256-Texte de L'article-383-1-10-20201203
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Pour citer cet article : Tavant, D. (2020). Évaluer le rôle de l’enseignant dans le niveau de développement des
compétences non académiques des élèves à l’école primaire. Évaluer. Journal international de recherche en éducation
et formation, 6(2), 23-44.
Résumé
Eu égard à la prégnance de l’effet des pratiques enseignantes sur le parcours scolaire de l’élève
(Bressoux, 1994, 2001 ; Hanushek, 2002, 2014), cet article cherche à mesurer l’impact des
caractéristiques de l’enseignant sur le niveau de développement chez les élèves de compétences non
académiques qui pourraient constituer des variables médiatrices et influer à terme sur la réussite des
élèves. Six compétences non académiques sont retenues dans cette recherche : la coopération,
l’empathie, la maîtrise de soi, l’anxiété, l’estime de soi et l’internalité. A partir d’un échantillon
constitué de 623 élèves et de 26 enseignants d'écoles primaires françaises, nous avons évalué le profil
des enseignants (perceptions des élèves) qui favorisent les compétences non académiques (perception
des élèves). Les résultats montrent que l’empathie de l’enseignant perçue par les élèves a un effet
positif sur l’empathie, la coopération et l’internalité de l’élève. A l’inverse, la réprimande joue
négativement sur la maîtrise de soi et contribue à l’augmentation de l’anxiété chez l’élève.
L’insatisfaction de l’enseignant perçue par l’élève a un impact négatif sur l’estime de soi de celui-ci.
La proximité de l’enseignant lors des interactions avec les élèves a un impact positif et très significatif
sur le niveau de développement de compétences non académiques – coopération, maîtrise de soi,
empathie, estime de soi et internalité.
Mots-clés
Compétences non académiques, profil enseignant, perception de l’élève, proximité de l’enseignant.
Abstract
Given the significance of teaching practices effect on student’s school career (Bressoux, 1994, 2001;
Hanushek, 2002, 2014), this paper intends to evaluate the impact of teachers’ characteristics on the
level of student’s nonacademic skills that may be mediating variables and could affect students’
academic achievement. six nonacademic skills were chosen in this research: cooperation, empathy,
self-control, anxiety, self-esteem and internality. Based on a 623 French elementary school students’
survey sample and on a 26 teacher’s sample we have assessed teacher’s profile (student perception)
that foster nonacademic skills (student perception). Achieved results indicate that teacher’s empathy
(student perception) has positive effect on students’ empathy, cooperation and internality. On the
contrary teacher’s dissatisfaction (student perception) has a negative impact on student’s self-esteem.
Teacher’s proximity when he’s interacting with students has a positive and significant impact on the
student’s nonacademic skills’ level – cooperation, empathy, self-control, self-esteem and internality.
Keywords
Nonacademic skills, teacher’s profile, student perception, teacher’s proximity.
1. Introduction
Appelées également compétences sociales, compétences socio-émotionnelles, soft skills ou
encore compétences non cognitives, les compétences non académiques (Stasz & Brewer,
1999) restent difficiles à définir. Comme toute compétence, elles sont individuelles
(Moscovici, 2005 ; Coulet, 2010), contextualisées, dynamiques et évolutives (Jonnaert, 2017 ;
Coulet, 2011). Elles se différencient cependant des compétences scolaires académiques, étant
donné qu’elles ne sont pas rattachées directement à une discipline particulière ; les
compétences non académiques sont transversales (Rey, 1996 ; Langouche et al., 1996). Nous
les assimilons à des savoir-être qui pourraient être en lien à la fois avec les traits de
personnalité de l’élève, avec son éducation et son expérience.
Rey (2014) préconise de porter une attention nouvelle à des facteurs socioculturels et
affectifs, tels que la motivation ou l’estime de soi, tant ces compétences semblent jouer un
rôle essentiel dans les résultats des élèves à l’école. Kautz et al. (2014) affirment en effet que
les compétences non cognitives auraient un pouvoir prédictif de la réussite scolaire au moins
aussi fort que celui relatif à la mesure du Quotient Intellectuel (QI). L’OCDE (2015, 2017)
rappelle également la nécessité de développer chez les enfants des compétences à la fois
cognitives, sociales, affectives et émotionnelles. Des compétences non académiques, telles
que la conscienciosité, la sociabilité et la stabilité émotionnelle, interagissent avec les
compétences académiques et maximisent les chances, pour un enfant, d’avoir une vie
meilleure dans le futur. S’intéresser à ces compétences c’est donc s’intéresser aux différences
de réussite entre élèves.
