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DYNAMIQUE D’UN ESPACE HALIEUTIQUE: LE

DÉBARCADÈRE DE BAMBOUCHINE
Mesmin EDOU
Département de Géographie,
Université Omar Bongo,
Libreville, Gabon

Résumé
Le débarcadère de Bambouchine contribue à l’approvisionnement de
Libreville en produits halieutiques, malgré l’absence d’infrastructure routière
adéquate, d’équipements de débarquement et de conservation. Cette situation ne
facilite pas le développement de l’activité de pêche artisanale dans la région.
Pourtant, la pêche suscite des interactions, des impacts socio-économiques et
spatiaux non négligeables entre Libreville et Bambouchine.
La présente étude tente d’évaluer les interactions du débarcadère avec les
espaces environnants et son rôle dans l’approvisionnement en produits halieutiques
de Libreville. L’approche méthodologique s’appuie sur des observations spatialisées
et des enquêtes de terrain.
In fine, l’étude met en relief la complexité de cette filière, à travers son mode
de fonctionnement. Elle nécessite des aménagements afin de permettre, à terme, que
Bambouchine offre plus de produits halieutiques aux consommateurs de Libreville.

Mots clés : pêche artisanale, débarcadère, Bambouchine, Libreville, Gabon

Abstract
Title : Dynamic of halieutic space : bambouchine unloading dock
Bambouchine unloading dock contributes to the supply of Libreville in fisheries
products despite the absence of adequate road infrastructure, conservation and
landing equipment. This situation does not facilitate the development of small-scale
fishing activity in the region. However, fishing is interactions, socio-economic and
spatial impacts non-negligible between Libreville and Bambouchine.
This contribution based on spatial observations and field surveys, attempts to
evaluate the interactions of the landing with the surrounding spaces and its role in
the supply of fisheries products of Libreville.

Key words: artisanal fishing, unloading dock, Bambouchine, Libreville, Gabon.

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INTRODUCTION
Situé dans la banlieue est de Libreville, dans la province de l’Estuaire,
entre 0°25’ de latitude nord et 9°28’ de longitude est, le débarcadère de
Bambouchine est un site stratégique dont la contribution est importante dans
l’approvisionnement de la capitale gabonaise en produits de pêche (cf. carte
1).
Carte 1: Localisation de la zone de Bambouchine

Ce lieudit est situé sur la rive gauche du cours d’eau Abondo. Son
exutoire est la baie de la Mondah qui débouche dans la baie de Corisco, dans
l’océan Atlantique. Ce domaine comprend 800 km de littoral, 42 000 km² de

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plateau continental, 15 000 km² de talus continental1 et un vaste ensemble
d’estuaires, de lagunes côtières, de mangroves et des fonds de moins de 200
m de profondeur, d'une surface approximative de 40 600 km2. C’est dans la
Zone Economique Exclusive (ZEE) (213 000 km²) que se pratique la pêche
industrielle et artisanale maritime.
Les courants de Benguela, sud équatorial, et de Guinée au nord, riches
en apports nutritifs, participent au développement des espèces végétales et
animales. Les espèces se répartissent selon le substrat et la salinité des eaux
qui varie entre 30,59‰ et 34,46‰, divergeant selon les saisons de l’année.
De plus, les upwellings côtiers, dont les isothermes oscillent entre 26 et 27°C
en zone équatoriale, jouent un rôle particulièrement remarquable dans les
apports en nutriments pour les ressources halieutiques (MOMBO et al.,
2000).
Les différentes espèces recensées dans les eaux gabonaises sont :
Pseudololithus senegalensis (bar) et elongatus (bossu), Polydactylus
quadrifilis (capitaine), Pomadasys jubelini (dorade grise), Arius heudeloti
(machoiron), Lutjanus sp (rouge), Mugil capito (mulet), Sardina pilcharus
(sardinelle), Ethmalosa fimbriata (ethmalose), Panaeus sp (crevette), etc.
L’étude du débarcadère de Bambouchine permet d’évaluer les
interactions, le chevauchement et l’emboîtement de l’espace halieutique de ce
lieu avec d’autres espaces environnants. Cette contribution fait apparaître les
rapports entre l’homme et l’espace maritime. La matérialisation de ces
rapports s’exprime par des flux complexes d’échanges entre individus et
portent sur des produits halieutiques. Au regard de ce qui précède, comment
est organisé l’espace halieutique de Bambouchine ? Quelle est l’importance
de cet espace dans l’approvisionnement de Libreville en produits
halieutiques ?

