Viglite
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Viglite
Vengeurs masqués
Un jeu d’imaginaire collaboratif dérivé de Vigilantes ! d’Antoine Drouart, Thomas Laborey et
Thomas Lampert, disponible en téléchargement gratuit sur www.imaginez.net.
IMAGINAIRE COLLABORATIF ?
Le jeu d'imaginaire collaboratif est un jeu de société qui consiste à élaborer collectivement le
récit de la vie de personnages fictifs. Après accord sur le cadre de référence (civilisation historique,
univers fictionnel préexistant, environnement développé de façon spécifique...), chaque joueur
conçoit un personnage vivant dans ce cadre, sauf le joueur qui assume la position de meneur de jeu.
Il est garant du respect de ce cadre et de la dynamique collective de la partie en animant l'ensemble
des êtres et événements rencontrés par les personnages et en arbitrant les conséquences de leurs dé-
cisions.
Le jeu consiste à réagir à l'énoncé d'une situation initiale proposée par le meneur en décrivant
verbalement la réaction du personnage que l'on a choisi. La situation évolue ainsi et appelle de nou-
velles réactions. La situation initiale et ses évolutions probables sont regroupées au préalable par le
meneur au sein d'un scénario dont le respect n'est en rien garanti. Le jeu, uniquement verbal, repose
sur la visualisation mentale des événements et ne recourt jamais à leur mise en œuvre réelle.
Si chaque partie s'interrompt après un temps fixé par les disponibilités des participants, la ri-
chesse des situations est telle qu'il est possible de continuer indéfiniment à animer les mêmes per -
sonnages au cours de parties successives.
Un système de résolution donne une base conventionnelle de description des capacités des êtres
vivants, objets et événements pour favoriser une appréciation objective des conséquences des déci-
sions des joueurs. Il ne constitue pas pour autant un ensemble de règles du jeu dont le respect
conditionne le succès.
En effet, puisque seuls comptent la pertinence des actions décrites et l'intérêt des situations, ce
loisir, à la différence de toute autre forme de jeu, ne prévoit aucun objectif à atteindre ni aucune
compétition entre participants. Il repose sur l'imagination, la capacité à faire des choix responsables
et la présence d'esprit, et permet de vivre des situations ou d'adopter des comportements éloignés
ou non du quotidien, mais avec la sécurité d'une simulation, ce qui en fait, si on le souhaite, un outil
puissant de développement personnel.
À QUOI ON JOUE ?
LES VENGEURS MASQUÉS
Nous vous proposons d’incarner des vengeurs masqués dans un environnement urbain de l’ère
moderne, dans la grande tradition typiquement américaine des romans de gare des années 1930 et
des bandes dessinées de super-héros. C’est un monde d’aventures naïves, de valeurs manichéennes,
de clichés kitsch. C’est aussi l’un des premiers domaines réellement contemporain de traditions po -
pulaires, qui en dit long, entre les lignes, sur la culture qui l’a engendré et sur celles qui l’ont ac-
cueilli. C’est enfin l’héritier moderne des réflexions religieuses, mythologiques, poétiques ou lé -
gendaires sur le thème du héros, de l’individu qui s’isole volontairement de la communauté pour
infléchir le destin. Attention ! il ne s’agit pas d'un jeu de super-héros, mais de vengeurs masqués.
Le concept est le même (justice extralégale en environnement urbain), mais les personnages, s’ils
ont des capacités hors du commun, romanesques, n’ont pas à proprement parler de pouvoirs surhu-
mains. On évite ainsi d’être distrait de l’examen de la condition de héros par des effets spéciaux.
De plus, cela cantonne les aventures des personnages à un niveau dit street-level, c’est-à-dire sans
voyages spatio-temporels ni périls cosmiques, plus humain, réaliste, sombre, qui reste proportionné
à des êtres ordinaires.
Ces personnages s’appellent dans le jeu des Masqués, et on les classe en Justiciers et Criminels.
