Science Et Technique Administratives

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Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de Dakar

Cours : Science et techniques administratives (M1 recherche/Administration publique)

Année universitaire : 2021-2022

Professeur : Meïssa DIAKHATÉ, agrégé de droit public

Saisie : NGUER

INTRODUCTION GÉNÉRALE

L’apparition de l’administration est sans doute liée à la formation de l’État et,


par de-là, à la constitution de la société. En tant qu’entité sociale, l’administration ne
saurait être envisagée indépendamment de la société dans laquelle elle est produite.

Il en résulte que l’histoire de l’administration n’est pas sans rapport étroit avec
l’évolution des modes d’organisation sociale. Ce faisant, elle entretient des rapports
aussi bien avec l'environnement social et économique que la sphère politique. Son
expansion s’est particulièrement accompagnée d’une emprise croissante sur le pouvoir
politique.

Cette histoire, comme pour celle de toute autre science est indissociable de
deux dynamiques elles-mêmes liées :

✓ La dynamique socio-politique permet de comprendre les transformations de


la société ;

✓ Quant à la dynamique scientifique, elle est inhérente aux transformations du


champ du savoir.

Dans le sillage de la présentation des thèmes fondamentaux de la matière, il


apparaît nécessaire de circonscrire le champ d’étude (I), d’exposer la dimension
scientifique (II) et d’apprécier les transformations contemporaines y afférentes (III).

I : LE CHAMP D’ÉTUDE DE LA SCIENCE ADMINISTRATIVE

Les raisons de l’étude centrée sur l’administration publique sont liées à un


contexte précis, lequel correspond à la phase de construction de l’État-nation marquée
par l’expression de la puissance publique de l’État (1) et l’émergence de
l’administration moderne en tant qu’organisation (2).

1 : L’ADMINISTRATION PUBLIQUE

L’administration publique est un appareil spécialisé encadrant les activités


sociales. Sous ce rapport, elle est l’émanation d’un contexte précis correspondant à la
phase de construction de l’État-nation qui repose sur la puissance publique étatique.

Dans les pays européens à forte tradition administrative, les prémices de la


science administrative apparaissent aux XVIIe et XVIIIe siècles (France, Allemagne)
sous le vocable de « science de la police ». À cet époque, il était question de faire des
études empiriques (recueil de préceptes) destinées à informer sur les pratiques
administratives et les moyens d’assurer la bonne gestion des services.
Il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle, avec le passage confirmé de
l’État libéral à l’État interventionniste pour que se révèlent l’inadaptation de l'appareil
administratif classique ainsi que les insuffisances du recours au droit pour améliorer
les structures et les méthodes d’action de l’administration publique.

À l’inverse du mouvement qui s’est historiquement produit en Europe,


l’administration publique s’est développée plus tard aux États-Unis, bien évidemment
à cause de la faible tradition administrative. La réflexion nouvelle est inaugurée par
Woodrow WILSON, futur président des États-Unis, qui critique, en 1887, le peu de
crédit accordé aux questions administratives, trop souvent subordonnées aux
questions politiques. Il en déduit la nécessité d’élaborer une science de l’administration
fondée sur les méthodes appréciées dans le secteur privé : c’est le fondement de la
« public administration ».

En dépit des préoccupations convergentes, la « public administration » présente


des traits distinctifs par rapport à la science administrative européenne traditionnelle.
Elle s’en distingue à trois (3) niveaux.

✓ D’abord, par une visée utilitaire et pragmatique ;

✓ Ensuite, par la place minime accordée à la dimension juridique des


phénomènes administratifs ;

✓ Et enfin, par l’absence de frontière étanche (impénétrable) entre la science


de l’administration publique et la science de la gestion des entreprises.

2 : L’ORGANISATION

Fondamentalement, la théorie des organisations s’intéresse moins à ce qui est


spécifique à chaque institution mais ce qui est commun à toutes. Le champ d’analyse
couvre non seulement l’entreprise mais aussi les administrations et plus globalement
toutes les entités délibérément construites en vue de la réalisation de but précis.

