % de la consommation totale d’énergie d’ici 2020 (par
71 rapport à la consommation prévue à politique inchangée) grâce à une utilisation plus efficace de
Ces décisions ont
été prises lors du l’énergie, notamment dans les bâtiments, l’industrie et les transports. Développer les technologies
73 de piégeage et de stockage de CO2 (pour les futures centrales au charbon).
Conseil européen des
8 et 9 mars 2007. Énergie nucléaire. Il appartient à chacun des États membres de décider s’il y aura ou non recours.

L’accord européen, dans Le Soir, 10-11 mars 2007, p. 2

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3 Pourquoi les États-Unis refusent-ils les engagements chiffrés dans la Un tel raisonnement induit déjà une inégalité entre les pays riches et ceux
réduction des gaz à effet de serre ? Lorsqu’il était encore président, Bill Clinton qui ne le sont pas, entre ceux capables de développer des technologies
revendiquait déjà une position à part en ce qui concernait la réduction des nécessaires et ceux qui ne le pourront pas. C’est également ignorer que la
émissions de gaz à effet de serre, estimant qu’une telle mesure affecterait lutte contre le réchauffement climatique passe surtout par un changement
le développement économique du pays. À cet argument, le président Bush de comportement, aussi bien des entreprises que des individus, et que seul
ajoutait également que la part humaine dans les émissions n’était pas prouvée l’État dispose de l’autorité et de la légitimité nécessaires pour entreprendre
scientifiquement. Mais, plus fondamentalement, cette posture correspond à une telle action. Qu’il s’agisse de réglementations (mise en place de quota
une méfiance traditionnelle à l’égard de toute contrainte d’ordre externe aux d’émission de C02), de normes contraignantes, de taxation (principe du
États-Unis et à une croyance en la supériorité technologique des États-Unis et pollueur-payeur...) ou de subventions (soutien financier ou réglementaire aux
dans le fait que les progrès technologiques permettent toujours de résoudre technologies prometteuses avant qu’elles ne deviennent compétitives), voire
les problèmes (…). Selon ce courant de pensée, les forces du marché, de l’orientation de la recherche-développement, le rôle de l’État – et donc
l’attractivité économique croissante pour ce secteur d’avenir suffiront à de la réglementation internationale contraignante pour l’État – reste essentiel
impulser les mouvements nécessaires pour lutter contre le phénomène de pour parvenir à un résultat.
réchauffement climatique. C’est le marché – et non donc la réglementation –
Pascal BONIFACE, 50 idées reçues sur l’état du monde, Paris, A. Colin, 2007, p. 156-157
qui permettra de résoudre le problème. C’est néanmoins sous-estimer
l’ampleur du problème du réchauffement climatique que de penser ainsi.

4 Les années 1950 marquent le début de l’ère du nucléaire civil. Plusieurs pays se lancent dans 5 C’est dans les années 1970 que la croissance
le développement de cette source d’énergie qui permet également de mener des programmes démographique rapide de la population
militaires grâce à la production de plutonium dans les réacteurs. La montée en puissance de mondiale et les premiers ratés du modèle
la production d’énergie nucléaire se déroule sur fond de guerre froide. (…) Le nombre de pays industriel issu des « Trente Glorieuses »1
qui accèdent à l’énergie nucléaire va progressivement s’accroître. (…) En 1965, Allemagne de ouvrent le champ aux interrogations sur ce
l’Ouest, Belgique, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie et Suède (…), que le Club de Rome (réunissant scientifiques,
actuellement 32 [pays]. Ce chiffre ne devrait pas augmenter significativement car le nucléaire civil hauts fonctionnaires, industriels de tous les
n’est pas accessible à tous les États : les développements sont tels que seuls les pays riches pays) appelle en 1972, dans un rapport resté
peuvent le mettre en œuvre. (…) La période 1975-1990 a été la plus fastueuse de l’industrie nucléaire. célèbre, « les limites de la croissance ». (…)
Les deux chocs pétroliers1 de 1973 et de 1979 ont convaincu la plupart des pays « nucléaires » En 1982, (…) l’ONU commande un rapport
d’intensifier leur programme. (…) L’accident de Tchernobyl2 (…) a modifié la donne. Les populations à une commission présidée par la ministre
de plusieurs pays sont alors devenues réticentes à l’utilisation de cette énergie. Plusieurs pays ont norvégienne Gro Harlem Brundtland. Paru
signé des moratoires (Belgique et Suède) alors que d’autres y ont renoncé (Italie et Allemagne plus en 1987 sous le titre Our Common Future,
récemment). La forte remontée des cours du pétrole et les impératifs de réductions des gaz à effet le rapport Brundtland pose les bases de
de serre pourraient toutefois relancer la filière nucléaire. ce que les Anglais appellent le sustainable
development. Sa définition reste d’actualité
1
→ 100 20 ans plus tard : « Le développement
2
En Ukraine (URSS), le 26 avril 1986 (→ 92)
soutenable est un développement qui répond
Ludovic MONS, Les enjeux de l’énergie. Pétrole, nucléaire et après ?, Coll. « Petite encyclopédie Larousse », Paris, aux besoins du présent sans compromettre la
Larousse, 2005, p. 35-37 capacité des générations futures à répondre
aux leurs. »
6 1
Nom donné aux années de croissance économique
(1945-1975)
Part des
énergies Sylvie BRUNEL, Développement durable : les prophètes
renouvelables de l’Apocalypse, dans L’Histoire, n° 324, octobre 2007,
(éolienne, p. 14
marémotrice,
solaire,
biomasse…)
dans la
consommation
totale d’énergie
(% en 2005 en
Europe)

19

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Héritages 8
Femmes et hommes : l’égalité ?
Enjeux

Après plus d’un siècle de revendications féministes, l’égalité entre hommes et femmes est-elle devenue
réalité ? La situation des femmes est-elle comparable au Nord et au Sud de la planète ?

1 Le 8 mars est l’occasion, pour la presse du monde entier, mais ne possèdent que 2 % des terres.
de parler de la condition féminine. Le quotidien britannique Deux tiers des heures de travail sont effectuées par les
The Independent n’échappe pas à la règle et fait le point femmes, qui ne touchent qu’un dixième des revenus
sur toutes les injustices, les inégalités et les violences dont mondiaux.
les femmes sont l’objet. Voici, dans le désordre, toutes les Seuls 13 pays sur 192 ont au moins 25 % de femmes dans les
raisons de s’insurger compilées par le quotidien. instances gouvernementales.
Deux tiers des analphabètes dans le monde sont des Au Liberia, trois femmes sur quatre ont été violées.
femmes. Parmi les enfants indiens qui ne fréquentent pas l’école, 90 %
Chaque année, 2 millions de filles âgées de 5 à 15 ans sont des filles.
rejoignent le commerce du sexe. Trente millions de femmes asiatiques, victimes de trafiquants,
Les violences domestiques tuent plus de femmes de sont obligées de se prostituer.
16 à 44 ans dans les pays développés que le cancer ou les La violence conjugale fait plus de victimes au Pakistan que le
accidents de la route. paludisme, la guerre et le cancer réunis.
70 % des personnes les plus pauvres au monde sont des
femmes. Anne COLLET, Femmes d’ailleurs. Tour d’horizon de la condition féminine
(D’après www.courrierinternational.com, page consultée le 9 mars 2007)
Les femmes produisent la moitié de la nourriture mondiale

2 Moyenne mondiale 17 % En Belgique, la loi de 2002 impose la parité


Pays nordiques 41,7 % er
1 Rwanda 48,8 % sur les listes électorales ; les trois premières
places sur la liste doivent également présenter
Amériques 19,9 % 2e Suède 47,3 % une alternance homme/femme. Toutefois, peu
Europe sauf pays nordiques 17,7 % e
3 Finlande 42 % de femmes ont été placées en tête de liste. En
Afrique subsaharienne 16,9 % e
11 Belgique 34,7 % outre, seul Écolo a opté pour une alternance
Asie 16,4 % 70e États-Unis 16,3 % systématique homme/femme sur toutes les
listes, du premier au dernier candidat. Résultat :
Pacifique 14,6 % 88e France 12,2 % la proportion des femmes élues dans les conseils
États arabes 8,8 % Dernier : Arabie Saoudite 0% communaux a crû (14 % en 1988, 27 % en 2000,
33 % en 2006). Mais il n’y a que 25 % d’échevines
Pourcentage de femmes dans les Parlements nationaux au 31 mars 2007 (D’après www.ipu.org,
et 8 % de bourgmestres femmes en Wallonie !
page consultée le 9 mai 2007)

3 À rebours des discours idéologiques prônant l’abstention des Le travail des femmes, loin d’engendrer la crise économique en
femmes de toute activité économique extradomestique, l’analyse « confisquant » des emplois, permet donc de stimuler l’activité
économique a montré l’effet positif et stimulant du travail des à deux niveaux au moins : au niveau des facteurs d’offre, mais
femmes sur l’activité économique et l’organisation de la société. aussi au niveau de la composition de la demande. On est donc en
75 En effet, la participation des femmes à l’activité économique est un présence d’une sorte de cercle vertueux de la croissance où l’activité
facteur puissant d’amélioration de la performance des économies féminine engendre une demande sociale qui stimule la croissance
76 développées, d’une part, parce qu’elle permet la diversification et l’emploi.
des talents et, d’autre part, parce qu’elle oriente la demande des
ménages vers les services – de proximité, culturels, de loisirs, etc. – Martial POIRSON, Masculin/féminin, les évolutions récentes, dans Écoflash, n° 141,
octobre 1999 (D’après Textes et documents pour la classe, n° 848, janvier 2003, p. 49)
à fort contenu en emploi.

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4 Lorsqu’une certaine masse critique féminine (au Parlement) est atteinte, comme c’est le cas en Suède depuis une
quinzaine d’années, c’est toute l’approche de la chose publique qui s’en trouve changée. Avec les femmes au pouvoir,
la santé, le troisième âge, la violence conjugale ou la petite enfance ne sont plus considérés comme des dossiers
de second ordre (…). Au contraire, ces thèmes deviennent prioritaires et sont traités sur le même plan que les
prétendument « grands » sujets tels que les finances, la défense ou la politique étrangère.
Axel GYLDEN, Europe du Nord, les femmes, ça change tout, dans Le Vif/L’Express, 6 avril 2007, p. 58

5 Les transformations importantes qui ont considérablement amélioré la condition féminine se sont accompagnées
d’effets pervers, porteurs de nouvelles contraintes. (…) Si les femmes ont pu s’imposer dans le salariat, elles restent
moins bien rémunérées et plus menacées par le chômage et la précarité que leurs collègues masculins. Si elles ont
su conquérir une certaine autonomie dans les familles, notamment grâce à leurs revenus propres, c’est au prix d’une
« double journée » tant les servitudes domestiques restent inégalement partagées. (…) Enfin, si elles ont commencé
à occuper le champ politique, c’est encore à doses homéopathiques qu’elles accèdent à de véritables fonctions de
responsabilité. Dès lors, on conçoit combien est fallacieuse la thèse d’une féminisation de la société (…). [Celle-ci] (…)
n’est qu’un paravent derrière lequel se renouvelle et même se renforce la domination masculine, puisque l’identité
féminine tend à se définir désormais par deux traits classiques de la masculinité : la détention d’un diplôme et
l’exercice d’un travail salarié. (…) Les fondements de l’hégémonie masculine ne sont donc pas ébranlés, que ce soit
dans l’éducation et l’enseignement, dans le travail, dans l’univers domestique ou dans la sphère publique. (…) Le
principal obstacle demeure la perpétuation de la répartition inégalitaire des rôles dans l’univers clos de la maison : les
femmes continuent en effet à assurer plus de 90 % du travail « privé ». Couverture d’un magazine
6
féministe québécois, 2005
Alain BIHR et Roland PFEFFERKORN, Pour la « parité domestique », dans Manières de voir. Le Monde diplomatique, n° 44, mars-avril 1999, p. 30-32

7 D’un côté, une école décide d’interdire le port du voile (…). De l’autre, une de participer au projet de classe provient souvent des garçons. (…)
mosquée de Molenbeek annonce l’ouverture à la rentrée prochaine d’une On vous dira que l’on mène ces filles en bateau en leur permettant de porter
école islamique*. (…) Autorisé dans l’école où je donne cours, le port du le voile à l’école alors qu’elles ne pourront pas le faire demain, au travail. Mais
voile, dans sa réalité quotidienne, va à l’encontre des clichés. Nombreuses, que répondre à cette élève de 6e T.Q. qui porte le voile et me dit un jour :
majoritaires mêmes, sont les filles [musulmanes] qui ne portent pas le voile. « Moi, demain, je ne vais pas pouvoir travailler à la STIB avec mon voile, mais
On compte au maximum 3 à 4 filles qui le portent par classe. (…) On dit on ne dit rien à tous ces chauffeurs de bus qui portent la barbe musulmane
souvent que les filles qui le portent incitent les autres à le porter : faux. (…) et raccourcissent leurs pantalons. Ils sont intouchables car ce n’est pas un
On dit souvent que les voiles se rallongent : largement faux. Le voile fait partie morceau de tissu en plus, mais en moins qu’ils ont ! Ils portent aussi des
intégrante du mode vestimentaire de la fille qui le porte. (…) On dit souvent signes de leur croyance… Alors que va-t-on faire ? Inscrire dans le règlement
qu’elles refusent de suivre certains cours (…). Faux (…). Les exemples de la longueur de la barbe autorisée et interdire les pantalons qui ne touchent
filles voilées qui participent plus activement au cours que les autres (…) sont pas le bas des chaussures ? »
nombreux. Il n’existe pas de différence entre les propos et les opinions tenus
par les filles voilées et les filles non voilées. Mais le refus de suivre le cours ou David D’HONDT, La question du voile qui occulte l’autre, dans La Revue nouvelle, n° 9,
septembre 2007, p. 20-25

8 [La] vision des Occidentaux sur le monde musulman, dont la réalité est multiple, Savez-vous que le mariage forcé est un péché, condamné dans les hadiths,
est bourrée de préjugés. Ainsi, l’excision n’est pas une pratique religieuse, recueil des actes et des paroles du Prophète et de ses compagnons ? »
mais une tradition surtout perpétuée par les femmes. « À cause du hidjab1, Si le poids de la tradition reste lourd dans les sociétés musulmanes, celle-ci
les idées reçues des Occidentaux sur la vie sexuelle des musulmanes restent n’est ni plus ni moins hypocrite que la tradition chrétienne. L’obsession de la
considérables, sourit [la comédienne] Jamala Drissi, d’origine algérienne (…). virginité [pour la femme] fait partie de ces tartuferies. [En effet, le] Coran (…)
Par exemple, la pilule et le stérilet ne manquent pas d’être utilisés par les impose la virginité tant pour la future épouse que pour le futur époux. (…)
femmes voilées. Pas partout, pas dans tous les pays. Mais cela évolue. » « Oui, j’ai des amies qui portent le hidjab1 [et] qui sont très heureuses dans
Et les mariages forcés ? « Comme ailleurs rien n’est tout noir ni tout blanc, leur couple (…) » assure Jamila Drissi.
réagit la comédienne et musicienne Hassiba Hakabi, d’origine algérienne elle
1
aussi. Il y a des pères musulmans cons et violents qui marient leur fille de Voile porté par certaines femmes musulmanes
force et vont jusqu’à la tuer ou la faire tuer lorsqu’elle résiste. Et des pères
Thierry DENOËL, L’amour derrière le voile, dans Le Vif/L’Express, 18 janvier 2008, p. 28-29
doux et poètes qui respectent le choix de leur fille, la protègent de l’excision.

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Héritages 9
Les religions : entre guerre et paix ?
Enjeux

Les religions sont-elles des facteurs de guerre ou de paix ? La composante religieuse est-elle présente dans
les conflits qui attisent le monde ?

1 1 - Nous nous engageons à proclamer notre ferme conviction que la violence et le terrorisme s’opposent au véritable esprit
religieux et, en condamnant tout recours à la violence et à la guerre, au nom de Dieu ou de la religion, nous nous engageons
à faire tout ce qui est possible pour éradiquer les causes du terrorisme. (…)
3 - Nous nous engageons à promouvoir la culture du dialogue, afin que se développent la compréhension et la confiance
réciproques entre les individus et entre les peuples, car telles sont les conditions d’une paix authentique. (…)
6 - Nous nous engageons à nous pardonner mutuellement les erreurs et les préjudices du passé et du présent (…).

Décalogue d’Assise pour la Paix, Assise (Italie), 24 janvier 2002 (D’après http://www.vatican.va, page consultée le 9 janvier 2008)

À l’initiative du pape Jean-Paul II, une rencontre iinterreligieuse


li i a eu lieu le 24 janvier 2002 à Assise. Au terme de cette rencontre,
le pape a envoyé à tous les chefs d’État et de Gouvernement un « décalogue » qui représente l’engagement pour la paix
de 200 représentants de diverses religions du monde.

2
Les conflits à composante religieuse
aujourd’hui (D’après M. GOZLAN,
La mort au nom de Dieu,
dans Marianne, n° 481, juillet 2006,
p. 42)

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3 En 2006, ces rivalités de plus en plus sanglantes, notamment à Bagdad entre réciproques, faisant chacun plusieurs dizaines de victimes irakiennes dont les
sunnites* et chiites*, sont peu à peu devenues une véritable guerre civile, médias se bornent désormais à évaluer le nombre. (…)
surtout après que des sunnites* ont détruit le 23 février la mosquée d’Or de
Yves LACOSTE, Au Moyen-Orient, des conflits qui s’aggravent en n’évoluant guère, dans
Samara, l’un des plus fameux sanctuaires chiites*, ce qui entraîna l’attaque
Hérodote, n° 124, premier trimestre 2007 (D’après http:// www.herodote.org, page consultée
par les chiites* d’une centaine de mosquées sunnites*. Chaque jour apporte le 23 août 2007)
désormais à Bagdad son lot d’exécutions massives et d’attentats suicides

4 De nombreux Israéliens savent qu’il faut au 5 L’Irlande du Nord est-elle en mesure de s’acheminer vers la normalité politique et une paix sociale
plus vite résoudre le problème palestinien, en durable ? Si l’on en juge d’après l’accord historique, signé à l’arraché le 10 avril 1998 et marquant
laissant se constituer un État palestinien sur un dénouement heureux à 30 années d’un conflit qui a fait près de 4000 victimes, la réponse est
les « territoires occupés » depuis 40 ans. Le positive. (…)
nombre toujours croissant des « colonies » La lutte pour l’indépendance de l’Irlande, qui avait débouché sur la création [en 1937] de l’État
religieuses et de celles où l’on a logé les libre d’Irlande du Sud, allait (…) céder la place à un affrontement en Ulster1 entre catholiques
nouveaux immigrés russes ou balkaniques est nationalistes, opposés à la partition et favorables à la réunification de l’Irlande, et protestants
devenu peu à peu un obstacle fondamental unionistes, (…) partisans du maintien de leur province dans le Royaume-Uni. (…) Au cours des
(…). Le fanatisme d’une partie de ces premières décennies qui suivirent le partage de l’île2, l’IRA (Armée républicaine irlandaise), qui
« colons » tient au fait qu’ils se sont persuadés, était devenue le symbole de libération nationale et de défense des catholiques (…), avait mené
comme nombre d’évangéliques américains, différentes campagnes (…) contre la partition (…). Au cours des années 1980, les actes terroristes
que leur présence sur tous les lieux bibliques se multiplient en Irlande du Nord (…). Cette violence (…) ne fait que déchaîner une contre-violence
de la « Terre qui leur a été promise » va hâter de la part des paramilitaires protestants (…).
la venue du Messie. On peut faire l’hypothèse La pérennité de la paix en Irlande du Nord n’est pas garantie et l’édifice politique mis en place par
qu’une très grave épreuve de force aura lieu l’accord révèle une grande fragilité entretenue par la méfiance, le contentieux historique difficile à
tôt ou tard entre ces religieux et la majorité de gommer, la faiblesse persistante des contacts entre les deux communautés (…).
la population israélienne (…). 1
Irlande du Nord, restée attachée au Royaume-Uni lors de l’indépendance de l’Irlande du Sud
2
Yves LACOSTE, Au Moyen-Orient, des conflits qui En 1921, l’Irlande est divisée en deux régions autonomes : le Nord et le Sud de l’île.
s’aggravent en n’évoluant guère, dans Hérodote, n° 124,
premier trimestre 2007 (D’après http:// www.herodote. Marie-Claire CONSIDERE-CHARON, Irlande du Nord : un accord historique, une mise en œuvre problématique, dans
org, page consultée le 23 août 2007) Synthèse, n° 83, 24 mars 2003 (D’après http://www.robert-schuman.eu, page consultée le 9 janvier 2008)

6 Le mot « Djihad » ne signifie pas « guerre sainte ». Il désigne la lutte et 7 (…) [Les] nations composant la Yougoslavie se sont retrouvées seules de
l’effort. (…) C’est la lutte pour accomplir le bien et éradiquer l’injustice, gré ou de force, avec leurs valeurs, leur identité, leurs ambitions propres.
l’oppression et le mal dans son ensemble de la société. Cette lutte doit C’est à ce stade qu’intervient le facteur religieux. Il apparaît comme une
être aussi bien spirituelle que sociale, économique et politique. Le Djihad composante importante, et parfois essentielle (…), de l’identité des
consiste à œuvrer de son mieux pour accomplir le bien. (…) Le Djihad peuples en présence. Il est au cœur de leur Histoire, inspire leur idée
consiste à protéger la foi de l’individu et ses droits. Le Djihad n’est pas nationale. Il imprègne même culturellement les nationalismes slovène,
toujours une guerre bien qu’il puisse parfois prendre cette forme. L’Islam croate et serbe, sans pour autant les définir. L’immanence du religieux
est la religion de la paix mais cela ne signifie pas qu’il accepte l’oppression. est la plus frappante en Bosnie et en Herzégovine. (…) Durant les longs
L’Islam enseigne que l’on doive faire tout notre possible afin d’éliminer siècles de l’occupation turque, les populations de ces contrées ont été
les tensions et les conflits. L’Islam promeut les moyens pacifiques pour distinguées, conformément à l’ordre ottoman, uniquement par la foi
mener au changement et à la réforme. (…) La guerre est permise en qu’elles confessaient. Les musulmans, qui étaient des Serbes mais aussi
Islam, mais uniquement lorsque les autres moyens pacifiques comme le des Croates islamisés, avaient un statut social privilégié, alors que les
dialogue, les négociations et les traités échouent. La guerre est le dernier autres (orthodoxes, catholiques ou juifs) étaient tenus dans une situation
recours et doit être évitée le plus possible. (…) Il est nécessaire d’attirer subalterne. À la rivalité déjà existante entre orthodoxes et catholiques
l’attention sur le fait que le terrorisme contre des civils innocents, que ce s’ajoutait ainsi une autre confrontation, tout aussi profonde mais d’une
soit par une agression classique ou par des moyens suicidaires, n’est en nature différente, opposant cette fois musulmans et chrétiens. (…)
aucun cas permis par l’Islam. (…) Le terrorisme est en contradiction avec L’opposition des Serbes aux musulmans avait donc un caractère religieux,
les enseignements de l’Islam. (…) mais aussi social et même, si l’on peut dire, national.

Muzammil SIDDÎQÎ, Le Djihad : sa vraie signification et son but, 9 décembre 2002 (D’après Kosta CHRISTITCH, Le cas yougoslave, dans Défense nationale et sécurité collective, n° 6,
http://www.islamophile.org, page consultée le 9 janvier 2008) juin 1995 (D’après http://www.defnat.com, page consultée le 18 septembre 2007)

23

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Héritages 10
La Belgique : à la croisée des chemins ?
Enjeux

La question de l’avenir de la Belgique est de plus en plus souvent posée, surtout au Nord du pays. Quels
sont les principaux problèmes qui empoisonnent la vie du couple belge ?

1 Il ressort du dernier rapport de l’ONEM que les transferts en dépenses de chômage entre le Nord et le Sud ont augmenté
de 87,5 % depuis 2000. Des simulations indiquent qu’une baisse durable de ces transferts est impossible sans une longue
période de forte croissance économique et une plus forte croissance du taux d’activité en Wallonie (et à Bruxelles) qu’en
Flandre. (…) Les transferts sont dus à un marché du travail désorganisé en Wallonie et à Bruxelles, conséquence d’un
manque de dynamisme économique récurrent. Il est grand temps d’en appeler à un sursaut wallon qui ne sera possible
qu’avec la mise en place de puissants instruments de politique économique propres, en matière d’emploi, de chômage,
de salaires, d’impôt des sociétés, etc. Le même raisonnement vaut pour une autonomie maximale de compétences et de
financement des régions en matière de politique de santé. (…) Rendre cela possible, voilà l’enjeu de la prochaine réforme
de l’État.
Luc VAN DEN BRANDE, Aborder les raisons des transferts, dans l’intérêt de la Wallonie, dans Le Soir. Le débat, 10 avril 2007 (D’après http://www.lesoir.be,
page consultée le 2 février 2008)

2 Indicateurs Région wallonne Flandre


PIB par habitant (Europe des 15 =100) 77,3 105,5
Revenu disponible des ménages (Europe des 15 =100) 94 109,4
Taux d’emploi des personnes de 15 à 64 ans 54,9 % 63,5 %
Rentabilité des entreprises industrielles 14,6 % 17,5 %
Taux de chômage total (2003) 10,9 % 5,7 %
Taux de chômage des jeunes (2003) 26,3 % 11,6 %
Taux de chômage de longue durée (2003) 18,9 % 7,3 %
Quelques indicateurs économiques comparés (D’après Croissance en Région wallonne, quels chiffres pour 2005 ?, Bruxelles, Société royale
d’économie politique et Institut Émile Vandervelde, 17 mai 2005, sur http://www.iev.be, page consultée le 25 novembre 2007)

3 Chiffres de l’ABAFIM Chiffres de Henri CAPRON


(Ministère de la Communauté flamande)
Flandre Wallonie Bruxelles Flandre Wallonie Bruxelles
37
Transferts interpersonnels -3,7 2,1 1,6 -2,3 2,1 0,2
65-66 Transferts interrégionaux -1,3 1,3 0,0 -1,2 1,2 0,0
Total -5,0 3,4 1,6 -3,5 3,3 0,2

Transferts interpersonnels (sécurité sociale) et interrégionaux en 2003 (en milliards d’euros) (D’après H. CAPRON, Fédéralisme, transferts interrégionaux et
croissance régionale, dans Reflets et perspectives de la vie économique, 2007/1, XLVI, p. 61)

103-104

24

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4 [La] déclaration du Gouvernement flamand du 23 juillet 2004 est on ne peut de police et de justice. Comme stipulé dans la déclaration, il s’agit là d’objectifs
plus claire : « Plus de Flandre est nécessaire pour une meilleure administration, « de court terme ». Il est également affirmé promouvoir une solidarité objective
plus proche des gens. » et transparente avec les autres composantes de l’État.
Un tel objectif passe selon le Gouvernement flamand par une meilleure À la lecture de ces objectifs de court terme, on est en droit de se demander
répartition des compétences, plus d’autonomie fiscale et financière, quels sont effectivement les objectifs « de long terme ». Après le « détricotage »
des compétences complémentaires homogènes (…) et la scission de de la Belgique sociale, que restera-t-il de commun si ce n’est un enjeu, en
l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Cela nécessite notamment une quelque sorte l’héritage belge et l’objet de toutes les convoitises : Bruxelles,
autonomie complète en matière de santé publique et de politique de la région enclavée en territoire flamand et à laquelle la Flandre doit une grande
famille (c’est-à-dire concrètement la défédéralisation des soins de santé et partie de sa richesse même si elle refuse de le reconnaître.
des allocations familiales, qui pèse près de 50 % dans le système de sécurité
Henri CAPRON, Fédéralisme, transferts interrégionaux et croissance régionale, dans Reflets et
sociale), de coopération au développement, de télécommunication, de
perspectives de la vie économique, 2007/1, XLVI, p. 48
politique de science et technologie et de compétences spécifiques en matière

Créé en 1963, l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV) regroupe les


19 communes de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale et 35 communes de la Région
unilingue flamande. Cet arrondissement bilingue permet aux francophones des communes se
situant en Région flamande de voter pour des listes francophones (→ 66/15 et les « facilités »)
et aux Flamands habitant à Bruxelles de voter pour des listes flamandes. Toutefois, depuis
2002, les députés ne sont plus élus par arrondissement mais par province, sauf au sein de BHV.
En 2003, la Cour d’arbitrage a estimé que cette situation était contraire au principe d’égalité des
Belges. Cet avis justifie, selon certains partis néerlandophones et certains Flamands, la scission
de BHV. Celle-ci empêcherait les francophones habitant en Région flamande de voter pour des
francophones.

5 CLOU, caricature, dans La Libre Belgique, 10 décembre 2007, p. 8

6 Ce sondage donne
Néerlandophones Francophones Bruxellois une information sur
Que la Belgique continue à exister. 93 % 98 % 97 % l’état de l’opinion
Le rétablissement de l’État belge unitaire 15 % 36 % 35 % trois mois avant
Le statu quo de l’État fédéral actuel 26 % 20 % 20 % les élections du
10 juin 2007. Il a
Plus de compétences pour les régions et communautés 39 % 22 % 16 % été réalisé sur base
Une Wallonie indépendante et une Flandre indépendante 5% 1% 1% d’un échantillon de
Le rattachement de la Flandre aux Pays-Bas et de la Wallonie à la France 1% 1% 2% 2002 personnes ; la
marge d’erreur est
Résultats d’un sondage réalisé par le journal Le Soir en partenariat avec le journal De Standaard dans le cadre d’une enquête commune sur de 2,2 %
l’avenir du pays et les relations communautaires, dans Le Soir, 24 mars 2007, p. 2

Sur les 509


7 parlementaires,
La monarchie est une institution La Belgique devrait être remplacée par une république
309 ont répondu à
dépassée. À terme, elle devrait faire dirigée par un président.
l’enquête. Un parti,
place à une république.
le CD&V a refusé
Parlementaires FR Parlementaires NL Population FR Population NL Population BXL de participer. Le
Accord 20,6 % 63 % 20 % 34 % 25 % sondage du Soir et du
Pas d’accord 77,2 % 32,6 % 79 % 65 % 71 % Standaard concernait
un échantillon de 2002
Comparaisons des résultats d’une enquête menée auprès des parlementaires du 2 au 22 juin 2006 et d’un sondage réalisé par Le Soir et personnes ; la marge
De Standaard en mars 2007 (D’après Dorothée KLEIN, L’avenir de la monarchie, dans Le Vif/L’Express, 30 juin 2006, p. 43) et d’un sondage, « Que d’erreur était de 2,2 %
pensons-nous de la Belgique ? », réalisé par Le Soir et De Standaard, dans Le Soir, 24 mars 2007, p. 3)

25

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Héritages 11
La tentation de l’extrême droite
Enjeux

Dans de nombreux pays européens, les partis d’extrême droite progressent. Dans quelle proportion ?
Qui attirent-ils et quelles sont les raisons de leur succès ?

2 Ils participent déjà au pouvoir en Slovaquie et en Pologne. Ils ont


failli remporter des municipalités importantes en pays flamand.
En Autriche1, ils vont obliger les grands partis à leur barrer la
route en formant une coalition. En Hongrie, ils poussent les
gens dans la rue pour renverser le Gouvernement. En Bulgarie,
comme en France ou en Allemagne, ils n’ont pas peur des
1 outrances verbales, ouvertement racistes, ce qui ne nuit pas à
CLOU, leur popularité, au contraire !
dessin, dans Il est clair que les xénophobes de tout poil, ultranationalistes,
La Libre Belgique, néonazis ou simplement populistes démagogues, sont en passe
28 janvier 2000, de réussir leur percée, de l’Atlantique à l’Oural. (…) Il y a donc
p. 7
quelque chose de vicié dans le royaume d’Europe.
Les exclure du jeu ? Débattre au contraire avec tous les
extrémistes ? Faire alliance pour mieux les étouffer ? Toutes les
stratégies ont été essayées, ici ou là, avec plus ou moins de
succès. Jusqu’à présent, toutefois, aucune formation extrémiste
ne s’est imposée lors d’élections nationales au point d’être
appelée à prendre la tête d’un Gouvernement, comme Hitler y
réussit en 1933, alors qu’il n’avait recueilli que 33,1 % des voix
aux législatives de 1932.
Mais il y a tout aussi grave : la contamination des idées extrémistes,
qui essaiment d’un bout à l’autre de l’échiquier politique (…).
Les partis traditionnels, plutôt que de s’interroger sur leurs
méthodes et sur les façons de faire de la politique, préfèrent
adopter quelques slogans démagogiques, sur l’immigration ou
la sécurité. Les chefs d’État et les responsables européens, au
lieu de s’entendre sur une Europe à venir et sur un calendrier,
laissent les citoyens désemparés, c’est-à-dire sans prise sur leur
quotidien. D’un pays à l’autre, on trouve toujours les mêmes
ingrédients dans les cocktails extrémistes : la peur de l’avenir,
34-37 la haine de l’autre, une méfiance à l’égard de la démocratie,
la prétention d’échapper au système. Aux autres partis et aux
50 3 Pourcentage de voix citoyens en général de trouver les réponses, point par point, pour
Années VB FN ne pas laisser se gangrener le Vieux Continent.
recueillies par les partis
1987 1,90 0,10 d’extrême droite belges
1
lors de l’élection de la En 1999, Jörg Haider et son parti, le FPÖ (Freiheitliche Partei Österreich),
1991 6,58 1,05 recueillent 27 % des voix et accèdent au pouvoir dans une coalition avec le
Chambre des représentants
1995 7,83 2,28 (1987-2007) parti conservateur (ÖVP). Cette coalition est reconduite après les élections
83 (D’après de 2003.
1999 9,80 1,47
http://dev.ulb.ac.be/cevipol/fr,
104 2003 11,68 1,24 page consultée le 28 février Philippe THUREAU-DANGIN, La gangrène de l’Europe, dans Courrier international,
2008) n° 832, 12 octobre 2006 (D’après http://www.courrierinternational.com, page
2007 11,99 1,97 consultée le 7 novembre 2007)

26

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4 Les droites extrêmes progressent électoralement en Europe, surtout dans des nationaux-populismes est un homme, appartenant aux milieux populaires,
les milieux populaires. Bien qu’elles soient différentes, par leur idéologie et de faible niveau de qualification et d’éducation. (…)
leur stratégie, des fascismes traditionnels, leur succès en Europe occidentale En Europe centrale et orientale, les partis se rattachant à ce courant ont (…)
s’explique par le rejet du système politique et économique dominant. En Europe des revendications territoriales (…). Leur anticommunisme les conduit souvent
centrale et orientale, elles sont plus en continuité avec les nationalismes des à réclamer la réhabilitation des dirigeants profascistes d’avant-guerre (…),
années 1930 et rallient les déçus du post-communisme. voire -– dans les pays baltes (Lettonie) –- à considérer les complices des nazis
L’extrême droite activiste, fasciste* ou néonazie, est marginale en Europe, comme des patriotes. (…)
même si, sporadiquement, en Allemagne et en Suède principalement, se La faillite économique et sociale des méthodes ultralibérales de transition vers
manifeste un terrorisme « brun » (…). Autre expression du néonazisme, le l’économie de marché, la crainte des conséquences de l’entrée dans l’Union
mouvement skinhead*, né en Grande-Bretagne, reste rétif à toute affiliation européenne, combinées avec la persistance de l’antisémitisme* et du racisme
à un parti. (…) anti-roms2, sont les causes principales de leur succès.
Si les extrémismes nostalgiques sont marginaux, les nationalismes populistes
1
et xénophobes, eux, progressent depuis les années 1970, lorsque sont apparus Forme de démocratie directe qui utilise notamment le référendum, c’est-à-dire la consultation
de l’ensemble des citoyens pour approuver ou rejeter une mesure proposée par le pouvoir
les partis anti-impôts scandinaves. Leur corpus doctrinal commun s’articule
exécutif.
autour de trois thèmes : un nationalisme xénophobe hostile à la société 2
Séjournant en Europe de l’Est, les « Rom », aussi appelés « Romanichels » ou « Bohémiens »,
multiculturelle et prônant la « préférence nationale », l’arrêt de l’immigration, sont des Tziganes, au même titre que les Gitans, venus d’Espagne, les Sinti piémontais et
voire le renvoi des étrangers ; une dénonciation des partis traditionnels les Manouches vivant aux frontières franco-germaniques. Ils sont les descendants d’une
combinée avec le souhait de remplacer la démocratie représentative par une population nomade originaire d’Inde, établie en Europe au Moyen Âge. Les Tziganes furent
victimes des persécutions nazies sous le IIIe Reich* (→ 35/1).
démocratie référendaire1 ; un ultralibéralisme qui veut réduire au minimum
l’intervention de l’État et sa fonction redistributive. La majorité de ces partis Jean-Yves CAMUS et Philippe REKACEWICZ, Les deux familles de l’extrême droite, dans
– mais pas tous – s’opposent à la mondialisation et à toute supranationalité Le Monde diplomatique, décembre 2004 (D’après http://www.monde-diplomatique.fr, page
(Union européenne, Organisation du Traité de l’Atlantique Nord). L’électeur type consultée le 15 juin 2007)

5 Pour former un groupe politique, le règlement intérieur En novembre 2007, les Roumains ont quitté le groupe, entraînant sa disparition. Un autre
du Parlement impose au minimum 20 députés (sur groupe comprend des formations de la droite radicale, l’Union pour l’Europe des Nations.
un total de 784 eurodéputés) provenant d’au moins Il est composé de 44 membres, parmi lesquels 1 représentant du Parti du Peuple danois,
5 États membres de l’Union. Autant dire que le 1 Grec du Rassemblement populaire orthodoxe, 4 Italiens de la Ligue du Nord et du
nouveau groupe1 franchit tout juste la barre requise. Mouvement social Flamme tricolore, et 9 Polonais de la Ligue des Familles polonaises.
Les 7 députés du FN (dont Jean-Marie et Marine
Le Pen2) seront épaulés par les 5 élus du parti de
la Grande Roumanie, les trois membres du Vlaams
Belang belge3, de deux Italiens dont Alessandra
Mussolini, la petite-fille du Duce*, de l’Autrichien du 6 La catégorie la mieux représentée chez les sympathisants du FN est celle des
FPÖ, d’un Britannique, Ashley More, et d’un Bulgare. ouvriers (qui représente 25 % de l’électorat FN contre 14 % des Français).
(...) Cela étant, Gollnisch4 ne désespère pas de voir Viennent ensuite les employés (22 % contre 18 %) et les retraités, même
sa petite famille s’agrandir : les élections bulgares si la proportion de ces derniers est un peu moindre que dans la population
et roumaines pour le Parlement européen, prévues totale (23 % contre 25 %). C’est ce que montre une étude de l’IFOP1 sur les
au printemps, pourraient se traduire par une forte sympathisants frontistes, réalisée à partir de 28 enquêtes menées en 2006,
poussée de l’extrême droite. De même, la Ligue des soit un échantillon cumulé de 27 338 personnes dont 1312 se déclarent
Familles polonaises (LPR) (…) pourrait être tentée de « proches » du parti d’extrême droite. De quoi faire réfléchir la gauche et
rejoindre un groupe qui revendique clairement ses notamment le Parti Communiste, qui, depuis 1995, ne cesse de voir filer
valeurs chrétiennes et familiales. cet électorat qui lui était en grande proportion acquis. Par ailleurs, la légère
surreprésentation des agriculteurs par rapport à la moyenne nationale (1,5 %
1
Il s’agit de l’ITS, c’est-à-dire « Identité, Tradition, contre 1 %) confirme la percée du FN notée à la présidentielle de 2002 dans
Souveraineté ». cette population. Les professions libérales, les cadres supérieurs comme les
2
Fondateur et président du Front National français, et sa fille
3 professions intermédiaires résistent mieux aux sirènes frontistes (2,5 % et
Frank Vanhecke, Koenraad Dillen et Philip Claeys
4
Bruno Gollnisch, député du Front National français et 8 % contre 7 % et 14 %).
président de l’ITS
1
Institut français d’Opinion publique
Jean QUATREMER, L’Europe brune serre les rangs au
Parlement (UE), dans Libération, 11 janvier 2007 (D’après http:// Pascal JAN, Quel est l’électorat du FN ?, 5 novembre 2007 (D’après http://www.droitpublic.net,
www.liberation.fr, page consultée le 15 juin 2007) page consultée le 10 novembre 2007)

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Héritages 12
Victoire de la démocratie ?
Enjeux

Malgré les totalitarismes et les génocides, le progrès de la démocratie est l’un des traits majeurs du XXe siècle.
Où et à quel rythme ce régime progresse-t-il ? Quelles sont les conditions pour qu’une société soit
démocratique ?

1 Freedom in the world évalue chaque année le niveau de Dans les années 1970, trois pays d’Europe occidentale se
démocratie de tous les pays du monde et classe ceux-ci en sont soulevés contre la dictature : la Grèce, le Portugal et
trois catégories : libres (ou démocratiques), partiellement l’Espagne. Les années 1980 ont vu la chute de nombre de
libres et non libres (ou dictatoriaux). Un État libre permet dictatures en Amérique latine. Dans les années 1990, avec
une compétition politique ouverte (élections vraiment libres, l’effondrement du communisme européen, les pays baltes
multipartisme), avec des médias indépendants, dans un et les pays d’Europe centrale ont retrouvé la démocratie.
climat de respect des libertés civiles. Un État partiellement Pour adhérer à l’Union européenne, de nombreux pays ont
libre est un État dans lequel le respect des droits politiques hâté la transformation vers la démocratie. L’Afrique du Sud a
et des libertés civiles est limité (…). Dans une dictature, les vu en 1990 le triomphe des partis anti-apartheid* après une
droits politiques de base sont absents et les libertés civiles longue lutte.
sont systématiquement bafouées. Néanmoins, depuis 2000, la démocratie a stagné : peu
Selon Ie classement de cette ONG au 31 décembre 2006, d’États sont devenus libres et au contraire, il y a des reculs
90 pays sur 193 peuvent être considérés comme libres. en Égypte, Éthiopie, Iran, Kenya, Malaisie, Philippines,
Ceux-ci sont principalement situés en Europe, en Amérique Russie et Zimbabwe, pour ne citer que quelques exemples.
du Nord et du Sud ainsi qu’en Océanie. L’ensemble de leur Les pires dictatures sont au nombre de huit. Deux – Cuba
population correspond à la moitié des habitants du globe et la Corée du Nord – sont marxistes. Deux – Turkménistan
(46 %, grâce à l’Inde !). Par contre, 45 pays ne sont pas et Ouzbékistan – sont dirigées par des dictateurs issus de
libres (avec 23 % de la population, dont presque la moitié en la période communiste. Libye et Soudan sont des États
Chine). Presque tous sont situés en Afrique et en Asie. Enfin, islamistes* et présentent de plus les traits des dictatures
58 pays ne peuvent être considérés ni tout à fait comme des militaires. Une autre dictature militaire sévit en Birmanie.
démocraties, ni tout à fait comme des dictatures. Enfin, la Somalie est un État quasi inexistant.
Même si la situation est encore catastrophique dans certaines
régions du monde, la démocratie avance lentement. En effet, D’après www.freedomhouse.org, page consultée le 17 avril 2006 (trad.
V. PYCKE)
en 1975, 40 pays du globe seulement étaient démocratiques,
et 68 pays ne l’étaient pas, avec 43 % de la population.

21

2 La démocratie est fragile parce qu’elle exige beaucoup des habitants d’un pays qui l’ont adoptée. Elle repose sur une idée de
l’homme que maint auteur juge dangereusement optimiste : le civisme, l’esprit de tolérance, le respect du droit ne sont pas
50 des vertus innées. Il faut les apprendre. La démocratie est-elle pensable sans éducation ?
La démocratisation de la scène politique est liée à celle de la société. (…) L’avènement des classes moyennes en est la
caractéristique. À la société de classes nettement tranchées (…) s’est substituée peu à peu une société plus égalitaire (…),
qui se caractérise par l’accès de plus en plus large des couches populaires à l’éducation, à l’information et à la consommation.
(…)
96 La démocratisation est allée de pair avec la sécularisation* des sociétés. (…) [Mais] l’ample mouvement de démocratisation
qui se poursuit (…) provoque le retour en force des intégrismes, se heurte à des révoltes contre le modèle occidental.
105
Michel WINOCK, Victoires de la démocratie, dans L’Histoire, n° 226, novembre 1998, p. 69-74

28

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6 Photographie prise à la mosquée
3 [La] plupart des Chinois qu’Amnesty International soutient et défend sont des Idgah à Kaboul (Afghanistan),
syndicalistes ou des leaders paysans opprimés parce qu’ils défendent des le 9 octobre 2004
libertés sociales. (…) Dans les monarchies de droit divin que sont l’Arabie et les
théocraties* pétrolières, les atteintes aux droits de l’homme sont généralisées
(...) et l’application stricte de la charia, la loi coranique, est de rigueur. (...) L’Iran,
par contre, organise des élections. Mais ce ne sont pas des élections libres. Les
candidats sont triés par les Gardiens de la Révolution. Il n’y a aucune remise en
question possible de la théocratie. En ce sens, le régime est clairement plus
proche de la dictature que de la démocratie. (…) En Russie, il y a des violations
massives des droits fondamentaux sous couvert du conflit tchétchène, un
contrôle de la presse et des tentatives de mainmise sur la société civile qui sont
problématiques. Ce n’est pas du niveau de la Chine mais cela s’en rapproche.
(…) L’Égypte justifie ses entorses à la démocratie par la menace islamiste*. Mais
l’islamisme* pousse sur un terreau favorable fait de corruption et de manque
criant de moyens pour la population.

Interview de Philippe HENSMANS par Pascal DE GENDT, Les dictatures en voie de disparition ?, dans
Télémoustique, 10 janvier 2007, p. 26-28 7 Rainer HACHFELD, dessin politique, Allemagne, 25 janvier 2006

Lors des élections


législatives du
4 Si l’on considère l’ensemble des pays en développement depuis 40 ans, on ne 25 janvier 2006,
peut pas montrer que les pays démocratiques sont mieux développés. Il existe le Hamas, parti
des pays non démocratiques, comme Singapour, Taiwan et l’Indonésie, qui se sont islamiste* parlestinien,
is
développés. Il y a des pays non démocratiques qui ne se sont pas développés, remporte les élections
re
comme la Corée du Nord et le Soudan. On trouve aussi des pays démocratiques, législatives en

comme le Nicaragua, qui ne se sont pas développés et des pays démocratiques Palestine. Mahmoud
P
qui se sont développés, comme l’Inde et les pays d’Amérique du Sud. La Abbas
A
(à gauche), président
démocratie n’aide donc pas nécessairement le développement. Pourquoi ? Parce
de l’Autorité
d
que les dirigeants du pays savent qu’il y aura régulièrement des élections (…).
palestinienne et
Certains d’entre eux peuvent d’abord penser à être réélus et pour cela choisir membre du Fatah*,
de satisfaire la population au moment même, par exemple, en lui offrant des doit composer
cadeaux. À l’inverse, dans un pays dirigé de manière autoritaire, les dirigeants avec ce parti.
savent qu’ils garderont le pouvoir. Si, et seulement si, ces dirigeants-là veulent
vraiment développer le pays, ils peuvent y arriver. Bien sûr, s’ils veulent seulement Taux d’abstention au premier tour des élections présidentielles françaises
s’enrichir, ce ne sera pas le cas (…). La seule chose certaine actuellement, c’est 8 du 21 avril 2002 (D’après M. WINOCK, 21 avril 2002. Radiographie de l’élection
que la liberté de presse est essentielle pour le développement. Pourquoi ? Parce présidentielle, dans L’Histoire, n° 275, avril 2003, p. 39)
que la presse force le Gouvernement, qu’il soit autoritaire ou démocratique, à agir
pour le bien-être des gens. Ajoutons que la radio est particulièrement importante
puisque l’analphabétisme est très répandu dans les pays pauvres.

Jean-Philippe PLATTEAU, Le développement favorise-t-il la démocratie ?, dans Le Ligueur, n° 35,


20 septembre 2006, p. 16

5 Cette année encore, les centres pour étrangers présentaient de mauvaises


conditions d’hébergement. Des migrants et des demandeurs d’asile ont de
nouveau été victimes de mauvais traitements imputables à la police. Des mineurs
ont été gardés dans des centres fermés réservés aux migrants en situation
irrégulière et aux demandeurs d’asile déboutés. (...) L’assassinat d’une femme
et d’un enfant à Anvers, ainsi que d’autres épisodes, ont illustré la persistance
des violences à caractère raciste. La surpopulation carcérale et les mauvaises
conditions de détention ont entraîné des grèves du personnel pénitentiaire.
Rapport d’Amnesty International-Belgique, Bruxelles, 2007 (D’après http://www.amnesty Le taux d’abstention
ti aux él
élections
ti présidentielles
international.be, page consultée le 10 septembre 2007) de 2007 a été de 16,2 %.

29

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Héritages 13
Au bord de l’aventure ?
Représentations

ERIOTSIH
L’entre-deux-guerres dans la B.D.
L’Europe de l’entre-deux-guerres est très présente dans le décor ou l’intrigue de nombreuses B.D.
contemporaines. Quelles images dessinateurs et scénaristes en retiennent-ils ? Une représentation fidèle
de l’entre-deux-guerres ?
Frank GIROUD et Jean-Paul DETHOREY,
Louis-la-Guigne, Coll. « Vécu », V, Grenoble,
2
Glénat, 1987, p. 43
Frank GIROUD et Jean-Paul DETHOREY,
1
Louis-la-Guigne, Coll. « Vécu », V, Grenoble, Glénat, 1987, p. 7

Le récit
se déroule en
Italie en 1924.

33-35
Cette aventure est
située en Italie, en
37
septembre 1939.

Frank GIROUD et Jean-Paul DETHOREY,


Louis-la-Guigne, Coll. « Vécu », VIII, Grenoble, Glénat, 1997, p. 7
3

30

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Frank GIROUD et Jean-Paul DETHOREY, Louis-la-Guigne,
4 Coll. « Vécu », IV, Grenoble, Glénat, 1986, p. 23
5
Frank GIROUD et
Jean-Paul DETHOREY,
Louis-la-Guigne,
Coll. « Vécu », IV,
Grenoble, Glénat, 1986,
p. 20

L’action de ces trois séries


de vignettes se situe en
Allemagne en 1923.

6 Frank GIROUD et Jean-Paul DETHOREY, Louis-la-Guigne, Coll. « Vécu », III, Grenoble, Glénat, 1985, p. 19-20

31

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7
Héritages 13
Jean VAN HAMME
et Francis VALLÈS,
Représentations
Les Maîtres de l’Orge,
IV, Coll. « Grafica »,
ERIOTSIH Grenoble, Glénat, 2005,
p. 7-8

Cette bande
dessinée se déroule
en Belgique en
1932.

8
Jean VAN HAMME
et Francis VALLÈS,
Les Maîtres de l’Orge,
IV, Coll. « Grafica »,
Grenoble, Glénat, 2005,
p. 34

32

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Frank GIROUD et Jean-Paul DETHOREY, Louis-la-Guigne, Didier DAENINCKX et Jacques TARDI, Le der des ders, Tournai,
9 Coll. « Vécu », II, Grenoble, Glénat, 1984, p. 3
10 Casterman, 1997, p. 37

12
Jacques FERRANDEZ, Le centenaire,
Coll. « Carnets d’Orient », IV, Tournai,
Casterman, 1994, p. 29

Le récit de Ferrandez
se déroule en 1930 en
Algérie.

11
Frank GIROUD et Jean-Paul DETHOREY,
Louis-la-Guigne, Coll. « Vécu », I,
Grenoble, Glénat, 1982, p. 34

Cet album a pour


décor la France des
années 1920.

33

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Héritages 14
La guerre froide dans la B.D.
Représentations

ERIOTSIH
De nombreux auteurs de bandes dessinées prennent pour décor la guerre froide. Qu’en retiennent-ils ?
Quelle image proposent-ils des tensions Est-Ouest qui marquent la seconde moitié du XXe siècle ?

1 Jean-Michel CHARLIER et Victor HUBINON, Alerte atomique, Coll. « Les aventures de Buck Danny », Marcinelle, Dupuis, 1967, p. 31

46-47

89-91 L’histoire se
déroule en
Amérique du Sud.

34

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2 Stephen DESBERG et Hugues LABIANO, Black op, I, Paris-Barcelone-Bruxelles-Lausanne-Delhi-Londres-Montréal-Moscou-Toulouse-Washington, Dargaud, 2005, p. 4-5

3 MARVANO, Berlin, II, Reinhard Le Goupil, Paris-Barcelone-Bruxelles-Lausanne-Delhi-Londres-Montréal-


Moscou-Toulouse-Washington, Dargaud, 2007, p. 25

Le récit débute
aux États-Unis
en juin 1945.

Le jeune Reinhard discute avec le


« capitaine bonbon » (schokoladenflieger).
Ce personnage est inspiré du lieutenant
américain Gail S. Halvorsen qui largua
des bonbons pour les enfants sur Berlin,
en 1948.

4 Yves SENTE et André JUILLARD, La machination


Voronov, Coll. « Les aventures de Blake et
Mortimer. D’après les personnages d’E.P. Jacobs »,
Paris-Barcelone-Bruxelles-Lausanne-Delhi-
Londres-Montréal-Moscou-Toulouse-Washington,
Jacobs Blake et Mortimer/Studio Jacobs-Dargaud-
Lombard, 2000, p. 8-9

Cette réunion rassemble le capitaine


Francis Blake (au milieu de la vignette
centrale), chef du MI 5 (service de
contre-espionnage britannique), le
directeur de l’Intelligence Service
(services secrets britanniques), le
chef du MI 6 (service britannique des
renseignements extérieurs) et les sous-
secrétaires d’État au Foreign Office et
au Home Office (ministère des Affaires
étrangères et ministère de l’Intérieur).

35

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Héritages 15
Raconter la Shoah ?
Représentations

ERIOTSIH
À côté de nombreux travaux d’historiens qui attestent des modalités de l’extermination des Juifs,
des cinéastes, des romanciers… ont tenté, à leur manière, de perpétuer la mémoire de la Shoah*.
Quels aspects en retiennent-ils ? Quelles images en donnent-ils ? Pareille tragédie peut-elle trouver un mode
d’expression adéquat dans la fiction ?

1 Art SPIEGELMAN, Maus, II, Paris, Flammarion, 1992, p. 71

2 P. Nora : (…) Ce que vous avez fait, vous, est


autre chose [qu’un travail d’historien]. Vous avez
cherché par des moyens littéraires à rendre
compte de l’exécution, du meurtre lui-même,
c’est-à-dire de la part aveugle que les historiens
(…) ne pouvaient pas envisager.
J. Littell : Ils ont essayé, mais ils n’ont pas réussi
(…), pas de manière satisfaisante.
P. Nora : Ils butent parce que ce n’est pas leur
métier.
J. Littell : Un problème crucial est qu’un historien
est quelqu’un qui travaille sur des sources. Or,
au niveau des bourreaux, les sources sont des
paroles, rares d’abord, et qui sont peut-être
vraies et peut-être pas. Un historien n’a pas droit
au bond intuitif, la sympathie imaginative.
P. Nora : Je dirais qu’ils rationalisent l’Histoire.
C’est leur métier. Ils la refroidissent, si
j’ose dire (…). En gros, l’historiographie
a consisté à questionner une masse géante de
documentation. (…) Vous, par le biais du roman,
vous avez fait autre chose. Vous vous êtes
introduit dans le mécanisme psychologique de
20 l’exécution, qui était le point aveugle de toute
cette historiographie et qui ne peut que l’être.
Votre approche (…) est extérieure à la démarche
historienne et aboutit à une sorte de vérité
autre, que les historiens ne peuvent atteindre
42
ni approcher, et qui est de restituer le vécu de
l’exécution. C’est là votre apport et ce qui a paru,
d’une certaine manière, le franchissement d’une
ligne rouge, une perversion radicale. Parce que
86 vouloir essayer de comprendre pouvait paraître
déjà une façon d’admettre.
102
Entretien de Pierre NORA avec Jonathan LITTELL,
Conversation sur l’Histoire et le roman, dans Le Débat,
n° 144, mars-avril 2007, p. 35-36

36

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Extrait du film La liste de Schindler, réalisé par Steven SPIELBERG, Cette scène a suscité une importante polémique car, une fois
3
États-Unis, 1993 femmes et enfants enfermés dans cette chambre « de bain et de
désinfection », et après un suspense habilement entretenu par
le réalisateur, c’est de l’eau qui sort des pommeaux de douche.
Le réalisateur a été accusé de faire le jeu des négationnistes* qui
nient l’existence des chambres à gaz, pourtant bien attestées par
les sources historiques.

4
Quand j’ai appris son projet, dont j’ignorais absolument la genèse, je me suis perd le sens des proportions. Des « justes » ont existé, mais je ne les appelle
dit : Spielberg va se trouver confronté à un dilemme, il ne peut pas raconter pas des justes, seulement des gens qui ont fait leur devoir. Certains l’ont
l’histoire de Schindler sans dire aussi ce qu’a été l’Holocauste* ; et comment fait tout le temps, certains l’ont fait quelques fois, certains l’ont fait à moitié.
peut-il dire ce qu’a été l’Holocauste* en racontant l’histoire d’un Allemand Ce n’est pas simple cette histoire. Ce que je reproche fondamentalement à
qui a sauvé 1300 Juifs, puisque la majorité écrasante des Juifs n’a pas été Spielberg, c’est de montrer l’Holocauste* à travers un Allemand. Même s’il a
sauvée ? Même s’il montre les « actions »1 au sens allemand du terme, au sauvé des Juifs, ça change complètement l’approche de l’Histoire. C’est le
moment de la déportation au ghetto* de Cracovie2, même s’il montre le chef monde à l’envers... (…)
du camp tirant sur les déportés, comment peut-il être juste par rapport à la Shoah6 est un film aride et pur. Dans Shoah6, il n’y a aucune histoire
normalité de la procédure de mort, de la machinerie de l’extermination ? personnelle. Les survivants juifs de Shoah6 sont des survivants d’une
Non, ça ne se passait pas comme cela pour tout le monde. À Treblinka3, ou à espèce particulière, (…) les témoins directs de la mort de leur peuple. (…)
Auschwitz4, la question du sauvetage ne se posait même pas. (…) C’est tout Aucun ne raconte son histoire personnelle (…). C’est tout le contraire de
le problème de l’image, et tout le problème de la représentation. Rien de ce Spielberg, pour qui l’extermination est un décor : le noir soleil aveuglant de
qui s’est passé ne ressemblait à ça, même si tout paraît authentique. (…) l’Holocauste* n’est pas affronté.
L’Holocauste* est d’abord unique en ceci qu’il édifie autour de lui (…) la limite
1
à ne pas franchir parce qu’un certain absolu d’horreur est intransmissible : Actions dites « spéciales », c’est-à-dire, dans le jargon nazi, les exécutions de Juifs. Pour
tenter de conserver le secret, les nazis utilisaient en effet toute une série d’appellations
prétendre le faire, c’est se rendre coupable de la transgression la plus grave.
codées, comme celle d’« action spéciale ».
La fiction est une transgression, je pense profondément qu’il y a un interdit 2
Créé en 1941 par l’occupant nazi, le ghetto* de Cracovie, au sud de la Pologne, est détruit
de la représentation. En voyant La Liste de Schindler, j’ai retrouvé ce que en 1943. Les Juifs qui y habitent sont exécutés ou déportés.
j’avais éprouvé en voyant le feuilleton Holocauste5. (…) Alors la question est 3
Camp nazi construit en 1941, au nord-est de Varsovie, et qui deviendra un des centres
ainsi posée : pour témoigner, est-ce qu’on invente une forme nouvelle ou d’extermination (→ 86).
4
→ 20
est-ce qu’on reconstruit ? Je pense avoir fait une forme nouvelle. Spielberg 5
Holocaust. The story of the family Weiss est une série télévisée américaine réalisée en 1978
a choisi de reconstruire. Or, reconstruire, c’est, d’une certaine façon, fabriquer par Marvin Chomsky. Diffusée aux États-Unis puis en Europe, elle raconte l’extermination
des archives. (…) J’ai le sentiment qu’il a fait un Shoah6 illustré, il a mis des des Juifs à travers l’histoire fictive de deux familles allemandes, une juive et une nazie. Elle
images là où il n’y en a pas dans Shoah6, et les images tuent l’imagination, a largement contribué à la prise de conscience, dans l’opinion publique, de la réalité de la
permettent à travers Schindler, « héros » pour le moins discutable, une Shoah*.
6
Titre du film de Claude Lanzmann diffusé en 1985 : voir la notice biographique en fin de
consolante identification. manuel.
On peut se poser une autre question, celle de cette « mode », car il s’agit 7
→ 42/8
bien d’une véritable mode lancée par les Américains et les Israéliens : la
mode des justes7. On a basculé de l’autre côté. Il y a désormais de plus en Claude LANZMANN, À propos de « La Liste de Schindler », dernier film de Steven
Spielberg. Holocauste, la représentation impossible, dans Le Monde, 3 mars 1994
plus de gens qui ont sauvé des Juifs... S’il y a eu tellement de justes pour
(D’après www.lemonde.fr, page consultée le 3 janvier 2007)
sauver les Juifs, comment se fait-il que tant de Juifs ont péri ? Là encore on

37

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Héritages 16
Che Guevara
Représentations

ERIOTSIH
Che Guevara compte parmi les figures emblématiques du XXe siècle. L’art, la caricature, la publicité, la mode…
se sont emparés de son portrait. Quelles images retient-on de lui ?

1 Alberto KORDA, photographie, La Havane (Cuba), 5 mars 1960

Cette photographie a été prise sur le vif, à La Havane


(Cuba), lors des funérailles des victimes d’un attentat
sans doute perpétré par la CIA, contre un bateau
français contenant des armes belges destinées à
soutenir les révolutionnaires cubains, en 1960.
« Le Che » est photographié à la tribune, parmi les
personnalités présentes, dont Jean-Paul Sartre et
Simone de Beauvoir.

Raúl ARELLANO, Che meurt sur la croix, Nicaragua, années 1980 (Los Angeles, Centre
2
pour l‘étude du dessin politique)

À droite, les soldats de la Garde


nationale (GN sur leurs casques) du
dictateur nicaraguayen Somoza.

56-57

Sur le baraquement, on peut lire un slogan de l’Armée zapatiste


96 de Libération nationale : « Notre Amérique. Avec le soleil de ta
bravoure, nous sommes à tes ordres, Commandant. »
112

3 Raúl ORTEGA, photographie, Mexique, août 2003

38

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4
Publicité pour un congrès
de Marketing, Gand, 2006

6
Affiche, Royaume-Uni, 1974
(Amsterdam, Institut d’Histoire sociale)

Martin PARR, photographie prise lors de l’ouverture


7 de la galerie Saatchi, Londres, 15 avril 2003

Patricia ISRAEL et Alberto PÉREZ, L’Amérique


5 s’éveille, Chili, 1972 (Los Angeles, Centre pour
l‘étude du dessin politique)

8
Libérer l’Église, illustration de la
couverture du magazine satirique
allemand Pardon, décembre 1969

Cette impression sur soie fut


détruite publiquement par les
troupes du général chilien Pinochet,
le 11 septembre 1973.

39

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Héritages 17
Charlie Chaplin
Patrimoine

À partir des années 1920, le cinéma devient progressivement


1 accessible à une plus large part de la population. La production
de films s’industrialise et est dominée par de grandes compagnies
américaines comme la Metro-Goldwyn-Mayer ou Paramount, installées
à Hollywood. Charles Spencer, dit Charlie Chaplin, y fonde en 1919 la
United Artists Corporation, société de distribution indépendante des
grands groupes hollywoodiens. Peu à peu, il s’affirme comme un des
grands réalisateurs du cinéma muet et un grand acteur comique. On
le connaît surtout grâce au personnage de Charlot, éternel vagabond,
héros d’un grand nombre de ses films. Ceux-ci manifestent l’intérêt
de Chaplin pour les problèmes politiques, économiques ou sociaux
de l’époque.
En 1931, Chaplin entreprend un voyage pour la promotion de son
film Les lumières de la ville. Il parcourt l’Extrême-Orient et visite les
grandes capitales européennes. Il y découvre les effets sociaux de
la crise économique et la montée des nationalismes, notamment
en Allemagne et en Autriche. À son retour aux États-Unis, il réalise
2 deux films qui évoquent cette période troublée : Les Temps modernes
en 1936 et Le Dictateur en 1940.
Extraits du
film Les Temps
modernes, Dans Les Temps modernes, dernier film muet du comédien, Chaplin
réalisé par joue, pour la dernière fois, le personnage de Charlot. Ouvrier à la
Charlie chaîne, celui-ci visse des boulons à longueur de journée. Il sert aussi
CHAPLIN, 1936 de cobaye pour la mise au point d’un système automatique permettant
de ne pas interrompre le travail pendant l’heure du déjeuner. La crise
économique faisant rage, il perd son travail. Par hasard, il se retrouve
à la tête d’une manifestation d’ouvriers. Considéré comme le meneur,
il est emprisonné. Il est ensuite libéré pour avoir réussi à empêcher
une révolte des prisonniers. Même si Chaplin s’est défendu de tout
engagement politique, le film est accusé de soutenir le communisme.
Sa diffusion est interdite en Allemagne et censurée en Italie. Pourtant,
pour son auteur, c’est contre la misère et la faim que lutte Charlot,
pas contre un système économique ou politique.

29-30 3 Je me souvins d’une interview que j’avais accordée à un jeune et brillant reporter du World de New York. Apprenant que je devais visiter
Détroit, il m’avait parlé du système de la chaîne de montage qu’il y avait là-bas : la triste histoire de la grosse industrie attirant des fermes
35
des jeunes gens robustes qui, après 4 ou 5 ans de travail à la chaîne, devenaient des loques humaines. Ce fut cette conversation qui
me donna l’idée des Temps modernes. (…) La séquence de l’usine s’achevait sur la vision de Charlot pris d’une dépression nerveuse.
L’intrigue se développa à partir de l’enchaînement naturel des événements. Une fois guéri, il est arrêté et rencontre une gamine qui,
elle aussi, a été arrêtée pour avoir volé du pain. Ils se rencontrent dans une voiture de police pleine de délinquants. L’histoire devient
désormais celle de deux anonymes essayant de se débrouiller dans les temps modernes. Ils sont pris dans la crise, les grèves, les
90 émeutes et le chômage.

Charlie CHAPLIN, Histoire de ma vie, Paris, Robert Laffont, 1964, p. 378-379

40

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En octobre 1940, Le Dictateur sort sur les écrans américains. Il ne sera
4 Si Charlie Chaplin (alias Tonstein1) se livre à de la propagande communiste diffusé en Europe qu’après la guerre. Pour réaliser ce film, Chaplin
(…) – c’est peut-être du goût des Américains et d’autres (ils se rendront a visionné de nombreux films d’actualité sur Hitler, notamment le
sûrement compte un jour où les mène leur « esprit de tolérance ») – [et] s’il Triomphe de la volonté, réalisé en 1934 par Léni Riefenstahl (→ 35/2).
annonce maintenant (...) une satire sur un dictateur visant la personne même Le décor du palais du dictateur s’inspire de la chancellerie de Hitler à
de notre Führer*, satire qui – connaissant les Juifs – ne dépassera sûrement Berlin. Dans le film, Chaplin joue deux rôles : celui du dictateur, Hynkel,
pas le niveau de la dérision, nous n’aurons pas d’autre choix que d’élever de et celui d’un barbier juif envoyé dans un camp de concentration. À la
violentes protestations. Il a l’intention d’interpréter le rôle d’un pauvre Juif fin du film, le barbier, qui s’est évadé du camp, est pris par erreur pour
chargé de brosser les uniformes dans un camp de concentration ; celui-ci Hynkel. Il se substitue au dictateur et adresse aux partisans de Hynkel
s’habille de l’un des uniformes et est immédiatement (!) considéré comme un discours qui défend des idées de paix et de fraternité. L’actualité
un personnage recevant des ovations… La minorité juive des États-Unis ne du sujet séduit une partie du public. Mais la majorité de l’opinion
se gêne donc pas pour ridiculiser le chef d’une grande nation étrangère. publique américaine étant défavorable à la guerre, certains accusent
Il y a quelques jours a été promulgué* un règlement interdisant tout acte Chaplin de bellicisme. Le Dictateur, que Hitler a visionné, a été interdit
méprisant à l’égard des chefs d’État étrangers. Quand l’Amérique s’en en Allemagne et dans toute l’Europe occupée.
tiendra-t-elle à ces conventions sociales fondamentales dans les relations Ce film marque le début d’une décennie difficile pour Chaplin. Entre
internationales afin de prévenir des effronteries comme celles que le Juif 1943 et 1945, il doit subir un procès intenté par l’actrice Joan Barry, qui
Charlie Chaplin a dans son sac ? l’accuse, à tort, d’être le père de son enfant. De plus, les campagnes
1
de diffamation du FBI, qui l’accuse d’être communiste, l’isolent de
Certains organes de presse américains affirmaient que Chaplin était Juif et qu’il
plus en plus à Hollywood. En 1952, Chaplin quitte les États-Unis pour
s’appellait Karl Tonstein. Cette allégation sera reprise par le FBI et les nazis.
présenter son nouveau film, Les Feux de la rampe, à Londres. Sur le
Film-Kurier, n° 276, 25 novembre 1938 (D’après Ch. DELAGE, Chaplin. La grande histoire, bateau, il apprend que son visa de retour est annulé. Il s’installe alors
Paris, Jean-Michel Place, 1998, p. 43) en Suisse où il meurt en 1977.

5 7 Je suis ici aujourd’hui pour exiger que l’Attorney général1, Tom Clark,
institue une procédure d’expulsion de Charles Chaplin. Celui-ci a refusé
de devenir citoyen américain. Sa vie à Hollywood porte préjudice aux
fondations morales de l’Amérique. Dès lors, nous pouvons bien le tenir à
l’écart des écrans américains et cacher ses films répugnants aux yeux de
notre jeunesse. Il faudrait l’expulser et s’en débarrasser immédiatement.
1
Ministre de la Justice aux États-Unis

John E. RANKIN, discours devant le Congrès américain le 12 juin 1947 (D’après D. ROBINSON,
Chaplin, sa vie, son art, Paris, Ramsay, 2002, p. 348)

Depuis 1922, le FBI s’intéresse à Chaplin.


La dénonciation par l’auteur de la misère
des années 1930 conduit ses détracteurs
à l’accuser de sympathies communistes.
En 1947, au début de la guerre froide,
Extraits du film le sénateur Joseph McCarthy lance une
Le Dictateur, réalisé par « chasse aux sorcières » qui vise à éliminer
Charlie CHAPLIN, 1940 toutes les personnalités qui défendent
des positions proches du communisme.
Elle touche notamment un certain nombre
de personnalités de Hollywood. Le FBI ne
parviendra cependant jamais à établir des
liens entre Chaplin et des organisations
communistes.

41

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Héritages 18
1937 : Picasso peint Guernica
Patrimoine

1 Pablo PICASSO, Tête en pleurs (VI). Postscriptum de Guernica, En janvier 1937, le Gouvernement républicain espagnol commande
13 juin 1937 (Madrid, Centro de Arte Reina Sofia) à Picasso une œuvre destinée à décorer le pavillon espagnol de
l’Exposition universelle de Paris. Les républicains désirent, par cette
œuvre, s’adresser aux démocraties pour qu’elles l’aident dans leur
lutte contre le général Franco et ses alliés, l’Allemagne nazie et l’Italie
fasciste. Depuis 1936, l’Espagne est en effet en pleine guerre civile.

Le 1er mai 1937, Picasso commence les premières esquisses d’une


grande composition murale. L’actualité lui inspire son sujet : le
26 avril 1937, la capitale du Pays basque, Guernica, a été détruite par
l’aviation de la « Légion Condor », composée de volontaires allemands
venus soutenir les troupes franquistes. Durant quatre heures, un jour
de marché, plusieurs vagues d’avions larguent sur la cité des tonnes de
bombes. Cette petite ville du Nord de l’Espagne ne présente pourtant
aucun intérêt stratégique. C’est la première fois dans l’Histoire que l’on
bombarde ainsi « gratuitement » des populations civiles. L’aviation y
expérimente une nouvelle technique, le bombardement en piqué, qui
sera adopté par la Luftwaffe durant la Seconde Guerre mondiale. Sur
les 7000 habitants, plus de 1600 sont tués et près de 1000 blessés.

Le 10 mai, Picasso exécute un premier tracé de l’œuvre. Au début du


mois de juin, cette huile sur toile, d’un format inhabituel pour l’artiste
(776,6 cm x 349,3 cm), est achevée et exposée à Paris.

Après l’Exposition universelle de Paris en 1937, l’œuvre voyage dans le


monde pour soutenir la cause républicaine. À la fin de la guerre civile
en 1939, la toile est exposée au Museum of Modern Art à New York.
Picasso décide que le tableau y demeurera aussi longtemps que la
démocratie ne sera pas rétablie en Espagne. Il est rendu à l’Espagne
en 1981, dans le contexte du rétablissement de la démocratie qui suit
la mort de Franco en 1975.
Ce portrait représente H Henriette
i tt MMarkovitch,
k dite Dora Maar.
Photographe yougoslave, elle est la compagne de Picasso lorsqu’il
37 peint Guernica. Elle est liée aux milieux surréalistes et engagée
dans le combat politique antifasciste. Ce portrait tragique fait
38 partie d’une série de « femmes en pleurs » que Picasso réalise
juste après Guernica.
77
3 En un rectangle noir et blanc, (…) Picasso nous envoie notre
2 La guerre d’Espagne est la bataille de la réaction contre lettre de deuil : tout ce que nous aimons va mourir. Et c’est
le peuple, contre la liberté. (…) Dans le panneau auquel je pourquoi il était nécessaire que tout ce que nous aimons se
travaille et que j’appellerai Guernica, j’exprime clairement résumât, comme l’effusion des grands adieux, en quelque
83
mon horreur de la caste militaire qui fait sombrer l’Espagne chose d’inoubliablement beau.
dans un océan de douleur et de mort.
110 Michel LEIRIS, Faire-part, dans Cahiers d’art, n° spécial consacré à Guernica,
Déclaration de Pablo PICASSO, mai 1937 (D’après P. DAIX, Dictionnaire mai 1937 (D’après A. FERMIGIER, Picasso, Paris, Le Livre de Poche, 1979,
Picasso, Coll. « Bouquins », Paris, Robert Laffont, 1995, p. 427) p. 270-271)

42

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4 Cette œuvre (…) parut fort mal répondre à ce que ses compatriotes espagnols La guerre civile espagnole (1936-1939) : repères
républicains attendaient de Picasso. (…) Les représentants du Gouvernement de
Madrid jugèrent Guernica antisociale, ridicule et tout à fait inadéquate à la saine L’Espagne est une république depuis 1931. Aux élections de
mentalité du prolétariat ! Il fut même question de retirer l’œuvre du pavillon de février 1936, les partis de gauche, réunis en un Front populaire,
l’Exposition, mais on recula devant ce qui aurait été une injure à Picasso. (…) Le emportent la majorité des sièges. Le nouveau Gouvernement
romancier [français] Claude Roy avait 22 ans quand il vit Guernica à l’Exposition. républicain projette de réaliser des réformes agraires et sociales.
Jeune étudiant de droite, (…) il déclare « avoir reçu le choc de l’œuvre comme Son programme est aussi anticlérical.
le message d’une autre planète. Sa violence m’abasourdissait, me pétrifiait Quelques mois plus tard, un soulèvement militaire
d’une anxiété dont je n’avais aucune expérience directe. » Il ajoute : « L’œuvre (pronunciamiento) éclate. Il est conduit par les nationalistes,
de Picasso ne me communiquait aucune information sur la guerre d’Espagne. » menés par le général Franco et soutenus par les grands
C’est l’un des principaux reproches faits à Guernica. (…) propriétaires, le haut-clergé et l’armée. Mais ce coup d’État
ne réussit pas complètement : la guerre civile se répand. De
Pierre CABANNE, Le siècle de Picasso, III, Paris, Denoël, 1992, p. 25
nombreuses atrocités sont perpétrées dans les deux camps.
L’Europe s’inquiète d’une extension du conflit. Un comité de
non-intervention est mis sur pied à l’initiative de la France et de
5 Le tableau parle à ceux dont les oreilles sont accoutumées à entendre le langage l’Angleterre. Mais il ne peut empêcher Hitler et Mussolini de
du peintre : une langue intellectuelle, sophistiquée, inaccessible à l’homme soutenir les nationalistes espagnols. De leur côté, les républicains
ordinaire. Picasso a voulu crier quelque chose que tout le monde pourrait obtiennent du matériel soviétique et le soutien des Brigades
comprendre. Au lieu de cela, il n’a parlé, quoique avec honnêteté et de façon internationales. Constituées à l’initiative du Komintern*, elles
poignante, qu’à l’intention de ceux auxquels des circonstances historiques ont rassemblent des volontaires, souvent des civils, venus d’Europe
appris à déchiffrer un idiome inintelligible aux oreilles populaires. et des États-Unis.
La guerre se termine en 1939 par la victoire des nationalistes.
Elisabeth MacCAUSLAND, Picasso, New York, ACA Gallery, 1944 (D’après A. FERMIGIER, Picasso,
Elle aura fait un million de morts. Franco, désigné généralissime
Paris, Le Livre de Poche, 1979, p. 269)
en octobre 1936, puis caudillo* et chef de l’État en août 1937,
installe une dictature personnelle qui s’achève à sa mort, en
1975.
6 Pablo PICASSO, Guernica, 1937 (Madrid, Centro de Arte Reina Sofia)

43

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Héritages 19
Le fort de Breendonk
Patrimoine

1 Jacques OCHS, Arbeitslager, dessin, 1941-1942


Le fort de Breendonk, situé sur la commune de Willebroek, près
d’Anvers, a été construit de 1906 à 1914. Il faisait partie d’une série
de forts qui devaient servir à la défense d’Anvers. Il était entouré
d’une large douve et entièrement couvert d’une couche de terre qui lui
servait de camouflage. Partiellement détruit en octobre 1914, il n’est
pas entretenu pendant l’entre-deux-guerres. Rendu opérationnel grâce
à quelques aménagements peu avant la Seconde Guerre mondiale,
il est utilisé, en mai 1940, comme grand quartier général de l’armée
belge et du roi Léopold III durant la campagne des 18 jours.

En septembre 1940, le fort devient un camp de prisonniers de


la Gestapo*. L’occupant y emprisonne des Juifs, des prisonniers
politiques* et de droit commun. Ils sont rejoints par des communistes,
arrêtés en masse après la rupture par Hitler, en 1941, du pacte de non-
agression germano-soviétique (→ 85). L’augmentation du nombre de
prisonniers amène les SS* à organiser des convois vers l’Allemagne :
le fort devient alors un camp de transit. La plupart des Juifs sont
transférés à la caserne Dossin à Malines, d’où partiront, à partir de
juillet 1942, 28 convois qui amèneront à Auschwitz 22 257 Juifs de
Belgique. Des prisonniers politiques* seront aussi déportés vers
2 Otto KROPF, chantier de Breendonk, 13 juin 1941 l’Allemagne, l’Autriche et la Pologne.
(Bruxelles, CEGES, Collection Otto Spronk) Pour toute la période d’existence du fort, les historiens estiment
qu’environ 3566 personnes y ont été emprisonnées, dont une trentaine
de femmes. 2008 prisonniers furent déportés vers les camps, ainsi
qu’au moins 208 Juifs vers Auschwitz. 164 prisonniers y ont été
fusillés, 21 pendus. 84 personnes sont mortes de sous-alimentation,
de maladie, de mauvais traitements ou d’épuisement. 458 ont eu la
chance d’être libérées.
Le fort de Breendonk ne constitue pas, selon la terminologie SS*,
un camp de concentration, mais un camp de transit (Auffang-lager).
Toutefois, les détenus sont soumis à un régime de vie et de
travail tout à fait comparable à celui qui existe dans les camps de
concentration.
À partir de septembre 1941, les SS* allemands et les soldats de la
Wehrmacht*, dirigés par le major SS* Philipp Schmitt, sont rejoints
20 par des SS* flamands. La surveillance est également assurée par des
zugführer, comme Walter Obler (→ 19/2).
Après la libération en septembre 1944, le fort sert de prison pour les
collaborateurs : des inciviques* y sont enfermés jusque fin 1946.
42 En mars 1946, le procès des « bourreaux de Breendonk » s’ouvre
à Malines : 23 accusés, essentiellement des SS* flamands, des
Walter Obler, debout sur le talus, est un Juif autrichien zugführer et des travailleurs civils. Le jugement est rendu le 7 mai.
immigré en Belgique en 1938. Arrivé au camp le 12 sont condamnés à mort et exécutés.
4 octobre 1940, il devient zugführer (chef de chambrée). En fuite après la Libération, le commandant Schmitt est retrouvé aux
86 Déporté en août 1943, il parvient à survivre et retourne Pays-Bas, en mai 1945, par Paul M.G. Lévy, ancien journaliste de la
en Autriche. Il est arrêté en 1945. Connu pour sa radio belge, détenu à Breendonk en 1940-1941, et journaliste dans
violence et les mauvais traitements qu’il fait subir à ses l’armée britannique. Arrêté, Schmitt sera jugé, condamné à mort et
codétenus, il est condamné lors du procès de Malines fusillé à Anvers en 1950.
comme coauteur du meurtre de 10 codétenus juifs. En 1947, le fort de Breendonk devient mémorial national.
44

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3 Le crochet fut passé dans les liens qui tenaient mes mains attachées derrière le dos. Puis on me hissa avec la
chaîne jusqu’à ce que mon corps pende à environ un mètre du sol. Suspendu ainsi par les mains liées dans le dos,
on ne peut se maintenir à la force des muscles qu’un très court moment seulement dans une position proche de
la verticale. (…) La sueur vous coule sur le front et sur les lèvres et (…) le souffle se fait court, on n’est plus en
état de répondre à aucune question. Complices ? Adresses ? Points de rencontre ? C’est à peine si l’on entend
encore. (…) C’est à ce moment que se produisit dans le haut de mon dos un craquement et une déchirure. Je
sentis mes épaules se déboîter. Le poids même du corps avait provoqué la luxation, je tombai dans le vide et tout
mon corps pendait maintenant au bout de mes bras disloqués, étirés vers le haut par-derrière et retournés jusqu’à
se retrouver par-dessus de ma tête. (…) En même temps, les coups assénés avec le nerf de bœuf pleuvaient dru
sur mon corps. (…)
Jean AMERY, Par-delà le Crime et le Châtiment. Essai pour surmonter l’insurmontable, Arles, Acte Sud, 1995, p. 67-68

4 Je suis arrivé [le 31 décembre 1942] avec un convoi de l’eau chaude avec du chou ou du rutabaga. Le matin, nous ne
81 prisonniers. J’avais à peine mis le pied à terre (…) que recevions que du café… (…) Quand j’ai été arrêté, je pesais
j’ai reconnu un ancien copain d’école primaire (…). Mais il 76 kg. Le 1er février, je n’en pesais plus que 51. Pour ce qui
n’était pas prisonnier… : il travaillait comme interprète pour est de l’hygiène, on avait quelques minutes le matin pour se
le compte des Allemands (…). Il a appelé un SS* et j’ai été « laver », sans savon et avec un maigre bout de tissu. (…)
roué de coups. (…)
Nous sommes alors entrés dans le tunnel du fort. Nous avons Les Juifs étaient particulièrement maltraités. Ils étaient
été mis face au mur (…). On nous a dépouillés de tout ce que rassemblés dans la chambrée n° 1 et travaillaient sur un
nous possédions. Nous sommes passés à la tonte et nous chantier à part. Je me rappelle de l’un d’entre eux. On devait
avons (…) reçu nos « uniformes ». J’ai reçu le numéro 352. être en mars-avril 1943 ? Wyss1 et De Bodt2 l’ont jeté dans
(…) l’eau, enterré dans la berge jusqu’aux épaules et l’ont laissé là
Durant les premiers jours, Wyss1 et De Bodt2, deux SS* belges, toute la journée. Quand ses compagnons l’on retiré le soir, il
sont venus pour nous donner toutes les instructions. Nous était mort. Ils ont dû le mettre sur une brouette, et la colonie
apprendre toutes les formules en allemand et les « usages ». juive a dû suivre la brouette. (…) Arrivés sur la cour, De Bodt2
Par exemple, si nous rencontrions un SS*, nous devions nous a renversé la brouette…
mettre au garde-à-vous et lui demander, en allemand bien sûr,
1
SS* flamand, Fernand Wyss sera condamné au procès de Malines en
si nous pouvions passer. Certains n’ont jamais pu retenir ces
1946 et exécuté le 12 avril 1947.
formules… Ils étaient battus… 2
SS* flamand, Richard De Bodt sera condamné à mort par contumace au
Les conditions de travail étaient pénibles. Nous ne pouvions procès de Malines en 1946. Arrêté en Allemagne en 1951, sa peine sera
pas nous parler. Pour un rien, chaque fois, c’était les coups. commuée en une détention à perpétuité. Il mourra en prison en 1975.
(…) Sur le plan de l’alimentation, la nourriture était tout à fait
Jules TRIFFET, Résistance et liberté (D’après J.-L. JADOULLE [dir.], Futur
insuffisante compte tenu des travaux qui étaient demandés. antérieur ? L’« Auffang-lager » de Breendonk et l’univers concentrationnaire
Au début (…), nous recevions, le soir, 180 g de pain noir par nazi (1933-1945), La Louvière, Institut Sainte-Marie, 1993, p. 52-61)
jour et, à midi, une louche de soupe. Il faudrait mieux dire de

5 J’ai vu tuer pour un morceau de pain sous prétexte qu’un « copain » de chambrée était quand même presque
mort, que « cela ne valait pas la peine ». J‘ai vu d’autres se dévouer pour sauver la vie de compagnons. Le meilleur
exemple est celui de cette sentinelle allemande qui gardait ma cellule, un simple soldat de la Wehrmacht*, donc
pas nécessairement un nazi fanatique (…) et que je suis arrivé à convaincre de me laisser envoyer une lettre à ma
mère. Pendant deux mois, j’ai eu ainsi une liaison avec ma mère (…). Du 10 janvier au 9 mars 1944, j’ai ainsi nargué,
du fond de mon cachot, toute la machine hitlérienne (…). Tout cela grâce à un homme qui (…) a risqué sa peau
pour un autre homme. (…) [Plus tard], le détenu de la cellule 17 (…) a dénoncé la sentinelle. Après tout, « ce n’était
jamais qu’un Allemand », un « ennemi »… Et cette dénonciation pouvait lui valoir une soupe supplémentaire… Le
soldat allemand sera envoyé sur le front de l’Est dans un bataillon disciplinaire où il mourra.
René RAINDORF, Foi en l’homme et vigilance (D’après J.-L. JADOULLE [dir.], Futur antérieur ? L’« Auffang-lager » de Breendonk et l’univers
concentrationnaire nazi (1933-1945), La Louvière, Institut Sainte-Marie, 1993, p. 121-122)

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Héritages 20
Auschwitz, camps de la mort
Patrimoine

Le plus grand complexe du système concentrationnaire nazi s’étend


sur 40 km2, entre Cracovie et Katowice, en Pologne. Il se compose de
trois camps.

• Auschwitz I, le camp principal, est créé en avril-mai 1940. C’est


un camp de concentration. On y pénètre par la porte d’entrée
surmontée de l’inscription Arbeit macht frei : « Le travail rend libre ».
Il comporte notamment une trentaine de « bloks » en dur, bâtiments
d’une ancienne caserne, où on entasse jusqu’à 18 000 détenus. Un
des « bloks » sert pour les expériences médicales, un autre pour
les interrogatoires et la torture. C’est au sous-sol de ce dernier
qu’aura lieu, en septembre 1941, le premier gazage homicide sur
des prisonniers russes et des malades.
En mars 1941, Himmler décide, d’une part, d’accroître la capacité
du camp pour accueillir les prisonniers de guerre soviétiques et,
d’autre part, de mettre au travail des prisonniers afin de soutenir
l’effort économique de guerre. Ces décisions débouchent sur la
création de deux nouveaux camps, Auschwitz II et III.
• Auschwitz II ou Auschwitz-Birkenau est situé à 3 km du camp
1 Plan des camps d’Auschwitz (D’après J.-C PRESSAC, Enquête sur les principal. Il est construit entre avril et octobre 1941 par des
chambres à gaz, dans Les collections de l’Histoire, n° 3, 1988, p. 39) prisonniers soviétiques et polonais. Il se compose de trois parties :
un camp de quarantaine, jamais terminé et destiné à isoler les
détenus à leur arrivée, le camp des femmes et celui des hommes.
L’ensemble comprend 250 baraquements de bois pouvant
contenir jusqu’à 60 000 détenus. Les baraques de bois, au sol de
terre battue, abritent les couchettes faites de simples planches et
pouvant accueillir chacune six à sept détenus.
Au lendemain de la conférence de Wannsee (→ 35/1), en janvier
1942, Himmler choisit de faire d’Auschwitz-Birkenau, le principal
centre d’extermination des Juifs. En mai 1942, un site de gazage
15 est créé dans une ferme aménagée. Une seconde fermette, avec
quatre petites chambres à gaz, entre en fonction, fin juin 1942.
ERIOTSIH
L’afflux de convois venant de l’Europe de l’Ouest entraîne
l’installation de chambres à gaz plus efficaces et de crématoires à
grande capacité. Ils entrent en service entre mars et juin 1943. Un
19
9 embranchement de la voie ferrée, construit spécialement en mai
1944, traverse le camp pour déboucher sur un quai (la « rampe »),
puis sur deux gigantesques krematoria* comprenant six chambres
à gaz. À proximité, deux autres krematoria* flanquent des entrepôts
43 où sont triés tous les objets que doivent déposer les Juifs avant
d’être gazés. L’utilisation du zyklon B, à partir de décembre 1941,
permet d’asphyxier, en quelques minutes seulement, un grand
nombre de personnes. En novembre 1944, les installations sont
détruites sur ordre de Himmler.
86 2 Vue actuelle du camp d’Auschwitz II ou Auschwitz-Birkenau

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• Auschwitz III ou Auschwitz-Monowitz est ouvert en octobre1942.
3 Pour savoir, il faut s’imaginer. Nous devons tenter d’imaginer ce que fut Il constitue un camp de travail forcé associé au complexe industriel
l’enfer d’Auschwitz en été 1944. (…) Parmi les prisonniers d’Auschwitz, ceux d’IG-Farben, la Buna. Une trentaine de firmes privées ou contrôlées
dont les SS* voulurent éradiquer à tout prix la possibilité de témoignage par la SS* y installent leurs usines, attirées par le coût dérisoire de
furent, bien sûr, les membres du sonderkommando*, le « commando la main-d’œuvre. 25 000 détenus y travaillent, dont environ 15 000
spécial » de détenus qui géraient à mains nues l’extermination de masse. dans des kommandos*.
(…) Leur travail, il faut bien le redire : manipuler la mort de leurs semblables
par milliers. Être témoins de tous les derniers moments. (…) Reconnaître On estime qu’environ 1,3 million de Juifs et de non-Juifs ont été
les siens et ne rien dire. Voir entrer hommes, femmes et enfants dans déportés à Auschwitz-Birkenau et que près d’1,1 million y ont péri :
la chambre à gaz. Entendre les cris, les coups, les agonies. Attendre. 960 000 Juifs, 21 000 Tsiganes, 75 000 Polonais, 15 000 Soviétiques et
Puis, recevoir d’un coup l’indescriptible amoncellement humain (…), qui 15 000 détenus de différentes nationalités européennes. Le camp est
s’écroule à l’ouverture des portes. Tirer les corps un à un, les déshabiller évacué les 17 et 18 janvier 1945 avant d’être libéré par les Soviétiques,
(…). Laver au jet toutes les humeurs, toutes les sanies accumulées. le 27 janvier 1945.
Extraire les dents en or, pour le butin du Reich*. Introduire les corps dans
la fournaise des crématoires. Maintenir l’inhumaine cadence. Alimenter
en coke. Retirer les cendres humaines (…). Concasser les os. Faire des 4 Les 499 détenus en provenance de Dachau sont arrivés ici
tas de tout cela, le jeter dans le fleuve voisin ou l’utiliser comme matériau le 29 octobre 1942. Leur condition physique est déplorable,
de terrassement pour la route en construction près du camp. Marcher sur ils sont très affaiblis – des « musulmans ». Peut-être qu’après
150 m2 de chevelures humaines que quinze détenus s’emploient à carder un repos de 15 jours un tiers de l’effectif sera apte au travail.
sur de grandes tables. Repeindre quelquefois le vestiaire, confectionner Il est absolument exclu de les faire travailler chez Buna. La
des haies de verdure — camouflage —, creuser des fosses d’incinération répartition est la suivante : 50 détenus professionnellement
supplémentaires pour les gazages exceptionnels. (…) Recommencer, utilisables, 162 sans profession, et 287 ouvriers agricoles.
chaque jour, sous la menace des SS*. (…) Le 30 décembre 1942 sont arrivés de Ravensbrück
186 détenus. Leur condition physique est meilleure que ceux
Georges DIDI-HUBERMAN, Images malgré tout, Paris, Éditions de Minuit, 2004, p. 11-13
de Dachau. Ils se répartissent ainsi : 128 professionnellement
utilisables et 58 sans profession.
Message n° 152 du service radio SS* d’Auschwitz, 30 décembre 1942
(D’après Le camp de concentration de Dachau, 1933-1945, Bruxelles,
Comité international de Dachau, 1979, p. 132)

5 2/9/1942 - J’ai assisté pour la première fois à une action spéciale à l’extérieur1, à 3 h du matin. En comparaison, L’Enfer de Dante m’apparaît presque
comme une comédie. Ce n’est pas pour rien qu’Auschwitz est appelé le camp de l’extermination !
23/9/1942 - (…). Le soir, à 20 h, dîner au foyer des officiers SS* en compagnie du général de corps d’armée Pohl ; un véritable festin. On nous a servi du
brochet frit à volonté, du vrai café, une excellente bière et des sandwiches (…).
3/10/1942 - J’ai procédé aujourd’hui à la conservation de matériel vivant provenant de foie et de rate d’hommes ainsi que de pancréas. J’y ai ajouté des
poux conservés dans de l’alcool (…) prélevés sur des malades du typhus. À Auschwitz, des rues entières sont anéanties par le typhus (…).
1
Dans les quatre petites chambres à gaz qui entrent en fonction, fin juin 1942, dans le camp d’Auschwitz II ou Auschwitz-Birkenau.

Johann-Paul KREMER, Journal de bord, août-novembre 1942 (D’après Auschwitz vu par les SS, Hösz, Kremer, Broad, Oswiecim, Musée d’État, 1974, p. 226-227)

6 Je me rendis à Treblinka1 pour voir comment s’effectuaient les opérations en construisant des chambres à gaz pouvant contenir 2000 personnes à la
d’extermination. (…) Cependant, ses méthodes ne me parurent pas très fois, alors qu’à Treblinka1 leurs dix chambres à gaz n’en contenaient chacune
efficaces. Aussi, quand j’installai le bâtiment d’extermination d’Auschwitz, que 200 (…). [De plus], à Treblinka1 : les victimes savaient presque toujours
mon choix se porta sur le zyklon B (…). Selon les conditions atmosphériques, qu’elles allaient être exterminées ; à Auschwitz nous nous efforçâmes de
il fallait compter de trois à quinze minutes pour que le gaz fît son effet. leur faire croire qu’elles allaient subir un épouillage.
Nous savions que les gens étaient morts lorsqu’ils cessaient de crier.
1
Ensuite nous attendions environ une demi-heure avant d’ouvrir les portes Camp d’extermination nazi, au nord-est de Varsovie, Pologne (→ 86/2)
et d’enlever les corps. Une fois les corps sortis, nos commandos spéciaux
Rudolf HOESS, déposition au procès de Nuremberg, 15 avril 1946 (D’après W.L.SHIRER,
leur retiraient bagues et alliances, ainsi que l’or des dents. Le IIIe Reich, des origines à la chute, II, Paris, Stock, 1966, p. 447-448)
Nous apportâmes également une autre amélioration par rapport à Treblinka1

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Héritages 21
La Déclaration universelle
Patrimoine

des droits de l’homme


La Déclaration universelle des droits de l’homme : pourquoi et qui ?
1 Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous
les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et La Déclaration universelle des droits de l’homme naît du constat
inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de de l’inaction de la communauté internationale face aux atrocités
la paix dans le monde ; considérant que la méconnaissance et le commises durant la Seconde Guerre mondiale (→ 44). La charte de
mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie
fondation de l’ONU (→ 87) assigne aux Nations unies la mission de faire
qui révoltent la conscience de l’humanité (…) ; l’Assemblée
générale proclame la présente Déclaration universelle des
respecter les droits humains. Dans ce but, l’un des premiers actes de
droits de l’homme comme l’idéal commun à atteindre par tous l’Assemblée générale est de créer, en 1945, une Commission des droits
les peuples (…) afin que tous les individus et tous les organes humains chargée de rédiger une déclaration. Cette Commission délègue
de la société, ayant cette Déclaration constamment à l’esprit, la tâche de rédaction à un comité présidé par Eleanor Roosevelt, veuve
s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le du président américain Franklin Roosevelt. Au sein de ce comité, le
respect de ces droits et libertés et d’en assurer, par des mesures juriste français René Cassin joue un rôle particulièrement important.
progressives (…), la reconnaissance et l’application universelles La Déclaration est adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU à Paris, le
et effectives (…).
10 décembre 1948. Elle est votée par la quasi-totalité des 58 États alors
Art. 1er - Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité membres des Nations unies ; seuls 8 pays s’abstiennent. L’URSS et 5
et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et de ses alliés justifient leur abstention par le nombre trop réduit d’articles
doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de consacrés aux droits économiques et sociaux (6 articles sur 30). L’Arabie
fraternité. Saoudite s’est abstenue par hostilité à l’égalité des femmes ; l’Afrique
Art. 2 - Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes du Sud, par opposition à l’égalité raciale.
les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans
distinction aucune, notamment de race, de couleur, de
La Déclaration universelle des droits de l’homme, un texte à portée
sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute
autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de
universelle ?
naissance ou de toute autre situation. (…) Même si le texte a une prétention universelle, ses sources d’inspiration
Art. 3 - Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de
sont largement occidentales : la philosophie politique britannique du
sa personne.
Art. 4 - Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage XVIIe siècle (John Locke) et la Déclaration des droits de 1689, la déclaration
et la traite des esclaves sont interdits (…). d’Indépendance américaine (1776), les philosophes des Lumières et les
Art. 5 - Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou déclarations françaises (1789 et 1793). L’URSS a également influencé le
traitements cruels, inhumains ou dégradants. texte : on lui doit les articles sur les droits économiques et sociaux.
Art. 6 - Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa Ces origines occidentales sont souvent mises en avant par certains États
personnalité juridique*. autoritaires pour contester l’universalité de la Déclaration. Certains
Art. 7 - Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction milieux religieux islamiques*, mais aussi catholiques traditionalistes la
à une égale protection de la loi. (…)
Art. 8 - Toute personne a droit à un recours effectif devant les
contestent, car ils refusent la liberté de conscience et/ou l’égalité des
juridictions nationales compétentes contre les actes violant sexes.
les droits fondamentaux (…).
Art. 9 - Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé. La Déclaration universelle des droits de l’homme, un texte
Art. 10 - Toute personne a droit (…) à ce que sa cause soit contraignant ?
87 entendue équitablement et publiquement par un tribunal
indépendant et impartial (…). Une déclaration n’est pas un texte contraignant. Pour cette raison, la
92 Art. 11 - Toute personne accusée d’un acte délictueux est Déclaration a été complétée par deux pactes, l’un sur les droits civils
présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été et politiques, l’autre sur les droits économiques, sociaux et culturels.
légalement établie au cours d’un procès public où toutes les Ces textes sont, eux, contraignants et prévoient des procédures de
102
garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. contrôle par la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Ils sont
(…)
105 entrés en vigueur en 1976. En 2002, plus de 140 États y ont souscrit.
Art. 12 - Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie
privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance (…). Deux exceptions notables toutefois : les États-Unis et la Chine n’ont pas
signé, respectivement le pacte sur les droits économiques, sociaux et
culturels et celui sur les droits civils et politiques.

48

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La régionalisation des systèmes de protection
Art. 13 - Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à
l’intérieur d’un État. (…) Pour veiller à l’application de ces textes, des instruments juridiques
Art. 14 - Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier régionaux ont été créés. Pour l’Europe, par exemple, le Conseil de
de l’asile en d’autres pays. (…) l’Europe a mis en place la Convention européenne de sauvegarde des
Art. 15 - Tout individu a droit à une nationalité. (…) droits de l’homme et des libertés fondamentales (1950). Le tribunal qui
Art. 16 - 1. (…) L’homme et la femme (…) ont le droit de se marier et de fonder une en contrôle l’application est la Cour européenne des droits de l’homme
famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa
(1959) qui siège à Strasbourg. Elle peut être saisie par un justiciable qui
dissolution.
2. Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs
aurait épuisé tous les recours possibles dans son propre pays.
époux.
3. La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection La multiplication des conventions internationales
de la société et de l’État.
Art. 17 - Toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété. (…) Au fil du temps, les Nations unies ont produit d’autres textes qui visent des
Art. 18 - Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce atteintes spécifiques aux droits humains, comme la Convention pour la
droit implique (…) la liberté de manifester sa religion (…), tant en public qu’en privé, répression du crime de génocide (1948) (→ 102) ou la Convention contre
par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. la torture (1984). La communauté internationale a aussi voulu protéger
Art. 19 - Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression (…). certaines catégories de personnes, jugées plus vulnérables. Il faut citer
Art. 20 - Toute personne a droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques. (…) ainsi la Convention de Genève sur les réfugiés (1951), la Convention pour
Art. 21 - 1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques l’élimination de toute discrimination raciale (1965), la Convention sur
de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement
choisis. (…)
l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes
3. La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; (1979) et la Convention relative aux droits de l’enfant (1989).
cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu
périodiquement, au suffrage universel (…) et au vote secret (…). La Déclaration universelle des droits de l’homme, un texte non
Art. 22 - Toute personne (…) a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la appliqué ?
satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité
(…), grâce à l’effort national et à la coopération internationale (…). Hélas, il est encore besoin de défendre les droits humains. C’est le rôle
Art. 23 - 1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui siège à Genève et qui
équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. a remplacé la Commission des droits humains créée en 1945. Mais des
2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal. États non démocratiques y étant représentés, certains émettent des
3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui réserves quant à l’efficacité de ce conseil.
assurant, ainsi qu’à sa famille, une existence conforme à la dignité humaine (…).
Dans les États démocratiques, on peut compter sur la justice nationale et,
4. Toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des
syndicats pour la défense de ses intérêts. si celle-ci faillit, sur les tribunaux régionaux, comme la Cour européenne
Art. 24 - Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation des droits de l’homme.
raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques. La communauté internationale s’est également dotée d’une Cour pénale
Art. 25 - 1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son internationale et de tribunaux spéciaux (Yougoslavie, Rwanda…)
bien-être et ceux de sa famille (…) ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de (→ 88) qui jugent les crimes de guerre, les génocides et les crimes contre
maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse (…). l’humanité.
2. La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous
Les ONG comme Amnesty International ou Human Rights Watch jouent
les enfants, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même
protection sociale.
un rôle précieux, tant par leurs rapports que par leurs campagnes et leurs
Art. 26 - Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins actions contre les arrestations arbitraires, la peine de mort, la violence
en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement faite aux femmes ou la torture.
élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être Enfin, au plan des droits sociaux, économiques et culturels (droit au
généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous logement, au travail, à l’éducation…), les syndicats jouent également un
en fonction de leur mérite. (…) rôle essentiel (→ 105).
Art. 27 - Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la
communauté, de jouir des arts (…).
Art. 28 - Toute personne a droit à ce que règne (…) un ordre tel que les droits et libertés
(…) puissent y trouver plein effet.
Art. 29 - L’individu a des devoirs envers la communauté (…).
Art. 30 - Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme
impliquant pour un État, un groupement ou un individu, un droit (…) d’accomplir un
acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.

Déclaration universelle des droits de l’homme, Paris, 10 décembre 1948 (D’après Philippe
ARDANT, Les textes sur les droits de l’homme, Coll. « Que sais-je ? », Paris, PUF, 1990,
p. 66-71)
2
CLOU, dessin, 1998

49

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Héritages 22
Catastrophe au Bois du Cazier
Patrimoine

1 Camille DETRAUX, photographie, Bois du Cazier, 8 août 1956 Lieu d’une importante catastrophe minière, le charbonnage du
Bois du Cazier à Marcinelle est situé au sud de Charleroi. En exploitation
depuis 1868, la concession du puits Saint-Charles est reprise en 1899
par les Charbonnages d’Amercœur de Jumet, qui créent alors la S.A.
des Charbonnages du Bois du Cazier. En 1955, le record de production
d’après-guerre est atteint avec un total de 170 557 tonnes. 725 ouvriers
y travaillent. Après la catastrophe, l’exploitation reprend en avril 1957
et se poursuit jusqu’en décembre 1967.

La catastrophe du 8 août 1956

Suite à une erreur humaine, une fausse manœuvre d’encagement,


un incendie éclate dans le puits d’entrée d’air à -975 m. Il gagne
rapidement toute la mine. Le feu et le monoxyde de carbone tuent
262 hommes de 12 nationalités différentes, dont 136 Italiens et
95 Belges. Seuls 13 mineurs survivront à ce tragique accident.
La catastrophe marque durablement la population italienne.
Largement relayée par la presse et la radio, elle révèle aux Belges
les conditions de vie des travailleurs immigrés et leur importance
numérique dans les charbonnages. Elle conduit les responsables
politiques à prendre conscience de l’insécurité dans les mines et
débouche, dès septembre 1956, sur une réglementation plus stricte
dans l’Europe des 6.

Pourquoi cette catastrophe ? Un chariot vide n’a


pas été complètement éjecté de la cage lors de
l’entrée du chariot plein qui devait le remplacer
(4). Lors de la remontée de la cage, le chariot vide
arrache deux poutrelles, des bois de coffrage, une
canalisation d’huile, des câbles électriques, une
conduite d’air comprimé, des fils téléphoniques.
Un arc électrique alimenté par l’huile pulvérisée
boute le feu à l’envoyage – endroit du puits d’où
part une galerie et lieu de chargement des cages
66 – de 975 m, puis aux 25 m de galerie séparant le
puits d’entrée d’air (2) du puits de retour d’air (3).

106

2 Plan-coupe de la mine du Bois du Cazier en 1956 et localisation


de l’accident (D’après La Libre Belgique, 8 août 2006, p. 19)

50

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Un lieu de mémoire

Le 28 mai 1990, les principaux bâtiments formant le carreau du siège


Saint-Charles sont classés « monuments historiques » par la Région
wallonne. Aujourd’hui, le site est entièrement rénové et comprend
deux espaces. Le premier est consacré à la tragédie du 8 août 1956 ;
le second est consacré à l’Histoire de la révolution industrielle dans la
région carolorégienne et comprend notamment un musée de l’Industrie
et un musée du Verre.

3 Vue du siège Saint-Charles en 2003

4 Au Bois du Cazier, sur des dizaines de mètres de galeries, les cintres métalliques pour le soutènement et les bois de soutien sont tordus ou brisés,
des blocs énormes sont prêts à tomber et chutent d’ailleurs de temps en temps malgré les haussements d’épaules des cadres à qui nous faisions la
remarque. Dans les tailles, nous trouvons régulièrement des rondins de soutien qui basculent à la moindre secousse, d’autres, cassés, sont laissés tels,
alors qu’ils sont la seule assurance contre les éboulements. Tous ces faits éclairent la cadence des accidents d’alors, des catastrophes [qu’]avant 1956,
on ne mentionnait qu’au rayon des faits divers, entre deux chiens noyés.
En passant dans la taille, je vérifiais les étançons en rondins, non pour « casser les pieds » du porion, mais pour la sécurité de tous, et celle des étrangers
qui craignaient trop souvent de protester pour ne pas perdre leur place ou ne pas être dénoncés au patron. (…)
La raison de l’insécurité résultait manifestement de cette cadence infernale à laquelle nous étions soumis, s’ajoutant aux conditions naturellement
dangereuses de ce genre d’exploitation. (…)
Dans l’indifférence générale, nous creusions sans relâche nos propres fosses communes. De 1940 à 1951, il y eut 1895 ouvriers tués, soit 158 par an
(…). Donc, tous les trois jours de travail, deux mineurs étaient tués en Belgique et chaque fois qu’on extrayait 200 000 tonnes de charbon, un camarade
perdait la vie.
Jean VAN LIERDE, Un insoumis, Coll. « La Noria », Bruxelles, Labor, 1998, p. 102-104

51

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Héritages 23
L’Atomium, symbole de l’Expo 58
Patrimoine

Édifié pour l’Exposition universelle de 1935, mais munie d’une nouvelle


façade-écran, le palais du Heysel accueille, d’avril à octobre 1958, les
42 millions de visiteurs de la première Exposition universelle de
l’après-guerre. Elle a pour thème : « bilan du monde pour un monde
plus humain ».

Imaginé par l’ingénieur André Waterkeyn, l’Atomium représente une


molécule cristalline de fer, grossie 165 milliards de fois. Construit en
acier revêtu de plaques d’aluminium, il n’était pas destiné à survivre à
1 l’Exposition de 1958. Mais son succès en a fait un élément majeur du
Couverture du paysage bruxellois. Restauré depuis 2006, il est à présent revêtu de
numéro spécial de plaques d’acier inoxydable.
Paris Match, 1958
Parmi les prouesses techniques réalisées pour l’Expo, l’une des
plus remarquables est due à l’architecte et sculpteur belge Jacques
Moeschal : la flèche du Génie civil. Longue de 80 m, elle s’élance
obliquement à 36 m de haut et soutient une passerelle qui permet aux
visiteurs de surplomber une carte de Belgique en relief. Une salle sous
coupole lui fait contrepoids. Elle a été détruite en 1970.

L’Expo 58 donne aussi lieu à d’importants travaux d’aménagement du


territoire, dans le but de faciliter la mobilité : ring N-E de Bruxelles,
tunnels de la petite ceinture de Bruxelles, aéroport de Bruxelles-
National…

2 Il suffit de jeter un coup d’œil d’ensemble sur l’exposition, dominée par


l’Atomium, symbole de la Science de demain, pour se rendre compte de la
somme d’intelligence, de connaissances et de travail qui a été nécessaire
pour transformer le plateau du Heysel en un microcosme du monde
d’aujourd’hui.
L’humanité est entrée dans une ère nouvelle de son Histoire. Plus que jamais
la civilisation apparaît conditionnée par la Science. Des forces dont personne, 3 Palais du Heysel, Bruxelles, 1958
il y a un quart de siècle, n’eût osé imaginer la puissance, ont été mises à la
36 disposition des hommes ; [mais] deux chemins s’ouvrent devant nous : celui
d’une rivalité entraînant une course aux armements toujours plus dangereuse,
53 qui menace de déchaîner contre l’humanité les découvertes issues du génie
de ses savants, et celui qui doit permettre, quelles que soient les divergences
55 de conception sociales, politiques ou spirituelles, de s’engager dans la voie
de la compréhension, seule capable de conduire à une paix véritable. (…)
Que tous ceux qui auront visité l’Exposition de Bruxelles rentrent dans
leur pays, convaincus qu’un nouvel humanisme se prépare par-dessus les
civilisations anciennes, sans rien détruire, d’ailleurs, des valeurs accumulées
89-90 par celles-ci au cours des siècles, et ensuite qu’ils soient convaincus aussi
que cet humanisme ne s’accomplira que dans la concorde.
108
BAUDOUIN Ier, discours lors de l’ouverture de l’Exposition universelle, Bruxelles, 17 avril 1958
(D’après http://atomium.be, page consultée le 22 janvier 2008)

52

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4
La flèche du Génie civil, Bruxelles, 1958

5 Pavillons des organisations internationales, Bruxelles, 1958

Ce pavillon faisait face à celui des Au premier plan, l’ONU (« coupole


États-Unis. On distingue au fond les protectrice ») ; en triangle à droite, le
maquettes des trois Spoutniks (→ 108). Benelux ; en ovale à droite, l’OECE (futur
OCDE) et le Conseil de l’Europe ; au fond,
le palais de la Coopération internationale ;
à gauche, la CECA (6 pays).

6 Pavillon de l’URSS, Bruxelles, 1958

8 Le Congo 58 broie du noir. (…) Trop nombreux sont les Noirs qui se
sentent incompris. Mais quoi d’étonnant à cela, pensent certains
Africains, revenant de l’exposition, puisque les Belges sont tout surpris
de nous entendre parler français ; ils nous demandent si nous savons
lire, écrire, si nous connaissons notre âge et « si on nous a donné un
costume européen pour visiter la Belgique » (sic). On a jeté des sous et
des bananes aux indigènes médusés du village congolais reconstitué
au Heysel…
Le Congo 58 bouge, dans La Libre Belgique, 17 août 1958, p. 1 7 Vue du pavillon du Congo belge : les cases rondes de chefs
coutumiers des villages, Bruxelles, 1958

53

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Héritages 24
Se souvenir de la guerre
Patrimoine

Les monuments aux morts du XXe siècle témoignent du souci


d’honorer les combattants.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les autorités


publiques des pays vainqueurs, États, villes et villages,
commandent des monuments commémoratifs pour perpétuer
la mémoire des soldats « tombés au champ d’honneur »,
selon la formule souvent inscrite sur ces édifices. Certains
soldats sont pourtant oubliés, comme, bien souvent, les
troupes coloniales venues se battre sur le front. Dans les
pays vaincus, les autorités humiliées par la défaite, n’érigent
pas de monuments aux soldats d’une guerre que l’on tente
d’oublier.

Après la Seconde Guerre mondiale, le nom des soldats


morts pendant ce conflit sont ajoutés sur les monuments de
la guerre 1914-1918. Quelques grands mémoriaux, comme
les cimetières américains de Normandie ou de la région de
Bastogne, sont également érigés. De nouveaux monuments
1 Alfred COURTENS, monument aux morts de La Louvière sont aussi élevés pour commémorer les victimes civiles, plus
(prov. Hainaut), inauguré le 7 octobre 1923
nombreuses que les victimes militaires durant cette guerre,
ou les résistants, qui ont sacrifié leur vie pour défendre la
liberté de leur pays. Ces monuments mettent l’accent sur le
devoir de mémoire et invitent à réfléchir sur la guerre en
général.

Outre ces édifices évoquant les conflits mondiaux, chaque


pays érige des monuments aux guerres qui le concernent.
18 Ainsi, le monument à la guerre du Viêtnam réalisé en 1982 à
Washington ou celui aux victimes du 11 septembre 2001.
ERIOTSIH

Enfin, des artistes, surtout après la Seconde Guerre mondiale,


ont réalisé, à titre personnel, des œuvres souvent critiques
26-27
-27 sur un conflit ou l’autre (→ 110/4).

44

77 Dans cette nécropole sont inhumés les


corps des soldats morts pendant la bataille
de Gembloux, en mai 1940.

110

2 Cimetière militaire français de Chastre (prov. Brabant wallon)

54

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3
Monument à la Mère Patrie, colline
Mamaïev, Volgograd (anciennement
Stalingrad, Russie), 1967

4
Ossip ZADKINE, Monument à la ville morte,
1948-1951, érigé à Rotterdam en 1953

Cette sculpture évoque le


bombardement de Rotterdam par
l’armée allemande en mai 1940.

Cette statue, de 52 m de haut, domine


un parc mémorial évoquant la bataille de
Stalingrad (1942-1943).

5 Les pierres vivent plus longtemps que les hommes. Mais ce sont les hommes, les hommes
seulement qui donnent l’immortalité à tout ce qui touche leur exploit. L’exploit des héros
a immortalisé les pierres de la colline Mamaïev. Des années, des décennies vont passer.
D’autres générations viendront nous remplacer. Mais les petits-fils, les arrière-petits-fils
des héros viendront en pèlerinage au pied du majestueux monument de la Victoire. On
viendra ici avec des fleurs, en amenant les enfants. En songeant au passé et en rêvant du
futur, les gens se souviendront de ceux qui sont tombés en défendant la flamme éternelle
de la vie.
Discours de Léonid BREJNEV lors de l’inauguration du mémorial de la colline Mamaïev, 15 octobre 1967
(D’après N.T. MOROZOVA et N.D. MONAKHOVA, Volgograd. Guide, s.l., Progrès, 1979, p. 100)

6
Edward KIENHOLZ, Monument
commémoratif ambulant, 1968
(Cologne, Ludwig Museum)

55

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Héritages 25
Le gratte-ciel
Patrimoine

Les gratte-ciel naissent aux États-Unis, à Chicago et New York, dès


la fin du XIXe siècle. Leur construction est le fruit de la maîtrise de
nouveaux matériaux (verre, acier, béton armé), de l’électricité et de
William LE BARON JENNEY, Home Insurance Building, l’invention de l’ascenseur. Ils répondent au développement rapide de
1
Chicago (États-Unis), 1883-1885 certaines villes et au prix élevé du terrain, dans certains quartiers.
Ces sky-scraper abritent les bureaux de consortiums* d’entreprises.
Rares sont en effet les entreprises qui peuvent financer, seules, de tels
immeubles. C’est pourtant le cas de quelques grandes banques, de
sociétés d’assurances, de journaux à gros tirages…
Dans les années 1920, le type architectural du gratte-ciel américain
prend forme. Il s’agit d’un immeuble à décrochements et dont la base
et le sommet se présentent différemment du reste de l’édifice. Visible
de très loin, le gratte-ciel devient le signe de la puissance économique
et financière de la société qui l’a fait construire. Le meilleur exemple
est l’Empire State Building, haut de 381 m et érigé à Manhattan, le
quartier d’affaires de New York, en 1931.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’architecte Ludwig Mies Van
der Rohe réalise à New York le premier grand immeuble d’acier et
de verre : le Seagram Building. Ce bâtiment devient le modèle du
« style international » qui caractérise les gratte-ciel de 1945 à 1975 :
une structure portante en acier et un mur-rideau, non porteur, en
verre, souvent teinté. Au début de cette période, huit immeubles
de grande hauteur sont également érigés à Moscou, à l’initiative de
Staline ; avec ces 240 m, celui de l’université de Moscou, terminé en
1953, est le plus haut (→ 36/9).
Depuis les années 1970, des tours de plus en plus hautes s’élèvent
partout dans le monde. Mais il faut assurer la stabilité de ces
bâtiments face à la pression exercée latéralement par le vent. Un
premier système est mis au point aux États-Unis dans les années
1960. Il consiste à rigidifier l’édifice en l’entourant de murs porteurs,
faits de colonnes et de poutres. Les deux tours jumelles (Twin Towers)
du World Trade Center à New York (→ 64/5), hautes de 415 m, sont
construites sur ce principe en 1972. Une autre solution consiste à
installer des masses de béton ou d’acier mobiles au sommet des
immeubles. Celles-ci se déplacent à contresens de l’oscillation de la
tour et la maintiennent en équilibre. Cette technique a été utilisée pour
l’érection de la tour Taipei 101 à Taïwan, en 2005.
29 Pendant plus de deux décennies, la Sears Tower de Chicago, réalisée
Cet immeuble commercial de 10 étages, haut de 54 m et en 1974 et haute de 443 m, a détenu le record d’élévation. Elle a
36
équipé d’un ascenseur, est considéré comme le premier été détrônée en 1996 par les Petronas Towers de Kuala Lumpur
gratte-ciel. Il sera détruit en 1929. (Malaisie), deux tours de 450 m de haut. Aujourd’hui, c’est en Asie
que se construisent la plupart des nouveaux gratte-ciel ; Hong Kong
40-41
est actuellement la ville où on dénombre le plus de gratte-ciel au
monde. Les plus hauts atteignent 500 m, mais des projets de tours
64
plus élevées sont en cours de réalisation, notamment un édifice de
700 m à Dubaï. À New York, la Freedom Tower est en construction à
l’emplacement des Twin Towers, détruites lors de l’attentat terroriste
du 11 septembre 2001. Elle mesurera 541 m, soit 1776 feets, une
référence à la date de l’indépendance américaine.
56

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Empire State Building, New York, Manhattan En Europe, le souci de préserver le tissu urbain ancien contribue à
2 (États-Unis),1931 limiter le nombre de gratte-ciel. C’est la Commerzbank Zentrale de
Francfort en Allemagne, érigée en 1997, qui est, avec ses 258 m, la
tour la plus haute des pays de l’Union européenne.
Cet immeuble de 381 m et de 102 étages,
à décrochements, est resté le plus haut du
monde pendant 42 ans. Le film King Kong Burj al Arab Hôtel, Dubaï (Émirats
(1933) l’a rendu célèbre. 4
arabes unis), 1999

Ludwig MIES VAN DER ROHE,


3 Seagram Building, New York
(États-Unis), 1958

Cet hôtel de plus de 321 m


est surmonté d’un héliport.
Anticipant l’« après pétrole »,
Dubaï se tourne aujourd’hui
vers le tourisme.

Première tour de verre,


de 160 m de haut et 38 étages,
elle consacre le grand principe
de l’architecte : Less is more 5 Taipei 101, Taipei (Taiwan), 2005
ou le dépouillement est la
principale source de beauté
de l’édifice.

Cet immeuble de 508 m et de


101 étages est actuellement le
plus haut du monde. Une boule
d’acier de 6 m de diamètre et de
800 t est suspendue entre les 88e et
92e étages. Sa masse et l’amplitude
de son mouvement (max. 1,5 m)
contrebalancent les effets des
oscillations dues aux vents violents
des ouragans et aux séismes

6 Construire une tour est un acte de fierté (…). La tour (…) est le château du XXIe siècle. On en fait (…)
à Dubaï, dans le Golfe, en Chine, car on y participe à une lutte d’images entre les pays et les villes du
monde. Sinon, il n’y a jamais aucune raison rationnelle de faire une tour. J’ai fait ma thèse en urbanisme
en démontrant dans le cas de Bruxelles que la solution idéale pour la densité de population, pour la
mixité des fonctions, pour les transports et les espaces verts serait de ne jamais dépasser un rez-de-
chaussée plus quatre étages. (…) Les tours que l’on construit en Asie pour l’instant (…) ne génèrent pas
la mixité des fonctions souhaitables. (…) Une tour est chère et respecte difficilement l’environnement.
(…) On sait qu’une tour consomme plus d’énergie (ne fût-ce que pour les ascenseurs), qu’elle se construit
difficilement en matériaux recyclables (…). De plus, les tours sont socialement fragiles en cas d’épidémies
ou d’attentats.
Interview de Philippe SAMYN, dans La Libre Belgique, 29 décembre 2006, p. 17

57

CH-6_001-cs3.indd 57 1/04/09 16:46:31


Documents 26 La « Grande Guerre » :
un bouleversement humain
Après quatre années de guerre, quel bilan dresser du premier conflit mondial ? Quel a été l’impact de
la « Grande Guerre » aux plans matériel, démographique, économique, politique, social et culturel ?

1 Pays Mobilisés Tués et disparus Pertes par rapport Pertes par rapport
aux mobilisés aux hommes de
15/49 ans
Pays alliés
Australie 400 000 59 000 15 % 4,2 %
Belgique 400 000 38 000 10 % 2%
Canada 600 000 57 000 10 % 2,5 %
États-Unis 2 700 000 100 000 3% 0,3 %
France 8 300 000 1 380 000 17 % 13 %
Inde 900 000 64 000 7% 0,1 %
Italie 5 300 000 580 000 11 % 7,4 %
Roumanie 1 000 000 250 000 25 % 13 %
Royaume-Uni 6 000 000 750 000 12,5 % 6,5 %
Russie 14 500 000 1 750 000 12 % 4,4 %
Serbie 850 000 300 000 35 % 25 %
Puissances centrales
Allemagne 12 700 000 2 030 000 16 % 12,5 %
Autriche-Hongrie 8 000 000 1 100 000 12,5 % 9%
Bulgarie 400 000 90 000 22,5 % 8,2 %
Empire ottoman 3 000 000 600 000 20 % 11 %

Mobilisés et tués durant la Première Guerre mondiale


(D’après J.-L. ROBERT [dir.], Le XXe siècle, Coll. « Grand amphi », Rosny, Bréal, 1995, p. 169-171)

24

27-28

40-41

Évolution du taux de natalité* (en ‰) entre 1910 et 1925


(D‘après S. BERSTEIN et P. MILZA [dir.], Histoire 1re, Paris, Hatier, 1982, p. 115)

58

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Otto DIX, La rue de Prague, 1920
3 (Stuttgart, Galerie der Stadt)

Entre 1919 et 1922, Otto Dix vit à Dresde.


La rue de Prague était l’une des rues les
plus élégantes et les plus commerçantes
de la ville.

4
Photographie
d’un ancien combattant de
la Première Guerre mondiale,
sans date

5 L’égalité dans la souffrance et dans l’endurance a créé des droits égaux à Un respect réciproque des intérêts des Flamands et des Wallons doit
l’expansion des aspirations publiques. Le Gouvernement proposera aux imprégner l’administration, donner à chacun la certitude d’être compris en
Chambres d’abaisser, dans un accord patriotique, les anciennes barrières1 sa langue et lui assurer son plein développement intellectuel, notamment
et de réaliser la consultation nationale2 sur la base du suffrage égal pour dans l’enseignement supérieur. Que le fonctionnaire, le magistrat, l’officier
tous les hommes dès l’âge de la maturité requise pour l’exercice des droits doivent connaître la langue de leurs administrés, est une règle d’équité
civils. (…) élémentaire. L’intérêt même du pays comporte que chacune de nos deux
La nécessité d’une union féconde exige la collaboration sincère de tous les populations puisse, dans sa langue, développer pleinement sa personnalité,
enfants d’une même patrie, sans distinction d’origine et de langue ; dans son originalité, ses dons intellectuels et ses facultés d’art.
ce domaine des langues, l’égalité la plus stricte et la justice la plus absolue
1
Suffrage universel masculin tempéré par le vote plural
présideront à l’élaboration des projets que le Gouvernement soumettra à la 2
Élections législatives
représentation nationale3. Ainsi se réalisera un accord destiné à perpétuer 3
Parlement
l’unité et l’indivisibilité de la Patrie, telle qu’elle s’est affirmée pendant la
guerre par le sacrifice de tant de sang. ALBERT Ier, discours prononcé devant les Chambres réunies, Bruxelles, 22 novembre 1918
(D’après le Moniteur belge, n° 327)

59

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Documents 26 6 La loi du 9 mai 1919 instaure le suffrage universel
pur et simple aux élections législatives pour les
hommes ainsi que pour : (…) 1° Les veuves non
remariées des militaires morts au cours de la En 1920, toutes les femmes belges
guerre, avant le 1er janvier 1919 et, à leur défaut, acquièrent le droit de vote aux élections
communales. Elles n’obtiendront ce droit
leurs mères, si celles-ci sont veuves ; de même
pour les élections législatives qu’en 1948.
que les mères veuves des militaires célibataires ;
2° Les veuves non remariées de citoyens belges
fusillés, ou tués à l’ennemi, au cours de la guerre,
et, à leur défaut, leurs mères si celles-ci sont
veuves ; de même que les mères veuves de ces
citoyens célibataires ; 3° Les femmes condamnées
à la prison ou détenues préventivement au cours
de l’occupation ennemie, pour des motifs d’ordre
patriotique.
Article 2 de la loi du 9 mai 1919 (Recueil des lois et arrêtés
royaux de Belgique, 1919, Bruxelles, Imprimerie du Moniteur
belge, 1919, p. 518)

7
Albert GUILLAUME, caricature, dans
Le Rire Rouge, Paris, n° 54,
27 novembre 1915

La caricature est accompagnée


du texte suivant :
- « J’vous avais dit de m’réveiller à la gare
de l’est, mais ce n’est pas une raison pour
m’secouer comme ça ! »
- « Non, mais des fois… Qu’est-ce que vous
espériez ?... Que j’allais vous embrasser
dans le cou ? »

24
8 Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. (…)
La crise militaire est peut-être finie. La crise économique est visible dans toute sa force ; mais la crise intellectuelle,
plus subtile, et qui, par sa nature même, prend les apparences les plus trompeuses (…), cette crise laisse
difficilement saisir son véritable point. (…)
26 Les faits, pourtant, sont clairs et impitoyables. Il y a des milliers de jeunes écrivains et de jeunes artistes
qui sont morts. Il y a l’illusion perdue d’une culture européenne et la démonstration de l’impuissance de la
28 connaissance à sauver quoi que ce soit ; il y a la science, atteinte mortellement dans ses ambitions morales, et
comme déshonorée par la cruauté de ses applications ; il y a l’idéalisme, difficilement vainqueur, profondément
34 meurtri (…) ; les croyances confondues dans les camps, croix contre croix, croissant contre croissant (…).

Paul VALÉRY, La crise de l’esprit, Première lettre (avril 1919), dans Variété, Paris, 1924, p. 11, 15, 16

60

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Vue de Louvain après le sac et l’incendie
9
des 25-26 août 1914, carte postale

10

Dettes de guerre entre les Alliés au lendemain de la Première


Guerre mondiale (en millions de dollars)
(D’après M. RONCAYOLO, Nos contemporains, IX, Paris, Bordas,1968,
p. 107)

11 Photographie, Allemagne, env. 1920

12
Affiche anonyme
de l’immédiate après-guerre

61

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Documents 27 Après l’armistice, construire la paix ?

Le 11 novembre 1918, l’armistice est signé.


Comment réorganiser l’Europe ravagée ?

2
1 La journée d’aujourd’hui n’apparaît pas dans toute
sa grandeur à la plupart de ceux qui la vivent. Nous Will DYSON,
caricature, dans
sommes trop près du monument1 : il faudra, pour Daily Herald,
le bien juger, le recul du temps. Mais le traité1 n’en 1919
est pas moins l’événement le plus considérable des
âges, depuis la fin du monde antique. Qu’est-ce
que la prise de Constantinople par les Turcs à côté
du démantèlement par les modernes croisés de la
Bastille allemande, dernier rempart de la barbarie
parmi les peuples civilisés ? La journée du 28 juin
19192 apparaît assurément d’une importance plus
haute encore au regard de l’Histoire universelle. (…)
Les patries et les races ont combattu et vaincu
une nation (…) qui prétendait imposer à toutes les
autres une insupportable domination militaire et
commerciale. (…) Le traité de Versailles du XXe siècle
supprime (…) la proclamation de l’Empire allemand
dans le même Salon des Glaces3 alors que s’exprimait
Guillaume Ier, (…) aujourd’hui balayé, comme son
exécrable petit-fils4. (…)
Le Versailles d’aujourd’hui, ce n’est plus le droit du
poing qui l’emporte, mais le point de Droit. Date
fulgurante ! Événement d’immense portée ! Oui, le Au premier plan, Georges Clémenceau, le « Tigre » ;
traité contient en germes toutes les justices, toutes derrière lui, le président américain Wilson et l’Italien Orlando ;
les garanties, tous les progrès. Mais, en raison au fond, le Britannique Lloyd George.
même de sa prodigieuse complexité et du caractère
perfidement tenace de l’ennemi, il a besoin du
3 11 novembre 1918 : C’est fini ! 52 mois de guerre et de massacres. Le
concert maintenu des grands Alliés et associés pour
24 cauchemar est terminé. On les a eus ! Journée inoubliable. Les cloches
porter tous ses fruits féconds.
sonnent à toute volée. Les drapeaux français et alliés apparaissent à toutes
1
Traité de Versailles les fenêtres. On s’embrasse en pleurant de joie. La guerre est finie (…). Les
2
Date de la signature du traité de Versailles chefs de la Reichswher1 vont maquiller leur défaite, l’attribuant à la révolution
3
Le choix du lieu (la Galerie des Glaces du château de Versailles) de l’arrière et le peuple allemand croira fermement que ses armées n’ont
où est signé le traité a une valeur symbolique. C’est en effet au pas été vaincues militairement. L’Allemagne relèvera la tête et, dans 20 ans,
26 même endroit qu’en 1871, les États allemands proclamaient
l’Empire, puis l’armistice, après l’humiliante défaite de la lors de la période des classes creuses, entre 1935 et 1940, elle pensera à sa
France dans la guerre qui les opposait depuis 1870 ; la France guerre de revanche. Le coup de l’armistice a porté ses fruits. Nous sommes
28
perd alors l’Alsace-Lorraine et se voit imposer le paiement de tombés dans le piège. L’Allemagne va gagner la paix !
lourdes réparations vis-à-vis de l’Allemagne.
34 4
Guillaume II, empereur d’Allemagne (1888-1918) 1
Armée allemande

Georges BERTHOULAT, Le jour de gloire, éditorial, dans Extrait du journal de guerre manuscrit du docteur Marcel POISSOT (D’après L’Histoire,
La liberté, Paris, 28 juin 1919, p. 1 n° 107, janvier 1988, p. 76)

62

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4 Ce que nous voulons, c’est que le monde devienne un lieu où tous puissent vivre en
sécurité (…). C’est donc le programme de paix dans le monde qui constitue notre
programme. Et ce programme, le seul que nous croyons possible, est le suivant.
1. Des conventions de paix publiques, ouvertement conclues (…).
2. Liberté absolue de navigation sur les mers en dehors des eaux territoriales,
aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre (…).
3. Suppression, [autant] qu’il sera possible, de toutes les barrières économiques
(…).
4. Garanties convenables (…) que les armements nationaux seront réduits au
dernier point compatible avec la sécurité du pays.
5. Libre arrangement (…) de toutes les revendications coloniales (…). Les intérêts
des populations intéressées devront avoir un poids égal à celui des demandes
équitables du Gouvernement dont le titre doit être déterminé.
6. Évacuation de tous les territoires russes (…) pour donner à la Russie l’occasion
de déterminer, sans être entravée ni embarrassée, l’indépendance de son
propre développement et de sa politique nationale (...).
7. La Belgique. Le monde entier sera d’accord qu’elle doit être évacuée et restaurée
(...).
8. (...) Le tort fait à la France (…) en 1871, en ce qui concerne l’Alsace-Lorraine (...),
devra être réparé (...).
9. Le rétablissement de la frontière italienne devra être effectué suivant les lignes
des nationalités* (…).
10. Aux peuples d’Autriche-Hongrie (...), on devra donner plus largement l’occasion
d’un développement autonome.
11. (…) Des relations entre les divers États balkaniques devront être fixées
amicalement sur les conseils des puissances et d’après des lignes de nationalité
établies historiquement (...).
12. Une souveraineté* sûre sera assurée aux parties turques de l’Empire ottoman
actuel, mais les autres nationalités* qui se trouvent en ce moment sous la
domination turque devront être assurées (…) de se développer de façon
autonome.
13. Un État polonais indépendant devra être établi (…), auquel on devrait assurer un
libre accès à la mer.
14. Une association générale des nations devra être formée (…).
Thomas Woodrow WILSON, Quatorze points. Message au Congrès des États-Unis, 8 janvier 1918 (D’après
Général MORDACQ, Le ministère Clemenceau, I, Paris, 1930, p.120-122) 5 Une du numéro spécial du Rire rouge, Paris, 2 novembre 1918

6 Traités Pays signataires


28 juin 1919 Traité de Versailles Alliés-Allemagne
10 octobre 1919 Traité de Saint-Germain-en-Laye Alliés-Autriche
27 novembre 1919 Traité de Neuilly Alliés-Bulgarie
4 juin 1920 Traité de Trianon Alliés-Hongrie
10 août 1920 Traité de Sèvres (→ 39/1) Alliés-Empire ottoman
18 mars 1921 Traité de Riga Pologne-Russie
24 juillet 1923 Traité de Lausanne (→ 39/1) Alliés-Turquie

Traités de paix signés entre 1919 et 1923

63

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Documents 27 7 Art. 51 - Les territoires cédés à l’Allemagne, en vertu (…) du traité signé à Versailles en 18711 (...), sont réintégrés dans la
souveraineté* française (…).
Art. 119 - L’Allemagne renonce en faveur des principales puissances alliées et associées à tous ses droits et titres sur ses
possessions d’outre-mer.
Art. 160 - (…) La totalité des effectifs de l’armée des États qui constituent l’Allemagne ne pourra dépasser 100 000 hommes
(...).
Art. 171 - Sont prohibées (...) l’importation ou la fabrication de tanks (…) en Allemagne.
Art. 173 - Tout service militaire universel obligatoire sera aboli en Allemagne. (…)
Art. 198 - Les forces militaires ne devront comporter aucune aviation (…).
Art. 227 - Les puissances alliées et associées mettent en accusation publique Guillaume II de Hohenzollern, ex-empereur
d’Allemagne, pour offense suprême contre la morale internationale (…). Un tribunal spécial sera constitué pour juger l’accusé
en lui assurant les garanties essentielles du droit défense. (…)
Art. 231 - Les Gouvernements alliés et associés déclarent et l’Allemagne reconnaît que l’Allemagne et ses alliés sont responsables,
pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les Gouvernements alliés et associés et leurs
nationaux en conséquence de la guerre qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés.
Art. 232 - Les Gouvernements alliés reconnaissent que
les ressources de l’Allemagne ne sont pas suffisantes (…)
pour assurer complète réparation de toutes ces pertes et
ces dommages. Les Gouvernements alliés et associés
exigent toutefois et l’Allemagne en prend l’engagement,
que soient réparés tous les dommages causés à la
population civile des puissances alliées et associées et
à ses biens (…).
Art. 428 - À titre de garantie (...), les territoires allemands
situés à l’ouest du Rhin seront occupés par les troupes
des puissances alliées pendant une période de quinze
années (…).
1
En 1871, à Versailles, la France signe l’armistice avec l’Empire
allemand qui vient d’être proclamé, et à qui elle cède l’Alsace et la
Lorraine.

Extraits du traité de Versailles, 1919 (D’après Traité de Versailles 1919,


Berger-Levrault, Paris, 1919, p. 75-225)

Le montant des réparations dues par l’Allemagne


n’est pas définitivement fixé en 1919, faute d’un
accord entre les membres du Conseil des Quatre
(France, États-Unis, Royaume-Uni, Italie). Il sera fixé,
lors de la conférence de Londres d’avril 1921,
à 132 milliards de marks-or, soit l’équivalent de deux
ans et demi de produit national brut* de l’Allemagne
de 1913. Néanmoins, ce montant est revu à la baisse
en 1924, puis en 1929, date à laquelle les paiements
sont rééchelonnés jusqu’en… 1988. Et dès 1931,
l’Allemagne doit cesser ses paiements vu le contexte
de crise. Au total, l’Allemagne aura versé
environ 36 milliards de marks-or.
8
L’Europe aux lendemains
des traités de paix

64

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9 La campagne accomplie pour faire obtenir de l’Allemagne le remboursement de l’ensemble des dépenses entraînées par la
guerre me paraît avoir été un des actes politiques les moins judicieux dont nos hommes d’État n’aient jamais été responsables.
C’est vers un avenir bien différent que l’Europe aurait pu se tourner si M. Lloyd George1 et M. Wilson2 avaient compris que
les plus importants problèmes qui devaient les occuper n’étaient ni politiques ni territoriaux, mais financiers et économiques,
et que les périls de l’avenir ne résidaient pas dans des questions de frontières et de souveraineté* mais de ravitaillement, de
charbon et de transports. (...)
(…) [Il] fut dès le départ hors de question d’examiner scientifiquement les capacités de paiement de l’Allemagne (...). La
situation financière de la France et de l’Italie était si mauvaise qu’il était impossible de faire entendre raison à ces pays au sujet
de l’indemnité allemande, à moins de leur indiquer en même temps un autre moyen d’échapper à leurs difficultés (…).
Le traité ne comprend nulle disposition en vue de la restauration économique de l’Europe, il ne décide rien pour faire des
Empires centraux de bons voisins, rien pour stabiliser les nouveaux États européens ou pour que la Russie revienne vers nous.
Il n’encourage d’aucune façon des accords de solidarité économique entre les Alliés eux-mêmes. Aucune disposition n’est
prise pour remettre de l’ordre dans les finances de France et d’Italie, ou pour réajuster les systèmes du Vieux et du Nouveau
Monde.
Le Conseil des Quatre3 ne prit pas garde à ces questions, si préoccupé qu’il était par d’autres. Clemenceau4 voulait anéantir
l’existence économique de l’Allemagne ; Lloyd George1 voulait conclure à tout prix un accord (…) et le président Wilson2 ne rien
faire qui ne fût juste et droit. Il est extraordinaire que le problème économique fondamental que posait une Europe qui mourait
de faim et se désagrégeait sous leurs yeux soit précisément la seule question à laquelle il ait été impossible d’intéresser les
Quatre (…).
1
Premier ministre britannique
2
Président des États-Unis
3
France, États-Unis, Royaume-Uni, Italie. Entre mars et juin 1918, il se réunit durant 145 conférences de travail pour préparer les traités de paix.
4
Président du Conseil des ministres français

John Maynar KEYNES, Les Conséquences économiques de la paix, Londres, MacMillan, 1919 (D’après D. TODD, Paris, Gallimard, 2002, p. 151, 154, 223)

10 Les Hautes Parties Contractantes1,


Considérant que pour développer la coopération entre les Nations et pour leur garantir la paix et la sûreté, il importe d’accepter
certaines obligations de ne pas recourir à la guerre, d’entretenir au grand jour des relations internationales fondées sur la
justice et l’honneur, d’observer rigoureusement les prescriptions du droit international, reconnues désormais comme règle
de conduite effective des Gouvernements, de faire régner la justice (…) adoptent le présent pacte qui institue la Société des
Nations.
Art. 1 - (…) Tout État, dominion* ou colonie qui se gouverne librement (…) peut devenir membre de la Société si son admission
est prononcée par les deux tiers de l’Assemblée, pourvu qu’il donne des garanties effectives de son intention sincère d’observer
ses engagements internationaux (…). Tout membre de la Société peut, après un préavis de 2 ans, se retirer de la Société (…).
Art. 5 - (…) Les décisions de l’Assemblée ou du Conseil sont prises à l’unanimité des membres de la Société représentés à la
réunion. (…)
Art. 22 - Les principes suivants s’appliquent aux colonies et territoires qui, à la suite de la guerre, ont cessé d’être sous la
souveraineté* des États qui les gouvernaient précédemment et qui sont habités par des peuples non encore capables de se
diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne. Le bien-être et le développement de ces
peuples forment une mission sacrée de civilisation (…). La meilleure méthode (…) est de confier la tutelle de ces peuples aux
nations développées qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux à
même d’assumer cette responsabilité (…) : elles exerceraient cette tutelle en qualité de mandataires* et au nom de la Société.
(…)
1
Les 42 pays, membres fondateurs de la Société des Nations

Pacte de la Société des Nations, 28 avril 1919, p. 2, 4, 12 (D’après http://www.biblio.uottawa.ca, page consultée le 12 juillet 2006)

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Documents 28 Après 14-18 : l’Europe face au monde
L’Europe, qui se lance dans la guerre en 1914, domine le globe et croit en la grandeur de sa civilisation.
Au lendemain du conflit, que reste-t-il de cette hégémonie ?

1 Jusqu’ici, c’était un fait élémentaire de géographie économique que l’Europe dominait le monde de toute la supériorité de sa
haute et antique civilisation. Son influence et son prestige rayonnaient depuis des siècles jusqu’aux extrémités de la Terre.
(…) Quand on songe aux conséquences de la Grande Guerre, qui vient de se terminer, sur cette prodigieuse fortune, on peut
se demander si l’étoile de l’Europe ne pâlit pas et si le conflit dont elle a tant souffert n’a pas commencé pour elle une crise
vitale qui présage la décadence. En décimant ses multitudes d’hommes, vastes réserves de vie où puisait le monde entier ;
en gaspillant ses richesses matérielles, précieux patrimoine gagné par le travail des générations ; en détournant pendant
plusieurs années les esprits et les bras du labeur productif vers la destruction barbare ; en éveillant par cet abandon les
initiatives latentes ou endormies de ses rivaux, la guerre n’aura-t-elle pas porté un coup fatal à l’hégémonie de l’Europe sur le
monde ?
Déjà la fin du XIXe siècle nous avait révélé la vitalité et la puissance de certaines nations extra-européennes, les unes comme
les États-Unis nourries du sang même de l’Europe, les autres comme le Japon, formées par ses modèles et ses conseils. En
précipitant l’essor de ces nouveaux venus, en provoquant l’appauvrissement des vertus productrices de l’Europe, en créant
ainsi un profond déséquilibre entre eux et nous, la guerre n’a-t-elle pas ouvert pour notre Vieux Continent une crise d’hégémonie
et d’expansion ?
Dépeuplée et appauvrie, l’Europe sera-t-elle apte à maintenir sur le monde le faisceau de liens économiques qui compose sa
fortune privilégiée ? Sera-t-elle toujours la grande banque qui fournissait des capitaux aux régions neuves ? Comme puissances
capitalistes, le Japon et surtout les États-Unis sont devenus ses rivaux. Sera-t-elle toujours la grande entreprise d’armement
qui transportait de mer en mer les hommes et les produits de toute la Terre ? D’autres marines se construisent et s’équipent
qui lui disputent ce rôle fructueux de roulier des mers. Sera-t-elle toujours la grande usine qui vendait aux peuples jeunes
ses collections d’articles manufacturés ? Aux États-Unis et au Japon naissent et grandissent des industries qui visent les
mêmes débouchés. (…) Et voici que les races, parmi lesquelles l’Europe avait longtemps recruté des esclaves et des ouvriers,
commencent à réclamer le traitement politique qui sera le premier fondement de leur indépendance économique : c’est toute
l’Europe qui chancelle.
Albert DEMANGEON, Le déclin de l’Europe, Paris, PUF, 1920, p. 13-15

2 La guerre avait sérieusement ébranlé le prestige de l’Angleterre. C’est devenu aujourd’hui un lieu commun de constater
qu’une des conséquences principales de nos luttes fratricides a été de ruiner entièrement dans tout l’Extrême-Orient le
26-27 respect et l’admiration craintive qu’avaient su jusque-là inspirer les Européens. Dans des contrées comme l’Inde (...), cet
écroulement devait être particulièrement net. Les classes intellectuelles, tout en acceptant de soutenir l’Angleterre dans sa
39 lutte, refusèrent de se laisser entraîner dans l’exaltation guerrière qui sévissait alors dans toute l’Europe. Bien au contraire,
elles virent dans cette exaltation malsaine, plus encore que dans le massacre lui-même, le témoignage de l’écroulement d’une
52 civilisation purement scientifique et matérielle, qui s’était vantée d’apporter le bonheur aux hommes, et ne les rendait même
pas capables de dominer leurs passions. Le mouvement nationaliste fut par là même renforcé, l’élite indienne jugeant qu’elle
n’avait désormais plus rien à apprendre de l’Europe, mais qu’au contraire c’était à elle à apporter au monde occidental le sens
des valeurs spirituelles qu’il a perdues.
93 André PHILIP, L’Inde moderne : le problème social et politique, Paris, Alcan, 1930 (Adapté d’après J. DALLOZ, Textes sur la décolonisation, Coll. « Que sais-
je ? », Paris, PUF, 1989, p. 11)

66

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3 Ce ressac de la colonisation européenne s’annonçait déjà par 4 L’Europe est en Afrique pour le bénéfice de ses propres classes industrielles, et pour le
des signes expressifs avant le cataclysme de la Grande Guerre. progrès des races indigènes vers un niveau plus élevé. (…) De même que l’impérialisme
Celle-ci en a singulièrement précipité le processus et aggravé les romain a jeté les fondations de la civilisation moderne et a mené les barbares sauvages
effets. Dans le conflit dont la commotion s’est propagée jusqu’aux de nos îles sur le chemin du progrès, aujourd’hui en Afrique nous payons cette dette, et
confins de la planète, l’Europe a perdu, avec son unité, l’autorité apportons aux lieux sombres de cette terre, repaires du barbarisme et de la cruauté, la
de ce commandement moral qui lui avait permis la domination torche de la culture et du progrès, tout en répondant aux besoins matériels de notre propre
et la régulation de l’univers. Devant les races de couleur (…), elle civilisation. Dans cette tâche les nations d’Europe se sont mutuellement engagées à
apparaît aujourd’hui cruellement divisée, désordonnée, affaiblie, coopérer par un pacte solennel. (…) Les méthodes britanniques n’ont peut-être pas dans
dépouillée de sa vigueur séculaire. La guerre encore, dans l’esprit tous les cas produit des résultats idéaux, mais je suis profondément convaincu qu’il ne
des autres races, a porté un coup terrible à la valeur morale peut être remis en question que l’autorité britannique a promu la joie et le bien-être des
d’une civilisation au nom de laquelle, pendant plus de 4 ans, les races primitives. Que ceux qui en doutent examinent les résultats de manière impartiale.
Européens qui se réclamaient avec orgueil de sa supériorité, se S’il y a de l’agitation, et un désir d’indépendance, comme en Inde et en Égypte, c’est
sont férocement entre-tués. Le prestige de l’Europe, surtout en parce que nous avons appris à ces peuples les valeurs de la liberté, qu’ils n’avaient pas
Asie, est gravement atteint. connues pendant des siècles. Leur mécontentement est une mesure de leur progrès.
Albert SARRAUT, Grandeur et servitude coloniales, Paris, Éditions du Sagittaire, Lord LUGARD, The Dual Mandate in Tropical Africa, Londres, Frank Cass, 1922, p. 606-618 (Trad. C. SNYERS)
1931 (D’après L’exposition coloniale, dans À la Une, n° 61, 1980, p. 10)

5 Immédiatement après la Première Guerre mondiale, je travaillais comme patriotisme et non le communisme qui m’avait poussé à croire en Lénine2
salarié à Paris (…). [Je] distribuais souvent des tracts pour dénoncer les et à la Troisième Internationale*. Peu à peu, progressant pas à pas, au
méfaits du colonialisme. Je soutenais alors la révolution d’Octobre1, cours de la lutte, combinant l’étude théorique du marxisme-léninisme au
simplement par une sorte de sympathie spontanée. Je ne comprenais pas travail pratique, j’étais arrivé à comprendre que seuls le socialisme et le
encore toute sa portée historique. J’aimais et respectais Lénine2 simplement communisme peuvent libérer les opprimés et les travailleurs du monde
parce qu’il était un grand patriote qui avait libéré ses compatriotes. Jusque-là entier.
je n’avais encore lu aucune de ses œuvres. (…) Un camarade me donna à
1
Révolution russe d’octobre 1917 au cours de laquelle les bolcheviks* ont renversé le tsar
lire les thèses de Lénine sur le problème des nationalités* et des peuples
et pris le pouvoir
coloniaux. (…) Seul dans ma chambre, je m’écriais comme si j’étais devant 2
Voir la notice biographique en fin de manuel
une grande foule : « Chers compatriotes opprimés et misérables ! Voici ce
qu’il nous faut, voici le chemin de notre liberté ! » (…) Au début, c’était le HO CHI MINH, dans L’écho du Viêtnam, 1960 (D’après J. LACOUTURE, Cinq hommes et la
France, Paris, Seuil, 1961, p. 21-23)

6 1914 1938
Royaume-Uni 18,3 17,3
France 8,6 3,9
Allemagne 5,6 0,7
États-Unis 3,5 11,5

Capital* investi à l’étranger par quelques puissances industrielles en 1914 et 1938 (en millions de dollars
aux taux de change* courants) (D’après A. MADDISON, L’économie mondiale. Statistiques historiques, Paris,
OCDE, 2003, p. 106)

7 1913 1929 1938


Tissus de coton 33,1 49,9 84,6
Vêtements 11,2 10,4 34,5
8
Ciment 35,9 59,1 84,1
Outils et ouvrages en métaux 41,4 32,3 47 David DELLEPIANE,
affiche pour l’Exposition
Fer et acier 21,6 11,9 17,6 nationale coloniale,
Automobiles 15,7 33,4 45,5 Marseille,
avril-novembre, 1922
Part des colonies françaises dans les exportations de la France (en %) (D’après J. MARSEILLE, Empire colonial (détail)
et capitalisme français. Histoire d’un divorce, Paris, Albin Michel, 2005, p. 74)

67

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Documents 29 L’économie américaine dans les
années 1920
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les États-Unis occupent le premier rang parmi les puissances
industrielles. Comment l’économie américaine évolue-t-elle durant les années 1920 ?

