Le Burn-Out
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Le Burn-Out
RAPPORT 16-01
Le burn-out
MOTS-CLÉS : SYNDROME D’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL. DÉPRESSION. STRESS PSYCHOLO-
GIQUE
Burn-out
KEY-WORDS: BURNOUT, PROFESSIONAL. DEPRESSION. STRESS, PSYCHOLOGICAL
RÉSUMÉ
L’expansion du terme burn-out est une source de confusion en raison des limites
imprécises de cette réalité. La symptomatologie du burn-out regroupe plusieurs
dimensions : épuisement émotionnel, dépersonnalisation, réduction de l’accomplis-
sement personnel. Les nosographies médicales ne mentionnent pas le burn-out.
Celui-ci peut s’apparenter soit à un trouble de l’adaptation, soit à un état de stress
post traumatique, soit à un état dépressif. Il peut aussi désigner un tableau de
désarroi psychologique d’intensité infra clinique à celle qui est requise pour désigner
une pathologie caractérisée. C’est ce que tendent à confirmer les quelques données
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SUMMARY
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set up campaigns to inform the global population and to cooperate with Labour
Ministry.
En France, la prise de conscience s’est faite d’une part après des cas de
harcèlement moral décrits par des psychiatres [4] et d’autre part à la suite d’une
série de suicides chez France Télécom. Cela s’est traduit par le vote d’une loi
réprimant le harcèlement moral au travail en 2002 puis par la mise en place
d’un plan d’urgence de prévention des RPS par le Ministre du Travail en 2009.
Ainsi, le premier rapport officiel sollicité par le Ministère du Travail [5] sur ce
sujet est daté de 2008. La même année était signé par l’ensemble des
partenaires sociaux (organisations syndicales et représentants du patronat) un
Accord National Interprofessionnel (ANI) sur la prévention du stress au travail :
de tels accords avaient été signés au Danemark dès la fin des années 70 !
Selon l’Agence Européenne de Sécurité et Santé au Travail, la France apparaît
en retard par rapport à ses voisins dans la lutte menée par les entreprises
contre le stress au travail et la prévention des RPS [6]. Les pays régulièrement
cités en exemple comme ayant réussi à promouvoir la santé mentale au travail
(essentiellement les pays d’Europe du Nord et le Canada), ont davantage mis
en avant la notion de bien-être au travail que celle de souffrance [7].
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La symptomatologie du burn-out
Les travaux de Christina Maslach, menés il y a une trentaine d’années, servent
de référence pour définir les dimensions du burn-out. Cette chercheuse en
psychologie sociale a conduit de nombreux entretiens auprès de personnes
émotionnellement « éprouvées » par le travail. Elle a ainsi élaboré une pre-
mière échelle de mesure qu’elle a appliquée à une population de personnes
travaillant dans les domaines sociaux, de la santé et de l’enseignement. Les
analyses statistiques des résultats ont mis en évidence plusieurs dimensions
qu’elle a prises en compte pour construire une deuxième échelle (« Maslach,
Burn-out Inventory », MBI), plus affinée.
Les résultats obtenus avec celle-ci sur une nouvelle population ont conduit
à retenir trois dimensions pour définir le burn-out : « un syndrome d’épuisement
émotionnel, de dépersonnalisation et de réduction de l’accomplissement
personnel ». Autrement dit, la démarche pour définir l’entité burn-out est née
d’un instrument de mesure [13], et non pas l’inverse comme c’est habituelle-
ment le cas.
Bien que ces trois dimensions restent la référence pour une approche
évaluative du burn-out, le consensus est loin d’être unanime. Le surinvestis-
sement au travail et les manifestations de « workaholisme » sont parfois cités
pour caractériser le burn-out.
Selon certains auteurs, le burn-out pourrait se définir par la seule dimension
d’épuisement émotionnel. La traduction française du mot « burn-out » en
« épuisement » va dans ce sens. La place de la réduction de l’accomplisse-
ment personnel ou de l’efficacité professionnelle dans le syndrome de burn-out
est de plus en plus remise en cause : elle aurait un rôle dans l’étiologie du
burn-out mais ne devrait pas être considérée comme une dimension de ce
syndrome. Ceci laisserait deux dimensions au burn-out : l’épuisement émotion-
nel et la dépersonnalisation.
