Article 4 - Du Projet Du Rapport Mapping Sur Les Violations Graves Des Droits de L'homme en RDC (Aperçu Et Questions Subséquentes)
Article 4 - Du Projet Du Rapport Mapping Sur Les Violations Graves Des Droits de L'homme en RDC (Aperçu Et Questions Subséquentes)
Article 4 - Du Projet Du Rapport Mapping Sur Les Violations Graves Des Droits de L'homme en RDC (Aperçu Et Questions Subséquentes)
Par
INTRODUCTION
Les Etats ont opté pour la même logique et, pour ce faire, ont établi
plusieurs actions et omissions rentrant dans les actes, qui violent ces deux
commandements, en infractions. Il peut s’agir des pillages, de détournements
des deniers publics, de corruptions, d’empoisonnement, de viol, etc. Les plus
graves sont aussi pris, à titre complémentaire (dans le cadre spécifique de la
CPI) ou de primauté, en charge par une fusion des volontés étatiques, le droit
international public, dont relève le droit de la Cour Pénal Internationale. Parmi
ces derniers il y a les génocides, les crimes contre l’humanité, les crimes de
guerre, les actes d’agression, les actes de terrorisme, la piraterie en haute mer,
la capture illicite d’aéronef, etc.
« C’est donc à l’Etat de punir les faits pénaux commis par les membres
de la communauté soit à l’intérieur du territoire national, soit en dehors de
celui-ci. 2» Mais, lorsque l’Etat n’est plus capable d’assurer ses responsabilités,
comme l’indique la lettre du Président de la République Démocratique du
Congo, du 3 mars 2004, portant requête en renvoie devant la CPI, les structures
Nous avons affirmé que la Cour Pénale Internationale est une juridiction
chargée de poursuivre et de condamner les individus, auteurs présumés de
crimes relevant de sa compétence. Il nous faut ajouter que si certains crimes de
droit international, du genre de ceux concernés par le rapport mapping sont
imputables à un Etat, celui-ci peut être objet d’une procédure devant les
organes de l’ONU, parmi lesquels la Cour Internationale de Justice (CIJ). C’est
dans la même optique que le Professeur Auguste Mampuya écrit : « Dès sa
résolution 1296, le Conseil de Sécurité de l’ONU estimait que les pratiques
consistant à prendre délibérément pour cibles des civils, à commettre des violations
systématiques, flagrantes et généralisées du droit international humanitaire, pouvaient
constituer une menace contre la paix et la sécurité internationales »3 (C’est nous qui
soulignons) : C’est la conception structurelle ou institutionnelle de la paix et la
sécurité internationales qui, de nos jours, conquiert du terrain par rapport à la
conception militaro-politique. Sur ce point, nous ne pouvons omettre de
souligner que même le Projet du rapport mapping, sous examen, est une production
du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme.
3 MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO, Traité de droit international public, Kinshasa, Médiaspaul, 2016, p. 709.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 99
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
C’est dans cette logique que la RDC s’est pourvue devant la Cour
Internationale de Justice, en son temps, contre le Burundi, le Rwanda et
l’Ouganda. Seulement, la CIJ ne peut être compétente que si l’Etat accusé a émis
la « déclaration facultative de l’acceptation de sa compétence obligatoire. »
Cela pouvant être déduit aussi d’une « clause compromissoire » contenue dans
une convention ou d’un « compromis interétatique. » C’est en se prévalant de
cette condition que le Burundi et le Rwanda ont fini par obtenir le désistement
de la RDC, le 15 janvier 2001, dans les procédures dont ils étaient défendeurs.
La RDC reviendra à la charge en ce qui concerne le Rwanda, mais l’affaire n’a
pas connu une issue heureuse. Nous nous y penchons plus bas.
Quoi qu’il en soit, que l’Ouganda, en tant qu’Etat souverain, soit
condamné ; cela n’exonère pas les personnes physiques de leurs responsabilités
pénales 4 , parmi eux se retrouvent même des nationaux congolais. Cela ne
résout pas la question vis-à-vis des autres acteurs des conflits cités dans le
rapport mapping. Comme corollaire, la question de l’impunité des crimes
persiste. Heureusement pour l’avenir, le droit international public, après la
création de la CPI, n’a pas fini d’évoluer en cette matière suite à des
dénonciations de crimes du genre de ceux du rapport mapping : il a surtout
évolué dans le sens de la prévention des crimes, comme qui dirait « mieux vaut
prévenir que guérir ».Nous le verrons plus bas, avec force détails.
