Bernier A-M. Végétalisation Du Bâtiment en Milieu Urbain (Isolation)
Bernier A-M. Végétalisation Du Bâtiment en Milieu Urbain (Isolation)
Bernier A-M. Végétalisation Du Bâtiment en Milieu Urbain (Isolation)
BÉNÉFICES ET PERSPECTIVES
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
PAR
ANNE-MARIE BERNIER
MARS 2011
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Service des bibliothèques
Avertissement
La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé
le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles
supérieurs (SDU-522 - Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément à
l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à
l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de
publication ,de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour
des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise
l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des
copies de. [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support
que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une
renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété
intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de
commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
REMERCIEMENTS
Merci à tous mes amis pour le soutien et l'intérêt manifeste. J'en nommerai une, Kim
Gauthier-Schampaert, dont les conseils et les encouragements ont été particulièrement
précieux tout au long de ma rédaction.
Merci à mon directeur Borkur Bergmann d'avoir su me guider au cours de toutes les étapes
de la maîtrise, de m'avoir poussée toujours plus en avant. Merci de m'avoir laissé toute la
latitude et la liberté d'explorer Je sujet à ma façon.
Merci à toute ma famille de m'avoir donné la solide fondation et les piliers de ce que je suis
aujourd'hui, d'avoir cm en moi bien avant que je décide de faire mes premiers pas à
j'Université. Merci à Sylviane Parent, ma mère, de m'avoir donné la confiance, le jugement,
la rigueur et le sens de la communication nécessaires à la réalisation de ma maîtrise. Merci
d'avoir pris le temps de lire et de commenter le texte entier de mon mémoire avec attention,
curiosité et esprit critique. Merci à Benoit Bernier, mon père, pour sa vision du monde, ma
plus grande source d'inspiration.
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ IX
INTRODUCTION 2
CHAPITRE l
CADRE DE LA RECHERCHE 7
1.2 Problématique 17
1.2.1 Pertinence sociale du sujet 18
1.2.2 Pertinence scientifique du sujet 20
1.3 Méthodologie 21
1.3.1 Approche 21
1.3.2 Collecte de données 22
1.3.3 Analyse 26
1.3.4 Résultats escomptés et limites de la recherche 26
CHAPITRE II
HISTORlQUE ET DESCRlPTION DU PHÉNOMÈNE DE VÉGÉTALISATION
DU BÂTIMENT 30
2.1 Historique 30
2.1.1 Toitures végétales 31
2.1.2 Façades végétales 34
IV
CHAPITRE III
BÉNÉFICES DE LA VÉGÉTALISATION DU BÂTIMENT
EN MILIEU URBAIN 49
CHAPITRE IV
VÉGÉTALISATION DU BÂTIMENT EN MILIEU URBAIN :
PARlS, VILLE TÉMOIN 74
CHAPITRE V
PROPOSITIONS POUR MONTRÉAL 87
CONCLUSION 104
BIBLIOGRAPHIE 107
LISTE DES TABLEAUX
Tableau Page
Figure Page
Figure 2.3 : Façade végétalisée recouverte de plantes grimpantes. New York, 2009.43
Figure 2.4 : Treillis standardisés: structures coniques servant à tendre des fils
métalliques (gauche); structures de métal en spirales (droite). Paris, 2009 44
Figure 2.6: Mur végétal de Patrick Blanc. Musée du quai Branly, Paris, 2009 46
Figure 4.2: Wild TO\ver, Cheminée EPAD par Édouard François et Patrick Blanc. La
Défense, Paris 80
Figure 4.3 : Façade végétale du BHV Homme conçue par Franck Michigan et Patrick
Blanc. Rue de la Verrerie, Marais (4e arrondissement), Paris, 2009 82
Figure 4.4 : Tower Flower par Édouard François. ZAC d'Asnières (17 e
arrondissement). Paris, 2009 83
Figure 4.5 : Mur de la rue Henri-Noguères financé par la Mairie de Paris. ZAC du
bassin de la Villette (lge arrondissement), Paris, 2009 85
Figure 5.7 : Murets de béton séparant les différentes aires des Habitations Jeanne-
Mance. Montréal, Québec, 2009 102
RÉSUMÉ
La présente recherche est une étude qualitative inductive exploratoire dont le but est de
déterminer comment la végétalisation du bâti peut contribuer à l'amélioration de la qualité de
vie individuelle et collective en milieu urbain. Trois objectifs secondaires sous-tendent
l'étude: identifier et documenter les bénéfices de la végétalisation du bâti en milieu urbain;
relever les différentes formes que peut prendre la végétalisation du bâtiment; cibler et
proposer des efforts de végétalisation du bâti à envisager dans le contexte montréalais.
Le cadre théorique est celui de l'écologie urbaine, discipline qui considère la ville comme un
écosystème et l'humain comme une espèce parmi les autres à J'intérieur de cet écosystème.
Les données ont été collectées principalement par revue critique de la littérature et
observation directe. La démarche méthodologique sur le terrain et les études de cas ont été
menées à Paris, ville où les efforts de végétalisation du bâtiment sont en pleine explosion.
L 'histoire et les formes variées que peut prendre la végétalisation des toits et des façades ont
tout d'abord été documentées et illustrées. Les nombreux bénéfices de la pratique en milieu
urbain ont ensuite été abordés: la régulation de la température, l'atténuation de l'effet d'îlot
de chaleur urbain, la gestion des eaux de ruissellement, l'isolation thermique et acoustique du
bâtiment, la biodiversité, la qualité de l'air et la qualité de l'espace en sont les principaux
exemples.
Les observations, entretiens et études de cas effectués à Paris ont servi d'inspiration pour le
dernier chapitre de propositions pour le contexte montréalais. L'utilisation de plantes des
montagnes et des falaises, de plantes sempervirentes résistantes, ainsi que la protection des
racines contre Je gel sont les recommandations retenues concernant les façades végétales dans
la métropole québécoise. Les logements sociaux ont été proposés comme bâtiments à
végétaliser afin de démocratiser la pratique et de générer les bénéfices les plus probants sur le
plan de la régulation de la température. Les Habitations Jeanne-Mance, un complexe de
logements subventionnés au centre-ville de Montréal, ont finalement été sélectionnées afin de
préciser ces recommandations.
Les bâtiments sont le reflet des humains et de leurs époques. Ce sont les artéfacts les plus
imposants qui soient. La ville est elle-même le produit de l'évolution humaine. Les villes
antiques et les villes d'aujourd'hui n'ont plus que quelques rares points en commun, mais une
constante demeure: dans l'ordre et la géométrie de l'architecture urbaine, les citadins
manifestent toujours un besoin de végétation. Les parcs et les forêts urbaines sont maintenant
idéalement protégés et la présence de végétation est un critère en ce qui concerne la qualité
environnementale. La densité croissante des villes est cependant un frein à la proportion des
surfaces au sol qui peuvent être plantées.
Il reste donc beaucoup à faire: la végétalisation de façades est encore peu explorée et les
recherches sur les effets psychologiques et sociaux de la végétalisation sur les toits et les
murs sont rares. C'est pourquoi la question de recherche exploratoire qui sous-tend la
présente recherche concerne la façon dont la végétalisation du bâtiment peut contribuer à
l'amélioration de la qualité de vie individuelle et collective en milieu urbain. La question est
large, parce qu'il s'agit d'une étude exploratoire concernant un phénomène relativement
nouveau. Le fait est que très peu d'ouvrages traitent de tous les bénéfices de la végétation sur
les toits et les façades.
Le but de la recherche est évidemment de favoriser les efforts de végétalisation sur le bâti en
milieu urbain, à Montréal plus particulièrement, mais aussi dans les autres villes les plus
populeuses du Québec. Le biais favorable de l'auteure est conscient et volontaire. Idéalement,
le contenu de ce mémoire servira à alimenter les recherches en écologie urbaine et la
conception d'un modèle urbain durable, ainsi que des techniques de design durable organique
qui limitent les impacts négatifs sur l'environnement.
Should J become a landscape artist or an ecological planner, a designer or an
environmentalist?
CADRE DE LA RECHERCHE
évidemment l'architecture et le design. Le fait que l'on traite d'une structure construite par
1'humain et pour l'humain oblige à considérer l'aspect social. Enfin, le contexte urbain, de
par ses impacts multiples sur les êtres vivants, entraîne une approche écologique du
problème. Le sujet de ce mémoire est également un lieu d'interfaces entre des concepts qui
peuvent sembler a priori opposés.
L'interdisciplinarité est le fait d'intégrer différentes disciplines dans la poursuite d'un objectif
commun pour le développement d'un savoir intégré (Tress et al., 2004), approche qui
caractérise de façon intrinsèque les sciences de l'environnement. Celles-ci consistent en
l'étude interdisciplinaire des problèmes complexes et interreliés de la population, des
ressources et de la pollution; elles s'intéressent à l'impact de l'humain sur les systèmes
vivants et visent la survie et le bénéfice de l'humain (Bnmet, 1995). Malgré le fait qu'il soit
impossible de maîtriser parfaitement plusieurs disciplines, les sciences de l'environnement
sont des sciences d'intégration.
doivent donc résister aux oppositions disciplinaires, ainsi que satisfaire et faire progresser
toutes les disciplines concernées (Tress et al., 2004).
L'urbanisation étant un fait écologique et social, ['étude d'un phénomène y prenant place
nécessite obligatoirement une approche interdisciplinaire. Baker se prononce ainsi sur la
multidisciplinarité en milieu urbain:
« No where is this more important than in the arena of urban ecosystems, which requires
the joint efforts of ecologists, engineers, geographers, hydrologists, anthropologists,
sociologists and other disciplines in the search for understanding of humans in their most
common environment. » (Baker, 2006, p. 45)
1.1.1 Interfaces
« [ ... ] to put an outdated debate - art versus science, nature versus cu lture, design versus
planning, development versus beauty - to rest, so that we can move to a new dialogue
about art and science, land and culture, design and planning, development and
environmental health, practical needs and beauty. » (Thompson et Steiner, 1997, p. 5)
Ville et environnement
milieu urbain. Les murs et les toits végétaux ont des impacts potentiels positifs sur chacun de
ces points chauds.
Humain et nature
« Pour 1'homme, produire de l'artificiel est une activité absolument naturelle. » (Manzini,
1991, p. 44) La polarité « naturel-artificiel» est donc probablement désormais obsolète, car
l'on comprend maintenant que, malgré le fait que tout ce qui est construit par l'humain est
artificiel, l'humain fait partie de la nature:
[... ] tout ce que l'homme a fait jusqu'ici, l'activité intense qu'il a déployée de génération
en génération pour inventer et produire, les transformations et l'artificialisation
progressive de l'environnement qui en ont découlé sont autant de conséquences naturelles
de cette particularité de l'espèce Homo sapiens (Manzini, 1991, p. 80).
La végétalisation des constructions humaines en ville permet d'intégrer des éléments naturels
(végétation) à un milieu où les surfaces de sol disponibles pour créer des espaces verts sont
rares. La présence d'espaces verts entraîne des bénéfices directs sur l 'humain lui-même, en
plus d'améliorer la qualité de son environnement biophysique.
Culture et nature
La culture est un des aspects qui différencie l'humain des autres espèces animales. Elizabeth
K. Mayer (1997) voit les termes binaires « humain-nature» et « culture-nature» comme
plaçant l'humain en dehors de l'écosystème, ce qui crée une relation de contrôle ou de
possession au lieu d'un partenariat ou d'une interrelation. Ces oppositions nient la base
culturelle et la contingence historique de notre construction de la nature et de la science.
Végétation et architecture
La végétation est organique, cyclique, saisonnière, du moins dans notre climat. Elle présente
une émergence et un déclin comme tous les êtres vivants. Au contraire, l'architecture est
solide, construite, stable, bien qu'elle finisse par présenter une patine, une usure. Selon
Mayer (1997), le paysage naturel est plus souvent considéré comme non structuré, informel,
irrégulier, sauvage, chaotique, désorganisé, dominé. Tous ces qualificalifs contrastent avec
ceux qui décrivent la géométrie pure d'un objet construit: anguleuse, structurée, ordonnée,
organisée, dominante. Les murs et toits végétaux brisent l'ordre établi de la construction
architecturale et deviennent des témoins des cycles naturels.
Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Deux concepts
sont inhérents à cette notion: le concept de « besoins », et plus particulièrement des
besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et
l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale impose
sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. (ONU, 1987,
p. nid)
Il
Le rapport Brundtland stipule également que l'atteinte du développement durable passe par
un équilibre entre les sphères économique, sociale et environnementale (ONU, 1987). La
définition de « vi Ile viab le » par Girardet est directement inspirée de celle du développement
durable: « A sustainable city enables ail its citizens ta meet their own needs and ta enhance
their well-being, without degrading the natural world or the lives of other people, now or in
the future. » (Girardet, 2004, p. 6) La perception de la ville comme un écosystème dans
lequel l'humain est l'une des espèces interagissant avec les autres espèces et .leur
environnement est la prémisse à l'émergence du concept de « ville viable ». Depuis le début
des années 1990, la communauté mondiale a manifesté sa considération pour les questions de
ville viable, en commençant par J'Agenda 21, produit fondamental du Sommet de la Terre à
Rio en 1992 ; puis par la Charte d'Aalborg, adoptée par les participants à la Conférence
européenne sur les villes durables qui s'est tenue à Aalborg, Danemark, en 1994. Les
problématiques urbaines touchent la concentration de pollution, les effets et les causes du
réchauffement global, l'imperméabilisation des surfaces et la diminution du couvert végétal.
Les milieux urbains présentent une concentration de population importante, donc une atteinte
à la qualité de vie y touche beaucoup d'humains simultanément: « Si le l8ième siècle a été le
siècle de l'agriculture, le 19ième siècle celui de l'industrie et le 20ième siècle celui de
l'urbanisation, le 21 ième siècle sera probablement celui de la cybernétique et des villes. »
(Brunet, 1995, p. 4)
the righl size. » (Gabor, 1972, p. 40) Pour Gabor, les mégalopoles ne sont plus à échelle
humaine: « We must return 10 a city of human dimension» (Gabor, 1972, p. 42). La vie
urbaine a longtemps été considérée comme non naturelle, aliénante et chaotique ou encore
comme complètement séparée de la nature, comme si nature et ville étaient deux pôles
diamétralement opposés. D'autres auteurs croyaient que la ville devait être reconnue comme
distincte de la nature, mais que son artiflcialité devait être perçue comme une qualité
signifiante qui devait être poussée encore plus loin (PULSA, 1972). Selon Kepes, la ville est
un autoportrait collectif, image de notre chaos (Kepes, 1972). Le World Resources lnstitute
propose en l'an 2000 une définition « écologique» de la ville: il s'agit d'une communauté où
les humains représentent l'espèce dominante ou l'espèce clé, et où l'environnement construit
est l'élément dominant contrôlant la structure physique de l'écosystème (World Resources
Institute, 2000). L'avantage de cette définition réside dans le fait qu'elle transcende les limites
des frontières politiques, elle intègre plusieurs approches disciplinaires et considère les
populations humaines comme partie intégrante du reste de l'environnement. On peut aussi
énoncer une définition selon les besoins humains caractéristiques à toutes les villes: la
sécurité, des abris, de la nourriture, de l'eau, de l'énergie, la possibilité de mouvement à
l'intérieur de la ville, ainsi que la possibilité de mouvement permettant les entrées et les
sorties, finalement, un besoin sans cesse croissant pour plus d'espace (Whiston Spirn, 1984).
Les villes sont certainement un élément clé de la présente crise concernant la qualité de la vie
humaine sur terre. L'urbanisation inégalée du siècle passé représente la plus grande
migration de 1'histoire humaine (Porter et al., 200 1). Les agglomérations urbaines sont par
ailleurs fréquemment situées dans des écosystèmes fragiles. Étant maintenant la forme
d'établissement humain dominante, les villes sont considérées comme une source
significative d'impacts environnementaux négatifs, autant directement par la perturbation
écologique qu'elles causent, qu'indirectement par la demande et la consommation des
ressources non renouvelables. En effet, le développement urbain fragmente, isole et dégrade
les habitats naturels; simplifie et homogénéise la composition en espèces; diminue les
espaces verts en imperméabilisant les surfaces; discontinue le système hydrologique; modifie
le flux d'énergie et de matière. Toutes ces conséquences de l'urbanisation ont des effets sur la
santé et le bien-être des humains (Alberti et Marzluff, 2004; TzouJas et al., 2007).
13
Le terme « durable » s'applique donc aujourd 'hui à toutes les sphères d'intervention de
l'humain. 11 s'associe au terme « design» pour signifier une façon de concevoir qui respecte
les fondements du développement durable. En effet, un bâtiment a beau présenter des
surfaces végétalisées, il n'en devient pas un bâtiment durable ou vert pour autant. Un
l
bâtiment vert est issu d'un processus de design durable . Le design durable est une
philosophie qui vise à maximiser la qualité de l'environnement bâti tout en minimisant ou,
mieux, en éliminant tout impact négatif sur l'environnement naturel (McLennan, 2004). Par
« environnement naturel » on entend ici les « processus écologiques ». En effet, le terme
«environnement naturel» tend à exclure l'artificiel, l'humain, alors que ce dernier n'est pas
exclu des processus écologiques, particulièrement en milieu urbain. Le design durable
augmente la conscience et change les attitudes de base - ces attitudes tellement ancrées,
qu'on ne réalise plus qu'elles influencent notre design et notre planification. Pour entraîner
ces changements, il faut tout d'abord voir et reconnaître que notre présente façon de faire les
choses détériore l'environnement et que nos interventions ont des impacts sur ce dernier. 11
faut aussi intégrer le fait que chaque site et chaque partie d'un site est une partie d'un plus
grand système (Schauman, 1997). 11 s'agit d'ailleurs de la clé du design durable: l'approche
par système, holistique, synergétique, interactive. Le design durable considère les rejets
comme des ressources. Par exemple, l'augmentation du ruissellement dû au développement
est un problème majeur aujourd'hui. Selon la stratégie de design durable, toute l'eau, y
compris l'eau de missellement, est considérée comme une ressource dans le système
(Schauman, 1997). Le design durable doit tenir compte des aspects physiques, biologiques et
sociaux ainsi que de l'évolution dans le temps (McHarg, 1997).
Tout cela pour démontrer que la végétalisation du bâtiment prise isolément n'est pas une
réponse unique et suffisante. Il s'agit d'une petite partie de la solution qui doit idéalement
tenir compte de tous les éléments de l'écosystème concerné.
Le sujet de la recherche étant défini et mis en contexte, le cadre théorique s'est naturellement
présenté. L'approche retenue devait considérer autant les aspects écologiques que sociaux, en
tenant compte de la spécificité du milieu urbain. Les recherches et l'expérience de l'auteure
l'ont amenée à privilégier l'écologie urbaine comme angle sous lequel aborder la
végétalisation du médium bâti en milieu urbain.
L'écologie traditionnelle est une science issue de la biologie, ayant une vision holistique des
écosystèmes, qui étudie les interactions des organismes entre eux ainsi qu'entre les
organismes et leur milieu (Campbell, 1995). L'écologie a longtemps considéré et considère
encore souvent l'humain comme agent perturbateur et non comme élément ayant un rôle
prépondérant dans le développement des écosystèmes urbains (McIntyre et al., 2000).
Un changement de paradigme s'est opéré en écologie dans les dernières décennies. Nous
sommes passés de 1'« écologie traditionnelle », selon laquelle les populations et les
15
écosystèmes doivent être en équilibre avec les ressources et les conditions locales, à la
« nouvelle écologie »2, qui assume que les populations et les écosystèmes sont constamment
influencés par les perturbations. La « nouvelle écologie» considère les populations et les
écosystèmes comme ouverts et fortement influencés par les entrées et sorties de matière,
d'individus et d'énergie entre les différents éléments du système. Au contraire, 1'« écologie
traditionnelle» décrivait les populations et les écosystèmes comme relativement fermés et
autonomes (Steiner, 2004). Dans les régions urbaines, l' infonnation est une autre des
ressources qui circulent entre les éléments, au même titre que la matière et l'énergie (Brunet,
1995; Steiner, 2004). L'innovation et la créativité sont nécessaires pour transformer et
générer l'information dans les régions urbaines, afin de maintenir et augmenter leur
compétitivité dans l'économie globale (Steiner, 2004). Dans les villes, les processus naturels
ont été remplacés par des processus artificiels qui ne se régénèrent pas, c'est-à-dire que l'on
importe la majeure partie de la nourriture, de l'énergie et de l'eau (Ndubisi, 1997).