La dimension d’épuisement, de fatigue serait celle qui aurait la prédictivité
péjorative la plus importante. La fatigue chronique pourrait évoluer vers des
troubles anxio dépressifs avec d’abord une baisse de l’estime de soi, voire des
troubles plus spécifiques décrits parfois dans les nosograpies sous la rubrique
« job related neurasthenia » (OMS).
Les sujets en burn-out adoptent souvent des conduites d’automédications avec
des psychostimulants (amphétamines, cocaïne, caféine, modafinil) pour tenter
de recouvrer un niveau élevé de performances professionnelles, l’alcool et les
anxiolytiques pour réduire l’angoisse.
La présence de conduites addictives ou de manifestations somatiques (hyper-
tension artérielle, douleurs chroniques, diabète sucré...) est tantôt considérée
comme élément constitutif du burn-out tantôt comme complication.
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L’évaluation du burn-out
Le MBI (Maslach Burnout Inventory) est l’instrument d’évaluation le plus
souvent employé pour mesurer la sévérité du burn-out. Adapté dans de
nombreuses langues, dont le français, il est un outil d’une vingtaine de
questions. La forme historique s’adresse aux professionnels de l’aide et
s’intitule MBI-HSS (pour Human Service Survey). Une deuxième version a été
élaborée à destination des enseignants, le MBI-Educators Survey (MBI-ES),
puis le MBI-General Survey (MBI-GS), pour toute population. Chacune de ces
versions explore trois dimensions : épuisement, dépersonnalisation, réduction
du sentiment d’accomplissement de soi. Seule la version HSS a fait l’objet
d’évaluation en langue française [18].
Ces dimensions étant indépendantes entre elles, il est erroné, comme certains
ont pu le faire, d’additionner les scores de chaque dimension pour évaluer
globalement le burn-out. Le MBI ne fournit pas de « cut-off » permettant de
poser un diagnostic mais distingue, pour chacune des trois dimensions, des
niveaux « faible », « moyen » ou « élevé », définis par l’auteur lors de la
construction de l’outil en séparant les scores en trois tertiles. Il est donc illusoire
d’indiquer le pourcentage de cas de burn-out au sein d’une population avec le
MBI [19].
Il existe des questionnaires explorant d’autres dimensions du burn-out. Citons
le Oldenbourg Burnout Inventory (OLBI), le Copenhagen Burnout Inventory
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L’épidémiologie du burn-out
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Les médecins
La France a été reconnue en son temps comme pionnière au niveau interna-
tional avec l’identification et la description au milieu du xxe siècle d’une véritable
psychopathologie du travail. Aujourd’hui, le modèle anglais du « stepped care »
définissant trois niveaux de sévérité et pour chacun des réponses indiquant la
nature du soin et les professionnels susceptibles de le mettre en œuvre
apparaît particulièrement intéressant. De fait, cette approche évaluée positive-
ment par le National Health Service donne des résultats probants y compris sur
le plan économique et aide à une meilleure pertinence des orientations vers le
spécialiste en psychiatrie [44].
Les nosographies psychiatriques (DSM V ou CIM 10) permettent l’identification
de troubles tels qu’épisode dépressif majeur, trouble anxieux, état de stress
post traumatique ou trouble de l’adaptation. Des questionnaires spécifiques
sont des outils d’aide au diagnostic ou d’évaluation d’intensité du trouble (Beck
Depression Inventory ou BDI, Hospital Anxiety Depression Scale ou HAD,
Hamilton Anxiety Rating Scale ou HARS...) que tout médecin doit savoir utiliser.
Le rôle spécifique du médecin du travail est bien défini :
— il est le conseiller de l’employeur, des partenaires sociaux et des salariés
sur les questions de santé ;
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— en tant qu’expert il alerte sur les risques ayant un impact durable sur la
santé et il est consulté dans le cadre des instructions pour la reconnais-
sance des maladies professionnelles ou à caractère professionnel.
RECOMMANDATIONS
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PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES
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