Nom
Un bon nom est bref et évocateur. Il doit résumer le concept du personnage et, bien souvent,
inspirer le respect. Puisque les personnages sont américains, un peu d’anglais simple est acceptable
et ajoute une touche d’exotisme, mais des traductions françaises longuettes et approximatives
peuvent également ajouter un clin d’œil historique. On notera enfin que, en cas de nom composé,
une allitération est souvent de bon goût. Le nom peut s’inspirer par exemple :
d’un animal, généralement un prédateur (loup, ours, requin, rapaces divers et leurs
sous-espèces…),
d’une substance (métaux divers, pierres précieuses…),
d’un personnage mythologique, légendaire, littéraire ou historique,
d’un phénomène naturel, généralement violent (typhon, cyclone, ouragan…),
d’une qualité morale (bravoure, justice, force, défense, protection… on inversera pour
les Criminels),
d’un détail vestimentaire du costume du personnage (cape, masque, ceinture, gant…),
d’une arme utilisée par le personnage ou évoquée par son comportement (sabre, flèche,
balle, lasso, fusil…).
Il peut être qualifié par :
une couleur, généralement primaire (rouge, noir, blanc, gris, vert, jaune…),
un grade militaire (capitaine, major, général…) ou un titre (docteur, Mister, Miss…),
un adjectif (vivant, sanglant, géant, sauvage…).
Ainsi, avec un nom de base Grizzly qui se suffit à lui-même, on peut bâtir le Grizzly Noir, Cap-
tain Grizzly, Docteur Grizzly, Mister Grizzly, le Grizzly Grondant… La mystique véhiculée est lé -
gèrement différente à chaque fois et se reflétera dans le costume, les Capacités et le comportement
du personnage, i.e. la façon dont le joueur l’incarne.
Pour finir, on réfléchira à l’identité civile du personnage. Les connotations ethniques ou de
classe sociale inhérentes à ce nom doivent être soigneusement étudiées au regard de l’origine du
personnage : Lord Justice ne peut guère s’appeler en réalité Marcel Blanchenot, pas plus que Stars
& Stripes ne peuvent s’appeler Heinrich & Helmut. Un jeu de mots avec l’identité masquée est
souvent bienvenu (« John Smith est… l’Anonyme ! »). Enfin, il est bon que le nom civil lui-même
colle au concept du personnage, comme le pseudonyme d’une vedette : un athlète avec une fossette
au menton ne peut pas s’appeler Aloysius Pumplewick ; un sadique contrefait ne s’appelle pas
Flash D. Steele.
Origines
Les Capacités des personnages n’étant pas réellement surnaturelles mais simplement excep-
tionnelles ou irréalistes, les origines porteront au moins autant sur la vocation du héros que sur l’ac-
quisition de ses Capacités.
Les raisons de devenir un héros peuvent être :
une vengeance personnelle,
le sentiment de responsabilité lié à l’acquisition des Capacités, éventuellement après un
événement qui fait prendre conscience de cette responsabilité,
une dette d’honneur, par exemple envers un mentor ayant permis d’acquérir les Capa-
cités,
la mémoire d’une victime d’injustice,
un endoctrinement à la suite d'une éducation particulière,
une admiration particulière pour un autre Masqué…
Les origines des Capacités hors du commun des personnages peuvent être :
la réception d’un entraînement secret ou particulièrement intensif,
la découverte d’un porte-bonheur ancien,
l’invention d’un gadget technologique,
l’exposition à un mutagène,
une période de coma,
l’appartenance à une civilisation disparue,
un mental ou un physique naturels mais hors du commun…
Toutefois, on évitera les choses ouvertement surnaturelles, qui amènent à trancher sur la réalité
de l’inexpliqué : il n’y a pas officiellement d’extraterrestres, d’implants cybernétiques, d’univers
parallèles, de voyage dans le temps, de créatures magiques ou divines, etc.
Affectations
Les affectations regroupent l’ensemble des signes distinctifs d’un personnage. Tous les Mas-
qués en possèdent, ainsi que certains non-Masqués : vedettes du sport ou du spectacle (catcheurs et
rock-stars), prédicateurs religieux, chefs de gang…
Exemples d’affectations :
phrases-choc (Hasta la vista, Ça va chauffer, Make my day…),
habitudes de combat (blaguer pour déconcentrer l’adversaire…),
signature de ses actes (laisser une fleur ou une carte à jouer…),
code de conduite (ne pas utiliser d’armes à feu, ne pas frapper une femme…).
À la création, un joueur doit décrire aussi précisément que possible les affectations de son per-
sonnage, en lien avec son concept. Il n’y a aucune limite au nombre d’affectations possibles.