Dans un contexte où l’origine sociale joue en France un rôle déterminant dans la réussite
scolaire, Dubet et al. (2010) recommandent de renforcer l’influence de l’école pour agir sur
l’individu. Ils souhaitent une école plus juste, plus accueillante qui aiderait à former des
individus plus confiants, une amélioration qui pourrait à terme être profitable pour l’individu,
mais aussi pour la société. Cela passe selon eux par une meilleure cohésion scolaire, une
notion regroupant toutes les dimensions de la confiance des élèves dans l’école (Dubet et
Duru-bellat, 2015). Parmi plusieurs facteurs qui pourraient permettre d’accroître son
influence, Dubet et al. (2011) incluent la confiance dans les enseignants. Pour développer la
cohésion et la confiance, Dubet et Duru-Bellat (2015) insistent sur la nécessité pour
l’enseignant de mettre en place un climat cognitif encourageant qui favoriserait de meilleurs
résultats scolaires et de fait une meilleure intégration scolaire des élèves. Cette confiance en
soi et en l’autre, souvent repérée comme un ingrédient fondamental pour les apprentissages
(input), pourrait donc être également considérée comme la résultante d’apprentissages (output),
la résultante d’une socialisation scolaire réussie (Willms, 2003, cité par Duru-Bellat et al.,
2008). A l’image de la confiance, les compétences non académiques pourraient servir plus
largement d’interfaces entre l’enseignant et l’élève.
Un rapport de l’OCDE (2017) indique qu’il est possible d’agir sur ces compétences et il
pointe notamment l’importance du rôle des différents éducateurs dans le développement de
ces compétences. Parents et enseignants pourraient, grâce à des approches interpersonnelles
diversifiées, renforcer chez l’enfant son sens des responsabilités ou son estime de soi. Des
travaux complémentaires démontrent que les enseignants sont à même de favoriser
l’épanouissement social et affectif des élèves en créant un environnement d’apprentissage
bienveillant et respectueux (Battistich et al. 1995 ; Noble et al, 2008). Ces recherches
renvoient à d’autres travaux initiés dans les années 1970 qui ont mis au jour un effet-classe
et notamment un effet de l’enseignant sur les apprentissages des élèves (Mingat, 1984 ;
Bressoux, 1994, 1995, 2001 ; Hanushek, 1971 ; Hanushek et al., 2014, Nye et al., 2004).
Considérant les liens entre pratiques de l’enseignant et acquisitions des élèves, nous trouvons
intéressant de vérifier si un effet-maître existe sur les compétences non académiques des
élèves. L’objectif de cet article est de faire ressortir des profils d’enseignants et de saisir
comment ces profils peuvent influer sur le développement de compétences non académiques
chez l’élève. Après avoir explicité les différents concepts de la recherche, nous exposerons la
problématique et la méthodologie de travail. Les résultats seront ensuite présentés et discutés
et nous vérifierons s’ils permettent de valider la présence d’une liaison entre les profils des
enseignants et les compétences non académiques des élèves.
compétences non académiques. Elle précise que les pratiques d’enseignement, les
interactions des enseignants ont un effet sur le développement et le bien-être des élèves, un
effet comparable à celui exercé sur les performances scolaires. Enfin, une étude finlandaise
de Siekkinen et al. (2013), réalisée auprès d’élèves de six ans, a recherché l’effet du stress sur
les compétences non académiques. Les résultats montrent que plus l’enseignant apporte de
soutien pédagogique à l’élève, plus le niveau de stress de l’enseignant baisse et plus l’empathie
de l’élève augmente et son agitation se réduit. Toutes ces études pointent un effet de
l’enseignant sur certaines compétences non académiques et montrent l’importance pour
l’enseignant de développer une relation enseignant-élèves de qualité qui semblent favoriser,
chez l’élève, un niveau de développement des compétences non académiques plus élevé.
4.2. Hypothèse
Nous faisons l’hypothèse que les compétences non académiques personnelles et sociales des
élèves sont liées aux pratiques d’interactions de l’enseignant. Les caractéristiques subjectives
de soutien, d’empathie, de directivité et de responsabilisation de l’enseignant pourraient, par
exemple, encourager le développement de l’empathie ou de l’estime de soi chez l’élève.
Inversement, certaines pratiques interpersonnelles liées à la sévérité, à l’insatisfaction, à la
réprimande ou à l’incertitude pourraient créer de l’anxiété chez l’élève qui serait à même
d’affaiblir ses performances.
5. Méthodologie
5.1. Les participants
Pour examiner ces relations, nous avons constitué un échantillon qui rassemble 26
enseignants volontaires et 623 élèves de CE2, CM1 et CM21 des écoles élémentaires
publiques. 284 élèves sont des filles (45,6 %) et 339 des garçons (54,4 %), soit une répartition
légèrement différente de la répartition nationale des élèves du premier degré qui fixe la part
des filles à 49,3 % à la rentrée 2017 (DEPP, 2018). 18 élèves fréquentent le CE2, 237 le CM1
et 368 le CM2. 43 élèves (6,9 %) sont redoublants.
