Niang
Niang
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Titre du mémoire:
Soutenu par:
NIANG Cheikh Tijani
CIP Promotion Louis Pasteur (2017-2018)
Juin 2018
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Remerciements
3
4
Sommaire
Plan
Introduction
Conclusion
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6
Introduction
La Mauritanie est indépendante depuis le 28 novembre 1960. Étant une ancienne colonie de la
France, son système administratif est une copie parfaite de l’organisation administrative de la
République française caractérisée par un État unitaire décentralisé.
La Mauritanie se situe entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest, cette position géographique a eu
aussi des répercussions sur la composition sociologique de la population du pays.
Au lendemain de l’indépendance, les autorités du pays sont séduites par l’organisation
administrative de l’ancienne puissance coloniale qui se repose sur un l’État unitaire centralisé.
Les autorités de l’époque cherchaient à asseoir un État unitaire fort garant de l’unité nationale.
Conformément au schéma français, on ne peut alors concevoir l’unité nationale sans le passage
obligé par la centralisation. Cela s’est également justifié par la lutte que les nouvelles autorités
menaient contre le tribalisme qui constituait un frein pour l’établissement d’une nation. Le
système basé sur un État unitaire devient alors un moyen pour éviter tout éclatement éventuel
entre les tribus. Enfin, il y avait un déficit de moyens humains et financiers important d’une part,
et les menaces extérieures des voisins qui pesaient sur la nouvelle République islamique de
Mauritanie. Tous ces facteurs combinés ne permettaient pas de chercher une nouvelle
organisation administrative.
Les autorités de l’époque ont donc fait le choix d’un État unitaire jacobin qui n’accordait aucune
importance à l’expression des libertés locales. Pourtant, même si l’idée fondamentale était de
maintenir un État unitaire centralisé, la Mauritanie va progressivement faire le choix d’amorcer
une nouvelle organisation de l’administration qui est identifiée comme la décentralisation. Timide
à ses débuts, le processus engagé s’inscrit désormais dans un nouvel élan sociologique et
démocratique, fortement ressenti depuis la période de transition et qui s’est massivement exprimé
lors des élections de 2007. En Mauritanie, le processus de la décentralisation est aujourd’hui
fortement lié à la démocratisation du système politique et la mise ne place de politiques de
développement local utiles aux populations. Mais cela n’a pas toujours été le cas.
Ce mémoire a comme finalité d’abord de faire un diagnostic objectif et cohérent des acquis de la
décentralisation enclenchée depuis le début des indépendances à nos jours, et ensuite d’analyser
quels sont les obstacles à ce processus pour le développement local en Mauritanie.
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Il existe une multitude de définitions du concept de décentralisation qui aboutissent toutes à l’idée
de démembrement de l’État sous une forme technique (établissement public) ou territoriale
(collectivité territoriale ou locale). Il s’agit donc pour l’État de créer des entités auxquelles il
attribue des prérogatives de puissance publique et transfère des ressources. Ces entités complètent
l’action de l’État dont elles sont en quelque sorte les concurrentes. Le principal enjeu de la
décentralisation réside dans ce conflit potentiel entre les personnes publiques territoriales que les
juridictions administratives sont appelées parfois à résoudre avec difficulté, même dans un pays
avancé comme la France.
Il est vrai que l’autonomie (principe fondamental en matière de démocratie locale) ne veut pas
dire l’absence de tout contrôle.
La décentralisation est définie comme étant un processus d’aménagement de l’État unitaire qui
consiste à transférer des compétences administratives vers des entités ou collectivités locales
distinctes de lui.
Introduite en Mauritanie en plusieurs étapes, la décentralisation s’est résumée le plus souvent à
une décongestion administrative avec un pouvoir central contrôlant l’essentiel du jeu, loin du
principal centre de décision qu’est resté Nouakchott la capitale du pays.
Les investissements consentis ont été importants. Les fonds mobilisés sont considérables, qu’ils
viennent de l’État ou des partenaires du pays.
Le dialogue national lancé fin septembre 2016 par le gouvernement a retenu plusieurs réformes
institutionnelles dont la création de la région comme entité décentralisée à travers un conseil
régional. Il faut rappeler que la décentralisation est soutenue par une volonté politique qui se
traduit en déclarations et actes.