1 Notre premier progrès dans l’assemblage consista à apporter le travail à l’ouvrier, au lieu d’amener l’ouvrier au travail. (...) Si
vous économisez 10 pas par jour à chacun des 12 000 employés, vous économisez 75 km de mouvement gaspillé et d’énergie
inutile. (...) L’homme qui place un boulon ne met pas l’écrou. L’homme qui place l’écrou ne le visse pas. (...) Aucun ouvrier n’a
plus à se déplacer ni à lever quoi que ce soit. (...)
L’expérience m’a beaucoup appris en matière de salaires. Je crois tout d’abord que notre propre réussite dépend en partie
des salaires que nous payons. Si nous répandons beaucoup d’argent, cet argent se dépense. Il enrichit les négociants, les
détaillants, les fabricants et les travailleurs de tout ordre, et cette prospérité se traduit par un accroissement de demandes
pour nos automobiles. (…)
Je n’ai jamais considéré le coût de fabrication comme quelque chose de fixe. En conséquence, je commence par réduire les
prix pour vendre davantage, puis on se met à l’œuvre et on tâche de s’arranger du nouveau prix. (…) Cette contrainte me fait
trouver plus d’idées nouvelles en matière de fabrication que n’importe quelle autre méthode. (…) Le vrai prix est le prix le plus
bas auquel un article puisse être vendu régulièrement.
Henry FORD, Ma vie et mon œuvre, Paris, Payot, 1928 (1re éd. 1922), p. 90-94, 142-143, 167-168

2 Prix de Nombre Temps de 3 Grâce à l’électricité, la vie matérielle quotidienne fut transformée. Les
la Ford T, d’automobiles montage d’un appareils ménagers apportèrent confort et facilité dans les foyers
produite produites aux châssis Ford sous forme de réfrigérateurs – qui répondirent au terme générique de
de 1908 à États-Unis (moteur déjà frigidaire, du nom de la filiale de General Motors qui les fabriquait –
13 1927 monté) d’aspirateurs, de machines à laver et de mille autres gadgets qui
1913-1914 550 $ 569 000 De 12 h 08 à étonnaient les visiteurs européens. (...) L’électricité eut bien d’autres
ERIOTSIH 1 h 33 grâce applications. Dans l’industrie, par exemple, les moteurs se substituèrent
au travail à la peu à peu aux machines à vapeur. L’isolement des foyers fut tempéré
chaîne par les progrès rapides de la radio (...). Un autre produit de l’électricité
17
7 1920-1921 360 $ 1 500 000 Une voiture fut le cinéma. (...)
toutes les 30 Le dynamisme de la vie économique entraîna de profondes
secondes modifications dans son organisation. On enregistra une nouvelle
1925-1927 290 $ 3 700 000 Une voiture poussée de concentration industrielle et financière. De la première,
toutes les 10 General Motors fournit la meilleure illustration. (...) En 1920, un
30 secondes manager de talent réorganisa la firme de fond en comble, définissant
1929 4 700 000 les tâches de chacun des composants, de la production de luxe
67 restreinte [chez] Cadillac à celle de grande série confiée à Chevrolet. Il
centralisa la direction dans un état-major étoffé qui eut la haute main sur
L’industrie automobile américaine (1913-1929) : quelques indices
73 (D’après Y. TROTIGNON, Le XXe siècle américain, Paris, Dunod-Bordas
l’ensemble des divisions. Des prévisions de production furent établies,
1988, p. 27 et 72 ; D. ARTAUD, La fin de l’innocence. Les États-Unis régulièrement réajustées selon la conjoncture, tandis que les prix de
de Wilson à Reagan, Paris, A. Colin, 1985, p. 47, C. FOHLEN, Les États- vente étaient calculés en fonction des diverses variables. (…) En bref, il
Unis au XXe siècle, Paris, Aubier, 1988, p. 95 et Henry FORD, Ma vie et a créé le management* moderne et fait de General Motors le numéro 1
mon œuvre, Paris, Payot, 1928 [1re éd. 1922], p. 166) de sa branche (…), devançant Ford, chez qui des méthodes archaïques
79 coexistaient avec ses méthodes de production progressistes.
Claude FOHLEN, Les États-Unis au XXe siècle, Paris, Aubier, 1988, p. 96-99

68

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4 PNB (en Revenu/habitant
milliards de $) (en $ de 1929)
1914 40 632
1919 78,9 710
5
1929 104,4 857
Usines Ford
Évolution du produit national brut* et du revenu par habitant de Detroit
aux États-Unis (1914-1929) (D’après A. KASPI, Les Américains, I, (Michigan,
Coll. « Points », Paris, Seuil, 1986, p. 278) États-Unis),
1928

6
Évolution de la production industrielle
des États-Unis, de la France,
de l’Allemagne et
de la Grande-Bretagne de 1922 à 1938
(D’après G. DERMEJIAN, A.-M. FILIPPI-CODACCIONI
et C. MAZET [e.a.], Histoire 1re,
Coll. « C. Quétel », Paris, Bordas, 1988,
p. 186)

7 En réalité, au sein d’une abondance énorme, l’Amérique du Nord jouit d’un standard of living complètement distinct du nôtre.
(...) Disons seulement que le luxe de l’Europe est fréquemment devenu le besoin de l’Amérique (...). Aux États-Unis, la vie
quotidienne de la majorité est conçue, installée sur un pied que seuls connaissent ailleurs les privilégiés. Excepté les bas
quartiers des grandes villes (...) ainsi que les zones peuplées de nègres et de Mexicains, il n’est pas excessif de dire que le
plus grand nombre de maisons sont munies du « confort moderne ». La salle de bain, le chauffage central sont devenus des
clauses de style, dont les habitants n’admettraient plus l’absence. (...) Le téléphone est commodité courante (...). La radio est
en train de prendre rapidement une place analogue. (...)
Mais c’est dans l’automobile qu’il faut chercher le signe le plus visible de la richesse américaine. (...) Dans une famille d’ouvriers,
il n’est pas rare que le père ait sa machine, chacun des fils déjà grands la sienne. (...)
Comme la pratique des paiements différés est générale, il n’est presque personne, sauf en période de crise, qui ne puisse
faire la dépense.
André SIEGFRIED, Les États-Unis d’aujourd’hui, Paris, A. Colin, 1927, p. 156-158

8 L’automobile, la vente à crédit, la nouvelle technique de production de masse, le haut niveau des salaires, les besoins en logements,
des exportations florissantes, voilà, semble-t-il, les six éléments de base sur lesquels était bâtie la prospérité américaine. Certains ont
malencontreusement parlé d’ère nouvelle : ils ont écrit de gros livres sur la liquidation de la pauvreté, la fin des cycles économiques, le
modèle américain (…). Notre autosatisfaction et notre attitude missionnaire étaient devenues presque insupportables quand… vlan !,
le bel édifice s’écroula comme un château de cartes. Nous avions fait beaucoup de bruit mais nous n’avions pas résolu le problème
de la distribution. Les hauts salaires et la vente à crédit ont comblé pour un temps la brèche (gap) entre pouvoir d’achat et capacité de
production, mais la brèche s’est élargie avec le temps ; rien de fondamental n’a été fait pour y remédier, et la nouvelle ère disparut par un
certain matin d’octobre 1929, avec comme couronne mortuaire la bande téléimprimée de la Bourse*.
Stuart CHASE, A New Deal, New York, MacMillan, 1932, p. 107 (Trad. V. PYCKE, d’après D. ARTAUD et A. KASPI, Histoire des États-Unis, Coll. « U », Paris, A.Colin, 1969,
p. 248)

69

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Documents 30 La crise devient mondiale :
les années 1930.
Le 24 octobre 1929, le krach* qui survient à Wall Street plonge les États-Unis dans une crise boursière.
Très vite, celle-ci s’étend à l’ensemble de l’économie et de la société américaines, puis gagne l’Europe
et le monde. Comment expliquer cette extension rapide de la crise ? Quelles en sont les conséquences
économiques et sociales aux États-Unis et en Europe ?

1
ÉTATS-UNIS MONDE

Spéculation* Crise boursière


boursière*
et ralentissement
de l’économie Crise financière : banques
Rapatriement des
en difficulté ou en faillite Crise financière en
capitaux et mesures
Europe
protectionnistes*
Crise économique :
entreprises en difficulté
Baisse de la ou en faillite et chute de la Recul du commerce Crise économique et
consommation production mondial sociale

Crise sociale : baisse des


salaires, augmentation du
chômage

Des États-Unis au monde : l’extension de la crise boursière* née du krach* du 24 octobre 1929

Le niveau bas du chômage


29
2 Évolution du taux de en Italie s’explique par la
chômage (en % de la présence d’une population
75 population active) aux rurale nombreuse et pour
États-Unis, en Italie, au
laquelle le chômage n’existe
Royaume-Uni, en France
et en Allemagne entre pas. La courbe ne tient compte
1920 et 1938 que des travailleurs devenus
(D’après B. GAZIER, chômeurs, donc, contrairement
79-80 La crise de 1929, Coll. aux statistiques actuelles, ni
« Que sais-je ? », Paris, des jeunes n’ayant pas encore
PUF, 1995, p. 23) travaillé ni des chômeurs à
temps partiel.
114

70

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3 Évolution des prix, de la 4 [AI Joad et sa famille, chassés de leur terre par la crise, cherchent leur salut en Californie.
production et des stocks Ils sont devenus des « émigrants ».]
des matières premières
industrielles et agricoles
La faim était dans leurs yeux et la détresse était dans leurs yeux (…). Ils n’avaient pour
entre 1929 et 1933 dans eux que leur nombre et leurs besoins.
le monde Quand il y avait de l’ouvrage pour un, ils se présentaient à dix. Dix hommes se battaient
(D’après P. LÉON [dir.], à coups de salaires réduits. Si ce gars-là travaille pour 30 cents, moi je marche à 25.
Histoire économique Il accepte 25 ? Je le fais pour 20. Attendez... C’est que j’ai faim, moi. Je travaille pour
et sociale du monde,
V, Paris, A. Colin, 1977, 15 cents. Je travaille pour la nourriture. Si vous voyiez les gosses, dans quel état ils
p. 304) sont (…) ; à peine s’ils peuvent remuer. Je leur ai donné des fruits tombés et maintenant
ils ont le ventre enflé. Prenez-moi, je travaillerai pour un morceau de viande. (…)
Le travail de l’homme et de la nature, le produit des ceps, des arbres doivent être détruits
pour que se maintiennent les cours (...). Des chargements d’oranges jetés n’importe où (...).
Des hommes armés de lances d’arrosage aspergent de pétrole les tas d’oranges (...).
On brûle du café dans des chaudières. On brûle le maïs pour se chauffer (…). On jette
les pommes de terre à la rivière et on poste des gardes sur les rives pour interdire aux
malheureux de les repêcher (…). Les enfants atteints de pellagre1 doivent mourir parce
5 Photographie, Angleterre, env. 1930 que chaque orange doit rapporter un bénéfice (...). Dans l’âme des gens, les raisins de la
colère se gonflent et mûrissent, annonçant les vendanges prochaines.
1
Maladie due à une carence en vitamines PP et se manifestant par des lésions de la peau et des troubles
digestifs, psychiques et neurologiques

John STEINBECK, Les raisins de la colère, New York, The Viking Press, 1939 (D’après M. DUHAMEL, Coll. « Le
Livre de Poche », Paris, Gallimard, 1947, p. 395, 487)

6 Les Ritals1, on est mal piffés. C’est parce qu’il y en a tellement par ici (...). « Dans votre
pays de paumés, on crève de faim, alors vous êtes bien contents de venir bouffer le pain
des Français ! » Pardi, c’est normal, non ? S’ils se laissaient mourir sur leur tas de cailloux,
on les traiterait de feignants (...). Comme étrangers mal piffés, y a que nous, les Ritals1.
C’est nous qu’on éponge tout. La crise, c’est de notre faute. Le chômage, c’est nous (...).
Pour les Français, pas de problème, ils me traitent de Macaroni (...). Même les profs à
l’école, ils peuvent pas s’empêcher de nous faire sentir qu’on est des culs-bénits, de la
graine de fascistes*. Eux, laïques*, républicains.
1
Les Italiens, dans le langage populaire

François CAVANNA, Les Ritals, Paris, Belfond, 1978, p. 43, 49-50


7 Photographie, Cuesmes (Mons), 1932 (Bruxelles, CEGES)

Le 5 juillet 1932, des femmes du Borinage déclenchent des manifestations. Le


mécontentement se répand dans le Hainaut et dure jusqu’au 9 septembre. Ces
manifestations font suite à des réductions de salaires dans les charbonnages
et à différentes mesures qui ont été prises, en 1931, en défaveur des femmes,
notamment l’exclusion du droit aux allocations de chômage des femmes dont
le conjoint travaille. Malgré ces manifestations, en 1933, toutes les femmes
mariées seront exclues du chômage et les salaires des fonctionnaires qui sont
épouses de fonctionnaires, seront diminués de 25 %. En 1934, l’État cesse
de recruter des femmes dans la fonction publique, sauf pour les fonctions de
nettoyage… En décembre de la même année, le nombre de femmes dans
l’industrie est contingenté. En 1935, le salaire des enseignantes, puis de toutes
les fonctionnaires est encore réduit. Le Gouvernement Van Zeeland mettra
progressivement fin à ces mesures.

71

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Documents 31 De la Russie impériale à l’URSS
(1905-1924)
Depuis le début du siècle, la Russie connaît des troubles. En 1917, la révolution triomphe. Pour quelles
raisons ? Quels changements cette révolution entraîne-t-elle?

1 Toutes les classes de la société russe sont en effervescence : l’indivision des terres1 dans les communes rurales (…) fait du
paysan une proie toute prête pour les agitateurs qui le poussent à (…) prendre de vive force les domaines de la noblesse ;
le prolétariat, dont la création remonte à quelques années à peine, s’est du premier coup montré révolutionnaire et ses
revendications s’expriment sous la forme la plus violente ; la jeunesse des écoles est une pépinière d’anarchistes* (…).
Puis, brochant sur le tout un pouvoir tour à tour débonnaire et arbitraire, des ministres de plus en plus médiocres et divisés
entre eux, un souverain monté trop jeune sur le trône, bienveillant mais ignorant des choses et des hommes, hésitant et
obstiné à la fois, jaloux de son autorité et incapable de l’exercer (…).
1
Malgré la réforme agraire de 1861 et l’abolition du servage, l’essentiel des terres reste aux mains des seigneurs, et celles que les paysans affranchis
ont reçues sont insuffisantes pour assurer leur subsistance. De plus, ils n‘en jouissent pas en pleine propriété, celles-ci revenant à la communauté
rurale, le mir.

Rapport de Louis-Maurice BOMPART, Saint-Pétersbourg, 27 août 1904 (D’après R. GIRAULT, La révolution russe de 1905 d’après quelques témoignages
français, dans Revue historique, CCXXX, 1963, p. 99-100)

2 L’agitation et les troubles, dans les capitales1 et dans de nombreuses régions de


Notre Empire, remplit Notre cœur d’un grand et lourd chagrin. Le bien-être du
souverain russe est inséparable du bien-être de ses peuples, et leur chagrin est son
chagrin. (...) Le grand vœu du serment impérial Nous ordonne de Nous efforcer de
toute la puissance de Notre Raison, de toute la force de Notre autorité, de mettre
fin le plus promptement possible à cette agitation si périlleuse pour l’État. (...)
Nous imposons au Gouvernement l’obligation d’exécuter Notre volonté inflexible :
1) D’accorder à la population (…) des libertés de conscience, de réunion et
d’association.
2) De ne pas entraver les élections à la Douma* impériale et d’admettre à participer
à ces élections les classes de la population qui ont été privées jusqu’alors du
droit de vote (…).
3) D’établir comme règle inébranlable que toute loi ne pourra devenir effective
sans la sanction de la Douma* impériale et que les représentants du peuple
3 (…) Même après avoir accordé la
auront les moyens de participer réellement au contrôle de la légalité des actes
Constitution*, Nicolas se considéra toujours
accomplis par les membres de Notre administration. (…)
comme un souverain absolu dans le sens
1
Moscou partageait son titre de capitale avec Saint-Pétersbourg. que nous pouvons exprimer ainsi qu’il suit :
« Je fais ce que je veux, et ce que je veux
32 NICOLAS II, Manifeste impérial, Saint-Pétersbourg, 30 octobre 1905 (D’après L. GOTHIER et est bien ; si le peuple ne le voit pas, c’est
A. TROUX (dir.), Recueil de textes d’histoire, V, Liège, Dessain, 1960, p. 150-151)
qu’il ne se compose que de simples mortels,
tandis que moi, je suis l’oint du Seigneur. »
Comte Sergueï Ioulievitch WITTE, Mémoires,
81 Paris, Plon, 1921, p. 161 (D’après M. DUMOULIN et
D. MALOENS, De 1918 à nos jours, Coll. « Racines du
Futur », IV, Namur, Didier Hatier, 2000, p. 18)

72

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4 Les renseignements de sources diverses qui me parviennent au département vive dans les débuts et durant les premières années de la guerre, même
de la Police sur l’état d’esprit des différents secteurs de la population ont parmi la paysannerie. La fréquence des appels sous les drapeaux (…) joue
commencé à prendre ces derniers temps un caractère tout à fait alarmant. également un grand rôle (…). Et l’on peut voir dans le nombre croissant de
(…) Tous ces rapports sans exception sont également unanimes pour voir la déserteurs et dans les cas de reddition en masse une conséquence de ce
cause principale de la fermentation actuelle dans la crise du ravitaillement désintéressement pour la guerre (...). Pour ce qui est enfin de la Douma*, il
et dans la hausse des prix qui en résulte directement (…). faut bien dire, à en juger par les rapports qui nous parviennent de province,
Toute la responsabilité pour les malheurs qui frappent la Russie est que les sentiments des masses populaires à son égard se sont nettement
actuellement rejetée non seulement sur le Gouvernement, en la personne modifiés ces derniers temps, car la Douma* a fortement déçu les masses
du Conseil des ministres, mais bien sur le pouvoir suprême lui-même. (…) au cours de la dernière session : la Douma* n’a rien fait pour remédier aux
Tout cela n’est pas étranger à cette lassitude de la guerre que l’on constate problèmes essentiels.
en tout lieu et dans toutes les couches de la population, et au désir d’une
Rapport du directeur de la police au ministre de l’Intérieur, 30 octobre 1916 (D’après V. GRAVE,
paix immédiate, à n’importe quelles conditions. Les quelques revers de nos
La bourgeoisie à la veille de la révolution de Février, Moscou-Léningrad, 1927, p. 136-139)
armes ne sont pas seuls à expliquer cette baisse de l’ardeur patriotique si

5 Une du journal français La Victoire, 17 mars 1917 (Paris, BNF)

6 Art. 2 - Ce qu’il y a de particulier dans l’actualité russe, c’est la transition de la première étape de la
révolution, qui a donné le pouvoir à la bourgeoisie par suite du degré insuffisant de conscience et
d’organisation du prolétariat, à la deuxième étape qui doit remettre le pouvoir entre les mains du La Pravda (Vérité) est le quotidien
du Parti Bolchevique*.
prolétariat et des couches pauvres de la paysannerie. (…)
Créé le 5 mai 1912 sur l’initiative
Art. 3 - Aucun soutien au Gouvernement provisoire. (…)
des ouvriers de Saint-Pétersbourg,
Art. 4 - (…) Expliquer aux masses que les Soviets* de députés ouvriers sont la seule forme possible ce journal est pris en main par
d’un Gouvernement révolutionnaire (…). Lénine. Transféré à Moscou en
Art. 5 - Il ne faut pas une république parlementaire (…) mais une république des Soviets* de députés 1917, il devient l’organe officiel du
ouvriers, salariés agricoles et paysans (…). Éligibilité et révocabilité à tout moment de tous les Comité central du Parti Communiste
fonctionnaires ; leurs traitements ne doivent pas être supérieurs au salaire moyen d’un bon ouvrier. russe ; Staline en est un des
Art. 6 - Nationalisation* de toutes les terres dans le pays : les terres sont mises à la disposition des premiers rédacteurs en chef.
Soviets* locaux de députés des salariés agricoles et des paysans. Formation des Soviets* de députés
des paysans pauvres.
LÉNINE, Thèses d’avril, dans Pravda, 7 avril 1917 (D’après M. FERRO, La révolution de 1917, Paris, Albin Michel, 1997,
p. 130-133)

73

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Documents 31 7 Le Comité militaire révolutionnaire1 engagea les opérations décisives vers 2 h du matin. Trois membres du comité
furent chargés d’établir le plan des opérations. Il consistait à occuper d’abord les quartiers de la ville2 attenant
à la gare de Finlande. (…) Ensuite, on pouvait commencer l’offensive vers le centre de la capitale. Il n’y eut pas
de résistance. Vers 2 h du matin [le 25 octobre 1917], de petits détachements occupèrent l’un après l’autre les
gares, les ponts, les centrales électriques, l’agence télégraphique sans rencontrer d’opposition. Les opérations
militaires ressemblaient plutôt à des relèves de garde. Les opérations engagées se déroulèrent sans effusion de
sang, il n’y eut pas une seule victime. La ville était parfaitement calme, le centre comme les faubourgs dormaient
profondément, sans se douter de ce qui se passait dans le silence de la froide nuit d’automne. (...) Quand les points
importants de la capitale furent occupés sans résistance, le Comité militaire révolutionnaire1 fit sonner les cloches
(...).
1
Créé par Trotski, président du Soviet* de Saint-Pétersbourg, pour renforcer la défense de la capitale et prévenir un coup d’État militaire
2
Saint-Pétersbourg ou Petrograd

Nicolaï Nikolaïevitch SUKHANOV, Notes sur la révolution, Berlin, 1922 (D’après J. CARMICHAEL, Paris, Stock, 1965, p. 57)

Vladimir SEROV, Lénine proclamant le pouvoir des Soviets*,


8 1947 (Prague, Musée Lénine)

Réuni le 25 octobre 1917 à Saint-Pétersbourg,


le congrès des Soviets* de Russie rassemble
les délégués des Soviets* des différentes
villes de Russie. Les mencheviks* et l’aile
droite des socialistes révolutionnaires quittent
le congrès. Les bolcheviks*, majoritaires, et
l’aile gauche des socialistes révolutionnaires
élisent à la présidence Lénine et rédigent un
appel au peuple russe annonçant la prise du
pouvoir par le congrès des Soviets* et les
mesures qui vont être prises : paix, réforme
agraire, contrôle de la production.

9 1. La propriété des propriétaires fonciers sur la terre est abolie immédiatement sans aucune indemnité.
2. Les domaines des propriétaires fonciers ainsi que les terres des apanages1, des monastères et de l’Église, avec
tout leur cheptel mort ou vif, toutes leurs constructions et dépendances, sont mis à la disposition des comités
agraires de canton et des Soviets* des députés paysans de district jusqu’à ce que la question soit réglée par
l’Assemblée constituante. (...)
5. Les terres des simples paysans et des simples cosaques2 ne sont pas confisquées (…).
1
Domaines princiers ou principautés
2
Paysans soldats

Premier décret sur la terre, 26 octobre 1917 (D’après LÉNINE, Œuvres complètes, XXVI, Moscou, Éditions de langue étrangère, 1958,
p. 266-267)

74

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10 La Tchéka* ne lutte ni pour la justice ni contre tel ou tel individu. Nous sommes l’organe d’extermination de la
bourgeoisie en tant que classe. Durant un interrogatoire, je ne me pose pas la question de savoir si tel ou tel a agi
contre le pouvoir soviétique. Je me demande : à quelle classe cet individu appartient-il ? Quelle est son éducation,
sa profession ? Et, seulement si c’est un travailleur, je me pose la question : a-t-il pu trahir sa classe ou agir contre
nous ? Enfin, éventuellement, je m’efforcerai d’amener l’accusé à reconnaître ses fautes. L’aveu couronnera alors
la présomption par l’origine.
Déclaration de Félix DZERJINSKI, septembre 1918 (D’après J.-M. LAMBIN [dir.], Histoire 1re, Paris, Hachette, 1994, p. 97)

11 Les bolcheviks* ne se seraient pas maintenus au pouvoir (…) sans une pas une question politique ou d’organisation de quelque importance qui
véritable discipline de fer dans notre parti (…). La dictature du prolétariat, soit tranchée par une institution de l’État sans que le Comité central du parti
c’est la guerre la plus héroïque et la plus implacable de la nouvelle classe ait donné ses directives.
contre un ennemi plus puissant, contre la bourgeoisie (…). Dans son travail, le parti s’appuie directement sur les syndicats qui (…),
(…) La dictature est exercée par le prolétariat organisé dans les Soviets* formellement, sont sans parti. En fait, toutes les institutions dirigeantes de
et dirigé par le Parti Communiste bolchevik* qui, selon les données de l’immense majorité des syndicats (…) sont composées de communistes et
son dernier congrès (avril 1920), groupe 611 000 membres. (…) Un comité appliquent toutes les directives du parti. On obtient en somme un appareil
central de 19 membres, élu au congrès, dirige le parti qui réunit des prolétarien qui, formellement, n’est pas communiste, qui est souple et
congrès annuels (au dernier congrès, la représentation était de 1 délégué relativement vaste, très puissant, un appareil au moyen duquel le parti est
par 1000 membres). Le travail courant est confié, à Moscou, à des collèges étroitement lié à la classe et à la masse, et au moyen duquel la dictature de
encore plus restreints appelés Orgburo (Bureau d’organisation) et Politburo la classe se réalise sous la direction du parti. (…)
(Bureau politique), qui sont élus en assemblée plénière du Comité central,
LÉNINE, La Maladie infantile du communisme, avril 1920 (D’après LÉNINE, Œuvres, XXXI,
à raison de 5 membres pris dans son sein pour chaque bureau. Il en résulte
Paris, Éditions sociales, 1961, p. 17, 42-43)
donc la plus authentique « oligarchie ». Et dans notre République, il n’est

13
12 Nous nous sommes trompés ; mieux vaut marcher provisoirement avec Victor DENI, affiche,
les béquilles du capitalisme que de ne pas marcher du tout, car ce qu’il 1920 (Paris, BNF)
faut craindre plus que le capitalisme, c’est la misère (…). Nous répétons
souvent que le capitalisme est un mal, que le socialisme est un bien. Oui
le capitalisme est un mal par rapport au socialisme, mais c’est un bien par
rapport aux conditions médiévales qui en Russie persistent toujours.
LÉNINE, extrait d’un article paru dans Krasnoïa Novotni, avril 1921 (D’après D. FURIA et
P.-Ch. SERRE, Techniques et Société. Liaisons et évolutions, Coll. « U », Paris, A. Colin, 1970,
p. 400)

Sur cette affi


ffiche,
h
on peut lire : « Le
camarade Lénine
nettoie notre Terre
Cet article est écrit au lendemain du Xe congrès du de la saleté. »
parti à l’occasion duquel est décidée la NEP, initiales
russes de la « nouvelle politique économique ».
Celle-ci se caractérise par la libéralisation des
échanges commerciaux et la dénationalisation ou
privatisation des petites entreprises. Par ailleurs, la
surveillance policière est relâchée.

75

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Documents 32 L’URSS de Staline (1924-1953)
En prenant le pouvoir en 1917, les bolcheviks* prétendent transformer la Russie et fonder un nouvel État.
À la mort de Lénine, en 1924, Staline accède au pouvoir. Quelle politique poursuit-il ? Avec quels résultats ?

1 2 L’ÉTAT LE PARTI

Affiche du son président son président Secrétaire général


XVIIe congrès = CHEF DE = 1er
du PCUS, 1934 L’ÉTAT MINISTRE

Les membres du parti se retrouvent aux postes importants de l’État.


(Paris, Musée Bureau
d’Histoire Présidium Présidium du Secrétariat politique
contemporaine du Soviet* Conseil des (Politburo)
- BDIC) suprême ministres

Commission
Cour Conseil des centrale de
Comité
suprême de ministres vérification
central
justice

pouvoir pouvoir
judiciaire exécutif

Soviet* suprême Congrès du


Soviet* Soviet* des parti
de l’Union nationalités
pouvoir législatif
organes républicains et locaux
du parti
Soviets* locaux et régionaux

Électeurs Membres
suffrage universel pur et simple du parti

Les institutions politiques de l’URSS

31

58
Le Soviet* de l’Union et le Soviet* des nationalités* représentent
respectivement les républiques et l’ensemble de la population, à raison
d’1 député pour 300 000 habitants. En 1923, le parti compte 386 000
membres ; en 1934, 1 874 488 membres ; en 1952, 6 013 259 membres.
81 Le Comité central comprend respectivement, 57, 139 et 235 personnes à
Sur l’affiche, on peut lire de haut en bas : ces mêmes dates. Staline le réunit de moins en moins souvent. Près de
86 « Tout le pouvoir aux Soviets* » 70 % des élus au Comité central de 1934 seront liquidés physiquement
« Plus haut l’étendard de Lénine qui nous donne la victoire ! » avant 1939. Le véritable centre de décision est le Politburo. Le Secrétariat
« Vive l’invincible parti de Lénine » est un organe administratif chargé notamment de la sélection des cadres
92
« Vive le grand guide de la révolution prolétarienne mondiale, et de l’exécution des décisions du parti. La Commission centrale de
le camarade Staline ! » vérification sert de recours pour les membres du parti exclus au cours
des purges. Elle est aux ordres du secrétaire général et collabore avec la
GPU qui a succédé à la Tchéka*.

76

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3 Le camarade Staline, en devenant secrétaire général, a concentré entre ses mains un pouvoir immense,
et je ne suis pas convaincu qu’il puisse toujours en user avec suffisamment de prudence. D’autre
part, le camarade Trotski (…) ne se distingue pas seulement par les capacités les plus éminentes.
Personnellement, il est certes l’homme le plus capable du Comité central actuel, mais il est
excessivement porté à l’assurance et entraîné outre mesure par le côté administratif des choses. Ces
deux qualités des deux chefs les plus marquants du Comité central actuel peuvent involontairement
conduire à la scission ; si notre parti ne prend pas les mesures pour la prévenir, cette scission peut se À la mort de Lénine, Staline prend ses distances
produire inopinément. (…) avec Trotski. Comme secrétaire général, il dirige
Staline est trop brutal, et ce défaut, pleinement supportable dans les relations entre nous, communistes, et contrôle tout le parti. Trotski en est exclu
devient intolérable dans la fonction de secrétaire général. C’est pourquoi je propose aux camarades de en novembre 1927, puis expulsé d’URSS en
réfléchir au moyen de déplacer Staline de ce poste et de nommer à sa place un homme qui, sous tous janvier 1929. Menchevik*, membre du Parti
les rapports, se distingue du camarade Staline par une supériorité, c’est-à-dire, qu’il soit plus patient, Ouvrier Social-Démocrate russe, celui-ci a
plus loyal, plus poli et plus attentionné envers les camarades, moins capricieux, etc. (…) participé aux révolutions de 1905 et de février et
octobre 1917. Au lendemain de cette dernière, il
LÉNINE, Lettres au XIIIe congrès dit « Testament de Léline », 25 décembre 1922 et 4 janvier 1923 (D’après B. LAZITCH, Le rapport se rallie aux bolcheviks* et prend la direction de
Krouchtchev et son histoire, Coll. « Points-Histoire », Paris, Seuil, 1976, p. 162-164) l’Armée rouge avant de s’opposer à Staline.

4 La tâche essentielle du plan quinquennal1 consistait à transformer l’URSS de pays agraire et débile, qui
dépendait des caprices des pays capitalistes, en un pays industriel et puissant, parfaitement libre et
indépendant des caprices du capitalisme mondial. (...)
La tâche essentielle du plan quinquennal1 consistait, tout en transformant l’URSS en pays industriel, à
éliminer jusqu’au bout les éléments capitalistes, à élargir le front des formes socialistes de l’économie
et à créer une base économique pour la suppression des classes en URSS, pour la construction d’une
société socialiste. (...)
La tâche essentielle du plan quinquennal1 consistait à faire passer la petite économie rurale morcelée
dans la voie de la grande économie collectivisée*, d’assurer par là même la base économique du
socialisme à la campagne et de liquider ainsi la possibilité de restauration du capitalisme en URSS.
1
Programmation par l’État de la production fixant les objectifs à atteindre au terme de 5 ans. Le premier est lancé en 1928.
L’industrie lourde reçoit la priorité absolue.

Joseph STALINE, Rapport présenté à l’assemblée pléniaire commune du Comité central et de la Commission centrale de
vérification du Parti Communiste de l’URSS, Moscou, 7 janvier 1933 (D’après J. STALINE, Doctrine de l’URSS, Paris, Flammarion,
1938, p. 183-195)

5 1913 1922 1928 1932 1939 1945 1950 1952


Céréales
80 56,3 73,3 68,8 82,2 47,3 105 130
(millions de tonnes)
Bovins
60,6 45,8 66,4 40,7 63,2 22,9 56,6
(millions de têtes) Les chiffres sont des
estimations fondées sur
Charbon
29,1 8,6 36,4 64,4 146,2 150 262 300 les statistiques officielles
(millions de tonnes)
de l’URSS, qui sont
Acier souvent manipulées. Sur
4,2 0,2 4,3 6 17,6 12,3 27 34,5
(millions de tonnes) J. Ellestein, voir la notice
biographique en fin de
Électricité manuel.
1,9 0,4 5 13,5 43,2 43,2 90 119,1
(milliards de KW/h)
Évolution de la production agricole et industrielle en URSS, 1913-1952
(D’après J. ELLEINSTEIN, Histoire de l’URSS, II, Paris, Éditions sociales, 1973, p.151, 253, 284 et III, 1974, p. 228 et Y. TROTIGNON, Le XXe siècle en URSS,
8e éd., Paris, Dunod, 1988, p. 105-106, 131)

77

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Documents 32 6 Fin 1929, en présence du développement des kolkhozes* et des sovkhozes*, le pouvoir des Soviets*
opéra un tournant vigoureux. Il passa à la politique de liquidation, à la politique de suppression des
koulaks* comme classe (...) [ leur retirant] la terre et la main-d’œuvre salariée1. Il leva l’interdiction de
les déposséder. Il autorisa les paysans à leur confisquer, au profit des kolkhozes*, le bétail, les machines
et autre matériel. Les koulaks* furent expropriés comme les capitalistes l’avaient été en 1918 dans le
domaine de l’industrie, avec cette différence pourtant que les moyens de production des koulaks*
passaient, cette fois, non plus à l’État, mais aux paysans associés aux kolkhozes*. (…) Cette révolution
avait ceci d’original qu’elle avait été accomplie « d’en haut », sur l’initiative du pouvoir d’État, soutenu
directement « d’en bas », par des millions de paysans en lutte contre l’emprise koulak*, pour la libre vie
kolkhozienne*.
1
Le code agraire de 1922 reconnaissait le mir, communauté rurale, comme responsable du partage des terres et permettait
Cet ouvrage relate l’Histoire aux koulaks* de retrouver leur influence.
officielle, telle qu’admise par le
Histoire du Parti Communiste de l’URSS, Moscou, 1949 (D’après R. BENICHI et J. MATHIEX [dir.], Histoire d’une guerre à l’autre
parti à l’époque stalinienne. (1914-1939), Paris, Hachette, 1982, p. 180)

7 Camarades, vous écrivez dans votre journal que tous les paysans pauvres et moyennement Cette lettre fait partie des archives
aisés adhèrent volontairement au kolkhoze*, mais ce n’est pas vrai. Ainsi dans notre village de la GPU, tombées aux mains
de Podbuzhye, tous n’entrent pas au kolkhoze* de bon gré. Quand circula le registre des des Allemands en 1941, puis des
adhésions, 25 % seulement signèrent, tandis que 75 % s’abstenaient. Ils ont collecté Américains en 1945. Les journaux
les semences par la terreur, en multipliant procès-verbaux et arrestations. Si quelqu’un dont il est question dans le texte
exprimait son opposition, on le menaçait d’emprisonnement et de travail forcé (…). Je recueillent les dénonciations et
vous prie de ne pas révéler mon nom, car les gens du parti seraient furieux. plaintes des Soviétiques. Le pouvoir
stalinien essaie ainsi de canaliser les
Lettre du paysan POLZIKOV, sans lieu et sans date (D’après M. FAINSOD, Smolensk à l’heure de Staline, Paris, manifestations de mécontentement.
Fayard, 1967)

8 Staline fut à l’origine de la conception de « l’ennemi du peuple ». Ce terme rendit automatiquement


inutile d’établir la preuve des erreurs idéologiques de l’homme ou des hommes engagés dans une
controverse ; ce terme rendit possible l’utilisation de la répression la plus cruelle, violant toutes les
normes de la légalité révolutionnaire contre quiconque, de quelque manière que ce soit, n’était pas
d’accord avec lui, contre ceux qui étaient seulement suspects d’intentions hostiles, contre ceux qui
avaient mauvaise réputation. Ce concept d’« ennemi du peuple » éliminait en fait la possibilité d’une
lutte idéologique quelconque, de faire connaître son point de vue sur telle ou telle question, même
celle qui avait un caractère pratique. Pour l’essentiel et en fait la seule preuve de culpabilité dont il
Après la clôture du 20e congrès était fait usage, contre toutes les normes de la science juridique actuelle, était la « confession » de
du PCUS, Khrouchtchev convoque l’accusé lui-même ; et comme l’ont prouvé les enquêtes faites ultérieurement, les « confessions »
les délégués soviétiques à une étaient obtenues au moyen de pressions physiques contre l’accusé.
réunion à huis clos et leur fait la Cela a conduit à des violations manifestes de la légalité révolutionnaire et au fait que de nombreuses
lecture du Rapport secret élaboré personnes, parfaitement innocentes, qui, dans le passé, avaient défendu la ligne du parti, devinrent des
par une commission d’enquête. Ils
victimes. (…)
prennent aussi connaissance du
Staline, d’autre part, eut recours aux méthodes extrêmes et aux répressions massives alors que la
« Testament » de Lénine (→ 32/3)
révolution était déjà victorieuse, alors que l’État soviétique était consolidé, que les classes exploitantes
et découvrent une autre image
de Staline. Diffusé à l’étranger,
étaient déjà liquidées, que les relations socialistes étaient solidement enracinées dans tous les secteurs
ce rapport entraîne des réactions de l’économie nationale, alors que notre parti était consolidé politiquement et qu’il s’était renforcé tant
violentes dans les pays de l’Est. au point de vue numérique qu’idéologique. (…)
Nikita KHROUCHTCHEV, Rapport secret au 20e congrès du PCUS, 1956 (D’après B. LAZITCH, Le rapport Khrouchtchev et son
histoire, Coll. « Points-Histoire », Paris, Seuil, 1976, p. 63-70)

78

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9 Affiche soviétique, 1936
10 Le niveau de vie des ouvriers, stagnant à l’époque du premier plan quinquennal1, s’est sensiblement
amélioré avec le 2e quinquennat. (…)
Les conditions de logement restaient difficiles (…). En 1936, à Moscou, 6 % de gens disposaient de
plus d’une pièce, 40 % vivaient dans une seule pièce, 23 % une demi-pièce, 5 % dans les couloirs
et les cuisines, 25 % en dortoir (…).
Les efforts dans les domaines de l’enseignement, de la santé, de l’aide aux familles se font sentir
plus nettement. À l’usine même, on trouve fréquemment des crèches, des jardins d’enfants et des
cantines (…).
Le chômage avait disparu en URSS depuis 1931. Les efforts faits dans les domaines de l’enseignement
général et technique, de la culture, profitaient à tous et donnaient des chances nouvelles de
« promotion sociale aux enfants d’ouvriers ». (…)
L’analphabétisme en 1939 a disparu dans la jeunesse et presque totalement dans les générations de
moins de 50 ans (…).
1
Programmation par l’État de la production fixant les objectifs à atteindre au terme de 5 ans. Le premier est lancé en 1928.
L’industrie lourde reçoit la priorité absolue.

Jean ELLEINSTEIN, Histoire de l’URSS, II, Paris, Éditions sociales, 1973, p. 247-261

11 Modes de répression Nombre de personnes Nombre de décès


concernées
Condamnations politiques (1921-1953) 4 millions de condamnés 1 million
dont en 1937-1938 1,4 million 0,68 million
Goulag* (1930-1950) 15 millions de détenus 1,5 million
Déportations*(1930- 1953) 6 millions de déportés 1,5 million
Sur cette affiche, on peut lire : de koulaks* (1931-1935) 2,2 millions 0,7 million
« Merci à notre cher Staline pour de minorités1 (1936-1953) 3,8 millions 0,8 million
notre enfance heureuse ! » Réquisitions durant la guerre civile (1921-1922) 5 millions
Collectivisation* forcée et collectes d’État 6 millions
(1932-1933)
Parade sportive de la jeunesse soviétique sur la place
12 Conservation des stocks de céréales (1946-1947) 0,5 million
rouge à Moscou, le 30 juin 1935, photographie parue
dans L’illustration, 13 juillet 1935 1
Minorités nationales habitant les zones transfrontalières puis, dans les années 1940, populations des pays
baltes, de l’Ukraine occidentale et de Moldavie

Estimation des victimes du communisme en URSS, 1921-1953 (D’après N. WERTH, Déportations, Goulag,
famine… L’URSS ou le règne de la terreur, dans L’Histoire, n° 247, octobre 2000, p. 54-59)

Les camps du Goulag* n’accueillent pas que des prisonniers politiques. La majorité
des détenus sont des citoyens « ordinaires », victimes du durcissement de la politique
pénale de l’État. De nombreux paysans sont également victimes de la politique
économique menée par les dirigeants de l’URSS : réquisitions de récoltes et de bétail
durant la guerre civile, « collectes d’État » ou prélèvement par l’État d’une partie
importante de la production agricole représentant près de 50 % en Ukraine pendant
la collectivisation* forcée menée à partir de 1930, refus du Gouvernement de toucher
aux réserves de céréales stockées en prévision d’une guerre en 1946. Cette politique
provoque des famines désastreuses.

À droite, on peut lire : « Vive le guide du grand Parti Communiste,


le meilleur ami des gymnastes, le camarade Staline. » Entre les deux
portraits, il est écrit : « Prêt pour le travail et la défense. »

79

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Documents 33 L’Italie devient fasciste
En octobre 1922, le roi d’Italie charge Mussolini de constituer un Gouvernement.
En 1924, son parti obtient 65 % de suffrages et, progressivement, Mussolini installe une dictature.
Quelles circonstances ont favorisé l’arrivée au pouvoir de Mussolini ? Qui furent ses adhérents et comment
les a-t-il séduits ? Qu’est-ce que le fascisme italien ?

1
L’Italie en À la fin du XIXe siècle, en Italie, un mouvement politique se
1920 (D’après développe : l’irrédentisme (de irredenta, « non délivré »). Ses
J.-M. LAMBIN [dir], partisans réclament l’annexion de territoires, principalement
Histoire 1re, autrichiens, et ce pour des motifs historiques et linguistiques.
Paris, Hachette En 1915, ces « terres irrédentes » sont promises aux Italiens,
Éducation, 1994,
lors du traité de Londres, en échange de leur entrée en guerre
p. 145)
au côté des Alliés.

Salaires réels et prix de gros en Italie entre 1913 et 1939


2 (D’après J.-M. LAMBIN [dir], Histoire 1re, Paris, Hachette Éducation,1994, p. 149)

Le montant du salaire
réel correspond au
montant du salaire,
ajusté en fonction
du pouvoir d’achat
qu’il procure. Les
prix de gros sont les
prix pratiqués par les
grossistes.

11

3
Nombre de chômeurs en Italie (en
13
3 milliers) entre 1919 et 1933
ERIOTSIH
(D’après Ph. FORO, L’Italie fasciste,
Paris, A. Colin, 2006, p. 130 et
J.-M. LAMBIN [dir], Histoire 1re, Paris,
Hachette Éducation, 1994, p. 149)
34-36
36

80

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4 PPI Bloc National
(Catholiques) (Conservateurs)
PPI

PS 39
Composition de la Chambre 100 105 Libéraux
Libéraux (Catholiques)

4
I
PP

I2
entre 1919 et 1924, en nombre 96 107
68 35 Parti National 19
es Fasciste es 15
de sièges (D’après S. ROMANO, PSI Autres c ist s 16 n ist aux
s e 355 u r
Histoire de l’Italie du Risorgimento (Socialistes) 156 PSI Fa nist m bé
m Li Autres
u
à nos jours, Paris, Seuil, 1977, 156 (Socialistes)
o mm Autres Co
122 C 98
p. 304-307 ; Ph. FORO, L’Italie 82
fasciste, Paris, A. Colin, 2006,
p. 236-237; J. GODECHOT et Novembre 1919 (Total : 508 sièges) Mai 1921 (Total : 535 sièges) Avril 1924 (Total : 550 sièges)
M. VAUSSARD, Histoire de l’Italie
moderne, Paris, Hachette, 1972,
p. 203, 231)

- Entre 1917 et 1922, sept Gouvernements se succèdent en Italie.


5 Montées sur des camions (…), les Chemises - En 1919, Mussolini fonde un mouvement, les Faisceaux italiens de combat, qui rassemble de nombreux
noires* se dirigent vers l’endroit qui est anciens combattants autour d’un programme aux accents nationalistes et socialistes. Aux élections de
le but de l’expédition. Une fois arrivé, on novembre 1919, Mussolini fait un score personnel de 1064 voix.
commence par frapper à coups de bâton - En novembre 1921, le mouvement des Faisceaux italiens de combat devient le Parti National Fasciste. Au
tous ceux (…) qui ne se découvrent pas printemps 1922, il compte plus de 700 000 adhérents.
au passage des fanions fascistes ou qui - En 1921, un Gouvernement alliant conservateurs et catholiques est formé. N’ayant obtenu que 35 sièges
portent une cravate, un corsage rouges aux élections de mai 1921, Mussolini envisage de prendre le pouvoir par la force. Les 27 et 28 octobre 1922,
il organise une « marche sur Rome » : quelques dizaines de milliers de fascistes occupent les grandes villes
(…). On se précipite au siège du syndicat,
entourant Rome, tandis que 26 000 d’entre eux convergent vers la capitale. Pressé par une partie de la classe
de la coopérative, à la Maison du Peuple.
dirigeante qui voit dans le fascisme le moyen de neutraliser l’opposition ouvrière, le roi Victor-Emmanuel III
On enfonce les portes. On jette dans la invite Mussolini à constituer un Gouvernement. Ce dernier défile alors symboliquement dans Rome avec
rue mobilier, livres et on verse des bidons ses partisans. En plus de la présidence du Conseil (Premier ministre), Mussolini se réserve les postes de
d’essence : quelques minutes après, tout ministre de l’Intérieur et ministre des Affaires étrangères. Il intègre cependant dans le Gouvernement des
flambe. (…) Des groupes fascistes vont à la représentants des partis libéral et catholique. Les chambres lui accordent les pleins pouvoirs pour un an.
recherche des chefs, maires et conseillers - En 1923, Mussolini fait voter une loi électorale qui donne les deux tiers des sièges de la Chambre à la
de la commune (…) : on leur impose de se liste majoritaire. En 1924, son parti obtient 65 % de suffrages. Les résultats de ces élections de 1924
démettre [et] on les bannit pour toujours du sont critiqués par le député socialiste Matteotti qui dénonce les méthodes frauduleuses et autoritaires des
pays, sous peine de mort ou de destruction fascistes. Il est assassiné, dix jours plus tard, par un groupe de miliciens fascistes. Cet assassinat politique
de leur maison. S’ils se sont sauvés, on se annonce la répression violente des opposants au régime.
venge sur leur famille. - En 1926, les lois « fascistissimes » interdisent les partis traditionnels, censurent la presse et créent une
police politique, l’OVRA.
Angelo TASCA, La naissance du fascisme, Paris, - La loi électorale de 1928 impose aux électeurs de se prononcer sur une liste unique proposée par le Grand
Gallimard, 1967 (1re éd. : 1938), p. 129-130 Conseil fasciste. Lors des élections législatives de mars 1929, cette liste est approuvée par 98,4 % des
votants.

6 Par une sombre soirée d’automne1 (...) les bandes de Chemises noires*, balai était dans l’air, jugea prudent de se mettre du côté du manche et se rallia
farouches, bien armées, blanchies de la poussière d’une longue route, à la révolution. Ses adhérents les plus ardents furent les jeunes combattants
entrèrent sans résistance comme une horde de conquérants dans la Ville de la guerre et les adolescents des classes moyennes, impatients de crier
Éternelle muette et frappée de stupeur. Le lendemain apparut le Duce* et au grand jour leurs passions patriotiques et ultranationalistes.
des acclamations retentirent. Dans son état-major figuraient des généraux
1
Les 27 et 28 octobre 1922, les Chemises noires* convergent vers la capitale : c’est la
et des officiers supérieurs qui avaient revêtu la chemise noire*. Le roi eut
« marche sur Rome ».
vite fait de lui confier la tâche de former un Gouvernement (…). 2
Durant l’Antiquité romaine, ensemble des familles les plus prestigieuses de Rome,
Dans la noblesse comme dans l’industrie, (…) victimes, l’une et l’autre, détentrices des pouvoirs politique et religieux. Ici, classe qui possède le pouvoir politique
de l’état anarchique qui sévissait en province, l’enthousiasme qu’excita le et concentre une partie importante de la richesse.
triomphe de Mussolini fut sincère et spontané. Le patriciat2 en chemises
Eugène BEYENS, Quatre ans à Rome, Paris, Plon, 1934, p. 133-135
blanches serra avec effusion la main du fascisme en chemise noire* (...). La
bourgeoisie citadine, libérale par tradition, mais sentant bien qu’un coup de

81

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La place Saint-Pierre et la via della Conciliazione,
7
Documents 33 en construction

Entre 1860 et 1870, lors de l’unification de l’Italie, le Saint-Siège perd


les États pontificaux et la souveraineté sur la cité du Vatican. L’Église
et l’État italien sont alors en désaccord profond : c’est la « question
romaine ». En février 1929, Mussolini signe, avec le secrétaire d’État
Gasparri et le pape Pie XI, les accords de Latran. L’Italie reconnaît la
souveraineté du Saint-Siège sur l’État du Vatican. Le pape renonce à
ses prétentions sur les anciens États pontificaux en contrepartie d’une
compensation financière. Le catholicisme devient religion officielle de
l’État italien. À partir de 1936, Mussolini entreprend la construction d’une
large avenue entre la basilique Saint-Pierre et le château Saint-Ange,
à l’origine mausolée de l’empereur Hadrien (IIe siècle ap. J.-C.), puis
forteresse protégeant le Vatican et lieu de résidence de certains papes.
Lors de la prise de Rome en 1870, il est le théâtre de combats entre les
troupes pontificales et italiennes qui s’en emparent. Les travaux de la via
della Conciliazione se termineront en 1950.

9 W. SCHULZ, caricature, 1925


8 J’ai visité avec le plus vif plaisir ces usines que je connaissais par
l’histoire agitée de ces cinq dernières années. Je ne vous ferai pas un
discours. Selon l’habitude qui a toujours été et qui reste mienne, je vous
dirai des choses précises, et qui vous intéressent.
Le Gouvernement que j’ai l’honneur de présider n’est pas, il ne peut pas
et il ne veut pas être un Gouvernement anti-prolétarien. Les ouvriers
sont partie intégrante de la Nation. Ils sont des Italiens. Comme tous
les Italiens qui travaillent, qui produisent et qui vivent honorablement, ils
doivent être protégés, respectés, défendus.
(...) Lorsque tout à l’heure, je visitais cette belle et vaste usine, je me
suis senti envahi par une profonde émotion. Je revivais en cet instant
les jours anciens de ma jeunesse. Car je ne descends pas d’ancêtres
aristocratiques et illustres ; mes ancêtres étaient des paysans qui
travaillaient la terre, et mon père un forgeron qui pliait le fer rouge sur
l’enclume. II m’arrivait, quand j’étais un petit garçon, d’aider mon père
dans son travail. (...) À 20 ans, j’ai travaillé de mes bras, de mes bras
dis-je. J’ai été manœuvre et maçon. Je ne vous dis pas tout cela pour
forcer votre sympathie, mais pour vous montrer qui je suis et que je ne
peux être ennemi de ceux qui travaillent. (...)
Vous aurez l’occasion de le constater : plus que mes paroles, vaudront
les actes de mon Gouvernement, qui seront tous commandés par le
souci de trois éléments fondamentaux : la Nation, qui existe en dépit de
ses négateurs comme une réalité bienfaisante ; la production, l’ouvrier
ayant intérêt, comme le capitaliste, à produire beaucoup et bien, puisque
l’ouvrier tombe dans la misère si la production s’arrête (...) ; enfin, les
intérêts justes des travailleurs.
(...) Nous voulons que l’Italie, dans le monde, cesse d’être la Nation
retardatrice. Pour que notre voix puisse être écoutée (...), il faut que la
plus rigoureuse discipline règne dans le pays. Nul ne nous écoutera si
derrière nous le pays est inquiet, troublé, mécontent.
Ce dessin est complétéé é d’une citation attribuée
Benito MUSSOLINI, discours aux ouvriers milanais, Milan, le 6 décembre 1922 (D’après par l’auteur à Mussolini : « Ce n’est que lorsque
P. GORGOLINI, La révolution fasciste, Paris, Nouvelle Librairie nationale, 1924, p. 129-132) tous mes opposants seront sous les verrous que je
régnerai sur une Italie vraiment libre. »

82

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10 Le fascisme nie que le nombre, par le seul fait d’être un nombre, puisse des institutions ; il est aussi et surtout éducateur et promoteur de la vie
diriger les sociétés humaines. Il nie que ce nombre puisse gouverner grâce intellectuelle. Il veut renouveler non pas les formes extérieures de la vie
à une consultation périodique. Il affirme l’inégalité ineffaçable, féconde, humaine mais son essence même, l’homme, le caractère, la foi. Et, dans ce
bienfaisante des hommes, qu’il n’est pas possible de niveler grâce (…) [au] but, il exige une discipline, une autorité dominant les esprits pour y régner
suffrage universel. On peut définir les régimes démocratiques comme ceux sans conteste. Son emblème est par conséquent le faisceau des licteurs1,
qui donnent au peuple, de temps en temps, l’illusion de la souveraineté*. La symbole de l’unité, de la force, de la justice. (…)
souveraineté* effective y repose sur d’autres forces parfois irresponsables L’évolution économique et politique universelle depuis 1929 a renforcé
et secrètes. (…) encore ce point de vue doctrinal. C’est l’État qui domine. Ce que l’on appelle
Anti-individualiste, la conception fasciste (…) est contre le libéralisme la crise ne peut être résolu que par l’État, dans l’État. C’est l’État seul qui
classique (…) qui met l’État au service de l’individu. Pour le fasciste, tout est peut résoudre les dramatiques contradictions du capitalisme.
dans l’État, rien (…) n’existe en dehors de l’État. Dans ce sens, le fascisme
1
Dans l’Antiquité romaine, sous la République, escorte chargée d’accompagner les
est totalitaire, et l’État fasciste (…) développe et donne puissance à la vie
magistrats supérieurs. Ils portaient un faisceau de verges et une hache sur l’épaule.
tout entière du peuple. Ni groupements (partis politiques, associations,
syndicats), ni individus en dehors de l’État. (…) Benito MUSSOLINI, La doctrine du fascisme, Florence, Vallecchi, 1930 (D’après J. BOUILLON,
Le fascisme n’est pas seulement le créateur des lois et le fondateur P. SORLIN et J. RUDEL, Le monde contemporain. Histoire-civilisations, Paris, Bordas, p. 555-556)

11 XANTI, affiche, 1934

En décembre 1934, Mussolini organise un


plébiscite* afin d’approuver la liste du Parti
Unique Fasciste pour la Chambre des députés.
Sur l’affiche, on peut lire :
« - électeurs inscrits, 10 526 504
- votants (96,25 %), 10 061 978
- favorables (99,84 %), 10 045 477
- opposés (0,15 %), 15 201. »

12 Vue du forum Mussolini

Construit à Rome entre 1928 et 1938, le


forum Mussolini comporte des installations
sportives modernes. Le stade de marbre peut
recevoir 16 000 personnes et est entouré
de 60 statues représentant des athlètes des
différentes disciplines sportives.

83

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Documents 34 Le nazisme : vers le pouvoir…
(1919-1933)
En novembre 1918, le IIe Reich s’effondre. En février 1919, l’Allemagne connaît pour la première fois un
régime démocratique : la république dite de Weimar. En 1921, un ancien combattant, Adolf Hitler, prend
la tête du NSDAP, parti né en 1919. Malgré son coup d’État manqué en 1923, il séduit progressivement
les Allemands. Aux élections de juillet 1932, son parti obtient 37 % des suffrages. En janvier 1933, le
président de la république, Hindenburg, le nomme chancelier*. Hitler dissout le Reichstag* et organise
de nouvelles élections qui se tiennent le 5 mars 1933. Il récolte 44 % des voix. Avec l’appui du Parti
Catholique (Zentrum), le Reichstag* lui accorde les pleins pouvoirs pour 4 ans. Comment expliquer
la séduction d’une large partie du peuple allemand ?

1 Date de l’élection et KPD SPD ZENTRUM DDP DNVP NSDAP Autre


assemblée élue Communistes Sociaux- Centre Démocrates Nationaux Nationaux-
démocrates catholique libéraux allemands socialistes
19 janvier 1919 37,9 % 19,7 % 18,6 % 10,3% 13,5 %

6 juin 1920 2,1 % 21,6 % 13,6 % 8,3 % 14,9 % 39,5 %

24 mai 1924 12,6 % 20,5 % 13,4 % 5,7 % 19,5 % 6,6 % 21,7 %

7 décembre 1924 9% 26 % 13,6 % 6,3 % 20,5 % 3% 21,6 %

20 mai 1928 10,6 % 29,8 % 12,1 % 4,9 % 14,2 % 2,6 % 25,8 %

14 septembre 1930 13,1 % 21,6 % 11,8 % 3,8 % 7% 18,3 % 24,4 %

31 juillet 1932 14,3 % 21,4 % 12,4 % 1% 5,9 % 37,7 % 7,3 %

6 novembre 1932 16,9 % 20,4 % 11,9 % 0,95 % 8,8 % 33,1 % 7,95 %


11
5 mars 1933 12,3 % 18,2 % 11,3 % 0,90 % 8% 44 % 5,3 %
1
En 1919, c’est l’Assemblée constituante. À partir de 1920, c’est le Reichstag*.
Résultats des élections législatives sous la république de Weimar en pourcentage de voix, 1919-1933 (D’après S. BERSTEIN, P. MILZA, L’Allemagne
3
13 de 1870 à nos jours, Paris, A. Colin, p. 83 et J.-M. FLONNEAU, Le Reich allemand de Bismarck à Hitler, 1848-1945, Paris, A. Colin, 2003, p. 160)

ERIOTSIH

2 NSDAP (en % Société


33 des inscrits) allemande

35-36 Ouvriers dans l’industrie 28,1 % 45,9 %


Employés 25,6 % 12 %
Indépendants 20,7 % 9%
Fonctionnaires 6,6 % 4,2 %
Enseignants 1,7 % 0,9 %
Paysans 14 % 10,6 %
82 Autres 3,3 % 17,4 %

Répartition socioprofessionnelle des membres du NSDAP en 1930 par rapport à


l’ensemble de la société allemande (D’après W. HOFER, Le national-socialisme par les
textes, Paris, Plon, 1963, p. 24)

84

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3 1. Nous demandons la constitution d’une Grande Allemagne, réunissant tous 7. (...) Si ce pays ne peut nourrir toute la population, les non-citoyens
les Allemands sur la base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. devront être expulsés du Reich*. (...)
2. Nous demandons l’égalité des droits du peuple allemand au regard des 25. Pour mener tout cela à bien, nous demandons la création d’un pouvoir
autres nations, l’abrogation des traités de Versailles et de Saint-Germain. central puissant (...).
3. Nous demandons de la terre et des colonies pour nourrir notre peuple et Les dirigeants du parti promettent de tout mettre en œuvre pour la réalisation
résorber notre surpopulation. des points ci-dessus énumérés, en sacrifiant leur propre vie si besoin est.
4. Seuls les citoyens bénéficient des droits civiques. Pour être citoyen, il
Extraits du programme du NSDAP, Munich, 24 février 1920 (D’après W. HOFER, Le national-
faut être de sang allemand, la confession importe peu. Aucun Juif ne peut
socialisme par les textes, Paris, Plon, 1963, p. 30-33)
donc être citoyen.
6. (…) Nous demandons donc que toute fonction publique, quelle qu’en
soit la nature, ne puisse être tenue par des non-citoyens. (…)

4 Ma jeunesse a été celle de toute une génération qui avait grandi dans une causé l’écartèlement du pays. L’économie nationale était mise en péril par
bourgeoisie à tendance de droite et qui fournit par la suite au mouvement les dettes de guerre (...). On entendait les adultes s’insurger contre les
nazi et à l’armée un grand nombre de ses dirigeants. Il y avait dans la querelles confuses qui avaient lieu au sein du Parlement, et on comprenait
bourgeoisie, au moment où Hitler prit le pouvoir, une génération mi- que ce désordre était dû aux partis qui divisaient les Allemands. (...) Parmi
enfantine, mi-adolescente qui rêvait de se sacrifier à un idéal. (...) Mon les misères dont se plaignaient les adultes, il y avait le chômage.
entrée aux Jeunesses hitlériennes1 date du 1er mars 1933. L’antisémitisme* Les promoteurs du national-socialisme2 promirent de supprimer le chômage
faisait partie tout naturellement des opinions que nos parents nous avaient et la misère de 6 millions d’habitants et je les crus. Je crus qu’ils réaliseraient
transmises. (...) Je dois à cette situation d’avoir pu par la suite servir de l’union politique du peuple allemand et qu’ils surmonteraient les difficultés
toutes mes forces une politique inhumaine sans me poser de questions sur résultant du traité de Versailles.
ma propre honnêteté morale.
Hitler réussit à nous communiquer son fanatisme. Le fanatique croit que la
1
Hitlerjugend : → 35/2, note 1
2
Nazisme
fin justifie les moyens. Il ne voit que le but à atteindre, et devient aveugle et
sourd à tout le reste. (...) Melita MASCHMANN, Ma jeunesse au service du nazisme, Paris, Plon, 1964, p. 25-26
Ma mère nous ressassait que l’Allemagne avait perdu la guerre bien que
ses soldats eussent été les plus valeureux. Une paix infamante avait

5 Affiche pour les élections législatives du 20 mai 1928 6 Affiche nazie pour les élections de mars 1933

En bas de l’affiche,
on peut lire :
« Nettoyez le
Reich* ! Votez
pour les Deutsche
Demokraten ! »,
c’est-à-dire le DDP
(→ 34/1).

Wahl urne
signifie « urne
électorale ».

85

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Documents 35 L’Allemagne nazie (1933-1945)

Dès leur arrivée au pouvoir en 1933, Hitler et les responsables installent le IIIe Reich*. Quel est le visage de
ce nouveau régime ?

1 1933 - Hitler nommé chancelier* (30 janvier) Hitler est nommé chancelier* par le président Hindenburg, car les
- Incendie du Reichstag* (27-28 février) milieux conservateurs voient en lui un moyen d’enrayer la menace
- Hitler organise de nouvelles élections (5 mars) et obtient 44 % communiste et de redresser l’économie du pays.
des suffrages. Le Reichstag* lui accorde les pleins pouvoirs pour Le Reichstag* est réduit en cendres par un incendie volontaire. Les
4 ans. communistes sont accusés du forfait et le KPD (Parti Communiste
- Ouverture du premier camp de concentration à Dachau (→ 35/5) allemand) mis hors la loi. On saura plus tard qu’il s’agissait d’un
- Création de la Gestapo* coup monté par les nazis.
- Interdiction des syndicats
- Le NSDAP devient parti unique.
- L’Allemagne quitte la SDN.
- Début de la politique de grands travaux
- Début du boycott des magasins juifs et de l’exclusion des Juifs
de la fonction publique
1934 - Nuit des Longs Couteaux (29-30 juin) Lors de la Nuit des Longs Couteaux, qui fera de 150 à 200 morts,
- À la mort de Hindenburg, Hitler se proclame Reichsführer*. Hitler élimine les cadres des SA*, soupçonnés d’organiser un coup
- Les Juifs sont exclus des forces armées. d’État.
1935 - Lois antisémites* de Nuremberg (→ 35/4)
1936 - La pratique de la médecine est interdite aux médecins juifs. La Rhénanie (rive est du Rhin) a été démilitarisée par le traité de
- Jeux Olympiques de Berlin Versailles. En mars 1936, Hitler y envoie 30 000 soldats allemands.
- Remilitarisation de la Rhénanie
- Axe Rome-Berlin ou alliance entre l’Allemagne et l’Italie Le « Plan de quatre ans » vise à préparer l’économie de l’Allemagne
- « Plan de quatre ans » à la guerre.
1937 - Ouverture du camp de concentration de Buchenwald

1938 - Loi sur l’internement des Tsiganes Lors de la Nuit de Cristal, les Juifs d’Allemagne sont victimes de
13 - Nuit de Cristal (9-10 novembre) violents pogroms* soi-disant spontanés, mais en réalité organisés
- Passeport des Juifs marqué de la lettre « J » par les nazis. La nuit se solde par de nombreux morts et quantité
15 - Élèves juifs exclus des écoles allemandes de destructions matérielles (synagogues incendiées, magasins
- Anschluss* ou annexion de l’Autriche (→ 129) détruits…). Une amende d’un milliard de marks est imposée aux
ERIOTSIH
- Conférence de Munich (→ 38/5) Juifs par les autorités pour les désordres et dégâts dont ils ont
- Annexion du territoire des Sudètes (→ 38/9) pourtant été victimes.
33-34 1939 - Interdiction aux Juifs de diriger une entreprise De 1939 à 1941, 70 273 malades ou handicapés mentaux sont
- Pacte germano-soviétique (→ 38/12) euthanasiés, à l’insu de leurs familles. Ce programme s’ébruite
36 - « Pacte d’Acier », alliance offensive entre l’Allemagne et l’Italie pourtant et, en 1941, Hitler est contraint de faire marche arrière
- Invasion de la Pologne (1er septembre) face à la vague d’opposition qu’il suscite, entre autres au sein de
- Annexion de la Bohème-Moravie (→ 38/9) l’Église catholique.
- Port obligatoire d’un brassard marqué de l’étoile de David ou
étoile jaune pour les Juifs de Pologne
82 - Début de la « politique d’euthanasie » visant à l’élimination
physique des personnes handicapées
- Autorisation de castrer des prisonniers homosexuels

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1940 - Ouverture du premier ghetto* à Lodz en Pologne, puis à Varsovie Le ghetto* de Lodtz comptait environ 150 000 personnes ;
- Ouverture du camp de concentration d’Auschwitz (→ 20/1) 500 000 Juifs passeront par celui de Varsovie.
1941 - Port de l’étoile jaune obligatoire pour tous les Juifs du Reich*
- Début des interventions des Einsatzgruppen* sur le front de l’Est
- Décision d’organiser la Solution finale*
- Ouverture d’un second camp à Auschwitz (→ 20/1)
1942 - Conférence de Wannsee Cette conférence organise, au plan technique et économique,
- Premières exécutions de Juifs par gazage, à Auschwitz (→ 20) l’extermination des Juifs.
1944 - Coup d’État manqué organisé par le colonel von Stauffenberg
contre Hitler (20 juillet)
1945 - Suicide de Hitler à Berlin (30 avril 1945)
- Capitulation du Reich* (8 mai 1945)

L’Allemagne nazie (1939-1945) : quelques repères

2 Montage de photographies extraites du film de Léni RIEFENSTAHL, Triomphe de la volonté, 1934, dans l’IIlustrieter Film Kurrier,
numéro spécial, automne 1935

87

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Documents 35 En 1934, je fis, durant les vacances d’été, mon premier séjour puis, on ne sait jamais à qui se fier. » (...) Nous avions (...) des
en Allemagne, invité par la famille de mon correspondant (…) discussions à la maison, parfois sur des sujets politiques : son
3 Günter. (…) Il m’a dit : « Il faut que je te dise, je suis membre père, alors, laissait cours à son amertume et son désespoir.
de la jeunesse hitlérienne (…). » Je connaissais, chez les (...) Les impressions que j’ai ramenées du Brandebourg2
Français, les scouts, mais la Hitlerjugend1 était différente et, m’ont montré un peu de l’envers du décor : des jeunes qui
surtout, il y avait, à la fois spontané et dirigé, un plaisir à refusaient le nazisme, des familles retirées à la campagne
défiler ensemble, (...) un enthousiasme à chanter ensemble. dans une atmosphère de crainte et d’oppression, vivant dans
(...) Et tout cela faisait une atmosphère toute nouvelle pour leur pays comme des étrangers. (...)
moi, totalement inconnue : c’était comme un enivrement (...),
1
Jeunesses hitlériennes ou mouvement de jeunesse fondé par le Parti
quelque chose qui attirait, mais semblait redoutable, comme
Nazi en 1926 : rassemblant progressivement tous les mouvements
un mythe redevenu vivant. de jeunesse existant, il se donne pour but l’éducation politique et
En 1935, j’ai passé une partie de l’été (...) dans une [autre] physique des jeunes. En 1936, l’entrée dans la Hitlerjugend est rendue
famille qui avait dû quitter la Saxe en 1933. Le père était obligatoire pour tous les garçons et filles, de 6 à 18 ans. À 10 ans,
un ancien directeur d’école. Social-démocrate et adepte de ceux-ci prêtent le serment suivant : « En présence de cet étendard de
sang, qui représente notre Führer*, je jure de consacrer toute mon
théories pédagogiques progressistes, il avait été chassé de énergie et toute ma force au sauveur de notre pays, Adolf Hitler. Je
son poste par les nazis et était parti pour le Brandebourg2 suis prêt à donne ma vie pour lui et je m’en remets à Dieu. » (Trad.
où il avait trouvé un emploi de garde forestier. (...) Eva, leur M. DUMOULIN)
2
fille, (...) était résolument hostile à la Hitlerjugend1. (...) Elle État fédéré de l’Allemagne, il entoure la ville de Berlin.
me disait : « Ce pays est effrayant, j’ai beaucoup de mal à
Pierre GRAPPIN, Souvenirs des années 1934-1938 (D’après E. FRANÇOIS, Un
rester en rapport avec mes anciens amis depuis 1933, et étudiant français en Allemagne, dans L’Histoire, n° 118, janvier 1989, p. 85)

4 Pénétré de la conscience que la pureté du sang allemand est la prémisse de la perpétuation du


peuple allemand (…), le Reichstag* a adopté à l’unanimité la loi suivante (…) :
1. Les mariages entre Juifs et citoyens de sang allemand ou assimilé sont interdits. (…)
2. Le rapport extra-marital entre Juifs et citoyens de sang allemand ou assimilé est interdit.
3. Les Juifs ne peuvent pas utiliser au service de leur ménage des femmes de sang allemand ou
assimilé âgées de moins de 45 ans.
4. Il est interdit aux Juifs de pavoiser aux couleurs allemandes nationales. Par contre, ils peuvent
pavoiser aux couleurs juives (…).
Loi pour la protection du sang et de l’honneur allemand, Nuremberg, 15 septembre 1935 (D’après L. POLIAKOV, Le bréviaire
de la haine, Le IIIe Reich et les Juifs, rééd., Bruxelles, Complexe, 1987, p. 5)

5 Art. 11 - Les délinquants suivants, considérés comme agitateurs, seront pendus : quiconque (…) fait
de la politique, tient des discours ou des réunions de provocation, forme des cliques, se rassemble
avec les autres détenus ; quiconque [agit] dans le but de fournir à la propagande adverse des récits
d’atrocités, recueille des renseignements, vrais ou faux, sur le camp de concentration, en discute
avec les autres, les fait parvenir hors du camp (…).
Art. 12 - Les délinquants suivants, considérés comme mutins, seront abattus sur-le-champ ou
pendus par la suite : quiconque se sera livré à des voies de fait sur la personne d’un garde ou d’un
SS*, aura refusé d’obéir ou de travailler en corvée (…), aura protesté, crié, provoqué ou tenu des
discours tout en marchant ou sur les lieux de travail.
Règlement du camp de concentration de Dachau, 1er novembre 1933 (D’après W. SHIRER, Le IIIe Reich : des origines à la
chute, Paris, Stock, 1965, p. 297)

6
Situation économique et sociale de l’Allemagne entre 1928 et 1939
(D’après J.-M. LAMBIN [dir], Histoire 1re, Paris, Hachette Éducation, 2003, p. 276)

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Dessin d’Elvira BAUER dans son livre pour enfants, Ne te fie pas au
7 renard de la plaine, pas plus qu’au serment d’un juif, Nuremberg, 8 J’estime nécessaire de publier une ordonnance interdisant aux Juifs de fréquenter
Stürmer Verlag, 1936 les théâtres, les cinémas et les cirques allemands. La situation actuelle nous le
permet. Les théâtres sont remplis de toute manière : c’est à peine si on y trouve de
la place. Je suis d’avis qu’il n’est pas possible de permettre aux Juifs de s’asseoir aux
côtés des Allemands dans les salles. (…)
De plus, il faut qu’ils disparaissent partout de la circulation publique, car ils exercent
un effet provocateur. Il est par exemple encore possible aujourd’hui qu’un Juif utilise
le même compartiment de wagon-lit qu’un Allemand. Une ordonnance devrait être
publiée par le ministre des Communications, introduisant des compartiments pour
les Juifs, qui ne seraient mis à leur disposition que lorsque tous les Allemands sont
assis, et sans qu’ils puissent se mélanger à eux. S’il n’y a pas assez de place, ils
doivent rester debout dans le couloir. (…)
Finalement, il faut s’occuper de ceci : il se présente aujourd’hui encore des cas
où les enfants juifs vont dans les écoles allemandes. J’estime qu’il est impossible
que mon garçon soit assis à côté d’un Juif dans un lycée allemand et se voie
enseigner l’Histoire allemande. Il est absolument indispensable d’éloigner les Juifs
des écoles allemandes, et de les laisser se charger eux-mêmes d’élever dans leurs
communautés leurs enfants.
Joseph GOEBBELS, déclaration au Conseil des ministres, Berlin, 12 novembre 1938 (D’après
L. POLIAKOV, Le bréviaire de la haine, Le IIIe Reich et les Juifs, rééd., Bruxelles, Complexe, 1987, p. 23-24)

9 Un aliéné coûte quotidiennement 4 marks, un invalide 5,5 marks, un criminel 3 marks. 11 Affiche allemande, 1936
Dans beaucoup de cas, un fonctionnaire ne touche que 4 marks, un employé 3,65 marks,
un apprenti 2 marks. Faites un graphique avec ces chiffres.
D’après des estimations prudentes, il y a en Allemagne environ 300 000 aliénés et
épileptiques dans les asiles. Calculez combien coûtent annuellement ces 300 000 aliénés
et épileptiques. Combien de prêts aux jeunes ménages à 1000 marks pourrait-on faire si
cet argent pouvait être économisé ?
Extrait d’un manuel scolaire nazi, sans date (D’après A. GROSSER, Dix leçons sur le nazisme, Paris, Fayard,
1976, p. 94)

10 La grande masse d’un peuple est peu accessible aux idées abstraites. On l’empoignera
plus facilement dans le domaine des sentiments et c’est là que se trouvent les ressorts
secrets de ses réactions, soit positives, soit négatives. (...)
La faculté d’assimilation de la grande masse n’est que très restreinte, son entendement
petit ; par contre, son manque de mémoire est grand. Donc toute propagande efficace
doit se limiter à des points fort peu nombreux et les faire valoir à coups de formules
stéréotypées. (...) La masse n’ouvrira sa mémoire qu’après la répétition mille fois
renouvelée des notions les plus simples. (...) Si vous mentez, que vos mensonges soient
énormes. (...)
Du plus grand des mensonges, l’on croit toujours une certaine partie. (...) Véhémence,
passion et fanatisme, voilà cette forte attraction magnétique qui ne peut s’exercer sur
la masse que par l’emprise de grandes idées, cette force de conviction que donnent,
seules, la foi absolue en ses principes et la résolution fanatique de les faire triompher. (...)
Seule une tempête de passion brûlante peut changer le destin des peuples ; mais seul
peut provoquer la passion celui-là qui la porte en lui-même.
A. HITLER, Mein Kampf, Munich, Eher-Verlag, 1925 (D’après A. BULLOCK, Hitler, I, Verviers, Éd. Gérard, 1962,
p. 32, 58-60) Sur l’affiche, on peut lire : « Toute l’Allemagne écoute
le Führer* avec le récepteur radio populaire. »

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Documents 36 L’art dans les régimes totalitaires
Le fascisme*, le nazisme et le stalinisme ont mis l’art à leur service. Quelles formes d’expression artistique
sont ainsi embrigadées ? Quels objectifs les dirigeants de ces régimes totalitaires* poursuivent-ils ?
Quelles sont les caractéristiques esthétiques de ces œuvres d’art ?

Albert SPEER, pavillon


de l’Allemagne,
Exposition universelle
de Paris, 1937

Véra MOUKHINA, L’ouvrier et


la kolkhozienne*, surmontant
le pavillon soviétique de
l’Exposition universelle de
Paris, 1937

3 Que veut l’exposition de l’art dégénéré ? Elle veut faire apparaître la dégénérescence de la culture de ces dernières années
qui ont précédé le grand changement. (…) Elle prétend que cet art est une atteinte préméditée à l’évolution de la création
artistique. Elle montre que l’anarchie politique et l’anarchie culturelle ont une racine commune. L’art dégénéré est celui
du bolchevisme* et l’exposition veut le prouver. (…) L’exposition veut montrer combien l’activité artistique menée par
les porte-parole juifs et bolcheviques* était dangereuse. (…) L’exposition veut aider les Allemands qui n’ont pas suivi les
Juifs et les bolcheviks*, à mener une vie saine et honnête. L’exposition s’oppose à ce que dorénavant ces bandes dirigent
encore l’art et soient à la tête de ce qui se fait.
Introduction du catalogue de l’exposition itinérante sur l’« art dégénéré », Munich, 1937 (D’après A. GUYOT et P. RESTELLINI, L’art nazi, un art de
32-33 propagande, Bruxelles, Complexe, 1996, p. 62)

35

4 Comparé aux autres arts, (…) le cinéma, par sa faculté d’agir directement sur le sens poétique et l’affectivité – donc sur
tout ce qui n’est pas intellectuel – a, dans le domaine de la psychologie des masses et de la propagande, un effet pénétrant
82 et durable.
Déclaration de Fritz HIPPLER, 1934 (D’après F. COURTADE et P. CADARS, Histoire du cinéma nazi, Paris, Losfeld, 1972, p. 24)

90

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5 Le vendredi noir des musées allemands a commencé (…) le cinq mille œuvres jugées « non exploitables » avaient été brûlées dans une
30 juin [1939] à (…) Lucerne. C’est là, au cœur de la Suisse neutre et caserne de pompiers de Berlin le 20 mars [1939] (…).
affairiste, que s’est déroulée (…) la vente aux enchères des « peintures et
1
Peintre français, chef de file du fauvisme, un des courants fondateurs de l’art moderne au
sculptures de maîtres modernes provenant des musées allemands ». Ce
début du XXe siècle
titre (…) cachait une sinistre braderie au profit de l’Allemagne nazie de l’art 2
Voir la notice biographique en fin de manuel
que Hitler, depuis son accession au pouvoir en 1933, déclare « dégénéré ». 3
Voir la notice biographique en fin de manuel
(…) Outre les incontestables phares étrangers – Matisse1, Picasso2, Chagall3, 4
Peintre hollandais influencé par l’impressionnisme et l’expressionnisme, il compte parmi
Van Gogh4, Ensor5 –, la vente leur proposait les grands de l’avant-garde les peintres novateurs de la fin du XIXe siècle.
5
Peintre et graveur belge ; un des initiateurs de l’expressionnisme à la fin du XIXe siècle,
allemande (…). Il y a dans cette vente quelque chose de douloureux, même il demeure très actif durant l’entre-deux-guerres et est l’auteur d’œuvres novatrices et
si l’on peut voir dans la conduite des acheteurs un acte de sauvegarde du originales.
patrimoine artistique allemand, soustrait à la barbarie nazie. Et l’on peut
déplorer que leur avidité ait été telle qu’aucun d’eux n’ait obéi aux appels Jean-Louis FERRIER, L’aventure de l’art au XXe siècle, Paris, Chêne-Hachette, 1988,
de boycott lancés par les artistes allemands en exil. Plus grave encore : (…) p. 376-377

6 Au début de l’année 1939, Hitler essaya de justifier devant les ouvriers du cette architecture (…) devait magnifier son œuvre, sublimer la conscience
bâtiment le gigantisme de son style architectural par ces mots : « Pourquoi qu’il avait de sa propre valeur. L’érection de ces monuments devait servir à
toujours bâtir le plus grand possible ? Je le fais pour redonner à chaque annoncer ses prétentions au règne universel, bien avant qu’il n’ait osé en
Allemand en particulier une confiance en soi. Pour dire à chaque individu confier la pensée à ses plus proches collaborateurs.
dans cent domaines différents : nous ne sommes pas inférieurs, nous
sommes au contraire absolument égaux aux autres peuples. » (…) Quand Albert SPEER, Au cœur du IIIe Reich, 1969 (D’après M. BROTTIER [trad.], Coll. « Les grandes
études contemporaines », Paris, Fayard, 1971, p. 100)
(…) Hitler revendiquait le droit de dépasser les normes habituelles de
l’architecture, il n’allait pas jusqu’au fond de sa pensée ; il n’avouait pas que

Adolf WISSEL, Famille de paysans de Alfredo Gauro AMBROSI, Benito Mussolini


7 Kalenberg, 1939 (Collection de l’État
8
sur fond de forum impérial, 1938
allemand) (Collection privée)

9
Lev ROUDNEV, Université
Lomonossov, Moscou, 1945-1953

91

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Documents 37 La Belgique dans les années 1930
Après 1929, la crise née aux États-Unis s’étend à l’Europe. Quelles en sont les conséquences sociales et
politiques en Belgique ? Quelles solutions sont proposées ?

1 Années Nombre de Nombre de Nombre de 2 Années Salaire


grèves grévistes chômeurs nominal
(en octobre)
1929 165 57 094 17 221 1929 100

1930 93 64 178 72 126 1930 108

1931 73 22 872 207 378 1931 101


Le montant du salaire ou
1932 63 161 442 328 680 1932 92 salaire nominal est relevé
1933 90 après la grève générale
1933 86 34 509 291 176 de 1936. Mais le salaire
1934 79 33 638 326 790 1934 86 réel, c’est-à-dire le pouvoir
1935 82 d’achat qu’il offre, diminue,
1935 150 98 543 226 050 vu l’augmentation de
1936 999 560 716 175 607 1936 88 la pression fiscale, la
1937 99 suppression de diverses
1937 209 81 544 173 497
primes en raison de la
1938 126 32 338 280 674 1938 105 crise, et l’augmentation
1939 106 des loyers qui passent de
1939 68 42 598 305 797
11 l’indice 100 à l’indice 180
Grèves, grévistes et chômeurs en Belgique (1929-1939) Évolution des salaires entre 1929 et 1931.
(D’après Les années 30 en Belgique. La séduction des masses, Bruxelles, nominaux en Belgique entre
CGER, 1994, p. 144, 166) 1929 (indice 100) et 1939
(D’après L’industrie en Belgique.
Deux siècles d’évolution.
3
13
1780-1980, Bruxelles, Crédit
ERIOTSIH
communal, 1981, p. 191)

Suite à la mort de deux propagandistes


électoraux du Parti Socialiste à Anvers, une
30 grève spontanée éclate le 23 mai, dans le 3 Les mineurs engagent la lutte pour la défense du pain.
secteur des transports. Le 5 juin, elle s’étend 7 puits, plus de 5000 mineurs déclenchent la grève à la Batterie1, ils ont occupé
33 aux dockers et aux mineurs du bassin le carreau des mines pendant 13 heures. (…) Les grévistes étaient décidés à
liégeois. Le 13 juin, les syndicats socialistes la lutte jusqu’à la victoire, s’inspirant de l’exemple des travailleurs de France
41 et chrétiens signent un programme commun qui, par l’occupation des usines dans le calme, ont arraché au patronat des
de revendications. Le lendemain, la grève augmentations de salaires de 10 %, la semaine des 40 heures, des congés
66 s’étend à tous les secteurs, y compris les payés et la suppression des amendes. (…)
services publics. Le 17 juin, le Premier ministre Les mineurs en grève de Liège réclament des augmentations de salaires variant
Van Zeeland réunit les représentants patronaux de 15 % à 20 %, la semaine de 40 heures, la suppression des amendes, les
et les délégués des syndicalistes au sein de congés payés, et la pension à 50 ans. (…)
la première conférence nationale du travail. Vive le Front Unique. Vive l’Unité Syndicale. Vive la Lutte des Mineurs.
80 Elle débouche sur un accord qui octroie aux
travailleurs des vacances annuelles, la semaine 1
Charbonnage de Liège dont le siège social était situé rue Vivegnis
104 de travail de 40 heures, mais seulement dans
les industries insalubres, et une augmentation Tract de la Fédération liégeoise du Parti Communiste, juin 1936 (D’après Les années 30 en
de leur salaire. Le travail reprendra Belgique. La séduction des masses, Bruxelles, CGER, p. 112)
progressivement à partir du 24 juin.

92

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4 L’objet de ce plan est une transformation économique et politique du pays qui consiste :
1er À instaurer un régime d’économie mixte comprenant à côté du secteur privé un secteur nationalisé qui
englobe l’organisation du crédit et les principales industries déjà monopolisées en fait.
2e À soumettre l’économie nationale ainsi réorganisée à des directives d’intérêt général tendant à
l’élargissement du marché intérieur en vue de résorber le chômage et de créer les conditions d’une
prospérité économique accrue.
3e À réaliser (…) une réforme de l’État et du régime parlementaire qui crée les bases d’une véritable Le Plan ddu Travail a été élaboré par le
socialiste Henri De Man et adopté par le
démocratie économique et sociale.
POB en 1933. À partir de 1935, il inspirera la
En vue de susciter la reprise (...), l’État prendra les mesures nécessaires pour influencer la conjoncture au
politique des Gouvernements Van Zeeland
maximum (...). Notamment :
au sein duquel De Man est ministre des
- une politique de l’épargne tendant à la sécurité des placements (…) ; Travaux publics et de la Résorption du
- une politique de crédit (…) favorisant les branches de l’économie qu’il conviendra de développer (…) ; Chômage. Ces Gouvernements procèdent
- une politique (…) tendant à la réduction de la durée du travail et à la normalisation des salaires par à une importante dévaluation* de 28 %
l’établissement d’un régime contractuel1 ; reconnaissance syndicale, commissions paritaires2, du franc belge. Puis, ayant obtenu du
conventions collectives3, minimum de salaire (…) ; Parlement les pouvoirs spéciaux*, ils
- l’intégration étroite du Congo à l’économie nationale nouvelle4. gouvernent par arrêtés royaux*. Les
L’application de ces mesures sera orientée vers : mesures qu’ils prennent ainsi concernent
a) une plus large satisfaction des besoins de première nécessité (…) ; l’emploi (création de l’Office national du
b) l’accroissement du confort par la construction de nouvelles habitations (…) ; Placement et du Chômage), la prolongation
c) l’amélioration de l’outillage économique (…) ; de la scolarité jusqu’à 14 ans, le contrôle du
d) le progrès de l’enseignement en vue de l’élévation de l’âge scolaire, de l’apprentissage et du crédit (création de la Commission bancaire),
réapprentissage, et de la formation d’un corps d’élite d’ingénieurs, de techniciens, de médecins, l’accès à la propriété (création de l’Office
d’auxiliaires sociaux, d’éducateurs, etc. (...) central de Crédit hypothécaire), les salaires
dans la fonction publique… Ils poursuivent
1
Régime de travail par contrat, par lequel le travailleur s’engage, contre rémunération, à mettre son activité au service de aussi la politique inaugurée, dès le début
l’employeur des années 1930, par la création du Fonds
2
Commissions composées de représentants des travailleurs et du patronat et réunies sous la présidence d’un représentant de des Grands Travaux et du Fonds des Routes
l’État et qui vise à développer l’emploi tout en
3
Accords conclus entre les organisations syndicales et patronales modernisant les infrastructures. On assiste
4
C’est-à-dire le « régime d’économie mixte » dont il est question à l’art. 1er ainsi à la poursuite du creusement du canal
Albert, à la relance de la jonction Nord-Midi
Résumé du Plan du Travail publié sous forme de tract par la société coopérative d’édition La Presse Socialiste, janvier 1934 (D’après
M. DUMOULIN et D. MALOENS, De 1917 à nos jours, Coll. « Racines du futur », nouv. éd., Namur, Didier Hatier, 2000, p. 50) à Bruxelles et à l’élaboration du programme
autoroutier.

5 1929 1932 1936 1939 6 Gouvernements et Composition Date de


Premiers ministres nomination
Parti Catholique 76 79 63 73
Jaspar II Catholiques et libéraux 22/11/1927
Parti Libéral 28 24 23 33
Renkin Catholiques et libéraux 5/06/1931
Parti Ouvrier 70 73 70 64 de Broqueville Catholiques et libéraux 22/10/1932
Belge
Theunis II Catholiques et libéraux 20/11/1934
Vlaams Nationaal 11 8 16 17
Mis à part les van Zeeland I Catholiques, libéraux et socialistes 25/03/1935
Verbond
Gouvernements
van Zeeland II Catholiques, libéraux et socialistes 15/06/1936
Parti Communiste 1 3 9 9 Janson et
belge Spaak, dirigés Janson Libéraux, catholiques et socialistes 23/11/1937
respectivement Spaak Socialistes, catholiques et libéraux 15/05/1938
Parti Rexiste - - 21 4
par un Premier
Pierlot I Catholiques et socialistes 21/02/1939
Autres 1 - - 2 ministre libéral
et socialiste, Pierlot II Catholiques et libéraux 18/04/1939
Total 187 187 202 202
tous les autres Pierlot III Catholiques, socialistes et libéraux 3/09/1939 –
Évolution du nombre de sièges des partis présents à la
Gouvernements 09/1944
Chambre des représentants en Belgique entre 1929 et sont présidés par
1940 (D’après Les années 30 en Belgique. La séduction des un catholique. Les Gouvernements en Belgique, 1927-1944 (D’après X. MABILLE, Histoire politique
masses, Bruxelles, CGER, p. 83) de la Belgique, 1re éd., Bruxelles, CRISP, 1986, p. 228)

93

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Documents 37 7 REX1 veut (…) la transformation du Parti Catholique, à nous de rejoindre ensuite les masses qui nous attendent
purifié, libéré et discipliné en une grande force populaire et depuis longtemps et cela par une propagande immense,
nationale, appuyée sur la majorité des citoyens. (…) imagée, fraternelle.
Le régime nouveau naîtra du peuple et s’appuiera sur
1
le peuple. (…) Ainsi notre conquête à nous, rexistes, Nom du mouvement fondé par Léon Degrelle en novembre 1935.
Auparavant, « Rex » était le nom de la Société coopérative d’Édition
devra-t-elle très vite dépasser les limites du vieux Parti
de l’Action catholique de la Jeunesse de Belgique fondée en 1933.
Catholique. (…) À nous, rexistes, de faire d’abord au sein
du Parti Catholique – le premier à notre portée – une Léon DEGRELLE, Des querelles de parti au Front populaire, Louvain, Rex,
révolution complète, en nettoyant les galeux, en réveillant 28 juin 1935, p. 19 (D’après G. F. di MURO, Léon Degrelle et l’aventure
les engourdis, en rallumant les vertus, en rétablissant rexiste, Bruxelles, Luc Pire, 2005, p. 71-73)
l’autorité, l’unité et la discipline nécessaire à l’action ;

8 WILCHAR (d’après une affiche de CABROL), affiche électorale,


mai 1936 (Bruxelles, Archives de la Ville)

PALU, dessin, dans


Je suis Partout, n° 309,
9 Paris, 24 octobre 1936,
p. 7

Affiche électorale, 1937


10 (Bruxelles, Archives de la Ville)

11 Nous devons avoir notre propre programme qui nous Le frontisme (Frontbeweging) est un mouvement flamand créé
unisse et ne nous permette pas de retomber vers les en 1917 par des intellectuels flamingants, sous les armes. Ils
anciens partis belges. (…) Nous voulons au besoin un dénoncent la présence d’une majorité de francophones dans
Gouvernement fort détenant les pleins pouvoirs, bien les rangs des officiers et le non-respect de la loi de 1914 sur
que nous ne rendrions pas ce point de vue public (…). l’usage du néerlandais à l’armée. Ils revendiquent aussi, pour
Si nous devenons les maîtres, nous ne laisserons aucun l’après-guerre, la flamandisation de la vie publique en Flandre
pouvoir aux fransquillons. Les partis doivent disparaître : et plus d’autonomie pour la Flandre au sein de la Belgique. Ce
d’abord le Parti Catholique mais aussi le socialisme, qui mouvement sera interdit par les autorités militaires. En 1919,
s’effondrera en faveur d’un syndicalisme national. il se transforme en un parti. Conduit par Staf De Clercq, il
milite, à partir de 1922, pour l’autonomie administrative de la
Staf De CLERCQ, déclaration à la direction du Parti Frontiste, Flandre (« Alles voor Vlaanderen »). Après son échec électoral
25 février 1934 (D’après L. WILS, Histoire des nations belges, Ottignies, de 1932, la plupart de ses adhérents rallieront le VNV, créé
Quorum, 1996, p. 231)
par Staf De Clercq en 1933.

94

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12 [Mais] où pourrait-il y avoir de la place disponible pour les étrangers sur notre marché 13 Attention aux Juifs. Où va-t-on déverser les fuyards de
du travail ? Actuellement, il y a officiellement 280 000 chômeurs. Chaque étranger à Vienne ? Où on voudra mais pas chez nous ! (…) Nous ne
qui l’on propose du travail prend ou prive un travailleur de notre propre communauté laisserons pas ce flot de boueux s’étaler sur nos terres
d’une opportunité d’emploi. (...) Dans les entreprises moyennes, surtout ces dernières (…). Nous avons déjà à mettre au pas, en Belgique,
semaines, on peut constater les effets de la politique gouvernementale laxiste en un certain nombre de Juifs qui dépassent la décence.
matière d’immigration et le développement d’une pénétration étrangère qui a abouti Ils se croient chez nous en pays conquis. Les classes
à une véritable attaque des Juifs par surprise. Le ressentiment augmente dans les moyennes souffrent très durement de leurs manœuvres
grandes villes et ailleurs : l’assaut juif progresse jusque dans les régions minières malhonnêtes.
du Limbourg. (…)
Léon DEGRELLE, dans Le Pays réel, Bruxelles, 24 septembre 1937,
Gérard ROMSEE, La question immigrée, dans Volk en Staat, décembre 1938 (D’après H. GIJSELS, p. 2 (D’après G.F. di MURO, Léon Degrelle et l’aventure rexiste,
Le Vlaams Blok, Bruxelles, Luc Pire, 1993, p. 178) Bruxelles, Luc Pire, 2005, p. 110)

14 Nous voici face à face, Rexistes de la Belgique nouvelle et vous, Italiens populaire et fort qui balayera (…) les partis, (…) qui dotera la Belgique de
de Mussolini, en pleine résurrection nationale, ayant retrouvé vos vertus, corporations dégagées de la peste politicienne (…). Nous mettrons fin à la
ayant recréé la communauté de votre peuple (…). Vous étiez livrés, avant tyrannie de l’hypercapitalisme (…). Unissons-nous pour arrêter la barbarie.
que le Duce* ne vous rassemblât, à l’anarchie marxiste et à la lâcheté (…)
du libéralisme bourgeois. (…) Vous avez fait les premiers de l’Europe la
Léon DEGRELLE, discours radiodiffusé le 7 janvier 1937 en Italie et publié dans Le Pays
révolution populaire (…). Nous, rexistes, (…) notre action est exactement
réel, Bruxelles, 8 septembre1937, p. 3 (D’après G.F. di MURO, Léon Degrelle et l’aventure
adaptée à l’âme de notre pays (…). Nous recréerons pour lui un État rexiste, Bruxelles, Luc Pire, 2005, p. 136)

En 1937, Léon Degrelle demande aux parlementaires rexistes bruxellois de


15 Il convient cependant, pour tous ceux qui ne sont pas démissionner. Il provoque ainsi, le 11 avril 1937, une élection partielle, et espère
encore disposés à se chausser de bottes et s’affubler d’une augmenter sa popularité et le nombre de sièges de son parti. Pour empêcher une
chemise de couleur – rouge ou brune –, il convient de ne victoire de Degrelle, les trois partis traditionnels et les communistes soutiennent la
pas se laisser manœuvrer. De quoi s’agit-il… ? Bien plus candidature unique du Premier ministre catholique Van Zeeland. La campagne est
qu’entre deux hommes, de choisir entre deux systèmes. virulente. Le cardinal Van Roey prend position ouvertement contre Léon Degrelle.
De dire si l’on veut conserver un régime de libre opinion, Van Zeeland l’emporte à une écrasante majorité.
avec à sa tête un roi constitutionnel*, avec l’égalité de
tous devant la loi, la possibilité pour tous d’exprimer ses
opinions, de se réunir, de s’associer ; avec le respect des 16 Photographie prise lors du 5e congrès du Verdinaso, Sint-Kruis-Male, 9 août 1936 (Anvers, AVDN)
minorités, la garantie de la liberté individuelle (…). Ou
d’affirmer que l’on préfère suivre un « Chef » – Duce* en Fondé en 1931 par Joris Van Severen, le
italien et, en allemand, Führer* – pour qui le roi deviendra Verdinaso (Verbond van Dietse Nationaal
désormais « Sa Majesté Superflue » : image pieuse clouée Solidaristen) est une formation politico-
à la porte de la maison, qui ne quittera le pouvoir que « les militaire de type fasciste. Il revendique
pieds devant » et régnera sur un pays d’où dorénavant, l’instauration du Dietschland ou pays
tous les partis – sauf un seul – seront exclus. (…) thiois, une terre flamande indépendante,
En présence de ce dilemme, l’hésitation n’est pas possible. entité à la fois culturelle et nationale,
Surtout pour un catholique pour qui (…) l’exemple hitlérien englobant Flandre et Pays-Bas. Son
drapeau est orné d’une charrue, d’une
constituerait une suffisante exhortation. Et qu’il ne s’arrête
roue et d’un glaive. Le texte correspond
pas au fait que les socialistes et les communistes aient
à la sixième strophe de l’hymne national
résolu de soutenir la candidature de M. Van Zeeland des Pays-Bas, le Wilhelmus :
« pour défendre la liberté menacée. » (…) Il dépend des « Ma force, ma défense,
catholiques et d’eux seuls que le pays ne se divise pas Seigneur, est dans ton bras.
en deux blocs également violents, également redoutables En Toi j’ai confiance,
pour l’existence de la nation. Ne m’abandonne pas.
Fais-moi, toute ma vie,
Marcel GRÉGOIRE, Le billet de l’architecte, dans La Cité chrétienne,
Rester ton serviteur,
20 mars 1937, n° 248, p. 289
Chasser la tyrannie
Qui m’a percé le cœur. »

95

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Documents 38 L’échec de la paix (1936-1939)
Vers la Seconde Guerre mondiale
Le 1er septembre 1939, l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie entraîne l’entrée en guerre de la
France et de la Grande-Bretagne, marquant le début de la Seconde Guerre mondiale sur le front européen.
Comment et pourquoi Hitler en est-il arrivé à agresser son voisin polonais ? Comment les démocraties
occidentales ont-elles réagi ?

1 La politique extérieure de l’État raciste doit assurer les moyens d’existence sur cette planète de la race que groupe l’État, en
établissant un rapport sain, viable et conforme aux lois naturelles entre le nombre et l’accroissement de la population d’une
part, l’étendue et la valeur du territoire d’autre part (…).
Si le mouvement national-socialiste veut réellement obtenir devant l’Histoire la consécration d’une grande mission en faveur
de notre peuple, il doit trouver le courage de rassembler notre peuple et sa puissance, pour le lancer sur la voie qui le sortira
de son étroit habitat actuel et le mènera vers de nouveaux territoires, le libérant ainsi à jamais du danger de disparaître de
cette terre ou de devenir l’esclave des autres. (…) Il doit avoir conscience de ce que, gardiens de la plus haute humanité
sur cette terre, nous avons aussi les plus hautes obligations ; et il pourra d’autant mieux y satisfaire qu’il aura davantage le
Hitler rédige souci de faire prendre conscience de sa race au peuple allemand (…). Les limites des États sont le fait des hommes et sont
ce livre en changées par eux. Le fait qu’un peuple a réussi à acquérir un territoire excessif ne confère nullement l’obligation supérieure
1923-1924, alors de l’admettre pour toujours. (…)
qu’il est en prison [Pour] nous autres nationaux-socialistes, (…) le droit au sol et à la terre peut devenir un devoir, lorsqu’un grand peuple paraît
suite à son voué à la ruine, à défaut d’extension. Et tout particulièrement quand il ne s’agit pas d’un quelconque petit peuple nègre,
coup d’État, mais de l’Allemagne, mère de toute vie, mère de toute la civilisation actuelle. L’Allemagne sera une puissance mondiale ou
manqué en 1923. bien elle ne sera pas. (…)
Adolf HITLER, Mein Kampf, Munich, Eher-Verlag, 1925 (D’après Paris, Les Nouvelles Éditions latines, 1934, p. 640-647)

13
ERIOTSIH 3 Affiche national-socialiste, 1938
2 (…) Nous sommes convaincus que contre le
danger de l’agression hitlérienne1, la France ne peut
trouver sa sécurité dans la course aux armements.
18 (…) Nous restons convaincus que la vraie sécurité,
la seule qui mérite ce nom, c’est celle qui empêche À partir de 1937, Hitler projette
la guerre, celle qui organise la paix contre la guerre. l’annexion de l’Autriche ou Anschluss*.
La vraie sécurité est créée par le désarmement Le 12 février 1938, le chancelier*
27
progressif, par le contrôle mutuel, par l’assistance autrichien reçoit de Hitler l’ordre de
mutuelle, par l’arbitrage, par l’ensemble des nommer Seyss-Inquart, chef du
conventions internationales. Parti National-Socialiste autrichien,
au poste de ministre de l’Intérieur.
1
Le 7 mars 1936, 30 000 soldats allemands ont pénétré dans Le chancelier* s’y opposant, Hitler
la zone démilitarisée de Rhénanie. proclame le rattachement de
82
l’Autriche au Reich*, le 13 mars, et
Léon BLUM, discours devant l’Assemblée nationale, Paris,
15 mars 1936 (D’après R. BENICHI et J. MATHIEX [dir], Histoire annexe l’Autriche militairement. Le
85
d’une guerre à l’autre. 1914-1939, Coll. « Classiques Hachette », 10 avril, il organise un référendum :
Paris, Hachette, 1982, p. 338) les Autrichiens ratifient l’annexion de
leur pays à une majorité de 99,7 %.

96

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4 Le réarmement intensif du Reich*, ainsi que l’accroissement correspondant des
En 1925, les accords de Locarno avaient abrogé le
forces militaires des autres pays, suivi de la réoccupation des territoires rhénans, ont
statut de neutralité imposé à la Belgique en 1839.
bouleversé l’équilibre des forces. La Belgique se trouve maintenant obligée par les
Fortement encouragée par le roi Léopold III, la
nécessités vitales de sa sécurité à songer uniquement à la défense de son territoire. Belgique se déclare à nouveau neutre sur le plan
Si elle prenait d’autres engagements plus larges, elle serait dans l’impossibilité international en juillet 1936. En 1937, cette politique
matérielle de les tenir (…). Il n’y a pas d’illusion à se faire : malgré les sacrifices les d’indépendance est garantie par Londres, Paris et
plus étendus que la Belgique s’est imposés et s’imposera encore à l’avenir, nous ne même Berlin ; le 24 avril, la France et l’Angleterre lui
pourrions résister à une attaque en masse de l’Allemagne que le temps nécessaire assurent leur aide en cas d’invasion ; le 13 octobre,
pour permettre l’arrivée des renforts anglais et français. (…) l’Allemagne promet de respecter son intégrité.
Opinion du baron Pierre VAN ZUYLEN, 19 août 1936 (D’après L.Th. MAES et R. VAN SANTBERGEN [dir.],
Documents d’Histoire de Belgique, II, Coll. « Textes et Documents-Idées et Études », Bruxelles,
Ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au Développement,
1978, p. 187)

5 BOGISLAS, Armistice 1938, caricature, dans L’Humanité, 29 septembre 1938

L’Humanité est un journal communiste français. La légende


accompagnant la caricature précise : « Maintenant, il s’agit de
ranimer la flamme du calumet de la paix sans faire sauter
la maison !... » Le 26 septembre 1938, Hitler réclame le
rattachement au Reich* des Allemands de Bohème, les
Sudètes. Les Tchèques se mobilisent, ainsi que la France, leur
alliée. Mussolini, Chamberlain, Hitler et Daladier (de gauche à
droite sur la caricature) se réunissent à Munich, les 29 et
30 septembre. Les Tchèques n’ont pas été invités. L’accord
impose à l’armée tchécoslovaque d’évacuer le territoire des
Sudètes en 10 jours et prévoit l’occupation progressive
de ce territoire par les troupes du Reich*.

6 N’est-il pas effroyable, fantastique, inouï, que nous soyons en train de creuser des abris (…) à cause d’une querelle surgie dans un pays
lointain, entre des gens dont nous ne connaissons rien ! (...).
Je n’hésiterais pas à entreprendre un troisième voyage en Allemagne si je pensais qu’il puisse être de quelque utilité (…). Quelle que
soit notre sympathie pour une petite nation aux prises avec un grand et puissant voisin, nous ne pouvons, en toute circonstance, nous
engager à entraîner l’Empire britannique tout entier dans une guerre, uniquement à cause d’elle. Si nous devions nous battre, il faudrait
que ce fût pour des causes plus importantes. (…)
Je suis pour ma part un homme pacifique, jusqu’au plus profond de mon âme. Un conflit armé entre nations m’apparaît comme
un cauchemar, mais, si j’avais la conviction qu’une nation quelconque a décidé de dominer le monde par la menace de la force,
j’estimerais que c’est un devoir de lui résister. Sous une telle domination, pour un peuple qui croit à la liberté, la vie ne vaudrait plus la
peine d’être vécue ; mais la guerre est une chose terrible et avant de nous lancer dans un conflit il nous faut avoir l’absolue certitude
que ce sont vraiment des problèmes essentiels qui sont en jeu (...).
Arthur Neville CHAMBERLAIN, discours radiodiffusé, 27 septembre 1938 (D’après W. L. SHIRER, Le troisième Reich. Des origines à la chute, I, Paris, Le Livre de
Poche, 1965, p. 533)

97

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Documents 38 7 Le partage de la Tchécoslovaquie, sous la pression de l’Angleterre et de la France, équivaut à une capitulation totale des
démocraties occidentales devant la menace des nazis d’employer la force. Un tel écroulement n’apportera ni la paix ni la
sécurité à l’Angleterre et à la France. Au contraire, il place ces deux nations dans une situation encore plus faible et plus
dangereuse. Le simple fait que la Tchécoslovaquie soit neutralisée entraîne la libération de 25 divisions allemandes, qui
pèseront sur le front occidental ; en outre, elle ouvre aux nazis triomphants la route de la mer Noire... (…). Croire que
l’on peut obtenir la sécurité en jetant un petit État en pâture aux loups est une illusion fatale. Ils ont eu le choix entre le
déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur. Et ils auront la guerre. (…)
Winston CHURCHILL, déclaration à la presse, 21 novembre 1938 (D’après http://www.cndp.fr, page consultée le 13 novembre 2007)

8 L’accord conclu le 29 septembre à Munich n’a pas été obtenus, de s’accorder quelque répit, de détendre les
accueilli en Allemagne avec moins de soulagement qu’en ressorts économiques et financiers (...). Mais nombreux
France et en Angleterre. sont également ceux qui proclament qu’il faut continuer
Le discours prononcé, le 26 septembre, par le chancelier*1 à aller de l’avant et à monnayer dans toute la mesure du
et les nouvelles concernant les mesures militaires prises possible la supériorité militaire dont le Reich* croit disposer
par la France et par l’Angleterre avaient mis le comble actuellement. (...)
à l’anxiété. Le chancelier*1 avait coupé les ponts. On À cet égard, la conférence de Munich doit être pour
n’imaginait pas qu’il pût reculer. On était obligé de constater nous un avertissement. Pour que l’accord (...) de Munich
que, contrairement à l’attente générale, les puissances puisse devenir le point de départ d’une réorganisation du
occidentales paraissaient résolues à affronter la guerre. continent sur des bases équitables, il est indispensable
Durant les journées des 27 et 28 septembre, on sentait que les démocraties occidentales tirent des événements
d’heure en heure approcher le cataclysme. Cet état d’esprit dramatiques de la semaine dernière la leçon qu’ils
se lisait sur le visage des Berlinois conviés, dans la soirée du comportent. Il est nécessaire que, tout en continuant à
28 septembre à entendre un discours du Dr Goebbels2 qui, affirmer leur volonté de paix et en ne négligeant aucun
suivant l’opinion généralement répandue, devait apporter la moyen d’entente avec les États autoritaires, elles éliminent
nouvelle de la mobilisation générale. (…) les causes de faiblesse intérieure, qu’elles comblent au
C’est certainement sans enthousiasme que le peuple plus vite les lacunes de leurs armements et qu’elles offrent
allemand aurait suivi son Führer* dans une guerre générale. à l’étranger le spectacle du travail, de la cohésion et de la
Si tel est le sentiment général qu’ont suscité dans le pays force.
les événements de ces derniers jours, il ne semble pas que,
1
Hitler
dans les cercles dirigeants du Reich*, on soit d’accord sur 2
Ministre de la Propagande et de l’Information du IIIe Reich*
la leçon à en tirer. À cet égard, on discerne, semble-t-il, deux
courants différents. André FRANCOIS-PONCET, lettre à Georges BONNET, ministre des Affaires
Les milieux les plus raisonnables (…) conseillent de étrangères, Berlin, le 4 octobre 1938 (D’après Le Livre jaune français.
se contenter, provisoirement du moins, des résultats Documents diplomatiques 1938-1939, Paris, Imprimerie nationale, 1939,
p. 17-19)

s
ète
Sud
9

Le démembrement de la Tchécoslovaquie
(D’après M. DUMOULIN et D. MALOENS, De 1918 à
nos jours, Coll. « Racines du futur », IV, Namur,
Didier Hatier, 2000, p. 74)

98

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10 Les transformations que vient de subir à nouveau, au profit du Reich*, 12 Voici l’analyse ainsi que la traduction des passages essentiels du
la carte de l’Europe se traduiront par une augmentation considérable discours prononcé par le chancelier*1 :
sinon de la force effective, du moins du potentiel de guerre du Reich*. « Depuis 1919 nous souffrons tous des tourments que nous inflige
(…) Plus importante est la quantité considérable de matériel de guerre, un problème posé par le diktat* de Versailles, problème dont les
d’excellente qualité, qui passe aux mains de l’Allemagne, en même effets étaient devenus intolérables. Dantzig a toujours été et est
temps que les usines Skoda. (…) Possesseur des usines Krupp et des une ville allemande ; le « corridor » a toujours été et est allemand.
établissements Skoda, le Reich* est désormais d’une façon incontestable L’un comme l’autre doivent leur développement culturel au peuple
le fournisseur de matériel de guerre le mieux placé pour approvisionner allemand. Dantzig a été séparé de l’Allemagne et le « corridor » a été
l’Europe orientale et sud-orientale. (…) D’autre part, les dirigeants de annexé. (…) C’est en vain que j’ai essayé de résoudre à l’amiable
l’économie du Reich* vont avoir maintenant à leur disposition une les questions d’Autriche, des Sudètes, de Bohême et de Moravie.
réserve considérable de main-d’œuvre. (…) Il est impossible que l’on prétende n’admettre que des révisions
Mais enfin et surtout, la position stratégique de l’Allemagne se trouve pacifiques et que l’on persiste à les repousser. Pour nous, le traité
considérablement améliorée. À la frontière tourmentée, longue de de Versailles n’a jamais eu force de loi ! (…)
plusieurs centaines de kilomètres, qui séparait la Tchécoslovaquie du Pendant la Guerre mondiale, l’Allemagne et la Russie ont lutté l’une
Reich*, est substituée une ligne beaucoup plus courte et de défense contre l’autre, et toutes deux ont été en définitive les victimes. Cela
facile qui joint l’Autriche à la Silésie. (…) En outre, les plateaux de ne se produira pas une seconde fois. Le pacte de non-agression
Bohême et de Moravie constituent une excellente base de départ, en et de consultation a été ratifié par Berlin et Moscou. À Moscou, le
particulier pour l’aviation, dont le rayon d’action s’étend désormais à pacte a été salué avec autant de satisfaction qu’en Allemagne. (…)
la majeure partie des Balkans, pour ne rien dire de la Hongrie ni de la Et maintenant voici notre but. Je suis fermement décidé à résoudre
Pologne. (…) la question de Dantzig [et] celle du “corridor”. Je veux que dans
Il est possible que demain le Reich* ait recours contre la Roumanie les relations entre l’Allemagne et la Pologne, il se produise un
ou la Pologne à la méthode qui lui a si bien réussi contre l’Autriche revirement qui rende possible une collaboration pacifique des deux
et la Tchécoslovaquie, et qu’il place ces pays devant l’alternative : peuples. (…) »
massacre des populations civiles et destructions des villes ouvertes, ou
1
Hitler
acceptation des conditions allemandes, si onéreuses et si humiliantes
qu’elles puissent être. Robert COULONDRE, dépêche à Georges BONNET, ministre des Affaires
étrangères, Berlin, 1er septembre 1939 (D’après Le Livre jaune français. Documents
Robert COULONDRE, dépêche à Georges BONNET, ministre des Affaires étrangères, diplomatiques 1938-1939, Paris, Imprimerie nationale, 1939, p. 373-375)
Berlin, 19 mars 1939 (D’après Le Livre jaune français. Documents diplomatiques 1938-
1939, Paris, Imprimerie nationale, 1939, p. 107-108)

11
13
Paul BARBIER, carte postale, 1939
Roger CHANCEL, La crucifixion, dessin,
dans Match, 28 septembre 1939

Le 24 août 1939, un pacte


de non-agression est signé
entre l’Allemagne et l’URSS.
Un protocole secret prévoit
le partage entre les deux
signataires de la Pologne et des
pays Baltes. Le 1er septembre,
la Pologne est envahie par les
Allemands. Les Soviétiques
l’envahissent par l’est,
le 17 septembre.

99

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Documents 39 Sur les ruines de l’Empire ottoman
En 1918, après la défaite de l’Empire ottoman, allié de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, toute la région
du Proche et du Moyen-Orient est à réorganiser. Quelles décisions les vainqueurs vont-ils prendre ?

Le Proche et le En 1920, le traité de Sèvres règle une première fois


Moyen-Orient le sort de l’Empire ottoman. Il prévoit de réduire
durant l’entre- considérablement le territoire de la Turquie, notamment
deux-guerres par la création d’un État kurde, d’un État arménien et
(D’après par l’octroi à la Grèce de régions côtières.
C. QUÉTEL [dir], Signé par le sultan, ce traité est rejeté par Mustafa
Histoire 1re, Paris,
Kemal, dit Atatürk. Officier supérieur de l’armée turque,
Bordas, 1988,
p. 285) ce dernier s’oppose au sultan qu’il juge impuissant à
défendre les intérêts de la Turquie et met sur pied à
Ankara, quelques mois avant la conclusion du traité,
un second Gouvernement, opposé à celui du sultan
installé, lui, à Istanbul. Au même moment, il doit faire
face à l’invasion de l’Anatolie par les troupes grecques,
qu’il finit par repousser en 1922. Il oblige également
les Arméniens à rendre plusieurs régions dont ils
s’étaient emparé. En 1922, le sultanat et le califat* sont
abolis et la république proclamée ; Mustafa Kemal est
élu président. Il obtient alors des Alliés l’abrogation
officielle du traité de Sèvres qui est remplacé par le
traité de Lausanne en 1923. Les signataires accordent
à la Turquie un territoire plus important que celui prévu
à Sèvres, renoncent à la création d’un État kurde et d’un
État arménien et confirment les mandats* que la SDN a
mis en place dans les autres régions qui composaient
l’Empire ottoman.

2 Cher Lord Rothschild1,


J’ai le plaisir de vous adresser, au nom du Gouvernement de Sa Majesté, la déclaration ci-dessous de sympathie à l’adresse
des aspirations sionistes*, déclaration soumise au [Conseil des ministres] et approuvée par lui.
« Le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple
juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait
4
qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au
statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays. »
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste*2.
1
Lord Lionel Walter Rothschild, banquier, vice-président du Board of Jewish Deputies, le conseil représentatif des Juifs britanniques
99 2
Créée en 1899, elle regroupe toutes les organisations sionistes* du pays.

100 Lettre ouverte d’Arthur James BALFOUR à Lord ROTHSCHILD, Londres, 2 novembre 1917 (D’après B. KHADER, L’Europe et la Palestine, des croisades à nos
jours, Louvain-la-Neuve, Academia Bruylant, 1999, p. 111)

100

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3 En vue de faciliter, à travers le monde et pour le bénéfice de tous les pays, l’approvisionnement permanent,
pour des buts industriels et commerciaux, de produits pétroliers (…) et ainsi, pour faciliter les relations
amicales et développer la prospérité de toutes les nations, les Gouvernements de France et de Grande-
Bretagne désirent prolonger la coopération qui, durant la guerre, a donné des résultats si satisfaisants. Ils se
sont donc entendus sur cette base : poursuivre une politique commune au Proche-Orient et dans les pays
voisins de la Méditerranée pour l’exploitation des différents champs pétrolifères. (...)
Dans le cas où le Gouvernement de Sa Majesté recevrait le mandat* sur la Mésopotamie1, il usera de ses
Ce projet servira de base à l’accord de
bons offices auprès du Gouvernement mésopotamien pour garantir l’octroi d’une concession* (…) [à] la
San Remo, signé en avril 1920. Il porte
Turkish Petroleum Company2 (...). La compagnie sera sous contrôle britannique permanent. (...)
la part de la France à 25 %. En 1927,
Les intérêts de la Turkish Petroleum2 seront ainsi partagés : intérêts britanniques, 70 % ; intérêts français, suite aux revendications des États-Unis,
20 % ; intérêts du Gouvernement de la Mésopotamie1, 10 %. (…) les compagnies pétrolières américaines
Le Gouvernement français facilitera par tous les moyens possibles et dès que cela sera possible, la reçoivent une part des actions* de
construction de deux pipe-lines séparés pour transporter le pétrole de la Mésopotamie1 et de la Perse vers la Turkish Petroleum Compagny. Au
la Méditerranée (…). même moment, l’accord dit « de la ligne
1
rouge » est signé : il établit, au sein de
Région du Moyen-Orient située à l’emplacement des bassins du Tigre et de l’Euphrate, elle correspond à l’Irak actuel.
2 l’ancien Empire ottoman, un périmètre
Compagnie pétrolière fondée en 1912 avec des capitaux ottomans, allemands, britanniques, américains et néerlandais, pour
exploiter le pétrole de la région de l’Irak actuel. Elle sera rebaptisée Iraq Petroleum Company en 1929. à l’intérieur duquel les compagnies
pétrolières s’engagent à remettre, à la
Projet d’accord franco-britannique, avril 1919 (D’après A. NOUSCHI, Luttes pétrolières au Proche-Orient, Paris, Flammarion, 1970, Turkish Petroleum Compagny, toutes les
p. 54-56) ressources pétrolières découvertes ou à
découvrir.

4 Le 3 mars 19241, la Turquie nouvelle a définitivement choisi sa voie, optant d’Occident à part entière, Kemal et ses collaborateurs sont déterminés à les
sans réserves pour l’Europe et ses valeurs occidentales. Mustafa Kemal, à réaliser. Ils les ont annoncées et pour les imposer, ils sont prêts, s’il le faut,
vrai dire, n’innovait pas réellement. Cela faisait près d’un siècle que la Turquie à employer la force.
(…) se préparait à cette révolution. (…) Avec la brutalité d’un Pierre le Grand2, De fait, les Turcs seront soumis à rude épreuve. En l’espace de quelques
le Ghazi3 a su, le moment venu, brusquer les choses et procéder à une années, il leur faudra s’arranger d’une accumulation étourdissante
véritable opération chirurgicale. d’innovations. Ils devront renoncer au port de vêtements orientaux (…) ;
L’abolition du califat*, la suppression des ministères des affaires religieuses renoncer à la polygamie (…) ; renoncer à leurs modes de vie, à leur manière
et des fondations pieuses, l’unification de l’enseignement sous l’égide de penser, à leur manière de sentir les choses.
d’un ministère pleinement laïque* ne représente qu’un avant-goût de ce
1
Jour du vote des lois abandonnant le califat* et laïcisant l’État turc
qui se trame à Ankara4. Le Gouvernement de la jeune république turque 2
Tsar de Russie, il modernisa son pays à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle par des
a déjà dans ses cartons toute une série d’autres projets : suppression des mesures parfois très autoritaires.
tribunaux religieux ; fermeture des couvents et mausolées ; interdiction du 3
« Le victorieux » : titre donné à Mustafa Kemal après sa victoire contre les Grecs en 1922
port du fez5, symbole de l’appartenance à l’Islam ; émancipation complète 4
À partir de 1923, le choix d’Ankara comme nouvelle capitale de la Turquie en remplacement
de la femme ; remplacement des lois en vigueur par des codes importés d’Istanbul symbolise la rupture avec le pouvoir du sultan.
5
Couvre-chef masculin traditionnel sous le régime ottoman
d’Europe ; adoption du calendrier et du système horaire internationaux ; rejet
des caractères arabes au profit de l’alphabet latin ; adoption du système Paul DUMONT, 1919-1924, Mustafa Kemal invente la Turquie moderne, Bruxelles, Complexe,
métrique… Toutes ces réformes qui doivent faire de la Turquie un pays 1983, p.155-156

5 En 1927, les Kurdes sont estimés à 12 % ou 13 % de la population totale de il y en a eu 16 en Turquie de 1923 à 1938. À trois reprises, en 1925, en 1930 et
la Turquie. Ils auraient voulu, par exemple, qu’on donne un statut équivalent en 1936-1938, le pouvoir a été obligé de mobiliser plus de 50 000 soldats, ce
à la langue kurde et à la langue turque, qu’il y ait un bilinguisme officiel, un qui est considérable pour l’époque. Il y a probablement eu plusieurs milliers
enseignement, une presse kurdes. Et aussi une autonomie administrative : de morts à chaque fois. Et des lois de déportation, ou dites de réinstallation,
les Kurdes occuperaient les postes clés dans les régions kurdes. Ce n’est transférant les Kurdes dans les régions turques. Tout ceci a bien entendu
évidemment pas le cas. Ils ont donc l’impression d’être persécutés, et pour effet d’ancrer chez les Kurdes un véritable sentiment nationaliste. (…)
d’autant plus que Mustafa Kemal s’affirme très vite comme un champion de
1
Identité turque
la « turquicité »1. De même, il se fait le champion de la laïcité* alors que les
Kurdes sont profondément imprégnés d’esprit religieux. (…) Désormais, les Hamit BOZARSLAN, Un peuple, quatre États, une nation ? Le problème kurde, dans
nationalistes et certains ulémas (dirigeants religieux) réclament un Kurdistan L’Histoire, n° 235, septembre 1999, p. 66-67
indépendant. (…) Cela va donner naissance à des révoltes d’importance :

101

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Documents 40 L’art dans l’entre-deux-guerres
La Première Guerre mondiale bouleverse la société et les mentalités et amène des changements importants
en Europe. L’art connaît-il aussi une période de changements ? Quelles innovations les artistes d’avant-garde
proposent-ils ? Toutes les formes d’art sont-elles résolument novatrices ?

1
Otto DIX,
La journaliste
Sylvia von Harden,
1926 (Paris, Musée
national d’Art
moderne)

2
Piet MONDRIAN,
Composition, 1927
(Collection privée)

35-36
3 Surréalisme, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de
41 toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la
raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.
77 Encycl. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées
jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres
mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie. (…) Tout est bon
pour obtenir de certaines associations la soudaineté désirable. (…) Il est (…) permis d’intituler poème ce qu’on obtient par
l’assemblage aussi gratuit que possible (…) de titres et de fragments de titres découpés dans les journaux.
110
André BRETON, Manifeste du surréalisme, Paris, Éditions du Sagittaire, 1924 (D’après J.-L. FERRIER [dir.], L’aventure de l’art au XXe siècle, Paris,
Chêne-Hachette, 1988, p. 237)

102

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4
René MAGRITTE, La condition humaine II,
1935 (Monte Carlo, Collection particulière)

5
Marcel BREUER, fauteuil
dit « Wassily », 1925

Ce siège en armature
tubulaire et en cuir illustre le
rapprochement entre art et
industrie dont le but est de
créer un objet à la fois beau et
fonctionnel. Ce rapprochement
est à l’origine du design*.

6
Georg MUCHE et Adolf
MEYER, salle de séjour de
la maison Am Horn, Weimar
(Allemagne), 1923

7 Georg MUCHE et Adolf MEYER, maison Am Horn, Weimar (Allemagne), 1923

Les meubles en bois ont été créés


par Marcel BREUER, les lampes par
Lazlo MOHOLY-NAGY et le tapis par
Cette maison modèle est conçue pour l’exposition du Bauhaus* de 1923.
Martha ERPS-BREUER.
La salle de séjour, de 6 m sur 6 m, est située au centre du bâtiment et est plus
haute que les pièces fonctionnelles qui l’entourent.

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Documents 41 La vie quotidienne
dans l’entre-deux-guerres
Comment vivait-on en Belgique dans les années 1920-1930 ? Quels changements se manifestent dans la vie
quotidienne ? Qui en bénéficie ?

1 On se passionnait, en 1932, pour la construction du Normandie, que la France se préparait à mettre en service sur la ligne
de New York. Quand un avion passait dans le ciel, gros comme une mouche, tout le monde levait la tête. (…) Les records
automobiles (…) faisaient courir les imaginations. (…) Les 14 automobiles de la « Croisière jaune » Citroën, en 1931, partaient
sur les traces de Marco Polo, vers la Chine, 12 000 km d’une incroyable aventure qui tint en haleine le monde entier (…). Si
la rapidité et l’efficacité des communications ne cessaient de progresser, l’immense majorité des hommes, des femmes et
des enfants du début des années 1930 restaient fidèles à la sédentarité de leurs ancêtres. Beaucoup mouraient sans avoir
vu la mer. (…)
En 1932 apparurent dans les magazines belges les premières publicités offrant des vacances en Espagne. En 1934, le short
était roi sur le sable (…). Le bain de mer, en beaucoup d’endroits, était une opération compliquée. Elle exigeait que l’on
présentât d’abord son ticket au préposé en poste au bord de l’eau, coincé dans sa ceinture de sauvetage et armé d’une
trompette dans laquelle il soufflait dès qu’un baigneur s’éloignait à plus de 20 m. (…)
Il existait encore un nombre incroyable de petits commerces : près de 300 000 en Belgique, dont pas loin de la moitié
étaient exploités par des commerçants exerçant cette activité à titre accessoire en marge d’une profession principale.
Mais les méthodes commerciales commençaient à changer. Il y avait déjà de grands magasins (…) : en dehors du fait de
concentrer en un seul point un grand nombre de rayons diversifiés, ces établissements ne se démarquaient guère des
pratiques commerciales traditionnelles. Jean Van Ghijsel (…) révolutionna la distribution, en 1928, en ouvrant (…) son
premier magasin à « prix unique » ; la même année était née la société Sarma. Van Ghijsel inaugurait ainsi une nouvelle
formule, vite récompensée par le succès auprès des familles à revenus modestes, de magasins à rayons multiples destinés
à vendre en masse au plus bas prix possible.
Pierre STÉPHANY, Les années 20-30. La Belgique entre les deux guerres, II, Bruxelles, Paul Legrain, 1983, p. 35-41

3 Publicité, dans L’Illustration, Paris, 6 décembre 1924


2 1929 1938
Alimentation 53,8 % 62 %
Habillement 13,9 % 8,4 %
Logement 15,1 % 13,9 %
Loisirs 9,2 % 7,7 %
Santé/Hygiène 5,4 % 5,6 %
Autres 2,6 % 2,4 %
29-30
Budget d’un ouvrier en 1929 et 1938 (Adapté d’après M.-A.
37 WILSSENS, Heurs et malheurs. La vie quotidienne des Belges au
XXe siècle, Tielt, Lannoo, 1999, p. 53)
40

104

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4 L’un des aspects les plus manifestes de la modernité était incontestablement et la radio faisaient découvrir à la campagne l’ambiance de la ville et ses
l’urbanisation et donc la concentration de grandes masses dans des tentations de liberté, de divertissement, de prospérité et de progrès. De
agglomérations « anonymes », où les liens sociaux et familiaux classiques plus, le développement des moyens de transport (vélo, tram vicinal, chemin
perdirent leur sens traditionnel. Dans les années 30, plus de la moitié de fer) favorisait le contact physique avec la ville. (…) En [1930] les chemins
des Belges vivaient déjà dans des villes et presque un tiers dans des de fer transportèrent chaque jour en moyenne 1,3 million de passagers. Une
agglomérations de plus de 500 000 habitants. À peine 20 % de la population grande partie de ce trafic ferroviaire était due à la navette de la campagne
vivait encore dans les milliers de villages et hameaux de Belgique qui vers la ville. (…) La navette mit un terme au travail à domicile. (…) Le travail
comptaient moins de 2000 habitants. Entre 1910 et 1947, la population en usine impliquait la séparation du lieu de travail et du lieu de résidence,
urbaine s’accrut en moyenne six fois plus vite que la population de la segmentant ainsi la vie quotidienne.
campagne. (…) Dans les années 1930, la ville n’était plus un îlot dans
Marc REYNEBEAU, L’homme sans qualité, dans H. BALTHAZAR (dir), Les années 30 en
un océan de calme pastoral, de simplicité ou de traditionalisme. (…) Les
Belgique - La séduction des masses, Bruxelles, CGER/Ludion, 1994, p. 14-17
nouveaux moyens de communication tels que la presse illustrée, le cinéma

5 Au début des années 1930, les architectes étaient convaincus que seules les déjà se permettre d’acquérir une machine à laver, en réalité une grande
constructions en hauteur pouvaient résoudre les problèmes de surpopulation cuve dans laquelle un bras métallique remuait le linge. Mais la majorité des
dans les villes. Mais les choses se passèrent autrement. Ce furent les riches femmes devaient encore se contenter de la planche à lessiver et de leurs
qui préférèrent aller vivre dans un appartement, pas les ouvriers. (…) Les seuls bras. (…) Si les classes aisées disposaient déjà d’un réfrigérateur, le
immeubles résidentiels étaient pourvus de tout le confort moderne : reste de la population devait encore se contenter d’une cave fraîche pour
ascenseurs, chauffage central, vide-ordures et cuisine Cubex. (…) conserver les aliments.
Dans les maisons de rangée, on trouvait dans le salon des meubles rustiques,
Marie-Anne WILSSENS, Heurs et malheurs. La vie quotidienne des Belges au XXe siècle,
de préférence lourds et massifs, et la cuisine était équipée d’un évier alimenté
Tielt, Lannoo, 1999, p. 59-61
par un robinet ou une pompe, d’un buffet et d’une table. Certains pouvaient

8 BAUMANN, affiche, 1936

6 Une pièce de séjour, années 1930


7 Cuisine Cubex présentée à l’Exposition
internationale de Bruxelles, 1935

9 Quoi qu’en disent les ronchonneurs, nous déclarons que la conquête des vacances annuelles pour les ouvriers en
général représentera aussi une des réformes qui contribuera à nous faire accomplir un grand pas sur la voie de
la révolution sociale. (…) Les patrons (…), comme pour toutes nos autres revendications, (…) vociféreront que la
production en souffrira, que l’industrie périclitera (…). Notre prolétariat est assidu et, comme tout autre, il a bien le
En 1936, en Belgique, le
droit de bénéficier d’un congé annuel (…). Parlement vote une loi
Édouard DE VLAEMYNCK, plaidoyer, dans Le mouvement syndical belge, 1921 (D’après J.-P. DESCAN, Les vacances annuelles en Belgique : instituant des congés
la genèse et l’évolution jusqu’à nos jours, Bruxelles, Office national des Vacances annuelles, 1994, p. 15, sur www.onva-rjv.fgov.be, page payés. Ils s’élèvent à une
consultée le 30 janvier 2008) semaine pour les ouvriers.

105

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Documents 42 La Belgique et la France sous
l’Occupation
Après la « guerre éclair » (Blitzkrieg) de mai-juin 1940, l’armée allemande occupe l’ensemble du territoire
belge et la moitié du territoire français. L’Occupation durera cinq longues années. Que deviennent les soldats
belges au lendemain de la défaite ? À quelles difficultés les populations civiles doivent-elles faire face ?
Comment réagissent-elles à la présence allemande, en Belgique et en France ? Et leurs gouvernants ?

1 Photographie, s.l., mai 1940

L’invasion allemande du 10 mai 1940 fait resurgir, en


Belgique et dans le Nord de la France, les souvenirs
des massacres et des destructions perpétrés par les
Allemands en 1914-1918. La population civile prend la
fuite. Cet « exode » met en marche, en mai-juin 1940, vers
l’ouest et le sud de la France, plus d’1,5 million de Belges
et 3 millions de Français. De plus, 300 000 jeunes gens
de 16 à 35 ans, constituant la réserve de recrutement de
l’armée belge, reçoivent le 14 mai l’ordre d’évacuer vers
la France. 100 000 d’entre eux atteignent Toulouse et ses
environs, en train et en vélo.

2 L’armée belge, arrivée à la limite de ses moyens, avait dû cesser le combat le 28 mai 1940. (…). Le 14 juillet 1940, Hitler
prescrivait d’accorder aux Flamands « toute l’aide possible » mais de n’accorder aucune faveur aux Wallons. (…) Dès lors,
les libérations de soldats prisonniers dépendirent surtout de considérations linguistiques. Celles-ci résultaient beaucoup
plus (…) de l’idéologie raciste imprégnant les sphères dirigeantes du Reich* que d’une volonté sournoise de diviser un
ménage belge jusque-là tendrement uni. Ne sachant trop, en mai-juin 1940, ce qu’ils feraient de notre pays, les chefs
44
nazis entendaient malgré tout se réserver l’avenir en ménageant leurs cousins germains. Comme ces derniers étaient de
toutes façons plus nombreux, ils ne couraient guère de risques en serrant la vis aux francophones supposés plus hostiles
par nature. (…) L’examen linguistique n’était pas (…) bien compliqué. Une courte réponse en néerlandais, même boiteuse,
pouvait satisfaire l’examinateur. (…) Leur esprit inventif (…) permit à bon nombre de Wallons porteurs d’un patronyme
fleurant bon la Campine (…) de franchir ce mauvais pas. En mars 1941, 130 833 prisonniers flamands avaient profité des
85 circonstances pour prendre la clé des champs. (…) À peu près 2500 Flamands, une minorité, n’étaient pas partis, par esprit
de corps ou parce qu’ils se sentaient Belges. En septembre 1942, il restait encore 70 907 prisonniers, dont 4094 officiers.
Ces données se modifièrent au fil de temps, des rapatriements sanitaires, des évasions réussies (…). 67 500 Wallons durent
attendre la défaite du Reich* pour respirer à nouveau l’air de la liberté.
115
Alain COLIGNON, Une libération différée : « Nos prisonniers », un enjeu politique, dans Jours de paix 1945, Coll. « Jours de guerre », Bruxelles,
Dexia, 2001, p. 233-239

106

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3 Le 10 mai 1940, les troupes allemandes envahissent la Belgique. (…) [Le] au roi un rôle central. (…) Après la défaite de la France, Léopold sollicite un
Gouvernement fait appel aux Français et aux Britanniques pour venir en aide entretien avec Hitler, qui le lui refuse. Le 29 juin [1940], il informe Berlin (…)
à notre pays. (…) Convaincu que le scénario de la Première Guerre va se qu’il souhaite soit régner sur quelques provinces que l’occupant libérerait
reproduire et que la France résistera, le Gouvernement quitte Bruxelles, le – Léopold s’inspire clairement du modèle français [de Pétain4] – soit s’exiler.
16 mai, afin de poursuivre le combat dans l’éventualité où le territoire national S’il ne peut manifester expressément sa présence à la population belge, il
serait occupé (…). [Mais], le 25 mai, (…), [Léopold III] refuse de suivre le préfère quitter provisoirement la scène. (…) Le Führer* n’apprécie guère les
Gouvernement en France (…). Il craint en effet de ne pas pouvoir exercer ambitions politiques de Léopold (…) [qui] est rappelé à l’ordre : les Allemands
pleinement son commandement depuis la France. Par son refus, il viole de lui interdisent d’exercer une quelconque activité politique. (…) La mise sur
façon flagrante la Constitution*, qui ne lui accorde aucun pouvoir personnel. pied par quelques ministres d’un Gouvernement en exil à Londres constitue
(…) pour Léopold une nouvelle déception. Pendant toute l’Occupation, il rejettera
La tentative du Gouvernement belge de poursuivre la lutte depuis la France avec mépris toute tentative de rapprochement de la part du Gouvernement
prend fin avec la capitulation de ce pays, quelques semaines plus tard1. Le belge, pourtant enclin à la réconciliation.
Gouvernement, désemparé, se disloque. Il faudra attendre l’automne pour
1
que quatre ministres2 parviennent à Londres et y forment un Gouvernement L’armistice est signé le 23 juin 1940 près de la gare de Rethondes (Oise), à l’endroit précis
et dans le wagon où fut signé la capitulation allemande, le 11 novembre 1918.
en exil, qui continuera le combat en compagnie des Alliés. 2
Hubert Pierlot, Paul-Henri Spaak, Camile Gutt et Albert De Vleeschauwer, qui seront
Selon Léopold III, la capitulation3 a mis fin à la guerre. À présent que le rejoints, à partir de 1942, par August De Scrijver, Antoine Delfosse et August Balthazar.
pays est occupé, la Belgique retrouve son statut de neutralité. (…) Au Ils formeront, avec cinq secrétaires d’État, le Gouvernement belge en exil.
début, Léopold pense d’ailleurs que la guerre prendra rapidement fin sur 3
Reddition des forces militaires belges le 28 mai 1940
4
le continent et que l’Allemagne gagnera peut-être l’hégémonie sur l’Europe La France est coupée en deux : le Nord est sous commandement allemand, le Sud,
« zone libre », est dirigé par Pétain.
pour une longue période. (…) [Il] consulte quelques avocats de la Cour de
Cassation, qui lui assurent qu’il pourra (…), [une fois la guerre finie], nommer Mark VAN DEN WIJNGAERT, La Belgique sans roi (1940-1950), dans M. DUMOULIN,
de nouveaux ministres et même mener des négociations de paix séparées E. GÉRARD, M. VAN DEN WIJNGAERT et V. DUJARDIN (dir.), Coll. « Questions à l’Histoire », II,
avec l’Allemagne. (…) [Il] pense que le système parlementaire a fait son Bruxelles, Complexe, 2006, p. 14-15, 26-27
temps et qu’il sera remplacé par un système politique autoritaire accordant

4 15 mai 1940 Juillet 1942 Juillet 1943


Au marché officiel 400 512 580
En 1943, le salaire hebdomadaire d’un travailleur
Au marché noir 2612 2646
équivaut au prix d’une livre de beurre ou de 200 g
Prix de la tonne de charbon, en francs belges (D’après Étienne VERHOEYEN, La de café au marché noir.
Belgique occupée, Coll. « Pol-His », Bruxelles, De Boeck, 1994, p. 227)

5 Photographie, Bruxelles, sans date

La pénurie touche tous les domaines : charbon, vêtements mais aussi


produits alimentaires. Les secrétaires généraux qui demeurent à la tête de
l’administration après le départ du Gouvernement belge en France, puis à
Londres, mettent sur pied un système de ravitaillement. Celui-ci permet, au
moyen de timbres de rationnement distribués aux familles, d’acheter une
quantité limitée de nourriture. Mais progressivement, les rations auxquelles
les timbres donnent droit diminuent. Si, en théorie, le rationnement doit
veiller à ce que chacun dispose d’un minimum de nourriture, en pratique,
il indique le maximum de ce qu’on peut acheter. La rareté de la viande, du
beurre, du café, des légumes et même des pommes de terre entraîne le
recours à des produits de remplacement comme la chicorée, le rutabaga,
les topinambours et le saindoux. En 1944, la consommation de viande est
devenue très occasionnelle. Par chance, l’industrie poissonnière de la Côte
fournit de grandes quantités de harengs.

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6 Frans VAN IMMERSEEL, affiche, avant octobre 1942
Documents 42 (Bruxelles, Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire)

À la suite de la mobilisation des ouvriers allemands, l’économie du


IIIe Reich* manque de bras. En conséquence, 11 à 12 millions de travailleurs
étrangers sont mis au travail en Allemagne, dont 463 000 Belges, d’abord
les prisonniers de guerre (50 000), ensuite des volontaires recrutés par
affiches (224 300). Comme le nombre de volontaires se révèle insuffisant,
l’Allemagne utilise la contrainte : le 6 octobre 1942, une ordonnance dispose
que tous les hommes de 18 à 50 ans et toutes les femmes de 21 à 35 ans
peuvent être forcés d’aller travailler en Allemagne. La mesure pour les
femmes est abrogée en mars 1943 sous la pression des autorités belges.
Pour appliquer cette ordonnance, un Service du Travail Obligatoire est créé.
Environ 190 000 Belges ont été affectés au travail obligatoire en Allemagne.
Les jeunes gens « réfractaires » qui refusent de partir entrent alors dans la
clandestinité.

7 Le 19 novembre 1942, M. Jean Theugels, bourgmestre du Grand En expiation de ces crimes dont la dernière victime a été le
Charleroi, a été lâchement assassiné dans l’ombre par des éléments bourgmestre Theugels, l’autorité allemande a décrété que
encore inconnus alors qu’il quittait l’hôtel de ville. Cet assassinat est 10 personnes appartenant au milieu criminel seraient fusillées, si
l’un des chaînons d’une suite de lâches attentats perpétrés contre les coupables ne sont pas découverts pour le 25 novembre 1942
des membres de mouvements politiques wallons et flamands, et à 24 h.
qui se sont multipliés ces derniers temps. L’autorité occupante ne
Avis de l’Oberfeldkommandant de Mons, autorité régionale militaire installée
peut pas tolérer que des éléments criminels troublent l’ordre et la
par l’occupant, Mons, 21 novembre 1942 (D’après H. GALLE et Y. THANASSEKOS,
tranquillité dans le pays ni que la population soit mise en danger. La résistance en Belgique, Bruxelles, Collet, 1979, p. 45)

8 Chers Justes* de Belgique (…) risque quotidien d’être découverts, arrêtés et fusillés par
Aujourd’hui, est publié le rapport du CEGES1 sur les l’occupant nazi. Toutes ces personnes pour lesquelles
responsabilités d’autorités belges dans l’Holocauste*. la vie d’autrui était plus importante que le risque majeur
Ce rapport indique que les autorités se sont montrées qu’elles-mêmes encouraient. Ils ont sauvé la vie de
trop dociles. Pis, dans un certain nombre de cas, elles tellement d’hommes, de femmes et d’enfants juifs.
ont même collaboré à la déportation et à la persécution Pour ce courage exceptionnel, 1442 Belges ont vu leur
des Juifs en Belgique lors de l’occupation nazie. Il s’agit nom gravé comme Justes* au mémorial de Yad Vashem3.
là d’une page sombre de l’Histoire de notre pays. (…) Sans compter les nombreux autres Belges courageux
Je veux renouveler les excuses que j’ai présentées dont on ne connaît pas encore ou ne connaîtra peut-être
Sur une population à Malines2 en 2002, à l’occasion du soixantième jamais le nom. (…)
juive d’environ anniversaire de la déportation des Juifs de Belgique,
56 000 personnes en 1
Centre d’Études et de Documentation « Guerre et Sociétés
excuses que j’ai répétées en 2005 à Yad Vashem3,
Belgique, environ contemporaines ». Il a été chargé, par le Sénat, d’une recherche
à Jérusalem, devant l’ensemble de la communauté sur l’attitude des autorités belges, dont les secrétaires généraux,
31 000 ont été
internationale. (…) dans la persécution des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.
sauvées (56 %) et
25 000 déportées. Il serait néanmoins injuste vis-à-vis d’un grand nombre Son rapport a pour titre La Belgique docile.
2
de nos concitoyens de seulement mettre l’accent sur les À la caserne Dossin, qui servit, durant la Seconde Guerre
Parmi celles-ci, mondiale, de lieu de rassemblement pour la déportation des Juifs
1200 ont survécu. erreurs et les faux pas. Vis-à-vis de ces Belges qui ont de Belgique. De 1942 à 1944, environ 25 000 Juifs partirent ainsi
bel et bien pris la défense de leurs semblables juifs. Ces de Malines.
Belges qui ont caché des Juifs, qui les ont protégés. Ces 3
Mémorial israélien érigé en 1953, en hommage aux victimes de la
citoyens et membres de la résistance qui, seuls ou avec Shoah* et aux Justes* de tous pays.
l’aide de leur famille, par le biais d’écoles, de couvents ou
Guy VERHOFSTADT, discours lors de la cérémonie en hommage
au sein de l’administration, la police, la gendarmerie ou aux « Justes » de Belgique, Bruxelles, 8 mai 2007 (D’après http://
la justice, ont apporté un soutien matériel et moral aux presscenter.org/archive, page consultée le 9 octobre 2007)
Juifs. Au péril de leur vie, en permanence. Confrontés au

108

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9 Affiche américaine, 1940-1945

La résistance belge à l’Allemagne nazie est le fait de


militaires (env. 25 000 soldats belges à Londres) et de
civils. Ceux-ci résistent sous des formes variées : le
renseignement (tracts, presse clandestine…), l’action
violente (sabotages, exécution de collaborateurs
et de soldats allemands…) et l’aide aux personnes
(accueil d’enfants juifs, aides aux Juifs cachés, filières
d’évasion de pilotes alliés tombés sur le sol belge, de
« réfractaires »…).

Caricature, dans Le Drapeau


10 rouge, 2 octobre 1944

11 Affiche, sans date (entre juin 1941 et mai 1943)


(Bruxelles, Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire)

12 C’est librement que je me suis rendu à l’invitation1 du


De 7000 à 8000 Belges sont passés dans les
Führer*. (…) C’est dans l’honneur et pour maintenir
rangs de la légion Wallonie. 1337 seront tués
l’unité française (…) que j’entre aujourd’hui dans
et 1076 blessés sur le front russe.
la collaboration. Ainsi, dans un avenir prochain,
pourrait être allégé le poids des souffrances de
notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers,
atténuée la charge des frais d’occupation (...),
facilités l’administration et le ravitaillement du
territoire. Cette collaboration doit être sincère. Elle 13 Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont
doit être exclusive de toute pensée d’agression (...). formé un Gouvernement. Ce Gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis
L’armistice au demeurant n’est pas la paix. La France en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes
est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne de l’ennemi. (...)
du vainqueur. Du moins reste-t-elle souveraine. (...) Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle
Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont définitive ? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis
responsables que devant moi. C’est moi seul que que rien n’est perdu pour la France. (...) Car la France n’est pas seule ! (...) Elle a un vaste
l’Histoire jugera. empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et
Je vous ai tenu jusqu’à ce jour le langage d’un Père. continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie
Je vous tiens aujourd’hui le langage d’un Chef. des États-Unis. Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. (...)
Suivez-moi. Gardez confiance en la France éternelle. Cette guerre est une guerre mondiale. (...)
Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français
1
La rencontre entre Pétain et Hitler a lieu le 24 octobre qui se trouvent en territoire britannique, ou qui viendraient à s’y trouver, (...) j’invite les
1940, à Montoire (Loir-et-Cher). Pétain tente de négocier la ingénieurs et les ouvriers spécialisés des industries d’armement qui se trouvent en
sauvegarde de la souveraineté de la France, même partielle,
territoire britannique (...) à se mettre en rapport avec moi.
et s’efforce d’atténuer, pour les Français, les difficultés nées
de la guerre et de l’Occupation. Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra
pas.
Philippe PÉTAIN, message du 30 octobre 1940 (D’après
Maréchal PÉTAIN, La France nouvelle, Appels et messages, 17 juin Charles de GAULLE, appel du 18 juin 1940, lancé depuis Londres via les ondes de la BBC (D’après Charles
1940-17 juin 1941, Paris, Fasquelle, 1941, p. 80-81) de GAULLE, Appels et discours, juin 1940-février 1944, s.l.n.d., p. 11-12)

109

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Documents 43 Pie XII et la « Solution finale »
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le pape Pie XII – que certains ont surnommé le « pape de Hitler » –
n’a jamais condamné publiquement et de manière explicite l’extermination des Juifs. En 2000 seulement,
Jean-Paul II, en glissant un message entre les pierres du mur des Lamentations, a demandé pardon pour les
souffrances infligées par l’Église aux Juifs. Pourquoi ce silence de Pie XII ? En 1937, son prédécesseur,
Pie XI, confirmant un décret du Saint-Office* de 1928, avait en effet condamné le caractère raciste de
l’idéologie nazie.

1
Affiche du film
de Constantin
COSTA GAVRAS,
février 2002 À l’origine du film Amen de Costa-Gavras : la pièce de
Rolf HOCHHUTH, Le Vicaire (1963). Celle-ci raconte l’histoire
d’un jeune jésuite, Riccardo Fontana, qui apprend par un officier
SS*, Gerstein, les conditions d’extermination des Juifs en
Pologne. Le jésuite informe alors Pie XII et le supplie d’intervenir
publiquement, mais ce dernier ne réagit pas. Désespéré, Fontana
se mêle à un convoi de Juifs romains, arrêtés sous les fenêtres du
pape, et en partance pour Auschwitz. La représentation du Vicaire
en 1963 a provoqué une polémique qui n’a pas cessé depuis.

2 La polémique créée par Le Vicaire n’a pas cessé jusqu’à aujourd’hui (…). L’enjeu majeur tient à l’attitude de Pie XII devant
l’extermination des Juifs. Son silence pose plusieurs questions (…). Selon de très nombreux témoignages, Pie XII, pendant
15 toute la guerre, a été torturé par son impuissance devant tant d’abominations et de misères dont il se voulait solidaire
(…). Par ailleurs, le pape, par nature, par formation, par goût, était un diplomate. Prudent, pesant le pour et le contre, à la
ERIOTSIH
recherche du moindre mal, il ne s’est pas départi de cette attitude. (…) Jusqu’au bout, il s’est interrogé sur son devoir (…).
Malgré tout, c’est le silence qu’a choisi Pie XII. Même s’il a pu considérer que ses messages de Noël1 rappelaient la nécessité
du respect des droits de la personne humaine et dénonçaient le danger des nationalismes totalitaires*, la prudence chez
20 lui l’a emporté. (…)
Une clé de la stratégie suivie par Pie XII est sa hantise du danger communiste, le bolchevisme* étant à ses yeux l’ennemi le
plus redoutable du christianisme. (…) A-t-il vu dans le nazisme un rempart contre le communisme ? On ne saurait l’affirmer
mais ses craintes sont allées croissant au fur et à mesure du recul des armées allemandes. (…) À partir de 1944, il s’inquiète
pour l’avenir de la Pologne comme pour celui de toute l’Europe centrale, où l’arrivée de l’Armée rouge va installer des
83 régimes communistes et inaugurer une politique de persécution religieuse.

86 1
→ 43/4

Renée BÉDARIDA, Pie XII, dans J.-P. AZEMA et F. BEDARIDA (dir.), 1938-1948. Les années de tourmente : de Munich à Prague. Dictionnaire critique,
Paris, Flammarion, 1995, p. 1021-1024

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3 Il ressort que la Curie1 reçut de toute l’Europe et des États-Unis des du Reich*, de l’antisémitisme* pur et dur, jusque dans les massacres que la
informations précises sur l’extermination. Elle ne la dénonça pas (…). Ce Curie1 ne réprouva pas, couvrit, nia, minora ou seconda.
n’était que la partie visible de l’iceberg du sauvetage des criminels de guerre
1
(…). L’entreprise mobilisant tous les épiscopats impliqua la Suisse, siège Administration centrale du Vatican, sous l’autorité du pape
2
Suite au Vicaire (→ 43/1 et 2) et à la polémique que cette pièce déclenche, le Vatican
du Comité international de la Croix-Rouge contrôlé de fait par Washington,
publia, entre 1965 et 1981, une série de 11 volumes reprenant un choix d’Actes et
soumise à une pression particulièrement efficace vu son statut de havre des documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale.
intérêts mêlés de capitaux et ses liens directs avec le capital allemand. (…)
Les Actes et documents du Saint-Siège2 devaient démontrer l’envie réelle, Annie LACROIX-RIZ, Le Vatican et les Juifs de l’entre-deux-guerres au sauvetage-recyclage
mais autocensurée, discrète ou muette, du Vatican de s’opposer à « la des criminels de guerre, dans M.-D. DEMELAS (éd.), Militantisme et Histoire. Mélanges en
l’honneur de Rolande Trempé, Paris, Presses universitaires du Mirail, 2000, p. 293-320
destruction des Juifs d’Europe ». Les archives (…) soulignent plutôt que son (D’après http://www.historiographie.info, page consultée le 15 décembre 2007)
vieil anti-judaïsme ne se distingua guère, de l’entre-deux-guerres à la défaite

4 Dans son message de Noël 1942, Pie XII dénonça toutes les cruautés de 5 En refusant de dénoncer publiquement la razzia romaine1, Pie XII ne
la guerre (…) et il évoqua « les centaines de milliers de personnes qui, sans s’écartait pas de la position qu’il avait adoptée lors de la déportation
aucune faute propre, parfois uniquement en raison de leur nationalité ou en masse de Juifs des différents pays d’Europe (…) ou lors des
de leur race, sont destinées à la mort ou au dépérissement ». Dans son assassinats de masse commis en Russie, en Ukraine et en Pologne.
allocution (…) du 2 juin (…) 1943, le pape revint encore sur ceux qui se Si une telle protestation avait été prononcée, il est tout à fait
tournaient vers lui parce que, à cause de leur nationalité ou de leur race, possible qu’un nombre plus important de catholiques se fussent
ils étaient « destinés, même sans faute de leur part, à des contraintes employés à venir au secours des Juifs dans les divers pays occupés,
exterminatrices ». (…) Si claires que fussent ces allusions pour qui et qu’un plus grand nombre de Juifs eussent ainsi pu échapper
voulait bien les entendre, ce n’était pas les condamnations explicites à leurs persécuteurs nazis. (…) De telles hésitations et une telle
que certains le priaient de fulminer. Mais dans le même discours, Pie XII ambivalence ne sauraient être séparées de la profonde suspicion
avait expliqué que chaque mot de ses déclarations publiques « devait dans laquelle l’Église continuait de tenir les Juifs (…). Pour la plupart
être considéré et pesé avec un sérieux profond dans l’intérêt même de des catholiques, les Juifs étaient toujours assimilés, d’un point de
ceux qui souffrent ». vue théologique, au peuple déicide (…). (…) Les Églises, catholique
Pie XII [adopta ensuite une attitude de] réserve (…). Le pape avait ou protestante, étaient incapables – à quelques honorables
envisagé l’éventualité de déclarations publiques, et ce n’est pas à la exceptions près – de se débarrasser de l’ancien enseignement du
légère qu’il trancha en faveur d’une action silencieuse. (…) Les motifs mépris à l’égard des Juifs, même si elles n’ont pas elles-mêmes
qui dictèrent le choix de Pie XII sont bien clairs (…) : les protestations ne conçu ou approuvé la Shoah*, ni collaboré à sa mise en œuvre.
servent de rien et elles peuvent rendre un très mauvais service à ceux
1
Arrestation massive par les SS* d’un millier de Juifs de Rome, la nuit du 15 au
que l’on penserait aider. (…)
16 octobre 1943. Elle est interrompue suite à l’intervention du secrétaire d’État
de Pie XII auprès de l’ambassadeur allemand.
Pierre BLET, Pie XII et la Seconde Guerre mondiale, Paris, Librairie académique Perrin,
1997, p. 150-153
Robert S. WISTRICH, Hitler, l’Europe et la Shoah, Paris, Albin Michel, 2005,
p. 194-195

6 Face à la montée du nazisme et de l’antisémitisme, [Pie XI] fut d’une extrême une des raisons déterminantes de l’attitude du pape. Il s’en explique (…) le
fermeté1. Rien ne permet (…) de l’opposer à son successeur, étroitement 2 juin 1943 : « Toute parole (…) toute allusion publique devraient (…) être
associé à ces prises de position. Mais la guerre (…) [confronta] Pie XII à des sérieusement pesées et mesurées, dans l’intérêt même de ceux qui souffrent,
choix tragiques (…) : fallait-il parler ? Et si oui, de quelle façon ? (…) pour ne pas rendre leur situation encore plus grave et plus insupportable. » La
[En Allemagne, en Italie, en Hongrie, en Slovaquie, dans la France de Vichy], crainte de représailles [sur les populations catholiques], la crainte de perdre
Rome fait pression par l’intermédiaire de ses représentants (…) pour limiter la possibilité d’interventions discrètes, sont au cœur de l’attitude du pape (…)
l’application des mesures antisémites*. (…) Mais (…) [Pie XII jugea vain de [qui] croit à l’action diplomatique.
protester publiquement et] ce fut pour lui un choix dramatique (…). Il l’écrivait
1
à l’évêque de Würzbourg : « Là où le pape voudrait crier haut et fort, c’est En 1937, dans son encyclique* Mit brennender Sorge, il avait condamné explicitement le
nazisme.
malheureusement l’expectative et le silence qui lui sont imposés ; là où il
voudrait agir et aider, c’est la patience et l’attente qui s’imposent. » Dans Jean-Marie MAYEUR, L’Église catholique, dans J.-M. MAYEUR, Ch. PIETRI, A. VAUCHEZ et
[une lettre] (…), il affirme qu’un des motifs pour lesquels il s’impose « des M. VENARD (dir.), Histoire du christianisme des origines à nos jours, XII, Paris, Desclée-Fayard,
limites » (…) est la volonté « d’éviter des maux plus grands ». Là est bien 1990, p. 329-334

111

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Documents 44 1945 : un monde bouleversé
Au moment où la Seconde Guerre mondiale se termine, après six longues années de souffrances,
quel bilan tirer ? Quels traumatismes et quels problèmes les ex-belligérants doivent-ils affronter ?
Comment les vainqueurs du conflit envisagent-ils de réorganiser le monde et les relations internationales ?

1 % de la
Pays Militaires Civils population
de 1939
Allemagne 4 500 000 2 000 000 8
Belgique 11 000 100 000 1,5
Chine 2 500 000 ? 0,5
États-Unis 300 000 0,2
France 250 000 350 000 1,5
Italie 400 000 100 000 1
Japon 2 000 000 350 000 3
Pologne 300 000 5 000 000 14
Royaume-Uni et Empire 300 000 80 000 1
URSS 10 000 000 10 000 000 10
Yougoslavie 300 000 1 400 000 10

Estimation du nombre de victimes civiles et militaires tuées durant la Seconde Guerre


mondiale (D’après J. MERRIMAN et J. WINTER [dir], Europe since 1914 : Encyclopedia of the
age of war and reconstruction, V, Detroit-New York-San Francisco-New Haven-Waterville-
Londres-Munich, Thomson Gale, 2006, p. 2779 et Y. DURAND, Histoire de la Deuxième
Guerre mondiale, Bruxelles, Complexe, 1997, p. 914)

Au centre de la photographie, le docteur Klein


20 au milieu d’une fosse commune. Médecin
du camp, il se livrait à des expériences
« médicales » sur les détenus en leur inoculant,
entre autres, de l’essence.