L’échantillon des enseignants se répartit en dix-sept enseignantes (65,4 %) et neuf
enseignants (34,6 %), soit une proportion d’hommes plus élevée que dans la population
d’enseignants français du premier degré où les femmes dans l’enseignement public sont
représentées à 83,4 % (DEPP, 2017). La moitié des enseignants ont entre 40 et 50 ans. Un
seul enseignant a plus de 55 ans et les deux plus jeunes ont entre 30 et 34 ans. 88,5 % des
enseignants ont entre 10 et 30 ans d’expérience. Si l’on s’intéresse à leur formation initiale,
deux enseignants ont un niveau bac2 + 2 (DUT)3 et cinq un niveau bac + 4 ou 5, soit un peu
moins d’un quart. Les autres enseignants, soit près des trois quarts ont une licence (seulement
cinq enseignants ont une licence en sciences de l’éducation).
Treize classes sont situées en zone urbaine (dix classes en secteur urbain hors REP et ZUS,
deux classes en secteur urbain ZUS4, une classe en secteur urbain REP5) et treize en zone
rurale hors ZUS et REP. Les classes concernées sont à majorité des classes à cours double :
quinze à cours double et onze à cours simple. 46 % des classes sont des CM1-CM2 et 30 %
des CM2, si bien que les classes de CM1-CM2 et de CM2 représentent plus de 75 % des
classes de l’échantillon. Les effectifs des classes se situent pour la plupart entre 23 et 25
élèves. Quatre classes ont plus de 25 élèves et sept en ont moins de 23. L’effectif le plus
élevé est de vingt-neuf élèves pour deux classes, et la classe qui a l’effectif le moins élevé est
constituée de 12 élèves.
Au cours de l’année 2017-2018, nous avons recueilli des données à la fois auprès des
enseignants et auprès des élèves. Nous avons sollicité les élèves en début et en fin d’année
pour passer des questionnaires sur les compétences et un questionnaire sur le comportement
de leur enseignant, tandis que les enseignants nous ont apporté leur contribution en
complétant le même questionnaire que les élèves sur leur comportement en situation
d’enseignement. Nous présentons tout d’abord les questionnaires concernant les
enseignants.
1 Ces niveaux de classe de l’école française correspondent respectivement et approximativement à des élèves
de 8 ans, 9 ans et 10 ans.
2 Bac = baccalauréat : examen de fin d’études secondaires en France. Il faut comprendre Bac + 2 comme suit :
l’enseignant possède un diplôme acquis deux années après avoir validé son baccalauréat. Nous pouvons
utiliser la même interprétation pour Bac + 3, Bac + 4 et Bac + 5.
3 DUT = Diplôme Universitaire de Technologie : équivalent à deux années d’études après le baccalauréat.
4 ZUS = Zone Urbaine Sensible : il s’agit de territoires prioritaires pour l’État français en termes de politique
de la ville. Ces zones sont définies à partir de considérations locales liées aux difficultés rencontrées par les
habitants de ces territoires.
5 REP = Réseau d’éducation prioritaire : caractérise des établissements scolaires identifiés par l’éducation
nationale française comme prioritaires. La politique d’éducation prioritaire a pour objectif de corriger l’impact
des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire par un renforcement de l’activité pédagogique
et éducative dans les établissements des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales.
l’identification et la régulation des émotions qui occupent une place fondamentale à l’école,
notamment pendant les situations d’apprentissage.
Pour nous permettre d’évaluer ces six compétences, les élèves ont rempli un questionnaire
auto-déclaratif qui devait nous indiquer un niveau de développement de leurs compétences
non académiques. La mesure de telles compétences est difficile, tant leur opérationnalisation
reste délicate. Comme pour la mesure des pratiques de l’enseignant, nous avons choisi de
nous appuyer sur des tests existants qui avaient fait l’objet de validation.