En effet, le lancement de la stratégie nationale de la décentralisation et du développement local le
19/03/2018 par le ministre de l’intérieur et de la décentralisation, a réitéré l’engagement du
gouvernement en faveur de la décentralisation dans le pays. Cette décentralisation s’inscrit
désormais dans la mise en œuvre des axes stratégiques pour la déclaration de la politique de
décentralisation et de développement local approuvée par le gouvernement en 2010.
Pour mieux cerner cette question de la décentralisation en Mauritanie, notre réflexion portera
d’abord sur la décentralisation, un processus porté par la réelle volonté politique de maintenir la
cohésion sociale sur le territoire (Titre 1), ensuite, la décentration, un processus qui rencontre des
obstacles (Titre 2).
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9
Titre 1: La décentralisation, un processus porté par
une réelle volonté politique de maintenir la cohésion
sociale sur le territoire national
10
Dans ce titre1 de notre étude, nous allons voir d’abord l’héritage historique de la décentralisation
en Mauritanie en chapitre 1, ensuite le poids de l’État sur les collectivités locales en chapitre 2.
1
Les cinq premiers cercles sont ceux d’Adrar, du Trarza, du Brakna, du Gorgol et du Tagant. Viennent ensuite ceux
du Guidimakha, de l’Assaba, du Hodh occidental ( qui dependaient du Mali) et de Triz Zemmour.
2
La fraction est une subdivision de la tribu.
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commission administrative du village, suivant les règles coutumières, et validé par le
commandement colonial. Le canton est le regroupement de villages. Son chef, nommé par le
gouverneur de la colonie et rémunéré par un solde fixe, contrôle l’activité des chefs de villages et
assure l’exécution des ordres de l’autorité administrative. Il est assisté d’une commission
cantonale. Les chefs de quartiers sont reconnus dans les centres urbains érigés en communes. Ils
assurent en milieu urbain, les attributions habituellement dévolues aux chefs de villages. Ils sont
assistés de conseils de quartiers.
Enfin, sur le modèle de l’organisation des communes de l’Afrique occidentale française (A.O.F)
tel qu’il résultait du décret du 14 décembre 1920, des communes mixtes sont érigées : celles
d’Atar, de Kaédi et de Rosso, en 1953, puis de Boghé, en 1955. Le régime administratif de ses
communes était mixte dans la mesure où leur direction était partagée entre un résident,
représentant le pouvoir colonial et un maire délégué, nommé par arrêté du chef du territoire de la
colonie. Une commission municipale, désignée par la même autorité sur proposition d’une liste
de notables établie par l’administrateur de la circonscription, disposait d’un simple avis
consultatif. Bien que ses communes disposent alors d’un patrimoine et d’un budget, on ne peut
considérer qu’il s’agisse là d’une expérience, même limitée de la décentralisation, dans la mesure
où les instances dirigeantes sont dépourvues de tout caractère représentatif. Ici encore la nécessite
plus que la volonté sincère d’association avec les forces locales ou plus encore la considération
d’intérêts locaux, dictait la solution administrative.
Néanmoins, les maires de ces localités étaient particulièrement respectés et considérés. La mairie
était en fait confiée à ceux qui jouissaient déjà, localement, d’une forte légitimité (comme chef de
tribu par exemple). En pratique, le maire disposait un réel pouvoir, sans rencontrer de véritables
oppositions de la part de ceux qui lui étaient hiérarchiquement supérieurs, que soit résident ou
gouverneur. Toutefois, le maire se comportait à l’instar d’un pouvoir traditionnel. L’intérêt
général qu’il défendait résultait de l’équilibre des forces et des tensions entre les divers intérêts
particuliers en présence. La notion de développement local, au sens où on l’entend aujourd’hui,
était absente de ses préoccupations.
L’expérience communale, tardive et éphémère, et surtout menée sans conviction et sur une
portion de territoire réduite aux agglomérations n’a donné que des conséquences minimes sur les
populations.