Le costume
Il constitue une affectation particulière, parce que tout Masqué se doit d’en posséder un. Il peut
être minimal (vêtements de tous les jours et un loup en velours, changement de couleur de che -
veux…) ou élaboré (collant, bottes, gants, logo, cape, le célèbre « slip par-dessus le pantalon », ca-
goule en forme de tête d’animal, ceinture, le tout coloré et stylisé…).
Certains Masqués, paradoxalement, ne portent pas de masque, tout en préservant le secret de
leur identité civile : leur costume coloré, bardé d’accessoires improbables, retient davantage l’atten-
tion que leur visage. C’est aussi du fait de ce mécanisme inconscient, bien documenté dans le
monde réel, que les femmes qui exercent ce sacerdoce sont souvent si légèrement vêtues : ce n’est
pas leur visage que les témoins regardent… Notons enfin que, dans le cas d’un personnage qui
souffre d’une apparence particulière (albinisme, nanisme, transparence de la peau résultant d’un ac-
cident de laboratoire…), ce peut être son identité civile qui se dissimule sous des postiches.
Le costume doit être décrit de la façon la plus détaillée possible, zone par zone, avec les ma -
tières, les couleurs, les épaisseurs et les fioritures (logos, ailettes, dentelures…). Si possible, chaque
joueur est incité à illustrer le costume de son personnage à la fin du processus de création.
Capacités
En premier lieu, tout personnage possède un Domaine de Compétences, qui reflète son métier
civil. Il n’en possède qu’un, mais est réputé y exceller : chercheur scientifique, soldat d’élite,
joueur professionnel, journaliste émérite, champion sportif…
Mais ce domaine recouvre aussi tout ce qui rend le Masqué exceptionnel par rapport à la popu-
lation moyenne. Il peut s’agir de talents exceptionnels, tels que :
Acrobatie, funambulisme,
Affinité animale,
Avalage de feu ou de sabres,
Arts martiaux,
Contorsionnisme,
Déguisement,
Fakirisme,
Force herculéenne,
Hypnose,
Inventeur,
Prestidigitation,
Roi de l’évasion,
Santé de fer,
Sens exacerbés,
Tireur d’élite,
Transformisme,
Ventriloquie, imitation.
Ou encore d’engins incroyables, tels que :
ailes pour planer,
arme particulière (incassable, soporifique, aux munitions inépuisables, utilisant une
forme d’attaque exotique : feu, glace, rayonnement…),
armure, de l’armure de chevalier au gilet pare-balles en passant par le champ de forces,
exosquelette qui multiplie la force,
lunettes à infrarouge,
propulseur pour bondir,
repaire secret,
respirateur de poche,
trousse multi-usage (briquet, glu, filins, outils…),
voiture qui parle et se conduit seule.
Ou encore des serviteurs ou mascottes :
panthère dressée,
robot (archaïque, format « boîte de conserve »),
contact (journaliste, indic, officier de police, pègre, homme politique, scientifique, ser-
vice secret…),
gang, secte, confrérie,
serviteur fidèle qui connaît la double identité.
Ou même des avantages de nature matérielle ou sociale, mais poussés à l’extrême :
célébrité,
chef d’entreprise,
demeure de prestige,
fausse identité civile,
fortune personnelle,
membre d’un service secret,
pas d’existence officielle,
planque distincte de l’adresse officielle de l’identité civile.
À la création, tout personnage possède 3 Capacités de son choix en plus de son Domaine
de Compétences.
Défaillances
Tout personnage peut en outre être doté de Défaillances, qui sont des défauts graves physiques,
sociaux ou psychologiques. Il est de bon ton que les Défaillances soient cohérentes avec les Capa -
cités du personnage : paralysé des deux jambes, le Cocon a conçu un exosquelette qui lui permet de
marcher et magnifie sa force.
Exemples de Défaillances :
Allergie,
Cécité,
Daltonisme,
Manchot,
Phobie,
Sensible au charme féminin,
Utilisation des Capacités soumises à conditions.
À la création, tout personnage peut prendre jusqu’à 3 Défaillances. Chacune lui octroie
une Capacité supplémentaire.
La Motivation
Si talentueux soit-on, tout le monde ne devient pas un Masqué. Pour le devenir, Justicier ou
Criminel, il faut une forte Motivation. C’est une compulsion psychologique quasi obsessionnelle
qui pousse le personnage à se déguiser pour aller se battre dans la rue ou à ruminer des plans de
conquête du monde dans un repaire souterrain.