Pour évaluer les compétences liées à la coopération, la maîtrise de soi et l’empathie, nous
avons eu recours au Social Skills Rating System (SSRS). Il s’agit d’un questionnaire en anglais
construit et validé par Gresham et Eliott (1990), le plus utilisé et le plus cité dans le monde
de la recherche concernant les compétences sociales (Crowe et al, 2011). Nous avons opté
pour la version élève du secondaire, traduite et validée en français par Fortin et al. (2001). À
la suite de la passation des prétests, nous avons toutefois fait le choix de changer quelques
formulations pour les adapter à des élèves un peu plus jeunes. Le questionnaire est lu par
l’adulte pour éviter le biais de lecture. L’élève doit identifier s’il se reconnaît dans les
comportements qui sont décrits et choisir sur une échelle de 0 à 2, s’il se comporte parfois
(= 0), souvent (= 1) ou jamais (= 2) de cette manière. Nous avons donc pu établir, à partir
de vingt-neuf items concernant des compétences à dominante sociale, un score sur 20 pour
l’empathie (10 items), sur 18 pour la coopération (9 items) et sur 20 pour la maîtrise de soi
(10 items).
Pour évaluer l’internalité chez les élèves, nous avons repris un questionnaire conçu par
Dompnier (2006) dans le cadre de sa thèse. Ce questionnaire destiné à des élèves de CE2 est
issu de plusieurs travaux de recherche en lien avec la norme d’internalité (Dubois, 2009 ;
Bertone et al., 1989, Pichot, 1997). Dompnier utilisent douze saynètes qui décrivent des
événements de la vie quotidienne scolaire à l’image de celui de Dubois (2009), dont trois
saynètes qui dépeignent des comportements négatifs, trois des comportements positifs, trois
des renforcements négatifs et trois des renforcements positifs. Pour chacune des saynètes,
quatre explications sont proposées, à partir desquelles l’élève doit entourer celle qui lui
correspond le plus.
Nous avons également procédé à une mesure de l’anxiété à partir d’un test utilisé par les
psychologues. Le test R-CMAS (Reynolds et Richmond, 1985), adapté en français par Castro
(1999), est constitué de trente-sept items ; c’est un instrument d’auto-évaluation de l’anxiété
conçu pour les enfants et adolescents de 6 à 19 ans. L’enfant doit répondre par oui ou par
non à chacune des affirmations qu’il doit lire seul. Pour que notre questionnaire global ne
soit pas trop long, nous n’avons conservé que dix-neuf items dans les trois sous-échelles : (1)
anxiété physiologique (2) inquiétude / hypersensibilité et (3) préoccupation sociale /
concentration.
Enfin, l’estime de soi est mesurée à partir d’un outil construit et validé par Rambaud (2009),
l’Instrument de Mesure de l’Estime de Soi (IMES), adapté du Self Perception Profil de
Pierrehumbert et al. (1987). Sur les vingt items, douze sont formulés de manière positive (par
exemple, « je travaille bien à l’école ») et huit de manière négative (par exemple, « je n’ai pas
d’amis »). La structure de l’IMES est fondée sur quatre facteurs de l’estime de soi : (1) l’estime
de soi générale, (2) l’estime de soi scolaire liée au travail et compétences scolaires, (3) l’estime
de soi comportementale relative au comportement vis-à-vis de soi-même et des autres, (4)
l’estime de soi sociale que l’on peut rattacher à la popularité et à la relation avec les pairs. Les
élèves lisaient chaque item de manière autonome et devaient se positionner sur une échelle
de 1 à 4 (ce n’est pas du tout moi = 1, c’est un peu moi = 2 ou 3, c’est tout à fait moi = 4).
6. Résultats
6.1. Profil des enseignants
Nous nous intéressons tout d’abord aux variables liées aux enseignants. Pour rappel, élèves
et enseignants devaient se positionner sur huit dimensions caractéristiques de l’enseignant.
Nous présentons tout d’abord le profil interactionnel moyen des enseignants, obtenus sur
les deux groupes d’acteurs : élèves et enseignant.
Pour construire ce profil, nous avons calculé les scores déclarés pour chaque dimension par
chaque élève concernant son enseignant, puis nous avons calculé la moyenne des scores
(N = 590) qui traduit les valeurs de la variante élève. Nous avons également calculé une
moyenne pour les valeurs déclarées par l’enseignant de la classe (variante autoperception,
N = 26). La directivité, l’empathie et le soutien affichent les scores les plus élevés (entre 2,85
et 3,16 sur 4), tandis que l’incertitude et l’insatisfaction présentent les valeurs les plus faibles
(entre 0,79 et 0,99 sur 4). Nous observons des valeurs moyennes pour la réprimande et la
sévérité (respectivement environ 1,40 et 2,55 sur 4).