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Section 2: L’indépendance ouvre la voie à la communalisation et à la
régionalisation
L’indépendance est proclamée en 1960, c’est la fin d’une domination d’une soixantaine d’années,
le bilan de la colonisation est mitigé. La nouvelle République connaît alors un dénuement sans
équivalent en matière d’infrastructures. L’administration coloniale, exclusivement conduite dans
un esprit sécuritaire a laissé intactes les traditions nomades rétives à l’État central et unitaire. Elle
s’est peu préoccupée de former les administrateurs indigènes, qu’elle utilisait essentiellement
comme truchement de sa politique de domination. Ce qui fera dire au premier Président de la
République mauritanienne lors du deuxième anniversaire de l’indépendance:«La Mauritanie n’a
pratiquement pas connu la colonisation, n’en a pas subit les méfaits, mais elle n’en ignore aussi
les bienfaits 3».
Concernant l’administration, la tradition mêlée à l’héritage colonial confirme l’idée d’un
administrateur local puissant. L’idée d’une représentation des populations, pourtant présente dans
les formes traditionnelles de l’organisation sociale mauritanienne, est occultée au profit de la
consécration d’un pouvoir personnalisé.
Divisée en cercle par l’administration coloniale, la Mauritanie indépendante en 1960 met fin à ce
système. La jeune république entreprend sa première réforme administrative de 1968 par la loi
n°68-242 du 30 juillet 1968.
Cette réforme distingue trois catégories de communes qui sont les communes urbaines, rurales et
les communes pilotes.
3
Archives nationales, Série présidence
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décentralisation. Mais bien qu’ils soient élus, les maires entretiennent avec les autorités
administratives un lien très étroit qui ressemble plus à la subordination qu’une collaboration.
4
Mohamed O Saleck: l’expérience mauritanienne de la décentralisation, Université de Nouakchott (ENA) fondation
Hans Seidel, colloque national 11/05/2004
14
fait recours fréquemment aux délégations spéciales organisées sur le principe de la nomination
des autorités communales par l’autorité administrative. Ainsi, les communes évoluent toutes vers
un régime unique, celui des communes de plein exercice.
L’échec de la communalisation engagée pousse les autorités administratives de l’époque à
explorer d’autres pistes comme la régionalisation.
La loi n°68-242 du 30 juillet 1968 est venue corriger les erreurs de l’expérience communale
précédente. Les mesures visent donc toujours à favoriser l’unité nationale, tout en veillant à
limiter l’influence des pouvoirs traditionnels qui ont largement influencé les communes.
Le pays veut également expérimenter la décentralisation au niveau régional qui semble être
viable économiquement. En espérant remédier à la faiblesse de certaines communes en
mutualisant au niveau de la région l’ensemble des ressources des communes. La région est donc
appelée à devenir le moteur du développement des communes notamment à travers une
planification de toutes leurs actions et un relais du pouvoir central. On constate cependant que la
réforme fait coïncider avec la région comme circonscription administrative avec les structures du
parti unique (parti du peuple mauritanien).
La nouvelle réforme n’a pas comme objectif de créer un nouvel échelon de la décentralisation,
mais de renforcer un échelon administratif qui sera un relais pour le pouvoir central. Le besoin
d’encadrement et la formation des populations restent une priorité pour l’État qui cherche à
asseoir son pouvoir, encore fragilisé par des menaces au niveau intérieur par des mouvements qui
revendiquent une certaine dissociation, et à l’extérieur par les pays voisins. Cette situation pousse
les autorités à opter pour une centralisation forte du pouvoir qui se traduit par une
décentralisation purement formelle.
En revanche, cet encadrement de la population à la base par les structures du Parti-État a permit
l’émergence d’une élite locale moderne dont l’absence dans le paysage politique mauritanien se
faisait sentir dès la première expérience de la communalisation. En effet, les structures du parti-
État pouvaient certes jouer un rôle important d’encadrement et de formation des citoyens, mais
elles ne pouvaient pas remplacer les communes dans leurs missions de développement social et
économique par faute de moyens et un manque cruel de programme et de vision.