Cela étant, la question fondamentale de la présente étude peut être
formulée comme suit : « Quelles sont les questions juridiques fondamentales
et/ou pratiques et subséquentes que soulève le projet du rapport mapping ? »
Comme hypothèse de base, nous partons du fait que même la CPI serait
une réaction des Etats à une situation d’impunité des crimes graves, comme
nous l’a exposé le Professeur Luzolo Bambi Lessa. De là le rapport mapping
soulèverait les questions de création d’une juridiction ad hoc, de renforcement
de la prévention des crimes dans le système onusien, de l’humanisation du
droit international public et de la justice pour les victimes des crimes
accompagnée d’un pardon libérateur des consciences.
4 « La responsabilité et la sanction des individus qui ont commis des crimes ne libère pas pour autant l’Etat lui-même
de sa propre responsabilité pour un tel fait. » (Commission de Droit International de l’Assemblée Générale de l’ONU,
Rapport sur les travaux de la 28ième session, Ann CDI, 1976, Vol III, 2ième partie, p. 96, par. 21) ; « Le cas de la
responsabilité individuelle est, en principe, à distinguer de celui de la responsabilité des Etats » (Commission de
Droit International de l’Assemblée Générale de l’ONU, Rapport sur les travaux de la 53ième session, Ann CDI, 2001,
Vol II, 2ième partie, p. 153, par. 3).
Statut de la Cour Pénale Internationale, article 25/ 4 :« Aucune disposition du présent statut relative à la responsabilité
pénale des individus n’affecte la responsabilité des États en droit international. »
100 Du projet du rapport mapping sur les violations graves des droits de l’Homme en République
Démocratique du Congo - Aperçu et questions subséquentes -
Le rapport indique que les femmes et les enfants ont été les principales
victimes de la plupart des actes de violence recensés par l'équipe. Afin de «
refléter comme il convient l'ampleur de ces actes de violence commis par tous
les groupes armés » contre les personnes les plus vulnérables, le rapport
consacre des chapitres spécifiques aux crimes de violence sexuelle contre les
femmes et les filles, ainsi qu'aux violences contre les enfants. Il consacre
également un chapitre au rôle joué par l'exploitation des ressources naturelles
par rapport aux crimes commis au Congo.
5 Pour plus de détails : LUZOLO BAMBI LESSA, E.J. et BAYONA Ba MEYA, N.A., op. cit, pp. 747 et suiv.
6 HUMAN RIGHTS WATCH, RD Congo : Questions et réponses sur le rapport de mapping des Nations Unies sur les
droits humains, in https://www.hrw.org/en/report (consulté le 23/01/2017).
102 Du projet du rapport mapping sur les violations graves des droits de l’Homme en République
Démocratique du Congo - Aperçu et questions subséquentes -
7 Livre blanc : observations du Gouvernement sur le rapport mapping concernant les violations les plus graves des droits
de l’Homme et du droit international humanitaire commises entre 1993 et juin 2003, sur le territoire de la RDC, Tome
II, octobre 2010.
8 LUZOLO BAMBI LESSA, E.J. et BAYONA Ba MEYA, N.A., op. cit, pp. 748-749.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 103
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Dans ce sens, Levy Mario Jordao affirme que : « Loin d'être un mal à nos
yeux, la peine nous semble un bien, en ce qu'elle est le moyen de réparer le trouble causé
par le crime dans l’Etat-de-droit de la société, et parce qu'elle donne au criminel une
9 TROTIGNON R., Jeremy BENTHAM, in Encyclopaedia Universalis, Vol. 3, Paris, éd. Universalis, 1982, pp. 160-
161.
10 AKELE ADAU P., « Notes d’orientation scientifique du Séminaire-Atelier sur la réforme du code pénal », in Réforme
du code pénal congolais. A la recherche des options fondamentales du code pénal congolais, T II, éd. CEPAS,
Kinshasa, 2008, p. 34.
11 GUILLERMIT C., « Emmanuel KANT », in Encyclopaedia Universalis, Vol. 9, Paris, éd. Universalis, 1982, pp 616
et suiv ; BRUAIRE C., « Georg Wilherm Friedrich HEGEL », in Encyclopaedia Universalis, Vol. 8, Paris, éd.