Un personnage ne peut avoir qu’une seule Motivation. La Motivation d’un personnage est très
souvent liée à ses origines.
On peut distinguer deux types de Motivations : celles qui poursuivent activement un but qui
pourra théoriquement être atteint un jour (se venger de quelqu’un, découvrir quelque chose, obtenir
un objet…) et celles qui dictent un comportement à adopter en réaction aux situations (préserver
quelque chose, respecter un serment, ne jamais perdre une occasion de faire quelque chose…).
Exemples de Motivations :
venger un tort personnel,
suppléer la justice,
défendre sa communauté ethnique, idéologique ou religieuse,
goût du risque,
appât du gain,
promouvoir des valeurs (patriotiques…),
jouir de sa supériorité,
être célèbre,
vouloir se divertir,
respecter un serment, un code de l’honneur.
À la création, tout personnage possède la Motivation de son choix, avec un score de 1. Il
peut sacrifier jusqu’à deux de ses Capacités (pas son Domaine de Compétences) pour en faire
des points supplémentaires du score de cette Motivation.
COMMENT ON FAIT ?
LE SYSTÈME DE JEU
Unités de temps
Dans la plupart des situations, le temps est découpé en Scènes, qui correspondent à une unité
d’action. Il en est ainsi pour les voyages ou les interactions sociales.
Dans certains cas, il se passe quantité de choses dans un temps très bref, par exemple en com-
bat. Un combat constitue une Scène à part entière, cette unité est donc trop grossière pour suivre fi-
nement le détail des passes d'armes. On recourt alors à la notion de Réplique, qui correspond au
temps pendant lequel chaque personnage peut réaliser une action unitaire.
Moteur de résolution
Toute activité se résout de la même façon : le joueur lance 3 dés. Si l’activité du personnage
entre dans le cadre de son Domaine de Compétences, le joueur lance 4 dés. Si l’activité est handi-
capée par une Défaillance, on lance 1 dé de moins.
Tout dé qui fait 1 ou 2 est un échec, tout dé qui fait 3 ou 4 donne un succès, tout dé qui fait 5
ou 6 donne deux succès. De cette façon, tout dé donne en moyenne un succès.
Si l’activité du personnage consiste à utiliser une de ses Capacités (hypnose pour faire oublier
à un veilleur de nuit qu’il a vu le personnage) ou peut être aidée par une de ses Capacités (tireur
d’élite pour dégainer le premier et désarmer son adversaire d’une seule balle), le joueur lance un
dé supplémentaire pour chaque 6 qu’il obtient (y compris sur les dés supplémentaires), ce qui
permet d’obtenir potentiellement plus de succès.
On compare ensuite le nombre de succès obtenus à une difficulté. Plus ce nombre est supé-
rieur à la difficulté, plus le Justicier atteint ses fins. Plus ce nombre est inférieur, plus il échoue gra -
vement. Lorsqu’un facteur semble déterminant et individualisé (brouillard, distance, terrain glis-
sant…), on peut appliquer un modificateur circonstanciel à la difficulté. Parfois, il est indispen-
sable de posséder une certaine Capacité pour pouvoir entreprendre une activité (ventriloquie, par
exemple, et la plupart des engins).
Lorsqu’un personnage s’efforce d’en affecter un autre, la difficulté est égale à 3, + 1 par Ca-
pacité de la victime qui peut l’aider à se défendre (y compris son Domaine de Compétences). Si-
non, la difficulté est définie par l’échelle suivante :
Tâche Difficulté
Automatique 0
Triviale 1
Facile 2
Typique 3
Ardue 4
Très difficile 5
Impressionnante 6
Formidable 7
Quasi impossible 8
La différence entre nombre de succès et difficulté s’appelle la marge (de succès ou d’échec se-
lon le sens). Des marges extrêmes (généralement parce qu’un dé a fait une cascade de 6) peuvent
avoir, selon les circonstances, des effets particulièrement spectaculaires ou imprévus.