1. MATÉRIEL ET MÉTHODES
Cette étude est menée selon la démarche inductive qui consiste à
explorer un phénomène ou un problème dans le but de formuler des
hypothèses de recherche, qui à leur tour, pourront être testées via une
démarche déductive. Cette approche méthodologique établit un contact direct
avec le réel étudié par l’observation sur le terrain des indices et repères
significatifs et prometteurs. En effet, cette méthode a porté sur l’organisation
de l’espace halieutique de Bambouchine. Un questionnaire a été élaboré, pour
recueillir des informations quantitatives et qualitatives relatives aux
aménagements et infrastructures existantes sur ce lieu, les équipements, les
pêcheurs et le mode d’organisation de cet espace. En outre, ce questionnaire a

1
Ministère de l’économie forestière, des eaux de la pêche, chargé de l’environnement et de
la protection de la nature (2e Rapport sur biodiversité en 2004)
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permis de collecter les données, d’une part sur le mode d’organisation des
circuits de distribution des produits halieutiques, leur commercialisation, et
d’autre part sur les contraintes auxquelles le débarcadère fait face tout en
préconisant les solutions.
Les données recueillies sur le terrain ont été traitées et analysées à
l’aide des logiciels Sphinx et Excel. Le logiciel Map Info a été utilisé pour
l’élaboration de la carte, cette dernière a été exportée dans le logiciel Paint.
Tout en insistant sur la complexité de l’organisation de l’espace
halieutique, avec les différentes composantes qui jouxtent l’activité de pêche,
on constate que l’espace d’écoulement des produits de Bambouchine souffre
d’une absence de structuration.

2. ORGANISATION DE L’ESPACE HALIEUTIQUE DE BAMBOUCHINE


Le débarcadère de Bambouchine joue un rôle d’interface entre le milieu
marin et le milieu continental. Le débarbacadère doit sa création à
l’exploitation forestière qui fut la première activité économique de cet espace
géographique. Ce site de débarquement fait partie de la strate mineure
d’Aviation à Libreville. En matière de statistique des pêches, on entend par
strate, une unité administrative, une région, une ville ou une zone
géographique donnée. Au Gabon les provinces littorales (Estuaire, Ogooué-
Maritime et Nyanga) sont érigées en strates majeures à l’intérieur desquelles
on retrouve les strates mineures. La difficulté d’accès à cette région, due à
certaines conditions climatiques, isole le débarcadère de son hinterland.

2.1. Un site de débarquement dans l’agglomération de Libreville


Le site se trouve à 5 km de Libreville, dans le bassin sédimentaire
côtier datant des ères Secondaire et Tertiaire. Il possède un littoral très
échancré par l’Estuaire du Gabon. Le débarcadère est installé sur le chenal de
marée Abondo, au fond de l’estuaire de la Mondah, à l’abri de la houle qui
affecte la zone côtière, de Cocobeach au Cap Estérias. Le cours d’eau
enregistre des profondeurs de 6 à 12 mètres, selon les marées. Il dispose d’un
lit mineur d’une largeur de plus de 80 mètres. Ses qualités nautiques (berges
abruptes, profondeurs) sont favorables à une utilisation permanente du
débarcadère.
L’espace halieutique du Gabon est constitué de neuf strates majeures
dans les 9 provinces du pays (Estuaire, Haute-Ogooué, Moyen-Ogooué,
Ngounié, Nyanga, Ogooué-Ivindo, Ogooué-Lolo, Ogooué-Maritime et
Woleu-Ntèm). Une strate majeure est une région de pêche à forte influence
de pêcheurs. Chaque strate majeure regroupe des strates mineures. La strate
mineure est, en général, un regroupement d’arrondissements, de cantons ou
de départements administratifs sous une unique appellation. Elle coiffe les