Lorsque nous comparons les moyennes, à l’aide du test t de student, des différences entre les
deux variantes, certes peu élevées mais très significatives, apparaissent pour certaines
dimensions, telles que la directivité (t = 13.567, sig = .000), le soutien (t = - 4.499, sig = .000),
l’empathie (t = - 6.507, sig = .000), la réprimande (t = - 2.727, sig = .007) et la sévérité (t = -
4.536, sig = .000). Les élèves estiment que les enseignants sont plus directifs que ne le pensent
les enseignants, mais les enseignants jugent qu’ils apportent plus de soutien, qu’ils font preuve
de plus d’empathie que ne le pensent les élèves. Les enseignants se jugent également plus
stricts et sévères. En revanche, nous n’observons pas de différence significative entre les
variantes pour les dimensions de responsabilisation (t = 0.194, sig = .846), incertitude (t =
0.187, sig = .851) et insatisfaction (t = 0.170, sig = .865).
Après la présentation des résultats mesurés pour les variables concernant les enseignants,
nous décrivons les variations des compétences non académiques des élèves.
sont à plus de – 3 écarts-type de la moyenne et seize sur 585 sont à plus de + 1,7 écart-type.
Les élèves les plus coopérants obtiennent des scores compris entre 0,89 et 1,73, soit des
valeurs et une proportion assez proches des élèves empathiques.
Tableau 1. Description des compétences non académiques (phase 2)
Maîtrise de
(Phase 2) Internalité Anxiété Estime de soi Empathie Coopération
soi
Moyenne 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
Écart-type 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00
Minimum - 2,98 - 3,60 - 1,83 - 5,83 - 3,69 - 3,30
Maximum 2,83 2,14 2,83 1,78 1,70 1,73
Étendue 5,81 5,75 4,66 7,62 5,40 5,04
25 - 0,72 - 0,73 - 0,84 - 0,65 - 0,69 - 0,78
Quartiles
Nous pouvons relever que l’étendue des variations pour la maîtrise de soi et l’internalité est
très proche des compétences non académiques sociales (cf. tableau 1), mais que la dispersion
des scores est plus importante pour l’estime de soi avec une étendue supérieure à 6 (la plus
importante des six compétences pour cette phase 2). Pour la maîtrise de soi et l’internalité,
les valeurs s’établissent entre un peu plus de – 3 écarts-types et plus de + 2 écarts-types, alors
que l’estime de soi affiche des valeurs extrêmes pour le minimum avec – 5,83, soit plus de 5
écarts-types en dessous de la moyenne. Toutefois, un seul élève est concerné par cette valeur
extrême, deux sont à plus de – 3 écarts-types et vingt élèves à plus de – 2 écarts-types. Pour
l’internalité, seuls deux élèves ont un score inférieur à – 3 écarts-types et six ont un score
supérieur à + 2 écarts-types. Concernant la maîtrise de soi, la proportion d’élèves (sept) à
plus de + 2 écarts-types de la moyenne est moins importante que celle des élèves à moins de
– 2 écarts-types (vingt-trois). Nous terminons avec la description avec l’anxiété, pour laquelle
nous observons l’étendue la plus faible (4,66), ce qui implique une faible disparité des scores
entre élèves. Les élèves les plus anxieux atteignent des scores compris entre 0,62 et 2,83, alors
que les moins anxieux obtiennent des scores inférieurs à – 0,84.
non académiques déclarées par les élèves (P 1 = début année scolaire et P 2 = fin
d’année scolaire).
Tableau 2. Effet des caractéristiques de l’enseignant sur les compétences non académiques des
élèves
Coefficient
Compétence non Caractéristiques de
R non Sig.
académique (VD) l’enseignant (VI)
standardisés
EMPATHIE (P 1) EMPATHIE .31 .42 .00**
COOPERATION (P 2) EMPATHIE .18 .25 .00**
INTERNALITE (P 1) EMPATHIE .22 .30 .00**
MAITRISE DE SOI (P 1) DIRECTIVITE .19 .34 .00**
MAITRISE DE SOI (P 2) REPRIMANDE .21 - .22 .00**
ANXIETE (P 2) REPRIMANDE .13 .14 .00**
ANXIETE (P 1) INSATISFACTION .19 .28 .00**
COOPERATION (P 1) INSATISFACTION .24 - .35 .00**
ESTIME DE SOI (P 1) INSATISFACTION .22 - .31 .00**
ESTIME DE SOI (P 2) INSATISFACTION .21 - .31 .00**
Sig. : significativité associée au modèle de régression
* significatif à 5 %
** significatif < à 1 %
Les résultats révèlent que quatre dimensions du profil de l’enseignant ont un effet sur les
compétences non académiques des élèves. Deux dimensions, l’empathie et la directivité sont
plutôt connotées positivement et deux autres, la réprimande et l’insatisfaction, sont
davantage connotées négativement. L’empathie de l’enseignant, telle qu’elle est perçue par
les élèves, joue positivement et significativement sur l’empathie, la coopération et l’internalité
des élèves, tandis que la directivité a plus d’effets sur la maîtrise de soi des élèves. Cela signifie
que plus un élève perçoit son enseignant comme empathique ou directif, plus il se déclare
empathique, coopérant, interne ou maître de lui-même. A l’inverse, l’insatisfaction et la
réprimande de l’enseignant contribuent à augmenter l’anxiété des élèves. En outre,
l’insatisfaction influe négativement et significativement sur la coopération et l’estime de soi,
et la réprimande joue négativement et significativement sur la maîtrise de soi. Ainsi, plus un
élève ressent de l’insatisfaction ou de la réprimande chez son enseignant, moins il déclare
faire preuve de coopération, de maîtrise de soi et plus son estime de soi sera faible.
