Le Développement Du Bébé de La Vie
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ciation, traduction française coordonnée par M.-A. Crocq, J.-D. Guelfi, P. Boyer, C.-B. Pull et M.-C. Pull,
2015, 1176 pages.
Le développement du
bébé de la vie fœtale à
la marche
Sensoriel – Psychomoteur – Cognitif –
Affectif – Social
Coordonné par
Emmanuel Devouche
Joëlle Provasi
Avec la collaboration de :
Gisèle Apter, Ranka Bijeljac-Babic´, Anne Bobin-Bègue, Caroline Boiteau,
Aude Buil, Drina Candilis-Huisman, Benoît Chevalier, Michel Dugnat, Karine
Durand, Marie-Camille Genet, Édouard Gentaz, Carolyn Granier-Deferre,
Maya Gratier, Thierry Leboursier, Françoise Morange-Majoux, Marie-Hélène
Plumet, Benoist Schaal, Josette Serres, Robert Soussignan, Arnaud Witt
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Les praticiens et chercheurs doivent toujours se baser sur leur propre expérience et connaissances
pour évaluer et utiliser toute information, méthodes, composés ou expériences décrits ici. Du fait
de l’avancement rapide des sciences médicales, en particulier, une vérification indépendante des
diagnostics et dosages des médicaments doit être effectuée. Dans toute la mesure permise par la
loi, Elsevier, les auteurs, collaborateurs ou autres contributeurs déclinent toute responsabilité pour
ce qui concerne la traduction ou pour tout préjudice et/ou dommages aux personnes ou aux biens,
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par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L.
122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).
1 Voir par exemple C. Junien, U. Simeoni, « L’initiative des 1000 jours de l’OMS et l’origine dévelop-
pementale de la santé et des maladies (DOHaD) », en ligne http://www.sf-dohad.fr/index.php/
publications-en-francais/136-l-initiative-des-1000-jours-de-l-oms.
2 Pour un panorama, voir D. Candilis, dir., Bébé Sapiens. Du développement épigénétique aux muta-
tions dans la fabrique des bébés, Toulouse, Érès, 2017.
XIV Préface
3 Voir le rapport d’A. Bauer, M. Parsonage, M. Knapp et al., The cost of perinatal mental health pro-
blems, LES, Centre for Mental Health and London School of Economics, octobre 2014, https://
www.nwcscnsenate.nhs.uk/files/3914/7030/1256/Costs_of_perinatal_mh.pdf.
4 S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2018 [1910].
5 J. Piaget, La naissance de l’intelligence, Paris, Delachaux & Niestlé, 1936.
Préface XV
aux apprentissages, l’éveil des sens et, en particulier, l’olfaction, les compétences
musicales du bébé, les états de conscience, ainsi que les conséquences de la nais-
sance prématurée sur le développement, notamment psychomoteur.
Cet indispensable abord du bébé comme monade6 ne fait cependant pas oublier
que le développement s’inscrit nécessairement dans la rencontre intersubjective
rendue possible par la communication et la cognition sociale. Le (bon) dévelop-
pement « niche » donc dans la qualité de l’interaction. La phrase célèbre de Julian
de Ajuriaguerra : « ça ne passe pas par l’auréole7 » est devenue le fondement d’un
vaste programme de recherches désormais facilité par de multiples outils, dont
par exemple l’eye-tracking (suivi continu du mouvement des yeux).
La mise en perspective développementale de la théorie de l’esprit s’inscrit ici dans
une perspective cohérente et innéiste. Les étapes de ce développement peuvent
être repérées dès la naissance sous la forme d’une capacité précoce d’échange des
états internes.
Sur la base de la connaissance de ces compétences précoces, bien mises en œuvre
en clinique par l’échelle de Brazelton, des interventions précoces sont désormais
possibles. Elles constituent un impératif pour tous ceux qui sont en charge de
la santé du nourrisson, car un environnement adapté permet certes d’éviter les
conséquences des dysfonctionnements de l’interaction sur le développement,
mais aussi de mettre en place des formes de suppléance en cas de déficit.
Nul doute que les bébés seront reconnaissants aux lecteurs (et aux auteurs) de ce
riche ouvrage de l’attention qu’ils leur auront porté en partant à la découverte de
toutes leurs capacités qui, pour être mieux connues en théorie, seront aussi mieux
(re)connues dans les pratiques.
Michel Dugnat
Psychiatre en périnatalité, praticien hospitalier responsable de l’unité de soins conjoints
hospitalière et ambulatoire (UPE) du service hospitalo-universitaire de pédopsychia-
trie du Pr François Poinso (Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille), co-président
du groupe World Association for Infant Mental Health France, président du Collège
de (psy)périnatalité (psychiatrie, psychologie, santé mentale périnatales, 2PSMP)
1
Comment savoir ce que
le bébé pense ? Avec un
peu de méthode !
J. Serres
PLAN DU CHAPITRE
■ La démarche scientifique consiste à se poser des questions
■ Un peu de méthode !
•La psychologie scientifique
•La psychologie du développement
•La psychologie du nourrisson et ses méthodes
•Généralisation de la méthode
■ Conclusion
même rigueur expérimentale que dans tout protocole scientifique. Mais avant
de trouver les bonnes méthodes, de nombreux tâtonnements ont jalonné cette
période. Nous allons décrire ces péripéties pour mieux comprendre les choix
actuels. Les premiers résultats sont essentiellement dans le domaine de la vision
qui a été le premier investigué, mais nous verrons comment les paradigmes ont
été élargis à d’autres domaines.
Un peu de méthode !
Il faut toutefois distinguer la démarche scientifique de la méthode mise en pra-
tique. Elle peut intégrer une démarche expérimentale, mais cela n’a rien d’obliga-
toire.
Cependant, les méthodes ne sont pas indépendantes de l’histoire des théories. À
mesure que les visions du monde évoluent, les méthodes utilisées pour évaluer
les théories peuvent se modifier. Il faut donc toujours garder un œil critique sur
la démarche utilisée. Pour Paul Feyerabend (1924-1994), anarchiste des sciences,
il n’y a pas de méthode scientifique universelle mais des préjugés scientifiques !
On doit à Claude Bernard (1813-1878) la description de la démarche expéri-
mentale dont les étapes sont synthétisées sous le sigle OHERIC : observation-
hypothèse-expérience-résultats-interprétation-conclusion. Pour lui, « la méthode
expérimentale, considérée en elle-même, n’est rien d’autre qu’un raisonnement
à l’aide duquel nous soumettons méthodiquement nos idées à l’expérience des
faits ». Bien que souvent critiquée, cette démarche est toujours enseignée. Elle
donne l’impression d’une procédure statique mais doit, au contraire, être considé-
rée comme dynamique avec des allers-retours à tous les niveaux.
Aujourd’hui, la démarche expérimentale est appliquée dans de nombreux
domaines : en biologie, en physique, en chimie, en psychologie, ou encore en
archéologie. Elle consiste à tester la validité d’une hypothèse en reproduisant un
phénomène (souvent en laboratoire) et en faisant varier un facteur, toutes choses
égales par ailleurs. Le résultat obtenu valide ou non l’hypothèse. Dans les sciences
empiriques, on admet qu’il existe des observables, mais surtout que ces obser-
vables peuvent être des indicateurs de phénomènes non observables. En phy-
sique, la vitesse d’un électron ne sera pas observable directement mais déduite.