42 2 Harry OAKES,
camp de Bergen Belsen, entre le 21 et le 24 avril 1945
45
3 Grâce à l’avance de l’Armée rouge, nous sommes libérées le 27 avril 1945. Un mois plus tard, nous rentrons en Belgique ! (…)
Je me sens seule, ni saine, ni sauve. Ceux qui sont restés en Belgique ne peuvent ni comprendre ni même imaginer d’où je
reviens ! Certains me reprochent d’avoir abandonné les leurs ! La déprime ne me quitte plus. Je déménage d’une mansarde
à l’autre. Je vois mourir mon cher ami Adolphe Goldgewicht, ancien combattant d’Espagne et ancien résistant, faute de
87-88 soins appropriés (les médecins ne connaissent pas encore les maladies concentrationnaires). Mon unique consolation sont
mes amies, anciennes déportées, aussi paumées que moi. Une aide matérielle me parvient de « Solidarité juive ». Après une
102 opération et six mois de convalescence, je recommence à travailler. (…)
Témoignage de Sarah GOLDBERG, dans Partisans armés juifs. 38 témoignages, Bruxelles, Les enfants des partisans juifs de Belgique, 1991, p. 216

112

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4 Est-ce l’éclair qui vint le premier, ou le bruit de l’explosion (...) ? (…) J’avais été jetée par terre, aplatie
sur le sol (...). Il y avait une odeur terrible dans I’air. Pensant que la bombe qui nous avait frappés
pouvait être une bombe au phosphore jaune (…), je me frottai le nez et la bouche assez fort avec
mon tenugul, une sorte de serviette japonaise que j’avais à la ceinture. À mon horreur, je découvris
que la peau de mon visage était restée dans la serviette (…). Celle de mes mains, celle de mes bras
se détachait aussi (…). Autour de moi (...), il y avait une quantité d’écoliers et de lycéens, garçons et
filles, qui se débattaient dans les affres de l’agonie. Je les entendais qui criaient, comme à moitié
fous : « Maman, maman ! » (...) Vint l’automne, et les plaies restaient pulpeuses. On aurait dit de
la tomate pourrie (...). Je continue à travailler, avec toute la honte de mon corps mutilé et affreux à
voir, mais c’est pour mes pauvres enfants.
Témoignage d’une habitante de Hiroshima, 1975 (D’après L’Histoire au jour le jour (1944-1985), Paris, Le Monde Éditions,
1985, p. 28-29)

Le 6 août 1945, la ville de Hiroshima


est détruite à 90 % par l’explosion de la première bombe atomique.
Trois jours après, les Américains larguent une deuxième bombe sur Nagasaki.
Les Japonais sont contraints de capituler sans conditions. 150 000 personnes
périssent immédiatement dans ces deux bombardements. À ce nombre s’ajouteront
de nombreuses victimes de radiations et de brûlures.

5 Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de choses. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux
et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de
commentaires enthousiastes, que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un
ballon de football. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va
falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.
En attendant, il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer la découverte qui se met au service de la plus formidable rage de
destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. (…) Voici qu’une angoisse nouvelle nous est posée, qui a toutes les chances d’être
définitive. (…)
Albert CAMUS, Éditorial, dans Combat, 8 août 1945

6 Environ 400 000 « dossiers de la répression » sont conservés par les services de la justice militaire. (…) La majeure partie de ces dossiers
(228 000) fut classée sans suite. Pour 59 500 dossiers, l’enquête mena à une ordonnance de non-lieu. Pour 57 000 autres, le Ministère public
décida de poursuivre. 53 000 d’entre eux débouchèrent sur une condamnation et les 4000 restants sur un acquittement. Ces dossiers se
rapportent à des individus soupçonnés de collaboration, ou du moins sur lesquels pesait une présomption. En les classant par type de délit, on
arrive aux résultats suivants : 58 784 dossiers concernent le travail volontaire en Allemagne ; 52 398 la collaboration économique (…) ; 76 470 la
collaboration militaire (…) ; 32 845 la dénonciation (…). 1335 dossiers ont trait à l’espionnage et 6018 à des délits divers. (…)
Jean-Yves MINE, La consultation des archives de la répression : procédures, possibilités et limites, dans D. LUYTEN et Ch. KESTELOOT (dir), Répression et archives judiciaires :
problèmes et perspectives, Coll. « Bulletin du CEGES », Bruxelles, CEGES, 2003, p. XXIV

113

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Documents 44 7 À partir de septembre 1944 [en Belgique], (…) de nombreuses personnes soupçonnées d’avoir traité avec l’ennemi furent
arrêtées par les diverses autorités de police, souvent avec le concours d’organisations de résistance. Il fallait que la justice
puisse rapidement travailler, afin d’éviter les troubles et les exécutions sommaires qui découleraient de la colère populaire.
(…)
Des 1202 personnes condamnées (…) à la peine de mort, 242 ont été fusillées1. (…) Environ 26 000 condamnés ont purgé
une peine de prison. Il s’agit des condamnés aux travaux forcés, à la réclusion, à la détention et à l’emprisonnement, ainsi que
des condamnés à mort ayant bénéficié d’une mesure de grâce. (…) La grâce doit (…) être distinguée de la réhabilitation, qui
concerne l’effacement à terme de la condamnation au casier judiciaire, après que cette condamnation ait été exécutée (…).
La réhabilitation pouvait être demandée dès 1955 par ceux qui n’avaient pas été condamnés à une peine excédant les 5 ans
d’emprisonnement (…).
1
105 en Flandre, 122 en Wallonie et 15 à Bruxelles

Stanislas HORVAT, Le déroulement de procès d’inciviques* devant les juridictions militaires en 1944-1949, dans D. LUYTEN et Ch. KESTELOOT (dir),
Répression et archives judiciaires : problèmes et perspectives, Coll. « Bulletin du CEGES », Bruxelles, CEGES, 2003, p. III, XIV, XVI

8
Transformations
territoriales et
déplacements de
populations en Europe
entre 1944 et 1950
(D’après J.-P. AZÉMA
et F. BÉDARIDA [dir],
1938-1948. Les années
de tourmente : de
Munich à Prague.
Dictionnaire critique,
Paris, Flammarion, 1995,
p. 683-691 et I.C.B.
DEAR [dir], The Oxford
companion to the second
world war, Oxford-
New York, The Oxford
University Press, 1995,
p. 934-935)

Les mouvements de population en Europe entre 1945 et 1950 concernent 50 à 60 millions de personnes :
- des réfugiés, civils ayant fui les zones de combat ;
- des déportés, prisonniers de guerre et travailleurs forcés ;
- des populations expulsées, essentiellement des Allemands chassés des anciens territoires orientaux du Reich* ;
- des populations qui se déplacent en fonction des nouvelles frontières des États (déplacements forcés ou spontanés).

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9 Chacune des trois puissances occupera avec ses forces armées une zone représentatives de tous les éléments démocratiques du pays et engagées
séparée en Allemagne. Il a été, en outre, convenu que la France serait invitée dans l’établissement le plus précoce possible de Gouvernements issus
par les trois puissances, si elle le désire, à occuper également une zone (…). d’élections libres reflétant la volonté populaire ;
Nous sommes inflexiblement résolus à anéantir le militarisme et le nazisme d) de faciliter, là où c’est nécessaire, la tenue de telles élections.
allemands et à faire en sorte que l’Allemagne ne puisse plus jamais troubler Nous réaffirmons notre désir commun de voir s’édifier une Pologne forte,
la paix mondiale. Nous sommes déterminés à désarmer et à licencier toutes libre, indépendante et démocratique. (...) Le Gouvernement provisoire, qui
les forces armées allemandes, (…) à infliger à tous les criminels de guerre fonctionne actuellement en Pologne, devrait être réorganisé sur une base
une prompte et juste punition et à exiger l’exacte réparation en nature des démocratique plus large en y comprenant les chefs démocratiques de la
destructions causées par les Allemands. Pologne elle-même et des Polonais de l’étranger. Ce nouveau Gouvernement
Nous sommes résolus à créer (…) une organisation internationale générale prendrait alors le nom de Gouvernement provisoire polonais d’Unité nationale.
pour la sauvegarde de la paix et de la sécurité. (…) Le Gouvernement de la (...) Les chefs des trois Gouvernements estiment que la frontière orientale de
Chine et le Gouvernement provisoire de la France vont être immédiatement la Pologne à l’est devra suivre la ligne Curzon2 (→ 44/8). (...) Ils reconnaissent
consultés et priés de s’associer (…) aux Gouvernements des États-Unis, de que la Pologne devra obtenir des accroissements sensibles de territoires au
la Grande-Bretagne, de l’Union des Républiques socialistes soviétiques. nord et à l’ouest. (...)
L’établissement de l’ordre en Europe et la reconstruction de la vie économique
1
Signée le 14 août 1941 par F.D. Roosevelt, président des États-Unis, et par W. Churchill,
doit être réalisée par des procédés qui permettront aux peuples libérés de
Premier ministre britannique, cette charte pose les principes d’un meilleur avenir pour
(…) créer les institutions démocratiques de leur choix. C’est un principe de la le monde, notamment le principe de l’autodétermination des peuples, la condamnation
Charte de l’Atlantique1 [que] le droit de tous les peuples de choisir la forme de toute annexion territoriale et la coopération internationale. Elle servira de base à
de gouvernement sous laquelle ils veulent vivre (…). Afin de stimuler les l’élaboration de la Charte des Nations unies en 1945.
2
conditions dans lesquelles les peuples libérés peuvent exercer ces droits, les En 1919, en vue d’établir les frontières de la Pologne, lord Curzon, secrétaire d’État
britannique aux Affaires étrangères, établit une limite entre les Polonais d’un côté, les
trois Gouvernements assisteront en commun le peuple dans tout État libéré Biélorusses et les Ukrainiens de l’autre. C’est la « ligne Curzon ». Elle n’est pourtant pas
ou ancien État satellite de l’Axe où, à leur avis, la situation requiert : reconnue comme frontière de la Pologne lors de la conclusion du traité de Versailles. C’est
a) d’établir des conditions de paix intérieure ; sur base de cette ligne que Staline et Hitler se partagent le territoire polonais en 1939.
b) de prendre des mesures d’urgence pour le ravitaillement des populations
en détresse ; Déclaration sur l’Europe libérée lors de la conférence de Crimée, dite de Yalta, 11 février 1945
(Trad. M. DUMOULIN d’après The Dynamics of World Power. A Documentary History of United
c) de former des autorités gouvernementales intérimaires largement States Foreign Policy, 1945-1973, II, 1, New York, Robert Dallek, 1983, p. 60-61)

11 Affiche éditée par l’ONU, 1946


10 Avec l’avancée vers l’ouest de l’Armée rouge, la reprise de territoires occupés depuis 2 ou 3 ans
par les Allemands, la libération de millions de prisonniers de guerre soviétiques et de déportés
du travail, la question des modalités du rapatriement des Soviétiques, militaires et civils, prit une
ampleur sans précédent. (…) Alors que les accords1 prévoyaient que seuls seraient renvoyés
de force ceux qui avaient porté l’uniforme allemand ou collaboré avec l’ennemi, ce furent tous
les citoyens soviétiques « hors des frontières » qui furent livrés aux agents du NKVD2 chargés
d’encadrer leur retour. Trois jours après la cessation des hostilités, le 11 mai 1945, le Gouvernement
soviétique ordonna la création de 100 nouveaux camps de contrôle et de filtration, chacun d’une
contenance de 10 000 places. Les prisonniers de guerre soviétiques rapatriés devaient être tous
« contrôlés » (…). En neuf mois, de mai 1945 à février 1946, plus de 4 200 000 Soviétiques furent
rapatriés (…). Après un passage obligatoire par un camp de filtration et de contrôle, 57,8 % des
rapatriés, en majorité des femmes et des enfants, furent autorisés à rentrer chez eux ; 19,1 %
furent envoyés, à l’armée, souvent dans des bataillons disciplinaires ; 14,5 % furent affectés, en
général pour une période de 2 ans, à des « bataillons de reconstruction » ; 8,6 %, soit 360 000
personnes environ, furent envoyés au Goulag*, la plupart pour « trahison de la patrie » (…), ce qui
valait 10 à 20 ans de camp (…). Au total, jamais les (…) camps (…) n’avaient compté autant de
pensionnaires qu’en cette année de la victoire : près de 5 500 000 personnes, toutes catégories
confondues. Un palmarès longtemps éclipsé par les festivités de la victoire (…).
1
Lors des accords de Yalta, il avait été prévu que les Anglais et les Américains rapatrieraient les soldats et les civils
qui refusaient de vivre sous le régime stalinien et s’affirmaient antisoviétiques.
2
Ministère des Affaires intérieures, chargé en particulier de la surveillance des membres du parti, des services de
renseignement et du contre-espionnage

Nicolas WERTH, Un État contre son peuple (D’après S. COURTOIS, N. WERTH, J.-L. PANNE, A. PACZKOWSKI, K. BARTOSEK et
J.-L. MARGOLIN [dir], Le livre noir du communisme. Crimes, terreur et répression, Paris, Laffont, 1997, p. 255-257)

115

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Documents 45 L’ONU : quel bilan ?
Dès sa création en 1945, l’Organisation des Nations unies est paralysée dans sa mission de maintien de la
paix dans le monde, par l’opposition des deux grandes puissances : les États-Unis et l’URSS. Depuis la fin de
la guerre froide, le nombre de ses missions s’est multiplié et diversifié. De quelles réussites peut-elle se
prévaloir ? Quels échecs a-t-elle endurés ? Quelle part les pays du Nord et du Sud y prennent-ils ?

1 Les opérations de paix de l’ONU (D’après Questions internationales, n° 11, janvier-février 2005, p. 37)

63

87-88
Les opérations de paix de l’ONU sont multiples : elles peuvent assurer la surveillance d’un cessez-le-feu
102
entre des belligérants (maintien de la paix ou Peacekeeping), participer à la mise en place d’un processus de
paix (rétablissement de la paix ou Peacemaking), contribuer au renforcement de bases d’accord existantes
entre belligérants (imposition de la paix ou Peace Enforcement) ou participer à la reconstruction d’un État
(Peacebuilding).

116

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2 Le 6 avril 1994, l’attentat contre l’avion du président Habyarimana (dont les avril, M. Boutros Boutros-Ghali, Secrétaire général de l’ONU, parlait encore
auteurs et les commanditaires n’ont toujours pas été identifiés...) marqua de « guerre civile ». Le 21 avril, la résolution 912 du Conseil de Sécurité
le début du génocide*. Une campagne d’assassinats ciblés, visant des opta pour une réduction de la force de l’ONU au Rwanda, qui allait compter
personnalités hutues modérées et de simples citoyens tutsis – opération moins de 500 Casques bleus*. Ces derniers étaient dépourvus de nourriture,
planifiée depuis des mois et rigoureusement exécutée – fut présentée de munitions, de véhicules et même d’eau potable, impuissants à secourir
comme « l’expression de la colère populaire » à la suite de la mort du chef de les civils, qui réclamaient protection ou assistance, même s’ils menèrent
l’État. À ce moment, les forces de l’ONU étaient dispersées à travers le pays, avec courage et succès de nombreuses opérations d’évacuation. (…) Il fallut
elles manquaient de munitions et d’effectifs et, lorsque le général Dallaire, attendre les 11 et 12 mai pour que le commissaire de l’ONU aux droits de
commandant de la Mission des Nations unies pour l’Assistance au Rwanda l’homme (…), venu sur les lieux, utilise enfin le terme de génocide*. À ce
(MINUAR) (…) [apprit], dans la matinée du 7 avril, que dix Casques bleus* moment, la presse, dans sa grande majorité, parlait encore de « massacres
belges chargés de la protection du Premier ministre étaient en difficulté à interethniques », de « luttes tribales ».
Kigali, la possibilité de se porter à leur secours ne fut même pas envisagée.
Colette BRAECKMAN, Dix ans après le génocide. Rwanda, retour sur un aveuglement
La secrétaire d’État américaine Madeleine Albright veilla d’ailleurs à interdire
international, dans Le Monde diplomatique, mars 2004 (cédérom)
l’usage du terme génocide* car il entraîne une obligation d’intervention et, fin

3 La lutte contre le sida* illustre l’absolue nécessité de penser et de conduire Contrôle international des Drogues (PNUCID), l’Organisation internationale
conjointement l’action internationale de façon globale et de façon régionale du Travail (OIT).
(…). Les Caraïbes sont, après l’Afrique subsaharienne, la région du monde la Le plan stratégique utilise des instruments juridiques internationaux comme
plus affectée par le sida*. (…) En juin 2001, la BIRD a adopté un programme la convention des droits de l’enfant, la convention sur l’élimination de toute
caraïbe de prévention du sida*, d’un montant de 155 millions de dollars, qui forme de discrimination contre les femmes et le code de conduite de l’OIT
a permis le lancement du plan stratégique (2002-2006) de la CARICOM1. sur le « sida* et le monde du travail ». Il est exemplaire d’une nouvelle
Outre les acteurs régionaux, les partenaires comprennent un grand nombre configuration de l’action publique sur la planète.
d’institutions du système des Nations unies : (…) le bureau régional pour
1
Carribean Community and Common Market
les Amériques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Programme
des Nations unies pour le Développement (PNUD) (…), le Fonds des Nations Jacques TÉNIER, Universalisme et régionalisme : les chemins du partenariat, dans Questions
unies pour l’Enfance (UNICEF), (…) le Programme des Nations unies pour le internationales, n° 11, janvier-février 2005, p. 74

4 L’élargissement du Conseil [de Sécurité] entraînerait 5


indéniablement des conséquences positives. (…) Un conseil plus
représentatif et donc plus légitime bénéficierait d’une autorité PLANTU, caricature,
dans Le Vif/L’Express,
politique renforcée. (…) L’Allemagne et le Japon, d’importants
24 juin 1994, p. 3
contributeurs au financement de l’ONU, veulent assumer des
responsabilités accrues. (…) Les pays en développement sont
peu enclins à accroître le déséquilibre Nord-Sud au profit des
pays industrialisés. Ils revendiquent d’autres sièges de membre
permanent attribués selon les grands ensembles géographiques
que sont l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine. Un problème toutefois.
Quel serait le porte-parole le plus représentatif d’un continent ? On reconnaît, de gauche
La question est identique si l’on cherche à identifier des États en à droite, le président
particulier. Pour l’Amérique latine, la candidature du Brésil, seul François Mitterand,
le président Bill Clinton,
pays lusophone de la région, engendre quelques amertumes,
le président Boris Eltsine,
notamment de la part de l’Argentine et du Mexique. Le Nigeria,
le Premier ministre
pays le plus peuplé d’Afrique, se voit concurrencé par l’Afrique du John Major et
Sud et l’Égypte, qui aurait pour mérite de représenter le monde le chancelier* Helmut Kohl.
arabe. Quant à l’Inde, comment évoquer sa candidature sans
froisser le Pakistan ?
Édouard DUFOUR, La réforme du Conseil de Sécurité en débat, dans Questions
internationales, n° 11, janvier-février 2005, p. 45-46

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Documents 46 Aux origines du conflit Est-Ouest
(1945-1947)
Dans l’immédiat après-guerre, les relations entre les Alliés, plus particulièrement les États-Unis et l’URSS,
évoluent. Dans quel sens ? Quelle vision chaque puissance a-t-elle de l’autre ?

2 De Stettin dans la Baltique jusqu’à Trieste dans l’Adriatique, un Rideau de fer


est descendu à travers le continent. Derrière cette ligne se trouvent toutes
les capitales des anciens États de l’Europe centrale et orientale : Varsovie,
1 Affiche américaine, 1944-1945 Berlin, Prague, Vienne, Budapest, Belgrade, Bucarest et Sofia. Toutes ces
villes célèbres, toutes ces nations se trouvent dans (…) la sphère soviétique
(…). Les partis communistes, qui étaient très faibles dans tous ces pays (…),
ont été investis de pouvoirs bien supérieurs à leur importance numérique
et cherchent partout à obtenir un contrôle totalitaire. (…) Dans un grand
nombre de pays, éloignés des frontières russes et à travers le monde entier,
des cinquièmes colonnes1 communistes s’installent et travaillent avec une
obéissance absolue aux directives du centre communiste. (…) Je ne crois pas
que la Russie soviétique désire la guerre. Ce qu’elle désire ce sont les fruits
de la guerre et une expansion illimitée de sa puissance et de sa doctrine. (…)
Ce que j’ai vu chez nos amis et alliés russes pendant la guerre m’a convaincu
qu’il n’y a rien qu’ils ne respectent moins que la faiblesse, spécialement la
faiblesse militaire. (…)
1
Partisans clandestins dont une armée dispose dans les rangs de l’adversaire

Winston CHURCHILL, discours prononcé à l’Université de Fulton (États-Unis), 5 mars 1946


(Trad. V. PYCKE d’après R.S. CHURCHILL [éd.], The sinews of peace. Post-War speeches by
Winston Churchill, Londres, Éd. Cassell, 1948, p. 93-105 et www.britannia.com, page
consultée le 24 octobre 2007)

3 Nous sommes à un moment crucial de l’Histoire mondiale où chaque nation doit faire un choix entre deux modes de vie.
Trop souvent, ce choix n’est pas libre. Un mode de vie est basé sur la volonté de la majorité. Il a pour caractéristiques des
institutions pluralistes, un Gouvernement représentatif, des élections sans entraves, des libertés individuelles garanties, le
droit de s’exprimer, de choisir sa religion, d’être à l’abri de l’oppression politique. L’autre mode de vie est fondé sur la volonté
d’une minorité qui s’impose à la majorité par la contrainte, qui établit son pouvoir sur la terreur et l’oppression, en contrôlant
la presse et la radio, en déterminant l’issue des élections, en supprimant les libertés personnelles.
47
Je crois que la politique des États-Unis devrait être de soutenir les peuples libres qui résistent aux tentatives de les soumettre
qui sont faites par des minorités armées ou des pressions extérieures. Je crois que notre aide doit se manifester en tout
premier lieu sous la forme d’une assistance économique et financière (…).
En aidant les nations libres et indépendantes à maintenir leur liberté, les États-Unis mettront en œuvre les principes de la
Charte des Nations unies1. (...)
89-90
Les germes des régimes totalitaires sont nourris par la misère et le besoin. Ils se répandent et grandissent dans la mauvaise
terre de la pauvreté et de la guerre civile. Ils parviennent à maturité lorsqu’un peuple voit mourir l’espoir qu’il avait mis en
une vie meilleure. Nous devons faire en sorte que cet espoir demeure vivant.

115 1
→ 87/2

Harry TRUMAN, discours prononcé devant le Congrès américain, Washington, 12 mars 1947 (D’après P. de SENARCLENS, De Yalta au Rideau de fer : les
grandes puissances et les origines de la guerre froide, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 1993, p. 271)

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4 Je n’ai pas besoin de vous dire que la situation mondiale est très grave. (…) Les destructions
visibles dues à la guerre sont probablement moins graves que la dislocation de toute la structure Le plan Marshall est un plan d’assistance
de l’économie européenne. (…) La vérité, c’est que les besoins de l’Europe pendant les trois américain pour le relèvement de l’Europe.
ou quatre prochaines années en vivres et en autres produits essentiels importés de l’étranger Il est proposé à tous les pays d’Europe (sauf
– notamment d’Amérique – sont tellement plus grands que sa capacité actuelle de paiement l’Espagne franquiste), sous forme d’une aide
qu’elle devra recevoir une aide supplémentaire très importante ou s’exposer à une dislocation financière importante (14 milliards de dollars,
économique, sociale et politique très grave. (...) dont 11 en dons, le reste en prêts). L’URSS
Les conséquences sur l’économie américaine seront claires pour tous. Il est logique que les refuse et force les pays d’Europe de l’Est à
États-Unis doivent faire tout ce qu’ils peuvent pour aider à rétablir la santé économique du faire de même. Les principaux bénéficiaires
monde, sans laquelle la stabilité politique et une paix sûre sont impossibles. Notre politique n’est sont le Royaume-Uni et la France.
dirigée contre aucun pays ni doctrine, mais contre la faim, la pauvreté, le désespoir et le chaos. La Belgique reçoit 559 millions de dollars
Son but doit être Ia renaissance d’une économie active dans le monde, afin que soient créées les (4 % du total) qu’elle investit notamment
dans le port d’Anvers, les infrastructures
conditions politiques et sociales où de libres institutions puissent exister. (…)
routières et les charbonnages. En avril 1948,
Il est évident qu’avant que le Gouvernement des États-Unis puisse poursuivre plus loin ses
une institution européenne est mise en place
efforts pour remédier à la situation, un accord devra être réalisé par les pays européens sur leurs pour gérer l’aide américaine : l’OECE. Afin
besoins actuels et sur ce qu’ils feront eux-mêmes pour rendre efficaces toutes les mesures que d’encourager la libéralisation du commerce
ce Gouvernement pourrait prendre (…). C’est là l’affaire des Européens. et de l’inscrire dans un cadre mondial, les
États-Unis prennent l’initiative du GATT, signé
George MARSHALL, discours prononcé à l’Université de Harvard (États-Unis), 5 juin 1947 (D’après Ch. ZORGBIBE, Textes en octobre 1947 (→ 107).
de politique internationale depuis 1945, Coll. « Que sais-je ? », Paris, PUF, 1985, p. 29-32)

6 Caricature parue dans Krokodil, 30 octobre 1949


5 Le but que poursuit le nouveau cours expansionniste des États-Unis est l’établissement de la
domination mondiale de l’impérialisme américain. (…) Mais, sur le chemin de leurs aspirations
à la domination mondiale, les États-Unis se heurtent à l’URSS, (…) bastion de la politique anti-
impérialiste et antifasciste, aux pays de la nouvelle démocratie (…), aux ouvriers de tous pays
(…). La course fiévreuse aux armements, la construction de nouvelles bases (…) pour les forces
armées américaines dans toutes les parties du monde sont justifiées par les arguments (…) faux
de la soi-disant « défense » contre le danger militaire imaginaire de la part de l’URSS. (…) Les
politiciens impérialistes (…) ont commencé, après Churchill, à dresser des plans en vue d’organiser
le plus rapidement possible une guerre préventive contre l’URSS, faisant ouvertement appel à
l’utilisation contre les Soviétiques du monopole américain temporaire de l’arme atomique. (…)
L’impérialisme américain s’efforce (…) d’exploiter les difficultés d’après guerre des pays
européens (…) pour leur dicter ses conditions asservissantes de secours. (…) Mais le contrôle
économique entraîne aussi une dépendance politique. (…) L’« aide» américaine entraîne presque
automatiquement des modifications de la ligne politique du pays qui reçoit cette « aide » :
viennent au pouvoir des partis (…) qui, obéissant aux directives de Washington, sont prêts à
réaliser, dans leur politique intérieure et extérieure, le programme désiré par les États-Unis (…).
La tâche principale de la partie idéologique du plan (…) américain consiste (…) à répandre des
calomnies sur la prétendue agressivité de l’Union soviétique (…) afin de pouvoir ainsi présenter le
bloc anglo-saxon dans le rôle d’un bloc de prétendue défense et le décharger de la responsabilité
dans la préparation de la nouvelle guerre. (…)
C’est pourquoi les partis communistes doivent se mettre à la tête de la résistance (…) aux plans
impérialistes d’expansion et d’agression. (…) S’ils savent, dans leur lutte contre les tentatives
d’asservissement économique et politique, se mettre à la tête de toutes les forces disposées à
défendre la cause de l’honneur et de l’indépendance nationale, aucun des plans d’asservissement
de l’Europe ne pourra être réalisé.

Andrei JDANOV, rapport présenté devant la Conférence d’information des partis communistes, réunion constitutive du Le Krokodil est un journal satirique soviétique créé en
Kominform*, Szklarska-Poreba (Pologne), le 22 septembre 1947 (D’après Ch. ZORGBIBE, Textes de politique internationale 1922. Sur le cou de l’animal on peut lire en caractères
depuis 1945, Coll. « Que sais-je », Paris, PUF, 1985, p. 17-28) cyrilliques : « plan Marshall ». Dans le coin inférieur
droit, « Zap. Europa » signifie « Europe occidentale ».

119

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Documents 47 Armement et désarmement (1945-2007)
L’armement, moyen et signe de puissance, a été un enjeu majeur pendant la guerre froide, et l’est
aujourd’hui encore. Quel était l’état de l’arsenal international hier ? Et aujourd’hui ? Quelles démarches ont
été entreprises pour le limiter ? À l’instigation de qui et pourquoi ?

1 Armement Désarmement
1945-… 1945 : les États-Unis font exploser deux bombes
nucléaires à Hiroshima et Nagasaki (Japon).
1949, URSS : 1re bombe A*
1952, Royaume-Uni : 1re bombe A*
1952, États-Unis : 1re bombe H*
1953, URSS : 1re bombe H* 1953 : Antarctique, zone dénucléarisée
1955-… 1956, URSS : missiles à longue portée (6000 km) 1957 : création de l’AIEA
1957, Royaume-Uni : 1re bombe H*
1960, France : 1re bombe A* 1963 : États-Unis, URSS et Royaume-Uni s’interdisent les
1964, Chine : 1re bombe A* essais nucléaires dans l’atmosphère et dans les fonds
marins.
1967 : Amérique latine, zone dénucléarisée
1965-… 1967, Chine : 1re bombe H* 1968 : traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP)
1968, France : 1re bombe H* 1972 : convention sur l’interdiction des armes
bactériologiques ; accords fixant un plafond aux armements
stratégiques* (SALT I)
1974 : traité sur la limitation des essais nucléaires
1974, Inde : 1re bombe A* souterrains (non ratifié par les États-Unis)
1975-… 1975- : l’URSS déploie des missiles intermédiaires* 1979 : accords SALT II (non ratifiés par les États-Unis suite à
(SS-20) en Europe de l’Est ; l’OTAN réagit en déployant les l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS)
Pershing
1979, Israël : 1re bombe A*
2-3
1983-1985 : l’OTAN déploie des missiles intermédiaires*
(Pershing) en Europe occidentale et les États-Unis
préparent l’IDS.
1985-… Armes chimiques utilisées dans la guerre Iran-Irak 1985 : Pacifique Sud, zone dénucléarisée
14 1987 : États-Unis et URSS signent le traité prévoyant le
retrait des missiles intermédiaires* (SS-20 et Pershing).
ERIOTSIH
1991 : traité START sur la réduction des armes stratégiques*
1993 : convention sur l’interdiction des armes chimiques
1995-… 1995 : Asie du Sud-Est, zone dénucléarisée
44 1996 : Russie, France et Royaume-Uni signent le traité TICE
1998, Inde : essai bombe A* (interdiction complète des essais nucléaires).
56 1998, Pakistan : 1re bombe A* 1997 : convention prohibant les mines anti-personnelles
(non signé par les États-Unis et Israël)
2001, États-Unis : alerte à l’arme chimique (anthrax) 2001 : première conférence onusienne sur les armes
légères
2005-… 2005, Corée du Nord : 1re bombe A* 2005 : renouvellement du TNP pour une durée indéterminée
89-91 2007 : l’Iran est suspecté de se doter d’armes nucléaires. 2007 : projet d’interdiction des armes à sous-munitions*

Armement et désarmement : repères chronologiques

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3 [De 1985 à 1989, la politique étrangère soviétique est marquée par] un changement de cap
majeur. (...) D’emblée, Gorbatchev se dit clairement résolu à délester au moins l’URSS de ses
charges militaires les plus lourdes. (...) Fin 1987, [le ministre des Affaires étrangères soviétique]
Chevardnadze et le secrétaire d’État américain [Georges Shultz] avaient rédigé un projet de traité
sur les forces nucléaires de portée intermédiaire*, qui fut signé (…) [en décembre]. (...) Vues
de Washington, les concessions de Gorbatchev sur les armements apparaissent naturellement
(...) comme une défaite pour Moscou. En revanche, pour Gorbatchev, dont les priorités étaient
intérieures, la plus grande stabilité de l’environnement international était en soi une victoire.
Cela lui donnait du temps et des soutiens pour ses réformes aux pays. (...) à la différence des
problèmes irréductibles auxquels il se heurtait à l’intérieur, la politique étrangère était un domaine
qu’il contrôlait directement et où il pouvait donc espérer des améliorations immédiates.
Tony JUDT, Après guerre. Une Histoire de l’Europe depuis 1945, Paris, A. Colin, 2007, p. 702-703

2 Affiche publicitaire, Californie (États-Unis), avril 1951


Évolution du stock d’armes nucléaires des États-Unis et de la Russie (D’après Bulletin
of the atomic scientists, mars-avril 2000 et janvier-février 2005, p. 73-75)

5 Le monde est-il plus en paix en 2004 qu’en 1979 ? L’évolution générale [Le] risque d’utilisation d’armes de destruction massive* (ADM) (nucléaire,
indique une amélioration de la sécurité internationale, mais de nouveaux chimique ou biologique) reste problématique à trois niveaux. D’abord,
dangers apparaissent, qui pourraient annoncer un renversement de les tentatives de certains nouveaux États désireux d’acquérir l’arme
tendance. (…) nucléaire. Ensuite, la volonté de certains groupes terroristes d’utiliser des
Trois indicateurs nous permettent d’évaluer l’évolution de ces 25 dernières ADM « rudimentaires » (davantage chimiques, plus aisées à fabriquer que
années. Le premier est le nombre de conflits de tous types. (…) Le deuxième les armes nucléaires). Mais aussi la relance de nouveaux programmes
indicateur est le nombre total de têtes nucléaires. (…) Aujourd’hui, on en nucléaires par les États-Unis qui adoptent des doctrines qui rendraient
dénombre environ 20 000, soit le tiers de l’arsenal de 1986. Le troisième possible l’emploi de l’arme nucléaire lors de prochaines guerres. (…)
indicateur est celui des dépenses militaires mondiales. (…) Globalement, L’autre danger est la poursuite de la prolifération des armes
on peut constater qu’en 1979, nous étions dans une phase ascendante conventionnelles*, et des armes légères en particulier.
pour ces trois indicateurs. Au nombre de 640 millions dans le monde, celles-ci occasionnent la mort
Les sommets ont été atteints à peu près au même moment pour le total de 500 000 personnes chaque année. Alimentant les guerres civiles, elles
des têtes nucléaires (1986) et les dépenses militaires (1987), puis quelques y sont l’objet d’un trafic organisé par des groupes mafieux, ce qui permet
années plus tard pour les conflits (1993). notamment d’armer les organisations terroristes.
L’élément explicatif majeur de la décroissance de ces trois indicateurs a
Bernard ADAM, Depuis 25 ans, la sécurité internationale s’est améliorée, mais de nouveaux
été la fin de la guerre froide (…). Si la menace d’un holocauste* nucléaire
dangers apparaissent, dans Nouvelles du Grip, 2004 (D’après www.grip.be, page consultée
entre les deux blocs a bel et bien disparu (…), deux dangers subsistent. (…) le 5 décembre 2007)

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Documents 48 La guerre du Viêtnam (1964-1975)
En 1954, à la fin de la guerre d’Indochine, le Viêtnam est divisé en deux États idéologiquement opposés :
le Viêtnam du Nord, communiste, et le Viêtnam du Sud, soutenu par les États-Unis.
En août 1964 débutent les premiers bombardements américains contre le Viêtnam du Nord. En mars 1965,
les premiers soldats américains débarquent au Viêtnam du Sud. Pourquoi ? Avec quels résultats ?

Les accords signés à Genève en 1954


stipulaient que des élections libres
1 I. Renverser le régime colonial camouflé des impérialistes
devaient se tenir au Nord et au Sud en
américains et la dictature de (…) Diem1, leur agent. Il faut instaurer
vue de la réunification des deux Viêtnam.
un Gouvernement de coalition nationale et démocratique (…). Ni la dictature pro-américaine du Viêtnam
II. Promulguer les libertés démocratiques (…). Tous les partis du Sud, dirigée par Diem, ni la dictature
et toutes les organisations patriotiques, sans distinction de communiste du Viêtnam du Nord, dirigée
tendance politique, sont libres d’exercer leur activité. (…) par Ho Chi Minh, ne les ont organisées.
IX. La réunification pacifique du pays est une ardente aspiration À partir de la fin des années 1950, des
de tous nos compatriotes. Le Front national de Libération du Sud- communistes du Nord s’infiltrent au Sud.
Viêtnam préconise la réunification progressive par des moyens Ce sont les Viêt-congs. Dès 1960, sous la
pacifiques sur le principe de négociations entre les deux zones présidence d’Eisenhower et conformément
(…). à la doctrine du containment (endiguement
du communisme), des conseillers militaires
1
Régime pro-américain installé au Viêtnam du Sud américains arrivent au Viêtnam du Sud,
officiellement pour encadrer l’armée sud-
Programme du Front national de Libération du Sud-Viêtnam, 20 décembre viêtnamienne. À partir de 1961, Kennedy
1960 (D’après L. CHAU, La révolution paysanne au Sud-Viêtnam, Paris, Maspero, renforce le soutien militaire au Sud en y
1966, p. 116-124)
expédiant hommes et matériel (hélicoptères,
défoliants, napalm…).

2 Considérant que le régime communiste du Nord-Viêtnam, aidé en cela par la Chine


communiste, a systématiquement bafoué les accords [de 1954] et a entrepris
une agression contre l’indépendance et l’intégrité territoriale du Sud-Viêtnam en
Un prétexte – l’attaque, jamais mettant sur pied un plan systématique de subversion contre le Gouvernement du
52 prouvée, d’un destroyer américain Sud-Viêtnam, en fournissant des armes et des troupes entraînées et dirigées par
par un lance-torpilles nord-viêtnamien ses soins pour mener une guerre de guérilla (…) et en terrorisant les pacifiques
dans le golfe du Tonkin, en face du populations sud-viêtnamiennes ; (…)
69
Viêtnam du Nord – permet Considérant que le Gouvernement des États-Unis n’a pas d’ambitions territoriales
au président Lyndon Johnson
(…) en Asie du Sud-Est, mais qu’il souhaite que les peuples (…) puissent vivre en
d’obtenir du Congrès les crédits
paix (…) ;
nécessaires à la guerre.
Le Sénat et la Chambre des représentants réunis en Congrès considèrent que le
90 maintien de l’indépendance (…) de la nation sud-viêtnamienne est vital pour l’intérêt
des États-Unis et pour la paix du monde. À cette fin (…) les États-Unis sont prêts
93 à faire tout ce qui est en leur pouvoir, en faisant intervenir au besoin leurs forces
armées (…).
111
Résolution dite « du golfe du Tonkin » votée par le Congrès des États-Unis, Washington, 7 août 1964
(D’après Les dossiers secrets du Pentagone, Paris, Presses de la Cité, 1971, p. 196-197)

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3 D’un côté les communistes du Nord et du Sud, pauvres, réduits à des moyens archaïques, des 4 En 1969, la guerre du Viêtnam s’était transformée en
soldats en sandales de caoutchouc qui poussent des bicyclettes sur la piste Ho-Chi-Minh1, un cauchemar national qui déclencha les attaques
mais habitués à la guerre subversive depuis une vingtaine d’années, prêts à tout supporter contre toute notre politique étrangère d’après-guerre.
par conviction nationale ou par contrainte, inlassablement équipés et ravitaillés par l’Union Jusqu’à ce jour, la guerre froide avait été presque
soviétique et la Chine, creusant sous les villages et dans les rizières des tunnels impossibles à uniquement considérée comme la conséquence de
repérer, experts dans l’art de la propagande. l’intransigeance des Soviétiques ; et voilà que cette
De l’autre côté, les Américains, avec leurs alliés sud-viêtnamiens et des unités sud-coréennes conviction était remise en question par une minorité
et australiennes (…), qui recourent à la technologie la plus évoluée, emploient les armes les plus qui affirmait bien haut, et parfois avec violence, que
sophistiquées, puisent dans des ressources (…) inépuisables, cherchent avant tout à faire vite, les tensions internationales étaient alimentées, à la
à frapper fort et à économiser la vie de leurs hommes. base, par l’agressivité, le militarisme et l’impérialisme
économique américains.
1
La piste Ho-Chi-Minh permettait l’acheminement, vers le Sud, de matériel militaire soviétique et chinois.
Henri KISSINGER, À la Maison-Blanche. I, 1968-1973, Paris,
André KASPI, Au cœur de la « sale guerre », dans Les collections de l’Histoire, n° 23, avril-juin 2004, p. 73 Fayard, 1979, p. 68

5 La guerre du Viêtnam (D’après J.-M. LAMBIN [dir.],


Histoire terminales, Paris, Hachette, 1998, p. 211)

En 1965, face à l’influence grandissante du FNL et l’incapacité du Gouvernement du Viêtnam du Sud


à l’endiguer, les États-Unis intensifient leurs bombardements sur le Viêtnam du Nord. Les bases de
bombardiers américains, situées au Sud, sont attaquées par les Viêt-congs. L’armée sud-viêtnamienne
se montrant incapable de protéger ces bases, l’armée demande au président Lyndon Johnson l’envoi
de Marines. Le 8 mars 1965, 3500 Marines débarquent sur la plage de Da Nang. À la fin de l’année,
ils sont déjà 165 000.
La piste Ho-Chi-Minh permet l’acheminement vers le Sud de matériel militaire soviétique et chinois. En
1968, lors de l’offensive du Têt, les Viêt-congs s’emparent de plusieurs villes du Sud. Ils sont ensuite
refoulés par l’armée américaine, non sans difficultés, comme à Hué, où les Américains mettront trois
semaines pour reprendre la ville. Aux États-Unis, des jeunes, des intellectuels, des artistes contestent
l’engagement militaire américain. Le coût humain et financier de la guerre, ainsi que l’absence de
résultats, au plan militaire, amènent le président Nixon à décider, en 1969, le désengagement des
États-Unis. Des pourparlers de paix sont entamés. Après 4 ans, les accords sont signés en janvier
1973. En 1975, le Viêtnam du Nord envahit le Viêtnam du Sud et réunifie le pays sous un régime
communiste.

6 Nick UT, photographie, Trang Bang, Sud-Viêtnam, 8 juin 1972

Cette photographie représente des enfants viêtnamiens,


fuyant leur village bombardé au napalm par l’aviation
américaine.
Les deux camps se sont livrés aux horreurs de la guerre. Les
Américains ont répandu des herbicides (l’« agent orange »)
pour détruire les récoltes ou dégarnir la jungle et faciliter
ainsi les frappes aériennes. De leur côté, les communistes
ont incendié des villages et exécuté de nombreux civils,
probablement 40 000 personnes en 15 ans.

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Documents 49 La séduction du communisme
Aux avant-postes de la lutte contre le fascisme* dans les années 1930, le communisme connaît un regain
de popularité après la Seconde Guerre mondiale, notamment en France. Comment cet attrait se marque-t-il ?
Pourquoi cette séduction qui dure pendant près d’un demi-siècle ?

1 France Belgique 2 Il y a eu en France des cycles, des périodes où l’Union soviétique


Années Votes Années Votes a exercé une attraction sur un groupe plus ou moins important
obtenus en % obtenus en % d’intellectuels et d’ouvriers.
Il y a eu aussi une première fascination en 1917, 1918, 1919, qui a
1946 29 1946 12,7
abouti à la rupture au congrès de Tours1. La majorité à l’intérieur du
1951 26 1950 4,7
Parti Socialiste a accepté les clauses du Komintern*.
1956 26 1954 3,6 En 1936 s’est opérée la transformation des syndicats sous la
1962 22 1961 3,1 direction communiste. Il y a eu un afflux d’adhérents au Parti
1968 20 1968 3,3 Communiste parce que celui-ci était entré dans la majorité de
1973 21,5 1974 3,2 gauche.
1981 16,1 1981 2,3 Et puis, après la guerre, a joué un certain rôle le souvenir de
l’héroïsme de bon nombre de résistants communistes. Ils étaient
Résultats des partis communistes français et belges aux
entrés en force dans la Résistance à partir de 1941, quand l’Union
élections législatives (1946-1981) (D’après J. GRELL et J-P. soviétique a été dans la guerre. De telle sorte qu’il y a eu une
WYTTEMAN [dir.], Dossier d’Histoire/Terminale, Paris, Istra, p. 314 et espèce de confusion dans la pensée de beaucoup de Français
H. DORCHY, Histoire des Belges, Bruxelles, De Boeck, 1991, p. 199) entre le courage des résistants communistes, le courage et
l’héroïsme des soldats soviétiques.
1
À Tours, en 1920, le Parti Socialiste français se divise autour de l’adhésion à
la IIIe Internationale*. Majoritaires, les partisans de cette adhésion quittent
3 Les quinquennats staliniens ont permis le Parti Socialiste et fondent le Parti Communiste Français.
d’élever sans cesse le niveau de vie de la
Raymond ARON, Le spectateur engagé, Paris, France-Loisirs, 1982, p. 135
population soviétique. Le pays soviétique
va vers l’abondance. Chacun travaille,
chacun récolte les fruits du travail de tous. Les Lettres françaises sont une publication Détail de la une des
Bientôt, le pain sera fourni gratuitement 4
littéraire clandestine du Front national, Les Lettres françaises,
et à volonté. La vie est toujours plus belle mouvement de résistance communiste créé en 12-19 mars 1953
dans les cités ouvrières et les kolkhozes* 1942. Après la Libération, elle est dirigée par
où les fleurs tapissent les pelouses et l’écrivain Louis Aragon et bénéficie du soutien
embellissent tous les logements. Grâce financier du PCF. Un numéro spécial est consacré
à Staline, qui proclama « L’homme est à la mort de Staline. Le portrait de celui-ci par
le capital le plus précieux », le citoyen Picasso est peu apprécié par le PCF, car il ne
31-32 correspond pas aux canons de l’art soviétique.
soviétique connaît déjà ce monde
heureux où, selon la parole de Marx, « il y Frédéric Joliot-Curie est un physicien et chercheur
50 français, haut-commissaire à l’énergie atomique
a pour tous du pain et des roses ».
en 1946, président du Conseil mondial de la Paix ;
Maurice THOREZ, Vive Staline, dans Cahiers du Henri Bassis est un poète et pédagogue ;
communisme, numéro spécial, 1949 (D’après Pierre Courtade est journaliste, responsable de la
M. WINOCK, Bon anniversaire, camarade Staline !, rubrique internationale à L’Humanité ;
dans L’Histoire, n° 247, octobre 2000, p. 50) Pierre Daix est journaliste, écrivain, rédacteur
86
en chef des Lettres françaises et critique d’art ;
Georges Sadoul est journaliste, écrivain et
historien du cinéma

124

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5 Le Parti Communiste mobilise des « compagnons de route »1 célèbres et en fait chaque jour. (…) Je les ai vus se réjouir, les anticommunistes, de
respectés : le physicien Frédéric Joliot-Curie, les résistants Emmanuel l’existence de ces bagnes… »
d’Astier de La Vigerie, Pierre Cot, Roger Garaudy, Jean Vercors, l’historien
1
Intellectuels non-membres du parti, mais le soutenant, parmi lesquels on peut citer aussi
Jean Bruhat et… Hewlett Johnson, l’archevêque de Cantorbéry. Tous
Albert Camus et Jean-Paul Sartre.
dénoncent l’ouvrage de Kravchenko2 comme un tissu de mensonges. (…) 2
Soviétique exilé aux États-Unis, il dénonce dans son autobiographie, J’ai choisi la liberté,
Comment expliquer, dans cette affaire, la part de l’aveuglement et celle du le système stalinien. Accusé par l’hebdomadaire communiste Les Lettres françaises,
détournement d’attention délibéré ? Sur la question des camps en particulier, de proférer des mensonges et d’être un agent des États-Unis, il porte plainte pour
beaucoup avouent avoir fait passer l’espoir placé en l’URSS avant ce qu’ils diffamation. Durant le procès qui s’ouvre en 1949, les témoignages accablants d’anciens
prisonniers survivants des camps soviétiques ne rencontrent que l’incrédulité des
savaient être la réalité. Sartre pose le problème dans cette perspective lors « compagnons de route ». En avril, il remporte le procès.
de la controverse qui l’oppose à Camus en 1952 : « Je trouve comme vous
ces camps inadmissibles, mais tout autant l’usage que la presse bourgeoise Charlotte CACHIN-LIEBERT, Les leçons du procès Kravchenko, dans L’Histoire, n° 247,
octobre 2000, p. 60-61

6 Mon engagement politique date de la guerre et de l’Occupation. Avec mon mari, 7 Être reçu dans la résistance communiste, c’était (…),
Jean-Toussaint Desanti, nous avons rejoint le Front national, le mouvement de résistance après avoir perdu patronyme, logis, rue, école, métier,
communiste. Au bout de quelques mois, j’ai adhéré au PCF. J’étais au courant de la foyer, recouvrer une appartenance. C’était aborder à la
« Grande Terreur »1. Mais nous étions en 1943, au moment de la bataille de Stalingrad : terre ferme d’un pays certes imaginaire mais pour une
tout notre espoir de liberté reposait sur l’URSS. (…) part déjà défini et concret. C’était faire fondre l’indicible
L’alternative pour moi était claire : soit je faisais part de mes doutes et j’étais alors tristesse de la perte de sens que la persécution avait
immédiatement exclue ; je devenais traître défendant des traîtres. Soit je me taisais. C’est infligée à l’existence quotidienne et la faire fondre à
cette solution que j’ai choisie. (…) Il aurait fallu que je me désolidarise des grèves, des la chaleur d’une patrie souterraine, flottant quelque
mineurs qui étaient mes héros. C’était enfin rompre avec tous mes amis : si quelqu’un part entre limbes et catacombes, mais vivante et tout
était exclu du parti, il n’existait plus pour les autres, au point qu’on traversait la rue pour ne animée de la certitude de lendemains enchanteurs. (…)
pas lui dire bonjour. (…) Est-ce un hasard si, à plat ventre dans l’herbe que le
Il faut ajouter qu’en tant que journaliste intellectuelle, j’étais un porte-voix du parti et, jeune printemps 1943 faisait reverdir, les lèvres collées
au-delà des masses, du bon sens : nous avions forcément raison. (…) Pour nous, être à la terre, je murmurais fiévreusement, comme le
communiste, c’était lutter pour l’égalité de tous les travailleurs. barbier de Midas, le secret qui était le mien : je suis
Avec le « rapport secret » de Khrouchtchev en 1956, nous nous sommes aperçus que tout communiste, je suis communiste. L’adhésion au
ce que nous prenions pour des erreurs judiciaires, des règlements de comptes, constituait communisme renouait, contre le monde menaçant qui
un système. J’étais dès lors décidée à partir. Mais la rupture était difficile. La passion m’enserrait, m’enterrait, m’humiliait, les liens qui me
politique ressemble à une passion amoureuse : on préfère ne pas voir, ne pas savoir, plutôt rattachaient à un autre monde sans doute lointain mais,
que d’être déçu. Finalement, c’est l’intervention des chars soviétiques en Hongrie en 1956 lui aussi, vaste, puissant, combatif.
qui m’a définitivement éloignée du parti.
Annie KRIEGEL, Ce que j’ai cru comprendre, Paris, Laffont, 1991,
1
Période de répression stalinienne des années 1937-1938 en URSS (→ 32) p. 196

Dominique DESANTI, Pourquoi j’ai été stalinienne, propos recueillis par Héloïse KOLEBKA, dans L’Histoire,
n° 247, octobre 2000, p. 52

8 Cette étude a permis tout d’abord d’évaluer l’écho respectif de ces trois le mouvement tchécoslovaque fut totalement éclipsé par le mouvement
crises : il fut très inégal. Le plus important fut celui provoqué par l’insurrection de Mai 68 (…). L’écho de la crise polonaise fut beaucoup plus important.
hongroise de 1956. La gauche, majoritaire alors dans le champ intellectuel Beaucoup d’intellectuels français, en phase avec le mouvement « Solidarité »,
français, fut bouleversée par la répression soviétique. Le Parti Communiste se mobilisèrent pour sa défense. Cette attitude quasiment unanime tient à
[Français], qui avait approuvé celle-ci, vit bon nombre d’intellectuels quitter l’évolution idéologique qui s’était opérée dans l’intelligentsia depuis le milieu
ses rangs. Quant aux progressistes, beaucoup prirent parti en faveur du des années 1970. Le système communiste était perçu désormais comme
mouvement – qu’ils interprétaient comme une révolution anti-stalinienne un totalitarisme*, et condamné au nom des droits de l’homme et de la
en faveur d’un « vrai » communisme – et s’indignèrent de l’intervention démocratie.
armée. L’URSS perdit à leurs yeux l’aura acquise pendant la Seconde
Florence GRANDSENNE, Les intellectuels français face aux crises du communisme en
Guerre mondiale. Le Printemps de Prague, 12 ans plus tard, ne suscita au
Europe du Centre-Est (1956-1981), dans Labyrinthe. Actualité de la recherche, n° 7,
contraire chez les intellectuels qu’un intérêt limité [notamment] parce que p. 164-166 (D’après http://revuelabyrinthe.org, page consultée le 19 octobre 2007)

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Documents 50 L’Europe de l’Est depuis 1945
En 1945, la plupart des pays d’Europe de l’Est sont libérés par l’Armée rouge, sauf la Yougoslavie et l’Albanie
où la libération est l’œuvre de la Résistance. Rapidement, tous ces pays sont intégrés dans la zone
d’influence soviétique et deviennent des démocraties populaires*. Quelles en ont été les conséquences
aux plans politique et économique ? Quand et comment s’en sont-elles libérées ?

1 Instauration du communisme (→ 89)


1945-1949 Yougoslavie (1945), Albanie et Bulgarie (1946), Roumanie et Pologne (1947), Tchécoslovaquie (1948), Hongrie et
République démocratique allemande (RDA) (1949) deviennent des démocraties populaires*.
Mouvements de contestation de l’ordre soviétique Réaction soviétique
1953 RDA : émeutes à Berlin-Est Répression, maintien des troupes
1956 Émeutes en Pologne, ensuite insurrection en Hongrie Répression, maintien des troupes
1961 RDA : nombreux passages à l’Ouest Construction du mur de Berlin
1968 Tchécoslovaquie : Printemps de Prague Répression, maintien des troupes
1980-1981 Pologne : création du syndicat libre Solidarnosc État de guerre* en Pologne
Sortie du communisme
1988 Hongrie : réhabilitation des condamnés de 1956, Gouvernement Pas de réaction soviétique
réformateur au pouvoir
1989 Juin : élections libres en Pologne. Août : ouverture du Rideau de fer en
Hongrie. 9 novembre : ouverture du mur de Berlin. 17 novembre :
« révolution de velours » en Tchécoslovaquie. Décembre : révolution
violente et exécution du président Ceausescu en Roumanie ; Vaclav Havel
élu président en Tchécoslovaquie.
1990 Élections législatives libres en Hongrie, RDA, Tchécoslovaquie, Bulgarie,
Roumanie, Albanie et Yougoslavie.
Réunification allemande
1991 Début de la guerre en ex-Yougoslavie (→ 97)
2000 Belgrade (Serbie) : des émeutes populaires chassent du pouvoir le dernier
dirigeant communiste européen, Milosevic.

49 L’Europe de l’Est (1945-2000) : repères chronologiques

58
2
Joseph KUDELKA, photographie, Prague, 21 août 1968

89-92 À la suite du profond mécontentement économique et politique de la


population, le Parti Communiste tchécoslovaque se donne un nouveau
95 dirigeant, de tendance réformiste, Alexander Dubcek. Celui-ci préconise
un « socialisme à visage humain » : davantage de démocratie, de liberté
97 d’expression, d’autonomie des entreprises, ainsi que des syndicats libres,
l’autonomie de la Slovaquie…, mais sans renier le communisme ni le
pacte de Varsovie. C’est le Printemps de Prague. Les 20 et 21 août 1968,
les troupes du pacte de Varsovie y mettent fin.

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3 Voici le programme que nous nous proposons de soumettre au Gouvernement :
1) Retrait des troupes soviétiques du territoire hongrois. (…)
Le 23 octobre 1956, à Budapest, des étudiants organisent
une manifestation, en solidarité avec la Pologne. Elle tourne à 3) Élections générales et secrètes. (…)
l’émeute. Le même soir, le Parti Communiste hongrois prend 4) Les usines et les mines doivent réellement appartenir aux ouvriers. (…) Rien
deux décisions : il nomme au poste de Premier ministre le ne doit être rendu aux capitalistes et aux gros propriétaires. Les usines doivent
réformateur Imre Nagy, favorable à la déstalinisation*, et fait être dirigées par des conseils ouvriers librement élus. (…)
appel à l’armée soviétique pour maintenir l’ordre. En réaction, 6) Les syndicats doivent défendre réellement les intérêts de la classe ouvrière et
l’armée hongroise passe du côté des rebelles. Les ouvriers leurs dirigeants doivent être élus librement. Les paysans pourront créer leurs
se joignent à l’insurrection. Nagy négocie avec l’URSS et le propres syndicats.
28, les troupes soviétiques se replient. Nagy annonce des 7) Il faut abolir l’odieux système des livraisons obligatoires1.
élections libres et le retrait de la Hongrie du pacte de Varsovie. 8) Il faut rendre justice aux paysans frustrés par la collectivisation* forcée.
C’en est trop pour Moscou. Du 4 au 12 novembre, l’Armée 9) Le Gouvernement doit garantir la liberté complète de la presse et la liberté de
rouge liquide l’insurrection, faisant près de 3000 morts. Imre réunion.
Nagy lance alors un appel au monde occidental mais en vain.
Il est arrêté et sera exécuté pour haute trahison en 1958. 1
Livraisons obligatoires à la Russie, entre autres d’uranium et de charbon
Devenu héros national, Nagy sera solennellement réhabilité
en 1989. La répression soviétique de 1956 conduira de Appel des intellectuels hongrois, 28 octobre 1956 (D’après J.-J. MARIE et B. NAGY, Pologne-Hongrie
nombreux communistes d’Europe occidentale à déchirer 1956, Paris, E.D.I., 1966, p. 197)
leur carte de membres du parti (→ 49/6).

4 Par crainte de perdre sa place, l’instituteur enseigne à ses élèves des choses
Gustav Husak est 1er secrétaire du Parti
auxquelles il ne croit pas ; par crainte pour leur avenir, ses élèves les répètent après
Communiste de 1969 à 1987 et président
lui (...). Par crainte de suites éventuelles, les gens participent aux élections, y votent de la République tchécoslovaque de 1975
pour les candidats proposés et font semblant de prendre cette liturgie pour de à 1989.
réelles élections (...). De peur d’être empêchés de poursuivre leur travail, nombre
de savants et d’artistes se réclament d’idées auxquelles en fait ils n’adhèrent pas
(…). Pour leur salut personnel, certaines gens vont jusqu’à en dénoncer d’autres, 5 Quantité de droits civiques sont appliqués dans notre pays,
pour des actes qu’ils ont commis ensemble. (…) De quoi les gens ont-ils peur ? hélas seulement sur le papier. (...) La liberté de confession
Des procès ? De la torture ? (…) De la déportation ? Bien sûr que non. (...) [Ce religieuse est systématiquement entravée par l’arbitraire du
que craint] l’homme d’aujourd’hui, [c’est], par exemple, de perdre la possibilité de pouvoir (...). D’autres droits civiques, y compris l’interdiction
travailler dans sa spécialité (…). Même le plus humble des manœuvres peut être expresse de toute atteinte arbitraire à la vie privée et familiale,
déclassé, affecté à un travail plus pénible, gagner moins ; même lui peut regretter au domicile et à la correspondance, sont sérieusement
d’avoir, dans une réunion ou un café, dit ouvertement ce qu’il pensait. Ce système violés aussi du fait que le ministère de l’Intérieur contrôle
de pression ne pourrait fonctionner avec succès s’il ne reposait pas sur la puissante la vie privée des citoyens : écoutes téléphoniques, micros
et omniprésente police d’État. Cette effrayante araignée a tissé sur toute la société dans les appartements, contrôle du courrier, filature (...).
une toile invisible.
Vaclav HAVEL avec la signature de 257 citoyens tchécoslovaques,
Vaclav HAVEL, lettre ouverte à Gustav Husak, 1975 (D’après V. HAVEL, Essais politiques, trad. J. Rupnik, Charte 77, Prague, 1er janvier 1977 (Adapté d’après Libération,
Paris, Calmann Lévy, 1989, p. 11-14) 7 février 1977, p. 1)

6 Le syndicat indépendant et autogéré « Solidarnosc » s’est formé à partir du justice, de la démocratie, de la vérité, de la légalité, de la dignité humaine, de
mouvement des grèves de 1980. (...) En une année, il a gagné tous les milieux la liberté de pensée, du renouveau de la Pologne et non seulement de pain,
du monde du travail : ouvriers et paysans, intellectuels et artisans. À l’origine de beurre et de saucisson. (...)
de notre syndicat, il y a simplement les besoins des gens simples de notre C’est l’aboutissement logique de l’action indépendante d’ouvriers,
pays, leurs souffrances et déceptions, leurs espoirs et désirs. Notre syndicat d’intellectuels et de jeunes, des efforts de l’Église pour la sauvegarde des
s’est développé à partir d’une révolte de la population polonaise, éprouvée valeurs, c’est l’héritage de toutes les luttes pour la dignité humaine menées
pendant plus de 30 ans par les violations des droits de l’homme et du citoyen. dans notre pays.
(...) Les conditions de vie ne nous importent pas seules, quoique l’on ait mal
Programme de Solidarnosc, Gdansk, 7 octobre 1981 (D’après G. LE QUINTREC, Histoire
vécu et que l’on ait travaillé dur et si souvent sans résultat. L’Histoire nous a
Terminales L/ES, Paris, Nathan, 2004, p. 229)
appris qu’il n’y a pas de pain sans liberté. Il s’agit également, pour nous, de la

127

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Documents 50 7 Le régime de Honecker1, non content de maintenir la population enfermée derrière le mur, était resté parfaitement sourd
au grand vent de la perestroïka*. Or, ses sujets avaient tout loisir de contempler les images d’abondance et de démocratie
diffusées chaque jour par la télévision de l’Ouest et de les comparer à la grisaille dont il leur fallait se contenter. Il a suffi, du
coup, que la Hongrie ouvre sa frontière avec l’Autriche pour que des dizaines de milliers de citoyens de la RDA empruntent
ce sas pour s’enfuir en République fédérale. Le choc psychologique a été énorme. Prenant appui sur l’Église réformée et
sur l’intelligentsia où couvait depuis longtemps l’opposition à l’État policier, d’immenses manifestations, au calme et à la
détermination impressionnants, lui ont signifié qu’il avait assez duré.
Le premier réflexe du pouvoir ainsi assiégé a été de recourir à [la répression armée]. C’est alors que Gorbatchev a (…) fait
savoir qu’en aucun cas les troupes soviétiques stationnées en RDA ne participeraient à des opérations de répression. (…)
En quelques jours, un pouvoir qui ne tenait que par la crainte du gendarme soviétique s’est trouvé totalement déstabilisé.
Honecker1 a dû céder la place à son lieutenant2 (…). Celui-ci s’est empressé de partager le pouvoir avec des contestataires
et de promettre des élections libres. Il s’est même résigné à ouvrir le mur de Berlin, par lequel se sont engouffrés, dans de
folles journées, des millions d’hommes, de femmes, d’enfants, littéralement ivres de liberté.
1
Chef du Parti Communiste et de l’État de RDA jusqu’à octobre 1989
2
Egon Krenz, dernier président de la RDA, d’octobre à décembre 1989

André FONTAINE, Année des foules et des foulards, 1989 aura vu la passion de la liberté renverser murs et dictatures, dans Le Monde,
3 janvier 1990, p. 1

Photographie, Berlin,
10 novembre 1989

9
Caricature parue dans
New Press, Hanovre
(Allemagne), 22 août 1989

10 Länder1 de l’Ouest Länder1 de l’Est


de l’Allemagne de l’Allemagne
unifiée (ex-RFA) unifiée (ex-RDA)

Superficie 69,6 % 30,4 %


Population 79 % 21 %
Taux moyen d’accroissement de la population entre 1991 et 2002 +5% - 5,6 %
Part dans le PIB de l’Allemagne réunifiée 89 % 11 %
PIB/hab. en 2002 25 870 euros 17 120 euros
Évolution du taux d’emploi entre 1991 et 2002 +4% - 14 %
Répartition des chômeurs 40 % 60 %

1
Entités fédérées au sein de l’État fédéral allemand, réunifié en 1990

Bilan de la réunification allemande en 2002 (D’après Textes et documents pour la classe, n° 861, octobre 2003, p. 8)

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12 Dans des pays où l’accès à l’éducation, à la culture et aux biens d’équipement de
base faisait partie du « salaire social » et où l’emploi dans les grandes entreprises
s’accompagnait d’infrastructures sociales, de crèches, d’hôpitaux, de logements
pratiquement gratuits, le « moins d’État » – synonyme de la privatisation forcée
des grandes entreprises et de la marchandisation de la distribution de biens et de
services – a provoqué un véritable cataclysme.
L’ancien plein-emploi planifié a été remplacé par un chômage massif, qui augmente,
y compris dans les pays qui ont renoué avec la croissance (…). La baisse généralisée
du nombre de naissances représente un traumatisme démographique qui atteste
symboliquement d’une perception sombre de l’avenir.
La Banque mondiale estimait en 2002 que, dans ces pays, « la pauvreté est
devenue bien plus répandue et a augmenté à un rythme plus rapide que nulle part
ailleurs dans le monde ». La proportion de pauvres est passée globalement de
2 % en 1988 à 21 % en 1998. Depuis, en revanche, elle diminue : leur nombre est
passé de 102 millions en 1998 à 61 millions en 2003. (…)
Si le pluralisme politique et l’alternance électorale se sont bien installés, la
présentation euphorique (…) de la transition a cédé la place aux désillusions :
symbole de ce revirement, la Pologne, qui était la première à renouer avec la
croissance, a vu tous les partis qui ont appliqué les thérapies libérales au nom
de l’insertion dans l’Europe durement sanctionnés aux élections ; l’arrivée au
pouvoir de la droite xénophobe et eurosceptique1 est le prix de ces politiques de
régression sociale.
1
Les frères Kaczynski : Lech, président de l’État en 2005, et Jaroslaw, Premier ministre en
2006

Alain GRESH (dir.), L’Atlas, Le Monde diplomatique, Paris, A. Colin, 2006, p. 136-137
La fin des « États-satellites » de l’URSS, 1988-1989
11 (D’après E. KULESZA-MIETKOWSKI, Les derniers jours des démocraties
populaires, dans L’Histoire n° 236, octobre 1999, p. 57)

13 Évolution du PNB des pays de l’Est Chômage en Pologne Le passage d’une économie communiste
(en %) (en % de la population active) à une économie capitaliste creuse le fossé
1989 0,2 0 entre les revenus. Le démantèlement
du COMECON a brutalement privé les
1990 - 7,4 6,3 industries des pays de l’Est de leurs
1991 - 11,1 11,8 débouchés mutuels. De plus, les produits
occidentaux, de meilleure qualité et plus
1992 - 4,1 12,9 attractifs, sont arrivés sur leurs marchés.
1993 - 2,0 14,9 La fermeture d’entreprises a engendré
du chômage, ce qui a encore rétréci
1994 + 3,7 16,4 la demande. Mais les investissements
1995 + 5,0 15,2 étrangers et le redressement de la Russie
ont amorcé une reprise économique.
2004 18,8

Deux indicateurs de l’évolution économique et sociale après 1989 (D’après Paul BAIROCH, Victoires et déboires.
Histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours, III, Paris, Gallimard, 1997, p. 329-335)

129

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Documents 51 Gorbatchev : visionnaire ou fossoyeur de
l’URSS ?
Icône des années 1980, perdant des années 1990, Gorbatchev était-il un visionnaire, porteur d’un projet destiné à
assurer à l’URSS et aux démocraties populaires* une plus grande pérennité, ou le premier à prendre conscience
que la seule issue était de mettre à mort un empire moribond ? Quel était le projet de Gorbatchev ?

1 - Comment les historiens [occidentaux] analysent-ils l’Histoire de l’URSS ?


[La plupart estiment que], après un Octobre prolétarien, la vraie voie léniniste aurait été la NEP (politique de libéralisation
économique des années 1921-1928) qui devait mener l’URSS au socialisme « à visage humain ». Malheureusement, le méchant
Staline avait détruit cette espérance (...).
- Ces historiens ont dû se sentir encouragés par Gorbatchev ?
Oui, ils ont salué Gorbatchev comme le sauveur. Lui devait créer un socialisme de marché, revenir à une NEP appliquée à une
société industrielle. En mettant fin à la guerre froide, en entamant la démocratisation du pays, Gorbatchev a été l’objet d’un
culte. Il devenait le héros de l’accomplissement d’Octobre. Les conservateurs occidentaux eux-mêmes étaient enthousiastes.
Gorbatchev vous débarrassant de la guerre froide. Pour ma part, je restais profondément sceptique, tellement il était évident
que, dans ses fondements, le système soviétique était inchangeable. Je me suis donc rendu en URSS en 1988. J’ai compris
alors que Gorbatchev était en train de mettre le système par terre sans le vouloir. La glasnost* (…) qu’il avait instaurée déligitimait
le système : le roi devenait nu aux yeux de ses sujets. Quand Gorbatchev eut accordé des élections plus ou moins libres des
députés du peuple, il offrait à l’opposition un moyen, non pour réformer, mais pour démanteler le système.
- Gorbatchev n’a-t-il pas eu conscience, à un moment donné, que le léninisme, c’était fini ?
Non. (...) Gorbatchev a cru rester fidèle à Octobre ; la solution pour lui, c’était un bon communisme. Il ne sortait pas de cette
contradiction : vouloir une économie de marché et une demi-liberté tout en maintenant un régime de parti unique. (…)
- (...) [On] vous a reproché votre intransigeance envers Gorbatchev. Vous ne le créditez même pas de la libéralisation – la
perestroïka* – du régime ?
J’ai été un peu sévère à son endroit, je l’avoue, par réaction aux excès de la « gorbomanie » environnante. Mais, en fait, je
reconnais pleinement ses mérites de dirigeant de transition. Je tiens cependant à signaler qu’il ne pensait pas aboutir au
séisme qu’il a déclenché. C’est pour cela que les démocrates russes le considèrent comme un apprenti sorcier. Et la raison en
est que jusqu’à la fin, il est resté fidèle au « choix socialiste fait en Octobre ». En revanche, Eltsine, lui, a très tôt compris que
pour réformer le pays il fallait se débarrasser du communisme, qu’il appelait « système criminel ».
Entretien avec Martin MALIA, Où va la Russie, dans L’Histoire, n° 182, novembre 1994, p. 68

2
PANCHO, caricature,
dans Le Monde,
17 mai 1990

À gauche de Gorbatchev, Deng Xiaoping, au


pouvoir en Chine après la mort de Mao. Il est
l’artisan, à la fois de la libéralisation progressive de
l’économie et de la répression politique dont les
massacres de la place Tianan men (1989).

130

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3 - Quel était le projet politique de Gorbatchev pour les démocraties populaires* ? vu qu’une réussite de la perestroïka*. Il n’a mesuré ni l’hostilité des peuples à
Entendait-il exporter la perestroïka* dans les « pays frères » ? ces régimes qui avaient toujours été perçus comme illégitimes ni le degré de
Exactement. Mikhaïl Gorbatchev était conscient que, depuis la fin des années décomposition du Parti-État (…).
1970, le système soviétique était en perte de vitesse, et de moins en moins - On a parfois présenté Gorbatchev comme le libérateur de l’Europe centrale, ce
compétitif avec l’Occident. Mais, en bon léniniste fidèle à ce qu’il appelait « le choix dont lui-même n’a pas hésité à se vanter. Quel jugement porter aujourd’hui sur
national fait en Octobre », il pensait que le socialisme était ce qu’il fallait pour la l’acteur historique ?
Russie et pour la zone soviétique en général. Et Gorbatchev était persuadé que le Il a eu la sagesse, ou la faiblesse, ce n’est pas clair, d’accepter l’inévitable une fois
communisme était réformable. Selon lui, on pouvait y adjoindre un peu de marché qu’il a vu qu’on ne pouvait pas sauver le système. Dans ce sens, il mérite notre
(…) et un peu de démocratie (…), sans pour autant détrôner le parti de son rôle reconnaissance. Mais c’est tout de même un acteur très passif de l’Histoire. Il
dirigeant du système. Il croyait vraiment que la Russie allait le suivre et que, dans n’est pas comparable au fondateur du système, Lénine, qui, lui, a changé le cours
les pays frères, il trouverait l’appui de « petits Gorbatchev ». Il suffisait de donner des événements.
l’exemple. L’Europe qu’il avait en tête était celle de la « maison commune » : Non, Gorbatchev s’est incliné devant le sort. C’est très bien, mais il n’y a pas de
un continent réconcilié où coexisteraient une Europe orientale dominée par un quoi en faire un grand homme. Il a libéré l’Europe sans en avoir conscience et
communisme tirant sur la social-démocratie et une Europe occidentale plus ou parce qu’il n’avait pas les moyens de l’empêcher. Il n’a jamais compris les forces
moins social-démocrate. (…) historiques qu’il avait éveillées et qui ont fini par l’emporter. C’était un apprenti
- En 1989, Gorbatchev perçoit-il que le bloc soviétique est entré en décomposition ? sorcier.
(…) Gorbatchev ne comprenait pas les dynamiques qu’il avait mises en branle
Entretien avec Martin MALIA, L’énigme Gorbatchev, dans L’Histoire, n° 236, octobre 1999, p. 52-53
en Europe orientale et en Russie. Avec une immense naïveté, il n’y a d’abord

4 Gorbatchev (… ) a déchaîné des forces qu’il n’a pas pu maîtriser. En 5 [Présenter la perestroïka*] comme un développement du socialisme, et même
ce sens, il a revêtu les habits de l’apprenti sorcier. Et a tué l’Union comme un retour au sens véritable de la doctrine léniniste – en 1986, Gorbatchev
soviétique. (…) En voulant [la] guérir, Gorbatchev a précipité sa fin. (…) proclama que, selon Lénine, le socialisme et la démocratie ne faisaient qu’un
Gorbatchev a ouvert les fenêtres dans les deux sens, vers l’intérieur (…) – ne pouvait participer que de deux cas de figure : soit il s’agissait d’une ruse
et vers l’extérieur. En mettant en œuvre la glasnost* (…) il a voulu manifeste, soit d’une illusion non moins évidente. Quelques années plus tard,
s’ouvrir aux intellectuels et se concilier l’Occident. Il a ainsi suspendu Gorbatchev reconnut avec franchise : « Nous avons tous partagé des illusions … »
le brouillage des radios et fait assaut de complaisance en matière de Il ne le comprit, pourtant, qu’après avoir essayé de mettre en pratique ses idées
négociations sur le désarmement. Il fallait montrer que l’URSS était initiales sur le « léninisme véritable ». La liste des illusions que Gorbatchev et ses
en train de changer. Ouvertes à tous les vents, les fenêtres ont laissé compagnons perdirent en très peu de temps est impressionnante : toutes leurs
pénétrer (…) des courants d’air qui ont emporté ce malade (…) reclus idées sur la viabilité du modèle soviétique de socialisme en tant que système
jusque-là dans l’atmosphère confinée d’une structure complètement capable de fonctionner « naturellement » sans s’appuyer sur la coercition et la
verrouillée. Les deux ressorts du régime totalitaire (…), l’idéologie et manipulation idéologique ; celles encore sur le degré d’attachement de leur propre
la terreur, étant éliminés successivement, le communisme soviétique société à l’« idéal socialiste » et sur la possibilité de répéter, au milieu des années
ne reposait plus que sur l’immobilisme. (…) Gorbatchev voulait (…) 1980, le projet inachevé lancé par les réformateurs du Printemps de Prague1, en
réconcilier le parti avec le peuple, promouvoir un communisme qui d’autres termes rénover, rajeunir et moderniser un régime politique archaïque
aurait admis une part de marché et un État de droit. Il s’est lancé dans après l’avoir lié à la démocratie (…). Pour finir, Gorbatchev, trompé par ses illusions,
cette affaire inconsidérément. (…) Il n’avait pas mesuré l’impopularité sous-estima la farouche résistance aux réformes de la vieille nomenklatura*, ainsi
du communisme dans les pays de l’Est ni la force du nationalisme et que l’appétit de pouvoir des forces nouvelles éveillées par la perestroïka*. Cette
l’aspiration à l’indépendance dans les Républiques soviétiques. Isolé, erreur de calcul s’avéra fatale.
le régime n’avait aucune idée des réalités sociales et baignait dans un
état de béatitude incrédule sur l’avenir. 1
→ 50/2

Pierre HASSNER, Les derniers jours de l’URSS, dans L’Histoire, n° 223, juillet-août Andreï GRATCHEV, Le mystère Gorbatchev. La Terre et le Destin, Paris, Éditions du Rocher, 2001,
1998, p. 96 p. 127

6 C’est l’une des curiosités des réformateurs communistes [dont fait partie son « rôle dirigeant » moyennant l’élimination des excroissances pathologiques
Gorbatchev] : ils se sont toujours donné pour objectifs irréalistes de réformer de sept décennies de pouvoir absolu, elle trahit une certaine naïveté de la part de
certains aspects de leurs systèmes sans toucher à d’autres, d’introduire des Gorbatchev. Dans un système autoritaire, le pouvoir est indivisible : en abandonnant
incitations par le marché tout en maintenant la planification centrale, d’accorder une partie, c’est finir par tout perdre. (…) L’ampleur des contradictions qu’ils
une plus grande liberté d’expression tout en laissant au parti le monopole de suscitèrent finit par emporter Gorbatchev et sa révolution dirigée.
la vérité. Mais la réforme partielle ou la réforme d’un secteur indépendamment
Tony JUDT, Après guerre. Une Histoire de l’Europe depuis 1945, [trad.] Paris, A. Colin, 2007,
des autres était par nature contradictoire. Le « pluralisme dirigé » ou un « marché
p. 704-705
socialiste » était d’avance condamné. Quant à l’idée que le parti pouvait conserver

131

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Documents 52 La décolonisation

Dans les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, de nombreux pays d’Asie, puis d’Afrique accèdent
à l’indépendance. C’est notamment le cas de l’Inde, de l’Indochine, du Maroc, du Congo (→ 53) et de l’Algérie.
Comment les peuples colonisés obtiennent-ils leur indépendance ? Comment les métropoles réagissent-elles ?

1 Le Comité du Congrès1 pense que de récents événements2 viennent de démontrer clairement que la domination anglaise en
Inde doit cesser aussi vite que possible (...). La puissance de cette domination est avilissante, affaiblit l’Inde et la rend de moins
en moins capable de se défendre d’abord, et de défendre ensuite la cause de la liberté.
Au lieu de reposer sur la liberté, les méthodes des Alliés se fondent sur la domination des pays coloniaux assujettis et sur
le maintien des techniques et des traditions impérialistes (...). L’Inde, cette victime typique de l’impérialisme moderne, est
devenue le nœud de l’affaire, car c’est sur la libération de l’Inde que l’on jugera l’Angleterre et les Nations unies3 et que les
peuples d’Asie et d’Afrique trouveront source d’enthousiasme et d’espoir.
La fin de la domination britannique sur ce pays est donc une question vitale et primordiale ; de son dénouement proche
dépendront l’avenir de la guerre et le triomphe de la liberté et de la démocratie. Une Inde libre sera le meilleur gage de ce
triomphe (...).
Dès la déclaration de l’indépendance de l’Inde, un Gouvernement provisoire sera formé et l’Inde libre deviendra l’alliée des
Nations unies3, partageant avec elles ses entreprises et ses épreuves dans le combat commun pour la liberté.
1
Parti indien fondé en 1885 par des intellectuels libéraux, et dont Gandhi est la figure dominante à partir de 1915.
2
Les armées japonaises occupent la Birmanie et sont aux portes de l’Inde.
3
Alliés

Résolution Quit India du Parti du Congrès, août 1942 (D’après Y. TROTIGNON et P. WAGRET [e.a.], Histoire de 1939 à nos jours, Paris, Scodel, 1983, p. 92)

2 Je m’adresse à vous en une occasion historique, au moment où nous


13 sommes en face d’un changement vital pour l’avenir des Indes. La
déclaration du Gouvernement britannique détermine la procédure Le 20 février 1947, le Premier
ERIOTSIH
par laquelle certaines régions des Indes décideront elles-mêmes de ministre anglais se prononce en
leur sort. Elle envisage d’une part la possibilité pour ces régions de se faveur de l’indépendance de l’Inde.
séparer du reste des Indes, et promet d’autre part de grands progrès Le 18 juillet 1947, le Parlement
48 britannique vote l’India Independence
dans la voie de l’indépendance complète. Un changement si important
Act, qui prévoit la création de
ne pourra s’effectuer sans l’accord de tout le peuple, car il ne faut
53-54 deux États indépendants : l’Inde, à
jamais oublier que l’avenir des Indes ne pourra être fixé que par le majorité hindoue, et le Pakistan, à
peuple indien, et non par une autorité extérieure, si amicale soit-elle. majorité musulmane. Mais la fixation
Ces propositions seront soumises à l’examen de l’assemblée des des frontières ne satisfait pas les
représentants du peuple. (…) deux communautés et suscite des
Nous tâcherons de rebâtir nos relations avec l’Angleterre sur une base massacres qui font plus de 500 000
93 d’amitié et de coopération, en oubliant le passé qui a si lourdement morts. Ces violences entraînent le
pesé sur nous. C’est sans joie dans le cœur que j’accepte ces déplacement de 17 millions
98 propositions, bien que mon esprit ne doute pas qu’elles constituent de personnes entre les deux
la bonne solution. nouveaux États.
101
Jawaharial NEHRU, déclaration, New-Delhi, 3 juin 1947 (D’après D. GALLOY et F. HAYT,
Du document à l’Histoire. De 1945 à nos jours, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1989,
p. 82)

132

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4
3 Ouvriers, paysans, soldats, jeunes gens, élèves des écoles,
compatriotes opprimés et exploités, Dessin extrait d’un
Amis, camarades, tract du Viêt-minh,
1945 (Paris, BNF)
Le Parti Communiste indochinois est fondé. C’est le parti de la classe
ouvrière. Sous sa conduite, le prolétariat dirigera la révolution dans
l’intérêt de tous les opprimés et exploités. Dès maintenant, notre
devoir est d’adhérer au parti, de l’aider et de le suivre pour réaliser les
mots d’ordre suivants : Fondé en 1941 par
1. Renverser l’impérialisme français (…). Ho Chi Minh, le Viêt-minh
(alliance pour l’indépendance
2. Conquérir l’indépendance complète de l’Indochine.
du Viêtnam) réunit différents
3. Former le Gouvernement des ouvriers, des paysans et des soldats.
mouvements nationalistes qui
4. Confisquer les banques et autres entreprises impérialistes et les luttent contre les occupants
placer sous le contrôle du Gouvernement des ouvriers, des paysans japonais et français. Il est
et des soldats ; (…) dominé par le Parti Communiste
indochinois, fondé par
HO CHI MINH, appel, Kowloon (Hong Kong), 18 février 1930 (D’après J. LEFEVRE et
J. GEORGES, Les temps contemporains vus par leurs témoins, Textes et documents, Ho Chi Minh en 1930.
Tournai, Casterman, 1973, p. 78)

En mars 1946, la France conclut avec le Viêt-minh


un accord qui donne au Viêtnam un statut d’État
5 Pendant plus de 80 années, les colonialistes français abusant du drapeau de la liberté,
partiellement autonome. Mais suite au bombardement
de Haïphong par la France en novembre 1946, de l’égalité, de la fraternité, ont violé notre terre et opprimé nos compatriotes. (…) Dans
Ho Chi Minh lance ses soldats contre les troupes le domaine politique, ils nous ont privés de toutes les libertés. (…) Ils ont construit plus
françaises. Dès janvier 1950, la république populaire de prisons que d’écoles. Ils ont noyé nos révolutions dans des fleuves de sang. (…)
de Chine et l’URSS reconnaissent la république Dans le domaine économique, ils nous ont exploités jusqu’à la moelle, ils ont réduit
démocratique du Viêtnam. notre peuple à la plus noire misère et saccagé impitoyablement notre pays. (…) Ils ont
empêché notre bourgeoisie nationale de prospérer. Ils ont exploité nos ouvriers de la
manière la plus barbare. (…)
Pour ces raisons, nous, membres du Gouvernement provisoire, déclarons, au nom du
peuple du Viêtnam tout entier, nous affranchir complètement de tout rapport colonial
avec la France impérialiste, annuler tous les traités que la France a signés au sujet du
Viêtnam, abolir tous les privilèges que les Français se sont arrogés sur notre territoire
(…). Le Viêtnam a le droit d’être libre et indépendant et, en fait, est devenu un pays libre
et indépendant.
Déclaration d’indépendance de la république démocratique du Viêtnam, Hanoï, 2 septembre 1945
(D’après A. RUSCIO. Ho Chi Minh. Textes 1914-1969, Paris, L’Harmattan, 1990, p. 112-115)

6 Paul COLIN, affiche, 1954 (Paris,


Musée d’Histoire contemporaine)

Camp retranché français depuis décembre 1953, Dien-Bien-Phu est assiégé par les
troupes du Viêt-minh, du 13 mars au 7 mai 1954, date de la reddition française. La
défaite est cuisante. Les accords de Genève signés en juillet 1954 mettent fin à la
présence française et divisent le Viêtnam en deux : la République démocratique du
Viêtnam au nord du 17e parallèle et l’État national du Viêtnam au sud. Les accords
de Genève en 1954 prévoyaient que des élections libres devraient se tenir au
Nord et au Sud, en vue de la réunification des deux Viêtnam ; mais elles ne seront
organisées ni par le Nord ni par le Sud.

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Documents 52 7 Le Parti de l’Istiqlal1 qui englobe les membres de l’ex-Parti National et des
personnalités indépendantes ;
1) considérant que le Maroc a toujours constitué un État libre et En échange de l’aide apportée par
souverain et qu’il a conservé son indépendance pendant treize siècles le Maroc lors de la Seconde Guerre
jusqu’au moment où, dans des circonstances particulières, un régime mondiale, le président des États-
Unis Roosevelt avait promis, en
de protectorat* lui a été imposé2 ; (…)
janvier 1943, son indépendance.
7) considérant que le Maroc a participé de façon effective aux guerres
Suite à la fondation du Parti de
mondiales aux côtés des Alliés (…) ; l’Indépendance en décembre 1943
8) considérant que les Alliés qui versent leur sang pour la cause de la et aux émeutes dans plusieurs villes
liberté ont reconnu, dans la Charte de l’Atlantique3, le droit des peuples en 1944, la France arrête les dirigeants
à disposer d’eux-mêmes ; du parti. En 1952, des émeutes
Décide : nationalistes font des centaines de
A. En ce qui concerne la politique générale : 1) de demander morts à Casablanca. Le 20 août 1953,
l’indépendance du Maroc dans son intégrité territoriale sous l’égide la France dépose le sultan du Maroc,
de Sa Majesté Sidi Mohammed Ben Youssef, que Dieu le glorifie ; (...) favorable à l’indépendance, et l’exile à
2) de demander l’adhésion du Maroc à la Charte de l’Atlantique3 et sa Madagascar. Il est remplacé, de 1953
participation à la conférence de la Paix4. à 1955, par un vieillard, Mohammed
B. En ce qui concerne la politique intérieure : de solliciter de Sa Majesté Ben Arafa. Mais la poursuite des
de prendre sous sa haute direction le mouvement de réforme qui violences oblige la France à engager
s’impose pour assurer la bonne marche du pays et laisse à Sa Majesté des négociations en août 1955 et à
le soin d’établir un régime démocratique comparable au régime de céder : de retour, le sultan est fait
roi sous le nom de Mohammed V et
gouvernement adopté dans les pays musulmans d’Orient, garantissant
l’indépendance est proclamée le
les droits de tous les éléments et de toutes les classes de la société
20 mars 1956.
marocaine et définissant les devoirs de chacun.
1
Parti de l’Indépendance
2
Depuis le 30 mars 1912
3
→ 87
4
Chargée du règlement de la paix après la Seconde Guerre mondiale

Manifeste du Parti de l’Istiqlal, Rabat, 11 janvier 1944 (D’après J. GRELL, M. CHERIF,


T. KHALFALLAH et H. SEDKAOUI, De l’impérialisme à la décolonisation, 1881-1960, Tunis, Société
tunisienne de Diffusion, 1967, p. 375)

Le 1er novembre 1954, une


8 L’Algérie, hélas ! vient d’être frappée à nouveau, et cette fois la violence provient de
série d’attentats, signés par la volonté criminelle de quelques hommes, mais elle n’est pas moins cruelle, inutile et
une organisation nationaliste aveugle. À nouveau la nation doit s’affirmer unie et solidaire devant le malheur, devant
alors inconnue, le Front les forces de destruction.
de Libération nationale Vous pouvez être certains, en tout cas, qu’il n’y aura, de la part du Gouvernement,
(FLN), ébranlent l’Algérie. ni hésitation, ni atermoiement, ni demi-mesure dans les dispositions qu’il prendra
Face à la résistance des pour assurer la sécurité et le respect de la loi. Il n’y aura aucun ménagement contre la
Français installés en Algérie sédition, aucun compromis avec elle, chacun ici et là-bas doit le savoir.
(les « Pieds noirs »), pour On ne transige pas lorsqu’il s’agit de défendre la paix intérieure de la nation, l’unité,
lesquels « l’Algérie, c’est la l’intégrité de la république. Les départements d’Algérie constituent une partie de la
France », le FLN s’engage République française. Ils sont français depuis longtemps et d’une manière irrévocable.
dans une révolution visant (…) Entre elles et la métropole il n’y a pas de sécession concevable.
la destruction du régime
colonial. C’est le début de la Pierre MENDÈS FRANCE, discours devant l’Assemblée nationale, Paris, 12 novembre 1954 (D’après
guerre d’Algérie. M. MOPIN, Les grands débats parlementaires de 1875 à nos jours, Coll. « Notes et études documentaires »,
Paris, La Documentation française, 1988, p. 311)

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Le 12 mars 1956, le
Gouvernement français
9 Il n’est pas nécessaire d’aller chercher bien loin des raisons de s’indigner. (…) Je ne prononcerai que trois mots, assez
obtient de l’Assemblée chargés de sens : camps de concentration, torture et répression collective. Je ne veux scandaliser personne et ne
nationale des pouvoirs prononcerai pas à la légère les noms sacrés de Dachau et Buchenwald. Il me suffira, hélas, d’en prononcer un autre,
spéciaux qui permettent déjà bien lourd à porter : nous, Français, avions déjà sur la conscience le camp de Gurs1, et nous savons, n’ayant pas
d’intensifier l’action d’excuse, de quelles abominations, de quelles souffrances, au surplus politiquement toujours inutiles, s’accompagnent
militaire et de prendre des le recrutement des « suspects » et leur abandon aux démences concentrationnaires. Passant à la torture, je ne puis
mesures économiques éviter de parler de « Gestapo* » : partout en Algérie, la chose n’est niée par personne, ont été installés de véritables
et administratives en laboratoires de torture, avec baignoire électrique et tout ce qu’il faut, et cela est une honte pour le pays de la Révolution
faveur de la population française (...). Et que dire enfin de la répression collective (...). L’opération consiste toujours à frapper indistinctement
musulmane. En réponse innocents et coupables, combattants et désarmés. On ne « venge » pas un assassinat par de tels crimes, car ce sont là
aux attentats, l’armée utilise des crimes. (...) Oui, la grandeur française est en péril. Je m’adresse à tous ceux qui, comme moi (...), ont des enfants et
la torture et multiplie les des petits-enfants : il faut que nous puissions leur parler, sans être couverts d’humiliation, d’Oradour2 et [du] procès de
arrestations. Dès l’été 1956, Nuremberg3.
400 000 soldats français
sont envoyés en Algérie. 1
Camp créé dans les Pyrénées atlantiques en 1939 pour les réfugiés espagnols, utilisé ensuite pour détenir des Allemands en 1939-1940.
En juin 1940, le régime de Vichy y interne 60 000 « suspects » (Juifs, communistes…).
2
Commune du Limousin (Haute-Vienne) où, le 10 juin 1944, les Allemands massacrent 643 personnes, dont 500 femmes et enfants.
3
→ 88/1

Henri-Irénée MARROU, France, ma patrie..., dans Le Monde, 5 avril 1956 (Adapté d’après http://www.ldh-toulon.net, page consultée le 4 janvier 2008)

10 Roland MOISAN, caricature, dans Le Canard enchaîné, 23 septembre 1959

Dans une allocution radiotélévisée, le 16 septembre 1959, le général de Gaulle


annonce que les Algériens pourront choisir entre trois options, que présente
le caricaturiste.

11 La conclusion du « cessez-le-feu » en Algérie, les dispositions adoptées pour que les populations y
choisissent leur destin, la perspective qui s’ouvre sur l’avènement d’une Algérie indépendante coopérant
étroitement avec nous, satisfont la raison de la France. Car ce qui vient d’être décidé répond à trois
vérités qui sont aussi claires que le jour. La première, c’est que notre intérêt national, les réalités
Une majorité de Français désirant la paix, des françaises, algériennes et mondiales, le sens de l’œuvre et du génie traditionnels de notre pays,
négociations s’ouvrent à Évian en mai 1961, nous commandent de vouloir qu’en notre temps, l’Algérie dispose d’elle-même. La seconde, c’est
mais sont interrompues en raison de la guerre. que les grands besoins et les vastes désirs des Algériens pour ce qui est de leur développement,
Elles reprennent en 1962 et les accords sont les nécessités modernes de leur progrès économique, technique, culturel, la présence au milieu
signés le 18 mars. Ils prévoient la fin des
d’eux d’une communauté de souche française importante par le nombre, et, plus encore par le rôle
opérations militaires, l’évacuation totale de
qu’elle joue aujourd’hui et que la France lui demande de jouer demain dans l’activité locale, l’effectif
l’armée française dans un délai de trois ans
et l’organisation en Algérie d’un référendum*
des musulmans qui viennent de l’autre bord de la Méditerranée travailler ou s’instruire dans notre
d’autodétermination. Ils garantissent aussi les métropole*, imposent à l’Algérie de s’associer à notre pays. Enfin, la troisième vérité c’est que, par-
droits des Européens, le maintien des bases dessus les combats, les attentats, les épreuves, et en dépit de toutes les différences de race, de
et des moyens militaires de la France ainsi que vie et de religion, il y a, entre la France et l’Algérie, non seulement de multiples liens tissés au long
la poursuite de l’assistance économique et de des 132 ans de leur existence commune, non seulement les souvenirs des grandes batailles, où les
la coopération culturelle. Avec le soutien de enfants de l’un et de l’autre pays luttèrent côte à côte dans nos rangs pour la liberté du monde, mais
l’armée, Ben Bella prend le pouvoir en août 1962 encore une sorte d’attrait particulier et élémentaire. Qui sait même si la lutte qui se termine et le
et l’Assemblée nationale constituante proclame sacrifice des morts1 tombés des deux côtés n’auront pas, en définitive, aidé les deux peuples à mieux
la République algérienne. En 1963, Ben Bella comprendre qu’ils sont faits, non pour se combattre, mais pour marcher fraternellement ensemble
est élu président. Mais la situation sociale et sur la route de la civilisation ?
économique suscite le mécontentement, et
les rivalités entre les anciens chefs de la lutte 1
Le bilan global, difficile à établir, est estimé à plus de 200 000 morts, militaires et civils.
pour l’indépendance fragilisent Ben Bella. Cette
situation de crise aboutit, le 18 juin 1965, au Charles de GAULLE, discours télévisé prononcé après la signature des accords d’Évian, Paris, 18 mars 1962 (D’après
coup d’État du colonel Houari Boumédiène qui C. de GAULLE, Discours et messages, III, Paris, Plon, 1970, p. 391-393)
installe un régime fort.

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Documents 53 Le Congo belge : du paternalisme
à l’indépendance
Le 30 juin 1960, le Congo accède à l’indépendance. Quelles sont les principales caractéristiques du processus
de décolonisation à l’œuvre dans cette partie de l’Afrique centrale ? Quels sont les acteurs et les résultats
de ce processus ?

« La vaste et pittoresque
agglomération des cités indigènes
où, au sud-ouest de Léopoldville,
vivent les quelque 300 000
autochtones de la capitale
congolaise, était en liesse, le
18 mai, à l’occasion de la visite
qu’allait lui faire le roi. Tout un
peuple fit fête au souverain avec
une exubérance indescriptible.
(…) L’auto du chef de l’État est
précédée par les voitures de
journalistes et des cinéastes.
Des deux côtés de l’avenue, la
foule libère son enthousiasme. »
(La première semaine du voyage
triomphal du roi dans notre
colonie, dans Le Patriote Illustré,
n° 22, 29 mai 1955, p. 67)

1 Photographie de la première visite du roi Baudouin au Congo, Léopoldville, 18 mai 1955, dans Le Patriote illustré,
n° 22, 29 mai 1955, p. 67

2 J’écris ces lignes en écoutant le reportage du retour de S.M. le roi Baudouin. (…) On peut se demander maintenant pourquoi le Congo
est si calme alors que les autres empires coloniaux craquent et s’effondrent. (…) Sous l’impulsion d’un grand roi, (…) les Belges se sont
installés au Congo (…) avec leur puissance de travail et leur foi chrétienne. (…) [Les] Belges fixés au Congo ont pratiqué une méthode de
52 colonisation essentiellement basée sur la paternalisme, c’est-à-dire le lien naturel le plus puissant qui puissent unir entre eux les hommes.
Je n’ignore pas que ce paternalisme est aujourd’hui objet d’horreur pour bon nombre d’Européens et qu’il a eu parfois ses excès (…). Mais
54 celui qui en reçoit le bien-être matériel et les bénéfices spirituels en juge autrement. Il sait que la méthode est bonne car il en éprouve
les résultats. S’il est réaliste – et lorsqu’on a vécu difficilement, on l’est toujours –, il ne le troquera pas contre une ombre. Les Noirs de
notre Congo l’ont dit nettement aux journalistes étrangers qui accompagnaient le roi Baudouin. (…) Si j’insiste sur ce paternalisme (…),
[c’est qu’]il nous fait (…) comprendre l’accueil triomphal que le roi Baudouin a reçu au Congo. Il est rigoureusment vrai de dire que notre
roi a été accueilli par ses sujets africains comme le père de son peuple. Les hommages qui lui ont été prodigués le prouvent : ils émanent
93 de fils reconnaissants.

Marcel DE CORTE, Le roi et notre Congo, dans La Libre Belgique, 14 juin 1955, p. 1

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3 Monsieur le Président, Messieurs, 4 Congolais et Congolaises, Combattants de l’indépendance aujourd’hui
L’indépendance du Congo constitue l’aboutissement de l’œuvre conçue victorieux, je vous salue au nom du Gouvernement congolais. (…)
par le génie du roi Léopold II, entreprise par lui avec un courage tenace [Cette] indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans
et continuée avec persévérance par la Belgique (...). l’entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d’égal à égal,
Pendant 80 ans, la Belgique a envoyé sur votre sol les meilleurs de nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que
ses fils, d’abord pour délivrer le bassin du Congo de l’odieux trafic c’est par la lutte qu’elle a été conquise, (…) une lutte dans laquelle nous
esclavagiste qui décimait ses populations ; ensuite pour rapprocher n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni
les unes des autres les ethnies qui, jadis ennemies, s’apprêtent à notre sang. (…) [Nous] en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-
constituer ensemble le plus grand des États indépendants d’Afrique ; mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour
enfin, pour appeler à une vie plus heureuse les diverses régions du mettre fin à l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force. Ce
Congo (…). Le Congo a été doté de chemins de fer, de routes, de lignes que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont
maritimes et aériennes qui, en mettant vos populations en contact trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les
les unes avec les autres, ont favorisé leur unité et ont élargi le pays chasser de notre mémoire.
aux dimensions du monde. Un service médical (…) a été patiemment Nous avons connu le travail harassant, exigé en échange de salaires qui
organisé et vous a délivrés de maladies combien dévastatrices. (…) ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous
L’agriculture a été améliorée et modernisée. De grandes villes ont été loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers.
édifiées et (…) les conditions de l’habitation et de l’hygiène traduisent de Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions
remarquables progrès. Des entreprises industrielles ont mis en valeur subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Qui oubliera
les richesses naturelles du sol. L’expansion de l’activité économique a qu’à un Noir on disait « tu », non certes comme à un ami, mais parce que
été considérable, augmentant ainsi le bien-être de vos populations et le « vous » honorable était réservé aux seuls Blancs !
dotant le pays de techniciens indispensables à son dévouement. Grâce Nous avons connu que nos terres furent spoliées au nom de textes
aux écoles des missions, comme à celles que créèrent les pouvoirs prétendument légaux qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort.
publics, l’éducation de base connaît une extension enviable ; une élite Nous avons connu que la loi n’était jamais la même selon qu’il s’agissait
intellectuelle a commencé à se constituer que vos universités vont d’un Blanc ou d’un Noir : accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine
rapidement accroître. (…) Le grand mouvement d’indépendance qui pour les autres.
entraîne toute l’Afrique a trouvé, auprès des pouvoirs belges, la plus Nous avons connu qu’il y avait dans les villes des maisons magnifiques
large compréhension. En face du désir unanime de vos populations, pour les Blancs et des paillotes croulantes pour les Noirs ; qu’un Noir
nous n’avons pas hésité à vous reconnaître, dès à présent, cette n’était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les
indépendance. C’est à vous, Messieurs, qu’il appartient maintenant de magasins dits européens ; qu’un Noir voyageait à même la coque des
démontrer que nous avons eu raison de vous faire confiance. (…) péniches, aux pieds du Blanc dans sa cabine de luxe. (…)

BAUDOUIN Ier, discours prononcé lors des cérémonies d’indépendance, Léopoldville, Patrice LUMUMBA, discours prononcé lors des cérémonies d’indépendance, Léopoldville,
30 juin 1960 (D’après J. STENGERS, La Belgique et le Congo. Une décolonisation 30 juin 1960 (D’après J. STENGERS, La Belgique et le Congo. Une décolonisation
révolutionnaire, dans Histoire de la Belgique contemporaine 1914-1970, Bruxelles, révolutionnaire, dans Histoire de la Belgique contemporaine 1914-1970, Bruxelles,
La Renaissance du Livre, 1975, p. 434-435) La Renaissance du Livre, 1975, p. 435)

5 Un demi-million d’enfants indigènes fréquentaient les écoles évitons ainsi de faire des mécontents, des gens auxquels on
belges, au niveau élémentaire seulement. Les meilleurs élèves refuse les situations pour lesquelles ils se prétendent qualifiés »,
étaient ensuite orientés vers un enseignement pratique qui les disaient les Belges. Belges et indigènes coexistaient d’une
rendait aptes à occuper des postes subalternes dans l’industrie façon qui convenait aux premiers et que les seconds semblaient
ou les plantations. (…) Très peu de sujets exceptionnels accepter de bon gré. Plusieurs Européens me firent remarquer
terminaient leurs études en Belgique ou en France. (…) que les relations entre Blancs et Noirs étaient plus satisfaisantes
L’administration coloniale ne tenait d’ailleurs pas à développer au Congo qu’aux États-Unis. Certes, il n’était pas question de
l’enseignement supérieur. Les Belges estimaient que le temps mariages mixtes et la différence de moyens économiques
n’était pas encore venu, étant donné que le gros de la population restait énorme. Mais pas de ségrégation dans les transports en
demeurait complètement analphabète. (…) [Elle] trouvait ce commun ni aux terrasses des cafés.
système préférable aux pratiques des Britanniques et des
Robert MURPHY, Un diplomate parmi les guerriers, Paris, Laffont, 1965,
Français, qui ouvraient leurs universités aux jeunes indigènes
p. 350-351 (D’après J. BOUILLON [dir.], Le temps présent. Le XXe siècle depuis
d’intelligence supérieure, sans se soucier de leur assurer par 1939, Paris, Bordas, 1983, p. 101-103)
la suite une situation compatible avec leur instruction. « Nous

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Documents 53 6 Notre inscription dans les registres de la population 7 La Belgique est une et indivisible : Belgique d’Europe et
indigène civilisée constitue un non-sens (…). De par Belgique d’Afrique. La terre belge du Congo est habitée
le milieu où nous sommes nés comme aussi de par par des citoyens belges, qu’ils soient de race noire ou qu’ils
l’orientation de notre culture, nous croyions avec aient la peau blanche. (…) De même, les Congolais seront
conviction que seule notre assimilation avec nos libres de demander et d’obtenir l’indépendance mais nous
bienfaiteurs constitue notre réelle destinée sociale. devons tout faire pour qu’ils soient fiers et heureux de rester
Mais hélas, de jour en jour, nous sommes témoins Belges. (…) Un citoyen participe à la souveraineté nationale.
et même victimes de faits, gestes, attitudes de Par son vote, il choisit ses représentants responsables
ceux auxquels nous croyions être assimilés. (…) devant le corps électoral. Ceci – au Congo – n’est pas
L’on nous a sciemment mis hors de la voie qui doit encore possible. (…) Un jour, l’éducation sera achevée. Au
nécessairement mener l’homme vers sa destinée bout de l’évolution, on aperçoit deux collectivités qui, dans
sociale. (…) Si depuis l’annexion, le Congo n’a qu’une le cadre de l’unité politique belge, auront leurs institutions
seule et même destinée avec la Belgique, désormais particulières. Elles seront également démocratiques. Au
sa métropole, n’est-il pas logique que les habitants Congo comme en Belgique, tous les Belges politiquement
évolués du Congo belge jouissent des mêmes droits formés participeront au Gouvernement de ces collectivités.
civils que les Belges de la métropole ?
Pierre WIGNY, L’avenir politique du Congo, dans Revue générale belge,
Lomami TSHIBAMBA, Quelle sera notre place dans le monde juin 1951, p. 180-181 et 188-189 (D’après J. STENGERS, La Belgique et le
de demain ?, dans La Voix du Congolais, n° 2, 1945 (D’après Congo. Une décolonisation révolutionnaire, dans Histoire de la Belgique
J. VAN BILSEN, Congo 1945-1965. La fin d’une colonie, Bruxelles, contemporaine 1914-1970, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1975,
CRISP, 1994, p. 37) p. 415)

8 Au Congo et au Ruanda-Urundi, la formation des élites et des cadres d’homme à homme, de véritables liens d’amitié. (…)
dirigeants responsables est en retard d’une génération, par rapport La reconnaissance de droits politiques à une élite qui possède bien
aux territoires coloniaux britanniques et français limitrophes. (…) Si une maturité politique suffisante, mais pas encore une habilité
nous le voulons, dans une génération, nos territoires africains seront administrative suffisante, peut être au surplus un moyen opportun
en mesure de prendre en mains la responsabilité de leurs propres de ménager des étapes de transition, dans un pays qui risque d’être
destinées. C’est notre devoir et notre intérêt d’y pourvoir. (…) secoué par le brusque passage de la colonisation à la liberté. (…)
À mon avis, la solution se trouve dans la perspective d’une souple L’autorité de l’État, c’est-à-dire le pouvoir législatif et exécutif, ne
confédération entre la Belgique, d’une part, et, d’autre part, une pourra être transmis à l’Afrique que progressivement et dans les
grande fédération congolaise progressivement édifiée. (…) limites de solides lois de cadre, au fur et à mesure que les populations
Les « relations humaines » entre les deux races, dont le roi a dit congolaises recevront des droits politiques et deviendront aptes à
qu’en ce moment elles constituaient le problème essentiel de notre défendre l’intérêt général au niveau du Gouvernement fédéral du
politique coloniale, forment la base psychologique et morale à défaut Congo.
de laquelle l’avenir de notre tâche en Afrique serait sérieusement
Jef VAN BILSEN, Un plan de trente ans pour l’émancipation politique de l’Afrique
compromis. Les indigènes sentent d’une manière aiguë l’absence
belge, dans Dossiers de l’Action sociale catholique, février 1956 (D’après J. VAN
de relations sociales entre Noirs et Blancs et principalement entre BILSEN, Congo 1945-1965. La fin d’une colonie, Bruxelles, CRISP, 1994, p. 373-388)
familles européennes et africaines, l’absence de franches relations

9 (…) il faut que les Belges comprennent dès maintenant que leur Congolais, et à la sincérité avec laquelle la Belgique nous
domination sur le Congo ne sera pas éternelle (…) ; (…) au- aidera à réaliser notre autonomie politique ; nous demandons
delà du plan de trente ans, nous (…) demandons (…) un plan d’être intéressés à l’élaboration du plan de trente ans dont il
global d’émancipation totale, (…) économique, ou sociale (…) est question. Sans cette participation, un tel plan ne pourrait
de progrès dans l’éducation et la culture. (…) qui oserait parler avoir notre assentiment ; (…) notre mouvement national n’est
d’émancipation véritable si la direction de toute la vie écono- pas inspiré par la haine mais par la fraternité et la justice (…)
mique, la propriété des entreprise industrielles, agricoles et nous demandons aux Européens d’abandonner leur attitude de
commerciales devaient indéfiniment rester, d’une manière mépris et de ségrégation raciale. (…)
exclusive, entre les mains d’Européens (…) ; (…) cette amitié de
Manifeste de Conscience africaine, Léopoldville, juillet-août 1956 (D’après
la Belgique, nous ne la mesurons pas au montant des capitaux
J. VANDERLINDEN, La crise congolaise, Bruxelles, Complexe, 1985, p. 56-57)
investis, mais à l’attitude des belges du Congo à l’égard des

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10 L’État-providence et l’Employeur-providence, avec la collaboration des missions 11 Nous avons réclamé l’indépendance immédiate et inconditionnelle
catholiques, veillent au bien-être matériel et moral de l’autochtone. Il est soigné de notre pays. Nous venons de l’obtenir. Nous avons demandé que
gratuitement depuis la maternité et la crêche jusqu’à son lit de mort. Il est logé cette indépendance soit totale et réelle. Le Gouvernement belge,
par son employeur ou bénéficie d’une indemnité et de prêts à la construction accédant à notre désir, nous a assurés de ce que la Belgique ne
consentis par les pouvoirs publics. (…) Son repos est assuré par le couvre-feu des se réservera aucune compétence à partir du 30 juin 1960. À cette
cités dans lesquelles il vit et où la présence de l’Européen n’est pas tolérée la nuit. date, le Congo accédera à la souveraineté nationale. (…)
La formule de son bonheur est étudiée par les hommes de science appliquée, Le fait pour la Belgique d’avoir libéré le Congo du régime colonial
par des hommes d’affaires avertis qui s’emploient à lui éviter les erreurs de que nous ne supportions plus, lui vaut l’amitié et l’estime du
conduite. Dernièrement encore, il lui était interdit de détenir, à plus forte raison peuple congolais. (…)
de consommer du vin ou des alcools. (…) Les journaux, les publications, les livres Aujourd’hui nous allons oublier toutes les fautes du passé,
édités à son intention sont eux aussi éducatifs et émanent presqu’exclusivement toutes les causes de nos dissensions, pour ne voir que cet avenir
du Gouvernement ou des sociétés missionnaires. Il ne peut se déplacer sans merveilleux qui sourit devant nous. (…)
l’autorisation de l’administration ni sans avoir produit un certificat médical. (…) Jeune État, nous aurons besoin des conseils et du concours
Le commerçant, l’épicier, le boucher font l’éducation de leur clientèle noire à technique de la Belgique. Nous espérons fermement que ce
des guichets particuliers. Les banques ont formé des caissiers noirs qui font concours ne nous sera pas refusé.
l’éducation des déposants. Le paternalisme est intégral.
Patrice LUMUMBA, discours prononcé à la clôture de la conférence de la Table
Jean LABRIQUE, Le Congo belge : un exemple de paternalisme sans mauvaise conscience, dans ronde, Bruxelles, 20 février 1960 (D’après J. STENGERS, La Belgique et le Congo.
Le Monde, 7 janvier 1959, p. 2 (D’après La décolonisation, dans À la une. Les grands événements Une décolonisation révolutionnaire, dans Histoire de la Belgique contemporaine
du XXe siècle et les journaux de l’époque, n° 107, 1981, p. 22) 1914-1970, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1975, p. 434-435)

12 L’indépendance fut promise pour le 30 juin 1960. (…) Les décisions étant prises, au Congo dans des conditions plus favorables que ne l’avaient fait la France
le roi convoqua un conseil de la Couronne1. (…) Il ne restait qu’à s’incliner ou la Grande-Bretagne pour certaines de leurs colonies. Mais il y avait aussi
devant le fait accompli et à souhaiter bonne chance à ceux qui avaient agi. les malins qui espéraient tout garder en faisant mine de tout céder. (…) Le
Leurs mobiles étaient complexes. (…) Pour les expliquer, il faut tenir compte des réveil brutal fut à la mesure des illusions entretenues. Les cérémonies de
éléments suivants, s’ajoutant les uns aux autres : le courant de décolonisation, l’indépendance furent rendues pénibles par un insolent discours de Lumumba,
la guerre d’Algérie qui paraissait un exemple à éviter à tout prix, le fait que la prononcé en présence du roi.
grande majorité des Belges ne voulait donner ni un sou, ni un homme pour
1
défendre la colonie. Réunion des ministres du Gouvernement et des ministres d’État sous la présidence du
roi
Une certaine philosophie politique généreuse animait ceux qui croyaient
marcher avec leur temps et même le devancer en accordant l’indépendance Paul-Henri SPAAK, Combats inachevés, II, Paris, Fayard, 1969, p. 238-239

13 1945 Création de La Voix du Congolais, premier organe de presse des « évolués »1


1950 Constitution de l’Alliance des Bakongo (ABAKO), association culturelle pour la défense de la langue et de la culture kongo, présidée par
Joseph Kasa-Vubu
1951 Fondation du mouvement Conscience africaine par l’abbé Joseph Malula
1955 mai Voyage du roi Baudouin au Congo
1956 février Publication du Plan de trente ans pour l’Émancipation politique de l’Afrique belge de Jef Van Bilsen
juillet Publication du Manifeste de Conscience africaine
septembre Publication du Manifeste de l’ABAKO, parti politique revendiquant l’indépendance
1958 10 octobre Constitution du Mouvement national Congolais (MNC) dirigé par Patrice Lumumba. L’ABAKO revendique l’indépendance totale et immédiate.
1959 4-5 janvier Des émeutes à Léopoldville font plusieurs dizaines de morts et de nombreux dégâts matériels.
13 janvier Déclaration gouvernementale annonçant des réformes et message royal sur l’avenir politique du Congo belge
1960 20 janvier Ouverture de la conférence belgo-congolaise dite de la « Table ronde » sur l’avenir du Congo.
20 février Fixation de la date de l’indépendance au 30 juin 1960
11 au 25 mai Élections législatives et provinciales au Congo : 30 partis se partagent les 137 sièges.
23 juin Constitution du Gouvernement présidé par Lumumba et élection, le lendemain, par les Chambres réunies, de Kasa-Vubu comme chef de l’État
1
Terme d’époque qui désigne l’« élite » indigène, à savoir ceux qui ont obtenu un diplôme supérieur

De la fin de la colonisation belge au Congo : repères

139

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Documents 54 Congo, Zaïre, RDC

Aujourd’hui, la République démocratique du Congo (RDC) est considérée comme un des « pays les moins
avancés ». Comment la jeune République indépendante fondée en juin 1960 en est-elle arrivée là ? Quelles
perspectives s’ouvrent pour demain ?

1 Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons commencer une nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à
la paix, à la prospérité et à la grandeur.
Nous allons établir ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. Nous allons
montrer au monde ce que peut faire l’homme noir quand il travaille dans la liberté, et nous allons faire du Congo le centre
de rayonnement de l’Afrique tout entière. Nous allons veiller à ce que les terres de notre patrie profitent véritablement à ses
enfants. Nous allons revoir toutes les lois d’autrefois et en faire de nouvelles qui seront justes et nobles. Nous allons mettre
fin à l’oppression de la pensée libre et faire en sorte que tous les citoyens jouissent pleinement des libertés fondamentales
prévues dans la Déclaration des droits de l’homme. (…) Nous allons faire régner non pas la paix des fusils et des baïonnettes,
mais la paix des cœurs et des bonnes volontés.
(…) Nous pourrons compter non seulement sur nos forces énormes et nos richesses immenses, mais sur l’assistance de
nombreux pays étrangers dont nous accepterons la collaboration chaque fois qu’elle sera loyale et ne cherchera pas à nous
imposer une politique quelle qu’elle soit. (…)
Je vous demande enfin de respecter inconditionnellement la vie et les biens de vos concitoyens et des étrangers établis
dans notre pays. Si la conduite de ces étrangers laisse à désirer, notre justice sera prompte à les expulser du territoire de la
république ; si par contre leur conduite est bonne, il faut les laisser en paix, car eux aussi travaillent à la prospérité de notre
pays. L’indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain.

Patrice LUMUMBA, discours prononcé lors des cérémonies d’indépendance, Léopoldville, 30 juin 1960 (D’après J. VAN BILSEN, Congo 1945-1965. La fin
d’une colonie, Bruxelles, CRISP, 1994, p. 235-236)

3 Photographie de Jean GUYAUX, Kinshasa, sans date


2 Le développement de la situation des derniers
jours a abouti à créer un véritable vide politique
dans tout le Congo. Ce vide a été voulu par
5
Lumumba et ses créatures. L’existence d’un
véritable complot ne peut faire de doute
(…). Ce vide politique a été créé de façon à
permettre la mainmise systématique des gens
3
53 de l’Est sur le Congo. Le problème en jeu n’est
pas seulement belge, ce problème intéresse
63 tout l’Occident. Si l’on ne peut le résoudre à
son avantage, le Congo sera communiste dans
2 mois. Dans 2 ans toute l’Afrique noire sera
sous l’influence de l’Est.

Harold d’ASPREMONT LYNDEN, note au Premier ministre


94 Eyskens, 20 juillet 1960 (D’après L. DE VOS, E. GÉRARD,
J. GÉRARD-LIBOIS et P. RAXHON, Les secrets de l’affaire
Lumumba, Bruxelles, Racine, 2005, p. 85-86)

140

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4 À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, et ce dans tous les craignez rien ! Dirigés par le Premier ministre et moi-même, ces ministres
domaines. C’est ainsi que, dès le 24 novembre 1965, un terme a été mis à la agiront pour le bien du pays et du peuple congolais tout entier.
stupide lutte d’influence que se livraient les partis politiques. Pendant 5 ans, S’il devait s’avérer que l’un d’eux faillit à son devoir de serviteur du peuple, en
il n’y aura plus de politique des partis dans ce pays. bons militaires que nous sommes, le colonel Mulamba et moi-même aurions
Les politiciens ont causé trop de tort au pays pour qu’on puisse leur permettre tôt fait de le rappeler à l’ordre.
de nuire encore. Ne croyez surtout pas que mon Gouvernement soit composé Je vous ai dit qu’il n’y a plus de politique des partis dans ce pays. Une nouvelle
de politiciens. Les ministres actuels représentent non pas un parti politique, preuve en est que je dirigerai le pays par voie d’ordonnances ayant force
mais leur province et rien que leur province. de lois. La situation est en effet trop grave pour que les mesures urgentes
C’est à ce titre que les membres du Parlement, réunis eux aussi par province, qui s’imposent puissent être freinées, ne fût-ce que quelques jours, par les
les ont proposés pour entrer dans le Gouvernement. C’est à ce titre également discussions oiseuses, partisanes et surtout intéressées des politiciens. (…)
qu’ils exerceront leurs fonctions sous le contrôle d’un autre militaire à qui
j’ai confié le poste de Premier ministre. J’ai nommé le colonel Mulamba, Joseph MOBUTU, Discours programme, Léopoldville, 12 décembre 1965 (D’après C. BRAECKMAN
[e.a.], Congo-Zaïre, Coll. « Grip-Informations », Bruxelles, GRIP, 1989, p. 103)
cet homme valeureux, courageux et intègre, que vous connaissez tous. Ne

5 Après une période de transition, le nouveau chef de l’État abolit toutes


les institutions existantes, interdit les mouvements politiques et 6 Nous, peuple congolais, réuni en Conférence Nationale Souveraine ;
instaure un parti unique, le MPR. Les organisations sociales libres sont Constatant la crise profonde, multiforme et persistante à laquelle le pays
également mises au pas et remplacées par une organisation unique est confronté depuis de nombreuses années ;
contrôlée par l’État-parti. Tous les contre-pouvoirs (l’Église, le monde Considérant la paupérisation de la population, le ravalement et l’inversion
universitaire, la presse) sont muselés plus ou moins efficacement. La des valeurs morales et spirituelles, la chute vertigineuse de la monnaie, le
« IIe République » ne connaît pas d’élections libres ; elle est dirigée recul sans cesse croissant de la production nationale, le règne des maux
d’une main de fer par le président Mobutu, qui s’entoure d’un véritable tels que l’arbitraire, la corruption, le népotisme, le tribalisme, la dislocation
culte de la personnalité. Le Congo devient un État policier, où sévit une de l’appareil sanitaire, l’effondrement du système éducatif, la confiscation
panoplie de services secrets : de nombreux opposants au régime sont des libertés individuelles et collectives, le détournement systématique des
éliminés physiquement. (…) biens publics et la spoliation des biens privés, l’incivisme et l’anarchie ;
Cette transformation accompagne l’instauration d’une véritable Convaincu de l’incapacité totale des institutions en place d’apporter des
« kleptocratie », littéralement « un régime dirigé par des voleurs ». La solutions à cette situation tragique ;
corruption et la gabegie (…) prennent maintenant des proportions Convaincu de la nécessité de rompre avec l’ordre ancien et de préparer
inouïes. Le président lui-même, les membres de sa famille, ses proches dans la paix et la concorde, l’avènement d’une république réellement
et enfin les « barons du régime » (…) instaurent un système de rapines à démocratique garantissant un développement intégral et harmonieux de
grande échelle. Les leviers de l’État leur donnent accès aux ressources la Nation (…).
économiques, qui sont pillées sans vergogne. Décidons solennellement adopter le présent acte portant dispositions
constitutionnelles relatives à la période de transition.
Guy VANTHEMSCHE, La Belgique et le Congo. Empreintes d’une colonie (1885-1980),
dans M. DUMOULIN [e.a.], Nouvelle Histoire de Belgique, IV, Bruxelles, Complexe, 2006, Préambule de l’Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de
p. 215-216 transition adopté par la Conférence Nationale Souveraine, Kinshasa, 4 août 1992 (D’après
G. DE VILLERS, Zaïre. La Transition manquée. 1990-1997, Coll. « Cahiers africains », Tervuren,
Institut africain, 1997, p. 93)

7 1959 1966 1970 1977 1990 1992 1996 2000 2004 2005
Cuivre 282,3 316,8 387 481,2 355,7 147,2 40,1 30,8 19,7 5,2
Sous la pression de la communauté internationale et d’une
Cobalt 8,4 11,2 13,9 10,2 10 6,4 4,1 3,7 8,8 1,5
opposition croissante, dont celle de l’Église et d’Étienne
Zinc 67,2 113,4 104,3 72,3 38,2 18,8 3,2 0, 2 5 3 Tshisekedi, dirigeant d’un des principaux partis d’opposition,
Or fin 10,8 4,9 5,6 2,5 0,005 0,002 0,001 0,001 0,001 l’Union pour la Démocratie et le Progrès social, Mobutu accepte,
en avril 1991, la réunion d’une Conférence Nationale Souveraine.
Évolution de quelques productions minières (en milliers de tonnes) du Zaïre puis de la République
démocratique du Congo, 1959-2005 (D’après J. VANDERLINDEN, Du Congo au Zaïre. 1960-1980, Bruxelles, Elle est composée de 2850 délégués des partis et de la société
CRISP, 1981, p. 195 ; G. MUTAMBA LUKASA, Congo-Zaïre, la faillite d’un pays : déséquilibre macro-économique civile. Son rôle est d’élaborer un projet de Constitution. Mais
et ajustements (1988-1999), Coll. « Cahiers africains », Tervuren, CEDAF, 1999, p. 15, 45 et http://www. l’opposition à Mobutu est divisée et après 6 ans de débats, la
planeteafrique.com/rdc, page consultée le 22 janvier 2008) « Transition » se termine en mai 1997 par le renversement de
Mobutu par Laurent-Désiré Kabila.

141

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Documents 54 8 1970 1991 1996
9 Années Population PIB PIB/hab. Dette
(en millions) (en millions (en dollars) extérieure
Service de la dette 4,6 46 28 de dollars) (en millions
de dollars)
Institutions politiques 14,6 28 21
1960 16,42 12 423 755 485
Défense nationale 14,5 2,4 28
1970 21,39 16 737 782 300
Éducation nationale 19,7 0,4 0,8
1980 28,12 17 355 617 4770
Santé publique 2,6 0,14 1,1
1990 37,96 19 922 525 7771
Évolution de quelques postes du budget de l’État zaïrois
(en %), 1970-1996 (D’après P. MAMIMAMI KABARE, Congo dans 1996 46,62 13 536 290 12 826
l’engrenage de l’endettement, dans Demain le monde, 2000 51,81 11 286 218 12 839
n° 56, septembre 2001, p. 27)
2001 53,62 10 789 202 13 879
2005 57,5 6900 120 10 822

Évolution de la population et de quelques indicateurs économiques du


Congo, du Zaïre et de la République démocratique du Congo, 1960-2005
(D’après Angus MADDISON, L’économie mondiale. Statistiques historiques,
Paris, OCDE, 2003, p. 219, 227, 235 et http://www.diplomatie.gouv.fr, page
consultée le 18 janvier 2008)

10 1970 1985 1990 1995 2005 2006


Mortalité infantile 98 ‰ 129 ‰ 144 ‰ 129 ‰ 88,6 ‰
Analphabètes 38,8 % 33 % 39 % 34,5 %
Taux de natalité 48 ‰ 45,2 ‰ 49 ‰ 50 ‰ 43,7 ‰
Taux de mortalité 20 ‰ 15,8 ‰ 19 ‰ 21 ‰ 13,3 ‰
Accès à l’éducation primaire 86,5 % 67 % 61,7 %
Espérance de vie à la naissance 45 ans 53,5 ans 46 ans 44 ans 51 ans

Quelques indicateurs sociodémographiques du Zaïre et de la République démocratique du Congo, 1985-2006


(D’après le rapport de l’UNICEF L’enfance en péril. La situation des enfants dans le monde, UNICEF, 2005 ; http://www.unicef.
org et http://www.populationdata.net, pages consultées le 18 janvier 2008)

11 Les changements en Europe de l’Est ont (…) provoqué dans de nombreux pays d’Afrique la remise en question des régimes
marxistes et des systèmes de partis uniques. Un pluralisme, plus ou moins limité, est maintenant à l’essai ou envisagé (…).
Le multipartisme n’est d’ailleurs pas une totale nouveauté. Au lendemain des indépendances, la plupart des pays africains en
avaient tenté l’expérience. Une expérience embryonnaire puisque (…) un seul parti, déjà, dominait tous les autres. C’est lui (…)
qui allait bientôt détenir les leviers de commande et éliminer ses rivaux, trop chétifs. Au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Zaïre, ils
étaient des dizaines [après l’indépendance]. Ce sont eux, avec d’autres, qui se réveillent aujourd’hui. (…) [Mais] l’expérience
du multipartisme des années 1960 avait conduit à la confusion et aux querelles sanglantes. En fait de démocratie, on avait
« inventé » la logique des règlements de comptes, généralement impitoyables. Et c’est bien souvent sur ces charniers que se
sont construits peu à peu ces « États forts » que l’on voit faiblir aujourd’hui. (…)
Sur le plan économique, en tout cas, [ces systèmes de parti unique] ont [aussi] prouvé leur défaillance. Non seulement [ils
n’ont] pas résolu les problèmes, mais bien souvent, ils les nourrissent. « Le développement de nombreux pays d’Afrique
subsaharienne s’est trouvé inutilement limité par leur système politique » déclarait (…) M. Barber Conable, président de la
Banque mondiale.

Catherine SIMON, Démocratie : l’adieu au parti unique ?, dans Le Monde, 1er juin 1990, p. 7

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12

CHERI-CHERIN,
La mort de l’État zaïrois, 1999

13 Après 3 ans de transition politique, la République démocratique du Congo se prépare 14 Le président [Joseph] Kabila a lui-même annoncé1 cinq
à ses premières élections pluralistes depuis 40 ans. Les élections présidentielles1 et priorités de son mandat : les infrastructures, la création
législatives auront lieu le 30 juillet (…). Malgré des avancées incontestables, au moins d’emplois, l’éducation, la santé, l’eau et l’électricité. Il a aussi
cinq obstacles restent à franchir. Premièrement, le boycott des élections par l’un des insisté sur la transparence dans la gestion des affaires de
principaux partis d’opposition2 (…). Deuxièmement, la persistance de l’insécurité au l’État. Ces chantiers pourraient sans nul doute contribuer à
Sud et au Nord-Kivu, en Ituri et au Katanga à cause notamment des groupes armés qui améliorer le quotidien des Congolais dans un pays où les
terrorisent la population. (...) Troisièmement, les retards de la réforme du secteur de services publics sont en ruine et où plus de 1000 personnes
la sécurité auront un impact négatif sur les capacités des institutions qui sortiront des meurent chaque jour faute de soins de santé. Pour ce faire,
élections à assurer l’ordre public et la défense nationale. Quatrièmement, la présence d’autres défis devront être relevés en même temps voire
des groupes armés étrangers à l’est du pays3 entretient la méfiance entre la RDC et au préalable : poursuivre et achever l’intégration de l’armée
ses voisins (…). (…) Par ailleurs, les élections ne sont qu’une étape. Au lendemain de et la formation de la police, mettre en place un système
celles-ci, de nombreux défis seront à relever, notamment la lutte contre la corruption, judiciaire fonctionnel, mobiliser et gérer efficacement les
le rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire, la bonne gestion recettes publiques, lutter contre l’impunité, promouvoir la
des affaires publiques et des ressources naturelles et minières du pays pour une réconciliation nationale, mais aussi assurer la cohérence
amélioration des conditions de vie de tous les citoyens. des interventions des bailleurs de fonds. (…)
1 1
Joseph Kabila sera élu président au deuxième tour des élections en novembre 2006. Dans son discours d’investiture le 6 décembre 2006
2
L’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS), parti d’Étienne Tshisekedi
3
Les troupes rwandophones du général Nkunda Pamphile SEBAHARA, Les autres défis du Congo, entretien avec G. PAPY,
dans La Libre Belgique, 5 janvier 2007, p. 24-25
Pamphile SEBAHARA, RD Congo : des élections historiques, dans Les Nouvelles du GRIP, n° 40,
2e trimestre 2006, p. 6-7

143

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Documents 55 L’Europe en construction
Origine et objectifs
En 1945, moins de 30 ans après la fin du premier conflit mondial, l’Europe sort dévastée de la Seconde Guerre
mondiale. En 2007, les Gouvernements des 27 pays qui composent l’Union européenne adoptent un nouveau
traité qui doit leur permettre de poursuivre leur aventure commune. Pour quelles raisons les États européens se
sont-ils engagés dans ce processus de construction européenne ? Quelles en ont été les principales étapes ?

1 La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. L’Europe
ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une
solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne
soit éliminée : l’action entreprise doit toucher au premier chef la France et l’Allemagne.
Dans ce but, le Gouvernement français propose de porter immédiatement l’action sur un point limité mais décisif : [il]
propose de placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier, sous une haute autorité commune,
dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe. (…) La mise en commun des productions de
charbon et d’acier (…) changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes dont elles ont été les
plus constantes victimes. La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et
l’Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible. (…)
Ainsi sera réalisée simplement et rapidement la fusion d’intérêts indispensable à l’établissement d’une communauté
économique et introduit le ferment d’une communauté plus large et plus profonde entre des pays longtemps opposés par
des divisions sanglantes. (…)
Cette proposition réalisera les premières assises concrètes d’une Fédération européenne indispensable à la préservation de
la paix .
Déclaration de Robert SCHUMAN, Paris, 9 mai 1950 (D’après Notes et études documentaires, n° 1339, 13 juin 1950, p. 3)

2 Le président de la République fédérale d’Allemagne, Son Altesse royale le prince royal de Belgique, le président de la
République française, le président de la République italienne, Son Altesse royale la grande-duchesse de Luxembourg, Sa
Majesté la reine des Pays-Bas,
Considérant que la paix mondiale ne peut être sauvegardée que par des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la
menacent ;
4 Convaincus que la contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien
de relations pacifiques ;
Conscients que l’Europe ne se construira que par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait, et par
l’établissement de bases communes de développement économique ;
Soucieux de concourir par l’expansion de leurs productions fondamentales au relèvement du niveau de vie et au progrès des
44
4
œuvres de paix ;
Résolus à substituer aux rivalités séculaires une fusion de leurs intérêts essentiels, à fonder par l’instauration d’une communauté
économique les premières assises d’une communauté plus large et plus profonde entre des peuples longtemps opposés par
des divisions sanglantes, et à jeter les bases d’institutions capables d’orienter un destin désormais partagé ;
Ont décidé de créer une Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (…).
95
Préambule du traité instituant la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), Paris, 18 avril 1951 (D’après Traités instituant les
Communautés européennes, Bruxelles-Luxembourg, Office des Publications officielles des Communautés européennes, 1979, p. 15)

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3 Affiche française éditée par Paix et Liberté, 1951

Paix et Liberté est une association créée en France en


1950 par un député radical socialiste et soutenue par le
Gouvernement français et la CIA pour s’opposer au Parti
Communiste Français (PCF).

4 Sa Majesté le roi des Belges, le président de la République fédérale


d’Allemagne, le président de la République française, le président de
la République italienne, Son Altesse royale la grande-duchesse de
Luxembourg, Sa Majesté la reine des Pays-Bas,
Déterminés à établir les fondements d’une union sans cesse plus
étroite entre les peuples européens,
Décidés à assurer par une action commune le progrès économique et
social de leurs pays en éliminant les barrières qui divisent l’Europe,
Assignant pour but essentiel à leurs efforts l’amélioration constante
des conditions de vie et d’emploi de leurs peuples,
Reconnaissant que l’élimination des obstacles existants appelle une
action concertée en vue de garantir la stabilité dans l’expansion,
l’équilibre dans les échanges et la loyauté dans la concurrence,
Soucieux de renforcer l’unité de leurs économies et d’en assurer le
développement harmonieux en réduisant l’écart entre les différentes
régions et le retard des moins favorisés,
Désireux de contribuer, grâce à une politique commerciale commune,
à la suppression progressive des restrictions aux échanges
internationaux, (…)
Résolus à affermir, par la constitution de cet ensemble de ressources,
les sauvegardes de la paix et de la liberté, et appelant les autres
peuples de l’Europe qui partagent leur idéal à s’associer à leur effort,
Ont décidé de créer une Communauté économique européenne (…).
Préambule du traité instituant la Communauté économique européenne (CEE), Rome,
25 mars 1957 (D’après Traités instituant les Communautés européennes, Bruxelles-
Luxembourg, Office des Publications officielles des Communautés européennes,
1979, p. 113-114)

5 L’action de la Communauté comporte (…) : h) le rapprochement des législations nationales dans la mesure nécessaire
a) l’élimination, entre les États membres, des droits de douane et des au fonctionnement du marché commun ;
restrictions quantitatives à l’entrée et à la sortie des marchandises (…) ; i) la création d’un Fonds social européen, en vue d’améliorer les possibilités
b) l’établissement d’un tarif douanier commun et d’une politique commerciale d’emploi des travailleurs et de contribuer au relèvement de leur niveau de
commune envers les États tiers ; vie ;
c) l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des j) l’institution d’une Banque européenne d’Investissement, destinée à
personnes, des services et des capitaux ; faciliter l’expansion économique de la Communauté par la création de
d) l’instauration d’une politique commune dans les domaines de ressources nouvelles (…).
l’agriculture ;
e) l’instauration d’une politique commune dans le domaine des transports Article 3 du traité instituant la Communauté économique européenne (CEE), Rome, 25 mars
1957 (D’après Traités instituant les Communautés européennes, Bruxelles-Luxembourg, Office
(…) ;
des Publications officielles des Communautés européennes, 1987, p. 125-126)
f) l’établissement d’un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée
dans le marché commun ; (...)

145

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Documents 55 6 Mise en place progressive d’une Union économique et monétaire (UEM), ainsi
que d’une politique étrangère et de sécurité commune susceptible de conduire
le moment venu à une défense commune, établissement d’une citoyenneté
européenne, renforcement de la « cohésion », c’est-à-dire de l’effort consenti pour
moderniser, mettre à niveau, les pays les moins riches de la CEE, élargissement
des politiques dont l’objet est d’accompagner la création du marché unique,
coopération accrue en matière judiciaire et policière : tels sont les ingrédients de
l’« Union européenne » que les chefs d’État et de Gouvernement des Douze ont
décidé d’instituer lors du Conseil européen de Maastricht en décembre. PLANTU, caricature, dans L’Express,
(…) Il s’agit là d’un processus évolutif : l’Union européenne repose sur la 7 5 janvier 1995
Communauté1, mais inclut des domaines de coopération nouveaux, telle la
politique étrangère (…). Il s’agit, au moment où a pris fin la division du continent,
de renforcer la Communauté1 afin d’« établir des bases solides pour l’architecture
de l’Europe future ». (…)
(…) Le traité reconnaît aux ressortissants de la Communauté2 « le droit de vote et
d’éligibilité aux élections municipales dans l’État membre où ils résident ». (…)
Parmi les compétences nouvelles, le traité énumère la santé, les grands
réseaux (c’est-à-dire les infrastructures transnationales de transports et de
télécommunications), l’éducation, la formation, la protection des consommateurs,
la culture et l’industrie. (…)
Certaines décisions d’application pourront être prises à la majorité qualifiée3. (…)
Le titre VI qui aborde les domaines de la justice et de la police, prévoit (…) une
coopération intergouvernementale renforcée. (…)
1
La CEE
2
Désormais l’UE
3
Au lieu de l’unanimité

Philippe LEMAÎTRE, Les Douze signent à Maastricht le traité instituant l’Union européenne. Une
étape décisive dans la construction communautaire, dans Le Monde, 8 février 1992, p. 6

8 Les Britanniques doivent souhaiter bonne chance à l’euro. Il ne s’agit pas


seulement de faire des vœux pour la réussite de nos alliés d’Europe occidentale ;
notre intérêt national est également en jeu. Même si nous exportons moins dans
la zone euro que dans le reste du monde, l’Union européenne représente un
énorme marché pour les marchandises britanniques. (…) Le succès de la monnaie
européenne représenterait un double intérêt : nous pourrions bénéficier des
avantages de la monnaie unique, dans le cadre (…) du tourisme dans l’Europe
continentale, sans subir par ailleurs les inconvénients inhérents à l’adhésion. Nous
pourrions continuer de contrôler nos propres taux d’intérêt et de change ; la City1
de Londres resterait compétitive ; et notre démocratie demeurerait intacte.
(…) Si la plupart [des Britanniques] préfèrent conserver la livre, ce n’est pas par peur
ancestrale de l’inconnu, mais parce qu’ils souhaitent que la gestion de leur pays
demeure entre leurs mains. Les opposants à l’euro, dans la majorité des cas, ne sont
pas rétifs au changement. Ils ont autant voyagé que quiconque et ont l’habitude
des opérations monétaires. Ils savent bien que le Royaume-Uni est un négociant
mondial historiquement et géographiquement lié aux autres continents. C’est
précisément cet héritage commercial et maritime qui explique leur scepticisme à
l’égard de l’intégration européenne, pour eux synonyme de dirigisme.
1
Quartier des affaires à Londres

Bon Vent, mais sans nous, dans The Daily Telegraph, janvier 2002 (D’après Courier international,
n° 584, 10 janvier 2002, p. 15)

146

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9 Les 27 chefs d’État et de Gouvernement de l’Union (…) Pour ses promoteurs, le traité de Lisbonne permettra un meilleur fonctionnement des
européenne, réunis à Lisbonne, sont parvenus à institutions européennes, en facilitant les prises de décision dans l’Europe élargie. C’est
un accord, dans la nuit du jeudi 18 au vendredi notamment l’objet du nouveau système de vote, qui vise à établir un meilleur équilibre entre les
19 octobre, sur un nouveau traité destiné à améliorer petits et les grands États. Le traité doit aussi favoriser l’adoption de politiques communes dans
le fonctionnement de leurs institutions. Ils sont venus deux domaines appelés à se développer au cours des prochaines années, l’action extérieure et
à bout des ultimes résistances de plusieurs États la sécurité intérieure.
membres, au prix de laborieuses tractations révélatrices La cohérence de la politique étrangère et de sécurité commune sera renforcée par la nomination
de leurs difficultés à faire prévaloir l’intérêt européen sur d’un haut représentant, qui sera en même temps vice-président de la Commission européenne et
leur agenda national. Ce traité, qui réforme les traités disposera d’un important service diplomatique. La désignation d’un président stable, qui assurera
antérieurs pour rendre l’Europe plus gouvernable, est la représentation extérieure de l’Union, accroîtra aussi la visibilité et la continuité de la diplomatie
le premier à avoir été négocié depuis que l’Europe, européenne.
élargie en 2004 et 2007 aux pays d’Europe centrale, aux En matière de coopération judiciaire et policière, la plupart des décisions seront prises désormais
pays Baltes, à Malte et à Chypre, a atteint sa nouvelle à la majorité, et non plus à l’unanimité. En favorisant une meilleure collaboration, ces dispositions
dimension continentale. devraient aider au renforcement de la lutte contre le terrorisme, mais donner aussi une nouvelle
Deux ans après l’échec de la Constitution européenne1, impulsion à la politique commune d’immigration.
rejetée par les Français et les Néerlandais, une page
se tourne. (…) « Il est temps pour l’Europe de passer 1
Signé en 2004, ce traité établissant une Constitution pour l’Europe n’est pas entré en vigueur, suite à son rejet lors
à autre chose et de se consacrer aux sujets qui des référendums* organisés aux Pays-Bas et en France. Ce rejet a conduit les membres de l’UE à élaborer, puis à
préoccupent les gens : la croissance économique, signer le traité de Lisbonne.
l’emploi, les changements climatiques et les questions Thomas FERENCZI et Philippe RICARD, Les 27 approuvent le traité de Lisbonne, dans Le Monde, 20 octobre
de sécurité », a déclaré le Premier ministre britannique, 2007, p. 9
Gordon Brown. Son pays n’a pourtant accepté ce traité
qu’au prix, une nouvelle fois, de dérogations qui lui
permettront de ne pas s’associer, le cas échéant, à
certaines politiques sensibles, comme la coopération
judiciaire et policière.
Une bonne partie des discussions de la soirée à Lisbonne
a tourné autour de la demande italienne d’obtenir au
moins un poste d’eurodéputé supplémentaire, afin de
ne pas décrocher des pays de taille voisine, comme
la France et le Royaume-Uni. (…) L’Italie disposera de
73 élus, comme le Royaume-Uni, contre 74 à la France.
Du coup le nombre total de membres du Parlement
européen passera de 750 à 751.
À deux jours de leurs élections législatives, les Polonais,
qui contestaient le nouveau système de vote prévu par
le traité, ont obtenu le renforcement du mécanisme (…)
qui permet à quelques États, même s’ils n’atteignent
pas la minorité de blocage, de geler pendant quelque
temps une décision approuvée par la majorité. (…)
Varsovie a arraché aussi la désignation d’un avocat
général polonais auprès de la Cour européenne de
Justice.

10

L’Union européenne en 2007 :


l’Europe des 27
(D’après J-M. LAMBIN [dir.],
Histoire terminales, Paris, Hachette,
2004, p. 245)

147

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Documents 56 Les États-Unis, superpuissance ?
Forts de près de 300 millions d’habitants, les États-Unis comptent parmi les principales puissances de
notre monde. Quels sont les domaines où se manifeste cette puissance ? Quelles en sont les limites ?
À quels problèmes doit-elle faire face ?

1 Entreprises Pays Activité


1. Wal-Mart Stores États-Unis Distribution
2. Exxon Mobil États-Unis Pétrole et gaz
3. Royal Dutch Shell Pays-Bas Pétrole et gaz
4. BP Grande-Bretagne Pétrole et gaz
Répartition du nombre de prix Nobel de
5. General Motor États-Unis Automobile 2 physique, chimie, physiologie et médecine,
6. Toyota Motor Japon Automobile entre 1901 et 2003 (D’après G. DOREL, Atlas de
l’Empire américain, Coll. « Atlas/Monde », Paris,
7. Chevron États-Unis Pétrole et gaz Autrement, 2006, p. 24)

8. Daimler Chrysler Allemagne Automobile


9. Conoco Phillips États-Unis Pétrole et gaz
10. Total France Pétrole et gaz
11. General Electric États-Unis Industrie
12. Ford Motor États-Unis Automobile
13. ING Group Pays-Bas Banque
14. Citigroup États-Unis Banque
15. Axa France Assurances

Les 15 plus grandes entreprises mondiales selon leur chiffre d’affaires (D’après
Fortune Global 500, 23 juillet 2007, http://money.cnn.com, page consultée le
21 octobre 2007)

6
3 Entre 1982 et 2000, la dette extérieure nette des États-Unis – le solde entre leurs créances sur le reste du
monde et celles du reste du monde sur eux – a été multipliée par 8, passant de 250 milliards de dollars à plus
de 2000, soit 22,6 % de leur produit intérieur brut (PIB). Ce sont donc des flux financiers publics (près de 1000
milliards en bons du Trésor américain1 sont détenus par les banques centrales d’Europe, du Japon) et des
64
4
flux privés, en provenance de l’étranger, qui ont financé la consommation [et] l’expansion économique (…)
[américaines] des années 1990. Les promoteurs de cette stratégie affirment que les déficits américains tirent
67-68 la croissance mondiale en stimulant les exportations des pays tiers.
1
70 Emprunt à court terme émis par l'État

Philip S. GOLUB, De la dette comme outil de l’hégémonie, dans Atlas du Monde diplomatique, hors série de Manière de voir, Paris,
janvier 2003, p. 100

148

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4 L’Histoire de la domination américaine au XXe siècle (…) est d’abord celle les studios d’outre-Atlantique ; l’essentiel des normes juridiques appliquées
de son appareil universitaire susceptible d’attirer les meilleurs enseignants, à la vie des affaires sont elles aussi d’origine américaine ; (…) quant au
les chercheurs les plus créatifs et donc les étudiants les plus brillants. (…) « système nerveux » de la planète constitué par les réseaux de satellites et
Ce n’est pas par hasard si l’un des principaux centres de créativité des deux les moyens d’information (…), il est aussi en grande partie dominé par les
dernières décennies fut la Silicon Valley. Situé en Californie, l’un des États entreprises telles Intel, Microsoft, Apple, IBM, ATT…
les plus dynamiques du pays, le berceau de la « technétronique »1 profite
1
Contraction de technologie et électronique
de la présence des laboratoires des universités prestigieuses de Berkeley,
Stanford, et des financements des industries aérospatiales. (…) Marc NOUSCHI, Le XXe siècle. Temps, tournants, tendances, Coll. « U », nouv. éd., Paris,
À l’heure du global, les États-Unis sont dans une situation hégémonique : A. Colin, 2007, p. 315-316, 468-469
80 % des images de fiction visionnées dans le monde sont produites dans

5 Au total, les travailleurs pauvres, les chômeurs de longue durée et les familles sans 7 (…) Éducation ? Les élèves noirs (…) sont beaucoup plus
emploi et sans revenus significatifs (…) constituent une proportion non négligeable de la susceptibles de se retrouver dans une école mal dotée.
population. (…) On estime à 20 % ou 25 % la part de la population qui se trouve dans une Santé ? L’espérance de vie des Noirs est inférieure de
situation de gêne permanente. (…) Concentrées dans des municipalités qui ne peuvent six ans à celle des Blancs (…). Justice ? Les Noirs sont
assurer un [service public de qualité] compte tenu du faible revenu que leur procurent beaucoup plus souvent interpellés sur la voie publique
les impôts locaux, [les populations pauvres] disposent d’écoles et de centres de soins que les Blancs et quatre fois plus susceptibles d'être
médiocres ou inefficaces, habitent dans des logements insalubres, desservis par (…) des condamnés à mort pour un crime identique. (…) Enfin,
transports publics rares, chers et mal entretenus, sans protection policière suivie (…). alors que les mariages entre Blancs et Hispaniques sont
courants, ils demeurent toujours aussi rares entre Blancs
Pierre GERVAIS, L’avènement d’une superpuissance, Coll. « 20/21 », Paris, Larousse, 2001, p. 172-173
et Noirs (0,6 % du total).
Serge HALIMI, Contradictions du « melting pot », dans L’Atlas du monde
6 George STEINMETZ, photographie, Papouasie (Nouvelle Guinée), sans date diplomatique, hors série de Manière de voir, 2003, p. 104-105

Le film In bed with Madonna,


d’Alain Keshishian, est sorti
sur les écrans en 1991.
8
PLANTU, caricature, 2005

Les États-Unis supportent près


de 40 % des dépenses militaires
mondiales (→ 3/2) et disposent
de bases militaires sur tous les
continents.

9 Si la guerre d’Irak a montré les limites de la puissance américaine, il serait (Microsoft, Google, Intel…). (…) Les États-Unis occupent la première place
trop rapide de conclure au déclin des États-Unis. Certes, les États-Unis en termes de brevets déposés. L’Amérique exerce un effet d’attraction
connaissent à peu près partout dans le monde un taux d’impopularité très fort sur les élites du monde, continue à démontrer des capacités
historique jamais atteint auparavant. À cette image négative viennent d’intégration remarquables, et sa culture populaire (cinéma, musique,
s’ajouter les problèmes économiques posés par les déficits commerciaux et etc.) a toujours une position prépondérante sur le plan international. Les
budgétaires. Pourtant les ressorts de la puissance américaine sont toujours États-Unis, la société américaine, le mode de vie américain font toujours
présents. Les États-Unis gardent, et de loin, le premier PNB mondial (…). rêver des millions d’individus.
Six des dix premières multinationales* sont américaines et les entreprises
Pascal BONIFACE, Les États-Unis sont en déclin, dans Le Vif/L’Express, 19 octobre 2007,
américaines sont dominantes dans le secteur des nouvelles technologies
p. 50

149

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Documents 57 Cuba et le Chili, deux « révolutions »
Cuba et le Chili, ont connu des évolutions à la fois semblables et différentes. En quoi ?

1 (…) La finalité de la lutte doit être la destruction de l’impérialisme. (…) Pour viser la destruction de l’impérialisme, il faut en
identifier la tête, qui n’est autre que les États-Unis d’Amérique du Nord. (…) Comme nous pourrions envisager le futur de
manière lumineuse si deux, trois, beaucoup de Viêtnam fleurissaient sur le globe (…), avec leur héroïsme quotidien, leurs
coups répétés à l’impérialisme (…). Toute notre action est un cri de guerre contre l’impérialisme, une clameur pour l’unité
de nos peuples contre le grand ennemi du genre humain, les États-Unis d’Amérique du Nord. En quelque lieu que nous
surprendra la mort, qu’elle soit bienvenue pourvu que notre cri de guerre soit entendu, qu’une autre main se tende pour
empoigner nos armes.
Ernesto GUEVARA DE LA SERNA, Créer deux, trois, beaucoup de Viêtnam, dans supplément de Tricontinental, 16 avril 1967, p. 8-11 (Trad. G. PYCKE
d’après www.ujc-madrid.org, page consultée le 4 novembre 2007)

2 Le Gouvernement révolutionnaire commença à faire ses premiers monopoles nord-américains. (…) Puis fut édictée la réforme agraire
pas. La première mesure qu’il prit fut de réduire de 50 % les loyers (…). Plus de 200 000 familles de paysans mouraient de faim dans
que payaient les familles (…). Ensuite fut promulguée une autre loi nos campagnes faute de terre. (…) Non seulement les terres mais
annulant les concessions que le Gouvernement tyrannique de Batista les mines étaient la propriété des monopoles américains.
avait attribuées à la Compagnie du Téléphone, qui était un monopole
Fidel CASTRO, première déclaration de La Havane, le 2 septembre 1960 (D’après
nord-américain. (…) La troisième mesure fut l’abaissement des
C. GLUCKSMANN [éd.], Discours de la révolution, Coll. « Le Monde en 10-18 », Paris,
tarifs de l’électricité (…). Ce qui amena un second conflit avec les Union générale d’Éditions, 1966, p. 69-72)

3 Les dirigeants [cubains] (…) favorisèrent par des mesures sociales (dont
l’éducation) l’intégration des femmes à la force de travail, ce qui devait se
répercuter sur les niveaux de fécondité. (…). Il faut porter au crédit de la révolution
d’avoir (...) [étendu] à tous (…) des avantages qu’auparavant seuls pouvaient
se procurer ceux qui (…) pouvaient se les payer. (…) Certes (…) des inégalités
persistent, mais tous ont accès (…) à des biens et services essentiels, soit que
12 ceux-ci soient gratuits (éducation, santé), soit qu’ils soient disponibles à des prix
subventionnés (logement, aliments, transport, loisirs). (…) [Les] transformations
que la révolution a réalisées ont ajouté deux ou trois ans à l’espérance de vie des
Cubains.
16
6
Claude MORIN, La révolution cubaine et son impact sur les comportements démographiques,
dans E. VILQUIN (dir.) Chaire Quételet 1989 : révolution et population : aspects démographiques
ERIOTSIH
des grandes révolutions politiques, Louvain-la-Neuve, Academia, 1990, p. 95-117

90
En haut à droite, on lit :
96 « Juge-toi toi-même et ne reviens pas »,
traduit du vieux chilien.

4 Affiche, Chili, 1971

150

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5 Nous vivons une sorte d’apartheid*, car les Cubains n’ont pas la liberté % de ses denrées alimentaires, dont 36 % en provenance des États-Unis.
d’entreprendre (...). Ils n’ont pas le droit de posséder un ordinateur, un (…) La prétention de l’État à régenter les coiffeurs, les cordonniers (…) est
téléphone portable ni d’avoir accès à Internet. Les entreprises étrangères une source d’improductivité et de corruption. Il faudrait aussi rationaliser les
opèrent à Cuba dans des conditions qui ne seraient pas acceptées dans leur grandes entreprises, qui embauchent parfois trois fois trop de personnel pour
pays d’origine. Elles n’embauchent pas directement : une entreprise d’État masquer le chômage. (…) Pendant longtemps le Gouvernement a joui d’un fort
sélectionne leur personnel, selon des critères politiques, encaisse les salaires soutien populaire. Désormais, l’aspiration au changement est irréversible.
en dollars et paie les travailleurs en pesos. (…) Les travailleurs n’ont pas le
Oscar ESPINOSA CHEPE, interrogé par Paulo A. PARANAGUA, dans Le Monde, 18 septembre
droit de se syndiquer librement. Pays agricole, Cuba importe aujourd’hui 84
2007, p. III

6 L’épopée du « petit condottiere du XXe siècle » est belle. Elle ne masque pas, pour autant, les zones 7 Sans précédent dans le monde, le Chili
d’ombre de la personnalité secrète, froide et intransigeante d’un homme qui fut d’abord un marxiste vient de donner une preuve extraordinaire
dogmatique (…). À Cuba même, alors qu’il est nommé (…) responsable de la réforme agraire, directeur de son haut niveau de conscience et de
de la banque centrale et ministre de l’Industrie, il se déclare partisan d’une nationalisation* totale développement politique, permettant à
de l’économie (…). Mais son manque de sens pratique et son incompétence devaient conduire à un mouvement anticapitaliste d’assumer
l’échec cette industrialisation à marche forcée de l’économie cubaine. (…) Autre zone d’ombre de la le pouvoir par le libre exercice des droits
personnalité du Che, sa dureté (…). Le Che aurait ordonné des dizaines d’exécutions dans la Sierra civiques. Il les assume pour orienter le pays
Maestra, procédant lui-même à plusieurs d’entre elles. (…) vers une nouvelle société, plus humaine,
dans laquelle les buts ultimes sont (…) la
Pierre VAYSSIÈRE, Che Guevara, la face cachée d’un guérillero romantique, dans L’Histoire, n° 214, octobre 1997, p. 6-7
socialisation progressive des moyens de
production et le dépassement de la division
des classes (…). Nous en finirons avec les
8 En prenant le contrôle de la production du cuivre sans débourser un escudo, le Gouvernement Allende monopoles qui livrent à quelques douzaines
se donne le moyen de financer sa politique économique ; mais il heurte de front le big business nord- de [firmes] le contrôle de l’économie.
américain. (…) Dès sa prise de fonction, le Gouvernement de l’Unité populaire applique plusieurs mesures Nous en finirons avec les latifundia1 qui
sociales : la médecine gratuite dans les hôpitaux, la retraite à 60 ans, l’extension des allocations familiales condamnent encore des milliers de paysans
(…), etc. Peu après, il instaure un blocage des prix de détail (…). L’agression des États-Unis contre le Chili à la soumission, empêchant ainsi le pays de
n’est pas une invention de la propagande (…). Dès septembre 1970, la CIA et l’International Telegraph tirer de ses terres les aliments dont nous
and Telephone (ITT) conçoivent un projet d’asphyxie financière du Chili. En octobre 1971, la direction avons tant besoin (...). Nous en terminerons
d’ITT transmet à la Maison-Blanche un plan en 18 points, qui conseille notamment ces mesures : avec le processus de dénationalisation*, de
« continuer à restreindre les prêts (…), suspendre les relations commerciales (…), utiliser les stocks de plus en plus important, de nos industries et
cuivre américain au lieu d’acheter le cuivre chilien, (…) » etc. (…) La politique économique d’inspiration de nos sources de travail, qui nous soumet
keynésienne1 suivie par le Gouvernement Allende a d’abord connu une réussite spectaculaire, ensuite à l’exploitation étrangère.
un échec retentissant – du fait de son propre laxisme monétaire, du sabotage de l’oligarchie chilienne et 1
Grandes propriétés agricoles
du blocus financier des États-Unis. Dès lors, l’Unité populaire a été prise dans un engrenage : le chaos
économique a provoqué le basculement des classes moyennes, le renforcement des partis de droite, la Salvador ALLENDE, discours inaugural comme
division des partis de gauche et, finalement, l’intervention des forces armées président du Chili, 5 novembre 1970 (D’après
S. SPOERER, Chili, dans Encyclopædia Universalis, V,
1
→ 80 Paris, Encyclopædia Universalis, 1993, p. 467)

Guy BOURDE, L’échec d’Allende (1970-1973), dans L’Histoire, n° 48, septembre 1982, p. 13-18, 23

10 Cuba Chili
9 Le régime de Pinochet (1973-1990) n’a pas seulement été une dictature qui a violé les droits de l’homme, 1960 2052 4320
qui a assassiné, torturé, poursuivi, qui a semé la terreur et emprisonné des milliers de Chiliens. Il a 1970 1917 5293
été aussi une période de profonde transformation, dont l’objectif ultime était la refondation complète 1973 2245 5093
de la société chilienne. Une véritable révolution de droite qui (…) essaie de créer un ordre nouveau à 2644 5738
1980
partir d’un modèle néolibéral du point de vue économique et une démocratie autoritaire du point de
1990 2948 6402
vue politique (…). Le coup d’État de septembre 1973 a accordé ainsi à la droite chilienne l’occasion
historique d’instaurer un projet de société en accord avec ses intérêts et sa vision du monde. (…) 2000 2414 9841
Elle aspirait ainsi à minimiser l’intervention de l’État, ce qui était une condition préalable pour le libre Évolution du PIB par habitant (en $) de Cuba et du
fonctionnement des forces du marché ainsi que pour la dépolitisation de la société. Chili (1960-2000) (D’après A. MADDISON, L’économie
mondiale, statistiques historiques, Paris, OCDE,
Rodrigo CONTRERAS OSORIO, Le Chili en quête d’un avenir, dans Le Monde, 14 décembre 2006, p. 22 2003, p. 129, 132, 151, 154)

151

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Documents 58 La Russie post-communiste
En décembre 1991, l’URSS disparaît et la Fédération* de Russie crée, avec l’Ukraine et la Biélorussie, une
confédération*, la Communauté des États indépendants (CEI). Huit anciennes républiques sur douze s’y
rallient presque aussitôt. La Géorgie les rejoint en 1994. Par contre, les trois républiques baltes quittent
définitivement l’orbite russe. Comment la Fédération de Russie a-t-elle évolué depuis la fin du communisme ?