La réforme de 1968 se traduit enfin par la suppression des communes rurales au profit des
cellules de base et de chefferies traditionnelles. Au terme de la loi, les cellules administratives de
base sont, les villages en milieu sédentaire et les campements en milieu nomade. Les chefferies
traditionnelles ont été investies de petits pouvoirs tels que la conciliation ou la médiation et la
collecte des impôts locaux. Ces pouvoirs occultes qu’ils possédaient leur rendaient davantage
15
plus importants du fait de leurs personnalités. Ce schéma administratif est supprimé par
l’ordonnance n°79-026 du 20 février 1979 portant organisation des régions et le district de
Nouakchott qui renforce la déconcentration du pouvoir central par la création du conseil
consultatif au niveau des régions (wilayas), les départements (Moughataa) et les arrondissements.
Cette réforme, contrairement à l’expérience précédente, privilégie l’uniformité statutaire, qu’elle
tient comme un meilleur vecteur de l’unité nationale. La représentation des intérêts locaux est
marginale. La régionalisation, nous l’avons dit procède bien plus d’une logique de réorganisation
de l’action étatique que d’une volonté d’élargir l’autonomie de l’échelon régional.
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Cet élan est rompu par le coup d’État de 2008. Le ministère de la décentralisation et de
l’aménagement du territoire est dissous. Le retour de l’ordre constitutionnel en 2009 arrive avec
des signes encourageants pour relancer le processus de la décentralisation.
D’un côté, le conseil des Ministres du 22 avril 2010 signe une déclaration de politique de
décentralisation et de développement local qui réaffirme son engagement en matière de la
décentralisation, de l’autre côté le ministère de l’intérieur et de la décentralisation publie son plan
d’action 2011-2015 concernant l’appui à la mise en œuvre de la décentralisation.
Le nouveau programme de la décentralisation et du développement local et la démocratie
participative occupe une partie intégrante du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP).
Ce programme sert de référence pour l’État et aux partenaires techniques pour toutes les
questions liées au développement du pays. La direction générale des collectivités locales du
ministère de l’intérieur et de la décentralisation apporte un appui technique et financier et une
bonne animation de la politique de la décentralisation. Le ministère de l’intérieur et de la
décentralisation assure la tutelle notamment le contrôle de légalité à travers les autorités
administratives déconcentrées.
Le thème de la décentralisation est depuis lors régulièrement repris et développé dans diverses
déclarations de politiques générales. L’organisation des derniers états généraux de la démocratie,
du 27 décembre au 5 janvier 20095 est une parfaite illustration de cette volonté politique. Pendant
ces journées de concertation, une importance capitale a été accordée aux enjeux de la
décentralisation en Mauritanie. C’est lors de ces journées que le Premier ministre avait présenté
le code des collectivités territoriales pour mieux accompagner le processus de la décentralisation
entamée depuis plusieurs années. Un nouvel essor de la décentralisation est né après le coup
d’État de 2005, ce nouvel élan se traduit par un mécanisme innovant entre le pouvoir,
l’opposition et la société civile qui a conduit à la concrétisation du processus de la
décentralisation, qui a pris progressivement une place plus autonome. Cette nouvelle impulsion
s’est concrétisée en deux éléments majeurs, d’abord l’institution au sein du ministère de
l’intérieur et de la décentralisation d’une direction générale des collectivités locales, ensuite le
démarrage du programme européen d’appui à la décentralisation en Mauritanie (PERICLES)6.
Ces éléments sont porteurs d’innovation et permettront d’apporter de nouveaux changements
quant au pilotage et à l’organisation du processus de décentralisation, dont les enjeux demeurent
plus que jamais de taille. En effet, c’est dans cette volonté du gouvernement de renforcer la
décentralisation que la Mauritanie a franchie une nouvelle étape après le référendum.