De même en psychologie, l’anxiété d’un sujet peut être mesurée indirectement
par ses répercussions sur certains comportements.
La psychologie scientifique
La psychologie scientifique partage les caractéristiques essentielles de toute
science moderne. Pour réaliser une étude scientifique des processus internes (dits
psychologiques), tels que les sentiments et la pensée, il faut définir ces événements
en termes de signes observables. Mesurer consiste à quantifier un événement ou
6 Les bases de la recherche
La psychologie du développement
La psychologie du développement a autrefois été intitulée « psychologie de
l’enfant », puis « psychologie génétique » ; la terminologie n’a cessé d’évoluer
autour d’une idée maîtresse : l’intérêt pour le développement de l’enfant et l’idée
que le développement de l’enfant influence ou détermine le reste du développe-
ment humain. Cette idée ne semble émerger qu’au XVIIIe siècle dans la littérature
occidentale. De nombreux érudits se sont penchés sur la question et nous ont
livré quelques remarques sur le développement du jeune enfant.
E. Bonnot de Condillac (1714-1780) écrit que le bébé naît sans connaissances et
en acquiert au cours de son enfance par apprentissage. Avec son livre Émile, ou
De l’éducation, publié en 1762, J.-J. Rousseau (1712-1778) a influencé de nombreux
pédagogues de l’époque en France et en Angleterre. Nous citerons également
C. Darwin qui fut le premier à reconnaître l’importance de l’enfance sur l’ensemble
du développement humain ultérieur. Dans la perspective évolutionniste qui
émerge alors, l’intérêt pour la psychologie de l’individu en développement va
prendre son essor. Le véritable rapport rigoureux sur le développement de l’enfant
date de 1882, lors de la publication d’un ouvrage écrit par W. Preyer, physiologiste
allemand, et intitulé L’âme de l’enfant (rééd. 2005). C’est la première biographie
qui décrit les observations de sa fille de la naissance à 2 ans et demi. Il se montre
impressionné par sa curiosité. Des monographies paraissent alors, dans lesquels
les auteurs expliquent ce qu’ils observent chez l’enfant, sans que cela relève d’une
démarche scientifique.
Il faut attendre les années 1890 pour voir sortir les premiers journaux scientifiques
dédiés au développement de l’enfant. En France, la revue L’Année Psychologique,
spécialisée dans les études du jeune enfant, fut fondée par A. Binet.
L’intérêt pour l’enfant, amorcé au xixe siècle, s’amplifie au xxe, qui fut baptisé
le siècle de l’enfant ! Nous assistons à l’émergence de nombreuses théories
pédagogiques en Europe qui marquent l’intérêt pour l’éducation des enfants,
celles d’A . Binet (1857-1911) en France, d’E. Claparède (1873-1940) en Suisse,
d’O. Decroly (1871-1932) en Belgique, de M. Montessori (1870-1952) en Italie et
Comment savoir ce que le bébé pense ? Avec un peu de méthode ! 7
d’E. Key (1849-1926) en Suède. Il faut être reconnaissant à ces pionniers. Ils ont
ouvert les portes de la connaissance de l’enfant, mais beaucoup d’autres sont
venus ensuite pour confirmer ou infirmer ces observations.
Au début du xxe siècle, la « psychologie de l’enfant » évolue en « psychologie
du développement », discipline scientifique qui décrit le développement humain
tout au long de la vie. L’étude des changements touche tous les domaines : le
développement moteur, cognitif (perception, apprentissage, langage, mémoire,
raisonnement), socio-affectif (émotions, attachement, interactions). Tous ces
aspects sont connectés, bien que souvent étudiés séparément.
L’étude du développement humain s’inscrit dans un questionnement sur nos
origines et l’organisation de nos comportements.
Des psychologues théoriciens s’interrogent sur les mécanismes du développe-
ment. Ils posent des questions de fond : quels genres de changements peut-on
observer, et à quel âge se produisent-ils ? Ces changements (ou ces continuités)
sont-ils communs à plusieurs individus, ou spécifiques à un individu ? Quels sont
les déterminants des changements ?
En 1959, H. Wallon (1879-1962) définit la psychologie génétique en ces termes :
« La psychologie génétique est celle qui étudie le psychisme dans sa formation
et ses transformations. Elle peut être à l’échelle du monde du vivant, de l’espèce
humaine ou de l’individu. Dans le premier cas, un de ses problèmes fondamen-
taux est de découvrir ou de définir les origines biologiques de la vie psychique »
(Wallon, 1956).
Mais nous devons surtout à J. Piaget (1896-1980) de nombreuses études et de nom-
breux débats sur les origines et le développement des connaissances physiques,
mathématiques, logiques et psychologiques de l’enfant. Selon lui, la conception
du développement de l’intelligence de l’enfant est linéaire et cumulative car sys-
tématiquement liée, stade après stade, à l’idée d’acquisition et de progrès. C’est ce
que l’on peut appeler le « modèle de l’escalier », chaque marche correspondant
à un grand progrès, à un stade bien défini dans la genèse de l’intelligence dite
« logico-mathématique » : de l’intelligence sensorimotrice du bébé (0-2 ans), fon-
dée sur ses sens et ses actions, à l’intelligence conceptuelle et abstraite de l’enfant
(2-12 ans), de l’adolescent et de l’adulte.
Bien que cette théorie ait été publiée en français en 1936 (La naissance de l’intel-
ligence chez l’enfant, rééd. 1992), ce n’est que dans les années 1960 que les travaux
de Piaget ont commencé à exercer une influence considérable sur la recherche
aux États-Unis après la parution de la traduction en anglais en 1952. À cette
époque pourtant, le bébé était toujours considéré comme un être passif, réagis-
sant à l’environnement de manière quasi réflexe. Actuellement, aucun spécialiste
du développement du bébé ne serait en accord avec de telles affirmations. L’évo-
lution de notre représentation du bébé est liée à l’évolution de la méthodologie.
Pour confirmer ou infirmer cette position sur les compétences du bébé, il fallait
pouvoir interroger le jeune enfant le plus tôt possible, voire dès la naissance et
8 Les bases de la recherche
même avant, in utero (voir chapitre 3). Les recherches sur le développement de
l’enfant « descendaient » rarement en dessous de 3 ans. Elles se fondaient le plus
souvent sur des consignes verbales. Les chercheurs demandaient à l’enfant de faire
une action ou de produire une réponse, et supposaient qu’il avait compris ce
qu’ils voulaient. Plus l’enfant était jeune, plus ils s’apercevaient que ses « réponses »
étaient difficiles à interpréter. Avait-il compris ce qu’on attendait de lui ? Comment
interroger un enfant avant le langage ?