L'écologie peut être appliquée de deux façons à la ville. Premièrement, elle peut encourager
le redéveloppement de la ville avec un respect particulier pour les processus naturels:
« Ecology in the city should junction with a restorative power, using the inteljace of nature
and buitt form to reveal and interpret their mutuai interdependence. » (Johnson, 1997, p.
183) Deuxièmement, elle devient une métaphore dans laquelle la ville est un écosystème qui
change et, idéalement, s'adapte aux nouvelles circonstances pour demeurer viable (Olin,
1997). C'est ce deuxième aspect qui sera discuté plus longuement ci-après. Considérer les
villes comme ayant un impact environnemental, plutôt que simplement comme des lieux
tranchant avec la nature, a donné naissance à la science des écosystèmes urbains (Pickett el
al., 1997).
Pour Pickett et al. (2004), la métaphore de la ville résiliente est le premier pont permettant
une mutualisation des disciplines de l'écologie, des sciences sociales et du design urbain. La
ville résiliente implique la présence d'espaces publics pour les résidants et les visiteurs; de
multiples possibilités d'expériences partagées; d'un environnement construit en connexion
avec la nahlre; de créativité, car la ville résiliente est non finie, un projet collaboratif
subsiste toujours un manque dans notre compréhension des processus dans lesquels
interfèrent des variables sociales (conditions économiques, politiques et culturelles, par
exemple) et des variables écologiques (on considère ici autant l'environnement bâti que
l'environnement naturel). La plupart des recherches en écologie sont conduites sur de grands
territoires dits « naturels ». Le défi de l'écologie urbaine est de transposer les principes et les
données écologiques à une échelle pratique pour les humains (Ndubisi, 1997). Dans le cas
présent, l'échelle qui nous intéresse est encore plus restreinte: il s'agit de l'échelle du
bâtiment à l'intérieur de la ville. Les bénéfices collectifs de la végétalisation du bâtiment sont
toutefois plutôt considérés à l'échelle du quartier.
Le lien entre l'écologie et la planification ainsi que le design tient du fait que les perceptions,
les connaissances et les actions posées par les humains font partie de l'écosystème urbain et
y sont déterminantes. Les interventions de planification et de gestion ont des conséquences
écologiques qui peuvent être mesurées et communiquées (Pickett et al., 2004). Ndubisi
(1997) suggère que si les aménagistes, les designers et les écologistes comprenaient le
paysage d'une perspective partagée, l'information écologique pourrait être mieux interprétée
3 Le sens du lieu est l'équilibre dynamique des forces synergétiques naturelles, sociales et culturelles
d'un site (Laurie, J 997).
17
1.2 Problématique
4
Grâce aux connaissances acquises durant le travail de recherche, des hypothèses ont été
émises afin d'orienter la recherche. Tout au long du processus de recherche, certaines
évidences ont surgi: pour favoriser la végétalisation du bâtiment en milieu urbain, il est
nécessaire de susciter l'intérêt du public et de donner des arguments aux promoteurs et
décideurs afin qu'ils en fassent une pratique courante. Suite à ce constat survenu tardivement
dans le travail de recherche, la problématique a donc été reformulée. La question générale de
Le concept de qualité de vie retenu ici est inspiré de celui de qualité environnementale de
Rapoport: comme elle relève de la perception et dépend du contexte, la qualité de vie doit
tenir compte de la façon dont les personnes et l'environnement interagissent. On doit donc
tenir compte des aspects sociaux, culturels et physiques (Rapoport, 2003).
Le choix du milieu urbain se justifie par le fait que déjà plus de la moitié de la population
mondiale vit aujourd'hui en ville. La proportion de population urbaine est toujours croissante
(Girardet, 2004). Pour augmenter la qualité de vie du plus grand nombre, les problématiques
touchant les villes doivent être mieux documentées. La ville suscite également un intérêt
particulier car, ayant longtemps été considérée comme le problème plus que la solution, elle
devient lentement une formule à revisiter, une version améliorée. Les modèles comme ceux
de l'eco-city de Kenwo11hy (2006) prônent, entre autres, une compacité des zones habitées
afin de préserver les aires naturelles environnantes et de favoriser les déplacements en
transport en commun, à la marche ou en bicyclette. La végétalisation du bâtiment est
habituellement considérée pour des raisons climatiques et technologiques. D'un point de vue
strictement environnemental, le milieu urbain présente une imperméabilisation des surfaces
qui a des conséquences, comme l'augmentation du volume et de la contamination des eaux de
ruissellement (Carter et Jackson, 2007) ainsi qu'une augmentation de la température générée
par le phénomène d'îlot de chaleur urbain (Takebayashi et Moriyama, 2007). La raréfaction
19
des ressources en énergie ainsi que les changements climatiques sont deux autres problèmes
universels qui peuvent justifier l'intérêt pour la végétalisation du bâtiment. Un bâtiment
végétalisé est mieux isolé, donc il réduit les dépenses énergétiques (Kumar et Kaushik,
2005). La consommation d'énergie liée à la climatisation et au chauffage représente en effet
une importante part des rejets de gaz à effet de serre dans l'atmosphère (Buchanan, 2005).
L'enveloppe végétale du bâtiment peut aider à atténuer les problèmes écologiques, mais aussi
à améliorer la qualité visuelle et spatiale des paysages urbains (Cunningham, 2001). Selon
Botkin et Beveridge (1997), les villes sont des centres d'innovation et de créativité de la
civilisation. Plus une ville est agréable, ajoutent-ils, plus ses résidants sont novateurs et
créatifs. lis concluent en affirmant que la végétation est la clé pour rendre agréable un milieu
de vie urbain. La végétation ne remplit donc pas seulement des fonctions pratiques et
esthétiques, mais elle comble également des besoins psychologiques et sociaux urbains
(Botkin et Beveridge, 1997).
Enfin, dans un tout autre ordre d'idée, l'interdisciplinarité prônée par l'approche de
l'écologie urbaine rejoint les paradigmes du développement durable et de ville viable. Selon
la définition du « développement durable» de Huybens et Villeneuve (2004), le maintien des
écosystèmes est une condition à respecter, l'efficacité économique est le moyen d'arriver à
l'objectif qu'est le développement social, alors que l'équité est à la fois une condition, un
moyen et un objectif. Pour atteindre une certaine qualité environnementale, on doit examiner
les aspects sociaux, physiques, mais aussi culturels, qui caractérisent un milieu. La qualité
environnementale relève en effet de la perception et dépend du contexte, c'est-à-dire de la
façon dont les personnes et l'environnement interagissent. Ces interactions passent
inévitablement par des mécanismes culturels, qui ne doivent donc pas être négligés dans le
cadre d'une étude portant sur la ville durable (Rapoport, 2003). La végétalisation du bâtiment
en milieu urbain abordée par l'approche de l'écologie urbaine est donc un lieu d'étude
interdisciplinaire pertinent, qui implique un savoir écologique considérant les aspects sociaux
(et même socioécologiques) de la ville et visant l'amélioration de la qualité de vie des
humains en milieu urbain.
20
Le contexte scientifique de l'étude se situe dans plusieurs champs disciplinaires. Il existe déjà
un intérêt pour le sujet dans diverses publications scientifiques. Plusieurs études sur la
végétalisation du bâtiment proviennent du milieu des sciences naturelles. Ce sont des études
théoriques, empiriques, suivant la tradition de la méthode scientifique hypothético-déductive
(Carter et Jackson, 2007; Eumorfopoulou et Kontoleon, 2009; Lazzarin et 01.,2005). D'autres
ouvrages sur la végétalisation du bâtiment proviennent des disciplines de l'aménagement. Ce
sont des études pratiques, appliquées, traitant des méthodes, des technologies et des
avantages et inconvénients des différentes méthodes de végétalisation sur le bâtiment (Bass et
Baskaran, 2001; Dunnett et Kingsbury, 2008; Kbhler, 2008; Osmundson, 1999). La plupart
des études mentionnées plus haut portent plutôt sur les toits verts que sur la végétalisation du
bâtiment en général (toits et murs végétaux; enveloppe végétale du bâtiment). Quelques
études provenant des sciences sociales traitent de l'importance du couvert végétal en milieu
urbain (Guite et al., 2006; Jenerette et al., 2007; Matsuoka et Kaplan, 2008; Ulrich et al.,
1991; de Vries et al., 2003) mais la plupart considèrent seulement le couvert végétal au sol.
D'autres articles provenant du champ disciplinaire de l'écologie abordent l'écosystème
urbain comme un système intégré qu'on doit traiter de manière interdisciplinaire, c'est-à-dire
avec une approche qui combine les théories de l'écologie et celles des sciences sociales
(Alberti et Marzluff, 2004; Botkin et Beveridge, 1997; Mclntyre et al., 2000; Niemela, 1999).
La littérature présente les progrès accomplis sur les technologies des toits verts et aborde de
plus en plus celles des murs végétaux. Les chercheurs constatent également l'importance de
l'interdisciplinarité pour un développement durable. Les spécialistes de l'écologie urbaine
tendent vers une plus grande interdisciplinarité dans les études des phénomènes urbains
complexes. La plupart des études en écologie urbaine portent sur des phénomènes localisés à
même le sol, comme le ruissellement des eaux, la forêt urbaine, les aires naturelles, etc.
(Andersson, 2006; Jim, 2004). Toutefois, encore peu d'entre elles portent sur la forme bâtie.
11 y a pourtant un important besoin d'études écologiques spécifiques à l'enveloppe végétale
du bâtiment en milieu urbain, afin de mieux comprendre et de valider son implantation
comme alternative viable aux toits et façades conventionnels (Cunningham, 2001). Les
impacts de la végétalisation du bâtiment se retrouvent souvent de façon incomplète et éparse
21
dans la documentation: on cible surtout les toits végétalisés, tandis que les façades végétales
sont négligées; on considère les impacts sur l'environnement biophysique (la gestion des
eaux de ruissellement, la diminution de la température urbaine, etc.), en négligeant les
impacts socioécologiques directement perçus par 1'humain (l'amélioration de la qualité du
paysage, le confort, etc.).
1.3 Méthodologie
1.3.1 Approche
La recherche interdisciplinaire peut être menée par un individu ayant une expertise théorique
et méthodologique diverse, ou encore par un groupe de chercheurs ayant la volonté de
22
collaborer (Dooling et al., 2007). Dans le cas présent, la recherche implique une seule
chercheure dont la formation en biologie, en écologie végétale plus précisément, est
complétée par l'apport du directeur de recherche ayant une formation en architecture et une
expertise en design.
L'approche adoptée dans le cadre de ce mémoire est qualitative et inductive. Comme le but de
la recherche est de décrire un phénomène et de dresser le portrait actuel de sa situation, il
s'agit de l'approche indiquée. Il ne s'agit pas de prouver ni d'infirmer une hypothèse que l'on
peut vérifier par une méthode expérimentale, mais bien de mieux comprendre un phénomène.
L'approche inductive se caractérise en effet par la découverte d'interactions et de concepts
plutôt que par la vérification d'hypothèses préétablies. La logique inductive suppose la
formulation d'un problème provisoire à partir d'une situation comportant un phénomène
particulier et intéressant, suivie d'une reformulation itérative du problème en fonction des
prises de conscience effectuées au cours de la collecte et de l'analyse préliminaire des
données (Yin, 2003). « Il s'agit ici de donner un sens à une situation et non d'établir un lien
causal linéaire à sens unique. » (Chevrier, 2003, p. 77). La formulation du problème change
au cours de la recherche selon les lacunes identifiées et les constatations observées. La
formulation synthétisée et définitive du problème se fait à la fin du processus de recherche.
Comme la recherche est exploratoire, elle n'a pas comme objectif de générer une théorie
enracinée. Elle vise plutôt à comprendre un phénomène et à arriver à formuler des
propositions qui dépassent la simple description d'un état de fait.
La deuxième étape de la collecte de données, l'étude de cas, s'est déroulée de façon itérative
avec la revue critique. Comme la végétalisation du bâtiment est encore un phénomène rare à
Montréal, il semblait tout indiqué de démontrer comment le phénomène se manifeste ailleurs
afin de prouver qu'il s'agit d'une pratique potentielle concrète. Les cas exemplaires ou
suggestifs n'ont évidemment pas été sélectionnés aléatoirement. Ce type d'étude de cas vise à
décrire ou à explorer un phénomène négligé par la science jusqu'à maintenant, afin d'en tirer
une interprétation qui dépasse ses bornes (Roy, 2003). Les avantages de l'étude de cas
résident dans le fait qu'elle permet l'étude d'un phénomène dans son contexte naturel afin
d'observer les interactions entre divers facteurs et de saisir la complexité et la richesse des
situations sociales. L'étude de cas offre une grande souplesse qui permet au chercheur de se
positionner où il le désire selon ses objectifs de recherche. Elle ne résulte cependant pas en
une solution, ni une réponse claire, mais en un portrait le plus fidèle et représentatif de la
situation (Yin, 2003). La stratégie de l'étude de cas est utile dans les études exploratoires qui
concernent les phénomènes nouveaux, car elle permet de soulever des questions et de
percevoir l'influence de facteurs inattendus. Ces connaissances sont dites pré-théoriques,
parce qu'elles ne génèrent pas immédiatement de théorie enracinée, mais elles fournissent les
pistes à suivre pour y arriver (Roy, 2003). L'étude de cas est en fait une stratégie qui
comporte plusieurs méthodes de collecte de données. Dans le cas qui nous intéresse, les trois
méthodes de collecte de données étaient l'observation directe non participante, l'entretien
non directif et la recherche documentaire.
Les démarches entourant les études de cas ont été effectuées à Paris (voir section 4.2 pour la
justification du choix de Paris) lors d'un séjour d'une durée de trois semaines. L'observation
directe est utilisée lorsque les données et les analyses existantes sont trop fragmentaires ou
superficielles. Elle doit idéalement être complétée par une démarche de questionnement des
acteurs et une recherche documentaire (Laperrière, 2003). Dans le cas qui nous concerne, une
brève description de cas exemplaires était l'objectif, plutôt que des études de cas exhaustives.
En premier lieu, les objets d'observation ciblés ont été des murs et des toits végétalisés.
24
En second lieu, une observation directe non participante a également été pratiquée lors de
deux événements. D'abord, lors d'une table de concertation au sujet de la végétalisation
d'une dalle au-dessus du Boulevard périphérique, située dans le 14° arrondissement. Les
acteurs présents étaient les concepteurs de l'aménagement paysager et récréatif, les élus
municipaux et les citoyens intéressés. L'observation s'est ensuite poursuivie à l'occasion
d'une table ronde sur la végétalisation des toits et façades à Paris. Il s'agissait d'un Café
d'architecture durable au Café de Flore, le 28 mai 2009. Les acteurs autour de la table étaient
cette fois des architectes et des architectes paysagers qui discutaient devant des membres du
grand public. En ce qui concerne les spécialistes, les informations transmises ne
représentaient pas des opinions émises par des individus, mais bien du contenu professionnel
véhiculé de façon verbale. Les opinions ne seront pas utilisées dans le mémoire, mais les
informations communiquées par les spécialistes peuvent l'être.
Des échanges informels et des entretiens non dirigés ont servi à compléter l'observation
directe et à recueillir les informations sur la conception et l'utilisation pratique autour du
phénomène du bâtiment végétalisé. Dans le cas présent, il s'agissait du moyen le plus
efficace d'obtenir des réponses aux questions qui touchent le sujet étudié. La technique
d'entretien non directif a été sélectionnée. La non-directivité est « le fait de permettre à un
individu la libre expression de sa communication, sans l'influencer par des interrogations,
sans privilégier soi-même un mode d'approche particulier et sans en accentuer les contenus à
25
l'aide de critères extérieurs» (Daunais, 1992). Le choix de la « non-directivité» est aussi une
conséquence directe de la durée réduite du séjour à Paris et, par le fait même, de la difficulté
d'établir des contacts à l'avance. Des entrevues ont été menées avec deux intervenants du
c
milieu: un acteur au sein de la Mairie du 20 arrondissement et un architecte. Peu d'entrevues
ont été possibles, toujours à cause de la courte durée du séjour à Paris et des contacts
difficiles à établir avant l'arrivée sur les lieux. Des échanges informels (deux rencontres et
deux correspondances par écrit) ont également enrichis la recherche lors du séjour à Paris.
Les informations recueillies lors des échanges ont été notées par écrit et ont alimenté les
notes de planification et les notes méthodologiques. Des liens avec les connaissances
théoriques étaient établis de façon itérative.
Toutes les informations recueillies ont été colligées sous forme de photos et de notes de
planification ou notes méthodologiques. Ces notes décrivaient les observations, résumaient
les lectures, soulignaient les analyses, les contacts et les corrections à apporter. Elles étaient
consécutives aux réflexions théoriques et personnelles. La consultation des connaissances
théoriques s'est faite de façon itérative durant tout le processus, afin de lier avec la théorie les
données nouvelles provenant du terrain.
26
1.3.3 Analyse
Les données recueillies ont été caractérisées par une analyse de contenu. Comme l'objet de
recherche n'est pas social, les documents ont été considérés dans une démarche qualitative
sémantique structurale plutôt que linguistique. Le terme « sémantique » désigne ici la
recherche de sens dans l'analyse des discours et l'observation des réalisations. Le terme
« structural» réfère quant à lui à l'organisation du sens du discours comme fait d'éléments
fondamentaux et des relations des éléments entre eux (Sabourin, 2003).
En effet, les informations amassées ont d'abord été classées en trois catégories de
connaissances:
1) Types de végétalisation du bâtiment
2) Bénéfices écologiques de la végétalisation du bâtiment en milieu urbain
3) Bénéfices socioécologiques de la végétalisation du bâtiment en milieu urbain
Les documents ayant été conservés dans leur état original, leur contenu a été considéré dans
son contexte afin d'en saisir le sens élaboré. C'est pour cette raison qu'aucun logiciel
informatique d'analyse de contenu permettant la segmentation des documents (ATLAS/TI ou
QSR NVJVO, par exemple) n'a été utilisé.
Une rétroaction constante était opérée entre les documents écrits, oraux et visuels extraits lors
de la démarche d'étude de cas, les connaissances tirées de la revue critique théorique et
l'intuition exercée tout au long de la recherche: cette triangulation itérative est inspirée de la
méthode de Lewis (1998). L'étude de cas exemplaires a servi à illustrer les informations
ayant au préalable été filtrées lors de la revue critique.
un biais positif volontaire et conscient pour l'implantation d'enveloppes végétales sur les
bâtiments urbains.
Les résultats escomptés sont avant tout de documenter les bénéfices de la végétalisation du
bâti en milieu urbain. Les façades végétales étant pratiquement inexistantes à Montréal, le but
de la recherche est aussi de faire connaître ce phénomène nouveau. Si la recherche pouvait
favoriser la végétalisation des bâtiments à Montréal, l'objectif de J'étude serait, a fortiori, plus
qu'atteint.
Les limites de l'étude sont d'abord celles du cadre de l'écologie urbaine. En y soumettant la
problématique, on considère d'emblée la ville comme un écosystème et l'humain comme
étant un élément à part entière de cet écosystème. L'étude, étant inductive et exploratoire,
dépend également des connaissances de base de la chercheure et des diverses itérations qui
ont eu lieu jusqu'au moment de mettre un terme à la recherche. Les limites temporelles du
mémoire sont celles de l'état des connaissances d'aujourd'hui et de la perception présente des
acteurs du milieu. La même étude réalisée dans quelques années générerait des conclusions
différentes et surtout plus élaborées. La stratégie d'étude de cas est limitée spatialement à la
ville de Paris, France. Par ailleurs, les propositions visent plus précisément la ville de
Montréal. La recherche est de type exploratoire holistique et a pour objectif de dresser le
28
Il est grand temps que nous ayons la terre au-dessus de nos têtes ... Si nous devons aller sous
la nature, cela veut dire, symboliquement et pratiquement, que nous devons à nouveau vivre
dans des maisons où la nature est au-dessus de nous.