Universalis, 1982, pp 276, 279-280.
12 AKELE ADAU P., « Notes d’orientation scientifique du Séminaire-Atelier sur la réforme du code pénal », in Réforme
du code pénal congolais. A la recherche des options fondamentales du code pénal congolais, T II, éd. du CEPAS,
Kinshasa, 2008, pp. 32-33.
13 Nous pensons, entre autres, au deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
ou qui refuse de prêter serment ou de déposer quand il en a l’obligation, peut, sans autre formalité ni délai et sans
appel, être condamné par l’officier du Ministère public à une peine d’un mois de servitude pénale au maximum et à
une amende qui n’excédera pas 1.000 francs, ou l’une de ces peines seulement.
« La servitude pénale subsidiaire à l’amende, ainsi que la contrainte par corps pour le recouvrement des frais, ne
peuvent excéder quatorze jours. »
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 105
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
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A9nal.html
19 Pour plus de détails sur la corruption : SITA AKELE MUILA, A. et AKELE ADAU, P., « Quelle stratégie pour
combattre la corruption en RDC ? », in Réforme du Code Pénal Congolais, T II, éd. CEPAS, Kinshasa, 2008, pp.380-
409.
20 AKELE ADAU P., (Sous la dir.), Réforme du code pénal congolais, T III, Options axiologiques et techniques
pénal ? », in Réforme du Code Pénal Congolais, T II, éd. CEPAS, Kinshasa, 2008, p.522.
106 Du projet du rapport mapping sur les violations graves des droits de l’Homme en République
Démocratique du Congo - Aperçu et questions subséquentes -
Dans cette logique, il est souvent évoqué l’article 1er commun aux
Conventions de Genève du 12 août 1949 : « Les hautes parties contractantes
s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes
circonstances. »(C’est nous qui soulignons).
22 NYABIRUNGU mwene SONGA, Traité de droit pénal général congolais, 2ième éditions, Presses Universitaires
Africaines, Kinshasa, 2007, pp. 50-62.
23 AUGUSTO CANÇADO TRINDADE, A., « Les Mesures Provisoires de Protection dans la Jurisprudence de la Cour
Interaméricaine des Droits de L'Homme », in Revista do Instituto Brasileiro de Direitos Humanos, (2003), 13-19.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 107
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
24Affaire relative à des questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), Ordonnance
du 28 mai 2009, [2009], en ligne : CIJ <www.icj-cij.org/docket/files/144/1 5148.pdf>
25Selon l’opinion dissidente, dans un vibrant plaidoyer pour un droit universel qui serait prétendument plus adapté aux
« réalités » contemporaines, le juge Cançado Trindade a argué que, quels que soient les droits de la Belgique en tant
que partie à la Convention contre la torture, c’étaient les droits des victimes qui devaient être protégés par la Cour.
Accusant ses contradicteurs de « [n]ostalgics of the past, clung to their own dogmatism », le juge Cançado Trindade
a argué que depuis trente ans la Couraurait« overcome the strictly inter-State outlook in the acknowledgment of the
rights to be preserved by means of its orders of provisional measures ». Ainsi, malgré le caractère exclusivement
interétatique des différends pouvant être soumis à la Cour, il considère que les États « have no longer the monopoly
of the rights to be preserved » et a appelé la Cour à transcender « the artificial inter-State dimension of the past » pour
préserver les droits des vrais et ultimes titulaires des droits : les hommes
26A la fin de la première guerre mondiale, le traité de Versailles prévoit dans son article 227 la création d’un tribunal
international en vue de juger GUILLAUME II pour « offense suprême contre la morale internationale et l’autorité
sacrée des traités ». Ce tribunal ne verra pas le jour, GUILLAUME II s’étant exilé aux Pays-Bas et ces derniers
refusant de l’extrader. Les crimes commis durant la seconde guerre mondiale par les nazis et les Japonais seront les
premiers crimes internationaux jugés comme tels. Les premiers par le tribunal de NUREMBERG, créé par les accords
de Londres du 8 août 1945 qui définissent les notions de crimes contre l’humanité, crime de guerre et crime contre la
paix26. Puis une déclaration institue en parallèle le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient ayant son
siège à TOKYO le 19 janvier 1946. Le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) : mis en place en
1993 par la résolution 827 du Conseil de Sécurité du 25 mai de cette année et établi à La Haye. Le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda (TPIR) : créé en 1994 par la résolution 955 du Conseil de Sécurité et s’est établi à
Arusha en Tanzanie. Le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (TSSL) : créé le 16 janvier 2002 en vue de juger les
crimes commis durant la guerre civile de Sierra Leone. Le Tribunal Spécial pour le Liban a été créé après l’assassinat
de RAFIQ HARIRI, le 14 février 2005 : résolution 1757 du Conseil de Sécurité. La création de la CPI s’est déroulée
en deux temps :
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 109
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
est parmi les maillons les plus importants, qu’il nous suffise, pour l’Assemblée
Générale de l’ONU et à titre indicatif, de citer :
Il n’y a pas de doute que l’ONU s’investit dans la prévention des actes
du genre de ceux dénoncés par le rapport mapping par une diplomatie
préventive (tenue par les différents rapporteurs spéciaux27, la CPI elle-même,
les différents représentants spéciaux du Secrétaire Général de l’ONU, le
Secrétaire Général de l’ONU lui-même, etc.) et par les interventions armées, si
nécessaire (Conception institutionnelle de la menace contre la paix et la sécurité
internationales).C’est dans ce cadre qu’il faut situer les différentes opérations
« peace keeping », « peace making », « peace building », « peace
enforcement ».