Dans les années 1990, en revanche, on publie 50 fois plus, avec 5 000 articles sur
une période de 5 ans, soit plus de 1 000 articles par an. Il existe maintenant des
revues entièrement consacrées à la publication de recherches sur les bébés. Le pre-
mier colloque spécialisé dans les études sur le bébé (The International Congress of
Infant Studies [ICIS]) a eu lieu en 1978 à Providence, aux États-Unis. Cette explosion
de publications doit avoir une explication. Qu’est-ce qui a changé au début des
années 1960 pour provoquer un tel regain d’intérêt pour les recherches sur le
bébé ? La réponse est dans la méthodologie.
Il était nécessaire de systématiser les méthodes.
Mais deux grands tournants ont été franchis au début des années 1960 par deux
chercheurs : R.L. Fantz (1963) et E.N. Sokolov (1963).
■ Fantz propose deux idées nouvelles sur le bébé :
• les nouveau-nés peuvent exprimer des préférences par leur regard, en regar-
dant plus longtemps un stimulus qu’un autre (nous savons maintenant qu’ils
expriment également des préférences pour certains sons, mais cela a demandé
plus de 20 ans pour le découvrir) ;
• une nouvelle méthode : l’utilisation du temps de fixation comme réponse
à une situation. C’est une idée simple, mais elle a eu une très grande influence
sur la méthodologie de la recherche.
■ Sokolov publie en 1963 un ouvrage important sur le réflexe d’orientation des
animaux. La méthodologie utilisée impliquait l’habituation (une diminution des
réponses suite à une présentation répétée d’un même stimulus) et une déshabi-
tuation (une augmentation de la réponse) lors de la présentation d’un nouveau
stimulus.
Ces deux approches ont abouti aux paradigmes expérimentaux suivants avec bien
des péripéties :
■ la préférence visuelle ;
■ le temps de fixation relatif ;
■ l’habituation et la réaction à la nouveauté.
Malgré ses imperfections, cette technique reste très utile pour les ophtalmolo-
gistes (Vital-Durand, 2012) pour diagnostiquer des troubles visuels à la naissance.
Le test du regard préférentiel consiste ici à leur présenter des cibles offrant un
dégradé de rayures noires et blanches de fréquences spatiales de plus en plus
élevées pour détecter leur capacité de discrimination.
mettre en place, mais a aussi vite été critiquée, en raison du mot « préférence »
surtout, qui ne veut pas dire grand-chose, et toujours de la difficulté pour inter-
préter les fixations lors de la présentation de deux cibles côte à côte. Cette gym-
nastique pour explorer deux cibles n’était pas facile pour les plus jeunes bébés.
Alors pourquoi deux cibles ?
l’extérieur il est possible de considérer un essai comme terminé ? Que faire avec un
bébé qui ne décroche jamais ? Pour une revue de questions, on pourra se référer à
l’article de Colombo et Mitchell (2009).
Mais le problème des essais n’était rien à côté de l’épineux problème du « critère
d’habituation » ! À partir de quand pouvions-nous décider qu’un bébé était habi-
tué ? Dans la procédure à essais fixes, les chercheurs découvraient a posteriori si le
bébé était habitué ou non. Maintenant, il s’agit de stopper l’habituation pendant
le décours de l’expérimentation quand ils jugeront que le bébé est habitué. Mais
sur quel critère ?
Plusieurs propositions (Cohen, 1976 ; Horowitz et al., 1972) ont été faites en
partant du principe qu’il fallait prendre comme référence les premiers essais de
l’habituation et attendre que les temps de regard deviennent nettement inférieurs.
On a considéré qu’un bébé est habitué lorsque deux ou trois essais consécutifs
sont plus courts que la moitié de la moyenne des deux ou trois premiers essais.
Les progrès informatiques ouvrant de nouvelles facilités de calculs, il devenait
possible de programmer la procédure (Pêcheux et Barbin, 1987) et de calculer la
moyenne sur trois essais plutôt que sur deux, comme décidé auparavant. Beau-
coup d’aménagements de cette procédure ont été soumis en observant toutes
les particularités des courbes d’habituation. Par exemple, il était fréquent de voir
des bébés regarder peu au début de l’expérience, puis se mettre à s’y intéresser à
partir du quatrième ou cinquième essai. Pour pallier cet inconvénient, les cher-
cheurs calculèrent la moyenne de référence sur les trois essais comportant les
durées de fixation les plus longues et/ou présentèrent aux bébés en tout début
d’expérimentation un stimulus neutre (warming-up) pour capter leur attention
avant de commencer l’habituation.
Toutes ces décisions paraissent un peu arbitraires mais sont le résultat d’une
longue réflexion pour trouver la méthodologie la plus fiable. Comme il n’existe
pas de paradigme parfait, petit à petit les recherches vont s’orienter vers un critère
empirique absolu avec, par exemple, la recherche de trois essais consécutifs infé-
rieurs ou égaux à 3 secondes. Dans la description méthodologique des articles,
une grande partie est dédiée à la justification du critère d’habituation. Chaque
auteur fait des choix qui lui sont propres, ce qui rend parfois les comparaisons des
résultats difficiles.
La figure 1.3, d’après l’article de Pêcheux et Barbin (1987), résume assez bien les
trois critères habituels en montrant que, selon le critère choisi, le nombre d’essais
d’habituation ne sera pas le même.
Une fois le critère d’habituation atteint, il faut passer à la phase test et de nouveau
différentes écoles conseillent des méthodes différentes. Nous pourrons trouver six
essais tests en alternant le stimulus nouveau et le familier (NFNFNF), mais aussi en
contrebalançant les groupes pour annuler les remontées d’attention spontanée
(FNFNFN). Une autre proposition de sur-habituation a été faite toujours pour évi-
ter les remontées de durée de fixation non liées au changement de stimulus. Une
14 Les bases de la recherche
partie des sujets reçoit le stimulus nouveau alors qu’une autre reçoit le stimulus
familier. C’est une procédure coûteuse qui oblige à recruter plus de bébés pour
avoir un groupe contrôle. Mais comme c’est dans les vieux pots qu’on fait les meil-
leures soupes, nous retrouvons souvent une procédure mixte avec un stimulus
d’habituation présenté isolément et, en phase test, les deux stimuli (le nouveau et
le familier) présentés côte à côte et intervertis à chaque essai-test.
Un exemple est donné à la figure 1.4 de la représentation graphique des durées
de fixation (en secondes) pendant la fin de la phase d’habituation (les six derniers
essais) et pendant les six essais de la phase test sur chacune des cibles. Ici, les bébés
regardent plus longtemps le stimulus familier.
Généralisation de la méthode
Ces paradigmes ont surtout été féconds pour étudier la perception visuelle du
nourrisson, mais aussi ses compétences cognitives via ses choix, voire… ses pré-
férences.
Cette procédure a beaucoup évolué, en permettant surtout aux chercheurs de
fabriquer numériquement des stimuli plus complexes et affichables sur écran. Elle
a été particulièrement bénéfique pour questionner le bébé sur ses capacités de
catégorisation. Les chercheurs présentaient isolément des stimuli différents mais
appartenant tous à une même catégorie (par exemple des quadrilatères), puis en
phase test ils présentaient l’un à côté de l’autre un nouveau quadrilatère jamais
vu mais appartenant à la même catégorie (donc familier par la catégorie) ou un
triangle (catégorie différente donc nouvelle).