2
Les institutions
de la Russie en
2000 (D’après Le
Vif/L’Express, 31 mars
2000, p. 55)

Évolution de la balance commerciale* et des


investissements directs étrangers* (IDE) en Russie
(D’après J. RADVANYI et G. WILD, La Russie entre deux
mondes, dans La Documentation photographique,
n° 8045, 2005, p. 37)

32
2
3 Du fait du désengagement de l’État, des catégories professionnelles, reste cependant extrêmement nombreuse : 25 % des Russes
(…) enseignants, personnels de santé, chercheurs, ouvriers (…) qui sont classés officiellement comme vivant au-dessous du seuil de
disposaient de divers avantages, ont vu (…) leur pouvoir d’achat pauvreté. (…) Fait significatif, début 2005, c’est l’annonce [de la
51
fondre (…). La réduction ou le non-versement des pensions (…) a quasi-suppression] de la gratuité des transports urbains pour les
engendré pour la plupart des retraités, mais aussi pour les militaires retraités, qui a engendré le premier mouvement social massif et
64
et les familles nombreuses, des conditions de vie précaires. Pour largement spontané de l’ère Poutine, contraignant celui-ci à revoir
eux, le choc a été particulièrement rude en 1992-1993, quand la cette mesure qui mettait fin à un des acquis soviétiques les plus
réforme monétaire1 et la libéralisation des prix ont laminé leur appréciés.
épargne, alors que le retard de versement des salaires et retraites
1
En 1992, le change du rouble devient flottant et sa valeur se déprécie.
devenait systématique. (…) Le redémarrage de l’économie à
92 partir de 1998 a permis d’améliorer la situation et le nombre de Jean RADVANYI et Gérard WILD, La Russie entre deux mondes, dans
personnes à très faibles revenus s’est tassé ; cette catégorie La Documentation photographique, n° 8045, 2005, p. 10

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4 Au plan économique, la libéralisation engagée au début de 1992 a abouti à réformes – à se doter d’une véritable économie de marché. Certes, l’immense
un effondrement de la richesse nationale sans précédent. Le produit intérieur majorité des entreprises a été privatisée, mais le comportement des acteurs
brut* (PIB) de la Russie a ainsi été réduit de moitié, et ne représente plus économiques demeure souvent inchangé et l’appareil de production peu
aujourd’hui qu’un peu plus du quart de celui de l’URSS en 1989. (…) La part restructuré. Le cadre légal et les mécanismes de régulation font défaut. Les
de la Russie dans la richesse mondiale est, quant à elle, passée de 3,4 % droits de propriété – en particulier ceux des investisseurs étrangers – ne sont
en 1992 à 2 % en 1998. Ces données ne rendent toutefois pas pleinement pas encore pleinement garantis. Enfin, des pans entiers de l’économie de la
compte d’évolutions qualitatives importantes. Ainsi, la Russie a connu un Russie sont contrôlés par des groupes criminels, phénomène indissociable
phénomène de désindustrialisation (…). Cette dégradation du potentiel de la fuite des capitaux ininterrompue que connaît ce pays depuis 1992. (…)
industriel et technologique trouve son expression la plus probante dans la [Néanmoins], les années 2000-2003 ont été marquées par une stabilisation
structure très déséquilibrée des exportations russes : la part des matières politique et une forte reprise économique.
premières et autres produits semi-finis n’a cessé de croître, au détriment de
Pascal BONIFACE (dir.), Atlas des relations internationales, Paris, Hatier, 2003, p. 105-106
celle des produits manufacturés.
Fondamentalement, la Russie n’est pas parvenue – au terme de dix années de

5 Après le 11 septembre 2001, le (…) « terrorisme islamiste* » devient [à Moscou] une clé de lecture dominante du conflit tchétchène, hypothèse alimentée par
la multiplication des actes terroristes, et notamment des attentats-suicides. Nombre d’entre eux traduisent pourtant plus un désespoir personnel et collectif
face à un conflit sans issue qu’une adhésion idéologique à l’Islam radical. De surcroît, les courants islamistes* influencés par I’Arabie Saoudite – présents
depuis le début des années 1990 dans tout le Nord-Caucase, où ils ont bénéficié du retour de combattants d’Asie centrale et d’Afghanistan – doivent partager
leur influence avec les jamaat, groupes locaux qui se revendiquent aussi de l’Islam radical, mais également avec les courants non religieux de la résistance
armée ainsi qu’avec des représentants de l’Islam traditionnel soufi, dont certains sont prêts à s’allier avec Moscou. C’est d’ailleurs en cherchant à jouer de ces
dissensions au sein même de la société tchétchène que le Kremlin
met en place, en juin 2000, une autorité tchétchène favorable à
sa politique, sous la houlette de l’ancien mufti Akhmad Kadyrov,
administrateur puis président. Il sera assassiné en mai 2004.
Depuis 2004, des éléments convergent pour attester une certaine
stabilisation (…). [Mais], très fragile, la situation, caractérisée
par le pourrissement interne et l’absence totale de perspective
collective, peut rebasculer à tout moment (…). Avec à leur tête
Ramzan Kadyrov, fils de l’ancien président, les milices tchétchènes
de l’administration prorusse font régner la terreur. Aujourd’hui, le
pouvoir russe mise sur l’administration du président Alou Alkhanov,
sur le Parlement croupion issu des élections d’octobre 2005, mais
surtout sur la lassitude de la population et sur un affaiblissement
des combattants, pour asseoir sa reprise en main.
Mais il faut compter avec la stratégie d’extension du conflit à
l’ensemble du Nord-Caucase, menée par des groupes islamistes
qui ont multiplié les coups de main dans les régions voisines.
Ces actions, sans parvenir réellement à déstabiliser la zone, y ont
accru les tensions. Elles ont aussi servi à justifier l’accélération des
mesures prises par M. Poutine pour réduire les pouvoirs régionaux,
au risque de miner le fragile équilibre que les républiques du Nord-
Caucase avaient négocié avec Moscou depuis 1991.
Les effets durables de la guerre sont également ressentis dans
l’ensemble de la Russie : la lutte contre le terrorisme sert d’alibi
pour placer sous contrôle de plus en plus de secteurs de la société
(…).

Anne LE HUÉROU, La Russie dans l’impasse en Tchétchénie, dans L’Atlas du


Monde diplomatique, hors série de Manière de voir, 2006, p. 134-135

6 Le pétrole et le gaz russes en 2006 (D’après B. SIENKIEWICZ, Une extrême brutalité, dans
Courrier international, n° 819, 13-19 juillet 2006, p. 29)

153

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Documents 59 La Chine de Mao : de l’image à la réalité
En 1949, Mao Tsé-toung proclame à Pékin la république populaire de Chine. Quel régime politique
instaure-t-il ? Quelles transformations opère-t-il dans l’économie et la société chinoise ?

1 1949 Proclamation de la république populaire de 2 Art. 1 : La république populaire de Chine est un État de
Chine par Mao Tsé-toung démocratie populaire* dirigé par la classe ouvrière et
1951 Occupation du Tibet basé sur l’alliance des ouvriers et des paysans.
Art. 2 : Tout le pouvoir dans la république populaire de
Traité d’amitié avec la Russie
Chine appartient au peuple. (…)
1953 Premier plan quinquennal* Art. 6 : Le secteur de l’État de l’économie est un secteur
1954 Instauration d’une Constitution de type socialiste basé sur la propriété du peuple entier. Il est
soviétique la force dirigeante de l’économie nationale (…). L’État
1955 Collectivisation* des terres assure la priorité au secteur d’État de l’économie. (…)
1958-1959 Grand Bond en avant* Art. 7 : Le secteur coopératif de l’économie (…) est basé
1960 Rupture avec l’URSS sur la propriété collective* des masses laborieuses (…).
L’État protège (…) et aide au développement du secteur
1962 Guerre avec l’Inde
coopératif de l’économie (…).
1964 Premier essai nucléaire Art. 8 : (…) La politique de l’État à l’égard de l’économie
1966 Révolution culturelle* des paysans riches est une politique de limitation et
1971 La république populaire de Chine devient d’élimination graduelle.
membre permanent du Conseil de Sécurité de Art. 10 : (…) L’État adopte, à l’égard de l’industrie et
l’ONU en remplacement de Taïwan. du commerce capitalistes, une politique d’utilisation,
1972 Visite de Nixon à Pékin ; la Chine renoue des de limitation et de transformation. (…) L’État remplace
relations diplomatiques avec le Japon. progressivement la propriété capitaliste par la propriété
1976 Mort de Mao Tsé-toung du peuple entier. (…)
Art. 13 : L’État peut (…) acheter, réquisitionner ou
La Chine de Mao (1949-1976) : repères nationaliser* la terre et d’autres moyens de production
dans les villes et les campagnes.
Art. 15 : L’État, au moyen de plans* économiques, dirige
le développement et la transformation de l’économie
nationale (…).
3 Les victimes de Mao (D’après J.-L. MARGOLIN, Chine : purges dans les bases
Art. 19 : La république populaire de Chine (…) réprime
rouges, dans L’Histoire, n° 324, octobre 2007, p. 52)
toute activité contre-révolutionnaire et de trahison, châtie
tous les traîtres et contre-révolutionnaires. L’État (…) prive
les propriétaires fonciers féodaux et les représentants du
capital bureaucratique de droits politiques (…).
32 Art. 87 : Les citoyens de la république populaire de Chine
jouissent de la liberté de parole, de presse, de réunion,
60 d’association (…).
Art. 96 : La femme (…) jouit de droits égaux à ceux de
l’homme dans tous les domaines de la vie politique,
économique, culturelle, sociale et familiale.

84 Constitution de la république populaire de Chine adoptée le


20 septembre 1954, Pékin, Éditions en langues étrangères, 1954,
p. 7-54

154

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4 Notre nation se réveille, exactement comme on se réveille après une nuit de retard. (…) Nous rattraperons l’Angleterre en 15 ans ; nous produirons
sommeil. Nous avons renversé le système féodal qui existait depuis plusieurs 40 millions de tonnes d’acier par an, pour le moment nous en produisons tout
milliers d’années (…). Nous avons changé le système de la propriété (…). juste un peu plus de 5 millions de tonnes ; nous aurons une capacité électrique
Si nous voulons résolument aller de l’avant, si nous voulons faire ce qu’il totale de 450 milliards kWh, ce qui revient à multiplier notre capacité par dix
faut pour laisser l’Occident loin derrière nous, ne devons nous pas nous (…). Nous avons encore 10 ans pour mener à bien le programme en quarante
débarrasser de l’idéologie bourgeoise ? points pour le développement agricole2 mais d’ores et déjà il semble que
À chaque fois que nous parlons de notre pays, nous ne manquons pas de nous n’aurons pas besoin de 10 ans. (…) Il vaut mieux battre le fer tant qu’il
dire qu’il a une population si immense, un territoire si vaste, des ressources est chaud et réaliser la coopérativisation3 d’un seul coup, plutôt que de faire
si abondantes, tant de gens, 4000 ans d’histoire et de culture… Nous nous traîner en longueur.
sommes tellement vantés de cela et pourtant nous ne pouvons même pas
1
Mesure agraire traditionnelle chinoise, 1 ha égale 15 à 16 mu chinois.
soutenir la comparaison avec un pays comme la Belgique. En somme, nous 2
Plan* de développement de l’agriculture présenté par Mao en janvier 1956
sommes un peuple exceptionnel avec une très longue Histoire, mais notre 3
Le mouvement de collectivisation* des terres est lancé dès 1949 et connaît une nette
production d’acier est tellement réduite. Nous ne récoltons que 100 livres accélération en 1955. À la fin de 1956, la quasi-totalité des foyers de paysans sont réunis
de grain par mu1 et 300 dans le Sud ; notre niveau d’alphabétisation est en coopératives regroupant souvent plus d’une centaine de familles divisées en équipes
lamentable. Nous ne pouvons soutenir la comparaison avec la Belgique à de production.
aucun de ces points de vue. MAO TSE-TOUNG, discours à la conférence suprême de l’État, Pékin, 28 janvier 1958
Cependant, nous avons beaucoup d’ardeur et nous devons rattraper notre (D’après S. SCHRAM, Mao parle au peuple, Paris, PUF, 1977, p. 85-87)

5 L’école n’était pas éloignée de notre maison (…). Professeur Yang nous apprenait à chanter
une chanson : « L’Orient est rouge, le soleil se lève, la Chine a fait naître un Mao Zedong1. Il se
dévoue pour son peuple, il est la grande étoile salvatrice. »
Le samedi, devant la grande effigie de Mao, le professeur de gymnastique nous faisait répéter
des pas de danse qui signifiaient « fidélité ». Quant au professeur de dessin, il nous enseignait
comment peindre un grand soleil rouge aux gigantesques rayons dorés en dessous duquel
nous nous appliquions à tracer « Vive Mao ». (…)
Bien sûr, j’en voulais à la Révolution culturelle*, synonyme pour moi [de] réunions, [de] critiques,
[de] coups, [d']insultes, de la faim et du froid, du départ de mes parents, de l’assassinat de
mon grand-père et des larmes de ma grand-mère, de la passion sanguinaire dont nous étions
les victimes. Mais tant de gens avaient l’air de participer avec un tel enthousiasme à ce grand
mouvement ! Partout ce n’étaient qu’affiches de propagande tapissant les ruelles, drapeaux
rouges en nuées, mots d’ordre à la volée, hymnes à la gloire du sage suprême, Mao, qui, lui,
avait miraculeusement trouvé le moyen de se faire aimer. (…)
[Le jour de la mort de Mao], le bruit de pleurs faisait trembler la terre et le ciel. Et dans cette
atmosphère macabre, je me suis mise aussi à mouiller mes paupières. Toute mon éducation
avait été centrée autour de Mao ; je ne connaissais rien de plus que lui. Il était bon, il était le
fondateur de la Chine nouvelle et sans lui notre existence aurait été nulle. Il représentait tout :
le soleil, le père, l’étoile salvatrice. En pleurant sur mon triste sort, je regrettais amèrement
que mes parents aient commis des fautes envers lui et j’étais déçue de n’avoir pas eu le
temps d’accomplir ma rééducation pour devenir un des bons enfants (…) de Mao. (…) À mon
retour à la maison, ma grand-mère ne comprit pas pourquoi j’avais pleuré ; j’étais moi-même
étonnée de m’apercevoir qu’elle n’avait pas les yeux rouges. Alors je lui ai annoncé la funeste
nouvelle, qu’elle connaissait déjà. Quant elle voulut savoir pourquoi j’avais pleuré, je lui ai
répondu que j’avais fait comme tout le monde. Mamie paraissait outrée, mais se contint.
1
Ou Mao Tsé-Toung (→ 59/4) : voir la notice biographique en fin de manuel

NIU-NIU, Pas de larmes pour Mao, Paris, Robert Laffont, 1989, p. 80-81, 84, 163-164

Affiche communiste, Chine, 1949 6

155

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Documents 60 La Chine au tournant du millénaire
Depuis la mort de Mao, en 1976, la Chine s’est profondément transformée. Dans quels domaines ?
Quelles sont les limites de ces changements ?

1 1976 Mort de Mao Tsé-toung


1977 Fin officielle de la Révolution culturelle*
1978 Deng Xiaoping arrive au pouvoir et entreprend de faire passer progressivement la Chine d’une économie planifiée
vers une « économie socialiste de marché » ou économie mixte.
1979 Lancement de la politique de l’enfant unique
1981 Loi autorisant la propriété familiale
1982 Limitation des naissances inscrite dans la Constitution
Reconnaissance officielle du taoïsme, du bouddhisme, de l’Islam et du christianisme
1984 Ouverture de 14 villes côtières aux investissements étrangers
1989 Printemps de Pékin : des centaines de milliers d’étudiants chinois se mobilisent pour réclamer des réformes
politiques et s’opposer à la corruption du Parti Communiste Chinois (PCC). À partir d’avril, occupation de la place
Tianan men à Pékin. Le 4 juin, l’armée investit la place et fait plus de 1000 morts et des milliers de blessés.
1990 Réouverture de la bourse de Shanghai, fermée depuis 1949
1992 Premier McDonald à Pékin
1997 Mort de Deng Xiaoping
Rétrocession de Hong Kong à la Chine
2001 Adhésion de la Chine à l’OMC
2002 Hu Jintao devient secrétaire général du PCC.
2003 Premier vol spatial habité chinois
2005 Libéralisation du marché du textile
2008 JO de Pékin
2010 Exposition universelle de Shanghai

La Chine après Mao (1976-2010) : repères

12

2
Évolution de la part de la Chine
et de l’Inde dans le commerce
59
9
mondial, 1980-2002
(D’après L’atlas du Monde
diplomatique, Paris, A. Colin, 2006,
p. 165, p. 209)

84
3
101 PLANTU, caricature,
juillet 2006

156

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4 La Chine est-elle encore communiste ? (…) Économiquement, la messe est les 73 millions de membres, en augmentation constante, surtout parmi les
dite : nous sommes en économie mixte, avec un capitalisme d’État encore étudiants et l’élite. Les contestations sont certes très répandues, mais rien qui
très puissant (banques, assurances, énergie, transport, télécoms) qui fait ne menace, à ce stade, le pouvoir d’un parti qui garantit 10 % de croissance
bon ménage avec un secteur privé florissant, le tout irrigué et marié à des économique par an (…).
investissements étrangers massifs. Tout ce qui pouvait ressembler à (…) du Mais quelle est la nature de ce parti ? C’est d’abord un appareil de pouvoir,
communisme (…) a été systématiquement démantelé et privatisé au cours qui double à tous les échelons de la vie sociale, et même dans les entreprises
des deux décennies de réformes et de libéralisation. privées, les structures administratives classiques. Ainsi, dans une ville ou une
Socialement, (…) les réformes sont allées plus loin encore dans le province, le secrétaire du parti est l’homme fort, pas le maire ou le gouverneur.
démantèlement du système étatique que tout ce dont avaient pu rêver les On reconnaît un PDG puissant au fait qu’il est également le secrétaire du parti
idéologues néolibéraux. Santé et éducation payantes, pas de couverture de son entreprise... Mais cette machine de pouvoir est désormais vidée de
médicale ou de retraite pour des centaines de millions de paysans, etc. (…) tout sens idéologique. (…)
Reste le champ politique. Le parti règne en maître, et tous ceux qui avaient
Pierre HASKI, La Chine est-elle encore communiste ? Oui, répond Pékin, 15 octobre 2007
prédit son effondrement après le massacre de Tianan men en juin 1989
(D’après http://www.rue89.com, page consultée le 2 décembre 2007)
en ont été pour leurs frais. Dix-sept ans plus tard, les effectifs dépassent

Séance plénière du 16e comité central du Parti


5 Communiste Chinois, Pékin, 2004

Avec le secrétaire général du parti, le comité central du Parti


Communiste Chinois (PCC) est l’instance supérieure du parti.
Depuis 2005, Hu Jintao est à la fois secrétaire général du PCC,
président de la commission militaire centrale et président de la
République ; il dirige donc le parti, l’armée et l’État.
Il existe pourtant en Chine huit autres partis légaux, mais
ils soutiennent tous le PCC et leurs adhérents sont peu
nombreux.

Évolution du revenu annuel par habitant en Chine, 1978-2004


6
(en dollars) (D’après L’atlas du Monde diplomatique, Paris, A. Colin,
2006, p. 165, 199)

En 1970, 82 % des
Chinois vivaient dans
des zones rurales pour
59,6 % en 2005.
À titre de comparaison,
le revenu moyen annuel
par habitant en Belgique
était de 22 631 dollars
en 2003.

7
Place Tianan men,
Pékin, 30 mai 1989

157

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Documents 60 8 Les Chinois ont peur de parler. (…) La peur des sanctions est très forte. Mais, surtout, le sentiment d’inutilité mène à une
sorte de défaitisme qui bloque toute initiative. La lutte concertée est extrêmement difficile depuis l’échec du mouvement
prodémocratique de 1989 réprimé dans le sang1. (…)
Jusqu’en 1989, la réforme avait été bonne pour tous. Ouvriers et paysans chinois avaient vu leur situation s’améliorer. Aujourd’hui,
ce sont eux qui vivent les situations les plus difficiles. La société est devenue tellement inégale, il y a tant d’ouvriers sans travail
et de paysans sans terre que, si on les laisse s’exprimer, ils vont demander des comptes aux dirigeants. (…)
1
Printemps de Pékin (→ 60/6)

Hu PING, entretien, dans Le Courrier international, 2 juin 2004 (D’après http://www.courrierinternational.com, page consultée le 3 décembre 2007)

9 Un grand nombre de défenseurs des droits humains ont violente. (…) La torture et les autres formes de mauvais
été soumis à de longues périodes de détention arbitraire traitements demeuraient très répandues en 2006. (…) Les
sans inculpation et ont été harcelés par les forces de police. initiatives visant à réformer le système de « rééducation
(…) Les autorités ont multiplié les mesures de répression par le travail », un régime de détention administrative sans
contre les journalistes, les écrivains et les internautes. De inculpation ni procès, n’ont pas progressé. On estimait à
nombreux journaux et revues populaires ont été contraints de plusieurs centaines de milliers le nombre de personnes
cesser leurs activités. L’accès à plusieurs centaines de sites détenues dans des camps de « rééducation par le travail » sur
Web internationaux restait bloqué et des milliers de sites l’ensemble du territoire chinois et risquant d’être maltraitées
chinois ont été fermés. Des dizaines de journalistes ont été ou torturées. En mai 2006, les autorités de la ville de Pékin
appréhendés pour avoir évoqué des sujets sensibles. (…) ont annoncé leur intention d’utiliser ce mode de détention
Le Gouvernement a poursuivi sa politique de répression de en vue de réprimer différentes formes de « comportements
la pratique religieuse (…). Des milliers de fidèles d’« églises délictueux » et d’améliorer l’image de la ville à l’approche des
domestiques » clandestines protestantes et de communautés jeux Olympiques. (…)
catholiques non officielles ont été arrêtés (…). (…) Dans la région autonome du Tibet et ailleurs, la population
L’application de la peine capitale était toujours aussi fréquente tibétaine voyait ses droits à la liberté de religion, d’expression
en Chine, où l’on estimait à 68 le nombre d’infractions et d’association sévèrement restreints. (…)
passibles de ce châtiment, dont des délits économiques
Rapport 2007 d’Amnesty International (D’après http://web.amnesty.org,
ou d’autres infractions ne relevant pas de la criminalité
page consultée le 5 décembre 2007)

Hommes Femmes

11
Affiche chinoise,
années 1980

10 Pyramide des âges de la Chine en 2000 (D’après Les secrets de la


pyramide des âges, dans Texte et documents pour la classe, n° 924,
15 novembre 2006, p. 17)

158

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12 La gravité de la situation environnementale en Chine est incontestable, régulièrement en quantité et en qualité à cause de la pollution de l’eau et du
souligne dans les colonnes d’Asia Times le chercheur Nathan Nankivell : sol. La masse de déchets devrait plus que doubler au cours de la prochaine
« Le pays est l’un des plus importants émetteurs de sulfure alors qu’il a un décennie, plaçant la Chine au premier rang loin devant les États-Unis. »
nombre limité de voitures par rapport à d’autres pays. La Chine abrite 16 des
Ph. RANDRIANARIMANANA, Les autorités de Pékin face à la pollution, dans Le Courrier
20 villes les plus polluées au monde. La pollution de l’eau affecte au moins
international, 15 janvier 2007 (D’après www.courrierinternational.com, page consultée le
70 % du pays, la pollution de l’air est responsable de la mort prématurée 23 janvier 2007)
d’environ 400 000 Chinois chaque année. Le rendement des récoltes baisse

13 Les jeux Olympiques représentent un enjeu déterminant pour Pékin, qui asiatique de développement, la Chine est, juste après le Népal, le pays d’Asie
entend jouer un rôle majeur sur la scène internationale, tant du point de vue où les inégalités se sont le plus accrues ces dix dernières années. (…)
diplomatique que commercial. Les hiérarques postcommunistes savent bien Le pouvoir annonce toute une série de mesures pour juguler les
qu’en 2008 les yeux du monde seront rivés sur la Chine. Mais ils savent que mécontentements, qui représentent des menaces potentielles (…) : baisse
cette perspective est à double tranchant : la Chine sera une superstar, mais des impôts et suppression des frais de scolarité pour les paysans, vaste
les feux de la rampe l’éclaireront de manière impitoyable, mettant en lumière projet de modernisation des campagnes dans l’espoir d’élever le niveau
les défauts de sa cuirasse et les outrances de son maquillage... (…) de vie des agriculteurs et de constituer un marché intérieur pour l’instant
Fragile à l’intérieur : tout au long de son inexorable montée en puissance limité aux quelque 300 millions de Chinois appartenant à la classe moyenne
vers l’Olympe de la réussite économique, la Chine ne s’est guère souciée urbanisée dans les villes côtières ou dans quelques chefs-lieux développés
des effets induits par un tel succès : dégradation de l’environnement, des provinces de l’intérieur. (…)
creusement des inégalités, croissance des injustices. (…) Selon la banque
Bruno PHILIP, Une année cruciale pour la Chine, dans Le Monde, 14 août 2007, p. 8

14 Les chiffres sont éloquents : le PNB de la Chine était de 200 milliards de dollars en 1978. Il a atteint 27 000 milliards de dollars
en 2005. L’excédent commercial dépasse les 102 milliards de dollars et les réserves en devises étrangères sont estimées
à près de 820 milliards de dollars, environ autant que les réserves du Japon. (…) Toujours en 2005, le revenu moyen des
citadins se situait à 1310 dollars, contre 405 dollars à la campagne. Leurs écarts de revenus se calculaient en 1984 sur une
échelle de 1 à 2 ; ils se trouvent maintenant dans un rapport de 1 à 3. Autres chiffres révélateurs : les 10 % des Chinois
les plus pauvres ne détiennent que 1 % de la richesse nationale, alors que les 10 % les plus riches en raflent 50 %. (…)
Le magazine Forbes a annoncé, en mars 2006, que la Chine pouvait dorénavant s’enorgueillir de 150 milliardaires. À l’autre
extrémité du spectre, près de 60 millions de Chinois vivraient sous le seuil de pauvreté. (…). D’après certaines sources, le
nombre des pauvres avoisinerait plutôt les 200 millions, voire plus.
Chen YAN, Communisme chinois, le début de la fin, dans Politique internationale, n° 112, été 2006 (D’après http://www.politiqueinternationale.com,
page consultée le 2 décembre 2007)

15
Plantu,
caricature, 1993

159

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Documents 61 Israël-Palestine : la paix impossible ?
Objets de tous les regards, Israël et sa région sont régulièrement à feu et à sang depuis 60 ans.
Les « processus de paix », « feuille de route » et autres plans semblent se succéder sans qu’aucune issue ne
se dessine. Quels éléments rendent donc si difficile l’obtention d’une solution ?

La « ligne verte » est la ligne de démarcation fixée après l’armistice signé


entre Israël et ses voisins, à l'issue de la guerre de 1948 (→ 99).
La « clôture de sécurité » est une barrière de sécurité israélienne en
construction depuis 2002 sur un tracé de près de 730 km. Elle est
composée principalement de clôtures de barbelés et, par endroits, d’un
mur de béton. Elle a pour but d’empêcher les infiltrations palestiniennes
sur le territoire d’Israël. Selon un rapport du ministère des Affaires
étrangères israélien, ce mur serait efficace, puisque le nombre
d’attentats-suicides serait passé de 60 en 2002 à 5 en 2006.
Les colonies juives se sont multipliées dans les territoires occupés
depuis la guerre des Six Jours en 1967 (→ 99). La majorité des colons
sont orthodoxes ou ultra orthodoxes ; leur croissance démographique
est largement supérieure à celle d’Israël. Ils considèrent que les
territoires occupés font partie de la terre promise par Dieu et leur
reviennent de droit. Depuis 2004, le Gouvernement israélien a entrepris
de démanteler les colonies de la bande de Gaza ainsi que certaines
implantations de Cisjordanie.
Les réfugiés palestiniens sont les personnes déplacées de leur domicile
après la guerre de 1948 (→ 99) ainsi que leurs descendants. En 1948,
les Juifs étaient 650 000 sur les 2 millions d’habitants d'Israël. En 2006,
Israël compte 6 967 000 habitants, dont 5 320 900 Juifs et 1 180 100
Arabes musulmans.

12

39
9
Israël et les territoires palestiniens en 2006
1
(D’après Th. DE MONTBRIAL et Ph. MOREAU DEFARGES [dir],
Ramses 2007, Paris, Dunod, 2006, p. 196)

99
2
100 Yoav LEMMER, photographie
prise dans une colonie juive
non autorisée par l’État d’Israël,
Yitzhar (Cisjordanie), 17 mai 2004

160

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3 J’étais un adolescent dans la Jérusalem divisée. J’avais l’habitude de marcher n’est autre que la Palestine. Plus de 70 % des citoyens jordaniens sont des
le long de la limite municipale qui déchirait la ville en deux pour y chercher Palestiniens, et la réinstallation des autres réfugiés établis dans les autres
des toits suffisamment hauts et des tours afin d’y observer le monde qui pays arabes permettrait aux Palestiniens d’obtenir leur propre État.
se cachait derrière la muraille : les lieux les plus sacrés du peuple juif mais (…) Les dirigeants israéliens de ces 20 dernières années, d’une faiblesse
qui avaient été conquis par l’ennemi arabe durant la guerre d’indépendance surprenante, ont commis l’erreur de croire qu’il était possible de nous
de 19481. Quand j’ai eu 13 ans, pour fêter ma bar-mitsva2, mon père m’a concilier les Arabes en vertu de la formule des « territoires contre la paix ».
emmené au pied du mont Sion, là où se trouve le tombeau du roi David 3. Il Ce pourrait être une solution si le conflit qui nous occupe était de nature
m’avait promis qu’un jour, je n’aurais plus à grimper sur les toits pour observer strictement territorial. Or il n’en est rien. Il s’agit ici d’une guerre totale qui
la vieille ville, mais que je m’y promènerais. Quatre ans plus tard la promesse porte sur le droit d’un État juif à exister en Eretz Israël5. Il s’agit aussi d’un
était réalisée4. (…) conflit de civilisations et de religions. Le Jourdain, que nous avons atteint dès
J’ai su très vite qu’il était possible d’en finir avec le terrorisme arabe et que, le quatrième jour de la guerre, doit être la frontière orientale d’Israël. À l’est de
pour ce faire, il fallait à tout prix empêcher l’émergence d’un État terroriste cette frontière, nous vivrons avec un royaume jordanien. Les réfugiés arabes
palestinien en plein cœur d’Eretz Israël5. (…) Les frontières héritées de la pourront y être réimplantés sur les immenses terres vierges du royaume
guerre des Six Jours4 ont permis à l’État d’Israël de survivre. À la veille du grâce aux investissements palestiniens.
conflit, les frontières d’Israël étaient tout sauf sûres et, au centre du pays,
1
→ 99
seuls 17 km séparaient la frontière jordanienne de la Méditerranée. (…) 2
Cérémonie juive qui a lieu lorsque le jeune garçon atteint sa majorité religieuse, vers 13 ans.
C’est pourquoi, aujourd’hui, ceux qui utilisent le mot « occupation » (en fait, 3
Roi d’Israël qui, d’après la Bible, aurait fait de Jérusalem la capitale du royaume.
la libération d’une partie de la patrie) et envisagent de faire à nouveau de 4
Jérusalem-Est est conquise par Israël après la guerre des Six jours en 1967 (→ 99).
Jérusalem une ville divisée ne font rien d’autre qu’attiser l’appétit de l’ennemi 5
La terre d’Israël, l’Israël biblique
arabe. (…) La guerre des Six Jours4 a également offert à Israël la possibilité
Arieh ELDAD, Un conflit de civilisations, dans Le Courrier international, n° 865, 31 mai 2007,
de résoudre le problème des réfugiés arabes en passant par la Jordanie, qui p. 48

5 Deux guerres sont menées par les Palestiniens. La première est leur lutte pour se libérer
de l’occupation et pour leur droit à un État indépendant. La seconde est menée par un
Islam fanatique, depuis l’Iran jusqu’à Gaza, et depuis le Liban jusqu’à Ramallah1, qui rêve
de détruire Israël et chasser les Juifs de leur terre. En miroir, deux guerres sont menées par
les Israéliens. La première est leur guerre pour leur droit à vivre dans un État souverain et
libre sur une partie de cette terre. Et la deuxième est celle menée par la droite nationaliste
israélienne pour l’occupation totale de la Terre sainte. (…)
Les mouvements terroristes ne se contentent pas de revendiquer un État palestinien, mais
prônent la destruction de l’État juif. Ils frappent indistinctement les civils, du simple fait qu’ils
résident en Israël comme dans les territoires. (…) Dans le même temps, Israël doit accepter
la revendication palestinienne d’indépendance. En reconnaissant le droit des Palestiniens
à leur État, Israël reste ainsi fidèle aux principes fondateurs du sionisme* : maintenir le
caractère juif de l’État et refuser toute domination sur un autre peuple.
La guerre d’Indépendance s’est achevée en 19492, et à conduit à la création d’un État reconnu
par la communauté internationale. Celle des Six Jours2 ne fut que le produit accidentel d’une
situation qu’Israël n’avait ni voulue ni même prévue.
En conséquence, Shalom Arshav3 affirme que les territoires conquis en 1967 ne possèdent
aucune sorte de légitimité et ne peuvent modifier les frontières de l’État. C’est pourquoi il
demande au Gouvernement israélien de mettre fin à l’occupation, d’évacuer les colonies et
de reconnaître la légitimité de l’État palestinien sur l’ensemble des territoires aujourd’hui
occupés, moyennant éventuellement des ajustements de frontière mineurs et réciproques.
1
Ville située à 15 km au nord de Jérusalem et où se trouve le siège de l’Autorité palestinienne et le tombeau
de Yasser Arafat
2
→ 99
3
Fondé en 1978, Shalom Arshav ou « La paix maintenant » est le plus ancien et le plus important mouvement
La vieille ville de Jérusalem (D’après J-M. LAMBIN [dir.], pacifiste israélien.
4
Histoire Terminales ES-L-S, Paris, Hachette, 2004, p.193)
Amos OZ, Une autre politique est possible (D’après http://www.lapaixmaintenant.org, page consultée le
9 décembre 2007)

161

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6
Documents 61
Chiffres israéliens relatifs au nombre de
décès dus à des actes terroristes sur le
territoire d’Israël, dans ses frontières
de 2000 (D’après www.mfa.gov.il, page
consultée le 10 décembre 2007)

7 Au nom d’Allah le miséricordieux, celui qui fait miséricorde. islamiques. (…) La Palestine possède des lieux saints islamiques
(…) Notre combat avec les Juifs est une entreprise grande et comme la mosquée al-Aqsa, qui est attachée à l'esplanade sainte de
dangereuse qui requiert tous les efforts sincères (…) jusqu'à La Mecque par un nœud que nul ne peut défaire (…).
l'écrasement des ennemis et la victoire de Dieu. (…) Art. 20 – Le nazisme des Juifs vise également les femmes et les
Art. 1 – Le Mouvement de la Résistance islamique (Hamas) : l'Islam enfants ; ils terrorisent l'ensemble de la population, s'attaquent au
est sa règle de vie. Il en tire ses idées, ses concepts, de même que gagne-pain des gens, pillent leurs biens et menacent leur honneur.
ses points de vue sur l'univers, sur la vie et sur l'homme (…). Par leurs actes monstrueux, ils se comportent avec les gens comme
Art. 8 – Dieu est son but, l'apôtre son modèle, le Coran sa Constitution, les pires criminels de guerre. Le bannissement loin de la patrie
le Djihad son chemin et la mort sur le chemin de Dieu la plus éminente constitue l'une des formes du meurtre. (…)
de ses espérances. (…) Art. 27 – L'Organisation de Libération de la Palestine est la plus intime
Art. 12 – Le nationalisme, du point de vue du Mouvement de des intimes du Mouvement de la Libération islamique. On y trouve
la Résistance islamique, est un article de la profession de foi le père ou le frère, le proche ou l'ami. (…) [Toutefois], l'Organisation
religieuse. (…) Il n'y a rien de plus fort et de plus profond dans le a adopté l'idée d'État laïc*. (…) Il nous est impossible de troquer
patriotisme que le Djihad qui, lorsque l'ennemi foule du pied la terre l'islamité actuelle et future de la Palestine pour l'adoption de l'idée
des musulmans, incombe à tout musulman et musulmane en tant laïque*. (…) Le jour où l'Organisation de Libération de la Palestine
qu’obligation religieuse individuelle ; la femme alors n'a pas besoin adoptera l'Islam pour règle de vie, ce jour-là nous en serons les
de la permission de son mari pour aller le combattre ni l'esclave celle soldats (…).
de son maître. (…) Art. 35 – L'invasion sioniste* présente a été précédée des invasions
Art. 13 – Les initiatives, les prétendues solutions de paix et les croisées de l'Occident (…). De même que les musulmans ont su
conférences internationales préconisées pour régler la question faire face à ces invasions, planifier leurs réactions et les défaire, de
palestinienne vont à l'encontre de la profession de foi du Mouvement même sont-ils en mesure de faire face à l'invasion sioniste* et de la
de la Résistance islamique. Renoncer à quelque partie de la Palestine défaire. Cela n'est pas difficile à Dieu si les intentions sont pures, si la
que ce soit, c'est renoncer à une partie de la religion. (…) détermination est honnête (…).
Art. 15 – (…) Face à l'usurpation de la Palestine par les Juifs, il
Charte du Hamas, 1988 (D’après J.-F. LEGRAIN, Les voix du soulèvement palestinien
faut brandir l'étendard du Djihad et cela nécessite la diffusion
1987-1988, Le Caire, CEDEJ, 1991, p.152-166)
de la conscience islamique parmi les masses locales, arabes, et

8 Les Occidentaux soutiennent ouvertement Mahmoud Abbas qui fut l'un des principaux artisans de la paix d'Oslo. Avec l'espoir que
cet avocat convaincu du dialogue israélo-palestinien, qui a été au cœur de toutes les tentatives de négociations de ces 30 dernières
années, saura engager les siens dans la voie difficile du compromis. (…)
Mais, (…) le plus difficile pour le successeur de Yasser Arafat sera sans doute de conforter sa légitimité à l'intérieur. Il va lui falloir
convaincre une opinion palestinienne lasse d'espérer, plus prompte à s'enthousiasmer pour ceux qui se battent les armes à la main que
pour le discours pragmatique des diplomates. Mahmoud Abbas est convaincu que la deuxième Intifada* – déclenchée, il y a 5 ans, au
lendemain de l'échec des pourparlers de Camp David – et son cortège d'actions violentes ont desservi les intérêts des Palestiniens.
(…) Mais l'appel qu'il a lancé à la mi-décembre, au lendemain de sa nomination à la tête de l'OLP, pour une « démilitarisation » du
combat palestinien a été immédiatement rejeté par Hamas et le Djihad islamique.(…) Il n'est pas prêt pour autant à brader les droits
des Palestiniens. (…)

Dominique LAGARDE, Mahmoud Abbas, un président pour la paix ?, dans L’Express, 3 janvier 2005, p. 7

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9 Juifs 2,5
Arabes 3,2
En 2005, le taux de fécondité* était - musulmans 4,4
de 2,8 en Égypte ; 3,4 en Syrie ; 2,6 - chrétiens 2,0
en Jordanie et 5,8 à Gaza .
Taux de fécondité* de la population d’Israël (par
communauté) au 1er janvier 2006 (D’après F. ENCEL et F. THUAL,
Géopolitique d’Israël, Paris, Seuil, 2006, p. 107)
10 1950 1990 2003 2025
(prévisions)
Israël 1258 470 276 270
Actuellement, on évalue la consommation d’eau en Israël à 375 m3 par an et par
Liban 1230
habitant. Israël surexploite les ressources hydriques dont elle dispose et pompe les
Syrie 15 362 3733 1622 1450 nappes phréatiques. Une grande part de son approvisionnement en eau provient du
bassin du Jourdain, lui-même alimenté par trois rivières, l’une naissant en Israël, la
Eau douce renouvelable disponible (m3/an/hab) (D’après seconde sur le plateau du Golan syrien et la troisième au Liban.
F. ENCEL et F. THUAL, Géopolitique d’Israël, Paris, Seuil, 2006,
p. 125)

11 Trois enjeux régionaux dominent l’avenir d’Israël : le conflit israélo-arabe, le voisinage


avec le Liban, la Syrie et le Hezbollah, et la question iranienne.
En 2002, le monde arabe a effectué un véritable retournement. L’idée qu’une solution au
conflit israélo-arabe est non seulement souhaitable et nécessaire mais aussi possible fut
acceptée. En 2002, le sommet de la Ligue arabe1, réuni à Beyrouth, adopte en effet les
termes d’une proposition de paix qui change les données de base du conflit. Jusqu’alors,
le refus des Arabes de reconnaître l’existence d’Israël était au cœur du conflit. (…) Au
cours de ce sommet, les pays arabes participants ont décidé que, si Israël acceptait de se
retirer des territoires occupés en 1967, si Jérusalem devenait la capitale des deux États et
si une solution était trouvée au problème des réfugiés palestiniens, ils pourraient établir
des relations normalisées avec Israël et garantiraient la sécurité de l’État hébreu. (…)
Le deuxième enjeu de la sécurité et de la politique étrangère d’Israël concerne la frontière
nord du pays, qui met l’État hébreu au contact du Liban, de la Syrie et du Hezbollah.
Depuis longtemps, le régime autoritaire des Assad en Syrie est à l’avant-garde du rejet
d’Israël. (…) L’occupation prolongée du sud du Liban par Israël a provoqué la naissance
d’un mouvement d’opposition chiite radical au Liban, le Hezbollah. (…) La Syrie dispose
d’une armée puissante, de fortes capacités en armement classique et de missiles
susceptibles d’atteindre tous les centres de population israéliens. (…)
Le troisième enjeu pour la sécurité d’Israël (…) est l’hostilité implacable que l’Iran
manifeste à son encontre depuis la révolution islamiste de 1979. Les efforts israéliens
pour mobiliser la communauté internationale contre l’Iran qui tente de développer des
armes nucléaires ont été facilités par la rhétorique outrancière du régime iranien. Les
appels réitérés du président iranien à la destruction d’Israël et sa négation de l’Holocauste*
constituent autant de leviers diplomatiques pour Israël. (…) Ce défi est d’autant plus
complexe qu’Israël n’a pas signé le TNP2 et possède probablement un grand nombre
d’armes nucléaires. Pour plusieurs États du Moyen-Orient, et les actuels responsables
politiques iraniens, les capacités nucléaires justifient à elles seules la volonté de l’Iran de
disposer de son propre arsenal et d’atteindre ainsi une « parité nucléaire ».
1
Organisation régionale fondée en 1945, elle regroupe aujourd’hui 22 pays arabes.
2
Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires
Behrouz MEHRI, photographie du président iranien
Daniel C. KURTZER, La politique étrangère d’Israël : entre défis et risques, choix et opportunités, dans
12
Ahmadinejad durant la conférence « A world without
Questions internationales, n° 28, novembre-décembre 2007, p. 23-26 Zionism »,Téhéran, 26 octobre 2005

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Documents 62 L’Iran, une république islamique
L’Iran est aujourd’hui le quatrième producteur mondial de pétrole ; il détient également d’importantes
réserves de gaz. Sa situation géographique au centre du Moyen-Orient est stratégique par rapport à la
Russie, au sous-continent indien et à la Chine. Depuis 2003, le programme nucléaire qu’a relancé le président
Mahmoud Ahmadinejad suscite des tensions internationales. Quel est le régime politique en place aujourd’hui ?
Quelles en sont les origines ?

2 Détail d’un peinture murale de l’ayatollah*


Khomeyni, Iran, après 1979
Au pouvoir depuis 1941, Mohammad Réza
Pahlavi se couronne lui-même shah, ou
roi, puis sacre son épouse, Farah Diba,
impératrice d’Iran. Le shah est à la tête d’un
État autoritaire, soutenu par les États-Unis.
Soucieux de faire de l’Iran un État moderne,
il prend des mesures visant à l’occidentaliser,
notamment en donnant aux femmes une place
plus importante dans la société. L’absence
de liberté politique et l’influence des États-
Unis suscitent la contestation de quelques
intellectuels, d’étudiants et de religieux. Ces
derniers critiquent aussi l’occidentalisation de la
société. L’opposition gagne progressivement les
milieux populaires tenus à l’écart des bénéfices
de l’industrie pétrolière. En janvier 1978, des
émeutes éclatent. En janvier 1979, le shah doit
quitter le pays ; l’ayatollah* Khomeyni revient
de son exil en France et instaure une république
Marilyn SILVERSTONE,
islamique*.
1
photographie du couronnement
2
du shah Pahlavi, Téhéran,
26 octobre 1967
9 En haut, en caractères rouges,
on peut lire : « Dieu est plus grand ».
Sur le Coran : « Saint Coran ».

64
4

3 L’originalité du système politique iranien est qu’il s’agit d’une « théocratie* constitutionnelle ». (…) Le président est élu au
suffrage universel, ainsi que le Parlement. Mais la Constitution place au-dessus du président le « Guide » (…) incarné d’abord
par Ruhollah Khomeyni, puis par Ali Khamenei [depuis 1989] (…). Le Guide nomme les membres religieux du Conseil des
Gardiens, qui doivent vérifier l’islamité des candidats aux élections et celle des lois votées par le Parlement, ce qui lui donne
100 un pouvoir de censure sur l’activité législative. Il nomme la plus haute autorité judiciaire du pays. Il est le chef des armées (…).
Il ratifie l’élection du président de la République et peut le révoquer. S’il ne gouverne pas au sens strict, cette fonction revenant
113 au président, le Guide peut donc bloquer l’action de ce dernier (…).
Olivier ROY, Iran : impossible transition, dans Th. de MONTBRIAL et Ph. MOREAU DEFARGES (dir.), Ramses 2004, Paris, Dunod-Ifri, 2003, p. 169

164

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4 Paradoxalement, la république islamique* a engendré ou amplifié les forces écoles et les universités de filles que de nombreuses familles traditionnelles
qui la menacent. Sa politique de natalité incontrôlée pendant plusieurs refusaient de scolariser à l’époque de la monarchie, quand le port du voile
années a modifié la structure démographique de la société en faveur était, à l’inverse, interdit. Les étudiantes constituent plus de 50 % des effectifs
de sa composante juvénile. La vigoureuse campagne d’alphabétisation, universitaires contre 25 % à l’époque du shah. Vêtues « pudiquement » sous
la généralisation de l’enseignement gratuit ont divisé par quatre le taux la république, les femmes envahissent aussi le marché du travail, d’autant
d’analphabétisme (actuellement de 15 %) tout en décuplant le nombre des qu’elles sont contraintes de fournir un complément indispensable au revenu
diplômés universitaires (plus de quatre millions, sans compter les deux millions familial. Du coup, elles revendiquent la pleine égalité des droits, notamment
de l’enseignement supérieur), lesquels viennent grossir les rangs des sans- dans les domaines de l’héritage et du divorce.
emploi. Suprême ironie, l’instauration du port obligatoire du tchador ou du
Éric ROULEAU, Paradoxes iraniens, dans Manière de voir, Le Monde diplomatique, n° 64,
foulard « islamique* » a donné une impulsion à l’émancipation de la femme :
juillet-août 2002, p. 39
le couvre-chef « islamique* » a, en effet, permis l’entrée en masse dans les

5 Le programme nucléaire iranien suscite l’inquiétude des puissances iraniennes. (…) La fin de la guerre avec l’Irak1 et la fin de la guerre froide
occidentales. Il n’en a pas toujours été ainsi. Lancé au milieu des années permettent à l’Iran d’envisager une relance de son programme nucléaire. (…)
1970 par le shah, Mohammed Reza Pahlavi, il avait alors bénéficié du soutien Officiellement, depuis son lancement dans les années 1970, le programme
de la France et de l’Allemagne. Pour le shah, le programme nucléaire devait nucléaire iranien est à vocation civile. (…) L’Iran est néanmoins suspecté
servir d’instrument de modernisation de l’économie et de puissance pour un de chercher à se doter de l’arme nucléaire. (…) Face à la menace d’un Iran
pays qui affichait de fortes ambitions régionales – devenir le « gendarme du nucléarisé (…), les puissances occidentales sont divisées sur la stratégie à
Golfe » – au moment où l’Inde et Israël s’étaient dotés, sans le reconnaître, suivre : la carotte (européenne) ou le bâton (américain).
de l’arme nucléaire. L’envolée des prix du brut à la suite du choc pétrolier
de 1973 lui avait fourni les moyens de financer ses ambitions. (…) La 1
→ 100
révolution islamique de 1979 donne un coup d’arrêt aux ambitions nucléaires Iran : histoire d’un projet, dans Questions internationales, n° 13, mai-juin 2005, p. 32

6
Behrouz MEHRI, photographie
d’une peinture murale sur le mur
de l’ancienne ambassade des
États-Unis, Téhéran, 10 mai 2006

En novembre 1979, des étudiants islamiques*


prennent en otages une cinquantaine de personnes
dans l’ambassade des États-Unis et réclament, en
échange, l’extradition du shah, alors aux États-Unis.
Les otages ne seront libérés qu’en janvier 1981.

7 Depuis son arrivée au pouvoir, il y a 2 ans, le président iranien a défrayé Le directeur de la Banque centrale a démissionné. Le président de la Cour
la chronique dans le monde entier par ses déclarations provocantes. (…) suprême a critiqué sa façon de gouverner, et ses promesses d’éradiquer
Ahmadinejad a nié la réalité de l’Holocauste* et a appelé à rayer Israël de la corruption et de redistribuer les revenus du pétrole n’ont pas tenu face
la carte. À cause de ces provocations, les États-Unis et l’Europe ne savent à certains groupes d’intérêts bien établis. Le président a aussi perdu toute
pas trop sur quel pied danser. En le diabolisant, l’Occident lui a en fait rendu une partie de ses soutiens au Parlement. (…) Selon les observateurs, l’élite
service : son prestige s’est accru en Iran et dans toute la région, au moment politique reste fidèle au système, et non à un président en particulier.
même où il était particulièrement isolé sur la scène politique en raison de son
Michael SLACKMAN, Le phénomène Ahmadinejad, dans The New York Times,
style autoritaire et de l’inefficacité de sa politique économique. (…) Deux de
24 septembre 2007 (D’après Courrier international, n° 882, 27 septembre 2007, sur
ses ministres ont claqué la porte en critiquant son style de gouvernement. www.courrierinternational.com, page consultée le 31 octobre 2007)

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Documents 63 L’Afrique des Grands Lacs
En 1994, le Rwanda est le théâtre d’un génocide*. Qui en sont les acteurs et quels en sont les mobiles ?
En 1996-1997, un premier conflit éclate dans la province du Kivu, à l’est de la République démocratique du
Congo. Il est suivi d’un second en 1998-2003. En janvier 2008, les groupes armés promettent de déposer les
armes. Qui sont les acteurs de cette guerre africaine ? Quelles en sont les causes et les conséquences pour
les populations civiles ?

1
21 avril 1919 La Belgique obtient le mandat* sur le Rwanda et l’Urundi.
er
1 novembre 1959 La révolte des Hutus provoque le massacre de Tutsis qui fuient vers les pays voisins.
er
1 juillet 1962 Indépendance du Rwanda ; les Hutus exercent le pouvoir sans partage.
Décembre 1963 Massacre de 10 000 Tutsis ; fuite de centaines de milliers vers le Zaïre et l’Ouganda
5 juillet 1973 Coup d’État du général hutu Juvénal Habyarimana, ensuite élu président
Octobre 1990 Offensive, au départ de l’Ouganda, du Front Patriotique Rwandais (FPR), composé de Tutsis
4 août 1993 Accords d’Arusha entre le Gouvernement et le FPR pour mettre fin à la guerre civile
6 avril 1994 La mort du président du Rwanda marque le début du génocide* des Tutsis. Les massacres
se poursuivront entre avril et juillet 1994, faisant plus de 800 000 victimes tutsis et hutus modérés.
17 juillet 1994 Le FPR forme un Gouvernement d’union nationale. Le pasteur Bizimungu devient président.

Chronologie du Rwanda (1919-1994)

2 Le colonisateur et l’élite locale avaient tous deux intérêt à adopter les pernicieuses notions racistes sur les Tutsis et les
Hutus concoctées par les missionnaires, les explorateurs et les premiers anthropologues. Ces notions reposaient sur l’aspect
5 physique de nombreux Tutsis, en général plus grands et plus minces que la majeure partie des Hutus (…). C’est ainsi qu’une
théorie raciste et sans fondement connue sous le nom d’hypothèse hamitique fut répandue (…). Selon cette hypothèse,
les Tutsis étaient issus d’une race caucasienne supérieure provenant de la vallée du Nil et avaient même probablement des
origines chrétiennes. (…) On les considérait comme plus intelligents, plus fiables, plus travailleurs, ressemblant davantage aux
Blancs que la majorité hutu bantou. Les Belges ont tellement apprécié cet ordre naturel des choses qu’une série de mesures
54
4 administratives, prises entre 1926 et 1932, institutionnalisa le clivage entre les deux races (…), le tout culminant dans la
délivrance à chaque Rwandais d’une carte d’identité indiquant qu’il était Hutu ou Tutsi. (…)
L’essentiel de l’idéologie raciste hamitique a tout simplement été inventé par les pères blancs, des missionnaires catholiques
qui écrivirent ce qui devint la version officielle de l’Histoire du Rwanda, conforme à leurs points de vue essentiellement
racistes. Dans la mesure où ils contrôlaient tout le système scolaire de la colonie à la satisfaction des Belges, les pères blancs
purent, avec l’approbation des Belges, endoctriner des générations entières d’écoliers hutus et tutsis et leur inculquer la
102 théorie hamitique.
Rapport de l’OUA, Rwanda : le génocide qu’on aurait pu stopper, 2000 (D’après http://cec.rwanda2.free.fr, page consultée le 7 décembre 2006)

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3 1. Tout Hutu doit savoir qu’une Tutsi où qu’elle soit, travaille à la solde de son ethnie. Par conséquent est traître tout Hutu
qui épouse une Tutsi ; qui fait d’une Tutsi sa concubine ; qui fait d’une Tutsi sa secrétaire ou protégée.
2. Tout Hutu doit savoir que nos filles hutues sont plus dignes et plus consciencieuses dans leur rôle de femme, d’épouse
et de mère de famille. Ne sont-elles pas jolies, bonnes secrétaires et plus honnêtes !
4. Tout Hutu doit savoir que tout Tutsi est malhonnête dans les affaires. (…)
5. Les postes stratégiques tant politiques, administratifs, économiques, militaires et de sécurité, doivent être confiés aux
Hutus.
6. Le secteur de l’enseignement (élèves, étudiants, enseignants) doit être majoritairement hutu. Kangura est un journal
7. Les forces armées rwandaises doivent être exclusivement hutues. (…) rwandais fondé par un groupe
9. Les Hutus doivent être unis, solidaires et préoccupés du sort de leurs frères hutus. Les Hutus de l’intérieur et de de personnalités proches du
l’extérieur du Rwanda doivent rechercher constamment des amis et des alliés pour la cause hutue, à commencer par président Habyarimana pour
leurs frères bantous. (…) répondre au journal Kanguka
qui dénonçait la corruption du
Appel à la conscience des Bahutu. Les dix commandements, dans Kangura, décembre 1990, Kigali (D’après, Rwanda 1994. Documents sur le régime.
génocide, Rixensart, Citoyens pour un Rwanda démocratique, 1995, p. 21)

4 La mort du président Juvénal Habyarimana suite à l’écrasement de son avion dans des
circonstances obscures le 6 avril 1994 a servi de prétexte aux extrémistes hutus de
Human Rights Watch est une ONG déclencher un génocide* contre les Tutsis, une minorité qui compte pour près de 15 %
indépendante fondée en 1978 sous le nom de la population rwandaise. Les extrémistes ont aussi massacré les Hutus qui voulaient
de Helsinki Watch. Rebaptisée en 1988, coopérer avec les Tutsis pour former un Gouvernement plus démocratique. Six semaines
elle a pour but la protection des droits plus tard, les massacres continuent. Au moins 200 000 et peut-être 500 000 civils sans
humains des peuples du monde entier. armes et sans résistance ont été massacrés et la communauté internationale a brillé par
son inaction. Les massacres avaient été préparés pendant des mois en avance. La garde
présidentielle et d’autres militaires de l’armée rwandaise ont donné des entraînements
militaires aux milices interahamwe1 et impuzamugambi2 pour leur apprendre comment tuer
avec le plus d’efficacité. (...) Dans leurs attaques contre les civils, les milices étaient souvent
accompagnées d’un petit nombre de militaires ou de policiers du Gouvernement, mais les
milices ont tué plus de personnes que les forces armées. (…) Les autorités rwandaises ont
distribué des armes à feu aux membres de milices et autres supporteurs de Habyarimana
au début de l’année 1992 et encore plus vers la fin de 1993 et au début de 1994. (…) Une
station de radio appartenant au cercle de Habyarimana, la Radio Télévision libre des Mille
Collines, a commencé depuis l’automne [1993] une campagne de propagande haineuse
contre les Tutsis et les membres des partis politiques d’opposition. À la fin de 1993, les
émissions sont devenues plus virulentes et ont commencé à cibler les personnes en les
appelant « ennemis » ou « traîtres qui méritaient la mort ».
1
Les Interahamwe, « ceux qui attaquent ensemble », sont la milice du Mouvement républicain national
pour le Développement et la Démocratie.
2
Les Impuzamugambi, « ceux qui ont le même but », sont la milice de la Coalition pour la Défense de la
République.

Rapport de Human Rights Watch, Génocide au Rwanda, New York, mai 1994, VI (D’après http://www.hrw.org,
page consultée le 7 décembre 2006)

James NACHTWEY,
photographie d’un Hutu, 1994

167

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Documents 63 6
Octobre 1996 Au Kivu (Congo), début de la rébellion des Tutsis banyamulenge soutenus militairement par le Rwanda,
l'Ouganda et le Burundi. Avec d'autres opposants au président Mobutu, ils forment l'Alliance des Forces
Démocratiques pour la Libération du Zaïre (AFDL) dirigée par Laurent-Désiré Kabila.
17 mai 1997 Laurent-Désiré Kabila renverse Mobutu et proclame la République démocratique du Congo.
Août 1998 Rupture entre Kabila et ses alliés et rébellion contre Kabila des militaires banyamulenge qui l’accusent
d’autoritarisme. Ils se rassemblent et créent le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD).
Fin août 1998 Les Nord et Sud-Kivu tombent sous le contrôle du Rassemblement Congolais pour la Démocratie
(RCD) ; l'Ouest reste sous le contrôle du Gouvernement congolais.
Octobre 1998 Le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) se soulève en Équateur et, soutenu par les troupes
ougandaises, prend le contrôle de la province.
Mai 1999 Les groupes armés rebelles précités contrôlent le Nord-Est et le Sud-Est du Congo.
Août 1999 Accords de paix de Lusaka
30 novembre 1999 Le Conseil de Sécurité de l'ONU autorise l'envoi de Casques bleus*.
Octobre 2002 Retrait des troupes étrangères
23 janvier 2008 Accord de paix au Kivu mais persistance des conflits.

Conflits au Congo (1996-2008)

8 Les tensions ethniques et les exactions à l’encontre


des Banyamulenge1 furent ainsi saisies par le régime
de Kigali comme prétextes à une stratégie élaborée
de longue date destinée à liquider les « sanctuaires
humanitaires » que constituaient les camps de
réfugiés2 dans l’Est du Zaïre et mettre ainsi fin aux
problèmes sécuritaires du Rwanda.
La conquête du Kivu fut menée par un ensemble
hétéroclite composé de rebelles banyamulenge1,
de quelques milliers de soldats de l’APR3 et de
mercenaires originaires d’Afrique de l’Est (…).
Fin novembre [1996] (…), l’armée ougandaise exerça
son « droit de poursuite » et intervint à son tour au
Zaïre pour sécuriser sa frontière.
1
Tutsis de souche rwandaise présents au Kivu depuis la fin
du XVIIIe siècle et auxquels le pouvoir refuse la nationalité
congolaise
2
Ceux-ci abritent notamment des Rwandais hutus, parmi
lesquels des anciens génocidaires* qui mènent des
attaques vers le Rwanda.
3
Armée patriotique rwandaise ou nouvelle armée rwandaise
après la prise du pouvoir par les Tutsis du Front Populaire
Rwandais (FPR) en 1994

Bob KABAMBA et Olivier LANOTTE, Guerres au Congo-


Zaïre (1996-1999). Acteurs et scénarios, dans P. MATHIEU et
J.-C. WILLAME (dir.), Conflits et guerres au Kivu et dans la région
des Grands Lacs, Coll. « Cahiers africains », Tervuren, Institut
7 La région des Grands Lacs : zones de conflit et ressources minières et
Africain-CEDAF, 1999, p. 109 -110
énergétiques (1996-2003) (D’après L’Atlas du Monde diplomatique, Paris,
A. Colin, 2006, p. 183)

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9 La guerre qui a déclenché une augmentation du nombre des été enregistrées sur les lignes de front mais le combat s’est
crimes de violence sexuelle contre les femmes, dans l’Est poursuivi dans les deux provinces du Kivu, caractérisé par
du Congo, est la manifestation locale d’un conflit régional des violations graves et systématiques du droit humanitaire
complexe qui a débuté en 1996 et a impliqué sept nations international commises par toutes les parties. (…)
et de nombreux groupes de combattants armés. (…) Fin La guerre a fait payer un prix énorme aux gens ordinaires,
1996, le Gouvernement rwandais a envoyé ses troupes au coûtant la vie à 2,5 millions de civils sur les 20 millions de
Congo, affirmant la nécessité d’empêcher les préparatifs l’Est du Congo, entre 1998 et 2001 (…). Ces morts sont
des attaques contre le Rwanda ainsi que son obligation de davantage dues à un manque de nourriture, d’eau propre, de Human Rights Watch est une
protéger les Banyamulenge, un groupe de Tutsis congolais, médicaments et d’abris qu’aux combats eux-mêmes. (…) La ONG indépendante fondée en
menacés par les autorités politiques congolaises locales et violence sexuelle a été utilisée comme une arme de guerre 1978 sous le nom de Helsinki
nationales. Les soldats rwandais, avec les combattants de par la plupart des forces impliquées dans ce conflit. Watch. Rebaptisée en 1988,
l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du elle a pour but la protection
Congo-Zaïre (AFDL)1 (…) ont attaqué les camps2 et tué des 1
→ 63/6 des droits humains des
2
Rwandais hutus et tutsis parmi lesquels des anciens génocidaires*
dizaines de milliers de Rwandais3, dont beaucoup de civils peuples du monde entier.
qui mènent des attaques vers le Rwanda
réfugiés non armés. (…) L’Ouganda a également envoyé des 3
Rwandais hutus réfugiés au Congo et parmi lesquels on compte
troupes pour soutenir l’AFDL4. Guidée par [Laurent-Désiré] des anciens génocidaires* qui mènent des attaques vers le Rwanda
Kabila, la force rebelle et ses alliés rwandais et ougandais5 (→ 63/8)
ont marché sur la capitale congolaise, Kinshasa, et en mai
4
→ 63/8
5
Une fois Mobutu renversé, les Gouvernements rwandais et ougandais
1997, ont renversé le président Mobutu. Quatorze mois espéraient probablement monnayer leur soutien à Kabila contre un
plus tard, [Laurent-Désiré] Kabila et son Gouvernement accès aux richesses du Kivu.
ont cherché à chasser leurs alliés étrangers et le Rwanda 6
→ 63/6
et l’Ouganda ont alors offert leur soutien à une nouvelle
rébellion contre le Gouvernement congolais, dirigée par le Rapport de Human Rights Watch, La République démocratique du
Congo. La guerre dans la guerre : violence sexuelle contre les femmes
RCD6. Pour combattre cette alliance, le président Kabila a et les filles dans l’Est du Congo, New York, juin 2002 (D’après http://
cherché l’assistance (…) du Zimbabwe, de l’Angola et de la www.hrw.org, page consultée le 28 janvier 2008)
Namibie. (…)
Dans la seconde moitié de 2001, peu d’activités militaires ont

10 Le conflit régional qui a fait converger les


armées de sept pays africains vers la République
démocratique du Congo a perdu de son intensité,
mais les microconflits étroitement imbriqués qui
en ont découlé persistent. Ils sont alimentés par 11 L’insécurité ou une volonté délibérée de vider un territoire de ses habitants, dans
la convoitise des minerais, des produits agricoles, une logique d’épuration ethnique ou afin d’y faciliter l’accaparement des richesses
de la terre et même des recettes fiscales. Les minières, provoquent des déplacements massifs de populations. Selon un décompte
groupes criminels associés aux armées rwandaise, établi par l’organisation humanitaire des Nations unies, l’OCHA, il y avait, en septembre
ougandaise, zimbabwéenne et au Gouvernement 1999, 836 000 personnes déplacées dans l’ensemble du pays, dont 355 000 pour les
de la République démocratique du Congo ont tiré deux Kivu. (…) En mars 2001, l’estimation est de 2 040 000 personnes, dont environ
avantage de ces microconflits et ne se démantèleront 1 million pour les deux Kivu et 1,6 million pour l’ensemble des zones rebelles. Il faut
donc pas spontanément, même si les forces armées aussi tenir compte des réfugiés dans des pays tiers : 340 000 à la dernière date
étrangères continuent de se retirer. Ils ont mis sur envisagée (ils étaient 190 000 en septembre 1999). Une grande partie des déplacés du
pied une « économie de guerre » qui s’autofinance Kivu se retrouvent à Goma et à Bukavu, où ils ne sont pas regroupés dans des camps,
et est axée sur l’exploitation des minéraux. (…) mais ont cherché refuge auprès de parents ou d’amis, ou squattent où ils peuvent
dans un coin de la ville. D’autres personnes, chassées de force de leur domicile ou
Rapport final au Conseil de Sécurité de l’ONU du groupe fuyant l’insécurité et les combats, se sont enfoncées dans la forêt.
d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles
et autres formes de richesse de la République démocratique Gauthier de VILLERS, République du Congo. Guerre et politique. Les 30 derniers mois de L.D. Kabila
du Congo, 8 octobre 2002 (D’après http://www.grip.org, page (août 1998-janvier 2001), Coll. « Cahiers africains », Tervuren, Institut Africain-CEDAF, 2001, p. 159
consultée le 24 janvier 2008)

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Documents 64 Qu’est-ce que le terrorisme ?
Comment le définir ? Qui sont ses acteurs ? Quelles sont les cibles visées ? Au nom de quoi et dans
quel(s) but(s) ?

1 La communauté internationale n’a jamais pu s’entendre sur façon indiscriminée à des civils (les forces armées de l’adversaire
une définition commune du « terrorisme ». L’Organisation des ne sont pas spécifiquement visées) afin d’obtenir un résultat
Nations unies (ONU) en a d’ailleurs recensé 142 ! Il est pourtant politique. (…) Des Palestiniens qui s’attaqueraient à des militaires
possible de le définir de façon purement factuelle et de trouver un israéliens pourraient être qualifiés de résistants, mais lorsqu’ils se
consensus sur des éléments de définition. Le terrorisme serait un font sauter dans un bus rempli de civils, ce sont des terroristes.
acte de violence politique (il n’est pas dicté par des motivations (…)
criminelles), recourant à la violence (il ne s’agit pas simplement
Pascal BONIFACE, 50 idées reçues sur l’état du monde, Paris, A. Colin, 2007,
de propagande, de débats idéologiques) et s’en prenant de
p. 145-146

2 Les États-Unis sont si puissants qu’aucune guerre frontale n’est envisageable contre eux. Aussi le terrorisme est-il l’unique
moyen de déjouer, et cela de façon limitée, leur invulnérabilité. Les attentats du 11 septembre [2001] étaient le stade ultime
du terrorisme classique. Ils se distinguaient non qualitativement mais quantitativement de tous ceux qui les avaient précédés
depuis plus de 30 ans par le nombre des victimes, les lieux sélectionnés pour être frappés, par le fait qu’une vingtaine d’étrangers
avaient pu échapper, malgré plusieurs mois de séjour et de préparation à la vigilance des services de renseignements avant de
frapper l’Amérique dans sa chair même. (…) [Ces attentats] ont démontré (…) l’importance prise par les acteurs non étatiques
dans le monde contemporain. (…) Le 11 septembre marque une date majeure (…) par le fait que ce sont les États-Unis qui ont
été si précisément frappés. (…) C’était la fin du mythe du sanctuaire américain. Malgré l’ampleur des attentats (…), les moyens
utilisés pour détourner les avions étaient rudimentaires. Les équipages et les passagers surpris ont été maîtrisés par quelques
individus. (…) Cinq ou six des auteurs savaient piloter depuis peu, et ils avaient fait leur apprentissage aux États-Unis.
Gérard CHALIAND, L’arme du terrorisme, Paris, Audibert, 2002, p. 15-17

3 [Les] États-Unis occupent depuis plus de 7 ans la musulmans qui s’y produit. (…) Tous ces crimes et ces
2 terre de l’Islam en son lieu le plus sacré, la péninsule péchés commis par les Américains sont une déclaration
arabique, pillant ses richesses, dictant leur conduite à de guerre ouverte à Dieu, à son messager et aux
ses souverains, humiliant son peuple, terrorisant ses musulmans. (…) Sur cette base, et conformément à
voisins et transformant ses bases dans la péninsule en la volonté de Dieu, nous lançons la fatwa1 suivante à
fer de lance pour combattre les peuples musulmans des tous les musulmans : tuer les Américains et leurs alliés,
56
6 environs. (…) Preuve en sont les continuelles agressions civils et militaires, est un devoir individuel pour chaque
américaines contre le peuple irakien à partir de ces musulman qui peut le faire dans tous les pays où cela Ce document
bases dans la péninsule, qui se font à l’encontre de la est possible (…) pour obliger leurs armées à quitter la a été signé
volonté de ses souverains, qui ne peuvent les empêcher. terre sainte de l’Islam (…). par plusieurs
(…) Ils sont [en Irak] pour annihiler ce qui reste de ce dirigeants de
1
Avis juridique rendu par une autorité religieuse
100 peuple et pour humilier ses voisins musulmans. (…) [Si] mouvements
les véritables buts américains derrière ces guerres sont Déclaration du Front islamique mondial, 23 février 1998 (D’après
islamistes*, dont
économiques et religieux, leur but est également de G. CHALIAND et A. BLIN [dir.], Histoire du terrorisme de l’Antiquité à Oussama
113
servir le minuscule État juif et de détourner l’attention Al-Qaïda, Paris, Bayard, 2004, p. 577-578) Ben Laden
de l’occupation de Jérusalem et du meurtre des

170

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4 1968-1971 Le Front populaire de Libération de la Palestine détourne plus de 110 avions.
1969-1998 Les attentats et assassinats organisés par l’IRA (Armée républicaine irlandaise) en Irlande du Nord et en Angleterre font plus de
1600 morts (→ 9/5).
Années 1970 Vague d’attentats d’extrême gauche en Italie (Brigades rouges) et en Allemagne (Bande à Baader).
Septembre 1972 Des athlètes israéliens sont pris en otage et exécutés par des terroristes palestiniens du groupe Septembre noir lors des jeux
Olympiques de Munich (Allemagne).
1980 118 personnes sont assassinées par l’organisation indépendantiste basque ETA (Euskadi Ta Askatasuna) en Espagne.
Décembre 1988 Explosion d’un avion de la compagnie américaine Pan Am au-dessus de la ville de Lockerbie (Écosse). Accusée d’être le
commanditaire de l’attentat qui tue 270 personnes, la Libye est soumise à un embargo international depuis 1992.
26 février 1993 Explosion d’une voiture piégée dans les sous-sols d’une des tours du World Trade Center (New York, États-Unis). La bombe fait
6 morts et provoque un immense cratère de 30 m de diamètre et de 20 m de profondeur, sans pourtant endommager sérieusement
la tour.
Mars 1995 Un attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo (Japon) fait 10 morts ; 5000 personnes sont intoxiquées. L’attentat est revendiqué
par la secte Aum.
Avril-juillet 1995 À Oklahoma City (États-Unis), des membres de l’extrême droite américaine font exploser un bâtiment de l’administration fédérale.
L’attentat fait 168 morts. En juillet, un attentat à la bombe dans le RER de Paris fait 7 morts.
Novembre 1997 67 touristes sont tués à Louxor (Égypte) par un groupe islamiste*.
Août 1998 Attentats contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et Dar es-Salaam (Tanzanie), attribués au mouvement islamiste*
Al-Qaïda. Ils font plus de 200 victimes.
11 septembre 2001 Attentat contre les deux tours du World Trade Center (New York, États-Unis) par deux avions détournés. Un troisième avion s’écrase
sur l’aile ouest du Pentagone (état-major général des forces armées et secrétariat à la Défense des États-Unis) à Washington. Un
quatrième avion s’écrase en Pennsylvanie, vraisemblablement abattu par l’armée américaine. Il semble que son objectif était la
Maison-Blanche (Washington). Ces attentats sont revendiqués par le mouvement islamiste* Al-Qaïda et ont fait 2978 morts.
12 octobre 2002 Une explosion dans une discothèque à Bali (Indonésie) fait 202 victimes, principalement des touristes. L’attentat est attribué à un
groupe islamiste* dans la mouvance d’Al-Qaïda.
28 octobre 2002 Un commando tchétchène prend 800 personnes en otage dans un théâtre à Moscou (Fédération de Russie). Lors de l’assaut, les
gaz utilisés par les forces spéciales russes tuent 129 personnes (→ 58/5).
Février 2003 Un attentat à la voiture piégée organisé par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) fait 32 morts à Bogota
(Colombie).
11 mars 2004 L’explosion de 9 bombes sur le réseau ferroviaire de Madrid (Espagne) fait 191 victimes. Ces attentats sont attribués au mouvement
islamiste* Al-Qaïda.
1er-3 septembre 2004 Prise d’otages dans une école à Beslan (Ossétie du Nord, Fédération de Russie) par des séparatistes tchétchènes. La libération des
otages par les forces spéciales russes fait 344 victimes (→ 58/5).
7 juillet 2005 Quatre explosions dans le métro de Londres (Grande-Bretagne) font 56 morts. Ces attentats sont revendiqués par la mouvance
d’Al-Qaïda.

Les principaux attentats terroristes dans le monde (1968-2005) (D’après Questions internationales, n° 8, juillet-août 2004, p. 10-16, 24-26)

5
Attentats contre le World Trade Center,
New York (États-Unis), 11 septembre 2001

6
PLANTU, caricature,
16-17 septembre 2001

171

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Documents 65 La question royale en Belgique
Au moment de la Libération, Léopold III est prisonnier en Allemagne. Certains partis politiques et une partie
de l’opinion publique s’opposant à son retour, le Parlement désigne son frère Charles, régent du royaume.
Ce dernier le restera jusqu’au retour de Léopold III, en 1950. Cependant, en1951, le roi consent à abdiquer
au profit de son fils, Baudouin. Pourquoi cette crise ? Quels en sont les acteurs ?

1
25 mai 1940 Entrevue à Wynendaele entre le roi et ses ministres : le roi refuse de les suivre en France.

28 mai 1940 Capitulation belge : le roi est prisonnier au château de Laeken.

19 novembre 1940 Léopold III rencontre Hitler à Berchtesgaden en vue d’obtenir des garanties au sujet de
l’indépendance de la Belgique, l’amélioration du ravitaillement et la libération des prisonniers.

6 décembre 1941 Annonce par le cardinal Van Roey du mariage de Léopold III et de Marie-Liliane Baels, le
11 septembre

7 juin 1944 Déportation du roi en Allemagne

Septembre 1944 Libération de la Belgique ; le Testament politique du roi est remis au Premier ministre Hubert Pierlot

21 septembre 1944 Le roi étant « dans l’impossibilité de régner », le Parlement nomme le prince Charles régent.

7 mai 1945 Libération du roi et de sa famille par la VIIe armée américaine

19 juillet 1945 Loi soumettant le retour du roi à un vote du Parlement sur la fin de « l’impossibilité de régner »

8 février 1950 Vote de la loi instituant la consultation populaire par laquelle les électeurs sont invités à répondre par
« oui » ou par « non » à la question : « Êtes-vous d'avis que le roi Léopold III reprenne l'exercice de
ses pouvoirs constitutionnels ? »

12 mars 1950 Consultation populaire : sur les votes dits « valables » (10 % de votes blancs ou nuls), les « oui »
représentent 57,68 %, les « non » 42,32 %.

20 juillet 1950 Le Parlement vote la « fin de l’impossibilité de régner ».

22 juillet 1950 Le retour du roi en Belgique provoque d’importantes grèves et des manifestations violentes en
Wallonie.

1er août 1950 Suite à la médiation de la Confédération nationale des prisonniers politiques et ayants droit de
Belgique, Léopold III, en accord avec les représentants des trois partis nationaux, fait annoncer au
pays la délégation de ses pouvoirs à son fils Baudouin, lorsqu’il aura atteint sa majorité civile.
37 11 août 1950 Le prince Baudouin prête serment.

66 16 juillet 1951 Léopold III abdique.

La question royale : repères chronologiques

172

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2 Devenus désormais une image réduite du Parlement, où toutes les nuances sans me laisser le temps de les étudier, d’y réfléchir et de me faire une
politiques de la majorité doivent être représentées et dosées, les ministères1 opinion à leur sujet. Le Constituant n’a certes pas voulu que le rôle du chef
deviennent de plus en plus éphémères et difficiles à constituer. de l’État fût réduit à celui de législateur servile de décisions prises en dehors
Aux pouvoirs constitutionnels se substitue l’influence grandissante des de lui par les membres de son Gouvernement. (...)
partis politiques. Les ministres deviennent les mandataires de leur parti, 1
Gouvernements
les Gouvernements se disloquent et démissionnent sans être renversés
par le Parlement. D’autre part, je ne puis continuer à admettre que le LÉOPOLD III, discours devant le Conseil des ministres, Bruxelles, 2 février 1939 (D’après
Recueil de documents établi par le secrétariat du roi concernant la période 1936-1949,
Gouvernement réclame de moi la signature urgente d’arrêtés importants, Bruxelles, s.d. [1950], p. 16-24)

3 Passant outre à l’avis formel du Gouvernement, le 4 Il n’est point de patriote (...) que ne tourmente le souvenir de certains discours prononcés à
roi vient d’ouvrir des négociations et de traiter avec la tribune du monde entier par lesquels les ministres belges se sont permis (...) de proférer
l’ennemi. (…) La faute d’un homme ne peut être précipitamment des imputations de la plus haute gravité contre la conduite de notre armée
imputée à la nation entière (…). L’acte que nous et les actes de son chef (...).
déplorons est sans valeur légale (...). Aucun acte Le prestige de la Couronne et l’honneur du pays s’opposent à ce que les auteurs de ce
du roi ne peut avoir d’effet s’il n’est contresigné par discours exercent quelque autorité que ce soit, en Belgique libérée, aussi longtemps qu’ils
un ministre (…). Le roi, rompant le lien qui l’unissait n’auront pas répudié leur erreur et fait réparation solennelle et entière.
à son peuple, s’est placé sous le pouvoir de La nation ne comprendrait ni n’admettrait que la dynastie acceptât d’associer à son action
l’envahisseur (…). Le roi se trouve dans l’impossibilité des hommes qui lui ont infligé un affront auquel le monde a assisté avec stupeur. (...)
de régner (…). Les pouvoirs constitutionnels
Testament politique ou mémoire confidentiel du roi, Laeken, 25 janvier 1944 (D’après Recueil de documents
du roi sont exercés, au nom du peuple belge, établi par le secrétariat du roi concernant la période 1936-1949, Bruxelles, s.d. [1950], p. 506)
par les ministres réunis en conseil et sous leur
responsabilité (...).
Hubert PIERLOT, discours radiodiffusé, Paris, 28 mai 1940
(D’après H.-F. VAN AAL, Télé-mémoires : de Vleeshouwer, Gutt,
Spaak, Bruxelles, CRISP, 1971, p. 86-87)

5 Il semble bien que deux conceptions de la monarchie s’affrontent, l’une


strictement constitutionnelle et parlementaire, basée sur l’adage : le roi
règne mais ne gouverne pas, et une autre, très différente, dont les partisans
semblent admettre à la fois que le roi peut avoir sa politique personnelle et
qu’étant inviolable personne n’a le droit de la critiquer. (…)
Les reproches essentiels que l’on fait au roi sont en effet d’ordre
constitutionnel.
On prétend qu’en mai 1940, au moment où la Belgique fut attaquée par
l’Allemagne, il a pratiqué une politique personnelle ; qu’il n’a pas respecté les
obligations internationales du pays, qui l’obligeaient, même après la défaite
des Flandres, à continuer la lutte, qu’il a de sa seule autorité mis fin à la
guerre pour la Belgique dès le 28 mai 1940 ; qu’il a repris une position de
neutralité, mettant sur le même pied l’Allemagne, qui avait attaqué son pays,
et les Franco-Anglais, venus à son secours (…).
À ces reproches politiques d’une incontestable gravité s’ajoutent une série
de faits qui ont profondément blessé la sensibilité des Belges, patriotes,
démocrates et antinazis : le voyage du roi à Berchtesgaden en 1940 et la tasse
de thé prise avec Hitler ; (…) les conditions étranges et assez humiliantes du
second mariage (…).
6
Paul-Henri SPAAK, La question royale en Belgique, dans Le Monde, 9 mars 1950, p. 1-3,
(D’après http://www.ena.lu/, page consultée le 23 novembre 2007) Affiche
socialiste, 1950

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Documents 65
7
GODEFROID,
affiche, 1950
(Bruxelles, Archives
Le Soir)

8
Affiche, 1950

9 C’est un grand malheur quand les hommes politiques dotés de hautes responsabilités politiques prétendent passer au crible
de leur appréciation les actes du roi ou exigent de lui qu’il n’ait jamais d’hésitation, jamais d’information erronée, qu’il ne
connaisse jamais l’incertitude, la fatigue de la défaillance physique. C’est un grand malheur quand on attaque la vie privée
d’un homme. (…) En Belgique, le roi est une institution : ce n’est pas la personne qui compte. Allons-nous briser l’institution
monarchique en arrogeant aux hommes politiques le droit de rejeter un roi parce qu’il a cessé de plaire. Sinon on donne raison
aux quelques républicains de ce pays, aux quelques communistes qui attendent une république populaire, aux chefs de
sociétés secrètes, aux séparatistes qui attendent que la clé de voûte soit écrasée pour déchirer le pays en deux. Ces quatre
sortes de personnes ne représentent que quelques milliers de Belges. Nous n’avons pas envie de tomber dans leurs filets.
Pierre HARMEL, discours à l’INR, Bruxelles, 24 février 1950 (D’après V. DUJARDIN, Pierre Harmel, Bruxelles, Le Cri, 2004, p. 224)

10 Le PSC est fidèle à la monarchie.


Un monarque est une pièce quasi nécessaire d’une machine parlementaire bien construite. À la tête de l’exécutif, il empêche
celui-ci de dégénérer en Gouvernement d’assemblée, ce qui est contradictoire avec le principe même de la séparation et de
l’équilibre des pouvoirs. En Belgique, une monarchie est de plus indispensable parce qu’elle est le ciment qui unit la Région
flamande et la Région wallonne. (…)
Le titulaire de la charge royale, S.M. Léopold Ill, a été l’objet d’une campagne politique qui pour beaucoup a été un scandale
et pour tous les bons citoyens la cause d’un chagrin et d’un sentiment intime de honte vis-à-vis de l’étranger. Le PSC se
refuse (…) de faire de la question du roi une question de parti. Le roi, en revenant, ne doit pas être celui d’un parti, d’une
faction. Le PSC a trop le sens du bien public pour vouloir ainsi accaparer celui qui doit être et rester le roi de tous. Mais il
déclare fermement que si la victoire électorale vient couronner ses efforts, il utilisera toute sa force politique pour procéder
à une vaste consultation populaire où le peuple, complètement informé, sera appelé à dire directement – en dehors de tout
parti – ce qu’il veut.
Les chantiers sont ouverts… Quel sera l’architecte...? Principes et tendances du Parti Social Chrétien, Bruxelles, PSC, 1946, p. 84-85

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11 En systématisant un peu, voici [la position des catholiques non léopoldistes1] : indigne mais il est incapable de régner. Si on veut éviter que la question royale
voter « oui », c’est approuver la politique personnelle du roi. Or, le roi n’avait soit le point de départ d’une guerre sociale et religieuse, il faut dire non. C’est
pas le droit de se mettre dans l’impossibilité de régner en se rendant à le seul moyen, d’ailleurs, de sauver la monarchie.
l’ennemi. Par ailleurs, le roi a été guidé par une conception étriquée, voire
1
Très minoritaires en Wallonie et à Bruxelles, ces « catholiques non léopoldistes »
matérialiste de l’intérêt national ; il n’a pas compris les exigences morales de
comprennent les équipes de rédaction des hebdomadaires Témoignage chrétien et
la solidarité internationale et l’enjeu de la lutte contre le nazisme. Il a voulu Forces nouvelles, et les membres de l’UDB, éphémère parti travailliste regroupant des
mener une politique strictement belge (...). Le roi Léopold III n’est plus, de catholiques de gauche, des socialistes, des syndicalistes et des intellectuels chrétiens.
surcroît, le point de ralliement du pays, mais un facteur de division. Dans ces
conditions, il ne peut plus servir le bien commun national. Le roi n’est pas État des opinions dans la question royale, dans Témoignage chrétien, édition belge, n° 296,
10 mars 1950, p. 3

12
Le drame,
dans Le Face à Main,
18 mars 1950

Le Face à Main est un magazine


hebdomadaire d’information générale.
Le 18 mars 1950, il présente au
lecteur les résultats de la consultation
populaire sur le retour du roi.
Légende en bas à droite de la carte :
Pourcentage de « oui » :
- partie la plus claire : inférieur à 50 %
- parties en gris clair : entre 50 et 65 %
- parties en gris foncé : supérieur à 65 %

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Documents 66 De la Belgique unitaire à la Belgique
fédérale
En 1993, la Belgique devient un État fédéral. Quelles sont les principales étapes du processus qui a conduit
à l'adoption du fédéralisme ? Quels en ont été les principaux acteurs ? Quels en sont les ressorts ?

2 Le grand peuple des Flandres tend le poing vers Bruxelles, où sont nos
propres oppresseurs. (…) Notre devoir est de montrer au peuple flamand que
nous nous rangeons à ses côtés contre l’ennemi commun, l’obscène bilingue
bruxellois ; notre devoir est d’éclairer le peuple wallon sur ses vrais ennemis et
sur ses alliés naturels. Instruisons-le : il n’y a rien dans le programme flamand
1 à quoi nous ne puissions souscrire : enseignement flamand en Flandre,
administration et justice néerlandaises. En Flandre, régiments flamands, en
Affiche
électorale, 1932
Wallonie, régiments wallons sous un commandement unique ; tout cela cadre
parfaitement avec notre idéal wallon : en Wallonie, tout doit être exclusivement
français, les écoles, les tribunaux, les bureaux officiels, l’armée.
Auguste BUISSERET, Notre politique, dans Jeune Revue wallonne, 1919 (D’après C. KESTELOOT,
Au nom de la Wallonie et de Bruxelles français. Les origines du FDF, Bruxelles,Complexe-
CEGES, 2004, p. 59)

L’auteur fait référence aux revendications du Katholieke Vlaamsche


Landsbond, groupe de pression au sein du Parti Catholique.
Il propose un programme limité par rapport au Frontpartij qui
revendique une réforme institutionnelle complète de la Belgique et
l’autonomie administrative de la Flandre.

La Ligue contre la flamandisation de


Bruxelles se constitue en 1932 en réaction
au congrès du Katholieke Vlaamsche
Landsbond (→ 66/2) consacré à la question
10 de Bruxelles et au cours duquel
Van Cauwelaert déclare que « la
flamandisation de Bruxelles est, au point de
vue politique, d’une importance supérieure à 4 Affiche du FDF, env. 1965
37
7 celle qu’on lui attribue généralement. Donc
au travail avec joie, car la flamandisation
de Bruxelles coûtera moins de temps
65 et de peine que la reflamandisation de
la plus grande partie de la Flandre ». En
1935, le Katholieke Vlaamsche Landsbond
propose une délimitation de l’agglomération
bruxelloise et en 1936 la mise en place d’un
103-104 Conseil régional flamand.

3 Affiche de la Ligue contre la


flamandisation de Bruxelles, 1936

176

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5 Nous devons avoir avant tout conscience que l’organisme1 que nous qui l’emploieront à revigorer et fortifier la Communauté flamande.
appelons à la vie (…) doit aider effectivement à l’émancipation morale et 1
Le Vlaams Economisch Verbond (VEV) est une association patronale recherchant une
matérielle de notre peuple. (…) C’est pourquoi le but que nous avons doit plus grande prospérité flamande.
être bien précisé : nous désirons que notre langue occupe dans les affaires
Lieven GEVAERT, discours inaugural du Vlaams Economisch Verbond, 1926 (D’après
la place qui lui revient de droit, et que la puissance économique qui jusqu’ici C. ALLARD, F. DE CLERCQ et P. MUZARELLI, Dossier documentaire : la démocratie, Namur, Conseil
se trouve encore en grande partie entre les mains de nos adversaires, passe régional wallon, 1993, dossier 2, f° 1)
lentement mais sûrement aux mains de Flamands convaincus et conscients,

Le projet de création d’un Conseil


6 Le pouvoir central a systématiquement négligé la Wallonie. Nous avons dénoncé les maux dont souffre la économique wallon est lancé par la
Région wallonne. Or, nous sommes forcés de constater que, loin d’y porter remède, le pouvoir central a Ligue d’Action wallonne de Liège en
négligé la Wallonie pour porter sa sollicitude principalement vers Bruxelles et la Région flamande. 1937. Relancé dans la clandestinité
Voici quelques exemples que nous avons relevés au cours de notre étude : en 1943, son existence est officialisée
a) De 1920 à 1938, on a dépensé, pour les voies navigables (…), 1700 millions en pays flamand et sous forme d’ASBL en 1945. Cette
341 millions seulement en Wallonie. Tandis qu’on effectue en Flandre des travaux coûteux et d’une association est destinée à la défense
utilité contestable, tels ceux du port de Zeebrugge, on n’a pas élargi le canal de Charleroi à Bruxelles, et au développement économique de
indispensable au développement de l’industrie du Hainaut (…). la Région wallonne. Chargé en 1945
c) En matière de routes, tout le système est basé sur la centralisation par Bruxelles, tandis que la Wallonie d’une enquête par le Gouvernement,
attend toujours une grande ligne de communication de Tournai à Verviers. Les seules autoroutes le Conseil présente son rapport en
actuellement construites se trouvent en pays flamand. 1947. Il fait place, en 1970, au Conseil
d) En matière de chemins de fer, la plupart des travaux effectués depuis 20 ans sont situés en Flandre économique régional wallon et devient
(...). le Conseil économique et social de la
Région wallonne en 1983.
Seconde des trois conclusions générales d’un rapport du Conseil économique wallon au Gouvernement, 20 mai 1947 (D’après
L. GÉNICOT, Racines d’espérance, Bruxelles, Didier Hatier, 1986, p. 224)

7
Flandre Wallonie Bruxelles
Production de charbon (en million de tonnes) 1950 8,3 19
1964 10,1 11,1
1974 6 2
Produit intérieur brut 1966 51,6 % 30 % 18,4 %
1975 56,9 % 27,6 % 15,5 %
Investissements étrangers 1959-1969 55,9 % 30,9 %
Investissements dans le cadre des lois d’expansion économique 1959-1972 59,5 % 38,7 % 1,8 %
Évolution de l’emploi 1959-1965 + 92 000 + 32 000
1965-1969 + 54 000 - 40 000
Taux de chômage 1957 4,8 % 2,5 % 3%
1965 2,8 % 2,9 % 1,7 %
1969 3,4 % 5,9 % 2,2 %
1975 6,7 % 8,8 % 6,2 %
Taux de croissance annuel moyen des industries manufacturières 1955-1964 6,5 % 3,8 %
1966-1971 8,2 % 4,9 %
Population 1947 53,5 % 35,3 % 11,2 %
1961 55,1 % 33,8 % 11,1 %
1970 56,1 % 32,8 % 11,1 %

Flandre, Wallonie, Bruxelles : évolution de quelques indicateurs économiques et démographiques dans les années 1960-1970 (D’après H. DORCHY, Histoire des Belges. Des origines à
1991, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1991, p. 338-339 ; M. MIGNOLET et M.-E. MULQUIN, PIB et PRB de la Wallonie : des diagnostics contrastés, dans Regards économiques, n° 31, juin 2005,
p. 10 ; M. DUMOULIN et V. DUJARDIN, Nouvelle histoire de Belgique, VII, Bruxelles, Complexe (à paraître) ; G. VANDERSMISSEN, Tentatives et échecs de la reconversion industrielle, dans H. HASQUIN (dir.),
La Wallonie, le pays et les hommes, Histoire, économie, société, II, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1980, p. 448 ; H. HASQUIN, La Wallonie, son Histoire, 2e éd., Bruxelles, Luc Pire,
1999, p. 260 ; F. COPPIETERS, Les problèmes communautaires en Belgique, Bruxelles, Institut belge d’Information et de Documentation, 1974, p. 11 ; L’industrie en Belgique. Deux siècles
d’évolution. 1780-1980, Bruxelles, Crédit communal de Belgique, 1981, p. 256 ; L. GÉNICOT, Racines d’espérance, Bruxelles, Didier Hatier, 1989, p. 221)

177

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Documents 66 9 Depuis de longues années, le peuple wallon, injustement brimé, cherche à
organiser efficacement sa défense, Tout ce qui a été tenté jusqu’aujourd’hui
pour essayer de le sauver n’a pas conjuré les menaces grandissantes : la
Wallonie se meurt.
IL EST MOINS CINQ
(…) II est encore temps parce qu’aujourd’hui la preuve est faite qu’il existe
un puissant et profond courant populaire wallon qui est prêt à se donner
comme mot d’ordre : « Sauve-toi Wallonie ».
Contre le déclin économique ;
Contre la régression sociale ;
Contre l’infériorisation politique.
LE MOUVEMENT POPULAIRE WALLON, qui n’entend se confondre, ni se
substituer aux actuelles organisations politiques, économiques, sociales ou
culturelles, se présente comme le rassembleur de toutes les espérances, de
toutes les volontés, de toutes les énergies wallonnes.
RASSEMBLEMENT DANS LA CLARTÉ ET L’HONNÊTETÉ : son programme
réclame le fédéralisme et les nécessaires réformes de structure économique
pour assurer le progrès économique et social permanent. (…)

Al SERVAIS, dessin, dans Le Gaulois, Manifeste du Mouvement populaire wallon, 16 mars 1961 (D’après V. FEAUX, Cinq semaines
8 7 septembre 1946, p. 4 de lutte sociale. La grève de l’hiver 1960-1961, Coll. « Cahiers du Centre national de
sociologie du travail », Bruxelles, ULB-Institut de Sociologie, 1963, p. 246-247)

10 En réalité, la Belgique arrive au terme d’une étape importante de son évolution sociale et culturelle, et le pacte initial des
Belges, noué en 1830, s’en trouve profondément dépassé… On sait que lorsque la Belgique entre en 1830 dans l’Histoire
des États souverains, elle se voulut unitariste et francophone. Aujourd’hui, une situation tout à fait différente est née : deux
communautés, l’une d’expression flamande et numériquement majoritaire, l’autre francophone, se sont constituées, et il
s’agit d’adapter les institutions à ces réalités nouvelles. (…) Le pays flamand réclame l’homogénéité et le strict unilinguisme
flamand de ses régions. Il veut aussi une égalité effective du français et du flamand dans les rouages centraux de l’État.
La Wallonie minoritaire exige, de son côté, des garanties politiques au Parlement et des mesures concrètes pour le
redressement de sa population active.
Pierre HARMEL, Flamands et Wallons face à face, dans Le Figaro littéraire, 20 octobre 1962, p. 1 et 7 (D’après V. DUJARDIN, Pierre Harmel, Bruxelles,
Le Cri, 2004, p. 388)

11 La question essentielle que je n'ai cessé de me poser (…) est celle de savoir si les Belges veulent encore vivre ensemble. Je
crois que, dans certains secteurs de nos activités nationales, il faut abandonner l'idée de l'unité et essayer de faire l'union. Par
exemple, dans le domaine de la culture et, par conséquent, dans le domaine de l'administration ; c'est la raison pour laquelle
j'ai nommé, indépendamment du ministre de l'Éducation, deux ministres de la Culture : un Flamand et un francophone.
L'unité du pays ne peut, selon moi, être maintenue que pour les affaires financières, budgétaires et économiques puisque
les deux communautés ne peuvent pas vivre l'une sans l'autre dans ces différents domaines (...).
Selon des statistiques établies par des sociologues éprouvés, en 1980, il y aura en Belgique deux Flamands pour un
francophone. Il faudra donc œuvrer pour que ce francophone ne se sente pas opprimé dans son pays, et c'est la raison pour
laquelle je souhaite que, dès à présent, des garanties soient inscrites dans la Constitution pour qu'il en soit ainsi.
Enfin, et toujours dans le but de satisfaire certaines revendications justifiées des Wallons, et plus particulièrement peut-être
du bassin liégeois et du bassin de Charleroi, nous allons procéder à un découpage des régions économiques. La situation
de la grosse industrie sidérurgique me préoccupe beaucoup. Il faudra que nous fassions un sérieux effort pour venir en
aide, mais d'une façon efficace, à cette grosse industrie qui se sent déjà menacée par l'installation d'une concurrence
sérieuse au pays flamand. (...)
Pierre HARMEL, note à Désiré Denuit, rédacteur en chef du journal Le Soir, fin juillet 1965 (D’après A. MEAN, La Belgique de papa, Coll. « Pol-His »,
Bruxelles, CRISP, 1989, p. 82-83)

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13 La doctrine du FDF est simple : pour mettre fin à la commune par commune, ou même, dans certains
tension extrême qui s’est développée ces derniers cas, quartier par quartier, et avoir l’occasion de
temps1, entre les deux communautés, il est urgent de dire en toute indépendance s’ils désirent partager
consulter la population afin de doter Bruxelles d’un le destin économique, social, culturel de la région
statut spécial qui tienne compte des aspirations des de Bruxelles. En outre (…), il faut prévoir, dans les
habitants de la région autant que des responsabilités communes et quartiers où une majorité ne s’est
qui incombent à la capitale du pays et du rôle que pas prononcée en faveur d’un rattachement à la
celle-ci prétend jouer en Europe. C’est ce retour à la région de Bruxelles, l’organisation d’un recensement
démocratie et au respect des réalités qui constitue linguistique et la protection des minorités.
l’aspiration fondamentale des Bruxellois :
1
Le 5 novembre 1967, à Anvers, des dizaines de milliers de
- leur ville est une entité qui ne peut a priori être
manifestants réclament le transfert intégral de la section
limitée à 19 communes ; française de l'Université catholique de Louvain en Wallonie,
- pour diverses questions importantes, elle doit être l’intégrité du Brabant flamand au plan linguistique et un statut
dirigée par des institutions ayant compétence pour particulier pour Bruxelles.
Manifestation flamande à Louvain, tout son territoire ;
12 1968 - tous les habitants doivent pouvoir vivre et travailler Programme du Front Démocratique des Bruxellois Francophones,
12 décembre 1967 (D’après Programmes électoraux et accord
dans la liberté, notamment au point de vue gouvernemental 1968, Coll. « Documents-CEPESS », Bruxelles,
linguistique et culturel. (…) CEPESS, 1968, p. 130-131)
Les habitants de la périphérie doivent être consultés,

14 La seule issue à la crise de plus en plus aiguë que nous traversons et la politique culturelle, de l’administration, des nominations dans la magistrature
seule voie susceptible de ramener l’ordre et la tranquillité dans le pays est la et le notariat, de la santé publique et du logement, de la politique familiale,
reconnaissance de l’autonomie des communautés flamande et wallonne. de la politique socioéconomique régionale, de l’aménagement du territoire et
La révision de la Constitution, qui est actuellement envisagée, doit être des travaux publics, du maintien de l’ordre public.
incurvée vers des réformes de structure fédéraliste. Ce fédéralisme doit être Par contre, nous admettons la compétence du pouvoir central dans le
un fédéralisme à deux : Bruxelles, capitale fédérale, ne peut pas constituer domaine de la politique étrangère, de la politique économique générale, de
un troisième État fédéré. (…) la législation sociale, des finances publiques, de la défense nationale.
Au plan concret, l’autonomie des deux communautés populaires qui coexistent
Programme de la Volksunie, 16 mars 1968 (D’après Programmes électoraux et accord
en Belgique doit consister dans le transfert aux États fédérés de certaines
gouvernemental 1968, Coll. « Documents-CEPESS », Bruxelles, CEPESS, 1968, p. 103-104)
compétences législatives, exécutives et judiciaires, dans le domaine de la

15
1930 Flamandisation complète de l’Université de Gand
28 juin 1932 Loi sur l’emploi des langues en matière administrative et création de la frontière linguistique
Unilinguisme régional dans l’enseignement (primaire et secondaire) sauf à Bruxelles où le choix de la langue est laissé au père de famille
Recensement décennal avec possibilité de changement de régime linguistique
1935 Nouvelle législation sur l’emploi des langues en matière judiciaire (la première datait de 1873)
1936 Création de régiments unilingues à l’armée
8 novembre 1962 Fixation de la frontière linguistique : Comines et Mouscron (forte minorité flamande) passent de la Flandre occidentale au Hainaut et les
Fourons de la province de Liège à celle du Limbourg.
30 juillet 1963 Loi relative au régime linguistique dans l’enseignement (hors enseignement supérieur)
2 août 1963 Loi sur l’emploi des langues en matière administrative : unilinguisme en Flandre et en Wallonie, bilinguisme à Bruxelles, « facilités »
accordées aux francophones dans 6 communes flamandes de la périphérie bruxelloise
1970-1971 Révision de la Constitution : création des communautés culturelles (flamande, francophone, germanophone) et des régions (flamande,
wallonne, bruxelloise)
1980 Révision de la Constitution : élargissement des compétences des régions et réforme de leurs institutions
1988-1989 Révision de la Constitution : nouveaux transferts de compétences vers les régions et les communautés
1993 Révision de la Constitution : la Belgique devient un État fédéral.

De la Belgique unitaire à l’État fédéral (1930-1993) : quelques repères

179

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Documents 67 L’économie mondiale depuis 1945
Fortement touchée par la crise durant les années 1930, comment l’économie mondiale évolue-t-elle après
la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Quels facteurs principaux expliquent son évolution ? Comment
influence-t-elle la vie quotidienne des populations ?

1 [Après 1945], le système de production en série de Henry Ford se propagea par-delà les océans aux nouvelles industries
automobiles tandis qu'aux États-Unis le principe fordiste était étendu à de nouvelles formes de production : du logement
au fast food (McDonald est une success story de l'après-guerre). (…) Ce qui relevait jadis du luxe devint la norme du confort
espéré, en tout cas dans les pays riches : le réfrigérateur, la machine à laver et le téléphone. En 1971, on comptait plus de
270 millions de téléphones dans le monde, c'est-à-dire essentiellement en Amérique du Nord et en Europe occidentale,
et leur diffusion allait en s'accélérant. Dix années plus tard, leur nombre avait presque doublé. (…) Bref, il était désormais
possible au citoyen moyen de ces pays de vivre comme seuls les riches vivaient au temps de leurs parents (…).
Il n’y a pas d’explications réellement satisfaisantes de ce « grand bond en avant » de l’économie capitaliste mondiale. (…)
Il y eut (…) une restructuration et une réforme en profondeur du capitalisme et une progression tout à fait extraordinaire
de (…) l’internationalisation de l’économie. De la première tendance émergea une économie « mixte » qui permit aux États
de planifier et de gérer plus facilement la modernisation économique et augmenta aussi considérablement la demande. À
de très rares exceptions près (Hong Kong), les grandes réussites économiques des pays capitalistes après la guerre sont
des histoires d'industrialisation soutenue, supervisée, dirigée, et parfois planifiée et gérée par l'État (…). En même temps,
l'attachement politique des Gouvernements au plein-emploi et, dans une moindre mesure, à la réduction des inégalités
sociales, autrement dit l'attachement à la protection et à la sécurité sociales, assura pour la première fois un marché de
masse pour des produits de luxe désormais considérés comme de première nécessité. (…) La seconde tendance a eu
pour effet de multiplier les capacités productives de l'économie mondiale en rendant possible une division internationale
du travail plus élaborée et sophistiquée. (…) Après 1953, le commerce mondial des produits manufacturés a décuplé en
3 20 ans. (…) Les principales innovations qui commencèrent à transformer le monde presque sitôt après la guerre furent
peut-être chimiques et pharmaceutiques.
6
Éric John HOBSBAWM, L’âge des extrêmes. Histoire du court XXe siècle, Bruxelles, Complexe-Le Monde diplomatique, 2003, p. 349-350 et 355-357

29
2
Belgique Europe occidentale
60
1930 8076 235 975 3
1935 8288 242 148 1960 1973
68
1940 8346 248 417 Allemagne de l’Ouest 55,8 115,3
73 Italie 52,5 118,6
1945 8339 247 666
Belgique 64,3 123,8
1950 8639 256 376 Pays-Bas 54,9 115,1
1955 8868 264 112 France 61,9 116
1960 9119 273 807 Royaume-Uni 75,3 113,3
États-Unis 81 106,7
100 Évolution démographique de la Belgique et des 12 pays Japon 50,9 129,6
d’Europe de l’Ouest, 1930-1960, en millions d'habitants
107 (D’après A. MADDISON, Économie mondiale, statistiques Salaires réels par salarié (indice 100 = 1970) (D’après H. VAN DER WEE,
historiques, II, Paris OCDE, 2003, p. 42-43) Histoire économique mondiale, 1945-1990, Louvain-la-Neuve,
Academia, 1990, p. 192)

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4 Durant l'après-guerre, l'expansion des industries marché mondial où les goûts des consommateurs
manufacturières fut stimulée par l'apparition d'une s'uniformisent de plus en plus. La libération des
multitude de produits nouveaux et d'innovations échanges entre pays industriels à économie de
techniques et la libération du commerce international marché, dans le cadre de l'Accord général sur les
et une intégration de plus en plus poussée de Tarifs douaniers et le Commerce1 , a contribué à créer
l’économie mondiale. (…) un climat économique propice au développement et
L'avion à réaction a raccourci les distances, les à la diffusion des innovations technologiques.
progrès des télécommunications permettent
1
GATT (→ 107)
désormais aux multinationales* de coordonner
plus facilement les activités de filiales dispersées Rapport de la Banque mondiale pour l’année 1988 (D’après
dans différents pays, et l'essor parallèle de la radio J.-M. GAILLARD [dir.], Histoire Terminale L-ES , Rosny, Bréal, 2004,
et de la télévision a contribué à l'apparition d'un p. 35)
5 Publicité, 1959 (détail)

Évolution du taux d’équipement des ménages français,


7 entre 1953 et 2000 (D’après D. ARONSSOHN, Les inégalités de
6
1913-1950 1950-1973 1973-2001 2006 consommation persistent, dans Alternatives économiques,
hors série n° 49, 2001, p. 47
Europe occidentale 1,19 4,79 2,21 Zone euro 2,8
Europe de l’Est 0,86 4,86 1,01 5,4
Ex-URSS 2,15 4,84 -0,42 6,1
États-Unis 2,84 3,93 2,94 2,9
Amérique latine 3,42 5,38 2,89 5
Japon 2,21 9,29 2,71 2,4
Chine -0,02 5,02 6,72 10,7
Asie (sans Japon) 0,82 5,17 5,41 Asie de l’Est 9,2
Afrique 2,57 4,43 2,89 5,3

Évolution des taux de croissance du PIB* entre 1913 et 2006, par régions du monde (en %) (D’après
A. MADDISON, L’économie mondiale : statistiques historiques, Paris, OCDE, 2003, p. 274)

9 Revenons en Occident où, à la fin des années 1960, commença ce que l'on appelle souvent la
crise du fordisme, qui résulta à la fois d'une accentuation de son rejet de longue date par les
ouvriers, et d'une diminution de la productivité du capital des entreprises. En outre, la part des
opérations manufacturières dans un produit fini a eu tendance à se réduire progressivement au
profit des activités de conditionnement, des tests de qualité, et du « marketing ». Ce fut le début
des recherches et expériences pour l'élaboration de nouvelles formes d'organisation, axées sur
une plus grande flexibilité du travail. Ces nouvelles formes d'organisation s'orientèrent à la fois
vers un élargissement et un enrichissement des tâches des ouvriers. Il s'agissait d'un mode de
travail qui, en plus des tâches de production proprement dites, combine à la fois le contrôle de
qualité des pièces produites et le réglage des machines. Avant d'aller plus loin sur les modalités
des réformes, relevons que, dans la plupart des petites et moyennes entreprises, le taylorisme est
encore largement pratiqué. C'est essentiellement dans le secteur automobile qu'ont commencé
les nouvelles formes d'organisation du travail. La plus précoce et la plus notoire est le toyotisme,
qui a commencé dans la firme Toyota. Il s'agit d'une organisation basée sur le « juste à temps »
(la demande conditionne la production) et sur l'automatisation, impliquant une plus grande
Évolution des taux de croissance du commerce et des polyvalence des travailleurs et une organisation de ceux-ci en équipes. Ce système commença à
8 taux de croissance de la production mondiale entre
1950 et 2002 (en %) (D’après G. LE QUINTREC, Histoire être introduit chez Toyota dès 1950 et fut utilisé sur une plus grande échelle dès 1965.
Terminale L.ES, Paris, Nathan, 2004, p. 53)
Paul BAIROCH, Victoires et déboires. Histoire économique et sociale du monde du XVIe siècle à nos jours, III, Paris,
Gallimard, 1997, p. 400-401

181

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10
Documents 67 Fritz BEHRENDT, caricature, 1973

Derrière la table, on reconnaît, de gauche


à droite, Willy Brandt (chancelier de la
RFA), Georges Pompidou, (président de
la République française), Richard Nixon
(président des États-Unis) et Edward Heath
(Premier ministre britannique).

11 La crise que nous traversons n'est pas un phénomène mondial : c'est l'Europe qui ne s'est pas remise des événements
de 1973 tandis que les autres zones de développement connaissent à nouveau une relative prospérité. (…) Face au
dynamisme des pays jeunes (Amérique, Canada, Japon, pays nouvellement industrialisés), la vieille Europe rassemblée
dans la Communauté ne paraît pas réussir à surmonter le choc de 1975 et subit une crise d'adaptation. Les raisons (…) du
ralentissement de l'activité européenne sont [au nombre de trois].
D'abord, les années 1950-1960 ont été des années exceptionnelles du fait de deux événements : la reconstruction après
la guerre et la création du Marché commun. La création de la CEE a stimulé la production en favorisant le commerce (…)
entre les pays membres (…).
Une seconde explication aux faibles chances de croissance qui sont généralement accordées à l'Europe tient dans
l'hypothèse d'une chute des rendements de l'outil industriel européen (…). L'Europe, dans son ensemble, n'offrirait plus
des conditions de profit aussi satisfaisantes qu'auparavant, en raison de l'élévation des coûts du capital et surtout de la
main-d'œuvre. (…)
Une troisième raison (…) est qu'il existe ailleurs, dans les pays nouvellement industrialisés, des zones de haut profit, parce
que les salaires y sont bas et que les marchés potentiels sont immenses. Le salaire horaire moyen de l'industrie électronique
est, à Hong Kong, à Singapour et en Corée, en 1975, dix à onze fois plus faible qu'aux États-Unis et en Europe. La part de
la production industrielle mondiale localisée dans le tiers-monde pourrait doubler d'ici à l'an 2000. (…) L’emploi industriel a
progressé entre 1963 et 1976 dans tous les pays sauf en Europe. (…) Ce qu’il faut craindre, c’est que les Gouvernements
(…) ne voient plus de solution (…) pour rétablir l’Europe comme zone de hauts rendements que dans le démantèlement des
systèmes sociaux de protection, de retraites, d’éducation…
Philippe MAHRER, La crise est d’abord celle du Vieux Monde, dans Le Monde, 9 janvier 1979, p. 19, 22

12 La diffusion internationale de la crise (…) s’opère (…) en Europe et au Japon dès le milieu des années 1970 dans le sillage
du premier choc pétrolier, et en particulier à l’occasion de la grave récession de 1975. (…) La profitabilité du capital chute
assez brutalement (…) en 1974-1975, de l’ordre de 30 % par rapport à la moyenne 1970-1973, avant de se redresser
partiellement en 1976-1980 sous l’impulsion principale d’un ralentissement (…) des hausses des coûts salariaux réels. (…)
La hausse du taux de chômage européen s’avère importante et singulièrement résiliente malgré une reprise significative du
processus de création nette d’emplois à la fin des années 1970. Ceci s’explique par des évolutions socio-démographiques
« défavorables » assez largement passées sous silence (…). On assiste en effet en Europe, déjà à la fin des années 1960 et
jusqu’au début des années 1980 (…) à une nette accélération du rythme de croissance de la population d’âge actif (…). On
passe ainsi de + 0,25 % l’an en 1967-1969 à + 0,5 % l’an en 1973 pour atteindre plus de + 1 % l’an au début des années
1980. Le ralentissement de la croissance intervient donc (…) en même temps que (…) l’arrivée (…) sur le marché du travail
des cohortes issues du baby-boom de l’après-guerre.
Réginal SAVAGE, Économie belge, 1953-2000 : ruptures et mutations, Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de l’UCL, 2004, p. 34-35

182

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13
1960 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
Belgique 2,4 2,5 3,6 7,2 11,2 7,7 9,9 6,9 8,4
France 1,1 2,6 3,1 6,5 10,4 9,2 11,6 9 9,2
États-Unis 6 4,6 6,2 6,8 6,7 5,8 5,6 4 5,1
Allemagne 1,7 1 2 3,6 6,6 5,1 8,2 7,5 10,7

Évolution du taux de chômage (en % de la population active) dans quelques États occidentaux entre 1960 et 2005 (D’après P. BAIROCH, Victoires et déboires. Histoire économique et
sociale du monde du XVIe siècle à nos jours, III, Paris, Gallimard, 1997, p. 182-183 et http://epp.eurostat.ec.europa.eu, page consultée le 18 février 2008)

Photographie prise
14 dans le métro
parisien, janvier 1993

Weight Watchers est une


entreprise qui vend des
programmes et des produits
pour maigrir.

Les revenus des Français, 1998-2005 (D’après C. GUELAUD, Salaires,


15 pouvoir d’achat, l’explosion des inégalités, dans Le Monde,
23 octobre 2007, p. 21)

17
1952 Pollution au mercure à Minamata (Japon )
1967 Première grande marée noire due au naufrage du pétrolier Torrey Canyon : 180 km de côtes
bretonnes sont touchées.
1968 Manifestations étudiantes aux États-Unis et en Europe contre la croissance
1972 Rapport du Club de Rome préconisant la « croissance zéro » (→ 7/5)
1976 L’explosion d’une usine chimique à Seveso (Italie) produit un nuage de dioxine très toxique.
1978 Marée noire causée par l’Amoco Cadix
1979 Accident nucléaire à Three Mile Island (États-Unis)
1982 Découverte du trou dans la couche d’ozone en Antarctique
1984 Explosion d’une usine de pesticides à Bhopal (Inde)
1986 Catastrophe nucléaire à Tchernobyl (Ukraine)
1987 Publication par l’ONU du rapport Brundtland sur le développement durable (→ 7/5)
1989 Marée noire causée par l’Exxon Valdez en Alaska
1999 Marée noire causée par l’Erika en Bretagne

16 Variations annuelles du PNB* par habitant 2002 Marée noire causée par le Prestige aux larges des côtes de Galice
et évolution du taux de chômage des pays 2005 Pollution au benzène de la rivière Songhua, d’une ville de 9 millions d’habitants, Harbin, et du
occidentaux (D’après P. BAIROCH, Victoires et fleuve Amour en Chine
déboires. Histoire économique et sociale du monde
du XVIe siècle à nos jours, III, Paris, Gallimard, 1997, Quelques revers et critiques de la croissance
p. 176)

183

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Documents 68 Société et vie quotidienne après 1945
Depuis 1945, la vie quotidienne et la société ont fortement évolué. Dans quels domaines ?

1 2 3

Publicités pour des aspirateurs Philips en 1950, 1963, et 1991

5 1978 1988 1998 2005 Évolution 1978-2005


Alimentation, boissons et tabac 222 190 164 157 - 64,95 ‰
Articles d’habillement et chaussures 79 73 57 47 - 31,73 ‰
Habitation principale ou secondaire 242 268 269 252 + 9,99 ‰
23 Meubles, appareils ménagers 86 67 63 57 - 29,07 ‰
Dépenses de santé 33 36 43 47 + 14,15 ‰
Transport, dont : 101 102 119 128 + 27,39 ‰
- dépenses d’utilisation de véhicules 55 54 64 73 + 18,52 ‰
- achat de véhicules 38 39 46 48 + 9,69 ‰
- services de transport 8 9 9 7 - 0,83 ‰
41
Postes et communications 11 14 19 29 + 18,08 ‰
67 Culture, loisirs et enseignement 73 74 92 87 + 13,71 ‰
Autres biens et services, dont : 155 176 174 197 + 41,83 ‰
73 - dépenses dans le secteur Horeca 39 45 44 52 + 12,71 ‰
4 Évolution de la répartition des - services financiers et assurances 37 43 48 49 + 11,11 ‰
catégories socioprofessionnelles - autres 78 88 82 96 + 18,01 ‰
75 en France (en % de la population
active) (D’après J.-M. GAILLARD, Histoire TOTAL 1000 1000 1000 1000 + 0,00 ‰
Terminale L-ES, Rosny, Bréal, 2004,
Évolution du budget des ménages belges depuis 1978, en ‰ (D’après http://statbel.fgov.be,
p. 335)
page consultée le 12 novembre 2007)

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6
Temps de travail professionnel Congés payés
1921 : 48 h/semaine 1936 : 1 semaine
1936 : 40 h/semaine dans les industries 1956 : 2 semaines
insalubres 1966 : 3 semaines
1955 : semaine de 5 jours 1975 : 4 semaines
1964 : 45 h/semaine
1978 : 40 h/semaine
2001 : 38 h/semaine
Temps de travail et temps de loisirs en Belgique : repères (D’après
M.-Th. COENEN, Questions d’Histoire sociale, Bruxelles, Carhop, 2005, p. 93 et 103)

9 Photographie de l’autoroute Bruxelles-Ostende dans les années 1950, après son


ouverture en 1956

12
Publicité, Belgique,
1954

7 Publicité, dans La Libre Belgique, 8 Publicité, Belgique,


29 juin 1958, p. 15 fin des années 1950

10 Photographie, Belgique, 1952 11 Cuisine Cubex, Belgique, 1957

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Documents 69 Génération 68
L’année 1968 et son mois de mai sont restés dans les mémoires comme un « printemps », une révolution…
Plus globalement, la décennie 1960 voit fleurir, dans les sociétés occidentales, divers mouvements de
contestation. Quels sont les acteurs principaux de cette génération 68 ? Quelles sont les raisons qui les
poussent à se lever ? Quelles sont leur revendications ?

1
Wolf VOSTELL,
Miss America, 1968
(Cologne, Musée
Ludwig)

2 Même les adolescents qui entraient sur le marché


du travail à la fin de l’enseignement obligatoire (…)
avaient un pouvoir d’achat bien plus indépendant
que leurs prédécesseurs du fait de la prospérité
et du plein-emploi de l’Âge d’Or1, mais aussi de
la plus grande prospérité de leurs parents, qui
avaient moins besoin de l’apport de leurs enfants
au budget familial. C’est la découverte de ce
marché de la jeunesse, au milieu des années 1950,
qui a révolutionné la musique pop2, et, en Europe,
l’industrie de la mode tournée vers le marché de
masse. (…) La puissance de l’argent des jeunes
peut se mesurer aux ventes de disques aux États-
Unis, qui sont passées de 277 millions de dollars en
1955, à l’apparition du rock, à 600 millions en 1959,
puis 2 milliards en 1973 (…). Aux États-Unis, en
1970, chaque membre du groupe des 15 à 19 ans
dépensait en disques au moins 5 fois plus qu’en
1955.
1
C’est ainsi qu’Éric John HOBSBAWM qualifie la période
1947-1973.
2
7 Musique des années 1960

Éric John HOBSBAWM, L’âge des extrêmes. Histoire du court


XXe siècle, Bruxelles, Complexe-Le Monde diplomatique,
2003, p. 428-429

7
67

68

75

186

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3 Les hippies (…) font leur apparition aux environs de 1963 en Californie, dans l'usage systématique de la drogue, considérée tout à la fois comme signe
l'État le plus riche du plus riche pays du monde, pas très loin des bases d'où de marginalité et de reconnaissance, provocation à l'égard d'une société
vont partir quotidiennement les hommes et les armes destinés, aux yeux souvent puritaine et moyen de fuite. Communiant dans la même passion
des contestataires, à briser la résistance d'un peuple pauvre, en lutte pour pour le folk-song1 et la pop music2, ils vont offrir à la jeunesse du monde,
son indépendance et pour une société un peu moins injuste que celle que conviée à d'immenses rassemblements pacifistes (Woodstock, 1969 ; île
lui a léguée le colonisateur. Faisant table rase des valeurs productivistes de de Wight, 1970), un nouveau modèle, un nouveau rituel, où les officiants
la société américaine, bientôt organisés en communautés vivant à l'écart s'appellent Joan Baez, Bob Dylan, Janis Joplin et Jimi Hendrix.
des grands centres urbains, les hippies cherchent à se distinguer du monde
1
Musique populaire de tradition orale, qui raconte l’Amérique des pionniers
qui les entoure par leur style de vie, leur refus de l'establishment et de la 2
Musique des années 1960
guerre, un retour aux sources culturelles (folk-song1), leur culte de la nature
et de la vie, leur adhésion à des formes de religiosité inspirées de l'Inde, Serge BERSTEIN et Pierre MILZA (dir.), Histoire du XXe siècle, III, Paris, Hatier, 1989, p. 319
leur apparence physique (barbe, cheveux longs, vêtements de couleur) et

5 La crise qui secoue la France au mois de mai 1968


met à la fois en cause l'organisation économique
d'une société industrielle développée, le système
d'éducation dont cette société a hérité, et le
régime politique qu'elle s'est laissé imposer. D'où le
caractère complexe de la crise et la multiplication
de ses aspects. Il y a le chômage et l'insécurité de
l'emploi, les salaires en dessous de 500 francs1 par
mois, les mauvaises conditions de travail (…) ; il y a
l'augmentation prodigieuse du nombre des étudiants,
la crise du système éducatif, (…) la survivance du
« mandarinat » professoral et médical, (…) le refus
du dialogue (…). Il y a aussi – pourquoi ne pas le
dire ? – le désir naturel de la jeunesse de rompre
avec la banalité de la vie quotidienne et de vivre, à
son tour, de grands événements autrement qu'à
travers des radotages d'anciens combattants. (…) Il
existe (…) un élément commun : la contestation des
modes traditionnels de commandement, de gestion
4 Dennis STOCK, photographie d’une station-service tenue par des hippies, États-Unis, 1968 et d'administration. Le mouvement de mai est dirigé
contre l'absolutisme patronal, contre l'autoritarisme
étatique et, bien entendu, le féodalisme universitaire.
Il est difficile sans doute de placer ces phénomènes
sur le même plan, mais le mouvement, ou du moins
6 J’étais un des fondateurs du syndicalisme étudiant en 1960. Sous des slogans comme les jeunes qui l'animaient, avaient tendance à les
« Étudiant, on se fout de toi », on se battait pour des prix plus bas à la cafétéria, à une confondre. C'est ce qui explique que l'exemple des
époque où garçons et filles ne se retrouvaient qu’autour d’un café. Communiste, je me étudiants ait été si contagieux et que les événements
suis opposé à la guerre en Algérie, au Viêtnam, à l’occupation du Congo. En mai 1968, aient pris une forme révolutionnaire.
inspiré par Daniel Cohn-Bendit, j’ai lancé le mouvement d’occupation de l’ULB et remis
1
pour quelques semaines mes affaires – j’étais déjà avocat – dans les mains d’un ami. Environ 75 euros
Pour paraphraser Lévi, « 68, c’est la poésie et la liberté ». On s’est battu pour la liberté
Gilles MARTINET, La conquête des pouvoirs, Paris, Seuil, 1968,
de pensée, sexuelle aussi. Et, dans le cœur, rien n’a changé. Les idéaux restent et m’ont p. 12
amené à exercer mon métier tel que je le fais aujourd’hui.

Michel GRAINDORGE, propos recueillis par A. THELEN, dans Louvain, n° 173, avril-mai 2008, p. 30

187

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Documents 69 7 Mai 1968 signe la fin de ce qu’on appelle le mandarinat, ce pouvoir absolu détenu dans le monde universitaire par les
professeurs qui règnent sans contre-pouvoir. D’un coup, la contestation des cours ex cathedra, la dissolution du magistère
des enseignants, la réécriture des règlements intérieurs des établissements scolaires et la mixité dans les lycées (mouvement
timidement amorcé avant 1968) bouleversent durablement la donne.
Laurent GREILSAMER, 1968. L’esprit de Mai, dans Le Monde, 9 novembre 2004, p. 23.

8
Henri CARTIER-BRESSON,
Jouissez sans entraves, Paris, 1968

9
Manifestation, Bruxelles,
24 février 1964

10
Nombre d’étudiants
universitaires en Belgique, selon
le sexe (1955-1974) (D’après
M. HOOGHE et A. JOORIS [dir],
Golden sixties, 1958-1973.
La Belgique dans les années
soixante, Bruxelles, Ludion-
Flammarion-CGER, 1999, p. 25)

188

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11 Manifestation pour la libération de Willy Peers,
17 janvier 1973 Willy Peers est un gynécologue namurois. Il prescrit la pilule contraceptive dès les années
1950, ce que conteste l’Ordre des médecins. Il œuvre aussi en faveur de l’accouchement sans
douleur. Le 16 janvier 1973, il est arrêté et inculpé suite à une dénonciation anonyme pour avoir
pratiqué plus de 300 avortements au cours des 9 derniers mois. Plus de 10 000 manifestants
défileront pour réclamer sa liberté. Une loi dépénalisant partiellement l’avortement sera votée
en 1990. Le groupe des « Marie Mineur », du nom d’une ouvrière liégeoise des mines, est une
association féministe ouvrière belge.

12 Si les années 1960 ont connu une « révolution silencieuse », c’est bien celle du passage massif à
des formes modernes de contraception. (…) Il est (…) indéniable que le recours à des méthodes
modernes de contrôle des naissances entraîna un changement révolutionnaire dans la vie de toute
une génération. (…) La révolution contraceptive explique pour une bonne part les progrès d’une
vision plus positive de la sexualité. (…) Suite à la généralisation de l’usage de la contraception,
l’avortement apparaît peu à peu à l’ordre du jour des discussions politiques. À première vue, il
s’agit là d’une relation contradictoire (…). [Toutefois] le lien est logique : l’introduction de la pilule
rend la procréation maîtrisable ; de ce fait, un échec au niveau de la régulation des naissances
devient d’autant moins acceptable, ce qui renforce précisément la revendication d’une légalisation
de l’avortement. En outre, il faut tenir compte de l’influence du mouvement féministe, alors en
plein essor. (…) La généralisation des formes modernes de contraception entraîne également des
conséquences idéologiques. On peut même affirmer que la rigidité affirmée de l’Église catholique
dans [ce] domaine (…) est une des principales causes du fossé qui s’est creusé à un rythme
accéléré durant les années 1960 entre une grande partie de la population belge et l’Église de
Rome.
Marc HOOGHE et Ann JOORIS (dir), Golden sixties, 1958-1973. La Belgique dans les années soixante, Bruxelles,
Ludion-Flammarion-CGER, 1999, p. 44-46

14 La limitation de la croissance va à l’encontre


de toutes les idées reçues et de la plupart des
programmes politiques (…). La croissance
s’inscrit trop souvent aujourd’hui dans des
13 Manifestation à la frontière franco-belge, 26 mai 1973 programmes à courtes vues qui satisfont
admirablement des égoïsmes nationaux, mais
au prix d’irréparables détériorations à long
Le Rapport Meadows
terme. (…) Nos expansions ne s’exercent pas
est publié en 1972 par le
de manière à créer ou préserver ce dont elles
Massachussetts Institute
of Technology (États-Unis)
auront besoin pour s’entretenir à terme. (…)
à la demande du Club de La nature profonde de notre système global
Rome. Cette association se détériore : les sociétés sont menacées,
internationale, fondée comme des êtres humains qui ne cesseraient
en 1968, rassemble de grandir et de grossir ; il sera de plus en plus
des scientifiques, des difficile d’y remédier si on attend ; la solution
chercheurs et des ne peut être qu’à caractère global (mondial) et
économistes préoccupés il semble possible d’agir positivement grâce
par l’évolution de la aux moyens technologiques et scientifiques
croissance économique à notre disposition.
mondiale.
Robert LATTÈS, préface au Rapport sur les limites de
la croissance, 1972 (D’après J. DELAUNAY, Halte à la
croissance ?, Coll. « Écologie », Paris, Fayard, 1972,
p. 13-14)

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Documents 70 La question noire aux États-Unis
Entre 1865 et 1870, la Constitution américaine est amendée* et les Noirs obtiennent un certain nombre de droits.
La question noire n’est pas pour autant finie. De nombreuses inégalités persistent : lesquelles ? Leur condition
évolue-t-elle au XXe siècle ? Quels moyens ont-ils mis en œuvre et quelle opposition ont-ils rencontrée ?

1 Photographie, Washington,
28 août 1963

Martin Luther KING

2 Il y a un siècle de cela, un grand Américain1 qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre acte
d’émancipation. Mais cent ans ont passé et le Noir n’est pas encore libre. Cent ans ont passé et l’existence du Noir est
toujours tristement entravée par les liens de la ségrégation*, les chaînes de la discrimination (...). Cent ans ont passé et le
Noir vit encore sur l’île de la pauvreté, au milieu d’un vaste océan de prospérité matérielle. Cent ans ont passé et le Noir
languit toujours dans les marges de la société américaine et se trouve en exil dans son propre pays. (...) Je rêve2 qu’un jour,
cette nation se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : « Nous tenons ces vérités pour évidentes que
les hommes sont créés égaux »3. Je rêve qu’un jour, sur les collines rouges de Géorgie4, les fils d’anciens esclaves et les fils
d’anciens propriétaires d’esclaves puissent s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. (…) Je rêve qu’un jour, mes quatre
jeunes enfants vivront dans un pays où ils ne seront pas jugés d’après la couleur de leur peau, mais d’après leur caractère.
56 1
En 1863, pendant la guerre de Sécession (1861-1865), le président Lincoln proclame l’abolition de l’esclavage. Martin Luther King prononce ce
discours sur le Mall à Washington, au pied du mémorial du président Lincoln.
2
74 « I have a dream. »
3
Citation d’un extrait de la déclaration d’Indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776
4
État du Sud-Est des États-Unis, dont Martin Luther King est originaire

Martin Luther KING, discours lors de la manifestation à Washington, 28 août 1963 (D’après B. BERNARD, Siècle, Paris, Phaidon, 1999, p. 470-471)

190

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3 La couleur, c’est la première chose dont les Noirs prennent conscience en Amérique. Vous êtes né dans un
monde qui a donné une signification à la couleur et celle-ci devient à elle seule le facteur le plus déterminant de
votre existence. C’est elle qui décide où vous vivrez, comment vous vivrez et, dans certains cas, si vous vivrez.
Elle décide de vos amis, de votre instruction, du métier de votre père et de votre mère, de l’endroit où vous
4 Jean LEFFEL, United States of
jouerez, de ce à quoi vous jouerez et, ce qui est plus important, de ce que vous penserez de vous-même. En
AmeriKKK, dessin, dans le Dictionnaire
du Canard enchaîné, Paris, 1969 elle et par elle-même, la couleur n’a pas de signification mais le monde blanc lui en a donné une. (...) Une fois
que l’on a donné une signification à la couleur, on a du même coup instauré un ordre. Si vous êtes né Noir en
Amérique, vous êtes le dernier dans cet ordre. Tout gosses, nous apprenions la formule de la structure de la
société américaine :
Si t’es blanc, tout va bien.
Si t’es brun, tiens-toi bien.
Mais si t’es noir, va te faire voir.
Hubert Rap BROWN, Crève, sale nègre, crève, Paris, Grasset, 1971 (D’après Amériques, Liège, Sciences et Lettres, 1982, p. 28)

5
Elliott ERWITT,
photographie,
Caroline du Nord
(États-Unis), 1950

6 1865 Le 13e amendement* abolit l’esclavage.


1868 Le 14e amendement* accorde à toute personne née aux États-Unis le statut de citoyen, avec les droits qui y sont inhérents.
1870 Le 15e amendement* garantit le droit de vote aux Noirs mais il n’est pas appliqué.
1896 Arrêt de la Cour suprême légalisant la ségrégation* raciale : « séparés mais égaux »
1909 Fondation de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), association de défense des Afro-Américains
1948 Le président Truman impose l’intégration raciale dans les forces armées.
1954 Arrêt de la Cour suprême interdisant la ségrégation* raciale à l’école
1955 Martin Luther King organise le boycottage des autobus à Montgomery (Alabama) pour obtenir la fin de la ségrégation* dans les transports publics, suite au
refus de Rosa Parks, une couturière noire, de céder sa place à une Blanche dans un bus.
1964 Émeutes raciales à Harlem (New York) – Civil Rights Act : cette loi abolit la ségrégation* raciale dans les lieux publics, et la discrimination à l’embauche.
1965 Émeutes raciales à Watts (Los Angeles) : elles font 34 morts et 1032 blessés.
Voting Rights Act : cette loi garantit l’égalité électorale des Noirs.
Affirmative action : cette loi dite de « discrimination positive » accorde un traitement préférentiel dans l’attribution de marchés publics, d’emplois ou de places
à l’université pour les minorités.
1966 Le terme Black Power (Pouvoir noir) est utilisé pour affirmer que les Noirs doivent contrôler les institutions politiques dans les zones où ils sont majoritaires,
rejeter l’intégration et répondre à la violence policière, par la violence.
Fondation du Black Panther Party (→ 74/3), mouvement d’extrême gauche, prônant l’action violente
1967 Émeutes raciales à Detroit (Michigan) : elles font 43 morts.
1968 Assassinat de Martin Luther King – Nombreuses émeutes raciales – Loi interdisant les discriminations raciales en matière de logement
1980 Émeutes raciales à Miami (Floride)
1992 Émeutes raciales à Los Angeles (Californie)
Principales étapes de la conquête des droits des Noirs aux États-Unis

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Documents 71 La planète en danger
Le réchauffement climatique apparaît de plus en plus comme un fait, qui devrait aller en s’amplifiant.
Quelles en sont les principales conséquences ? Comment l’expliquer ?

1 [La] Terre va mal, très mal. Pourtant, le diagnostic sur les principaux maux qui l’accablent a été fait il y a 10 ans, à Rio (Brésil),
lors du premier sommet de la Terre. La sonnette d’alarme avait alors été tirée : le climat se réchauffe, l’eau douce se fait
rare, les forêts disparaissent, des dizaines d’espèces vivantes sont en voie d’extinction, la pauvreté totale ravage plus d’un
milliard d’êtres humains… (…) La souillure écologique du monde riche sur la biosphère s’est aussi accentuée. Alors que la
trentaine de pays les plus développés représentent 20 % de la population mondiale, ils produisent et consomment 85 % des
produits chimiques synthétiques, 80 % de l’énergie non renouvelable, 40 % de l’eau douce. Et leurs émissions de gaz à effet
de serre par habitant, comparées à celles des pays du Sud, sont dix fois plus élevées. Au cours de la décennie écoulée, les
rejets de gaz carbonique (CO2), cause principale du réchauffement climatique, ont augmenté de 9 %... Ceux des États-Unis,
premier pollueur de la planète, ont crû, durant la même période, de 18 % ! Plus d’un milliard de personnes continuent à ne
pas disposer d’eau potable, et près de trois milliards (la moitié de l’humanité) consomment une eau de piètre qualité. À cause
de l’ingestion de cette eau polluée, 30 000 personnes meurent quotidiennement. (…) Les forêts continuent d’être dévastées ;
17 millions d’hectares disparaissent chaque année [soit] quatre fois la taille de la Suisse. Et comme les arbres ne sont plus
là pour absorber les excédents de CO2, l’effet de serre et le réchauffement s’aggravent. Par ailleurs, chaque année, quelque
6000 espèces animales sont exterminées. Une extinction massive menace 13 % des oiseaux, 25 % des mammifères, 34 %
des poissons, comme la Terre n’en a jamais connu depuis la disparition des dinosaures. (…) En détruisant le monde naturel,
les hommes ont rendu la Terre de moins en moins vivable.
Ignacio RAMONET, Sauver la planète, dans Le Monde diplomatique, août 2002, p. 1

2 Le pôle Nord montre déjà des signes marqués de changement. (…)


La superficie de la banquise aurait diminué de 10 % en 30 ans, et
son épaisseur se serait réduite de 40 %. D’ici à la fin du XXIe siècle,
elle pourrait l’être de moitié. Certains veulent y voir des aspects
positifs, notamment l’ouverture des passages du Nord pour le
transport maritime, ou un accès plus facile aux hydrocarbures du
grand Nord américain et de la Sibérie, qui constituent 40 % des
réserves mondiales. Mais ces avantages sont bien minces face aux
inconvénients. (…) La fonte devrait provoquer une accélération du
réchauffement en réduisant le niveau de réfraction du rayonnement
solaire, qui est de 80 % pour la glace contre 30 % pour le sol nu et 7 %
7
pour les océans. (…) [La péninsule Antarctique] s’est échauffée de
3 °C entre 1974 et 2000 (…). La réduction de la banquise antarctique
pourrait également entraîner un autre bouleversement majeur qui
concerne la faune aquatique. En effet, les stocks de krill, une petite
67-68 crevette qui se nourrit d’algues vivant sous ces glaces, et qui est au
cœur de la chaîne alimentaire maritime, (…) seraient en chute de
73 80 % depuis 30 ans.
Frédéric DURAND, Accélération de la fonte des pôles Nord et Sud, dans L’Atlas La consommation mondiale d’énergie depuis 1965
du Monde diplomatique, Coll. « Manière de Voir », Paris, Le Monde diplomatique, 3
(D’après Alain BELTRAN, Du charbon au Pétrole, dans Questions
2006, p. 10-11 internationales, n° 24, mars-avril 2007, p. 13)

192

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4 Émissions de gaz à effet de serre par passager
pour 1 km entre 2001 et 2004
(D’après B. BARRE, Atlas des énergies,
Coll. « Atlas/Monde », Paris, Autrement, 2007, p. 76)

5
Répartition des émissions de CO2
par secteur d’activité
en Région wallonne en 2001
(D’après Tableau de bord de
l’environnement wallon 2004, Namur,
MRW-DGRNE, 2004, p. 12)

6
Comparaison des émissions
de CO2 dans le monde
(D’après J.-M. COUSTEAU
et P. VALLETTE,
Atlas de l’océan mondial,
Coll. « Atlas/Monde »,
Paris, Autrement,
2007, p. 16)

7 Depuis la révolution industrielle et l’invention de la machine à vapeur, la les relevés climatiques. Le réchauffement global moyen mesuré en surface
combustion massive de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) est de 0,6 °C au cours du XXe siècle (…). Le nombre de vagues de chaleur est
a mené à une augmentation de 35 % entre 1750 et 2005 de la concentration en augmentation, de même que la proportion de pluie qui tombe de manière
atmosphérique en dioxyde de carbone (CO2), le gaz à effet de serre d’origine concentrée, ce qui favorise les inondations. L’intensité des cyclones tropicaux
humaine le plus important. Le CO2 est en effet un déchet inévitable de toute croît également depuis 1970. (…) Une hausse du niveau des mers d’1 m
combustion, et près de la moitié des quantités émises reste dans l’atmosphère diminuera la surface du Bangladesh de 17,5 % et des dizaines de millions
pendant environ un siècle, l’autre moitié étant absorbée par les océans et la de personnes seront forcées de migrer. De nombreuses villes proches de la
végétation. Le développement inégal du Nord et du Sud a pour conséquence mer, comme Londres, New York (…) ou Shangaï, sont menacées à moyen
que près des trois quarts de l’excès de CO2 accumulé dans l’atmosphère terme dans leur existence. Certains États insulaires, comme les Maldives2
jusqu’à ce jour proviennent des pays dits « développés ». (…) Le GIEC (Groupe ou Tuvalu3, sont tout simplement menacés de disparaître. (…) La migration
d’Experts intergouvernemental sur l’Évolution du Climat)1 a estimé en 2001 des populations affectées par des changements climatiques progressifs ou
(…) que la poursuite de ces émissions sans politique sérieuse de réduction soudains risque évidemment d’accroître les risques d’instabilité politique et
augmenterait la température globale de 1,4 °C à 5,8 °C entre 1990 et 2100, de conflit.
selon le scénario d’émissions et le modèle utilisé (…). Le niveau moyen des
1
Fondé par l’Organisation météorologique mondiale et par le Programme des Nations
mers augmenterait de 9 cm à 88 cm pendant la même période, et continuerait
unies pour l’Environnement en 1988 ; prix Nobel de la paix 2007
à augmenter pendant des siècles après que la température se soit stabilisée. 2
Au sud-ouest de l’Inde, ce pays est composé de plus d’un millier d’îles.
Le cycle hydrologique sera intensifié, engendrant davantage de sécheresses 3
Archipel polynésien, au centre du Pacifique
dans certaines régions, et d’inondations dans d’autres. Plusieurs des
changements anticipés pour ce siècle commencent à être perceptibles dans Jean-Pascal VAN YPERSELE, L’injustice fondamentale des changements climatiques, dans
Alternatives Sud, XIII, n° 2, 2006, p. 7-13

193

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Documents 72 Les mutations démographiques
au XXe siècle
Le XXe siècle a connu les évolutions démographiques les plus importantes de l’Histoire de l’humanité. Quels
sont ces changements ? Comment s’expliquent-ils ? Quels défis imposent-ils aux hommes du XXIe siècle ?

Évolution de la population mondiale et de son taux de croissance


(D’après G. PISON, Combien serons-nous demain, dans Textes et documents pour la classe, n° 924, 15 novembre 2006, p. 8)

2 Pyramides des âges en Belgique en 1921, 1971 et 2004 (classes d'âge pour 5 ans et pour 10 000 habitants)
1 (D’après http://stutbel.fgov.be, page consultée le 15 mars 2007)

3 Taux d’activité des hommes en Groupes d’âges Taux d’activité en 1896 Taux d’activité en 1996
4
94 France en 1896 et 1996
(D’après O. MARCHAND et C. THÉLOT, 15-24 ans 95,6 % 33,8 %
Le travail en France, 1800-2000, Paris, 25-39 ans 94,9 % 95,3 %
101 Nathan, 1997, p. 220-221)
40-54 ans 95,8 % 95,2 %
106 55-59 ans 87,2 % 69,7 %
60-64 ans 83,2 % 15,7 %
65 ans et plus 54,1 % 1,8 %

194

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4
Pyramide des âges en Inde en 1950 et
2005 et projection pour 2050
(D’après J. VALLIN, Le vieillissement
démographique, dans Textes et documents
pour la classe, n° 994, 15 novembre 2006,
p. 26)

5 L’espérance de vie a davantage augmenté ces 50 dernières années que 14 % de la population. La Corée du Sud, Taïwan, Singapour et la Chine
pendant les 5 millénaires qui ont précédé. Jusqu’à la révolution industrielle, devraient franchir ce cap en 25 ans seulement.
les personnes âgées de 65 ans et plus ne représentaient guère que 2 % ou 3 (…) Des projections officielles indiquent que dans 30 ans les pays développés
% de la population. Aujourd’hui, dans le monde développé, cette proportion devront consacrer au financement des retraites une part accrue de leur PIB,
est désormais de 14 %. En 2030, ils seront 25 %, voire près de 30 % dans soit entre 9 % et 16 % supplémentaires. (…)
certains pays. Un ensemble de mesures fondamentales, toutes difficiles à mettre en
(…) À la fin des années 1960, le taux de fécondité* mondial (c’est-à-dire le œuvre, permettraient aux différents pays de relever les défis économiques et
nombre moyen de naissances au cours de la vie d’une femme) s’établissait politiques que représente le vieillissement d’une société. Parmi ces mesures,
à près de 5 enfants par femme. La révolution des mœurs entraîne un recul citons en particulier l’allongement de la durée de la vie active, l’accroissement
inattendu et sans précédent du taux de fécondité* planétaire, ramené à de la main-d’œuvre par l’immigration ; les mesures d’incitation à la fécondité
2,7 par femme – une baisse qui nous rapproche dangereusement du seuil et l’investissement accru dans la formation et la productivité des futurs actifs ;
de renouvellement des générations (2,1). Dans le monde développé, le taux le renforcement des liens et des responsabilités intergénérationnels au sein
de fécondité* moyen n’est plus que de 1,6. En Allemagne, où ce taux est de la famille ; l’incitation (voire l’obligation) faite aux actifs d’économiser pour
tombé à 1,3, il naît moins d’enfants chaque année qu’au Népal, pourtant leur propre retraite, tout en maintenant des prestations sociales pour les plus
quatre fois moins peuplé. (…) Dans la mesure où les pays en développement nécessiteux.
connaissent aussi une diminution de leur fécondité, bon nombre voient en fait
Peter George PETERSON, Alerte au papy boom, dans Foreign Affairs, 1999 (D’après
vieillir leur population plus rapidement que la plupart des pays développés.
http://www.courrierinternational.com, page consultée le 23 janvier 2007)
En France, il aura fallu plus d’un siècle pour que les vieux passent de 7 % à

6 Solde migratoire* des principaux pays d’immigration et d’émigration (D’après Le Monde diplomatique. Manière de voir, janvier 2003, p. 55)

Dans le monde, entre 1965 et 1990, le nombre de personnes ne vivant pas dans leur pays d’origine est passé de
120 millions à 150 millions. Cela représente 2 % de la population mondiale, contre 5 % en 1914. Les pays d’émigration
et d’immigration se sont multipliés durant cette période, passant entre 1970 et 1990 de 39 à 67 pour les pays
d’accueil et de 29 à 55 pour les pays de départ.

195

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Documents 73 Le siècle de l’automobile
Au XXe siècle, l’industrie automobile se développe de façon fulgurante. Depuis quand, comment et pourquoi
l’accès à l’automobile s’est-il démocratisé ? Quel impact la voiture a-t-elle sur la vie quotidienne ?

1 Évolution de la production automobile dans le monde (1905-2005) (D’après M. FREYSSENET sur http://freyssenet.com, page consultée le 18 janvier 2007)

2 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2007


Population 8 092 000 8 512 000 9 153 000 9 656 000 9 859 000 9 947 000 10 239 000 10 585 000
(en 1947)
Voitures 99 303 109 896 273 599 753 136 2 059 616 3 158 737 3 864 159 4 864 159 5 048 723
particulières
Évolution de la population et du nombre de voitures particulières en Belgique (1930-2007) (D’après http://statbel.fgov.be, page consultée le
12 novembre 2007)

6-7

4
9
29
Publicité pour
la Renault
67
Dauphine,
fin des années
71 1950

3 Évolution de la longueur du réseau routier belge (1938-2006)


(D’après http://statbel.fgov.be, page consultée le 12 novembre 2007)

196

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7 En 1883, l’ingénieur rouennais Édouard Delmare-Deboutteville conçoit
la première automobile digne de ce nom. (…) Comment aurait-il pu
prévoir que son invention deviendrait le symbole par excellence de
la modernité et de la consommation de masse ? Comment aurait-il
pu anticiper qu’elle donnerait naissance à une puissante industrie
occupant des millions de salariés à travers le monde et, directement
5 et indirectement, près de 10 % de la population active des pays
Publicité pour Fiat, 1974
constructeurs ? (…). [Au début du XXe siècle], des centaines de petits
constructeurs vont s’installer en France, en Allemagne, en Grande-
Bretagne, en Italie et aux États-Unis, pour profiter d’un marché limité
alors à quelques rares privilégiés prêts à payer le prix fort pour ce
nouveau bien. (…) Tout comme différents organes mécaniques et
équipement, la carrosserie (…) est fabriquée en très petites séries,
sinon à l’unité. (…) À partir de 1907, les constructeurs américains
opèrent un changement radical de stratégie en décidant de produire
en grande série un modèle unique à bas prix et de constituer de
grandes entreprises. (…) Ford ouvre ainsi l’ère de la production de
masse. (…)
Les constructeurs américains dominent donc largement la période de
l’entre-deux-guerres et domineront encore jusqu’à la fin des années
1950. (…) La crise des années 1930 conduit les Européens à s’efforcer
d’adapter le modèle américain aux conditions économiques locales,
notamment la relative faiblesse des revenus, grâce au lancement
des premières petites voitures populaires1. (…) La conversion
des Européens à la production de masse ne deviendra effective
qu’après la Seconde Guerre mondiale (…). Grâce à cette nouvelle
stratégie, l’Europe pourra accéder à la phase d’expansion rapide de la
motorisation des ménages.
À partir de 1960 (…), de nouveaux acteurs émergent (…) : le Japon,
6 le Brésil, l’Espagne, le Mexique et l’URSS deviennent peu à peu des
pays constructeurs. Dans les années 1970, les marchés des pays
Publicité pour Smart, août 2007 industrialisés atteignent le seuil de saturation pour la demande de
premier équipement (une voiture par ménage).
1
Par exemple : la Fiat 500 (1936), la Volkswagen Coccinelle (1938), la Renault 4CV
(1946), la Citroën 2CV (1948)

Jean-Jacques CHANARON et Yannick LUNG, L’Économie de l’automobile, Paris,


La Découverte, 1995, p. 3-9

8 L’électrique, l’hybride, l’hydrogène, les solutions imaginées pour s’émanciper manière dont il est produit (…). Cette contrainte est également de mise dans
des carburants d’origine fossile ne manquent pas. Leurs applications le cas des véhicules électriques. Si l’électricité nécessaire à leur alimentation
concrètes sous le capot de nos automobiles passe par des investissements est produite à partir de combustibles fossiles, les gains environnementaux
colossaux, humains mais également financiers. (…) (…) resteront lettre morte. Si, au contraire, cette production s’appuie sur des
L’hydrogène (…) se heurte encore aux incertitudes liées aux bilans énergies renouvelables – éolienne, turbines à eau, etc. –, le moteur électrique
énergétique et écologique de sa production, à la complexité de son ouvrira de nouveaux horizons à nos mobilités urbaine et périurbaine. (…)
acheminement dans des réseaux de distribution et aux difficultés relatives à Plus près de nous, l’hybridation automobile a connu, ces dernières années,
son stockage dans nos véhicules. (…) Quelle que soit la solution retenue (…), des développements majeurs déjà matérialisés sur certains modèles. (…)
l’automobile fonctionnant à l’hydrogène ne rejettera que de l’eau et profitera Diverses pistes sont envisageables mais l’association essence/électricité est
d’une combustion exempte de rejets d’hydrocarbure ou de monoxyde de (…) la plus souvent retenue.
carbone… (…)
Alain VANDERSANDE, En vert, l’automobile assure ses arrières…, dans le catalogue de
Le bénéfice écologique du recours à l’hydrogène dépend directement de la
l’European Motor Show Brussels, supplément au Vif/L’Express, janvier 2008, p. 12

197

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Documents 74 Jeux Olympiques : sport ou politique ?
Les jeux Olympiques modernes naissent en 1896 sous l’impulsion de Pierre de Coubertin. Manifestation
sportive et pacifique, ils n’ont pas toujours pu éviter l’embrigadement politique. Pourquoi ? Au profit de qui ?