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sites de débarquement rattachés. Par exemple, la strate majeure de l ’Estuaire
comprend trois strates mineures : Pont-Nomba, Cocobeach et Aviation. La
strate mineure Aviation est constituée de 9 sites de débarquement (Akiliba,
Ambowè, Aviation, Sablière, Jeanne Ebori, Ile Nendé, Ikendjé, Cap Estérias,
Bambouchine). Celle du Pont-Nomba en compte 14 (Pont Nomba, BIT, Grande
Poubelle, Petite Poubelle, Soduco, Oloumi, Lalala, Mindoubé, Pêcherie confiance,
Barracuda, Akourname 2, Alenakiri, Silani, Mayaya).
Le site étudié présente des avantages liés à la proximité des lieux de
production et de commercialisation. Ainsi, le débarcadère est à 25 mn de
Libreville, en voiture ; à 1 heure de la baie de la Mondah, en pirogue.
Selon Vande Weghe (2003), les eaux côtières et estuaires du Gabon
comptent près de 200 espèces de poissons.

2.2. Un débarcadère d’accès difficile


Une route, en latérite, permet d’accéder au débarcadère de
Bambouchine. Elle est empruntée par les « clandos »2 qui assurent l’essentiel
du transport des personnes et des marchandises périssables et semi-
périssables. Mais son mauvais état met Bambouchine dans une situation
d’enclavement. L’axe routier Libreville-Bambouchine, long de 5 km, n’est
praticable qu’en saison sèche. Pendant les saisons des pluies (mars-avril et
octobre-novembre), le site est quasiment isolé de Libreville. Les fortes pluies
qui s’abattent dans cette région érodent la voie en latérite. Les bourbiers, les
crevasses, et « les nids de poule » en sont les différentes composantes de
paysage. Cette situation engendre des conditions de circulation difficiles et
des coûts de transport anormalement élevés (Libreville- PK9 à Bambouchine
passe de 500 F CFA à 1000 F CFA), limitant les échanges et conduisant à
l’isolement du débarcadère et des villages établis sur cet axe, y freinant ainsi
l’écoulement de la production halieutique. Certains commençants et
consommateurs sont obligés de s’approvisionner à d’autres débarcadères tels
que Ambowé ou Pont-Nomba. De même, certains pêcheurs préfèrent
débarquer leur production à Ambowé.

2.3. Bambouchine, un site de pêche aux infrastructures


insuffisantes
Construit de part et d’autre d’une route, Bambouchine, autrefois appelé
Sibang, doit ce nom à l’existence des bambous de Chine. Le village de
pêcheurs est composé d’autochtones (Sékyani, Myéné, Fang), de nationaux
en provenance du sud et d’Ouest-africains, notamment des Nigérians. Le
lieudit ne reflète pas le paysage d’un village de pêcheurs comme certains de

2
Clandos, nom donné aux transporteurs urbains clandestins, sans titre de transport.

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la périphérie de Libreville. Celui-ci est construit de bâtis faits en matériaux
durables (ciment, bois divers, tôles). On note la présence de quelques claies et
fumoirs pour le séchage et le fumage des poissons. Cette situation s’explique
par le fait que les pêcheurs ne représentent que 5% de la population totale du
village. De plus, certains pêcheurs transforment leurs produits halieutiques
dans les campements (Nkendjé, Mbelavom, Maka et Néndé). D’autres y
habitent et ne viennent au débarcadère que pour la livraison de leurs
cargaisons.
Bambouchine dispose de quelques équipements établis sur la rive
gauche de la rivière Abondo : un château d’eau, un magasin de stockage des
outils de pêche, une pondeuse de glace, la chambre froide pour le stockage et
la conservation des produits halieutiques. Ces équipements ont été implantés
dans les années 1980 par la collectivité de la région. Aujourd’hui, ils sont
dans un état défectueux. Le groupe électrogène, qui servait à alimenter les
équipements ci-dessus cités, est abandonné dans les hautes herbes (Photo 1).

Photo 1 : Abri du groupe électrogène de Bambouchine (hors d’usage)

Cliché EDOU, 2011

Cette situation ne facilite pas l’activité halieutique de Bambouchine. Il


n’y a pas de station d’essence sur place. Les pêcheurs sont obligés de se
ravitailler en carburant et en glace à Libreville (5 km). Le débarcadère, n’a
pas de quai aménagé. Les prises sont débarquées à même le sol.