De nos jours, nous trouvons beaucoup moins d’innovation dans la méthodologie,
bien que toutes les questions ne soient pas réglées.
Une récente application de cette méthodologie pour l’étude des compétences
cognitives du bébé a été développée. Comment le bébé perçoit-il le monde, mais
surtout que comprend-il des lois physiques qui le régissent ? Que comprend-il
aussi des comportements humains ? Ce nouveau paradigme qui porte le nom
de l’événement impossible (ou « violation des attentes » ou « transgression des
attentes ») est l’invention méthodologique des années 1980. Quel que soit son
nom, cette procédure part du principe qu’un bébé marquera son étonnement
par une durée de regard plus longue si on lui présente quelque chose qu’il juge
impossible. Après une phase d’habituation ou de familiarisation sur un certain
type d’événement souvent présenté sous forme de film, le bébé verra deux suites
de cet évènement : soit un événement possible (normal), soit un événement
impossible. Mise au point par R. Baillargeon et al. (1985), cette procédure est très
en vogue et a produit de grandes avancées dans l’étude des capacités de raison-
nement du bébé.
La figure 1.5 montre la situation classique qui fit affirmer à Baillargeon que le bébé
avait la permanence de l’objet plus tôt que ne le pensait Piaget.
Actuellement, de nombreuses recherches bénéficient des nouvelles technologies.
Les durées de fixation prises en direct par l’expérimentateur sont maintenant
complétées par des appareils (eye tracker) qui localisent les pupilles sans gêner le
bébé pour en déterminer les localisations, le trajet, les durées d’exploration et la
dilatation.
16 Les bases de la recherche
Figure 1.5. Expérience de Baillargeon sur la permanence de l’objet chez des bébés
de 5 mois.
D’après Baillargeon, R., Object permanence in 3 1/2- and 4 1/2-month old infants, Dev Psychol, 1987, 23, 5, 655–664.
Voici, à titre d’exemple, d’autres comportements qui nous ont éclairé sur les
compétences du bébé :
■ l’orientation de la tête est une mesure très pertinente pour repérer les capacités
de discrimination olfactive des nourrissons ;
■ la prise de connaissance des objets s’est aussi faite par l’intermédiaire de
l’habituation tactile. La procédure était la même que pour le visuel, mais elle
comptabilisait des durées de tenue des objets dans les mains pour en mesurer la
reconnaissance. Elle a aussi été couplée à l’habituation visuelle pour mesurer les
transferts d’informations entre la vision et le toucher ;
■ la perception auditive a été étudiée via un comportement facilement repérable :
la succion. Considérée longtemps comme reflexe et rigide, elle a été réhabilitée
comme mesure d’attention chez le bébé. Mise au point par Eimas (Eimas et al.,
1971), elle a été utilisée pour mesurer les capacités de discrimination auditive du
nouveau-né et du nourrisson jusqu’à 4 mois. Par cette procédure, les chercheurs
enregistraient la pression exercée par le bébé sur la tétine via des capteurs de pres-
sion situés à l’intérieur. Il s’agissait de succion non nutritive. Au terme d’une ligne
de base de quelques minutes pendant laquelle le bébé tétait sans stimulation, ils
lui délivraient un son à chaque fois qu’il exerçait une pression. Le rythme de suc-
cion augmentait au début puis se stabilisait et enfin diminuait. C’est à ce moment
que les chercheurs présentaient un nouveau son au bébé et qu’ils pouvaient
mesurer s’il y avait un regain d’activité. Cette technique – high-amplitude sucking
procedure (HAS) – s’apparentait à celle de l’habituation/déshabituation. Sa mise
en œuvre était très lourde et les données difficiles à analyser. De nos jours, elle est
presque abandonnée. Elle a permis toutefois de découvrir les grandes capacités
d’apprentissage du nouveau-né.
Toutes ces découvertes donnaient envie d’aller plus loin. Comment le bébé
percevait-il les sons du langage et plus particulièrement les sons de sa langue ?
Comment reconnaissait-il des mots dans une phrase ? La technique de la succion
non nutritive étant compliquée et limitée en âge, les chercheurs ont eu l’idée
Comment savoir ce que le bébé pense ? Avec un peu de méthode ! 17
d’utiliser les durées de fixations visuelles comme réponse à des stimuli auditifs.
Le bébé est attiré vers une petite lumière soit à droite, soit à gauche et son orien-
tation est « récompensée » par l’émission d’un son qu’il peut faire durer en res-
tant dans la direction du haut-parleur. Cette procédure s’apparente à celle de
l’habituation/réaction à la nouveauté. Après une phase de familiarisation sur un
stimulus sonore (ou un groupe de stimuli), le bébé entendra alternativement le
son familier puis un son nouveau. Les durées de fixation dans la direction des
sons nous renseignent sur l’intérêt du bébé et donc sur ses capacités de dis-
crimination.
Pour savoir ce que le bébé pense, nous avons pris en compte ses comportements
d’intérêt par l’orientation du regard, son étonnement par les durées de regard,
mais ses réactions physiologiques (rythme cardiaque et activité cérébrale) peuvent
aussi nous apporter quelques éléments de réponse. La modification du rythme
cardiaque est une réaction surtout intéressante à exploiter chez le fœtus. Comme
pour toutes mesures d’un changement de rythme, il faut d’abord évaluer un taux
de base avant d’introduire les stimuli. Les battements du cœur étant susceptibles
d’habituation, il devient possible de mesurer les modifications du rythme lors de
la présentation d’un nouveau stimulus. Habituellement, les chercheurs s’attendent
à une décélération. La réactivité de l’organisme à des changements, mesurée par
des indices physiologiques, n’est pas toujours facile à analyser et demande beau-
coup de prudence dans les interprétations. Elle peut être couplée à des indices
comportementaux.
Les techniques d’imagerie cérébrale se sont beaucoup développées chez le bébé.
On peut citer la tomographie par émission de positons (TEP), l’imagerie par
résonance magnétique (IRM), la magnétoencéphalographie (MEG), l’électroen-
céphalographie (EEG), la spectroscopie dans le proche infrarouge (near infrared
spectroscopy [NIRS]). Ces techniques recueillent l’activité électrique ou magné-
tique du cerveau dont certaines reposent sur le principe qu’il existe un lien entre
l’activité cérébrale et le flux sanguin. Plus une région est sollicitée, plus elle reçoit
de l’hémoglobine chargée d’oxygène et de glucose.
De plus en plus de laboratoire utilisent ces techniques qui étaient déjà au point
chez l’adulte, mais qui devaient être adaptées au jeune public. Le bébé détestant
être contraint, la situation la plus avantageuse reste l’EEG et l’enregistrement des
potentiels évoqués1. Les fabricants d’électrodes ont facilité la pose en proposant
des bonnets à la taille des petites têtes des bébés plus rapides à installer. L’inter-
prétation des données est tributaire de la maturation du cerveau et implique de
bien connaître les contraintes de la diffusion du signal électrique avant d’inférer
les compétences cognitives. Le paradigme habituel en EEG est celui d’oddball et
s’adapte tout à fait aux recherches chez le bébé. Deux stimuli différents (visuel
1 Potentiel évoqué : réponse électrique du cerveau à une stimulation externe (visuelle, auditive ou
sensitive).