5
Voir livre blanc de la décentralisation en Mauritanie P 29
6
Programme européen de renforcement des collectivités locales et de leurs services, financé par la coopération
allemande, espagnole et française et la commission européenne dans le cadre du 9e FED. Voir ce site:
www.pmd.mr/pages/fr/article?idTopic=59CE2773-550A-8054-014F
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L’Assemblée nationale a examiné et adopté la loi organique dont l’objectif est de matérialiser les
conseils régionaux, au cours d’une séance plénière. Ce nouveau découpage divise le pays en
quatre régions administratives. La première regroupe les deux Hodhs (Est), la deuxième l’Assaba,
le Tagant et le Guidimakha (Centre), le troisième le Gorgol, le Brakna et le Trarza (région du
fleuve) et enfin la quatrième région regroupe le Tiris Zemmour, l’Adrar et l’Inchiri (Nord).
Cette nouvelle loi organique fixe les conditions de gestion des affaires de cette collectivité
territoriale, les compétences propres de la région, les compétences transférées de l’État, les règles
d’organisation et de fonctionnement des organes locaux, les conditions d’éligibilité et de
candidature des futurs membres du conseil régional, le régime financier de la région, l’origine des
ressources financières et les statuts financiers des régions Nouakchott et Nouadhibou. Cette
nouvelle région est créée sous la forme d’une collectivité locale territoriale administrée par les
organes élus au suffrage universel direct. Les limites territoriales de la région coïncident avec
celles de la circonscription administrative de la Wilaya. La région a pour mission de promouvoir
le développement économique, social, culturel et scientifique dans son ressort territorial, dans le
respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des autres collectivités territoriales. La
région est administrée par deux organes, un organe délibérant (le conseil régional) élu au suffrage
universel direct pour un mandat de cinq ans et un organe exécutif composé d’un président élu au
suffrage universel direct et de plusieurs vice-présidents en fonction du nombre de conseillers
régionaux élus par leurs pairs.
Les actes de la région sont soumis à l’approbation de la tutelle de l’État exercé par le ministre de
l’intérieur et de la décentralisation et le ministre en charge des finances.
La région est dotée de larges compétences dans des domaines multiples, les plus importantes que
l’on puisse consentir dans le cas d’une expérience qui fait ses premiers pas, d’autant plus que ces
compétences seront constamment renforcées à l’avenir.
La tutelle dispose d’un pouvoir de dissoudre un conseil régional, ou destituer son président en cas
d’atteinte à la loi. Les ressources de la région englobent les allocations destinées à couvrir les
dépenses de fonctionnement, allouées en vertu de la loi des finances, les taxes domaniales, et les
résultats de l’exploitation du patrimoine domanial, ainsi que les coûts des services rendus, en plus
d’autres ressources comme les dons, les fonds d’appui ou des prêts.
Il existe un statut particulier pour les régions de Nouakchott et Nouadhibou:
La loi organique sur les conseils régionaux confère un statut particulier à Nouakchott et à
Nouadhibou, les deux plus grandes villes du pays.
Ainsi, l’agglomération de la capitale politique, Nouakchott, est érigée en une collectivité
territoriale régionale, avec la suppression de la communauté urbaine de Nouakchott(CUN) dont le
patrimoine et les ressources seront transférés à la nouvelle région de Nouakchott. Les communes
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(au nombre de 9) vont conserver leurs statuts.
Au niveau de la Wilaya de Dakhlet Nouadhibou, il est créé une collectivité territoriale du même
nom. Elle n’exerce, dans les limites territoriales de la Zone franche de Nouadhibou (ZFN), que
les compétences dans les domaines suivants: l’environnement, la gestion des ressources naturelles,
l’éducation et la formation professionnelle, l’alphabétisation, la santé et l’action sociale, la
jeunesse, les sports et les loisirs.
En Mauritanie, jusque-là, la décentralisation était réduite à sa simple expression, une
décongestion administrative avec un pouvoir central refusant de limiter sa mainmise sur des
territoires sur lesquels les populations n’ont aucun droit de regard.
L’État est très soucieux d’exercer un contrôle sur ses démembrements, sur lesquels pèsent des
velléités supposées ou réelles d’indépendance. Ce contrôle s’exerce à travers un droit positif des
collectivités locales (ordonnance sur les communes). Mais il s’exerce surtout à travers
l’institution de la tutelle. Cette tutelle a une connotation peu flatteuse pour l’entité décentralisée
ainsi infantilisée et perçue comme un être mineur qu’est une modalité à travers laquelle la
commune est étroitement contrôlée par l’État à travers ses représentants. Cette tutelle se définit
« comme l’ensemble des procédés d’approbation, d’annulation, de substitution, de suspension ou
de révocation que le pouvoir central ou ses représentants territoriaux s’arrogent pour faire valoir
l’intérêt général7».