- Adoption du statut de Rome le 17 juillet 1998 par 120 pays participant à la conférence diplomatique des
plénipotentiaires de l’ONU sur l’établissement d’une Cour Pénale Internationale (7 voix contre 21 abstentions). Le
statut qui définit les pouvoirs et obligations semble rendre celle- ci indépendante du Conseil de Sécurité, ce qui
renforce sa crédibilité. De la même façon, l’adhésion au statut de Rome est volontaire.
- Une fois le statut de Rome adopté, il fallait qu’un minimum de 60 Etats le ratifie pour qu’il entre en vigueur. Ce
quorum a été atteint le 11 avril 2002 après qu’un groupe de 10 Etats ait ratifié en même temps le statut. Le 1er juillet
2002 marque l’entrée en vigueur du statut de la CPI. (MUNTAZINI MUKIMAPA T., « La complémentarité de la
Justice Nationale avec la Cour Pénale Internationale ; cas de la République Démocratique du Congo », in La Justice
Nationale et internationale dans la lutte contre l’impunité, K.A.S., Kinshasa, 2007, p. 23 et suiv.).
27 Conseil des droits de l’homme (Seizième session), Résolution 16/21 sur le Réexamen des activités et du
fonctionnement du Conseil des droits de l’homme, du 12 avril 2011 ; Conseil des droits de l’homme (9e séance),
Résolution 5/1, sur la Mise en place des institutions du Conseil des droits de l’homme, du 18 juin 2007 ; Mission
permanente de la Suisse auprès de l’ONU, Le Conseil des droits de l’homme. Guide pratique, Communication visuelle
DFAE, Berne, 2015, pp. 11 et suiv; Haut-commissariat aux droits de l’Homme et Organisation internationale de la
Francophonie, Le Conseil des droits de l’Homme : Guide pratique, pp. 42-55, in http://www.ohchr.org/(consulté le
25/01/2017).
110 Du projet du rapport mapping sur les violations graves des droits de l’Homme en République
Démocratique du Congo - Aperçu et questions subséquentes -
Qu’il nous soit permis de signaler qu’ailleurs qu’en RDC, ces nouvelles
doctrines des Nations Unies ont donné lieu à des contestations basées sur la
souveraineté étatique, à des dérapages et parfois aux abus de puissance. Qu’il
nous soit parmi de relever :
- L’article 2.6 de la Charte des Nations Unies : « L'Organisation fait en sorte que
les États qui ne sont pas membres des Nations unies agissent conformément à ces
principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité
internationales. » L’article 13.b du statut de la Cour Pénale Internationale :
« La Cour peut exercer sa compétence à l'égard d'un crime visé à l'article 5,
conformément aux dispositions du présent Statut : b) Si une situation dans laquelle
un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au procureur
par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations
Unies ». Cette disposition est la pierre d’achoppement de plus d’un
désaccord interétatique. C’est ainsi que le 3 juillet 2009, l’Union Africaine a
décidé que ses membres doivent refuser de coopérer avec la CPI concernant
l’arrestation du Président soudanais Omar El-Béchir et son transfert à la
Cour. Cette position de l’UA a été confortée dans une décision sur le rapport
de la deuxième réunion des Etats-parties au statut de Rome de la CPI. A
l’issue du 15ième sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernement qui s’est
tenue à Kampala, du 15 au 27 juillet 2010, l’UA maintient sa position. Par
ailleurs, la même position a été adoptée à propos du mandat d’arrêt émis, le
27 juillet 2011, à l’encontre de l’ancien dirigeant lybien Mouammar Khadafi.