La théorie des organisations se veut à la fois pluridisciplinaire (psychologie,


sociologie, science politique, économie, management etc.) et synthétique (aspects
formels et informels, éléments rationnelles et affectifs, données techniques et
comportementales etc.).

Cependant, la théorie des organisations n’appréhende pas l’ensemble des


aspects du fonctionnement de l’administration publique. Elle fait en particulier
abstraction de la dimension politique et de la fonction spécifique de l’administration
publique qu’elle ne permet de cerner que dans sa dimension organisationnelle.

II : L’APPROCHE SCIENTIFIQUE DU PHÉNOMÈNE ADMINISTRATIF

Parmi les divers phénomènes sociaux qui se rencontrent dans une société
organisée, il n’est pas exagéré de considérer le phénomène administratif comme l’un
de ceux qui engendrent le plus de problèmes mais trouvent le moins de solutions. C’est
ainsi qu’il forme une préoccupation scientifique majeure reposant sur une réalité
spécifique et des approches diverses.
1 : UNE RÉALITÉ SPÉCIFIQUE

Il est évident que la connaissance de l’administration n’a cessé d’évoluer


corrélativement à l’extension du champ du savoir. C’est ainsi que Jacques
CHEVALLIER et Danièle LOCHAK notent que « pendant longtemps, la connaissance
de l’administration a été conçue comme une connaissance pratique, concrète, utile à
l’administrateur désireux de remplir efficacement sa tâche ; la science administrative
se ramenait à l’art de bien administrer ». C’est donc progressivement que la prétention
à la scientificité s’impose à l’esprit des auteurs. Désormais, le phénomène administratif
se prête à une étude objective comme les autres réalités sociales :

En premier lieu, la science administrative cherche à comprendre ce qui est


l’administration. Elle vise à appréhender le fonctionnement de l’administration en
décelant les causes des problèmes rencontrés.

En deuxième lieu, la science administrative a pour finalité d’obtenir une


meilleure efficacité de l’administration. C’est alors à juste titre qu’elle suscite l’intérêt
grandissant des décideurs politiques qui y voient les moyens d’améliorer le
fonctionnement des services placés sous leur autorité. Ainsi, une étude objective des
disfonctionnements organisationnels et fonctionnels au sein d’une entité administrative
pourraient inspirer des scenarii de rationalisation (modification ou suppression).

En troisième lieu, les dynamiques politique, économique et sociale des États


contemporains justifient que l’objet de la science administrative soit de prévoir les lois
d’évolution des systèmes administratifs. Il s’agit de l’adaptation permanente aux
changements.

En tout état de cause, l’administration ne saurait être envisagée


indépendamment de la société. Dès lors, une approche intégrative des phénomènes
administratifs est nécessaire au regard de la multiplicité des chances que l’on peut
porter sur eux.

2 : DES APPROCHES DIVERSES

La science administrative s’est construite autour de plusieurs recherches


différentes. Elle recouvre des recherches portant non seulement sur des objets
variables mais analysés à partir de postulats très différents d’où le pluriel « sciences
administratives » qui est d’usage pour permettre d’insister sur le fait que diverses
disciplines concourent à la connaissance de l’administration publique.

a : L’APPROCHE JURIDICO-POLITIQUE

C’est l’approche la plus ancienne dont le but essentiel est de favoriser une
meilleure connaissance centrée sur la structure et le fonctionnement de
l’administration publique. Ses précurseurs (VIVIEN, MACAREL) conçoivent
l’administration à la fois comme une instance subordonnée aux politiques, chargée de
préparer et d’exécuter des décisions prises en dehors d’elle et une institution œuvrant
spécifiquement en vue de l’intérêt général et investie à cette fin, de prérogatives de
puissance publique.
En visant une connaissance plus complète et plus réaliste des institutions
publiques, les tenants de l’approche juridico-politique accordent une importance aux
mécanismes juridiques pour la connaissance et la compréhension du fonctionnement
de l’administration.