Un personnage peut dépenser un point de Motivation pour lancer un dé de plus ou aug-
menter de 1 la difficulté d’un adversaire jusqu’à la fin de la Scène, tant qu’il lui en reste, même
une fois que le résultat du jet est connu, jusqu’à un niveau de succès satisfaisant. Il faut pour cela
que la situation mette en œuvre sa Motivation. Ces points ne se récupèrent qu’à la fin de l’épisode
(c'est-à-dire de la partie).
Les Capacités qui consistent en des alliés du personnage sont traitées comme des personnages
secondaires qui lancent 2 dés, 3 pour les activités qui collent à leur concept (le flair pour un
chien…).
Il existe des activités complexes (qui prennent beaucoup de temps et se décomposent en tâches
élémentaires : fabrication d’un objet, recherche dans des archives, démontage d’un appareil, com-
position artistique…). On effectue un jet par unité de temps (Réplique, Scène, jour… selon l’activi-
té ; on peut aussi interrompre le projet et le reprendre plus tard), et la marge réduit un total d’obs-
truction qui représente l’objectif à atteindre. Quand ce total est amené à zéro, l’objectif est atteint.
Gêne
Au fil de leurs aventures, les personnages sont confrontés à des sources de points de Gêne :
coups qu’ils reçoivent, environnement, circonstances, etc.
Chaque point de Gêne augmente de 1 la difficulté des activités entreprises. Certaines
sources de Gêne ne pénalisent que certaines activités. Naturellement, un personnage peut compen-
ser sa Gêne par ses Capacités ou la dépense de points de Motivation lorsqu’ils trouvent à s’appli-
quer ; ainsi, Capacités et Motivation servent entre autres à simuler la ténacité du vengeur masqué
qui continue à lutter là où des êtres moindres jettent l’éponge.
Tout personnage qui subit une Gêne à ses activités la supporte également lorsque ses scores
sont utilisés comme difficulté passive : tout point de Gêne permet à l’adversaire de lancer un
dé supplémentaire, si par nature la Gêne en question empêche le personnage de s’opposer à l’acti-
vité projetée par l’adversaire. Ainsi, un personnage étourdi sera plus facilement atteint en combat,
mais pas un personnage assourdi.
Les sources de Gêne comportent également des conditions de dissipation : certaines s’éva-
porent avec le temps, d’autres avec des soins, d’autres encore en effectuant une activité simple
(mais qu’il faut trouver le temps de faire).
Certaines circonstances font accumuler de nombreux points de Gêne en peu de temps (com -
bats, poursuites, cascades…). Tout l’art consiste alors à atteindre ses objectifs sans renier ses prin-
cipes, tout en gérant au mieux l’accumulation de Gêne et le stock de points de Motivation. Si les
choses se gâtent (la Gêne s’accumule plus vite qu’on ne la compense ou qu’elle ne se dissipe), il
faut songer à fuir ou à se rendre. Un personnage qui a tant de Gêne qu’il ne peut plus guère agir et
qui n’a plus de quoi la compenser n’a plus qu’à capituler.
Conflits
Si, au cours d’une Réplique, un personnage souhaite agir avant un autre protagoniste, la
première place est mise aux enchères entre les participants. Tout participant peut choisir de céder la
place à ses concurrents, mais, s’il souhaite concourir, il doit accepter de subir, pendant toute la
Réplique, la Gêne de son choix. Pour agir avant lui, un concurrent doit accepter une Gêne plus
importante. Le premier qui cesse d’aggraver sa Gêne concède l’initiative à son concurrent. Cette
Gêne affecte toutes les activités et se dissipe à la prochaine Réplique. Un personnage peut agir
plusieurs fois par Réplique, mais il encourt une Gêne de 1 à chaque activité supplémentaire
jusqu’à la fin de la Réplique. Un personnage qui attaque quelqu’un doit préciser ce qu’il essaie de
faire (désarmer, faire tomber, ligoter, assommer…), ce qui modifie la difficulté de son activité mais
provoque des effets divers :
Poursuites
Quand les personnages ne sont pas en train d’échapper aux griffes de leurs adversaires, les
rôles s’inversent et les Justiciers pourchassent les Criminels en fuite. À pied, en voiture frappée du
symbole du Masqué, en deltaplane pour rattraper un bateau, on se poursuit beaucoup.
Il s’agit d’une activité complexe, mais opposée. La distance initiale entre les protagonistes
constitue l’avance du poursuivi sur son poursuivant et est traitée comme un total d’obstruction.