C’est au titre de cette tutelle qu’en Mauritanie, le Ministre en charge de la décentralisation peut
dissoudre un conseil municipal par décret pris en conseil des ministres sans avoir besoin de le
justifier. En plus de la tutelle qui s’exerce sur les actes et les délibérations du conseil municipal,
ce contrôle de l’autorité administrative est a priori, il dispose d’un délai de 45 jours pour notifier
sa décision.
Le diagnostic a montré le caractère incomplet de la décentralisation, en dépit des efforts
substantiels et visibles produit par l’État mauritanien au cours des dernières décennies. Certes le
déficit de moyens, qui touche pratiquement l’ensemble des secteurs de l’économie du pays,
constitue un obstacle majeur pour le développement de la décentralisation. C’est un fait important
7
Yahya O/ Kebd, Nouakchott, entre la déconcentration et la décentralisation, des origines à nos jours.
These de Doctorat, Droit public, Univ. Marseille III, 2001
19
qu’il ne faut pas négliger et dont on sait d’ores et déjà, qu’il impose de longs délais de résolution.
Mais on se tromperait en s’en tenant à cette explication factuelle. Les moyens mis en œuvre ne
sont rien sans une réelle volonté politique qui les subordonnent et tous les efforts faits en la
matière resteront vains, tant que la volonté politique qui les soutient n’est pas clairement
déterminée. Cette volonté existe, elle est officiellement exprimée dans les déclarations de
politiques générales. Elle prend forme dans des textes réglementaires tendant à établir la
décentralisation et dans les institutions centrales et locales destinées à la soutenir. L’État
mauritanien n’a pas cessé d’appuyer les services transférés, notamment dans les domaines de
l’éducation et de la santé. Pourtant, eu égard aux résultats recueillis, cette volonté est parfois mise
en doute. L’incapacité des communes à prendre en charge les compétences transférées reste un
problème majeur d’une part et, d’autre part l’État est accusé d’utiliser son pouvoir afin de se
décharger des services qu’il ne serait pas lui-même en mesure de rendre, ou encore de conserver
en fait, les compétences qui lui sont dévolues en droit.
Pour asseoir sa mainmise sur les communes, l’État a adopté un découpage territorial mieux
adapté aux exigences de la décentralisation.
La déconcentration repose initialement sur une considération pratique et politique qui consiste à
rapprocher le pouvoir central des administrés en plaçant, dans les circonscriptions territoriales,
des relais de l’État. Le système induit donc le maintien d’un lien étroit entre le pouvoir central
qu’ils représentent et les communes.
Pour mieux scinder cette question de la déconcentration en Mauritanie, nous allons voir ces relais
de l’administration centrale qui sont la wilaya (section 1), ensuite la Moughataa (section2) et
enfin le dernier échelon de l’administration déconcentrée qu’est l’arrondissement (section 3).
Section3: L’arrondissement
Les arrondissements furent créés au sein de certains départements, sur le principe du poste
administratif de l’époque coloniale. Bien que l'Ordonnance n° 90-002 du 30 janvier 1990 portant
organisation de l'administration territoriale les ait supprimés de facto, le texte est resté lettre
21
morte faute de décret d’application et les arrondissements, aujourd’hui 33, continuent de
fonctionner. Ces entités administratives sont dirigées par un chef d’arrondissement nommé sur
proposition du ministre de l’intérieur par décret pris en conseil des ministres suivant la même
forme que le Wali et le Préfet sont nommés.
22
Titre 2 : La décentralisation, un processus qui
rencontre des obstacles
23
Dans cette partie de notre analyse, nous allons voir les facteurs de blocage qui empêchent ce
processus de la décentralisation voulu par les pouvoirs publics d’atteindre les résultats escomptés.