2.1 Historique
Le jardin est à l'interface entre paysage et environnement. Le paysage étant culturel, perçu du
point de vue esthétique, il crée une rencontre, dans le jardin, avec l'environnement. Le jardin
est traditionnellement horizontal et au sol. Il s'agit d'un concept fondamentalement culturel.
La comparaison des jardins français et anglais démontre bien que les caractéristiques des
jardins diffèrent selon les cultures: les uns sont symétriques, réguliers, ordonnés, très taillés,
alors que les autres sont asymétriques, irréguliers et les végétaux y sont plutôt laissés à eux
mêmes. Autre exemple, les jardins persans comportent beaucoup d'arbres fruitiers et de
roses, ils sont aménagés dans une cour fermée dont le centre est souvent occupé par une
piscine et leur but premier est de créer de l'ombre.
Les jardins sont influencés par la verticalité de la végétation. Cette verticalité est le symbole
de l'intervention humaine. L'homme se verrait comme vertical dans la nature, celui qui s'est
élevé avec la bipédie qui lui a permis d'utiliser ses mains et de développer son cerveau. Chez
les plantes, la verticalité est plutôt dictée par la recherche de lumière nécessaire à la
photosynthèse. Elle sert pourtant l'intention de l'homme qui est celle d'imposer sa
domination verticale sur la nature horizontale. Le jardin vertical serait donc de prime abord
redondant, par sa double verticalité (Lambertini et al., 2007). Reste à voir s'il peut servir
aujourd 'hui des fonctions instinctives et utiles à l'humain. Les toits verts restent horizontaux,
mais sont au-dessus du sol, même au-dessus des structures abritant les hommes. Au contraire
des jardins au sol que l'homme plante pour affirmer sa verticalité dominante, les jardins sur
31
les toits sont souvent plantés de végétaux bas qui dominent le construit. Seraient-ils les
symptômes d'un retour de balancier quant à l'équilibre entre les forces faussement opposées
de l'homme et de la nature?
Dans ce chapitre, un bref historique retracera d'abord l'origine et l'évolution des toitures et
façades végétales à travers le monde. Des considérations purement esthétiques aux
fondements fonctionnels de la végétalisation du bâtiment, l'histoire du phénomène permet de
mieux cerner tout le potentiel de son implantation en milieu urbain. Par la suite, une
description des différentes formes que peut prendre la végétalisation du bâtiment aujourd'hui
illustrera J'éventail de possibilités à explorer.
Les premiers exemples de jardins sur les toits remontent aux jardins suspendus de Babylone
(construits autour du VIW siècle avant J.-c.) et on sait qu'il en existait dans l'Empire romain
en réponse aux besoins d'une importante population dans les zones urbaines. Les Romains
plantaient aussi des arbres sur le dessus de monuments institutionnels comme les mausolées
d'Auguste et d 'Hadrien. Des huttes couvertes de terre du temps des Vikings ont été
retrouvées en Irlande et en Écosse. Au Moyen-Âge et à la Renaissance, les jardins sur les
toits étaient réservés aux riches, bien que les moines bénédictins aient eux aussi profité de
telles installations. On retrouve également plusieurs traces de toits verts dans la ville de
Gênes, en Italie, qui datent de l'époque de la Renaissance. À partir de 1000 après J.-c., en
Scandinavie et en Islande, les habitants couvraient leurs toits avec de la tourbe, des algues ou
encore une couche de sol sur laquelle ils plantaient des graminées pour isoler. Les premiers
colons canadiens et américains des grandes plaines, de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse
ont utilisé cette même technique vers la fin des années 1800, faute de bois (Dunnett et
Kingsbury, 2008; Peck et al., 1999; Velazquez, 2005). À Tenochtitlan, qui occupait le
territoire de l'actuelle ville de Mexico, plusieurs jardins étaient installés sur les toits plats
appelés azoteas (Osmundson, 1999).
32
c
Au milieu du XIX siècle, le développement des matériaux et des techniques de construction
modernes a favorisé l'érection des immeubles à toit plat (Dunnett et Kingsbury, 200S). Au
C
XX siècle, des architectes modernes comme Le Corbusier, Frank Lloyd Wright, Walter
Gropius et Roberto Burie Max ont fait la promotion des jardins sur les toits et en ont
incorporés dans leur design. Certains toits verts des années 1930 existent toujours: les cinq
Rockefeller Roof Gardens à New York et le Derry and Tom 's Garden (maintenant appelé
Kensington RoofGardens) à Londres (Velazquez, 2005 ). Les bâtiments recouverts de toits
verts étaient à cette époque des immeubles de luxe, destinés à la clientèle aisée.
L'Allemagne est reconnue comme étant le pays où les toits verts sont passés de pratique
vernaculaire à pratique durable. À la fin des années ISSO, le pays a connu une rapide période
d'industrialisation et d'urbanisation durant laquelle des logements à prix modique ont été
construits. Ces derniers étaient couverts de matériaux goudronnés hautement inflammables.
Pour réduire les risques d'incendie, les couches goudronnées ont été recouvertes de sable et
de gravier. Certaines graines de végétaux ont réussi à coloniser les toits et ont donné
naissance aux premiers toits verts (Getter et Rowe, 2006). La présence de groupes de
pression écologistes radicaux, les recherches scientifiques de plus en plus nombreuses sur la
technologie des toitures vertes et un public soucieux de l'environnement sont autant de
conditions qui ont créé un climat social et politique favorable à l'implantation de toitures
végétalisées en Allemagne (Dunnett et Kingsbury, 200S). Dans les années 1960 et 1970, de
nombreux projets de toits verts ont été développés en Suisse et en Allemagne. Des recherches
sur les agents anti-racines, les membranes imperméables, les systèmes de drainage, les
substrats de croissance et les plantes de poids léger ont été menées dans les années 1970
(Bass et Baskaran, 2001). Les compagnies pionnières de la technologie des toits verts en
Allemagne sont ZinCo, Optima (aujourd'hui Optima et Opligrun) et Bauder (Velazquez,
33
2005). Malgré cela, de nombreux problèmes techniques ont continuellement ralenti les
progrès de végétalisation du bâtiment et les toits verts sont toujours réservés à l'élite.
Les facteurs motivant l'implantation des toits verts diffèrent aujourd'hui d'une région du
monde à l'autre. Les toits verts sont maintenant considérés comme une stratégie de
verdissement efficace dans les pays européens comme la France, l'Allemagne et l'Autriche.
C'est en Allemagne que la végétalisation des toitures a pris son essor. L'objectif était au
départ de limiter les eaux de ruissellement. De l'Acte fédéral de protection de la nature, en
passant par le Code fédéral de la construction, jusqu'aux statuts régionaux de protection de la
nature, tous les échelons gouvernementaux allemands prônent aujourd'hui la végétalisation
des toitures. Ils avancent que toutes les nouvelles constructions doivent éviter des dommages
inutiles à la nahlre ou au paysage. Quand les dommages sont inévitables, ils doivent être
compensés dans une période de temps déterminée, par exemple, par un toit végétal (Dunnett
et Kingsbury, 2008). L'Allemagne possède à ce jour environ 13,5 millions de mètres carrés
de toits verts, les grünen dacher (Trottier, 2008). Les dirigeants du pays visent un objectif de
verdissement de 5% des toits citadins. Ils subventionnent les façades, mais surtout les toits
végétalisés pour lutter contre la pollution urbaine. Berlin a instauré un quota de toitures
végétales pour diminuer la température caniculaire en été (Houdart et Houdart, 2004). En
2002, un toit plat sur 10 était végétalisé en Allemagne, relativement à un sur 150 en France
(Dunnett et Kingsbury, 2008). Dans les années 1980, Hundertwasser militait déjà en Autriche
pour des toits recouverts de verdure. C'est d'ailleurs à lui que l'on doit la démocratisation de
la végétalisation des toits. La ville de VielUle offre aujourd'hui un soutien financier et
technique aux résidants qui contribuent à la végétalisation de la ville (Murphy et Martin,
2001).
En Grande-Bretagne, on considère encore les toits verts comme un nouveau concept appliqué
seulement à certaines constructions spécifiques ou à des centres environnementaux ayant une
vocation démonstrative (Dunnett et Kingsbury, 2008). En Scandinavie, les toits recouverts
d'herbe sont un passé révolu, sauf en Norvège où subsistent encore quelques exemples, mais
seulement en milieu rural. Dans le sud de l'Europe, en Grèce, en Italie, en Espagne et au
Portugal, l'argument qui a motivé les Allemands concernant la diminution du ruissellement
34
des eaux pluviales n'est pas aussi pertinent, car le climat est généralement plus sec. Les
bénéfices que pourraient tirer ces pays d'une implantation massive de toits verts résident
plutôt dans la diminution de la température de surface des immeubles et dans l'atténuation de
l'effet d'îlot de chaleur urbain. Par contre, dans ces climats plus secs, la disponibilité de l'eau
nécessaire à l'entretien des bâtiments végétalisés demeure le sujet d'un débat important
(Dunnett et Kingsbury, 2008). À Saint-Pétersbourg, en Russie, l'agriculture sur les toits est
relativement répandue. La réaction au manque d'approvisionnement durant les temps durs et
le peu d'accès à la terre ont motivé la pratique d'agriculture urbaine (Dunnett et Kingsbury,
2008).
En Amérique du Nord, les pionniers des toits verts modernes sont Cornelia Hahn Oberlander
au Canada et Theodore Osmundson aux Etats-Unis, deux architectes du paysage (Velazquez,
2005). Ce sont des préoccupations économiques qui ont motivé l'implantation de toits verts
en milieu urbain, mais un manque de sensibilisation publique, d'études locales sur le
rendement et d'exemples accessibles ralentissent l'implantation de bâtiments végétalisés en
milieu urbain. À Kyoto, en 1997, le développement à grande échelle de toits et façades
végétalisés a été reconnu par les experts du réchauffement climatique comme une part de la
solution pour diminuer l'effet de serre (Murphy et Martin, 2001). Toronto possède un
programme incitatif à l'implantation de toits verts. En 2001, 334 millions de m2 de surface de
toits étaient végétalisés dans la ville de Toronto (Bass et Baskaran, 2001). Montréal aborde le
sujet des toits verts dans le Plan d'urbanisme de la Ville de Montréal et dans le Plan
stratégique de développement durable. La responsabilité de la végétalisation des toits est
attribuée à la Direction des sports, des parcs et des espaces verts. Montréal est toujours au
stade d'élaboration de sa politique des toits verts.
L'histoire connue des façades végétales commence également avec les Jardins suspendus de
Babylone par Nabuchadnezzar Il, au VIC siècle avant J.-c. Ces jardins étaient constitués de
plantes non indigènes suspendues. L'objectif était d'imposer une culture botanique
esthétique, non pas une transposition d'un aspect de la nature, mais un concept entièrement
35
culturel, une construction artificielle d'un autre monde (Lambertini el al., 2007). Les murs du
Ziggurat de Nanna, construit autour de 2100 avant J.-c., étaient couverts d'arbres et de
buissons (Velazquez, 2005). Les marchands de Pompéi avaient 1'habitude de faire pousser
des vignes sur leurs balcons et des murs d'arbres étaient intégrés aux mausolées romains
(Bass et Baskaran, 2001 et Peck el al., 1999). Les Vikings recouvraient leurs murs et leurs
toits de tourbe alors qu'on retrouvait des jardins verticaux suspendus dans le Mexique
précolombien et dans les maisons coloniales du Mexique des XVIe et XVIIe siècles (Bass et
Baskaran, 2001). D'autres exemples de jardins verticaux ont été trouvés en Russie, dans
certains autres anciens pays de l'ex-Union soviétique et dans la France du XVIIIe siècle (Bass
et Baskaran, 200 1).
Pour Hundertwasser, la façade est plus importante que J'intérieur. Si la façade n'est pas
belle, il est inconcevable que l'intérieur soit beau. Il est pratiquement impossible de [... ]
convaincre [les gens,] surtout les jeunes, de changer leur façade. Ils sont bloqués par le
respect de la loi, le respect de l'architecte et surtout le doute profond de leur propre
créativité: ils sont tous artistes mais ils ne veulent pas le savoir. (Restany, 1978, p. 25)
36
Cette difficulté à laquelle Hundertwasser se heurtait dans les années 1970 est encore un
obstacle à la végétalisation des façades aujourd'hui. Hundertwasser prônait la théorie
naturaliste de l'esthétique selon laquelle les formes autocratiques de la nature génèrent
1'harmonie universelle, la beauté. L'art serait la voie vers la beauté, donc les règles de la
nature devraient gouverner les règles de l'art. La végétalisation du bâtiment est pour lui la
réconciliation de l'art, de la technologie et de la nature (Lambertini el al., 2007). Pour
Hundertwasser, la végétalisation des façades était ornementale, mais dans les années
1980, l'écologie urbaine tente de promouvoir la végétalisation des façades pour améliorer
l'environnement urbain. C'est ce que la ville de Berlin a cherché à faire de 1983 à 1997 en
instaurant des mesures incitatives pour la végétalisation des façades. Ce programme a généré
2
245 584 m de façades vertes (Kahler, 2008).
Les façades végétales peuvent prendre différentes formes. Des plantes grimpantes qUI
s'agrippent directement sur les parois ou des treillis qui guident les plantes volubiles,
jusqu'aux murs sur lesquels les végétaux prennent littéralement racines. Patrick Blanc
possède aujourd'hui les droits d'auteur du Mur végétal. 11 a été inspiré par les plantes
tropicales qui poussent sans terre dans les forêts denses. Ses études du couvert végétal
tropical sous la canopée lui ont permis de réaliser que ces plantes ne cherchent pas à capter la
lumière en croissant en hauteur. En effet, la canopée est trop haute et la lumière est très rare
(parfois à peine plus de 1% de la lumière parvient à traverser la canopée). Les plantes
épiphytes poussent donc directement sur d'autres plantes, sans toucher le sol et souvent sans
disponibilité de lumière. Ces plantes parasitent de gros arbres, se nourrissent de feuilles
mortes ou de réservoirs biologiques de lichens, mousses ou algues. Ces réserves
nutritionnelles sont les modèles des substrats utilisés pour les murs végétaux de Patrick Blanc
en contexte urbain (Lambertini el al., 2007).
Roberto Burie Marx a été le premier artiste paysager à mettre en pratique le principe des
plantes épiphytes en lien avec l'architecture. 11 respectait trois conditions dans ses
réalisations: utiliser autant que possible des plantes indigènes vivant dans des conditions
semblables, mais à proximité, sur une falaise rocheuse par exemple; favoriser la présence
d'épiphytes qui possèdent des qualités esthétiques (orchidées, broméliacées, etc.)
37
travailler de concert avec les architectes. Burie Marx a contribué au développement des murs
végétaux par ses innovations: créer des substrats nourrissants, faire de l'art en utilisant des
plantes et donner de nouveaux usages aux plantes en dehors de leur habitat naturel
(Lambertini et al., 2007). Ces principes fonctionnent pour des murs végétaux dans les villes
au climat chaud et humide du Brésil, mais ils ne pourraient jamais s'appliquer à un mur
végétalisé dans un climat nordique, à Montréal par exemple.
Patrick Blanc a développé une technique qui permet la survie des murs végétaux dans un
climat non tropical (voir section 2.2.2). Les murs vivants de Patrick Blanc présentent avant
tout une démarche artistique intégrée comme élément d'architecture (Michigan, 2009). Les
murs qu'il conçoit sont effectivement des éléments urbains et architecturaux. Urbains, parce
que leur verticalité répond au manque de surface horizontale pour la plantation de végétaux
en ville; architecturaux, simplement parce qu'ils prennent place sur des structures construites
(Lambertini et al., 2007). Blanc arrive réellement à créer une variation de couleurs et de
textures à l'aide d'effets chromatiques, de transparence et de densité entre les plantes.
L'enveloppe végétale est ici considérée comme un système qui supporte une variété
d'espèces végétales sur un plan horizontal, à angle (toit) ou vertical (façade), sur lequel la
végétation, le substrat de croissance, les systèmes d'irrigation et de drainage sont intégrés au
bâtiment et supportés par ce dernier. D'autres types de façades végétales, sur lesquelles les
végétaux ne poussent pas à même le mur mais bien à partir du sol, seront mentionnées parce
qu'elles possèdent aussi certaines qualités et certains avantages non négligeables.
Sur un toit vert, les végétaux sont plantés directement sur le toit et non pas seulement dans
des contenants déposés sur le toit. Les couches varient d'un système à l'autre, mais
comprennent invariablement une couche imperméabilisante, une couche de drainage, une
38
couche de sol/substrat et une couche de plantes. On distingue deux types de toits verts. Les
toits verts extensifs sont caractérisés par un poids léger, un plus faible coût et un entretien
minimal. Les plantes croissant dans un microclimat quasi désertique doivent être basses et
robustes, adaptées à un climat alpin, aride ou indigène. Les toits verts intensifs sont quant à
eux caractérisés par un poids élevé, un coût considérable, des plantations importantes et un
entretien supérieur. La diversité de végétaux y est plus grande et peut inclure des arbres et des
buissons, ce qui permet le développement d'un écosystème plus complexe que sur un toit vert
extensif. On appelle aussi les toits verts intensifs «terrasses plantées» ou «toitures jardins».
On parle aussi de jardin sur dalle lorsque le médium construit n'est pas un bâtiment, mais une
ancienne autoroute, un aqueduc, un chemin de fer, etc. Les tableaux 2.1 et 2.2 détaillent les
caractéristiques, avantages et inconvénients des toits verts extensifs et intensifs. Les figures
2.1 et 2.2 illustrent respectivement des exemples de toits verts extensifs et intensifs.
39
Figure 2.1 : Toit vert extensif. Réservoir de Charonne, 20 e arrondissement, Paris, 2009.
Photo: Anne-Marie Bernier
Les murs végétalisés peuvent désigner la croissance de plantes sur, par-dessus ou contre la
surface d'un mur. Il peut s'agir de plantes grimpantes plantées au niveau du sol rampant sur
le mur ou sur un treillis. Les plantes peuvent aussi être plantées dans des boîtes amovibles ou
fixées au mur. Elles peuvent également croître dans un système hydroponique vertical ou
encore directement dans le substrat vertical placé le long du mur. Ce dernier système est
appelé mur vivant ou mur végétal, terme que Patrick Blanc, le botaniste précurseur de cette
technique, s'est approprié (Peck et al., 1999; Hodgson, 2009). Le potentiel des murs végétaux
est encore plus grand que celui des toits, car les murs représentent une surface plus
imposante, pensons simplement aux gratte-ciel. Les techniques demeurent cependant à
perfectionner pour permettre des murs d'une hauteur considérable.
Les installations de façades végétalisées sont pour la plupart composées de grimpantes avec
ou sans treillis. Les plantes grimpantes (figure 2.3) adhèrent spontanément à la surface et
croissent à même la façade. Les avantages de ce type de végétation sont l'isolation contre le
froid en hiver et la chaleur en été; un effet coupe-son; la protection des structures contre les
rayons UV qui accélèrent leur détérioration; le peu d'espace nécessaire (vs un arbre, par
exemple); la préparation pratiquement nulle, donc des coûts minimes, ainsi que l'absence de
graffitis sur les murs couverts. Les désavantages sont le choix réduit de plantes, la demande
d'un certain contrôle autour des portes et fenêtres et la difficulté d'entretien du mur (pour la
peinture ou la brique, par exemple) (Hodgson, 2009).
43
Figure 2.3 : Façade végétalisée recouverte de plantes grimpantes. New York, 2009.
Photo: Anne-Marie Bernier
Les plantes volubiles ont besoin de support pour gnmper. Des treillis facilitent leur
implantation et guident leur trajectoire. La Ville de Paris a installé des treillis standardisés
que l'on peut observer sur plusieurs murs végétalisés. Il s'agit de structures de métal côniques
fixées au mur qui tendent des fils métalliques verticaux (figure 2.4). On observe aussi des
structures métalliques en forme de spirales qui supportent les jeunes pousses pour ensuite les
guider sur des fils (figure 2.4). Les avantages des plantes sur treillis sont les mêmes que pour
les grimpantes, en plus d'un choix de plantes plus diversifié et d'un entretien du mur facilité.