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3. PRODUCTION ET FILIÈRE DE DISTRIBUTION DES PRODUITS DE PÊCHE
Les produits halieutiques sont essentiellement prélevés en mer. Cet
espace maritime est structuré en secteurs d’activités spécifiques.
L’hinterland, appelé encore « arrière pays », est l’espace d’écoulement des
produits halieutiques capturés dans le lieu de production. Cette partie
s’attache à décrire ces deux espaces, en étroite connexion par le biais de la
zone de débarquement qui joue un rôle nodal.

3.1. L’espace de production


Ce lieu est un espace maritime inclus dans la mer territoriale. Cette
zone (ensemble des eaux comprises entre 0 et 3 milles3 marins y compris les
eaux intérieures) est réservée aux pêcheurs artisanaux toutes nationalités
confondues. L’accès à cet espace est assujetti à la détention d’une
autorisation de pêche qui définit le type de filet (maillage, texture) et la
période de pêche (repos biologique sardine : 1er septembre au 30 octobre de
l’année). Cette zone aquatique est exploitée par les pêcheurs de Bambouchine
et ceux des villages environnants dont le nombre a varié depuis cinquante ans
(Figure 1).
Fig. 1 : Evolution des unités de pêche à Bambouchine

Source : enquête de Juin 2010

En 1960, Bambouchine disposait de 20 pirogues (Patinon, 1985, p.


56). Dans les années 1980, cet effectif est multiplié par deux4. Cette période
reluisante des activités de pêche s’explique par la forte demande de la
population gabonaise en protéines animales d’origine aquatique. La dotation
du débarcadère par la collectivité locale du Komo Mondah d’une pondeuse
3
1 mille marin = 1 852 m
4
http://www.fao.org/docrep/003/R9777F/R9777F00.HTM (Rapport du Groupe de travail ad
hoc sur les ressources demersales et les crevettes du Gabon). Archives de documents de la
FAO.
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de glace, d’un magasin de stockage, d’un château d’eau et d’un groupe
électrogène a fortement contribué à la dynamique des activités halieutiques.
A partir des années 1990 jusqu’à nos jours, la courbe évolutive des unités de
pêche à Bambouchine connait une régression. Le rapatriement massif des
étrangers, par les pouvoirs publics et la migration des pêcheurs vers d’autres
points de débarquement, pour des raisons d’affiliation communautaire sont
des facteurs, parmi tant d’autres, qui ont contribué à la baisse du nombre
d’unités de pêche. L’état de la route suscite un désintérêt des acteurs
halieutiques pour ce débarcadère qui ne compte plus que 36 pêcheurs5, soit
18 pirogues, avec un débarquement de 156 tonnes de produits halieutiques en
2009 (tableau I).

Tableau n° I: Captures mensuelles par espèce à Bambouchine en 2009 (tonnes)


Trim 1 Trim 2 Trim 3 Trim 4 Année
Banane de mer (Albula vulpes) 0 0,06 0,28 0 0,34
Bar C.T (Pseudotolithus senegalensis) 8,99 10,23 10,6 3,1 32,92
Bar L.T (Pseudotolithus typus) 8,78 10,66 10,57 3,08 33,09
Bécune (Sphyreana sp) 7,37 6,51 8,18 2,11 24,17
Bossu (Pseudotolithus elongatus) 6,86 6,32 6,94 2,1 22,22
Carangue (Caranx hippos) 0 0,93 0,23 0 1,16
Daurade grise (Pomadasys pro) 4,87 3,89 4,46 1,58 14,8
Daurade rose (Sparus c.) 0 0 0,16 0 0,16
Ethmalose (Ethmalosa fimbriata) 24,9 21,95 16,26 0 63,11
Faux thon (Alectis alexandrin ) 3,35 1,71 1,86 0,58 7,5
Gros capitaine (Polydact. Quad) 12,69 14,07 15,14 4,25 46,15
Machoiron de mer (Arius latisc) 1,29 1,72 1,77 0,53 5,31
Machoiron E. douce (Chrysichtys) 0,1 0,18 0 0 0,28
Maquereau (Scomber japonicus) 0,48 0,52 0 0 1
Mérou (Epinephelus marginatus) 0 0 0,01 0,03 0,04
Petit capitaine (Galeoides dec) 7,74 5,84 6,21 1,94 21,73
Raie (Dasyatis ukpam) 0 0 0 0 0
Requin (Carcharhinus leucas) 0,01 0 0,04 0 0,05
Rouge (Lutjanus dentatus) 5,2 7,64 8,74 5,74 27,32
Sardinelle (Sardinella aurita) 0 0 0 0 0
Sole (Cynoglossus sp) 3,13 2,32 2,67 0,93 9,05
Thon (Thunnus sp) 0,31 0 0,21 0,01 0,53
Tortue de mer (Testudinata) 0,01 0 0 0 0,01
Autres 7,11 5,72 4,48 0,95 18,26
TOTAL 103,19 100,27 98,81 26,93 329,2
Source : DGPA, 2009.