b : L’APPROCHE MANAGÉRIALE

À l’opposé de la précédente, l’approche managériale assimile l’administration à


la gestion. Cette perspective met l’accent sur l’organisation rationnelle des moyens
matériels et humains en vue d’atteindre, dans les conditions optimales, un objectif
donné. Elle s’inscrit par ailleurs dans le courant inauguré par TAYLOR et FAYOL,
soucieux de l’amélioration des méthodes de travail dans l’entreprise. Par leur
dimension scientifique, les théories du management pénètrent dans le secteur public.

c : LES APPROCHES SOCIOLOGIQUES

Lorsqu’après la seconde guerre mondiale, une science administrative


renouvelée finit par s’imposer, c’est en tirant profit du développement des sciences
sociales, notamment de la sociologie. Parmi les études d’inspiration sociologique les
plus représentatives, il y a la sociologie politique, le courant bureaucratique, la
sociologie ou théorie des organisations, l’école des relations humaines.

✓ La sociologie politique s’intéresse à l’administration publique dans la mesure


où son existence et son fonctionnement ont une dimension politique et s’inscrivent
dans une problématique du pouvoir. L’intérêt est ici lié d’une part, à la montée de
l’exécutif et l’extension des interventions publiques en matière économique et sociale
et, d’autre part à l’abandon de la vision juridique formaliste de l’administration.

✓ Le courant bureaucratique (Max WEBER) pense organiser l’administration


comme une armée. Il la présente comme une pyramide de directions et de services,
chaque structure obéit à celle qui est au dessus d’elle. C’est une analyse socio-
politique de la bureaucratie caractérisée par la professionnalisation, la hiérarchisation
des fonctions et l’impersonnalité des règles.

La bureaucratie dont WEBER synthétise les aspects dans un idéaltype serait le


modèle d’organisation efficace et rationnel qui devait s’imposer partout.

✓ La sociologie des organisations est une branche de la sociologie qui étudie


comment les membres d’une organisation construisent et coordonnent des activités
collectives organisées. Elle cherche à saisir les organisations de toute nature (publique
ou privée) en laissant au second plan ce qui est propre à chacune d’elle, s’efforce de
transposer au niveau de l’administration publique, les méthodes d’analyse applicables
aux grandes entreprises et mettre ainsi en lumière les rapports qui s’établissent en
son sein entre individu et groupe.

Dès lors qu’une organisation est un groupement d’humains qui coordonnent leurs
activités pour atteindre certains buts, son étude requiert une logique pluridisciplinaire
en faisant appel à la psychologie, à l’économie et aux sciences du management.
✓ La théorie des relations humaines (Elton MAYO, Kurt LEWIN, Abraham
MASLOW) part du postulat selon lequel le fonctionnement d’une organisation ne peut
être appréhendé en tenant compte simplement des règles explicites qui la gouvernent
mais qu’il doit être mieux compris à travers une analyse des motivations, des
comportements et des stratégies des acteurs en présence. En plus de leurs fonctions,
les agents adoptent des comportements qui dépendent davantage des éléments
affectifs (prestige, solidarité, rivalité) et privés (objectifs, stratégies) que des
nécessités du service.

Tout aussi, les organisations ne sont pas des systèmes clos : elles évoluent
dans un milieu déterminé avec lequel elles entretiennent des échanges plus ou moins
intenses.

d : LES TENDANCES ACTUELLES

Les tendances actuelles portent notamment sur l’analyse culturaliste


(coïncidence entre la société globale et l’administration), l’analyse critique (des
difficultés administratives), le courant écologique (échange permanent entre
l’administration et son milieu physique, biologique ou social) et le courant institutionnel
(l’administration en tant que sujet de droit).

III : LES TRANSFORMATIONS ADMINISTRATIVES CONTEMPORAINES

Globalement dérivées de la croissance des interventions publiques et de la


diversification des entités administratives, les transformations administratives
contemporaines n’ont cessé de s’accélérer.