Les désavantages sont la préparation du treillis nécessitant un certain temps et entraînant un
coût parfois considérable; le besoin de beaucoup de contrôle, car les plantes volubiles
poussent très rapidement (Hodgson, 2009).
44
Figure 2.4 : Treillis standardisés: structures coniques servant à tendre des fils métalliques
(gauche); structures de métal en spirales (droite). Paris, 2009.
Photos: Anne-Marie Bernier
Sur les murs vivants, les plantes croissent à la verticale. Les végétaux sont dans un
environnement semblable aux plantes des falaises immergées, parfois submergées, par le va
et-vient d'eaux fertiles (Dunnett et Kingsbury, 2008).
Les murs vivants peuvent être modulaires (figure 2.5). Ils présentent alors des modules
indépendants contenant un substrat de croissance. La croissance des plantes est d'abord à
l' horizontale et l'on insère ensuite les modules dans la structure murale verticale (Hodgson,
2009). L'arrosage peut se faire de façon automatisée ou manuelle.
Les murs végétaux de Patrick Blanc (figure 2.6) consistent en une paroi recouverte d'une
polyamide qui peuvent absorber, faire circuler par capillarité et retenir une certaine quantité
d'eau. La couche externe de géotextiles est percée pour former des «poches» qui contiennent
des plants de végétaux. La face exposée de la couche externe est recouverte spontanément de
mousses et d'une microflore qui aident à garder l'humidité et à retenir l'eau pour ne pas
qu'elle s'écoule trop rapidement au sol. Il s'agit d'une culture hydroponique, car les plantes
croissent pratiquement sans substrat. Elles sont nourries par un système automatisé de goutte
à-goutte d'eau chargée de substances nutritives. Le système automatisé est réglé selon les
exigences des plantes et les conditions climatiques et environnementales du milieu. L'eau
voyage par capillarité dans le feutre géotextile. Un bassin à la base du mur récupère l'eau en
excès pour la retourner dans le système de drainage après filtration (Lambertini et al., 2007).
, 1 ._
Figure 2.5 : A gauche, mur végétalisé modulaire (2, avenue Myrron-Herrick, Se
arrondissement). À droite, mur végétalisé contenant un substrat vertical et retenu par une
paroi de matériel plastique et un treillis (61 bis, rue du Faubourg Saint-Denis, ge
arrondissement), Paris, 2009.
Photos: Anne-Marie Bernier
Figure 2.6 : Mur végétal de Patrick Blanc. Musée du quai Branly, Paris, 2009.
Photos: Anne-Marie Bernier
47
La végétalisation du bâtiment ne date pas d'hier et il s'agit d'un phénomène qui s'est
manifesté sur pratiquement tous les continents. Les motivations qui ont menées à leur
invention ou à leur instauration sont diverses: souci esthétique, protection du bâtiment contre
les incendies, isolation, récupération des eaux de ruissellement, etc. À ['image de ces
différentes motivations, les formes de végétalisation sont nombreuses et diversifiées. Avec
les technologies d'aujourd'hui et les efforts continus de recherche, on peut s'attendre à
observer de plus en plus d'exemples novateurs et originaux qui permettent de verdir les
bâtiments et les constmctions urbaines en optimisant leurs bénéfices selon le contexte.
Manipulating our living spaces logically also includes using natural areas and garden
designs as artistic expressions and a way to connect back to nature.
Selon McHarg (1997), s'inspirer de la nature et combiner art et science est un moyen de créer
efficace. La création de prothèses est un des milieux où cette stratégie est la mieux utilisée.
L'amélioration de la vision, l'expansion du pouvoir des muscles aux outils en sont des
exemples connus. On observe chez certains mollusques (par exemple, Tridacna gigas)
l'incorporation de chlorop lastes dans les membranes, ce qui permet la photosynthèse
(McLennan, 2004). Comme mentionné plus haut, pour Hundertwasser, la maison est la
troisième enveloppe de l'humain, après son épiderme et ses vêtements. La végétalisation de
la « membrane » des bâtiments est une transposition de l'adaptation évolutive que l'on
retrouve entre autres chez Tridacna gigas. Il est toutefois peu probable que les premiers
bâtiments végétalisés aient été inspirés par les mollusques. L'histoire de notre architecture est
plutôt résumée comme l'ultime poursuite du confort. Le confort peut prendre différentes
formes: être à l'abri du soleil, du vent, du froid, etc. (McLennan, 2004). On appelle
« biomimétisme » le fait de s'inspirer des designs de la nature pour trouver les solutions, y
compris celles qui augmentent le confort. Les barrages des castors, les ruches des abeilles, les
termitières sont autant d'inventions de la nature dont l'humain s'est inspiré au cours de
1'histoire. Ces inventions de la nature sont des exemples de design durable: ils fonctionnent à
l'énergie solaire et utilisent seulement l'énergie nécessaire, l'évolution leur a conféré une
forme optimisée à la fonction, tout y est recyclé, ils sont fabriqués avec des matériaux locaux,
etc. Le biomimétisme peut aussi être le fait d'utiliser un standard écologique basé sur les
caractéristiques des designs de la nature énoncées plus haut pour juger nos inventions et
donner de la valeur à ce qu'on peut apprendre plutôt qu'à ce qu'on peut extraire de la nature
50
(McLennan, 2004). Le fait de végétaliser un bâtiment le replace dans le cycle des processus
écologiques dont il était exclu: il devient une source de photosynthèse, un filtre et un
réservoir pour l'eau pluviale, un habitat« naturel» pour la faune locale.
La présence de la végétation dans l'habitat humain existe à l'origine pour diverses raisons: la
culture de la nourriture, qui touche la culture du corps, mais aussi celle de l'esprit. L'humain
a effectivement une relation physique, mais aussi psychologique avec la végétation.
L'archétype du jardin a évidemment une valeur écologique scientifique, mais on oublie
souvent le pouvoir que la représentation symbolique peut avoir sur les relations culturelles,
entre humains et entre les humains et la nature (Corner, 1997). Il est possible que la
végétation sur les surfaces mêmes du bâtiment ne soit pas instinctivement ce que les humains
recherchent et apprécient de la végétation dans leur habitat. Une audience moderne peut
encore être rébarbative à des designs qui offensent ou défient les idées de ce qui est considéré
comme normal, acceptable, ou encore, à des designs qui perturbent ou pervertissent l'ordre
naturel (Olin, 1997). L'objectif du chapitre sur les bénéfices de la végétalisation est de
convaincre du bien-fondé de la végétalisation du bâtiment en milieu urbain. Comme il a déjà
été mentionné, ce chapitre, comme tout le reste du mémoire, a été réfléchi avec un biais
favorable à la végétalisation de l'enveloppe du bâtiment. Sans nier les obstacles qui sont
invoqués pour justifier l'inaction quant aux mesures de végétalisation, le but est bien de
mettre l'accent sur les raisons pour lesquelles il faut aller de l'avant, continuer les recherches
et oser prendre le risque de l'expérimentation. 11 reste pourtant encore beaucoup de
51
recherches à mener, autant qualitatives que quantitatives, en particulier sur les façades
végétales de tous genres, ce qui explique le peu d'information actuellement disponible à ce
sujet.
Dans un premier temps, les bénéfices écologiques ont été distingués des bénéfices
socioécologiques. Les premiers concernent les interactions qui ont lieu entre l'enveloppe
végétale d'un bâtiment et son environnement biophysique. Les seconds se rapportent plutôt
aux interactions qui concernent 1'humain et ses perceptions, en tenant compte des processus
sociaux et culturels qui caractérisent la relation de l'humain avec l'environnement urbain et
bâti. Par la suite, il a été décidé, dans le souci de respecter la prescription du développement
durable qui est de considérer tous les aspects (économiques, sociaux et environnementaux)
d'une question, de ne pas diviser les bénéfices en de telles catégories, mais de les présenter
sous différents thèmes qui feront ressortir par blocs les divers avantages. Les bénéfices sont
autant d'ordre privé que public. Les bénéfices individuels ont généralement pour effet
d'augmenter la demande, alors que les bénéfices collectifs incitent les autorités locales à
mettre en place des mesures incitatives. Ces résultats sont deux des objectifs visés par le
présent travail de recherche. Chacun des bénéfices sera présenté comme une solution à un
problème propre à l'environnement urbain.
L'humain est maintenant reconnu comme ayant une influence sur la quantité de gaz à effet de
serre émis dans l'atmosphère terrestre. L'importance du phénomène d'effet de serre ressenti
aujourd'hui provoque des changements climatiques, décrits par le GIEC (1995) comme des
« changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement à une activité
vagues de chaleur. Ces dernières exacerbent directement les problèmes de qualité de l'air en
accélérant la formation de smog et, indirectement, en augmentant l'émission de polluants due
à une utilisation accrue des systèmes de climatisation.
Lors de la photosynthèse, les plantes utilisent le dioxyde de carbone (un gaz à effet de serre)
contenu dans l'air, ainsi que l'eau et les nutriments contenus dans le sol. Le verdissement
urbain a donc le potentiel de diminuer l'impact de la libération de dioxyde de carbone par les
véhicules, les industries et tous les systèmes mécaniques. La qualité de l'air s'en trouve ainsi
améliorée et les problèmes respiratoires diminués. JI faut cependant noter certaines limites:
• Les plantes produisent de l'oxygène durant le jour. La nuit, le processus s'inverse: en
absence de lumière, les plantes passent de la photosynthèse à la respiration, durant
laquelle elles absorbent l'oxygène et libèrent du dioxyde de carbone. Il y a malgré cela
une balance positive nette quant à la production d'oxygène .
• Le climat au Canada fait en sorte que les plantes entrent en dormance durant 1'hiver et
cessent toute activité photosynthétique.
• La décomposition de matière organique à la surface et à l'intérieur du sol nécessite de
l'oxygène.
• Sur les toits verts extensifs, si la couche de végétaux sèche durant l'été, à cause d'une
absence prolongée de précipitations, elle ne peut plus faire de photosynthèse (Bass et
Baskaran, 2001).
Les plantes en général captent également certains polluants contenus dans l'air et le sol pour
les séquestrer dans leurs tissus. Elles ont donc le potentiel de diminuer les problèmes liés à la
qualité de l'air, mais aussi ceux liés à la qualité de l'eau (voir section 3.3 sur les eaux
pluviales) (Bass et Baskaran, 2001). Les arbres et les arbustes ont toutefois un meilleur
potentiel de dépolluants et de capteurs de carbone. Le captage des polluants aurait un effet
tangible en végéta lisant un très grand nombre de bâtiments dans une zone assez dense. Les
surfaces végétalisées isolées n'ont que peu d'impact sur la qualité de l'air. L'idéal serait aussi
que ces surfaces présentent des végétaux sempervirents pour que leur action soit continue,
même 1'hiver (Dunnett et Kingsbury, 200S).
53
Le climat urbain est caractérisé par des températures élevées, une humidité de l'air
importante, une circulation d'air diminuée, un taux élevé de pollution atmosphérique et une
forte concentration de particules en suspension, ainsi que d'importantes émissions de gaz à
effet de serre. Les caractéristiques du milieu urbain expliquent les spécificités de son climat:
• le nombre élevé de constructions qui absorbent la chaleur et l'irradient (causant l'effet
d'îlot de chaleur urbain);
• la faible proportion de surfaces d'évaporation;
• le manque de couvert végétal, par conséquent, le faible ombrage et le peu
d'évapotranspiration;
• la grande proportion de surfaces de ruissellement;
• l'activité humaine intense qui entraîne l'émission de polluants et de chaleur
supplémentaire (véhicules, usines, air conditionné, etc.);
• les écrans formés par les immeubles et les voies de circulation qui limitent les vents
rafraîchissants (Dunnett et Kingsbury, 2008).
La ville est une mosaïque de microclimats. Les espaces verts sont des îlots de fraîcheur, alors
que les surfaces imperméables foncées causent l'effet d'îlot de chaleur urbain. Ce phénomène
est caractérisé par des températures urbaines estivales de 5 à 10°C supérieures à celles du
milieu environnant. L'effet d'îlot de chaleur urbain est dû à la radiation solaire absorbée par
les surfaces imperméables foncées comme les toits et les surfaces pavées de la ville et est
également favorisé par la présence d'un flux de chaleur lié au chauffage urbain, à la
circulation automobile et à l'activité industrielle. La radiation absorbée est ensuite irradiée en
chaleur. L'intensité de l'augmentation de température due à un îlot de chaleur dépend du
climat, de la topographie et du design urbain (Earth Pledge, 2005). L'effet d'îlot de chaleur se
manifeste sur les surfaces, mais aussi dans l'atmosphère au-dessus de la ville. Les surfaces
dures et foncées présentent un albédo plus faible que les surfaces végétalisées, donc
absorbent et irradient plus de chaleur dans l'atmosphère. Cette chaleur affecte la température
de l'air jusqu'à une certaine altitude (thermocline), au-dessus de laquelle ['influence
thermique de la ville n'est plus ressentie (Bass et Baskaran, 2001). Par une chaude journée
54
création d'une colonne montante d'air chaud. Les mouvements de convection de l'air
brassent les particules fines et la poussière, augmentant ainsi la pollution atmosphérique.
Selon Peck et al. (1999), la thermocline entre la ville et les alentours augmente l'instabilité
atmosphérique, donc les chances de précipitations et d'orages intenses. Par contre, selon
Murphy et Martin (2001), la pollution des zones urbaines, conséquence de l'augmentation de
la température et de l'écart entre les zones urbaines et la banlieue, peut interférer avec la
formation des gouttes d'eau et exacerber les sécheresses. L'effet de l'augmentation de la
température sur les précipitations n'est certainement pas le même dans toutes les régions
urbanisées mais, chose certaine, la hausse des températures n'est pas sans conséquence sur le
climat et sur l'humain.
L'urbanisation induit des changements qui ont un impact sur le climat à l'échelle régionale.
Ces changements sont consécutifs à l'augmentation de la température, qui a des effets locaux
directs : le stress par la chaleur sur le vivant, la formation de polluants atmosphériques,
l'augmentation des besoins énergétiques nécessaires au refroidissement. La température
influence également le taux d'activité métabolique, qui a un impact sur les cycles
hydrologiques, la distribution des populations et les interactions entre les communautés, chez
les humains et tous les êtres vivants.
La lutte contre l'effet d'îlot de chaleur urbain passe par deux mesures: une augmentation de
la réflectivité des surfaces et une augmentation de la présence de la végétation en ville.
L'augmentation de l'albédo des surfaces est favorisée par des revêtements aux couleurs pâles
ou par la présence de végétaux sur ces surfaces.
Les toits verts, qui sont exposés à la lumière du soleil tout au long de la journée, agissent sur
l'effet d'îlot de chaleur directement à la surface (boundary layer), alors que les murs
végétaux contribuent plutôt à réduire l'effet d'îlot de chaleur atmosphérique (canopy level)
(Bass et Baskaran, 2001). Quand les surfaces dures et absorbantes se réchauffent, des
mouvements d'air verticaux sont créés et entraînent les particules de poussière du sol dans
l'air et les disséminent dans l'environnement. Les études montrent que les surfaces
55
végétalisées en Europe de l'ouest à des latitudes moyennes (ni dans l'extrême nord, ni dans
l'extrême sud de l'Europe occidentale) n'atteignent pas plus de 25 oC et qu'aucun
mouvement d'air n'y est observé (Peck el al., 1999). Le mouvement d'air est plus accentué
sur les surfaces verticales (murs) que sur les surfaces horizontales (toits). Un mur végétal
La végétalisation des toits et des murs contribue à l'atténuation de l'effet d'îlot de chaleur
urbain en augmentant l'humidité disponible par l'évapotranspiration, mais aussi en créant un
ombrage qui empêche les surfaces d'absorber la radiation solaire pour l'irradier par la suite
en chaleur. L'évapotranspiration est la combinaison de l'évaporation de l'eau du sol et de la
transpiration des plantes (Raven el al., 2000). De l'énergie solaire, la plante utilise 2 % pour
la photosynthèse, 48 % est emmagasinée dans l'eau de la plante, 30 % est transformée en
chaleur par transpiration et seulement 20 % est réfléchie (Peck el al. 1999). L'énergie solaire
utilisée pour !'évapotranspiration est séquestrée dans la vapeur, ce qui J'empêche d'être
convertie en chaleur sur la surface bâtie. L' évapotranspiration entraîne le refroidissement des
feuilles et de l'air adjacent. Les plantes contrôlent leur transpiration en ouvrant et en fermant
les stomates de leurs feuilles. Il faut toutefois mentionner le fait qu'en cas de grand stress
thermique les stomates se ferment pour se protéger de la dessiccation, ce qui limite le
refroidissement par transpiration dans les cas de chaleur extrême (Murphy et Martin, 2001).
Le choix de plantes succulentes peut alors être justifié, même si elles ne sont pas indigènes
dans la plupart des villes occidentales. En effet, un toit est un microclimat désertique ou alpin
à l'intérieur d'un autre climat. Les végétaux qu'on y implante doivent donc y être adaptés.
56
La végétalisation de 6 % de la surface disponible sur les toits en milieu urbain peut diminuer
la température de 1 à 2 oc. La diminution de 1 oC de l'effet d'îlot de chaleur urbain diminue
de 5 % la demande en électricité pour la climatisation et la réfrigération. La diminution de la
consommation d'énergie entraîne la réduction d'émission de gaz à effet de serre et autres
polluants atmosphériques. Une superficie de 6,5 km 2 de toits verts dans une ville comme
Montréal représente une économie d'un million de dollars en coûts énergétiques, une
réduction d'émission de gaz à effet de serre de 2,18 tonnes métriques et elle élimine de
l'atmosphère 30 tonnes métriques de polluants (Landreville, 2005). Des statistiques
équivalentes concernant les murs végétaux n'existent pas encore étant donné la rareté du
phénomène en Amérique. Par contre, comme pour la qualité de l'air, l'impact de la
végétalisation du bâtiment sur la modération de la température est plus évident lorsque les
espaces verts sont étendus. Les surfaces végétales de faible surface ont une influence sur le
climat seulement si elles sont en grand nombre et associées à un réseau plus vaste (Dunnett et
Kingsbury, 2008).
Les toits verts améliorent aussi l'efficacité des capteurs photovoltaïques. Ces derniers
fonctionnent mieux sous des températures fraîches, mais surtout sans grandes fluctuations de
températures (Cantor, 2008). Les plantes peuvent être diversifiées par la présence d'ombre
créée par les capteurs photovoltaïques. Un certain entretien est toutefois nécessaire afin que
les végétaux ne recouvrent pas les capteurs. Le gain en énergie solaire peut éventuellement
compenser pour l'investissement dans le toit végétal (Dunnett et Kingsbury, 2008).
La toiture végétalisée isole par l'extérieur et évite les chocs thermiques. L'isolation résulte de
deux mécanismes: l'inertie et la diffusivité. L'inertie fait que le toit accumule la chaleur pour
la restituer quand la température diminue. La diffusivité freine la perte de chaleur grâce à la
forte chaleur volumique du toit végétal (Houdart et Houdart, 2004). Une meilleure isolation
diminue la consommation d'énergie liée au chauffage et à la climatisation, donc réduit les
coûts énergétiques.
57
• L'air contenu dans le substrat de croissance et la masse de plantes agit comme isolant.
En hiver, les feuilles tombées et le substrat gelé diminuent les propriétés isolantes de
beaucoup.
• Le simple fait de couvrir la surface du bâtiment et d 'y créer de l'ombre est en soi une
façon de refroidir le bâtiment en été et de limiter la perte de chaleur interne en hiver.
Les murs sud et ouest sont ceux qu'on doit ombrager le plus intensément en été si l'on
veut limiter leur réchauffement. La défoliation peut favoriser le réchauffement de ces
murs durant les jours d'hiver.