5 Chiffre obtenu lors de l’enquête de juin 2010

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L’analyse de ce tableau montre la diversité des espèces débarquées à
Bambouchine. Ces produits représentent 8% de la production totale de la
strate mineure d’Aviation (11 644,4 tonnes en 2009). Ces espèces, à forte
valeur marchande pour la plupart, sont prisées et très demandées par les
consommateurs de Libreville.

3.2. Filière de distribution des produits de pêche


L’arrière pays du débarcadère de Bambouchine est l’espace
d’écoulement des produits halieutiques en provenance de la baie de la
Mondah. L’agglomération de Libreville en est le principal marché. Cette
section explique la dynamique de la filière des produits halieutiques issus du
débarcadère de Bambouchine, à travers l’ensemble des acteurs et les lieux de
vente dans l’agglomération de Libreville.

3.2.1. une demande forte en produits halieutiques


Depuis l’indépendance du Gabon, Libreville connaît une croissance
exponentielle, tant sur le plan spatial que démographique. En 1960, Libreville
compte 31 0006 habitants. La ville se limitait au quartier « Plateau », où se
situe actuellement la Présidence de la République. A partir des années 1970,
« le boom pétrolier » suscita au Gabon des flux migratoires en direction de
Libreville. L’afflux de migrants déclenche un processus d’explosion urbaine
qui aboutit à la modification rapide de cet espace. De 1960 jusqu’à nos jours,
Libreville est passée du simple quartier administratif et résidentiel à une
agglomération de six arrondissements avec plus de 600 000 habitants. La
population quant à elle a été multipliée par vingt. Cette situation constitue un
atout pour les activités halieutiques à cause de la demande potentielle.
Signalons que les populations en provenance de l’intérieur du pays, bien que
n’ayant pas une culture maritime7 (Bignoumba, 2005, p. 99), sont friands de
protéines animales d’origine maritime. Aussi la demande de consommation
moyenne de poisson par habitant et par an au Gabon, au cours de ces dix
dernières années, se situe-t-elle entre 40 et 45 kg. Cette valeur est nettement
supérieure à la demande mondiale (35 kg/an des produits halieutiques, FAO,
2008). La tendance à long terme est donc orientée vers une diminution au fil
des ans de l’offre en produits de la mer. Une baisse de la production nationale
(de 46 000 tonnes en 2004 à 30 000 tonnes en 2010) en est la raison

6
Medjo Mve (2005, p. 128)
7
La culture maritime est définie comme « des liens qui ont uni dans le passé et qui
unissent aujourd’hui les sociétés humaines au milieu maritime et littoral »
(Bignoumba G. S., 2005).
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principale. Ce déficit est comblé par des importations qui se chiffrent entre
7 000 et 10 000 tonnes par an. Cette situation risquerait à long terme
d’aboutir à une inflation exponentielle des prix des produits halieutiques.
Cela engendrerait ensuite un désintérêt de cette denrée, auprès des ménages
solvables de l’agglomération de Libreville.