18 Les bases de la recherche
Conclusion
Les recherches consacrées au fœtus et au nourrisson ont bénéficié d’une grande
réflexion méthodologique, mais elles ont dû aussi répondre à des problèmes
éthiques et déontologiques. Elles doivent être menées dans des laboratoires bien
équipés avec du personnel formé, ou dans des maternités, pour les études sur les
fœtus ou les nouveau-nés. Chaque étude fait l’objet d’une demande d’agrément
et est soumise à un comité d’éthique garant de sa non-dangerosité. Les bébés
sont toujours en présence d’un parent. On peut s’inquiéter de les voir avec un
bonnet d’électrodes sur la tête, mais il faut savoir qu’ils ont un pouvoir fantastique
de décision. Ils pleurent ou s’endorment si la situation ne leur convient pas et rien
n’y pourra changer. C’est à l’expérimentateur de penser sa situation expérimentale
pour qu’elle plaise au bébé !
Les résultats sont fondés sur des statistiques et nécessitent un grand nombre de
sujets pour atténuer la variabilité individuelle très importante chez les bébés. Pour
tester une hypothèse, il est fréquent d’avoir convoqué deux fois plus de bébés
que ceux annoncés dans la procédure expérimentale et certains âges sont plus
délicats que d’autres.
Pour trouver des bébés de l’âge désiré, il faut aussi une infrastructure efficace.
Les gros laboratoires consacrent du personnel au recrutement des bébés via des
courriers et des appels téléphoniques auprès des parents pour leur demander
leur participation qui sera toujours fondée sur le volontariat et le bénévolat. La
procédure expérimentale qui vise à étudier les changements pendant le déve-
loppement peut se faire soit longitudinalement (les bébés sont testés à différents
âges), soit transversalement (en prenant des groupes de bébés d’âges différents).
Bien que présentant des similitudes, ces deux méthodes ne sont pas tout à fait
comparables. Cependant, la méthode transversale est souvent préférée car beau-
coup plus rapide pour obtenir des résultats.
La recherche coûte cher mais la connaissance n’a pas de prix ! (Keen Clifton, 2001).
Comment savoir ce que le bébé pense ? Avec un peu de méthode ! 19
Références
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Wallon, H. (1956). La psychologie génétique. Bulletin de Psychologie, 1.
CHAPITRE
2
Évaluer le
développement du
nourrisson : principes
et pratiques
A. Bobin-Bègue
PLAN DU CHAPITRE
■ Présentation du Brunet-Lézine révisé
• Genèse de l’échelle
• Rappels des caractéristiques statistiques et métrologiques du Brunet-Lézine
révisé
■ Le Bayley, l’échelle concurrente du Brunet-Lézine révisé
■ Principes guidant l’utilisation du Brunet-Lézine révisé
• L’intérêt d’un test généraliste
• L’intérêt d’une passation et surtout de plusieurs passations d’évaluation
• Les principes de construction de l’échelle
■ Considérations pratiques autour de l’examen du Brunet-Lézine révisé
• La demande
• L’espace d’accueil
• Le déroulement
• Les rôles de l’examinateur
■ Se positionner en tant qu’examinateur
• Comment intégrer le parent
• Composer avec l’enfant
• Enrichir la passation
Le développement du bébé de la vie fœtale à la marche
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
22 Les bases de la recherche
■ Après la passation
• La cotation et le compte-rendu
• Savoir être attentif aux signaux d’alerte
■ Conclusion
d’ordre vital étaient mieux maîtrisées. La question était alors de détecter les diffi-
cultés et les retards développementaux par rapport à une norme établie dans la
population de référence. De nos jours, les outils d’évaluation du développement
sont envisagés aussi comme un moyen de caractériser la trajectoire développe-
mentale de l’enfant, d’identifier ses forces et ses faiblesses, mais aussi d’obtenir des
indications sur son fonctionnement et sa relation à son parent1. Les principaux
outils d’évaluation ont régulièrement été remis à jour, révisés et modifiés et rééta-
lonnés. Il existe aujourd’hui un nombre limité d’outils d’évaluation généralistes du
tout petit. Actuellement, deux outils peuvent servir de référence : le Brunet-Lézine
et le Bayley.
Le Brunet-Lézine est l’outil le plus ancien. Son histoire débute en 1942, quand
René Zazzo décide d’entreprendre l’étude du développement psychomoteur du
nourrisson à une époque où l’intérêt pour le nourrisson est centré sur les aspects
somatiques. Élève d’Henri Wallon, il cherche un outil qui puisse contribuer au
diagnostic du nourrisson, et plus précisément des jumeaux, et s’intégrer dans un
plan général de recherches sur l’hérédité et le milieu. Comme aucune échelle de
mesures n’existait en France pour les moins de 3 ans, Zazzo suggéra de s’inspirer
des échelles de Charlotte Bühler et d’Arnold Gesell, et des méthodes d’observa-
tion de ce dernier. Il confie ce travail à Irène Lézine qui, dès 1943, procède aux
premières observations. Elle fait le constat qu’une transposition des épreuves
américaines et viennoises aux enfants français n’est envisageable qu’à la condition
de les adapter.
Les premières élaborations de l’outil laissent déjà entrevoir la distinction entre
quatre dimensions du comportement : les dimensions posturale, verbale, de coor-
dination et de sociabilité. L’idée d’une évaluation quantitative du développement
psychomoteur apparaît indispensable, d’autant que la notion de quotient de
développement était déjà présente dans les travaux de Bühler : son outil compa-
raît l’âge chronologique des enfants à leur âge de développement en attribuant à
chaque item2 une valeur en jours. Cette conception a été reprise dans le dévelop-
pement du Brunet-Lézine.
Ainsi, l’échelle se présente d’emblée comme graduée afin de mieux rendre
compte des oscillations individuelles du développement. L’empreinte de Wal-
lon se retrouve dans cette approche (dimensions et graduation) qui envisage le
développement du jeune enfant comme suivant des dynamiques qui peuvent
différer d’une dimension à l’autre. En 1946, Odette Brunet reprend l’étalonnage
à la suite d’Irène Lézine pour en faire un « instrument de pronostic », dans un
1 Dans ce chapitre, le terme de parent est utilisé pour désigner la personne qui s’occupe de l’enfant
au quotidien, dans le sens du caregiver des Anglo-Saxons.
2 Un item est l’unité de codage d’une échelle. Il correspond le plus souvent soit à une situation
visant à induire un comportement de la part de l’enfant, soit à une question posée au parent sur
un comportement de l’enfant.
24 Les bases de la recherche
3 La prophylaxie se définit comme l’« ensemble de moyens médicaux mis en œuvre pour empêcher
l’apparition, l’aggravation ou l’extension des maladies » (Larousse, https://www.larousse.fr/diction-
naires/francais/prophylaxie/64379).