Elle est chiffrée de la façon suivante :
Le fuyard semble d'une taille : Distance équivalente Avance
double de sa taille normale à bout de bras 1
normale à quelques pas 3
moitié de la normale modérément éloi- 6
gnée
quart de la normale éloignée 9
dixième de la normale très éloignée 12
En fonction du moyen de transport qu’il utilise, chaque personnage fait ensuite, à chaque Ré -
plique, un jet. Tous les obstacles, piétons innocents, étalages de fruits et légumes, landaus…
peuvent ajouter de la Gêne à l’un ou à l’autre des protagonistes selon qu’ils utilisent ou non des
moyens de transport comparables (il est donc bienvenu d’adapter sa trajectoire de façon à la rendre
le plus praticable possible pour soi, et le moins possible pour l’autre).
Si le poursuivant l’emporte, sa marge de réussite vient généralement réduire l’avance de son
adversaire. Si c’est le poursuivi qui gagne la Réplique, il l’augmente en général, mais il peut aussi
ajouter de la Gêne à son poursuivant en renversant des poubelles, en laissant un véhicule civil s’in-
tercaler en travers, etc. Si l’avance est réduite à zéro, le poursuivi est rattrapé (on passe alors en gé-
néral à un combat). En cas d’échec apocalyptique, il se produit un événement imprévu (crevaison,
panne de carburant, chute…) qui occasionne, outre l’impact sur l’avance, des problèmes supplé-
mentaires au personnage concerné.
Bien sûr, rien n’empêche de compliquer la situation par des éléments n’ayant rien à voir avec la
distance relative des protagonistes : échanges de tirs ou de quolibets, utilisation du décor pour se
soustraire à la vue du poursuivant et le laisser poursuivre en aveugle tandis qu’on part discrètement
dans une autre direction, tentatives de gagner un avantage décisif qui stoppe net la poursuite (fran-
chir un passage à niveau juste avant que ne surgisse un train particulièrement long, sauter à l’eau
alors que le poursuivant est lourdement chargé, s’envoler, sauter plusieurs étages en contrebas alors
que l’adversaire n’a pas les moyens de le faire…).
Autrement, la poursuite peut continuer éternellement. Mais les poursuites ne sont pas de tout
repos, et un nombre de Répliques égal à 3 + 1 par Capacité qui l’avantage occasionne à
chaque protagoniste une Gêne de 1 point, qui se dissipe à la fin de la Scène suivante. Il est donc
toujours possible de se rendre, d’abandonner ou de passer en mode filature, c’est-à-dire qu’on n’es-
saie plus de réduire l’avance, mais de ne pas perdre de vue le poursuivi. Si jamais son avance at-
teint 15, il est considéré comme hors de vue (sauf circonstances particulières comme une route en
lacet où on l’aperçoit en contrebas).
Progression
À la fin de chaque partie, l’ensemble des joueurs (meneur compris) se pose 4 questions sur
chaque Justicier :
A-t-il appris des choses ou fait des expériences nouvelles pour lui ?
A-t-il été en danger, par accident ou parce qu’il a voulu prendre un risque ?
S’est-il comporté de manière exemplaire à l'égard d’autrui, y compris ses adversaires ?
Le joueur a-t-il fait des choses (peut-être involontaires) qui ont contribué à ce que la
partie soit originale, agréable et mémorable pour les autres participants ?
Si les autres joueurs sont tous d’accord pour lui donner au moins 3 oui sur 4, il gagne une
Capacité (ce peut être un nouveau Domaine de Compétences) ou un point de Motivation (ce peut
être une nouvelle Motivation) ou perd une Défaillance. Ces évolutions doivent rester cohérentes
avec le concept du personnage et avec les événements intervenus en cours de partie (un nouvel en-
gin ou allié doit avoir été effectivement rencontré, un nouveau Domaine pratiqué, une Motivation
mise en jeu, etc.). Il devrait naturellement devenir de plus en plus difficile au fil du temps d’obtenir
3 oui, sauf en amusant et en étonnant systématiquement et fortement les autres joueurs.
À l’inverse, un personnage qui s’est comporté de manière pusillanime, lâche, cruelle, égoïste
ou inconséquente est un Criminel en puissance. Le meneur peut lui imposer la perte d’une Ca-
pacité ou d’un point de Motivation, ou une nouvelle Défaillance (liée aux événements incrimi-
nés).