1 Les jeux de la Onzième Olympiade des Temps modernes sont désormais entrés dans l’Histoire. Le visiteur étranger pouvait
débarquer à Berlin avec n’importe quelles idées politiques, avec n’importe quelles idées préconçues : il lui aura été impossible
d’en repartir sans une sincère admiration pour l’œuvre que ce peuple venait d’entreprendre, et qui devait extérioriser sa
volonté de renaissance nationale. (…)
Qu’on ne s’y trompe pas. Le comité olympique allemand, organisateur officiel des jeux, n’a été qu’un simple « homme de
paille » et son rôle fut tout en façade. Derrière lui agissait le seul véritable organisateur de ces jeux : le Gouvernement
allemand. (…) Aux jeux Olympiques de Berlin, le Gouvernement allemand n’a pas servi la cause du sport, c’est celui-ci au
contraire qui l’a servi.
Auguste VAN SCHOORE, Éditorial, dans Les Sports, 19 août 1936, p. 1

2
Carte postale,
Berlin, 1936

35

60

70

On peut lire en dessous :


« La flamme olympique a été apportée du Lustgarten
111 au Reichssportfeld (stade olympique). »
3
Photographie prise lors des jeux
Olympiques de Mexico en 1968

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4 Assurant que « le monde doit comprendre l’extrême gravité de la menace » ou soient annulés pour cette année ». (…) Il était devenu insupportable au
créée par l’intervention soviétique en Afghanistan, le président Carter a président Carter, dans la situation internationale actuelle, d’offrir à Moscou
déclaré, le dimanche 20 janvier, qu’il « ne favoriserait pas l’envoi d’une équipe la satisfaction de prestige qui s’attachait à la tenue des jeux. « En Union
américaine aux jeux Olympiques de Moscou aussi longtemps que l’Armée soviétique, écrit-il à M. Kane, la compétition sportive internationale est en
rouge demeurerait dans le pays voisin ». (…) Dans une lettre adressée à elle-même un aspect de la politique du Gouvernement (…), lequel attache
M. Robert Kane, président du Comité olympique américain, il a demandé à une importance politique énorme aux jeux de Moscou. » Un changement de
ce dernier de « faire valoir auprès du Comité international olympique que si site sera donc « une écrasante manifestation de l’indignation mondiale, qui ne
l’URSS ne se retire pas complètement de l’Afghanistan dans le délai d’un pourra être cachée à la population et se répercutera autour du globe ».
mois, Moscou deviendra un site non convenable pour ce festival destiné à
Michel TATU, L’opinion américaine soutient l’appel de M. Carter en faveur du boycottage des
célébrer la paix et la bonne volonté ». En conséquence, M. Carter demande
jeux Olympiques, dans Le Monde, 22 janvier 1980, p. 1, 4
que les jeux soient « transférés vers un autre site ou une série d’autres sites,

5
6 Les premiers JO n’ont connu qu’un succès médiatique très limité. Plusieurs
jeux ont été noyés dans les expositions universelles et la presse écrite de Affiche de
Reporters sans frontières, 2007
l’époque en a peu parlé. C’est la radio, le cinéma et surtout la télévision qui
ont permis les retransmissions au niveau planétaire. À Berlin en 1936, pour la
première fois, près de 200 000 téléspectateurs ont eu la possibilité de suivre
les épreuves sur le petit écran. En 1960, à Rome, on estime qu’ils sont plus de
200 millions, à Munich en 1972, 900 millions et plus de 2 milliards à Sydney
en 2000. (…) Le coût des droits télévisés est toujours plus élevé (50 000 $
à Rome contre 1,3 milliard $ à Sydney). Les journalistes n’étaient que 19 à
Rome, ils sont plus de 20 000 à Sydney.
Jean-Pierre AUGUSTIN et Pascal GILLON, L’olympisme, bilan et enjeux géopolitiques, Paris,
A. Colin, 2004, p. 11-12

7 1920 : Anvers Exclusion de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Bulgarie et de la Turquie


1928 : Amsterdam Retour de l’Allemagne
1932 : Los Angeles Première participation de la Chine
1936 : Berlin Campagne de boycott mais sans résultat
1948 : Londres Pas de participation du Japon et de l’Allemagne
1952 : Helsinki Retour de l’Allemagne et du Japon, première participation de l’URSS et d’Israël
1956 : Melbourne Boycott de l’Espagne et de la Suisse pour protester contre la répression soviétique en Hongrie
Boycott du Liban, de l’Égypte, de l’Irak dans le contexte de la crise de Suez
Boycott de la Chine pour protester contre la présence de Taiwan (jusqu’en 1984)
1964 : Tokyo Exclusion de l’Afrique du Sud (jusqu’en 1992) ; participation de 17 pays africains décolonisés
1972 : Munich Prise d’otage de sportifs israéliens par un commando palestinien : 16 morts
1976 : Montréal Boycott par 32 pays africains pour protester contre l’apartheid* en Afrique du Sud
1980 : Moscou Boycott par 58 pays pour protester contre l’invasion soviétique de l’Afghanistan
1984 : Los Angeles Boycott par l’URSS et les membres du pacte de Varsovie (17 pays) ; retour de la Chine
1992 : Barcelone Participation de Cuba, de la Corée du Nord et de l’Afrique du Sud
1996 : Atlanta Première participation de la Palestine
2000 : Sydney La Corée du Nord et la Corée du Sud défilent sous le même drapeau.
2004 : Athènes Record de participation : 201 comités nationaux
2008 : Pékin Manifestations pro-tibétaines sur le parcours de la flamme olympique

Jeux Olympiques et politique aux XXe et XXIe siècles : repères

199

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Documents 75 Les femmes en Belgique
En 1918, en Belgique, une femme ne peut ni participer aux élections législatives, ni exercer la profession de
son choix, ni maîtriser sa fécondité... Quels combats les femmes ont-elles menés ? Avec quels moyens et
quels résultats ?

1 1919 Les filles, comme les garçons, bénéficient de la loi sur l’enseignement obligatoire de 6 à 14 ans.
Un nombre limité de femmes obtient le droit de vote aux élections législatives : les mères et les veuves (non remariées) de
militaires et de civils tués par l’ennemi ainsi que les femmes emprisonnées ou condamnées par l’occupant.
1920 Les femmes obtiennent le droit de vote et peuvent se constituer candidates aux élections communales, à l’exception des
prostituées et des femmes adultères ; elles sont également éligibles à la Chambre et au Sénat, même si elles ne participent pas à
l'élection de ces assemblées. Quarante ans après les universités de Bruxelles (1880) et de Liège (1881), l’UCL accepte les étudiantes.
1921 Marie Janson, épouse Spaak, est la première femme sénatrice (cooptée, socialiste).
Regroupement des Ligues ouvrières féminines chrétiennes, ancêtre de Vie féminine
Égalité barémique hommes-femmes dans l’enseignement officiel
1922 Accès à la profession d’avocate
1923 Création des Femmes prévoyantes socialistes
La promotion de la contraception est interdite légalement.
1929 Lucie Dujardin est la première femme députée élue directe (socialiste).
1931-1935 Diverses lois pénalisent le travail de la femme mariée ; elles suscitent des grèves et des manifestations de femmes (→ 30/8).
1948 Les femmes obtiennent le droit de vote aux élections législatives et provinciales.
Accès des femmes à la magistrature
1957 L’article 119 du traité de Rome oblige les États membres à tendre vers l'égalité salariale entre les sexes.
1965 Marguerite de Riemaecker-Legot devient la première femme ministre : elle reçoit le portefeuille de la famille et du logement.
1966 Grève à la Fabrique nationale de Herstal : « À travail égal, salaire égal »
1967 La FGTB publie la Charte des droits de la femme au travail.
1969 Loi interdisant le licenciement d’une travailleuse pour cause de grossesse ou de mariage
1971 Égalité de traitement des femmes et des hommes en matière de chômage
8 1972 La promotion de la contraception est légalement autorisée.
Première « Journée des femmes » à Bruxelles : présence de Simone de Beauvoir et parution du Petit Livre rouge des femmes
1973 Fin de l’interdiction pour une femme mariée d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de son mari
1974 Père et mère se voient reconnaître des compétences égales pour l’éducation et la gestion des biens des enfants.
30
0 1976 Égalité civile entre les époux quant aux droits sur la propriété matrimoniale
1980 La Belgique ratifie la Convention sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (→ 21).
68-69
1985 Création du secrétariat d’État à l’émancipation sociale : l'égalité des chances fait son entrée en politique.
1990 Dépénalisation partielle de l’avortement
76
1994 Loi des quotas : les listes électorales devront comprendre au moins un tiers de femmes.
2002 Loi relative à la protection contre la violence et le harcèlement sexuel au travail
Création de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes
L’égalité femmes/hommes est inscrite dans la Constitution belge.
Tous les Gouvernements du pays doivent compter des représentants des deux sexes.
105 Loi sur la parité électorale : les listes électorales doivent comprendre une moitié de femmes, les deux premiers candidats étant de
sexe différent.
109 2003 Création du service des créances alimentaires
Réforme du statut du conjoint aidant (femmes d’agriculteurs, d’artisans, de commerçants…)
Évolution de la condition des femmes en Belgique : quelques étapes

200

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2 Le suffrage des femmes !… N’est-ce pas là une nouveauté choquante, une revendication inconciliable (…) Fondée en 1891, la Ligue
avec les devoirs d’épouse et de mère ? (…) Comment se justifie le suffrage féminin ? N’est-il pas de nature à démocratique belge regroupe
troubler la paix du foyer ? Les femmes sont-elles capables d’en faire usage ? À quoi leur servirait-il ? (…) On les associations sociales
nous a objecté plus d’une fois que le fait de voter ne rentre pas dans le rôle de la femme, et l’on ne craignait pas catholiques (syndicats,
d’ajouter qu’il serait « contraire à sa nature » ! (…) Est-il dans le rôle, est-il dans la nature des femmes de travailler mutuelles, coopératives...),
10 ou 11 h et davantage dans les usines (…) ? Voilà de beaux champs d’action pour ceux qui s’inquiètent de voir qu’elles soient de tendance
la femme sortir de son rôle. (…) Les seules choses qui sont contraires à la nature de la femme sont celles qui paternaliste ou démocrate-
compromettent ou entravent ses fonctions essentielles de ménagère, d’épouse et de mère. chrétienne. En 1911, cette ligue
adopte la revendication du
Louise VAN DEN PLAS, Le suffrage des femmes, discours prononcé au congrès de la Ligue démocratique belge, Courtrai, suffrage universel masculin et
25 septembre 1911, p. 1-5 féminin.

3 Notre premier argument (…) est d’ordre moral, familial et social. (…) Le travail Notre deuxième argument est un argument d’opportunité. N’est-ce pas le
ménager est le mieux adapté à l’organisme de la femme, à ses aptitudes, à moment ou jamais de restreindre le travail des femmes mariées ? Dans
ses inclinations naturelles et à sa noble mission d’éducatrice des enfants. les grands pays industriels on évalue à plus de trente millions le nombre
(…) Les moyennes de la morbidité et de la mortalité sont beaucoup plus de chômeurs (…). Notre troisième argument est un argument d’autorité.
élevées chez les femmes mariées travaillant à l’usine que chez les autres [Un grand nombre reconnaît] qu’il n’existe pas d’autorité morale supérieure
femmes. (…) Les ouvrières et les employées mariées ont moins d’enfants, à celle du Pape. Or, le langage du Souverain Pontife, dans sa récente
plus de fausses couches et d’enfants morts-nés que les autres femmes. encyclique* Quadragesimo Anno, est d’une précision lumineuse : (…) c’est
(…) Parmi les causes de la criminalité juvénile, il faut citer la désorganisation à la maison avant tout, ou dans les dépendances de la maison, et parmi les
de la famille résultant du travail de la femme mariée. (…) Trop de jeunes occupations domestiques, qu’est le travail des mères de famille. (…) Si les
femmes mariées préfèrent rester à l’usine ou dans les bureaux, non parce moyens privés ne suffisent pas, c’est à l’autorité publique à suppléer aux
qu’un salaire d’appoint est indispensable à l’entretien de leur ménage, mais ressources inégales des particuliers (…).
parce qu’il leur assure une indépendance plus grande et plus de facilité
pour satisfaire des besoins exagérés de toilette, de déplacement et de Georges-Ceslas RUTTEN, discours au Sénat, pour défendre sa proposition « tendant à limiter
le travail de la femme mariée dans les usines, dans les ateliers, sur les chantiers et dans
distractions. (…) Le travail des femmes mariées provoque l’avilissement
les bureaux », Bruxelles, 13 février 1934 (D’après http://www.senate.be, page consultée le
des salaires. (…) Faut-il ajouter que la moralité des femmes mariées est
22 février 2008)
loin d’être favorisée par le travail dans les ateliers et dans les bureaux ? (…)

4 Les catholiques ont gagné la première manche dans la lutte qu'ils ont entreprise
contre le travail de la femme. Un arrêté-loi sur le contingentement des femmes
dans l'industrie vient de paraître. Tout comme Hitler, les catholiques belges
estiment que la place de la femme est à la cuisine, chez les enfants et à l'église.
Ils lui contestent tout droit de participer à la vie sociale et à la vie publique. Ils sont
partisans du suffrage féminin, tout simplement, par opportunisme politique. Ils
espèrent que le vote des femmes permettra au Parti Catholique de reconquérir
la majorité dans le pays. Pour conserver la majorité qu'ils pourraient conquérir
ainsi, ils s'efforceront de maintenir la femme à l'écart de toute vie sociale. Ils
craignent l'émancipation de la femme. C'est pourquoi ils veulent la refouler
vers la cuisine. C'est pourquoi ils veulent renforcer sa dépendance à l'égard
de l'homme et des forces de conservation. Le socialisme ne peut admettre la
servitude, où le Parti Catholique veut placer la femme. Il admet que la femme
soit, avant tout, une mère et une éducatrice. Mais ce noble rôle doit être
librement accepté par les intéressées. La contrainte mène à l'asservissement. 5 Fabrique nationale d’Armes
Nous voulons que les femmes puissent bénéficier des mêmes libertés que de Herstal, 1966
l'homme. L'asservissement d'un sexe est aussi révoltant que l'asservissement
d'une classe. Les FPS sont les Femmes prévoyantes socialistes. À la FN, en 1966, presque
tous les délégués syndicaux sont des hommes. Le plus haut salaire des
Anomyme, Les catholiques contre le travail féminin, dans Le Peuple, 15 décembre 1934, p. 1 femmes est plus bas que le plus bas salaire des manœuvres masculins.
3000 ouvrières font grève durant 12 semaines pour réclamer l'égalité
salariale prévue par le traité de Rome.

201

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Documents 75 6 Deux scandales des arrêtés-lois du 1er juin 1933 :
Femmes,
Défendez-vous !
Parce que, dans notre pays, hommes et femmes ne sont pas égaux en droits ;
Parce que les femmes peuvent y être soumises à des lois qui ne s’appliquent pas aux hommes (…) ;
Toutes les femmes sont livrées à l’arbitraire de ceux qui (…) font des conventions, des règlements ou des
lois. La preuve ?
L’arrêté VII frappe arbitrairement des femmes dans leur droit à une juste rétribution de leur labeur : « Dans le
La Porte ouverte
(1930-1940) est l’antenne cas où deux conjoints exercent chacun une fonction rétribuée par l’État, le traitement afférant à la fonction de
belge d’une organisation l’épouse est réduit de 25 %. »
internationale, l’Open Door L’article X frustre arbitrairement des femmes d’un droit qu’elles ont acquis par leur affiliation à des
International. Elle s’oppose à caisses d’assurance. « N’ont aucun droit aux indemnités de chômage : les femmes mariées chômeuses
toutes les mesures discriminant complètes. »
la femme mariée travailleuse Femmes que les arrêtés-lois ne touchent pas, solidarisez-vous avec celles qu’ils frappent !
ou chômeuse (→ 30). En Travailleuses lésées, défendez votre pain !
1935, le ministre socialiste Si votre emploi peut être donné à un homme, ne démissionnez pas, ne demandez pas votre pension.
Achille Delattre, membre Vous feriez le jeu du Gouvernement qui veut, partout où c’est possible, remplacer la femme fonctionnaire qui
du Gouvernement tripartite n’est pas électrice par un fonctionnaire masculin qui est électeur.
Van Zeeland, annulera ces Femmes, révoltez-vous contre l’arbitraire et l’exploitation. Exigez l’égalité des droits.
arrêtés-lois discriminatoires
votés par des Gouvernements Tract émanant du groupement belge de la Porte ouverte, 1933 (D’après A. DEVOS, Défendre le travail féminin. Le groupement belge
catholiques-libéraux. de la Porte ouverte, 1930-1940, dans Sextant, 1996, p. 100)

7
9
Affiche de la Ligue ouvrière
féminine chrétienne, 1946
Une des premières
(KADOC, Leuven)
plaquettes de pilules
contraceptives

35

60
Avec les contraceptifs oraux, les femmes disposent d’une alternative aux
dispositifs mécaniques, tels que préservatif et diaphragme, mis au point
70
au XIXe siècle. En 1956, aux États-Unis, le docteur Gregory Pincus met au
point la première substance capable d'inhiber l'ovulation. En 1960, la Food
and Drug Administration autorise la vente de la « pilule », dont l'utilisation
8
se diffuse ensuite en Europe.
BIZUTH, caricature, En Belgique, en 1962, seul 1,2 % des femmes âgées de 20 à 40 ans
111 dans L’Âne roux, n° 90, 21 utilisent la pilule ; elles sont 10 % en 1969. Son emploi se généralise dans
novembre 1946, p. 8 les années 1970. Pour la première fois, les femmes ne font plus l’amour
« la peur au ventre ». Elles maîtrisent leur fécondité, ce qui entraîne un
bouleversement de la façon dont se vit la sexualité.

202

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10 Ce qui est le plus en dessous dans la société : les femmes salariées. Elles intervient-il lorsque la femme hérite ? OUI. Elle doit recevoir l’autorisation
sont doublement défavorisées : de son mari.
- comme salariées, elles travaillent dur, pour un « mini-salaire », dans une - La femme peut-elle faire un achat à tempérament sans intervention de son
entreprise (…) où elles n’ont qu’à obéir, mari ? NON. Le mari peut-il faire un achat à tempérament sans l’intervention
- comme femmes, elles ont la charge du ménage (…). Si elles sont mariées, de sa femme ? OUI.
elles subissent le contre-coup de la journée abrutissante du mari qui en a - La femme peut-elle s’opposer à ce que son mari s’achète une voiture ? NON.
plein le dos et songe : « rentré chez soi, au moins on est maître ». Alors même que le véhicule serait payé avec l’argent de la communauté
Ses droits ne sont pas tes droits (quelques exemples parmi d’autres). dont le mari a seul la gestion.
- La femme doit-elle intervenir lorsque son mari hérite ? NON. Le mari
Petit Livre rouge, Bruxelles, EVO, 8 novembre 1972, p. 8, 29

Affiche de la coordination des groupes de femmes


11 politiques pour la démocratie paritaire, campagne
électorale des élections législatives de 1995

12 Différences hommes-femmes sur le marché du travail en Belgique (1985-2002) (D’après D. KLEIN, Fortes en thème.
Majoritaires sur les campus, les filles gravissent difficilement les échelons de la hiérarchie, dans Le Vif/L’Express,
5 mars 2004, p. 32)

13 14
2002 Part des femmes Part des hommes
En pourcentage
Nombre total
Total 43 57 de diplômés
Dirigeants et cadres supérieurs d’entreprise 30 70 universitaires en
Professions intellectuelles et scientifiques 54 46 Communauté
française de Belgique
Professions intermédiaires (techniciens, 38 62
(2001-2002)
comptables, infirmiers, etc.) (D’après D. KLEIN,
Employés de type administratif 61 39 Fortes en thème.
Personnel des services et ventes 66 34 Majoritaires sur les
campus, les filles
Agriculteur/éleveurs/pêcheurs 27 73
gravissent difficilement
Artisans 8 92 les échelons de la
Conducteurs et assembleurs 16 84 hiérarchie, dans
Ouvriers/employés non qualifiés 51 49 Le Vif/L’Express, 5 mars
2004, p. 32)

Part des femmes et des hommes dans les différents secteurs économiques en Belgique en 2002
(en %) (D’après D. KLEIN, Fortes en thème. Majoritaires sur les campus, les filles gravissent difficilement
les échelons de la hiérarchie, dans Le Vif/L’Express, 5 mars 2004, p. 32)

La seule féminisation un peu significative, au cours des dernières


années, concerne les emplois subalternes : les ouvrières et employées
non qualifiées étaient 46 % en 1995. Résultat, les femmes perçoivent un
salaire qui atteint 83,3 % de celui des hommes (81,5 % en 1995).

203

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Documents 76 Famille et jeunesse au XXe siècle
Famille élargie ou nucléaire, recomposée, monoparentale, homoparentale, nombreuse ou pas,
« couples TGV »… : la révolution familiale est en route. Quels changements sont intervenus dans la vie
des familles ? Comment les expliquer ? Qu’est-ce qui a changé pour les jeunes ?

1 Fécondité Âge Naissances Mariages Âge moyen au Divorces % de familles


moyen à la hors mariage (en milliers) premier mariage (en milliers) monoparentales
maternité (en %) (femmes)
1950 2,94 7 331 23,5
1960 2,72 6,1 320 23 30,2
1970 2,47 27,2 6,8 394 22,6 40 9,4
1980 1,94 26,8 11,4 334 23 81,1 10,2
1990 1,78 28,3 30,1 287 25,5 107,6 13,2
1995 1,71 29 37,9 254 26,9 119,2
2000 1,88 29,4 43,2 298 28 114 16,7
2005 1,92 29,7 47,4 276 29,1 131,3 (en 2004)

Indicateurs de l’évolution de la famille en France de 1950 à 2005 (D’après J.-H. DÉCHAUX, Sociologie de la famille, Coll. « Repères », Paris,
La Découverte, 2007, p. 8)

2 En un demi-siècle à peine, la famille a accompli sans tapage une véritable révolution. Déclin du mariage, croissance de l’union
libre, fragilisation des couples, développement des familles recomposées. (…) L’instabilité conjugale s’accroît dans toutes les
catégories d’union. Aujourd’hui, la France recense 42 divorces pour 100 mariages, contre seulement 12 divorces pour 100
mariages en 1970. Parmi les premières unions débutées vers 1990, qu’elles aient ou non pris la forme du mariage, 15 % ont
été rompues dans les 5 ans, près de 30 % dans les 10 ans. En 1998, un rapport (…) attribuait cette instabilité (…) [à l’échec
de] beaucoup d’unions malheureuses, qui auraient perduré au temps du mariage indissoluble, et [à] l’exigence plus grande à
l’égard du conjoint (…). Depuis les années 1960, les femmes ont accédé massivement au marché du travail (…). Ce facteur de
transformation de la vie familiale est aussi un formidable facteur de tension. Car si l’égalité dans l’accès au travail est le modèle
de la société contemporaine, l’égalité doit aussi avancer dans la sphère privée, ce qui n’est pas le cas : dans la vie domestique
et les soins aux enfants, il reste un énorme chemin à faire pour que le partage des tâches soit effectif. Du coup les tensions,
voire les conflits, se répercutent dans la sphère conjugale (…).
8
Anne CHEMIN, Enfants, mariages, divorces : la révolution familiale, dans Le Monde, 27 janvier 2006, p. 20

68-69
8 69 3 Pays ayant légalisé le mariage gay Pays ayant légalisé l’adoption d’enfants par des couples homosexuels
Pays-Bas (2001) Pays-Bas (2001)
72
Belgique (2003) Royaume-Uni (2002)
75 Canada (2005) Suède (2003)
Espagne (2005) Canada et Espagne (2005)
Afrique du Sud (2005) Belgique (2006)
Mariage gay et adoption par des couples homosexuels (D’après http://cours.funoc.be, page consultée le 29 juillet 2007)

204

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4 La diversification des modes de vie familiaux n’est pas un phénomène inédit. transformation profonde des rapports entre les sexes, entre les générations
Certes, le couple marié avec enfants élevés par l’épouse inactive est ébranlé. et de l’émergence d’un nouvel équilibre entre autonomie individuelle et
Mais les historiens ont montré que ce type de famille n’a constitué un modèle appartenance familiale (...).
dominant que pendant une courte et récente période allant des années 1920 (...) L’exigence d’égalité entre homme et femme dans le partage des tâches
aux années 1960. C’est à cette époque que se sont forgées les images de domestiques, la perception moins négative des familles monoparentales,
la femme au foyer et de la famille « traditionnelle ». Elles incarnaient un idéal la reconnaissance de l’importance de la bonne entente sexuelle entre
bourgeois de la famille conjugale où mari et femme tiennent des rôles très conjoints, l’acceptation de la contraception et de l’avortement, etc. expriment
différenciés. Auparavant, qu’il s’agisse de la société d’Ancien Régime ou une conception plus souple et plus ouverte des mœurs. Cette plus grande
de la société industrielle naissante, la diversité familiale était la norme. Elle tolérance est associée à un rejet de l’intrusion moralisatrice des institutions
découlait des traditions (…), des clivages régionaux ou de classes. (...) religieuses, idéologiques ou politiques (...). Cette évolution des esprits est
Faut-il donc, par extrapolation, voir dans la situation familiale présente la générale en Europe occidentale, même si elle est plus lente et plus tardive
fin d’une courte parenthèse historique ? Sur le plan morphologique, oui, dans les pays de culture catholique (Irlande, Italie), et au contraire plus
car les structures familiales renouent avec une diversité qui est la norme avancée dans les pays du Nord (Danemark, Pays-Bas, Suède).
sur la longue durée. Mais la similitude s’arrête là, car le pluralisme familial
Jean-Hugues DÉCHAUX, Sociologie de la famille, Coll. « Repères », Paris, La Découverte,
d’aujourd’hui diffère de celui du passé quant à ses causes. Il résulte d’une
2007, p. 24-25

5 Il peut y avoir dans le yé-yé les ferments d’une non-adhésion à ce monde « croulants » avides de juvénilité se l’approprient ; ainsi ont été arborés
adulte d’où suinte l’ennui bureaucratique, la répétition, le mensonge, la blue-jeans, polos, blousons et vestes de cuir, et actuellement la mode est
mort ; monde profondément démoralisant au regard de toutes les profondes au tee-shirt imprimé (…) ;
aspirations d’un être jeune ; monde où la jeune lucidité ne voit de la vie - l’accession à des biens (…) : électrophone, guitare (…), radio à transistors,
des adultes que l’échec. Les communications de masse (presse, radio, TV, collection de 45 tours, photos ;
cinéma) ont joué un grand rôle dans la cristallisation de cette nouvelle classe - un langage commun ponctué d’épithètes superlatives comme « terrible »,
d’âge, en lui fournissant mythes, héros et modèles. Dans un premier stade, « sensass », langage « copain » où le mot « copain » lui-même est (…) mot
le cinéma fait émerger les nouveaux héros de l’adolescence, qui s’ordonnent de passe (…) ;
autour de l’image exemplaire de James Dean. Dans un deuxième stade, c’est - des cérémonies de communion, depuis la surprise-partie jusqu’au
le rock qui joue le rôle moteur. Mais tous les moyens de communication sont spectacle de music-hall.
engagés dans le processus. (…)
La classe d’âge s’est cristallisée sur : Edgar MORIN, dans Le Monde, 6 juillet 1963 (D’après J.-M. GAILLARD, Histoire
Terminales L-ES, Rosny, Bréal, 2004, p. 336)
- une panoplie commune, qui, du reste, évolue au fur et à mesure que les

7 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000


61,5 96,9 168,7 206,9 225,8 257,8 391,3 492,4 516,5
Nombre de bacheliers en France de 1960 à 2000 (en milliers) (D’après P. MERLE, La démocratisation de
l’enseignement, Coll. « Repères », Paris, La Découverte-Syros, 2002, p. 37)

8 1984-1985 1994-1995
(1) (2) (1) (2)
Enseignement général 57,7 42,3 56,3 43,7
Enseignement technique 42,1 57,9 37,8 65,2
Enseignement professionnel 34,8 65,20 28,5 71,5

6 Évolution de l’âge moyen lors du premier rapport sexuel, (1) Enfants des classes moyennes ou supérieures
pour les jeunes nés avant 1922, nés entre 1922 et 1936 (2) Enfants d’employés, d’ouvriers ou de chômeurs
… entre 1972 et 1973 (D’après M. JASPARD, Sociologie des
comportements sexuels, Coll. « Repères », Paris, La Découverte, Origine sociale des élèves inscrits dans les principales filières de l’enseignement secondaire, à Rennes
2005, p. 87) (France) en 1984-1985 et 1994-1995 (en % moyen) (D’après P. MERLE, La démocratisation de l’enseignement,
Coll. « Repères », Paris, La Découverte-Syros, 2002, p. 70)

205

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Documents 77 Qu’est-ce que l’art ?
Les artistes sont très sensibles au monde qui les entoure. Quels rapports entretiennent-ils avec la société
et quels regards portent-ils sur elle ? Leurs œuvres témoignent aussi d’une réflexion sur les expériences
humaines fondamentales : quelle perception ont-ils du temps qui passe ? Comment la dimension spirituelle
s’exprime-t-elle dans leurs œuvres ? Quelle « définition » de l’art transparaît à travers leurs créations ?

Marcel DUCHAMP, Fontaine, 1917


1 (Paris, Musée national d’Art moderne, Centre Georges Pompidou)

2
Tony CRAGG, Sans titre, titre
attribué : Bouteille verte,
1980 (Paris, Musée national
d’Art moderne, Centre Georges
Pompidou)

24-25 Duchamp expose un objet


manufacturé, appelé ready- 3
made, auquel il donne le statut Andy WARHOL, Les
d’œuvre d’art. Il pose un regard 20 Marilyn, 1962 (Paris,
critique sur le sens de l’art, Coll. particulière)
provoque le spectateur et l’oblige
36 à s'interroger sur la nature même
de l’art.
40

56

4
Duane HANSON,
Supermarket Lady,
110 1970 (Aix-La-Chapelle,
Ludwig Forum)

206

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5 Cindy SHERMAN, Untitled 153, photographie, 1985
(Chicago, Museum of Contemporary Art)

Cindy Sherman réalise des


autoportraits photographiques Photographie de Keith HARING dessinant dans le métro de New York,
où elle se montre en perpétuelle 6
1983 (Keith Haring Foundation)
métamorphose physique. Elle pose
ainsi la question de l’identité et
de la place de la femme dans la
société contemporaine.

Keith Haring commence par


dessiner des graffitis dans le
métro, de manière illégale. Pour
lui, l’art doit être accessible à
tous. Cet art urbain rend possible
le contact entre l’artiste et le
public. Très vite, ses personnages
contournés se retrouvent sur
les murs des musées, sur
des T-shirts, des badges, des
autocollants et des affiches.

7 Marie-Jo LAFONTAINE, Les larmes


d’acier, 1986 (Karlsruhe, Museum für
Neue Kunst)

Cette vidéo-sculpture
présente trois haltérophiles
réalisant des exercices
répétitifs sur des machines
dont on entend le bruit
métallique. Elle traite donc du
bodybuilding et de la quête
d’un corps parfait.

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Documents 77 8 Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de
course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive (…), une automobile rugissante, qui a l’air
de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace1.
Nous voulons glorifier la guerre – seule hygiène du monde –, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes,
les belles idées qui tuent, et le mépris de la femme. (…) C’est en Italie que nous lançons ce manifeste (…) par lequel nous
fondons aujourd’hui le futurisme (…). Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, le
féminisme et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires.
1
Statue grecque du IIIe siècle av. J.-C. représentant une « Victoire » ailée posée sur une proue de galère (Paris, Musée du Louvre)

Filippo Tommaso MARINETTI, Manifeste du futurisme, 1909 (D’après J.-L. FERRIER [dir.], L’aventure de l’art au XXe siècle, Paris, Chêne-Hachette, 1988, p. 99)

10 Hans NAMUTH, photographie de Jackson POLLOCK peignant, 1950

Luigi RUSSOLO, Dynamisme d’une automobile, 1912 (Paris, Musée


9 national d’Art moderne, Centre Georges Pompidou)

11 La dernière avant-garde du XXe siècle (…) est cet art qui tient compte de la révolution (…) technologique. Puisant son origine
dans des inventions extérieures au monde artistique, l’art fondé sur la technologie (qui regroupe toute une série de pratiques,
de la photographie au cinéma et de la vidéo à la réalité virtuelle) a fait pénétrer la création artistique dans des domaines
naguère dominés par les ingénieurs et les techniciens. (…) L’art né de l’union de la création artistique et de la technologie est
peut-être le plus éphémère de tous ; c’est l’art du temps. On dit de la photographie qu’elle fige et conserve une fraction de
temps, mais une image créée dans un ordinateur ne réside dans aucun lieu ni aucun temps : numérisées au moyen du scanner
puis modifiées par un programme informatique, les images numériques, montées, effacées ou assemblées, semblent abolir
les frontières normales entre le passé, le présent et le futur.
Michael RUSH, Les nouveaux médias dans l’art, Coll. « L’Univers de l’art », Paris, Thames & Hudson, 2000, p. 8

208

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Dansé sur une musique de Steve Reich, le
mouvement pendulaire du bras droit inlassablement
répété entraîne tout le corps des deux danseuses
dans une rotation sans fin et une dépense physique
épuisante. Ce spectacle marque un tournant de la
danse contemporaine belge.

Roman OPALKA, 1-∞, détail n° 1556343-1574101,1965


13 (Bruxelles, Musée d’Art moderne)

12 Anne-Teresa DE KEERSMAEKER, Fase, spectacle de danse réalisé en 1982

Selon un programme qu’il s’est fixé en 1965, Opalka peint,


presque chaque jour, quelques lignes de nombres blancs sur un
fond, initialement noir. Parti du chiffre 0, il aligne ainsi des lignes
de nombres de plus en plus longs. La différence de couleur des
nombres peints sur la toile est due au pinceau qui se décharge
progressivement de sa couleur blanche. Depuis 1972, chaque
fois qu’il commence une nouvelle toile, il ajoute 1 % de blanc à
la couleur de fond. Ainsi, dans quelques années, l’artiste peindra
en blanc ses chiffres sur un fond devenu blanc. Pendant qu’il
peint, il enregistre, en polonais, l’énumération des nombres qu’il
peint. Il se photographie aussi après chaque séance de travail,
mettant en évidence son propre « blanchissement ». Son œuvre
matérialise donc le temps et le vieillissement.

14 CHRISTO et JEANNE-CLAUDE, Emballage du Reichstag, Berlin, 1995

Christo et son épouse, Jeanne-Claude, réalisent des œuvres


éphémères en modifiant le paysage par de gigantesques emballages.
Préparé depuis 1971, ce projet d’emballage du Reichstag*, bâtiment
symbolique de l’Histoire allemande, est réalisé en 1995, 5 ans après la
réunification allemande. Cet happening a duré 15 jours et a attiré
5 millions de visiteurs.

209

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Documents 77 15 La peinture est un art, et l’art dans son ensemble n’est pas une création sans but qui s’écroule dans le vide. C’est une
puissance dont le but doit être de développer et d’affiner l’âme humaine (…). C’est le seul langage qui parle à l’âme et le seul
qu’elle puisse entendre. Elle y trouve, sous l’unique forme qui soit assimilable pour elle, le Pain Quotidien dont elle a besoin.
(…) Est beau ce qui procède d’une nécessité intérieure de l’âme. Est beau ce qui est beau intérieurement. (…) C’est pourquoi,
en peinture, chaque couleur est belle intérieurement, parce que chaque couleur provoque une vibration de l’âme et que toute
vibration enrichit l’âme.
Wassily KANDINSKY, Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, 1910 (D’après P. VOLBOUDT, Coll. « Bibliothèque Médiations », Paris, Denoël-
Gonthier, 1969, p. 171-172, 175)

Constantin BRANCUSI, Colonne sans fin, 1920


16 (Paris, Atelier Brancusi, Centre Georges Pompidou)

17
Marc CHAGALL,
La crucifixion
blanche, 1938
(Chicago, Art
Institute)

18 Nous affirmons notre aspiration humaine et naturelle au sublime, à des émotions absolues. (…) Nous fabriquons des
images dont la réalité est évidente et qui viennent au monde sans support, sans béquille ou sans rapport avec des peintures
dépassées, qu’elles aient été sublimes ou belles. Nous nous débarrassons du poids de la mémoire, de l’association, de la
nostalgie, de la légende, du mythe et de tout ce qui a constitué les outils de la peinture de l’Europe occidentale. (…) Nous
fabriquons des images à partir de nous-mêmes et de nos propres sentiments. L’image que nous créons est aussi lumineuse,
réelle et concrète qu’une révélation, une image qui peut être comprise par tous ceux qui ne regardent pas à travers les lunettes
nostalgiques de l’Histoire de l’art.
Barnett NEWMAN, extrait d’un article publié en 1948 (D’après J. BAAL-TESHUVA, Mark Rothko, 1903-1970, Köln, Taschen, 2003, p. 10)

210

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19
LE CORBUSIER, Chapelle
Notre-Dame-du-Haut,
Ronchamp (France,
Franche-Comté), 1950-1955

20
Mark ROTHKO,
N°. 14/N°.10 (Yellow
Greens), 1953
(Los Angeles, Estate of
Frederick R. Weisman)

21 Je ne suis pas un artiste abstrait (…). Je ne m’intéresse pas au


rapport entre la couleur et la forme, ni à rien de tel. La seule chose qui
m’intéresse, c’est d’exprimer des sentiments humains fondamentaux, la
tragédie, l’extase, le destin funeste et ce genre de choses (…). Les gens
qui pleurent en présence de mes tableaux font la même expérience
humaine que celle que j’ai faite en les peignant. Et si, comme vous venez
de le dire, vous n’êtes touché que par les rapports entre les couleurs,
l’essentiel vous échappe.
Mark ROTHKO, entretien (D’après J. BAAL-TESHUVA, Mark Rothko, 1903-1970, Köln,
Taschen, 2003, p. 57)

22
Bill VIOLA, The Quintet of the Astonished,
installation vidéo, 2000 (Collection de l’artiste)

Depuis les années 1970, Viola réalise des vidéos sur le thème
de la mort et des émotions qui y sont liées. En 1988, il découvre
l’art religieux du Moyen Âge au musée Getty, à Los Angeles
(États-Unis) et s’en inspire pour une série qu’il intitule Passions.
Dans ses vidéos, l’artiste recourt au ralenti.

211

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Documents 78 Le catholicisme belge au XXe siècle
Durant le XXe siècle, le visage du catholicisme évolue sensiblement en Belgique. Quelles sont les principales
manifestations de ces changements ? Quelles en ont été les raisons majeures ?

1
Célébration du
couronnement de
Notre-Dame du Rempart,
Namur, 20 juillet 1919

2 [Au début du XXe siècle], un clergé important, de nombreux religieux et surtout religieuses, soutenus par des laïcs riches et
influents, animent les multiples institutions de l’Église : paroisses, établissements scolaires, de l’école primaire à l’Université
catholique de Louvain, œuvres caritatives et sociales les plus diverses. (…)
Pour une population qui passe de 7 405 569 habitants en 1920 à 9 189 741 en 1961, le clergé diocésain a progressé de 8129
à 10 450 prêtres. (…) [Le] nombre de religieux n’a guère augmenté – de 9858 à 10 039 – (…) [mais] les vocations sacerdotales,
par contre, connaissent une période de forte croissance jusqu’en 1945. (…) Les religieuses se retrouvent à 44 669 en 1961,
[au même niveau qu’en 1920], après une légère augmentation jusqu’à la fin des années 1940 (…). Le réseau paroissial (…) est
assez dense : 3374 paroisses (…) en 1920, 3723 (…) en 1961 (…). [À Bruxelles], 27 paroisses nouvelles [sont créées] de 1924
à 1960 (…).
L’enseignement reste le second pilier de l’Église. Il continue son expansion (…). De 1921 à 1961, la proportion d’élèves
fréquentant les écoles catholiques passe de 46 % à 52 %. (…) [Dans l’enseignement secondaire], le réseau catholique (…)
est dominant. (…) [En 1959], il rassemble 62 % des élèves du secondaire. (…) L’Université catholique de Louvain passe de
3040 étudiants en 1919 à 10 210 en 1958, presque autant que les trois autres universités du pays qui, ensemble, en accueillent
11 202. (…)
Les institutions caritatives très diverses poursuivent leur développement. (…) Les organisations sociales s’implantent
37 fortement. Les syndicats chrétiens (…) n’atteignaient que le quart des effectifs des syndicats socialistes en 1925. (…) [Ils les]
dépasseront dans les années 1950. (…)
Si les structures sont fortes, le nombre de pratiquants réguliers est en baisse, sauf pendant les guerres. En 1950, la présence à
la messe dominicale est de 60 % en Flandre contre 40 % en Wallonie et 35 % à Bruxelles. Dans la classe ouvrière, la pratique
tombe à 2 % ou 3 % dans certaines paroisses wallonnes. (…) Mais (…) 98 % de la population est baptisée. (…) [En] 1967, on
112 comptera encore 94 % d’enfants baptisés, 86 % de mariages et 84 % d’enterrements religieux.
André TIHON, La Belgique, dans J.-M. MAYEUR, Ch. PIETRI, A. VAUCHEZ et M. VENARD (dir.), Histoire du christianisme des origines à nos jours, XII, Paris, Desclée-
Fayard, 1990, p. 538-548

212

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Fête du Saint-Sacrement à la paroisse Saint-Ulrich à Malèves
3 (Brabant-wallon), 2003

4 C’est aujourd’hui la fête du Saint-Sacrement. À cette occasion,


la paroisse va vivre sa dernière messe des familles de l’année. Il
n’y aura pas de liturgie spéciale pour les enfants. Tout le monde
restera ensemble pour la célébration. (…) Deux familles se sont
proposées pour animer la célébration. (…) Guy, le célébrant et
curé de la paroisse [Saint-Ulrich à Malèves], est acteur à ses
heures. Quelle chance, pour animer une célébration qui sort des
canons ! Il se fait le porte-parole des deux familles et évoque en
les remerciant chacun des groupes porteurs de la paroisse. (…)
Florence VANDERSTICHELEN, Une messe par et pour les familles, dans L’Appel,
n° 259, septembre 2003, p. 10

5 Les lumières de ce concile* seront pour l'Église, Nous l'espérons, une source de condamner, elle répond mieux aux besoins de notre époque en mettant
d'enrichissement spirituel. Après avoir puisé en lui de nouvelles énergies, davantage en valeur les richesses de sa doctrine. C'est le cas particulièrement
elle regardera sans crainte vers l'avenir. En effet, lorsqu’auront été apportées pour ces manières de vivre au mépris de Dieu et de ses lois, en mettant
les corrections qui s'imposent (…), l'Église fera en sorte que les hommes, une confiance exagérée dans le progrès technique, en faisant consister la
les familles, les nations tournent réellement leurs esprits vers les choses prospérité uniquement dans le confort de l'existence. Les hommes sont
d'en haut. (…) Ce qui est très important pour le concile* (...), c'est que le de plus en plus convaincus que la dignité et la perfection de la personne
dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit conservé et présenté d'une façon humaine sont des valeurs très importantes qui exigent de rudes efforts.
plus efficace. (…) [Il] est nécessaire avant tout que l'Église ne détourne Mais ce qui est très important, c'est que l'expérience a fini par leur apprendre
jamais son regard de l'héritage sacré de vérité qu'elle a reçu des anciens. que la violence extérieure imposée aux autres, la puissance des armes, la
Mais il faut aussi qu'elle se tourne vers les temps présents, qui entraînent domination politique ne sont pas capables d'apporter une heureuse solution
de nouvelles situations, de nouvelles formes de vie et ouvrent de nouvelles aux graves problèmes qui les angoissent. (…)
voies à l'apostolat catholique. (…)
JEAN XXIII, discours d'ouverture du concile* Vatican II, Rome, 11 octobre 1962 (D’après Ph.
Aujourd'hui, l'épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde,
CHENAUX [éd.], Les enseignements de Jean XIII, Saint-Maurice, Éditions Saint Augustin, 2000,
plutôt que de brandir les armes de la sévérité. Elle estime que, plutôt que p. 130-136)

6
Triomphal jubilé de la Jeunesse Ouvrière
Chrétienne, Bruxelles, août 1935, dans Le Patriote
illustré, 1er septembre 1935, p. 1105

La Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) est fondée en 1925


par l’abbé Cardijn, directeur des œuvres sociales de la Région
bruxelloise. Le mouvement entend regagner la masse ouvrière
au catholicisme. En août 1935, le mouvement rassemble 100 000
membres à Bruxelles, au Heysel. De Belgique, le mouvement
s’étend à d’autres pays et continents et s’organisera au niveau
international après 1945.

213

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Documents 78 7 [Aujourd'hui], on ne peut plus retrouver le vrai visage de l'Église, le vrai christianisme (...) en regardant simplement les chrétiens.
Les infidèles qui nous coudoient chaque jour observent-ils sur nos fronts ce rayonnement d'allégresse qui séduisait il y a
2000 ans les païens de l'empire ; remarquent-ils dans notre conduite ce rayonnement de charité fraternelle qui leur faisait
dire : « voyez comme ils s'aiment », et qui leur faisait désirer de se joindre à ce foyer ? « Que l'Église serait belle et attirante
s'il n'y avait pas les chrétiens ? » 1
Pourquoi ces chrétiens, baptisés, habitués à célébrer l'eucharistie sont-ils affalés sur leur chaise, ne disant rien, ne chantant
pas, se ruant en désordre au banc de communion ? Est-ce cela le peuple de Dieu célébrant le plus grand de ses mystères ?
1
L’auteur cite un autre article de L. ÉVELY, Conversions, dans Témoignage chrétien, édition belge, n° 420, 25 juillet 1952, p. A

H. THOMAS, Foules de Noël et messes de minuit, dans Témoignage chrétien, édition belge, n° 442, 26 décembre 1952, p. A

8 Les masses voient nos églises,


nos processions, nos presbytères,
nos bulletins paroissiaux voire nos 9 Peut-être peut-on parler à bon droit de l’abandon de la pratique, de la déchristianisation
écoles (…). Les masses voient-elles de l’ensemble de la population liégeoise actuelle par comparaison à la situation de la
l’Amour crucifié et triomphant ? population liégeoise d’époques précédentes, encore que l’on ne possède guère de
Devant les masses, des hommes de données absolument sûres sur cette situation. Mais (…) il faut admettre que, parmi
l’Amour et de l’Évangile seraient une les adultes non pratiquants, presque tous baptisés cependant, qui représentent les
inquiétude, peut-être une séduction. trois quarts de la population liégeoise adulte, les deux tiers n’ont jamais pratiqué
régulièrement et une grande partie du dernier tiers n’ont pratiqué régulièrement que
Paul LEBURTON, En adoucissant le jeûne pendant quelques brèves années, abstraction étant toutefois faite du cas des immigrés
eucharistique, l’Église souligne le rapport qui auraient pratiqué dans leur communauté d’origine. (…)
entre l’eucharistie et l’ébranlement religieux C’est de longue date que la déchristianisation a atteint les populations liégeoises
des masses, dans Témoignage chrétien,
et les populations des régions industrielles voisines d’où proviennent la plupart des
édition belge, n° 458, 17 avril 1953, p. B
immigrants dont l’afflux permet le renouvellement de la population liégeoise.
Mais la population bourgeoise se répartit presque par moitié entre pratiquants (…)
et non-pratiquants (…). Dans la population ouvrière au contraire, il n’y a au plus
qu’un pratiquant sur six adultes. (…) Ce sont (…) les conditions d’existence, les
aspirations et les répulsions spécifiques des milieux populaires qui doivent être pris
en considération.

Paul MINON, Le peuple liégeois. Structures sociales et attitudes religieuses, Liège, Secrétariat interparoissial,
1955, p. 121-125

10 Rentré d’un oflag* en 1945, le P. Yves Congar1 s’est trouvé immédiatement en présence du mouvement réformiste français.
Mus par un désir d’apostolat, prêtres et laïques se montraient soucieux d’un renouvellement des formes courantes de la
pastorale : prédication plus réelle, contact efficace et durable avec la masse ouvrière, liturgie plus vraie (…) et en même temps
plus adaptée, formes de vie paroissiale plus communautaires. C’est dans cette ambiance que le P. Congar a rédigé l’essentiel
d’un livre qui vient de paraître2. ( …) Devant toute innovation quelle qu’elle soit, il y a deux attitudes a priori : le refus pur et
simple et l’enthousiasme irréfléchi. Elles sont l’une et l’autre à rejeter. (…) Il y a donc une réforme en cours dans l’Église et il
appartient au théologien d’en dégager les lois. (…) La partie la plus importante du livre est consacrée à dégager les conditions
d’une réforme, hardie sans doute, mais dans une fidélité profonde. (…) Le courage, la fermeté et la modération du P. Congar,
appuyés sur une théologie aux arêtes bien définies lui ont permis d’atteindre les avant-postes sans perdre le contact avec
l’arrière.
1
→ 112
2
Yves CONGAR, Vraie et fausse réforme dans l’Église, Paris, Éditions du Cerf, 1950

Jérôme HAMER, Vraie et fausse réforme dans l’Église. À propos d’un livre récent, dans La Revue nouvelle, XIII, n° 5, 15 mai 1951, p. 533-540

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11 Les « Églises locales » se sont vu reconnaître comme la structure et le peuple (…), l’usage partiel des langues vivantes (…). C’est en ce sens qu’a
tissu de l’« unique Église catholique ». Elles ont pu organiser des structures travaillé le concile*. (…)
efficaces et coordinatrices pour la recherche théologique, la pastorale, « les Les évêques et les experts belges ont activement collaboré aux textes
œuvres », la liturgie, etc., tout cela avec les prêtres et les fidèles qui forment conciliaires (…) qui avalisaient et encourageaient la participation active de
le « peuple de Dieu hiérarchisé ». (…) tous les fidèles, à la vie et à l’action de l’Église.
Dans les années 1930 déjà, il existait chez nous un « mouvement liturgique »
Philippe DELHAYE, Ces Belges qui firent le concile, dans Jean-Paul II en Belgique, Bruxelles,
à la fois théologique et populaire. (…) Au grand scandale de certains qui alors
La Libre Belgique, 1985, p. 114
les persécutèrent, ces liturgistes souhaitaient déjà la messe célébrée face au

12
Belgique Wallonie Bruxelles
1967 1998 1967 1998 1967 1998
Pratique dominicale 42,9 11,2 33,9 9,3 24,3 6,3
Baptêmes 93,6 64,7 92,8 64,8 81,6 23,4 13 Les diverses initiatives prises pour appliquer l'esprit du
concile* au sein de l'Église en Belgique se heurtèrent
Mariages religieux 86,1 49,2 83,5 54,3 61,5 20,6
rapidement à deux obstacles. Le premier était le caractère
Funérailles religieuses 84,3 76,6 79,3 73,6 72 48,7 relativement limité des possibilités de changement au
Évolution de la pratique religieuse en Belgique (1967-1998) (en %) (Adapté d’après C. DELHEZ et sein de l'Église universelle, notamment sur le plan des
O. SERVAIS, Individualisme religieux, ultra-urbanité et pluralisme…, dans La Revue nouvelle, n° 6-7, structures ecclésiastiques. Le deuxième fut une certaine
juin-juillet 2007, p. 35-39) illusion, ayant permis de croire que le concile* allait
renverser les tendances (…) de désaffection vis-à-vis de
la participation au culte, de diminution de l'appartenance
aux mouvements d'Action catholique, du manque de
recrutement sacerdotal ou religieux. (…) La déception de
ceux qui avaient espéré des résultats plus immédiats et
14 L’enquête de 20071 montre que 15 % des francophones se disent de plus rapides eut plusieurs conséquences.
l’Église catholique et pratiquants réguliers. Autour de ceux-ci, 39 % se Tout d'abord, on assista très rapidement en Belgique, à
disent catholiques et participent de temps en temps aux offices, que ce l'instar de ce qui se produisit dans l'ensemble de l'Église,
soient les baptêmes, mariages ou enterrements ou les grandes fêtes à une tendance à privatiser la foi chrétienne, l'accent étant
comme Noël et Pâques. Plus de 54 % des francophones sont donc en mis sur une spiritualité personnelle, plus que sur une
lien avec l’Église catholique (…). transformation de l'institution ou une action prophétique
À y regarder de près, ce n’est [donc] pas tant la foi qui fait défaut que dans la vie sociale. C'est ce qui explique probablement le
les mots pour le dire. Ainsi, lorsqu’on interroge les francophones sur développement de mouvements [de laïcs] (…). Par ailleurs,
l’au-delà, (…) parmi les catholiques, seuls 44 % choisissent spontanément en correspondance avec le courant dominant dans l'Église
une des expressions classiques de la foi chrétienne : la résurrection des universelle, certaines tendances plus conservatrices se
morts, le paradis ou le jugement de chacun selon ses actes ; 44 %, manifestèrent à l'intérieur du catholicisme belge, mais sans
tout en croyant, ne peuvent pas préciser. Même le mot « Dieu » pose y exercer une influence déterminante. Il s'agit notamment
aujourd’hui problème. (…) de l'Opus Dei1 (…), le tout culminant par la nomination,
Les jeunes sont moins nombreux à se dire catholiques pratiquants. peu désirée au sein de la Conférence épiscopale, de
Cependant, (…) aujourd’hui, tout comme les jeunes couples ont des Mgr Léonard comme évêque de Namur. (…)
enfants plus tard, ils redécouvrent leur foi plus tard. La croissance
des baptêmes d’adultes dans le catholicisme et le protestantisme est 1
Fondé en 1928, l’Opus Dei a pour but de fournir aux chrétiens une
symptomatique de cette situation. La foi religieuse n’est donc plus formation spirituelle et doctrinale.
nécessairement un parcours depuis l’enfance. Elle devient une étape
François HOUTART, Les fruits du concile dans les sociétés occidentales
de vie. (…) et en Belgique, dans Claude SOETENS (dir.), Vatican II et la Belgique,
Quorum, Louvain-la-Neuve, 1996, p. 205-207
1
Enquête organisée conjointement par Vers l’Avenir, Dimanche et l’UCL, en février
2007

Charles DELHEZ et Olivier SERVAIS, Individualisme religieux, ultra-urbanité et


pluralisme…, dans La Revue nouvelle, n° 6-7, juin-juillet 2007, p. 37-39

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Repères 79 La crise de 1929
Mécanismes d’une crise économique
Le point sur...

À la fin des années 1920, une crise économique survient aux États-Unis. Pourquoi ?

Dès 1919, les anciens belligérants remettent en route leur machine économique. Les besoins nés de la reconstruction semblent
immenses et suscitent la demande tant en matières premières qu’en biens d’équipement ou de consommation. La production
s’accroît donc. Ce sont les « années folles ». L’industrie tourne à plein rendement, particulièrement dans le secteur des biens
de consommation où de nouveaux produits se diffusent : automobile, TSF, électroménager… Pour répondre à la demande, les
entreprises s’endettent. Et pour susciter la demande, elles multiplient les publicités, tandis que les banques proposent aux
consommateurs de multiples formes de crédit.
Cette croissance économique provoque une hausse des cours ou de la valeur des titres* à la Bourse* de New York. Les
investisseurs et les spéculateurs sont nombreux à vouloir acheter des titres* : leur prix augmente. Cette hausse des prix favorise
le recours au crédit, les acheteurs réglant parfois seulement 10 % du montant de l’action* ou de l’obligation* et empruntant les
90 % restants à un agent de change ou courtier qui travaille lui-même à crédit, avec les banques.

L’ABC de la bourse

La bourse est un « marché » où l’on échange des titres, notamment. Il existe deux sortes
de titres* : l’action et l’obligation. L’action donne droit, annuellement, à un dividende, qui
dépend de la « santé » de l’entreprise ; il peut être nul. Par contre, l’obligation donne droit à
un dividende fixe, mais souvent inférieur au rendement potentiel d’une action.
La valeur nominale d’une action correspond à son prix d’achat au moment de son émission
par l’entreprise qui constitue ou élargit son capital. À la bourse, le titulaire d’une action peut
la revendre. Le prix de revente pourra être supérieur ou inférieur à sa valeur nominale.
- Quand la « santé » de l’entreprise et le contexte économique font espérer de substantiels
dividendes, l’offre d’actions est inférieure à la demande, c’est-à-dire que les vendeurs
sont moins nombreux que les acheteurs. Les premiers sont désireux de garder leurs
actions, puisqu’elles leur permettent d’espérer d’importants dividendes ; les seconds sont
nombreux à vouloir bénéficier de ces dividendes et, pour cela, à souhaiter racheter des
actions. Quand l’offre est inférieure à la demande, la valeur des actions, c’est-à-dire leur
Évolution des cours boursiers et prix à la revente, monte.
1
des dividendes (D’après G.-M. HENRY, - Quand la « santé » de l’entreprise et le contexte économique ne font pas espérer de
Les crises au XXe siècle, (1873-2003), substantiels dividendes, l’offre d’actions est supérieure à la demande, c’est-à-dire que
Paris, Belin, p. 97)
les vendeurs sont plus nombreux que les acheteurs. Les premiers sont désireux de vendre
leurs actions, puisqu’elles ne leur permettront pas de toucher d’importants dividendes ;
29-30 les seconds sont peu nombreux à vouloir les acquérir. Quand l’offre est supérieure à la
demande, la valeur des actions, c’est-à-dire leur prix à la revente, baisse.
Pour l’investisseur, l’achat et la vente d’actions en bourse sont donc motivés par l’espoir ou
l’anticipation de bénéfices par la perception de dividendes. Par contre, pour le spéculateur,
l’achat et la vente d’actions sont l’occasion de réaliser des bénéfices réalisés en revendant des
80 actions à un prix supérieur à leur prix d’achat. Tant qu’il peut espérer une hausse des cours,
le spéculateur conservera donc ses actions. Mais dès que la baisse semble se profiler, il les
96 revendra au prix le plus élevé possible.
Ces investisseurs ou ces spéculateurs sont soit des particuliers, petits épargnants ou
financiers importants, soit des banques, soit des entreprises elles-mêmes.

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2 Londres, 29 octobre - [Le] mouvement fantastique de la Bourse* de New York L’article reproduit deux dépêches, l’une du
a continué aujourd’hui. (…) Wall Street1 a vendu plus de seize millions de titres*. On correspondant de La Dernière Heure à Londres, l’autre
déclare que la baisse de ces derniers jours a ruiné plus de personnes que toutes de l’agence de presse Havas en provenance de Paris.
les baisses réunies qui se sont produites dans les dernières années. (…) Un grand
nombre de millionnaires ont été frappés et ruinés en quelques heures. (...)

Paris, 30 octobre - Le New York Herald annonce que le marché de New York s’est
effondré une troisième fois, avec une soudaineté et une violence plus grandes
encore qu’auparavant. 16 419 000 actions* ont été négociées, ce qui a déterminé
une chute des cours et des pertes chiffrées à des billions de dollars.
Des faillites sensationnelles sont déclarées. (…) [Des] quantités énormes d’actions Du krach* à la dépression*
furent mises sur le marché dès l’ouverture de la Bourse*. (…)
La Bourse de New York ne fut pas la seule à supporter l’effondrement ; tous les À partir d’août 1929, les banques qui composent la Federal
marchés furent atteints. (…) [L]’impression est que [les banquiers sont impuissants] Reserv (Fed) augmentent leur taux d’intérêt, qui passe de
à enrayer la catastrophe. Ils [sont] cependant [décidés] à acheter les actions* offertes 5 % à 6 %. La Fed espère de cette manière rendre plus difficile
sur le marché, afin de parer à la démoralisation complète des esprits. le crédit, puisque l’intérêt de l’argent emprunté sera plus élevé.
L’effondrement de Wall Street1 a eu une répercussion grave sur les marchés Cette hausse inquiète certains spéculateurs : le crédit étant
européens (...). Le cours des actions industrielles [européennes] descendit à son tour plus cher, ils craignent que les actions* qu’ils ont acquises,
à la suite de leurs ventes en bloc par leurs possesseurs américains (…) (Havas). parfois à un prix élevé, ne trouvent plus d’acheteurs. Ils décident
donc de les revendre, ce qui provoque un ralentissement de la
1
Nom de la rue où se trouve la Bourse* de New York et, par association, cette bourse elle-même hausse des cours à la Bourse* de New York. Ce ralentissement
est perçu, par d’autres spéculateurs et un certain nombre
La débâcle s’est accentuée à la Bourse de New York, dans La Dernière Heure, 31 octobre 1929, p. 1
d’investisseurs, comme l’annonce d’une baisse prochaine de
la valeur des actions*. Leur réaction ne se fait pas attendre :
ils revendent en masse leurs actions* et provoquent ainsi la
baisse qu’ils voulaient anticiper. Celle-ci en amène d’autres à
revendre à leur tour, renforçant encore la baisse.
Le 24 octobre 1929, le « jeudi noir », 13 millions de titres* sont
mis en vente à Wall Street ; 16 millions et demi le lendemain.
Faute d’acheteurs, les cours s’effondrent. C’est la panique et la
faillite pour de nombreux investisseurs et spéculateurs, tout
3 La diffusion de la crise dans le monde (D’après J.-M. LAMBIN (dir.) Histoire 1re, Paris, Hachette, 1994, comme pour les courtiers qui leur ont prêté de l’argent et ne
p. 171) seront pas remboursés.
Les banques se trouvent dans une situation périlleuse et
plusieurs d’entre elles font faillite. En effet :
- elles se sont elles-mêmes, souvent, livrées à la spéculation
et sont touchées par la chute des cours des titres ;
- de nombreux courtiers à qui elles ont prêté de l’argent ne
peuvent rembourser leurs créances ;
- les particuliers affluent dans les banques pour retirer leurs
économies : ils voient en effet le moment où ces économies
s’envoleront en fumée, les banques ne retrouvant pas les
fonds qu’elles ont investis en bourse* ou prêtés.

La faillite de nombreuses banques provoque une diminution


des capitaux disponibles pour les entreprises. Celles-ci se
trouvent en outre confrontées à une diminution drastique du
crédit disponible pour la consommation et de la demande de
nombreux particuliers ayant perdu leurs économies. La crise
bancaire gagne l’ensemble de l’économie : la production
baisse, les prix s’effondrent, le chômage augmente, les salaires
plongent… La crise devient sociale. C’est la « dépression » des
années 1930. Rapidement, elle gagne le monde (→ 31).

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Repères 80 Les réponses à la crise
L’Europe et les États-Unis dans les années 1930
Le point sur...

Dès 1931, la crise de 1929 qui a éclaté aux États-Unis plonge l’Europe dans la dépression*. Pour faire
face aux difficultés économiques et sociales, les États mettent en place des politiques variées.
Quelles sont-elles ? Quels en sont les résultats ?

De l’échec des mesures déflationnistes* aux politiques keynésiennes


Les premières mesures sont fortement marquées par le libéralisme économique qui demeure la référence, pour presque tous
les Gouvernements.
• Convaincus que la valeur de la monnaie est un élément de stabilité économique auquel il serait extrêmement dangereux de
toucher, les États refusent de dévaluer*.
• Soucieux d’éviter le déficit du budget de l’État malgré la baisse des rentrées fiscales, les Gouvernements diminuent les
dépenses publiques. En Belgique par exemple, les salaires des fonctionnaires sont diminués ; les femmes dont le conjoint est
fonctionnaire sont exclues des emplois publics ; les chômeuses mariées sont exclues du droit aux allocations de chômage…
• Seule concession aux principes du libéralisme économique, la plupart des États adoptent une politique protectionniste*.
Celle-ci les conduit à renforcer leurs tarifs douaniers. Ils espèrent ainsi sauver les entreprises de leur pays, l’emploi et le pouvoir
d’achat. Mais les autres États faisant de même, cette politique conduit à une réduction des exportations et freine donc le
commerce international.
Ces mesures dites déflationnistes* seront appliquées aux États-Unis, sous la présidence républicaine de Hoover (1929-1932),
dans l’Allemagne de Weimar (1929-1932), en France avant l’arrivée au pouvoir du Front populaire en 1936, ou en Belgique avant
les Gouvernements d’union nationale présidés par Van Zeeland en 1935-1937. Mise à part la république de Weimar, tous ces États
sont dominés par la droite. Mais leur politique déflationniste* se révèle inefficace.
Cet échec, combiné, dans certains pays, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, va conduire les Gouvernements à mettre en œuvre
de nouvelles politiques, inspirées notamment des idées de l’économiste britannique, John Maynard Keynes. Elles visent à sortir
l’économie de la crise en stimulant la demande et le pouvoir d’achat des ménages. Cet objectif doit être atteint grâce à une
intervention accrue de l’État.

Les États-Unis à l’heure du New Deal


13
En 1933, dès son entrée en fonction à la présidence des États-Unis, le candidat du Parti Démocrate, Franklin Roosevelt,
ERIOTSIH abandonne l’idée de maintenir à tout prix la valeur de la monnaie et l’équilibre budgétaire. C’est, au contraire, grâce à la
dévaluation* de la monnaie (41 %) et au déficit budgétaire qu’il entend financer sa nouvelle politique économique, le
New Deal (« nouvelle donne »).
• L’État soutient financièrement les banques en leur accordant des aides.
30 • En dédommageant les agriculteurs qui réduisent leurs surfaces cultivées et reconvertissent leurs entreprises, il favorise la
diminution de la production agricole et donc l’augmentation des prix.
37 • Il finance aussi de grands travaux publics comme les barrages dans la région déshéritée du Tennessee, et fournit ainsi du
travail.
• Au plan social, il reconnaît la représentativité des syndicats et favorise la négociation de conventions collectives*, instaure un
premier système de sécurité sociale (allocations de chômage et pensions de vieillesse) et fait voter des lois sociales comme
la semaine des 40 heures pour les employés, 35 pour les ouvriers, le salaire minimum garanti, l’interdiction de travail pour les
79 moins de 16 ans...
Le New Deal semble avoir contribué au redressement économique progressif des États-Unis. Réélu en 1936, Roosevelt apparaît
comme celui qui rend l’espoir à l’Amérique.

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1 Notre grande tâche prioritaire est de remettre les gens au travail. Elle pourra national, toutes les formes de transport, de communications et de services
être accomplie en partie à travers un recrutement direct du Gouvernement, qui ont manifestement un caractère d’intérêt public (…). Finalement, dans
comme en temps de guerre, en réalisant par cette embauche les travaux notre marche vers l’emploi, nous aurons besoin de deux garde-fous destinés
les plus nécessaires pour stimuler et organiser l’usage de nos ressources à prévenir un retour des maléfices de l’ordre ancien : il devra y avoir une stricte
naturelles. (...) Nous pouvons faciliter la réalisation de cet objectif en accroissant surveillance de toutes les activités bancaires, financières et d’investissement.
les prix des produits agricoles et, avec eux, le pouvoir d’achat des agriculteurs. Il faudra s'assurer que notre monnaie soit à la fois adéquate et saine.
(...) Nous pouvons la faciliter en unifiant les activités de secours aux victimes
Franklin ROOSEVELT, discours inaugural au Capitole, Washington, 4 mars 1933 (D’après
de la crise. Nous pouvons la faciliter en planifiant et en surveillant, au niveau
D. ARTAUD, L’Amérique en crise. Roosevelt et le New Deal, Paris, A. Colin, 1987, p. 199-200)

La Belgique face à la crise 2 Indice du Taux de Indice de la Solde du Indice de la Nombre de Nombre de
PNB* chômage production budget de productivité* syndiqués fonction-
À la veille de la crise, l’économie belge exporte jusqu’à industrielle l’État (en millions) naires
35 % de sa production. La contraction des échanges fédéraux
internationaux frappe donc de plein fouet la Belgique. 1929 100 3,2 100 +1,2 100 3,5 580 000
Le déficit de la balance commerciale* s’accroît. Les 1933 69 24 63 -1,3 93,5 2,8
tarifs protectionnistes* pratiqués par les autres pays
1934 76 21,6 71 -3,6
limitent encore les débouchés. Les stocks augmentent
et le chômage devient de plus en plus important, 1935 83 20 82 -2,8
surtout dans les bassins miniers et autour des ports 1936 95 16,8 95 -4,4 113 4
d’Anvers et de Gand. La politique déflationniste* 1937 100 14,2 105 -2,8
pratiquée par les Gouvernements est sans résultat et 1938 95 19 82 -1,2 8,5
suscite des réactions sociales violentes. En 1932, des
1939 103 17,2 100 122 9 1 000 000
grèves éclatent.
En 1935, le Gouvernement d’union nationale Les États-Unis de 1929 à 1939 : évolution de quelques indicateurs (D’après A. KASPI, Les Américains, I,
(catholique, libéral et socialiste), présidé par le Premier Paris, Le Seuil, 1986, p. 317, 319 ; C. FOHLEN, Les États-Unis au XXe siècle, Paris, Aubier, p. 124 ; Y. TROTIGNON,
ministre catholique Van Zeeland, modifie l’orientation Le XXe siècle américain, Paris, Bordas, 1988, p. 123 et J. POTTER, The american economy between the World
Wars, New York, John Wiley and sons, 1974, p. 137)
de la politique économique en s’inspirant, notamment,
du plan du socialiste Henri de Man (→ 37/4). Plusieurs
mesures sont prises : dévaluation* de 28 % du franc
belge, création d’un Office de l’Emploi, prolongation 3
de la scolarité jusque 14 ans, contrôle du crédit par L’ÉTAT INTERVIENT ET CREUSE Hausse des
LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE. investissements
une Commission bancaire, hausse des salaires des
fonctionnaires et relance de la politique des grands Aide aux entreprises (prêts,
travaux (canal Albert, jonction Nord-Midi, électrification subventions) et aux banques Hausse de la Hausse des prix
des voies ferrées…). Il prend également des mesures production et des profits des
Grands travaux (routes, entreprises
sociales, notamment l’adoption en 1936 des congés
barrages, tunnels,...)
payés, et favorise la concertation entre les syndicats et
le patronat. Commandes publiques (pour Hausse de la
Augmentation
l’armée, les chemins de fer, consommation des
de l’emploi
la flotte) ménages
Les réponses des régimes autoritaires
En Italie, au Japon et en Allemagne, l’État résorbe le Création d’emplois de Hausse des
revenus
chômage en pratiquant une politique de grands travaux fonctionnaires
(autoroutes, bâtiments publics…) et en développant
Aide aux chômeurs
l’industrie de l’armement. Ces mesures sont financées Hausse des impôts directs
notamment par l’impôt. Pour se procurer certains Hausse des impôts indirects
produits, matières premières et sources d’énergie, il ACCROISSEMENT DES
RECETTES DE L’ÉTAT Hausse de l’impôt des sociétés
négocie avec l’étranger des accords bilatéraux, proches L’ÉQUILIBRE DU BUDGET
EST RESTAURÉ.
du troc, et évite ainsi les sorties de devises.
Le modèle keynésien

219

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Repères
Le point sur... 81 Les révolutions russes
De 1905 à octobre 1917, la Russie est secouée par trois révolutions. Quels en sont les acteurs ?
Quels en sont les raisons et les résultats ?

Un empire en crise
Au début du XXe siècle, les Russes vivent toujours sous un régime autocratique : ils ne disposent ni de libertés fondamentales
ni d’institutions représentatives. Le tsar Nicolas II jouit d’un pouvoir absolu et de droit divin. Il règne depuis 1894 sur un immense
empire (env. 159 millions d’habitants en 1913) qui compte quelque 200 nationalités* « russifiées » par l’État central russe, slave et
orthodoxe. Le peuple est composé en grande majorité de paysans et est plongé dans la misère. La plupart des terres appartiennent
à de grands propriétaires terriens. Les moujiks* ne possèdent qu’une petite partie du sol. Les techniques restent archaïques et
les rendements médiocres. Seuls les koulaks* jouissent d’une situation un peu meilleure. Dans certaines régions, l’industrie se
développe, mais dépend de capitaux étrangers. Les conditions de vie des ouvriers (4,5 millions en 1913) sont désastreuses. La
bourgeoisie, qui tire profit de cette industrialisation, souhaite des changements politiques, mais se heurte au pouvoir absolu du
tsar. Elle doit aussi faire face aux revendications du prolétariat.

Les mouvements d’opposition : multiples mais divisés


Le libéralisme
Les libéraux refusent le recours à la révolution. Ils se partagent en deux groupes. Les modérés, surtout des grands bourgeois
et des grands propriétaires, proposent la création d’une chambre consultative qui donnerait à la population russe une possibilité
d’expression, sans toutefois constituer un authentique contrepoids, encore moins une limitation, au pouvoir du tsar. Les radicaux,
dont beaucoup d’intellectuels, souhaitent un régime parlementaire à l’occidentale. L’un d’eux, l’historien Milioukov, fonde le Parti
Constitutionnel-Démocrate en 1905.

Les mouvements révolutionnaires


• De tendance marxiste, le Parti Ouvrier Social-Démocrate russe a été fondé en 1898. Pour ses membres, l’avenir de la
révolution repose sur la classe ouvrière. Mais, dès 1903, des divergences internes apparaissent. Elles portent sur l’organisation
du parti et la tactique révolutionnaire. Les bolcheviks*, dont Lénine, souhaitent que le parti se limite à un nombre restreint
de révolutionnaires professionnels, prêts à agir le plus tôt possible. Les mencheviks*, dont Martov et Trotski, veulent un parti
ouvert à tous et pensent que l’industrialisation et donc la prolétarisation de la Russie ne sont pas suffisamment avancées pour
déclencher une révolution ouvrière.
• Conduits par Kerenski, les socialistes révolutionnaires, actifs en Russie depuis 1902, sont surtout implantés dans les
campagnes. Ils considèrent que, dans un pays rural comme la Russie, les paysans, et non les ouvriers, sont les agents de la
révolution.

1905 : la rupture
Au début du mois de janvier 1905, l’humiliante défaite russe dans la guerre du Japon suscite un choc dans l’opinion publique,
déjà déstabilisée par de graves difficultés économiques. À Saint-Pétersbourg, une grève éclate. Le matin du 9 janvier 1905, des
cortèges populaires convergent vers le palais impérial ou palais d’Hiver. Ils apportent au tsar une pétition pour des réformes
politiques, économiques et sociales. L’armée tire. C’est le « Dimanche rouge », qui marque une rupture définitive : le prestige du
31-32
tsar s’est effondré.
En octobre 1905, sous la pression de la population qui reste mobilisée, Nicolas II concède quelques libertés et la création d’une
assemblée législative, la Douma*, élue au suffrage universel. Mais, rapidement, il revient sur les réformes qu’il a acceptées.
Ainsi, le contrôle policier rend illusoires les libertés proclamées en 1905. À partir de 1907, l’opposition n’est presque plus représentée
à la Douma*.

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La guerre et les révolutions de 1917

En 1914, la guerre est accueillie avec enthousiasme par la population. Mais, • En exil en Suisse, Lénine traverse l’Allemagne, avec l’autorisation des
après des succès militaires, la situation se renverse et tourne au désastre autorités allemandes, et rentre en Russie en avril 1917. Il y expose
pour les Russes. Le mécontentement grandit. ses Thèses d’avril (→ 31/6) qui sont adoptées par les bolcheviks*. Mais
• Le 23 février 1917, à Saint-Pétersbourg, rebaptisée Petrograd, une soupçonné par le Gouvernement provisoire et les mencheviks* de s’être
manifestation pacifique réclame du pain et la fin de la guerre ; les usines entendu avec l’Allemagne pour renverser le Gouvernement, il se cache en
se mettent en grève. Le 27 février, des soldats se mutinent et fraternisent Finlande et ne revient clandestinement à Petrograd que le 7 octobre.
avec les manifestants ; le palais d’Hiver est occupé. • Dans la nuit du 24 au 25 octobre 1917, à Petrograd, Lénine lance
• Pour tenter de sauver la dynastie, Nicolas II abdique le 2 mars en faveur l’insurrection qu’il a préparée avec Trotski qui a rejoint les bolcheviks*.
de son frère, le grand-duc Michel. Mais le lendemain, celui-ci refuse la Le Gouvernement provisoire est renversé et un nouveau est constitué.
succession. La Douma* forme un Gouvernement provisoire composé de Il est composé exclusivement de bolcheviks* et présidé par Lénine. Les
membres du Parti Constitutionnel-Démocrate auquel se joint Kerenski. Au premiers décrets, sur la paix et sur la terre (→ 31/9), sont approuvés et
même moment, les ouvriers et les soldats de Petrograd élisent un Soviet* Lénine lance un appel à la révolution prolétarienne internationale. En mars
dominé par les mencheviks*. La Russie se retrouve avec un double 1919, il fonde le Komintern*.
pouvoir aux tendances fondamentalement différentes.

Les difficultés du nouveau régime

Négocier une paix immédiate


Pour sortir la Russie de la guerre, Lénine se prononce pour une paix séparée et
immédiate, quelles que soient les conditions. Le traité est signé avec les Empires
centraux (Allemagne, Autriche-Hongrie et Empire ottoman), le 3 mars 1918, à
Brest-Litovsk, au prix de la perte de territoires considérables et donc d’une partie importante
des ressources agricoles et industrielles du pays. Au lendemain de la Première Guerre
mondiale, les territoires perdus par la Russie formeront, de la Baltique à la mer Noire, un
chapelet d’États qui, comme un « cordon sanitaire », isole la Russie de l’Occident.

S’imposer à l’ensemble du pays


Dès novembre 1917, les bolcheviks* progressent de ville en ville. Ils contrôlent
Moscou, qui redevient capitale, et la majeure partie du nord et du centre de la Russie.
Mais ils se heurtent au mouvement d’indépendance des nationalités, à la résistance
des Blancs* et des révolutionnaires écartés du pouvoir (socialistes révolutionnaires et
mencheviks*). Ils doivent faire face aussi aux corps francs allemands* et aux forces de
l’Entente (France, Angleterre) qui veulent détruire le nouveau régime. C’est la guerre
civile qui dure jusqu’en 1921. Pour lui faire face, Trotski organise l’Armée rouge. Lénine
met en place la dictature du Parti Communiste, qu’il définit comme « l’organisation de
l’avant-garde des opprimés en classe dominante pour l’écrasement des oppresseurs ».
Il dissout la Douma*, interdit les autres partis, supprime la liberté de la presse. La
Tchéka*, police politique, est créée en décembre 1917 pour écraser les tentatives
contre-révolutionnaires : elle emprisonne les adversaires du régime dans des camps
de travail. Le 16 juillet 1918, le tsar et sa famille sont exécutés.

Redresser l’économie du pays


L’économie du pays est en ruine. Lénine réagit par des mesures exceptionnelles. C’est
le « communisme de guerre » qui se caractérise notamment par la nationalisation*
d’un grand nombre d’entreprises et les réquisitions de surplus agricoles. Les paysans
réagissent en se limitant à la production nécessaire à leur subsistance. Les villes restent
donc mal approvisionnées. La production industrielle s’effondre.
En 1921, la guerre civile se termine par la victoire des Rouges*. Le bilan est lourd :
7 millions de morts, dont 5 à la suite de la famine résultant des réquisitions et de la
1 La guerre civile et les pertes territoriales de la Russie, 1918-1921 (D’après sécheresse. Les révoltes paysannes se multiplient. L’économie est dévastée. Lénine
Atlas historique, Paris, Stock, 1968, p. 418) réagit en lançant une nouvelle politique économique, la « NEP », en mars 1921.

221

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Repères
Le point sur... 82 Le racisme, fondement du nazisme
Le nazisme se distingue du fascisme italien et du stalinisme par son idéologie raciste. Quelle est la teneur de
cette idéologie ? Quelles en sont les racines ? Quelles en sont les conséquences ?

Hitler n’a pas inventé le racisme.


t -Fnationalisme constitue une première source du racisme de Hitler. Né en Prusse au temps de la domination napoléonienne,
ce nationalisme est défendu notamment par le philosophe Fichte. Dans son Discours à la nation allemande (1807), il invite le
peuple allemand au sursaut national et l’exalte comme le peuple élu, et la race allemande, comme celle par laquelle « Dieu fait
ce qu’il veut dans le monde ».
t )JUMFSTJOTQJSFBVTTJEFTthéories racistes pseudo-scientifiques du XIXe siècle. Celles-ci reprennent les principes de Darwin
(lutte pour la vie, sélection naturelle) et les appliquent aux sociétés humaines. Se fondant notamment sur des critères
morphologiques, elles affirment l’existence de races supérieures et de races inférieures, en lutte pour la vie. Cette lutte entre
races serait le moteur de l’Histoire. Parmi les auteurs qui ont influencé le plus Hitler, il faut citer particulièrement l’Anglais,
naturalisé allemand, Houston Stewart Chamberlain (Les fondements du XIXe siècle, 1899), et le Français Joseph-Arthur de
Gobineau (Essai sur l’inégalité des races humaines, 1853-1855). Ce dernier prône la supériorité des « Aryans » (Nordiques,
Germaniques) et condamne le mélange des races, facteur de déclin. Hitler se réfère aussi aux Protocoles des Sages de Sion, un
texte très antisémite* produit par la police secrète russe de l’époque des tsars. Publié en 1905, il raconte la soi-disant réunion
des leaders juifs mondiaux en vue d’assurer leur domination sur l’univers entier.
t -Fpangermanisme qui se développe, en Allemagne et en Autriche, dès la fin du XIXe siècle, a également influencé Hitler. Ce
mouvement prône le rassemblement dans un État unique de toutes les populations d’origine germanique.
t ™MBmOEV9*9e et au début du XXe siècle, l’antisémitisme* se développe en Europe. En France, l’affaire Dreyfus (1894-1906)
secoue l’opinion. Mais d’une manière générale, dans les pays d’Europe occidentale, la présence des Juifs ne suscite pas de
réactions violentes. Par contre, en Europe centrale et orientale, les difficultés économiques et sociales amènent certaines
couches de la population, surtout les masses paysannes et la petite bourgeoisie, à en rejeter la responsabilité sur les Juifs. En
Pologne et en Russie, des pogroms* éclatent. En Russie, le pouvoir établit des territoires interdits aux Juifs et limite leur accès
à l’université ; beaucoup de Juifs émigrent vers les États-Unis ou vers l’Ouest, par exemple à Vienne, où vit Hitler.
t &OmO MFSBDJTNFOB[JQVJTFEBOTMantijudaïsme chrétien qui persiste depuis le Moyen Âge et qui a parfois obligé les Juifs à
vivre dans des ghettos* ou à porter des signes distinctifs comme la rouelle*. L’Église reproche aux Juifs d’avoir tué le Christ.
Cette accusation ne sera levée qu’à l’issue du concile* Vatican II, en 1965 (→ 112).

La théorie raciale de Hitler


Hitler établit une hiérarchie des races :
t BVTPNNFU MFTAryens ou race des « seigneurs », des « conquérants » et des « créateurs de civilisation » : Hiltler les assimile
aux peuples de langue germanique ;
t FOTVJUFEBVUSFTQFVQMFTDPNNFMFTLatins ;
t MFTSBDFTRVJjDPOTFSWFOUMBDJWJMJTBUJPONBJTOFMBDS¹FOUQBTxMFTAsiatiques, dont les Japonais ;
t MFTSBDFTRVJMDPOTJE¼SFDPNNFinférieures : les Slaves et les Noirs ;
t MFT « sous-hommes » (Untermenschen) : Juifs et Tsiganes, ils seront exterminés.

De l’idéologie raciste aux politiques racistes


34-35
t %¼T )JUMFSNFUFOQMBDFVOFpolitique eugéniste*. Elle vise à assurer la pureté de la race en interdisant les accouplements
entre Aryens et non-Aryens et la création de lieux où des Aryens et des Aryennes sélectionnés procréent : les Lebensborn.
Cette politique eugéniste* conduit également à éliminer les homosexuels, qui sont envoyés dans des camps (→ 86), et à
euthanasier les handicapés et les malades mentaux. 70 000 d’entre eux seront ainsi assassinés, jusqu’en 1941, date de l’arrêt

222

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Les Aryens : un peuple indo-européen récupéré par l’idéologie nazie
Francisé en « aryen », le terme sanscrit « arya » signifie « excellent, honorable, À partir du XIXe siècle, les parentés constatées entres les langues parlées de
noble ». Il désigne les populations de langue indo-européenne qui, vers la fin l’Islande à l’Inde et à l’Iran ont amené certains linguistes à parler d’une « race
du IIIe millénaire av. J.-C., s’établissent sur le plateau iranien, puis pénètrent indo-européenne » ou « aryenne ».
en Inde. L’expansion indo-européenne a entraîné presque toujours un La notion de conquérant a sans doute séduit Hitler, qui confère au peuple
asservissement des populations locales à qui a été notamment imposée germanique le nom d’« Aryens. » Il en a également repris, en la modifiant, le
la langue indo-européenne. Cette situation expliquerait la réputation de symbole de vie, la swastika qui deviendra la croix gammée.
« seigneurs » ou de « conquérants » qui a été faite à ces Indo-européens.

officiel de la politique d’euthanasie sous la pression des Églises chrétiennes. En 1935, la loi « pour la protection du sang et de l’honneur allemands » interdit
aux Juifs d’avoir des relations sexuelles avec des non-Juifs.
• Dès 1933, les Juifs sont progressivement exclus de la société allemande (→ 35/1). Une ordonnance de 1935 définit qui est juif : soit celui qui a trois grands-
parents juifs et est de religion juive ou celui qui a deux grands-parents juifs, est de religion juive ou est marié à un(e) Juif(ve). L’émigration est encouragée.
Toutefois, un quart seulement des Juifs allemands (170 000 personnes) émigre avant novembre 1938, date à partir de laquelle l’exil leur est interdit.
• À partir de 1938, le passeport des Juifs est marqué de la lettre « J ». En septembre 1941, le port de l’étoile jaune est rendu obligatoire en Allemagne. Il était
déjà obligatoire en Pologne en 1939 et le sera à partir de 1942 dans les pays occupés comme la Belgique.
• Commencée en 1941, la Solution finale* est organisée lors de la conférence de Wannsee, en janvier 1942. Plus de 5 millions de Juifs et près de
250 000 Tsiganes seront exterminés par la famine, les violences dans les ghettos*, les fusillades massives notamment en URSS (la « Shoah* par balles »), le
gazage dans six centres d’extermination, l’épuisement, la faim et les maladies dans les camps et les ghettos* et durant les « marches de la mort »… (→ 86)
• La théorie raciale de Hitler l’amène enfin à revendiquer, pour les Allemands, un « espace vital » (lebensraum) suffisant. Cette exigence justifie, aux yeux des
nazis, la politique expansionniste que le IIIe Reich* entame dès 1938 (→ 38).

1 Photographie, Hambourg,
1935 3 L’Histoire établit avec une clarté effroyable que, lorsque l’Aryen a
mélangé son sang avec celui de peuples inférieurs, le résultat de
ce métissage a été la ruine du peuple civilisateur. L’Amérique du
Nord, dont la population se compose en grande majorité d’éléments
Sur les deux panneaux, germaniques, qui ne se sont que très peu mêlés avec des peuples
on peut lire : « Je suis ici inférieurs appartenant à des races de couleur, présente une autre
la plus grosse cochonne humanité et une tout autre civilisation que l’Amérique du Centre et du
et je ne couche qu’avec Sud, dans laquelle les immigrés, en majorité d’origine latine, se sont
des Juifs. » « Moi en parfois fortement mélangés avec des autochtones. Ce seul exemple
tant que garçon juif, suffit déjà à reconnaître nettement le résultat du mélange des races.
je ne ramène dans ma Le Germain, resté de race pure et sans mélange, est devenu le maître
chambre que des filles du continent américain ; il le restera tant qu’il ne sacrifiera pas lui aussi,
allemandes. » à une contamination incestueuse.
Adolf HITLER, Mein Kampf, Munich, Eher-Verlag, 1925 (D’après Paris, La Défense
française,1927, p. 271-272)

2 4 [Le Juif] est le parasite type (…) qui, tel un bacille nuisible, s’étend toujours plus loin, sitôt qu’un sol
Photographie, nourricier favorable l’y invite. L’effet produit par sa présence est celui des plantes parasites : là où il se fixe,
Berlin, le peuple qui l’accueille s’éteint au bout d’un plus ou moins long temps. (…) Le jeune Juif aux cheveux noirs
été 1941 épie, pendant des heures, le visage illuminé d’une joie satanique, la jeune-fille inconsciente du danger qu’il
souille de son sang et ravit ainsi au peuple dont elle sort. (…) Ce furent et ce sont encore des Juifs qui ont
amené le sang nègre sur le Rhin, toujours avec la même pensée secrète et le but évident : détruire, par
l’abâtardissement résultant du métissage, cette race blanche qu’ils haïssent, la faire choir du haut niveau
de civilisation et d’organisation politique auquel elle s’est élevée et devenir ses maîtres.
Adolf HITLER, Mein Kampf, Munich, Eher-Verlag, 1925 (D’après Paris, La Défense française,1927, p. 289 et 308-309)

223

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Repères
Le point sur... 83 Diversité et séduction de l’autoritarisme
Dans l’entre-deux-guerres, de nombreux États européens connaissent des régimes autoritaires.
Que recouvre cette appellation ? Parmi ces régimes, qu’est-ce qui rapproche et qu’est-ce qui distingue l’Italie
de Mussolini, l’Allemagne de Hitler et l’URSS de Staline ?

Les régimes autoritaires se développent particulièrement en Europe centrale, orientale et méditerranéenne, là où la bourgeoisie
libérale n’a pu s’affirmer sur le plan politique. N’y échappent que l’Europe occidentale et du Nord et la Tchécoslovaquie.
Ces régimes sont le résultat soit de révolutions (Russie), soit de coups de force tolérés ou soutenus par la classe dirigeante
conservatrice (Lituanie, Pologne et Portugal en 1926, Grèce en 1936). En Allemagne, après le putsch manqué de Hitler en 1923, le
Parti Nazi obtient 33,1 % des voix aux élections de 1933 : Hitler est nommé chancelier*. De même, en 1922, au lendemain de la
« marche sur Rome », le roi d’Italie demande à Mussolini de former un Gouvernement.
L’ensemble de ces régimes partage quelques caractéristiques communes : installation d’un État de type autoritaire ou dictatorial
dirigé par un « chef » et, mis à part pour l’URSS, nationalisme, soutien des classes sociales conservatrices, affirmation des valeurs
traditionnelles (famille, patrie, travail…) et anticommunisme. Dans de nombreux cas, ces régimes s’appuient aussi sur l’Église
catholique, comme en Espagne, ou orthodoxe, comme en Yougoslavie.

Parmi ces régimes autoritaires, il faut distinguer trois États totalitaires : l’Italie, l’Allemagne et l’URSS.
• Ils se distinguent des autres régimes autoritaires par la promotion de valeurs qui prétendent définir un « homme nouveau »
et le déploiement de moyens de contrainte tels qu’ils permettent d’obtenir l’adhésion des masses à ce modèle. L’idéal du
totalitarisme* est de conditionner la vie de l’homme dans sa totalité par la propagande et par un contrôle absolu de la vie
privée et familiale, de l’enseignement, de la presse, des croyances, de la morale, des loisirs, des expressions artistiques… Pour
y parvenir, ces régimes utilisent notamment les progrès des moyens d’information et de diffusion (radio, cinéma, systèmes
d’amplification sonore) et multiplient les rassemblements de masse soigneusement mis en scène. Après les succès de
Mussolini et de Hitler, certains États autoritaires non fascistes utiliseront à leur tour ces techniques de communication et de
mise en condition (défilés en uniformes, manifestations…).
• Les régimes totalitaires ont également en commun le développement d’une politique étrangère de type impérialiste qui vise
à la constitution d’un « empire » (Reich*). Pour l’URSS, ce n’est le cas qu’à partir du pacte germano-soviétique de 1939.
Le totalitarisme de droite s’identifie au fascisme et est représenté par deux États : l’Italie de Mussolini et l’Allemagne de Hitler.
Ils se distinguent des autres États autoritaires par le culte rendu au chef (Duce*, Führer*), l’omniprésence du parti unique et son
rôle dans l’encadrement de la société, un nationalisme exacerbé, et la soumission de l’économie aux directives de l’État. Ils se
distinguent de l’URSS par leur anticommunisme. En Allemagne, le nazisme ou national-socialisme présente un trait particulier : le
racisme (→ 82).
En URSS, Lénine et surtout Staline installent un totalitarisme de gauche. Comme les États fascistes, l’État soviétique se caractérise
par le culte du chef, l’omniprésence du parti unique et son rôle dans l’encadrement de la société, la soumission de l’économie aux
directives de l’État, mais il s’en distingue sur deux points. Il met l’accent sur l’internationalisme plutôt que sur le nationalisme, et sur
l’égalité plutôt que sur l’élitisme. Dans les faits, le refus du nationalisme est contredit par la politique de « russification » et l’idéal
d’égalité par le développement d’une catégorie sociale privilégiée liée au parti unique, qui domine l’État et y adhère.
32-35
Pour beaucoup de contemporains, l’Italie et l’Allemagne apparaissent comme des modèles d’ordre et de dynamisme. Dans
les démocraties libérales, en proie à la crise économique et à l’instabilité gouvernementale, des mouvements fascistes se
37 développent. Certains se transforment en partis politiques et tentent d’accéder au pouvoir.
En France, les partis de droite eux-mêmes, tout en restant démocratiques, sont influencés par les idées autoritaires et la
tentation du rejet de l’« étranger » (le bolchevik*, le Juif, le franc-maçon). Au pouvoir, ils se montrent incapables de faire face
aux difficultés politiques et économiques. Cette incapacité favorise le développement de « ligues » ou mouvements fascistes
(Action française, Croix de Feu, Francisme, Parti Populaire français, La Cagoule…). En février 1934, elles organisent des émeutes.
82 Le régime républicain est menacé. En réaction, les partis de gauche (socialistes, radicaux et communistes) se regroupent en un
Front populaire qui remporte les élections de 1936. Le socialiste Léon Blum devient président du Conseil. Les réformes économiques
réalisées par ce Gouvernement sont timides. Par contre, les réformes sociales et culturelles sont plus profondes : congés payés,
semaine de 40 heures, conventions collectives*, prolongation de l’obligation scolaire jusqu’à 14 ans, créations de musées… En

224

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1936, les ligues fascistes sont dissoutes. Mais le Front populaire se divise sur fasciste. En 1935, l’épiscopat belge condamne le rexisme*. Aux élections de
la politique économique et sociale et sur la politique étrangère, et notamment 1936, le mouvement rexiste*, devenu parti, obtient, à la Chambre, 21 sièges
sur la question du soutien ou non du Gouvernement français au Gouvernement sur 202. En 1937, lors d’une élection partielle, il est stoppé par l’alliance des
républicain espagnol dans la guerre civile qui l’oppose aux franquistes (→ 18). Partis Catholique, Libéral, Socialiste et Communiste qui soutiennent, contre lui,
En 1937, le Front populaire éclate. la candidature du Premier ministre catholique, Paul Van Zeeland. En Flandre,
En Belgique, de nombreux milieux de droite, catholiques ou libéraux, sont des mouvements nationalistes flamands d’inspiration fasciste se développent
sensibles aux idées autoritaires. Admirateur des régimes fascistes et de aussi, notamment le Verdinaso (Verbond van Dietse Nationaal Solidaristen)
l’Action française, Léon Degrelle milite dans le Parti Catholique et crée, en et le VNV (Vlaams Nationaal Verbond), fondés respectivement en 1931 et en
1933, un hebdomadaire, Rex, qui devient l’expression d’un mouvement 1933.

1 Pays Dirigeant Dates Parti unique ou dominant au pouvoir Parti ou mouvement fasciste d’opposition
Portugal Antonio de Oliveira Salazar 1928-1968 Union nationale
Espagne Général Primo de Rivera 1923-1930 Union patriotique
Général Franco 1936-1975 Phalange
Grèce Général Metaxas 1936-1941
Turquie Mustapha Kemal 1923-1938 Parti Républicain du Peuple
Pologne Maréchal Pilsudski 1926-1935 Bloc national Jeune Pologne
Colonel Beck 1935-1939 Camp de l’Unité nationale Falanga
Hongrie Amiral Horthy 1920-1944 Croix fléchées
Autriche Engelbert Dollfuss 1932-1934 Heimwher (→ 1936)
Kurt von Schuschnigg 1934-1938 Parti National-Socialiste
Slovaquie Monseigneur Tiso 1939-1945 Parti Populaire Slovaque Parti National-Socialiste
Yougoslavie Alexandre Ier 1929-1934 Parti Yougoslave National Oustacha en Croatie
Milan Stojadinovic 1935-1939 Zbor en Serbie
Bulgarie Boris III 1934-1943
Roumanie Carol II 1930-1940 Front de la Renaissance nationale Garde de Fer
Général Antonescu 1940-1944
Lituanie Augustinas Voldemaras 1926-1929
Antanas Smetona 1929-1940
Lettonie Karlis Ulmanis 1934-1940

Les régimes autoritaires non totalitaires en Europe dans l’entre-deux-guerres (D’après B. DROZ et A. ROWLEY, Histoire générale du XXe siècle, I, Paris, Points Histoire, 1996, p. 286-287)

2 Partis ou mouvements Pays Parti ou mouvement Dirigeant Fondation


fascistes dans les Angleterre British Union of Fascists Oswald Mosley 1932
démocraties durant
l’entre-deux-guerres
Belgique Verdinaso Joris Van Severen 1931
Rex Léon Degrelle 1933
VNV Staf De Clerq 1933
Danemark Parti National-Socialiste danois Cap. Lembeke, Dr. Clausen 1930
France Action française Charles Maurras 1960
Faisceau Georges Valois 1926
Croix de Feu (puis Parti social français) Colonel de La Rocque 1927
Francisme (puis Parti franciste) Marcel Bucard 1933
La Cagoule Eugène Deloncle 1935
Parti Populaire français Jacques Doriot 1936
Irlande Les Chemises bleues (puis Garde nationale) Général Eoinn Mac Duffy 1932
Norvège Parti du Rassemblement National Vidkun Quisling 1933
Pays-Bas Nationaal-Socialistische Beweging Anton Adrian Mussert 1931
Suède Parti Populaire National-Socialiste S. Lindholm/B. Fururgard 1929
États-Unis Organisation Fasciste Panrusse Anastasi Vansiatski 1931
Ligue germano-américaine Fritz Kuhn 1933
Silver Shirts (Chemises d’argent) William D. Pelley 1933
Front chrétien Père Coughlin 1937

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Repères
Le point sur... 84 L’Extrême-Orient en crise (1910-1950)
Durant la première moitié du XXe siècle, le Japon et la Chine connaissent de profondes mutations. Dans quels
domaines ? Avec quels résultats ? Quelles relations les deux pays entretiennent-ils ?

Le Japon : la tentation de l’impérialisme

À partir de 1868, sous l’influence des idées libérales européennes, l’empereur Mutsu Hito entreprend de moderniser l’État
japonais. Sur le plan politique, une Constitution est promulguée* en 1889 : elle instaure une monarchie constitutionnelle*.
Parallèlement, la révolution industrielle touche le pays. Toutefois, le Japon doit faire face à un déficit important de produits
alimentaires, conséquence de l’augmentation de la population japonaise et du manque de terres cultivables dans un pays
très montagneux. Il manque aussi de matières premières qu'il doit importer. Pour faire face à ce double déficit, le Japon se
lance dans l’aventure coloniale. En 1895, il prend Formose (Taiwan) à la Chine. En 1904, il agresse la Russie et la vainc l’année
suivante, annexant du même coup de nouveaux territoires, dont le Sud de l’île de Sakhaline. En 1910, il conquiert la Corée. En
Occident, la puissance militaire japonaise impressionne.
Durant la Première Guerre mondiale, le Japon s’engage aux côtés des Alliés, ce qui lui vaut quelques avantages territoriaux
à l’issue du conflit. Il reçoit plusieurs anciennes colonies allemandes dans le Pacifique (îles Carolines, Marshall et Mariannes).
Sur le plan économique, le Japon profite des marchés abandonnés par les puissances européennes en guerre. L’indice
de la production industrielle passe de 100 en 1914 à 485 en 1919. L’industrie lourde décolle. Les exportations progressent
fortement.
Dans les années 1920, la croissance de l’économie japonaise se poursuit, mais plus lentement. L’absence de matières
premières continue à rendre l’archipel très dépendant de l’étranger. La croissance de la population et le déficit de terres
cultivables le maintiennent toujours dans une situation de dépendance alimentaire. La situation s’aggrave dans les années 1930.
L’économie japonaise subit en effet les conséquences de la crise économique de 1929. La baisse de la demande aux États-Unis
et en Europe provoque la chute des exportations de produits japonais, réduit les rentrées en devises et limite les possibilités
d’importation de matières premières dont le Japon a besoin. La baisse des exportations provoque aussi une diminution de
l’activité industrielle et le développement du chômage, lequel est d’autant plus difficile à supporter que la population ne cesse
de croître. De 37 millions en 1880, elle atteint 64 millions en 1930.
Cette situation amène les milieux économiques et financiers et l’armée à réclamer la reprise de la politique de conquête,
condition de survie de la nation japonaise. L’armée se montre également très critique face au régime parlementaire, qu’elle
juge inefficace, et plaide pour un retour au pouvoir absolu de l’empereur. Elle n’hésite pas, par ailleurs, à faire assassiner deux
Premiers ministres, en 1932 et 1939. Peu à peu, un régime autoritaire se met en place à Tokyo.
En septembre 1931, les troupes japonaises envahissent la Mandchourie. Cette annexion ne suscite que des protestations de
principe de la part de la SDN, que le Japon quitte en 1933. En 1937, ce dernier engage la guerre contre la Chine : en quinze jours,
38 les troupes nippones, qui s’illustrent par des massacres de masse, sont à Pékin et s’emparent de l’Est de la Chine.
En septembre 1940, le Japon, qui s’était lié avec l’Allemagne depuis 1936 par une alliance d’assistance militaire dit « pacte anti-
59-60 komintern* », se range du côté de l’Axe. Il profite de la défaite de la France pour occuper une partie de l’Indochine. En 1941,
l’attaque japonaise contre la base américaine de Pearl Harbor dans les îles Hawaï amène les États-Unis à s’engager dans
la Seconde Guerre mondiale (→ 85). À partir de 1943, la guerre du Pacifique tourne lentement à l’avantage des Alliés. Elle se
poursuivra toutefois après la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie, en mai 1945, jusqu’au lancement, par les États-Unis, des
bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, en août de la même année.
Au lendemain de la défaite, le Japon est occupé par les troupes américaines, sous le commandement du général MacArthur.
85
En 1946, 28 criminels de guerre sont jugés lors du procès de Tokyo. Pour favoriser le retour à la stabilité politique, l’empereur
Hiro Hito ne fait pas partie des accusés. En 1951, le Japon retrouve son indépendance ainsi qu’un régime démocratique à
l’occidentale. Il conserve des relations privilégiées avec les États-Unis qui y gardent notamment des bases militaires.

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La Chine : d'une république à l'autre

En 1911, la dynastie mandchoue, au pouvoir en Chine depuis 1644, s’effondre. À la mort de Sun Yat Sen, en 1925, le général Tchang Kaï-chek reprend
La première république chinoise est proclamée et Sun Yat Sen, dirigeant du la tête de l’alliance entre le Kuomintang et le Parti Communiste. En
parti nationaliste du Kuomintang, en est élu président. Il est à la tête d'un régime 1926, il lance ses troupes à l’assaut du Nord. Mais, dès 1927, il rompt
de type libéral inspiré de l'Occident. Mais, dès 1912, il est évincé du pouvoir l’alliance et dissout le Parti Communiste. Ses membres se replient
par Yuan Shikaï qui, tout en maintenant la Constitution* républicaine, installe dans la clandestinité et trouvent refuge dans les campagnes au sud et
un pouvoir fort. Il se montre toutefois incapable d’assurer son autorité sur les au centre du pays. En 1928, Tchang Kaï-chek a repris le contrôle de la
gouverneurs militaires ou « seigneurs de la guerre » qui contrôlent de vastes presque totalité de la Chine. Il conforte son pouvoir en établissant un
territoires. régime autoritaire.
Par ailleurs, les Occidentaux et le Japon profitent de la faiblesse du pouvoir Cependant, il doit faire face à plusieurs dangers :
central pour obtenir de Pékin de nouvelles concessions*. - dans les campagnes, les communistes étendent leur influence
En 1917, la Chine entre en guerre aux côtés des Alliés. En 1919, le Gouvernement et s’organisent militairement en créant une Armée rouge. Dans
chinois espère obtenir l’abolition des concessions*, mais les puissances les nombreux villages qu’ils contrôlent, ils confisquent les terres
européennes refusent. Cette situation suscite, dès 1919, l’opposition du parti appartenant aux grands propriétaires et les redistribuent aux paysans.
nationaliste Kuomintang, toujours dirigé par l’ancien président Sun Yat Sen. Celui-ci En 1931, Mao proclame la République soviétique chinoise ;
entend restaurer le pouvoir de Pékin face aux « seigneurs de la guerre » et - au Nord et à l’Est, les Japonais, qui ont pris pied en Mandchourie en
réduire les concessions* octroyées aux Européens. Il engage la lutte armée et 1931, contrôlent une large part du territoire.
prend le contrôle du Sud de la Chine, où il installe un Gouvernement concurrent À partir de 1930, Tchang Kaï-chek lance une série d’offensives contre
de celui de Yuan Shikaï, installé à Pékin. En butte aux Gouvernements européens les communistes. Ceux-ci sont obligés de fuir et entament ainsi leur
qui ne reconnaissent que le Gouvernement de Pékin, Sun Yat Sen se rapproche « Longue Marche » qui, de 1934 à 1935, les conduit à travers toute la
de l’URSS, obtient son soutien notamment au plan militaire, et s’allie au Parti Chine.
Communiste Chinois qui a vu le jour en 1921 ; parmi ses fondateurs, un certain Cette guerre civile facilite la progression des Japonais dans l’Est. Aussi,
Mao Tsé-toung. en 1937, Tchang Kaï-chek met fin à la lutte contre les communistes et
les deux parties s’allient contre l’envahisseur nippon. De 1937 à 1945,
Chinois et Japonais s’affrontent. L’union entre les nationalistes et les
communistes tient jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais
les deux camps ne cessent de rivaliser pour étendre leur influence.
En décembre 1941, suite à l’attaque japonaise de Pearl Harbor et à
l’entrée en guerre des États-Unis, la Chine se range dans le camp des
Alliés.
Moins d’un an après la capitulation japonaise d’août 1945, la guerre
civile reprend entre les troupes de Tchang Kaï-chek et celles de Mao.
Elle tourne en faveur des communistes. De plus, ceux-ci bénéficient
d’une popularité croissante dans les campagnes, grâce à leur politique
de redistribution des terres. Le 1er octobre 1949, à Pékin, Mao Tsé-toung
proclame la république populaire de Chine (→ 59). Les nationalistes
se réfugient sur l’île de Taïwan, entraînant dans leur fuite plus de deux
millions de réfugiés : deux États chinois coexistent depuis lors.

1
La Chine et le Japon entre 1910 et 1950
(D’après G. DUBY [dir.], Grand atlas historique,
Paris, Larousse, 1995, p. 207)

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Repères
Le point sur... 85 De la Pologne à Hiroshima (1939-1945)
Septembre 1939 : l’Allemagne envahit la Pologne. Août 1945 : les États-Unis lancent une bombe atomique
sur Hiroshima, puis sur Nagasaki. Entre ces deux dates, 50 à 60 millions de morts. Quelles sont les grandes
étapes de ce second conflit mondial ?

Les succès des puissances de l’Axe (Rome, Berlin, Tokyo) (1939-1942)

La guerre-éclair en Europe
Entre septembre 1939 et juin 1941, l’armée allemande ouvre six fronts successifs. Elle y met en pratique, avec succès, sa
technique de la Blitzkrieg (guerre-éclair) qui consiste en la concentration de forces terrestres blindées très mobiles précédées
de bombardements aériens qui anéantissent les défenses adverses.
• La Pologne est envahie en septembre 1939. En réaction, la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne et se
mobilisent. Conformément au pacte germano-soviétique ou « pacte de non-agression », l’URSS laisse Hitler envahir la
Pologne et en profite pour s’emparer d’une partie de celle-ci ainsi que des trois pays baltes.
• En avril 1940, l’Allemagne envahit le Danemark et la Norvège afin de garantir son ravitaillement en fer suédois. La Suède
demeure neutre.
• La Belgique, la France et les Pays-Bas sont envahis le 10 mai 1940.
La Belgique et les Pays-Bas capitulent après 18 jours de combat. Durant cette campagne des 18 jours, une partie de la
population civile fuit vers la France : c’est l’« exode » (→ 42/1). La Belgique est administrée par l’armée allemande tandis que
le roi Léopold III se constitue prisonnier avec son armée (→ 65/1).
La France capitule et signe l’armistice le 22 juin. Le maréchal Pétain s’installe à Vichy et, ayant reçu les pleins pouvoirs du
Parlement français, établit un régime autoritaire. Il obtient de Hitler la possibilité d'exercer sa souveraineté* sur la moitié sud
de la France. Il se compromettra pendant la guerre en pratiquant une politique de collaboration avec les nazis, notamment
dans la déportation des Juifs vers les camps. Opposant au régime de Vichy, Charles de Gaulle, réfugié à Londres, lance, en
1940, un vibrant appel à la Résistance : l’appel du 18 juin.
• En août 1940, Hitler projette de débarquer en Angleterre. Mais il veut d’abord s’assurer la maîtrise des airs, pour éviter
l’interception de sa flotte par l’aviation anglaise. Il lance donc la bataille d’Angleterre : les aéroports anglais sont soumis
à d’intenses bombardements. Hitler veut aussi frapper l’opinion publique en bombardant Londres, mais la population reste
stoïque, encouragée par son Premier ministre Winston Churchill. L’invention du radar antiaérien ainsi que les avions de
chasse de la Royal Air Force imposent des pertes très lourdes à la Luftwaffe du IIIe Reich*. Le 7 octobre, Hitler donne
l’ordre de cesser l’attaque. C’est le premier échec allemand. Dès 1940, l’Angleterre incarne la résistance au nazisme, la terre
d’accueil pour les Gouvernements des pays vaincus, le refuge des démocraties.
• Au printemps 1941, Hitler reprend la guerre-éclair en Yougoslavie et en Grèce. Il vole ainsi au secours de Mussolini qui, dans
son désir de conquérir le bassin Méditerranéen, a échoué à envahir la Grèce.
38 • En juin 1941, Hitler déclenche l’opération Barbarossa en URSS. Il rompt ainsi le pacte germano-soviétique. Son projet est
d’étendre sa domination aux Slaves, qu’il considère comme des « sous-hommes », d’agrandir son espace vital, notamment en
42-44 accédant au pétrole du Caucase. La résistance acharnée des Soviétiques, l’hiver russe, ainsi que les distances conduisent
les troupes allemandes à l’échec : la Wehrmacht* est arrêtée devant Moscou et Leningrad. L’agression allemande soude la
population autour de Staline : le combat se transforme en « grande guerre patriotique ».

La guerre devient mondiale.


86
Peu à peu, la guerre déborde l’espace européen.
• En septembre 1940, l’Italie lance une offensive en Égypte à partir de la Libye, sa colonie. C’est un échec. Les Allemands
viennent au secours des Italiens. La guerre gagne l’Afrique du Nord.

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• À partir de septembre 1941, le Japon s’étend en Indochine. Il entend conquérir une grande partie de l’Asie du Sud-Est, largement colonisée par les Européens.
En réaction, les États-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas décrètent un embargo* qui prive le Japon de 80 % de ses approvisionnements.
• En août 1941, Churchill et Roosevelt signent la charte de l’Atlantique : ils s'engagent à détruire la tyrannie nazie et à rétablir la liberté des peuples. Tout en
soutenant la cause des Alliés, les États-Unis se sont pourtant engagés à rester neutres sur le plan militaire. Mais, le 7 décembre 1941, les avions japonais
attaquent par surprise la flotte américaine stationnée à Pearl Harbor. Cette agression provoque l’entrée en guerre des États-Unis contre le Japon et ses
alliés de l’Axe.
• La guerre s’étend aussi dans l’océan Atlantique : les sous-marins allemands y harcèlent la flotte anglo-américaine.

Le tournant de la guerre (1942-1943)

Quatre victoires amorcent le reflux pour les puissances de l’Axe :


• Midway (3 juin1942) : les États-Unis stoppent l’avance des Japonais dans le Pacifique.
• El Alamein (3 novembre 1942) : les Britanniques, conduits par le général Montgomery, l’emportent en Égypte et s’assurent le contrôle du canal de Suez.
• Les débarquements anglo-américains en Afrique du Nord (novembre 1942), puis en Sicile (juillet 1943) et en Italie provoquent le recul des troupes de
Mussolini.
• Stalingrad (2 février 1943) : au terme d’une intense bataille de rues de 5 mois, les Soviétiques parviennent à repousser les Allemands qui doivent capituler.
L’Armée rouge fait 94 500 prisonniers.

La débâcle de l’Axe et les victoires des démocraties et de l’URSS (1943-1945)

En Europe
• Déclenché le 6 juin 1944, le débarquement de Normandie amorce la reconquête de l’Europe occidentale par les Alliés. Bruxelles est libérée en septembre
1944. Durant l’hiver, les Allemands entreprennent de reconquérir la Belgique en lançant l’offensive von Rundstedt qui déclenche la bataille des Ardennes,
mais en vain. Au même moment, ils lancent leurs V1 et surtout leurs V2, premiers missiles balistiques opérationnels, qui s’abattent sur Anvers et Londres.
• En Italie, suite aux victoires des Alliés, Mussolini est mis en minorité au sein du Gouvernement et arrêté par le roi Victor-Emmanuel III, en juillet 1943. Le
nouveau Gouvernement nommé par le roi signe l’armistice en septembre 1943, mais l’Allemagne s’y oppose en désarmant les troupes italiennes et en faisant
libérer Mussolini. Le roi et son nouveau Gouvernement se réfugient dans les régions sous contrôle des Alliés. Ceux-ci achèvent la reconquête du territoire
italien en avril 1945 et Mussolini est exécuté par les résistants anti-fascistes.
• La lente reconquête de l’URSS, puis de l’Europe de l’Est par l’Armée rouge s’amorce en 1943. En avril 1945, les troupes soviétiques rejoignent les troupes
américaines sur l’Elbe et entrent les premières à Berlin où Hitler se suicide. La capitulation allemande y est signée le 8 mai 1945.
Sur les fronts non européens
• En Afrique du Nord, les victoires des
Anglo-Américains permettent aux Forces
françaises libres du général de Gaulle
d’entrer à Tunis en 1943. Cette victoire
marque la fin de la campagne d’Afrique.
• Dans le Pacifique, les Japonais défendent
chaque parcelle de territoire conquis
avec un acharnement qui va jusqu’au
suicide, dans le chef des kamikazes.
Mais l’avancée des États-Unis semble
inexorable. Ceux-ci ont mobilisé un
formidable potentiel industriel et humain.
Pour imposer la reddition inconditionnelle
refusée par les Japonais, les États-Unis
lancent, en août 1945, les premières
bombes atomiques sur Hiroshima et
Nagasaki. Les Japonais capitulent le
2 septembre.
1 La Seconde Guerre mondiale (1939-1945)

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Repères
Le point sur... 86 L’univers concentrationnaire
Le XXe siècle nous a légué une des inventions les plus monstrueuses de l’Histoire : le camp de concentration.
Pourquoi et comment l'Allemagne et l'URSS ont-elles mis sur pied ce système de répression ? Quelles en ont
été les principales victimes ?

Les camps nazis

•Les premiers camps de concentration, Dachau et Oranienburg, sont


ouverts en 1933, aussitôt après l’arrivée de Hitler au pouvoir. L’objectif est
de punir et de terroriser les Allemands qui s’opposent au régime nazi.
Progressivement, de nouveaux camps sont créés, en Allemagne puis,
à partir de 1939, dans certains pays conquis. En 1944, on en dénombre
une vingtaine, auxquels sont rattachés une multitude de kommandos*.
La SS* y enferme les opposants (communistes, sociaux-démocrates,
intellectuels…), les « déviants » (homosexuels et témoins de Jéhovah),
les membres de la Résistance (notamment les Nacht ou Nebel*) et tous
ceux qui appartiennent aux « races inférieures » (Juifs, Tsiganes, Slaves), le
tout représentant plus de 25 nationalités. Le camp de Ravenbrück, créé en
mai 1939, est réservé à la détention des femmes. Près de 130 000 y seront
enfermées durant la guerre et il y en eut jusque 40 000 en 1944. 1 Harry MILLER, photographie de détenus libérés
du « Petit Camp » ou camp de quarantaine de
• À partir de décembre 1941, les nazis installent, en Pologne, 6 centres Buchenwald, 16 avril 1945 (Washington, National
d’extermination. Ils sont les lieux principaux de l’exécution de la Solution Archives)
finale* perpétrée contre les Juifs. Ceux qui ne sont pas gazés dès leur arrivée sont « parqués » dans des camps à proximité.
Dans certains camps de concentration, comme celui de Ravenbrück, des personnes handicapées ou malades mentales sont
également gazées, malgré l’arrêt officiel (→ 82) de la politique d’euthanasie entreprise par le Reich*, en 1941.
15 • À partir de 1942, les camps sont utilisés comme des réservoirs de main-d’œuvre pour l’industrie d’armement. En 1944,
près de 500 000 détenus sont ainsi contraints de travailler pour le Reich*. À la fin de la guerre, ils sont aussi utilisés pour
ERIOTSIH
l’aménagement d’usines souterraines, comme à Dora, annexe de Buchenwald.
• Enfin, les victoires militaires de l’Allemagne nazie d’une part, l’instauration, dans les pays occupés, d’un service de travail
obligatoire, la répression de la Résistance et la déportation des Juifs d’Europe d’autre part, nécessitent la mise en place de
19-20
-20 camps de prisonniers militaires (stalag* et offlag*) en Allemagne et de camps de transit, comme Breendonk en Belgique
(→ 19) et Drancy en France.

Qui savait quoi ?

32 Les autorités nazies désiraient tenir secret leur projet de Solution finale*. Cependant, dès l’automne 1941, des rapports diplomatiques
et des articles de presse informent les Alliés de l’existence de déportations de Juifs vers l’Est. Le 8 août 1942, un télégramme
43-44 de Gerhart Riegner, représentant du Congrès juif mondial à Genève, adressé au ministère des Affaires étrangères à Londres et
à Roosevelt, signale l’existence d’un plan d’extermination. Il faut néanmoins attendre le 17 décembre 1942 pour que les Alliés
condamnent publiquement la politique d’extermination et menace l’Allemagne de représailles. Mais aucune action concrète n’est
réalisée par les Gouvernements américain et anglais, qui accordent la priorité aux opérations militaires. Le Vatican est également
informé, mais Pie XII se refuse à condamner explicitement l'extermination des Juifs (→ 43). De son côté, en raison de l’installation
102
des camps à proximité de villes et de la dispersion des kommandos*, la population allemande n’ignore pas l’existence des camps.
En territoire occupé, certains journaux clandestins font état de déportations et dénoncent l’existence de camps. Ainsi, en Belgique,
dès l’été 1941, la présence d’un camp à Breendonk (→ 19) est dénoncée par plusieurs organes de presse clandestins comme De
Rode Vaan, La Libre Belgique et La Belgique indépendante.

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Au total, on estime entre 550 000 et 1 100 000 le nombre de victimes
des camps de concentration et à environ 2 700 000 le nombre des
Juifs morts dans les centres d’extermination : près d’1 000 000 à
Auschwitz et environ 1 500 000 dans les 4 centres d’extermination de
Belzec, Chelmno, Sobibor et Treblinka. À ces chiffres, il faut ajouter
les victimes de la surmortalité dans les ghettos* (env. 800 000) et
les personnes exécutées sommairement (env. 1 300 000), dont
300 000 dans les camps de concentration, soit au total plus de
5 000 000 de victimes de la Solution finale*. Près de 250 000
Tsiganes périrent également et 70 000 personnes handicapées ou
malades mentales. À ces victimes s’ajoutent les détenus morts
durant les « marches de la mort » organisées par les nazis pour
évacuer les camps à l’approche de l’Armée rouge.
La libération des camps s’est faite au hasard de l’évolution des
troupes alliées : elle s’échelonne de novembre 1944 (Struthof) à
mai 1945 (Mauthausen). Le camp d'Auschwitz-Birkenau est libéré en
janvier 1945.

2 Camps de concentration et centres d’extermination (1939-1945) (D’après F. BÉDARIDA et


L. GERVEREAU [dir.], La déportation et le système concentrationnaire nazi, Paris, Musée d’Histoire
Les camps soviétiques contemporaine-BDIC, 1995, p. 32)

Les premiers camps sont créés en 1918 pour enfermer les « ennemis de le titre du livre du célèbre dissident et Prix Nobel de littérature, Alexandre
l’intérieur », tsaristes et sociaux-démocrates, et assurer leur « rééducation Soljenitsyne, l’Archipel du Goulag* est constitué de 53 « camps de travail
politique ». Dès 1921, sous Lénine, 100 000 personnes sont détenues. À correctif » et de 425 « colonies de travail », implantés dans les régions les
partir de 1930, sous la dictature de Staline, le système concentrationnaire plus reculées, au climat rude, notamment la Sibérie orientale, le Kazakhstan
soviétique se développe. Tous les détenus de droit commun, condamnés et l’Oural. Les prisonniers assurent la construction d’infrastructures (canaux,
à des peines supérieures à trois ans, sont transférés dans des « camps de chemins de fer, barrages...) ainsi que l’extraction de minerais utilisés à des
travail ». Aux missions d’isolement et de rééducation politiques dévolues fins militaires ou destinés à l’exportation. Les effectifs ne cessent de croître
auparavant aux camps, s’en ajoutent deux : la mise en exploitation de jusqu’à la guerre : de 500 000 en 1934, on passe à 2 millions en 1939 et
régions inhospitalières et l’élimination physique par le travail. À titre 2,5 millions en 1950-1952. Mais la productivité est faible en raison de l’état
d’exemple, le creusement du canal de la mer Blanche à la mer Baltique a été physique des détenus. La mortalité y est considérable, tant en raison des
réalisé par la mise au travail forcé de 140 000 hommes dont le tiers a péri. épidémies que des exécutions. Au total, sur les 15 millions de Soviétiques
Le terme de Goulag* n’est employé qu’à partir de 1934. Pour reprendre ayant fait l’expérience du Goulag*, environ 1,5 million ont perdu la vie.

3 Les déportés se trouvaient répartis en différentes catégories, suivant la rarement de même pour les déportés « soupçonnés d’espionnage ». Jusqu’à
fantaisie des bourreaux. notre arrivée, les pires criminels étaient les condamnés pour « activités
Pour la première fois, nous entendîmes parler des « délinquants ». C’était contre-révolutionnaires trotskystes1 ». On leur réservait les plus pénibles
l’aristocratie du camp. Les détenus qui avaient commis des délits (…) mais travaux, en plein air ; on ne les admettait pas aux postes administratifs ; et
non des crimes politiques. (…) parfois, les jours de fête, on les mettait au cachot.
Les simples délinquants étaient fiers de ne pas appartenir au groupe des Notre arrivée leur rendit courage. Une condamnation pour « activités contre-
« ennemis du peuple ». Ils expiaient leurs fautes par un travail acharné. révolutionnaires trotskystes1 », comparée à celle de détenus (…) qui avaient
Certains postes exécutifs, dans le camp, étaient occupés par des détenus : été reconnus coupables de « terrorisme », n’était rien. Nous représentions
c’était aux délinquants qu’on les confiait. La plupart (...) des chefs d’équipe, un sérieux renfort pour l’abattage des arbres, la bonification des sols et la
des chefs de groupe et des préposés de baraque se recrutaient parmi eux. fenaison (…).
Ensuite venait la hiérarchie compliquée de l’article 58 : les politiques. Le
1
Du nom de Léon Trotski (→ 81) : il se rallie aux bolcheviks* après la révolution russe
paragraphe 10 était le moins grave ; il s’appliquait aux « conteurs de blagues »,
d’octobre 1917 et occupe le portefeuille des Affaires étrangères, puis de la Guerre. Mais,
aux « bavards », à ceux que la terminologie officielle qualifiait d’« agitateurs après le décès de Lénine, en 1924, il s’oppose à Staline qui l’expulse hors d’URSS avant
anti-soviétiques ». Les condamnés pour « activités contre-révolutionnaires » de le faire assassiner par la police secrète soviétique.
occupaient plus ou moins la même position. Il s’agissait, pour la plupart, de
sans-parti. On leur confiait un travail moins dur, et parfois ils pouvaient même Evguenia GUINZBOURG, Le vertige, I, Coll. « Points », Paris, Seuil, 1967, p. 317 (Adapté
d’après http://hypo.ge.ch, page consultée le 31 octobre 2007)
occuper certains postes administratifs réservés aux déportés. Il en était

231

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Repères 87 L’Organisation des Nations unies :
objectifs et fonctionnement d’une institution mondiale
Le point sur...

Casques bleus*, Conseil de Sécurité, FAO, droit de veto, UNICEF…, autant de termes qui évoquent les
Nations unies. Quelle réalité recouvrent-ils ? Quels sont les objectifs de l’ONU ? Comment est-elle organisée ?

Antécédents et initiatives fondatrices


En 1919, à l’issue du premier conflit mondial, 42 pays créent la Société des Nations (SDN) qui devait empêcher le retour de la
guerre. Mais la SDN se montre incapable d’enrayer l’expansionnisme des puissances de l’Axe et la Seconde Guerre mondiale.
L’idée de créer une Organisation des Nations unies est déjà esquissée dans la charte de l’Atlantique, signée en août 1941 par le
président américain Franklin Roosevelt et par Winston Churchill, Premier ministre du Royaume-Uni. Ce document définit quelques
principes pour l’après-guerre : sécurité, liberté des mers, autodétermination des peuples, désarmement...
Le 1er janvier 1942, les États-Unis signent, avec leurs 25 alliés, la déclaration des Nations unies, qui reprend les principes de la
charte de l’Atlantique. En 1943, les quatre grands (URSS, États-Unis, Royaume-Uni et Chine) signent la déclaration de Moscou,
dans laquelle ils appuient « la nécessité d’établir, aussitôt que possible, une organisation internationale fondée sur l’égale
souveraineté de tous les États pacifiques (…) afin d’assurer le maintien de la paix ».

Du projet à sa réalisation
En 1944, des juristes américains, russes, anglais et chinois se réunissent à Dumbarton Oaks, près de Washington, pour élaborer les
rouages de cette organisation. Au terme de cette rencontre, ils soumettent à l’examen des Alliés un projet d’organisation mondiale.
Il est complété en 1945, lors de la rencontre de Yalta (→ 44) et de la conférence de San Francisco. La charte des Nations unies
y est signée le 26 juin 1945, par 51 pays qui représentent alors seulement deux cinquièmes de la population mondiale. En 2007,
l’ONU compte 192 États membres. Les seuls à ne pas adhérer à l’ONU sont le Saint-Siège et Taïwan.

1 Casques
supervise bleus décide
2

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL CONSEIL DE SÉCURITÉ


1 secrétaire général 5 membres permanents (avec
élu pour 5 ans droit de veto) : Chine, États-Unis,
21
1 COUR INTERNATIONALE DE rééligible URSS/Russie, Royaume-Uni,
JUSTICE France
15 juges élus pour 9 ans
élit et 10 membres élus pour 2 ans
sur proposition du votent des résolutions
Conseil de Sécurité
CONSEIL ÉCONOMIQUE
44-45 ET SOCIAL
54 membres élus pour 3 ans élit ASSEMBLÉE
„ Organe de délibération et
GÉNÉRALE
contrôle d’expression de TOUS les
1 État = 1 voix
membres
Tous les États membres
Institutions spécialisées „ Organes de décision
1 session ordinaire par an
93 PNUD, UNICEF, HCR,... „ Organes consultatifs
„ Opérations de maintien de la paix

Les institutions de l’ONU

232

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2 Nous, peuples des Nations unies, résolus : (…). Celles-ci peuvent comprendre l’interruption (…) des relations économiques
- à préserver les générations futures du fléau de la guerre (...) ; et des communications (…), ainsi que la rupture des relations diplomatiques.
- à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, Art. 42 - (…) Le Conseil de Sécurité (…) peut entreprendre, au moyen de forces
dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien
des hommes et des femmes, ainsi que des Nations, grandes et petites ; ou au rétablissement de la paix (…).
- à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et au respect des Art. 43 - 1 - Tous les membres des Nations unies (…) s’engagent à mettre à la
obligations nées des traités (...) ; disposition du Conseil de Sécurité, (…) les forces armées, l’assistance et les
- à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix (…).
une liberté plus grande (…) Art. 53 - 1 - Le Conseil de Sécurité utilise, s’il y a lieu, les (…) organismes régionaux
avons décidé d’associer nos efforts pour réaliser ces desseins. pour l’application des mesures coercitives prises sous son autorité. (…)
En conséquence, nos Gouvernements respectifs, par l’intermédiaire de leurs Art. 55 - En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires
représentants, réunis en la ville de San Francisco, (...) établissent par les présentes pour assurer entre les Nations des relations pacifiques et amicales (…), les
une organisation internationale qui prendra le nom de Nations unies. Nations unies favoriseront : (…) le développement (…) dans les domaines
Art. 1 - Les buts des Nations unies sont les suivants : économique, social, de la santé publique (…), et la coopération internationale
1. Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin (…) réaliser, par dans les domaines de la culture intellectuelle et de l’éducation ; le respect
des moyens pacifiques, (…) le règlement de différends (…) ; universel et effectif des droits de l’homme (…).
2. Développer entre les Nations des relations amicales fondées sur le respect Art. 57 - 1 - Les diverses institutions spécialisées créées par accords inter-
du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer gouvernementaux et pourvues (…) d’attributions internationales étendues dans
d’eux-mêmes (…) ; les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l’éducation,
3. Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes de la santé publique et autres domaines connexes sont reliées à l’Organisation
internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en (…).
développant et en encourageant le respect des droits de l’homme (…) pour Art. 73 - Les membres des Nations unies qui ont ou qui assument la responsabilité
tous (…). d’administrer des territoires dont les populations ne s’administrent pas encore
Art. 2 - 7 - Aucune disposition de la présente charte n’autorise les Nations unies complètement elles-mêmes reconnaissent le principe de la primauté des
à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence intérêts des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission
nationale d’un État (…). sacrée l’obligation de favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité (…)
Art. 11 - 3 - L’Assemblée générale peut attirer l’attention du Conseil de Sécurité et, à cette fin :
sur les situations qui semblent devoir mettre en danger la paix et la sécurité - d’assurer, en respectant la culture des populations en question, leur progrès
internationales. (…) politique, économique et social, ainsi que le développement de leur instruction,
Art. 24 - 1 - Afin d’assurer l’action rapide et efficace de l’Organisation, ses de les traiter avec équité et de les protéger contre les abus ;
membres confèrent au Conseil de Sécurité la responsabilité principale du - de développer leur capacité de s’administrer elles-mêmes, de tenir compte des
maintien de la paix et de la sécurité internationales (…). aspirations politiques des populations et de les aider dans le développement
Art. 27 - 3 - Les décisions du Conseil de Sécurité (…) sont prises par un vote progressif de leurs libres institutions politiques (…).
affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous
les membres permanents (…). Charte des Nations unies, San Francisco, 26 juin 1945 (D’après www.un.org, page consultée le
Art. 41 - Le Conseil de Sécurité peut décider quelles mesures n’impliquant pas 30 novembre 2007)
l’emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions

3 Programmes et Fonds dépendant de l’Assemblée générale et du Conseil FAO : Food and Agriculture Organization (Organisation pour l’Alimentation
économique et social et l’Agriculture) (Rome)
UNESCO : United Nations Education Science and Culture Organization (Organisation
PNUD : Programme des Nations unies pour le Développement (New York et Genève) pour l’Éducation, la Science et la Culture) (Paris)
HCR : Haut Commissariat aux Réfugiés (Genève) OMS : Organisation mondiale de la Santé (Genève)
UNICEF : United Nations International Children’s Emergency Fund (Fonds des FMI : Fonds monétaire international (Washington) (→ 107)
Nations unies pour l’Enfance) (New York) PNUCID : Programme des Nations unies pour le Contrôle international des
PAM : Programme alimentaire mondial (Rome) Drogues (Vienne)
ONUSIDA : Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Genève)
Groupe de la Banque mondiale (Washington)
PNUE : Programme des Nations unies pour l’Environnement (Nairobi)
HCDH : Haut Commissariat aux Droits humains (Genève) Organisations apparentées dépendant du Conseil de Sécurité
OMC : Organisation mondiale du Commerce (Genève) (→ 107)
Institutions spécialisées autonomes qui travaillent avec l’ONU et qui coopèrent AIEA : Agence internationale de l’Énergie atomique (Vienne)
entre elles dans le cadre du Conseil économique et social
OIT : Organisation internationale du Travail (Genève) Quelques institutions spécialisées de l’ONU et localisation de leur siège (D’après Le système
des Nations unies, sur www.un.org, page consultée le 30 novembre 2007)

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Repères
Le point sur... 88 Vers une justice pénale internationale ?
En 2002, l’ONU instaure, à La Haye, la Cour pénale internationale. Quelles sont les étapes qui ont conduit
à la création de cette première cour permanente à vocation universelle ? Quels obstacles limitent encore
l’application du droit international ?

Les règles de la guerre et le droit international humanitaire


Dès le XIXe siècle, des États européens entreprennent de réglementer l’exercice de la guerre. Ils élaborent les premières
conventions internationales et donnent ainsi naissance au droit international humanitaire.
• Lors de la première convention de Genève (1864), les États signataires s’engagent à protéger les soldats blessés, quel que
soit leur camp. Les conventions de Genève de 1929 et 1949 définissent le statut du prisonnier de guerre. Celui-ci doit être
traité avec humanité, conserve sa personnalité civile, peut recevoir de la correspondance et des colis et expédier du courrier. S’il
est valide, il peut être contraint de travailler pour la puissance ennemie. Il doit être libéré sans délai après la fin des hostilités.
• La convention de 1949 assure aussi la protection des populations civiles en temps de guerre et leur droit au secours.
• La réglementation de l’exercice de la guerre s’élabore progressivement entre 1894 et 1907. Des règles précisent les conditions
de déclenchement, de conduite et de fin d’un conflit.
En 1919, le traité de Versailles prévoit la création d’une cour internationale chargée de juger l’ex-empereur d’Allemagne pour
« offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités » (article 227) et les personnes « accusées d’avoir
commis des actes contraires aux lois et coutumes de la guerre » (article 232). Ces articles ne seront pas appliqués. Pourtant, ils
posent, pour la première fois, les bases d’une justice internationale contre les auteurs de crimes de guerre.

Du procès de Nuremberg à la Cour pénale internationale


• À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés mettent en place, pour la première fois dans l’Histoire, des tribunaux spéciaux :
le tribunal de Nuremberg (1945) et celui de Tokyo (1946). Lors du procès de Nuremberg, 24 dirigeants et 8 organisations nazis
sont jugés. Les quatre chefs d’accusation sont : crimes contre la paix, préparation de guerres d’agression, crimes de guerre
et crimes contre l’humanité. La notion de crime contre l’humanité sera reconnue en 1946 par l’ONU et intégrée dans le droit
international.
• Pendant la guerre froide, l’opposition entre les États-Unis et l’URSS empêche la mise sur pied de tribunaux internationaux.
• La fin de la guerre froide favorise la création de tribunaux spéciaux établis pour traiter de crimes perpétrés à un endroit précis
et à une période déterminée. En 1993, le Conseil de Sécurité crée le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)
à La Haye (Pays-Bas) et, en 1994, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha (Tanzanie).
- Le TPIY a primauté sur les juridictions nationales et poursuit des individus présumés responsables de crimes de guerre
44-45 et de crimes contre l’humanité, y compris le génocide*. Il ne peut prononcer que des peines d’emprisonnement. Dix ans
après sa création, 34 criminels sur les 84 inculpés ont été jugés. Le 28 juin 2001, Slobodan Milosevic, ancien président de la
63 Fédération yougoslave, est le premier chef d’État à comparaître devant un tribunal international. Il décède des suites d’une
crise cardiaque en 2006, avant que son procès soit terminé.
- Au moment de la création du TPIR, le nouveau Gouvernement rwandais, dirigé par des Tutsis (ethnie victime du génocide*
de 1994) est membre non permanent du Conseil de Sécurité (→ 45/2). Il refuse d’emblée que ne soient jugés que les actes
commis en 1994, et pas ceux commis durant les années précédentes. Il déplore surtout que le tribunal ne puisse infliger la
87 peine de mort prévue dans le droit pénal rwandais. Il craint en effet que de simples exécutants, jugés au Rwanda, puissent
être condamnés à mort alors que des organisateurs du génocide*, jugés par le TPIR, pourraient y échapper. En 1998,
97 deux hommes sont, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, condamnés pour génocide*. En 2007, sur
72 personnes arrêtées, 34 ont été jugées et 22 condamnées à des peines d’emprisonnement allant de 6 ans à la prison à
vie. Ils sont essentiellement des élus locaux et quelques hommes d’affaires. Les procès des principaux dirigeants politiques
ou militaires sont toujours en cours.

234

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• Ces tribunaux n’étant chargés de juger que des crimes perpétrés à un endroit précis et à une période déterminée, l’ONU a créé en 2002 une cour siégeant
de manière permanente et à vocation universelle : la Cour pénale internationale. Elle siège à La Haye (Pays-Bas) et est habilitée à juger tout individu ayant
commis un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou ayant participé à un génocide* en quelque lieu que ce soit. Toutefois, plusieurs États (États-Unis,
Chine, Inde, Israël, Iran et Russie) refusent que cette cour juge leurs nationaux.

La loi belge de compétence universelle


En 1993, le Parlement belge a voté la loi de compétence universelle. Elle camps de réfugiés palestiniens à Sabra et Chatila (Liban), en 1982. De même,
permet aux tribunaux belges de juger les auteurs de crimes de guerre, de une plainte a été déposée contre le président américain George Bush, accusé
crimes contre l’humanité et de génocides*, quels que soient l’endroit où de crimes de guerre en Irak.
ils ont été commis et la nationalité des auteurs présumés ou des victimes. La pression diplomatique exercée contre la Belgique a poussé le Parlement, en
Une trentaine de plaintes ont été déposées contre des dirigeants étrangers de 2003, à revoir la loi. Le nouveau texte accorde au Gouvernement la possibilité
premier plan, dont le Premier ministre israélien Ariel Sharon, accusé de crimes de renvoyer la plainte vers le pays dont est originaire l’accusé ou vers la Cour
de guerre et de crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans des pénale internationale.

1
Accusés au procès de Nuremberg (1945-1946) Chefs d’accusation Sentence
dont ils sont
reconnus coupables
Hermann GOERING, maréchal du Reich* et commandant en chef de l’aviation 1, 2, 3, 4 Condamné à mort par pendaison ;
se suicide le 15 octobre 1946, la veille
Joachim von RIBBENTROP, ministre des Affaires étrangères 1, 2, 3, 4 Exécuté par pendaison
Ernst KALTENBRUNNER, chef de la police de sécurité 3, 4 Exécuté par pendaison
Alfred ROSENBERG, ministre des Territoires occupés de l’Est, théoricien du 3, 4 Exécuté par pendaison
Les quatre chefs nazisme
d’accusation étaient Hans FRANK, gouverneur général de Pologne 3, 4 Exécuté par pendaison
les suivants : Wilhelm FRICK, ancien ministre de l’Intérieur 2, 3, 4 Exécuté par pendaison
1. Crimes contre
Julius STREICHER, chef du mouvement antisémite 4 Exécuté par pendaison
la paix
2. Préparation de Fritz SAUCKEL, commissaire de la main-d’œuvre dans les pays occupés 3, 4 Exécuté par pendaison
guerres d'agression Alfred JODL, chef de l’état-major d’opérations des forces armées 1, 2, 3, 4 Exécuté par pendaison
3. Crimes de guerre Arthur SEYSS-INQUART, gouverneur d’Autriche et commissaire du Reich* aux 2, 3, 4 Exécuté par pendaison
4. Crimes contre Pays-Bas
l’humanité.
Wilhelm KEITEL, feld-maréchal et chef du haut commandement des forces 1, 2, 3, 4 Exécuté par pendaison
Quatre
armées
organisations,
le NSDAP, Martin BORMAN, adjoint au Führer* après Hess 3, 4 Mort par contumace1
la Gestapo*, Rudolf HESS, adjoint au Führer* avant Borman 1, 2 Prison à perpétuité ; se suicide en 1987
les SS* et le SD Walter FUNK, président de la Reichsbank 2, 3, 4 Prison à perpétuité ; libéré en 1957
(Service de sécurité Erich RAEDER, commandant en chef de la marine 2, 3, 4 Prison à perpétuité ; libéré en 1955
de la SS*), furent Baldur von SCHIRACH, chef des Jeunesses hitlériennes 4 20 ans de prison
condamnées
Albert SPEER, ministre de l’Armement 3, 4 20 ans de prison
à titre collectif.
Ne comparurent Konstantin von NEURATH, ministre des Affaires étrangères, protecteur de 1, 2, 3, 4 15 ans de prison ; libéré en 1954
pas : Robert LEY Bohême-Moravie
(suicidé) et Gustav Karl DONITZ, commandant en chef de la marine et chancelier* du Reich* 2, 3 10 ans de prison ; libéré en 1956
KRUPP (pour raison Hjalmar SCHACHT, ministre de l’Économie, président de la Reichsbank Non coupable Acquitté
de santé). Franz von PAPEN, chancelier* du Reich* et envoyé extraordinaire à Vienne Non coupable Acquitté
Hans FRITZSCHE, directeur de la radio au ministère de la Propagande Non coupable Acquitté

1
Jugement en l'absence de l'intéressé

Accusés et verdicts du procès de Nuremberg (D’après M. NOUSCHI, Le XXe siècle, Paris, A. Colin, 1995, p. 247)

235

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Repères
Le point sur... 89 Les blocs Est et Ouest
L’affirmation, en 1947, des doctrines Truman aux États-Unis et Jdanov en URSS, marque le début de la guerre
froide. De nombreux États d’Europe, puis du monde, vont s’aligner sur l’un ou l’autre des deux grands et
former ainsi deux blocs. Quelles sont les principales étapes de l’émergence de ces blocs ? Qu'est-ce qui
les distingue ?

Deux systèmes politiques


Tandis que la plupart des États d’Europe occidentale renouent avec la démocratie, au lendemain de la guerre, les peuples d’Europe
centrale et orientale se voient imposer le système communiste, lequel restera en place pendant 40 ans.

L’instauration des démocraties populaires


Lors de la conférence de Yalta, en février 1945, les États-Unis, l’URSS et le Royaume-Uni s’accordent pour que soient formés, dans
tous les pays libérés ou anciens alliés de l'Allemagne, des Gouvernements provisoires chargés d’organiser des élections libres.
• Dans les trois pays qui avaient rallié le camp allemand pendant la guerre (Bulgarie, Roumanie et Hongrie), des Gouvernements
de coalition sont formés. Les postes clés (intérieur, justice, économie) sont attribués à des ministres communistes. Très
actifs et soutenus par les Soviétiques présents à Sofia, Bucarest et Budapest, ces ministres font arrêter les autres ministres
et membres importants des autres partis : accusés de « conspiration », ils sont condamnés, emprisonnés et parfois exécutés,
au terme de procès montés de toutes pièces. Des élections sont organisées ensuite.
– En Bulgarie, dès 1945, les élections sont manipulées et donnent au Parti Communiste 86 % des voix.
– La situation est comparable en Roumanie où le Parti Communiste obtient 72 % des voix en 1946.
– En Hongrie, l’opinion est largement anticommuniste et russophobe, hostile donc à la présence de l’Armée rouge. Les
premières élections sont libres et les communistes n’obtiennent que 17 % des suffrages. Il n’y a que deux ministres
communistes, mais la maîtrise de la police politique et des campagnes de diffamation leur permettent, de 1945 à 1949,
tantôt d’emprisonner, tantôt d’intimider les autres ministres, lesquels s’exilent, se retirent de la vie politique ou se rallient
au Parti Communiste.
• Catholique, la Pologne est profondément anticommuniste et les tensions avec la Russie sont anciennes. Mais elle constitue
pour l’URSS un enjeu stratégique majeur, vu sa position géographique. Des négociations difficiles aboutissent à la formation d’un
Gouvernement provisoire qui réunit des membres du Gouvernement libéral polonais en exil à Londres et des communistes qui
ont formé, en 1945, un Gouvernement en Pologne. Les tensions entre ces deux tendances minent l’action du Gouvernement
provisoire et la guerre civile menace. Grâce à de nombreuses irrégularités, les communistes l’emportent aux élections de
14 1947.
• La Tchécoslovaquie est le seul pays d'Europe centrale à avoir connu la démocratie dans l’entre-deux-guerres. Mais l'admiration
ERIOTSIH pour l’Armée rouge, qui l'a libérée, est grande, comme la méfiance vis-à-vis des Occidentaux depuis les accords de Munich
de 1938. Avec 38 % des voix, les communistes emportent les élections libres de 1946. Mais les difficultés économiques
d’une part, et l’obligation imposée par Staline au Gouvernement tchécoslovaque de refuser le plan Marshall d’autre part,
retournent l’opinion contre les communistes. Au sein du Gouvernement d’union nationale, les tensions entre les ministres
46-47
-47
communistes et non communistes sont nombreuses. Elles conduisent une partie des seconds à boycotter certaines réunions
du Gouvernement. Les communistes en profitent pour s’attribuer l’essentiel des postes et prendre le pouvoir en 1948 : c’est le
50
« coup de Prague ».
• En Yougoslavie et en Albanie, les résistants communistes avaient chassé les nazis sans l’aide de l’Armée rouge. Cette victoire
leur vaut de remporter les élections, avec respectivement 90 % et 98 % des suffrages. En Yougoslavie, Tito préside un
Gouvernement composé presque exclusivement de communistes. Après avoir accepté une présence et une influence soviétiques,
il rompt avec Moscou en 1948 et manifeste ainsi son désir de préserver l’indépendance de la Yougoslavie. Tout en maintenant un
90-92
régime communiste, il deviendra d’ailleurs, avec Nehru et Nasser, un des chefs de file du non-alignement (→ 93).
Entre 1945 et 1949, l’URSS constitue ainsi à son profit un glacis de sept « États satellites ». Un bloc communiste se constitue,
séparé du reste de l’Europe par une barrière de barbelés, le « Rideau de fer ».

236

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La division de l’Allemagne et de Berlin
En juin 1948, Américains, Britanniques et Français créent une monnaie
En 1949, deux États allemands naissent : la République fédérale d’Allemagne commune à leurs zones et à Berlin-Ouest : le mark. Staline réagit en bloquant
(RFA) et la République démocratique allemande (RDA). Cette dernière devient tous les accès (canaux, routes, chemins de fer) à Berlin-Ouest, privant ainsi
le huitième « État satellite » de Moscou. Dans quelles circonstances ? deux millions de Berlinois de vivres, de charbon… : c’est le blocus* de Berlin.
Lors des accords de Yalta, en février 1945, les Alliés décident, à titre transitoire, Les Américains réagissent en instaurant un pont aérien pour ravitailler les
de diviser l’Allemagne et Berlin en quatre zones d’occupation. Mais ils ne habitants.
parviennent pas à s’accorder sur le statut définitif de l’Allemagne. Deux En mai 1949, les Soviétiques lèvent le blocus*, quelques jours après que les
questions les opposent. D’abord, les Soviétiques exigent le prélèvement Occidentaux ont laissé les Allemands de l’Ouest créer la RFA. Six mois plus
de réparations (→ 27/7), ce que refusent les États-Unis et le Royaume-Uni. tard, en octobre 1949, les Soviétiques confient l’administration de leur zone au
Ensuite, l’URSS est favorable à la constitution d’un Gouvernement allemand, Parti Communiste est-allemand, qui crée la RDA.
mais sous la tutelle des quatre occupants. Par contre, les Alliés occidentaux
penchent pour la création d’un État allemand indépendant.

Paix et Liberté est une association créée


en France en 1950 par un député radical
socialiste et soutenue par le Gouvernement
français et la CIA pour s’opposer au Parti
Communiste Français (PCF). Les quatre
joueurs de balalaïka sont des membres
importants du PCF.
Les États baltes ne sont pas des démocraties
populaires* : ils ont été annexés par
l’URSS.
La Chine est devenue communiste en
1949.

1 Danse caucasienne, caricature,


éditée par Paix et Liberté, env. 1951

2 L’Allemagne et Berlin (D’après G. LE QUINTREC [dir.], Histoire


Terminales L/ES, Paris, Nathan, 2004, p. 110)
Deux blocs économiques
Après les aides d’urgence apportées à la Grèce, où s’étend une guérilla mais doivent s’engager à coopérer pour établir la liste de leurs besoins et à
communiste, et à la Turquie et l’Iran, sous pression soviétique, les États-Unis gérer, dans le cadre d’une organisation internationale, la répartition de l’aide
prennent conscience que la misère née de la guerre favorise l’expansion accordée sous forme de dons et de prêts. Cette institution, l’Organisation
communiste. Ils veulent aussi retrouver des partenaires économiques européenne de Coopération économique (OECE) est créée en 1948.
pour éviter la crise et relancer leur économie. En juin 1947, ils proposent à En réponse à l’instauration de l’OECE, l’URSS crée, en 1949, le Comecon
l’ensemble des pays européens, sauf à l’Espagne franquiste, un « programme (CAEM) qui, sous couvert d’entraide économique, vise à orienter les
de relèvement pour l’Europe » : le plan Marshall. L’URSS le refuse et interdit à productions des pays satellites vers les besoins propres de l’URSS.
ses « États satellites » d’en bénéficier. Les Européens de l’Ouest l’acceptent,

Deux alliances militaires


En décembre 1948, soit en plein blocus* de Berlin, des négociations s’ouvrent politique de l’OTAN se situe à Bruxelles (Evere) et le commandement militaire
entre les États-Unis et les Occidentaux, en vue de la conclusion d’une a son quartier général (le Shape) à Casteau, près de Mons.
alliance militaire. Signée en avril 1949, celle-ci institue l’Organisation du Quand la RFA se joint à l’OTAN, en 1955, l’URSS et ses « États satellites », à
Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et unit militairement l’Amérique du Nord l’exclusion donc de la Yougoslavie, forment à leur tour une alliance militaire, le
(États-Unis, Canada) et dix pays d’Europe occidentale. Ils seront rejoints par pacte de Varsovie.
d’autres, dont la Grèce et la Turquie en 1952, et la RFA en 1955. Le siège

237

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Repères
Le point sur... 90 La première guerre froide (1947-1974)
À partir de 1947, le monde vit dans la peur d’un affrontement entre l’URSS et les États-Unis.
Quels sont les faits majeurs de cette première guerre froide ? Comment les relations entre les deux blocs
évoluent-elles et pourquoi ?

Dans les années qui suivent la fin de la Seconde Guerre mondiale, deux blocs se constituent et le monde entre, pour plus de
40 ans, dans la guerre froide. Les tensions entre les deux blocs se manifestent dans différents domaines, dont l’armement (→ 48),
la propagande et la conquête de l’espace (→ 108). Elles débouchent sur des conflits armés, dont la guerre de Corée et celle du
Viêtnam (→ 48) et sur quelques crises, dont le blocus* de Berlin (→ 89) et la crise de Cuba.

La guerre de Corée (1950-1953)


En 1945, la Corée est libérée de l’occupation japonaise, au Nord par l’Armée rouge, et au Sud par l’armée américaine. Les vainqueurs
installent deux zones d’occupation militaire, délimitées par le 38e parallèle. Mais les États-Unis et l’URSS ne parviennent pas à
s’accorder sur les modalités de réunification du pays. Aussi, en 1948, deux États voient le jour : la Corée du Nord, communiste et
pro-soviétique, et la Corée du Sud, pro-américaine.
En 1950, les Nord-Coréens envahissent le Sud. Ils espèrent réunifier le pays, par la force. Staline appuie l’invasion, car il y voit
l’occasion d’étendre l’influence du communisme en Asie, après la victoire de Mao en Chine en 1949.
Les États-Unis, soutenus par des troupes de l’ONU, dont des contingents belges, ripostent. L’URSS refuse l’affrontement direct
et n’envoie pas de soldats. Par contre, la Chine engage des troupes et soutient les Nord-Coréens. En 1951, la ligne de front se
stabilise un peu au nord du 38e parallèle. Lors de l’armistice, signé en 1953, cette ligne devient une frontière qui sépare deux
États : la Corée du Nord et la Corée du Sud.

2 Affiche de propagande éditée par


Paix et Liberté, 1951

14 1 Paix et Liberté est une association créée en


France en 1950 par un député radical socialiste,
ERIOTSIH La guerre et soutenue par le Gouvernement français et
de Corée la CIA pour s’opposer au Parti Communiste
(1950-1953)
Français.
46-48
-48

50

57

89

91 3
Affiche de propagande éditée
par le Parti Communiste
Français, 1951

238

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4 La première guerre froide, 1947-1975

1947 1950 1955 1960 1965 1970 1975


t t t t t t t t t t t t t t t t t t t t t t t t t t t t t
ÉTATS-UNIS Truman Eisenhower Kennedy Johnson Nixon Ford
URSS Staline Khrouchtchev Brejnev
Plan OECE RFA Déstalinisation mais répression Crise de
Marshall OTAN de l'insurrection hongroise Mur de Cuba
t t t t GUERRE t t Berlin t
Kominform* Blocus DE CORÉE t
de
Berlin t t GUERRE DU VIÊTNAM t
Pacte de Fourniture d'armes Expansion
Varsovie au Nord-Viêtnam communiste
t t
République Répression
populaire Voyage de Krouchtchev du Printemps
de Chine aux États-Unis de Prague Nixon
à Pekin
t t t t t t
Coup de Dissolution du Téléphone rouge Traité de non-prolifération
t
Prague RDA Kominform* entre Kremlin et nucléaire
Coexistence Maison-Blanche Accords
pacifique d'Helsinski
t
t Accords
Rupture Chine/ Salt I
URSS
t t t
Sommets États-Unis/URSS
Détente

Vers une « coexistence pacifique » ?


La mort de Staline en 1953 et la déstalinisation* lancée par Nikita Khrouchtchev en 1956 amorcent un premier dégel des
relations Est-Ouest : c’est la « coexistence pacifique ». Cette période n’est pourtant pas exempte de crises graves.
• La nuit du 12 au 13 août 1961, un mur est érigé à Berlin. Il isole Berlin-Ouest du reste de la RDA. Par l’érection
de ce mur, les autorités est-allemandes entendent endiguer l’exode des Allemands de l’Est vers l’Ouest et asphyxier
économiquement Berlin-Ouest.
• En 1962, Cuba est le théâtre d’une des crises les plus graves. Depuis 1959, Fidel Castro a établi, à Cuba, un régime
communiste (→ 57). Les États-Unis répliquent en soutenant un groupe d’anticastristes* qui tente, en vain, de débarquer
dans la baie des Cochons, en 1961. Fidel Castro cherche une protection militaire auprès de Khrouchtchev qui installe,
dans l’île, des rampes de lancement de missiles. Celles-ci sont détectées par des photos aériennes américaines. Le
22 octobre 1962, le président des États-Unis John Kennedy décrète le blocus* total de l’île, exige le démantèlement des
installations existantes et menace de considérer tout lancement d’un engin nucléaire à partir de Cuba comme une attaque
de l’Union soviétique contre les États-Unis. Khrouchtchev s’incline, mais Kennedy doit faire deux concessions : retirer
des missiles installés en Turquie et s’engager à ne plus essayer d’envahir Cuba.
Cette crise contribue à la prise de conscience des risques d’un conflit ouvert, nucléaire, entre les deux grandes
puissances et consolide la « coexistence pacifique ». En 1963, le traité de Moscou sur l’interdiction des essais nucléaires
dans l’atmosphère et dans les mers est signé. La même année, la Maison-Blanche et le Kremlin établissent une ligne de
communication directe par télétype (fax) : le « téléphone rouge ».