Évaluer le développement du nourrisson : principes et pratiques 25
L’étalonnage n’a pas été revu depuis les années 90 ; les compétences de la popu-
lation ont donc pu varier sensiblement depuis (effet Flynn). Son matériel et son
« esthétique » peuvent parfois questionner, notamment en ce qui concerne
les images à identifier. Mais ce point est probablement mineur si l’on considère
que les imagiers des enfants ont eux aussi peu évolué. L’étalonnage des items
de langage peut donc être relativement inadapté depuis la dernière révision. En
revanche, peu de différences sont attendues pour les autres domaines. Aussi, le
BLR reste un outil tout à fait approprié, notamment si l’évaluation porte sur des
bébés de moins de 1 an, car les items reposent peu sur du langage.
Les résultats des items réussis et échoués sont ensuite synthétisés dans le cahier
de profil, qui permet de visualiser les compétences attendues par âge. La première
page de ce cahier permet de calculer les quotients dans chaque domaine et de les
reporter sur un graphique pour visualiser le profil de l’enfant.
le score obtenu par l’enfant (voir plus loin). L’avantage d’être rapide à administrer
confère ainsi certaines limites au BLR.
pointer des éléments déterminants en lien avec la passation et qui ne sont pas
discutés dans le manuel.
La demande
La demande d’examen émane rarement du parent. Dans la plupart des situations,
la demande est faite par un professionnel dans un cadre clinique ou dans le cadre
d’une recherche.
L’utilisation de l’échelle dans le cadre de la recherche peut conduire à penser qu’il
n’y a pas de demande de la part du parent de l’enfant. En effet, le protocole de
recherche prévoit de proposer l’inclusion à des personnes qui répondent aux
critères prévus par la recherche. Pourtant, le respect des règles d’éthique et de
déontologie permet aux personnes de refuser de participer. Ce sont donc des
données qui échappent à l’exploration, l’analyse envisagée dans la question de
recherche. De plus, les personnes qui acceptent ne sont pas nécessairement
« tout-venant » et ce fait peut s’apparenter à une demande indirecte (obtenir
des informations expertes sur son enfant, être narcissisé par ce focus, utiliser cette
participation comme un faire-valoir social, etc.). Il est donc nécessaire de recueillir
des informations complémentaires permettant de décrire la population d’étude
(partie « participant » de la description de la recherche). Ces informations des-
criptives sont indispensables pour questionner la validité des résultats (sans pour
autant les remettre en question).
La deuxième situation possible est celle d’une recherche exploitant les données
cliniques recueillies dans une institution. Cette situation de recherche est évi-
demment à rapprocher de la suivante, celle d’une demande dans le cadre d’une
pratique clinique, puisque les informations sont utilisées a posteriori, de manière
anonyme.
La troisième situation de demande, la plus fréquente, est celle faite dans le cadre
clinique, et est le plus souvent le fait d’un parcours de soins. La demande émane
d’un autre professionnel. L’examinateur s’assurera donc que le parent aura compris
en quoi cet examen apportera une réponse à une question, en quoi elle améliorera
la suite de la prise en charge etc., la demande initiale du parent étant parfois en
apparence éloignée. Dans le cas où la demande d’une évaluation du bébé fait suite
à une demande du parent auprès du professionnel, celui-ci veillera à en détermi-
ner les motifs profonds, comme dans n’importe quelle demande (figure 2.2).
Cadrer l’origine et le contexte de la demande constitue des informations fonda-
mentales pour exploiter convenablement les résultats. En effet, ces deux aspects
de la demande conditionnent le comportement du parent ; or, l’évaluation
s’appuie, comme cela sera évoqué de nouveau, sur les dires des parents et sur ses
comportements et interventions possibles pendant la passation. Certaines infor-
mations obtenues indirectement peuvent tout à fait éclairer des performances :
un parent peut, inconsciemment ou non, vouloir faire-valoir les compétences
Évaluer le développement du nourrisson : principes et pratiques 31
de son enfant et répondra volontiers : « Oui, mon enfant met les mains dans
son assiette », alors que la réalité ne correspond pas à la compétence attendue
pour l’item (ici, que l’enfant démontre son désir d’autonomie en attrapant par
lui-même les aliments). La prise en compte du cadre de la demande est donc une
étape très importante de la passation.
L’espace d’accueil
Sans décrire les précautions de sécurité et d’hygiène évidentes, certaines actions
peuvent faciliter les passations. Ainsi, le matériel pour la passation doit être pré-
paré pour être choisi rapidement (chercher bruyamment un petit objet au fond
de la valise peut perturber l’attention de l’enfant), mais en veillant à ce qu’il soit
masqué pour l’enfant (l’enfant locomoteur aura vite compris où se trouvent les
jeux). La pièce doit être aménagée pour permettre de réaliser les épreuves loco-
motrices sans gêne ni risque pour l’enfant (coup de pied dans un ballon, jouet à
tirer à reculons). Il est aussi utile de ne pas laisser en évidence des jouets autres
dans la pièce pour les enfants locomoteurs : ils pourraient se détourner de la tâche
que l’examinateur propose.
Pour toutes les épreuves posturales, un tapis ferme et adapté à la taille de la pièce
doit être prévu : tous les tapis ne se valent pas et l’idée est que le bébé soit sur
une surface suffisamment rigide pour faciliter ses changements de postures. Le
mobilier doit aussi inclure une table à hauteur adaptée, de préférence avec un
bord droit, afin de permettre à l’enfant de saisir facilement des objets qui lui seront
proposés sur cette table, en y laissant ses avant-bras reposer confortablement.
Pour que l’enfant soit confortablement assis et stable sans trop d’effort, l’idéal est
d’avoir une petite chaise avec des accoudoirs qui aident à l’équilibre. Les chaises
32 Les bases de la recherche
hautes ne sont pas adaptées dans la mesure où leurs tablettes n’ont pas une sur-
face assez grande pour certaines des épreuves (anneau à tirer par exemple). Pour
les plus petits, il peut être nécessaire d’avoir recours à l’aide du parent afin de
soutenir l’enfant en position assise, en veillant à ce que la position soit confor-
table pour l’enfant. La disposition du mobilier doit permettre au parent de rester
à proximité de son enfant, plutôt derrière ou de côté (pour permettre de faire
de la référenciation sociale) et lui permettre bien entendu d’être installé confor-
tablement, de manière à être détendu pendant qu’il vous observe avec son enfant
(fauteuil ou canapé bas).
Enfin, la disposition du mobilier devra permettre de passer facilement des
épreuves sur le tapis, pour les épreuves posturales, à la table, pour les épreuves de
coordination, tout en ayant sous la main le cahier d’examen pour l’examinateur
(attention, le stylo est souvent très attractif pour l’enfant et les notes prises le sont
pour le parent !).
En complément, l’espace d’accueil peut aussi prévoir la place pour un co-
examinateur ou pour un dispositif d’enregistrement vidéo ; dans ces deux cas, le
parent devra être prévenu et une autorisation de filmer à lui faire signer devra lui
être proposée le cas échéant.
Un espace bien pensé et fonctionnel est un prérequis indispensable pour une pas-
sation efficace, qui rassurera le parent et l’enfant.