• Le vent diminuant l'efficacité énergétique d'un bâtiment, une couche de végétaux agit
comme un tampon qui empêche le vent de circuler directement le long des parois du
bâtiment. En hiver, le tiers de la demande de chauffage est attribuée au vent qui
refroidit les murs extérieurs (Peck et al., 1999).
efficaces pour isoler des bâtiments d'un seul étage, les murs végétaux auraient un grand
potentiel pour l'isolation des bâtiments à plusieurs étages (Bass et Baskaran, 2001).
L'isolation thermique hivernale est plus efficace lorsque la végétation est une étendue
uniforme de plantes sempervirentes. Dans un mélange de plantes, le tapis de tiges et de
feuilles mortes ne contient effectivement que peu de poches d'air. Le plus efficace, selon les
études réalisées jusqu'à maintenant, serait le toit vert extensif planté de fines graminées, car il
s'agit d'une couverture continue qui emprisonne bien les poches d'air (Dunnett et Kingsbury,
2008).
Les changements climatiques augmentent la fréquence des températures extrêmes et, dans
certains cas, des fortes précipitations (Bass et Baskaran, 2001). L'eau qui tombe sur une
surface plantée est absorbée par le sol et rejoint les nappes phréatiques ou encore elle est
absorbée par les plantes et parfois restituée à l'atmosphère par évapotranspiration. Le milieu
urbain a toutefois une forte proportion de surfaces imperméabilisées qui ne laissent pas
pénétrer l'eau de pluie. Alors qu'on estime cette proportion à 10 % en milieu rural, elle
atteint de 71 % à 95 % en zones commerciales et industrielles (Dunnett et Kingsbury, 2008).
L'eau ruisselle donc sur les surfaces chargées de particules, pesticides, huiles, hydrocarbures,
sel, métaux lourds et déchets, avant d'être recueillie par le système d'évacuation et de
traitement, puis elle est rejetée dans les cours d'eau. Lors de fortes pluies, l'eau inonde les
59
L'objectif du système d'évacuation est d'enlever le maximum d'eau d'un endroit donné en un
minimum de temps (Dunnett et Kingsbury, 2008). À l'opposé, les surfaces végétales peuvent
diminuer la quantité d'eau de ruissellement en diminuant la proportion d'eau de pluie sur les
surfaces imperméables, laissant ainsi le temps à l'eau d'être absorbée, avant qu'elle soit
contaminée (Bass et Baskaran, 2001). Capter l'eau dans des bassins de rétention, l'utiliser à
des fins domestiques ou d'irrigation, ou encore favoriser son infiltration dans le sol sont
autant de façons de réduire le volume d'eau qui quitte un site donné. Les avantages de cette
réduction sont nombreux:
• la pression sur le système de canalisations urbaines diminue;
• l'alimentation de la nappe phréatique est favorisée;
• des habitats et des aires récréatives humides peuvent être créés;
• les risques d'inondation diminuent;
• les coûts reliés au système de drainage sont réduits (Dunnett et Kingsbury, 2008).
La capacité de rétention d'eau de pluie d'un toit vert varie selon les saisons; la profondeur,
l'hygrométrie et les propriétés physiques du substrat; l'angle du toit; [es types de plantes;
l'intensité des précipitations et l'humidité préexistante (Dunnett et Kingsbury, 2008).
Les façades végétales peuvent aussi diminuer le ruissellement, mais elles ont un impact
moins important que les toits verts quant à l'absorption de l'eau de pluie. Elles peuvent tout
de même retarder le ruissellement et favoriser une lente infiltration dans le substrat.
L'infiltration sera facilitée lors de forts vents fouettant [a pluie vers le mur en question.
L'efficacité des murs végétalisés dépend de leur design (grimpantes, système hydroponique
ou présence de substrat) (Bass et Baskaran, 2001).
Aux États-Unis, plusieurs états et collectivités locales facturent les frais de raccordement des
constructions au système de drainage des eaux pluviales et accordent des allègements fiscaux
aux propriétaires qui réduisent le ruissellement (Dunnett et Kingsbury, 2008).
61
Le bruit constant de la ville est un facteur de stress psychologique. Alors que les surfaces
dures réfléchissent le bruit plus qu'elles ne l'absorbent, le sol, les plantes et l'air contenu
entre les plantes et la surface du bâtiment permettent une isolation sonore. Le bruit de la
machinerie, du trafic et des avions peut alors être absorbé, réfléchi et dévié. Le substrat tend à
bloquer les basses fréquences, tandis que les plantes bloquent les plus hautes fréquences.
L'atténuation du bruit dépend donc de la profondeur du substrat (Peck et al, 1999). Un toit
vert dont le substrat a 12 cm d'épaisseur, peut réduire le son jusqu'à 40 décibels (Green
Roofs for Healthy Cities, 2009). Le son du vent dans les feuilles et les branches contribuent
par ailleurs à créer un sentiment de bien-être (Peck et al., 1999).
La végétalisation protège l'enveloppe du bâtiment des rayons solaires ultra violets, des
températures élevées et des fluctuations journalières de température. Ces facteurs de stress
pour la membrane peuvent causer sa désagrégation, son délaminage, des fissures et même des
ruptures (Dunnett et Kingsbury, 2008).
L'humidité contenue dans le substrat et dans les plantes ralentit la progression du feu de
l'intérieur vers l'extérieur. C'est d'ailleurs la première raison ayant motivé l'installation de
toits verts en Allemagne. Par contre, une sécheresse prolongée peut accroître les risques
d'incendies (Trottier, 2008).
3.6 Biodiversité
«Aucune surface en ville n'a aussi peu de concurrence pour son usage que le toit d'un
immeuble tout en étant en même temps si peu exploitée.» (Brenneisen, 2005) Les toits et
façades ne sont pas des habitats naturels, mais ils peuvent servir de corridors écologiques qui
contribuent à la dispersion des espèces animales et végétales entre les jardins, les parcs, les
62
friches, les boisés, etc. Les corridors écologiques aident à contrer la fragmentation des
habitats due à l'urbanisation et à l'imperméabilisation des surfaces qui en découle (Earth
Pledge, 2005). L'utilisation de plantes indigènes, fortement recommandée lorsque le milieu le
permet, favorise la pérennité des espèces sélectionnées. Elles-mêmes servent d 'habitat et de
ressources pour la faune indigène (Trottier, 2008).
Le respect du lieu est le résultat d'interrelations complexes entre climat, biologie, géologie et
topographie. Les bâtiments sont les plus importants artéfacts physiques de notre culture, ils
devraient donc idéalement refléter l'unicité du lieu (McLennan, 2004). Le choix de végétaux
indigènes pour la végétalisation prend alors doublement son sens: pour maximiser la survie
et l'autonomie des végétaux, il est préférable de choisir des végétaux qui sont adaptés aux
conditions locales. De plus, en choisissant des végétaux locaux, on honore et on donne de la
visibilité à ces plantes qui caractérisent un milieu donné. Le choix de la végétation indigène
est d'autant plus important en milieu urbain où le contexte a souvent fait disparaître la
végétation indigène pour la remplacer par des espèces décoratives.
Lors de la conception de la Villa Olimpica à Barcelone, Olin et son équipe ont relevé un défi
de design en aménageant un site urbain totalement artificiel pour faire en sorte qu'il rappelle
le caractère indigène des paysages naturels de la Catalogne. Le but n'était pas de simuler un
paysage naturel, que ce soit naturellement ou biologiquement, car cela aurait été impossible.
Olin et son équipe ont donc considéré les bâtiments comme étant le site en soi. Les bâtiments
dont il est question sont entre autres ceux de Franck O. Gehry et de Bruce Graham. À cause
de la pollution industrielle très importante induite par la situation du site, les aménagements
ont été conçus avec des plantes indigènes adaptées au climat local. Ce choix a contribué au
succès d'implantation des plantes ainsi qu'à l'objectif de départ qui était de créer un décor
rappelant celui du paysage naturel catalan (Olin, 1997).
Par contre, les espèces indigènes à la région ne sont pas nécessairement adaptées au
microclimat des toits ou des murs. Ceux-ci sont souvent des biotopes au sol mince, présentant
de fréquentes sécheresses. Ce sont par conséquent des habitats peu fertiles, mais une
importante diversité d'espèces arrive à coloniser ce type de milieu. Les végétaux qui
63
dominent les espèces fragiles en milieu fertile n'ont pas le dessus sur les toits et les murs
végétaux. Il s'agit donc d'un habitat favorable à ces plantes fragiles, à condition qu'elles
soient adaptées au milieu concerné. Plus la diversité de plantes est importante, plus la faune
qui s'y établira sera variée. Les murs et les toits verts extensifs non accessibles sont un
excellent habitat pour la microfaune et les oiseaux qui y sont protégés (Dunnett et Kingsbury,
2008).
Il faut toutefois mentionner que l'utilisation exclusive de végétaux indigènes est aujourd'hui
utopique. Les échanges de végétaux d'un continent à l'autre sont monnaie courante, encore
plus aujourd'hui que dans le passé. Des espèces non indigènes sont maintenant naturalisées
dans des climats dont elles ne sont pas originaires et les écosystèmes dont elles font partie se
sont adaptés en conséquence par coévolution.
Une autre façon de favoriser la diversité de la faune est de varier les profondeurs de substrat
de croissance. On peut aussi utiliser des substrats et des sols locaux, des débris de matériaux
en provenance de friches industrielles. Les semences de plantes indigènes contenues dans les
sols locaux peuvent alors coloniser naturellement les différentes épaisseurs de substrats. La
présence de bois mort sec attire également des invertébrés qui y trouvent leur habitat et des
oiseaux qui s'en servent comme source de nourriture et comme perchoir. Plus le substrat est
profond, plus la diversité d'insectes y sera grande (Peck et al., 1999). Les insectes ne
survivent toutefois pas au gel du sol en hiver et à son desséchement total en été (Dunnett et
Kingsbury,2008).
Sur certaines surfaces (murs ou toits verts accessibles), l'aspect esthétique est important,
l'utilisation de plantes qui ne sont pas indigènes est alors tout à fait compréhensible. La
diversité faunique ne dépend d'ailleurs pas de l'origine locale ou étrangère de la flore, mais
bien de la diversité des structures végétales (Dunnett et Kingsbury, 2008).
64
3.7 Biophilie
eolors of nature, espeeially ta green, and ta the motions and sounds of other animaIs. »
(Dramstad et al., 1996, p. nid).
Les humains sont plus sains lorsqu'ils peuvent voir et interagir avec la nature, même si c'est
en petites parcelles ou à courte distance (Schauman, 1997). Est-ce que la végétalisation du
bâtiment peut être considérée comme quelque chose de « naturel» en ville? Est-ce qu'on peut
considérer que l'on peut interagir avec la végétation lorsqu'elle est à même le bâtiment'?
Quel est ce désir de nature, apparu avec une force nouvelle dans notre société? Qui
sont ces gens, qui nous ressemblent, épris de terre, d'arbres et de fleurs, épris du désir
de renouer ce fil coupé avec l'univers?
Ce sont des hommes, des femmes noyés dans leur rythme quotidien, enfermés dans
leur cadre de vie, éloignés des saisons, protégés du chaud, protégés du froid. Ils
espèrent aux heures arrachées au travail trouver, chez eux, une vraie nature, celle de
la pluie et du vent, celle de l'oiseau et de l'insecte. Dans une demeure si petite soit
elle, ils veulent, proches de leur lit, proches de leur douche, dans le salon, face à la
table, un arbre, des fleurs, de vrais buissons qui poussent et meurent. Une nature
captée, vive, par une maison qui l'embrasse. (Sauzet, 1996, p. 59)
Le désir de vivre proche des manifestations de la nature est une volonté fréquemment
exprimée. La ville augmente ce besoin (Sauzet, 1996).
Le désir de nature qui hante les urbains est bien autre chose qu'une nostalgie de la vie
villageoise ou un refus de la ville. Il se développe en même temps que se généralise
le monde urbain comme si les forces de la culture se devaient de se connecter à celles
de la nature pour que le monde reste habitable. (Sauzet et Younès, 2003, p. 125)
L'environnement bâti est une séparation entre l'intérieur et la lumière du jour de l'extérieur.
Avec cette séparation, la connexion avec la nature diminue. La biophilie (biophilia) , terme
proposé par le biologiste Edward O. Wilson, est l'affinité innée des êtres humains pour le
vivant et les systèmes naturels (Demers et Potvin, 2008). « Designer avec biophilie » signifie
faire preuve d'équilibre: quand la nature est oppressante et aride, comme dans le désert, les
65
gens ont besoin d'un refuge plus clinique, frais et austère. Dans un milieu urbain dense, où
les humains sont entourés de béton, de briques et d'asphalte, les gens ont besoin de vie, de
nature dans le design (McLennan, 2004). Ce besoin est-il rempli par les bâtiments
végétalisés?
Comme les végétaux changent au cours des saisons, ils deviennent des témoins du cycle
saisonnier et des changements de rythmes dans la scène urbaine dont les matériaux
traditionnels ne reflètent pas la réalité (Lambertini el al., 2007; Michigan, 2009). Il s'agit
cependant d'une nature artificielle. Dans une grande ville, un arbre existe parce que 1'homme
l'y a planté ou qu'il a décidé de le laisser là où il se trouve (Lambertini el al., 2007). Le
contrôle exercé par l' humain est omniprésent en mi lieu urbain, mais le besoin de briser le
cadre rigide de l'environnement construit est une autre façon d'interpréter le besoin de nature
en ville. Selon Gilles Clément, le jardin en mouvement du Parc André-Citroën, à Paris, est
d'ailleurs « la réponse implicite d'un monde en quête de retrouver dans la nature une part
importante de son existence» (Clément, 2001, p. 161).
3.8 Esthétique
La subjectivité, l'art et la poésie sont des outils puissants pour rendre la végétalisation du
bâtiment plus sensible, afin qu'elle soit plus facilement acceptée par les occupants. En effet,
pourquoi ces instruments sont-ils acceptés dans les domaines privés des galeries d'art, des
bibliothèques, mais qu'on les exclut pour la résolution de problèmes rationnels concrets
(Corner, 1997)7 On connaît les impacts positifs de la végétalisation sur J'écosystème naturel,
mais il faut maintenant vérifier qu'il s'agit d'un choix qui améliore la qualité de vie des
humains et du sentiment de bien-être ressenti. D'où l'importance de considérer autant les
aspects socioécologiques que les aspects écologiques des phénomènes urbains.
66
L'adaptation culturelle est sans contredit la stratégie d'adaptation la plus efficace pour
l'humain. Ses instruments sont la science et la technologie, mais aussi le langage, la
philosophie et l'art (McHarg, 1997). Dans l'environnement naturel, le besoin d'esthétique est
un besoin de conservation. Par contre, dans la ville, l'esthétique est une force active qui
donne forme à la fois à une fonction et à un sens dans la forme bâtie (Johnson, 1997). La
beauté de l'architecture est importante, bien que difficile à définir. Pour qu'un bâtiment soit
durable, il faut souhaiter qu'il dure, il faut vouloir le préserver, il faut qu'il traverse le temps.
Même si la fonction première d'un bâtiment devient désuète, s'il est bien conçu et bien
construit, il pourra être converti, au lieu d'être démoli avant de reconstruire au même endroit.
« As the utility and family signiflcance fades, it is often only the beauty of the object that
keeps it cherished and passed on. » (McLennan, 2004, p. 236) La végétalisation peut à cet
égard améliorer un beau design ou en camoufler un mauvais (Johnston et Newton, 1996).
Il existe un besoin biologique de beauté. Les neurosciences montrent le rôle de la beauté dans
la stimulation du cerveau: des proportions, textures et formes agréables à la vue améliorent
la santé mentale (McLennan, 2004). « Un beau bâtiment a trois caractères: il est commode, il
est solide, il plaît. » (Wotton, 1624, p. nId, en paraphrasant Vitruve). La valeur ornementale
de l'enveloppe végétale est donc incontournable. Un avantage des murs végétalisés sur les
toits verts réside d'ailleurs dans leur visibilité à partir du sol.
L'attrait pour un bâtiment favorise aussi sa fonction pédagogique. «Le mot «édifice» renvoie,
[ ... ] directement au verbe édifier, qui ne signifie pas seulement bâtir, mais aussi éduquer,
établir, fortifier, instruire.» (Frampton, 1972, p. 137). Autant le côté technologique de la
durabilité est important, autant un autre aspect de la durabilité doit être assuré par les
designers, et non les techniciens : une esthétique qui communique la valeur des processus
écologiques qu'ils essaient de restaurer. Avant que le public n'incorpore l'écologie dans son
esthétique urbaine, les gens doivent donner de la valeur à la présence de processus naturels
dans la ville (Johnson, 1997). La vocation éducative d'un aménagement végétalisé du
bâtiment est non négligeable. Plusieurs aspects peuvent être transmis par la végétation sur les
bâtiments: en plus d'illustrer les interactions naturelles et les cycles écologiques, elle peut
exacerber la fascination par les plantes et sensibiliser à l'importance des espaces verts en
67
milieu urbain (Landreville, 2005). « An aesthetic that includes cultural disorder and the
"accidents" of nature can inform the public of the substance of the human condition and the
significance ofnatural processes that modernism excluded. » (Johnson, 1997, p. 1g4)
Comme une vue sur un paysage naturel, la vue sur un mur vivant ou sur un toit vert améliore
la qualité visuelle de l'espace aménagé en milieu urbain. La qualité plastique d'un
aménagement de végétalisation ne réside évidemment pas uniquement dans la matière, mais
dans la façon dont elle est présentée. L'objectif de designer et construire des bâtiments est de
créer un habitat pour les humains. Un des principes du design durable est d'honorer la vitalité
humaine à travers la diversité des individus et de redonner aux humains le contrôle de leur
confort personnel et de leurs environnements. Le souci du bien-être psychologique et spirituel
passe par une architecture humaine à l'échelle appropriée (McLennan, 2004).
Les espaces verts ont généralement moins de valeur que les espaces construits qui génèrent
des échanges économiques. On a donc tendance à les négliger croyant qu'ils ne peuvent pas
avoir d'impact économique positif. Pourtant, la végétalisation augmente la valeur des
propriétés résidentielles et les hôtels louent plus cher une chambre avec une vue sur des
aménagements de toits verts, c'est donc qu'elle représente une valeur ajoutée (Bass et
Baskaran, 2001; Getter et Rowe, 2006; Osmundson, 1999).
Un toit vert donne des points dans les programmes d'évaluation en matière de performance
environnementale. Par exemple, dans le programme LEED (Leadership in Energy and
Environmental Design), un toit végétalisé permet de cumuler jusqu'à 15 points dans les
catégories suivantes:
1) moindre détérioration du site, protection ou restauration des espaces ouverts;
2) gestion des ressources hydriques;
3) incidence sur les énergies et le climat;
4) matériaux et ressources;
68
5) environnement intérieur;
6) innovation dans le design (Dunnett et Kingsbury, 2008).
Un nombre élevé de points donne une image respectueuse de l'environnement, aujourd'hui
source de publicité, ce qui peut faciliter la rentabilité des investissements (Dunnett et
Kingsbury,2008).
Le contact avec un paysage à caractère naturel, comme la vue de plantes, a des effets
bénéfiques sur la santé humaine. Parmi ceux-ci, on retrouve la réduction du stress et de
l'agressivité, la baisse de la pression sanguine, le relâchement des tensions musculaires,
l'augmentation de sentiments positifs comme le calme (Ulrich et Simons, 1986; Velazquez,
2005). La vue d'une scène naturelle retient l'attention, la déplace des pensées centrées sur
soi-même et peut même entrainer un état proche de la méditation (Ulrich et Parsons, 1992).
La productivité des employés augmente et l'absentéisme diminue lorsque ces derniers ont
une vue sur des plantes ou des arbres (Velazquez, 2005). Les employés ayant « une vue»
sont moins stressés, ressentent une plus grande satisfaction quant à leur situation
professionnelle et rapportent avoir moins de maux de tête que les employés n'ayant pas accès
à une vue sur des éléments naturels (Kaplan et al., 1988). Les patients ayant une vue sur des
éléments naturels se remettent plus rapidement d'une chirurgie que ceux qui n'ont pas cette
vue (Ulrich, 1984).