Pour poursuivre les analyses et gagner en clarté, nous avons, à l’instar d’autres auteurs (Den
Brok, Brekelmans & Wubbels, 2004 ; Genoud, 2004), regroupé les huit dimensions du profil
interactionnel de l’enseignant, ce qui permet de résumer quelque peu les résultats. Pour cela,
nous avons calculé deux scores6 : un score d’influence et un score de proximité. Ainsi, le
score d’influence valorisera des dimensions, telles que le soutien, la directivité, la sévérité et la
réprimande et minorera les dimensions d’empathie, de responsabilisation, d’incertitude et
6 Exemple de calcul pour le score de proximité : 0.38 * (0.92 * (soutien + empathie – réprimande –
insatisfaction) + 0.38 * (directivité + responsabilisation – sévérité – incertitude))
Tableau 3. Effet de la proximité de l’enseignant sur les compétences non académiques des élèves
en fin d’année scolaire
Caractéristiques Coefficient
Compétences non
de l’enseignant R non Sig.
académiques (VD)
(VI) standardisés
EMPATHIE .24 .23 .00 **
MAITRISE DE SOI .25 .26 .00 **
COOPERATION .22 .23 .00 **
PROXIMITE
ANXIETE .10 - .10 .16 *
ESTIME DE SOI .20 .20 .00 **
INTERNALITE .22 .22 .00 **
Sig. : significativité associée au modèle de régression
* significatif à 5 %
** significatif < à 1 %
Lorsque l’on examine les résultats produits dans le tableau 3 ci-dessus, nous observons que
toutes les relations entre proximité et compétences non académiques sont significatives.
Seule l’anxiété affiche une relation négative et faible (- .10) associée à une significativité un
peu plus faible (.16 significatif à 5 %). Même si la valeur des coefficients est peu élevée
(comprise entre .20 et .25), la proximité influe positivement et significativement sur les autres
compétences non académiques. Nous pouvons donc avancer que, contrairement à l’influence
(autorité de l’enseignant), la proximité de l’enseignant perçue par les élèves, qui suppose des
7. Discussion
Les recherches en sciences de l’éducation ont montré au cours des dernières décennies
l’impact de l’effet-maître sur les apprentissages des élèves. Notre article s’inscrit dans le
prolongement de ces travaux. Nous avions l’objectif de faire ressortir des profils enseignants
et de déterminer le rôle de ces profils dans le niveau de développement chez l’élève de
compétences non académiques. Répondant à notre hypothèse, nos résultats font état d’un
effet de l’enseignant sur le développement de compétences non académiques, comme le
montraient Korbel et Paulus (2017) et Flèche (2017). Toutefois, dans l’étude de Korbel et
Paulus, les élèves devaient identifier si les enseignants avaient recours à des pratiques
standard, proches du cours magistral, ou des pratiques modernes, telles que le travail en
groupe ou la justification de réponses. Il s’agissait plus pour les élèves de relater l’organisation
pédagogique des activités scolaires ou les pratiques pédagogiques des enseignants. Dans son
enquête longitudinale britannique, Flèche disposait d’informations sur la classe et sur les
caractéristiques des enseignants, dont certaines rejoignent les dimensions que nous avons
utilisées, comme l’estime de soi, mais l’auteure pointe un impact général, une valeur ajoutée
de l’enseignant sur les compétences non cognitives des élèves. Les variables utilisées dans
l’étude finlandaise de Siekkinen et ses collaborateurs (2013) se rapprochent davantage des
variables de notre recherche. Les auteurs de cette étude ont en effet mesuré, outre le stress,
la qualité des interactions entre l’enseignant et les élèves, à partir de l’organisation de la classe,
du soutien émotionnel et du soutien pédagogique apportés par l’enseignant. Ils ont relié et
montré les associations entre le comportement de l’enseignant et des compétences sociales
de l’élève, comme la coopération, l’empathie, l’impulsivité et le comportement perturbateur.
La méthode était cependant différente, puisque les compétences sociales des élèves étaient
évaluées par l’enseignant et les pratiques des enseignants étaient répertoriées par deux
observateurs, selon la méthode CLASS (Classroom Assessment Scoring System).