Le déroulement
Le principe est de maximiser les conditions de passation afin que l’enfant puisse
exprimer au mieux ses compétences. Dès lors, avant même la passation, le pre-
mier point à considérer est l’heure du rendez-vous. La chronobiologie de l’enfant
(physiologie, moment de sieste ou de repas), ses rythmes de vie (organisation
sociale), les durée et moyen de transport pour venir (fatigue, stress, stimulations
visuelle, sonores, vestibulaires importantes, interruption d’une sieste, retard d’un
repas) sont des paramètres à prendre en compte autant que possible. Dans la
même logique, la passation doit être la plus courte possible afin de tenir compte
de la disponibilité attentionnelle de l’enfant et, au final, il y a peu de temps morts.
De son côté, l’examinateur doit être disponible et donc s’arranger pour ne pas être
perturbé par des événements extérieurs (téléphone, entrée de personne, etc.). La
passation requiert de gérer plusieurs tâches en même temps : les épreuves elles-
mêmes, ce qu’il doit observer et noter, le fait d’être attentif au comportement de
l’enfant et disponible au comportement voire aux questions du parent. Pour être
à l’aise, de nombreuses passations doivent être expérimentées !
La passation commence dès l’accueil de l’enfant et de son parent ; la réaction
à l’arrivée, la découverte d’un inconnu, d’un nouvel espace, tout cela est révéla-
teur de la curiosité de l’enfant et de son intérêt, de son développement social. La
réaction du parent a aussi son importance puisqu’elle donne des indications sur
Évaluer le développement du nourrisson : principes et pratiques 33
l’inverse, si le parent est coopérant, il peut être une source d’informations directes
et indirectes et lui, de son côté, peut bénéficier de découvrir les compétences
de son enfant. Ainsi, souvent, l’une des épreuves les plus surprenantes pour le
parent est l’item de la préhension de la pastille : à un âge où les enfants mettent
systématiquement à la bouche, les parents sont souvent étonnés de voir leur
enfant s’acharner et déployer toute son attention à attraper la pastille. Le parent
découvre souvent un niveau de concentration de l’enfant et une volonté de réus-
sir dont il n’avait pas pris conscience (ce qui n’exclut pas de rappeler une mise en
garde sur les petits objets, car une fois que l’enfant sait faire, il porte à la bouche
extrêmement rapidement).
La participation du parent est aussi importante pour les phases de questions car,
pour tous les items ne pouvant pas être réalisés en passation, il est nécessaire de
questionner le parent. La difficulté réside dans le fait que le parent comprenne
bien la question pour que l’examinateur cerne la compétence à évaluer. Ainsi, les
questions sur les vocalisations sont souvent comprises de différentes manières
par le parent et il ne faut pas hésiter à requestionner, à proposer au parent de
donner des exemples, à lui décrire des situations types, etc. Certaines questions
sociales peuvent aussi être pour le parent ambiguës dans leur formulation sur la
compétence à évaluer, par exemple la question relative à la participation active de
l’enfant au repas : le fait de manger seul un gâteau n’est pas considéré comme une
réussite à l’item ; il faut que l’enfant montre une volonté d’autonomie.
Enfin, il peut arriver que les deux parents soient présents, ou qu’un frère ou une
sœur n’ait pas pu être confié. Bien sûr, ces situations sont à éviter, mais l’exami-
nateur doit s’attendre à ce que cette situation se présente. Dans ces situations,
l’examinateur peut aussi s’appuyer sur une forme de participation du frère ou de la
sœur pour réaliser la passation. De même, le second parent présent peut complé-
ter les informations recueillies. Ici, l’examinateur doit pouvoir évaluer l’impact des
personnes présentes sur la qualité de la passation et savoir s’en arranger.
It was broad day when we emerged from the inclosure, and sound
was awakening along the wintry streets. London stood before me
rosy and refreshed, so that she looked no longer formidably
unapproachable as she had in her garb of black and many jewels. I
might have entered her yesterday with the proverbial half-crown, so
easily was my lot to fall in accommodating places.
Duke Straw, whom I was henceforth to call my friend, conducted
me by a township of intricate streets to the shop of a law stationer, in
a petty way of business, which stood close by Clare market and
abutted on Lincoln’s Inn Fields. Here he had a little bedroom,
furnished with a cheap, oil-cooking stove, whereon he heated his
coffee and grilled his bacon.
Simon Cringle, the proprietor of the shop, was taking his shutters
down as we walked up. He was a little, spare man, with a vanity of
insignificance. His iron-gray hair fell in short, well-greased ringlets
and his thin beard in a couple more, that hung loose like dangled
wood shavings; his coiled mustaches reminded one of watch
springs; his very eyebrows, like bees’ legs, were humped in the
middle and twisted up into fine claws at the tips. Duke, in his search
for lodging and experience, had no sooner seen this curiosity than
he closed with him.
He gave my companion a grandiloquent “Good-morning.”
“Up with the lark, Mr. Straw,” said he, “and I hope, sir, with success
in the matter of getting the first worm?” Here he looked hard at me.
“He found me too much of a mouthful,” said I; “so he brought me
home for breakfast.”
Duke laughed.
“Come and be grilled,” said he. “Anyhow they roast malt-worms in
a place spoken of by Falstaff.”
We had a good, merry meal. I should not have thought it possible
my heart could have lightened so. But there was a fascinating
individuality about my companion that, I am afraid, I have but poorly
suggested. He gave me glimmerings of life in a higher plane than
that which had been habitual to me. No doubt his code of morals
was eccentric and here and there faulty. His manner of looking at
things was, however, so healthy, his breezy philosophy so infectious,
that I could not help but catch some of his complaint—which was,
like that of the nightingale, musical.
Perhaps, had I met him by chance six months ago, my
undeveloped soul would have resented his easy familiarity with a
cubbish snarl or two. Now my receptives were awakened; my armor
of self-sufficiency eaten to rags with rust; my heart plaintive for
communion with some larger influence that would recognize and not
abhor.
At 8:45 he haled me off to the office, which stood a brief distance
away, in a thoroughfare called Great Queen street. Here he left me
awhile, bidding me walk up and down and observe life until his chief
should arrive, which he was due to do at the half-hour.
I thought it a dull street after some I had seen, but there were
many old book and curiosity shops in it that aroused my interest.
While I was looking into one of them I heard Duke call.
“Here,” he said, when I reached him; “answer out and I think
Ripley will give you work. I’m rather a favorite with him—that’s the
truth.”
He led me into a low-browed room, with a counter. Great bales of
print and paper went up to the ceiling at the back, and the floor
rumbled with the clank of subterranean machinery. One or two clerks
were about and wedged into a corner of the room was a sort of
glazed and wooden crate of comfortable proportions, which was, in
fact, the chapel of ease of the minister of the place.
Into this den Duke conducted me with ceremony, and, retreating
himself, left me almost tumbling over a bald-headed man, with a
matted black beard, on which a protruding red upper lip lay like a
splash of blood, who sat at a desk writing.
“Shut the door,” he said, without looking up.
“It is shut, sir.”
He trailed a glance at me, as if in scrutiny, but I soon saw he could
only have been balancing some phrase, for he dived again and went
on writing.
Presently he said, very politely, indeed, and still intent on his
paper: “Are you a cadet of the noble family of Kinsale, sir?”
“No, sir,” I answered, in surprise.
“You haven’t the right to remain covered in the presence of the
king?”