Affectations (y compris costume) et nom changent selon la volonté du joueur, notamment pour
refléter des changements majeurs dans ses Capacités ou sa Motivation.
POUPÉES VAUDOU
UN ÉPISODE DU CLUB
DES VENGEURS MASQUÉS
L’attaque des braqueurs zombis !
L’épisode commence en pleine action : les personnages, en costume, sont aux prises en pleine
rue avec une bande de malandrins. Chacun d’eux fait face à trois types patibulaires (à 3 dés) armés
de matraques (ils essaient d’étourdir les personnages). En demandant ce qu’ils font là ou en regar -
dant autour d’eux pendant un instant de répit, ils se rappellent qu’un transport de fonds vient d’être
attaqué par le Gang des Zombis. De fait, une fourgonnette gît sur le flanc à quelques pas, les portes
arrière arrachées par des leviers. Le conducteur et les vigiles chargés de l’escorte sont étendus sans
connaissance. Des sacs bourrés de dollars sont entassés devant le véhicule, certains renversés. Un
cercle de curieux regarde la bagarre en encourageant les Justiciers, mais certains témoins semblent
lorgner les billets verts que le vent pousse çà et là.
Le plus perturbant pour les Justiciers est que leurs adversaires, totalement silencieux et le re -
gard fixe, se relèvent après des coups qui auraient étendu des gens autrement bâtis (ils n’accu -
mulent aucune Gêne lorsqu’on les frappe) ; de plus, ils semblent totalement insensibles à toute ten-
tative d’intimidation. Ils agissent en équipe avec une coordination parfaite. Ce sont visiblement des
immigrés pauvres, vêtus de façon populaire ; ils brandissent qui un pied-de-biche, qui un manche
de pioche, qui un tuyau de plomb. Seul signe distinctif : tous portent autour du cou une étrange
croix dont la branche descendante est remplacée par un crochet. Le meilleur moyen de calmer le
jeu est de les immobiliser d’une manière ou d’une autre. La leur arracher ne leur fait ni chaud ni
froid.
Au bout de 3 Répliques, des sirènes de police se font entendre et semblent converger vers les
lieux. Les zombis encore libres de leurs mouvements essaient, avec un degré de coordination fan-
tastique vu la confusion ambiante et leur absence de communication entre eux, de se replier vers le
butin. Si l'on s’interpose, ils y renoncent et fuient chacun de leur côté, lâchant leurs armes et se fon -
dant dans la foule (on peut les poursuivre, mais il sera quasi impossible de les attraper tous). Un
personnage observateur qui réussit un jet de difficulté 4 remarque un homme de grande taille, au
premier rang de la foule, vêtu d’amples vêtements noirs et coiffé d’un haut-de-forme, au visage
d’une pâleur qui n’est pas naturelle. Qu’on cligne des yeux, et il a disparu.
On peut se lancer à sa poursuite : il est modérément éloigné (avance 6) et lance 3 dés en relan-
çant les 6. Si on arrive sur ses talons, il se retourne : il est torse nu sous sa redingote à queue-de-pie
et porte la sinistre croix peinte en rouge sur le torse et un crâne grimaçant peint en blanc sur le vi -
sage. Ses yeux sont dissimulés derrière des lunettes fumées, ce qui provoque un effet saisissant en
donnant l’illusion d’orbites vides. Il sourit de toutes ses dents, fume un cigare et tient des figurines
en main. Il entreprend de les ranger méthodiquement dans ses grandes poches. Il semble très calme,
pas même essoufflé, et ne dit pas un mot. Il salue théâtralement les Justiciers, sort d’une poche un
flacon de rhum, qu’il leur tend, étiquette bien visible, comme pour leur en offrir. Sans attendre de
réponse, il le porte à ses lèvres.
Immédiatement après, ou dès qu’un Justicier fait mine de le toucher, il souffle vers eux la fu-
mée de son cigare, qui prend un volume impossible et les engloutit littéralement. Ils toussent un
peu, la fumée se dissipe : il a disparu. Ne reste qu’une poupée. Il s’agit d’une figurine grossière-
ment moulée dans l’argile, avec des gravillons sombres pour les yeux et clairs pour les dents, avec
des cheveux. Une épine, apparemment végétale (une pointe d’agave ou d’acacia), transperce la
gorge de la poupée.