Les études sur des étudiants stressés à cause d'un examen, sur des patients ayant peur du
dentiste et sur des prisonniers arrivent toutes aux mêmes conclusions: la simple vue
d'images (photographies, images projetées, vues à travers des fenêtres) comportant une
dominante de végétation, même en milieu urbain, diminue les symptômes de stress, de peur
et d'anxiété par rapport à la vue d'images de paysage urbain sans végétation (Ulrich et al.,
1991 ).
69
Les perspectives évolutionnistes attribuent quant à elles cette réaction de détente au fait que
les humains ont évolué longtemps dans un environnement «naturel». Ils seraient donc
physiologiquement et psychologiquement mieux adaptés aux contextes naturels qu'aux
contextes urbains. Les explications varient:
1) Les humains ont une prédisposition mnée à donner de l'attention et à répondre
positivement au naturel et à une configuration qui était favorable à la survie et au bien
être durant leur évolution.
2) Un paysage contenant des éléments naturels est plus facilement et plus efficacement
décodé parce que le cerveau et le système sensitif ont évolué dans des environnements
«naturels».
3) Les contextes naturels attirent facilement l'attention sans effort mental, une forme
d'attention appelée la fascination. Cette attention involontaire serait un mécanisme clé
pour le repos suite à une fatigue mentale (Ulrich et al, 1991).
L'entretien des murs ou toits végétalisés, lorsque nécessaire, peut en soi devenir une activité
thérapeutique comme l'est le jardinage, reconnu pour ses vertus sur la santé (Peck et al.,
(999).
70
Les toits verts accessibles (intensifs) peuvent devenir des lieux de rencontre et des zones
récréatives qui augmentent l'interaction et la cohésion sociale (Green Roofs and Healthy
Cities, 2009).
Toujours à Paris, la Promenade plantée est un ancien chemin de fer qui reliait Bastille à
c
Saint-Maur jusqu'en 1969. Aujourd'hui, la Coulée verte traverse le 12 arrondissement sur
4,5 km (Mairie de Paris, 2009c). Des jardins sont aménagés sur les viaducs et dans les tunnels
ayant été construits pour le chemin de fer. Au lieu de détruire la structure bâtie tombée en
désuétude, les architectes Philippe Mathieux et Jacques Vergely ont préféré valoriser la
71
Tout ce qui est horizontal en plein air appartient à la nature ... L'homme est l'hôte de la
nature et doit se comporter en conséquence ... Sur les toits, l'homme doit rendre à la
nature ce qu'il lui a pris en bas illicitement en construisant la maison.
Le souci de redonner à la nature ce qui appartient à la nature peut émaner d'une philosophie
écologiste radicale dans laquelle tous les êtres vivants sont égaux et possèdent autant de
droits que l'humain. Le fait de remplacer la surface utilisée par la construction d'un bâtiment
peut aussi venir de la préoccupation de minimiser l'impact de la construction sur
l'environnement. En Allemagne, la réglementation demande de compenser les dommages
inévitables causés par la construction par des mesures concrètes, dans un laps de temps
déterminé (Dunnett et Kingsbury, 2008). Le fait de supprimer une surface verte est alors
considérée comme un dommage inutile. On tente simplement de rétablir positivement le ratio
organiquelinorganique en milieu urbain (Lambertini el al., 2007). Le remplacement de la
surface végétale absorbante supprimée au sol par une nouvelle surface végétale sur le
bâtiment vise donc à améliorer le sort de l'humain.
72
3.14 Conclusion
Les bénéfices de la végétalisation ont été abordés ici de manière exploratoire et qualitative.
Une des barrières à l'adoption systématique de toits verts et de façades végétalisées est
l'absence de documentation sur la performance des installations dans le climat québécois.
Pour arriver à des résultats quantitatifs probants pour le climat montréalais, des
expérimentations locales devront être menées. La mise en place d'un site d'étude qui consiste
en un toit que l'on peut reconfigurer facilement, dont la moitié est végétalisée et l'autre
construite selon les standards actuels, est envisageable. La même chose serait nécessaire pour
mesurer les bénéfices des façades végétalisées. Il serait toutefois crucial de tenir compte des
différentes orientations possibles de ces façades. Les deux moitiés des surfaces
expérimentales (standard et végétalisée) devront être équipées d'instruments identiques
mesurant la température de surface, la radiation de surface, les profils verticaux de
température et le flux de chaleur à travers le toit, la quantité d'eau de ruissellement qui
s'écoule des deux moitiés, etc. (Bass et Baskaran, 2001).
Les avantages de la végétalisation du bâtiment sont diversifiés et liés les uns aux autres, c'est
pourquoi il est difficile de les présenter de manière synthétique. C'est par ailleurs la même
caractéristique qui fait de cette pratique une solution clé pour l'amélioration de la qualité de
vie en ville.
La question à se poser est « Qu'est-ce qu'on mettrait sur le mur ou le toit, à la place de la
végétation? » (Michigan, 2009). Quel matériau possède à la fois toutes ces qualités: isole de
la chaleur et du froid par j'extérieur, rafraîchit en été (par évapotranspiration et par ombrage),
isole des bruits extérieurs, retient et ralentit l'eau de ruissellement, capte le dioxyde de
carbone et produit de l'oxygène, fixe les poussières, filtre les substances polluantes, favorise
la biodiversité, est agréable à l'œil et peut sentir bon en plus d'être apaisant?
Les seuls espaces libres sont les cimetières dont la superficie dépasse presque, dans Paris
même, la superficie des jardins. Honneur à la ville qui prévoit plus d'oxygène pour ses morts
que pour ses vivants.
Dans ce chapitre, certains aspects caractéristiques des villes, et de Paris en particulier, seront
exposés afin de mieux cerner le contexte urbain dans lequel les exemples de végétalisation
ont été considérés. Suivront une présentation des observations générales recueillies sur le
terrain et la description de brèves études de cas exemplaires de végétalisation à Paris.
5 L'empreinte écologique est la superficie de terrain nécessaire, pour une population donnée, pour
subvenir à ses besoins et poursuivre ses activités actuelles. L'analyse de la consommation des biens et
services est convertie en hectares de terre (Jacobs, 2007).
75
al., 2003 ; Alberti et Marzluff, 2004). Les problématiques urbaines sont donc à l'ordre du
jour si l'on souhaite améliorer les conditions de vie du plus grand nombre.
L'urbanisation a changé le paysage et les processus écologiques sur une courte période de
temps, mais sur une grande échelle spatiale. Ses conséquences ne se limitent pas aux
frontières de la ville. Les activités humaines qui modifient l'environnement naturel sont des
réponses aux mêmes besoins humains dans toutes les villes: le besoin d'un abri, de sécurité,
de nourriture et d'eau; les besoins énergétiques pour les entreprises humaines; la gestion des
matières résiduelles et la demande constante pour plus d'espace occupé (Whiston Spirn,
1984). C'est ce qui explique que les grandes villes des climats tempérés ont plus en commun
entre elles qu'avec leur campagne environnante. Le développement urbain fragmente, isole et
dégrade les habitats naturels, ce qui a pour conséquence de simplifier et d'homogénéiser la
composition en espèces, de discontinuer le système hydrologique et de modifier les flux
d'énergie et le cycle de nutriments (Alberti et Marzluff, 2004).
L'étalement urbain est un phénomène qui fonctionne selon une boucle de rétroaction
positive: l'augmentation des infrastructures qui créent de la congestion, comme les routes,
stimule la demande d'infrastructures urbaines au-delà de la zone congestionnée et entraîne
ainsi l'étalement de la zone congestionnée (Murphy et Martin, 2001). Le milieu urbain
exacerbe également les problèmes liés aux changements climatiques à cause de la densité de
la population et de J'importance des surfaces dures, imperméabilisées et réfléchissantes.
L'importation d'énergie et de ressources de l'extérieur de la ville ainsi que la création de
déchets qui ne sont pas réintégrés au cycle de l'écosystème, génèrent la pollution de l'eau, du
sol et de l'air (Peck et al., 1999).
Les problématiques urbaines sont connues. Les villes ne sont cependant pas seulement la
source du problème, elles peuvent celtainement être à l'origine de la solution. Le pouvoir
économique des urbains et leur force culturelle sont de plus en plus importants (Jacobs,
2007), en plus d'être des berceaux de créativité (Manzini, 2007). Le chapitre précédent a
expliqué les façons dont la végétalisation du bâti peut contribuer à améliorer la qualité de vie
76
en milieu urbain. Voyons maintenant comment se manifeste le phénomène Sur le terrain, dans
son contexte, ici la ville de Paris.
Différentes raisons ont motivé le choix de la ville de Paris comme lieu de collecte de
données. Paris est une grande ville européenne d'une densité importante, évidemment
confrontée aux problématiques urbaines. C'est la raison pour laquelle l'intérêt pour la
végétalisation sur des toits et façades y est de plus en plus marqué, quoique récent. En
Allemagne, en 2002, un toit plat sur 10 était végétalisé pour un sur 150 en France (Dunnett et
Kingsbury, 2008). Paris est toutefois en pleine explosion quant aux efforts de végétalisation :
on assiste aujourd'hui à une accélération du développement des manifestations. Dans le cadre
d'un travail de recherche, il semblait pertinent d'assister au processus de création et à la
réalisation des mesures de végétalisation au présent, plutôt que de se contenter de constater
les résultats provenant des efforts passés. La présence d'exemples de végétalisation d'avant
garde tout à fait spectaculaires, notamment les réalisations de Patrick Blanc et d'Édouard
François, sont un autre signe de la vitalité du mouvement de végétalisation du bâti à Paris.
La population de Paris intramuros est estimée à 2 203 817 habitants au 1cr janvier 2009, selon
l'Institut national de la statistique et des études économiques. Le maximum de la population
parisienne a été atteint après la Première Guerre mondiale avec 2,9 millions d'habitants. Elle
s'est maintenue jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, puis s'est mise à
décroître rapidement durant les années 1950, 1960 et 1970. La décroissance s'est par la suite
ralentie pour se stabiliser à 1 125 246 habitants en 1999. Depuis lors, la population de Paris
est en constante croissance. La ville de Paris a la densité de population la plus forte en
France, mais elle varie beaucoup selon les arrondissements: de moins de 10 000 hab./km 2
dans le 1cr arrondissement à plus de 40 000 hab./km 2 dans le 11 c arrondissement (Mairie de
Paris,2009a).
77
La Ville de Paris octroie une aide technique et financière pour la végétalisation de toitures.
Environ 50 % du coût est assumé par la ville dans le cas d'un toit vert extensif. Les taxes sont
réduites sur le coût des matériaux et de la main-d'œuvre lors de l'installation, et des crédits
d'impôt sont accordés selon l'âge du bâtiment et d'autres critères. « Comme tout ce qui a trait
à l'aspect extérieur des constructions, la végétalisation d'une toiture doit faire l'objet d'une
déclaration préalable et respecter les règles d'urbanisme en vigueur. » (Mairie de Paris,
2009d) Le Plan climat et des réformes du Plan local d'urbanisme tentent de valoriser les 314
hectares de toitures végétalisables et de favoriser la réalisation de nombreux murs végétalisés
dans la ville de Paris (CAUE, Paris, 2009). Paris offre aussi un programme de végétalisation
verticale. La démarche à suivre consiste à faire une demande à la ville en spécifiant l'adresse
du mur à végéta liser. Si l'étude du projet confirme la possibilité et l'intérêt d'une
végétalisation et que toutes les conditions sont respectées, la ville prend en charge la
végétalisation sous forme de plantes mises en terre au sol (Mairie de Paris, 2009d)
acteurs du milieu, mais bien de documenter ces derniers, la méthodologie n'a pas été prévue à
cette fin et le fait de tenter de le faire a posteriori ne serait pas valable. Les informations
recueillies ont été ajoutées au chapitre sur les bénéfices de la végétalisation en milieu urbain.
Les sujets de futures études à mener se sont aussi révélés au cours des échanges: la qualité
du substrat de croissance, les plantes à utiliser pour favoriser un aspect plus esthétique, les
effets quantitatifs de la végétalisation sur l'effet d'îlot de chaleur urbain, la conception de
modèles acoustiques et thermiques qui décrivent l'impact des toitures et façades végétalisées,
etc.
e
Figure 4.1: Promenade plantée (12 arrondissement). Paris, 2009.
Photos: Anne-Marie Bernier
Les façades végétalisées prennent plusieurs formes différentes. Les vignes et les lierres, très
présents en Europe depuis longtemps, le sont aussi en Amérique depuis plusieurs années
(figure 2.3). La Ville de Paris installe aujourd'hui des treillis standardisés visant à faciliter
l'implantation des plantes volubiles (voir le chapitre sur la description du phénomène, figure
2.4). Les murs végétaux de Patrick Blanc sont spectaculaires, mais loin d'être accessibles à
tous. Ils sont de grande envergure et installés sur des bâtiments commerciaux ou publics
comme le Musée du quai Branly (figure 2.6). Édouard François a lui aussi réalisé des
prouesses en ce qUi concerne la végétalisation du médium construit. L'Éden Bio (20 e
arrondissement) est un complexe de logements sociaux conçu par Édouard François. Des
façades y sont végétalisées avec de la glycine plantée au sol.
Figure 4.2 : Wild Tower, Cheminée EPAD par Edouard François et Patrick Blanc. La
Défense, Paris.
Photo tirée du site http://www.edouardfrancois.com/projccts.php
Certains autres murs végétalisés sont plutôt à caractère expérimental (figure 2.5). Ils sont de
moindre surface et moins spectaculaires que les murs de Patrick Blanc, mais ['avenir des
façades végétalisées accessibles réside certainement dans la créativité et le design à moindre
coût de leurs concepteurs anonymes.
81
Trois brèves études de cas exemplaires seront maintenant présentées. Les trois se retrouvent à
Paris et concernent la végétalisation de façades, (les exemples de toits verts sonL en effeL
mieux documentés et plus fréquents dans une ville comme Montréal). Les exemples proposés
ne sont pas des études de cas exhaustives, mais bien de brèves présentations des multiples
formes que peut adopter la végétalisation du bâtiment en milieu urbain. Leur intérêt réside
pour chacune dans un aspect distinct du projet. Les exemples sélectionnés ont été documentés
à l'aide de données issues de la littérature et de correspondances avec les acteurs concernés
ou les concepteurs. Des visites sur le terrain ont permis d'apprécier le caractère visuel et de
récolter des images qui servent à illustrer les descriptions dans le présent document.
La façade du BHV Homme donne sur la rue de la Verrerie en plein cœur du Marais (4 e
arrondissement) (figure 4.3). Elle a été conçue par l'architecte Franck Michigan en
collaboration avec Patrick Blanc. Le projet permet de camoufler une structure existante en
béton préfabriqué, de présenter une façade spectaculaire ft la mesure de l'image commerciale
désirée, de permettre un traitement en épaisseur et en volumes dans une rue étroite. Le
secteur du Marais étant sauvegardé, il est compliqué d'obtenir les permis pour innover sur la
structure. S'il avait été question d'un élément construit, il aurait fallu soumettre pour
autorisation des échantillons de couleur précis, des prototypes conformes aux gammes de
couleurs et de formes contraignantes. Le débat a été contourné par la nature artistique et
végétale de la façade. Celle-ci suscite unanimement l'enthousiasme des passants, des
habitants du quartier, des élus de l'arrondissement et des architectes des Bâtiments de France.
Pour Franck Michigan, cela prouve « que le bénéfice culturel est probant» (Michigan, 2009).
Le choix de la façade n'est pas sans rappeler la saisonnalité commune des collections de
mode et des plantes. L'architecte a donc spécifié à Patrick Blanc que la façade devait être
particulièrement changeante d'une saison à l'autre. Les bénéfices écologiques de la façade
2
n'ont jamais été vérifiés scientifiquement, mais « 150 m de surface [plantée avec] 171
espèces végétales, ce ne peut qu'être bénéfique» (Michigan, 2009).
82
Figure 4.3 : Façade végétale du BHV Homme conçue par Franck Michigan et Patrick Blanc.
Rue de la Verrerie, Marais (4 e arrondissement), Paris, 2009.
Photos: Anne-Marie Bernier
La Tower Flower d'Édouard François est l'un des immeubles de la zone d'aménagement
concerté (ZAC) d'Asnières (17 e arrondissement), dessinée par Christian de Portzamparc
(figure 4.4). Il s'agit d'un immeuble de 10 étages et 30 logements, planifié dans la continuité
du parc qu'il surplombe. Le projet a été conçu à la suite de l'observation du besoin de nature
en ville que les Parisiens comblent habituellement en ornant de pots presque tous les balcons.
Il en résulte un bâtiment présentant des balcons filants, bordés de gros pots plantés de
83
bambous qui servent de garde-corps. Les bambous servent de filtre visuel à la ville alors que
le bruissement des tiges et des feuilles sert de filtre auditif au bourdonnement urbain. Les
plantes sont arrosées collectivement et automatiquement avec, en partie, de l'eau de pluie
recueillie sur les terrasses et par la suite enrichie d'engrais (François, 2009).
La teinte blanc-gris du bâtiment a été obtenue sans colorant ni peinture, grâce aux deux types
de béton qui le composent. Couplée à la présence de végétation, la couleur pâle augmente
l'albédo, ce qui permet de diminuer le réchauffement des surfaces, donc l'effet d'îlot de
chaleur urbain. Le confort et tous les avantages de la végétalisation offerts aux occupants des
logements sociaux contribuent à démocratiser la pratique.
Figure 4.4 : Tower Flower par Édouard François. ZAC d'Asnières (17 e arrondissement).
Paris, 2009.
Photos tirées du site hup://www.duardfrancois.cm/projects.php
84
La rue Henri Noguères est située dans la ZAC du bassin de la Villette (l9 c arrondissement).
La Société d'économie mixte de la Ville de Paris (SEMA VIP) finance la réalisation et
l'entretien de ce mur végétalisé (figure 4.5). Il s'agit d'un projet du groupe PariBioTop,
conçu avec l'architecte Andréas Christoforoux. Au départ, les objectifs visés par la
végétalisation d'une portion du mur Henri-Noguères étaient de permettre la présence de
végétaux dans un milieu urbain dense, d'améliorer l'aspect du paysage, de limiter les
désagréments le long des murs (dépôt d'ordures, salissures, etc.), d'augmenter la biodiversité,
de créer des corridors écologiques, de protéger la façade des rayons ultra violets et de la pluie
battante.
L'aménagement est composé de treillis et d'une pergola sur lesquels grimpent de la glycine à
fleurs blanches et à fleurs bleues et du chèvrefeuille parfumé, ponctués de bancs en bois et de
boîtes à fleurs. Un réseau d'arrosage automatique est intégré à la structure.
La force du projet, en plus des avantages mentionnés plus haut, repose dans la participation
des élèves de l'École polyvalente de la rue Henri-Noguères. Les élèves, en collaboration avec
des artistes choisis par la galerie Christine-Phal et des adolescents de l'Association sportive
Laumière, ont réalisé une fresque qui s'harmonise avec la végétation. L'aménagement du
mur allie donc art, végétalisation et participation citoyenne. Les élèves de la polyvalente
voisine ont participé à la plantation et continuent d'entretenir la végétation. Le mur a donc
également une vocation pédagogique. Cette réalisation fait aussi partie de la stratégie de
requalification de l'espace de l'avenue Jean-Jaurès (Mairie de Paris, 2004).
85
- -
Figure 4.5 : Mur de la rue Henri-Noguères financé par la Mairie de Paris. ZAC du bassin de
e
la Villette (1g arrondissement), Paris, 2009.
Photos: Anne-Marie Bernier
Ces quelques exemples démontrent que la végétalisation du bâtiment (des façades en ce qui
concerne les trois études de cas) a sa place dans différents contextes urbains et qu'elle a le
potentiel de remplir différents objectifs suivant les demandes ou les buts visés. La créativité
et le caractère inédit des trois études de cas devraient constituer des sources d'inspiration
pour la végétalisation des bâtiments dans une métropole comme Montréal.
These anomalous behaviours, these unconventional ways of thinking are, or could be, the
seeds that could engender, context permitting, the plants capable ofgenerating the new ideas
ofwellbeing, production and economy needed so badly today.