L’originalité de notre recherche est d’avoir mis en lien plusieurs dimensions caractéristiques
du comportement interactionnel de l’enseignant, d’avoir recueilli des données à partir de la
double perception des élèves et des enseignants et d’avoir mis en relation ces huit
caractéristiques de l’enseignant avec six compétences non académiques interindividuelles,
mais également intra-individuelles.
Plusieurs résultats empiriques ont confirmé nos intuitions. Nous avions en effet envisagé a
priori un effet positif de l’empathie et du soutien ou un effet négatif de la réprimande ou de
l’insatisfaction de l’enseignant sur les compétences de l’élève. Les résultats obtenus ont
confirmé ces hypothèses, puisque nous avons de fait constaté un effet positif et très
significatif de l’empathie de l’enseignant perçue par les élèves sur l’empathie, la coopération
et l’internalité des élèves. De même, nous avons observé non seulement un impact négatif et
très significatif de la réprimande de l’enseignant perçue par les élèves sur la maîtrise de soi et
l’anxiété des élèves, mais également un impact négatif et très significatif de l’insatisfaction de
l’enseignant sur l’anxiété, la coopération et l’estime de soi.
Lorsque nous avons construit deux nouveaux indicateurs qui regroupaient les dimensions
caractéristiques de l’enseignant selon deux modalités distinctes, proximité et influence, nous
nous attendions à ce que celles-ci impactent avec la même intensité les compétences de
l’élève. Or, l’influence qui est révélatrice de l’autorité de l’enseignant (Genoud, 2004) à travers
la mise en valeur des dimensions de soutien, directivité, sévérité et réprimande, n’a que peu
d’effets sur les compétences non académiques de l’élève. S’il n’est pas étonnant que cette
influence perçue par les élèves ait un effet positif et significatif sur la coopération, nous
pouvions faire l’hypothèse qu’elle aurait des effets plus marqués sur l’estime de soi, l’empathie
ou l’anxiété. Plus que l’influence ou l’autorité de l’enseignant, c’est la proximité de celui-ci, sa
faculté à créer des situations de coopération, des interactions au sein de la classe qui vont
permettre à l’élève de se déclarer plus empathique ou moins anxieux. En effet, nous avons
observé que les six compétences non académiques de notre recherche en début et en fin
d’année scolaire, sont impactées positivement et très significativement par les dimensions
liées à la proximité de l’enseignant (directivité, soutien, empathie et responsabilisation), à
l’exception de l’anxiété qui est impactée négativement et un peu plus faiblement.
C’est pourquoi nous avons estimé qu’il était intéressant de construire un modèle à équations
structurelles pour appuyer ces résultats et déterminer la force de cette relation. Ce modèle
nous a permis de confirmer que les dimensions de directivité, soutien, empathie et
responsabilisation mesurent bien la proximité de l’enseignant. Sans surprise, ce sont les
dimensions de soutien et d’empathie qui caractérisent le plus la proximité de l’élève, mais les
coefficients plutôt élevés de la responsabilisation et de la directivité nous indiquent que
l’enseignant doit, outre son rôle plus affectif et pédagogique (soutien et empathie), veiller à
garantir simultanément une forme d’autonomisation de l’élève (responsabilisation) tout en
gardant la main sur la conduite des activités d’apprentissage de la classe (directivité). C’est la
combinaison de ces quatre éléments qui est en lien avec le développement chez l’élève de
compétences non académiques telles que la coopération, mais également dans une moindre
mesure, l’empathie, la maîtrise de soi et l’estime de soi. La valeur de l’association entre la
proximité perçue de l’enseignant et les compétences non académiques déclarées par les élèves
est importante (coefficient = 0.34). En outre, si l’on se réfère au R2 qui indique la force de la
relation, nous constatons que la proximité de l’enseignant perçue par les élèves pourrait
expliquer 12 % de la variance des compétences non académiques de ces mêmes élèves. Le
comportement interactionnel de l’enseignant et la perception qu’en ont les élèves jouent donc
un rôle décisif dans le développement chez l’élève des compétences non académiques de
notre recherche. Cette part de variance est loin d’être négligeable en sciences de l’éducation,
lorsque nous la comparons à celles de l’effet-maître sur la réussite de l’élève. Nye,
Kostantopoulos et Hedges (2004) avaient estimé que 7 à 21 % de la variance des progrès
d’acquisitions scolaires pouvaient dépendre des différences entre classes.