Dans une résolution du 1er juillet 2011, l’UA « décide que les Etats membres ne
coopéreront pas à l’exécution du mandat d’arrêt contre Khadafi et demande au
Conseil de Sécurité de l’ONU d’annuler le processus de la CPI. »
- Les déviations ne sont pas totalement exclues. C’est ainsi que à travers les
résolutions 1970 (2011), du 26 février 2011, et 1973 (2011), du 17 mars 2011,28
sur la situation en Libye, les membres de l'ONU ont admis qu'il revient à
chaque État de protéger sa population mais que c'est à la communauté
internationale, dans le cadre de l'ONU, que revient la responsabilité
d'assurer cette protection, en cas de carence de l'État concerné. Dans les cas
les plus graves, la responsabilité de protéger de la communauté
internationale peut prendre la forme d'une intervention militaire coercitive,
décidée par le Conseil de sécurité, en vertu du chapitre VII de la Charte des
Nations unies.29
28 Résolution S/2011/142, adoptée par 10 voix pour et 5 abstentions (Allemagne, Brésil, Chine, Fédération de Russie et
Inde).
29 Retenons de la dernière de ces Résolutions ce qui suit : Le Conseil de Sécurité
« Protection civile
« 4. Autorise les États Membres qui ont adressé au Secrétaire général une notification à cet effet et agissent à titre
national ou dans le cadre d’organismes ou d’arrangements régionaux et en coopération avec le Secrétaire général,
à prendre toutes mesures nécessaires, nonobstant le paragraphe 9 de la résolution 1970 (2011), pour protéger les
populations et les zones civiles menacées d’attaque en Jamahiriya arabe libyenne, y compris Benghazi, tout en
excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère sous quelque forme que ce soit et sur n’importe quelle
partie du territoire libyen, et prie les États Membres concernés d’informer immédiatement le Secrétaire général
des mesures qu’ils auront prises en vertu des pouvoirs qu’ils tirent du présent paragraphe et qui seront
immédiatement portées à l’attention du Conseil de sécurité ;
« 5. Mesure l’importance du rôle que joue la Ligue des États arabes dans le maintien de la paix et de la sécurité
régionales et, gardant à l’esprit le Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, prie les États Membres qui
appartiennent à la Ligue de coopérer avec les autres États Membres à l’application du paragraphe 4 ;
« Zone d’exclusion aérienne
« 6. Décide d’interdire tous vols dans l’espace aérien de la Jamahiriya arabe libyenne afin d’aider à protéger les
civils ;
« 7. Décide également que l’interdiction imposée au paragraphe 6 ne s’appliquera pas aux vols dont le seul objectif
est d’ordre humanitaire, comme l’acheminement d’une assistance, notamment de fournitures médicales, de denrées
alimentaires, de travailleurs humanitaires et d’aide connexe, ou la facilitation de cet acheminement, ou encore
l’évacuation d’étrangers de la Jamahiriya arabe libyenne, qu’elle ne s’appliquera pas non plus aux vols autorisés
par les paragraphes 4 ci-dessus ou 8 ci-dessous ni à d’autres vols assurés par des États agissant en vertu de
l’autorisation accordée au paragraphe 8 dont on estime qu’ils sont dans l’intérêt du peuple libyen et que ces vols
seront assurés en coordination avec tout mécanisme établi en application du paragraphe 8 ;
« 8. Autorise les États Membres qui ont adressé aux Secrétaires généraux de l’Organisation des Nations Unies et de
la Ligue des États arabes une notification à cet effet, agissant à titre national ou dans le cadre d’organismes ou
d’arrangements régionaux, à prendre au besoin toutes mesures nécessaires pour faire respecter l’interdiction de
vol imposée au paragraphe 6 ci-dessus et faire en sorte que des aéronefs ne puissent être utilisés pour des attaques
aériennes contre la population civile et demande aux États concernés, en coopération avec la Ligue des États
arabes, de procéder en étroite coordination avec le Secrétaire général s’agissant des mesures qu’ils prennent pour
appliquer cette interdiction, notamment en créant un mécanisme approprié de mise en œuvre des dispositions des
paragraphes 6 et 7 ci-dessus ;
« 9. Appelle tous les États Membres agissant à titre national ou dans le cadre d’organismes ou d’arrangements
régionaux à fournir une assistance, notamment pour toute autorisation de survol nécessaire, en vue de l’application
des paragraphes 4, 6, 7 et 8 ci-dessus ;
« 10. Prie les États Membres concernés de coordonner étroitement leur action entre eux et avec le Secrétaire général
s’agissant des mesures qu’ils prennent pour mettre en œuvre les paragraphes 4, 6, 7 et 8 ci-dessus, notamment les
mesures pratiques de suivi et d’approbation de vols humanitaires ou d’évacuation autorisés ; »
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/maintien-paix/onu-libye.shtml
112 Du projet du rapport mapping sur les violations graves des droits de l’Homme en République
Démocratique du Congo - Aperçu et questions subséquentes -
30 « Questions/réponses du CICR », in Revue Internationale de la Croix-Rouge, Volume 96, Sélection française, 2014 /
1, pp. 293 et suivantes.