La « détente »
Mai 1972, juin 1973, juillet 1974, novembre 1974 : de sommet en sommet, Russes et Américains négocient, malgré la guerre
du Viêtnam (→ 48). La maîtrise des armements progresse (→ 47). La coopération commerciale et scientifique s’organise. 5 La crise de Cuba
La « détente » paraît à son apogée quand, le 17 juillet 1975, les capsules spatiales soviétique et américaine s’arriment
dans l’espace (→ 108). Le rapprochement soviéto-américain est favorisé, entre autres, par la rupture sino-soviétique. En
effet, en 1963, Mao Tse-toung reproche à Khrouchtchev d’avoir « capitulé » à Cuba et rompt les relations diplomatiques avec
l’URSS.

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Repères
Le point sur... 91 La seconde guerre froide (1975-1989)
En 1975, la « détente » se termine et le monde entre dans la seconde guerre froide. Comment ce
refroidissement des relations entre les deux blocs se manifeste-t-il ? Quelles en sont les raisons ?
Comment cette guerre froide se termine-t-elle ?

Le retour des tensions


La puissance américaine est fragilisée successivement par la défaite au Viêtnam en 1975, les suites des chocs pétroliers (1973 et
1979) et la révolution islamique antiaméricaine de 1979 en Iran. L’échec au Viêtnam contribue à susciter un certain isolationnisme*.
De plus, les responsables de l’armée américaine, composée depuis la fin de la conscription, en 1973, de 35 % d’Afro-Américains,
hésitent à engager leurs troupes contre d’autres Africains. Le Congrès américain refuse d’intervenir militairement pour endiguer
la politique soviétique d‘expansion.
L’expansion du communisme s’opère sur trois continents. Sur le continent africain, en Angola (1974) et au Mozambique (1975),
l’URSS arme et entretient des militaires cubains ; en Éthiopie, elle soutient un régime communiste. En Asie, toute la péninsule
indochinoise (Viêtnam, Laos, Cambodge) devient communiste. Au Cambodge, les Viêtnamiens prosoviétiques combattent les
Khmers rouges prochinois. En Amérique latine, plusieurs mouvements communistes reçoivent le soutien de l’URSS, notamment
au Nicaragua, où les sandinistes renversent la dictature pro-américaine de Somoza, en 1979. En réaction, les États-Unis soutiennent
les guérillas anticommunistes comme les Contras au Nicaragua. Les Soviétiques profitent donc de la fragilisation et de la tendance
isolationniste* des États-Unis pour élargir leur sphère d’influence dans le monde. Ils gagnent des points d’appui stratégiques
face aux Américains, et des alliés face au grand rival qu’est devenue la Chine. Ces réussites permettent aussi de masquer les
difficultés intérieures de l’URSS : pénuries, répression à l’encontre des dissidents…
Mais, en décembre 1979, l’invasion de l’Afghanistan par l’Armée rouge tire les États-Unis de leur passivité.

1 Nous sommes confrontés à l'un des défis les plus graves de l'Histoire de la Nation. L'invasion soviétique en Afghanistan est une
menace pour la paix mondiale, pour les relations Est-Ouest, et pour la stabilité régionale ainsi que pour le mouvement du pétrole.
L'attaque soviétique contre l'Afghanistan et l'extermination impitoyable de son Gouvernement ont modifié de façon très menaçante
la situation stratégique de cette partie du monde. Elle a amené l'Union soviétique à une distance d'où l'océan Indien et même le
golfe Persique peuvent être frappés. Elle a éliminé un État tampon entre l'Union soviétique et le Pakistan et place l'Iran face à
une nouvelle menace. Ces deux pays sont maintenant beaucoup plus vulnérables à l'intimidation politique soviétique. Si cette
intimidation s'avérait efficace, l'Union soviétique pourrait très bien contrôler une région d'un intérêt stratégique et économique vital
pour la survie de l'Europe occidentale, de l'Extrême-Orient et finalement des États-Unis. Il est clair que le sous-continent asiatique
47-48
tout entier est menacé et spécialement le Pakistan. Je demande donc au Congrès, en priorité, de voter un ensemble d'aides
économiques et militaires destiné à aider le Pakistan à se défendre lui-même.
50-51
Jimmy CARTER, Discours sur l’état de l’Union, 21 janvier 1980 (D’après Le Monde, 23 janvier 1980, p. 4)
74

De la crise des euromissiles à la fin de la guerre froide


La dernière des grandes batailles de la guerre froide est celle des euromissiles. Ceux-ci sont des missiles intermédiaires* installés en
90 Europe, à l’Est par l’URSS à partir de 1975 (les SS-20) et, en réaction à partir de 1983, à l’Ouest par les États-Unis (les Pershing).
Le déploiement de ces euromissiles suscite des réactions pacifistes de grande ampleur en Europe de l’Ouest. Ainsi, en Belgique,
92 des manifestations se succèdent en 1979, 1981 et 1983, rassemblant de 200 000 à 300 000 personnes. Elles n’empêchent pas
l’OTAN d’installer des Pershings dans plusieurs bases aériennes belges.
100 Le président des États-Unis Ronald Reagan entreprend de compléter le système défensif par un « bouclier anti-missiles » composé
de satellites chargés d’intercepter les missiles soviétiques en plein vol : c’est le fameux programme IDS (Initiative de Défense
stratégique), plus connu sous le nom de « guerre des étoiles ».
L’URSS de Brejnev s’épuise dans cette course aux armements. En 1985, Mikhaïl Gorbatchev arrive au pouvoir. En 1987, il signe

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avec les États-Unis le traité de Washington qui prévoit le retrait des de Berlin et des régimes communistes d’Europe de l’Est en 1989. En 1991,
euromissiles, à l’Est et à l’Ouest. Ce traité marque un premier pas qui conduit l’URSS disparaît, ce qui met fin au pacte de Varsovie et au Comecon. Par
rapidement à la fin de la guerre froide. Celle-ci se marque par la chute du mur contre, l’OTAN subsiste.

La participation des militaires soviétiques au coup d'État en Afghanistan suscite de vives inquiétudes à En septembre 1979, Amin, chef communiste
2 Washington et à Pékin. C'est la première fois depuis la dernière guerre que l'URSS intervient militairement afghan, renverse le président pro-URSS
en dehors de sa zone d'influence directe en violation des accords de Yalta. Pour Moscou, de toute Taraki, soutenu par Moscou. Ce dernier
évidence, il s'agit d'éviter une évolution qui aurait constitué une menace pour sa sécurité, et cela pour a réalisé des réformes qui ont soulevé
plusieurs raisons. contre lui les musulmans et suscité des
Tout d'abord, le régime mis en place contre la volonté de Moscou par le président Amin était voué à insurrections militaires. Amin, ne parvenant
l'échec. La brutalité de sa répression contre les musulmans aurait fini par dresser contre lui l'ensemble pas à ramener l’ordre, appelle à l’aide
du monde islamique. Amin avait surexcité la colère des musulmans en prenant une série de mesures Moscou, qui, après beaucoup d’hésitation,
envoie des troupes en décembre 1979 et
révolutionnaires en totale contradiction avec les enseignements du Coran. Dès son arrivée au pouvoir, le
met au pouvoir Babrak Karmel. Les États-
nouveau président, M. Karmel, a indiqué que la propriété privée et le droit des familles seraient restaurés,
Unis arment et financent les moudjahidines*
de même qu’une totale liberté pour « la sainte religion de l'Islam ». II n'est pas certain que ces concessions afghans et leurs alliés arabes ou pakistanais,
suffiront à apaiser les chefs religieux, foncièrement anticommunistes et antisoviétiques. Il faudra aussi qui se battent contre l'Armée rouge. Ils ont
une répression, à laquelle devront participer les troupes soviétiques, l'armée afghane étant disloquée et ainsi distribué des lance-missiles portables
même ayant rallié en partie les maquis musulmans. Pour Moscou, cette pacification est essentielle, car il aux talibans*, liés à Al-Qaïda. Cette aide ne
faut éviter que les 50 millions de musulmans soviétiques soient tentés de suivre une rébellion qui ne doit cessera qu'après l'attentat d'Al-Qaïda contre
pas manquer de susciter des sympathies dans les républiques soviétiques voisines. l'ambassade américaine en Somalie, en
[Ensuite], l'Afghanistan est une pièce essentielle du glacis antichinois que cherche depuis longtemps 1988. L’intervention soviétique suscite aussi
à constituer l'Union soviétique. Les autres éléments de cette ligne défensive sont l'Inde (neutralisme le boycott des jeux Olympiques de Moscou,
bienveillant) et le Viêtnam (allié actif, qui a pour mission de verrouiller l'influence chinoise dans tout le en 1980 (→ 74). Cette guerre a coûté la vie
Sud-Est asiatique). à un million d'Afghans et 13 000 soldats
soviétiques. Le retrait des Soviétiques en
Les audaces du Kremlin, dans La Libre Belgique, 29-30 décembre 1979, p. 4 1989 n' a pas apporté la paix ; l'OTAN s'y
emploie toujours en 2008.

4 La seconde guerre froide, 1975-1989


3 Le 15 janvier 1986, nous avons avancé un
programme échelonné sur 15 ans d’élimination
des armes nucléaires pour la fin du XXe siècle. 1975 1980 1985 1990 1991
(…) Les propositions avaient trait aux missiles
à moyenne portée1, aux armes stratégiques* t t t t t t t t t t t t t t t t t
offensives et à la non-militarisation de l’espace. ÉTATS-UNIS Ford Carter Reagan Bush
(…) Nous désirions distinguer la principale URSS Tcher-
Brejnev Andropov nenko Gorbatchev
menace contre la civilisation, liée aux armes et
aux explosions nucléaires, sans passer sous
GUERRE D'AFGHANISTAN
silence les questions ayant trait à l’interdiction t t
Soljenitsyne Sakharov
et l’élimination des armes chimiques et Archipel du Goulag arrêté
à une réduction massive des armements (A 86) t t
Grèves en Pologne Répression
conventionnels*. (…) « Solidarnosc » t à Pekin
Projet IDS
Avril 1986 nous a enseigné – terrible leçon – ce t
Viêtnam
qu’un atome échappant à tout contrôle pouvait communiste
Manifestations
faire, même quand il s’agissait d’un atome utilisé OTAN pacifistes Traité de Washington :
à des fins pacifiques. Je fais allusion à la tragédie t t t t t démantèlement
L'URSS soutient Euromissiles Annonce Euromissiles
le communisme des euromissiles
de Tchernobyl2. SS-20 des Pershing déployés
en Angola, déployés en euromissiles à l'Ouest
1
au Mozambique Europe
Missiles internédiaires* et en Éthiopie. de l'Est
2
Centrale nucléaire située en URSS (Ukraine) ; l’explosion t
d’un réacteur en avril 1986 provoque une pollution t t t
Chute mur de Berlin
radioactive très importante et très étendue. États-Unis : soutien aux régimes Fin URSS
ou rébellions de droite en Amérique centrale
Mikhaïl GORBATCHEV, Perestroïka, Paris, Flammarion, 1987, (Nicaragua, Salvador...)
p. 334-335, 341

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Repères
Le point sur... 92 URSS : la fin de l’empire (1985-1991)
Le 31 décembre 1991, l’URSS disparaît. Comment la deuxième puissance planétaire, forte d’un immense
empire, d’une Armée rouge que l’on croyait invincible, d’une idéologie conquérante… a-t-elle pu éclater aussi
rapidement ?

Depuis le XVIe siècle, la Russie des tsars s’est étendue vers l’ouest en Europe, vers le sud en Asie centrale et vers l’est en Sibérie,
constituant un grand empire qu’elle domine. Le régime communiste maintient cette situation : composée de 15 républiques et de
nombreuses nationalités* différentes, l’URSS demeure sous l’emprise de la Russie.

Un pays en crise
En 1985, Mikhaïl Gorbatchev est nommé premier secrétaire du PCUS. Il hérite d’un pays en crise.
• Depuis le début des années 1950, le taux de croissance de l’économie soviétique diminue sensiblement. La population en
subit les conséquences : pénuries, files devant les magasins… La planification communiste montre son inefficacité.
• Par ailleurs, l’armée, la politique d’expansion de l’URSS dans le monde et la compétition militaire avec les États-Unis
grèvent lourdement le budget de l’État. L’invasion de l’Afghanistan en 1979 est également lourde de conséquences tant sur
le plan financier que sur le plan humain. L’humiliation de la défaite – c’est le « Viêtnam » soviétique – marque les esprits.
• Sur le plan politique, le régime communiste est dénoncé, à l’intérieur, par quelques intellectuels, comme l’écrivain Soljenitsyne
qui dénonce le Goulag* et le physicien Sakharov, lui aussi défenseur des droits de l’homme. Avec d’autres dissidents*, ils
réclament, dès les années 1970, l’instauration d’un régime démocratique.
• Enfin, la société civile, urbanisée et de plus en plus cultivée, est de moins en moins encline à croire les discours officiels,
constamment démentis pas la réalité. Cette société n’adhère plus à l’idéologie communiste et aspire à plus de libertés,
notamment celle de circuler en Occident.

1 M’adressant à vous pour la dernière fois (...) j’estime et le multipartisme sont devenus une réalité. Les droits de
indispensable d’exprimer mon évaluation du chemin parcouru l’homme sont reconnus comme le principe suprême.
depuis 1985. (...) Le destin a voulu qu’au moment où j’accédais - La marche vers une économie multiforme a commencé,
aux plus hautes fonctions de l’État, il était déjà clair que le pays l’égalité de toutes les formes de propriété s’établit. (...) La
allait mal. Tout ici est en abondance : la terre, le pétrole, le gaz, liberté économique du producteur est entrée dans la loi,
le charbon, les métaux précieux, d’autres richesses naturelles, la liberté d’entreprendre, la privatisation et la constitution
sans compter l’intelligence et les talents que Dieu ne nous a de sociétés par actions ont commencé à prendre force.
pas comptés. Et pourtant, nous vivons bien plus mal que dans En dirigeant l’économie vers le marché, il est important de
les pays développés, nous prenons toujours plus de retard par rappeler que ce pas est franchi pour le bien de l’individu. (...)
rapport à eux. Nous vivons dans un nouveau monde :
50-51 La raison en était déjà claire : la société étouffait dans le carcan - La guerre froide est finie, la menace d’une guerre mondiale
du système de commandement administratif, condamné à est écartée, la course aux armements et la militarisation
58 servir l’idéologie et à porter le terrible fardeau de la militarisation insensée qui a dénaturé notre économie (...) sont stoppées.
à outrance. (...) (...)
Aujourd’hui encore, je suis persuadé de la justesse historique - (…) nous avons renoncé à l’ingérence dans les affaires
des réformes démocratiques entamées au printemps 1985. (...) d’autrui (…).
Une œuvre d’une importance historique a été accomplie : - Les peuples, les nations ont obtenu une liberté réelle pour
- Le système totalitaire, qui a privé le pays de la possibilité qu’il choisir la voie de leur autodétermination. (…)
89
aurait eue depuis longtemps de devenir heureux et prospère, L’ancien système s’est écroulé avant que le nouveau ait pu se
a été liquidé. mettre en marche. (…)
91 - Une percée a été effectuée sur la voie des transformations
Mikhaïl GORBATCHEV, allocution radiotélévisée prononcée le 25 décembre
démocratiques. Les élections libres, la liberté de presse, les
1991 (D’après Le Monde, 27 décembre 1991, p. 3)
libertés religieuses, des organes de pouvoir représentatifs

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Perestroïka* et glasnost*
Dès 1986, Gorbatchev entreprend une vaste politique de réformes politiques secteur privé, ce qui induit la notion de rentabilité et ses conséquences
et économiques. L’année suivante, il signe avec les États-Unis un premier sociales, dont le chômage.
traité de désarmement nucléaire. • Il subit les critiques des réformateurs de tendance libérale (Eltsine) et des
Mais les réformes sont lentes et partielles. conservateurs (Ligatchev). Les premiers lui reprochent la timidité de ses
• Le multipartisme est tardif et limité : l’élection, en mars 1989, du Congrès réformes. Les seconds sont favorables au maintien du communisme et
des députés du peuple, un nouveau Parlement, est issu d’élections non n’apprécient ni la nouvelle orientation de la politique de désarmement qui
entièrement libres : certains nationalistes arméniens ont été emprisonnés va à l’encontre des intérêts du complexe militaro-industriel*, ni les réformes
et écartés de la campagne électorale. internes qui menacent leurs pouvoirs et privilèges.
• La glasnost* ne progresse que lentement : ce n’est qu’en 1988 que le • La glasnost* favorise l’expression des revendications nationalistes
lecteur soviétique peut lire la Déclaration universelle des droits de l’homme. longtemps étouffées par le pouvoir central russe. Plusieurs républiques
L’accident nucléaire de Tchernobyl (Ukraine) en avril 1986 est d’abord révélé qui composent l’URSS demandent d’abord plus d’autonomie, puis exigent
par les pays étrangers et occulté par les autorités soviétiques. l’indépendance. Si Gorbatchev renonce rapidement à maintenir sa mainmise
• La nouvelle Constitution maintient le rôle dirigeant du Parti Communiste sur les démocraties populaires*, il refuse d’accorder l’indépendance aux
qui n'est abrogé qu'en 1990. Les réformes rencontrent des difficultés et républiques fédérées*. Malgré l’usage de la force en Azerbaïdjan et dans
des oppositions. les républiques baltes, la poussée nationaliste est irréversible. L’une après
• Gorbatchev libéralise en partie l’économie, autorisant l’apparition d’un l’autre, les républiques proclament leur indépendance.

2 Dates URSS ou Russie Républiques fédérées*


1985 Nomination de Gorbatchev comme premier secrétaire du PCUS Premières émeutes nationalistes, au Kazakhstan
1986 Dénonciation par Gorbatchev de la « stagnation brejnévienne » et
lancement de la perestroïka* et de la glasnost*
Catastrophe nucléaire de Tchernobyl (Ukraine)
Retour d’exil du dissident* et Prix Nobel de la paix Andreï Sakharov
1987 Libération de quelque 140 dissidents* Manifestation nationaliste à Moscou, par les Tatars de Crimée
Signature par les États-Unis et l’URSS du traité sur la réduction des Manifestation nationaliste en Estonie, puis dans les autres pays baltes,
missiles intermédiaires* contre le pacte germano-soviétique (→ 85). Mouvements nationalistes en
Biélorussie et en Ukraine pour connaître la vérité sur Tchernobyl
1988 Début du retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan Conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Manifestation en Géorgie contre la
russification de leur république. Pays baltes : fronts populaires en faveur
de l’autonomie
1989 Élection du Congrès des députés, qui élit Gorbatchev comme président Les républiques baltes, caucasiennes, moldave et ukrainienne réclament
de l’URSS leur autonomie.
1990 Élections de parlements dans les républiques : victoires des nationalistes La Lituanie, l’Estonie, la Lettonie et la Géorgie proclament leur
et des réformateurs anticommunistes indépendance. Le Parlement de Russie, présidé par Eltsine, proclame son
Le Congrès des députés abroge l’article de la Constitution relatif au rôle autonomie. D’autres républiques suivent.
dirigeant du PC (multipartisme pur et simple).
1991 Dissolution du pacte de Varsovie, puis du Comecon Les troupes soviétiques débarquent dans les capitales baltes, puis se
Élection au suffrage universel d’Eltsine à la présidence de la république retirent à la suite de la pression internationale.
de Russie
Démission de Gorbatchev et fin de l’URSS
La Russie remplace l’URSS à l’ONU.

De Gorbatchev à la fin de l’URSS (1985-1991) : repères

En août 1991, un coup d’État manqué, dû aux communistes conservateurs,


affaiblit encore Gorbatchev tandis que le président russe Eltsine, qui s’est
opposé aux putschistes, en bénéficie. En décembre 1991, les présidents russe,
ukrainien et biélorusse créent une confédération* : la Communauté des États
indépendants (CEI), à laquelle se rallient toutes les républiques, excepté les 3
trois pays baltes et la Géorgie. Celle-ci la rejoint en 1994. Gorbatchev, président
PANCHO, caricature,
d’un État vide, démissionne le 31 décembre 1991. dans Le Monde.
Sélection hebdomadaire,
12-18 avril 1990, p. 1

243

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Repères 93 La fin des empires coloniaux :
pourquoi ?
Le point sur...

Après la Seconde Guerre mondiale, quelques pays européens se partagent encore la plus grande partie
de l’Asie et de l’Afrique. Aujourd’hui, la toute grande majorité des anciennes colonies ont accédé à l’indépendance.
Quels facteurs ont permis ce vaste mouvement de décolonisation ?

L’entre-deux-guerres : les premiers mouvements nationalistes


L’impact de la Première Guerre mondiale
Au cours de la guerre, près de 600 000 soldats indigènes de l’empire colonial français sont mobilisés pour combattre sur
les différents fronts. 57 000 d’entre eux meurent au combat. L’armée britannique puise également dans les populations qui
composent son empire colonial, et particulièrement en Inde où 950 000 Indiens sont mobilisés. Témoins de la cruauté de la guerre,
ils découvrent un autre visage de cette Europe, qui se présente pourtant comme « la civilisation ». Après 1918, de retour dans
les colonies, sans travail et sans ressources, ils estiment que la métropole* leur est redevable des sacrifices qu’ils ont endurés.
Mais ils redeviennent des colonisés, dépourvus des droits et des libertés dont bénéficient les citoyens de la métropole*.
L’influence du communisme
Dès 1919, Lénine se veut l’instigateur d’une révolution communiste mondiale, à la fois en direction de l’Europe et des colonies.
Le Manifeste de l’Internationale communiste aux prolétaires du monde entier signale que « l’affranchissement des colonies » doit
« s’accomplir en même temps que celui de la classe ouvrière des métropoles ». Il est entendu en Indochine où Ho Chi Minh crée
le Parti Communiste indochinois en 1930.
Le développement d’une élite indigène
Même si elles sont peu nombreuses, un certain nombre de personnes issues des colonies gagnent la métropole*, notamment
pour y faire des études. Ces intellectuels s’approprient les idées de liberté et de justice sociale développées en Occident. D’autres,
comme Ghandi, puisent ces valeurs dans leurs propres cultures ou religions. De retour au pays, ils créent ou soutiennent des
mouvements nationalistes. C'est le cas de Gandhi et Nerhu en Inde, Bourguiba en Tunisie, Soekarno en Indonésie. En Inde, dès
1919, Gandhi déclenche une campagne de désobéissance civile et de boycott des produits étrangers.
Les effets de la crise économique mondiale
La crise des années 1930 provoque une contraction des exportations vers leur métropole* et donc une réduction des revenus, déjà
faibles, des travailleurs dans les colonies. Des troubles sociaux éclatent. Ceux-ci sont durement réprimés par le pouvoir colonial.

Après la Seconde Guerre Mondiale : la décolonisation en marche


Les suites de l’immédiat après-guerre
28 • La Seconde Guerre mondiale révèle la faiblesse des métropoles* : pendant une bonne partie du conflit, l’Allemagne et le
Japon ont mis en échec les armées alliées.
52-53 • L’effort de guerre demandé aux populations des colonies s’intensifie. 230 000 soldats nord-africains sont engagés dans
les combats ; 375 000 Africains servent dans les armées britanniques. Dans certaines colonies, le travail forcé est rétabli et la
fiscalité s’alourdit, ce qui accentue les mécontentements.
• La charte des Nations unies de juin 1945 comprend un article par lequel les membres s’engagent à « tenir compte des aspirations
politiques des populations » des colonies et à « les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions ». En
124 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme (→ 21) proclame l’égalité des races et le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, notion déjà affirmée par le président des États-Unis Wilson, en 1919.

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La position de l’URSS et des États-Unis
Les deux grands vainqueurs de la guerre sont aussi favorables au mouvement d’émancipation des colonies. Pour des raisons idéologiques et stratégiques,
l’URSS y voit un moyen de contrer « l’impérialisme capitaliste » : la plupart des puissances coloniales font en effet partie du bloc de l’Ouest. De leur côté, les
États-Unis, en soutenant les mouvements nationalistes, espèrent développer leur influence économique et politique dans le monde. Ils rappellent en outre qu’ils
ont été les premiers à se libérer de la colonisation britannique, en 1776.
La prise de conscience de Bandoeng
En 1955, une conférence afro-asiatique se tient à Bandoeng (Indonésie), à l’initiative de l’Inde, du Pakistan, de Ceylan, de la Birmanie et de l’Indonésie. Les
participants y condamnent le colonialisme. Cette conférence est aussi le point de départ de la création du mouvement des non-alignés, qui sera fondé à
Belgrade en 1961, à l’initiative de Nasser et en présence de Tito et de Nehru. 25 chefs d’États y publient la charte du non-alignement qui réclame l’instauration
d’une coexistence pacifique entre les blocs et affirme le droit des peuples à l’autodétermination et à la libre disposition de leurs richesses.
La situation dans les métropoles européennes
Dès l’entre-deux-guerres, certains pressentent l’évolution et préconisent le passage progressif vers l’indépendance. C’est notamment le cas des gouverneurs
généraux du Congo belge, Pierre Ryckmans et Léo Pétillon, et de certains membres de la hiérarchie catholique belge. Mais la toute grande majorité de l’opinion
publique et des dirigeants politiques refuse l’indépendance des colonies. C’est encore le cas, en Belgique, en 1955, quand le roi Baudouin réalise son premier
voyage au Congo et en 1956, quand Jef Van Bilsen lance son « plan de trente ans ».
Tous ces éléments favorisent le développement de mouvements de libération nationale. Les premières indépendances serviront ensuite d’exemples aux
peuples encore colonisés.

1 La conférence afro-asiatique a discuté des problèmes des peuples 2 La poussée démographique, dans un pays essentiellement agraire, au
dépendants et du colonialisme et des maux résultant de la soumission sol pauvre et au climat ingrat, a pour résultat le sous-emploi chronique,
des peuples à l’assujettissement de l’étranger, à leur domination et à leur la désertion des campagnes au profit des bidonvilles, la misère et le
exploitation par ce dernier. La conférence est d’accord : désespoir d’une foule croissante d’individus et de familles. Tandis
1) Pour déclarer que le colonialisme, dans toutes ses manifestations, est que ce sous-prolétariat s’accroît et s’aigrit chaque jour davantage,
un mal auquel il doit être mis fin rapidement ; une petite bourgeoisie musulmane, instruite à notre contact, cherche
2) Pour déclarer que la question des peuples soumis à l’assujettissement à vainement un débouché non seulement économique, mais encore et
l’étranger, à sa domination et à son exploitation constitue une négation surtout administratif et politique. Or, elle ne le trouve pas. La proportion
des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la charte des Nations de musulmans dans l’administration reste infime ; toutes les réformes
unies et empêche de favoriser la paix et la coopération mondiales ; (…) ont été systématiquement repoussées ou sabotées. Il faut avoir
3) Pour déclarer qu’elle appuie la cause de la liberté et de l’indépendance le courage de reconnaître que la plupart de nos promesses n’ont pas
de ces peuples ; été tenues. (...) D’où un double mécontentement : le malaise social
4) Et pour faire appel aux puissances intéressées pour qu’elles accordent de la masse, le malaise politique de l’élite. En se rejoignant, ces deux
la liberté et l’indépendance à ces peuples. malaises constituent une force explosive énorme.

Communiqué final de la conférence afro-asiatique de Bandoeng, 24 avril 1955 (D’après Jacques SOUSTELLE, Rapport au Gouvernement Edgar Faure, 1er juin 1955 (D’après
A. CONTE, Bandoeng tournant de l’Histoire, Paris, Robert Laffont, 1965, p. 315) R. ARON, Les origines de la guerre d’Algérie, Paris, Fayard, 1962, p. 242-243)

3 Les leaders soviétiques, en établissant leur stratégie de conquête mondiale, dire trois choses :
utilisent le nationalisme comme stratagème pour gagner les peuples colonisés. - que nous poussons vers le self-government plus qu’il n’apparaît en surface ;
(…) - que là où nous mettons un frein, c’est dans la conviction raisonnée qu’une
En découle un programme en deux temps : en premier lieu des agitateurs action précipitée ne conduirait pas en fait à l’indépendance mais à une servitude
communistes stimulent les aspirations nationalistes jusqu’à la rébellion violente plus dure que la dépendance présente ; nous savons distinguer les cas où la
contre l’ordre établi. Ensuite avant même que l’indépendance fraîchement possibilité d’invoquer la menace communiste est susceptible de justifier des
acquise puisse se consolider, les communistes cherchent à noyauter les délais, et le cas où il n’existe pas de raison valable.
nouveaux Gouvernements pour mieux entraîner les peuples dans l’orbite Nous avons de bonnes raisons de souhaiter maintenir l’unité avec nos alliés
soviétique. occidentaux, mais nous n’avons pas oublié que nous fûmes la première
Ce complot est en marche. Dans toutes les nouvelles zones indépendantes ou colonie à arracher l’indépendance. Et nous n’avons donné de chèque en blanc
dans celles qui aspirent à le devenir, les communistes opèrent ainsi, déguisés à aucune puissance coloniale.
en patriotes locaux.
John FOSTER DULLES, discours devant le Congress of Industries Organization, Cleveland,
Peut-être certains d’entre vous trouvent-ils que notre Gouvernement ne pousse
18 novembre 1953 (Adapté d’après E. BRISSON, G. DERMENJIAN, A.M. FILIPPI-CODACCIONI,
pas la politique de liberté aussi vigoureusement qu’il le faudrait. Je peux vous M.-H. KNIGHT-BAYLAC et C. MAZET, Histoire Terminales, Coll. « Quétel », Paris, Bordas, 1989, p. 71)

245

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Repères
Le point sur... 94 Les racines du sous-développement
Pays du « tiers-monde », pays « sous-développés », pays « en voie de développement », pays « moins avancés »…,
les termes ne manquent pas pour qualifier la majeure partie de l’Afrique, de l’Asie méridionale et de
l’Amérique latine, soit plus des trois quarts de la population mondiale. Quelles sont les causes
historiques des difficultés souvent dramatiques que rencontrent ces populations ?

Colonisation hier, sous-développement aujourd’hui ?


Apparue sous la plume d’Alfred Sauvy en 1952, l’expression « tiers-monde » désigne un ensemble de régions qui correspond,
en bonne partie, aux anciens empires coloniaux européens. Bien sûr, les causes du sous-développement ne résident pas
uniquement dans le passé colonial. Elles sont aussi d’ordre géographique (relief hostile, situation défavorable, sols stériles, climat
sévère…), politique (instabilité, corruption, rivalités ethniques…), militaire (importance des dépenses militaires dans le budget
de l'État, conflits internes…), économique (insuffisance des moyens de communication, faible développement technologique,
modes de propriété du sol…) et social (accès réduit à l’éducation, structures sociales inégalitaires…). Il faut de plus noter que
la colonisation a eu des conséquences positives pour les peuples colonisés : création et/ou développement des infrastructures
économiques et des moyens de communication, progrès en matière sanitaire, développement limité de l’enseignement…
Toutefois, la colonisation explique aussi, pour une part, les difficultés actuelles.

• La fixation des frontières des colonies s’est effectuée sans tenir compte des réalisés ethniques et religieuses locales, ce
qui a mené à la constitution d’États souvent hétérogènes. En privilégiant tel ou tel groupe local, les colonisateurs ont parfois
renforcé les clivages ethniques.
• Le développement de l’enseignement n’a touché qu’une petite minorité : peu de colonisateurs ont eu le souci de préparer les
5-6 peuples colonisés à l’indépendance en formant une « élite » capable de gérer le pays. Quand le Congo accède à l’indépendance
en 1960, il ne compte qu’un seul diplômé universitaire.
• Le système économique colonial qui consiste à exporter vers la métropole les matières premières de la colonie pour les
transformer en produits finis, n’a pas disparu avec les indépendances. Il régit toujours les relations entre les pays industrialisés
54
4 et leurs anciennes colonies. Cette nouvelle forme de domination est appelée « néocolonialisme ». Celui-ci explique en
bonne partie l’importante dette des pays du Sud par rapport aux pays du Nord. En effet, la faiblesse des rentrées de
63 devises et le coût des biens d’équipement achetés à l’étranger contraignent les jeunes États à s’endetter en contractant des
prêts. Ces prêts servent à financer des programmes de développement, des dépenses militaires… et le paiement des intérêts
72 que les pays du Sud sont souvent empêchés de rembourser, étant donné, notamment, la diminution des prix des matières
premières. Cette situation a amené le FMI à imposer, à partir de 1982, des politiques d’ajustement structurel pour réduire
l’endettement de ces États. Elles comportent différentes mesures, dont la réduction des dépenses publiques en matière
d’éducation, de santé, d’infrastructures… ; ce qui limite donc davantage encore les marges d’action des Gouvernements en
matière de développement.
96 Les gouvernants actuels des pays en voie de développement ont donc hérité d’une situation extrêmement difficile à gérer et dont
plusieurs éléments viennent tout droit de la colonisation de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
98

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1 Nous parlons volontiers des deux mondes en présence, de leur guerre possible, de leur coexistence, etc., oubliant trop souvent qu’il en existe un troisième,
le plus important et, en somme, le premier dans la chronologie. C’est l’ensemble de ceux que l’on appelle, en style Nations unies, les pays sous-développés.
(…)
Peut-être, à sa vive lueur, le monde n° 1 pourrait-il, même en dehors de toute solidarité humaine, ne pas rester insensible à une poussée lente et irrésistible,
humble et féroce, vers la vie. Car enfin, ce tiers-monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut, lui aussi, être quelque chose.
Alfred SAUVY, Trois mondes, une planète, dans L’Observateur, 14 août 1952 (D’après J.-P. LAUBY et A. SAUGER [dir.], Histoire-Géographie. Terminales, Paris, Magnard, 1998, p. 108)

3 En détenant l’essentiel des marchés de consommation des matières


de base, ainsi que le quasi-monopole de la fabrication des produits
manufacturés et des biens d’équipement, en détenant aussi les
monopoles des capitaux et des services, les pays développés ont pu
fixer, à leur guise, tant les prix des matières de base qu’ils prennent
aux pays en voie de développement que ceux des biens et services
qu’ils fournissent à ces derniers.
De la sorte, ils se trouvent dans une position où ils peuvent drainer
à leur profit et par une multitude de canaux les ressources des pays
du tiers-monde.
Tel est le fondement de l’ordre économique mondial que nous vivons
aujourd’hui. Aux yeux de l’immense majorité de l’espèce humaine, il
se présente comme un ordre qui est aussi injuste et aussi périmé que
l’ordre colonial duquel il tire son origine et sa substance.
Houari BOUMÉDIÈNE, Discours à l’Assemblée générale des Nations unies,
New York, 10 avril 1974 (D’après M.-H. BAYLAC [dir.], Histoire Terminales, Paris,
Bordas, 1998, p. 249)
2 STIKI, caricature, dans Demain le monde, n° 87, octobre 2004, p. 35

4 Si la plupart des pays du tiers-monde sont aujourd’hui politiquement encore la dépendance économique des pays du tiers-monde. (…) Par les
indépendants, peu d’entre eux peuvent se dire économiquement souverains. ventes (…) de ces produits (…), l’économie dépend des vicissitudes des
(…) marchés extérieurs et de la spéculation*. De plus, (…) l’effet d’entraînement
Une grande partie de la production des pays sous-développés est entre les d’une telle production [sur l’ensemble de l’économie de ces pays] est
mains de firmes étrangères. (…) Les centres de décision de ces entreprises faible, car, ni au niveau de la formation des ouvriers, ni au niveau du progrès
se trouvent à l’extérieur du pays, et leur politique (…) prend rarement en technique induit, les actions d’impulsion ne sont grandes dans ces secteurs
considération l’intérêt de la nation où elles sont implantées. (…) La domination [formation et recherche] (…). [De plus], l’augmentation de productivité* (…)
que ces entreprises multinationales* exercent dans le tiers-monde est ne peut pas se traduire par une hausse des salaires lorsque (…) l’offre de
d’autant plus grave que les effets induits favorables aux intérêts de ces pays travail (…) demeure illimitée et que cette main-d’œuvre se contente d’un
sont (…) limités (…) [notamment] au niveau de l’emploi et de la redistribution salaire tout juste proche du minimum vital.
des revenus. (…)
Jacques AUSTRUY, Néocolonialisme, dans Encyclopædia Universalis. Corpus, XVI, Paris,
La nature des productions dans lesquelles ces pays sont spécialisés [des
Encyclopædia Universalis, 1996, p. 141-142
matières premières exportées sans transformation locale], en grande partie
sous l’influence des besoins des anciens pays [colonisateurs], accentue

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Repères 95 L’Union européenne :
construction et fonctionnement
Le point sur...

Quelles étapes ont rythmé la construction de l’Union européenne ? Quelles sont, aujourd’hui, les institutions
européennes ?

1950 : Déclaration Schumann (→ 55/1) Europe des 6 :


1951 : Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA, dissoute en 2002) (→ 55/2) Allemagne, Belgique,
Années
1950

1954 : Échec du projet de Communauté européenne de Défense (CED), rejeté par la France France, grand-duché de
1957 : Traités de Rome (→ 55/4 et 5) Luxembourg, Italie, Pays-
- Communauté économique européenne (CEE) ou « Marché commun » Bas
- Communauté européenne de l’Énergie atomique (CEEA ou Euratom)
1962 : Entrée en vigueur de la Politique agricole commune (PAC)
1963 : Opposition de la France à l’entrée du Royaume-Uni
Années
1960

1969 : Conférence de La Haye :


- octroi de ressources propres à la Communauté (droits de douanes et une fraction de la
TVA)
- fin du veto français à l’entrée du Royaume-Uni
1972 : Création du Système monétaire européen (SME) qui limite les fluctuations des taux de Europe des 9 : Royaume-
Années

change entre les monnaies des pays membres Uni, Danemark et Irlande
1970

1975 : Accords de Lomé : la Communauté s’affirme comme un interlocuteur valable face aux (1973)
États-Unis, au Japon, à l’URSS et aux pays en voie de développement.
1979 : Premières élections du Parlement européen au suffrage universel
1987 : Acte unique européen qui prévoit la création d’un « espace sans frontières intérieures » ou Europe des 12 :
Années
1980

marché unique, dès 1993 Grèce (1981), Espagne et


1989 : La Commission, puis les 12, décident d’engager le processus devant conduire à une Union Portugal (1986)
économique et monétaire (UEM).
1990 : Convention de Schengen : suppression des contrôles aux frontières entre huit pays et Europe des 15 :
concertation policière à l’intérieur de l’« espace Schengen » Finlande, Suède et
1992 : Traité sur l’Union européenne signé à Maastricht (→ 55/6) Autriche (1995)
Années
1990

1997 : Le traité d’Amsterdam intègre la convention de Schengen et introduit le concept de


coopération renforcée qui permet à un nombre restreint d’États de poursuivre l’intégration
européenne sans être bloqués par des États plus hésitants.
1999 : L’euro remplace les monnaies nationales de 12 pays sur les marchés financiers.
La Banque centrale européenne (BCE) gère la politique monétaire de l’Europe.
4
2002 : Mise en circulation de l’euro dans 12 pays (→ 55/8) Europe des 27 :
2004 : Signature du projet de traité constitutionnel par les 25 représentants des pays de l’Union République tchèque,
Années

2005 : La France et les Pays-Bas rejettent, par référendum*, le projet de traité constitutionnel Estonie, Chypre, Lettonie,
2000

(→ 4/3, 4 et 5) Lituanie, Hongrie, Malte,


55 2005 : Ouverture des négociations d’adhésion avec la Turquie (→ 4/1 et 2) Pologne, Slovénie et
2007 : Approbation par le Conseil européen du traité de Lisbonne dit « traité modificatif » (→ 55/9) Slovaquie (2004), Bulgarie
et Roumanie (2007)
Les étapes de la construction européenne

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2 consultation
COMITÉ
avis ÉCONOMIQUE ET
CONSEIL EUROPÉEN SOCIAL
orientations COMMISSION
27 chefs d’État ou de
EUROPÉENNE app
Gouvernement liqu
27 commissaires el consultation
es COMITÉ
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CENTRALE

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monétaire
EUROPÉENNNE

PARLEMENT
co-décision
CONSEIL DE L’UNION EUROPÉEN COUR
27 ministres concernés avis 785 députés contrôle DES
345 Voix COMPTES

élection au

universel
suffrage
contrôle COUR DE
JUSTICE
GOUVERNEMENTS DES 27 ÉTATS MEMBRES de l’UE et tribunal de
rs première instance
ou
rec
CITOYENS DES 27 ÉTATS MEMBRES de l’UE

Les institutions de l’Union européenne en 2007

• Le Conseil des ministres ou Conseil de l’Union Il contrôle démocratiquement la Commission est saisie par un tribunal national, qui a l’obligation
a son siège à Bruxelles. II réunit les ministres en approuvant ou refusant la désignation des de lui demander son avis, sur l’interprétation ou la
nationaux selon la matière à traiter. Chaque pays commissaires et peut censurer la Commission validité du droit communautaire par rapport aux
exerce la présidence pour six mois et détient un dans son ensemble. Celle-ci est politiquement droits nationaux. Elle est secondée par le Tribunal de
certain nombre de voix, plus ou moins important responsable devant le Parlement. Première Instance qui peut prendre des décisions
selon le poids de sa population. Ce chiffre est • La Commission est dirigée par un collège de sur des recours introduits par des personnes
cependant pondéré en faveur des pays les moins 27 membres et siège à Bruxelles. Sa composition physiques ou des entreprises, ainsi qu’au sujet du
peuplés. Les décisions sont prises, dans la plupart est fixée après chaque élection du Parlement. Le respect des règles de concurrence.
des cas, à la majorité qualifiée, soit 255 votes sur président est désigné par les Gouvernements • La Banque centrale européenne, qui siège à
345. L’unanimité est requise pour les matières des États membres et nomme les commissaires, Francfort, définit et met en œuvre la politique
jugées essentielles. Dans 70 % des cas environ, en accord avec eux. Les commissaires ont un monétaire de l’Union.
le Conseil des ministres légifère conjointement mandat de cinq ans. La Commission soumet • La Cour des Comptes siège à Luxembourg. Elle
avec le Parlement européen : les propositions de des propositions au Conseil des ministres et au vérifie la légalité et la régularité des recettes et des
la Commission doivent alors être approuvées à la Parlement. Elle applique la politique et le budget de dépenses de l’Union.
fois par le Conseil de l'Union et par le Parlement. l’Union et la représente sur la scène internationale. • Le Comité économique et social, qui siège
Dans les autres cas, le Parlement délivre des avis • Le Conseil européen réunit, quatre fois par an, les à Bruxelles, est un organe consultatif de
et le Conseil de l'Union décide. Ses décisions sont chefs d’État ou de Gouvernement, leurs ministres 344 membres. Il représente les milieux économiques
appelées, selon les cas, « règlement », « décision » des Affaires étrangères, Ie président et un et syndicaux. II doit être consulté avant toute
ou « directive ». Avec le Parlement, le Conseil des vice-président de la Commission. Il donne les décision économique ou sociale.
ministres possède le pouvoir budgétaire. grandes orientations de la politique européenne et • Le Comité des Régions, qui siège à Bruxelles, est
• Le Parlement européen compte 785 députés élus tranche les questions qui n’ont pas pu être réglées un organe consultatif de 344 membres composé
au suffrage universel pour cinq ans. Il tient ses par le Conseil de l'Union. Ses réunions sont aussi de représentants des autorités régionales et locales
réunions à Strasbourg ou à Bruxelles. Ses services appelées « sommets ». de l’Union. II doit être consulté avant toute décision
administratifs sont installés à Luxembourg. Les • La Cour de Justice est composée de 27 juges qui concernant les pouvoirs locaux.
députés siègent non par pays, mais par groupe siègent à Luxembourg. Elle vérifie la conformité
politique. Le Parlement exerce, avec Ie Conseil des actes des institutions communautaires et des
des ministres, le pouvoir législatif et budgétaire. États avec les traités. Elle se prononce quand elle

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Repères
Le point sur... 96 L’Amérique latine : vers la démocratie
Bien qu’ils aient adopté des régimes démocratiques lors de leur indépendance au début du XIXe siècle,
les pays d’Amérique latine ont connu une grande instabilité politique. Quelles en sont les raisons ? Quels
facteurs ont permis le retour à la démocratie ? Quel bilan dresser de la situation politique, économique
et sociale du sous-continent latino-américain aujourd’hui ?

Des démocraties aux caudillos*


Devenus indépendants dans le premier quart du XIXe siècle, les États d‘Amérique latine adoptent des régimes politiques libéraux.
Mais des tensions sociales et politiques hypothèquent la survie de ces éphémères régimes démocratiques.
• Au plan social, la concentration de la richesse dans les mains de grands propriétaires terriens et d’industriels ainsi que la
misère de la masse paysanne sont sources de conflits.
• Au plan politique, les conservateurs, qui défendent les propriétaires, l’Église et l’armée, s’opposent aux libéraux qui s’appuient
sur les intellectuels et les membres des professions libérales des grandes villes.
Ces tensions sociales et politiques provoquent, dès le XIXe siècle, de nombreuses révoltes paysannes et un grand nombre de
coups d’État militaires (pronunciamentos). Ceux-ci amènent au pouvoir des caudillos* qui installent des régimes autoritaires. En
1918, seul l’Uruguay bénéficie encore d’un régime démocratique.
Cette instabilité perdure au XXe siècle. Les républiques latino-américaines subissent 90 coups d’État entre 1920 et 1975. Des
soulèvements paysans éclatent périodiquement, notamment au Mexique avec Emiliano Zapata en 1911 et Pancho Vila en 1915.
Dans les années 1930, l’Amérique latine est touchée de plein fouet par la dépression économique consécutive au krach* de 1929.
Cette crise provoque de nombreuses révoltes sociales, qui sont écrasées par des militaires, appuyés par les grands propriéaires,
les industriels et l’Église. Des dictateurs s’installent durablement au pouvoir. Ainsi, de 1930 à 1961, Trujillo occupe le pouvoir en
République dominicaine, comme les Somoza au Nicaragua (1936-1979).

1 Le café dépendait du marché nord-américain, de sa capacité de consommation et de ses prix ; les bananes étaient un
commerce nord-américain, pour les Nord-Américains. La crise de 1929 éclata sans crier gare. (...) Les prix du café et des
bananes s’effondrèrent et le volume des ventes connut le même sort. Les expulsions de paysans redoublèrent avec une
violence fébrile, le chômage s’étendit dans les campagnes et dans les villes, une vague de grèves déferla ; les crédits, les
12
investissements et les dépenses publiques furent réduits brutalement, et les traitements des fonctionnaires diminuèrent de
moitié au Honduras, au Guatemala et au Nicaragua. Les bottes des dictateurs ne tardèrent pas à immobiliser les couvercles
des marmites en ébullition…

16
6 Eduardo GALEANO, Les veines ouvertes de l’Amérique latine, Coll. « Terre humaine », Paris, Plon, 1981, p. 153

ERIOTSIH

À la faveur de la guerre froide


57
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, seuls le Chili, l’Uruguay et le Costa Rica sont restés démocratiques. Mais les
inégalités sociales et l’autoritarisme des régimes en place suscitent l’apparition de mouvements communistes qui entrent en lutte
armée. En 1959, Fidel Castro et Che Guevara renversent le dictateur cubain Batista et installent un régime de gauche, bientôt
communiste et allié à l’URSS. L’exemple cubain suscite d’autres tentatives en Bolivie, où le « Che » prend la tête d’une guerilla,
79 puis en Amérique centrale.
Les États-Unis réagissent en décrétant l’embargo* contre Cuba. Ailleurs, ils soutiennent les juntes* militaires au pouvoir
ou installent de nouveaux régimes forts. En 1973, au Chili, ils soutiennent le coup d’État du général Pinochet qui renverse le
président élu en 1970, Salvator Allende. Jusque dans les années 1980, ces juntes* monopolisent le pouvoir, bafouant les libertés

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politiques et les droits de l’homme au nom de la doctrine dite de « sécurité Durant les années 1945-1980, rares sont les pays qui échappent donc à la
nationale ». À l’inverse, les États-Unis soutiennent les rebelles de la Contra qui dictature : c’est le cas du Costa Rica et du Venezuela.
s’opposent au régime des sandinistes* installés au Nicaragua.

Le long chemin vers la démocratie


À la fin des années 1970 et au long des années 1980, la démocratie se met Tour à tour, à partir de 1979, presque tous les États se débarrassent des
en marche, et ce pour plusieurs raisons. régimes militaires. Cuba fait désormais figure d’exception : Fidel Castro y
• À droite, les difficultés économiques des années 1970-1980 érodent la demeure au pouvoir jusqu’en 2008, où il confie les rênes de l’État à son frère
légitimité des régimes militaires et suscitent la protestation des classes Raul, sans que le peuple cubain ait été consulté.
moyennes et des masses pauvres. À gauche, l'échec des guérillas Dans les années 1990, des mouvements populaires indigènes se
réhabilite les valeurs démocratiques. développent. Ils revendiquent la récupération de leurs terres ancestrales et
• Pays à dominante catholique, les États latino-américains voient se la reconnaissance de leur culture et de leur langue. Dans les années 2000,
développer, entre 1968 et 1978, un courant théologique qui, en intégrant plusieurs dirigeants d’origine indienne sont élus à la présidence : Lula au
des éléments de l’analyse marxiste, aide les couches populaires à prendre Brésil, Chavez au Venezuela, Moralès en Bolivie, Correa en Équateur…
conscience des inégalités dont elles souffrent et à se révolter. L’inspiration
marxiste de cette théologie de la libération conduira le pape Jean-Paul II
à la condamner.

Économie et société 2 L’Amérique latine aujourd’hui

Depuis le XIXe siècle, les investisseurs et les industriels américains sont très présents en Amérique
latine. La dépendance économique vis-à-vis des États-Unis s’accentue après 1945. Ainsi, les
investissements américains passent de 2,7 milliards de dollars en 1940 à 10 milliards de dollars
en 1960. De plus, les juntes* militaires au pouvoir jusque dans les années 1980 pratiquent une
politique économique ultra-libérale qui laisse le champ libre aux multinationales*, américaines
notamment, et à la grande bourgeoisie. Enfin, le FMI prête beaucoup aux États latino-américains
qui ne cessent de creuser leur dette.
Le sous-continent connaît en outre une forte croissance démographique : la mortalité est en
baisse alors que la natalité reste forte. Comme les richesses n’augmentent pas au même rythme
que la population, celle-ci s’appauvrit.
La corruption de la classe dirigeante, les dépenses de prestige qu’elle affecte au budget de
l’État, le poids des dépenses militaires… privent aussi la population d’investissements publics
dont elle aurait grandement besoin.
Depuis les années 1990, la situation économique s’est améliorée. Pour favoriser la croissance,
certains États ont uni leurs efforts et signé, respectivement en 1969 et en 1995, le Pacte andin et le
Mercosur. Le Venezuela bénéficie, quant à lui, d’importantes ressources pétrolières.
Mais les écarts de développement entre les pays latino-américains demeurent importants, tout
comme les inégalités sociales et économiques. La concentration des richesses au sein d’une
minorité y demeure la plus forte de toute la planète : 230 millions de personnes – 44 % de la
population totale – y vivent sous le seuil de pauvreté. Le coefficient Gini, qui mesure le degré
d’inégalité, y atteint le chiffre record de 0,57 (pour 0,29 en Europe et 0,34 aux États-Unis).
Aujourd’hui, les pays d’Amérique latine peuvent se répartir en trois ensembles selon leur indice de
développement humain* :
• les pays les plus développés : Argentine, Chili, Uruguay au sud de l’Amérique latine et Costa
Rica, Cuba et Mexique au nord ;
• les pays à faible niveau de développement humain : Équateur, Pérou, Bolivie, Paraguay –
pays d’Amérique du Sud qui se situent sur une « diagonale pauvre » peuplée en majorité
d’Indiens et de métis – ainsi que quelques petits pays d’Amérique centrale et, le plus pauvre
de tous, Haïti. Ces pays connaissent un fort taux de chômage, une population importante
employée dans l’agriculture, peu de syndiqués, un analphabétisme surtout féminin, le travail
des enfants… ;
• les pays à niveau de développement humain moyen : Brésil, Colombie, Venezuela…

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Repères 97 La Yougoslavie :
le retour de la guerre en Europe
Le point sur...

De 1991 à 1999, une guerre déchire la Yougoslavie. Les combats font environ 200 000 victimes. Ils
provoquent les plus grands déplacements de population en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Quelles sont les causes et les principales conséquences de ce conflit ?

Naissance de la Yougoslavie
Le 28 juin 1914, François-Ferdinand de Habsbourg,
héritier du trône d’Autriche-Hongrie, est assassiné par un
nationaliste serbe à Sarajevo, en Bosnie. Cet assassinat
provoque une série de déclarations de guerre : le premier
conflit mondial a commencé.
Alliés de l’Allemagne, les Empires austro-hongrois et
ottoman sont démantelés par les vainqueurs en 1918-1919.
Le 1er décembre 1918, un congrès national « yougoslave »
(littéralement « Slaves du sud ») proclame l’union des
territoires slovènes et croates avec les royaumes de Serbie
et de Monténégro et fonde le royaume des Serbes, des
Croates et des Slovènes, lequel rassemble la Slovénie,
la Croatie, la Serbie y compris la Macédoine, la Bosnie-
Herzégovine et le Monténégro, soit une mosaïque de
peuples.

Du royaume serbe à la Yougoslavie de Tito


Durant l’entre-deux-guerres, les Serbes dominent la vie
politique. Opposés à la constitution d’un État fédéral, ils
instaurent une État centralisé et autoritaire qui fonctionne
à leur profit. En 1929, ils le rebaptisent « Yougoslavie ».
27 Cette décision indique leur volonté de gommer les
différences entre les peuples qui le composent. Le
44 centralisme serbe provoque notamment la naissance, en
1929, en Croatie, d’un mouvement nationaliste et fasciste,
50
les oustachis.
En 1941, Hitler envahit la Yougoslavie avec l’appui des
oustachis. Le pays éclate. La Slovénie est partagée entre
l’Allemagne et l’Italie. La Croatie et la Bosnie-Herzégovine
deviennent des États vassaux de l’Allemagne. La Serbie
88 est occupée par les Allemands et les Bulgares. Des
territoires sont annexés par la Hongrie et la Bulgarie. Josip
90 Broz, dit Tito, un communiste d’origine croate, organise
la résistance dès 1941. Fin 1944, lorsque l’URSS libère
Les Balkans depuis 1992 et le plan de paix pour la Bosnie de décembre 1995
Belgrade, le pays est largement aux mains des partisans
1 de Tito.
(D’après G. DUBY [dir.], Atlas historique mondial, Paris, Larousse, 2001, p. 258-259)

252

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En 1945, le maréchal Tito crée la république fédérative socialiste de Yougoslavie, composée de six républiques : la Slovénie, la Croatie, la Serbie, la Bosnie-
Herzégovine, le Monténégro et la Macédoine. Pour limiter le poids des Serbes dans cet État fédéral, il octroie un statut d’autonomie à la Voïvodine et au Kosovo
et sépare la Macédoine de la Serbie. Les revendications nationalistes sont muselées sous un régime autoritaire. Sur le plan international, Tito garde son pays
hors de la zone d’influence soviétique. En 1949, il rompt les relations diplomatiques avec l’URSS et s’engage dans la voie du non-alignement (→ 93).

L’éclatement de la Yougoslavie
En 1989-1990, la fin des démocraties populaires* (→ 50) favorise la contestation contre le Parti Communiste yougoslave, dominé par les Serbes, et la remise
en question de l’État yougoslave. En retour, celle-ci exacerbe le nationalisme des Serbes qui y voient une menace. Progressivement, l’État yougoslave va se
disloquer.

2
Régions Situation depuis l’éclatement de la Yougoslavie
Slovénie Indépendance en décembre 1990 ; proclame, en juin 1991,
la dissolution de la République yougoslave. Intervention de
l’armée fédérale. La guerre dure 10 jours. 3 Quand Josip Broz Tito mourut en 1980, à 87 ans, la Yougoslavie
Membre de l’Union européenne depuis 2004 qu’il avait rassemblée en 1945 avait une existence bien réelle. Ses
Croatie Indépendance en mai 1991 ; proclame, en juin 1991, la républiques constituantes étaient des unités séparées au sein d’un
dissolution de la République yougoslave. Intervention de État fédéral, dont la présidence comprenait des représentants des
l’armée fédérale jusqu’en 1992. Cessez-le-feu sous protection six républiques ainsi que des deux régions autonomes (Voïvodine et
de l’ONU (Forpronu) Kosovo) de Serbie. (…) Tandis que la Slovénie, la Macédoine et le
Serbie 1992 : proclamation de la nouvelle république fédérale de Kosovo avaient tous à peu près le même poids dans la population
Yougoslavie (RFY), comprenant la Serbie et le Monténégro nationale (8 %), en 1990, la minuscule Slovénie représentait 29 %
Kosovo Les revendications d’indépendance des Albanais du Kosovo des exportations totales de la Yougoslavie, contre 4 % pour la
provoquent, en 1998, une réaction des forces serbes contre Macédoine et 1 % seulement pour le Kosovo. D'après les statistiques
l’armée de libération du Kosovo (UCK). L’OTAN intervient yougoslaves officielles, le PIB par tête était deux fois plus élevé en
contre la Serbie, entre mars et juin 1999. Slovénie qu’en Serbie, trois fois plus élevé qu'en Bosnie et huit fois
Sous administration internationale dans l’attente du plus qu'au Kosovo. (…) Ce que ces chiffres suggèrent, c'est que la
règlement de son statut, le Kosovo proclame son Slovénie et, dans une moindre mesure la Croatie, avaient déjà leur
indépendance en 2008. place aux côtés des pays les moins prospères de la Communauté
Bosnie- 1992 : la majorité croato-musulmane proclame son européenne, tandis que le Kosovo, la Macédoine et la Serbie
Herzégovine indépendance. Début des combats entre les communautés rurale ressemblaient davantage à certaines parties de l'Asie ou de
croate et musulmane et les Bosno-Serbes, soutenus par la l’Amérique latine. Si les Slovènes et les Croates ne tenaient plus en
Serbie. Le projet de se partager le territoire sur une base place dans le foyer yougoslave commun, (…) c'est tout simplement
ethnique provoque des massacres réciproques. qu'ils commençaient à se dire qu'ils seraient mieux lotis s'ils
1993 : création du Tribunal pénal international pour l’ex- pouvaient gérer leurs affaires sans avoir à tenir compte des besoins
Yougoslavie (TPIY) (→ 88) et des intérêts des Yougoslaves du Sud aux résultats décevants.
1994 : l’ONU fait appel à l’OTAN et aux États-Unis qui L’autorité personnelle de Tito, qui avait réprimé avec vigueur toute
bombardent des positions serbes en 1995. critique sérieuse, avait empêché toute expression publique de ces
1995 : à Srebrenica, les Bosno-Serbes massacrent des dissensions. (…) Slobodan Milosevic, le président jusque-là obscur
milliers de musulmans. L’ONU qualifiera ces massacres de de la Ligue des communistes dans sa Serbie natale, (…) trouva dans
masse de génocide* (→ 102). le nationalisme un moyen d'assurer son emprise sur la Serbie ; en
1995 : Accords de Dayton
mai [1988], son élection à la présidence de la République serbe ne fit
Monténégro 1992 : proclamation de la nouvelle république fédérale de que le conforter dans son choix. Mais pour préserver et consolider
Yougoslavie (RFY) comprenant la Serbie et le Monténégro. l'influence de la Serbie dans l'ensemble de la Yougoslavie, il lui fallait
Indépendance en 2006 transformer le système fédéral. (…) L’objectif de Milosevic étant de
Macédoine 1992 : Indépendance de la république de Macédoine, mais forger un État plus unitaire sous la houlette des Serbes, ce qui ne
la Grèce et l’ONU la désignent sous le nom d’« ancienne pouvait que susciter la résistance des quatre autres républiques, le
république yougoslave de Macédoine ». système fédéral était bel et bien dans l’impasse.
Tony JUDT, Après guerre. Une Histoire de l’Europe depuis 1945, Paris, A. Colin, 2007,
La Yougoslavie : repères p. 776-783

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Repères 98 Le Maghreb : entre démocratie
et islamisme
Le point sur...

Après leur indépendance, les États du Nord-Ouest de l’Afrique (Algérie, Maroc, Tunisie) se dotent d’une
Constitution. Comment s’organisent-ils ? Quels problèmes rencontrent-ils ?

L’Algérie
En 1962, l’Algérie accède à l’indépendance et adopte un régime républicain démocratique. Le président Ben Bella met néanmoins
en œuvre une politique autoritaire d’orientation socialiste. En 1965, le colonel Boumédiène prend le pouvoir par un coup
d’État militaire et maintient l’orientation socialiste du régime. Le Conseil de la Révolution, autorité suprême, contrôle l’État et
le parti. Plusieurs secteurs de l’économie sont nationalisés*, dont le secteur pétrolier. Comme son prédécesseur, il stimule le
développement industriel de l’Algérie. La santé et l’enseignement s’améliorent sensiblement. Sur le plan extérieur, il accroît le
prestige du pays, notamment en organisant, en 1973, la IVe conférence au sommet des pays non alignés.
Sous la présidence de Chadli Bendjedid (1979-1992), l’Algérie est confrontée à une crise économique résultant de la chute du
dollar et d’une forte baisse des revenus pétroliers. Le chômage et la misère augmentent dans un contexte de forte croissance
démographique. Des mouvements populaires (« Printemps berbère » de 1980, émeutes de Sétif en 1986) sont réprimés par la
force. En 1988, l’armée tire sur les émeutiers.

En 1989, le multipartisme est introduit. Profitant de l’ouverture démocratique,


le Front islamique* du Salut (FIS) remporte les élections municipales, en 1 1966 11 600 000
1990, et sort également vainqueur du premier tour des élections législatives
de 1991. Le pouvoir interrompt le processus électoral. En janvier 1992, 1977 16 968 000
l’armée force le président Chadli Bendjedid à la démission et le remplace 1987 23 116 000
par un Haut Comité d’État. Le durcissement du régime entraîne celui
2007 33 800 000
de l’opposition islamiste*. Les massacres perpétrés par les Groupes
islamiques* armés (GIA) font plus de 200 000 victimes. Évolution de la population en Algérie
En avril 1999, Abdelaziz Bouteflika est élu président. Malgré le vote d’une (1966-2007) (D’après Encyclopædia Universalis.
9
loi dite « de concorde civile », qui vise à ramener la paix, les attentats Corpus, I, Paris, Encyclopædia Universalis, 1985,
terroristes se poursuivent en raison de l’activité du Groupe salafiste pour la p. 735 ; Encyclopaedia Universalis. Symposium.
12 Prédication et le Combat, qui, depuis janvier 2007, porte le nom d’Al-Qaïda Les chiffres du Monde, Paris, Encyclopædia
Universalis, 1988, p. 71 et http://www.indexmundi.
pour le Maghreb islamique. Tous les mouvements islamistes* ne recourent com/fr, page consultée le 5 février 2008)
toutefois pas à la violence. Il faut citer notamment le Mouvement de la
Société pour la Paix (MSP) qui joue le jeu de la démocratie.
2
52

64 Le Maroc
72 Le Maroc est une monarchie de droit divin tempérée par une Constitution et un Parlement. La Constitution de 1962 reconnaît
le multipartisme et la séparation des pouvoirs, mais le Parlement a un rôle limité et les pouvoirs du roi, chef religieux et chef des
armées, sont très étendus. Après l’indépendance, le royaume est dirigé par le sultan Mohammed V, puis par son fils Hassan II. En
1965, suite à des manifestations, l’état d’exception* est proclamé et les pleins pouvoirs accordés au roi.
Le Maroc doit faire face, dès les années 1960-1970, à une forte croissance démographique et à des difficultés économiques,
106 lesquelles nourrissent le chômage et provoquent un important exode rural et l’émigration vers l’Europe, dont la Belgique qui
manque de main-d’œuvre (→ 106). L’application du plan d’ajustement du FMI (→ 107) accentue le mécontentement social et
provoque, en 1981 et 1984, des révoltes urbaines réprimées par la force. Cette crise favorise le développement de mouvements
islamistes* comme le Parti Islamiste Marocain. Ce dernier est reconnu par le pouvoir, contrairement aux groupes présents dans les

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quartiers populaires et dont certains appartiennent, aujourd’hui, à la mouvance mai 2003 à Casablanca, le pouvoir limite les libertés individuelles et freine
d’Al-Qaïda pour le Maghreb islamique qui a revendiqué des attentats en les réformes démocratiques. Celles-ci se poursuivent néanmoins, entre
2007. autres par des modifications fondamentales de la condition des femmes. Tout
Dès 1992, Hassan II accorde un rôle plus important au Parlement et renforce comme en Algérie, certains partis ou mouvements islamistes* s’intègrent
la séparation des pouvoirs. En 1999, Mohammed VI lui succède et promet au jeu démocratique. C’est notamment le cas du Parti de la Justice et du
une démocratisation du régime. Mais suite aux attentats terroristes de Développement (PJD).

La Tunisie

Après la proclamation de la république en 1957, l’élection de Bourguiba à la


présidence en 1959 et l’adoption du socialisme en 1962, le régime installe, en 2 Le principe d’égalité des droits, des devoirs et des chances n’a jamais
1963, un parti unique. Conformément aux options socialistes de Bourguiba, été aussi malmené depuis l’indépendance. Les principaux bénéficiaires
les systèmes d’enseignement et de santé se développent. de la privatisation des entreprises publiques, des créances bancaires
La crise économique mondiale des années 1970-1980 exacerbe le douteuses et du marché noir florissant se recrutent de plus en plus
mécontentement social. En janvier 1984, les émeutes dites « du pain » parmi les membres de la « famille régnante », comme on appelle les
éclatent : violentes, elles touchent les villes du Sud du pays, puis gagnent parents, frères, sœurs et alliés de M. Ben Ali et de son épouse Leila
Tunis, faisant 100 morts. Trabelsi. (…)
En 1987, Zine El-Abidine Ben Ali dépose le président Bourguiba pour sénilité. Il L’absence de perspectives pour les jeunes a poussé des milliers d’entre
engage son pays dans un processus de démocratisation. Il légalise plusieurs eux à fuir le « miracle tunisien » (…). Des dizaines se sont même noyés,
partis politiques, mais interdit les partis islamistes* en 1991. Seul candidat à la au cours des dernières années, en essayant d’atteindre les côtes
présidence, il est élu en 1989 avec 99,27 % des voix et réélu à deux reprises italiennes sur des embarcations de fortune.
avec des scores semblables. L’opposition et de nombreuses organisations de Ce que l’on sait moins, c’est que des centaines d’autres purgent de
défense des droits de l’homme accusent le régime d’atteinte aux libertés. La lourdes peines de prison, au terme de procès iniques, condamnés pour
répression politique contre les opposants est en effet monnaie courante. constitution de « bande de malfaiteurs » accusée de vouloir commettre
Davantage épargnée par les attentats islamistes* que les autres pays du des « actes de terreur ». En réalité, le véritable crime de bon nombre
Maghreb, la Tunisie n’y a toutefois pas entièrement échappé, notamment en d’entre eux (…) semble être la navigation sur Internet, où le pouvoir
1987, 1995 et 2002. Le parti islamiste* Ennahdha y est interdit. ne cesse de verrouiller les sites et les boîtes électroniques. Mais la loi
« antiterroriste », utilisée pour jeter en prison des jeunes dont le seul
Depuis 1989, suite à la signature du traité de Marrakech, l’Algérie, le Maroc, crime est de revendiquer la liberté d’expression, a été votée en 2003
la Tunisie, la Libye et la Mauritanie sont réunis au sein d’une association pour plaire... à l’administration américaine et à ses alliés européens.
économique, l’Union du Maghreb arabe (UMA). (…)
La répression a atteint un degré tel (…) que des dirigeants situés
aux deux extrémités de l’échiquier politique (…) ont fini par négocier
leur participation à une grève de la faim groupant huit personnalités,
indépendantes, d’obédience socialiste et islamiste*, pour faire pression
3
2003 2007 sur le pouvoir. (…) Fin février, M. Ben Ali a fini par annoncer la libération
de 1298 détenus, et la mise en liberté surveillée de 359 autres.
Algérie 31 % 15,7 %
Maroc 19 % 7,7 % Kamel LABIDI, La longue descente aux enfers de la Tunisie, dans Le Monde
diplomatique, mars 2006, p. 10-11
Tunisie 15 %, 13,9 %

Évolution du chômage dans les pays du Maghreb (2003-2007)


(D’après http://www.indexmundi.com/fr, page consultée le 5 février 2008)

4 Pays Algérie Maroc Tunisie


Indice de développement humain (IDH) 0,766 0,646 0,733
Taux d’alphabétisation des plus de 15 ans 61 % 39,4 % 65,3 %

Le Maghreb : quelques indicateurs démographiques (chiffres de 2005)


(D’après http://hdrstats.undp.org et http://hdrstats.undp.org, pages consultées le 5 février 2008)

255

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Repères
Le point sur... 99 Israéliens et Arabes : 60 ans de guerre
En 1948, un peuple sans terre, les Juifs, fonde un État indépendant : Israël. Entre Israéliens et Arabes, c’est
le début de 60 années d’affrontements. Au fil des guerres, les Palestiniens, un peuple apatride, réclament un
État qui leur soit propre. Impliquée dans le conflit dès l’origine, la communauté internationale réagit, mais
pas de manière unanime.

Des guerres pour une terre


• Lors du démantèlement de l’Empire ottoman après la Première Guerre mondiale, le Royaume-Uni reçoit un mandat* sur le
territoire palestinien. Il se trouve alors confronté au conflit opposant deux peuples réclamant une même terre : les Juifs de
Palestine et de la diaspora* d’une part, les Arabes palestiniens d’autre part. Aux premiers, les Britanniques ont promis, dès
1917, l’instauration d’un « foyer national juif », une promesse qui amène de nombreux Juifs à émigrer vers la Palestine.
• Après 1945, la Grande-Bretagne décide de renoncer à son mandat*. L’ONU propose alors un plan de partage de la
Palestine, que les Arabes palestiniens rejettent. Pourtant, l’indépendance de l’État d’Israël est proclamée le 14 mai 1948.
Immédiatement, les armées égyptienne, transjordanienne, syrienne, libanaise et irakienne interviennent militairement aux côtés
des Palestiniens. C’est la première guerre israélo-arabe. Elle se termine en faveur d’Israël qui agrandit le territoire concédé
par le plan de partage. Les Palestiniens quittent massivement le pays. La communauté internationale prend peu à peu position.
L’URSS se place aux côtés du monde arabe alors que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France soutiennent Israël.
• En 1956, l’Égypte nationalise* unilatéralement le canal de Suez. Israël, aidé de la Grande-Bretagne et de la France, envahit
alors la bande de Gaza et le Sinaï, territoires égyptiens. Suite aux pressions des États-Unis et de la Russie, Israël et ses alliés
retirent leurs troupes et une force d’interposition de l’ONU s’installe dans les territoires évacués.
• En 1967, se sentant menacé par ses voisins arabes, Israël attaque la Syrie, la Jordanie et l’Égypte. Israël l’emporte en
6 jours : il occupe le Sinaï égyptien, la Cisjordanie, le plateau syrien du Golan et annexe la partie est de Jérusalem. L’URSS
rompt ses relations diplomatiques avec Israël. L’ONU vote la résolution 242 demandant le retrait des troupes israéliennes des
territoires occupés lors de ce conflit.
• Un nouveau conflit israélo-arabe, dit « guerre du Kippour », est déclenché en 1973 par les Égyptiens et les Syriens, le jour
de la fête juive du Yom Kippour. Israël parvient à refouler ses adversaires, mais subit de lourdes pertes. Les pays du golfe
Persique décident d’élever les prix du baril* de pétrole pour contraindre les États-Unis et certains pays européens à revoir
leurs positions pro-israéliennes. Cette manœuvre est à l’origine du premier choc pétrolier (→ 100). Parallèlement, le peuple
palestinien s’affirme : en 1974, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), est reconnue par les pays arabes comme
seul porte-parole des Palestiniens ; un an plus tard, elle l’est également par l’ONU. Créée en 1964, l’OLP est dirigée de 1969
à 2004 par Yasser Arafat, membre fondateur du groupe politique palestinien Fatah*. L’OLP mène des attentats terroristes
à l’intérieur et hors d’Israël.
• En 1977, le président égyptien Anouar el-Sadate se rend à Jérusalem et invite les Israéliens à négocier. En 1978, avec le soutien
du président des États-Unis Jimmy Carter, l’Égypte et Israël signent la paix lors des accords de Camp David. En échange,
Israël rend le Sinaï. Le sort des autres territoires occupés par Israël reste en suspens car les pays arabes ne soutiennent pas
39 l’initiative de paix égyptienne. De son côté, l’OLP, réfugiée au Liban, multiplie les attaques terroristes en Israël. Pour assurer sa
sécurité, Israël lance l’opération « paix en Galilée » en 1982. C’est dans ce contexte qu’ont lieu les massacres dans les camps
61 de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, perpétrés par des milices chrétiennes libanaises avec la complicité tacite de
l’armée israélienne. En 1987, l’Intifada* palestinienne débute à Gaza et s’étend à tous les territoires occupés.

Vers une solution ?


100
En 1988, l’OLP prend la décision historique d’accepter la coexistence de deux États, israélien et palestinien. À la suite de la
première guerre du Golfe (1991), l’influence des États-Unis dans la région se renforce et l’OLP, qui a soutenu l’Irak, se voit affaiblie.
Des négociations israélo-palestiniennes s’ouvrent alors sous l’égide des États-Unis. Les accords d’Oslo sont signés en 1993

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à Washington : Israël et l’OLP se reconnaissent réciproquement et un lors des élections législatives palestiniennes de janvier 2006, le Hamas,
« processus de paix » est lancé. L’accord prévoit notamment l’installation d’une mouvement de résistance islamiste* sunnite* palestinien créé en 1988,
autorité intérimaire palestinienne autonome et la libération progressive remporte une victoire écrasante avec 56 % des suffrages : le président de
par les Israéliens de territoires palestiniens. Progressivement, l’autonomie l’autorité palestinienne reste Mahmoud Abbas alors que le Parlement est
est ainsi accordée à certains territoires de Gaza et de Cisjordanie. dominé par le Hamas. Les tensions intra-palestiniennes sont importantes. Le
En 1996, Arafat est élu président de l’Autorité palestinienne. Cependant, les Hamas étant considéré comme terroriste par de nombreux pays occidentaux,
engagements pris à Oslo ne sont pas entièrement respectés. La montée une partie des subventions versées à l’Autorité palestinienne est suspendue.
des partis radicaux dans les deux camps, la complexité de certaines questions Un nouveau conflit entre Israël et le Liban éclate en juillet 2006. Suite à la mort
comme le retour des réfugiés palestiniens et la poursuite de la colonisation de huit soldats israéliens et à la capture de deux autres à la frontière du Sud
israélienne en Cisjordanie paralysent le processus de paix. Liban par le Hezbollah, mouvement de résistance islamiste* chiite* au Liban,
En 2000, la seconde Intifada* débute. Les attentats sanglants perpétrés par Israël lance des raids aériens sur la région. Ils s’étendent rapidement jusqu’à
des extrémistes palestiniens se succèdent et la répression est de plus en plus Beyrouth. Israël entend en effet éradiquer le Hezbollah qui se cache parmi les
lourde du côté israélien. civils libanais. Une trêve est conclue un mois plus tard, avec la résolution 1701
Depuis mai 2003, les négociations ont repris autour d’une « feuille de route » du Conseil de Sécurité de l’ONU et l’arrivée d’une force internationale.
proposée par l’ONU, les États-Unis, l’Union européenne et la Russie. Un En février 2007, l’autorité palestinienne se dote d’un Gouvernement d’union
an plus tard, Yasser Arafat décède. Son successeur, Mahmoud Abbas, lui nationale, regroupant membres du Fatah* et du Hamas. Pourtant, les tensions
aussi membre fondateur du Fatah*, est partisan de la fin de la lutte armée demeurent et, en juin, à la suite de violents combats entre le Hamas et les
et est considéré par Israël et les États-Unis comme un interlocuteur valable. forces de sécurité du Fatah*, le Hamas prend le contrôle de la bande de
Cependant, il doit faire face aux partis islamistes*. Gaza. Mahmoud Abbas déclare l’état d’urgence et dissout le Gouvernement.
En 2005, le Gouvernement israélien, malgré les oppositions, fait évacuer les Israël durcit ses relations avec la bande de Gaza en limitant les entrées de
colonies de la bande de Gaza. L’espoir d’une solution se ravive. Pourtant, marchandises, de carburant et d’électricité.

Israël et la
Palestine de
1947 à 2000
(D’après
A. DIECKHOFF,
Israéliens et
Palestiniens,
la paix au
bout du
fusil, dans
L’Histoire,
n° 243,
mai 2000,
p. 72-73)

1946 : Juifs et Arabes en 1947 : partage de l'ONU 1948 : 1re guerre israëlo-arabe Depuis 1967 : après la guerre des 6 jours
Palestine mandataire*

2 Un règlement, négocié entre les parties, aboutira à la création d’un État attachement à la conception de deux États, dont un État palestinien
palestinien indépendant, démocratique et viable vivant aux côtés d’Israël et indépendant, viable et souverain, vivant en paix et en sécurité aux côtés
des autres pays limitrophes en paix et en sécurité. Il réglera le conflit israélo- d’Israël, comme l’a énoncé le président Bush, et demandant la cessation
palestinien et mettra fin à l’occupation qui a commencé en 1967 (…). immédiate des actes de violence dirigés contre des Palestiniens en quelque
Dès le début de la phase I : lieu que ce soit. (…) Le Gouvernement d’Israël démantèle immédiatement les
Les dirigeants palestiniens diffusent une déclaration sans équivoque colonies érigées depuis mars 2001. (…) Le Gouvernement d’Israël gèle toute
réaffirmant le droit d’Israël à exister en paix et en sécurité et demandant un activité de colonisation (…).
cessez-le-feu immédiat et sans condition pour mettre fin aux activités armées
Feuille de route pour la paix au Proche-Orient, 30 avril 2003 (D’après http://www.un.org,
et à tous les actes de violence dirigés contre des Israéliens (…).
page consultée le 16 août 2005)
Les dirigeants israéliens diffusent une déclaration claire affirmant leur

257

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Repères 100 Les conflits du Moyen-Orient
Depuis le début des années 1980, de nombreux conflits régionaux ou internationaux ont éclaté au
Le point sur...

Moyen-Orient. Qui en sont les acteurs ? Quels en sont les motifs ?

La question du pétrole
Exploité aux États-Unis dès les années 1860, le
pétrole devient une source d’énergie de plus en plus
prisée par les pays industrialisés à partir de la fin
du XIXe et du début du XXe siècle, notamment suite
à la mise au point des premiers moteurs à essence
1
à partir de 1883, puis du moteur Diesel (1893). Dans
Les enjeux du le courant des années 1910-1930, la production
Moyen-Orient pétrolière se développe, notamment aux États-
(D’après Unis, au Mexique, au Venezuela et dans les régions
G. CHALIAND, Atlas qui appartenaient à l’Empire ottoman. La Grande-
du nouvel ordre
mondial, Paris,
Bretagne, la France, les États-Unis… s’y assurent
Laffont, 2003, un accès aux ressources pétrolières et s’efforcent
p. 42 ; P. BONIFACE, de garantir, à leurs compagnies nationales, leur
Atlas des relations part de bénéfices (→ 39/3).
internationales,
Jusqu’en 1945, les États-Unis produisent et
Paris, Hatier, 2003,
p. 133 et Le Monde, consomment près de 60 % du pétrole mondial.
8 juillet 2006, p. 20) Mais dès la fin des années 1940, ils deviennent
importateurs nets. La demande des économies
occidentales, dont l’économie américaine, explose
en effet suite aux « Trente Glorieuses » (→ 67). La
dépendance de l’Occident vis-à-vis du pétrole
s’accentue donc. Les bas prix et l’importance
apparente des réserves entretiennent cependant
l’insouciance.
Mais les bénéfices engrangés par les compagnies
pétrolières d’une part, l’accession à l’indépendance
Révolution
d’un certain nombre d’États producteurs de
Invasion
Guerre du
iranienne de l’Irak pétrole (Algérie, Nigeria, Indonésie…) d’autre part
Invasion du
2
Yom Kippour Koweit conduisent certains de ces États à réagir. En 1951,
110 l’Iran nationalise* les compagnies pétrolières. Il est
100 suivi par l’Algérie en 1971 et l’Irak en 1972. D’autres
90
négocient des participations plus importantes aux
80
bénéfices des grandes compagnies. Enfin, en 1960,
39
9 l’Arabie Saoudite suscite la création, avec l’Iran, l’Irak,
70
le Koweit et le Venezuela, de l’Organisation des Pays
60
56 exportateurs de Pétrole (OPEP). Ces États seront
50
rejoints par l’Algérie, le Gabon, l’Indonésie, la Libye,
40
62 le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Angola. L’OPEP
30
a pour but de coordonner les politiques pétrolières
64 20 des États membres, notamment de réguler l’offre
10 et donc les prix.
1861-69 1870-79 1880-89 1890-99 1900-09 1910-19 1920-29 1930-39 1940-49 1950-59 1960-69 1970-79 1980-89 1990-99 2000-08 0
Au début des années 1970, la demande de pétrole
s’accroît encore. En 1973, en réaction à l’aide que les
2 Évolution du prix du baril* de pétrole (1960-2008)
Occidentaux ont apportée à Israël lors de la guerre
(D’après http://www.bp.com, page consultée le 22 février 2008)

258

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du Kippour (→ 99), les États membres de l’OPEP réduisent leur production. Le rompent son unité et l’empêche d’agir. Ces éléments expliquent la diminution
prix du baril* est multiplié par quatre : c’est le premier « choc pétrolier ». Il des prix durant les années 1980-1990. Ainsi, en 1986, les prix s’effondrent.
sera suivi d’un second, en 1979, suite à la révolution islamique* iranienne qui C’est le premier « contre-choc pétrolier ».
perturbe l’approvisionnement en pétrole (→ 62). Mais la croissance de la demande des pays en pleine industrialisation comme
Mais la hausse des prix du pétrole favorise l’exploitation de nouveaux gisements, le Brésil, la Chine, l’Inde, le Sud-Est asiatique, et le faible coût d’exploitation
jusqu’alors trop chers, comme aux États-Unis ou en Norvège. La part de l’OPEP des gisements du Moyen-Orient maintiennent la dépendance de l’économie
dans la production mondiale diminue sensiblement, et donc les prix. De plus, mondiale par rapport aux États pétroliers et entretiennent la croissance des
les conflits qui opposent certains pays de l’OPEP, comme la guerre Iran-Irak, prix qui flambent de nouveau à partir de la fin des années 1990.

La guerre Iran-Irak (1980-1988)


En septembre 1980, le président irakien Saddam Hussein attaque l’Iran. Il isolement diplomatique, l’Iran résiste aux troupes irakiennes. Cette guerre fait
veut empêcher une possible extension de la révolution islamique* (→ 62). Le près d’un million de morts, dont 60 % du côté iranien. Elle se termine par le
conflit porte d’abord sur le Chatt al Arab, région frontalière du Sud et riche en retour aux anciennes frontières. Elle ruine l’Iran et endette l’Irak surtout envers
pétrole, et sur le contrôle du golfe Arabo-Persique, route maritime des grands l’Arabie Saoudite et le Koweit.
navires pétroliers. Il se déplace ensuite sur la frontière nord. Malgré son

La guerre du Golfe (1990-1991)

En août 1990, l’Irak envahit le Koweit. Saddam Hussein veut élargir son accès changement n’étant intervenu, la guerre est déclenchée. Mandatés par l’ONU,
au golfe Arabo-Persique et faire main basse sur les champs pétroliers de ce les États-Unis et leurs alliés bombardent massivement l’Irak, puis mettent
minuscule État. L’invasion est condamnée par la communauté internationale et en déroute l’armée irakienne. Saddam Hussein reste néanmoins au pouvoir
inquiète les États voisins, qui se sentent également menacés. Les résolutions du car l’Irak constitue une pièce maîtresse dans le dispositif destiné à contenir
Conseil de Sécurité de l’ONU exigeant le retrait irakien n’étant pas suivies d’effet, l’Iran, dont les Occidentaux se méfient. Son pays est cependant frappé d’un
une nouvelle résolution autorise les pays membres de l’ONU à faire usage de embargo* qui touche notamment ses exportations de pétrole. Il sera assoupli
la force si les Irakiens n’évacuent pas le Koweit pour le 15 janvier 1991. Aucun en 1996, puis supprimé après la guerre de 2003.

La seconde guerre d’Afghanistan (2001)


Armés notamment par les États-Unis pour faire face à l’invasion soviétique de novembre 2001, les États-Unis interviennent en Afghanistan. Ils renversent le
1979, les talibans* prennent le pouvoir en Afghanistan en 1996. Ce mouvement régime taliban* mais Oussama Ben Laden reste introuvable. À l’issue du conflit,
islamiste* doit cependant faire face à des groupes de résistants, dont l’Alliance des troupes de l’OTAN s’installent dans le pays, sous le contrôle du Conseil de
du Nord. Ils abritent et protègent les bases du réseau Al-Qaïda (→ 64) et Sécurité des Nations unies. Le Gouvernement afghan issu des élections doit
son chef, Oussama Ben Laden, qu’ils refusent de livrer aux États-Unis après faire face aux talibans* et à d’autres groupes islamistes* qui entretiennent une
les attentats terroristes du 11 septembre 2001. C'est pourquoi, en octobre- insurrection permanente.

La guerre d’Irak (2003- )


En Irak, après la guerre du Golfe (1990-1991), les Kurdes au Nord et les chiites* de l’attentat de New York contre les Twins Towers (→ 64/5), George W. Bush qui
au Sud profitent de l’affaiblissement du régime de Saddam Hussein pour voit dans l’Irak un « État voyou », l’accuse de soutenir les réseaux terroristes et
se soulever afin obtenir plus d’autonomie. Les chiites* constituent 80 % de la de posséder des armes de destruction massive. En mars 2003, une coalition
population du pays. Ces soulèvements sont réprimés violemment par l’armée militaire dirigée par les États-Unis lance l’assaut contre l’Irak, sans le feu vert
irakienne. Le Kurdistan irakien accède néanmoins à une autonomie de fait en du Conseil de Sécurité de l’ONU. Un mois plus tard, le régime dictatorial de
1991. Saddam Hussein s’effondre. Celui-ci est arrêté en 2003 et exécuté par pendaison
En 1998, l’Irak refuse l’inspection de ses sites militaires par la Commission en décembre 2006. L’intervention militaire de 2003 a plongé le pays dans une
spéciale des Nations unies pour le Désarmement. Les États-Unis l’accusent grande instabilité. Le Gouvernement irakien, issu des élections démocratiques
pourtant de fabriquer des armes de destruction massive (→ 2/3). En représailles, de 2005, doit faire face aux tensions religieuses et politiques et aux attentats
les États-Unis lancent une série de bombardements sur le pays. En 2002, à la suite qui sèment l'insécurité.

259

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Repères 101 Le géant indien
En 1947, lors de son accession à l‘indépendance, l’Inde fait partie des pays sous-développés. Soixante ans
Le point sur...

plus tard, elle figure parmi les principales puissances mondiales. Quelles sont les manifestations de cette
puissance ? Quelles sont ses limites ?

La naissance de la plus grande démocratie du monde


• Dès la fin du XIXe siècle, la présence coloniale britannique est contestée en Inde. Deux mouvements nationalistes apparaissent :
le Parti du Congrès fondé en 1885, et la Ligue musulmane créée en 1906. En 1919, Gandhi, membre du Parti du Congrès,
devient la figure de proue de la résistance non violente au colonisateur. Il mourra en 1948, assassiné par un hindou radical.
En 1947, le Gouvernement travailliste britannique décide d’accorder l’indépendance à l’Inde. Très rapidement, la partition de
l’ancienne colonie est décidée et deux États sont créés : l’Union indienne, à majorité hindoue, et le Pakistan occidental et
oriental, à majorité musulmane. Les deux parties du Pakistan sont séparées par 1700 km de territoire indien. De plus, la partition
s’est faite sans tenir compte des réalités ethniques. Les minorités hindoues au Pakistan et musulmanes en Inde sont la cible de
massacres : on dénombre entre 300 000 et 500 000 morts et 10 à 15 millions de personnes sont déplacées.
En conséquence, dès 1947, les deux nouveaux États entrent en guerre : c’est le début des guerres indo-pakistanaises (1947-1948,
1965 et 1971). La troisième conduit à l’indépendance du Pakistan oriental qui devient le Bangladesh, avec le soutien de l’Inde qui
y voit un moyen d’affaiblir son ennemi.
• En 1947, Nehru, dirigeant du Parti du Congrès, devient Premier ministre de l’Inde. Le pays adopte un régime démocratique libéral
à l’occidentale. Sur le plan économique, il s’inspire du modèle socialiste et accorde à l’État un rôle important. L’économie du
pays est pilotée par des plans quinquennaux* et l’initiative privée est fortement réglementée. La Constitution promulguée en 1950
fait de l’Inde un État fédéral. Avec 671 millions de personnes inscrites aux élections en 2004, l’Inde est devenue, aujourd’hui, la
plus grande démocratie du monde.

Une société diversifiée et inégale


• En un siècle, la population de l’Inde est passée de 240 millions à 1 milliard d’habitants. Depuis les années 1950, l’État cherche,
en vain, à limiter le nombre de naissances par des campagnes de sensibilisation. Vers 2040, l’Inde, pourtant moins vaste que la
Chine ou les États-Unis, pourrait devenir l’État le plus peuplé du monde.
• Bien qu’aboli par la Constitution, le système des castes reste fortement enraciné. L’appartenance à telle ou telle caste dépend de
la naissance. Au bas de la hiérarchie, les « intouchables », dénommés dalits (« opprimés »), composent à eux seuls un quart de la
population indienne et subissent diverses formes d’exclusion.
• L’Inde est une véritable mosaïque humaine : religions, langues et cultures sont enchevêtrées. L’État ne favorise aucun culte.
- L’hindouisme est pratiqué par près de 80 % de la population.
- L’Islam est la religion de 14 % des Indiens, majoritairement sunnites*, ce qui fait de l’Inde le troisième pays musulman du
monde, après l’Indonésie et le Pakistan. La croissance démographique des musulmans dépasse celle des hindous, ce qui est
souvent considéré par ces derniers comme une menace.
5-6 - Les chrétiens forment, quant à eux, 2,5 % de la population.
- Au nombre de 18 millions, les sikhs* représentent 2 % de la population qui se concentrent surtout au nord de l’Inde.
12 • Certaines femmes occupent une place importante dans la vie politique et économique. Ainsi, Indhira Gandhi, fille de Nehru,
a occupé le poste de Premier ministre de 1966 à 1977 et de 1980 à son assassinat, en 1984, par une organisation indépendantiste
tamoule*. Pourtant, bien que la Constitution établisse la stricte égalité des sexes, les femmes restent victimes de diverses
discriminations. Le taux d’analphabétisme reste plus important chez les femmes que chez les hommes. Les femmes dalits sont
52 fréquemment victimes de violences et occupent majoritairement des emplois pénibles. Les familles préfèrent souvent avoir des
enfants de sexe masculin : ils peuvent subvenir aux besoins des parents âgés, héritent des terres... En 2005, l’Inde souffrait d’un
déficit de 40 millions de filles, en cause : la préférence pour un garçon entraînant des avortements, un manque de soins accordés
aux petites filles et parfois même des infanticides.

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Un pays émergent 1 Deshakalyan CHOWDHURY, photographie, Calcutta,
3 avril 2006

• L’agriculture occupe la majorité de la population active. Grâce à la « révolution verte »


lancée dans les années 1960, le pays est devenu autosuffisant et même exportateur de
céréales.
• En 2005, l’Inde arrivait au dixième rang mondial sur le plan du PIB. En 2006, 27 % du
PIB provenaient de l’industrie. La puissance du secteur secondaire s’est manifestée, par
exemple, lors de l’OPA du milliardaire indien, Lakshmi Mittal, sur le géant de l’acier Arcelor
auquel appartient Cockerill.
• En 2006, le secteur tertiaire représentait plus de 50 % du PIB de l’Inde. Depuis les
années 1990, la part de l’Inde dans le commerce international augmente. Dans le domaine
informatique, l’Inde fait figure de leader mondial. Sa communauté scientifique comptait, en
2006, 4 millions de chercheurs.

Limites et écueils de la croissance


• Les exclus de la croissance sont nombreux. 300 millions de personnes ne mangent pas à
leur faim faute d’un pouvoir d’achat suffisant, et un quart de la population vit en dessous
du seuil de pauvreté. Le développement est concentré dans certaines régions et villes,
comme Bangalore ou New Delhi. 500 millions d’Indiens ne savent ni lire ni écrire : ils vivent
majoritairement dans les campagnes.
• Le coût de l’approvisionnement énergétique est croissant. En effet, l’Inde importe 75 %
de son pétrole et sa consommation d’énergie ne cesse d’augmenter.
• Le pays est fortement dépendant du climat pour son approvisionnement en eau. La
mousson fournit chaque année une quantité importante d’eau douce, dont l’apport peut
toutefois varier. L’Inde dispose de nombreux cours d’eau, mais les partage avec tous ses
pays limitrophes.
• Enfin, l’Inde doit aussi faire face à divers périls écologiques. Calcutta, Delhi et Bombay
sont parmi les villes les plus polluées au monde. La pollution touche également les eaux de
certains fleuves, notamment le Gange.

L’Inde : puissance régionale ? puissance mondiale ?

• Depuis plus d’un demi-siècle, les tensions entre l’Inde et le Pakistan se cristallisent sur la
région du Cachemire, considérée comme un véritable château d’eau car il permet de contrôler
le fleuve Indus. Peuplé d’une large majorité de musulmans, cet État était gouverné par un
maharadja hindou qui, lors de l’indépendance, choisit le rattachement à l’Inde. La réaction
du Pakistan fut violente et la première guerre du Cachemire se termina par un partage de
la région : deux tiers à l’Inde, un tiers au Pakistan. Selon une résolution de l’ONU de 1949,
l’Inde devait organiser un référendum* d’autodétermination, mais elle ne l’a jamais fait. Le
Cachemire demeure le théâtre de nombreux attentats terroristes et d’accidents frontaliers 2
1948 1963 1983 2005
entre les armées des deux pays.
• Les relations entre l’Inde et la Chine sont également tendues. En 1959, l’Inde accueille le États Unis 21,7 % 14,9 % 11,2 % 8,9 %
Dalaï Lama, qui fuit le Tibet occupé par la Chine. En 1962, suite à des incidents frontaliers, UE - 27,5 % 30,4 % 39,4 %
la Chine envahit le Nord de l’Inde. Elle soutient aussi le Pakistan lors de la guerre indo-
pakistanaise de 1965. Le dialogue reprend dans les années 1990. Le développement des Afrique 7,3 % 5,7 % 4,5 % 2,9 %
relations commerciales entre les deux géants devrait faciliter leur rapprochement. Chine 0,9 % 1,3 % 1,2 % 7,5 %
• L’Inde est une puissance militaire. Elle possède la deuxième armée au monde en termes
Japon 0,4 % 3,5 % 8% 5,9 %
d’effectifs. Son budget de la défense se rapproche de celui de la Chine. N’ayant pas signé
le traité de non-prolifération nucléaire (1968), l’Inde effectue ses premiers essais en 1974 Inde 2,2 % 1,0 % 0,5 % 0,9 %
en réponse à l’acquisition de l’arme atomique par la Chine dix ans plus tôt. En 1998, elle se
Évolution de la répartition des exportations mondiales
déclare officiellement puissance nucléaire, tout comme le Pakistan. (1948-2005) (D’après Statistiques du commerce international 2006
• Au plan international, l’Inde s’affirme et réclame une place de membre permanent au sur http://www.wto.org, page consultée le 19 juillet 2007)
Conseil de Sécurité de l’ONU.

261

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Repères
Le point sur... 102 Génocide et négationnisme
Que signifie le terme « génocide » ? Quels événements du XXe siècle peuvent être qualifiés de « génocide » ?
Que recouvrent les termes de « négationnisme » et/ou de « révisionnisme » ?

1 Le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire en tout ou en partie, un
groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) meurtre de membres du groupe ;
b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle ;
d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies,
le 9 décembre 1948, entrée en vigueur après ratifications le 12 janvier 1951 (D’après http://www.unhchr.ch, page consultée le 24 octobre 2007)

2 La définition du crime de génocide, forgée par Raphaël


Lemkin1 en 1944, puis complétée et adoptée par l’ONU, a (…)
été pensée par référence aux persécutions nazies contre les
minorités en Europe. Elle retient trois notions nécessaires à
son identification : premièrement, la victime est un groupe
national, racial, ethnique ou religieux ; deuxièmement, les
membres de ce groupe sont tués pour leur appartenance
à ce groupe ; troisièmement, le meurtre est planifié. Tous
les génocides n’ont pas pour mobile le racisme. Mais sa
marque y est presque toujours décelable : cause indirecte
du crime, il en demeure une composante.
1
Juriste américain d’origine juive polonaise

Yves TERNON, Le siècle des génocides, dans L’Histoire n° 214, octobre


1997, p. 48

15
3 Photographie, colline de Nyanza (Rwanda), 21-23 avril 1994

ERIOTSIH

Les génocides reconnus


20
Les instances internationales reconnaissent trois génocides :
• le génocide des Juifs, commis par les nazis de 1941 à 1945 : reconnu par le tribunal de Nuremberg en 1945 ;
• le génocide des Tutsis au Rwanda, commis par les milices hutues en 1994 : reconnu par la Commission des droits de l’homme
de l’ONU en juin 1994, puis lors de la création du TPI pour le Rwanda ;
62-63
• le génocide de 7000 à 8000 Bosniaques, commis par les Serbes de Bosnie, mais sans responsabilité de l’État serbe, en juillet 1995
à Srebrenica : reconnu par le TPI pour l’ex-Yougoslavie en 2001, puis par la Cour internationale de Justice le 26 février 2007.
Les historiens s’accordent également pour qualifier ces trois entreprises de « génocide ». Ils y ajoutent le génocide des Arméniens.
86 Bien qu’évoqués dans un rapport de la Commission des droits de l’homme de l’ONU, en 1985, reconnu par le Parlement européen
en 1987, par le Conseil de l’Europe et le Sénat de Belgique en 1998, ainsi que par de nombreux pays, les massacres de masse
perpétrés par le Gouvernement « Jeune Turc », entre 1915 et 1917, n’ont pas été qualifiés de « génocide » par l’ONU.

262

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Les massacres qualifiés à tort de « génocides » mais dont l’ampleur est cependant incontestable.
Le terme « génocide » est aussi utilisé, à tort, pour qualifier des événements • le massacre par bombardements à l’arme chimique de 182 000
qui frappent par leur ampleur et leur horreur, mais sans qu’ils correspondent Kurdes d’Irak, commandés par Saddam Hussein, en 1987-1989.
en tous points aux critères juridiques définis par l’ONU. On devrait plutôt parler, En décembre 2005, une cour néerlandaise a qualifié ce massacre de
à leur sujet, de « massacre de masse ». On peut citer ainsi : « génocide » en jugeant un homme d’affaires néerlandais qui avait livré
• la grande famine de 1932-1933, qui a fait jusqu’à 10 millions de morts en des armes à l’Irak. S’il n’avait pas été exécuté auparavant, Saddam Hussein
Ukraine : elle n’a été reconnue comme génocide que par le Parlement aurait été également jugé pour génocide dans cette affaire par le Tribunal
ukrainien, le 28 novembre 2006 ; spécial irakien. Celui-ci a condamné à mort trois anciens dignitaires du
• la déportation du peuple tchétchène ordonnée par Staline, le régime (dont « Ali le Chimique » ) pour génocide, le 24 juin 2007 ;
23 février 1944 : elle n’a été reconnue comme génocide que par le • depuis 2003, les massacres de populations noires du Darfour (Soudan) :
Parlement européen, le 26 février 2004 ; le Congrès des États-Unis a voté, en juillet 2004, une résolution qualifiant
• les crimes perpétrés par les Khmers rouges au Cambodge : la répression ces massacres de « génocide ».
politique a fait entre 2 et 3 millions de victimes cambodgiennes, entre
1975 et 1979 ;

Négationnisme et révisionnisme
Le terme « négationnisme » a été créé par l’historien Henri Rousso, en 1987, pour désigner les tentatives délibérées de nier une réalité historique :
l’extermination des Juifs d’Europe. Ces négations du génocide juif sont l’expression de positions antisémites*. Elles se sont focalisées sur la question de
l’existence des chambres à gaz. Mais les travaux scientifiques les contredisent absolument.
Dans de nombreux pays, l’expression publique de propos négationnistes est sanctionnée. Par exemple, en Belgique, la loi du 23 mars 1995 réprime la
négation, la minimisation, la justification ou l’approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le 26 janvier 2007, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution condamnant la négation du génocide des Juifs.
Le terme « révisionnisme » est souvent utilisé, à tort, comme synonyme de négationnisme. Les négationnistes se qualifient d’ailleurs eux-mêmes de
« révisionnistes », essayant ainsi de légitimer leurs mensonges. Stricto sensu, le révisionnisme désigne l’attitude de celui qui, refusant tout dogme ou toute
affirmation établie, s’efforce d’en rechercher les preuves. Il désigne donc un des principes fondateurs de toute activité scientifique, de mise également en
Histoire. Pour éviter la confusion entre les deux termes, il convient donc de n’utiliser que le terme « négationniste » pour qualifier les positions de ceux qui nient
le génocide des Juifs.

4 Actuellement, le président iranien, en niant le génocide des Juifs, 5 Les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide
semble constituer le centre d’un nouveau négationnisme. Celui-ci des Juifs forment un seul et même mensonge historique qui a permis
rassemble un front anti-sioniste*, pro-palestinien et anti-américain (…). une gigantesque escroquerie politico-financière dont les principaux
Cette opinion se répand de manière inquiétante dans la société arabo- bénéficiaires sont l’État d’Israël et le sionisme* international, et dont les
musulmane occidentale. Elle vise à délégitimer l’existence de l’État principales victimes sont le peuple allemand, mais non pas ses dirigeants,
d’Israël. La Shoah* serait la cause principale de la création d’un État et le peuple palestinien tout entier.
pour les Juifs. En niant la Shoah*, on nie Israël. Ensuite, le président
iranien insiste sur le caractère récent de l’État d’Israël. « Tout comme Déclaration de Robert FAURISSON au micro d’Europe 1, 1980 (D’après J. STENGERS, Quelques
libres propos sur « Faurisson, Roques et Cie », dans Bulletin du Centre de Recherches et
l’URSS a disparu, le régime sioniste* va bientôt disparaître », a-t-il d’Études historiques sur la Seconde Guerre mondiale, n° 12, mai 1989, p. 12)
déclaré. Enfin, puisque l’État d’Israël n’est que la conséquence de la
Shoah*, c’est aux Européens et Américains de régler le problème de
cet État et de sa disparition, au titre de séquelle de la Seconde Guerre
mondiale. (…) Israël n’aurait aucune légitimité historique. Sa création 6 Mais, lorsqu’enfin, cinquante ans après, sont retrouvées les caractéristiques
résulterait d’une manœuvre occidentale destinée à faire porter sur les de la ventilation des chambres à gaz homicides, à savoir : la nature (métal
Palestiniens les conséquences d’une guerre qui n’aurait pas concerné la ou bois) et le modèle des souffleries, leur disposition, la puissance des
région. D’ailleurs, cette création se fonderait sur un mensonge puisqu’il moteurs électriques utilisés, leur vitesse de rotation, la section des
n’y aurait pas eu d’Holocauste*, les victimes juives ayant été inventées conduits, les cubages horaires d’air envoyé et extrait, le plus habile des
de toutes pièces pour envahir une terre exclusivement musulmane. discours négateurs est vain face à ces données incontournables provenant
du fournisseur ayant installé ces matériels, et le dossier technique des
Henry ROUSSO, Les habits neufs du négationniste, dans L’Histoire, n° 318, mars 2007, chambres à gaz homicides d’Auschwitz-Birkenau doit être refermé et clos.
p. 26-27
Jean-Claude PRESSAC, Pour en finir avec les négateurs, dans L’Histoire, n° 156,
juin 1992, p. 50

263

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Repères
Le point sur... 103 Le fédéralisme belge
Depuis 1993, la Belgique est un État fédéral. Comment les différents niveaux de pouvoir s’organisent-ils ?
Quelles sont leurs compétences respectives ? Quels en sont les acteurs ?

Pour répondre aux revendications des différentes communautés linguistiques qui composent la Belgique, la Constitution de
1831 a été révisée à plusieurs reprises (→ 66/15). Depuis 1993, la Belgique est un État fédéral composé de communautés et de
régions. Ces deux niveaux de pouvoir s’ajoutent à ceux qui existent depuis 1831 : État national – devenu fédéral –, provinces et
communes.

La nouvelle structure de la Belgique


• L’État fédéral couvre l’ensemble du territoire. Les institutions qui le composent sont le Parlement (Chambre des représentants
et Sénat), le roi, le Gouvernement et les cours et tribunaux.
– Le pouvoir législatif est dans les mains du Parlement. Celui-ci est composé de deux chambres, la Chambre des
représentants et le Sénat. Leurs membres (les députés ou les sénateurs) peuvent déposer et voter des propositions de
loi. Ils votent également les projets de loi déposés par le Gouvernement. Les deux assemblées disposent des mêmes
pouvoirs pour les matières institutionnelles, la révision de la Constitution, la ratification* des conventions internationales et
l’organisation des cours et tribunaux. Sur ces questions, les lois doivent donc être votées par les deux assemblées.
- La Chambre des représentants dispose de compétences exclusives, entre autres, l’octroi des naturalisations, le vote
du budget et le contrôle des comptes de l’État, et la mise en accusation des ministres. Elle exerce également, seule,
le contrôle politique du Gouvernement fédéral en lui accordant, par un vote de confiance ou de méfiance, la possibilité
de mener ou d’interrompre son action gouvernementale. Les députés sont également les seuls à pouvoir interpeller un
ministre, lequel est tenu de leur répondre à la tribune de la Chambre.
- Le Sénat est devenu une « chambre de réflexion » en matière de législation, notamment sur les grands problèmes
de société, par exemple, l’euthanasie ou la procréation médicalement assistée. Il constitue aussi un lieu privilégié de
concertation, entre communautés et partis. Il est seul compétent pour régler les conflits d’intérêt entre les assemblées
du pays.
– Le pouvoir exécutif est exercé par le roi et les ministres du Gouvernement. Le roi ou les ministres promulguent les lois en
prenant des arrêtés, royaux ou ministériels. Tous les actes du roi doivent être contresignés par un ministre qui en endosse
la totale responsabilité. Le Gouvernement peut également déposer des projets de loi au Parlement et, dans cette mesure,
participe également au pouvoir législatif.
– Le pouvoir judiciaire appartient aux cours et tribunaux.
10
• L’État fédéral comprend trois régions et trois communautés :
– la Région wallonne couvre les 5 provinces wallonnes ; la Région flamande, les 5 provinces flamandes ; la région de
Bruxelles-Capitale, 19 communes bilingues ;
– la Communauté française rassemble tous les francophones de Wallonie et de Bruxelles ; la Communauté flamande,
37
7
les Flamands et les Bruxellois néerlandophones ; la Communauté germanophone réunit les habitants des 9 communes
unilingues germanophones de la province de Liège. Chaque région et chaque communauté possède son Parlement et son
65-66 Gouvernement, sauf en Flandre où la région et la communauté ont fusionné leurs institutions.

Les compétences
• L’État fédéral est compétent dans les matières suivantes : justice, défense nationale, affaires étrangères, sécurité sociale,
104-105 monnaie. Il dispose aussi de pouvoirs en matière économique, sociale et fiscale, de transport, et est responsable des institutions
scientifiques fédérales.
• Chaque région exerce, sur tout son territoire, les pouvoirs législatif et exécutif dans des matières liées à la politique économique
et de l’emploi, à l'aménagement du territoire et l'urbanisme, à la politique de l’énergie, à l’environnement – y compris la politique

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des déchets et la gestion de l’eau –, à l’agriculture, aux forêts, à la chasse et à la pêche, aux travaux publics, aux transports, au logement, à la tutelle sur les
provinces et les communes, et aux relations internationales.
• Les communautés disposent de compétences dans quatre domaines : l’enseignement, la santé et l’aide sociale, certaines questions liées à l’emploi
des langues (pour les matières administratives, pour l’enseignement et pour les relations sociales entre les employeurs et leur personnel) et les matières
culturelles, y compris les médias, le sport et les loisirs.
Dans la plupart des matières qui sont de la responsabilité des régions ou des communautés, l’État fédéral conserve certaines compétences, par exemple
l’emploi, les transports et les relations internationales.

Asymétries et particularités
• Dès sa création, les compétences de la Région flamande sont exercées par les institutions de la Communauté flamande. Il n’y a donc qu’un seul Parlement
et un seul Gouvernement flamands, compétents pour les matières attribuées aux régions et aux communautés.
• Les Parlements des régions flamande et wallonne et ceux des communautés votent des décrets. Le Parlement de la région de Bruxelles-Capitale vote des
ordonnances.
• La région de Bruxelles-Capitale est soumise à la tutelle de l’État fédéral dans quatre matières liées à son rôle international et à sa fonction de capitale :
l’urbanisme, l’aménagement du territoire, les travaux publics et les transports. Elle possède également des commissions communautaires qui exercent, sur
le territoire de la Région bruxelloise, les compétences des communautés. En outre, elle s’est vu attribuer certaines compétences de l’ancienne province de
Brabant, qui a été scindée, en 1994, en une province du Brabant wallon et une province du Brabant flamand, lesquelles ne disposent pas de pouvoir sur le
territoire de la région de Bruxelles-Capitale.
• Depuis 1994, certaines compétences de la Communauté française ont été transférées à la Région wallonne et, pour la région bilingue de Bruxelles-Capitale,
à la Commission communautaire française (COCOF). Ces matières concernent surtout la santé et l’aide aux personnes.

En cas de conflit :
la Cour constitutionnelle 1 FÉDÉRAL
Composition des assemblées

Chambre 10 cooptés Sénat 40 élus*


150 membres* (6 fr – 4 nl) 71 membres (15 fr -25 nl)
Pour régler les conflits de compétence entre les composantes
de l’État fédéral, une Cour d’arbitrage a été créée en 1980. 21
COMMUNAUTAIRE
En 2007, elle est devenue la Cour constitutionnelle. Elle est 10 1 10
aussi chargée de statuer sur les violations, par une loi, un Parlement de la Parlement de la
décret ou une ordonnance, des articles de la Constitution Communauté française Communauté germanophone Parlement flamand
94 membres 25 membres* 124 membres
relatifs à l’égalité des citoyens devant la loi, aux droits et
libertés, à la protection des étrangers, à la légalité et à RÉGIONAL 19 6

l’égalité de l’impôt, à la non-discrimination et à l’organisation 75 25


de l’enseignement. C’est dans le cadre de cette compétence
Parlement de la Région 118*
qu’elle a été amenée à donner un avis sur l’arrondissement de Parlement wallon
de Bruxelles-Capitale
75 membres *
Bruxelles-Hal-Vilvorde (→ 10/5). La Cour peut être saisie par 75 membres*
toute autorité, toute juridiction ou tout citoyen belges. *Élus par le corps électoral

Composition et modes de désignation des assemblées parlementaires dans la Belgique fédérale


2 Pierre KROLL, caricature, 3 octobre 1992 (D’après Dans quel État vivons-nous ?, Namur, Ministère de la Région wallonne, 2004, p. 12)

Le personnage représenté à
droite est Jean-Luc Dehaene,
Premier ministre CVP de 1992 à
1999. Le 7 mars 1992, il forme un
Gouvernement, 103 jours après les
élections du 24 novembre 1991.
Le Gouvernement qu’il dirige réalise
la réforme de 1993 qui transforme
la Belgique en un État fédéral.

265

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Repères
Le point sur... 104 Les partis politiques belges
Les partis politiques jouent un rôle capital dans le fonctionnement des démocraties parlementaires. Quels
sont les partis représentés au Parlement belge depuis 1945 ? Comment évoluent-ils ? Quel est leur poids
respectif ? Quels programmes défendent-ils aujourd’hui ?

Un parti est une association de personnes regroupées en vue d’exercer le pouvoir. Pour obtenir le soutien populaire, il se présente
aux élections au cours desquelles il défend un programme où il définit ses objectifs et les actions qu’il propose de réaliser.
En Belgique, depuis la Première Guerre mondiale, plus aucun parti n’a obtenu, seul, la majorité de suffrages au Parlement. Le(s)
parti(s) qui a(ont) obtenu le plus de voix a(ont) dû s’associer dans une coalition pour former une majorité. Les ministres en sont
issus et gouvernent. Les partis qui n’en font pas partie forment l’opposition.

Les partis traditionnels


Il s’agit des trois grandes familles politiques nées au XIXe siècle : les libéraux, les catholiques et les socialistes.
Chacune de ces familles s’intègre dans un « pilier », c’est-à-dire un ensemble d’organisations : syndicats, mutuelles, coopératives,
assurances, réseaux d’enseignement, mouvements d’éducation permanente, mouvements de jeunesse, associations culturelles,
hôpitaux, médias… La proximité entre les partis et ces organisations permet à celles-ci d’exercer une influence sur les décisions
que prennent les pouvoirs législatif et/ou exécutif. Ces piliers sont au nombre de trois : le pilier libéral (de droite et laïc*), le pilier
socialiste (de gauche et laïc*) et le pilier catholique, puis social-chrétien (centriste et catholique). Jusqu’en 1945, ils s’organisent
donc selon deux clivages principaux : le clivage confessionnel (laïc*-catholiques) et le clivage droite-gauche.

Après 1945, les trois familles évoluent et d’autres partis apparaissent.


• En 1945, le bloc catholique fait place au Parti Social-Chrétien/Christelijke Volkspartij (PSC-CVP). Le Parti Socialiste Belge (PSB),
constitué dans la clandestinité, remplace le POB dissous en juin 1940.
• Entre 1968 et 1978, suite aux problèmes communautaires (→ 66), les partis libéraux, catholiques et socialistes se scindent
chacun en deux partis distincts, l’un francophone, l’autre néerlandophone. Le clivage devient linguistique.
• Même si le clivage confessionnel reste fort, certains tentent de le dépasser. En 1944, des démocrates-chrétiens et des
socialistes créent l’Union Démocratique Belge (UDB). Ce mouvement se transforme en un parti de gauche dit « travailliste »,
11 mais subit une cuisante défaite électorale en février 1946, ce qui entraîne sa dissolution. Plus tard, les partis libéraux et
socialistes s’ouvrent lentement aux chrétiens. En 1961, le PLP se présente comme pluraliste et attire des personnalités de
l’aile droite du PSC. En 1969, le PSB lance un appel au « rassemblement des progressistes », mais ne rencontre que très peu
de succès dans les rangs chrétiens. Enfin, en 2002, le PSC devient le CDH, abandonnant son appellation chrétienne.
• Pour augmenter leur électorat, plusieurs d’entre eux intègrent sur leur liste des personnes venues de la « société civile » et/ou
37
7
forment des fédérations comme le PRL/FDF/MCC ou des cartels* comme le CD&V/NVA ou le SPA/Spirit.
65-66
Les partis d’extrême gauche
Fondé en 1921 au départ d’une dissidence du Parti Ouvrier Belge (POB), le Parti Communiste Belge (PCB) est représenté au
Parlement entre 1925 et 1985. Bénéficiant de son action dans la Résistance, il participe au Gouvernement de 1944 à 1947.
103
En 1970, un courant maoïste dissident, actif dès 1964, donne naissance, après la grève des mineurs du Limbourg, au TPO-Amada
(« Tout le pouvoir aux ouvriers » - « Alle machten aan de arbeiders »), devenu Parti du Travail de Belgique (PTB) en 1979.
105
Le courant trotskyste donne naissance, en 1964, à l’Union de la Gauche Socialiste à Bruxelles et au Parti Wallon des Travailleurs,
lesquels fusionnent pour former, en 1971, la Ligue Révolutionnaire des Travailleurs puis, le Parti Ouvrier Socialiste (POS).

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Les partis communautaires
Le développement des problèmes communautaires (→ 66) donne naissance à de nouveaux partis. En 1954, la Volksunie (VU) voit le jour. Elle est l’héritière du
nationalisme flamand représenté au Parlement avant-guerre par le Vlaams Nationaal Verbond (VNV). On y trouve d’anciens collaborateurs et des défenseurs de
l’amnistie*. Pour le maintien de l’ordre et la récolte de fonds, elle utilise les services de la Vlaamse Militanten Organisatie (VMO), une milice qui rappelle le VNV
et le Verdinaso (→ 37). Devenu le troisième parti flamand en 1971, la VU entre au Gouvernement en 1977 pour réaliser une réforme de l’État (le pacte d’Egmont).
En 2001, les réformes institutionnelles divisent le parti et donnent naissance à la Nieuw-Vlaamse Alliantie (NVA) et à Spirit.
En 1961, au lendemain des grèves contre la « loi unique » par laquelle le Gouvernement a imposé des mesures d’austérité aux plans économique et social, le
Mouvement Populaire Wallon (MPW) voit le jour. Il réclame une réforme de l’État dans une perspective fédérale*, et plus d’égalité et de justice sociales. Il échoue
mais donne naissance à plusieurs partis wallons qui forment, en 1968, le Rassemblement Wallon, lequel entre au Gouvernement en 1974, mais se divise ensuite
entre droite et gauche. En 1976, une première tendance négocie une fusion avec le PLP pour devenir le PRLW. Une autre tendance, le Rassemblement Populaire
Wallon rejoint le PS en 1981. D’autres constituent un Front pour l’Indépendance de la Wallonie.
En 1964, le Front Démocratique des Bruxellois Francophones (FDF) est créé à Bruxelles. Il succède au Front pour la Défense de Bruxelles, né en 1961 pour
répondre aux « marches flamandes », organisées pour revendiquer l’appartenance de Bruxelles à la Flandre. De 1968 à 1981, il se fédère avec le RW.

Les partis écologistes


Le mouvement écologiste se développe en Europe dans les années 1970, au départ de la lutte contre l’installation de centrales nucléaires et la prise de
conscience de la dégradation de l’environnement. En Belgique, le parti-mouvement Écolo voit le jour en 1980. Ses premiers mandataires sont élus en 1981 sur
un programme intitulé « Faire de la politique autrement ». Ses responsables et militants sont surtout issus de la classe moyenne et du secteur non marchand.
Ils sont actifs sur les terrains du pacifisme, du tiers-mondisme, du féminisme, de la défense des droits de l’homme, de l’altermondialisme... Suite à la crise de la
dioxine, Écolo entre pour la première fois au Gouvernement en 1999.
Agalev est l’acronyme de Anders Gaan Leven (« Vivre autrement »). Devenu parti en 1977, il entre au Parlement en 1981. En 2003, le parti se renomme Groen!.

Les partis d’extrême droite


Le Vlaams Blok naît officiellement en 1979 par l’union du Vlaams Nationale Partij (VNP) de Karel Dillen, membre du VMO et dissident de la Volksunie, et de l’aile
nationaliste du Vlaams Volkspartij (VV). Ces deux partis sont nés en 1977, pour protester contre la signature par la Volksunie du pacte d’Egmont. Les premiers
membres sont recrutés dans les organisations nationalistes flamandes radicales, tels le Voorpost et le VMO. Il promeut l’indépendance de la Flandre, qui doit être
un État mono-ethnique, et l’amnistie*. À partir de 1987, le parti se rajeunit et, à l'image du Front National français, se montre hostile à l’immigration et à la société
multiculturelle. Il défend également un programme sécuritaire : renforcement de la lutte contre la criminalité, restrictions à l’immigration… En 2004, Il devient le
premier parti de la Région flamande. Trois associations proches du Vlaams Blok ayant été condamnées par la justice pour infraction à la loi de 1981 réprimant les
actes inspirés par le racisme, il change de nom et s’appelle désormais Vlaams Belang.
Le Front National (FN) naît en 1985 après le succès électoral du Front National français aux élections européennes de 1984. Il tente de fédérer différents
groupuscules d’extrême droite. Il rallie aussi des membres du PSC, du PRL et du FDF. Son programme est à la fois ultranationaliste, anticommuniste, antisémite*,
anticapitaliste et poujadiste*. Ses résultats électoraux sont très faibles (→ 11/3).

Dans la Communauté germanophone


Les partis traditionnels, francophones et néerlandophones, ont leur pendant dans la Communauté germanophone : le Christlich Soziale Partei (« Parti social-
chrétien ») ou CSP, le Partei für Freiheit und Fortschritt (« Parti pour la liberté et le progrès ») ou PFF et le Sozialistische Partei ou SP(B). Ces partis n’ont aucun
élu au niveau national. Les écologistes sont également actifs, au sein du Grüne Partei. Enfin, le Partei der Deutschsprachigen Belgier ou PDB (« Parti des Belges
germanophones ») défend les intérêts des Belges germanophones, en revendiquant plus d’autonomie pour la Communauté germanophone de Belgique.

267

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Repères 104 1 Socialistes Sociaux-chrétiens Libéraux Écologistes Partis communautaires
1945
1954
1961
Le point sur...
1964
1968
1969
1972
1976
1978
1979
1980
1992
1993
1997
1998
2001
2002
2003
2004
2007

Évolution, filiation et regroupement des partis belges représentés, en 2007, au Parlement fédéral (1945-2007)

2 La politique ultralibérale que l’on nous a longtemps présentée lien social plutôt qu’une société du chacun pour soi. Une politique
comme la seule voie possible notamment au sein des institutions qui allie création d’activités et sécurité d’existence. Une politique
européennes est à bout de souffle ! qui allie souplesse et bien-être pour tous. (…)
Aujourd’hui, les gens se rendent compte que sans régulation, Une telle politique implique le renforcement de l’efficacité et
comme le demandent les socialistes, nous allons tout droit vers non le détricotage des services publics et des services d’intérêt
une société déchirée entre ceux qui gagnent beaucoup et ceux général. Une telle politique implique de ne pas laisser le seul
qui gagnent trop peu pour vivre. marché définir le prix des biens et services essentiels au bien-
Ce type d’injustice conduit inéluctablement aux tensions, à la être de chacun. Une telle politique implique de réguler le prix
violence et à l’insécurité. Ce type de société ne respecte pas les des loyers, le prix de l’énergie, etc. Une telle politique implique
êtres humains ! (…) de renforcer notre système de sécurité sociale, de l’adapter aux
Davantage de précarité, de chômage, de souffrance sociale, réalités d’aujourd’hui, y compris pour les travailleurs indépendants,
d’insécurité dans tous les domaines. Moins de protection et non de l’affaiblir. (…)
sociale, moins de solidarité comme seule voie possible, c’est de
l’idéologie pure. (…) Élio DI RUPO, Discours du 1er mai 2006 (D’après http://www.ps.be, page
consultée le 2 juillet 2007)
Oui, une autre politique est possible. Une politique qui crée du

3 Depuis plus de 25 ans, l’action d’Écolo s’appuie sur la conviction développement d’activités nouvelles dans les secteurs verts,
qu’il faut d’urgence établir un équilibre radicalement plus juste de lutter pour plus de justice sociale tant au niveau mondial –
et plus durable entre nos aspirations sociales, économiques et priorité absolue étant donné l’ampleur des inégalités – qu’au
environnementales. (…) niveau belge, de favoriser le dialogue entre générations et entre
Nos propositions sont ancrées dans la conviction que l’écologie cultures, et surtout d’accroître la qualité de vie de chacune et
et la lutte pour la justice sont intimement liées. Sauvegarder chacun d’entre nous.
l’écosystème terrestre, c’est sauver la possibilité d’un monde Dans nos sociétés « développées », la richesse est de plus en plus
juste pour tous ses habitants présents et à venir. (…) mal répartie. Les riches sont de plus en plus riches (et puissants),
La réussir implique de rendre la primauté à la démocratie dans les pauvres toujours plus pauvres, les « exclus » toujours aussi
la définition des choix politiques et de ne pas soumettre ceux-ci démunis. (…) Pour Écolo, la promotion de la justice et de la
aux exigences du marché. sécurité sociale et l’écologie sont indissociables. (…)
Écolo veut mettre en œuvre des politiques qui permettent
simultanément d’alléger l’empreinte écologique de la Belgique, Une terre plus verte, un monde plus juste, 14 avril 2007 : priorités de
campagne du parti ÉCOLO pour les élections du 10 juin 2007 (D’après http://
de lutter contre le dérèglement climatique, de promouvoir le
web4.ecolo.be, page consultée le 3 juillet 2007)

268

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4 Notre action politique repose sur un principe inaliénable : la liberté. La liberté de prévention mais également par des mesures répressives adéquates ; il
de pensée et d’expression est le moteur du progrès, de la connaissance, de doit promouvoir un environnement économique favorable à l’emploi et à la
la science et de la civilisation. Le droit à la différence, à l’intelligence critique croissance ; il doit renforcer les liens de solidarité interpersonnelle ; il doit
ainsi qu’au débat politique contradictoire est une condition essentielle de la défendre l’accès au savoir, à la culture, à la citoyenneté et il doit préserver
liberté. Le libéralisme garantit la pluralité des opinions religieuses, politiques, l’environnement naturel. Il doit assurer l’égalité des chances et la justice
philosophiques. Le libéralisme est la doctrine politique qui concilie liberté et sociale. (…)
organisation sociale. Il rassemble sur les valeurs humanistes. (…) La croissance économique n’est pas un but en soi mais est un moyen au
Trop d’État nuit à la liberté de l’individu. Le libéralisme n’est pas contre l’État, il service de l’homme : produire de la richesse doit produire de la liberté,
est contre « l’État envahissant » qui au mieux fait des citoyens des assistés et favoriser le progrès collectif, permettre l’épanouissement de chacun.
au pire entrave les libertés nécessaires à la prise de responsabilité personnelle La liberté d’entreprendre est au cœur du combat libéral. La puissance
et à la création des moyens de la prospérité pour tous. (…) publique doit se garder de faire ce que l’individu fait mieux qu’elle. (…)
L’État est le garant de l’intérêt général. Il doit assurer la sécurité intérieure et
extérieure du pays ; il doit maintenir l’ordre public, à la fois par une politique Manifeste du Mouvement Réformateur, 1er septembre 2002 (D’après http://www.mr.be,
page consultée le 2 juillet 2007)

5 1. Tout miser sur l’éducation, la formation et l’emploi. (…) et non de compétition. Ensuite, en améliorant l’éthique et l’efficacité de la
2. Construire la société du respect. Le respect de l’autre, de son existence et gouvernance publique avec plus de règles, plus de transparence, plus de
de sa différence, la maîtrise et la pacification des conflits, la lutte contre toutes contre-pouvoirs, un meilleur management public, plus d’efficacité, une
les formes de violences physiques ou morales. Le respect de la femme, des optimisation des dépenses publiques et, enfin, un renforcement des services
aînés, des règles et des valeurs collectives. La lutte contre l’isolement. de base de l’État : police, pompiers et justice.
3. Renforcer la qualité de l’existence des personnes et des familles. (…) Face au besoin d’humanité que nous crie notre société, il y a chez nous
4. Mettre en marche la révolution environnementale. Créer plus de mobilité, une volonté claire de faire bouger les choses, un désir profond d’offrir enfin
générer moins de pollution, promouvoir une énergie plus propre, un véritable un réel projet humaniste alternatif et surtout de se mettre entièrement et
modèle de consommation alternatif et un « plan de lutte radicale contre le sincèrement au service de tous ses citoyens.
réchauffement climatique » à adopter par tous les niveaux de pouvoir. Parler, être et faire autrement parce que la société a besoin d’humanité !
5. Améliorer la gouvernance publique. Tout d’abord en stabilisant et renforçant
la Belgique et non en la démantelant ; en renforçant le fédéralisme d’union Lettre ouverte aux Wallons et aux Bruxellois : Autrement, 15 avril 2007, tract du CDH

6 Les partis politiques belges


1949 2007 Agalev (Anders Gaan Leven ) devenu Groen!
BSP : Belgische Socialistische Partij
CDH : Centre Démocrate Humaniste
CD&V : Christen-Democratisch en Vlaams
Groen! CVP : Christelijke Volkspartij
Lijst Dedecker FN Lijst Dedecker, Partij van het Gezond Verstand (« Liste Dedecker, Parti du Bon Sens »)
PCB-KPB
CD&V-N-VA ÉCOLO : Écologistes confédérés pour l’organisation de luttes originales
Écolo 1 FDF : Front Démocratique des Francophones
PL-LP
CVP-PSC
54 FN : Front National
12 CDH 8 MCC : Mouvement des Citoyens pour le Changement
30 MR : Mouvement Réformateur (ex-fédération PRL-FDF-MCC-PFF)
29 10
N-VA : Nieuw-Vlaamse Alliantie
PCB-KPB : Parti Communiste de Belgique
SP.A-Spirit 14 PL-LP : Parti Libéral
212 Sièges 150 Sièges 23 PLP : Parti de la Liberté et du Progrès
105 MR POB : Parti Ouvrier Belge
66 20 PRL : Parti Réformateur Libéral
17
PSB-BSP 18 PRLW : Parti des Réformes et de la Liberté de Wallonie
PS PS : Parti Socialiste
PSB : Parti Socialiste Belge
Vlaams Belang PSC : Parti Social-Chrétien
Open VLD PVV : Partij voor Vrijheid en Vooruitgang
SP.A (ex-SP) : Socialistische Partij Anders
SPIRIT : Sociaal, Progressief, Internationaal, Regionalistisch, Integraal-democratisch, Toekomstgericht.
Depuis avril 2008 : VlaaamsProgressieven
VLD : Vlaams Liberalen en Democraten
Composition de la Chambre des représentants (en nombre de sièges) en 1949 et 2007 VU : Volksunie

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Repères 105 La démocratie politique et sociale en Belgique
Droit de vote, concertation et sécurité sociales
Le point sur...

À la veille de la Première Guerre mondiale, la Belgique demeure une démocratie bien imparfaite. Sur le plan
politique, le suffrage plural* est de rigueur et les femmes en sont exclues. La démocratie sociale suppose
une concertation entre travailleurs et employeurs et la sécurité d’existence pour tous les citoyens. Cette
double exigence n’est pas rencontrée. Comment ces deux volets – politique et social – de la démocratie
évoluent-ils après 1918 ?

La démocratie politique : l’évolution du droit de vote


• En 1919, le Parlement instaure le suffrage universel pur et simple pour les hommes à 21 ans. Le droit de vote est refusé aux
femmes pour les élections législatives, à l’exception d’environ 45 000 d’entre elles. Il s’agit de quelques femmes incarcérées ou
condamnées par l’occupant, mais surtout de mères ou de veuves, non remariées, de militaires et de civils tués par l’ennemi. En
1921, les femmes obtiennent le droit de vote et peuvent se constituer candidates aux élections communales, à l’exception
des prostituées et des femmes adultères. Il faut attendre 1948 pour que les femmes obtiennent le droit de vote aux élections
législatives.
• L’âge requis pour voter est abaissé à 18 ans pour les élections communales en 1969 et en 1981 pour les élections législatives.
• En 1999, les ressortissants de l’Union européenne obtiennent le droit de vote aux scrutins communaux. Depuis 1994, ils
participent aussi aux élections européennes. En 2004, les étrangers non européens résidant depuis au moins 5 ans en Belgique
obtiennent le droit de suffrage au niveau communal.

1 Quand, à la naissance de la Belgique, seuls les nantis avaient le droit de


glisser un bulletin dans l’urne, ils étaient aussi les principaux bénéficiaires
de la politique menée. Cela n'avait rien d’illogique : voter, c'est sceller un
contrat avec quelqu'un pour qu'il défende vos intérêts et vos droits. Il aura 2 Le droit de vote des étrangers est
fallu les élargissements successifs du droit de vote aux plus démunis, aux un élargissement de la démocratie,
femmes ou aux jeunes pour que leurs problèmes soient eux aussi davantage comme le furent le vote des femmes
pris en compte. C’est à ce prix-là que la société belge – imparfaite mais et celui des jeunes. Il contraindrait
plus juste –- s'est lentement construite. les édiles communaux à davantage
Il n’y a pas de raison qu'il en aille autrement de l’immigration, qui débouche tenir compte de la situation sociale
en trop d'endroits encore sur des situations à la limite de l’invivable. (…) et économique de ces étrangers.
L'octroi d'un droit de vote ne sera pas la solution absolue à leur intégration Enfin [et] surtout, il pourrait être une
encore trop imparfaite. Mais elle forcera le politique à ne plus les ignorer, sorte de reconnaissance pour ces
à ne plus céder à la tentation des ghettos dont on mesure aujourd’hui populations qui, par ailleurs, paient
75 l’étendue du désastre. C’est donc une chance de pouvoir évoluer vers un des impôts et sont soumises aux
mieux-être pour tous qui mérite, rien que pour cela, d’être saisie. mêmes conditions de vie que les
Belges.
Christian CARPENTIER, La seule voie raisonnable, dans La Dernière Heure,
22 octobre 2003, p. 9
Jean-Christophe de WASSEIGE, Un droit,
106 deux visions. Le droit de vote aux étrangers
est en débat au Parlement. Il divise les
partis et la majorité, dans Le Soir Magazine,
29 octobre 2003, p. 22

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La démocratie sociale
3 Les représentants des deux parties (employeurs et travailleurs) se sont mis d’accord pour demander au
Le 28 décembre 1944, un arrêté-loi du prince- Gouvernement de prendre, dès le retour du pays à l’indépendance, une série de mesures d’urgence,
régent, élaboré par le ministre du Travail et de la propres à réparer les misères subies pendant l’Occupation par la grande masse des travailleurs
Prévoyance sociale Achille Van Acker, sur base salariés, propres aussi à ouvrir la voie à un courant renouvelé de progrès social, découlant à la fois
du Projet d’accord de solidarité sociale d’avril de l’essor économique d’un monde pacifié et d’une équitable répartition du revenu d’une production
1944, met en place la concertation sociale et croissante.
la sécurité sociale. Le texte de ce pacte social Ces mesures d’urgence visent principalement le régime des salaires, l’institution d’un système
est le fruit d’un vaste compromis élaboré dans complet de sécurité sociale des travailleurs reposant sur la solidarité nationale, et la restauration
la clandestinité entre des représentants du ou l’instauration des méthodes de collaboration paritaire entre organisations d’employeurs et
patronat, des représentants des travailleurs et organisations de travailleurs.
quelques hauts fonctionnaires.
Projet d’accord de solidarité sociale, avril 1944, dans Revue du travail. Organe du ministère du Travail et de la Prévoyance
sociale en Belgique, janvier-mars 1945, p. 10

La concertation sociale
Le système de concertation sociale permet aux partenaires sociaux, c’est-à-dire aux représentants des travailleurs et des employeurs, d’améliorer leurs relations par
le dialogue social. Il leur donne le pouvoir de négocier la réglementation du travail (contrat d’embauche, salaires, conditions et durée du travail, formation…). Cette
concertation s’effectue à différents niveaux.

Niveaux Organes de concertation paritaires


Interprofessionnel Conseil national du travail (né en 1936 sous une autre appellation, organisation définitive en 1952)
Par secteur d’activité Commissions paritaires (par exemple : commission paritaire de l’industrie sidérurgique…) : nées en 1919, statut légal en 1945
Par entreprise Comités pour la prévention et la protection au travail et conseils d’entreprises (organisés par la loi de 1948)

Comment la concertation dans les entreprises s’effectue-t-elle ?


• Les travailleuses et travailleurs des entreprises de 50 personnes et plus de leur entreprise, elles bénéficient à présent d’un droit à l’information et à
élisent des collègues qui les représentent au comité pour la prévention la concertation sur la politique du personnel de l’entreprise, sur la formation
et la protection au travail (CPPT). Ce comité traite des problématiques professionnelle et sur l’ensemble des conditions de travail. Elles recevront
relatives au bien-être des travailleurs : stress, tâches dangereuses, bruit, également les informations économiques sur les résultats, les comptes et
environnement, harcèlement… le bilan de leur entreprise.
• Dans les entreprises de 100 personnes et plus s’y ajoute l’élection des Les représentants des travailleurs au sein des CPPT et des CE sont élus lors
représentants au conseil d’entreprise (CE), compétent pour des questions des élections sociales. Celles-ci ont lieu tous les quatre ans dans les entreprises
telles que le règlement de travail, les horaires de travail, les informations et dans les écoles, universités, hôpitaux... libres. Tous les travailleurs sont
économiques et financières... électeurs, mais seuls ceux qui sont affiliés à un syndicat sont éligibles. Les élus
• Dans les entreprises de moins de 50 travailleurs, il n’y a pas d’élection. et les délégués syndicaux surveillent la mise en application des législations,
La délégation syndicale dialogue avec l’employeur. Récemment, les s’efforcent de résoudre les litiges entre employeurs et travailleurs, informent le
compétences de toutes les délégations syndicales ont été considérablement personnel de la situation économique et financière de l’entreprise…
étendues. En plus de leur droit actuel d’être informées de l’évolution sociale

Comment la concertation s’effectue-t-elle au niveau national depuis 1960 ?

Malgré l’existence d’organes de concertation, de graves conflits sociaux puis dans les entreprises, en vue de déterminer les modalités d’application de
persistent durant les années 1950. Un pas important est franchi en 1960 avec ces objectifs.
la décision de négocier tous les deux ans, au niveau national, des accords Un AIP se négocie sur base de cahiers de revendications établis par les
interprofessionnels (AIP). Ceux-ci fixent une série d’objectifs à atteindre. Des organisations syndicales et patronales, après consultation de leurs membres.
conventions collectives de travail sont ensuite conclues dans les secteurs Ceux-ci sont également consultés avant conclusion de l’accord définitif.

271

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Le Gouvernement détermine les cadres de la négociation. Ainsi, des avancées en matière de réduction des heures de travail, de
Repères 105 il peut par exemple, en vertu de la « loi de compétitivité », fixer un salaire minimum garanti, d’extension des vacances annuelles,
seuil au-delà duquel les salaires ne pourront augmenter. Il veille d’interdiction de licenciement d’une femme enceinte… En 1971,
aussi à ce que les accords s’inscrivent dans le cadre européen. un AIP a prévu d’accorder, aux travailleurs étrangers, le droit de
Une fois conclus et approuvés par les partenaires sociaux, les vote aux élections sociales. De 1976 à 1985, la crise économique
Le point sur...

AIP sont entérinés par le Gouvernement, qui leur donne force a empêché la conclusion d’AIP, sauf en 1981. À partir de 1986,
de loi. les partenaires sociaux ont à nouveau pu s’accorder, sauf en
Durant les années 1960 et jusqu’en 1975, ces AIP ont permis 1996.

5
Affiche de
la FGTB,
env. 1960

4 Publicité électorale de la CSC, dans Au travail ! Organe des


syndicats chrétiens, 15 novembre 1958 (Bruxelles, Archives Carhop)

La sécurité sociale
La sécurité sociale ou « Sécu » est l’ensemble des dispositions légales visant à garantir aux travailleurs et à leurs familles le droit à
certaines prestations ou allocations sociales, et ce, soit lorsqu’ils sont privés du revenu de leur travail (en cas de maladie, chômage,
retraite, accident, maternité, invalidité, vacances), soit lorsqu’ils ont des charges financières à supporter (soins de santé, éducation
des enfants). La « Sécu » constitue un ensemble d’assurances sociales rendues obligatoires par les pouvoirs publics.
Le terme « assurance » indique que le système est fondé sur le versement, par le travailleur et l’employeur, de cotisations sociales
prélevées sur le salaire brut, c’est-à-dire avant sa perception par le travailleur (salaire net). Ces cotisations sont centralisées par l’Office
national de la Sécurité sociale (ONSS) qui reçoit en outre un montant forfaitaire de l’État. L’ONSS répartit ensuite les sommes
allouées entre les organismes qui les redistribuent (→ 105/6). Il est géré, paritairement, par les représentants des travailleurs et des
employeurs.
Il y a trois régimes de « Sécu » : pour les salariés, pour les indépendants et pour les agents de l’État. Il faut distinguer la sécurité sociale
de l’aide sociale qui procure des allocations ou des services aux personnes sans revenus, aux personnes handicapées, aux personnes
âgées…
En 2002, l’aide sociale représentait environ 10 % du budget de la protection sociale, tandis que la sécurité sociale des travailleurs en
représentait 90 %. Ces assurances sont « sociales » parce qu’elles effectuent une redistribution des revenus.
La « Sécu » repose sur la solidarité entre les travailleurs et les chômeurs, les actifs et les pensionnés, les personnes en bonne santé
et les malades, les familles sans enfants et celles avec enfants…

272

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Origines et développement de la « Sécu » en Belgique

À la fin du XIXe siècle, certains ouvriers tentent de s’assurer contre les croissance économique permet le développement de la sécurité sociale
risques de chômage, de maladie… et créent des caisses d’assurance et donc une couverture de plus en plus importante des soins médicaux
mutuelle, mais la plupart sont trop pauvres pour pouvoir épargner. remboursés, notamment.
Progressivement, l’État subsidie ces initiatives privées, sur le modèle de À partir de 1973, le financement de la sécurité sociale est mis en péril par
ce que pratique l’État allemand. la crise. Les allocations de chômage et le développement du régime des
Après la Première Guerre mondiale, l’État rend obligatoires certaines de prépensions alourdissent le coût pour les pouvoirs publics. L’accroissement
ces assurances : les pensions (1925), les assurances contre les maladies des dépenses est aggravé par le vieillissement démographique et le
professionnelles et les accidents de travail ainsi que les allocations progrès des techniques médicales, de plus en plus coûteuses. Par contre,
familiales (1930). Un grand mouvement de grève aboutit aux congés payés la croissance des recettes est freinée par la contrainte de la compétitivité
(1936). qui limite les cotisations que le patronat est disposé à verser. L’endettement
En 1942, le Britannique lord Beveridge promeut la création d’un État- de l’État limite aussi le financement de la « Sécu ».
Providence (welfare state) qui veille sur les citoyens de la naissance jusqu’à Le seuil de pauvreté est fixé à 60 % du revenu moyen. Sans protection
la mort. Ce système comporte deux volets : la sécurité sociale et l’aide sociale, 40 % de la population belge vivraient au-dessous de ce seuil.
sociale. Il concerne donc aussi les non-travailleurs. Il s’inspire de Keynes, Après tous les transferts sociaux, 13 % de la population vit en dessous de
pour qui le soutien de la demande est essentiel pour éviter les crises. ce seuil (15 % dans l’UE et en France). Cette proportion est de 26 % pour
En 1944, le Pacte social fusionne les divers systèmes précédents au sein les plus de 65 ans, 32 % pour les chômeurs alors qu’elle n’est que de 4 %
de l’ONSS et rend toutes les assurances obligatoires. pour les actifs. Donc, 27 % de la population évitent la pauvreté grâce à
À partir de la fin des années 1940 jusqu’au début des années 1970, la forte la protection sociale.

6
Travailleurs 23 % ¨ ONSS § État 20,5%
Employeurs 56,5 % ¨ = 61 milliards d'euros
en 2006
FMP
ONP

INAMI FAT

ONEM ONVA
ONAFTS

La sécurité sociale en Belgique : financement et redistribution (D’après www. enseignons.be, page consultée le
14 février 2007)

Grâce à l’indexation, les salaires suivent


l’évolution des prix, avec deux bémols.
D’une part, il y a un petit retard puisqu’il
faut attendre 2 % d’augmentation de
l’index* pour que les salaires augmentent
à leur tour de 2 %. D’autre part, les
carburants, l’alcool et le tabac ont été
enlevés du calcul de l’index*.
Les allocations sociales suivent moins
bien que les salaires l'évolution des prix.
C’est ainsi que l’allocation de chômage
représentait 41 % du salaire brut en 1980, 8 Évolution des dépenses des différentes branches
de la sécurité sociale de 1953 à 2005 en % du PIB
34 % en 1990, et 27 % en 2005. (D’après SPF, Sécurité sociale, de michel.deffet@
minsoc.fed.be)

7 Caricature, dans la revue de la FGTB, Syndicats, 1er septembre 2006

273

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Repères 106 Les étrangers en Belgique
Immigrés, réfugiés, « sans-papiers » ?
Le point sur...

Émigrer, c’est quitter son pays pour aller vivre dans un autre et y devenir immigré. Au XXe siècle, de nombreux
migrants se sont installés en Belgique. Qui sont-ils ? Quand et pourquoi sont-ils arrivés ? Comment sont-ils accueillis ?

L’entre-deux-guerres : initiatives patronales


L’évolution de l’immigration est liée à la conjoncture économique. Dès 1918, les patrons charbonniers belges recrutent des mineurs
en Italie. Afin de contourner des normes qu’ils jugent contraignantes, ils évitent la filière officielle. Mais l’État italien réagit. À partir
de 1926, les patrons se tournent alors vers la Pologne et la Tchécoslovaquie. Quelques Maghrébins viennent également travailler en
Belgique, pays tout proche de leur métropole* française.
La crise des années 1930 provoque une réaction du Gouvernement belge. En 1934, il contingente le flux migratoire, espérant
ainsi résorber le chômage des Belges. En vain. En 1936, un permis de travail est instauré : tant l’employeur que le travailleur doivent
obtenir une autorisation préalable. En 1939, 23,8 % des mineurs travaillant en Belgique sont des étrangers.

L’après-guerre : émergence d’une politique d’immigration


Après 1945, la Belgique doit reconstruire son économie et augmenter la production de charbon, nécessaire à la relance de
l’industrie. C’est la « bataille du charbon ». Or, malgré les augmentations salariales, les Belges sont de moins en moins enclins à
travailler dans un secteur qui détient le record des accidents de travail. Cette situation pousse l’État à mettre sur pied une politique
d’immigration. En 1946, le Gouvernement d’Achille Van Acker conclut un accord avec l’Italie, portant sur le transfert de 50 000
mineurs italiens. En échange, l’Italie se verra livrer du charbon belge. Dès 1954, le Gouvernement italien, partenaire de la Belgique
au sein de la CECA, demande de meilleures conditions de sécurité et de logement pour ses mineurs. Les accidents de travail sont
en effet fréquents. La catastrophe de Marcinelle, en 1956, au cours de laquelle 136 Italiens perdent la vie (→ 22), amène l’Italie à
interrompre tout nouveau départ vers la Belgique. Celle-ci se tourne alors vers d’autres pays pour satisfaire ses besoins en main-
d’œuvre. Des conventions bilatérales seront signées avec l’Espagne (1956), la Grèce (1957), le Maroc et la Turquie (1964), la Tunisie
(1969), l’Algérie et la Yougoslavie (1970). En 1963, 57 % des mineurs sont d’origine étrangère.
1,11-12
Les Golden Sixties : l’immigration se développe.
Dans les années 1960, différents éléments stimulent le développement de l’immigration.
2
22 • Les conventions bilatérales octroient aux immigrés un droit au regroupement familial, suivant des normes variables selon les
pays (épouse, parfois compagne, enfants mineurs ou plus âgés, ascendants ou pas…).
• En 1962, le Conseil économique wallon (→ 66/6) commande à Alfred Sauvy une étude sur le vieillissement de la Wallonie. L’auteur
estime son repeuplement prioritaire et préconise le regroupement familial.
• À partir de la fin des années 1950, le développement des institutions européennes à Bruxelles (dès 1957), la présence d’institutions
67 internationales (dont l’OTAN, à partir de 1966) et l'établissement de grandes multinationales dans la capitale et aux alentours…
favorisent l’installation d’un autre type de travailleurs étrangers.
72 • En 1968, la Communauté européenne reconnaît aux resssortissants des États membres la liberté de circulation. Cette décision
institue une distinction juridique entre ces ressortissants et les immigrés n’appartenant pas à la Communauté européenne, ces
derniers étant davantage discriminés (→ 105).

Les années 1970 : fin de l’immigration de travail


104-105 La crise économique (→ 67) provoque, le 1er août 1974, par simple décision du Conseil des ministres, l’arrêt de l’immigration
de travail. Seuls sont autorisés à entrer en Belgique les travailleurs disposant de qualifications professionnelles n’existant pas en
Belgique. L’immigration diminue donc, mais ne s’arrête pas. En effet, la crise amène en Belgique des migrants, et encourage les
étrangers à choisir le regroupement familial.

274

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1 Évolution des migrations en Belgique (1918-2004) (D’après M.-C. ROYEN, Immigration, les vrais chiffres, dans Le Vif/L’Express, 15 septembre 2006, p. 40-41)

Les années 1980-2000 : reprise de l’immigration. Vers une politique d’intégration ?


L’augmentation du chômage, pour les Belges et les étrangers, alimente le regroupement familial, l’arrivée d’étudiants et celle de demandeurs d’asile
développement d’attitudes hostiles à l’égard des immigrés. Racistes, les contribuent aussi à augmenter le flux migratoire.
mouvements ou partis d’extrême droite, comme le Vlaams Blok devenu La demande d’asile n’est pas un phénomène nouveau. Pendant la guerre
Vlaams Belang, ou le Front National (→ 11 et 104), entretiennent un discours froide, des réfugiés de l’Est sont accueilis et, après 1973, des réfugiés chiliens
amalgamant chômage, insécurité et immigration. fuyant le régime de Pinochet. Mais à partir des années 1990, les demandes
Lentement, les pouvoirs publics réagissent et mettent en œuvre une politique d’asile augmentent considérablement, notamment suite au conflit yougoslave.
d’intégration. En 1989, le Commissariat royal à la politique des immigrés est Elles culminent à 42 691 en 2000, venant essentiellement du Congo, de Russie
créé. Il deviendra, en 1993, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte (Tchétchènes) et de Serbie-Monténégro (Kosovars).
contre le racisme. Il entreprend diverses actions qui visent la lutte contre le Dans les années 2000, l’immigration se diversifie avec l’arrivée de personnes
racisme, l’assouplissement des modes d’acquisition de la nationalité belge et le provenant de pays plus lointains : Chine, Inde, Philippines, Brésil… Elle
développement de politiques sociales. se féminise aussi, notamment suite à l'offre de certains emplois (gardes
Vers 1985, l’immigration augmente à nouveau à la faveur d’une embellie d’enfants, domesticité, santé…).
économique (→ 67/16). Les employeurs qui ne trouvent pas de travailleurs
qualifiés en Belgique obtiennent l’autorisation de recruter à l’étranger. Le

2
Réfugiés, demandeurs d’asile, clandestins…
Nationalité d'origine
D’après la Convention de Genève de 1951 (→ 21), un réfugié est une « personne craignant avec raison des étrangers en
Belgique au
d’être persécutée » pour sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social 31 décembre 2004
ou son opinion politique. Des persécutions fondées sur le sexe peuvent entrer dans la catégorie (D’après www.emploi.
« appartenance à un groupe social ». L’asile étant un droit, reconnu dans la Déclaration de 1948 (→ 21), belgique.be, page
beaucoup y recourent. Certains sont réellement menacés. D’autres sont des immigrés économiques : consultée le 3 avril
ils viennent pour trouver du travail et n’ont d’autre choix que de se faire passer pour des réfugiés. 2007)
Quand un candidat réfugié arrive en Belgique, il est tenu de demander l’asile. Comme demandeur
d’asile, il a droit à la prise en charge en centre d’accueil, droit octroyé par l’État belge. Au terme d’une
procédure qui dure souvent plusieurs années, environ 10 % d’entre eux obtiennent le statut de Italie Turquie Pologne
réfugié : ils peuvent rester et travailler en Belgique. Si la demande est refusée, la personne doit quitter France Congo
Allemagne
le territoire. Mais certains ne le font pas et restent illégalement en Belgique : ce sont les clandestins
ou « sans-papiers ». Ils constituent des proies faciles pour les employeurs qui utilisent de la main- Pays-Bas Portugal États-Unis

d’œuvre au noir. Ils doivent souvent vivre dans des conditions misérables. Leur grand nombre a conduit Maroc Royaume-Uni Ex-Yougoslavie
le Gouvernement belge à procéder, en 2000, à la régularisation de 50 000 d’entre eux.
Espagne Grèce Autres

275

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Repères 107 Les acteurs de la mondialisation
économique
Le point sur...

Depuis quelques décennies, l’économie est marquée par un phénomène de « mondialisation ». Que recouvre
ce terme ? Quels en sont les origines et les acteurs ? Face à ce processus, certains plaident pour une autre
mondialisation. Qui sont-ils ? Que revendiquent-ils ?

1 Traduction du terme globalization apparu dans la presse financière XIXe siècle, tout particulièrement dans les années 1880 à 1914. (…)
américaine au milieu des années 1980, le vocable « mondialisation » Favorisé par la révolution des transports terrestres et maritimes,
(…) sert à désigner un processus d’interdépendance de plus en le volume du commerce mondial est multiplié par sept entre 1840
plus prononcée des économies nationales découlant de la création et 1914. Dans le même temps a lieu la plus grande migration
d’un marché planétaire pour les marchandises, les services, les de l’Histoire : quelque 50 millions d’Européens s’embarquent
capitaux mais aussi l’information, les idées, les produits culturels vers les pays neufs. (…) « Économie-monde », l’Europe répand
et médiatiques. (…) partout avant 1914 ses techniques, ses langues, ses religions,
La mondialisation s’esquisse bien avant l’époque contemporaine. ses valeurs. Cette phase aiguë de mondialisation s’accompagne
Elle s’amorce avec les Grandes Découvertes de la fin du aussi de guerres économiques, de compétition acharnée entre
XVe siècle qui permettent l’essor du commerce transatlantique vieilles puissances et pays émergents et déjà de l’irruption
entre l’Ancien et le Nouveau Monde et entraînent la naissance du spectaculaire des États-Unis, de l’Allemagne et du Japon.
grand capitalisme marchand. (…) La mondialisation s’accélère au La Première Guerre mondiale ouvre une longue phase de repli
qui dure jusqu’en 1945. (…)
À la veille de la Deuxième
Guerre mondiale, la part
de la production mondiale
faisant l’objet d’échanges
internationaux est retombée
au niveau de 1840, un siècle
plus tôt.

Régis BÉNICHI, Histoire de la


mondialisation, Paris, Vuibert,
2003, p. 7-8

56
6
2
67
Les échanges planétaires en 2005
71 (D’après L’Atlas du Monde diplomatique,
hors-série de Manière de voir, janvier
2006, p. 91)

276

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Les principales institutions financières et économiques internationales
Après la Seconde Guerre mondiale, la mondialisation entre dans une Le FMI est destiné à promouvoir la mise en place d’une économie mondiale
nouvelle étape. Les États-Unis y jouent un rôle central. Ceux-ci disposent stable après les turbulences provoquées par la crise des années 1930 et
alors d’énormes surplus de production et recherchent des marchés capables la Seconde Guerre mondiale. Il encourage les États membres à appliquer
d’absorber leurs produits. Or, l’Europe est détruite. Il y a donc urgence à des politiques économiques et financières saines afin de lutter contre des
reconstruire les économies européennes dans le respect des principes de la politiques économiques déloyales qui déséquilibrent l’économie mondiale,
liberté d’entreprendre, de commercer et de concurrencer. Il y a urgence aussi par exemple le recours à la dévaluation*. Le FMI propose aux pays en voie de
dans le domaine monétaire, car la stabilité des monnaies est un gage d’échanges développement et aux pays dits « émergents » des programmes économiques
harmonieux et de stabilité sociale et politique. L’ambition américaine se traduit de redressement ou plans d’ajustement structurel, et leur prête des fonds. Il
par le biais de nombreuses mesures. La plus importante est la création du Fonds est aujourd’hui constitué de 183 États qui participent financièrement au fonds, en
monétaire international (FMI) lors de la conférence de Bretton Woods (1944). fonction de leur poids dans l’économie mondiale. Il est dirigé par ses principaux
Le dollar devient alors la monnaie de référence sur base d’une parité* fixe : la actionnaires : États-Unis, Japon, Allemagne, France et Grande-Bretagne. Il a son
monnaie de chaque État est définie par rapport à l’or ou au dollar. siège à Washington (États-Unis).