Notre modèle nous permet de comprendre comment ces dimensions du comportement de
l’enseignant, au cœur de l’environnement particulier de la classe, pourraient agir sur les
comportements de l’élève et influencer sur ses compétences non académiques, des
compétences qui pourraient à leur tour modifier les apprentissages et donc la réussite des
élèves. Nous savons par la littérature que le développement de compétences non
académiques est fortement lié à la réussite des élèves (Borghans et al. 2008 ; Brunello &
Schlotter, 2011 ; Schoon & Gutman, 2013 ; Heckman et al., 2006 ; Heckman & Kautz, 2012 ;
Kautz et al., 2014 ; Lleras, 2008 ; Lundberg, 2015, 2017). Nous n’avons pas, dans cet article,
exploré les liens entre compétences et réussite scolaire, mais il serait particulièrement
intéressant de montrer le rôle du comportement de l’enseignant qui pourrait de fait influer
sur les compétences intra- et interindividuelles de l’élève et avoir des effets indirects sur la
réussite de l’élève transitant par les compétences non académiques. Un enseignant qui ferait
preuve d’empathie et de soutien envers ses élèves aurait un impact sur la coopération de ces
mêmes élèves qui aurait à son tour un effet sur leur réussite académique.
8. Conclusion
L’objectif de cet article était de déterminer, dans le prolongement des travaux sur l’effet-
maître, le rôle joué par l’enseignant sur le niveau de développement chez l’élève de
compétences non académiques à l’école élémentaire. Nous avons constitué un échantillon de
623 élèves et 26 enseignants. Nous avons ensuite mesuré six compétences non académiques
chez l’élève (coopération, maîtrise de soi, empathie, anxiété, estime soi et internalité) et
évalué, à partir de la double perception des élèves et des enseignants, huit dimensions
subjectives de l’enseignant (directivité, soutien, empathie, responsabilisation, incertitude,
insatisfaction, réprimande et sévérité) pour construire des profils d’enseignants. Nous avons
ensuite analysé comment certaines dimensions de ce profil interactionnel de l’enseignant
pouvaient influer sur les compétences non académiques.
Les analyses statistiques réalisées ont montré que l’empathie de l’enseignant perçue par les
élèves avait un effet positif sur l’empathie, la coopération et l’internalité de l’élève. A l’inverse,
la réprimande joue négativement sur la maîtrise de soi et contribue à l’augmentation de
l’anxiété chez l’élève. L’insatisfaction de l’enseignant perçue par l’élève a un impact sur
l’estime de soi de celui-ci. Nous avons observé également que l’influence de l’enseignant, à
savoir son autorité, a peu d’impact sur le niveau de développement des compétences non
académiques des élèves, mais que la proximité de l’enseignant lors des interactions avec les
élèves influe sur le niveau de développement des six compétences, avec un effet moindre sur
l’anxiété. Pour confirmer ces analyses, nous avons mis en évidence que quatre indicateurs du
profil enseignant – directivité, empathie, soutien et responsabilisation – pourraient mesurer
le concept latent de proximité. Ce même concept de proximité a une relation positive forte
sur cinq compétences non académiques – coopération, maîtrise de soi, empathie, estime
soi et internalité, à tel point que nous pouvons avancer que plus l’élève perçoit son enseignant
comme proche dans la relation, plus le niveau de développement de ses compétences non
académiques est élevé.
Cette recherche comporte des biais. Nous pouvons tout d’abord mentionner le volontariat
des enseignants composant l’échantillon. Nous savons également que les compétences des
élèves et les caractéristiques des enseignants restent difficiles à mesurer et que les concepts
latents de proximité et de compétences non académiques inclus dans le modèle LISREL
relèvent d’interprétations du chercheur. Les résultats mentionnés précédemment apportent
toutefois des arguments intéressants pour caractériser ce qui se passe entre l’enseignant et
ses élèves au sein de la classe, un lieu où interagissent de nombreux facteurs.
Ces résultats ouvrent des pistes de réflexion, attendu qu’ils pourraient nous permettre de
mieux comprendre, à partir de nouvelles analyses statistiques, comment s’élabore, à l’école,
le bien-être de l’élève que pourraient mesurer les compétences non académiques de notre
recherche. L’établissement de ces liens permettrait d’expliquer, au moins en partie, les
différences de réussite scolaire des élèves. Nous pourrions même rattacher certaines
dimensions du profil de l’enseignant au concept de bienveillance et vérifier les liens entre la
bienveillance de l’enseignant perçue par les élèves et le bien-être perçu de l’élève. Peu de
recherches empiriques ont envisagé cette question avec l’objectif de révéler un lien statistique
entre ces deux concepts qui sont pourtant très valorisés par l’institution scolaire. Ces analyses
permettraient d’aller plus loin dans la détermination du rôle de l’enseignant dans le niveau de
développement des compétences non académiques de l’élève
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