À la lumière des qualités potentielles des mesures de végétalisation des bâtiments et des
exemples de constructions végétalisées observées à Paris, certaines propositions seront faites
dans cette dernière section. L'objectif de ce travail de recherche étant de faire connaître et
idéalement de favoriser la végétalisation du médium bâti à Montréal, il semblait
phénomène peu exploré à Montréal. Les toits plats sont pourtant plus fréquents en Amérique
que nulle part ailleurs. Plusieurs constructions sont donc « végétalisables », mais la pratique
n'y est pas encore aussi valorisée qu'elle peut l'être en Europe occidentale.
En premier lieu, le concept de façade végétale sera exploré. Les murs végétalisés, si l'on
exclut les murs couverts de vigne et de lierre, sont pratiquement inexistants au Québec. Les
conditions climatiques sont en partie responsables de cette réalité, mais il ne s'agit
certainement pas d'une pratique à négliger. Des pistes de solution seront exposées, mais les
expérimentations restent à faire. Par la suite, des zones et des bâtiments à cibler de façon
prioritaire pour la végétalisation du bâti dans une ville comme Montréal seront suggérés.
finalement, des propositions concrètes sur des constructions montréalaises existantes seront
formulées.
88
Les toits verts sont de plus en plus connus en Amérique du Nord, mais les façades végétales
sont encore rares. Au Québec, la problématique réside dans le fait que la saison de croissance
est courte et 1'hiver rigoureux. La contrainte principale est en fait le gel des racines durant
l'hiver. Le remplacement des plantes mortes chaque année devient à la longue lourd et peu
rentable, Se présentent alors deux options choisir des plantes qui résistent aux éléments
(sécheresse, vent, froid), ou bien trouver une façon de protéger les racines des plantes,
Même si l'on favorise l'implantation de plantes indigènes dans un écosystème, les toits et
surtout les murs végétalisés représentent des milieux atypiques. Sur les toits, il est
envisageable de planter des végétaux indigènes avec une dominance de graminées et de
plantes adaptées aux conditions arides, plantes dites succulentes, La plupart des espèces
succulentes, telles que les sedums, ne sont toutefois pas indigènes. Sur les façades végétales,
les bourrasques de vent sont parfois très importantes en raison de la turbulence créée par les
constmctions environnantes. Au Québec, la problématique du gel des racines en hiver s'avère
encore plus importante sur les façades que sur les toits, vu l'absence de protection par la
neige et le mince substrat qu'il est possible d 'y implanter.
Différents choix de plantes restent encore à expérimenter. Les plantes des milieux arides
comme la montagne (figure 5.1) poussent dans une épaisseur de substrat minime et sont très
résistantes, On retrouve des herbacées, des mousses et des lichens proches des espèces semi
désertiques qui arrivent à coloniser la toundra. Les facteurs contraignant leur croissance sont
de forts vents, une brève période de croissance et des températures basses. Selon l'orientation
du flanc concerné, l'ensoleillement peut toutefois être intense. Le fort rayonnement UV
freine la production d'auxine, une hormone d'allongement des tiges. C'est ce qui explique en
partie pourquoi les plantes adaptées à ce milieu ont un port bas et se présentent en touffes
denses. Cette adaptation leur permet également de résister au vent. Les plantes d'altitude
supportent assez bien les basses températures, mais subissent aussi les journées d'hiver
ensoleillées en absence de neige, conditions reproduites sur les murs végétalisés dans le
climat québécois, Les journées froides et ensoleillées provoquent une forte évaporation, alors
89
que les racines ne peuvent plus pomper l'eau qui est gelée dans le sol. Leur port en forme de
coussin les protège de la dessiccation. L'intérieur de ce coussin est effectivement plus chaud
et contient d'anciennes tiges recouvertes de feuilles mortes qui retiennent l'humidité. Le sol y
est donc plus riche en humus, même si le substrat est limité. Les plantes montagneuses
tolèrent une diminution allant jusqu'à 50 % du contenu en eau de leurs tissus. Certains
végétaux se protègent de la dessiccation grâce à leurs feuilles grasses, succu lentes, couvertes
d'une couche de cire. Ils ont également de puissantes racines qui leur permettent un bon
ancrage et un approvisionnement en éléments nutritifs. Les végétaux sempervirents sont
particu lièrement résistants. Leurs tiges ligneuses ainsi que leurs feui lies raides, coriaces et
cirées, recouvertes de poils fins et serrés, les protègent de l'évaporation. La plupart des
plantes non sempervirentes ne résistent pas au gel. L'eau à l'intérieur de leurs cellules, en
gelant, se dilate et fait éclater les parois cellulaires. Les liquides cellulaires des plantes
sempervirentes ont un point de congélation abaissé par une importante concentration de sucre
qui augmente la densité du liquide. Ces plantes canalisent l'eau contenue dans leurs parois
cellulaires vers les espaces intercellulaires, où la dilatation de l'eau gelée cause moins de
dommages. Comme leur feuillage reste vert à l'année, ils prolongent leurs activités
photosynthétiques tard en automne et les reprennent tôt au printemps (Stokes, 1991; Stasny et
Bejcek, 1989).
Figure 5.1 : Végétation de montagne. Jardin botanique de Montréal, Montréal, avril 2010.
Photos: Anne-Marie Bernier
90
Une autre avenue à visiter est celle des plantes vivaces croissant à flanc de falaises (figure
5.2). Les plantes de falaises bordant les rivages sont souvent immergées par ['eau. Elles
reçoivent également l'eau de pluie et l'eau de ruissellement chargée de nutriments provenant
du sol et des débris des plantes poussant plus en hauteur. Il s'agit pratiquement d'une forme
d'hydroponie, technique de culture utilisée sur plusieurs murs vivants (Dunnett et Kingsbury,
2008). Les plantes colonisatrices des falaises présentent des adaptations morphologiques et
physiologiques en réponse au stress hydrique, à une épaisseur de sol réduite, à la croissance
sur une surface verticale et aux conditions microclimatiques extrêmes. Des mousses et des
lichens ainsi que certaines espèces de fougères et d'asters font partie des espèces pionnières
des falaises (Yuan et al., 2006; Coates et Kirkpatrick, 1992). Les sphaignes et les algues
facilitent également l'accumulation de matière organique, l'établissement et la persistance
des végétaux (Zartman et Pittillo, 1998).
Il faut idéalement éviter les monocultures car, en plus de présenter une faible richesse
visuelle et une biodiversité moindre, un mur de monoculture est susceptible d'être atteint
dans son ensemble par des problèmes de culture ou des agents pathogènes (Dunnett et
Kingsbury, 2008). Le choix de plantes dépend de l'orientation du mur et de leur position sur
celui-ci. Dans les parties supérieures, il est préférable d'implanter des espèces de sedums ou
de sempervirentes, qui résistent à la sécheresse et à une importante exposition au soleil. Dans
les parties inférieures, certaines espèces de fougères, de graminées et d'herbacées sont plus à
l'abri et tolèrent mieux l'ombre. L'angle sous lequel apparaissent les plantes sur le mur est
aussi à prendre en considération. Selon sa hauteur, on peut y voir la face inférieure du
feuillage des végétaux. Les grandes feuilles deviennent alors intéressantes, ainsi que les
frondes découpées des fougères. Il faut toutefois limiter les herbacées ayant une croissance en
hauteur et choisir plutôt les espèces buissonnantes. Il existe un mur végétalisé à Vancouver,
dans Stanley Park, qui présente les végétaux caractéristiques des plantes des promontoires et
gorges de la chaîne de montagne des Cascades. Parmi les espèces sélectionnées, on retrouve
le thé des bois (Gaultheria procumbens), une plante sempervirente, rampante, produisant des
fleurs et des fruits; des fougères (Polypodium glycyrrhiza, Dryopteris expansa); des
herbacées vivaces (Tellima grandiflo ra. Tiarella trifoliata), ainsi que des plants de fraises
(Fragaria vesca) et de bleuets (Vaccinium ovatum) qui fournissent des fruits pour la faune et
le public (Dunnett et Kingsbury, 2008). Il s'agit d'une communauté végétale riche dont on
pourrait considérer l'usage et évaluer la pérennité dans nos climats rigoureux. Un autre
prototype de jardin vertical a été construit à l'Université de Toronto à des fins de recherche et
de démonstration. Le mur ayant un poids minime, il représente un bon exemple de produit
pour des immeubles à plusieurs étages (Bass et Baskaran, 2001).
Il est également possible d'adapter les conditions du site pour favoriser la survie des plantes.
Une attention spéciale doit être portée au gel à long terme des racines. Le défi à relever est
donc de développer une technologie qui permettrait de protéger les racines pendant 1'hiver.
Cela pourrait se faire par isolation ou encore en installant un système réchauffant
périodiquement la paroi du mur de l'intérieur durant les jours de grand froid. Le débat sur la
consommation d'énergie demeure cependant un frein à cette option. Les technologies
92
Un quartier avec de hautes températures moyennes et une faible variation de température est
le pire scénario possible pour les communautés vivantes, qu'elles soient humaines ou non. La
93
Par contre, la différence entre la température la plus chaude et la température la plus froide à
l'intérieur d'un quartier est plutôt reliée à la densité de population. Plus la densité est faible,
plus les configurations d'établissement possibles sont nombreuses et présentent des
températures de surfaces hétérogènes. À mesure que la densité de population augmente, les
configurations d'établissemenl possibles diminuent et sont le plus souvent dominées par des
installations résidentielles dans lesquelles les espaces verts tendent à se raréfier. La variation
de la température de surface est moindre, parce que le paysage est plus homogène. La
94
Le lien entre la santé humaine et la présence d'espaces verts est démontré. 11 se présente
toutefois de deux manières. La première hypothèse, celle du mécanisme de sélection, stipule
que les gens plus nantis, souvent plus en santé, s'installent dans les environnements plus
verts. Les habitants de ces zones sont en meilleure santé, même dans l'éventualité où
l'environnement ne favorise pas directement leur bien-être et leur qualité de vie. L'autre
hypothèse, celle de causalité, suggère que les habitants d'un environnement plus vert sont en
meilleure santé, parce que celui-ci la favorise. Les environnements verts peuvent favoriser la
santé humaine de deux façons. La présence de parcs et d'espaces verts encourage les
habitants à passer plus de temps à l'extérieur et à faire de l'exercice, que ce soit dans le cadre
d'activités récréatives ou pour l'entretien des espaces aménagés. Cette hypothèse concerne le
comportement humain. La deuxième hypothèse concerne le phénomène d'exposition. Il est
effectivement prouvé que la simple vue de paysages « naturels» a un effet positif sur
1'humeur et la concentration. La diminution de la pollution atmosphérique due à la présence
de végétaux filtrants a également un effet sur la santé physique. Dans le cas des toits et des
murs végétaux, l'activité physique nécessaire à l'entretien, la qualité du paysage, l'esthétique
et la diminution de la pollution sont quelques-uns des effets bénéfiques potentiels sur
l'humain. Des chercheurs des Pays-Bas ont observé, sur la base d'évaluation de plusieurs
critères, que les groupes moins favorisés d'un point de vue socioéconomique ont une santé
plus fragile. Ils ont aussi démontré que la présence d'espaces verts a un impact significatif sur
la santé des groupes moins scolarisés, alors qu'elle n'a pas d'impact significatif sur les
groupes de scolarité plus avancée. En effet, les groupes au statut socioéconomique élevé sont
moins dépendants de leur environnement local pour adopter un mode de vie sain. Pour
améliorer la qualité de vie grâce à la végétalisation, il est donc plus rentable d'agir dans les
quartiers défavorisés, car la possibilité d'améliorer leur condition est plus probable, si l'on
accepte l'explication de causalité (de Vries et al., 2003).
Les quartiers urbains denses et défavorisés sont donc des zones prioritaires en ce qUI
concerne la végétalisation. Dans les quartiers denses, la surface au sol disponible pour le
95
verdissement est restreinte. La végétalisation des constructions pourrait être une solution
envisageable au problème. Les logements sociaux et communautaires situés dans ces
quartiers densément peuplés semblent donc être une cible de choix pour les efforts de
végétalisation sur les bâtiments. L'Éden bio et la Tower Flower d'Édouard François (chapitre
4) sont à ce sujet des exemples inspirants de végétalisation de logements subventionnés.
Les logements socIaux et communautaires sont déjà subventionnés. Prévoir des fonds
supplémentaires pour leur verdissement ne serait donc pas excessivement complexe sur le
plan strictement administratif. Les mesures incitatives pour l'ensemble de la population ne
doivent évidemment pas être mises de côté mais plutôt être accompagnées de groupes de
ressources techniques pouvant fournir les services et les conseils en écohabitation. Il est
nécessaire de planifier des cas exemplaires de végéta lisation de bâtiments afin de convaincre
le plus grand nombre des bienfaits des toitures et murs végétaux. C'est précisément le rôle de
cas exemplaire que pourraient jouer les logements sociaux végétalisés. Alors que les
dirigeants politiques de tous niveaux, autant municipal que provincial et fédéral, prennent
position en faveur de la protection de l'environnement et encourageant un développement
durable, le fait de donner le rôle de pionnier du verdissement de nos villes aux logements
subventionnés permettrait aux divers paliers gouvernementaux d'adopter une position claire
et exemplaire. Au Québec, les fonds octroyés aux logements sociaux verts ne devraient pas
provenir exclusivement du budget de la Société d'habitation du Québec, de la Société
canadienne d 'hypothèques et de logement et des municipalités. Le ministère du
Développement durable, de l'Environnement et des Parcs a également son rôle à jouer dans la
promotion de la végétalisation des logements sociaux. Les mesures incitatives peuvent aussi
prendre la forme de crédits d'impôt pour les promoteurs et les firmes d'architectes qui
favorisent les bâtiments végétalisés lorsque le contexte s'y prête. Le programme de Bourse
du carbone de la Western C/imate Initiative (WC!) pourrait éventuellement servir le
financement des entreprises qui génèrent des façades ou des toitures végétalisées. Le
programme est une sorte de marché financier au sein duquel les entreprises générant une
quantité de gaz à effet de serre dépassant les limites permises par le barème préétabli peuvent
acheter des crédits de carbone aux entreprises qui émettent moins de gaz à effet de serre que
la limite permise. D'ici 2012, seuls les grandes industries et les producteurs d'électricité
96
pourront bénéficier d'un accès à ce marché. Dès 2015, le transport, les secteurs résidentiel,
commercial et de la petite industrie pourront profiter du programme (WCI, 2010).
Il est donc indispensable de consulter les communautés touchées par les mesures de
végétalisation. En effet, il est primordial de connaître les réels besoins et soucis des habitants
des quartiers visés tout en leur exposant les avantages de la végétalisation de leurs
habitations. En fait, selon Peck et al. (1999), un projet de végétalisation sur des bâtiments
résidentiels multiples ne peut fonctionner sans le soutien et la participation des membres de la
communauté. Le fait de consulter les groupes cibles vise aussi à rendre les impacts positifs
potentiels des mesures de verdissement plus tangibles. La sensibilisation aux cycles naturels,
l'appréciation de la qualité du paysage, le sens de la communauté et le sentiment
d'appartenance ne peuvent surgir que si les projets sont issus d'un minimum de concertation
entre les acteurs. L'entretien peut éventuellement donner lieu à des rencontres, devenir une
6 De l'anglais, lop-down.
97
façon de socialiser et peut se faire en partie par les résidants, plutôt que par une entreprise
externe. Un cadre éducatif, s'adressant en priorité aux enfants, mais aussi au reste de la
communauté, doit idéalement être développé dans l'optique de conscientiser la population
aux bénéfices et ainsi favoriser sa participation à l'entretien des bâtiments végétalisés.
Afin de mettre en pratique les réflexions et commentaires qui précèdent, un territoire existant
dans une zone urbaine dense de Montréal a été exploré. Des propositions concernant une
façade végétale, des toits verts et d'autres mesures de végétalisation seront donc exposées ici.
Il ne s'agit pas d'une étude exhaustive ni d'un devis d'aménagement précis. L'auteure de ce
mémoire n'étant ni ingénieure, ni architecte, ni paysagiste, la proposition est une autre piste
de réflexion qui doit être reprise par les gens compétents dans le domaine. La collaboration
entre les acteurs issus de différentes disciplines est une fois de plus la clé de la réussite.
À Montréal, dans le quadrilatère délimité du nord au sud par les rues Ontario et Boisbriand,
et de l'ouest à l'est par les rues Saint-Dominique et Sanguinet, se trouvent les Habitations
Jeanne-Mance (figures 5.3 et 5.4). Il s'agit d'un complexe de 788 logements sociaux
construits à la fin des années 1950. Il est composé de cinq tours de 12 étages et de blocs
d'appartements en rangée. Les occupants proviennent de 70 communautés culturelles
différentes. Des efforts de revalorisation ont généré divers résultats les dernières années:
deux murales, une mosaïque ainsi que des bennes à ordures ornées de graffitis réalisés par de
jeunes résidants. Le jardin communautaire est également en voie de reprendre vie. Le
98
L'effet d'îlot de chaleur urbain et la gestion de l'eau de ruissellement sont des préoccupations
touchant la zone fortement urbanisée dans laquelle est situé le quadrilatère des Habitations
Jeanne-Mance. La qualité de l'espace et l'esthétique du complexe d'habitation laissent
également à désirer. Le complexe Habitations Jeanne-Mance est voisin de l'Université du
Québec à Montréal (UQAM) et occupe un terrain central d'une grande valeur. Quelques
mesures seront proposées ici afin d'améliorer la qualité de vie des habitants et de la
collectivité montréalaise.
Les cinq tours possèdent des toits plats qui gagneraient à être végétalisés si leur structure le
permet. L'évaluation de la capacité portante des toits par un ingénieur en structure devra
précéder toute intervention. L'idéal serait de végétaliser une partie de ces toits de façon
extensive, demandant un entretien limité, tout en permettant l'accès aux résidants. Les
balcons de ces mêmes tours permettent un système de végétation étagée. Des végétaux
grimpants plantés au sol, des plantes en pots sur les balcons, à la façon de la Tower Flower
100
(voir section 4.4.2), une végétation retombante plantée sur le toit seraient quelques-unes des
options possibles pour végéta liser et agrémenter ces hautes façades bétonnées.
La façade sud-ouest du 270, boulevard de Maisonneuve Est présente un mur aveugle de trois
étages (figures 5.5 et 5.6). L'installation d'un mur végétalisé serait un défi pour les
professionnels et les occupants. Une façade orientée sud-ouest est grandement exposée à la
lumière du soleil. La protéger avec un mur de végétation durant l'été contribue à la refroidir.
Le choix de végétaux qui perdent leurs feuilles en hiver permet de réchauffer la paroi durant
la saison froide.
Il faudrait tout d'abord apposer au mur une membrane imperméable anti-racines. Ensuite, il
serait nécessaire de poser un cadre en acier supportant des panneaux de polypropylène
couplés à une enveloppe textile ou de polyéthylène à haute densité (PEHD). Dans les deux
cas, les végétaux pourraient être insérés avec un substrat de croissance. Un mur vivant est
alimenté par un système de goutte-à-goutte distribuant une solution chargée d'éléments
nutritifs. Un système modulaire serait préférable, étant donné le caractère expérimental d'une
façade végétale de ce type à Montréal. En cas d'échec de la survie des plantes en hiver, il
serait alors possible de remplacer seulement les modules affectés. Un système de
récupération de ('eau de pluie par la gouttière pourrait servir à alimenter le réseau d'irrigation
goutte-à-goutte. Reste à voir si le mur peut être protégé durant l'hiver pour minimiser les
dommages par le vent et le froid. La possibilité de simplement retirer les modules contenant
les plantations durant l'hiver demeure une option, avant d'avoir trouvé les solutions
optimales.
101
Figure 5.5 : Façade sud-ouest du 270, boulevard de Maisonneuve Est. Montréal, Québec,
2009.
Photo: Anne-Marie Bernier
Figure 5.6 : Contexte de la façade du 270, boulevard de Maisonneuve Est. Montréal, Québec,
2009.