3 Dollar Autres monnaies que le dollar :

¨§
1 once d'or (31,10 g) = 35 dollars or ou dollar

Les accords de Bretton Woods

4 Le Fonds monétaire est depuis longtemps très violemment critiqué par domaines de la santé ou de l’éducation. Quant aux dévaluations*, elles ont pour
un certain nombre d’organisations non gouvernementales (ONG) actives conséquence inéluctable la hausse des prix des marchandises importées de
en matière de développement. Elles lui reprochent particulièrement de ne première nécessité qui deviennent inaccessibles aux plus pauvres. D’autres,
pas avoir suffisamment pris en considération les conséquences sociales par contre, lui ont reproché de jeter l’argent par les fenêtres en venant au
des plans de redressement imposés aux pays qui l’appelaient au secours. service de régimes corrompus, comme ce fut le cas en Russie où une partie
Bien souvent, les remèdes préconisés consistent principalement à rétablir des fonds prêtés a, semble-t-il, été détourné.
l’équilibre budgétaire et à dévaluer* la devise locale. L’un et l’autre peuvent
avoir des conséquences néfastes sur les plus démunis. La réduction des Jacques ZEEGERS, À quoi sert le Fonds monétaire international ?, dans La Libre Entreprise,
8 avril 2000, p. 6
déficits budgétaires ne peut la plupart du temps être réalisée que par des
diminutions drastiques dans les dépenses sociales, notamment dans les

La Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD), Toujours sous l’impulsion des États-Unis, des règles commerciales universelles
communément appelée Banque mondiale, est le second pilier des institutions sont définies en complément des accords de stabilité financière de Bretton
financières internationales, créées lors des accords de Bretton Woods (1944). À Woods. L’accord du GATT (Accord général sur les Tarifs douaniers et le
l’origine, cette institution favorise la reconstruction d’infrastructures dans les Commerce), signé en 1947, repose sur trois grands principes :
pays européens dévastés par la guerre. Aujourd’hui, la Banque mondiale soutient • la généralisation de la clause de la nation la plus favorisée signifie que tout
le développement économique à long terme des pays en développement. Elle avantage accordé à un partenaire commercial doit être étendu à tous les
leur fournit une assistance technique et peut aussi leur accorder des prêts très États signataires de l’accord ;
importants, à des taux inférieurs à ceux du marché. Son objectif principal est • la lutte contre le dumping* et les subventions nationales à la fabrication
aussi de lutter contre la pauvreté par la promotion de l’éducation, des soins de ou l’exportation de produits qui faussent la concurrence ;
santé ou de l’accès à l’eau, par exemple. La Banque mondiale regroupe 184 États. • la réduction progressive des barrières douanières afin d’augmenter la
Son président est un ressortissant des États-Unis, principal actionnaire de la liberté du commerce.
Banque ; son siège se situe à Washington (États-Unis). Huit cycles de négociations se sont succédé jusqu’en 1994. Ils rassemblent

277

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toujours plus de pays et traitent de sujets de plus en plus a son siège à Genève (Suisse). Son autorité suprême est la
Repères 107 nombreux. En 1995, ces cycles sont remplacés par une structure conférence qui rassemble tous les deux ans les représentants
de négociation permanente et donnent ainsi naissance à des États membres : en 2008, ils étaient 151 pays assurant 90 %
l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Celle-ci a pour du commerce mondial. Ces représentants sont tous égaux : le
mission d’assurer la régulation des relations commerciales vote négatif d’un État bloque toute décision.
Le point sur...

entre ses États membres dans le cadre du libre-échange. Elle

La mondialisation des investissements et les entreprises multinationales


La mondialisation du commerce se double d’une mondialisation ses sources de matières premières, répondre à la demande
des investissements. Après la Deuxième Guerre mondiale, en s’installant à proximité de ses clients, réduire ses coûts de
les grandes firmes américaines investissent des sommes production en trouvant une main-d’œuvre moins chère et une
importantes à l’étranger. Ces investissements directs à fiscalité plus avantageuse.
l’étranger* (IDE) favorisent le développement des entreprises Les partisans de la mondialisation soulignent que les
multinationales. multinationales* participent à la croissance des pays dans
Les multinationales* sont des entreprises de grande lesquels elles s’implantent. Ses opposants les accusent de
dimension, disposant de filiales implantées dans d’autres pays néocolonialisme (→ 94/4) et dénoncent le pillage des matières
que leur pays d’origine (→ 6/1). Leur expansion est facilitée par premières et l’exploitation de la main-d’œuvre, particulièrement
la baisse du coût des transports et la révolution des moyens celle des enfants. Les entreprises multinationales* diffusent des
de communication, dont l’essor d’Internet. marques mondialement connues, comme Nike ou Coca-Cola
Une entreprise peut investir à l’étranger pour se rapprocher de et engendrent une uniformisation des modes de vie.

InBev, une entreprise multinationale* d’origine belge


Dès 1952, la brasserie Stella Artois, présente à Louvain depuis 1366, rachète d’autres brasseries : Leffe, Belle-Vue,
Hoegaarden et Jupiler. En 1987, la fusion des brasseries Stella Artois (Louvain) et Piedboeuf (Jupille) donne naissance au
groupe Interbrew. Celui-ci poursuit son expansion et devient actionnaire majoritaire de nombreuses entreprises dans le
monde, notamment en Allemagne, Grande-Bretagne, Canada, Russie, Corée, Afrique du Sud et Chine. En 2004, Interbrew,
fusionne avec le brasseur brésilien Ambev (Companhia de Bebidas das Américas) et devient InBev, le plus grand groupe
brassicole au monde ; son siège est à Louvain. Il détient 13 % du marché mondial de la bière. Présent dans 120 pays, il
commercialise 200 marques. L’entreprise occupe près de 86 000 employés dans 32 pays, en Amérique du Nord et du Sud,
en Europe et en Asie. En 2006, InBev a vendu plus de 246,5 millions d’hectolitres de bière et de boissons rafraîchissantes,
pour un chiffre d’affaires de 13,3 milliards d’euros.

La globalisation financière
La globalisation financière est la troisième composante de Dans les années 1980, sous l’impulsion américaine, les États
la mondialisation. Ce terme désigne la création d’un marché décident de libérer les mouvements de capitaux. Désormais, la
unique de l’argent à l’échelle de la planète. circulation des capitaux* se caractérise par une unité de lieu
Entre 1971 et 1973, les États-Unis mettent fin au système de et de temps : les places boursières sont connectées par des
Bretton Woods. Ils suppriment la convertibilité-or du dollar. Les réseaux informatiques, 24 heures sur 24. Cette globalisation
taux de change des monnaies deviennent flottants. Et le dollar financière se limite, pour l’essentiel, aux pays de la Triade
baisse. Les États-Unis espèrent ainsi favoriser leurs exportations (→ 107/2) : États-Unis, Europe et Japon.
et mettre fin au déficit de leur balance commerciale*.

5 En théorie, la création de ce marché financier unique et sans recherche d’un profit immédiat qui légitime leur incessant
entraves doit se traduire par une meilleure répartition des déplacement semble à l’opposé des financements durables
capitaux* (…). En réalité, la valeur annuelle des transactions dont ont besoin les entreprises et les pays et de la stabilité
financières mondiales, qui atteint la somme astronomique de nécessaire aux acteurs et aux décideurs. Cette spectaculaire
150 000 milliards de dollars en l’an 2000, soit près de trente poussée spéculative multiplie aussi les risques de crises
fois la valeur du commerce mondial, semble surtout générer financières (…).
des effets pervers : l’extrême volatilité de ces capitaux* à la
Régis BÉNICHI, Histoire de la mondialisation, Paris, Vuibert, 2003, p. 183

278

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Les consommateurs
En cherchant le meilleur prix, en demandant des produits qui ne sont pas de de production de ce qu’il achète. Ce modèle de consommation accentue la
saison ou qui proviennent de régions lointaines, le consommateur participe concurrence entre les entreprises de production et de distribution qui sont
au processus de mondialisation, sans se soucier toujours des conditions contraintes de baisser leurs coûts.

6 La mondialisation est régulièrement dénoncée comme un des facteurs 7 Les transferts financiers des migrants vers leur pays
d’accroissement des inégalités entre les pays pauvres et les pays riches. D’autres d’origine (…) représentent des fonds considérables :
au contraire prétendent qu’il faut continuer d’accroître le niveau des échanges 225 milliards de dollars en 2005, c'est-à-dire beaucoup plus
internationaux pour répondre aux enjeux de développement des pays pauvres. que l’aide publique au développement. Un émigré fait vivre
Une voie moyenne consiste à reconnaître les bienfaits du développement des 10 personnes en moyenne. Toute l’épargne individuelle,
échanges internationaux sur la croissance économique tout en cherchant à familiale ou communautaire, réalisée sur des salaires pourtant
réguler, voire à supprimer les impacts négatifs et inégalitaires de la mondialisation bas, est utilisée pour l’assistance de survie à la parenté,
pour les pays du Sud. Le commerce équitable1 entre dans cette logique. Il l’accès à des produits de consommation ou l’équipement
entend développer des relations privilégiées et équilibrées avec des groupes de collectif des villages (écoles, centres de santé). (…) Avec les
petits producteurs défavorisés dans les pays du Sud (…) et à promouvoir leur capitaux circulent aussi des connaissances, des savoir-faire,
développement durable grâce à la commercialisation de leurs produits, suivant des représentations et des modèles qui bénéficient largement
des conditions commerciales avantageuses sur nos marchés développés. aux sociétés de départ.
1
→ 6/6 Diversification des migrations, dans M.-F. DURAND, B. MARTIN, D. PLACIDI et
M. TÖRNQUIST-CHESNIER (dir), Atlas de la mondialisation, Paris, Presses de la
Tristan LECOMTE, Le commerce équitable, Paris, Eyrolles, 2004, p. 9-10 Fondation nationale des Sciences politiques, 2007, p. 25

8 Issu de différents mouvements nés dans les années 1990 (…) dénonçant le libre-échange* et les
institutions financières internationales (…), la mondialisation libérale et le rôle des firmes globales ainsi
que des manifestations contre les sommets internationaux de Seattle (OMC, 1999), Prague (FMI, 2000),
Gênes (G81, 2001) et Davos2, le mouvement anti-, puis altermondialiste s’organise autour des réunions
9 Réunion sur le plateau du Larzac (France)
du Forum social mondial. Organisée de façon réticulaire3, composée d’associations et d’individus variés,
à l’initiative de José Bové, leader de la
la nébuleuse altermondialiste s’élargit au courant pacifiste (contre la guerre en Irak) et à une partie du Confédération paysanne, août 2003
mouvement syndical en recomposition. Bon nombre de ses combats sont issus du travail des grandes
ONG avec lesquelles les relations sont complexes et variables (…). Entre 2001 et 2003, les trois premières
réunions du Forum social mondial à Porto Alegre4 ont connu un succès grandissant (effectifs multipliés par
10 et près de 5000 associations venant de 150 pays en 2003) mais sans produire de texte fédérateur autre
que la Charte des principes du Forum social mondial, qui exclut du mouvement les partis politiques et les
mouvements armés. (…) Au-delà du consensus d’opposition aux formes actuelles de la mondialisation,
peu de propositions alternatives sont formulées ou d’actions concrètes engagées, et des tiraillements
apparaissent entre une tendance sociale et peu politique (proche des grandes ONG) et une autre beaucoup
plus radicale et politisée (...). Malgré ces limites, l’anti-libéralisme porté par les altermondialistes influence
les évolutions politiques nationales (…), les agendas internationaux, et contribue à l’émergence d’une
scène politique mondiale.
1
Sommet annuel des pays les plus industrialisés et les plus riches de la planète. Organisé pour la première fois en 1975, il
rassemblait les chefs d’État de l’Allemagne, des États-Unis, de la France, du Japon, du Royaume-Uni et de l’Italie. En 1976,
le Canada y est admis puis, en 1998, la Russie. Ces sommets traitent de commerce international, de développement, des
finances et, plus récemment, des questions environnementales.
2
Le Forum économique mondial est une organisation internationale indépendante. Il réunit annuellement à Davos (Suisse)
des chefs d’État, des chefs d’entreprises, des ONG. Il débat de sujets économiques et vise à l’amélioration de l’état du
monde.
3
En réseau
4
Brésil (→ 6/5)

La société civile organisée, dans M.-F. DURAND, B. MARTIN, D. PLACIDI et M. TÖRNQUIST-CHESNIER (dir), Atlas de la mondialisation,
Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 2007, p. 59

279

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Repères
Le point sur... 108 L’espace, enjeu stratégique
Le 4 octobre 1957, Spoutnik, le premier satellite artificiel, tourne autour de la Terre. L’ère spatiale est ouverte.
Quels en sont les acteurs et les ressorts ? Quelles formes la conquête spatiale a-t-elle prises ? Quelles en
sont les retombées ?

Les moteurs de la conquête spatiale


• Après la Seconde Guerre mondiale, les Alliés profitent des avancées technologiques mises au point durant le conflit par les
1 ingénieurs du IIIe Reich* comme Wernher von Braun, concepteur des missiles balistiques allemands V2 qui a émigré aux
États-Unis.
Badge du
vol Apollo-
• Le contexte international joue un rôle majeur dans le développement des programmes spatiaux. La guerre froide devient
Soyouz en le moteur d’une véritable course à l’espace entre les États-Unis et l’URSS qui recherchent, outre le prestige, des applications
1975 militaires. Par exemple, dès les années 1950, des satellites d’alerte surveillant les arsenaux nucléaires de l’ennemi sont mis
en orbite. Dans cette course à l’espace, les succès sont d’abord russes : premier satellite artificiel, Spoutnik-1, en 1957 ;
premier homme dans l’espace, le cosmonaute Youri Gagarine, en 1961. De leur côté, les États-Unis créent la NASA en 1958
et lancent en 1961 leur programme Apollo, qui conduira le premier homme sur la Lune en 1969.
• Une fois la guerre froide terminée, les préoccupations militaires demeurent un des moteurs de la conquête spatiale. Les
satellites militaires répondent à une triple mission : l’observation, le guidage des opérations et la mise sur pied d’un « espace
sécuritaire ». Dès 1981, Ronald Reagan, président des États-Unis, lance un ambitieux programme de défense nationale :
l’Initiative de Défense stratégique (IDS), surnommée « guerre des étoiles ». Abandonné sous le mandat de Clinton dans les
années 1990, ce projet de bouclier spatial anti-missile est relancé en 2001 par George W. Bush. Pourtant, dans les années
1960, l’ONU avait approuvé un traité international censé garantir l’utilisation pacifique de l’espace. Mais son application est
difficilement contrôlable et il n’est pas réactualisé.
• Enfin, la recherche scientifique constitue un des ressorts de la recherche spatiale. Sans l’écran de l’atmosphère terrestre,
l’étude du cosmos est infiniment plus précise. L’espace se prête également à de multiples recherches dans les domaines de la
biologie, de la médecine, de la physique…

De nouveaux acteurs
L’Union européenne possède une agence spatiale depuis 1975. Consciente de la nécessité d’une indépendance face aux deux
blocs, elle s’est dotée de lanceurs, les fusées Ariane, capables de placer leur propres satellites en orbite. La Chine a rejoint
les États-Unis et la Russie en envoyant un « taïkonaute » dans l’espace en 2003. L’Inde développe aussi une politique spatiale
d’envergure. Israël, le Pakistan, la Corée du Nord, le Brésil et l’Iran ont également une activité spatiale, essentiellement d’ordre
militaire et qui ne concurrence pas celle des autres puissances.
3 Aujourd’hui comme hier, l’espace constitue donc un moyen utilisé par les puissances montantes ou établies pour affirmer leur
prestige national. Toutefois, les États-Unis demeurent la première puissance spatiale mondiale. Leurs investissements représentent
70 % des budgets spatiaux mondiaux.

47
7 Comment explorer et utiliser l’espace ?
• Les vols habités sont les plus rares. Aujourd’hui, seuls les États-Unis, la Russie et la Chine sont capables de les mener à bien.
• En 1971, les Soviétiques créent la première station spatiale, Saliout. Construite en orbite terrestre en 1986, la station russe Mir
(« paix », en russe) a ensuite accueilli des astronautes américains, manifestation de la fin de la guerre froide. Aujourd’hui, une
station internationale (ISS) est en construction. Ces stations permettent aux hommes d’effectuer des séjours prolongés dans
90
l’espace. Elles nécessitent l’usage de navettes, comme celles de la NASA.
• Les engins spatiaux non habités permettent l’exploration du système solaire. Des sondes spatiales se sont ainsi posées sur
la Lune, Mars, Vénus et Jupiter. De 1979 à 1989, Voyager II a survolé successivement Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune.

280

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• Enfin, depuis 50 ans, plus de 5000 satellites artificiels sont venus trois ordres : de communication, de navigation ou de surveillance civile
rejoindre Spoutnik le Russe et Explorer l’Américain. Tant et si bien que l’on (météorologie, détection d’incendies, de pollutions,…) ou militaire.
parle aujourd’hui d’une véritable pollution spatiale. Ces satellites sont de

Les retombées de la recherche spatiale

• L’étude progressive du cosmos a permis d’améliorer notre connaissance • Les retombées techniques des recherches dans le domaine spatial sont
de la structure des corps célestes et de leur origine. Ainsi, le télescope parfois étonnantes : on notera par exemple la découverte des couches-
spatial Hubble a permis d’estimer l’âge de notre planète à 13,7 milliards culottes, dont la matière a été utilisée à l’origine dans les combinaisons
d’années. des astronautes. De même, les airbags ont d’abord été mis au point
• Le développement des satellites est à l’origine du guidage par GPS, pour les navettes. L’imagerie médicale est aussi largement tributaire des
de la téléphonie satellitaire et de centaines de chaînes de télévision progrès effectués dans l’imagerie spatiale.
disponibles sur toute la planète. • Enfin, la conquête de l’espace, malgré les sommes considérables qu’elle
• Grâce aux satellites, la Terre peut aussi être observée sous toutes ses nécessite, est un facteur de croissance et d’emploi. Les innovations
coutures. On peut ainsi diagnostiquer le réchauffement climatique et techniques et le degré de précision nécessaire au matériel spatial ont
suivre ses conséquences. Les prévisions météorologiques en ont aussi accéléré le développement industriel des pays concernés.
grandement profité.

2
Couverture du magazine Le Soir Illustré, n° 1934,
17 juillet 1969

3 Voici les astronautes lunaires revenus sur la Terre. Un triomphe leur sera fait
lorsqu’ils sortiront de leur quarantaine. Ils feront aux États-Unis et un peu
partout dans le monde des tournées éclatantes. Les hommes manifesteront
leur enthousiasme et leur émotion devant les perspectives enivrantes que
les astronautes viennent d’ouvrir à l’humanité.
Dans cet enthousiasme, il y a aussi des fausses notes. Certains haussent
les épaules en disant que c’est folie, que ça ne sert à rien, que la Lune
n’offre que des cailloux (…) et qu’il vaudrait mieux consacrer cet argent aux
pays sous-développés (…). De toute manière, on n’arrête pas le progrès
technique et, plus que jamais, le problème des hommes va être d’assimiler
les découvertes sans en devenir esclaves. (…)
On est évidemment à l’aube d’une civilisation nouvelle qui va se trouver
de plus en plus liée aux impératifs de la technologie. Une civilisation de
masse qui régira l’immense troupeau humain, le menant vers l’espoir ou le
désespoir, la conscience ou l’inconscience. (…) Il y a longtemps sans doute
que l’on ressent cette évolution, mais la conquête de la Lune est un jalon
sensationnel, non seulement par le fait matériel de la conquête, mais aussi
parce que pour la première fois, sans doute, l’humanité entière s’est trouvée
liée dans un même événement. La télévision a porté la conquête lunaire
dans toutes nos villes (…). Mais l’individu ? (…) Peut-il y avoir de véritable
progrès si l’homme se laisse engluer dans le collectivisme matérialiste ?
Certes, on ne peut refuser le progrès, mais il faut savoir que pour l’humanité,
il reste à faire des conquêtes bien plus importantes que la Lune. S’il fallait
donner un nom [à ces conquêtes] (…), on dirait : « Objectif Homme… » (…).

Objectif Homme, dans La Libre Belgique, 25 juillet 1969, p. 1, 3

281

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Repères 109 Le XXe siècle ou la victoire de
la médecine ?
Le point sur...

Au fil du XXe siècle, l’espérance de vie a augmenté dans la plupart des pays. Pourquoi ? Ces progrès
bénéficient-ils également à tous ? Les menaces sanitaires ont-elles pour autant disparu ?

La médecine, en recherche constante


Au milieu du XXe siècle, les maladies infectieuses étaient encore responsables de nombreux décès partout dans le monde. Ce
n’est plus le cas aujourd’hui en Europe. Depuis 150 ans, la médecine a fait des progrès spectaculaires grâce aux apports conjoints
de la chimie, de la biochimie, de la physique et de la biologie. De plus, à partir de la Seconde Guerre mondiale, les budgets
alloués à la recherche scientifique par les États et les multinationales sont allés croissants.

• Nés au XIXe siècle, les vaccins se multiplient et se perfectionnent : ils préviennent de nombreuses infections virales.
• Découverte dans l’entre-deux-guerres, la pénicilline permet, à partir de 1943, le développement des antibiotiques de synthèse.
Grâce à eux, de nombreuses maladies d’origine bactérienne sont combattues avec succès. Pour ceux qui ont accès aux
antibiotiques, l’espérance de vie a augmenté d’environ 15 ans depuis leur mise au point.
• Les progrès dans la miniaturisation et dans le traitement de la douleur ont permis à la chirurgie d’effectuer des interventions
autrefois impensables. Les premières greffes d’organes ont lieu dès les années 1950.

• Les avancées dans le domaine de la physique ont permis


1 à la médecine de réaliser des instruments améliorant
Années Âge moyen
considérablement la connaissance du corps humain et de
Hommes Femmes ses pathologies. Ainsi, les sonars qui permettaient de repérer
1880-1890 43,59 46,63 les sous-marins durant la Seconde Guerre mondiale ont donné
naissance à l’échographie, mise au point en 1957. Le scanner
1928-1932 56,02 59,79 et l’imagerie médicale par résonance magnétique naîtront par
1946-1949 62,04 67,26 la suite.
• Dans le domaine génétique, l’ADN est découvert en 1953
1959-1963 67,73 73,51 et, près de 15 ans plus tard, le gène est isolé. En 1990, la
1968-1972 67,79 74,21 communauté scientifique internationale lance une importante
recherche afin d’obtenir la séquence complète d’un génome
1972-1976 68,60 75,08
humain : c’est chose faite en 2003. La génétique ouvre de
1 1979-1982 70,04 76,79 grands espoirs dans le traitement de plusieurs maladies, mais
1988-1990 72,43 79,13 suscite de nombreuses interrogations éthiques.
• Grâce aux progrès scientifiques du XXe siècle, la maîtrise
1991-1993 73,00 79,78 de la procréation humaine évolue. La pilule contraceptive
68
8 1994-1996 74,02 80,76 est mise au point dans la seconde moitié des années 1950.
Commercialisée aux États-Unis en 1960, elle est autorisée en
1995-1997 74,30 80,94
72 France en 1967 et en Belgique en 1972 (→ 75/1 et 9). Elle
1997-1999 74,78 81,18 permet aux femmes de maîtriser leur fécondité. La procréation
médicalement assistée se développe également. Le premier
1999-2001 75,12 81,49
« bébé-éprouvette », fécondé en laboratoire puis réimplanté
2001-2003 75,62 81,68 dans l’utérus de la mère, naît en Grande-Bretagne en 1978.
109 2003-2004 75,97 81,91

Espérance de vie en Belgique entre 1885 et 2004 (D’après


http://www.statbel.fgov.be, page consultée le 29 décembre 2007)

282

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2
Les limites des progrès médicaux
Pourtant, en ce début de XXIe siècle, la médecine ne résout pas tous les maux. De plus, les
bénéfices de cette prodigieuse évolution de la médecine au XXe siècle ne sont pas partagés
par tous. Ainsi, en 2008, un Belge peut espérer vivre jusqu’à 79 ans alors que l’espérance de
vie d’un Zimbabwéen n’est que de 37 ans.

• Des maladies « nouvelles » comme le SIDA se développent à travers le globe.


• Des résistances aux antibiotiques sont apparues, donnant naissance à de nouvelles
souches devenues insensibles.
• En Belgique, les premières causes de décès sont les maladies cardio-vasculaires
(infarctus…) et les cancers. Ces maladies sont en partie imputables au mode de vie
des sociétés occidentales : consommation de tabac, stress, mauvaise alimentation et
pollution. Le vieillissement de la population explique également l’importance des décès
dus aux cancers.
• La pollution est responsable d’une croissance importante des affections respiratoires
Proportion de la population n’ayant pas
et des allergies ainsi que d’une baisse de la fécondité. Selon l’OMS, 2 millions de accès aux médicaments essentiels en
personnes décèdent prématurément chaque année en raison de la pollution de l’air des 1999 (D’après Du Rififi en pharmacie, dans
villes, dont plus de la moitié dans des pays émergents à la législation moins protectrice Le Courrier international, n° 852, 1-7 mars
qu’en Occident. 2007, p. 43)
• En Belgique, en 2004, 8 % de la population présentaient des troubles dépressifs.

La recrudescence des pandémies*


Le XXe siècle n’a pas été épargné par les épidémies, tant redoutées dans le passé.

• En 1918, la grippe espagnole, arrivée de Chine en passant par les États-Unis, fait entre 20 et
40 millions de morts en Europe. L’année suivante, la tuberculose tue 85 000 Français.
Ces maladies reviennent de façon endémique durant la première moitié du XXe siècle.
• Les épidémies reculeront grâce à l’élévation du niveau de vie et à l’implication des
pouvoirs publics qui promeuvent notamment la vaccination et de la coordination sanitaire
internationale. Celle-ci débute dès 1922 par la mise sur pied d’un comité au sein de la
Société des Nations. En 1948, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est créée. Évolution de l’espérance de vie à la
Elle veille à appliquer des mesures de protection en cas d’épidémies et développe naissance dans quatre pays d’Afrique
des campagnes de vaccination à l’échelle planétaire. Celles-ci permettent d’éradiquer noire (1955-2005) (D’après L’Atlas du
Monde diplomatique, Paris, A. Colin, 2006,
certaines maladies, comme la variole, dont le dernier cas a été recensé en Somalie en
p. 45)
1977.
• Pourtant, la dégradation de la situation sanitaire dans certains pays décolonisés, couplée
au phénomène de mondialisation*, a entraîné une recrudescence des épidémies. En
4 1900 178
2005, 52 pays, principalement en Afrique, ont été touchés par le choléra. La peste
bubonique ou pulmonaire sévit encore. De nouvelles maladies s’ajoutent aux anciennes. 1930 99
Le virus du SIDA, dont les premiers cas ont été recensés aux États-Unis, est identifié en 1960 31,2
1983. Il donne naissance à la plus importante pandémie* de la fin du XXe siècle. Au moins 1970 21,1
25 millions de personnes sont aujourd’hui séropositives en Afrique. Elles sont environ 1980 12,1
20 000 en Belgique. D’autres pandémies* éclatent. Identifié en 1997, le virus de la grippe
1990 7,9
aviaire, apparu en Chine, se diffuse à travers le globe pour atteindre l’Europe dès 2005.
• Depuis les années 1990, une attention croissante est portée aux épizooties, épidémies 2000 4,8
animales telle la grippe aviaire ou la fièvre aphteuse. Leur recrudescence est due aux 2005 4
échanges mondiaux en constante augmentation et à l’élevage de masse. Le risque existe
Mortalité infantile* en Belgique entre 1900 et 2005, en ‰
de voir les agents infectieux franchir la barrière de l’espèce pour infecter l’humain, comme
(D’après http://www.one.be et http://perspective.usherbrooke.ca,
dans le cas la maladie de la vache folle. pages consultées le 29 décembre 2007)

283

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Repères
Le point sur... 110 Comprendre l’art contemporain
L’art contemporain est déroutant. Souvent provocateur, il invite le spectateur à remettre en question son regard,
à réfléchir au sens de la vie et à se poser la question de ce qu’est l’art. Pourtant, selon l’artiste contemporain
Robert Filliou, « l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ». Quelles grandes tendances ont traversé
le siècle ? Comment apprivoiser des expressions artistiques qui nous semblent incompréhensibles ou qui nous
heurtent ?

La photographie, qui se développe à partir du XIXe siècle, a joué un rôle fondamental dans l’évolution de l’art. En permettant une
reproduction fidèle de la réalité, elle libère l’art de ce rôle.
Par ailleurs, à partir du XXe siècle, à côté de la couleur, du métal ou de la pierre, de nouveaux matériaux comme l’air, la lumière,
la nature, la vidéo, l’informatique, la photographie et même le corps humain, sont utilisés par les artistes. Parallèlement, les
techniques se mélangent, rendant de plus en plus floues les catégories traditionnelles que sont la peinture et la sculpture.
Enfin, les formes de l’expression artistique se multiplient et se diversifient. Néanmoins, quelques grandes tendances se
dessinent à travers le XXe siècle.
Les bases de l’art contemporain sont le fauvisme, l’expressionnisme, le futurisme, le cubisme, l’art abstrait et le mouvement
Dada.
• Le fauvisme est le premier mouvement d’avant-garde du XXe siècle. Entre 1905 et 1908, un groupe de peintres réunis autour
de Henri Matisse exploite les ressources de la couleur pour son pouvoir expressif, sans référence à la réalité.
• L’expressionnisme se développe en Allemagne à partir de 1905. Il exagère, déforme les traits pour traduire les sentiments
sombres d’artistes qui expriment leur malaise, leur inquiétude par rapport au monde qui les entoure.
• Les artistes futuristes, comme Luigi Russolo (→ 77/9), s’inspirent du monde moderne et tentent de représenter le mouvement
et la vitesse. Né en Italie, le futurisme s’épanouit entre 1912 et 1915. L’art cinétique le prolonge, dans une certaine mesure.
Il se fonde sur le caractère changeant d’une œuvre. Ainsi, les artistes conçoivent des sculptures mobiles, qui dansent en
fonction des courants d’air. Dans les années 1950, la lumière vient enrichir leur recherche. Plus récemment, l’usage de la vidéo
prolonge ces recherches dans la mesure où celle-ci est la combinaison d’images lumineuses en mouvement (→ 77/7).
• Le cubisme remet en cause les règles de la perspective, héritées de la Renaissance. Les cubistes tentent de montrer, sur un
même plan, toutes les facettes d’un objet. Dès 1912, Pablo Picasso et Georges Braque collent dans leurs œuvres des morceaux
de journaux ou des bouts de papier. Cette technique de collage marquera l’art du XXe siècle. Ainsi, dans les années 1950, le peintre
Matisse découpe et colle des morceaux de papier colorés. Des artistes du pop art utiliseront également cette technique.
• Vers 1910, Wassily Kandinsky (→ 77/15) et Kazimir Malevitch refusent la figuration ou l’imitation de la nature. Ils ne peignent
plus que des couleurs, dans des formes géométriques. Leurs œuvres marquent le début de l’art abstrait. En 1917, Kazimir
18 Malevitch touche aux limites de l’art abstrait en peignant un carré blanc sur un fond blanc. De même, en sculpture, certains
artistes, comme Constantin Brancusi (→ 77/16), simplifient les formes. Ces recherches se prolongent après la Seconde Guerre
24-25 mondiale, par exemple dans les color-fields de Mark Rothko (→ 77/20). Dans les années 1960, l’art minimal travaille des formes
géométriques essentielles et universelles : Carl André pose au sol des plaques de métal manufacturées et Donald Judd fixe au
mur des séries d’éléments métalliques.
• Né pendant la Première Guerre mondiale, Dada est un mouvement anarchiste qui conteste les formes traditionnelles de
l’expression artistique. Il se prolonge dans le surréalisme qui se développe surtout dans l’entre-deux-guerres (→ 40/3-4).
36

40 L’art, représentation du réel ?

77 La question du rapport de l’art et du réel occupe une place importante dans les expressions artistiques du XXe siècle. De nombreux
courants et artistes s’y confrontent, chacun à leur manière.
En 1917, Duchamp, en sortant de son contexte un urinoir qu’il appelle fontaine (→ 77/1), introduit une rupture fondamentale avec
l’art traditionnel. Désormais, tout est art, même l’objet que l’artiste n’a pas créé lui-même et qui n’est pas unique (ready-made*) ;
c’est la démarche de l’artiste qui fait de l’objet une œuvre d’art.

284

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1
André DERAIN, Portrait de
Henri Matisse, 1905
(Londres, Tate Modern)

2
Pablo PICASSO, Nature morte à
la chaise cannée, 1912
(Paris, Musée Picasso)

Pendant tout le XXe siècle, des artistes vont réinterpréter l’idée du ready-made*. La nature peut devenir le matériau de l’artiste qui la modifie : c’est le land art.
C’est le cas des artistes du pop art, dans les années 1960. Ils critiquent Ainsi, en 1971, Robert Smithson fait construire sur la rive nord du Grand Lac
la société de consommation en mettant en scène des objets usuels de Salé, en Utah aux États-Unis, une jetée en forme de spirale de 4,5 m de large
consommation courante. Les œuvres de Tony Cragg (→ 77/2), qui recueille et s’enroulant sur une longueur de 450 m.
et assemble des matériaux de récupération, prolongent ces recherches. De La rue est aussi une source d’inspiration pour les artistes. D’abord expressions
même, Jean Tinguely se fournit dans les décharges ; César compresse des d’une culture populaire, graffitis et tags deviennent les éléments d’une
carcasses de voitures. recherche artistique, comme chez Keith Haring (→ 77/6).
La critique de la société s’exprime également à travers des œuvres réalistes Enfin, l’œuvre d’art peut se dématérialiser et/ou être éphémère. L’artiste
comme celles de Duane Hanson (→ 77/4), d’Edward Kienholz (→ 24/6) ou de organise un événement temporaire, un happening, qui devient une œuvre
Wolf Vostell (→ 69/1). d’art, comme l’emballage du Reichstag* par Christo et son épouse (→ 77/14).
De leur côté, les peintres surréalistes tentent d’exprimer le subconscient avec
des moyens picturaux réalistes ou non figuratifs.

3
Alexander CALDER,
Mobiles, 1950-1960
(Bilbao, Musée Guggenheim)

4
Joseph BEUYS, The Pack, 1969
(Collection privée en prêt à la Tate
Modern, Londres)

285

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Repères
Le point sur... 111 Planète médias
Durant le XXe siècle, les moyens de communication se multiplient et deviennent un des vecteurs de la
mondialisation*. En 1969, 350 millions de téléspectateurs suivent les premiers pas de l’homme sur la Lune.
Aujourd’hui, les événements du monde sont transmis en direct, 24 heures sur 24. Quelles sont les étapes de
l’avènement de cette « planète médias » ? Quels en sont les bénéfices, les limites, les risques… ?

L’explosion des médias


• Au début du XXe siècle, la presse connaît un essor important qui se poursuit durant l’entre-deux-guerres. À côté des quotidiens,
les hebdomadaires illustrés se spécialisent. La presse féminine se développe : le magazine Vogue, né aux États-Unis en
1892, arrive en Europe dès 1916 ; Femmes d’aujourd’hui est créé en Belgique en 1933 ; Marie-Claire en France en 1937.
Des journaux pour enfants naissent également : Le Journal de Mickey paraît dès 1934 en France ; en Belgique, le journal
Tintin paraît à partir de 1946. La presse populaire est aussi en pleine expansion. C’est le cas des revues belges comme
Le Patriote illustré ou Le Soir illustré et de l’hebdomadaire français Match, qui s’inspire de la revue américaine Life. La presse
hebdomadaire politique, les revues littéraires et artistiques prennent également de l’ampleur.

1 • Nés à la fin du XIXe siècle, les moyens de communication à


distance comme le téléphone, la radio (TSF) et le cinéma
Larry BURROWS, se développent. Si l’usage du téléphone reste le privilège des
détail de la une du classes aisées, la radio (TSF) et le cinéma se popularisent
magazine Life,
16 avril 1965
progressivement durant l’entre-deux-guerres. Dès les
premières années du XXe siècle, le cinéma propose des
films d’information ou « actualités ». Entre les deux guerres,
chaque séance débute par la projection des « actualités »
de la semaine. Si la radio et le cinéma constituent donc de
nouveaux moyens d’information et de divertissement, ils
se révèlent aussi de puissants moyens de propagande,
d’ailleurs utilisés dès janvier 1933 par les nazis. À la même
époque, le microphone rend possibles les rassemblements
de masse. Durant la Seconde Guerre mondiale, la radio est
utilisée à des fins militaires, de résistance et de propagande.
Ainsi, la fameuse Radio Londres devient messagère de la
résistance face au nazisme.
• Après la Seconde Guerre mondiale, les postes à transistors,
beaucoup plus petits et bon marché, permettent à un plus
6 grand nombre de disposer de la radio. Mais celle-ci doit
progressivement faire face à la concurrence d’un nouveau
média : la télévision. Née dans les années 1930, celle-ci ne
devient un véritable média de masse qu’à partir des années
67-68
7 68 1940 aux États-Unis et dans les années 1950 en Europe.
Les chaînes sont encore peu nombreuses. Il faut attendre
74 la multiplication des satellites durant les années 1970-1980,
puis les systèmes de diffusion par câble pour que l’offre de
programmes augmente, puis explose. En Belgique, l’Institut
national de Radiodiffusion (INR), né en 1930, diffuse les

286

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premières émissions télévisées à partir de 1953. En 1960, l’INR devient fois plus vite que l’homme. L’invention du microprocesseur en 1971 permet
la Radio Télévision belge (RTB/BRT) avant de donner naissance, en 1977, la production d’ordinateurs beaucoup plus petits et donc l’apparition
à trois chaînes : la RTBF, la BRTN et, côté germanophone, la BRF. Elles des ordinateurs personnels. Leur succès dans le grand public devient
sont financées par le secteur public mais restent autonomes dans leur considérable avec le développement d’Internet (→ 118). Depuis 2005, plus
programmation et leurs propos. de 50 % des ménages belges disposent d’une connexion à Internet.
• Les premiers ordinateurs programmables voient le jour dans les années • À partir de la fin des années 1990, la téléphonie mobile se développe
1940 : le Mark I d’IBM créé en 1944 fait 37 m3 et permet de calculer cinq également à une vitesse étonnante.

2
Nombre d’ordinateurs personnels,
d’utilisateurs d’Internet et de téléphones mobiles
pour mille habitants en Belgique
entre 1988 et 2005
(D’après http://perspective.usherbrooke.ca
et http://www.internetworldstats.com,
pages consultées le 7 janvier 2008)

Démocratie et médias

Les médias vecteurs de démocratie Le 11 septembre 2001, le monde entier a pu voir en direct les attentats qui ont
frappé les États-Unis (→ 64/5).
Les médias constituent un moyen d’expression démocratique fondamental.
Pour cette raison, de nombreux États tentent de les contrôler, comme la Les médias au service de l’économique… et du politique ?
Chine, la Russie... En 2007, 86 journalistes ont été tués, 880 arrêtés et
Le développement des chaînes privées, qui concurrencent les télévisions
2600 sites Internet et blogs fermés dans le monde.
publiques, financées par l’État, puise ses ressources dans la publicité. Celle-ci
Les médias faiseurs d’opinions a gagné également de nombreuses chaînes publiques. Cette dépendance par
rapport aux ressources publicitaires nourrit une course à l’audience qui peut
Progressivement, le pouvoir de la télévision s’affirme. En 1960, lors du débat aller au détriment de la qualité des émissions. Parallèlement, la concentration
entre Nixon et Kennedy, tous deux candidats à la présidence des États-Unis, des médias privés dans les mains de grandes entreprises internationales
une première à la télévision, l’image donnée par le second semble avoir été s’accroît, tout comme leurs relations avec la sphère politique. En Italie par
déterminante dans sa victoire électorale. Durant la guerre du Viêtnam (→ 49), exemple, Silvio Berlusconi, Premier ministre entre 2001 et 2006 et de nouveau
les images télévisées contribueront à convaincre une partie de l’opinion en 2008, possède plusieurs chaînes de télévision privées. Aux États-Unis,
publique américaine de la nécessité d’un retrait américain. Le contrôle des Rupert Murdoch, à la tête de New Corporation, un des groupes médiatiques les
images et de la communication deviendra une des priorités dans la gestion plus importants au monde, a mobilisé journaux, radios et chaînes de télévision
des conflits, notamment lors de la première guerre du Golfe en 1991 (→ 100). pour soutenir le parti républicain et la seconde guerre d’Irak (→ 100).
Les mouvements terroristes y recourent aussi pour impressionner l’opinion.

Le média du XXIe siècle ?

En permettant à des millions d’internautes de s’exprimer, Internet est devenu couches les plus défavorisées de la population. L’omnipotence de l’anglais et
le premier média de masse. Il faut rappeler toutefois l’existence d’une de la culture anglo-saxonne fait aussi d’Internet un des vecteurs privilégiés
véritable fracture numérique entre les pays du Nord et ceux du Sud et, au sein de la diffusion de l’american way of life.
des sociétés occidentales, entre les milieux aisés ou de classe moyenne et les

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Repères
Le point sur... 112 Le catholicisme : vers un aggiornamento ?
En janvier 1959, Jean XXIII annonce la réunion d’un concile* pour préparer l’aggiornamento, c’est-à-dire la
« mise à jour » de l’Église. Pourquoi ? Quelles seront les principales décisions de ce concile* ? Comment les
papes successifs en assumeront-ils l’héritage ?

Le catholicisme à la veille du concile* Vatican II


Au milieu du XXe siècle, le catholicisme conserve un poids et une influence importants en Europe.
• La pratique dominicale, le nombre des mariages et des funérailles religieuses, les vocations… se maintiennent à un niveau
élevé, parfois supérieur à celui de l’entre-deux-guerres.
• Dans de nombreux pays, des organisations encadrent les croyants dans leur vie sociale, économique, voire politique. C’est le
cas en Belgique où s’est constitué un réseau d’écoles, d’organisations de jeunesse, de mutuelles, de syndicats… Le PSC-CVP,
fondé en 1945, en défend les intérêts.
Pourtant, à partir des années 1950, les premiers signes de fragilisation du catholicisme européen apparaissent : le nombre de
vocations diminuent et on constate une baisse de la participation à la messe dominicale, d’abord dans les milieux populaires.
Certains réagissent et remettent en question la manière dont l’Église présente son message.
• Pour faire face à la déchristianisation de la classe ouvrière, en Belgique et en France, des prêtres-ouvriers décident de « se
faire ouvrier avec les ouvriers » afin de leur apporter la foi par le témoignage de leur vie. En 1954-1955, Rome leur impose de
quitter les usines. Ils n’y retourneront qu’après le concile*.
• La désaffection de la messe dominicale amène certains théologiens à proposer une rénovation de la liturgie. Ces efforts sont
encouragés par Pie XII, même s’il s’oppose à l’abandon, même partiel, du latin.
• Plus fondamentalement, certains théologiens entreprennent de dégager la pensée chrétienne du thomisme. La pensée
médiévale de saint Thomas demeure en effet la théologie de référence. Elle donne de la foi une présentation très théorique et
sans implication dans la vie concrète. Les promoteurs de cette « théologie nouvelle » s’efforcent aussi de ressourcer la foi
au contact des Évangiles et de prendre en compte l’apport de l’existentialisme* et du personnalisme*, et plus particulièrement
l’exigence de liberté et d’autonomie de l’homme. Plusieurs d’entre eux, comme les pères Chenu, de Lubac et Congar, seront
victimes de mesures disciplinaires. En 1950, Pie XII condamne toutes leurs recherches.

Le concile* Vatican II (1962-1965)


À la mort de Pie XII, en 1958, Rome est donc sur la défensive. Pourtant, en 1959, Jean XXIII annonce la convocation prochaine
d’un concile* chargé de réaliser l’aggiornamento de l’Église.
Le concile* Vatican II rassemble à Rome plus de 2000 pères conciliaires, évêques et supérieurs de congrégations, venus de
tous les continents. Progressivement, un clivage apparaît entre une majorité de plus en plus ouverte aux changements, et
une minorité plus conservatrice. Le décès inopiné de Jean XXIII, en 1963, laisse espérer à cette dernière une interruption du
9
processus conciliaire. Mais son successeur, Paul VI, partisan de la majorité, relance aussitôt le concile*. Celui-ci introduit un
certain nombre de nouveautés.
• Au plan de l’organisation de l’Église, les pères conciliaires réagissent contre la centralisation pontificale et redonnent aux
évêques un rôle plus important, par exemple au plan liturgique. L’Église est définie comme le peuple de Dieu, c’est-à-dire
43
3 l’ensemble des clercs mais aussi, et à égalité, des laïcs* qui se voient confier plus de responsabilités dans l’Église.
• Au plan liturgique, le concile* encourage la participation active des fidèles et autorise l’abandon du latin.
78 • Au plan des relations avec le monde moderne, les pères conciliaires invitent les catholiques à s’engager aux côtés des
peuples sous-développés et condamnent la course aux armements. La séparation de l’Église et de l’État et le principe de
la liberté religieuse, que l’État a le devoir de garantir, sont reconnus. Le texte conciliaire développe aussi une conception de
l’homme qui insiste sur son autonomie et sa liberté.

288

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L’après-concile*

En Afrique et en Amérique latine MFTE¹DJTJPOTEVconcile DPOUSJCVFOUBV KVTUJDFFUMBQBJYNPOEJBMFT$POUJOVBUFVSEF-¹PO9*** EF1JF9*FUEF1JF9**


développement du catholicisme BMPSTFOQMFJOFFYQBOTJPO RVJ BWBJFOU DPOEBNO¹ MF DPNNVOJTNF  JM TPVUJFOU MF TZOEJDBU 4PMJEBSJU¹
En Europe, plusieurs mouvements de laïcs* se développent BV TFJO EF FO1PMPHOFFUMBmOEFTE¹NPDSBUJFTQPQVMBJSFTFO&VSPQFEFM&TU.BJT
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Repères
Le point sur... 113 Aux racines de l’islamisme
Présent de manière importante dans plus de 50 pays, y compris en Europe (Albanie, Bosnie, Kosovo…), l’Islam
est une des principales religions dans le monde. Depuis la fin des années 1960, plusieurs pays musulmans, surtout
dans le monde arabe, ont vu se développer différents courants politiques que l’on désigne sous l’étiquette
d’« islamisme ». De quoi s’agit-il ? Quelles sont les raisons de la montée de cet islamisme dans les pays arabes ?

En 1918, quand la Première Guerre mondiale se termine, l’Empire ottoman est à genoux. Miné par de multiples nationalismes
depuis un demi-siècle, il a dû accepter, dans la seconde moitié du XIXe siècle, la prise d’autonomie, puis l’indépendance de nombreux
peuples qu’il avait intégrés, de force. Son engagement dans la guerre, aux côtés de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, le conduit
à la défaite en 1918. En 1920 et 1923, par les traités de Sèvres et de Lausanne (→ 39/1), les Alliés réduisent considérablement le
territoire de la Turquie indépendante et obtiennent de la Société des Nations des mandats* qui leur assurent le contrôle de larges
régions au Proche et au Moyen-Orient. Les peuples arabes, dont plusieurs avaient lutté avec les Alliés contre la domination ottomane,
ne tirent donc aucun bénéfice de la disparition de l’Empire ottoman. De plus, l’Europe dispose, en Afrique du Nord, de plusieurs
colonies. Le monde arabo-musulman nourrit donc, au lendemain de la Première Guerre mondiale, un sentiment d’humiliation
particulièrement marqué.
Soucieux de retrouver leur puissance, les dirigeants et les peuples arabes emprunteront plusieurs voies :
- le nationalisme : il leur permettra, dans l’entre-deux-guerres puis dans les décennies qui suivent la Seconde Guerre mondiale,
d’obtenir leur indépendance politique. Ce nationalisme puise notamment ses racines dans le panarabisme. Ce mouvement
entend restaurer l’unité du monde arabe. Les partis Ba’th (« renaissance » en arabe), au pouvoir en Syrie puis en Irak à partir des
années 1960, comptent parmi les principaux promoteurs de cette unité arabe. De même, en Égypte, Nasser se présente comme
un des chefs de file du panarabisme. Sa décision, en 1956, de nationaliser* la Compagnie du canal de Suez, dont les principaux
actionnaires sont français et britanniques, a un fort impact symbolique dans le monde arabe. Mais si de nombreux peuples arabes
ou musulmans accèdent à l’indépendance, aucun dirigeant ne parvient à refaire l’unité du monde arabo-musulman. La guerre
des Six Jours en 1967 (→ 99), au cours de laquelle Israël défait les armées syrienne, égyptienne et jordanienne, apparaît comme
8-9 la manifestation de l’échec du panarabisme : l’unité des pays arabes n’est à même ni de restaurer leur grandeur face à Israël ni
de « libérer » la Palestine ;
12 - la démocratie libérale : elle est adoptée par plusieurs états arabes au lendemain de leur indépendance. Mais elle ne résiste pas
longtemps aux injustices sociales et à l’impréparation des élites. C’est notamment le cas dans les pays du Maghreb (→ 98), en
particulier en Algérie (→ 52) ;
- le socialisme : dans la seconde moitié du XXe siècle, plusieurs républiques arabes (Égypte, Syrie, Algérie, Libye, Irak…) adoptent
le socialisme, tout en rejetant le marxisme, athée. Leurs dirigeants voient, dans l’idéal socialiste, un moyen de sortir leur pays
1
21 des inégalités sociales. Contrairement aux monarchies arabes comme le Maroc, l’Arabie Saoudite, la Jordanie…, ces républiques
s’alignent sur l’URSS durant la guerre froide. Leurs dirigeants sont à l’origine de progrès pafois importants, en particulier dans
les domaines de la santé et de l’éducation. Mais la persistance des inégalités socioéconomiques et l’absence de démocratie
discréditent ces régimes.
L’échec de ces multiples tentatives alimente le développement de mouvements islamistes qui prétendent puiser, dans l’Islam
39 lui-même, les ressorts pour rendre aux peuples musulmans leur prospérité et leur prestige d’antan. Le plus ancien d’entre eux,
l’Organisation des Frères musulmans, est né en Égypte, en 1928, mais la plupart se développe à partir de la fin des années 1960,
61-62 notamment après la défaite de la guerre des Six Jours.
La révolution islamique qui éclate en Iran, en 1979 (→ 62), et au cours de laquelle l’ayatollah* Khomeyni chasse le shah* et prend le
64 pouvoir, renforce encore la montée des islamistes. Elle est le signe, à leurs yeux, de la force de la religion musulmane comme levier
permettant aux peuples musulmans opprimés de prendre en main leur avenir. En 1989, au Soudan, des chefs religieux prennent aussi
le pouvoir. En Algérie, en 1992, le Front Islamique du Salut (FIS) remporte le premier tour des élections mais il est frappé d’interdiction
par l’armée. Il opte alors pour la violence armée. Au lendemain de la disparition de l’URSS, différentes nouvelles républiques cherchent
dans l’Islam un modèle d’organisation de la société. En Afghanistan, de 1996 à 2001, les talibans* dominent le pays. En Palestine, en
2006, le Hamas gagne les élections au détriment du Fatah (→ 61).
98
Ce retour à l’Islam comme ressort de l’organisation sociale et politique s’ancre donc d’abord et avant tout dans le sentiment
d’humiliation que ressent le monde musulman vis-à-vis de l’Occident. Ce ressentiment est aggravé par l’occupation israélienne
des territoires palestiniens, par la politique pro-israélienne des États-Unis et par la mondialisation* qui fait craindre, à certains
musulmans, la perte de leur identité et de leurs valeurs, au bénéfice de celles de l’Occident. Le succès des mouvements islamistes
s’explique également par la pauvreté des populations, d’autant plus choquante dans les états où domine une minorité corrompue
290 et nantie.

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Les mots pour le dire les musulmans, Dieu a révélé au prophète Mahomet (Muhammad en arabe).
La Sunna, ou tradition, contient le récit de la vie du Prophète, certaines de
L’Islam, une religion qui compte plus d’un milliard de croyants. Elle ne se ses paroles et ses gestes, sa manière de boire et de manger, de se vêtir,
confond pas avec le monde arabe. Tout comme il y a des Arabes chrétiens, d’accomplir les rites religieux, de se comporter avec les autres…
il y a des musulmans qui ne sont pas arabes. Les Arabes constituent le quart De ces deux sources, les musulmans tirent un ensemble de règles qui
des musulmans dans le monde. Les plus grands pays musulmans ne sont forment la charia. Ces règles ont une valeur jurisprudentielle et ne sont pas
pas arabes : ce sont l’Indonésie, le Pakistan, le Bengladesh et la Turquie. unifiées. Elles concernent la foi, le culte (les cinq piliers : la profession de foi,
L’Islam, la religion des musulmans, ne peut non plus se confondre avec ce la prière, le jeûne du Ramadan, l’aumône, le pèlerinage à La Mecque) et la vie
que, en Occident, on dénomme l’islamisme. Ce terme désigne un ensemble morale et sociale.
de mouvements politiques, très variés, des plus modérés aux plus radicaux, Le principe occidental laïc* de la séparation de la religion et de la politique
qui promeuvent l’islamisation plus ou moins complète, de la société, du droit n’est donc pas de mise dans les états du monde musulman, à quelques
et de la vie politique dans les pays musulmans. Est « islamique » ce qui se exceptions près comme la Turquie qui, au lendemain de la Première Guerre
rapporte à l’Islam ; est islamiste ce qui est relatif à l’islamisme. mondiale (→ 39), a vu naïtre un état laïc*. Toutefois, aujourd’hui, une partie
Les musulmans basent leur foi sur deux sources : le Coran et la Sunna. de la communauté musulmane turque remet en question cette laïcité* de
Divisé en sourates ou chapitres, le Coran comprend le message que, selon l’État.

1 Le mouvement de réforme qui est en train de naître [au sein de l’Islam Citoyens d’États de droit, les musulmans ne sont plus sous la loi des États
européen] a pour principale exigence la connaissance du message global étrangers ou des anciennes colonies et ils doivent refuser un statut de
de l’Islam, de ses principes universels et des outils offerts à l’être humain sous-citoyens produit par un pervers néocolonialisme intérieur. Reprendre
pour s’adapter à sa société autant que pour changer le monde. Tous les confiance en soi, en ses valeurs, en son rôle, c’est aussi, dans les faits,
musulmans sont invités, d’abord, à cette étude (…), à cette « connaissance revendiquer ses droits et le respect. (…) C’est une lutte, un Djihad, cela va
de soi ». (…) Dans le même temps, il ne peut être question de faire sans dire, mais pour des principes non contre des hommes... (…).
l’économie d’étudier le monde occidental, l’Histoire de ses sociétés, leurs Ce ne sera pas facile. Les préjugés, le racisme et l’islamophobie sont des
institutions, leurs cultures (…). C’est le passage obligé pour se sentir chez expressions tangibles de la difficile réalité des sociétés occidentales et il ne
soi et pour appliquer de façon positive le principe islamique d’intégration de faut pas que les musulmans pensent naïvement que celles-ci disparaîtront
tout ce qui ne s’oppose pas aux interdits (…). si aisément à mesure qu’ils deviendront des citoyens enracinés dans leur
(…) [Cessant] de se considérer comme une minorité en marge, (…) société. (…)
ne cherchant qu’à se protéger d’un environnement considéré comme
dangereux, [les] citoyens occidentaux de confession musulmane ont
besoin, pour ce faire, de se libérer de leur (…) complexe d’infériorité vis-à-vis Tariq RAMADAN, Les musulmans d’Occident et l’avenir de l’Islam, Arles, Actes Sud, 2003,
p. 371-375
de l’Occident (de la domination de sa rationalité et de sa technologie) (…).

2 Ni mieux ni plus mal que dans l’ensemble du monde arabo-musulman, l’Islam en Europe se
cherche une nouvelle identité dans (...) le tâtonnement, alors que nous aurions ici les moyens 3 Évolution numérique des principales religions dans
d’aller bien plus loin qu’ailleurs, où la parole est moins libre ! Ne percevons-nous pas l’impatience le monde et prospective vers 2050 (D’après L’atlas des
à notre égard de la société qui nous entoure et qui attend – enfin – un geste décisif et solennel religions, Paris, La Vie-Le Monde, 2007, p. 19)
de notre part ? Quel geste ? Un engagement sans ambiguïté, massif et définitif, en faveur d’un
Islam complètement refondé selon les valeurs de notre terre d’Europe : la liberté de conscience,
l’égalité des sexes, la tolérance. Refonder tous les principes de l’Islam, y compris les prescriptions
de la loi religieuse et la lettre du Coran, à la lumière des droits de l’homme. Ne rien laisser hors
de portée de l’esprit critique. Déclarer caduc tout élément du texte sacré, de la pratique, des
coutumes, qui serait en contradiction avec les valeurs de liberté individuelle, d’égalité des sexes,
de laïcité*, de tolérance entre les peuples et les religions. (…) [Affirmer] que les femmes sont les
égales des hommes en tous points, bannir les habitudes de domination masculine et éradiquer
par une éducation appropriée tout comportement machiste ; affirmer que nous reconnaissons la
laïcité* comme une valeur universelle, et non une lubie française ; (...) affirmer que tous les êtres
humains sont nos frères et nos égaux, en éliminant toute idée de supériorité des musulmans sur
les autres, toute idée que l’Islam, en tant que dernière révélation historique, viendrait « abolir »
les précédents messages religieux, et en éliminant toute trace d’animosité envers les juifs, les
chrétiens, les athées*. (...)

Abdennour BIDAR, Manifeste pour un Islam européen, dans Le Monde, 15 février 2005, p. 15

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Repères 114
La photographie de presse
Traces

Certains périodiques (journaux, revues…) disposent de leurs


photographes. Mais pour trouver rapidement l’image dont ils ont
besoin, ils peuvent s’adresser à des agences de presse, sortes de
grossistes en photographies d’information. Les plus célèbres d’entre
elles sont l’Associated Press (1848), Reuters (1851) et l’Agence France-
Presse (1944). L’agence Belga (1920) est la principale agence belge.
Il existe aussi des agences comme Magnum (1947), Gamma (1966)
et Sipa (1973). Elles fournissent des reportages photographiques,
principalement aux magazines, et ne travaillent pas dans l’urgence.
L’introduction de la photographie dans la presse date de la fin du
XIXe siècle : l’apparition de la première photo dans la presse
quotidienne date de 1880 (Daily Graphic, New York) ; il faut cependant
attendre le début du XXe siècle et l’amélioration des procédés
techniques pour en trouver régulièrement. Par contre, les revues
hebdomadaires ou mensuelles en publient fréquemment dès 1885.

De quoi les photographies de presse


témoignent-elles ?
Les premiers reportages renseignent sur les expéditions coloniales
ou ethnographiques, sur les conditions de vie des différentes
classes sociales en Europe et ailleurs, mais aussi sur toute une série
de faits divers comme des accidents, des incendies...
Les photographies de presse fournissent aussi à l’historien des
images de grands événements à caractère politique, social, culturel,
sportif, scientifique ou technique...
Dès la guerre de Sécession (1861-1865) et plus encore lors de la
Première Guerre mondiale, la photographie s’ajoute aux sources
à la disposition de l’historien attaché à l’étude des guerres.
À partir de la guerre d’Espagne (1936-1939), des journalistes munis
d’un matériel léger et sans contrôle ou censure d’un État, comme
c’était le cas en 1914-1918, se rendent sur les premières lignes de
combat. Publiées par les grands magazines européens tels que Vu
et Weekly Illustrated, ou américains comme Life et Picture Post, leurs

Dorothea LANGE, Migrant Mother,


Nipomo (Californie), mars 1936

À la suite de la crise de 1929 aux États-Unis,


la Farm Security Administration organise
une mission photographique afin de montrer
l’étendue de la catastrophe économique et
sociale qui touche alors le pays.

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photographies contribueront à influencer l’opinion publique. De même, la Comment interpréter la photographie de presse ?
violence de certains clichés de la guerre du Viêtnam, renforcée par les images
télévisées, influencera de manière décisive l’opinion publique américaine qui La photographie de presse doit être interprétée avec prudence.
fera pression sur ses dirigeants en faveur de l’arrêt de la guerre. Les autorités • Elle est d’abord le témoignage instantané d’un photographe, témoin
américaines ne s’y tromperont plus et exercent depuis une censure sévère d’un événement, d’un fait de société... Elle est donc l’expression de la
des images sur les lieux de conflit. personnalité et de la vision du monde de son auteur. Il convient donc,
En effet, l’image et la photographie en particulier sont un formidable vecteur comme pour tout autre document, de s’informer sur l’auteur, ses intentions
de communication et donc de propagande. Leur utilisation par les pouvoirs et le contexte de production de l’image.
en place mais aussi les médias, les associations de tous ordres… constitue • De plus, elle extrait du réel une partie qu’elle isole de son contexte et de
aussi un objet d’étude pour l’historien. son évolution ; le témoignage de la photographie doit donc être recoupé
par d’autres.
• Les qualités esthétiques d’une image peuvent renforcer son caractère
2 Joe ROSENTHAL, Le drapeau hissé sur Iwo Jima, île japonaise du émotionnel. Le choix de la couleur ou du noir et blanc, le jeu des ombres
Pacifique, 23 février 1945 et lumières, le cadrage… influencent la perception. La photographie en
couleur apparaît après la Seconde Guerre mondiale (cependant, un grand
nombre de photographes travaillent encore en noir et blanc).
• L’image peut aussi être mise au service d’un régime politique : elle devient
alors un outil de propagande.
• Enfin, les photographies peuvent être l’objet de diverses manipulations :
effacement de certains personnages, ajout d’autres, retouche de portraits
officiels, modification du décor….

Cette photographie est une mise en scène. Les combats entre les armées
japonaise et américaine sur l’île d’Iwo Jima se déroulent en février et mars 1945.
Le 23 février, les soldats américains plantent un petit drapeau au sommet du
mont Suribashi, point culminant de l’île. L’événement est immortalisé par un
photographe de l’armée. La scène est répétée le jour-même avec un grand
drapeau et photographiée par Joe Rosenthal. Une sculpture, réplique parfaite de
la photographie, sera inaugurée au cimetière national d’Arlington (Washington) en
1954. La photographie servira aussi de source d’inspiration au sculpteur Kienholz
(→ 24/6).

3 Photographie, Moscou, 5 mai 1920 4 Photographie retouchée sous Staline, 1929

Le 5 mai 1920, Lénine s’adresse aux troupes


de l’Armée rouge partant combattre l’armée
polonaise. Deux photographies sont prises
à quelques secondes d’intervalle. L’une
d’entre elles est retouchée par les services
de la censure de Staline après l’exil de Trotski
(1929) (→ 32/3). Trotski et Kamenev sont
effacés et remplacés par un escalier vide.
Ces deux hommes politiques soviétiques
ont été exclus du pouvoir pour avoir critiqué
la politique autoritaire de Staline.

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Repères 115
L’affiche politique
Traces

Née à la fin du XVe siècle, après la naissance de l’imprimerie, cinéma. À la même époque, le développement et l’affrontement
l’affiche est alors la reproduction d’un texte sur papier apposée sur des idéologies ainsi que la multiplication des partis vont faire
un mur. Elle connaît un développement important au XIXe siècle les heures de gloire de l’affiche politique, au moins jusque dans
avec les progrès des techniques d’impression, de la publicité et du les années 1970. L’altermondialisme, les combats écologistes et
débat politique. À la fin du siècle, elle devient aussi un objet d’art. humanitaires, la propagande d’État… continuent à lui assurer un
Au XXe siècle, l’importance croissante de la publicité et des loisirs avenir.
assure les beaux jours de l’affiche publicitaire et des affiches de

De quoi les affiches politiques témoignent-elles ?


Les affiches politiques permettent de découvrir les combats menés par des États, des groupes ou des individus.

L’affiche électorale l’affiche pour défendre certaines causes d’intérêt général (paix,
Dans les démocraties, les affiches électorales informent sur les désarmement, environnement, idée européenne, soutien des
enjeux des campagnes électorales, la diversité des valeurs et des peuples en lutte…) ou plus particulières (grèves, régularisation
opinions politiques et le programme des partis qui les diffusent. de sans papiers…). Ces affiches constituent donc des témoins
privilégiés de certains mouvements, syndicats, associations…
L’affiche de propagande officielle
L’affiche de guerre
Dans les États autoritaires d’hier et d’aujourd’hui, les dirigeants
utilisent l’affiche à des fins de propagande. Au même titre que Depuis la Première Guerre mondiale, l’affiche est utilisée par les
d’autres médias, elle sert à conditionner les foules. L’image Gouvernements pour obtenir l’adhésion et la participation des
du dictateur est multipliée afin de développer le culte de sa civils. Des campagnes sont menées pour le recrutement et pour
personnalité. le financement de la guerre. D’autres appellent à la résistance
nationale face à l’ennemi ou dénoncent les exactions de l’adversaire.
Les affiches de combat pour des idées Dans les pays occupés, l’occupant est magnifié et des appels à la
En dehors ou durant des périodes électorales et indépendamment collaboration apparaissent.
des partis politiques, des mouvements de citoyens peuvent utiliser

GEIS, affiche électorale, D. MOOR, affiche bolchévique*, Affiche espagnole, après 1936
1 Allemagne, 1932
2 1919 (Prague, Musée Lénine)
3 (Paris, BNF)

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Comment les interpréter ?
Comme tout document, l’interprétation d’une affiche suppose de cerner son auteur ou son émetteur et son contexte de production ; elle suppose aussi d’être
attentif à sa composition, ses codes et les procédés mis en œuvre par l’artiste.

• La composition comprend le cadrage, les plans, la taille accordée aux différents éléments…
• Les codes peuvent être de plusieurs ordres et sont proches ou identiques à ceux utilisés dans le dessin de presse (→ 116).
• Les procédés : ce sont les moyens de persuasion utilisés pour convaincre le destinataire de l’affiche.

Procédés De quoi s’agit ? Exemples de moyens graphiques


Susciter l’adhésion Affirmer des valeurs (nation, liberté, solidarité, Attraction d’une situation plaisante ou d’un univers idéal…
indépendance, respect de la nature…)
Susciter le rejet Faire rejeter les opinions ou les doctrines de l’adversaire en Représentation d’une menace…
les associant à la tyrannie, l’horreur, la mort…
Susciter le respect de l’autorité S’appuyer sur l’expérience, le savoir, le témoignage du Ordres péremptoires : doigt pointé vers l’avant, regard fixé
leader… vers le destinataire…
Susciter la conformité Créer l’unanimité, la solidarité, le consensus… Représentations de la force (le poing fermé), de l’unité ou de
la solidarité (les mains serrées)…

4
Jean CARLU, affiche, 1932

Cette affiche a été 5


émise par l’Office de
Propagande pour la Paix Affiche française, 1947
avec le concours du
Comité d’Action pour la
Société des Nations.

6
R. VACHET, affiche française, 1942

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Repères 116
Le dessin de presse
Traces

Le dessin de presse est l’héritier de la caricature. Celle-ci s’est tel ou tel événement, comportement, prise de position… Il exploite
développée au XIXe siècle, en parallèle avec l’essor de la presse. la force de l’image et, généralement, l’humour : celui-ci permet
L’objectif du dessinateur est d’illustrer, d’interpréter, de dénoncer… d’aborder les sujets les plus interdits ou les plus délicats.

De quoi les dessins de presse témoignent-ils ?

Le dessin de presse apporte un point de vue plus ou moins engagé Les dessins de presse mettent en scène la vie politique nationale
sur un événement ou un phénomène d’actualité, qu’il soit social, et internationale. Ils offrent donc des témoignages précieux sur la
politique, culturel, économique... Il permet donc de cerner l’opinion perception de la politique, des partis, des hommes politiques et
du dessinateur et, derrière lui, de la rédaction du périodique qui de leurs décisions.
le publie mais aussi, dans une certaine mesure, de son lectorat et Enfin, les dessins de presse contribuent à l’étude de l’évolution
donc d’une partie de l’opinion publique. des mentalités, des croyances, des valeurs…

1
Couverture du magazine libanais
An-Nouqad, Beyrouth, 9 septembre
2002

2 Pierre KROLL, dessin de presse, dans Le Soir, 3 janvier 2005, p. 12

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Comment les interpréter ? Cécile BERTRAND, dessin de presse,
3 2007
• Le dessin de presse étant l’œuvre d’un auteur, plus ou moins (in)dépendant d’une rédaction, il est indispensable
de s’informer sur l’un et l’autre. Quelles sont leurs orientations politiques ou philosophiques ? leurs intérêts
économiques ?… À quel public s’adressent-ils ?...
• Le dessin faisant référence à un événement ou un phénomène d’actualité, il convient aussi de s’informer sur la
teneur de celui-ci et son contexte. Quel événement d’actualité récente ou ancienne est évoqué par le document ?
Quels en sont les tenants et aboutissants ?...
• L’interprétation d’un dessin de presse suppose aussi d’être attentif à sa composition, à ses codes et aux procédés
mis en œuvre par l’artiste.
- La composition (cadrage, plans, taille des différents éléments…) contribue au message du dessin.
- Les codes peuvent être de plusieurs ordres.
Couleurs Par exemple, celles des différentes tendances politiques : rouge =
communisme ou socialisme ; brun ou noir = extrême droite ; bleu =
libéraux ; vert = écologistes ; orange = sociaux-chrétiens en Belgique…
Signes graphiques Ils sont souvent empruntés à la bande dessinée : traits continus
indiquant la vitesse, gouttes sur le front = signe d’angoisse…
Codes vestimentaires et physiques Haut-de-forme, monocle, cigare, costume = patron, personne fortunée ;
casquette et salopette = ouvrier ; casque = militaire ; béret ou bonnet
phrygien = Français ; haut-de-forme étoilé = oncle Sam ou États-Unis ;
casquette à l’étoile rouge = communiste ou URSS ; embonpoint = pays
occidentaux ; maigreur = pays du tiers-monde…
Sigles ONU, UE, $…
Références socioculturelles Colombe, rameau d’olivier = paix ; balance = justice ; homme au cigare
= capitalisme ; faucille et marteau = communisme ; ours = Russie ;
lion = Belgique ou Flandre ; coq = Wallonie ou France ; personnage
avec attaché-case = fonctionnaire ; faux = mort ; sablier ou toile
d’araignée = temps qui passe…

- Les procédés sont variés.


. L’exagération : de la taille des personnages ; de certains traits, mimiques ou parties du corps (les mains ou
le nez dans la représentation du Juif, embonpoint ou maigreur…)…
. La répétition : elle traduit l’évolution ou l’immobilisme.
. La métaphore ou le paradoxe : ce procédé permet de mettre en évidence les similitudes ou les différences
entre deux situations.
. L’humour : ironie (dire le contraire de ce que l’on veut faire comprendre), dérision (moquerie avec mépris),
humour noir (rire de choses graves)…
. L’association ou le rapprochement d’idées : anachronisme délibéré, animalisation, détournement d’œuvres
d’art …
- Les mentions textuelles : titre ou légende, bulles ou phylactères, jeux de mots…
• Enfin, quand le dessin illustre ou complète un article, il convient d’en prendre connaissance et de confronter le
message du dessin et celui du texte.

4 5
David LEVINE, dessin de presse, Pol FERJAC, dessin de presse, dans Le Canard
dans Le Nouvel Observateur, enchaîné, Paris, 12 août 1936
1er décembre 1969

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Repères 117
Les sources audiovisuelles
Traces

Progressivement à partir de la fin du XIXe siècle et surtout dans le laisser à l’historien de nouvelles traces du passé : les documents
courant du XXe siècle, la radio, le cinéma, puis la télévision vont sonores et audiovisuels. Il en existe de plusieurs ordres.

1 DOCUMENTS SONORES ET AUDIOVISUELS


Documents ayant fait l’objet d’un montage Documents non montés et non destinés à
et destinés à un public identifiable une quelconque diffusion
Documents qui mettent en scène Documents qui ont l’ambition de rendre Rushes, films amateurs, enregistrements
un monde intégralement ou compte du réel (ou documents de non vidéo ou audio d’interviews, témoignages
partiellement imaginé : fictions (courts fiction) : films documentaires, actualités oraux enregistrés par leur auteur, un
et longs métrages, téléfilms, pièces filmées ou télévisuelles, émissions journaliste ou un historien
radiophoniques…) d’information diffusées par la radio ou par
la télévision
Anne ROEKENS, Typologie des sources audiovisuelles à l’usage de l’Histoire, 2006, inédit

De quoi ces sources témoignent-elles ?

t -JOU¹SºU EFT documents sonores est multiple. Il dépend Mais les sources cinématographiques et télévisuelles ne
du domaine de la vie des hommes du passé auquel ils font documentent pas seulement l’historien sur l’Histoire de ces
référence : art et culture (chansons, pièces de théâtre, entretiens médias. Elles l’informent aussi sur l’évolution de la société, de
avec des artistes…), politique et société (discours, déclarations, la vie quotidienne, des loisirs, des mentalités, sur les débats
interviews…), mentalités, valeurs et tabous, opinion publique qui animent l’opinion publique, sur la propagande, les valeurs,
(« micro-trottoirs »…), vie des acteurs du passé (témoignages les tabous…
oraux…)… Par rapport aux documents non montés et non destinés à
t -FT sources audiovisuelles constituent d’abord de précieux la diffusion, les documents ayant fait l’objet d’un montage
témoignages sur l’Histoire du cinéma et de la télévision, et destinés à un public informent à la fois sur les réalités
leur développement technique, les valeurs et modèles qu’ils qu’ils donnent à voir ou à entendre et sur les objectifs et le
véhiculent, leur mode d’influence et/ou leur dépendance message des auteurs du film, du reportage ou de l’émission
politique ou économique, les formes d’expression artistique radiophonique ou télévisuelle.
qu’ils ont favorisées…

Comment les interpréter ?

-FEPDVNFOUBVEJPWJTVFMPGGSFBVTQFDUBUFVSMJMMVTJPOEFMBS¹BMJU¹ t -origine des sources sonores et visuelles est généralement


Il reste pourtant une création humaine. très difficile à établir. Elles peuvent avoir été enregistrées
t $PNNF MB QIPUPHSBQIJF EF QSFTTF  MFT ¹NJTTJPOT PV mMN¹FT QBS MBVUFVS MVJNºNF PV ºUSF SFQSJTFT µ EBVUSFT
radiophoniques, cinématographiques et télévisuelles sont des $FSUBJOTmMNTPV¹NJTTJPOTN¹MBOHFOUEFTTPVSDFTTPOPSFTPV
œuvres d’auteurs. Il convient donc de s’informer au mieux visuelles d’origines multiples.
sur leurs intentions personnelles et le genre particulier dans t -FT JNBHFT U¹M¹WJTVFMMFT PV DJO¹NBUPHSBQIJRVFT TJOTDSJWFOU
lequel s’insère tel ou tel extrait : émission d’information, de EBOTVODBESFRVJFTUDFMVJEFM¹DSBO-Fcadrage (plans…) est
divertissement, fiction, reconstitution… le résultat d’un choix et manifeste donc un certain regard du

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réalisateur. Les enregistrements sonores peuvent aussi opérer des choix
en donnant la parole à tel acteur plutôt qu'à tel autre… 2 Les archives audiovisuelles, c’est un peu le rêve de tout historien : du
• Les documents sonores et visuels sont le résultat d’un montage. Le passé à l’état brut. Ces hommes ont écrit l’Histoire, ils sont là, on peut
réalisateur choisit tel ou tel plan ou extrait et choisit de les monter dans les entendre, les voir, les toucher presque. Le passé est désormais
un certain ordre. conservé, disponible, à portée de sens et plus seulement d’intellect.
• Au besoin, le réalisateur manipule certaines de ces sources par les Et pourtant, pour qui s’est un peu frotté aux images, cette épiphanie
techniques du trucage. se révèle assez vite décevante. Les archives audiovisuelles ont bien
• Le son et les commentaires influencent grandement la perception des du charme, elles renouvellent indubitablement les modes d’accès au
images. territoire de l’historien. Mais cela ne va pas sans poser de redoutables
• La présence de la caméra peur aussi exercer une influence sur les problèmes.
personnes et les scènes qui sont filmées.
• Enfin, il est indispensable de s’interroger sur le public visé par les Jérôme BOURDON, L’historien devant l’audiovisuel. Préambules méthodologiques,
dans Image et Histoire, Coll. « Sources. Travaux historiques », Paris, PubliSud, 1987,
documents sonores et audiovisuels. Répondre à cette question permet
p. 64
de mieux cerner les objectifs du document.

Les sept premiers plans du film montrent respectivement :


des wagons immobiles, des grues immobiles dans un port,
des ouvriers devant la grille d’une usine, une banderole
portant l’inscription « Du travail » … « et du pain », une
famille devant une table dégarnie, des agriculteurs
américains répandant du lait par terre.
Ce film a été commandé à Henri Storck par le Club de
l’Écran, un cinéclub de gauche auquel participent plusieurs
militants et hommes politiques communistes désireux de
diffuser un reportage sur la grève des mineurs du Borinage
qui avait éclaté en 1932. Les prises datent de septembre
1933 et le film est diffusé la même année, mais hors des
circuits commerciaux. Une version muette sera réalisée
l’année suivante et le film sera adapté en russe en 1934 par
Joris Ivens, dans le but de montrer que les conditions des
ouvriers sont meilleures en URSS qu’en Belgique.
3 Photogrammes extraits des sept premiers plans
de Misère au Borinage, film réalisé par Joris
IVENS et Henri STORCK, 1933

4 Henri Storck (…) vint me proposer l’idée, ou plus précisément la nécessité bout de deux ou trois semaines, notre objectif véritable était devenu évident.
d’un film. Il me raconta les événements qui s’étaient déroulés au Borinage en Nous avons dû travailler alors comme si nous faisions un film clandestin.
1932 pendant mon absence1. (…) [Notre] programme quotidien devait rester souple (…) de sorte que si un
En juin, les patrons miniers belges avaient imposé une réduction salariale de endroit était gardé par la police, nous pouvions partir ailleurs sans perte de
5 %. Le lundi 20 juin, les mineurs de Wasmes organisaient un meeting qui temps. (…)
annonçait une grève (…). Le lundi suivant, 15 000 mineurs borains étaient en Montrer la tactique ainsi que des épisodes de la lutte des grévistes nous
grève et le 7 juillet, il y avait 30 000 grévistes au Borinage et 15 000 dans la resitua face au problème de la reconstitution. Par exemple, nous voulions
région du Centre et de Charleroi. (…) montrer comment une famille de mineurs avait été expulsée (…) et la seule
Storck me dit : « Certains de nos amis du Club de l’Écran, de Bruxelles, façon de le faire était de rejouer la scène (…). [De même], j’ai demandé si
veulent réaliser un document filmé sur la situation telle qu’elle se présente au nous pouvions refaire [une] manifestation (…).
Borinage. Nous pourrions aider ces ouvriers en dévoilant leurs conditions de
1
vie réelles au reste du monde. » (…) En voyage en URSS pour réaliser le film Komsomol
On comprendra aisément que les compagnies minières et les patrons
Joris IVENS, Borinage, dans B. HOGENKAMP et H. STORCK, Le Borinage. La grève des mineurs
d’entreprise ne voyaient pas ce film d’un très bon œil. (…) Au début, nous de 1932 et le film de Joris Ivens et Henri Storck, n° spécial de la Revue Belge du Cinéma,
nous comportions comme une équipe cinématographique ordinaire, venue hiver 1983-printemps 1984, p. 33-36
au Borinage pour y prendre quelques clichés types d’ambiance, mais au

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Repères 118
Internet et l’Histoire
Traces

Né dans les années 1960, dans quelques universités américaines, mouvements, partis, syndicats, organes de presse, acteurs
Internet fait aujourd’hui partie de notre vie quotidienne. Pour individuels… disposent en effet de sites qui leur sont propres.
l’historien, le Web offre également de nouvelles sources Ils y diffusent des informations et de la documentation très
d’information et de documentation. On peut y distinguer : variées : prises de positions, rapports et documents internes,
informations statistiques, sources audiovisuelles… ;
• des ressources documentaires déjà disponibles mais
accessibles désormais on line : documents d’archives • des ressources informatives nouvelles produites par la
numérisés de tous types (texte, son, image fixe ou mobile), communauté scientifique : sites de revues scientifiques,
sources éditées mises en ligne… ; d’équipes de recherche ou de chercheurs, d’historiens non
professionnels…
• des ressources documentaires nouvelles produites par les
acteurs de l’Histoire, telle qu’elle se fait au jour le jour : de très
nombreuses institutions publiques ou privées, associations,

1 Différents acteurs et entités sont à l'origine d'Internet, dont l'ancêtre pouvaient l'utiliser. C'est pourquoi six universités s'associèrent
s'appellait Arpanet, du nom de l'ARPA (…). L'ARPA (Advanced pour réfléchir à un réseau ouvert à l'ensemble de la communauté
Research Projects Agency) fut créée en 1958 pour répondre, tout scientifique. En 1980, les protocoles TCP/IP1 furent placés
comme la NASA, au défi qu'avait représenté le lancement du dans le domaine public, permettant à tous les départements
satellite russe Spoutnik. Dépendante du ministère de la Défense, informatiques des universités américaines de se connecter en
cette agence s'intéressera d'abord à la recherche spatiale, puis réseau. Ensuite, les universités décidèrent d'ouvrir l'usage de cet
aux ordinateurs à partir du début des années 1960. (...) En 1966 outil aux non-informaticiens. Le mouvement gagna l'Europe, où
fut décidée l'expérimentation d'un réseau d'ordinateurs, reliant les une infrastructure semblable se mit en place.
différents centres de recherche en contrat avec l'ARPA. Une nouvelle étape majeure est franchie en 1989 avec la mise au
Parallèlement, [au sein de] la Rand Corporation, un institut militaire point du Web2 par un informaticien du CERN (Centre européen de
de recherche stratégique, Paul Baran (…) [proposa] la mise en place Recherche nucléaire) de Genève, Tim Berners-Lee. Ce système
de « réseaux de commutation par paquets ». Ce projet, refusé par efficace de consultation et de stockage des données fonctionnant
le Pentagone, est à l'origine de la thèse qui situe [erronément] la à l'aide des liens hypertexte permettra d'ouvrir Internet au plus
naissance d'Internet dans les projets stratégiques de la Défense grand nombre.
américaine. (...) Toutefois, pour qu'Internet puisse être accessible au grand public,
L'idée d'une mise en réseau d'ordinateurs va mettre néanmoins il manque encore un logiciel qui permettrait de naviguer aisément
encore plusieurs années à se concrétiser. Au sein de l'ARPA, (…) sur le Web par le biais d'une interface graphique. C'est un étudiant
[c’]est finalement en 1967 (…) que le projet fut adopté [sous le de 21 ans de l'Université de l'Illinois, Marc Andreessen, qui va
nom d’Arpanet]. Parmi la quinzaine d'universités en contrat avec prendre cette initiative. Le logiciel Mosaïc sort en janvier 1993
l'ARPA, quatre sites furent choisis (…) et un message entre [deux et, grâce à sa diffusion gratuite, se voit adopté par la majorité
d’entre eux] put être envoyé. (…) des utilisateurs (…). En automne 1994, une version évoluée de
Au début des années 1970, d'autres universités se joignirent au Mosaïc, baptisée Netscape Navigator, est diffusée et achève de
projet, au point qu'un problème de compatibilité entre les systèmes populariser Internet auprès du grand public.
informatiques finit par se poser. (…) En 1972, un InterNetwork
1
Working Group (INWG) fut créé qui, (…) sous la responsabilité de Procédures qui permettant d’émettre et de recevoir des données sur un
réseau
(…) Vinton Cerf, (…) proposa l'utilisation des protocoles de base 2
Terme anglais désignant la « toile » ; mode d’échange de communication
TCP/IP1, signant de ce fait l'acte de naissance d'Internet. se basant sur les adresses www (World Wide Web) et les logiciels de
À la fin des années 1970, l'Arpanet était devenu un outil navigation
indispensable au monde de la recherche informatique, grâce
à la rapidité des connexions électroniques et au partage des Paul de THEUX, Le fabuleux destin d'Internet, dans Les Carnets de la formation
multimédia, Bruxelles, Média Animation-Cefis-FPE, 1999-2001 et
ressources qu'il permettait. http://www.carnets-multimedia.be, page consultée le 28 février 2008
Cependant, seules les institutions sous contrat avec l'ARPA

300

CH-6_002-cs3.indd 300 1/04/09 17:39:21


De quoi ces sources témoignent-elles ?
2 Wikipédia est devenue un réflexe
Les ressources documentaires et informatives offertes par Internet concernent à peu près tous les champs (…). Sans diabolisation ni angélisme,
de la recherche historique. Pour l’historien des dernières décennies, Internet constitue une source nouvelle proposons trois commandements :
de documentation sur les acteurs qui sont l’objet de sa recherche. Ainsi, le site officiel de la Commission 1. Wikipédia existe mais n’est pas
européenne diffuse des informations dont il pourra se nourrir pour étudier sa politique et sa communication. Ses un prophète : ses articles tu
collègues historiens de l’époque carolingienne auraient grandement tiré profit de l’existence d’un site officiel du confronteras avec d’autres sources.
« Gouvernement d’Aix-la-Chapelle » ! (…)
2. Wikipédia existe mais les voies du
savoir sont infinies : comme un
Comment les interpréter ? portail d’accès tu t’en serviras (…)
[en remontant] aux sources.
Véritable mine d’or, le Net peut aussi être source de bien des difficultés pour l’historien. 3. Wikipédia existe mais au
La documentation déjà disponible mais désormais plus facilement accessible on line, doit faire l’objet d’une début était le verbe : un article
analyse critique : l’extrait reproduit, la séquence numérisée… l’ont-ils été dans le respect de l’original ? d’encyclopédie tu t’exerceras à
La consultation de ce dernier restera donc souvent indispensable… écrire. Cette rédaction (…) amènera
Le même problème se pose pour la documentation nouvelle offerte par Internet : tel communiqué de presse (…) à lire plusieurs sources et à
diffusé sur le Web est-il complet et conforme à l’original…, si celui-ci existe ? D’autres difficultés attendent en construire du savoir.
outre l’historien. Elles sont liées à :
t MBsurabondance de l’information que charrie Internet : que retenir et qu’exclure ? quand achever la recherche Olivier LOUBES, Un moteur de connaissance…,
documentaire… ? ; dans L’Histoire, n° 325, novembre 2007, p. 8
t la durabilité de l’information et de son support : tel document disponible aujourd’hui le sera-t-il demain ? que
conserver ? sur quels supports informatiques ? et comment les lire après-demain, dans 10 ans, 100 ans… ?
Enfin, il convient de rappeler que les questions critiques qu’un historien pose de manière traditionnelle à tous
types de documents demeurent de mise :

De quand date l’information ? Date de production ?


Date de mise en ligne ? 3 Wikipédia doit être saluée comme
Date de mise à jour ? une entreprise généreuse au service
Est-elle localisable dans Localisation de l’auteur du document ? Voir l’adresse du site (.be, .fr…) de la collectivité. Mais sa faiblesse
l’espace ? Localisation des informations qu’il livre ? est qu’elle repose sur deux naïvetés
Localisation des auteurs du site ? majeures dont l’effet est dangereux.
Qui en est l’auteur ? Identité de l’auteur du document ? Si un courriel est disponible, 1. La rencontre d’un grand nombre
Identité de l’auteur du site ? contacter l’auteur du document ou d’individus de compétence et
du site. de culture inégales aboutirait
Quelles sont ses intentions ? Celles de l’auteur du document et du site Le type de publicité est-il en relation forcément (…) à l’élaboration
qui le présente avec l’objet du document ou du site ? d’un savoir sûr. En réalité, il est
À qui l'information est-elle Destinataires du document et public du démagogique de faire croire que
destinée ? site toutes les plumes se valent et
qu’il suffit de permettre à tout un
Quelles sont les sources Origine des informations de l’auteur du Références bibliographiques ou à
document ? d’autres sites… de qualité !
chacun de corriger les données
d’information de l'auteur ?
apportées par les autres pour offrir
Les caractéristiques de Quelles sont les positions philosophiques,
un contenu fiable. (…)
l’auteur influencent-elles son religieuses, politiques, sociales,
2. [L’]accumulation de faits juxtaposés
témoignage ? économiques… de l’auteur du document
et du site qui l’héberge ?
tend à mettre sur le même plan
l’essentiel et l’anecdotique, à
Les informations sont-elles Quels éléments plaident en faveur de Qualité de l’organisation du discours
empiler des données que n’organise
exactes ? l’exactitude ou de l’inexactitude de l’auteur Type de langage (familier,
aucun esprit synthétique propre à
du document et/ou du site qui l’héberge ? scientifique, polémique…)
Qualité de la langue hiérarchiser les informations et à
guider la réflexion.
Les informations sont-elles Le contenu du document confirme-t-il Recoupements d’information
conformes à l’état des ou contredit-il les connaissances Jean-Noël JEANNENEY, … qui appelle une
connaissances historiques ? généralement acceptées au sein de la cordiale vigilance, dans L’Histoire, n° 325,
communauté des historiens et/ou dans novembre 2007, p. 8
d’autres documents ?

301

ES2871_CH6e_T4_002_MAN.indd 301 27-04-2010 15:06:51


Repères 119
Le monde de 1910
Temps et espace

1910 1915 1920 1925 1930 1935

t1BDUF#SJBOE,FMMPH
internationales tOPWFNCSF
"SNJTUJDF
Relations

PREMIÈRE Traités de Paix (3"/%&$3*4&


GUERRE MONDIALE
ÉCONOMIQUE
t4%/ MONDIALE

Grande-Bretagne t&TTPSEFT
France jMJHVFTx
t"DDPSENJMJUBJSFGSBODPCFMHF
Belgique/Pays-bas/Lux. FO'SBODF
t1MBOEV
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Allemagne &NQJSFBMMFNBOE 3¹QVCMJRVFEF8FJNBS
IIIe3FJDI
Europe

Italie tMVTTPMJOJ 1SFNJFSNJOJTUSF %JDUBUVSFGBTDJTUF


Portugal/Espagne/Grèce t"DDPSETEV-BUSBO
t4BMB[BS 1PSUVHBM
Europe Centrale et de l’Est &NQJSFBVTUSPIPOHSPJT

Russie t3¹WPMVUJPO

6344
NEP ersQMBOTRVJORVFOOBVY
(VFSSFDJWJMF
-¹OJOF 4UBMJOF

États-Unis
Amérique

88JMTPO 8)BSEJOH $$PPMJEHF ))PPWFS

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Latine
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Afrique

Moyen-Orient t%¹DMBSBUJPO t.BOEBUTGSBO¸BJT


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#BMGPVS
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Pacifique

Inde t(BOEIJS¹TJTUBODFQBTTJWF t(BOEIJjNBSDIFµMBNFSx TFM


Asie et

Chine 3¹QVCMJRVF4VO:BU4FO t5DIBOH,B¿$IFL -POHVFNBSDIF

Japon t*OWBTJPOEFMB.BOEDIPVSJF

Sud-Est Asiatique et pacifique


: conflit armé
: révolution

302

CH-6_002-cs3.indd 302 1/04/09 17:39:24


à 1960
1935 1940 1945 1950 1955 1960

#MPDVTEF#FSMJO (VFSSFEF$PS¹F

HVFSSFGSPJEF
t1BDUFEF7BSTPWJF

%¹CVUEFMB
JT t.VSEF
OB
internationales

QP t3'"3%" #FSMJO
UKB

4V
t05"/
Relations

F

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MMF GUERRE $0&9*45&/$&1"$*'*26&
TB

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t0/6 t5SBJU¹TEF1BJY 1BSJT
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t'.*FU#*3% t%¹DMBSBUJPOVOJWFSTFMMFEFTESPJUTEFMIPNNF t$S¹BUJPOEFM"*&"
t("55  "HFODFJOUFSOBUJPOBMFEFMOFSHJFBUPNJRVF
t$POWFOUJPOFVSPQ¹FOOFEFTESPJUTEFMhIPNNF
t'SPOUQPQVMBJSF t$POTFJMEFM&VSPQF
t%¹DMBSBUJPO4DIVNBO
t$S¹BUJPOEF tDIFDEFMB$&%
t*OWBTJPO#FMHJRVF t%¹CBSRVFNFOUFO/PSNBOEJF
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Europe

&VSPQFEFT
%JDUBUVSFGBTDJTUF t-JC¹SBUJPOEFM*UBMJF
t"YF3PNF#FSMJO
'SBODP t%JDUBUVSFEF'SBODP
(VFSSFDJWJMF &TQBHOF t$PVQEF1SBHVF tNFVUFTµ#FSMJO&TU
t*OTVSSFDUJPOFO)POHSJFFUFO1PMPHOF
t*OWBTJPO1PMPHOF
%.0$3"5*&41016-"*3&4
1BDUFHFSNBOPt t*OWBTJPO6344
TPWJ¹UJRVF t3BQQPSU,ISPVDIUDIFW

4UBMJOF /,ISPVDIUDIFW
Amérique

'%3PPTFWFMU )5SVNBO %&JTFOIPXFS +',FOOFEZ

t"CPMJUJPOEFMBT¹HS¹HBUJPOEBOTMFT¹DPMFT

%JDUBUVSFEF7BSHBT #S¹TJM t'JEFMCBTUSP $VCB

t(VFSSFEUIJPQJF t*OE¹QFOEBODF5VOJTJFFU.BSPD
Afrique

(VFSSFE"MH¹SJF
t*OE¹QFOEBODF
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(SBOEFS¹WPMUFQBMFTUJOJFOOF
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t*OE¹QFOEBODFEFM*OEF
Pacifique
Asie et

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(VFSSFDJWJMF 3¹QVCMJRVFQPQVMBJSFEF$IJOF
t*OWBTJPOEFMB$IJOF t0DDVQBUJPOEV5JCFU (SBOE#POE
t)JSPTIJNB/BHB[BLJ$BQJUVMBUJPOKBQPOBJTF
t1SPD¼TEF5PLZP
t1FBSM)BSCPS
(VFSSFE*OEPDIJOF

303

CH-6_002-cs3.indd 303 1/04/09 17:39:32


Repères 120
Le monde de 1960
Temps et espace

1960 1965 1970 1975 1980 1985

(6&33&
$SJTFEF$VCB (VFSSFE"GHIBOJTUBO

'30*%&
internationales
(VFSSFEV7JºUOBN t#PZDPUUEFT+0EF.PTDPV
Relations

#PZDPUU+0EF-PT"OHFMFTt
t.VSEF#FSMJO

t3VQUVSF$IJOF6344 t"DUFE)FMTJOLJ
t5SBJU¹EFOPOQSPMJG¹SBUJPO
t*OUFSEJDUJPOEFTFTTBJTOVDM¹BJSFT EFTBSNFTOVDM¹BJSFT
EBOTMBUNPTQI¼SFFUEBOTMFTNFST t$IJOFQPQVMBJSFNFNCSFQFSNBOFOUEV$POTFJMEF4¹DVSJU¹EFM0/6
tFSDIPDQ¹USPMJFS tFDIPDQ¹USPMJFS

Grande-Bretagne
France
t$POUFTUBUJPO¹UVEJBOUF
Benelux
Allemagne
Italie
&VSPQFEFT &VSPQFEFT
Europe

t'JOEJDUBUVSFFO(S¼DF &VSPQFEFT
Espagne/Portugal/grèce
t.PSUEFFSBODPGJOEJDUBUVSFFO&TQBHOF
3¹WPMVUJPOEFT”JMMFUTGJOEJDUBUVSFBV1PSUVHBM
Europe centrale t1SJOUFNQTEF1SBHVF
t4PMJEBSOPTD 1PMPHOF
et de l'Est tNFVUFTµ(EBOTL 1PMPHOF
%.0$3"5*&41016-"*3&4

Russie 6344
/,ISPVDIUDIFW -#SFKOFW

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Amérique

États-Unis t"TTBTTJOBUEF+',FOOFEZ t"TTBTTJOBUEF.BSUJO-VUIFS,JOH


t-PJTVSMFTESPJUTDJWJRVFT t"TTBTTJOBUEF3PCFSU,FOOFEZ
t#MBDL1PXFS
Latine t%JDUBUVSFEF1JOPDIFU "SHFOUJOFEJDUBUVSFEF7JEFDB
t"TTBTTJOBUEF 7JDUPJSFEFMBHBVDIFBV$IJMJ
$IFGVFWBSBFO#PMJWJF t"TTBTTJOBUE"MMFOEF /JDBSBHVBS¹WPMVUJPOTBOEJOJTUF

(VFSSFEh"MH¹SJF *OE¹QFOEBODFEFTDPMPOJFTQPSUVHBJTFT
Afrique

t*OE¹QFOEBODFEV$POHP .PCVUV t;B¿SF

t*OUFSWFOUJPOTPWJ¹UPDVCBJOFFO"OHPMBFU.P[BNCJRVF
t&YQBOTJPOEVDPNNVOJTNFFOUIJPQJF

Moyen-Orient Israël t(VFSSFEFT4JY+PVST t(VFSSFEV,JQQPVS t1BJYFO(BMJM¹F

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 HVFSSFDJWJMFBV-JCBO FHVFSSFDJWJMFBV-JCBO
Pacifique

3¹WPMVUJPOJTMBNJTUFFO*SBO
Asie et

Inde FHVFSSFJOEPQBLJTUBOBJTF 3FHVFSSFJOEPQBLJTUBOBJTF (VFSSF*SBO*SBL

Chine t.PSUEF.BP %FOH9JBPQJOH


3¹WPMVUJPODVMUVSFMMF
Japon
t"4&"/
Sud-Est asiatique et pacifique
: conflit armé
: révolution

304

CH-6_002-cs3.indd 304 1/04/09 17:39:35


à 2008
1985 1990 1995 2000 2005 2010
internationales

t0VWFSUVSF
Relations

t$IVUFEVNVSEF#FSMJO t-0.$SFNQMBDFMF("55
t$PVSQ¹OBMFJOUFSOBUJPOBMF
t5SBJU¹TVSMFSFUSBJUEFTFVSPNJTTJMFT
t5SJCVOBMQ¹OBMJOUFSOBUJPOBMQPVSMFY:PVHPTMBWJF
t$POUSFDIPDQ¹USPMJFS
t5SJCVOBMQ¹OBMJOUFSOBUJPOBMQPVSMF3XBOEB

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t"DUF6OJRVF  *SMBOEFEV/PSE 
t5SBJU¹E"NTUFSEBN t1SPKFUEFUSBJU¹DPOTUJUVUJPOOFMQPVSM&VSPQF
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t3¹VOJGJDBUJPOEFTEFVY"MMFNBHOFT 3'"FU3%" 
Europe

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&VSPQFEFT
tDMBUFNFOUEFMBS¹QVCMJRVF &VSPQFEFT
tPerestroïka* FUglasnost* G¹E¹SBUJWFEF:PVHPTMBWJF
t5DIFSOPCZM tDMBUFNFOUEFM6344m $&* &VSPQFEFT
t'JOEFTS¹HJNFTEFE¹NPDSBUJFQPQVMBJSF
&VSPQFEFT
(VFSSFFO5DI¹UDI¹OJF tFJOUFSWFOUJPOSVTTFFO5DI¹UDI¹OJF

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33FBHBO ()#VTI 8$MJOUPO (8#VTI


Amérique

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t4PVEBOUBUJTMBNJTUF
$POGMJUBV%BSGPVS
Afrique

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t'JOEFMBQBSUIFJEFO"GSJRVFEV4VE

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Pacifique
Asie et

t(VFSSFEV(PMGF (VFSSFFO*SBLAHVFSSFDJWJMF

t3¹QSFTTJPOEVQSJOUFNQTEF1¹LJO t$IJOFµM0.$ t+0EF1¹LJO

305

CH-6_002-cs3.indd 305 1/04/09 17:39:42


Repères 121
Culture
Temps et espace

1900 1910 1920 1930 1940 1950

1945 : Explosion atomique

Environ-
nement
E)JSPTIJNBFU/BHBTBLJt

Léon XIII Pie X Benoît XV Pie XI Pie XII

t"DDPSETEV-BUSBO
Pensée et
religion

t+0$
t$POEBNOBUJPOEVGBTDJTNF
Jung t$POEBNOBUJPOEVOB[JTNF
Freud
Valéry Mounier Sartre

"SUBCTUSBJU
Expressionisme allemand 4VSS¹BMJTNF
$VCJTNF Dada $PCSB
Futurisme $POTUSVDUJWJTNFSVTTF
et lettres

Bauhaus t&YQPTJUJPOEFMBSUE¹H¹O¹S¹
Arts

tGuernica
t.BOJGFTUFEVTVSS¹BMJTNF t
t&NQJSF4UBUF#VJMEJOH 'FTUJWBMEF
Jazz ¨ $BOOFT
Chaplin Brecht
Pirandello Claudel
Kafka Camus
Gide Malraux de Beauvoir
Huxley
t3FMBUJWJU¹H¹O¹SBMF &JOTUFJO t1MBTUJRVFT t$BMDVMBUFVS
t$BPVUDIPVDTZOUI¹UJRVF t/ZMPO JOJUJBM.BSL*E*#.
t3BEJPBDUJWJU¹ 3VUIFSGPSE t3BEBS
tre station radio t'JTTJPOOVDM¹BJSF
t$JO¹NBQBSMBOU t
t5SBWFST¹FEFM"UMBOUJRVFFOBWJPO-JOECFSHI
et techniques

t5SBWFST¹FEFMB.BODIF#M¹SJPU #PNCF"
Sciences

5¹M¹WJTJPOQBSD³CMFt
5SBOTJTUPSt
%JTRVFUPVSTt

t7

t7BDDJOBOUJUVCFSDVMFVY
t'BDUFVSSI¹TVT
t1¹OJDJMMJOF t6UJMJTBUJPOEFT
antibiotiques

-BQPTJUJPODISPOPMPHJRVFEFTEJGG¹SFOUTDPVSBOUTTJUVFMFNPNFOUPË JMTDPOTUJUVFOUEFTQÃMFTEFS¹G¹SFODF¹UBCMJTBVQMBOBSUJTUJRVF
&MMFOFUJFOUQBTDPNQUFEFTWBSJBOUFTOBUJPOBMFTPVH¹PHSBQIJRVFT

306

CH-6_002-cs3.indd 306 1/04/09 17:39:44


et société
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010

tTorrey Canyon t5ISFF.JMF*TMBOE terSBQQPSUEV(*&$ t


Environ-

t3BQQPSU#SVOEUMBOE &OUS¹FFOWJHVFVSEV
nement

t4FWFTP
t#IPQBM QSPUPDPMFEF,ZPUP
t5DIFSOPCZM t1SPUPDPMFEF,ZPUP
t$S¹BUJPOEV(*&$ eSBQQPSUEV(*&$t

Jean XXIII Paul VI Jean-Paul II Benoît XVI


B
+FBO1BVM*&3
Pensée et

$PODJMF7BUJDBO** t$BU¹DIJTNFVOJWFSTFM
religion

t$PODJMFEFTKFVOFTµ5BJ[¹

Foucault 5I¹PMPHJFEFMBMJC¹SBUJPO
De Lubac
Heidegger Lacan
Chenu Barthes Braudel
Lévi-Strauss Congar Althusser

"SUNJOJNBM
&YQSFTTJPOOJTNFBCTUSBJU Land art
Pop-art (SBGJUUJ
"SUWJE¹P
et lettres
Arts

t4FBHSBN#VJMEJOH
t#¹KBSU(9e Symphonie)
Yourcenar : 1re femme à l’Académie française
Rock and Roll ¨ Beatles Rolling Stones
Miloz
Robbe-Grillet Beckett Neruda
Perec Marquez Le Clezio
Anouilh Soljénitsyne
Boll De Keersmaeker (Fase)

t1PMBSP¿E t-BTFS t.JTFFOS¹TFBVEPSEJOBUFVST t3¹TFBV(4. t(MPCBMBTUBS


t5¹M¹WJTJPODPVMFVS t$PODPSEF t5(7 t*OUFSOFUBDDFTTJCMFBVQVCMJD
t#PFJOH t4BUFMMJUFEFU¹M¹WJTJPO t.JDSPPSEJOBUFVS t5¹M¹WJTJPOOVN¹SJRVF
t#PNCFUIFSNPOVDM¹BJSF t$PNQBDUEJTRVF
et techniques

t)PNNFEBOTMFTQBDF:(BHBSJOF t%¹TJOU¹HSBUJPO
Sciences

de la navette Columbia
t4QPVOUOJL
t)PNNFTVSMB-VOF /"SNTUSPOH
t/"4" ter vol
t'VT¹FFVSPQ¹FOOF"SJBOF spatial habité chinois

t4USVDUVSFEFM"%/ t4DBOOFS
$BSUFDPNQM¼UF
t(SFGGFS¹OBMF t7BDDJOBOUJSPVHFPMF t#¹C¹¹QSPVWFUUF d’un génome humain
t1JMVMFDPOUSBDFQUJWF t4ZOUI¼TFEVOH¼OFDPNQMFU
t(SFGGFEFD”VSBSUJGJDJFM t$MPOBHFEFMBCSFCJT%PMMZ (#
tDIPHSBQIJF t(SFGGFEVQPVNPO
t(SFGGFEVD”VS t7JSVTEV4*%"JTPM¹ (SFGGFQBSUJFMMFEVWJTBHFt

307

CH-6_002-cs3.indd 307 1/04/09 17:39:51


Repères 122
La Belgique
Temps et espace

1900 1910 1920 1930 1940 1950

Léopold II Albert I Léopold III Régence : Charles


Question royale
t'SPOUJTNF t7/7 7FSEJOBTP

intérieure
t4VGGSBHFVOJWFSTFMNBTDVMJO t6OJMJOHVJTNF
Politique
t3FYBV1BSMFNFOU

4VGGSBHFVOJWFSTFMNBTDVMJOFUG¹NJOJOt

t*OTUSVDUJPOPCMJHBUPJSF t(S¼WFH¹O¹SBMF
t+PVSO¹FEFI t$POH¹TQBZ¹T
t4¹DVSJU¹
t"MMPDBUJPOTGBNJMJBMFT
TPDJBMF
t1MBOEVUSBWBJM


#SFFOEPOL 
Économie
et société

DBNQEFUSBOTJU
"DDPSETTVSMJNNJHSBUJPOJUBMJFOOFt

1SFNJ¼SF 4FDPOEF
(VFSSF (VFSSF
NPOEJBMF NPOEJBMF

t$BSEJKO+0$
Pensée et

t"CC¹'SPJEVSF
religion

t#FBVSBJOH#BOOFVY

&OTPS 7BOEF7FMEF 1FSNFLF $PCSB 


3PQT #PVSHFPJT )FSH¹
et sciences
Art, lettres

8BVUFST %FMWBVY
t1BMBJTEFT#FBVY"SUT )035"
.FVOJFS
4UPSDL $JO¹

t#PSEFU /PCFM t)FZNBOT /PCFM

$SPNNFMZODL
t.BFUFSMJODL /PCFM 4JNFOPO EF(IFMEFSPEF
.JDIBVY

308

CH-6_002-cs3.indd 308 1/04/09 17:39:53


de 1900 à 2008
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010

Baudouin Ier Albert II


er
t1SFNJFSWPZBHFEF#BVEPVJO* au Congo
t7PUFµBOT DPNNVOBMFT
t*OE¹QFOEBODFEV$POHP
intérieure

t7PUFµBOT M¹HJTMBUJWFT
Politique

t7PUFEFT¹USBOHFSTFVSPQ¹FOT
t'JYBUJPOEFMBGSPOUJ¼SFMJOHVJTUJRVF
t'BDJMJU¹T 7PUFEFT¹USBOHFST DPNNVOBMFT t
t"GGBJSFEF-PVWBJO
tSFS¹WJTJPODPOTUJUS¹HJPOTFUDPNNVOBVU¹T
tFS¹WJTJPODPOTUJU
tFS¹WJTJPODPOTUJU
tFS¹WJTJPODPOTUJU5"5'%3"-

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309

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Repères 123-124
Le monde des années 1920 et 1930
Temps et espace

310

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La décolonisation et l’émergence du
tiers-monde

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Repères 125-126
Le monde bipolaire de 1947 à 1989
Temps et espace

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Le monde de 1991 à 2008

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Repères 127-128
L’Europe en 1914
Temps et espace

314

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L’Europe des années 1920

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Repères 129-130
L’Europe en 1938-1939
Temps et espace

mandats*
mandats*

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L’Europe en 1948

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Repères 131-132
L’Europe en 2008 et la construction
Temps et espace

européenne

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Les inégalités au niveau planétaire
(IDH en 2006)

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Repères
Notices biographiques des auteurs de documents
Dictionnaire
Le nom des auteurs faisant l’objet d’une notice est reproduit en lettres capitales dans le manuel.

ADAM, Bernard : Directeur du Groupe de Recherche et métiers et du sport et est l’auteur de nombreux ouvrages sur traditionnelles. Il préside de 1986 à 1992 la Commission pour
d’Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP), ONG belge qu’il le sport et la culture. (→ 74/6) la préparation du catéchisme de l’Église catholique. Doyen du
fonde en 1979, avec pour thèmes : le commerce des armes, collège des cardinaux depuis 2002, il est élu pape le 19 avril
les armes de destruction massive*, la prévention et la gestion AUSTRUY, Jacques : Économiste français. Professeur à 2005. (→ 112/1)
des conflits, la non-prolifération nucléaire, la sécurité dans l’Université de Paris II (Panthéon-Assas), fondateur en 1972 du
l’Union européenne… (→ 47/5) CEDIMES (Centre d’Études sur le Développement international BERSTEIN, Serge (1934-…) : Historien français. Professeur
et les Mouvements économiques et sociaux), coordinateur émérite d’Histoire contemporaine à l’Institut d’Études
ALBERT Ier (1875-1934) : Neveu de Léopold II, il lui succède depuis 1986 de colloques internationaux sur le développement. politiques de Paris. (→ 69/3)
comme 3e roi des Belges de 1909 à 1934. Il assume (→ 94/4)
personnellement le commandement en chef de l’armée en BERTHOULAT, Georges (1859-1930) : Homme politique
1914-1918 et personnifie ainsi la résistance patriotique. Son BAIROCH, Paul (1930-1999) : Économiste belge. Professeur à et journaliste français. Député (1902-1906) puis sénateur
discours du 22 novembre 1918 reprend les grands points du l’ULB, à Montréal, Paris et Genève, il a également travaillé au républicain (1927-1930). Journaliste au quotidien parisien
programme du Gouvernement Delacroix (1918-1920). L’attitude GATT. (→ 67/9) La Liberté, de tendance modérée, qu’il dirige de 1898 à 1920.
du « roi-chevalier » pendant la guerre et sa mort accidentelle (→ 27/1)
à Marche-les-Dames ont contribué à créer un véritable mythe BALFOUR, Arthur James (1848-1930) : Homme politique
autour de sa personnalité. (→ 26/5) britannique. Élu député conservateur en 1874, il est Premier BERTRAND, Cécile : Dessinatrice, caricaturiste et plasticienne
ministre de 1902 à 1906. Ministre des Affaires étrangères de belge. Elle travaille notamment pour La Libre Belgique et
ALLENDE, Salvador (1908-1973) : Homme politique chilien. 1916 à 1919, il attache son nom à la déclaration qui jette les Le Vif/L’Express. Elle est la première femme à avoir reçu le
En 1933, il est un des fondateurs du Parti Socialiste du Chili. bases d’un foyer national juif en Palestine (1917). Ce document grand prix 2007 du Press Cartoon Belgium. (→ 116/3)
Député en 1937, sénateur dès 1945, il se présente plusieurs devait rapprocher la Grande-Bretagne des banques juives
fois aux élections présidentielles et est finalement élu, le anglaises et américaines afin de dégager les fonds nécessaires BEUYS, Joseph (1921-1986) : Artiste allemand. Pilote à la
4 septembre 1970, comme candidat de l’Unité populaire qui à la poursuite de la guerre. Balfour est l’un des signataires du Luftwaffe pendant la Seconde Guerre mondiale, son avion
rassemble plusieurs partis de gauche. Il nationalise* les mines traité de Versailles (28 juin 1919). (→ 39/2) est abattu au-dessus de la Crimée. Il prétend qu’une tribu de
de cuivre, sans octroyer de compensations aux compagnies Tatars l’a recueilli et l’a soigné en l’enroulant dans du feutre
nord-américaines. Il met aussi en œuvre une réforme agraire : BARBIER, Paul (1873-1947) : Dessinateur et écrivain et de la graisse. Cette expérience, et plus généralement celle
les terres des grands propriétaires chiliens ou nord-américains britannique. (→ 38/11) de la guerre, le marquent profondément ; l’utilisation de ces
(United Fruit) sont redistribuées aux petits paysans. Cette matériaux, feutre et graisse, pour lui source de vie, fonde
politique se heurte à l’opposition de la bourgeoisie et à un BARI, Dominique : Journaliste française au quotidien de son projet artistique. Son œuvre, dans laquelle il se met
blocus* imposé par les États-Unis. Le 11 septembre 1973, tendance communiste L’Humanité. Correspondante en Chine régulièrement en scène, s’inscrit dans l’Histoire douloureuse
Allende meurt dans l’attaque du palais présidentiel lors du entre 1988 et 1993. (→ 3/4) de l’Allemagne : la Seconde Guerre mondiale et la guerre
coup d’État du général Pinochet, soutenu par les États-Unis. froide. L’art est pour lui une action morale et politique. Il refuse
(→ 57/7) BAUDOUIN Ier (1930-1993) : 5e roi des Belges (1951-1993). Il par exemple de se rendre aux États-Unis tant que la guerre du
succède à son père, LÉOPOLD III, après la « question royale » Viêtnam n’est pas terminée. (→ 110/4)
AMBROSI, Alfredo Gauro (1901-1945) : Peintre futuriste italien. (→ 65). Sous son règne, le Congo obtient son indépendance,
Il pratique la technique de l’« aéropeinture » qui veut glorifier le en 1960. (→ 23/2 et 53/3) BEYENS, Eugène, baron (1855-1934) : Diplomate belge. En
symbole le plus frappant de la modernité, l’aéroplane, par des 1921, il quitte son poste à Berlin et devient ambassadeur
formes angulaires en surimpression sur le tableau. Les artistes BAUER, Elvira (1915-?) : Étudiante allemande en art, elle écrit auprès du Saint-Siège (Vatican) jusqu’en 1925. (→ 33/6)
futuristes des années 1930 célèbrent aussi le régime fasciste et illustre un livre antisémite* pour l’apprentissage de la lecture
italien, qu’ils considèrent comme le mouvement politique du aux enfants. Il sera réédité sept fois et imprimé en 100 000 BIDAR, Abdennour (1971-…) : Islamologue français. Professeur
renouveau, de la modernité, en représentant son personnage exemplaires. On perd sa trace après la guerre ; elle n’a pas à l’Université de Nice, il est issu d’une famille française dont la
symbole, Mussolini. Sans être de commande, leurs œuvres été poursuivie en justice et est sans doute décédée dans les mère s’est convertie à l’Islam. (→ 113/2)
reflètent un état d’esprit de l’entre-deux-guerres. (→ 36/8) années 1990. (→ 35/7)
BIHR, Alain (1950-…) : Sociologue français, professeur à
AMERY, Jean, nom de plume de Hans MAYER (1912-1978) : BÉDARIDA, Renée (1919-…) : Historienne française, membre l’Université de Franche-Comté. Ses travaux et publications
Écrivain, journaliste et critique littéraire juif autrichien, émigré de l’équipe de Témoignage chrétien, journal fondé durant portent sur le devenir récent des inégalités sociales entre
en Belgique en 1938. Résistant, il est arrêté comme prisonnier la Seconde Guerre mondiale, et de l’Amitié chrétienne, hommes et femmes en France. (→ 8/5)
politique en juillet 1943. Emprisonné à Breendonk, il est association organisant clandestinement, dès 1942, des filières
torturé, transporté à Malines, déporté à Auschwitz en janvier d’évasion ou d’hébergement d’enfants juifs et de résistants. BIZUTH, Hubert OLYFF, dit : Caricaturiste belge bruxellois.
1944, puis à Buchenwald et Bergen-Belsen. (→ 19/3) (→ 43/2) Il dessine pour L’Âne roux, revue satirique hebdomadaire, qui
paraît du 8 mars 1945 au 27 décembre 1950, sous le slogan :
ARELLANO, Raúl : Peintre « naïf » nicaraguayen. Adoptant une BEHREND, Fritz (1925-…) : Caricaturiste allemand. Il a émigré « L’âne roux rue et rit le jeudi ». (→ 75/8)
façon de peindre proche de celle des enfants, il ne se départit aux Pays-Bas avec ses parents en 1937, pour fuir le nazisme. Il
pas pour autant d’un regard d’adulte sur le monde. (→ 16/2) fera l’essentiel de sa carrière à Amsterdam. (→ 67/10) BLET, Pierre (1918-…) : Jésuite français, historien, professeur
d’Histoire moderne à l’Université pontificale grégorienne. Il
ARON, Raymond (1905-1983) : Philosophe, sociologue BÉNICHI, Régis : Historien français. Professeur à l’Institut collabore à la réalisation, par le Vatican, des Actes et Documents
et journaliste français, éditorialiste au quotidien de droite d’Études politiques de Paris (1980-2000). (→ 107/1 et 5) du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale, publiés
Le Figaro (1947-1977). Professeur de sociologie à la Sorbonne entre 1965 et 1981. Ses travaux se fondent essentiellement sur
de 1955 à 1968, il est considéré comme un des principaux BENOÎT XVI (Joseph RATZINGER) (1927-…) : Allemand, il est ces archives. (→ 43/4)
critiques du marxisme. (→ 49/2) enrôlé dans les services auxiliaires de défense antiaérienne
durant les derniers mois de la Deuxième Guerre mondiale. Il est BLUM, Léon (1872-1950) : Homme politique socialiste français
ASPREMONT LYNDEN, Harold d’ (1914-1967) : Homme ordonné prêtre en 1951. Docteur en théologie, il enseigne dans d’origine juive. Il est élu député en 1919. Au congrès de Tours,
politique belge, sénateur PSC (1961-1967), ministre des plusieurs universités allemandes. Durant le concile* Vatican II en 1920, il prend la tête des socialistes hostiles à l’adhésion à
Affaires africaines (1960-1961). (→ 54/2) (1962-1965), il est conseiller du cardinal archevêque de Cologne la IIIe Internationale*. Après la scission avec les communistes,
et membre de la « majorité » favorable au concile*. Paul VI le il devient le chef de la SFIO. Premier ministre durant le Front
AUGUSTIN, Jean-Pierre : Géographe français, professeur à nomme archevêque et cardinal en 1977. En 1981, Jean-Paul II populaire* (4 juin 1936-21 juin 1937), il fait voter d’importantes
l’Université de Bordeaux. Il dirige l’Observatoire national des le nomme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi réformes sociales (→ 83). Les attaques de l’extrême droite
(→ Saint-Office*). Il se distingue par des prises de position très lui reprochant ses ascendances juives, les critiques des

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communistes de la coalition à sa politique de non-intervention dans Noirs. Président du Student Non-Violent Coordinating Committee, il CARTIER-BRESSON, Henri (1908-2004) : Photographe français. En
la guerre civile espagnole et les difficultés financières l’amènent à devient membre en 1968 du Black Panther Party. En 1971, il est arrêté 1947, il fonde, avec Robert Capa et d’autres, l’agence photographique
démissionner. Arrêté en 1940 par le Gouvernement de Vichy, il est livré à la suite d’une bagarre armée et est emprisonné pendant 5 ans. Il se Magnum (→ 115). Dans ses reportages, il s’intéresse surtout à l’homme
aux Allemands et déporté en 1943 au camp de Buchenwald. Après la convertit à l’Islam sous le nom de Jamil Abdullah-al-Amin. (→ 70/3) de la rue face aux « grands événements » de son temps. (→ 69/8)
guerre, il dirige un Gouvernement intérimaire (décembre 1946-janvier
1947), avant de devenir le principal représentant de la France à BRUNEL, Sylvie (1960-…) : Économiste française, professeur CASTRO, Fidel (1926-…) : Chef d’État cubain de 1959 à 2008. En 1956,
l’UNESCO. (→ 38/2) à l’Université de Paris IV (Sorbonne), spécialiste des questions Fidel Castro et Che GUEVARA lancent la guérilla pour renverser le
d’environnement. (→ 7/5) dictateur Batista. En 1959, ils prennent le pouvoir et installent un régime
BOGISLAS, Maurice Jost de Staël, dit : Dessinateur français actif de de gauche. En 1960, Castro rompt avec les États-Unis, nationalise*
1918 à 1944. À la fin des années 1930, il travaille pour des publications BUISSERET, Auguste (1888-1965) : Homme politique libéral belge et l’ensemble des entreprises et banques américaines et se rapproche de
de droite, puis pour le régime de Vichy. Interdit à la Libération, il s’exilera militant wallon. Membre de l’Assemblée wallonne en 1912, il dirige le l’URSS, qui le soutient économiquement et militairement. Suite à l’échec,
en Belgique. (→ 38/5) journal La Barricade – qui deviendra L’Action wallonne en 1933 –, organe en 1961, du débarquement à la baie des Cochons d’anticastristes
de la Ligue d’Action wallonne (1922-1937). La Ligue défend l’autonomie – aidés par la CIA – qui veulent reprendre le pouvoir, Castro proclame le
BOLOPION, Philippe : Journaliste français, correspondant à New York de la Flandre et de la Wallonie dans un cadre belge et organise des caractère marxiste de la révolution. Après la crise des fusées en 1962,
de plusieurs organes de presse français et correspondant du journal congrès annuels pour préciser son programme. (→ 66/2) Kennedy décrète le blocus* économique de l’île, qui persiste en 2008.
Le Monde auprès des Nations unies. (→ 2/1) En 1966, Castro se pose comme un des chefs de file des non-alignés.
BURROWS, Larry (1926-1971) : Né à Londres, photographe pour le Après la chute du communisme en Europe, la situation économique de
BOMPARD, Louis-Maurice (1854-1935) : Diplomate français, ambassa- magazine américain Life. À partir de 1962, il photographie la guerre l’île se détériore ; les critiques se développent ; la liberté d’expression,
deur de France à Saint-Pétersbourg (1903-1908) durant la guerre russo- du Viêtnam dans le dessein annoncé d’en montrer la souffrance et la déjà faible, se rétrécit encore. En 2006, malade, Fidel Castro confie le
japonaise de 1904-1905 et la tentative de révolution de 1905. (→ 31/1) tristesse. En 1971, son hélicoptère est abattu par les Nord-Viêtnamiens, pouvoir à son frère Raul, qui devient président en 2008. (→ 57/2)
entre la frontière du Viêtnam et du Laos. (→ 111/1)
BONDE, Jens-Peter (1948-…) : Homme politique danois, député au CAVANNA, François (1923-…) : Écrivain français, fils d’un maçon italien
Parlement européen depuis 1979, membre depuis 2004 du groupe « CABANNE, Pierre (1921-2007) : Critique et historien d’art français. (→ 18/4) immigré en France dans les années 20. À 20 ans, en 1943, il travaille
Indépendance et Démocratie » qui réunit les parlementaires euro- comme maçon à Paris et est raflé par le STO puis emmené à Berlin
sceptiques. Il crée en 1992 le Mouvement de Juin qui s’oppose au traité CABROL, Raoul (1895-1956) : Dessinateur français, collaborateur de dans une usine d’obus. Journaliste après la guerre, il fonde plusieurs
de Maastricht que les Danois rejetteront par référendum*. (→ 4/5) plusieurs journaux français (Le Petit Parisien, Le Matin, L’Intransigeant) publications satiriques : Hara-Kiri (1960), L’Hebdo (1968) et Charlie-
et étrangers (New York Times, Life, Le Soir). De 1926 à 1939, il travaille Hebdo (1970). (→ 30/6)
BONIFACE, Pascal (1956-…) : Spécialiste français de géopolitique. Il au journal communiste L’Humanité. En 1939, il donne sa démission et
dirige l’Institut des Relations internationales et stratégiques à Paris. collabore au Canard enchaîné. (→ 37/8) CHAGALL, Marc (1887-1985) : Peintre français d’origine russe, issu
(→ 6/3, 7/3, 56/9, 58/4 et 64/1) d’une famille juive modeste et très religieuse. Il se forme d’abord à
CACHIN-LIEBERT, Charlotte : Diplômée de l’Institut d’Études politiques l’École des Arts de Saint-Pétersbourg, puis obtient en 1908 une bourse
BOUMÉDIÈNE, Houari (1932-1978) : Militaire et homme politique de Paris, elle est actuellement responsable d’édition aux éditions Lattès. pour Paris où il découvre les « Fauves » (→ 110) et Van Gogh. Il rentre
algérien. Chef d’état-major de l’Armée de libération nationale (1960), il (→ 49/5) en Russie après la guerre de 14-18, et est nommé, par le pouvoir
prend une part décisive au coup d’État contre Ben Bella (1965) et est élu bolchevik*, commissaire des Beaux-Arts de la province de Vitebsk
président de la république (1965-1978). (→ 94/3) CALDER, Alexander (1898-1976) : Sculpteur américain, ingénieur de (Biélorussie). Il revient en France en 1923. En 1938, lorsque les nazis
formation. Ses premières sculptures sont en fil de fer et en bois. En intensifient leur campagne d’extermination des Juifs et déclenchent la
BOURDE, Guy (1942-1982) : Historien français, professeur à l’Université 1930, après avoir rencontré à Paris le peintre abstrait MONDRIAN, il Nuit de Cristal, il peint la Crucifixion blanche. Il se réfugie en 1941 aux
de Rennes, spécialiste de l’Amérique latine. (→ 57/8) réalise des sculptures abstraites. Ses premiers mobiles datent de 1931. États-Unis, puis s’installe en France en 1948. (→ 77/17)
Ce sont des œuvres suspendues, mues par le mouvement de l’air et
BOURDON, Jérôme : Historien français, spécialiste de l’Histoire de la en recherche d’équilibre. Il utilise des matériaux industriels, feuilles CHALIAND, Gérard (1934-…) : Géopolititologue français, spécialiste
télévision en France et en Europe. Depuis 1997, il est responsable du d’aluminium ou de métal peint, rivets, baguettes de métal. Il réalise des conflits armés et des problèmes politiques et stratégiques du
département de communication de l’Université de Tel-Aviv. (→ 117/2) aussi des sculptures fixes, les Stabiles. (→ 110/3) monde contemporain. (→ 64/2)

BOZARSLAN, Hamit (1958-…) : Historien et politologue turc, spécialiste CAMUS, Albert (1913-1960) : Écrivain français né en Algérie dans un CHAMBERLAIN, Arthur Neville (1869-1940) : Homme politique
du Moyen-Orient et de la question kurde. Il enseigne à l’École des milieu modeste ; la tuberculose l’oblige à interrompre des études de britannique de tendance conservatrice. Premier ministre du
Hautes Études en Sciences sociales de Paris, où il réside. (→ 39/5) philosophie. Il gagne la France en 1938. Engagé dans la Résistance en Royaume-Uni de 1937 à 1940. Convaincu que la guerre pouvait être
1942, il devient rédacteur en chef de Combat, journal de gauche, né évitée par une politique d’apaisement à l’égard de Hitler, il signe les
BRAECKMAN, Colette : Journaliste belge, spécialiste de l’Afrique dans la clandestinité. Auteur d’une œuvre importante (L’Étranger, 1942, accords de Munich qui dépècent la Tchécoslovaquie, envers laquelle
centrale. Membre de la rédaction du journal Le Soir, elle collabore aussi La Peste, 1947, La Chute, 1956…) dans laquelle il développe un nouvel le Royaume-Uni n’avait pas contracté d’engagement, contrairement à
au Monde diplomatique. (→ 45/2) humanisme fondé sur les exigences de la conscience. Prix Nobel en la France. Cependant, lorsqu’en mars 1939, Hitler viole les accords en
1957. (→ 44/5) occupant toute la Tchécoslovaquie, Chamberlain change de politique.
BRANCUSI, Constantin (1876-1957) : Ce sculpteur roumain s’installe Voulant prévenir une nouvelle agression, il signe des pactes d’assistance
à Paris en 1904. Il transmet, par des formes simplifiées, épurées, CAMUS, Jean-Yves (1958-…) : Historien français, spécialiste de avec la Pologne, la Roumanie et la Grèce et engage des négociations
souvent dans des matériaux lisses, sa recherche d’absolu et d’éternel. l’extrême droite. Il dirige le Centre européen de Recherche et d’Action avec l’URSS. Mais lors de l’invasion allemande en Pologne, il hésite à
Il s’interroge aussi sur les rapports du socle et de la sculpture et réalise sur le Racisme et l’Antisémitisme*. (→ 11/4) engager son pays dans une nouvelle guerre. Totalement discrédité dans
toujours les deux simultanément. Son œuvre principale est un ensemble l’opinion publique après la défaite britannique lors de la campagne de
monumental qu’il réalise en 1937 pour un parc de sa ville natale, Tirgu CAPRON, Henri : Économiste belge, professeur à l’ULB. (→ 10/4) Norvège en 1940, il démissionne et cède à Churchill, le 10 mai 1940,
Jiu, et qui intègre une Colonne sans fin de 30 m de haut. (→ 77/16) son poste de Premier ministre. (→ 38/6)
CARLU, Jean (1900-1997) : Graphiste français, fondateur de l’Office
BREJNEV, Leonid Ilitch (1906-1982) : Homme politique soviétique. de Propagande graphique pour la Paix. Responsable du pavillon de la CHANARON, Jean-Jacques (1950-…) : Économiste français, directeur
Secrétaire général du PCUS entre 1964 et 1982. (→ 24/5) Publicité à l’Exposition de 1937, il poursuit sa carrière aux États-Unis de recherche au CNRS, spécialisé dans l’étude de l’industrie automobile.
entre 1939 et 1945 en participant à l’effort de guerre par la création (→ 73/7)
BRETON, André (1896-1966) : Écrivain et poète français, fondateur du d’affiches. Après 1945, il devient conseiller artistique chez Larousse.
surréalisme. Révoltés par la violence de la Première Guerre mondiale, (→ 115/4) CHANCEL, Roger (1899-1977) : Affichiste et caricaturiste français. Il
les surréalistes, à la suite des dadaïstes*, remettent en cause les valeurs travaille notamment pour Match, un hebdomadaire sportif transformé
de la société occidentale. Ils veulent laisser libre cours à l’expression CARPENTIER, Christian : Journaliste belge au quotidien La Dernière par Jean Prouvost en magazine d’actualité, en 1939. Après interruption
spontanée et libre de l’individu, en l’absence de tout contrôle de la Heure. Prix du journalisme 1999. (→ 105/1) durant la guerre, il devient Paris Match, en 1949. (→ 38/13)
raison. (→ 40/3)
CARTER, James Earl, dit Jimmy (1924-…) : Homme politique CHAPLIN, Charles Spencer, dit Charlie (1889-1977) : Acteur et cinéaste
BREUER, Marcel (1902-1981) : Architecte et designer américain américain démocrate, président des États-Unis de 1977 à 1981. Durant d’origine anglaise. Artistes de music-hall, ses parents tombent dans la
d’origine hongroise. De 1925 à 1928, il dirige l’atelier du mobilier à son mandat, il œuvre en faveur de la paix au Proche-Orient (accords misère et il doit travailler en usine durant sa jeunesse. Il s’installe en
l’école du Bauhaus*. Il dessine des sièges en tube d’acier, destinés de Camp David entre Israël et l’Égypte, 1978) et défend les droits de 1912 aux États-Unis. L’année 1913 marque ses débuts dans le cinéma
à être produits industriellement. À partir de 1937, il fera une carrière l’homme, critiquant leur violation par l’URSS. Il réagit à l’invasion de comme acteur. Son succès est fulgurant. En 1914, il crée Charlot, le
d’architecte aux États-Unis. (→ 40/5 et 6) l’Afghanistan par l’URSS (1979) en finançant les talibans*. Il réclame personnage le plus populaire du cinéma muet. Charlot devient le
le boycott des jeux Olympiques de Moscou (1980). Redevenu simple symbole de l’homme confronté à l’injustice et à la misère, qui cherche
BROWN, Hubert, dit « Rap » (1943-…) : Noir américain né à Baton citoyen, il joue un rôle de médiateur dans plusieurs crises internationales à s’en sortir et surtout à conserver sa liberté. Ses aventures sont celles
Rouge (Louisiane), dont le jeu verbal a inspiré les premiers rappeurs (Afrique, Amérique latine, Balkans), ce qui lui vaut le prix Nobel de la de son temps, comme dans L’Émigrant (1917) et Charlot soldat (1918).
dans les années 1970, ce qui lui valut le surnom de « Rap ». Il milite, paix en 2002. Il reste engagé dans l’action pour la paix, notamment en Il fonde également, en 1919, une société de distribution de films et
dans les années 1960, pour la reconnaissance des droits civiques des Irak. (→ 91/1) devient réalisateur. En 1952, soupçonné de sympathies communistes,

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les autorités américaines refusent de lui renouveler son visa ; CONSIDERE-CHARON, Marie-Claire : Historienne, lors du congrès de la Fédération des cercles catholiques, il
Repères il s’installe alors en Suisse où il réalise ses deux derniers films.
Il rédige son autobiographie de 1959 à 1964. En 1971, le
professeur à l’Unité d’Histoire et littérature des pays de
langues européennes de l’Université de Franche-Comté
dénonce les collusions politico-financières dans lesquelles
étaient compromis, selon lui, des politiciens catholiques, ce
festival de Cannes lui décerne un prix spécial pour l’ensemble depuis 2003, membre de l’Institut des Affaires européennes qui provoque sa rupture avec le Parti Catholique. Il fonde son
de son œuvre et, en 1972, il reçoit, à Los Angeles, un Oscar de Dublin, spécialiste de l’Irlande. (→ 9/5) propre parti, Rex, et diffuse le quotidien Le Pays réel (1936).
spécial. (→ 17/1-3 et 5-6) Il remporte son seul succès électoral en 1936 mais, dénoncé
Dictionnaire
CONTRERAS OSORIO, Rodrigo : Sociologue chilien, par la hiérarchie catholique, échoue face au Premier ministre
CHAPPATTE, Patrick (1967-…) : Dessinateur de presse suisse. chercheur à l’École des Hautes Études en Sciences sociales à Van Zeeland en 1937. Arrêté au début de la guerre pour ses
Il collabore notamment au journal américain International Paris, spécialiste de l’Amérique latine. (→ 57/9) sympathies pro-allemandes, puis libéré par les Allemands,
Herald Tribune. (→ 4/3) il devient le chef de file de la collaboration en Wallonie.
COOMANS, Géry (1949-…) : Économiste et démographe Condamné à mort par contumace après la Libération, il trouve
CHARLIER, Jean-Michel (1924-1989) : Scénariste belge de belge. Directeur de recherches à l’Institut des Sciences refuge en Espagne en 1945. (→ 37/7, 13 et 14)
bande dessinée, passionné d’aviation. Commencée en 1947, mathématiques et économiques appliquées à Paris, entre
la série Les aventures de Buck Danny raconte les hauts faits de 1994 et 2004 ; participe à l’élaboration, entre 1999 et 2005, DE KEERSMAEKER, Anne-Teresa (1960-…) : Danseuse
celui-ci et de ses coéquipiers, pilotes de l’armée américaine, du rapport annuel de l’Union européenne sur la situation et chorégraphe belge. Elle se forme au Mudra, l’école de
qui, aux quatre coins du monde, doivent déjouer les plans des sociale dans l’Union. En 2004, il crée et dirige à Dublin le danse bruxelloise de Béjart. Elle prolonge sa formation
ennemis des États-Unis pendant la guerre froide. (→ 14/1) GeoLabour, un institut de recherche en économie du travail à la Tish School of Art de New York. En 1983, elle crée sa
et en démographie. (→ 1/4) compagnie de danse, Rosas, et est choisie comme artiste en
CHASE, Stuart (1888-1985) : Économiste américain, conseiller résidence à l’opéra de la Monnaie à Bruxelles (1992-2007).
du président Franklin Delano Roosevelt. Le titre (A New Deal) COSTA-GAVRAS, Constantin (1933-…) : Cinéaste français Ses sources musicales sont multiples : musique classique,
et le contenu du livre de Chase inspireront le président dans d’origine grecque. Plusieurs de ses films prennent pour contemporaine, mais aussi jazz ou musiques traditionnelles.
sa campagne, puis dans sa politique. (→ 29/8) source des événements politiques contemporains ou non : Elle s’inspire également de la nature. Ses spectacles
Z (1969), contre la dictature des colonels grecs ; L’Aveu (1970), présentent une structure où la spirale domine et où les
CHEMIN, Anne : Journaliste française au quotidien Le Monde. sur les purges staliniennes en Tchécoslovaquie ; État de siège formes se construisent et se déconstruisent. (→ 77/12)
(→ 76/2) (1973), dénonçant les ingérences de la CIA dans le tiers-
monde ; Porté disparu (Missing) (1982), évoquant le rôle des DELHAYE, Philippe (1902-1990) : Ecclésiastique belge et
CHERI-CHERIN, Joseph KINKONDA, dit (1955-…) : Peintre Américains dans la chute du Gouvernement Allende au Chili ; évêque. Il participe au concile* Vatican II où il se voit confier
satirique congolais, il pratique la peinture populaire, couvrant Mad City (1997), critique du pouvoir des grands médias et de le secrétariat de la Commission « Théologie internationale ».
les murs des bars, des maisons et des places publiques de la manipulation de l’information ; Amen (2002)… (→ 43/1) (→ 78/11)
scènes et de portraits. Il a subi plusieurs arrestations sous le
régime de Mobutu. (→ 54/12) COULONDRE, Robert (1885-1959) : Diplomate français. DELHEZ, Charles (1951-…) : Jésuite belge, ordonné prêtre
Ambassadeur de France à Moscou (1936-1938), Berlin en 1982, animateur de retraites et conférencier, rédacteur en
CHOWDHURY, Deshakalyan : Photographe indien, il travaille (1938-1939) et Berne (1940). (→ 38/10 et 12) chef du journal paroissial Dimanche et curé de la paroisse du
actuellement pour l’AFP. (→ 101/1) Blocry, à Louvain-la-Neuve. Il réalise plusieurs enquêtes sur
COURTENS, Alfred (1889-1967) : Sculpteur réaliste belge. les croyances et les valeurs des Belges. (→ 78/14)
CHRISTITCH, Kosta : Ex-journaliste du quotidien Le Monde Il est notamment l’auteur de la statue du roi Léopold II à
et de la revue Le Point, il préside l’assemblée laïque de l’Église Ostende et de la statue équestre du roi Albert Ier au Mont des DELLEPIANE, David (1866-1932) : Peintre et affichiste
orthodoxe serbe à Paris. (→ 9/7) Arts à Bruxelles. Il a réalisé plusieurs monuments aux morts. français. (→ 28/8)
(→ 24/1)
CHRISTO, Christo JAVACHEFF, dit (1935-…) : Artiste DELPECH, Thérèse : Directrice des Affaires stratégiques au
américain d’origine bulgare. Il passe à l’Ouest en 1958 et CRAGG, Tony (1949-…) : Sculpteur britannique. Dans Commissariat à l’Énergie atomique (France), depuis 1997. Elle
s’installe en France où il rencontre JEANNE-CLAUDE qu’il les années 1980, il réalise des œuvres à partir d’objets de est aussi chercheur au Centre d’Études et de Recherches
épouse et avec qui il travaille. En 1962, il monte un mur de récupération, souvent en plastique. Il pose ainsi un regard internationales. (→ 2/3)
barils de pétrole qui bloquent pendant quelques heures critique sur la société de consommation et pose la question
la rue Visconti à Paris, évocation du mur de Berlin. Dans du respect de l’environnement. (→ 77/2) DEMANGEON, Albert (1870-1940) : Géographe français.
les années 1960, il commence à emballer des objets, puis (→ 28/1)
progressivement des monuments et des sites naturels. DAENINCKX, Didier (1949-…) : Romancier et scénariste
(→ 77/14) français de bande dessinée. Il ancre les personnages de ses DENI, Viktor Nikolaevitch (1893-1946) : Affichiste et
romans noirs dans la réalité politique et sociale d’une époque. dessinateur russe. (→ 31/13)
CHURCHILL, Winston Léonard Spencer (1874-1965) : Son roman La Der des ders, paru en 1984, est adapté en
Homme politique britannique. D’abord député conservateur, bande dessinée par Jacques TARDI. Au retour de la guerre, DENOËL, Thierry : Journaliste belge à l’hebdomadaire
il rejoint les libéraux en 1904. Il est plusieurs fois ministre le héros, Eugène Varlot, photographie les soldats revenus Le Vif/L’Express. (→ 8/8)
de 1905 à 1922. Ses positions anticommunistes entraînent amnésiques du front. Ces photos l’amènent à enquêter sur
sa rupture avec les libéraux, en 1922. À nouveau élu député le maître-chanteur d’un colonel de l’armée française, ancien DERAIN, André (1880-1954) : Peintre français. En 1905, il
conservateur en 1924, il est lord de l’Échiquier (ministre combattant de la Première Guerre mondiale et membre des passe l’été en compagnie de Matisse à Collioure, dans le Sud
des Finances) de 1924 à 1929. Dès 1933, il préconise une milieux d’extrême droite. (→ 13/10) de la France. Ses paysages, aux larges touches géométriques
politique de fermeté à l’égard de Hitler et condamne les très colorées, seront exposés dans ce que les critiques
accords de Munich signés par CHAMBERLAIN en septembre DÉCHAUX, Jean-Hugues : Professeur de sociologie appelleront « la cage aux fauves », lors du salon d’Automne
1938. Premier ministre en mai 1940, il incarne la résistance à l’Université de Lyon. Il se consacre à l’étude des de 1905. (→ 110/1)
britannique pendant la guerre et joue un rôle essentiel lors transformations de la famille et de la parenté en France.
des conférences interalliées de 1943 à 1945. Battu contre (→ 76/4) DESANTI, Dominique : Journaliste et écrivaine française
toute attente aux élections de 1945, il est de nouveau Premier d’origine russe, membre du Parti Communiste et du groupe
ministre de 1951 à 1955. (→ 38/7 et 46/2) DE CLERCQ, Gustaaf, dit Staf (1884-1942) : Homme d’intellectuels « Socialisme et Liberté » aux côtés de Jean-
politique nationaliste flamand. Il adhère au mouvement Paul Sartre et de Simone de Beauvoir. Elle rompt avec le
CLOU, Christian LOUIS, dit (1953-…) : Dessinateur belge, flamand avant 1914. Député du Frontpartij de 1919 à 1932 et PCF en 1956 suite à l’intervention des troupes soviétiques à
collaborateur du quotidien La Libre Belgique. (→ 10/5, 11/1 de 1936 à 1942, il est un des fondateurs, en 1933, du Vlaams Budapest. Son mari, Jean-Toussaint Desanti (1914-2002), est
et 21/2) Nationaal Verbond (VNV) qu’il dirige jusqu’à sa mort. Durant la philosophe des mathématiques et enseignant en philosophie.
guerre, il opte pour la collaboration avec l’occupant allemand. (→ 49/6)
COLIGNON, Alain : Historien belge, chercheur au Centre (→ 37/11)
d’Étude et de Recherche historiques sur la Seconde Guerre DESBERG, Stephen (1954-…) : Scénariste belge de bande
mondiale, puis au Centre d’Études et de Documentation DE CORTE, Marcel (1905-1994) : Philosophe belge. Professeur dessinée. Le héros de la série d’espionnage Black Op est un
« Guerre et Société contemporaine » (CEGES). (→ 42/2) à l’ULg (1931-1975). Chroniqueur à La Libre Belgique, il agent de la CIA : en pleine guerre froide, il soutient la mafia
partage les idées de la droite catholique. (→ 53/2) russe afin de faire imploser le système soviétique ; mais il
COLIN, Paul (1892-1985) : Peintre et affichiste français. devient un témoin gênant et est ensuite traqué par son
(→ 52/6) DEGRELLE, Léon (1906-1997) : Homme politique belge. Gouvernement. (→14/2)
Étudiant à l’Université catholique de Louvain, il devient un
COLLET, Anne : Journaliste française au Courrier international. militant de l’ACJB, mouvement de jeunes fondé par Mgr DETHOREY, Jean-Paul (1935-1999) : Dessinateur français et
(→ 8/1) Picard. Admirateur de l’Action française (→ 83), il crée coloriste de bande dessinée. Sur base d’un scénario écrit par
l’hebdomadaire Rex (1933). Le 2 novembre 1935, à Courtrai,

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Frank GIROUD, il dessine le portrait de Louis-la-Guigne, un anarchiste*. et de Recherches marxistes, il publie une Histoire de l’URSS qui se pays, il est capturé puis forcé à l’exil à cause de ses relations avec des
(→ 13/1-6, 9 et 11) démarque de la version officielle soviétique. Il est exclu du PCF en 1980. mouvements marxistes. Il part en Argentine, où un autre coup d’État,
(→ 32/10) en 1976, le rattrape. Menacé par les Escadrons de la mort, il s’exile
DETRAUX, Camille (1926-…) : Photographe belge, auteur d’un en Espagne. Il revient en Uruguay en 1985. Il a participé aux forums
reportage photographique sur la catastrophe du Bois-du-Cazier pour le ERPS-BREUER, Martha (1902-1977) : Artiste allemande, elle réalise sociaux altermondialistes et a signé le manifeste de Porto Alegre (Brésil)
Journal de Charleroi. (→ 22/1) des tissages à motifs abstraits dans la section d’ameublement du en 2001. (→ 96/1)
Bauhaus*. (→ 40/6)
DE VLAEMYNCK, Édouard : Syndicaliste belge socialiste, membre de GAULLE, Charles de (1890-1970) : Militaire de carrière et homme
la Confédération générale du Travail (CGTB) dans l’entre-deux-guerres. ERWITT, Elliott (1928-…) : Photographe de presse américain, né à Paris politique français. Affecté de 1931 à 1937 au secrétariat général de la
(→ 41/10) de parents émigrés russes. Après avoir vécu jusqu’en 1938 en Italie, sa Défense nationale à Paris, il est nommé colonel en 1937 et reçoit le
famille fuit le fascisme et s’installe aux États-Unis. En 1953, il entre à commandement du 507e régiment de chars de combat, à Metz. Promu
D’HONDT, David : Professeur de religion catholique dans une école l’agence de photos Magnum. (→ 70/5) général de brigade à titre temporaire le 25 mai 1940, il est nommé,
secondaire libre de Molenbeek-Saint-Jean (Bruxelles). (→ 8/7) le 6 juin, sous-secrétaire d’État à la Guerre dans le Gouvernement de
ESPINOSA CHEPE, Oscar (1940-…) : Économiste et journaliste Paul Reynaud. Il refuse l’armistice et lance depuis Londres un appel à
DIDI-HUBERMAN, Georges (1953-…) : Historien de l’art et homme indépendant cubain. Conseiller de Fidel CASTRO de 1965 à 1968, la résistance (18 juin 1940). Il préside le Gouvernement provisoire de
de théâtre français, né d’une mère juive, survivante d’Auschwitz. Il est puis responsable des relations avec les démocraties populaires*. la République française qui s’installe en France après la libération de
maître de conférences à l’École des Hautes Études à Paris. Il a écrit Il est limogé de la Banque centrale cubaine en 1992, s’étant montré Paris (août 1944). N’ayant pas obtenu la réforme constitutionnelle qu’il
Images malgré tout, texte de réflexion à partir de quatre photos du trop critique. Arrêté en 2003, il est condamné à 20 ans de prison avec souhaitait, il démissionne en 1946. Rappelé, le 1er juin 1958, à la tête du
crématoire d’Auschwitz prises clandestinement par des membres du 74 autres opposants au régime castriste. En 2004, il est libéré pour gouvernement à la suite de la crise algérienne, il fait voter une réforme
sonderkommando*. Il se fonde notamment sur les récits de Filip Müller, raison de santé. (→ 57/5) constitutionnelle qui fonde la Ve République et confère beaucoup
un membre du sonderkommando*, et de Primo Levi, un rescapé du de pouvoirs au président. Il est élu président de la République en
camp. (→ 20/3) FAURISSON, Robert (1929-…) : Négationniste français, professeur de décembre 1958. Partisan d’une solution négociée pour l’Algérie, il
littérature française à l’Université de Lyon. En 1979, il publie dans le propose l’autodétermination en septembre 1959. Réélu en 1965, il retire
DI RUPO, Élio (1951-…) : Homme politique belge, président du PS journal Le Monde plusieurs articles où il soutient que « le mythe des la France de l’OTAN. Un an après la crise de mai 1968, qui a vu une partie
depuis 1999. (→ 104/2) chambres à gaz » est une escroquerie. Il affirme que celles d’Auschwitz du pays s’éloigner de lui (« Dix ans ça suffit ! »), il démissionne, ayant
ont été construites après la guerre, que des crématoires ont été utilisés échoué au référendum* du 28 avril 1969 sur la régionalisation de la
DIX, Otto (1891-1969) : Peintre, dessinateur et graveur allemand. Soldat afin d’éviter les épidémies de typhus, qu’Auschwitz n’était pas un France. (→ 42/13 et 52/11)
volontaire en 1914, il fait l’expérience du front en France, en Flandre, en camp d’extermination, mais un centre industriel. Il a été plusieurs fois
Pologne et en Russie. Il en revient profondément marqué. Il adhère alors condamné en justice pour diffamation. (→ 102/5) GERVAIS, Pierre : Historien français, maître de conférences en Histoire
au mouvement Dada*. Son œuvre d’après-guerre reflète les horreurs américaine à l’Université de Paris VIII. (→ 56/5)
du conflit mais aussi la marginalité, la misère et les abus nés de la FERENCZI, Thomas (1944-…) : Journaliste français au quotidien
crise économique qui frappe l’Allemagne au lendemain de la guerre. Le Monde. Il est correspondant pour ce journal à Bruxelles depuis 2003. GEVAERT, Lieven (1868-1935) : Industriel et nationaliste flamand.
Considéré comme un artiste « dégénéré » par le régime nazi dès 1933, (→ 55/9) Fondateur, en 1894, de l’entreprise de produits photographiques
il perd son emploi et un grand nombre de ses tableaux sont détruits. Gevaert et Cie. Il milite pour la flamandisation de l’enseignement et de
Soupçonné de participation à un attentat contre Hitler à Munich, il est FERJAC, Pol (1900-1979) : Caricaturiste français, membre de l’équipe la vie économique. Il est le premier président du Vlaams Economisch
incarcéré à Dresde avant de s’installer à Hemmenhofen, près du lac de de l’hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné. Son vrai nom est Paul Verbond (1926). (→ 66/5)
Constance, où il se limite à peindre des paysages. En 1945, il est enrôlé Levain. (→ 116/5)
à l’âge de 54 ans dans le Volkssturm*. Fait prisonnier par les Français à GILLON, Pascal : Géographe français, maître de conférence à
Colmar, il regagnera Hemmenhofen en 1946 et commencera à peindre FERRANDEZ, Jacques (1955-…) : Scénariste français, dessinateur et l’Université de Franche-Comté. Il a effectué divers travaux sur le
des sujets religieux. (→ 26/3 et 40/1) coloriste de bande dessinée. Sa série Carnets d’Orient est consacrée à mouvement olympique. (→ 74/6)
l’Histoire coloniale et à l’indépendance de l’Algérie. (→ 13/12)
DUCHAMP, Marcel (1887-1968) : Artiste américain d’origine française. GIROUD, Frank (1956-…) : Scénariste français de bande dessinée.
En 1913, il crée son premier ready made*, une roue de bicyclette fixée FERRIER, Jean-Louis : Journaliste et critique d’art français, professeur Agrégé d’Histoire, grand voyageur, intéressé par les changements
à un tabouret, qui provoque un scandale. (→ 77/1) à l’École nationale supérieure des Arts décoratifs. (→ 36/5) politiques du monde contemporain, il commence, en 1982, l’histoire
de Louis-la-Guigne, dessinée par Jean-Paul DETHOREY. Il a écrit les
DUFOUR, Édouard : Spécialiste français des relations internationales. FOHLEN, Claude (1922-…) : Historien français, spécialiste de scénarios de plusieurs séries historiques. (→ 13/1-6, 9 et 11)
(→ 45/4) l’Amérique du Nord. Il a occupé pendant plus de 20 ans la chaire
d’Histoire américaine à l’Université de la Sorbonne, à Paris. (→ 29/3) GISCARD d’ESTAING, Valéry (1926-…) : Homme politique français.
DUMONT, Paul : Historien français, spécialiste de l’Histoire de la Fondateur en 1962 du Groupe des Républicains indépendants de
Turquie. Professeur à l’Université de Strasbourg. (→ 39/4) FONTAINE, André (1921-…) : Journaliste français. Entré au journal tendance pro-européenne et libérale, devenu Parti Républicain en 1977.
Le Monde en 1947, il devient grand reporter international, puis directeur Ministre des Finances dans quatre Gouvernements, il est président
DURAND, Frédéric : Géographe français, spécialiste des questions de ce journal de 1985 à 1991. Il est aussi l’auteur de nombreux ouvrages de la république de 1974 à 1981. En 2002, il préside la Convention
d’environnement, professeur à l’Université de Toulouse-Le Mirail. (→ 71/2) sur l’Histoire de la guerre froide. (→ 50/7) sur l’avenir de l’Europe qui rédige le projet de traité constitutionnel
de l’Union européenne refusé par la France et les Pays-Bas lors des
DYSON, Will (1880-1938) : Dessinateur et caricaturiste australien. FORD, Henry (1863-1947) : Industriel américain. Il réalise sa première référendums* organisés en 2005. (→ 4/4)
Installé à Londres dès 1909, il est engagé par le Daily Herald, quotidien automobile en 1896 et fonde la Ford Motor Company (1903), de laquelle
anglais progessiste de gauche. Il combat, durant la Première Guerre sort, en 1908, la fameuse Ford T. Il est le promoteur de la production GODEFROID : Affichiste et dessinateur belge. (→ 65/7)
mondiale, dans les rangs de l’armée australienne. Après le conflit, il en série et de la standardisation des pièces. Il introduit le travail à la
reprend sa collaboration avec le Daily Herald qu’il quitte en 1921, chaîne dans son usine de Detroit (Michigan) en avril 1913. Il pratique GOEBBELS, Josef (1897-1945) : Homme politique allemand, rallié dès
estimant que ce journal est devenu trop conservateur dans le débat une politique de hauts salaires et de participation des employés aux 1922 au national-socialisme. Député au Reichstag* en 1928, il devient
social. (→ 27/2) bénéfices. Cette politique, appelée fordisme, stimule le pouvoir d’achat ministre de l’Information et de la Propagande dès mars 1933. Il ferme
du plus grand nombre et prétend fournir un débouché à la production les frontières aux sources d’informations venant de l’étranger et utilise
DZERJINSKI, Félix Edmoundovitch (1877-1926) : Militant révolutionnaire de masse. Il s’oppose par contre à la syndicalisation des travailleurs. tous les moyens de communication pour servir la politique et l’idéologie
polonais. Membre du Parti Social-Démocrate de Lituanie et de Pologne, Écrit en 1922, son livre porte essentiellement sur la période 1913-1922. nazies : presse, radio, cinéma, art et même télévision. Le lendemain de
il est élu au comité central du Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie (→ 29/1) la mort de Hitler, le 1er mai 1945, il se suicide avec sa femme et leurs
en 1906. Révolutionnaire professionnel, il est arrêté en 1912 et libéré six enfants. (→ 35/8)
lors de la révolution de février 1917. Il adhère au Parti Bolchevik*, entre FOSTER DULLES, John (1888-1959) : Diplomate américain. Membre
au comité central, soutient Lénine et participe à la révolution d’Octobre. des délégations américaines à Versailles en 1919, puis à San Francisco GOLDBERG, Sarah (1921-2003) : Résistante belge et rescapée
En décembre 1917, il est chargé de mettre sur pied et de diriger la en 1945, négociateur du traité de paix avec le Japon. Secrétaire d’État d’Auschwitz. Juive d’origine polonaise, elle émigre à Bruxelles, en
Tchéka*, qui devient en 1922 la police politique (Guépéou). (→ 31/10) sous la présidence d’Eisenhower (1953-1961). (→ 93/3) 1930, avec sa famille. Membre de l’Orchestre rouge (réseau soviétique
de renseignements) en 1941, puis des Partisans armés (réseau de
ELDAD, Arieh (1950-…) : Député israélien, membre de l’Union Nationale, FRANCOIS-PONCET, André (1887-1978) : Diplomate français. résistance belge) en 1942, elle est arrêtée en 1943 et déportée* à
parti d’extrême droite laïque. Médecin de formation, il a dirigé le service Ambassadeur à Berlin (1931-1938), puis à Rome (1938-1940). Déporté Auschwitz. Après la guerre, elle milite dans différents organismes
de la santé de l’armée israélienne. (→ 61/3) en 1943-1944, il sera à nouveau ambassadeur en république fédérale humanitaires, dont Amnesty International et témoigne dans les écoles
d’Allemagne (1953-1955). (→ 38/8) de l’enfer concentrationnaire. (→ 44/3)
ELLEINSTEIN, Jean (1927-2002) : Historien français. Jeune résistant,
il adhère au Parti Communiste en 1944 et devient permanent du parti GALEANO, Eduardo (1940-…) : Écrivain et journaliste uruguayen. GOLUB, Philip : Journaliste français et chercheur en relations
en tant que journaliste à l’agence de presse communiste. Professeur Il dénonce l’exploitation de l’Amérique latine par les puissances internationales. Il enseigne à l’Institut d’Études européennes à
d’Histoire, maître de conférence, directeur adjoint du Centre d’Études étrangères, du XVe au XXe siècle. Lors du coup d’État de 1973 dans son l’Université de Paris VIII. (→ 56/3)