3.2.2. Caractéristiques des espaces de vente

Les points informels de vente


Les espaces de vente des produits halieutiques en provenance du
débarcadère de Bambouchine (ou des autres points de débarquement) sont
facilement identifiables de par leur nature à ciel ouvert. Ils jouxtent le plus
souvent les points de vente des produits agricoles. Les zones d’intersection
des voies publiques sont les lieux de prédilection de ces commerçantes avides
d’espaces plus appropriés. Ces milieux occupés d’une manière spontanée
sont en général, de dimensions très étroites. Ainsi, faute de disposer d’assez
d’espace pour implanter un abri, les commerçantes se contentent d’aménager
un coin de la rue, s’appropriant quelques mètres du trottoir ou d’un terre-
plein pour en faire un point de vente. C’est le cas au PK12 sur la nationale
N°1, au rond point de Nzeng-Ayong (quartier de Libreville) qui occupent à
partir de 15 heures les terre-pleins de ces carrefours. Cette situation interpelle
les autorités administratives gabonaises sur le risque sécuritaire et sanitaire.
La problématique d’insécurité routière est mise en évidence par l’occupation
des trottoirs et des terre-pleins, contraignant donc les piétons à marcher sur la
chaussée et à s’exposer au risque d’accident. Le marché de Nkembo, qui
bénéficie pourtant d’un bâtiment aménagé par la municipalité, projette la
même image que les « marchés rues » ainsi décrits. L’urgence d’écouler son
produit avant la tombée de la nuit est ce qui compte le plus. Dans ces lieux,
on observe du poisson exposé à même le sol, exposant les produits à des
risques de contamination par des germes pathogènes. Ce faisant, on
s’interroge sur la qualité de conservation des produits halieutiques à ces
points de vente (Photo 2).

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Photo 2 : Point de vente du poisson dans une rue de Libreville

Cliché : EDOU, 2011

Cependant, il y a quelques lieux de vente mieux aménagés à l’instar


de l’espace de vente du port-môle qui distribue une bonne partie des prises en
provenance du débarcadère de Bambouchine.
Le port–môle : un espace de vente aménagé
Contrairement aux espaces de vente anarchiques évoqués ci-dessus, le
port-môle reste un espace bien structuré dans la vente des produits
halieutiques en provenance du débarcadère de Bambouchine et d’autres
points de débarquements. En effet, le port-môle de Libreville, construit en
1945, dispose d’une surface de 4 hectares environ, dont 880 mètres carrés de
hangars et une longueur de quai de chalandage de 240 mètres fondé à 2
mètres. Il est spécialisé dans la réception des bateaux de pêche. Il sert
également d'abri à de gros bateaux de plaisance et aux vedettes appartenant
aux services publics gabonais. Les espaces de vente des produits halieutiques
sont disposés de part et d’autre de la voie principale qui mène au quai. Le
parking peut recevoir plus de trente véhicules. Les magasins attenants sont
dotés des chambres froides pour la conservation et le stockage des produits.
Certains produits, couverts des glace, sont exposés sur des tables à
l’abri des mouches (Photo3).

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Photo 3 : Exposition de poissons au Port-Môle

Cliché EDOU, 2011

Les clients font tranquillement leurs commandes sans être inquiétés par
la circulation des véhicules. Ces espaces bien aménagés attirent, par la qualité
de leurs produits, plus de clients.
En somme, la plupart des espaces de vente des produits halieutiques en
provenance de Bambouchine ne sont pas aménagés. Ils drainent des clients
aux pouvoirs d’achats variables. Ce dernier est l’un des facteurs qui pérennise
l’activité halieutique au niveau des strates mineures de Libreville.

CONCLUSION
L’étude sur la dynamique de l’espace halieutique du débarcadère de
Bambouchine met en relief la complexité de ce milieu. Cette zone de pêche
artisanale est caractérisée par ses informalités. Son développement procède
d’une stratégie nationale d’aménagement des pêcheries artisanales du Gabon.
Cette stratégie devra reposer sur une combinaison concertée d’actions entre le
gouvernement, les partenaires privés et les acteurs de la filière pêche
artisanale. En effet, le site de Bambouchine souffre d’un manque
d’infrastructures permettant de régulariser, en quantité importante, les
approvisionnements de Libreville en produits halieutiques. Il n’existe aucune
chambre froide pour conserver le poisson, ni de lieu de production de glace.
Les camionnettes privées, qui fréquentent le débarcadère, ne sont pas
isothermes. Les contraintes liées au développement de la pêche artisanale à

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Bambouchine sont multiples. La politique gouvernementale devra axer son
action sur la réalisation d’infrastructures comme la construction d’un quai de
débarquement, l’amélioration de la voie de communication reliant Libreville
et Bambouchine. Ces aménagements favoriseront une augmentation de la
production et un meilleur écoulement des produits halieutiques issus de ce
site.

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Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou N°00- octobre 2012 169

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