Photo: Anne-Marie Bernier
102
Des murets de béton séparent les différentes aires extérieures des Habitations Jeanne-Mance
(figure 5.7). Les murs de séparations pourraient prendre la forme de gabions: des pierres
retenues par des fils métalliques. Les pierres en question peuvent être récupérées des débris
de construction des zones environnantes et ajoutées autour des murets pour éviter d'avoir à
les démolir et à les remplacer. Les plantes sauvages vigoureuses colonisent assez facilement
les gabions en s'établissant entre les pierres si les espaces entre celles-ci sont remplis de terre.
La terre peut être aussi récupérée de débris ou de friches avoisinantes. Les semences
contenues dans le substrat peuvent alors coloniser les gabions. La présence d'un géotexti le et
d'un tapis filtrant sur la surface du gabion rempli de pierres et de substrat de croissance
permet l'ensemencement de graminées, par exemple (Dunnett et Kingsbury, 2008).
Figure 5.7 : Murets de béton séparant les différentes aires des Habitations Jeanne-Mance.
Montréal, Québec, 2009.
Photo: Anne-Marie Bernier
Greenroofs are the greenestthing one can do in construction except nol ta build at al!.
La présente étude portait sur la pratique de la végétalisation des toitures et des façades en
milieu urbain. Le concept de ville durable (inspiré du « développement durable »), qui plane
sur tout le travail, nécessite une attitude responsable face à l'environnement. Cette attitude
doit être multiculturelle et multidisciplinaire. Elle n'est pas que celle des architectes et des
architectes du paysage, des urbanistes et des instances gouvernementales, elle doit venir de
toute la société. La végétalisation des bâtiments est « l'union architecturale de l'esthétisme,
de l'économie et de l'écologie» (Velazquez, 2005). La recherche se situait donc dans le
contexte transdisciplinaire des sciences de l'environnement: l'écologie et la biologie
végétale, les sciences humaines et les disciplines de l'aménagement ont toutes été concernées
à un moment ou à un autre de la recherche. L'écologie urbaine a été adoptée comme cadre
théorique, ce qui implique une perception de la ville comme un écosystème dans lequel
l'humain est l'une des espèces interagissant avec les autres espèces et leur environnement.
La recherche a été construite comme une étude qualitative inductive exploratoire. La collecte
de données a été effectuée par recherche documentaire sous forme de revue critique de la
littérature, par entretiens non dirigés et observation directe. Les données recueillies ont été
caractérisées par une analyse de contenu. La stratégie d'étude de cas exemplaires a servi à
illustrer les informations ayant au préalable été filtrées par la revue critique. Une rétroaction
105
constante entre les documents écrits, oraux et visuels extraits lors de la démarche d'étude de
cas et les connaissances tirées de la revue critique théorique a été opérée tout au long de la
recherche. Un biais en faveur des bénéfices de la végétalisation du bâtiment a été
consciemment et volontairement adopté, étant donné que l'objectif ultime du travail était de
valoriser les efforts de végétalisation en milieu urbain.
La Ville de Paris s'est révélée être un riche lieu d'étude en ce qui concerne les efforts de
végétalisation sur les structures construites. Paris présente toutes les caractéristiques des
grands centres urbains occidentaux et le phénomène de végétalisation du bâtiment y est en
pleine explosion. De plus en plus de façades végétales y sont observables, ce qui représentait
un intérêt particulier pour la recherche, vu le peu d'exemples montréalais. Des études de cas
exemplaires ont été relevées afin de documenter les différentes formes que peuvent prendre
les façades végétales.
106
Les observations, entretiens et études de cas effectués à Paris ont servi d'inspiration pour le
dernier chapitre de recommandations pour le contexte montréalais. Des propositions pour la
conception de murs végétalisés viables au Québec ont tout d'abord été formulées.
L'utilisation de plantes des montagnes et des falaises, de plantes sempervirentes résistantes,
ainsi que la protection des racines contre le gel étaient les principales recommandations à ce
sujet. Selon les critères de température, de densité de construction et de revenu moyen, les
quartiers défavorisés semblent être des zones cibles pour la végétalisation du bâtiment
(Jenerette et al., 2007 et de Vries et al., 2003). Les logements sociaux ont été proposés
comme bâtiments à végéta liser afin de démocratiser la pratique et de générer des bénéfices de
façon la plus profitable possible.
Certains débats persistent toujours et freinent les efforts de végétalisation en milieu urbain.
Tout d'abord, l'augmentation du couvert végétal augmente les besoins en eau et en
fertilisants. Dans les villes au climat chaud et sec, la disponibilité de l'eau est une
problématique prioritaire à celle du verdissement. L'utilisation de fertilisants est également
contestée. Le développement de réseaux de collecte des déchets organiques pour la
fabrication de compost est une partie de la solution. Voilà pourquoi, dans un monde idéal, les
mesures de verdissement doivent être réfléchies et appliquées de façon concertée, afin de
maximiser les bénéfices sur J'environnement et sur les humains. Malgré ces objections, tous
risques, coûts et bénéfices considérés, le prix de l'inaction est plus grand que celui de l'action
dans la plupart des cas de végétalisation de bâtiments en milieu urbain.
BIBLIOGRAPHIE
Alberti, Marina, John M. Marzluff, Eric Shulenberger, Gordon Bradley, Clare Ryan et Craig
Zumbrunnen. 2003. « lntegrating humans into ecology : opportunities and challenges
for studying urban ecosystems ». BioScience, vol. 53, no 12, p. 1169-1179.
Andersson, Erik. 2006. « Urban landscapes and sustainable cities ». Ecology and society, vol.
II, no l, p. nid. En ligne < http://w\\'\v.ecologyandsociety.org/voll 1liss 1/art34/ >
Consulté le 8 décembre 2009.
Bass, Brad et Bas Baskaran. 2001. Evaluating Rooftop and Vertical Gardens as an
Adaptation Strategy for Urban Areas. Ottawa: National Research Council Canada,
lnstitute for Research in Construction, 106 p.
Blais, Roger et Maria Villaveces. 2005. Sustainable urban development. Oshawa: University
of Ontario lnstitute of Technology, Provost Office. Cité dans Jacobs, Peter. 2007.
« Nous sommes tous les urbains. Esquisses et prospectives de l'environnement
urbain ». In Lancement de la revue Environnement urbain/Urban Environment (6
février 2007) : INRS - UCS.
Botkin, D.B. et C.E. Beveridge. 1997. « Cities as environments ». Urban ecosystems, vol. 1,
p.3-19.
Buchanan, Peter. 2005. Ten Shades of Green. New York: Architectural League of New
York, 128 p.
Cantor, Steven L. 2008. Green roofs in sustainable landscape design. New York: W. W
Norton and Company, 352 p.
Carey, Patrick. Communication personnelle, 21 février 2005. Cité dans Velazquez, Linda S.
2005. « Organic greenroof architecture: sustainable design for the new
milJennium ». Environmental quality management, vol. été, p. 73-85.
Carter, Thimothy et C. Rhett Jackson. 2007. « Vegetated roofs for stormwater management at
multiple spatial scales ». Landscape and urban planning, vol. 80, p. 84-94.
CAUE, Paris. 2009. « Café architecture durable: Toitures et murs végétalisés à Paris ».
CAUE, Paris. En ligne < httl2://caue75.archi.fr/espace-info-energie-4/cafes
architecture-durable/les-toitures-et-murs-vegetalises.htm! > Consulté le 8 décembre
2009.
Corner, James. 1997. « Ecology and landscape as agents of creativity ». In Ecological Design
and Planning, sous la dir. de George F. Thompson et Frederick R. Steiner, p. 81-108.
New York: John Wiley and Sons, Inc.
Cunningham, Neil R. 2001. « Rethinking the urban epidermis : A study of the viability of
extensive green roof systems in the Manitoba Capital with an emphasis on regional
case studies and stormwater management ». Mémoire de maîtrise ès architecture du
paysage, Winnipeg, University of Manitoba, 270 p.
109
Demers, Claude M.H. et André Potvin. 2008. « Productivité durable, vers une biophilie
architecturale ». Esquisses, vol. 19, no 2, p. 21-23.
Dooling, Sarah, Jessica Graybill et Adrienne Greve. 2007. «Response to Young and Wolf:
goal attainment in urban ecology research ». Urban ecosystems, vol. 10, p. 339-347.
Dramstad, W.E., J.D. Oison et R.T.T. Forman. 1996. « Landscpe ecology princip les in
landscape architecture and land-use planning ». Mémoire de maîtrise, Cambridge
(MA), School of design, Harvard University. Cité dans Velazquez, Linda S. 2005.
« Organic greenroof architecture: sustainab1e design for the new millennium ».
Environmental quality management, vol. été, p. 73-85.
e
Dunnett, Nigel et Noël Kingsbury. 2008. Toits et murs végétaux, 2 édition. Rodez: Éditions
du Rouergue, 325 p.
Earth Pledge. 2005. Green Roofs: Ecological Design and Construction. Atglen : Schiffer
Publishing Ltd., 158 p.
François, Édouard. 2009. Tower Flower, Paris. Fiche technique. Communication personnelle.
Paris: Randa Kamel pour Édouard François.
Gabor, D. 1972. « Diversification of cities and the revival of city culture ». In Arts ofthe
environment, sous la dir. de Gyorgy Kepes, p. 40-51. New York: Georges Braziller.
Getter, Kristin 1. et D. Bradley Rowe. 2006. « The role of extensive green roofs in
sustainable development ». HortScience, vol. 41, no 5, p. 1276-1285.
Girardet, Herbert. 2004. Cities people planet. Chichester (NJ) : Wiley-Academy, 296 p.
110
Green Roofs for Healthy Cities. 2009. « Green roofs benefits ». En ligne
< http://www .greenroofs.OI·glindex. php/about-green-roofs/greel1-roof-bel1ef'i ts >
Consulté le 3 décembre 2009.
Guite, H.F., C. Clark et G. Ackrill. 2006. « The impact of the physical and urban
environment on mental well-being ». Public Health, vol. 120, p. 1117-1126.
Guppy, Shusha. 1995. Un jardin à Téhéran. Coll. « Libretto ». Paris: Éditions Phébus, 291 p.
Hodgson, Larry. 2009. « Les murs végétalisés ». Montréal: Conférence dans le cadre du
Salon Toits verts et jardins de ville. 7 avril 2009.
Houdart, Thierry et Marie-France Houdart. 2004. La prairie sur le toit. La Nouaille: Éditions
Maiade, 131 p.
Jacobs, Peter. 2007. « Nous sommes tous les urbains. Esquisses et prospectives de
l'environnement urbain ». In Lancement de la revue Environnement urbain/Urban
Environment, 6 février 2007 : INRS-UCS.
Jenerette, G. Darrel, Sharon L. Harlan, Anthony Brazel, Nancy Jones, Larissa Larsen et
William L. Stefanov. 2007. « Regional relationships between surface temperature,
vegetation, and hum an settlement in a rapidly urbanizing ecosystem ». Landscape
ecology, vol. 22, p. 353-365.
Johnson, Mark. 1997. « Ecology and the urban aesthetics ». In Ecological Design and
Planning, sous la dir. de George F. Thompson et Frederick R. Steiner, p. 167-184.
New York: John Wiley and Sons, Inc.
Johnston, J. et J. Newton. 1996. Building green, a guide for using plants 0/7 roofs, walls and
pavements. London: The London Ecology Uit. Cité dans Peck, Steven W., Chris
Callaghan, Monica E. Kuhn et Brad Bass. 1999. Greenbacks from green roofs :
forging a new industry in Canada. Société canadienne d'hypothèques et de logement,
78 p.
111
Kaplan, S., J.F. Talbot et R. Kaplan. 1988. Coping with hassles : The impact ofthe nearby
natural environment. North Central Forest Experiment Station USDA Forest Service,
Urban Forestry Unit Cooperative. Cité dans Getter, Kristin L. et D. Bradley Rowe.
2006. « The role of extensive green roofs in sustainab1e development ». Hor/Science,
vol. 41, no 5, p. 1276-/285.
Kenworthy, Jeffrey R. 2006. « The eco-city: ten key transport and planning dimensions for
sustainable city development ». Environment and urbanization, vol. 18, no l, p. 67
85.
Kepes, Gyorgy. 1972. Arts ofthe environment. New York: Georges Braziller, 244 p.
Kahler, Manfred. 2008. « Green façades-a view back and sorne visions ». Urban ecosystems.
En ligne < http://www.springerlink.comicontent/eOgOt35576n98hl > Consulté le 8
décembre 2009.
Kumar, Rakesh et S.c. Kaushik. 2005. « Performance evaluation of green roof and shading
for thermal protection of buildings ». Building and environment, vol. 40, p. 1505
1511.
Lambertini, Anna, Jacques Leenhardt et Mario Ciampi. 2007. Vertical Gardens. London:
Thames and Hudson Ltd, 239 p.
Laurie, Micheal. 1997. « Landscape architecture and the changing city» ln Ecological
Design and Planning, sous la dir. de George F. Thompson et Frederick R. Steiner,
p. 155-166. New York: John Wiley and Sons, Inc.
Levi-Strauss, Claude. 1966. Tristes tropiques. Coll. « Le Monde en 10/18 ». Paris: Union
générale d'éditions, 380 p.
Mairie de Paris. 2004. Un nouveau mur végétal rue Henri Noguères dans le 19 ièmc
arrondissement. Paris. En ligne
< hnp://www.v2asp.paris.fiI ..IMur Vegetal Henri Nogueres.pdf> Consulté le 4
mai 2009.
Manzini, Ezio. 1991. Artefacts, Vers une écologie de l'environnement artificiel. Coll. « Les
Essais ». Paris: Éditions du Centre Pompidou, 254 p.
Matsuoka, R. H., et R. Kaplan. 2008. « People needs in the urban landscape : Analysis of
Landscape And Urban Planning contributions ». Landscape and urban planning, vol.
84, no l, p. 7-19.
McHarg, Ian. 1997. « Ecology and design ». In Ecological Design and Planning, sous la dir.
de George F. Thompson et Frederick R. Steiner, p. 321-332. New York: John Wiley
and Sons, lnc.
Miles, M. 1998. « Strategies for the convivial city: a new agenda for education for the built
environment ».lnternational Journal ofArt & Design Education, vol. 17, no l, p.
17-25.
Murphy, Stephen D. et Larry R.G. Martin. 2001. « Urban ecology in Ontario, Canada:
moving beyond the limits ofcity and ideology ». Environments, vol. 29, no l, p. 67
84.
Niemelii, Jari. 1999. « Is there a need for a theory ofurban ecology? » Urban ecosystems,
vol. 3, p. 57-65.
Oberndorfer, Erica, Jeremy T. Lundholm, Brad Bass, Reid R. Coffman, Hitesh Doshi, Nigel
Dunnett, Stuart Gaffin, Manfred Kahler, Karen K. Y. Liu et D. Bradley Rowe. 2007.
« Green roofs as urban ecosystems : ecological structures, functions, and services ».
BioScience, vol. 57, no 10, p. 823-833.
Olin, Laurie. 1997. « Landscape design and nature» In Ecological Design and Planning,
sous la dir. de George F. Thompson et Frederick R. Steiner, p. 109-139. New York:
John Wiley and Sons, Inc.
ONU. 1987. Notre avenir à tous. Rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et
le développement. Nairobi: Organisation des Nations Unies. En ligne
< hltp:l/fr.wikisource.org/wikiiNolre avenir à tous Rapport Brulldtlill1d>
Consulté le 10 octobre 2007.
Osmundson, Theodore. 1999. Roof Gardens. New York: W.W. Norton and Company, 318 p.
Peck, Steven W., Chris Callaghan, Monica E. Kuhn et Brad Bass. 1999. Greenbacks from
green roofs: forging a new industry in Canada. Société canadienne d'hypothèques et
de logement, 78 p.
114
Pickett, Steward T.A. 1997. « Integrated urban ecosystem research ». Urban ecosystems,
vol. 1, p. 183-184.
Pickett, Steward T.A., William R. Burch Jr., Shawn E. Dalton, Timothy W. Foresman, 1.
Morgan Grove et Rowan Rowntree. 1997. « A conceptual framework for the study of
human ecosystems in urban areas ». Urban ecosystems, vol. 1, p. 185-199.
Porter, Eric E., Brian R. Forschner et Robert B. Blair. 2001. « Woody vegetation and canopy
fragmentation along a forest-to-urban gradient ». Urban ecosystems, vol. 5, p. 131
151.
PULSA. 1972. « The city as an artwork ». In Arts ofthe environment, sous la dir. de Gyorgy
Kepes. New York: Georges Braziller.
Rapoport, Amos. 2003. Culture, architecture et design. Gollion, Suisse: Infolio, 160 p.
Raven, Peter H., Ray F. Evert et Susan E. Eichhorn. 2000. Biologie végétale. DeBoeck
Université, 944 p.
Sauzet, Maurice et Christiane Younès. 2003. Habiter l'architecture. Paris: C. Massin, 222 p.
Stastny, Karel, et Vladimir Bejcek. 1989. La vie dans la montagne. Coll. « Approche de la
nature ». Paris: Gründ, 183 p.
Steiner, Frederick. 2004. « Urban human ecology ». Urban ecosystems, vol. 7, p. 179-197.
115
Takebayashi, Hideki et Masakazu Moriyama. 2007. « Surface heat budget on green roof and
high reflection roof for mitigation or urban heat Island ». Building and environment,
vol. 42, p. 2971-2979.
Thompson, George F. et Frederick R. Steiner. 1997. Ecological Design and Planning. Coll.
« Sustainable Design ». New York: John Wiley and Sons, Inc., 348 p.
Tress, G., B. Tress et G. Fry. 2004. « Clarifying integrative reserch concepts in landscape
ecology ». Landscape ecology, vol. 20, p. 479-493.
Tuan, Y.F. 1974. Topophilia : A study ofenvironmental perception, attitudes, and values.
Englewood Cliffs (NJ) : Prentice Hall. Cité dans Ulrich, Roger S., Robert F. Simons,
Barbara D. Losito, Evelyn Fiorito, Mark A. Miles et Michael Zelson. 1991. « Stress
recovery during exposure to natural and urban environments ». Journal of
Environmental Psychology, vol. Il, p. 201-230.
--------. 1984. « View through a window may influence recovery from surgery ». Science,
vol. 224, no 4647, p. 420-421.
Ulrich, Roger S. et Robert F. Simons. 1986. The costs ofnot knowing. Proceedings of the
J 7th Annual Conference ofthe Environmental Research Association (Washington,
D. C). J. Wineman, R. Barnes et C. Zimring Environmental Research Association.
Cité dans Getter, Kristin L., et D. Bradley Rowe. 2006. « The raIe of extensive green
roofs in sustainable development». Hor/Science, vol. 41, no 5, p. 1276-1285.
Ulrich, Roger S., Robert F. Simons, Barbara D. Losito, Evelyn Fiorito, Mark A. Miles et
Michael Zelson. 1991. « Stress recovery during exposure to natural and urban
environments ». Journal ofEnvironmental Psychology, vol. II, p. 201-230.
Velazquez, Linda S. 2005. « Organic greenroof architecture: sustainable design for the new
millennium ». Environmental quality management, vol. été, p. 73-85.
Whiston Spirn, Anne. 1984. The Granite Garden Urban Na/ure and Human Design. New
York: Basic Books Inc., 334 p.
World Resources Institute. 2000. A guide to world resources 2000-2001. People and
ecosystem: thefraying web oflife. Washington D.C. : United Nations Development
Programme, World Bank.
Wotton, Sir Henry. 1624. Elements ofArchitecture. Cité dans Frampton, Kenneth. 1972.
« Travail, oeuvre et architecture ». ln Le sens de la ville, p. 131-152. Paris: Les
Éditions du Seuil.
Yin, Robel1 K. 2003. Case study research : design and methods. Coll. « Applied
socialresearch methods ». Thousand Oaks (CA) : Sage Publications, 181 p.
Yuan, Jian-Gang, Wei Fang, Ling Fan, Yan Chen, Dong-Qing Wang et Zhong- Yi Yang.
2006. « Soil formation and vegetaion establishment on the cliff face of abandoned
quarries on the early stages of natural colonization ». Restoration Ecology, vol. 14,
no 3, p. 349-356.
117
Zartman, Charles E. et 1. Dan Pitillo. 1998. « Spray cliff communities of the Chattoga
basin », Castanea, vol. 63, no 3, p. 217-240.