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GORBATCHEV, Mikhaïl (1931-…) : Homme politique GUINZBOURG, Evguenia (1904-1977) : Écrivaine russe, des droits de l’homme, il écrit avec d’autres dissidents*
Repères soviétique. Il s’inscrit au Parti Communiste en 1952 pendant
ses études de droit à l’université de Moscou. Né de parents
condamnée en 1937 à 10 ans de réclusion en cellule
d’isolement pour « activité trotskiste révolutionnaire ». En
la Charte 77. Emprisonné à trois reprises, il a passé près
de 5 ans derrière les barreaux, entre 1977 et 1989. Héros
kolkhoziens*, il suit en outre des études d’agronomie dans 1939, sa condamnation est commuée en 10 ans de travaux de la « révolution de velours » en 1989, il est élu président
sa ville natale, Stavropol (Caucase), y dirige le parti à partir forcés. Envoyée au Goulag*, elle est libérée en 1947. À partir intérimaire de la Tchécoslovaquie. Les parlementaires l’ont
de 1962, et y est remarqué par Andropov, le chef du KGB. de 1959, elle écrit ses mémoires dans Le Vertige et Le Ciel de reconduit à la présidence de la République tchécoslovaque
Dictionnaire
Poussé par ce dernier, il est élu au Comité central du parti en la Kolyma (1967 et 1980). (→ 86/3) en juillet 1990. Il a conduit les changements démocratiques
1971 et entre au Politburo en 1980. À la mort de Tchernenko dans son pays. Hostile à la scission, il démissionne de sa
(mars 1985), il est élu secrétaire général du PCUS et met en GUYAUX, Jean : Reporter et photographe belge, il crée sa fonction de président en 1992, lorsque la partition entre
place la perestroïka* et la glasnost*, engageant son pays dans propre agence dans les années 1950 et publie dans L’Express, Tchèques et Slovaques devient inéluctable. En janvier 1993, il
la voie des réformes internes et du désarmement sur le plan Spiegel, Stern… (→ 54/3) est élu premier président de la nouvelle République tchèque
extérieur. Élu président de l’URSS par le Congrès des députés et a été réélu en 1998 pour 5 ans. (→ 50/4-5)
du peuple, en mars 1990, il démissionne de ce poste, en GYLDEN, Axel : Journaliste à l’hebdomadaire Le Vif/L’Express.
décembre 1991, dans la foulée de la dissolution de l’URSS et (→ 8/4) HENSMANS, Philippe : Journaliste et directeur de la section
de la création de la CEI par Boris Eltsine. Prix Nobel de la paix francophone belge d’Amnesty International. (→ 12/3)
en 1990, il milite ensuite pour la défense de l’environnement. HACHFELD, Rainer : Dessinateur allemand, auteur de
À l’élection présidentielle de Russie en 1996, il recueille caricatures politiques et de bandes dessinées. (→ 12/7) HIPPLER, Fritz (1909-2002) : Directeur de la Section
0,51 % des suffrages. (→ 91/3 et 92/1) cinématographique au ministère de la Propagande dirigé par
HALIMI, Serge : Journaliste français d’origine tunisienne. GOEBBELS depuis 1936. Il est l’auteur d’un documentaire
GRAINDORGE, Michel (1945-…) : Avocat au barreau de Spécialiste des États-Unis, il travaille pour Le Monde raciste, Der Ewige Jude (1940). (→ 36/4)
Bruxelles depuis 1965 et criminologue. Il adhère au Parti diplomatique. (→ 56/7 et 70/7)
Communiste belge en 1960 et le quitte en 1967. Il est connu HITLER, Adolf (1889-1945) : Homme politique allemand.
pour ses engagements politiques et humanitaires. (→ 69/6) HAMER, Jérôme (1916-…) : Père dominicain belge, D’origine autrichienne, il échoue à l’examen d’entrée à
théologien, professeur au Collège théologique de La Darte l’Académie des Beaux-Arts de Vienne. En 1913, il s’installe
GRANDSENNE, Florence : Française, agrégée d’Histoire à Huy et au Saulchoir à Kain. Il collabore à plusieurs revues à Munich et en 1914, se porte volontaire dans l’armée
et docteur en sciences politiques (1998). Elle a consacré sa catholiques progressistes, dont La Revue nouvelle et l’édition allemande. D’abord simple estafette, il devient caporal.
thèse de doctorat aux intellectuels français face aux crises belge de Témoignage chrétien. Assistant du maître général Blessé à deux reprises, il est décoré de la Croix de Fer. Il
du communisme en Europe du Centre-Est de 1956 à 1981. des dominicains à Rome puis, à partir de 1966, secrétaire adhère, en 1919, au DAP, futur NSDAP dont il prend la tête en
(→ 49/8) aux études pour l’ordre des dominicains et enseignant à 1921. En 1923, il organise un putsch à Munich, qui échoue :
l’Université Thomas d’Aquin à Rome. Expert du Secrétariat arrêté, il passe 13 mois en prison et y rédige Mein Kampf
GRAPPIN Pierre (1915-1997) : Philologue germaniste français. pour l’Unité des Chrétiens au concile* Vatican II. Secrétaire (Mon Combat) où il expose son idéologie politique. Libéré,
Étudiant en langues germaniques à Lyon, il effectue plusieurs du Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens (1963-1973), puis de il s’affirme progressivement sur la scène politique, utilisant
séjours en Allemagne entre 1934 et 1938. (→ 35/3) la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (1973-1984), préfet ses talents d’orateur et passe maître dans l’art de manipuler
de la Congrégation des Religieux (1973-1992), archevêque et les foules. En janvier 1933, Hindenburg, président de la
GRATCHEV, Andreï (1941-…) : Politologue russe. Ancien cardinal (1985). (→ 78/10) république de Weimar, le nomme chancelier*. En août 1934, à
conseiller de Gorbatchev, il fut son dernier porte-parole la mort de Hindenburg, il cumule les fonctions de chancelier*
(1990-1991). Il préside aujourd’hui le World political Forum et HANSON, Duane (1925-1996) : Sculpteur hyperréaliste et de président et devient le Führer* du IIIe Reich*. Il se
est le correspondant russe de l’hebdomadaire parisien Temps américain. Ses personnages grandeur nature sont réalisés en suicide dans son bunker, le 30 avril 1945, à Berlin, encerclé
nouveaux. (→ 51/5) résine de polyester et fibre de verre, imitant de très près la par l’Armée rouge. (→ 35/10, 38/1 et 82/3-4)
texture du corps humain. (→ 77/4)
GRÉGOIRE, Marcel (1907-1996) : Avocat, chroniqueur HOBSBAWM, Éric John (1917-…) : Historien britannique
politique et homme politique belge. Il collabore dès 1929 HARING, Keith (1958-1990) : Peintre et dessinateur américain. d’origine juive. Après avoir vécu à Vienne et à Berlin, sa
à la revue catholique progressiste La Cité chrétienne, dont Ses œuvres s’inspirent des graffitis urbains qui se développent famille s’installe à Londres en 1933 pour fuir le nazisme. Il y
il devient directeur de 1935 à 1938. Par la suite, il collabore à New York dans les années 1970. Ce mouvement est fait ses études et devient membre du Parti Communiste en
à des revues catholiques progressistes (La Cité nouvelle, lui-même un prolongement du Pop Art. Ses personnages de 1936. Prenant souvent ses distances avec la ligne officielle du
La Revue nouvelle) et devient chroniqueur politique au couleurs vives ont des contours simples, faciles et rapides à parti, il enseigne à Londres et à New York. L’âge des extrêmes
journal Le Soir. Pendant la guerre, résistant et membre du réaliser sur tout type de surface. En 1986, il ouvre à New York (1994) a été traduit en 37 langues. Il y décrit le XXe siècle
bureau national du Front de l’indépendance, il collabore à sa boutique, le Pop Shop, pour rendre son art accessible à comme « le siècle le plus violent de l’Histoire de l’humanité ».
La Libre Belgique clandestine. Membre fondateur de l’Union tous. (→ 77/6) (→ 69/2 et 67/1)
démocratique belge (UDB), il devient ministre de la Justice
(1945-1946), puis directeur de l’Institut belge des Sciences HARMEL, Pierre (1911-…) : Homme politique belge PSC, HOCHHUTH, Rolf (1931-…) : Écrivain et dramaturge allemand,
politiques. (→ 37/15) président de l’Association catholique de la jeunesse belge auteur de romans, de pièces de théâtre et de scénarios pour
(1936-1938), député (1946-1971), président du groupe PSC le cinéma et la télévision. Son œuvre la plus connue est
GREILSAMER, Laurent (1953-…) : Journaliste français, de la Chambre en 1949, sénateur (1971-1977) et président du Le Vicaire (1963). (→ 43/1)
rédacteur en chef du journal Le Monde. (→ 69/7) Sénat (1973-1977). Il détient plusieurs postes ministériels de
1950 à 1973, dont celui de l’Instruction publique (1950-1954), HO CHI MINH (1890-1969) : Homme politique viêtnamien.
GRESH, Alain (1948-…) : Journaliste français, rédacteur des Affaires culturelles (1958-1960) et de la Fonction publique Il étudie à Londres, puis à Paris où il participe à la création
en chef, jusque 2005, du mensuel Le Monde diplomatique. (1960-1966). Premier ministre de 1965 à 1966. Il collabore du Parti Communiste Français, et séjourne en URSS de 1923
(→ 50/12) à plusieurs revues catholiques progressistes. (→ 65/9 et à 1926. Il fonde, en 1930, le Parti Communiste indochinois.
66/10-11) En 1941, il crée le Viêt-minh (Alliance pour l’indépendance du
GUEVARA DE LA SERNA, Ernesto, dit Che (1928-1967) : Viêtnam) qui réunit différents mouvements nationalistes en
Révolutionnaire cubain d’origine argentine, déclaré citoyen de HASKI, Pierre (1953-…) : Journaliste français, il travaille lutte contre les occupations japonaise et française. En 1945,
naissance de Cuba, médecin et homme politique. Son surnom durant plus de 30 ans pour le quotidien de gauche Libération à Hanoï, il proclame la création de la république démocratique
de « Che » lui vient de l’usage fréquent qu’il faisait de ce mot, dont il devient le correspondant à Pékin entre 2000 et 2005. du Viêtnam et mène la guerre d’indépendance contre la
comme tout Argentin, et qui signifie approximativement « hé, Son blog, « Mon journal de Chine », a été fermé par les France, jusqu’à la victoire en 1954. Proclamé président de la
mon pote ! ». Le 1er janvier 1959, il fait partie des insurgés qui autorités chinoises qui le jugent trop critique. Rédacteur république populaire du Viêtnam, il lutte ensuite contre les
entrent victorieux à La Havane avec Fidel CASTRO. De 1959 à adjoint de Libération, il quitte ce journal en 2007 pour créer un États-Unis pour l’extension du communisme dans un Viêtnam
1965, le Che devient ministre de l’Industrie et directeur de la site d’information : www.rue89.com. (→ 60/4) unifié. (→ 28/5 et 52/3)
Banque centrale. Il oriente l’économie dans la voie marxiste.
En 1965, il part exporter la révolution au Congo, puis en HASSNER, Pierre (1933-… ) : Spécialiste français des relations HOESS (ou HÖSZ), Rudolf (1900-1947) : Militaire allemand,
Bolivie, où il est assassiné par l’armée bolivienne guidée par internationales, d’origine roumaine. Professeur émérite à engagé volontaire à 15 ans, membre du NSDAP dès 1922 et
la CIA. Théoricien de la guérilla, il a laissé beaucoup d’écrits. l’Institut d’Études politiques de Paris et à l’European Center de la SS* en 1934, membre de l’unité « tête de mort ». Officier
(→ 57/1) de l’Université Johns Hopkins à Bologne (Italie). (→ 51/4) SS* en 1938, il travaille dans l’administration des camps de
concentration de Dachau et de Sachsenhausen avant d’être
GUILLAUME, Albert (1873-1942) : Dessinateur français, il HAVEL, Vaclav (1936-…) : Écrivain et homme politique nommé commandant d’Auschwitz, le 1er mai 1940. Remplacé
crée des affiches et des dessins satiriques pour différents tchèque. À la suite de l’arrestation d’un groupe de jeunes en décembre 1943, il y revient en mai 1944 pour présider
journaux comme Le Figaro, Le Rire, Le Rire rouge ou L’Assiette rockeurs en automne 1976, et par référence aux accords à l’extermination des Juifs hongrois. Il est entendu comme
au beurre. (→ 26/7) d’Helsinki signés par le pouvoir tchécoslovaque en 1975 témoin au procès de Nuremberg. Condamné à mort par la
et garantissant l’application de la Déclaration universelle suite, il sera pendu à Auschwitz même, en 1947. (→ 20/6)

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HOFFMANN, Stanley (1928-…) : Professeur de politique internationale demande de Walter Gropius (→ 41), il enseigne au Bauhaus* entre 1922 régime castriste, a déclaré à plusieurs reprises être l’auteur de cette
à l’Université de Harvard (États-Unis). (→ 6/4) et 1933. C’est la période où il produit le plus, notamment des œuvres photo. Korda n’aurait fait que retoucher la photo pour « l’isoler des
géométriques, les Compositions. Après la fermeture du Bauhaus* par autres personnages et contraster au maximum les traits de l’Argentin ».
HOOGHE, Marc : Politologue belge, professeur à la KUL. (→ 69/12) les nazis, il s’installe définitivement en France. (→ 77/15) Cependant, pour le biographe du Che, Pierre Kalfon, il est probable que
Juan Vivès soit un affabulateur car il n’apporte aucune preuve de ce qu’il
HORVAT, Stanislas : Spécialiste belge du droit militaire et du droit de la KASPI, André (1937-…) : Historien français. Professeur de civilisation avance, alors que Korda a montré le rouleau de pellicule comprenant le
guerre, avocat à Bruxelles. (→ 44/7) américaine à l’Université de Lille, puis à la Sorbonne jusqu’en 2006. cliché historique. La thèse de Juan Vivès semble d’autant plus douteuse
Dans ses nombreux livres, il propose une vision pour le moins qu’il ne peut produire la prétendue lettre d’excuses de Korda, qu’il aurait
HOUTART, François (1925-…) : Prêtre, docteur en sociologie de l’UCL. optimiste, parfois complaisante, de l’hyperpuissance américaine. Plutôt jetée. (→ 16/1)
Secrétaire de l’archevêché de Malines (1954-1958), directeur du Centre conservateur, il publie à l’occasion des articles dans Le Figaro. (→ 48/3)
de Recherches socioreligieuses de l’UCL à partir de 1956 et professeur KREMER, Johann Paul (1884-1965) : Médecin allemand. Professeur
à l’UCL à partir de 1959. Expert au concile* Vatican II. Engagé KEYNES, John Maynar (1883-1946) : Économiste et financier à l’Université de Munster, spécialiste de l’hérédité, il devient membre
actuellement dans le tiers-mondisme en Amérique latine. (→ 78/13) britannique, professeur à l’Université de Cambridge. Il est l’auteur de la SS* en 1935. Sous-lieutenant, il est envoyé à Auschwitz en juillet
d’ouvrages théoriques majeurs et de plans établis à la demande 1942. Arrêté par les Anglais, condamné à mort en 1947, il est gracié
HUBINON, Victor (1924-1979) : Dessinateur belge de bande dessinée. des autorités de son pays. Représentant le ministère des Finances et purge une peine de 10 ans avant de rentrer en Allemagne en 1958.
(→ 14/1) britannique durant les négociations de paix à Paris en 1919, mais en (→ 20/5)
désaccord avec le chef de sa délégation, Lloyd Georges, il démissionne
IMBERT, Claude (1930-…) : Journaliste français. Fondateur, directeur et 3 jours avant la signature du traité. Dans la foulée, il écrit un livre KRIEGEL, Annie, née Annie BECKER (1926-1995) : Historienne
éditorialiste de l’hebdomadaire français Le Point, journal indépendant retentissant, The Economic Consequences of the Peace, publié en française. Militante du Parti Communiste Français durant les années
de tendance centre-droite. (→ 4/1) 1919. Il préside la délégation britannique lors des accords de Bretton 1940-1950, elle change d’orientation politique après les événements
Woods en 1944 où il prône l’organisation d’un système monétaire de 1956. Éditorialiste au journal de droite Le Figaro, elle critique les
ISRAEL, Patricia (1939-…) : Peintre chilienne. Elle enseigne à l’atelier international (SMI). (→ 27/9) positions adoptées par le Parti Communisme Français. (→ 49/7)
graphique de l’Université du Chili jusqu’à son exil forcé après la prise de
pouvoir de Pinochet. Revenue au Chili en 1980, elle mêle figuration et KHROUCHTCHEV, Nikita Sergheïevitch (1894-1971) : Homme KROLL, Pierre (1958-…) : Caricaturiste belge. Architecte diplômé de la
expressionnisme. (→ 16/5) politique soviétique. Né dans une famille de mineurs, il devient ouvrier Cambre et licencié en sciences de l’environnement de l’ULg, il mène
métallurgiste et adhère au Parti Communiste en 1918. Il y fait carrière une brève carrière d’urbaniste à Liège, puis s’oriente vers le dessin
IVENS, Joris (1898-1989) : Cinéaste né aux Pays-Bas. Il réalise de grâce à l’appui de Staline, devenant membre du Comité central du satirique qu’il avait déjà pratiqué comme étudiant. Il dessine notamment
nombreux films documentaires, souvent engagés dans la lutte contre PCUS en 1934 et du Soviet suprême en 1937. Premier secrétaire du pour le quotidien Le Soir, l’hebdomadaire Télémoustique et le mensuel
les inégalités. En 1933, il signe avec Henri STORCK Misère au Borinage. PC d’Ukraine, il administre les territoires polonais annexés en 1939. Espace et Liberté. C’est un habitué de la télévision (RTBF) pour laquelle
(→ 117/3-4) Après la mort de Staline, il lui succède au poste de premier secrétaire il « croque » les débats politiques dominicaux de Mise au Point. Il
du Comité central du Parti Communiste (1953). À partir de 1956, il se fait participe également au Jeu des dictionnaires et à La Semaine infernale,
JAN, Pascal : Professeur de droit public à l’Université de Bordeaux. le champion de la « déstalinisation » et de la coexistence pacifique. Ses en radio. Depuis 1995, il publie régulièrement un album-chronique de
(→ 11/6) échecs économiques et internationaux le contraignent à démissionner l’année écoulée. (→ 103/2, 116/2)
en 1964. (→ 32/8)
JDANOV, Andreï (1896-1948) : Membre du bureau politique du PCUS KROPF, Otto (?-1970) : Photographe allemand. Enrôlé dans la 612e
sous Staline. Deux actions le rendent célèbre. En art, il impose le KIENHOLZ, Edward (1927-1994) : Sculpteur et peintre Pop Art Propaganda-Kompanie après avoir reçu une formation de correspondant
« réalisme socialiste ». En 1947, il organise le Kominform* et jette les américain. Il réalise des « environnements » ou « tableaux » dans de guerre, il participe à la campagne des 18 jours en Belgique. Il y reste
bases de la doctrine politique soviétique qui justifie la guerre froide : la lesquels il reconstitue des lieux et des personnages en trois dimensions. jusque fin 1941 et fixe sur la pellicule les résultats de l’occupation
« doctrine Jdanov ». (→ 46/5) (→ 24/6) allemande et des scènes de la vie quotidienne. Il passe à Breendonk le
13 juin 1941 dans le but d’y photographier des Juifs dans un camp de
JEAN XXIII (Angelo Giuseppe RONCALLI) (1881-1963) : Ecclésiastique KING, Martin Luther (1929-1968) : Pasteur noir américain depuis concentration. Son objectif est de montrer le caractère pénitentiaire du
italien, cardinal et patriarche de Venise à partir de 1953, pape de 1958 1951. Il s’inspire des idées non violentes de Ghandi pour obtenir la camp, mais il en occulte les aspects les plus durs. (→ 19/2)
à 1963. Soucieux de la « mise à jour » (aggiornamento) de l’Église reconnaissance des droits des Noirs. À partir de 1955, suite au boycott
catholique, il convoque le concile* de Vatican II (1962-1965). Il publie des de Montgomery (→ 70/6), il organise des meetings, des défilés, des KUDELKA, Joseph (1938-…) : Photographe de presse tchécoslovaque.
encycliques* sur l’unité de l’Église et son élargissement œcuménique*, discours, dont celui de 1963 (→ 70/2) qui le rend célèbre. Il reçoit le Ingénieur de formation, il abandonne ce métier en 1968 pour
la question sociale et la paix et la justice dans le monde. (→ 78/5) prix Nobel de la paix en 1964. Hostile à la guerre du Viêtnam, il perd photographier l’intervention des troupes du pacte de Varsovie à
progressivement ses appuis dans le monde politique blanc. De Prague. Ses photos arrivent clandestinement aux États-Unis, à l’agence
JEANNE-CLAUDE, Jeanne-Claude de GUILLEBON, dite (1935-…) : nombreux Noirs lui reprochent sa non-violence. Il est assassiné à de photos Magnum, qui les distribue. En 1970, il s’exile en Grande-
Artiste d’origine française, épouse de CHRISTO avec qui elle travaille. Memphis (Tennessee), le 4 avril 1968 par un Blanc. (→ 70/2) Bretagne puis en France. Naturalisé français, il retourne en 1990 en
(→ 77/14) Tchécoslovaquie. Ses photos des événements de 1968 sont alors
KISSINGER, Henry (1923-…) : Homme politique américain. Né en publiées à Prague. Aujourd’hui, ses sujets majeurs sont les exilés, les
JEANNENEY, Jean-Noël (1942-…) : Politologue français, professeur à Allemagne dans une famille juive, il émigre aux États-Unis en 1938 pour gitans, les paysages. (→ 50/2)
Science-Po, Paris. (→ 118/3) fuir le régime nazi. Professeur de sciences politiques à l’université de
Harvard, il devient, dès 1968, conseiller du président Richard Nixon, KURTZER, Daniel C. (1949-…) : Diplomate américain. En poste en
JONAS, Klaus Werner : Député socialiste allemand à l’Assemblée puis secrétaire d’État (1973-1976). Il a joué un rôle de premier plan Égypte, il devient ensuite ambassadeur des États-Unis en Israël entre
parlementaire du Conseil de l’Europe. (→ 5/1) dans le rapprochement des États-Unis avec la Chine et l’URSS et dans 2001 et 2005. Depuis 2006, il dirige une chaire d’étude politique du
les négociations qui aboutissent à la signature de l’accord de Paris sur Moyen-Orient à l’Université de Princeton. (→ 61/11)
JUDT, Tony (1948-…) : Historien britannique, né de parents juifs le Viêtnam, en janvier 1973. Il reçoit le prix Nobel de la Paix en 1973.
d’origine russe et lituanienne. Il enseigne actuellement à l’Université (→ 48/4) LABATIE, Clothilde : Pendant ses études en relations internationales,
de New York (États-Unis). Il y dirige l’Institut Erich Maria Remarque elle fait un stage à la rédaction de Questions internationales et y rédige
qu’il a fondé en 1995 et qui est spécialisé dans l’Histoire européenne KOITA, Yaguine (1985-1999) : Jeune Guinéen retrouvé mort de froid à quelques articles. (→ 2/4)
contemporaine. (→ 47/3, 51/6 et 97/3) Zaventem, le 2 août 1999, dans le train d’atterrissage d’un avion de la
Sabena en provenance de Guinée, en compagnie de Fodé TOUNKARA. LABIANO, Hugues (1963-…) : Dessinateur français de bande dessinée.
JUILLARD, André (1948-…) : Dessinateur et coloriste français de bande Ils portaient sur eux une lettre expliquant les raisons de leur tentative (→ 14/2)
dessinée. Il reprend, en 2000, l’œuvre de Edgard P. Jacobs, décédé en d’immigration. (→ 1/6)
1987, et publie avec Yves SENTE une nouvelle aventure de Blake et LABIDI, Kamel : Journaliste tunisien. Ancien directeur d’Amnesty
Mortimer. (→ 14/4) KORDA, Alberto (1928-2001) : Photographe cubain. De son vrai nom International en Tunisie, correspondant du journal La Croix et du
Alberto Diaz Gutiérrez, il se fait appeler Korda « parce que cela fait mensuel Le Monde diplomatique, il est conseiller auprès d’organismes
KABAMBA, Bob (1967-…) : Politologue et spécialiste de l’Afrique penser à Kodak ». Après la révolution cubaine, il devient le photographe de défense des journalistes. (→ 98/2)
centrale. Professeur de sciences politiques à l’ULg, chargé de cours en personnel de Fidel CASTRO pendant 10 ans. Le 5 mars 1960, il travaille
géopolitique de l’Afrique subsaharienne. (→ 63/8) pour le journal cubain Revolucion, quand il prend le fameux cliché de LABRIQUE, Jean : Ancien attaché de presse au cabinet du Gouverneur
Che GUEVARA. Il raconte ainsi l’instant historique : « Moi, je mitraille général du Congo belge. (→ 53/10)
KANDINSKY, Wassily (1866-1944) : Peintre français d’origine russe. systématiquement tous ceux qui entourent Fidel. (…) Soudain surgit
Il fait des études de droit à Moscou et ne commence à peindre qu’à du fond de la tribune, dans un espace vide, le Che. Il a une expression LACOSTE, Yves : Professeur émérite à l’Université de Paris VIII,
30 ans, à Munich. En 1910, il réalise une première aquarelle non farouche. Quand il est apparu, au bout de mon objectif de 90 mm, fondateur et directeur de la revue Hérodote, spécialiste en géopolitique.
figurative. Il devient un théoricien de l’art abstrait, écrivant plusieurs j’ai eu presque peur en voyant la rage qu’il exprimait. Il était peut-être (→ 9/3-4 et 58/5)
ouvrages dans lesquels il tente de créer une grammaire des formes ému, furieux, je ne sais pas. J’ai appuyé aussitôt le déclic, presque
et des couleurs. En 1914, il rentre à Moscou et, après la révolution de par réflexe. Et j’ai “doublé” la prise. » Juan Vivès, alors âgé de 16 ans, LACROIX-RIZ, Annie : Historienne française, professeur d’Histoire
1917, occupe plusieurs fonctions dans des institutions culturelles. À la ancien agent des services secrets cubains et aujourd’hui opposant au contemporaine à l’Université de Paris VII et militante communiste,

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spécialiste du mouvement ouvrier et du syndicalisme, puis LEMAITRE, Philippe : Journaliste français, correspondant MAHRER, Philippe : Économiste français qui débute sa
Repères des relations internationales. Elle critique l’anticommunisme
du Vatican. (→ 43/3)
pour le quotidien Le Monde à Bruxelles, entre 1966 et 2001.
Il est spécialiste des questions touchant à l’agriculture,
carrière à la direction générale des études de la Banque de
France. Directeur des études à l’École nationale des Ponts
aux médias et à la concurrence dans l’Union européenne. et Chaussées, il crée, en 1979, avec d’autres intellectuels
LAFONTAINE, Marie-Jo (1950-…) : Artiste belge. Après (→ 55/6) français, l’association Action contre la Faim et, en 1982,
des études à l’École nationale supérieure d’Architecture et Ingénieurs sans Frontières. (→ 67/11)
Dictionnaire
des Arts visuels de Bruxelles, elle réalise, depuis 1979, des LEMMER, Yoav : Photographe pour l’AFP, il réalise plusieurs
vidéo-sculptures et de grands polyptiques photographiques. reportages sur la vie quotidienne et les conflits en Israël, MALIA, Martin (1924-2004) : Historien américain de tendance
(→ 77/7) Palestine, Soudan et Érythrée. (→ 61/2) libérale, spécialiste de l’URSS. Il a été professeur à l’Université
de Californie Berkeley. (→ 51/1 et 3)
LAGARDE, Dominique : Journaliste français à l’hebdomadaire LÉNINE, Vladimir Ilitch OULIANOV, dit (1870-1924) :
L’Express. (→ 61/8) Homme politique russe. Étudiant en droit, propagandiste de MAO TSÉ-TOUNG ou MAO ZEDONG (1893-1976) :
la doctrine marxiste dès 1888, il est arrêté en 1895 et déporté Homme politique chinois, il collabore à la fondation du Parti
LANGE, Dorothea (1895-1965) : Photographe américaine, en 1897 en Sibérie sur la Léna (d’où son surnom). Libéré en Communiste chinois (1921). Membre du comité central de
spécialiste des portraits. Elle participe au grand reportage 1900, il doit s’exiler et vit dans divers pays européens, dont la celui-ci (1923), il proclame la république populaire de Chine en
d’information sur les effets de la dépression* des années 1930 Suisse. La même année, il fonde un journal, L’Iskra (L’Étincelle). 1949. Soucieux d’adapter le marxisme aux conditions sociales
aux États-Unis, commandité par le Gouvernement américain Au congrès du Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie propres à la Chine, il défend l’idée selon laquelle les paysans
afin de rallier le Congrès et l’opinion publique à la politique du (POSDR) de 1903, sa conception d’un parti marxiste obtient la ont un rôle décisif à jouer dans la révolution. Il ouvre ainsi la
New Deal lancée par le président Roosevelt. (→ 114/1) majorité, d’où le nom porté par ses partisans, les bolcheviks* voie à un conflit idéologique avec les marxistes orthodoxes et
(majoritaires). Revenu en Russie lors de la révolution de 1905, notamment avec Moscou. Ce conflit éclate dans les années
LANOTTE, Olivier (1969-…) : Assistant à l’Unité de Sciences il repart en exil en 1907, en France puis en Suisse. En 1912, il 1960 et divise profondément le camp communiste, y compris
politiques et de Relations internationales de l’UCL (1996- fonde le journal La Pravda (La Vérité). Ayant obtenu de Berlin en Occident où la Révolution culturelle* prolétarienne (1965-
2004), chercheur au sein du Centre d’Étude des Crises et des l’autorisation de traverser le territoire allemand, il rentre à 1968) et le Petit Livre rouge, la « Bible » du maoïsme, servent
Conflits internationaux (CECRI), notamment dans le cadre Petrograd en avril 1917 et devient le principal organisateur de de repaires à de nombreux jeunes intellectuels critiquant la
du Groupe de recherche en Appui aux Politiques de Paix en la révolution bolchevique* d’octobre. Jusqu’à sa mort, il dirige société occidentale. (→ 59/4)
Afrique des Grands Lacs. Spécialiste de l’étude des conflits la Russie qui devient, le 30 décembre 1922, l’URSS. (→ 31/6,
en Afrique et de l’aide humanitaire internationale. (→ 63/8) 11 et 12, 32/3 et 81) MARINETTI, Filippo Tommaso (1876-1944) : Écrivain et
pamphlétaire italien. Il lance, en 1909, un mouvement
LANZMANN, Claude (1925-…) : Cinéaste français et e
LÉOPOLD III (1901-1983) : 4 roi des Belges (1934-1951). Il d’avant-garde, le futurisme, qui fait l’éloge de la vitesse et de
directeur de la revue Les Temps modernes. De 1974 à épouse en 1926 Astrid, princesse de Suède. Très populaire, l’action. Ce mouvement sera de courte durée (1909-1914). Il
1985, il réalise son film-monument : Shoah. Contrairement elle disparaît accidentellement en 1935. En 1940, il prend le aura cependant des prolongements, notamment dans l’Italie
à celui d’Alain Resnais, Nuit et Brouillard (1955-1956), il est commandement en chef de l’armée et signe la capitulation, le fasciste. (→ 37 et 77/8)
réalisé sans images d’archives ni recours à la fiction, mais 28 mai. Refusant de suivre le Gouvernement belge en France
uniquement sur base d’entretiens avec des témoins, victimes puis à Londres, il reste en Belgique. Transféré en Autriche MARROU, Henri-Irénée (1904-1977) : Historien français
ou bourreaux, des historiens, des scènes filmées sur les lieux avec la famille royale en juin 1944, il est libéré le 7 mai 1945. spécialiste de l’Antiquité chrétienne, professeur à la Sorbonne.
des massacres et des objets. (→ 15/4) Il s’exile en Suisse avant de rentrer en Belgique en 1950. Opposé à l’emploi de la force et de la torture durant la guerre
(→ 65/1-2) d’Algérie, il signe l’Appel des intellectuels pour la paix en
LATTÈS, Robert (1927-…) : Mathématicien et chercheur Algérie, le 7 novembre 1953. (→ 52/9)
français. Il a surtout travaillé dans le secteur financier. En LEVINE, David (1926-…) : Caricaturiste et peintre américain.
1972, il est membre du Club de Rome. (→ 69/14) (→ 116/4) MARSHALL, George (1880-1959) : Général américain,
conseiller du président Roosevelt pendant la guerre, il devient,
LE BARON JENNEY, William (1832-1907) : Architecte LITTELL, Jonathan (1967-…) : Écrivain français. Sa famille en 1947, secrétaire d’État du président Truman. (→ 46/4)
américain. Il construit à Chicago les premiers immeubles juive d’origine polonaise a émigré, à la fin du XIXe siècle, aux
de bureaux à multiples étages. Les murs non porteurs de États-Unis. Il étudie en France et aux États-Unis, puis travaille MARTINET, Gilles (1916-2006 ) : Journaliste, membre du Parti
ces bâtiments sont fixés sur une ossature interne en acier. pendant 7 ans pour l’ONG Action contre la Faim en Bosnie- Socialiste français depuis 1972. (→ 69/5)
(→ 25/1) Herzégovine, en Tchétchénie, en Afghanistan et en Afrique.
Son roman, Les Bienveillantes, raconte l’histoire d’un officier MARVANO : Pseudonyme du scénariste et dessinateur belge
LEBURTON, Paul (1922-2002) : Militant jociste et résistant. SS* sur le front de l’Est. Très bien documenté, il se présente Mark Van Oppen. Le second volume de cette série de bande
Prêtre, vicaire à Liège puis à Vaux-sous-Chèvremont (1948- comme l’autobiographie d’un bourreau. (→ 15/2) dessinée consacrée à Berlin se déroule pendant le blocus de
1954) et professeur de religion dans l’enseignement normal la ville, en 1948. (→ 14/3)
communal à Liège (1954-1979). Il collabore à plusieurs LOUBES, Olivier : Professeur de classe préparatoire au lycée
mouvements et revues catholiques progressistes. (→ 78/8) Saint-Sernin de Toulouse. (→ 118/2) MASCHMANN, Mélita (1918-…) : Écrivaine allemande,
elle adhère dans sa jeunesse au Parti Nazi, dont elle fera la
LECOMTE, Tristan (1973-…) : Français, il fonde en 1998 Alter LUGARD, Frederick John, lord (1858-1945) : Administrateur critique après 1945. (→ 34/4)
Eco, une entreprise qui importe et distribue des produits du colonial britannique. Nommé commissaire en Afrique
commerce équitable. (→ 107/6) occidentale en 1897, il devient gouverneur de Hong Kong, MAYEUR, Jean-Marie (1933-…) : Historien français,
puis premier gouverneur général du Nigeria (1912-1919). spécialiste de l’Histoire de l’Église à l’époque contemporaine.
LE CORBUSIER, Charles-Édouard JEANNERET, dit (1887- (→ 28/4) (→ 43/6)
1965) : Architecte français d’origine suisse. Entre 1907 et
1911, il voyage en Europe et découvre différentes manières LUMUMBA, Patrice (1926-1961) : Homme politique MEHRI, Behrouz : Photographe de presse pour l’AFP. Il
de construire. Il s’installe à Paris en 1917 et s’intéresse congolais, fondateur du Mouvement national congolais qui travaille principalement dans les pays du Moyen-Orient.
à l’urbanisme. Il veut harmoniser société industrielle et lutte pour l’indépendance. Premier ministre en 1960, il entre (→ 61/12 et 62/6)
architecture. Après la Seconde Guerre mondiale, il met au en conflit avec le président Kasa-Vubu et est arrêté par le
point le « Modulor », un système de proportion des bâtiments colonel Mobutu en septembre 1960. Transféré au Katanga, il MENDÈS France, Pierre (1907-1987) : Homme politique
en fonction de la taille humaine, et réalise plusieurs projets y est assassiné le 17 janvier 1961. (→ 53/4 et 11 et 54/1) français. Député radical-socialiste à partir de 1932, sous-
ambitieux, dont l’Unité d’habitation à Marseille (1945-1950). secrétaire d’État au Trésor en 1938. Premier ministre et
(→ 77/19) LUNG, Yannick : Économiste français, professeur à ministre des Affaires étrangères en 1954-1955, il conclut la
l’Université de Bordeaux, spécialiste de l’Histoire de l’industrie paix en Indochine et accorde l’indépendance à la Tunisie.
LEFFEL, Jean (1918-…) : Dessinateur et caricaturiste suisse. et de l’automobile. (→ 73/7) Ministre d’État en février 1956, il démissionne trois mois
Le Canard enchaîné est un journal satirique français. (→ 70/4) plus tard, en désaccord avec la politique suivie en Algérie.
MacCAUSLAND, Élisabeth (1899-1965) : Journaliste (→ 52/8)
LE HUÉROU, Anne : Sociologue française, actuellement américaine et critique d’art. (→ 18/5)
chercheuse au Centre d’Études des Mondes russe, caucasien MEYER, Adolf (1881-1929) : Architecte allemand. Principal
et centre-européen (Paris). (→ 58/5) MAGRITTE, René (1898-1967) : Peintre belge. En 1927, collaborateur de Gropius, le fondateur du Bauhaus*, où il
après son arrivée à Paris, il s’oriente vers le surréalisme. Il enseigne les techniques de construction. (→ 40/6-7)
LEIRIS, Michel (1901-1990) : Écrivain et ethnologue français. associe images et mots et crée des rapports inattendus entre
Dans les années 1930, il participe au mouvement surréaliste. les objets, leurs formes, leurs matériaux et leurs décors. MIES VAN DER ROHE, Ludwig (1886-1969) : Américain
Ami de Picasso, il partage avec lui ses idées antifascistes. (→ 40/4) d’origine allemande, il est l’un des plus importants architectes
(→ 18/3) du XXe siècle. Son premier projet de gratte-ciel en verre pour

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Berlin date de 1919. Il réalise un premier chef-d’œuvre avec le pavillon de MUSSOLINI, Benito (1883-1945) : Homme politique italien. Fils d’un OAKES, Harry : Membre de l’Army Film and Photographic Unit (AFPU),
l’Allemagne à l’Exposition internationale de Barcelone en 1929 (→ 41/1), forgeron, il obtient un diplôme d’instituteur en 1911. Pour éviter le service service photographique de l’armée britannique. Il photographie la
pour lequel il dessine aussi la décoration intérieure et le mobilier. Les militaire, il s’exile en Suisse où il exerce divers métiers. Rentré en Italie libération du camp de Bergen-Belsen, en avril 1945. (→ 44/2)
lignes épurées de ce bâtiment et son mobilier design* deviennent la en 1904, il découvre les écrits du Français Georges Sorel, théoricien de la
norme du style international. Il est le directeur du Bauhaus* de 1930 violence prolétarienne. Socialiste anticlérical et antimilitariste, il connaît OCHS, Jacques (1883-1971) : Artiste belge, peintre, dessinateur et
à 1933, date de sa fermeture par Hitler. Il émigre aux États-Unis en la prison à plusieurs reprises. Appelé à Milan en 1912 pour diriger le caricaturiste. Engagé volontaire en 1914, il devient officier aviateur. Il
1938 et devient citoyen américain en 1944. Il réalise aux États-Unis ses quotidien socialiste Avanti !, il devient, jusqu’en 1914, le leader de la est professeur puis directeur de l’Académie des Beaux-Arts de Liège
projets d’architecture en verre, notamment des gratte-ciel. (→ 25/3). tendance intransigeante du parti. D’abord neutraliste en 1914, il prêche pendant l’entre-deux-guerres. Arrêté au début de l’Occupation pour avoir
l’intervention de l’Italie dans la guerre. Exclu dès lors du Parti Socialiste, illustré, en 1934, la couverture de l’hebdomadaire Pourquoi Pas ? d’une
MILLER, Harry : Photographe américain. Il effectue son service militaire il fonde son propre journal, Il Popolo d’Italia. Mobilisé en août 1915, il caricature de Hitler aux mains couvertes de sang, il est emprisonné
à partir d’avril 1943 au 166e Signal Photo Company et accompagne les est blessé en février 1917. En 1919, il fonde les Faisceaux italiens de à Breendonk de novembre 1940 à février 1942. À la demande du
troupes qui libèrent la France, le Luxembourg, la Belgique, l’Allemagne combat qu’il transforme, en novembre 1921, en Parti National Fasciste. commandant de camp, il réalisé plusieurs dessins au fusain et parvient
et la Tchécoslovaquie. Il assiste à la libération du camp de Buchenwald En octobre 1922, après la Marche sur Rome, le roi Victor-Emmanuel III à en conserver des copies. (→ 19/1)
par la 80e division américaine le 16 avril 1945. (→ 86/1) l’invite à former un Gouvernement. En plus de la présidence du Conseil
(Premier ministre), Mussolini se réserve des postes clés (l’Intérieur OPALKA, Roman (1931-…) : Peintre d’origine polonaise. Né en France,
MILZA, Pierre (1932-…) : Historien français. Professeur émérite à et les Affaires étrangères) mais maintient des représentants d’autres il retourne en Pologne avec sa famille en 1935. Il est déporté* par
l’Institut d’Études politiques de Paris. (→ 69/3) tendances politiques, à l’exception des communistes et des socialistes. les Allemands en 1940. En 1965, il décide de faire coïncider l’histoire
Les Chemises noires* créent une atmosphère de violence entraînant de sa vie avec la réalisation d’une œuvre, ses « tableaux-comptés ».
MINE, Jean-Yves : Auditeur général près la Cour militaire belge. un réflexe de peur qui rapporte au Parti Fasciste 65 % des voix. Le (→ 77/13)
(→ 44/6) socialiste Matteoti, qui dénonce les violations de la liberté électorale, est
assassiné le 10 juin 1924. Mussolini fait voter les « lois fascistissimes » ORTEGA, Raul (1963-…) : Photographe de presse chilien. (→ 16/3)
MINON, Paul (1926-…) : Professeur à l’ULg et aux FUNDP à Namur, interdisant toute opposition et devient, en 1926, le Duce* d’un régime
collaborateur de l’édition belge du journal catholique progressiste totalitaire, organisant autour de sa personne un véritable culte. La OZ, Amos (1939-…) : Écrivain et journaliste israélien. En 1978, il co-
français Témoignage chrétien. (→ 78/9) conquête de l’Éthiopie (1935-1936) marque l’apogée du fascisme, qui fonde le mouvement « La paix maintenant » qui s’oppose aux colonies
se rapproche de plus en plus du régime nazi. Mussolini forme avec de peuplement juives et plaide en faveur d’un dialogue avec l’OLP. Il
MOBUTU, Joseph (Sese Seko) (1930-1997) : Militaire et homme Hitler l’Axe Rome-Berlin, promulgue des lois racistes, persécute les soutient la gauche israélienne. (→ 61/5)
politique congolais. Il s’empare du pouvoir par un coup d’État militaire Juifs, soutient Franco en Espagne, annexe l’Albanie en 1939. Il entre
en 1965 et devient président de la République zaïroise jusqu’à son en guerre aux côtés de l’Allemagne, le 10 juin 1940, mais connaît très PALU, Ralph SOUPAULT, dit (1904-1962) : Dessinateur français. Après
renversement par Laurent-Désiré Kabila en 1997. (→ 54/4)
vite des revers militaires. Après le débarquement des Alliés en Sicile son service militaire en 1924, il adhère au mouvement d’extrême droite
(juillet 1943), le Gouvernement vote la destitution de Mussolini. Arrêté, français Action française, puis, en 1936, au Parti Populaire français
MOHOLY-NAGY, Lazlo (1895-1946) : Peintre, sculpteur, photographe
il est libéré par les Allemands et organise, sous leur protection, une de tendance fasciste. Il est le dessinateur vedette de l’hebdomadaire
et écrivain hongrois. À partir de 1923, il dirige l’atelier de métal au
république fantoche dans le Nord de l’Italie. Capturé par les résistants français Je suis partout, fondé en 1930 pour couvrir l’actualité
Bauhaus*. (→ 40/6)
italiens, il est fusillé sans jugement, le 28 avril 1945. (→ 33/8 et 10) internationale et qui évoluera vers l’extrême droite, l’antisémitisme* et
manifestera des sympathies pour les régimes fascistes. (→ 37/9)
MOISAN, Roland (1907-1987) : Dessinateur de presse français,
NACHTWEY, James (1948-…) : Photographe de guerre américain,
collaborateur au journal satirique français Le Canard enchaîné.
membre de l’agence photographique Magnum. (→ 63/5) PANCHO, Pancho Graelles, dit (1944-…) : Dessinateur caricaturiste
(→ 52/10)
d’origine vénézuélienne, travaillant pour le quotidien Le Monde et
NAMUTH, Hans (1915-1990) : Photographe américain d’origine l’hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné. Il s’installe en France en
MONDRIAN, Piet (1872-1944) : Peintre néerlandais, considéré avec
KANDINSKY et Malevitch comme l’un des pionniers de l’abstraction. allemande. Il travaille pour de grands magazines et réalise plusieurs 1983, après avoir successivement quitté, pour cause de coup d’État,
Progressivement, il schématise les formes pour ne plus en représenter portraits d’artistes. (→ 77/10) l’Uruguay et l’Argentine. (→ 51/2 et 92/3)
que les structures essentielles. Dans les années 1920, il travaille les
oppositions de couleurs (jaune, rouge et bleu)/non-couleurs (blanc et NEHRU, Jawaharial (1889-1964) : Homme politique indien, président PARR, Martin (1952-…) : Photographe britannique, membre de l’agence
noir) et celles de structures verticales/horizontales. Son œuvre exercera du Parti du Congrès en 1929, chef du Gouvernement provisoire en Magnum. Témoin privilégié de la société britannique, il photographie
une grande influence sur les architectes de son époque. (→ 40/2) 1946 et Premier ministre de la République indienne de 1947 à 1964. volontiers en gros-plan, en coupant le haut des visages. Son œuvre est
Il porte le titre honorifique de pandit en raison de son appartenance à marquée par la dérision et l’ironie. (→ 16/7)
MONS, Ludovic : Directeur des études et du conseil à Eurostaf, une la caste des brahmanes, première caste, disposant du monopole des
filiale du groupe d’édition et d’informations économiques et financières sacrifices. Opposé à la partition Inde-Pakistan, il accepte finalement le PÉREZ, Alberto (1926-…) : Peintre chilien. (→ 16/5)
Les Échos. Il est spécialisé dans le secteur de l’énergie. (→ 7/4) plan proposé par le Gouvernement anglais. (→ 52/2)
PÉTAIN, Philippe (1856-1951) : Maréchal de France et homme politique
MOOR, Dimitri (1883-1946) : Affichiste et illustrateur soviétique. NEWMAN, Barnett (1905-1970) : Peintre et sculpteur abstrait français. Commandant en chef des armées françaises en 1917,
(→ 115/2) américain. Il réalise de grandes toiles monochromes aux extrémités ambassadeur à Madrid en 1939. Nommé Premier ministre le 16 juin
desquelles il peint de fines bandes verticales. Ses Color field paintings 1940, il signe l’armistice en acceptant les conditions de l’Allemagne.
MOREAU DEFARGES, Philippe : Professeur à l’Institut d’Études sont une recherche d’absolu, la couleur devant amener le spectateur à Investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale le 10 juillet 1940,
politiques de Paris, il est chercheur à l’Institut français des Relations la méditation. Comme Mark ROTHKO, il fait partie des expressionnistes il devient, à 84 ans, chef de l’État français de Vichy, qui gouverne la
internationales (IFRI), centre de recherche et de débat indépendant, et abstraits, artistes qui cherchent à exprimer des vérités éternelles. moitié sud de la France, l’autre moitié étant occupée par les troupes
co-directeur du Rapport annuel mondial sur le système économique et (→ 77/18) allemandes. Il inaugure la « révolution nationale » (→ 115/6) et s’engage
les stratégies (RAMSES) de cet institut. (→ 2/2) dans une politique de collaboration avec l’Allemagne nazie. Jugé
NICOLAS II (1868-1918) : Empereur de Russie (1894-1917). Souverain en 1945 et condamné à mort, sa peine est commuée en détention à
MORIN, Claude : Démographe canadien. Professeur au Département autocratique, il refuse toute libéralisation du régime. Désireux d’étendre perpétuité. (→ 42/12)
d’Histoire de l’Université de Montréal, président honoraire de la encore son empire en Asie, il engage une guerre contre le Japon en 1904
Commission internationale de Démographie historique. (→ 57/3) et subit une défaite. Suite à la révolution de 1905, il accepte, le 3 mars, PETERSON, Peter George (1926-…) : Homme d’affaire, économiste et
la convocation d’une assemblée consultative, la Douma*. Le 30 octobre homme politique conservateur américain. En 2007, il détenait la 168e
MORIN, Edgard (1921-…) : Sociologue et philosophe. Directeur de 1905, il signe le manifeste établissant un régime constitutionnel. Mais il plus grande fortune des États-Unis. (→ 72/5)
recherche émérite au CNRS, il est aussi l’un des plus grands penseurs reviendra sur les réformes qu’il a acceptées (→ 81). Arrêté en 1917 par
français de notre époque. (→ 76/5) le Gouvernement provisoire, il est exécuté avec sa famille le 29 juillet PFEFFERKORN, Roland : Sociologue français, professeur à l’Université
1918. (→ 31/2) de Strasbourg. Ses travaux portent sur l’analyse des inégalités sociales
MOUKHINA, Vera Ignatievna (1889-1953) : Sculpteur, graphiste, en France et plus particulièrement sur celles entre hommes et femmes.
maquettiste de décor et de textile, elle étudie à Moscou, puis à Paris. NIU-NIU (1966-…) : Écrivaine chinoise, née au début de la Révolution (→ 8/5)
Elle enseigne à Moscou de 1926 à 1930. Pour elle, l’art réaliste est le culturelle* qui a durement touché sa famille, composée d’intellectuels
style le plus approprié à son époque. (→ 36/2) et d’artistes. Elle vit aujourd’hui en France. (→ 59/5) PHILIP André (1901-1970) : Homme politique et économiste français. Il
participe au Front populaire* dans les années 1930. Opposé à PÉTAIN
MUCHE, Georg (1895-1987) : Peintre allemand. Il enseigne au NORA, Pierre (1931-…) : Historien français, spécialiste de l’Histoire des en 1940, il est résistant à Londres et à Alger durant la guerre. Après
Bauhaus* à l’atelier de tissage et dessine des maisons expérimentales. mentalités, auteur de travaux novateurs sur la manière dont les sociétés 1945, il soutient le projet de la construction européenne et s’oppose
(→ 40/6-7) entretiennent la mémoire du passé. En 1980, il fonde la revue Débat, à la guerre d’Algérie. Durant toute sa carrière, il voyage beaucoup et
revue d’analyse et de discussion sur les grands thèmes d’Histoire, de se positionne comme défenseur des pays du tiers-monde. À la fin des
MURPHY, Robert (1894-1978) : Diplomate américain. Consul à Paris politique et de société contemporaines. (→ 15/2) années 1920, il a séjourné en Inde deux étés consécutifs et a rédigé un
(1930-1936), à Vichy et Alger. Ambassadeur des États-Unis en Belgique livre sur la colonisation anglaise et les problèmes des Indiens. (→ 28/2)
(1949-1952) : c'est à cette époque qu'il fait un voyage au Congo. NOUSCHI, Marc (1952-…) : Historien français, spécialiste de l’Histoire
Conseiller des présidents Kennedy, Johnson et Nixon. (→ 53/5) du XXe siècle. (→ 56/4)

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PHILIP, Bruno (1956-…) : Journaliste français, correspondant auprès de l’UE, il couvre l’actualité européenne depuis 1990. de 1932 à 1945. Malgré l’isolationnisme* des Américains, il
Repères permanent à Pékin pour le journal Le Monde. (→ 60/13) (→ 11/5) fait entrer les États-Unis en guerre en 1941. (→ 80/1)

PICASSO, Pablo Ruiz (1881-1973) : Peintre, sculpteur et RADVANYI, Jean : Géographe français, spécialiste de la ROSENTHAL, Joe (1911-2006) : Photographe américain,
céramiste espagnol. Il s’installe à Paris en 1904 et peint, en Russie. Il est professeur à l’Institut national des Langues et travaillant pour l’agence Associated Press. En 1945, il
1907, Les demoiselles d’Avignon qui marquent le début du Civilisations orientales à Paris. (→ 58/3) remporte le prix Pulitzer, la plus célèbre récompense en
Dictionnaire
cubisme (→ 110). Dans les années 1920, il est en contact photographie, pour son cliché Le drapeau hissé sur Iwo Jima.
avec les surréalistes. Dès le début de la guerre d’Espagne RAINDORF, Aaron, dit René (1918-1998) : Fonctionnaire, (→ 114/2)
(1936-1939), il affirme ses opinions antifranquistes. Pendant militant communiste puis maoïste, et résistant. De parents
cette période et la Seconde Guerre mondiale, il séjourne juifs polonais ayant fuit la Russie en 1905 et établis à Bruxelles, ROTHKO, Mark (Marcus ROTHKVITCH) (1903-1970) : Peintre
en France. Après la guerre, il devient membre du Parti il obtient la nationalité belge en 1933. Membre du POB, il américain d’origine russe. Il émigre aux États-Unis en 1913. Il
Communiste Français, mais sans en être un militant très actif. mène une activité de recruteur dans les milieux antifascistes. est un des maîtres de l’expressionnisme abstrait. Il peint de
(→ 18/1-2 et 6, 110/1) Arrêté en juillet 1943, il est emprisonné à Breendonk pendant grandes toiles souvent divisées en rectangles aux contours
8 mois. Libéré, il est à nouveau arrêté en tant que juif et fait diffus qui semblent flotter sur un fond coloré. Ses couleurs
PIERLOT, Hubert (1883-1963) : Homme politique belge partie du 24e convoi vers Auschwitz. (→ 19/5) sont lumineuses, puis s’assombrissent après 1965. En
catholique, député (1925), puis sénateur (1926-1946). constante recherche spirituelle, il sombre dans la dépression
Plusieurs fois ministre (Intérieur, Agriculture, Affaires RAMADAN, Tariq (1962-…) : Islamologue suisse d’origine et se suicide. (→ 77/20-21)
étrangères), il est aussi Premier ministre de 1939 à 1945. égyptienne, musulman, professeur à l’Université d’Oxford.
Il dirige le Gouvernement belge en exil en France puis à Petit-fils du fondateur égyptien des Frères musulmans et fils ROUDNEV, Lev Vladimirovitch (1886-1956) : Architecte
Londres. (→ 65/3) du fondateur de la branche palestinienne de ce mouvement. russe. Installé à Moscou en 1931, il réalise plusieurs bâtiments
Il a étudié à Genève, puis à l’université islamique du administratifs. Son atelier réalise, entre 1951 et 1954, le
PING, Hu (1947-…) : Journaliste chinois. Il poursuit ses Caire. Devenu un prédicateur populaire parmi les jeunes Palais de la Culture et de la Science à Varsovie, un des plus
études à Pékin quand il est envoyé à la campagne pour musulmans, il prône la stricte observance du Coran, tout en importants édifices de l’architecture stalinienne. (→ 36/9)
rééducation lors de la Révolution culturelle*. Il prend part voulant concilier l’appartenance musulmane avec les lois des
aux manifestations du Printemps de Pékin en 1989 avant de sociétés européennes. (→ 113/1) ROULEAU, Éric (1926-…) : Diplomate français et journaliste.
s’exiler aux États-Unis. Il est rédacteur en chef de la revue Ambassadeur en Tunisie (1985-1986) et en Turquie (1988-1991).
dissidente chinoise Le Printemps de Pékin, à New York. RAMONET, Ignacio : Journaliste français, directeur du En 1996, il est envoyé en mission à Téhéran pour y négocier
(→ 60/8) Monde diplomatique. (→ 71/1) – sans succès – la libération des otages français au Liban. Il
collabore au mensuel Le Monde diplomatique. (→ 62/4)
PLANTU, Jean PLANTUREUX dit (1951-…) : Caricaturiste RANDRIANARIMANANA, Philippe : Journaliste au Courrier
français. Il abandonne des études de médecine pour suivre international. (→ 60/12) ROUSSO, Henry (1954-…) : Historien français, directeur de
des cours de bande dessinée à Bruxelles. Il publie ses recherche au CNRS, professeur à l’Université de Nanterre-
premiers dessins dans le journal Le Monde, en 1972. À partir RANKIN, John E. : Député démocrate du Mississipi au Paris X. Auteur d’ouvrages marquants sur Vichy, la mémoire
de 1985, il illustre l’éditorial politique qui paraît, chaque jour, Congrès des États-Unis et membre de la Commission des collective et les usages du passé. (→ 102/4)
à la une de ce quotidien. Il dispose en outre, depuis 1991, Activités anti-américaines en 1947. (→ 17/7)
d’une page entière dans L’Express. (→ 1/5, 45/5, 55/7, 56/8, ROY, Olivier : Politologue français, diplômé de l’Institut
60/3 et 15, 61 et 64/6) REKACEWICZ, Philippe (1960-…) : Géographe, cartographe national des Langues et Civilisations orientales. Chargé de
et journaliste français, collaborateur permanent du mensuel cours à l’École des Hautes Études en Sciences sociales et à
PLATTEAU, Jean-Philippe (1947-…) : Professeur de sciences français Le Monde diplomatique. (→ 11/4) l’Institut d’Études politiques de Paris. (→ 62/3)
économiques et sociales aux FUNDP à Namur, spécialiste
de l’économie du développement. Il a séjourné près de 2 ans REYNEBEAU, Marc (1956-…) : Historien et journaliste belge. RUSH, Michael : Critique d’art américain, spécialisé dans le
en Inde. (→ 12/4) Rédacteur au journal De Standaard, il a écrit plusieurs livres domaine des médias. (→ 77/11)
sur l’Histoire et la culture de la Belgique et de la Flandre. Il
POIRSON, Martial : Historien français, professeur à collabore également à la radio et à la télévision flamandes. RUSSOLO, Luigi (1885-1947) : Peintre et musicien italien. Il
l’Université de Paris X-Nanterre. (→ 8/3) (→ 41/4) traite des thèmes chers aux futuristes, la révolte, la vitesse, la
lumière et s’intéresse particulièrement aux bruits. Il est blessé
POISSOT, Marcel : Soldat durant la Première Guerre RICARD, Philippe : Correspondant français à Bruxelles pour au combat en 1917. Après la guerre, il se consacre surtout à
mondiale, ce médecin français commence son Journal de le quotidien Le Monde. (→ 55/9) la musique. (→ 77/9)
guerre le 1er août 1914 : 1400 pages manuscrites qui mêlent
descriptions des combats, informations générales sur tous RIEFENSTAHL, Hélène dite Léni (1902-2003) : Actrice, RUTTEN, Georges-Ceslas (1875-1952) : Prêtre dominicain
les fronts et sur les difficultés politiques et financières, photographe et réalisatrice allemande. Cinéaste au service belge, un des fondateurs du syndicalisme chrétien. Sénateur
chronique familiale, notations médicales… Il se montre très du régime nazi, elle tourne des films et documentaires de catholique coopté, il dépose, en 1934, la proposition de loi
bien informé malgré la censure. (→ 27/3) propagande (Le Triomphe de la Volonté, 1934 ; Les Dieux tendant à limiter le travail de la femme mariée. Elle ne sera
du Stade, 1936-1937). Elle justifiera son action au service pas votée, mais elle fait suite et sera suivie d’autres mesures
POUTINE, Vladimir (1952-…) : Homme politique russe. du nazisme en mettant en avant ses seules préoccupations discriminatoires pour les femmes. (→ 75/3)
Membre du KGB durant 15 ans, il est actif au sein du service artistiques. (→ 35/2)
de renseignements extérieurs de l’URSS. Premier ministre de SAMYN, Philippe : Architecte et urbaniste belge. Professeur
Boris Eltsine en 1999, il devient président par intérim lors de la ROCARD, Michel (1930-…) : Homme politique socialiste aux facultés des Sciences appliquées de la VUB et de Mons
démission de ce dernier, le 31 décembre 1999. Élu président français. Premier ministre de 1988 à 1991. Depuis 1994, et à l’école d’architecture de La Cambre (Bruxelles). (→ 25/6)
de la Fédération de Russie en mai 2000, il est réélu en 2004 il est député européen. Entre 2002 et 2004, il préside la
avec 71 % des suffrages. En mai 2008, il devient le Premier Commission de la culture au Parlement européen. (→ 4/2) SARRAUT, Albert (1872-1962) : Homme politique français.
ministre de Medvedev, son successeur à la présidence de Gouverneur d’Indochine avant et après la Première Guerre
l’État. (→ 3/6) ROEKENS, Anne : Historienne, professeur d’Histoire mondiale, il est sénateur entre 1926 et 1945. Ministre de
contemporaine aux FUNDP de Namur, spécialiste de l’Histoire la Marine (1930-1931), ministre des Colonies au début des
PRESSAC, Jean-Claude : Chimiste et pharmacien français. des médias. (→ 117/1) années 1920 puis en 1932-1933, il est Premier ministre en
Négationniste* dans un premier temps, il entame un travail 1933 et 1936. Il pratique une politique de développement des
scientifique dans le but de réfuter l’existence des chambres ROMSÉE, Gérard (1901-1976) : Homme politique nationaliste colonies et est un des premiers hommes politiques français à
à gaz. Ses recherches et la consultation des archives de la flamand. Il fait partie des cadres du VNV et représente évoquer l’indépendance de l’Indochine. (→ 28/3)
Direction des Constructions SS*, tombées aux mains de l’arrondissement de Tongres-Maaseik de 1929 à 1944.
l’Armée rouge lors de la libération du camp en janvier 1945, L’occupant allemand le nomme successivement Commissaire SAUVY, Alfred (1898-1990) : Économiste français,
l’amènent à la conclusion que, contrairement à ses idées général au Rapatriement, gouverneur du Limbourg, puis démographe et sociologue. Directeur de l’Institut national
d’origine, les chambres à gaz ont bien existé. En retraçant secrétaire général du ministère de l’Intérieur (1941-1944). d’Études démographiques (1945-1962), professeur et
la manière dont la technique des crématoires a évolué, son Condamné pour collaboration en 1948, il est réhabilité en conférencier dans plusieurs universités et au Collège de
étude d’ingénierie constitue un réquisitoire irrécusable qui 1966. (→ 37/12) France (1959-1969). (→ 94/1)
pulvérise les thèses négationnistes*. (→ 102/6)
ROOSEVELT, Franklin Delano (1882-1945) : Homme politique SAVAGE, Réginal : Économiste belge. Conseiller général
QUATREMER, Jean : Professeur de droit, puis journaliste démocrate américain. Sénateur, puis gouverneur de l’État de dans un service d’études fédéral, membre du Conseil
français. Correspondant du journal de gauche Libération New York, il est élu président des États-Unis à quatre reprises, supérieur des Finances. Il enseigne l’économie à la Faculté

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ouverte de Politique économique et sociale (FOPES) de l’UCL et aux sa mère Anja, déportés* à Auschwitz, en mars 1944. Art Spiegelman Gouvernement de Vichy. Il publie des ouvrages très bien documentés,
FUNDP de Namur. (→ 67/12) a consigné les souvenirs de son père dans les années 1970, après le hostiles au communisme, sous le nom de Rossi. (→ 33/5)
suicide de sa mère en 1968. Dans la bande dessinée, les Juifs sont
SCHUMAN, Robert (1886-1963) : Homme politique français de représentés par des souris, les nazis par des chats et les Polonais par TATU, Michel (1933-…) : Journaliste français au quotidien Le Monde.
tendance démocrate-chrétienne, né à Luxembourg de père allemand. des porcs. (→ 15/1) (→ 74/4)
Avocat, il entre au Parlement français comme député de la Moselle. En
1947, il est président du Conseil des ministres. Entre 1948 et 1952, il est SPIELBERG, Steven (1947-…) : Cinéaste américain, juif. Il réalise TÉNIER, Jacques : Professeur associé à l’Institut d’Études politiques de
ministre des Affaires étrangères et œuvre pour la réconciliation franco- à Hollywood des films d’aventures et de divertissement comme Les Rennes (Bretagne). (→ 45/3)
allemande et la construction européenne. (→ 55/1) dents de la mer (1975), E.T. (1982) et Jurassic Park (1993). La liste de
Schindler (1993) est un film de fiction, mais qui s’inspire de l’histoire TERNON, Yves : Historien français. Il a d’abord été chirurgien et s’est
SEBAHARA, Pamphile : Chercheur au GRIP (Groupe de Recherche et d’un Juste*, l’industriel allemand Oscar Schindler, qui sauve plus d’un ensuite consacré à la recherche sur les génocides*. Il a aussi participé
d’Information sur la Paix et la Sécurité, Bruxelles), chargé d’analyser le millier de Juifs de l’extermination en les faisant travailler dans son usine à la Commission d’enquête sur l’implication de la France, en 1994, au
dossier congolais en 2006. (→ 54/13-14) d’articles culinaires à Cracovie. (→ 15/3) Rwanda. (→ 102/2)

SENTE, Yves (1964-…) : Scénariste belge de bande dessinée. Il reprend STALINE, Joseph Vissarionovitch DJOUGATCHVILI, dit (1879-1953) : THEUX, Paul de (1959-…) : Historien et journaliste belge, formateur
avec André JUILLARD les héros Blake et Mortimer d’Edgard P. Jacobs, Homme politique soviétique. D’origine paysanne, militant du en analyse et éducation aux médias à Média Animation et Médialogue.
décédé en 1987. Dans La machination Voronov, les héros tentent, en mouvement social-démocrate, il s’oppose au pouvoir du tsar et (→ 118/1)
pleine guerre froide, de s’emparer d’une bactérie ramenée de l’espace est contraint à la clandestinité. Il adopte le pseudonyme « Staline »
par une fusée soviétique. (→ 14/4) (l’homme d’acier) vers 1913. Arrêté plusieurs fois, il parvient à s’évader. THOMAS, H. : Pseudonyme utilisé par la rédaction de l’édition belge de
Entré au comité central bolchevik* en 1912, il devient spécialiste du Témoignage chrétien. (→ 78/7)
SEROV, Vladimir Alexandrovich (1910-1968) : Peintre russe. Président problème des nationalités*. Arrêté de nouveau en 1913, déporté* en
de l’Académie des Beaux-Arts de l’URSS et de l’Union des Artistes, Sibérie, il n’est libéré qu’en mars 1917. Il devient secrétaire général du THOREZ, Maurice (1900-1964) : Homme politique français, secrétaire
il est directement lié à la persécution des artistes non conformistes. PCUS en 1922 et lance le premier plan quinquennal en 1928. Il élimine général du PCF de 1930 à 1964, demeuré fidèle à Staline au-delà de la
Prix Staline en 1948 pour son tableau Lénine proclamant le pouvoir des les révolutionnaires de la première heure, comme Kamenev, Zinoviev et mort de ce dernier. Il a permis et/ou organisé en France un véritable
Soviets. (→ 31/8) Trotski, et dirige seul l’URSS jusqu’à sa mort. (→ 32/4) culte de sa personnalité. (→ 49/3)

SERVAIS, Al : Dessinateur belge, collaborateur du journal wallon de STEINBECK, John (1902-1968) : Romancier américain. Auteur de THUREAU-DANGIN, Philippe : Directeur de rédaction de l’hebdomadaire
gauche Le Gaulois (1944-1955). (→ 66/8) romans naturalistes évoquant entre autres les effets de la dépression* Le Courrier international. (→ 11/2)
dans les campagnes (Les raisins de la colère). Prix Nobel de littérature
SERVAIS, Olivier : Licencié en Histoire et sciences religieuses, docteur en 1962. (→ 30/4) TIHON, André : Prêtre et historien belge, spécialiste de l’Histoire
en anthropologie, professeur à l’UCL et aux FUNDP. (→ 78/14) religieuse de la Belgique du XVIIIe au XXe siècle. Professeur émérite aux
STEINMETZ, George (1957-…) : Photographe américain. Il réalise Facultés universitaires Saint-Louis de Bruxelles. (→ 78/2)
SHERMAN, Cindy (1954-…) : Photographe américaine. Ses premières des reportages photographiques pour de grands magazines comme
photos datent de 1977. (→ 77/5) National Geographic ou Geo, notamment sur les sociétés et cultures TOUNKARA, Fodé (1984-1999) : → Yaguine KOITA.
primitives en Asie et en Afrique. (→ 56/6)
SIDDÎQÎ, Muzammil (1943-…) : Musulman américain, né en Inde, TOUSSAINT, Éric : Docteur en sciences politiques, altermondialiste,
diplômé en théologie musulmane de plusieurs universités (Médine, STÉPHANY, Pierre (1926-…) : Journaliste belge depuis 1945. Il collabore président du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde de
Birmingham, Harvard). Président de la Société islamique d’Amérique du à La Libre Belgique, Télé Moustique et Paris Match. Il est l’auteur de Belgique (CADTM). Il est membre du conseil scientifique d’ATTAC, ainsi
Nord, il a participé à plusieurs dialogues interreligieux. (→ 9/6) plusieurs ouvrages sur la vie quotidienne en Belgique. (→ 41/1) que du conseil international du Forum social mondial. (→ 5/5)

SIEGFRIED, André (1875-1959) : Économiste et sociologue français, STEPHFF (1964-…) : Dessinateur thaïlandais. Il commence sa carrière TRIFFET, Jules (1916-…) : Syndicaliste socialiste belge. Résistant, il
professeur au Collège de France. (→ 29/7) comme photographe de presse en Asie. Depuis 1998, il est dessinateur lutte contre l’UTMI (Union des Travailleurs manuels et intellectuels),
de presse pour des magazines du monde entier. (→ 2/6) syndicat unique créé en 1940, et est arrêté lors des mouvements de
SILVERSTONE, Marilyn (1929-1999) : Photographe de presse grève de septembre 1942. Il est emprisonné à Breendonck, puis au
américaine, membre de l’agence photographique Magnum (→ 114) STIKI : Dessinateur belge, il collabore notamment à Demain le camp de concentration de Neuengamme jusqu’en 1945. (→ 19/4)
depuis 1964. (→ 62/1) monde, magazine d’information et d’action s’intéressant à l’actualité
internationale et à la coopération au développement, édité initialement TRUMAN, Harry (1884-1972) : Homme politique américain. Sénateur
SIMON, Catherine (1956-…) : Journaliste française, grand reporter au par le CNCD-Opération 11.11.11, et devenu, en 2005, bimestriel sous le démocrate, vice-président des États-Unis en 1944, il devient président
journal Le Monde. (→ 54/11) titre Imagine demain le monde. (→ 94/2) à la mort de Roosevelt en avril 1945 et est réélu en 1948 pour 5 ans.
(→ 46/3)
SLACKMAN, Michael : Journaliste américain, il travaille pour le STOCK, Dennis (1928-…) : Photographe américain. Membre de
New York Times. (→ 62/7) l’agence Magnum depuis 1951. (→ 69/4) TSHIBAMBA, Lomami (1914-…) : Écrivain et journaliste congolais à La
Voix du Congolais, premier organe de presse des « évolués », créé en
SOUSTELLE, Jacques (1912-1990) : Homme politique français, STORCK, Henri (1907-1999) : Cinéaste belge, réalisateur d’une 1945. Il publie des articles critiques à l’égard de la colonisation belge. Il
membre du Gouvernement de la France libre à Londres, organisateur du soixantaine de films de genres variés. Considéré comme le père du est le pionnier de la littérature congolaise moderne. (→ 53/6)
mouvement gaulliste RPF (Rassemblement pour la France). Gouverneur cinéma belge, il réalise de nombreux documentaires militants et des
général de l’Algérie (1955-1956), il est favorable à l’assimilation films d’art. L’analyse du travail et la préoccupation sociale inspirent son UT, Nick (Huynh Cong Ut) (…) : Photographe viêtnamien à l’agence
des musulmans. Il fonde, en mars 1958, l’Union pour le Salut et le chef-d’œuvre, Misère au Borinage, qu’il signe avec Joris IVENS en 1933. Associated Press. Sa photo de Kim Phuc, âgée de 9 ans, dont les
Renouveau de l’Algérie française et prend la tête de l’opposition à de (→ 117/3) vêtements ont été dévorés par les flammes, brûlée au troisième degré
Gaulle. (→ 93/2) lors du bombardement au napalm par l’aviation américaine du village
SUKHANOV, Nikolaï Nikolaïevitch (1882-1940) : Journaliste politique de Trang Bang, à 65 km au nord de Saïgon, a été couronnée par le prix
SPAAK, Paul-Henri (1899-1972) : Homme politique socialiste belge. et économiste russe. Socialiste révolutionnaire, emprisonné à Moscou Pulitzer et a provoqué un électrochoc dans l’opinion publique. « C’était
Premier ministre (1938, 1946, 1947-1949), ministre des Affaires en 1904-1905, il abandonne la politique jusqu’en 1917. Il joue un une vision d’horreur, se souvient Nick Ut. Elle a foncé sur moi en criant
étrangères (1936, 1940-1949, 1954-1957, 1961-1966), secrétaire rôle de négociateur entre les soviets* et les éléments bourgeois Ça brûle, ça brûle, j’ai déclenché, puis elle s’est évanouie dans mes
général de l’OTAN (1957-1961), artisan de la construction européenne. Il du Gouvernement provisoire. En 1922, il publie à Berlin Notes sur la bras. » (→ 48/6)
embrasse à la fin de sa vie la cause francophone bruxelloise. (→ 53/12 Révolution en 7 volumes. En 1954, le traducteur J. Carmichael en donne
et 65/5) un abrégé en anglais qui sera traduit en français en 1965. (→ 31/7) VACHET, R. : Graphiste français. Il travaille pour le régime de Vichy et
son centre de propagande de la « Révolution nationale » d’Avignon.
SPEER, Albert (1905-1981) : Architecte allemand. Militant nazi à partir TARDI, Jacques (1946-…) : Dessinateur français et scénariste de (→ 115/6)
de 1931, il est inspecteur des bâtiments en 1937. Hitler le charge bande dessinée. Fasciné par la guerre 14-18 et par la Belle Époque, il
des plans de transformation de Berlin en capitale du IIIe Reich*. Seul fait partie des auteurs qui, nés après la Seconde Guerre mondiale, ont VALÉRY, Paul (1871-1945) : Poète et écrivain français. Il n’est pas
le bâtiment de la Nouvelle Chancellerie sera construit. En 1942, il est été fortement influencés par la mémoire pacifiste des deux guerres. mobilisé durant la guerre 14-18. Il rassemble ses textes en prose dans
nommé ministre de la Production et de l’Armement. Condamné à (→ 13/10) des volumes appelés Variété. Le premier tome paru en 1924 s’ouvre sur
20 ans de prison par le Tribunal de Nuremberg (→ 88/1), il est libéré en deux lettres intitulées La crise de l’esprit. (→ 26/8)
1966 et écrit deux volumes de mémoires. (→ 36/1 et 6) TASCA, Angelo (1892-1960) : Homme politique et historien français
d’origine italienne. Membre du Parti Communiste italien dès sa VALLÈS, Francis (1959-…) : Scénariste et dessinateur français de
SPIEGELMAN, Art (1948-…) : Dessinateur américain d’origine fondation. Arrêté et mis en prison par deux fois, il quitte l’Italie pour bande dessinée. Il réalise les dessins de la série Les maîtres de l’orge
polonaise. De 1980 à 1991, il réalise Maus, une bande dessinée Moscou, en 1928. Il entre au secrétariat de l’Internationale* communiste. sur un scénario de Jean VAN HAMME. (→ 13/7-8)
animalière où il raconte l’histoire de ses parents, son père Vladek et Exclu en 1929, il s’établit en France. Il travaille dans l’administration du

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VAN BILSEN, Anton A. Joseph, dit Jef (1913-1996) : Militant VAN YPERSELE de STRIHOU, Jean-Pascal (1957-…) : WILSON, Thomas Woodrow (1856-1924) : Homme politique
Repères flamand, résistant, directeur des services africains de
l’Agence Belga à Léopoldville (1946-1948), journaliste Belga
Professeur de climatologie et de sciences de l’environnement
à l’Institut d’Astronomie et de Géophysique de l’UCL. Il
américain de tendance démocrate, il est élu président en
1912 et est réélu en 1916. En politique étrangère, il poursuit
à Bruxelles (1948-1949) puis collaborateur du ministre Pierre représente la Belgique au bureau du GIEC. Prix Nobel de la la neutralité des États-Unis au début de la Première Guerre
HARMEL (1950-1954). Professeur à l’Institut universitaire des paix 2008. (→ 71/7) mondiale, tout en se tenant prêt à une médiation. Engagé
territoires d’Outre-Mer à partir de 1955, puis professeur à aux côtés des Alliés, dès 1917, suite à la guerre sous-marine
Dictionnaire
l’Université de Gand à partir de 1972, en charge de la chaire VAN ZUYLEN, Pierre (1881-1977) : Historien et diplomate à outrance menée par l’Allemagne, Wilson se préoccupe
sur les problèmes du tiers-monde. Auteur du plan de trente belge. Directeur général au ministère des Affaires étrangères toutefois des mesures nécessaires au rétablissement d’une
ans pour l’émancipation politique de l’Afrique belge, il devient depuis 1936, il met en œuvre la politique d’indépendance de paix juste et durable, en les définissant dans un message qu’il
conseiller du cartel des groupements nationalistes congolais, la Belgique, dite des mains libres, qui dégage l’État belge des adresse au Congrès, le 8 janvier 1918 : les Quatorze Points.
durant la table ronde sur l’avenir du Congo qui se réunit à accords militaires conclus en 1920 avec la France. (→ 38/4) Participant à la conférence de la Paix en 1919, il se heurte aux
Bruxelles en 1960. Conseiller du président Kasa-Vubu en exigences des Alliés et ne peut faire appliquer totalement ses
1960, il revient en Belgique et devient commissaire du roi à VAYSSIÈRE, Pierre : Historien français de tendance libérale, idées. Prix Nobel de la paix en 1920. (→ 27/4)
la Coopération au Développement, puis secrétaire général de professeur émérite à l’Université de Toulouse II, spécialiste de
l’Office de Coopération au Développement et chef de cabinet l’Amérique latine. (→ 57/6) WILSSENS, Marie-Anne : Historienne belge, spécialiste de
pour la Coopération au Développement du ministre des l’Histoire économique et sociale. Elle est aussi rédactrice aux
Affaires étrangères. (→ 53/8) VERHOFSTADT, Guy (1953-…) : Homme politique belge journaux De Standaard et Het Nieuwsblad. (→ 41/5)
libéral flamand (Open VLD), Premier ministre de 1999 à 2008.
VAN DEN BRANDE, Luc : Homme politique belge CVP, ministre (→ 42/8) WINOCK, Michel (1937-…) : Historien français, professeur à
de l’Emploi et du Travail (1988-1992), président de l’Exécutif l’Institut d’Études politiques de Paris. Spécialiste de l’Histoire
flamand (1992-1995), ministre-président du Gouvernement VILLEPIN, Dominique de (1953-…) : Homme politique français des intellectuels, de l’antisémitisme*, du nationalisme et des
flamand (1995-1999). Régionaliste convaincu, il est à la source de droite, membre de l’UMP. Diplomate, il travaille pour les mouvements d’extrême droite français. Il est membre du
du programme de revendications institutionnelles votées au ambassades de France aux États-Unis et en Inde. Ministre comité de rédaction du magazine L’Histoire. (→ 12/2)
Parlement flamand en 1999. (→ 10/1) des Affaires étrangères en 2002, il incarne l’opposition de la
France à la guerre en Irak. Il est ensuite nommé ministre de WISSEL, Adolf (1894-1973) : Peintre réaliste allemand. Il
VAN DEN PLAS, Louise (1877-1968) : Féministe belge. Elle l’Intérieur et, de 2005 à 2007, Premier ministre. (→ 3/5) participe à la Grande Exposition de l’Art allemand de 1937,
fonde en 1902 Le féminisme chrétien de Belgique afin de à Munich, et connaît un vif succès sous le régime nazi.
gagner à sa cause les milieux catholiques. En 1910, elle crée, VILLERS, Gauthier de : Sociologue belge, spécialiste de (→ 36/7)
avec d’autres, la section féminine de la Ligue démocratique l’Afrique centrale, auteurs de nombreux ouvrages traitant de
belge. En 1914, elle crée, avec Jane Brigode, l’Union l’évolution du Congo depuis l’indépendance. (→ 63/11) WISTRICH, Robert S. (1945-…) : Historien américain d’origine
patriotique des Femmes belges, pour venir en aide à la juive. Professeur d’Histoire moderne juive et européenne à
population. Élue en 1921 à Woluwé-Saint-Lambert (Bruxelles), VIOLA, Bill (1951-…) : Vidéaste américain. Ses premières l’Université hébraïque de Jérusalem et directeur du Centre
elle préside un cercle de conseillères communales. (→ 75/2) installations datent de 1972. (→ 77/22) international de Recherche sur l’Antisémitisme*. Il a mené
ses investigations dans de nombreux fonds d’archives,
VAN DEN WIJNGAERT, Mark (1940-…) : Historien belge. VOSTELL, Wolf (1932-1998) : Artiste allemand du mouvement bibliothèques et instituts de recherche en Israël, en Europe,
Professeur d’Histoire contemporaine à la Katholieke Fluxus qui, dans les années 1960, veut créer de nouvelles en Grande-Bretagne et en Amérique. (→ 43/5)
Universiteit Brussel. Ses recherches portent sur l’Occupation, connections entre les arts visuels, la poésie, la danse, le
l’Histoire de Belgique d’après-guerre, la monarchie et la théâtre et la musique. Son œuvre est proche du Pop Art, WITTE, Sergueï Ioulievitch comte (1849-1915) : Homme
guerre froide. (→ 42/3) dont il adopte les techniques. Dans ses collages, Vostell politique russe. Ministre des Transports (1892), puis des
mélange des images de la presse politique et de la presse Finances (1893-1903), il est nommé Premier ministre en
VANDERSANDE, Alain : Rédacteur en chef du magazine à sensation, sur lesquelles il peint. Il a aussi réalisé plusieurs octobre 1905. Il inspire à Nicolas II le Manifeste impérial
automobile Trick Wheels. (→ 73/8) œuvres sur le thème des horreurs commises dans les camps d’octobre 1905 (→ 31/2). (→ 31/3)
de concentration nazis. (→ 69/1)
VANDERSTICHELEN, Florence : Journaliste belge, XANTI, Alexander SCHAWINSKY dit (1904-1979) : Artiste né
collaboratrice de la revue catholique belge L’Appel, directrice WARHOL, Andy (1928-1987) : Peintre et cinéaste américain. à Bâle de père juif. Il se forme au Bauhaus* et fuit l’Allemagne
de l’asbl « Univers Santé » à l’UCL. (→ 78/4) Un des plus importants artistes du Pop Art. Il utilise des nazie en 1933. Il travaille en Italie, entre 1933 et 1936, pour
techniques apprises lors de sa formation comme dessinateur une maison de dessin de Milan, pour laquelle il réalise cette
VAN HAMME, Jean (1939-…) : Scénariste belge de bande publicitaire : l’impression sérigraphique et la peinture affiche commandée par l’État fasciste. Il quitte ensuite
dessinée. Auteur de plusieurs séries à succès comme XIII acrylique. Il reprend des images de la vie quotidienne, des l’Europe pour les États-Unis. (→ 33/11)
et Largo Winch, il imagine, entre 1992 et 2003, l’histoire photos de stars comme Marilyn Monroe, ou d’hommes
d’une famille de brasseurs belges, les Steenfort : de petite politiques comme Mao, et les reproduit en séries colorées YAN, Chen : Historien chinois. Chercheur et professeur à
entreprise familiale, née au milieu du XIXe siècle, la brasserie dans son atelier, la Factory. (→ 77/3) l’Université de Wuhan, il quitte la Chine en 1982 pour effectuer
devient multinationale* au début du XXIe siècle ; les aventures une thèse en France, mais retourne régulièrement dans son
de plusieurs générations se déroulent sur fond d’Histoire WASSEIGE, Jean-Christophe de : Journaliste belge au Soir- pays natal. Il est journaliste pour Radio France internationale.
économique et sociale. (→ 13/7-8) magazine. Auteur d’articles pour Les territoires de la mémoire, (→ 60/15)
association qui lutte contre le racisme et pour la démocratie
VAN IMMERSEEL, Frans (1909-1978) : Peintre, caricaturiste et la citoyenneté. (→ 105/2) ZADKINE, Ossip (1890-1967) : Sculpteur français d’origine
et graphiste belge. Avant la guerre, ses dessins paraissent russe. Établi à Paris en 1908, il s’engage comme brancardier
dans de nombreux journaux et magazines en Flandre et en WEINBERG, Achille : Collaborateur à la revue Sciences volontaire (1915-1917). Il vit aux États-Unis pendant la
Allemagne. (→ 42/6) humaines. (→ 6/2) Seconde Guerre mondiale. Il applique les principes cubistes
à la sculpture. (→ 24/4)
VAN LIERDE, Jean (1926-2006) : Militant jociste, dessinateur WERTH, Nicolas (1950-…) : Historien français. Chertcheur
industriel et résistant durant la Seconde Guerre mondiale. à l’Institut d’Histoire du Temps présent, il est spécialiste de ZEEGERS, Jacques (1947-…) : Journaliste belge, responsable
Objecteur de conscience, il refuse de faire son service l’Histoire de l’URSS. (→ 44/10) des pages économiques et financières du journal La Libre
militaire et purge plusieurs peines de prison avant que l’État Belgique et professeur à l’ICHEC. (→ 107/4)
belge ne le contraigne à remplacer ce service par deux WIGNY, Pierre (1905-1986) : Homme politique belge PSC,
ans de travail dans la mine du Bois du Cazier, à Marcinelle. ministre des Colonies (1947-1950), ministre des Affaires
Entré à la mine en 1952, il est licencié la même année pour étrangères (1958-1961). (→ 53/7)
avoir dénoncé les conditions de travail des mineurs. Militant
pacifiste et anticolonialiste, ami de LUMUMBA, il lutte contre WILCHAR, Willem PAUWELS, dit (1910-2005) : Affichiste et
la guerre froide et soutient la décolonisation. En 1958, il fonde lithographe belge. Il réalise plusieurs affiches pour les partis
le CRISP et en devient le secrétaire général. (→ 22/4) socialiste et communiste dans les années 1930. Résistant, il
est arrêté en avril 1943 et emprisonné à Breendonk (→ 19),
VAN SCHOORE, Auguste : Journaliste belge. (→ 74/1) puis libéré en juin 1943. (→ 37/8)

VANTHEMSCHE, Guy : Historien belge, professeur d’Histoire WILD, Gérard : Économiste français, spécialiste de la Russie
contemporaine à la Vrije Universiteit Brussel. (→ 54/5) et de l’Europe orientale. Il est membre du Centre d’Études
prospectives et d’Informations internationales (Paris).
(→ 58/3)

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Lexique
Les termes expliqués dans ce lexique sont reproduits dans le manuel en italiques avec un astérisque*.

Action : → titre* et 79 Baril : unité de mesure de volume du pétrole ; un baril correspond à Chemises noires : termes désignant les fascistes italiens à cause
159 litres. de leur uniforme, emprunté aux arditi, soldats spécialisés dans les
Allogènes : populations non russes qui avaient été intégrées à l'Empire coups de main audacieux durant la Première Guerre mondiale et dont
tsariste et le sont restées sous le régime soviétique. D'une façon Bauhaus (Das Staatliche Bauhaus : « la maison de la construction ») : beaucoup rejoindront le mouvement fasciste. Organisés en escouades
générale, se dit d'une population arrivée récemment dans un pays. école d'architecture et d'art créée en 1919 à Weimar (Allemagne), par (squadre), les Chemises noires lancent dès 1920 des expéditions
Walter Gropius, transférée à Dessau (1925), puis à Berlin (1932) avant punitives, notamment contre les communistes et les socialistes.
Amendement : modification apportée à un projet de loi ou à une loi, et d'être fermée par les nazis. Elle visait à intégrer dans l'architecture les
soumise au vote. autres arts « majeurs » (peinture et sculpture) et « appliqués » (arts Chiites : la communauté musulmane se divise en deux groupes
décoratifs). principaux. Ils se forment au VIIe siècle ap. J.-C., suite à la mort de
Amnistie : loi qui a pour but d'effacer un fait punissable, et en Mahomet (Muhammad, en arabe). Les chiites défendaient qu’Ali, un
conséquence, soit d'empêcher ou d'arrêter les poursuites, soit d'effacer Blancs : nom donné aux officiers de l'armée tsariste en raison de la proche du Prophète, devait lui succéder comme calife*. Ils promouvaient
les condamnations. couleur de leur uniforme. Au cours de la guerre civile (1917-1921), le un Islam très religieux et plus engagé au plan de la justice sociale. Les
terme désigne tous les partisans des mouvements anti-bolcheviques* sunnites, eux, s’opposaientà Ali. Issus de l’aristocratie de La Mecque, ils
Anarchisme : doctrine socialiste née à la fin du XIXe siècle et qui refuse (→ Rouges*). se revendiquaient de la tradition (Sunna), mais adoptaient des positions
toute limitation de la liberté individuelle et, notamment, toute forme plus conservatrices en matière religieuse et sociale. Le conflit s’est
d'État. Blocus : encerclement d'un pays ou d'un lieu (Berlin) en vue de l'isoler terminé à l’avantage des sunnites. Aujourd’hui, ils sont majoritaires
de l'extérieur en lui interdisant tout échange ou communication. (environ 90 %). Les chiites se rassemblent surtout en Iran, dans le Sud
Anschluss : en allemand, « rattachement » ; annexion de l'Autriche au de l’Irak et au Liban.
IIIe Reich* en mars 1938. Bolcheviks/bolchevique : en russe, « majoritaire » ; fraction du Parti
Ouvrier Social-Démocrate russe, conduite par Lénine, partisan de la CIA (Central Intelligence Agency) : agence centrale de renseignement
Antisémitisme : doctrine ou attitude d'hostilité systématique à prise insurrectionnelle du pouvoir. (→ mencheviks*) fondée aux États-Unis en 1947, dans le contexte de la guerre froide.
l'égard des Juifs. Il associe les anciens préjugés religieux (le Juif Elle est chargée de l'acquisition de renseignements, notamment par
déicide) et économiques (le Juif usurier) aux théories racistes pseudo- Bombe A : bombe atomique fondée sur une réaction de fission. l'espionnage, et de la plupart des opérations clandestines effectuées
scientifiques. Celle-ci est produite en brisant en deux fragments le noyau d'un atome à l'étranger.
d'uranium 235 ou de plutonium sous l'impact d'un neutron. L'énergie
Apartheid : régime de ségrégation* systématique des gens de couleur de liaison, qui assure la cohésion des protons et des neutrons au sein Coexistence pacifique : doctrine mise au point par Khrouchtchev, à
appliqué en Afrique du Sud jusqu'en 1994. du noyau, se trouve ainsi libérée, ce qui se traduit par un dégagement partir de 1956, selon laquelle chacun des camps accepte l'existence de
de chaleur. En se brisant, le noyau expulse 2 ou 3 neutrons. Ceux-ci l'autre, la compétition se limitant aux plans idéologique et économique.
Armes conventionnelles : appellation forgée par opposition aux armes pourront à leur tour aller briser d'autres noyaux qui expulseront d'autres Désigne aussi la période de la fin des années 1950 et du début des
de destruction massive*. Ensemble des « dispositifs conçus pour tuer, neutrons... dans une réaction en chaîne capable de dégager de grandes années 1960, qui n'a pourtant pas été exempte de crises, notamment
incapaciter ou blesser, le plus souvent au moyen d'explosifs, d'armes quantités d'énergie et de chaleur. La puissance de la bombe A s'exprime celles de Berlin (1961) et de Cuba (1962).
à énergie cinétique et d'armes incendiaires, ainsi que leurs vecteurs » en kilotonnes. Celle d'Hiroshima s'élevait à 14 kilotonnes.
(Lexicon for arms control, disarmament and confidence-building, 2004, Collectivisme/collectivisation : système économique qui met
p. 15). Bombe H : bombe à hydrogène ou thermonucléaire utilisant le principe en commun les moyens de production* au profit d'un ensemble
de fusion d'un noyau léger, comme l'hydrogène ou le lithium. À l'inverse de personne ou d'un État. La collectivisation est l'acte par lequel on
Armes de destruction massive (ADM) : armes nucléaires, biologiques de la fission, cassure d'un noyau atomique lourd, la fusion correspond collectivise, c'est-à-dire par lequel on rend collectifs des moyens de
et chimiques (NBC). à l'agglomération de deux noyaux légers, se fondant l'un dans l'autre production* jusqu'alors privés.
pour former un noyau plus lourd, dans une réaction explosive libérant
Armes à sous-munitions : armes dites de « saturation de zone », beaucoup d'énergie nucléaire. La puissance de la bombe H s'exprime en Complexe militaro-industriel : ensemble d'entreprises militaires et
destinées à « arroser » un large périmètre. Un gros conteneur (bombe, mégatonnes ; elle peut être mille fois plus puissante que la bombe A. industrielles travaillant dans le secteur de la défense et constituant du
obus, missile, roquette) est rempli de bombelettes (les sous-munitions) fait de leurs étroites relations mutuelles un très puissant groupe de
et les disperse au-dessus d'une zone pouvant couvrir plusieurs hectares. Bourse : → 79 pression ou lobby.
Le taux de non-explosion oscille entre 5 % et 30 %. Gisant sur le sol,
dans les arbres ou sur les toits, ces sous-munitions font courir une Califat/calife : 1. Dignité du calife, c'est-à-dire du chef suprême de Concession : contrat entre un État, une province ou une municipalité
menace mortelle aux civils, particulièrement aux enfants. la communauté musulmane après la mort du prophète Mahomet ; et une société privée, donnant à cette dernière le droit d'exploiter
2. Territoire soumis à son autorité ; 3. Durée de son règne. un territoire ou d'assurer un service public (chemin de fer...) et, dans
Armes stratégiques : missiles à longue portée (plus de 5500 km), certains cas, le droit de tenir une armée, de rendre la justice, de battre
pouvant être équipés de têtes nucléaires. Leur portée les distinguent Capital : ensemble des équipements, machines, outillage, stocks... monnaie, de lever des impôts et de signer des traités.
des missiles intermédiaires* (entre 1000 km et 5500 km) et des armes (capital « physique »), des sommes monétaires (capital « financier ») et
tactiques (moins de 500 km). des ressources humaines dont une entreprise dispose. Par extension, Concile : assemblée d'évêques de l'Église catholique appelés à délibérer
le terme « capital » désigne l'ensemble de ceux qui possèdent des et à décider sur des points de doctrine, de liturgie, de morale et/ou de
Arrêté royal ou ministériel : texte adopté en Conseil des ministres en capitaux. discipline ecclésiastique.
vue de la promulgation* d'une loi.
Athéisme/athée : position philosophique qui nie l'existence de toute Casques bleus : force militaire d'interposition de l'ONU, composée de Concordat : convention réglant les rapports entre l'Église catholique
divinité/adepte de cette doctrine. contingents de différents États membres. et l'État.

Ayatollah (« signes d'Allah ») : titre des principaux chefs religieux, Caudillo : au XIXe siècle, en Espagne et en Amérique latine, général Confédération : association permanente d'États souverains*.
interprètes de la loi musulmane de l'Islam chiite*. arrivé au pouvoir à la suite d'un coup d'État (pronunciamiento). Groupement de fédérations*, comme la Confédération générale du
Travail, un des principaux syndicats* français.
Balance commerciale : comparaison entre la valeur des importations Chancelier : chef du Gouvernement (Premier ministre) en Allemagne
et des exportations d'une région, d'un pays ou d'un ensemble de pays. et en Autriche. Congrès : aux États-Unis, ensemble du corps législatif, c'est-à-dire des
Si les importations dépassent les exportations, on parle de déficit sénateurs et des représentants.
commercial. Charismatiques (mouvements) : dans le christianisme, courant spirituel
qui met l'accent sur la prière, les dons de l'Esprit saint (ou charisme) et Conjoncture/conjoncturel : ensemble des éléments qui déterminent
Balance des paiements : comparaison entre les ressources et les le partage des biens ; il est à l'origine de nouveaux mouvements de la situation économique, sociale, politique ou démographique à un
dépenses d'un pays (commerce et services, dépenses des touristes, laïcs au XXe siècle. moment donné/relatif à l'ensemble de ces éléments.
intérêts des capitaux) en devises étrangères.

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Consortium : groupement d'entreprises ou de banques en Diaspora : ensemble des membres d'un peuple dispersés à Fatah : mouvement de résistance pour la libération de la
Repères vue d'opérations communes. travers le monde, mais restant en relation (la diaspora juive,
arménienne...).
Palestine fondé par Yasser Arafat en 1959. Organisation
politico-militaire, elle regroupe plusieurs organismes, entre
Constitution/constitutionnel : loi fondamentale, en général autres l'OLP. En 1996, le Fatah prend la tête de l'Autorité
écrite, qui définit les règles de la vie politique d'un État : Diktat : mot allemand désignant un traité imposé par le plus palestinienne.
droits des citoyens, forme de gouvernement et répartition fort et n'ayant pour appui et justification que la force ; dans
Dictionnaire
des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire/relatif à la l'entre-deux-guerres, désigne le traité de Versailles (28 juin Fédération/fédéral : association d'États autonomes ou de
Constitution. 1919). régions qui abandonnent au pouvoir central ou fédéral des
prérogatives d'intérêt commun (politique étrangère, défense,
Convention collective (de travail) : accord officiel conclu Dissident : personne qui cesse d'adhérer à une communauté, monnaie...) tout en conservant la gestion autonome de leurs
entre syndicats représentatifs des salariés et employeurs, une idéologie, un système politique, à cause d'une divergence propres affaires/relatif à une fédération.
dans un secteur professionnel donné, pour fournir un cadre d'opinion.
aux conditions de travail et aux salaires. Fondamentalisme : doctrine qui consiste à considérer comme
Dominion : territoire doté d'une autonomie interne, mais rigoureusement exact, jusque dans la lettre, le contenu des
Corps francs : unités de volontaires allemands chargés de qui reste dépendant de la Couronne britannique pour les Livres saints (Bible, Coran) et à en appliquer intégralement les
protéger les frontières de l'Est après 1918 et de lutter contre questions de souveraineté* externe, c'est-à-dire de politique prescriptions, en s'opposant à toute interprétation historique
le communisme. étrangère, de défense... et scientifique de ces textes.

Cycle économique : fluctuation économique de courte ou Douma : terme russe signifiant « conseil ». Assemblée Front populaire : → 83
de moyenne durée : phase ascendante, retournement de exerçant des fonctions législatives sous Nicolas II, de 1906 à
tendance, dépression, reprise. 1917, et nom actuel du Parlement russe. Führer : de l'allemand, « conducteur », « guide ». Titre pris par
Hitler à partir de 1934. (→ duce*)
Dada : → 110 Duce : titre pris par Mussolini en 1922, signifiant le « chef »,
le « guide ». (→ Führer*) Génocide (du grec genos, « race », avec le suffixe -cide,
Déficit budgétaire : situation financière d'un État dont les désignant le meurtre) : terme entré dans le droit international
dépenses dépassent les recettes. Dans l'Union européenne, Dumping : vente à perte sur un marché étranger afin de le pour désigner des actes « commis dans l'intention de détruire,
ce déficit ne peut pas être supérieur à 3 %. (→ dette conquérir, en compensant cette perte par les ventes au prix en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
publique*) normal sur le marché national. religieux, comme tel » (article II de la Convention des Nations
unies du 9 décembre 1948). (→ 102/1)
Déflation : diminution continue et forte du niveau général Einsatzgruppen : « groupes spéciaux », composés de
des prix par des mesures monétaires (réduction de la masse membres de la Gestapo*, de la SS* et d'auxiliaires ukrainiens Gestapo (Geheime staatspolizei ou « police secrète d'État ») :
monétaire en circulation), financières (encadrement du et baltes, constitués à partir de juin 1941 et chargés de fusiller police politique créée en avril 1933 par Göring. En 1934, elle
crédit, contrôle des prix...) ou plus générales (diminution des massivement les cadres communistes et les Juifs dans les passe sous l'autorité de Himmler qui est nommé, en juin
revenus, des dépenses publiques). territoires occupés à l'Est. Les massacres de masse de Juifs 1936, Reichsführer SS* et chef de toutes les polices.
qu'ils ont perpétrés sont qualifiés de « Shoah* par balles ».
Démocraties populaires : appellation des régimes instaurés Ghetto : nom initialement donné au quartier juif de Venise
par le Parti Communiste en Europe centrale et orientale au Embargo : suspension des exportations de marchandises situé près d'une ancienne fonderie (ghetto ou getto en italien)
lendemain de la Seconde Guerre mondiale. vers un État, à titre de sanction ou de moyen de pression. et entouré de murs en 1516. Les nazis réinventent la pratique
de l'isolement de quartiers juifs dès l'invasion de la Pologne
Déportation : Au XVIIIe siècle, exil. En Russie tsariste et en Encyclique : lettre solennelle du pape aux évêques de toute en 1939.
URSS, sous Staline, déplacement forcé de populations non l'Église ; elle est généralement désignée par les premiers
russes arrachées à leur lieu d'origine, leur mode de vie et leurs mots du texte. Glasnost : « fait de rendre public », en russe. Politique
coutumes. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, transfert de transparence initiée par Gorbatchev pour rompre
d'une personne dans un camp de concentration. Équilibre de la terreur : course aux armements nucléaires à avec les pratiques de langue de bois, de mensonges, de
laquelle se livrent les deux grands et qui aboutit à un équilibre dissimulations.
Dépression : récession économique de longue durée qui suit qui dissuade l'autre d'utiliser ses armes, ce qui conduirait à la
la crise. La crise est elle-même le point de retournement de destruction réciproque. Goulag : mot russe abréviatif (Glavnoie OUpravlenie LAGuereï
la conjoncture*. La dépression prend fin lorsque se dessine la ou « direction principale des camps ») qui désigne le système
reprise économique. Au sens strict, on parlera donc de crise État de guerre : en 1981, en Pologne, l'expression est concentrationnaire soviétique, institué par décret le 15 avril
de 1929 et de dépression des années 1930. synonyme d'état d'urgence*. 1919. (→ 32/11)

Design : recherche esthétique appliquée à des objets État d'urgence : situation de troubles ou d'insécurité justifiant Grand Bond en Avant : programme économique et social
utilitaires, à des meubles, à l'habitat... Elle est caractérisée par aux yeux de l'État la suspension d'un certain nombre de appliqué en Chine de 1958 à 1960. En imposant à l'agriculture
le rapprochement entre l'art et l'industrie, le projet de produire libertés individuelles. et à l'industrie des quotas minimums de production, le Grand
en quantité des biens de qualité et l'ambition de créer des Bond avait pour objectif de rattraper le niveau économique
objets et environnements à la fois esthétiques, fonctionnels État d'exception : → état d'urgence*. de la Grande-Bretagne et des États-Unis en quelques
et réalisables industriellement. années. Parallèlement, l'État chinois instaure les communes
États « voyous » (Rogue States) : termes utilisés aux États- populaires, regroupant plusieurs villages, soit en moyenne
Déstalinisation : processus enclenché à la suite du discours Unis, depuis 2001, pour désigner des États qui, à leurs yeux, 5000 familles. Contrôlant les moyens de production, ces
de N. Khrouchtchev devant le XXe Congrès du PCUS, en ne respectent pas, à l'intérieur, les droits de l'homme et, à communes sont quasiment autosuffisantes et deviennent la
1956, dénonçant les crimes et pratiques du stalinisme l'extérieur, constituent une menace pour la paix, notamment base de la vie sociale et économique du pays.
(→ 32). Cependant, en URSS, le Goulag* subsiste, les droits en entretenant le terrorisme et en s'équipant d'armes de
et libertés demeurent inexistants et la répression s'abat sur destruction massive*. (→ 127) Holocauste : terme biblique signifiant « sacrifice où l'on brûle
Budapest en 1956. la victime entière ». Il est utilisé dans le monde anglo-saxon
Éthique : qui concerne la morale. pour désigner le génocide* des Juifs (→ Shoah* et Solution
Détente : période du début des années 1970, marquée par finale*).
une baisse des tensions entre les États-Unis et l'URSS, et Eugénisme : ensemble des méthodes qui visent à protéger,
qui culmine avec les accords d'Helsinki (1975) par lesquels accroître et améliorer les éléments les plus robustes et les Incivique : ce terme désigne, en Belgique, toute personne
32 pays de l'Est et de l'Ouest s'engagent à respecter les mieux doués d'un groupe humain déterminé et à limiter la coupable de collaboration sous l'Occupation allemande
frontières de chacun, à préserver la paix et à respecter les reproduction des individus porteurs de caractères jugés pendant la Seconde Guerre mondiale.
droits humains. défavorables.
Indice de développement humain : indice mis au point par
Dette publique : somme des emprunts d'un État. La charge Existentialisme : courant de la philosophie moderne qui le Programme des Nations unies pour le Développement et
de la dette est la somme des intérêts à payer chaque année. place, au centre de la réflexion intellectuelle, l'existence qui intègre l'espérance de vie à la naissance, le pourcentage
concrète, immédiate, individuelle de l'homme. d'alphabétisation des adultes et le PIB* par habitant.
Dévaluation : diminution officielle, par l'État, de la parité* de
la monnaie nationale. Fascisme : → 83

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Indice général des prix/Index : indice qui mesure l'évolution du prix Libre-échange : système économique dans lequel les marchandises Personnalité juridique : aptitude à être sujet de droit. Pour la Déclarartion
des produits et services consommés par les ménages et donne donc circulent sans paiement de taxes et sans entraves douanières. C'est le universelle des droits de l'homme, chacun doit être reconnu comme
une appréciation de l'évolution du coût de la vie. contraire du protectionnisme*. personne, avec tous ses droits.

Inflation : augmentation générale des prix, calculée grâce à l'indice Libre pensée : position philosophique marquée par le refus de toute Plan quinquennal : plan établi par l'État soviétique et fixant les quantités
général des prix*. vérité imposée ou dogmatisme, qu'il soit religieux ou politique, et par la de production à atteindre au terme d'une période de 5 ans.
confiance en la raison.
Internationale (Troisième) : organisation fondée par Lénine en 1919 Plébiscite : 1. Consultation des citoyens qui accordent ou non leur
dans le but d'aider les révolutionnaires communistes européens et Management : ensemble des techniques de direction, d'organisation et confiance à un homme politique ; 2. Consultation où la population d'un
d'unir les communistes du monde entier (→ Komintern*). de gestion d'une entreprise. territoire est appelée à choisir l'État dont elle veut relever.

Intifada : terme arabe qui signifie « soulèvement ». Révolte spontanée Mandat : pouvoir accordé par la SDN à une puissance chargée Pogrom : émeute accompagnée de pillages et de meurtres, dirigée
des Palestiniens des territoires occupés contre la puissance israélienne. d'assister (mandat A) ou d'administrer (mandats B et C) certains États contre une communauté juive dans l'Empire russe, particulièrement en
La première débute en 1987, la seconde en 2000. ou territoires. Pologne, en Ukraine et Bessarabie, entre 1881 et 1921.

Investissements directs étrangers (IDE) : opérations financières Mencheviks : en russe, « minoritaire » ; fraction du Parti Ouvrier Social- Poujadisme : doctrine politique, antiparlementaire, nationaliste et hostile
menées par les firmes multinationales* et visant la création de Démocrate russe, favorable à un Gouvernement de coalition avec les à l'Europe de l'Union de Défense des Commerçants et Artisans fondée
nouvelles unités dans de nouveaux pays, ou l'entrée dans le capital partis de droite. (→ bolcheviks*) par Pierre Poujade (France, 1953). Par extension, attitude politique
d'une entreprise étrangère. revendicative et étroitement corporatiste.
Métropole : 1. Pays colonisateur ; 2. Capitale politique ou économique
Islamisme : → 113 d'une région, d'un État. Pouvoirs spéciaux : capacité octroyée par le pouvoir législatif au pouvoir
exécutif de légiférer par arrêté royaux*, pour une période déterminée et
Isolationnisme : politique visant à s'abstenir de tout engagement Missiles intermédiaires : missiles à portée intermédiaire (1000 km à lorsque des circonstances graves le justifient.
diplomatique ou économique vis-à-vis d'autres nations. 5500 km), les « euromissiles » par exemple. Leur portée les distinguent
des armes stratégiques* (plus de 5500 km) et tactiques (moins de Président du Conseil (des ministres) : en France et en Italie, titre du
Junte : en Amérique latine, Gouvernement autoritaire, le plus souvent 500 km). Premier ministre.
militaire, né d'un coup d'État.
Mondialisation : → 6/2 et 107/1 Prisonnier politique : personne arrêtée en raison de ses opinions.
Juste (parmi les Nations) : titre décerné à des non-Juifs ayant risqué
leur vie pour sauver un Juif pendant la Seconde Guerre mondiale. Moudjahidin (de l'arabe djihad, « combat ») : combattants au nom de Productivité : rapport entre la quantité produite et les moyens de
la religion musulmane. production*, pris globalement ou isolément.
Kibboutz : villages communautaires créés en Israël par le mouvement
sioniste* depuis le début du XXe siècle. Moujik : paysan pauvre en Russie. (→ koulak*) Produit intérieur brut (PIB) : somme de la valeur des biens et des
services produits, en une année, par les entreprises nationales et
Kolkhoze : en URSS, coopérative de production agricole où terres, Moyens de production : capital* et main-d'œuvre nécessaires à la étrangères résidant dans le pays.
bâtiments d'exploitation et matériel sont mis en commun. Les paysans production d'un bien ou d'un service.
ont droit à une petite parcelle individuelle et un peu de bétail. Produit national brut (PNB) : somme de la valeur des biens et des
Multinationale : groupe d'entreprises installées dans plusieurs pays, services produits, en une année, par les entreprises nationales, y
Kominform : abréviation russe de « Bureau d'information communiste ». mais relevant d'une direction unique. (→ 107) compris celles situées à l'étranger.
Créé en 1947, lors d'une réunion des représentants des partis
communistes du bloc soviétique, de l'Italie et de la France, ce bureau Nacht ou Nebel (en allemand, « Nuit et brouillard ») : décret signé Promulguer : rendre une loi exécutoire en en publiant le contenu.
veille à l'orthodoxie des positions des partis communistes par rapport par le maréchal Keitel, le 7 décembre 1941, et visant la répression des
aux vues de Moscou. résistants des pays d'Europe occidentale ; par extension, l'expression Protectionnisme : système douanier qui entend protéger l'économie
désigne ces résistants eux-mêmes. nationale de la concurrence étrangère en frappant de taxes très lourdes
Komintern : Troisième Internationale* communiste, fondée en mars les importations de produits étrangers. (→ libre-échange*)
1919 par Lénine. Nationalisation : fait de rendre « national » ou de rendre à la « nation »,
c'est-à-dire de transférer à l'État la propriété de certains biens, de certains Protectorat : régime juridique établi par un traité international et selon
Kommando : dans le système concentrationnaire nazi, détachement de moyens de production* ou de certains services (santé, par exemple), et lequel un État protecteur contrôle un État protégé. Entre la colonie
détenus affectés à une tâche. Par extension, ce terme désigne le lieu donc de les rendre collectifs*. C'est le contraire de la privatisation. et le protectorat, la différence est donc souvent d'ordre strictement
de détention dépendant d'un camp de concentration et regroupant des juridique : le protectorat maintient une fiction d'État indépendant.
prisonniers travaillant dans une usine, un atelier... Nationalité : existence ou volonté d'existence en tant que Nation d'un
peuple uni par une langue, une race, une histoire et des traditions Ratification/ratifier : acte juridique par lequel un État, souvent le
Koulak : au départ, ce terme désigne, en Russie, le paysan qui possède communes. pouvoir législatif, approuve un engagement international pris par son
des terres ; ensuite, après 1917, il désigne tout paysan qui résiste à la représentant/approuver un engagement international...
collectivisation*. Négationnistes : → 102
Ready-made : objets manufacturés promus à la dignité d'œuvres d'art
Krach : mot d'origine allemande signifiant « craquement », « débâcle », Nomenklatura : cadres dirigeants formant une classe de privilégiés par la volonté de l'artiste.
et, par extension, chute brutale du cours des actions* à la bourse*. disposant de nombreux avantages au sein de l'État soviétique.
Référendum : consultation de l'ensemble des citoyens pour approuver
Krematoria ou Krematorium : four crématoire. Chaque camp en est Obligation : → titre* et 79 ou rejeter une mesure proposée par le pouvoir exécutif.
équipé afin de brûler les cadavres quelque soit la cause de la mort.
Dans les centres d'extermination nazis, bâtiments associant salle de Œcuménisme : mouvement qui préconise l'union de toutes les Églises Reich (IIIe) (en allemand, « IIIe Empire ») : nom donné à l'Allemagne
déshabillage, chambres à gaz et fours crématoires. chrétiennes en une seule. nationale-socialiste sous Hitler (1933-1945). Le Ier Reich correspond
au Saint-Empire romain de la nation germanique (962-1806) ; le IIe
Laïcité : idéal de séparation de l'Église et de l'État, de la religion et de Oflag : camp allemand où étaient internés les officiers des armées Reich à l'Empire fondé par Bismarck sous l'hégémonie de la Prusse
la société, l'Église et la religion ne pouvant avoir d'influence que dans le alliées, pendant la Seconde Guerre mondiale. (→ stalag*) (1871-1918).
domaine de la vie privée. La laïcité n'est opposée à aucune religion et
ne veut en favoriser aucune. Un État laïque* est donc un État qui fait en Pandémie : épidémie qui s'étend sur un ou plusieurs continents. Reichstag : assemblée législative allemande, élue au suffrage universel,
sorte que chacun puisse adopter la religion de son choix. Dans certains sous la république de Weimar (1919-1933). Sous le IIIe Reich*, elle est
cas, il estime légitime d'empêcher les manifestations publiques de Parité (d'une monnaie) : taux de change* officiel par rapport à un étalon entièrement dominée par le Parti Nazi et son rôle se borne à recevoir les
croyances religieuses individuelles, comme le port de signes religieux qui peut être l'or ou une autre monnaie, le dollar par exemple. explications du Gouvernement et à acclamer les discours de Hitler.
dans certains lieux.
Perestroïka (« reconstruction » en russe) : politique initiée par Révisionnisme : → 102
Laïc/laïque : 1. Par opposition aux ecclésiastiques, personne qui ne Gorbatchev et visant la réforme de l'économie et de la vie politique.
fait pas partie du clergé ; 2. Personne qui est indépendante de toute Révolution culturelle : vaste campagne idéologique lancée par MAO
confession religieuse et qui se réfère à l'idéal de la laïcité*. Personnalisme : philosophie qui fait de la personne humaine, du sujet TSÉ-TOUNG dès 1965 contre les tendances bourgeoises et les anciennes
individuel et de son autonomie, la valeur essentielle. Son principal coutumes encore bien ancrées dans la société chinoise. Elle s'appuie
représentant est le philosophe français Emmanuel Mounier. sur la jeunesse organisée en « gardes rouges » et sur la diffusion du

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Petit Livre rouge de Mao. Les intellectuels soupçonnés de Sionisme : mouvement religieux et politique qui, à partir du Taux de change : quantité de monnaie nationale nécessaire
Repères conservatisme et les réfractaires au pouvoir sont envoyés
en rééducation dans les campagnes et/ou exécutés. Cette
XIXe siècle, vise à l'établissement, puis à la consolidation d'un
État juif en Palestine appelé « la Nouvelle Sion » (du nom d'une
pour obtenir une unité monétaire d'un autre pays.

« révolution » couvrait une lutte pour le pouvoir au sein du des collines de Jérusalem). Taux de fécondité : rapport entre le nombre de naissances
Parti Communiste chinois. (sauf les enfants morts-nés) et la population féminine en
Skinhead : individu au crâne rasé, portant des vêtements âge de procréer (de 15 à 49 ans) d'un territoire donné durant
Dictionnaire
Rexisme : → 83 de style militaire, et développant souvent un comportement une année. Le seuil de renouvellement d'une population est
d'agressivité et de violence. Mouvement de jeunes né à la fin estimé à 2,1 enfants par femme dans les pays développés.
Rouelle : pièce de tissu ronde (« petite roue »), de couleur des années 1960, issus d'un milieu social modeste et aimant
jaune, imposée aux juifs par le concile* de Latran III (1179) la bagarre et la musique reggae. À la fin des années 1970, le Taux de mortalité : nombre de décès enregistrés en un an
afin de les séparer des chrétiens. La mesure est reprise en mouvement se diversifie et se politise. Certains sont tentés pour 1000 habitants.
Espagne, France et Italie, du XIIIe au XVe siècle, pour empêcher par l'idéologie nazie, d'autres par l'extrême gauche.
les unions entre chrétiens et juifs, et pour empêcher Taux de natalité : nombre de naissances (sauf les enfants
ces derniers d'accéder aux fonctions publiques, de sortir Société anonyme : société par actions* où la responsabilité morts-nés) enregistrées en un an pour 1000 habitants.
pendant la semaine sainte... Dans les pays germaniques, les financière des actionnaires*, en cas de faillite, ne s'étend pas
discriminations sont identiques, mais se marquent par le port à leur avoir personnel mais uniquement à l'investissement Taylorisme : organisation scientifique du travail mise au
d'un chapeau. Au XVIe siècle, les ghettos* se généralisent, consenti dans la société. Celle-ci n'est, normalement, pas point par l'ingénieur américain F.W. Taylor entre 1874 et
ce qui rend inutile tout signe distinctif. La rouelle jaune désignée par le nom d'un associé, d'où sa désignation 1884. Elle vise à augmenter la productivité en éliminant les
symboliserait les deniers d'or que Judas a reçus pour avoir d'« anonyme ». gestes inutiles et en liant le salaire à la production. Variante
trahi Jésus. du taylorisme, le fordisme, mis au point par Henry FORD, en
Solde migratoire : différence entre le nombre de personnes 1913, se caractérise par le travail à la chaîne.
Rouges : le terme désigne les partisans du pouvoir qui sont entrées sur un territoire et le nombre de personnes
bolchevique* pendant la révolution russe de 1917 et la guerre qui en sont sorties durant un temps donné. Tchéka (abréviation russe pour « Commission extraordinaire
civile. (→ Blancs*) panrusse de lutte contre la contre-révolution, la spéculation et
Solution finale (Endlösung en allemand) : expression utilisée le sabotage ») : police politique créée en Russie en décembre
SA (Sturmabteilung, sections d'assaut ou « Chemises par les nazis pour désigner la « solution » qu'ils préconisent 1917, ancêtre de la GUEPEOU (1922), du NKVD (1934) et du
brunes ») : milice du Parti Nazi. Lors de la Nuit des longs à la « question juive », c'est-à-dire l'extermination des Juifs. KGB (1954).
couteaux en 1934, Hitler en élimine les chefs. Elle perd (→ 35/1)
un tiers de ses membres et se limite alors à encadrer les Théocratie : régime politique dans lequel le pouvoir est
manifestations de masse du parti. À distinguer des SS*. Sonderkommando (en allemand, « commando spécial ») : exercé par des chefs religieux, ou par un souverain dont
kommando* de Juifs contraints de vider les chambres à gaz l'autorité se présente comme venant directement de Dieu.
Saint-Office : nom donné, de 1908 à 1967, à l'institution et d'incinérer les cadavres dans les camps d'extermination.
pontificale s'occupant des affaires de la foi et de la morale. (→ 20/3) Titre : document, souvent au porteur, c'est-à-dire non
Elle s'appelait auparavant Sacrée Congrégation de l'Inquisition nominatif, qui peut être de deux types. L'action* est un titre
romaine et universelle, et avait été créée par Paul III en Souveraineté : principe juridique de droit international qui de propriété qui représente une fraction du capital* d'une
1542 ; le Tribunal de l'Inquisition en dépendait, jusqu'à sa garantit l'indépendance d'un État. Ce principe lui permet société privée, notamment d'une société anonyme*. Sa valeur
suppression au début du XVIIIe siècle. Aujourd'hui, elle se d'établir son propre système politique, économique, social et évolue en fonction de l'offre et de la demande et est négociée
nomme Congrégation pour la Doctrine de la Foi. juridique, le garantit contre toute occupation de son territoire à la bourse*. L'actionnaire dispose d'une voix à l'assemblée
et l'assure d'être traité d'égal à égal par les autres États. générale de la société ainsi que d'une part des bénéfices
Sandinistes : terme associé au Front de Libération nationale (les dividendes) proportionnelle à la fraction du capital* qu'il
du Nicaragua, se référant à Augusto Cesar Sandino Soviets : terme russe pour désigner les « conseils » de possède. Une obligation* est un titre de créance remis par
(1893-1934) qui avait organisé une guérilla (1927-1933) pour soldats, d'ouvriers, de paysans, durant les révolutions russes une société commerciale, une entreprise nationalisée* ou
lutter contre l'occupation de son pays par les troupes des de 1905 et 1917. Ensuite, par extension, la Chambre des l'État à ceux qui lui prêtent des capitaux*. Le porteur est
États-Unis. Ce front, né dans les années 1960 sous l'influence représentants (Soviets de l'Union) et celle des Républiques remboursé dans un temps déterminé et perçoit un intérêt
cubaine, renverse la dictature de Somoza en 1979 et fédérées (Soviets des Nationalités) de l'URSS. annuel fixe. (→ 79)
instaure un régime socialiste. Lors des élections de 1990, les
sandinistes perdent la première place au profit de l'opposition Sovkhoze : ferme d'État créée après la collectivisation* des Totalitarisme/totalitaire : → 83
démocratique, mais poursuivent leur participation au pouvoir. terres en URSS. Entreprise agricole pilote appartenant à l'État
et gérée par des fonctionnaires. Transition démographique : période dans l'Histoire
Sécularisation (ou laïcisation) : séparation de l'Église et de démographique des sociétés marquée par une diminution
l'État, de la religion et de la société, chacun exerçant ses Spéculation : devancement de la hausse ou de la baisse des plus rapide du taux de mortalité* par rapport à celle du taux
missions propres. (→ laïcité*) mouvements de l'offre et de la demande d'un bien ou d'un de natalité*.
titre* (→ 79).
Ségrégation : action de séparer. Le mot désigne d'abord Volkssturm (de l'allemand Volk, « peuple », et Sturm,
la pratique visant à isoler les bâtiments des colonisateurs SS (en allemand, abréviation de Schutzsstaffel, « escouade « assaut ») : en 1944, levée en masse des hommes de 17 à
dans les pays colonisés, puis la séparation organisée et de protection ») : à l'origine, garde rapprochée de Hitler, élite 60 ans non mobilisés pour compenser le manque de soldats
réglementée de la population de couleur par rapport aux armée du Parti Nazi. Sous l'impulsion de Himmler qui en est dans la Wehrmacht*.
Blancs (ségrégation raciale). Au XXe siècle, le mot s'étend le chef en 1929, elle devient la police du Reich*. Sélectionnés
à toute forme de séparation de personnes ou de groupes sur base de critères raciaux très stricts, les SS sont divisés Wehrmacht : armée de terre allemande.
en raison de leur condition sociale (ségrégation sociale). en plusieurs sections, dont l'unité « à tête de mort » chargée
(→ Apartheid*) de la surveillance des camps de concentration. À distinguer
des SA*.
Shoah : mot hébreu signifiant « catastrophe telle qu'il ne peut
en exister de plus grande ». Ce terme a supplanté, surtout Stalag : camp allemand où étaient internés les prisonniers
depuis le succès du film de Claude LANZMANN (→ notices de guerre non officiers, pendant la Seconde Guerre mondiale.
biographiques des auteurs), ceux d'Holocauste* ou de (→ oflag*)
génocide* pour désigner l'extermination de masse des Juifs
d'Europe par les nazis. Sunnites : → chiites*

Sida : syndrome d'immuno-déficience acquise. Le virus de Talibans : étudiants en théologie des écoles coraniques
cette maladie a été isolé en 1983. qui forment, en 1994, un mouvement politico-militaire ultra
fondamentaliste* dans le Sud de l'Afghanistan. Ils instaurent
Sikhs : adeptes du sikhisme, une des quatre grandes religions en 1996 une république islamiste* dans ce pays. Ils sont
de l'Inde. Né au XVe siècle, le sikhisme affirme l'existence chassés du pouvoir, en 2001, par l'intervention américaine.
d'un Dieu créateur unique et rejette le système des castes
hindoues. Tamouls : peuple du Sud de l'Inde et du Sri Lanka.

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Table des sigles
Pour les sigles des programmes et institutions spécialisées de l'ONU → 87/3
Pour les sigles des partis politiques belges → 104

ACJB : Action catholique de la Jeunesse belge MOC : Mouvement ouvrier chrétien (Belgique)
ADM : Armes de destruction massive NASA : National Aeronautics and Space Administration (Administration nationale de l'Aéronautique
AELE : Association européenne de Libre-Échange et de l'Espace)
AFP : Agence France Presse NEP : Nouvelle politique économique
ATTAC : Association pour une Taxation des Transactions financières pour l'Aide aux Citoyens NKVD : Commissariat national aux Affaires intérieures (→ 45/10)
BCE : Banque centrale européenne NSDAP : Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (Parti Nazi)
BIRD : Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement OCDE : Organisation de Coopération et de Développement économiques
CAEM : Conseil d'Assistance économique mutuelle (→ COMECON) OECE : Organisation européenne de Coopération économique
CARICOM : Carribean Community and Common Market OLP : Organisation de Libération de la Palestine
CECA : Communauté européenne du Charbon et de l'Acier ONAFTS : Office national d’Allocations familiales pour Travailleurs salariés
CED : Communauté européenne de Défense ONEM : Office national de l'Emploi (Belgique)
CEE : Communauté économique européenne ONG : Organisation non gouvernementale
CEEA : Communauté européenne de l'Énergie atomique, ou Euratom ONP : Office national des Pensions
CEGES : Centre d'Études et de Documentation « Guerre et Sociétés contemporaines » (Belgique) ONSS : Office national de la Sécurité sociale
CEI : Communauté des États indépendants (ex-URSS) ONU : Organisation des Nations unies
CIA : Central Intelligence Agency (Agence centrale du Renseignement - États-Unis) ONVA : Office national des Vacances annuelles
CNRS : Centre national de la Recherche scientifique (Belgique) OTAN : Organisation du Traité de l'Atlantique-Nord
COCOF : Commission communautaire française (de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale) OTASE : Organisation du Traité de l'Asie du Sud-Est
COMECON : Conseil d'Assistance économique mutuelle OUA : Organisation de l'Unité africaine
CPAS : Centre public d'Action sociale (Belgique) PAC : Politique agricole commune
CRISP : Centre de Recherche et d'Information socio-politiques PCF : Parti Communiste Français
DDP : Deutsche Demokraten Partei (Démocrates libéraux allemands) PCUS : Parti Communiste de l'Union soviétique
FAT : Fonds des Accidents du Travail PIB : Produit intérieur brut
FBI : Federal Bureau of Investigation (Bureau fédéral d'Enquêtes aux États-Unis) PNB : Produit national brut
FGTB : Fédération générale du Travail de Belgique RDA : République démocratique allemande
FLN : Front de Libération nationale (Algérie) RDC : République démocratique du Congo
FN : Front National (France) RFA : République fédérale d'Allemagne
FNL : Front national de Libération (Sud-Viêtnam) SALT : Strategic Arms Limitation Talks
FMP : Fonds des Maladies professionnelles SDN : Société des Nations
FPÖ : Freiheitliche Partei Österreich (Parti de la Liberté d'Autriche) SED : Sozialistische Einheitspartei Deutschlands (Parti Socialiste unifié de la RDA)
FUNDP : Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur SFIO : Section française de l'Internationale ouvrière
GATT : General Agreement on Tarifs and Trade (Accord général sur le Commerce et les SME : Système monétaire européen
Tarifs douaniers) SMI : Système monétaire international
GIEC : Groupe d'Experts intergouvernemental sur l'Évolution du Climat START : Strategic Arms Reduction Treaty (Traité sur la Réduction des Armes stratégiques*)
GRIP : Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la Sécurité STO : Service du Travail obligatoire
IDS : Initiative de Défense stratégique (« guerre des étoiles ») TPIR : Tribunal pénal international pour le Rwanda
IFOP : Institut français d'Opinion publique TPIY : Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
INAMI : Institut national d’Assurance Maladie Invalidité UE : Union européenne
KGB : Komitet Gossoudarstvennoï Bezopasnosti (Comité de Sécurité de l'État - URSS) UEM : Union économique et monétaire
MERCOSUR : Marché commun du Sud de l'Amérique latine URSS : Union des Républiques socialistes soviétiques
MINUAR : Mission des Nations unies pour l'Assistance au Rwanda

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Repères
Dictionnaire

Note de l’éditeur : malgré nos recherches, nous n’avons pas pu joindre tous les ayants droit des textes et illustrations reproduits dans cet ouvrage.
Qu’ils trouvent ici invitation à nous contacter.
13/10 et 12 © CASTERMAN 14/1 © Hubinon & Charlier - Dupuis, 1985 14/2 © Desberg & Labiano - 2005 14/3 © Marvano - Dargaud Benelux (Dargaud-Lombard s.a.), 2007 14/4 © Sente et Julliard -
éditions Blake et Mortimer, 2000 18/1 et 6 © SABAM Belgium 2008 19/1 et 2 © SABAM Belgium 2008 22/1 © Archives de Wallonie/Musée de la Photographie, Charleroi, Camille Detraux/Raymond
Paquet 22/3 © Deru Jean-Luc 23/1, 3 et 4 © SABAM Belgium 2008 24/1 © 2008-Courtens/Droits SOFAM-Belgique 24/2 © J.-L. Jadoulle 24/3 et 4 © SABAM Belgium 2008 25/3 © Getty Images
25/4 © Belga 25/5 © EPA 26/3 © SABAM Belgium 2008 30/7 Collection Ceges-Bruxelles-35251 31/5 © Paris, BNF 31/8 © SABAM Belgium 2008 31/13 © Paris, BNF 37/8 © Archives de la ville de
Bruxelles © SABAM Belgium 2008 37/10 © Archives de la ville de Bruxelles 37/16 © AVDN, Antwerpen 40/1 et 4 © SABAM Belgium 2008 42/1 Collection Cegesoma-130899 42/5 Collection Ceges-
Bruxelles-100005451 42/6, 9 et 11 © Collection Musée royal de l’Armée et d’Histoire militaire-Bruxelles 52/6 et 10 © SABAM Belgium 2008 54/12 © Museum für Völkerkunde, Wien oder MVK, Wien
61/2 et 12 © Belga 62/6 © Belga 65/6 © Institut Émile Vandervelde 66/1, 3 et 4 © Archives de la ville de Bruxelles 69/1 © SABAM Belgium 2008 69/9 © Belga 69/11 et 13 © VPM 70/1 © 2003
Getty Images 75/7 Repro KADOC-KULeuven 77/1, 3, 4, 16, 17 et 20 © SABAM Belgium 2008 77/13 © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles - Photo ACL © SABAM Belgium 2008
77/19 © Istockphoto © SABAM Belgium 2008 77/22 Bill Viola, The Quintet of the Astonished, 2000, Color video rear projection on screen mounted on wall in dark room, Photo: Kira Perov 101/1 © Belga
105/4 Collections du CARHOP 108/2 © Rossel, 2008 110/1 © Tate, London, 2008 © SABAM Belgium 2008 110/2-4 © SABAM Belgium 2008 114/4 © Paris, BNF 115/3 © Paris, BNF 115/4 © SABAM
Belgium 2008 116/3 © [email protected]

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Construire l’Histoire
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Construire l’Histoire 4

scientifique
Conseillère
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Auteurs
$4OZFST
Le monde 4PVTMBEJSFDUJPOEF *7BOEFS#PSHIU
.&3JDLFS 6$-

Le monde des années 1920 et 1930  +FBO-PVJT+BEPVMMFFUEF+FBO(FPSHFT 77BO-JFNQU1ZDLF


La diffusion de la crise [de 1929] dans le monde /3
Les directeurs de collection et les auteurs remercient Catherine ADAM, Jean-Luc BLANPAIN, Marie-Thérèse COENEN, Marie-
La Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
La décolonisation et l’émergence du tiers-monde
85/1

j$0/4536*3&-)*450*3&x Sous la direction de +FBO-PVJT+BEPVMMFet de +FBO(FPSHFT
Victoire de GROOTE, Xavier DELEPLANQUE, Paul de THEUX, Vincent ENGEL, Jacqueline HENDRICKX, Philippe JANSSENS,
Le monde bipolaire de 1947 à 1989  Bichara KHADER, Manya KOSYREFF, Jean PIROTTE, Anne ROEKENS, Paul SERVAIS, Anne VAN DEN BULCKE.
Le monde de 1991 à 2008 

4
Les conflits à composante religieuse aujourd’hui /1
Les opérations de paix de l’ONU /1
Un exemple de multinationale à l’heure de la mondialisation : Toyota dans le monde en 2003
Les échanges planétaires
/1
/2
t 1BSDFRVBQQSFOESFDFTUDIFSDIFS E¹DPVWSJSFUCONSTRUIREEFTDPOOBJTTBODFTOPVWFMMFTy
t 1BSDFRVF EBOTMJNQPTTJCJMJU¹EPCTFSWFSMBWJFEFTIPNNFTEVQBTT¹ MIJTUPSJFOOFQFVURVFTFO
6ONPOEFFONVUBUJPO
Les inégalités au niveau planétaire (IDH en 2006) 
La dynamique de la population mondiale
Taux de mortalité des moins de 5 ans, 2005 (pour 1000 naissances vivantes)
/1
5/2
CONSTRUIREVOFSFQS¹TFOUBUJPO MBQMVTmE¼MFQPTTJCMF
t 1BSDFRVFMBDPNQS¹IFOTJPOEVQBTT¹TFSUµQS¹QBSFSMFT¹M¼WFTµCONSTRUIREM)JTUPJSF DFMMFRVJDPNNFODF
EFµOPTKPVST
Comparaison des émissions de CO2 dans le monde /6
EFNBJOy
L’Afrique et l’Asie
La région des Grands Lacs : zones de conflit et ressources minières et énergétiques (1996-2003) /7 yMBDPMMFDUJPOj$0/4536*3&-)*450*3&xPGGSFy
Le Proche et le Moyen-Orient durant l’entre-deux-guerres /1
Les enjeux du Moyen-Orient /1
Israël et la Palestine de 1947 à 2000 /1 … µM¹M¼WF : … µMFOTFJHOBOU, un guide :
Israël et les territoires palestiniens en 2006 /1
La Chine et le Japon entre 1910 et 1950 /1 un manuel riche de très nombreux matériaux pour : - pour construire des E¹NBSDIFTEFORVºUFFUEBQQSFOUJTTBHF
La guerre de Corée (1950-1953) /1 - relier QBTT¹FUQS¹TFOU ; en classe, BOBMZTFSBWFDMFT¹M¼WFTMFTOPNCSFVYEPDVNFOUT
La guerre du Viêtnam /5
- prendre conscience de TFTQSPQSFTSFQS¹TFOUBUJPOT de la vie que contient le manuel et DPOTUSVJSFVOFWJTJPOTZOUI¹UJRVFEV
Les Amériques des hommes du passé ; QBTT¹ ; Maquette et mise en page : Page-In Lincent
- découvrir MFTSBDJOFTEFM0DDJEFOUFUEFOPTS¹HJPOT EBOTMF - proposant des TJUVBUJPOTEBQQSFOUJTTBHFFUE¹WBMVBUJPO
Photo de la couverture : Page-In Lincent
La crise de Cuba /5 NPOEF ; des quatre grandes DPNQ¹UFODFTEFMIJTUPSJFO : s’interroger,
L’Amérique latine aujourd’hui /2 - s’initier aux démarches d’BOBMZTFDSJUJRVFqui sont le propre de critiquer, synthétiser et communiquer ; Photo Fort de Breendonk : Wim Robberechts & Co nv
l’historien ; - accompagné d’un CD-ROM comprenant un choix de Crédits photographiques : voir page 336
L’Europe
- approfondir et étoffer ses découvertes BVSFHBSEEFM¹UBU EPDVNFOUTTPOPSFTFUDBSUPHSBQIJRVFT ainsi que le EPTTJFS Cartographies : K. Adams, BDK, Tongres
L’Europe en 1914  EFTDPOOBJTTBODFTIJTUPSJRVFT et s’approprier des SFQ¼SFT EBQQSFOUJTTBHF.
L’Europe aux lendemains des traités de paix /8 DISPOPMPHJRVFTFUH¹PHSBQIJRVFT ;
L’Europe des années 1920  - développer les DPNQ¹UFODFT énoncées dans les référentiels en
L’Europe en 1938-1939  vigueur dans l’enseignement secondaire.
L’Europe en 1948 
Transformations territoriales et déplacements de populations en Europe entre 1944 et 1950 /8 un dossier d’apprentissage pour l’aider à développer savoirs, savoir-
Les étrangers dans l’Europe des 25 en 2003 /3 faire et compétences, et faire le point sur ses acquis.
L’Union européenne en 2007 : l’Europe des 27 55/10
L’Europe en 2008 et la construction européenne  Même si la loi autorise, moyennant le paiement de redevances (via la société Reprobel - www.reprobel.be, créée à cet effet),
la photocopie de courts extraits dans certains contextes bien déterminés, JMSFTUFUPUBMFNFOUJOUFSEJUEFSFQSPEVJSF, sous
Les autres États et régions d’Europe Chacun des quatre tomes est réalisé par une équipe d’enseignants, QSBUJDJFOTEFMFOTFJHOFNFOU quelque forme que ce soit, en tout ou en partie, MFQS¹TFOUPVWSBHF. (Loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits
TFDPOEBJSF et/ou EJEBDUJDJFOTEFMIJTUPJSF, et conseillés par des IJTUPSJFOTEFN¹UJFS, spécialistes s du f
ne
voisins, modifiée par la loi du 3 avril 1995, parue au Moniteur du 27/07/1994 et mise à jour au 30/08/2000)
L’Italie en 1920 /1 de la période étudiée dans le manuel. L’ensemble de la collection a été conçu et supervisé par
Le démembrement de la Tchécoslovaquie [1938-1939] /9
Cette reproduction sauvage cause un préjudice certain aux auteurs et aux éditeurs.

raci

ut
Camps de concentration et centres d’extermination (1939-1945) /2
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L’Allemagne et Berlin [pendant la guerre froide] /2 d’enseignants et professeurs de didactique de l’Histoire à l’université. © 2008 Éditions Didier Hatier - édition corrigée 2009

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La guerre civile et les pertes territoriales de la Russie, 1918-1921 /1 Éditeur responsable : D2H SA - Place Baudouin Ier, 2 - B-5004 Namur (Bouge) - www.groupeerasme.be
La fin des « États-satellites » de l’URSS, 1988-1989 /11 Tome 1 - 3e année : Les racines de l’Occident (jusqu’au Xe siècle) Imprimé en Belgique
Le pétrole et le gaz russes en 2006 58/6 Tome 2 - 4e année : L’affirmation de l’Occident (XIe-XVIIIe siècle)
le ISBN : 978-2-87441-158-8
Les Balkans depuis 1992 et le plan de paix pour la Bosnie de décembre 1995 /1
Tome 3 - 5e année : L’Europe dans le monde : expansion er révolutions (de la fin du XVIIIe siècle à 1918) DL : 2009/3030/67
Tome 4 - 6e année : Un monde en mutation (de 1919 à nos jours)
nouveau

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La diffusion de la crise [de 1929] dans le monde /3
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La décolonisation et l’émergence du tiers-monde
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Le monde de 1991 à 2008 

4
Les conflits à composante religieuse aujourd’hui /1
Les opérations de paix de l’ONU /1
Un exemple de multinationale à l’heure de la mondialisation : Toyota dans le monde en 2003
Les échanges planétaires
/1
/2
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6ONPOEFFONVUBUJPO
Les inégalités au niveau planétaire (IDH en 2006) 
La dynamique de la population mondiale
Taux de mortalité des moins de 5 ans, 2005 (pour 1000 naissances vivantes)
/1
5/2
CONSTRUIREVOFSFQS¹TFOUBUJPO MBQMVTmE¼MFQPTTJCMF
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EFµOPTKPVST
Comparaison des émissions de CO2 dans le monde /6
EFNBJOy
L’Afrique et l’Asie
La région des Grands Lacs : zones de conflit et ressources minières et énergétiques (1996-2003) /7 yMBDPMMFDUJPOj$0/4536*3&-)*450*3&xPGGSFy
Le Proche et le Moyen-Orient durant l’entre-deux-guerres /1
Les enjeux du Moyen-Orient /1
Israël et la Palestine de 1947 à 2000 /1 … µM¹M¼WF : … µMFOTFJHOBOU, un guide :
Israël et les territoires palestiniens en 2006 /1
La Chine et le Japon entre 1910 et 1950 /1 un manuel riche de très nombreux matériaux pour : - pour construire des E¹NBSDIFTEFORVºUFFUEBQQSFOUJTTBHF
La guerre de Corée (1950-1953) /1 - relier QBTT¹FUQS¹TFOU ; en classe, BOBMZTFSBWFDMFT¹M¼WFTMFTOPNCSFVYEPDVNFOUT
La guerre du Viêtnam /5
- prendre conscience de TFTQSPQSFTSFQS¹TFOUBUJPOT de la vie que contient le manuel et DPOTUSVJSFVOFWJTJPOTZOUI¹UJRVFEV
Les Amériques des hommes du passé ; QBTT¹ ; Maquette et mise en page : Page-In Lincent
- découvrir MFTSBDJOFTEFM0DDJEFOUFUEFOPTS¹HJPOT EBOTMF - proposant des TJUVBUJPOTEBQQSFOUJTTBHFFUE¹WBMVBUJPO
Photo de la couverture : Page-In Lincent
La crise de Cuba /5 NPOEF ; des quatre grandes DPNQ¹UFODFTEFMIJTUPSJFO : s’interroger,
L’Amérique latine aujourd’hui /2 - s’initier aux démarches d’BOBMZTFDSJUJRVFqui sont le propre de critiquer, synthétiser et communiquer ; Photo Fort de Breendonk : Wim Robberechts & Co nv
l’historien ; - accompagné d’un CD-ROM comprenant un choix de Crédits photographiques : voir page 336
L’Europe
- approfondir et étoffer ses découvertes BVSFHBSEEFM¹UBU EPDVNFOUTTPOPSFTFUDBSUPHSBQIJRVFT ainsi que le EPTTJFS Cartographies : K. Adams, BDK, Tongres
L’Europe en 1914  EFTDPOOBJTTBODFTIJTUPSJRVFT et s’approprier des SFQ¼SFT EBQQSFOUJTTBHF.
L’Europe aux lendemains des traités de paix /8 DISPOPMPHJRVFTFUH¹PHSBQIJRVFT ;
L’Europe des années 1920  - développer les DPNQ¹UFODFT énoncées dans les référentiels en
L’Europe en 1938-1939  vigueur dans l’enseignement secondaire.
L’Europe en 1948 
Transformations territoriales et déplacements de populations en Europe entre 1944 et 1950 /8 un dossier d’apprentissage pour l’aider à développer savoirs, savoir-
Les étrangers dans l’Europe des 25 en 2003 /3 faire et compétences, et faire le point sur ses acquis.
L’Union européenne en 2007 : l’Europe des 27 55/10
L’Europe en 2008 et la construction européenne  Même si la loi autorise, moyennant le paiement de redevances (via la société Reprobel - www.reprobel.be, créée à cet effet),
la photocopie de courts extraits dans certains contextes bien déterminés, JMSFTUFUPUBMFNFOUJOUFSEJUEFSFQSPEVJSF, sous
Les autres États et régions d’Europe Chacun des quatre tomes est réalisé par une équipe d’enseignants, QSBUJDJFOTEFMFOTFJHOFNFOU quelque forme que ce soit, en tout ou en partie, MFQS¹TFOUPVWSBHF. (Loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits
TFDPOEBJSF et/ou EJEBDUJDJFOTEFMIJTUPJSF, et conseillés par des IJTUPSJFOTEFN¹UJFS, spécialistes s du f
ne
voisins, modifiée par la loi du 3 avril 1995, parue au Moniteur du 27/07/1994 et mise à jour au 30/08/2000)
L’Italie en 1920 /1 de la période étudiée dans le manuel. L’ensemble de la collection a été conçu et supervisé par
Le démembrement de la Tchécoslovaquie [1938-1939] /9
Cette reproduction sauvage cause un préjudice certain aux auteurs et aux éditeurs.

raci

ut
Camps de concentration et centres d’extermination (1939-1945) /2
+FBO-PVJT +ADOULLE FU +FBO (EORGES, enseignants d’Histoire dans le secondaire, formateurs
L’Allemagne et Berlin [pendant la guerre froide] /2 d’enseignants et professeurs de didactique de l’Histoire à l’université. © 2008 Éditions Didier Hatier - édition corrigée 2009

ur
La guerre civile et les pertes territoriales de la Russie, 1918-1921 /1 Éditeur responsable : D2H SA - Place Baudouin Ier, 2 - B-5004 Namur (Bouge) - www.groupeerasme.be
La fin des « États-satellites » de l’URSS, 1988-1989 /11 Tome 1 - 3e année : Les racines de l’Occident (jusqu’au Xe siècle) Imprimé en Belgique
Le pétrole et le gaz russes en 2006 58/6 Tome 2 - 4e année : L’affirmation de l’Occident (XIe-XVIIIe siècle)
le ISBN : 978-2-87441-158-8
Les Balkans depuis 1992 et le plan de paix pour la Bosnie de décembre 1995 /1
Tome 3 - 5e année : L’Europe dans le monde : expansion er révolutions (de la fin du XVIIIe siècle à 1918) DL : 2009/3030/67
Tome 4 - 6e année : Un monde en mutation (de 1919 à nos jours)
nouveau

ES2871_CH4_Cover_MAN.indd 1 13-05-2009 16:20:03


Construire l’Histoire
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Construire l’Histoire 4

scientifique
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Auteurs
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Le monde 4PVTMBEJSFDUJPOEF *7BOEFS#PSHIU
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Le monde des années 1920 et 1930  +FBO-PVJT+BEPVMMFFUEF+FBO(FPSHFT 77BO-JFNQU1ZDLF


La diffusion de la crise [de 1929] dans le monde /3
Les directeurs de collection et les auteurs remercient Catherine ADAM, Jean-Luc BLANPAIN, Marie-Thérèse COENEN, Marie-
La Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
La décolonisation et l’émergence du tiers-monde
85/1

j$0/4536*3&-)*450*3&x Sous la direction de +FBO-PVJT+BEPVMMFet de +FBO(FPSHFT
Victoire de GROOTE, Xavier DELEPLANQUE, Paul de THEUX, Vincent ENGEL, Jacqueline HENDRICKX, Philippe JANSSENS,
Le monde bipolaire de 1947 à 1989  Bichara KHADER, Manya KOSYREFF, Jean PIROTTE, Anne ROEKENS, Paul SERVAIS, Anne VAN DEN BULCKE.
Le monde de 1991 à 2008 

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Les conflits à composante religieuse aujourd’hui /1
Les opérations de paix de l’ONU /1
Un exemple de multinationale à l’heure de la mondialisation : Toyota dans le monde en 2003
Les échanges planétaires
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t 1BSDFRVBQQSFOESFDFTUDIFSDIFS E¹DPVWSJSFUCONSTRUIREEFTDPOOBJTTBODFTOPVWFMMFTy
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6ONPOEFFONVUBUJPO
Les inégalités au niveau planétaire (IDH en 2006) 
La dynamique de la population mondiale
Taux de mortalité des moins de 5 ans, 2005 (pour 1000 naissances vivantes)
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CONSTRUIREVOFSFQS¹TFOUBUJPO MBQMVTmE¼MFQPTTJCMF
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EFµOPTKPVST
Comparaison des émissions de CO2 dans le monde /6
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L’Afrique et l’Asie
La région des Grands Lacs : zones de conflit et ressources minières et énergétiques (1996-2003) /7 yMBDPMMFDUJPOj$0/4536*3&-)*450*3&xPGGSFy
Le Proche et le Moyen-Orient durant l’entre-deux-guerres /1
Les enjeux du Moyen-Orient /1
Israël et la Palestine de 1947 à 2000 /1 … µM¹M¼WF : … µMFOTFJHOBOU, un guide :
Israël et les territoires palestiniens en 2006 /1
La Chine et le Japon entre 1910 et 1950 /1 un manuel riche de très nombreux matériaux pour : - pour construire des E¹NBSDIFTEFORVºUFFUEBQQSFOUJTTBHF
La guerre de Corée (1950-1953) /1 - relier QBTT¹FUQS¹TFOU ; en classe, BOBMZTFSBWFDMFT¹M¼WFTMFTOPNCSFVYEPDVNFOUT
La guerre du Viêtnam /5
- prendre conscience de TFTQSPQSFTSFQS¹TFOUBUJPOT de la vie que contient le manuel et DPOTUSVJSFVOFWJTJPOTZOUI¹UJRVFEV
Les Amériques des hommes du passé ; QBTT¹ ; Maquette et mise en page : Page-In Lincent
- découvrir MFTSBDJOFTEFM0DDJEFOUFUEFOPTS¹HJPOT EBOTMF - proposant des TJUVBUJPOTEBQQSFOUJTTBHFFUE¹WBMVBUJPO
Photo de la couverture : Page-In Lincent
La crise de Cuba /5 NPOEF ; des quatre grandes DPNQ¹UFODFTEFMIJTUPSJFO : s’interroger,
L’Amérique latine aujourd’hui /2 - s’initier aux démarches d’BOBMZTFDSJUJRVFqui sont le propre de critiquer, synthétiser et communiquer ; Photo Fort de Breendonk : Wim Robberechts & Co nv
l’historien ; - accompagné d’un CD-ROM comprenant un choix de Crédits photographiques : voir page 336
L’Europe
- approfondir et étoffer ses découvertes BVSFHBSEEFM¹UBU EPDVNFOUTTPOPSFTFUDBSUPHSBQIJRVFT ainsi que le EPTTJFS Cartographies : K. Adams, BDK, Tongres
L’Europe en 1914  EFTDPOOBJTTBODFTIJTUPSJRVFT et s’approprier des SFQ¼SFT EBQQSFOUJTTBHF.
L’Europe aux lendemains des traités de paix /8 DISPOPMPHJRVFTFUH¹PHSBQIJRVFT ;
L’Europe des années 1920  - développer les DPNQ¹UFODFT énoncées dans les référentiels en
L’Europe en 1938-1939  vigueur dans l’enseignement secondaire.
L’Europe en 1948 
Transformations territoriales et déplacements de populations en Europe entre 1944 et 1950 /8 un dossier d’apprentissage pour l’aider à développer savoirs, savoir-
Les étrangers dans l’Europe des 25 en 2003 /3 faire et compétences, et faire le point sur ses acquis.
L’Union européenne en 2007 : l’Europe des 27 55/10
L’Europe en 2008 et la construction européenne  Même si la loi autorise, moyennant le paiement de redevances (via la société Reprobel - www.reprobel.be, créée à cet effet),
la photocopie de courts extraits dans certains contextes bien déterminés, JMSFTUFUPUBMFNFOUJOUFSEJUEFSFQSPEVJSF, sous
Les autres États et régions d’Europe Chacun des quatre tomes est réalisé par une équipe d’enseignants, QSBUJDJFOTEFMFOTFJHOFNFOU quelque forme que ce soit, en tout ou en partie, MFQS¹TFOUPVWSBHF. (Loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits
TFDPOEBJSF et/ou EJEBDUJDJFOTEFMIJTUPJSF, et conseillés par des IJTUPSJFOTEFN¹UJFS, spécialistes s du f
ne
voisins, modifiée par la loi du 3 avril 1995, parue au Moniteur du 27/07/1994 et mise à jour au 30/08/2000)
L’Italie en 1920 /1 de la période étudiée dans le manuel. L’ensemble de la collection a été conçu et supervisé par
Le démembrement de la Tchécoslovaquie [1938-1939] /9
Cette reproduction sauvage cause un préjudice certain aux auteurs et aux éditeurs.

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Camps de concentration et centres d’extermination (1939-1945) /2
+FBO-PVJT +ADOULLE FU +FBO (EORGES, enseignants d’Histoire dans le secondaire, formateurs
L’Allemagne et Berlin [pendant la guerre froide] /2 d’enseignants et professeurs de didactique de l’Histoire à l’université. © 2008 Éditions Didier Hatier - édition corrigée 2009

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La guerre civile et les pertes territoriales de la Russie, 1918-1921 /1 Éditeur responsable : D2H SA - Place Baudouin Ier, 2 - B-5004 Namur (Bouge) - www.groupeerasme.be
La fin des « États-satellites » de l’URSS, 1988-1989 /11 Tome 1 - 3e année : Les racines de l’Occident (jusqu’au Xe siècle) Imprimé en Belgique
Le pétrole et le gaz russes en 2006 58/6 Tome 2 - 4e année : L’affirmation de l’Occident (XIe-XVIIIe siècle)
le ISBN : 978-2-87441-158-8
Les Balkans depuis 1992 et le plan de paix pour la Bosnie de décembre 1995 /1
Tome 3 - 5e année : L’Europe dans le monde : expansion er révolutions (de la fin du XVIIIe siècle à 1918) DL : 2009/3030/67
Tome 4 - 6e année : Un monde en mutation (de 1919 à nos jours)
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