La police congratule les Justiciers pour leur présence d’esprit et menotte les zombis capturés
qui semblent étrangement passifs depuis la fin du combat, eux si vifs naguère. Ils se laissent emme-
ner sans résistance, comme groggy, et toujours sans un mot. En interrogeant la police ou en réussis-
sant un jet à 3 si on a un Domaine de Compétences approprié, on peut se rappeler que la croix bi -
zarre qu’ils portent est un symbole vaudou, tout comme leur nom, qui désigne les morts dont un
sorcier a volé l’âme pour les faire travailler. Cela fait quelques semaines que ce gang insaisissable
terrorise le quartier sud de la ville. Quant au mystérieux inconnu, il porte la tenue traditionnelle de
ceux qui sont possédés par les Guédés, les esprits vaudous du cimetière…
Et tu redeviendras poussière
Un Justicier capturé contre son gré reprend conscience assis sur une chaise, les mains liées
dans le dos aux barreaux de son siège. Il porte son masque, mais ses engins lui ont été retirés. Un
éventuel allié est ligoté près de lui (assis pour un humain, au sol pour un animal). Tout le sol est
couvert d’un dessin très compliqué. En tournant la tête, il aperçoit un poteau au milieu de la pièce.
Apparemment c’est une sorte d’entrepôt. Il y a des zombis partout. Si le personnage a feint l’in-
conscience, il est porté via les égouts jusqu’au fleuve, puis chargé sur un radeau qui l’amène à un
entrepôt sur les docks. Là il est désarmé, ligoté, et quelqu’un lui coupe une mèche de cheveux. Il
peut à tout moment intervenir, mais ça ne change pas grand-chose.
Le Guédé se tient devant lui. Il prend la parole, d’une voix nasillarde, comme s’il avait le nez
bouché. « Bienvenue dans la Caye Mystère ! Ainsi, tu croyais ton Juju plus fort que le mien ? Petit
homme, je suis Papa Bokor, le Baron Cimetière ! Et tu vas devenir l’un de mes zombis ! » Il bran-
dit une poupée qui réplique grossièrement le costume du Justicier et porte déjà des cheveux de sa
couleur. De l’autre main, il tient une épine effilée.
Le personnage peut essayer de se libérer (difficulté 3, c’est une bête chaise), mais les zombis se
jettent sur lui aussitôt (ils ne sont pas armés). Idéalement, c’est à ce moment que ses compagnons,
ayant suivi sa piste ou guidés par un ex-zombi, arrivent en fracassant portes et fenêtres, éventuelle-
ment accompagnés par la police. Offrez-leur une bagarre d’anthologie avec des figurants sans
nombre et un décor de rêve : poulies, braseros odorants, poules dans des cages (pour les sacrifices
rituels), piles de caisses, chariots élévateurs… C’est le moment de dépenser les points de Cliché ac-
cumulés !
Papa Bokor a deux objectifs : rester hors de portée et obtenir les cheveux d’un Justicier. S’il y
parvient (c’est le cas s’il a un prisonnier), il plante triomphalement son épine dans la poupée. Le
personnage concerné doit réussir un jet de difficulté 4 à chaque fois qu’il veut agir contre la volonté
de Papa Bokor, qui est de le retourner contre ses camarades. Dépenser un point de Motivation dis-
sipe définitivement cet effet, mais ne donne pas de bonus (et il faut que la Motivation soit appro -
priée). Réussir à résister avec 6 succès dissipe également cet effet. Si son ascendant est dissipé,
Papa Bokor est ébranlé et subit 1 point de Gêne.
S’il est acculé, Papa Bokor essaie de fuir. On peut le capturer, mais une fin plus satisfaisante
serait qu’un Justicier parvienne à lui arracher quelques cheveux et les colle triomphalement sur une
poupée : Papa Bokor suppliera alors littéralement les Justiciers de ne pas y planter d’aiguille et se
rendra sans conditions. Si on en plante une quand même (éviter de le faire après qu’il a supplié), il
s’effondre, apparemment mort d’un arrêt cardiaque. Seul un jet de difficulté 7 permet à un médecin
de comprendre qu’il n’est qu’en catalepsie. Le monde est de nouveau en sécurité, mais pour com -
bien de temps ? Vous le saurez dans un prochain épisode…