1 : LE PROCESSUS DES TRANSFORMATIONS CONTEMPORAINES

Ces transformations se manifestent de différentes façons. Mais, la


complexification des structures est sans doute la plus préoccupante. Le constat est fait
par Georges DUPIY, Mary Patrice…qui estiment que la multiplication des services
anciens, par scissiparité, s’est doublée d’une création prolifique d’organismes
nouveaux. Cet état de fait affecte le fonctionnement général de l’appareil administratif
qui a suscité de vives critiques. Il en découle, le plus souvent, des difficultés de
coordination, des problèmes de circulation de l’information et le foisonnement des
réunions occasionnant des pertes de temps.

Sur le plan politique, on aperçoit également une transformation profonde. La


complexité des tâches désormais dévolues au pouvoir politique a beaucoup alourdi la
prise des décisions gouvernementales et administratives. C’est la manifestation du
renforcement du rôle d’une bureaucratie omniprésente, désignée pour ses sphères les
plus hautes ou les plus spécialisées sous le terme de « technostructure ». Nombre de
décisions importantes exigent logiquement des études préliminaires approfondies, un
examen des incidences financières, une consultation d’organismes de réflexion, une
coordination entre les différents agents administratifs également concernés. Le danger
est que les technostructures jouent un rôle capital dans la prise de décision ; ce faisant,
celles-ci se transforment en sphères de décisions. De même que les managers dirigent
les affaires privées, les technocrates ont conquis la haute administration et accèdent
même aux fonctions politiques.

2 : LA MODERNISATION, ENJEU DES TRANSFORMATIONS


CONTEMPORAINES

La modernisation administrative va de pair avec la réflexion permanente sur le


rôle de l’État. Elle s’accompagne d’une évolution des cadres normatif, institutionnel,
en fonction des programmes politiques des dirigeants au pouvoir.

L’un des enjeux déterminants consiste à améliorer la qualité de la gestion


publique. C’est aux États-Unis que le mouvement démarre avec la généralisation, sous
le vocable de « planning-programming-budgeting system » (PPBS), de méthodes
mises en œuvre par Mack NAMARA au département de la défense en 1961.

Cette méthode de PPBS va être réceptionnée en France, en 1968, sous le


vocable de « la rationalisation des choix budgétaires ». Cette forme de modernisation
de l’administration tend « à préciser les critères de choix ; comparer les divers
objectifs souhaités et les divers moyens de les atteindre ; mesurer avec une
approximation suffisante le coup total des actions à engager et les avantages que l’on
peut en attendre ; et peut-être, plus agréger ces mesures et ces comparaisons, non
seulement dans le cadre d’un ministère mais au sommet, entre les missions diverses
de l’État ; raisonner pour se faire non plus dans le cadre traditionnel de l’annualité,
mais dans une perspective à plus long terme ».

Au Sénégal, cette nécessité s’exprime plus fortement à travers le décret n°


2017-231 du 07 février 2017 portant création d’un comité de modernisation de
l’administration publique au Sénégal. Dans le sillage de la gestion axée sur les résultats
(GAR), la réalisation des objectifs poursuivis, à travers toute politique publique, repose
essentiellement sur la qualité de la gouvernance, en particulier, sur l’efficacité du
système d’administration en place. En raison de ce rôle primordial dans l’élaboration
et la conduite des politiques de développement, l’administration a besoin de se
moderniser, en permanence, pour adapter ses valeurs, ses principes, son organisation,
ses méthodes et ses pratiques, aux mutations sociales, technologiques, économiques
et politiques, de même qu’à des exigences citoyennes de plus en plus forte.

Ainsi, depuis l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, en


fonction des contingences du moment, la marche de notre administration est rythmée
par plusieurs générations de réformes (de 1960 à 1980, consolidation de la cohésion
sociale et administration de développement ; de 1980 à 1994, désengagement de l’État
et politiques d’ajustement structurel ; jusqu’en 2001, stratégies de croissance
accélérée, documents stratégiques de réduction de la pauvreté, promotion de la bonne
gouvernance). Avec l’avènement du plan Sénégal émergent (PSE), la modernisation de
l’administration sénégalaise est érigée au rang de réforme phare avec pour objectif
d’engager un profond processus de changement visant à restaurer et à renforcer les
capacités stratégiques et opérationnelles de cette administration.

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