31 Art. 3. - Non-intervention
« 1. Aucune disposition du présent protocole ne sera invoquée en vue de porter atteinte à la souveraineté d’un État ou
à la responsabilité du gouvernement de maintenir ou de rétablir l’ordre public dans l’État ou de défendre l’unité
nationale et l’intégrité territoriale de l’État par tous les moyens légitimes.
« 2. Aucune disposition du présent protocole ne sera invoquée comme une justification d’une intervention directe ou
indirecte, pour quelque raison que ce soit, dans le conflit armé ou dans les affaires intérieures ou extérieures de la
haute partie contractante sur le territoire de laquelle ce conflit se produit. »
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 113
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Les Etats ont, donc, privilégier la souveraineté étatique, même face aux
nécessités humanitaires. Toutefois, « L’impasse dans laquelle s’est trouvé le Conseil
de sécurité sur la question du recours à la force dans le cas syrien l’a incité à explorer
d’autres manières de renforcer le droit à l’assistance et à l’accès humanitaire. En
adoptant ses résolutions sur la crise syrienne, le Conseil de sécurité a développé une
doctrine cohérente sur l’interprétation du Droit International Humanitaire, ne laissant
aucun doute sur le fait que le droit à l’assistance et à l’accès humanitaire n’est plus le
monopole de la partie étatique à un conflit32 .Ces résolutions s’opposent à certaines
interprétations abusives du Droit International Humanitaire, fondées sur la
souveraineté, qui ont conduit à un refus arbitraire d’assistance et l’utilisation Del ‘aide
comme arme de guerre. »33Signalons que ce débat ne s’est pas posé, dans le cas
spécifique de la RDC, dans les même termes, étant donné que même s’il s’est
agi d’un conflit déstructuré, comme celui syrien ou celui de la Somalie, la Lybie,
il n’y a pas eu échec patent dans l’accès humanitaire.
32 Dans la Résolution 2165 du 14 juillet 2014, le Conseil de sécurité de l’ONU rejette la référence au Chapitre VII et
l’option de recourir à la force dans le cas d’une violation de ses décisions, tout en affirmant que cette résolution – et
par conséquent l’interprétation qu’elle fait du DIH – possède un effet juridiquement contraignant en vertu de l’article
25 de la Charte des Nations Unies.
33 BOUCHET-SAULNIER, F., « Le consentement à l’accès humanitaire : une obligation déclenchée par le contrôle du
territoire et non par les droits de l’État », in Revue Internationale de la Croix-Rouge, Volume 96, Sélection française,
2014 / 1, p. 177.
34 KREß, C., et MEGRET, F., « La réglementation des conflits armés non internationaux : un privilège de belligérance
peut-il être envisagé dans le droit des conflits armés non internationaux ? », in Revue Internationale de la Croix-
Rouge, Volume 96, Sélection française, 2014 / 1, pp. 29-68.