“No, sir.”
“Well, I’m king here. What the blazes do you mean by standing in
a private room with your hat on?”
I plucked it off, tingling.
“I’m sorry,” I said. “Mr. Straw brought me in so suddenly, I lost my
head and my cap went with it, I suppose. But I see it’s not the only
thing one may lose here, including tempers!” And with that I turned
on my heel and was about to beat a retreat, fuming.
“Come back!” shouted Mr. Ripley. “If you go now, you go for good!”
I hesitated; the memory of my late comrade restored my
equilibrium.
“I didn’t mean to be rude, sir,” I said. “I shall be grateful to you if
you will give me work.”
He had condescended to turn now, and was looking full at me with
frowning eyes, but with no sign of anger on his face.
“Well, you can speak out,” he said. “How do you come to know
Straw?”
“I met him by chance and we got talking together.”
“How long have you been in London?”
“Since yesterday evening.”
“Why did you leave Winton?”
“To get work.”
“Have you brought a character with you?”
Here was a question to ask a Trender! But I answered, “No, I
never thought of it,” with perfect truth.
“What can you do?”
“Anything I’m told, sir.”
“That’s a compromising statement, my friend. Can you read and
write?”
“Yes, of course.”
“Anything else?”
“Nothing.”
“Nothing? Don’t you know anything now about the habits of birds
and beasts and fishes?”
“Oh, yes! I could tell you a heap about that.”
“Could you? Very well; I’ll give you a trial. I take you on Straw’s
recommendation. His opinion, I tell you, I value more than a score of
written characters in a case like this. You’ve to make yourself useful
in fifty different ways.”
I assented, with a light heart, and he took me at my word and the
further bargain was completed. My wages were small at first, of
course; but, with what I had in hand, they would keep me going no
doubt till I could prove myself worth more to my employer.
In this manner I became one of Ripley’s hands and later on myself
a pamphleteer in a small way. I wrote to my father that evening and
briefly acquainted him of my good fortune.
For some months my work was of a heterogeneous description.
Ripley was legitimately a job printer, on rather a large scale, and a
bookbinder. To these, however, he added a little venturesomeness in
publishing on his own account, as also a considerable itch for
scribbling. Becoming at a hint a virulent partisan in any extremist
cause whatsoever, it will be no matter for wonder that his private
room was much the resort of levelers, progressives and abolitionists
of every creed and complexion. There furious malcontents against
systems they were the first to profit by met to talk and never to listen.
There fanatical propagandists, eager to fly on the rudimentary wing
stumps of first principles, fluttered into print and came flapping to the
ground at the third line. There, I verily believe, plots were laid that
would presently have leveled powers and potentates to the ground at
a nod, had any of the conspirators ever possessed the patience to sit
on them till hatched. This, however, they never did. All their fiery
periphrastics smoked off into the soot of print and in due course
lumbered the office with piles of unmarketable drivel.
Mr. Ripley had, however, other strings to his bow, or he would not
have prospered. He did a good business in bookselling and was
even now and again successful in the more conventional publishing
line. In this connection I chanced to be of some service to him, to
which circumstance I owed a considerable improvement in my
position after I had been with him getting on a year. He had long
contemplated, and at length begun to work upon, a series of
handbooks on British birds and insects, dealt with county by county.
In the compilation of these much research was necessary, wherein I
proved myself a useful and painstaking coadjutor. In addition,
however, my own knowledge of the subject was fairly extensive as
regarded Hampshire, which county, and especially that part of it
about Winton, is rich in lepidoptera of a rare order. I may say I fairly
earned the praise he bestowed upon me, which was tinged, perhaps,
with a trifle of jealousy on his part, due to the fact that the section I
touched proved to be undoubtedly the most popular of the series, as
judged subsequently by returns.
Not to push on too fast, however, I must hark back to the day of
my engagement, which was marked by my introduction to one who
eventually exercised a considerable influence over my destinies.
During the course of that first morning Mr. Ripley sent me for some
copies of a pamphlet that were in order of sewing down below. By
his direction I descended a spiral staircase of iron and found myself
in the composing-room. At a heavy iron-sheeted table stood my new-
found friend, who was, despite his youth, the valued foreman of this
department. He hailed me with glee and asked: “What success?”
“All right, thanks to you,” I said; “and where may the bookbinding
place be and Dolly Mellison?”
“Oh, you’re for there, are you?” he said, with I thought a rather
curious look at me, and he pointed to a side door.
Passing through this I found myself in a long room, flanked to the
left with many machines and to the right with a row of girls who were
classifying, folding or sewing the sheets of print recent from the
press.
“I’m to ask for Dolly Mellison,” I said, addressing the girl at my end
of the row.
“Well, you won’t have far to go,” she said. “I’m her.”
She was a pretty, slim lily of a thing, lithe and pale, with large gray
eyes and coiled hair like a rope of sun-burned barleystraw, and her
fingers petted her task as if that were so much hat-trimming.
“I’m sent by Mr. Ripley for copies of a pamphlet on ‘The
Supineness of Theologicians,’” I said.
“I’m at work on it,” she answered. “Wait a bit till I’ve finished the
dozen.”
She glanced at me now and again without pausing in her work.
“You’re from the country, aren’t you?”
“Yes. How do you know?”
“A little bird told me. What gave you those red cheeks?”
“The sight of you,” I said. I was growing up.
“I’m nothing to be ashamed of, am I?” she asked, with a pert
laugh.
“You ought to be of yourself,” I said, “for taking my heart by storm
in that fashion.”
“Go along!” she cried, with a jerk of her elbow. “None of your
gammon! I’m not to be caught by chaff.”
“It wasn’t chaff, Dolly, though I may be a man of straw. Is that what
you meant?”
“You’re pretty free, upon my word. Who told you you might call me
by my name?”
“Why, you wouldn’t have me call you by any one else’s? It’s pretty
enough, even for you.”
“Oh, go away with you!” she cried. “I won’t listen.”
At that moment Duke put his head in at the door.
“The governor’s calling for you,” he said. “Hurry up.”
“Well, they’re ready,” said the girl—“here,” and she thrust the
packet into my hands, with a little blushing half-impudent look at me.
I forgot all about her in a few minutes. My heart was too full of one
only other girlish figure to find room in itself for a rival. What was Zyp
doing now?—the wonderful fairy child, whose phantom presence
haunted all my dreams for good and evil.
As I walked from the office with Duke Straw that afternoon—for, as
it was Saturday, we left early—a silence fell between us till we
neared Cringle’s shop. Then, standing outside, he suddenly stayed
me and looked in my face.
“Shall I hate or love you?” he said, with his mouth set grimly.
He made a gesture toward his deformed lower limbs with his
hands, and shrugged his shoulders.
“No,” he said; “what must be, must. I’ll love you!”
There was a curious, defiant sadness in his tone, but it was gone
directly. I could only stare at him in wonder.
“You’re to be my house-fellow and chum,” he said. “No, don’t
protest; I’ve settled it. We’ll arrange the rest with Cringle.”
And so I slept in a bed in London for the first time.
But the noise of a water wheel roared in my ears all night.
CHAPTER XV.
SWEET, POOR DOLLY.