35 CIJ, Recueil 2005, pp. 345 et suiv.
114 Du projet du rapport mapping sur les violations graves des droits de l’Homme en République
Démocratique du Congo - Aperçu et questions subséquentes -
à une nouvelle requête en janvier 2002, sur base des clauses compromissoires
contenues dans 66 conventions relatives aux droits de l’Homme et droit
international humanitaire. La suite est toujours loin d’être heureuse.36
« 179. La Cour ayant conclu que l’Ouganda était une puissance occupante
(…) la responsabilité de celui-ci est donc engagée à raison à la fois de
tout acte de ses forces armées contraire à ses obligations internationales
et du défaut de la vigilance requise pour prévenir les violations des droits
de l’homme et du droit international humanitaire par les autres acteurs
présents sur le territoire occupé, en ce compris les groupes rebelles
agissant pour leur propre compte» (souligné par nous).
Il est évident que les juridictions nationales sont dans une situation telle
qu’elles sont incapables d’exercer leurs compétences relativement aux actes
visés par le rapport mapping. C’est dans cette hypothèse qu’il sied d’évoqué
l’article 1er du Traité de Rome, du 17 juillet 1998, portant statut de la Cour
pénale internationale37, in fine, qui dispose : « Elle (La Cour) est complémentaire
des juridictions pénales nationales ».
36 Pour plus de détails : MAMPUYA KANUNK’a-TSHIABO, op. cit., pp. 959 et suiv.
37 Le traité de Rome du 17 juillet 1998 a été ratifié par le Décret- Loi n° 00/3/2000 du 30 mars 2002.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 115
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Pour rentrer au statut de la CPI, une fois de plus, la Cour ne vise pas à se
substituer aux systèmes nationaux de justice pénale mais à les compléter. Elle
ne peut poursuivre et juger des personnes que si les systèmes nationaux en
question n’engagent pas des procédures ou s’ils proclament leur intention de
le faire sans avoir réellement la volonté ou la capacité de mener véritablement
à bien des poursuites38. L’incapacité de l’Etat à poursuivre peut découler de
l’effondrement total ou partiel (failled state) de son appareil. C’est notamment
le cas lorsque les infrastructures judiciaires et pénitentiaires ont été
bombardées pendant la guerre ou que le personnel judiciaire, pour échapper à
l’insécurité, a dû déserter de son poste de travail.39
Qu’il nous soit permis, pour plus de clarté de relever un extrait des
commentaires du Professeur Emmanuel Luzolo Bambi, inspirés du texte
pertinent :
« C’est ainsi qu’a été adopté en Conseil des Ministres, le projet de loi
relative aux chambres spécialisées pour la répression des violations graves du
droit international humanitaire dont il définit l’organisation, le
fonctionnement, le droit applicable, la compétence et la procédure. Le projet de
loi établit un lien entre son adoption et la politique de tolérance zéro et la
prétention de couvrir les faiblesses que n’arrive pas à combler l’action
répressive de la CPI qui ne rend pas compte de l’ampleur du déficit judiciaire
en matière de répression des crimes internationaux dont le traitement
piétine »43.
Ces crimes sont imprescriptibles. Mais, plus le temps passe, plus les
auteurs présumés des crimes meurent, plus des preuves deviennent difficile à
reconstituer, etc.
43 LUZOLO BAMBI LESSA, E.J. et BAYONA Ba MEYA, N.A., op. cit, pp. 750-758.
44 Idem., pp. 759-760.
45 J.O.RDC., numéro spécial, 5 avril 2003, p. 1
118 Du projet du rapport mapping sur les violations graves des droits de l’Homme en République
Démocratique du Congo - Aperçu et questions subséquentes -
Quant aux amnisties, comme nous l’a affirmé le Professeur Luzolo, dans
le cadre de l’exposé sur l’impunité, sont des obstacles à la sanction pénale. Les
lois d’amnistie suivantes nous intéressent dans le cadre du rapport mapping.
Il s’agit de :
- Décret-loi n° 03-001 du 15 avril 2003 portant amnistie pour les faits de
guerre, infractions politiques et d’opinion ;
- Décret-loi du 07 mai 2009 portant amnistie pour les faits de guerre et
insurrection commis dans le Nord et Sud-Kivu ;
- Loi n° 014/006 du 11 février 2014 portant amnistie pour faits
insurrectionnels, faits de guerre, infractions politiques.
Soulignons qu’il est exclu de l’application de ces textes les crimes de droit
international public : Génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité, et
crime d’agression.
Il est évident que les actes commis sur le territoire de la RDC, pendant la
période 1993-2003, trahissent le défaut d’une connaissance impeccable des
droits de l’homme et du droit international humanitaire dans le chef des
hommes armés, notamment. Pour y pallier, il y a lieu d’investir dans une bonne
formation en la matière. Cela ressort même de l’une des réactions du
Gouvernement de la RDC, à ce rapport, suscitée, visant la réforme des services
de sécurité et de défense.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 119
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Pour mieux réussir, l’éducation devra être généralisée à tous les secteurs,
en la matière. C’est dans cette logique que nous citons les alinéas 5 à 7 de
l’article 45 de la Constitution de la RDC, du 18 février 2006, telle que modifiée
et complétée à ce jour :
« L’Etat a l’obligation d’intégrer les droits de la personne humaine dans tous les
programmes de formation des forces armées, de la police et des services de sécurité. »
La presse, a-t-elle joué correctement son rôle ? Nous pensons que celle
internationale, comme il a été démontré à propos des armes de destruction
massives de l’Irak, a été soit timide, soit absente. Celle nationale a même
difficile à être un instrument de lutte contre la corruption.
CONCLUSION
46 HUMAN RIGHTS WATCH, RD Congo: Questions et réponses sur le rapport de mapping des Nations Unies sur les
droits humains, in https://www.hrw.org/en/report (consulté le 23/01/2017).
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 121
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
- L’arrêt de la CIJ du 19 décembre 2005 sur les activités armées sur le territoire
du Congo, RD C/Ouganda, en cas d’exécution, pourrait satisfaire, en partie
à la question des réparations des préjudices subis du fait des activités
ougandaises, en RDC ;
- Le défaut d’une justice interne et la non-rétroactivité du statut de la CPI
justifient la nécessité de création des chambres spécialisées sur la RDC, pour
le rapport mapping ;
- La justice seule ne suffirait pas pour éponger les conséquences des crimes
dénoncés au terme du rapport mapping, d’où la nécessité de recourir aux
mécanismes supposant le « pardon » et « l’éducation » : problématique de
la Création d’une Commission Vérité et Réconciliation, des amnisties, de
l’éducation et l’investissement dans le règlement pacifique des différends.
BIBLIOGRAPHIE ÉNONCIATIVE
I. TEXTES OFFICIELS
1. Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, in
J.O.Z., n° spécial, avril 1999.
2. Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des
malades dans les forces armées en campagne, du 12 août 1949.
3. Convention (II) de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des
malades et des naufragés des forces armées sur mer.
4. Convention (III) de Genève relative au traitement des prisonniers de
guerre, du 12 août 1949.
5. Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles
en temps de guerre, du 12 août 1949.
6. Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale, in B.O., 1959, p.
1934.
7. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté et ouvert à
la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée Générale dans
sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966, entrée en vigueur : le 23
mars 1976, in J.O.RDC., n° spécial, avril 1999.
8. Traité de Rome, du 17 juillet 1998, portant statut de la Cour pénale
internationale ratifié par le Décret- Loi n° 00/3/2000 du 30 mars 2002.
9. Accord global et inclusif sur la transition en République démocratique du
Congo signé à Pretoria le 17 décembre 2002 et adopté à Sun City le 1er avril
2003.
10. Constitution de la transition du 04 avril 2003, in JO RDC, n° spécial, 44ième
année, 05 avril 2003.
11. La résolution A/60/1 du 16 septembre 2005, intitulée « Devoir de protéger
les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage
ethnique et les crimes contre l’humanité ».
12. Constitution de la RDC du 18 février 2006 telle que modifiée par la Loi n°
11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la
Constitution de la RDC, in J.O. RDC, n° spécial, 52ième année, octobre 2011.
CAHIERS AFRICAINS DES DROITS DE L’HOMME ET DE LA DEMOCRATIE 123
AINSI QUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
II. JURISPRUDENCE
1. L’arrêt de la CIJ du 19 décembre 2005 sur les activités armées sur le territoire
du Congo, RD C/OugandaCIJ, Recueil 2005.
33. SITA AKELE MUILA, A. et AKELE ADAU, P., « Quelle stratégie pour
combattre la corruption en RDC ? », in Réforme du Code Pénal Congolais, T
II, éd. CEPAS, Kinshasa, 2008.
34. TROTIGNON, R., “Jeremy BENTHAM”, in Encyclopaedia Universalis, Vol.
3, Paris, éd. Universalis, 1982.