La décentralisation telle qu’elle est aujourd’hui adoptée et mise en œuvre par l’État mauritanien
est une nouveauté. Elle nécessite un renouvellement en profondeur des pratiques politiques et
administratives et exige un organe de conception et de pilotage, pour le donner une impulsion, la
diriger, la conduire et la garantir. Créé en 2007, le Ministère de la décentralisation et de
l’aménagement du territoire avait pour mission de concevoir, coordonner, promouvoir et assurer
le suivi de la mise en œuvre de la politique du Gouvernement dans le domaine de la
décentralisation et de l’aménagement du territoire. Malgré sa durée éphémère, l’expérience a été
riche d’enseignements. La création de ce ministère a été très bien accueillie par les Maires, qui y
ont vu une marque de reconnaissance, mais aussi un soutien. Bénéficiant d’un interlocuteur
privilégié, les communes se sont senties plus écoutées et mieux accompagnées. En ce sens, un
ministère exclusivement dédié à la décentralisation a constitué un facteur de dynamisme pour les
communes. Bien perçu par la base, ce ministère a, en revanche, durant sa courte existence,
souffert en haut lieu d’un manque de légitimité. Dotée d’un ministère, la décentralisation pouvait
alors être considérée comme un département sectoriel, à l’instar de l’éducation ou de la santé,
alors que tout au contraire, il s’agit d’une option de politique générale qui subordonne l’ensemble
des politiques sectorielles.
La volonté de l’État doit se refléter dans une réforme institutionnelle. Or, face à la difficulté de sa
mise en œuvre, la décentralisation avance lentement malgré les réformes ponctuelles imposées
par les circonstances.
L’État a reconnu par la loi des compétences propres à la commune. Mais au moment de
l’exercice ces compétences n’ont pas été transférées aux communes. Ces compétences sont
restées entre les mains de départements ministériels sectoriels des collectivités territoriales ainsi
créées. Par exemple l’ordonnance 87.289 du 20 octobre 1987 reconnaît aux communes :
– l’entretien et la construction des bâtiments scolaires,
– L’entretien d’équipement, et la construction des centres de santé.
9
Article 2 de l’ordonnance 87-289.
25
➢ Les équipements sportifs et culturels communaux ;
➢ Les parcs et jardins ;
➢ Les cimetières ;
➢ L’assistance aux indigènes.
De plus, cette ordonnance précise que cette liste peut être revue à la baisse comme à la hausse en
laissant entendre que cette dernière n’est pas exhaustive. Le transfert de compétences apparaît
alors comme une faculté laissée aux communes plus qu’une obligation. La loi, en revanche,
semble souligner que l’État n’assume plus la responsabilité entière des services publics qui sont
expressément cités dans ses articles. Ce qu’il ne faut pas comprendre comme un désengagement,
dans la mesure où la gestion de certains services requiert un partenariat entre la commune, l’État
et parfois même les associations d’usagers. C’est en fait une convention conclue entre les
autorités publiques concernées, c’est-à-dire l’État ou la région, et le maire qui détermine les biens
et les services transférés10.
La loi opère bien la distinction entre les compétences transférées et les modalités du transfert. Les
premières sont du domaine de la loi, seules les secondes relèvent d’une convention. Laisser à une
convention le soin de régler les modalités pratiques du transfert de compétences s’entend dans la
mesure où chaque commune se trouve dans un cas particulier, que la loi ne saurait préalablement
régler. Dans certaines communes, le transfert de certains biens ou services ne s’opérera pas, tout
simplement parce que ces biens ou services n’existent pas dans la commune. Il importe, pour une
rigoureuse application de la loi de renvoyer ces détails à une convention entre les partenaires.
Toutefois, sans précaution particulière, ce système comporte des risques. D’une part, et ce n’est
pas une spéculation puisque le risque s’est avéré en pratique. Il peut arriver que faute de signer la
convention, le transfert ne s’opère pas juridiquement, même s’il existe dans les faits.
Les secours de l’État aux communes sont en hausse, mais cette augmentation n’est pas à la
hauteur de l’accroissement des charges communales suscitées par la décentralisation.
De l’avis général, unanimement exprimé, on a en Mauritanie, décentralisé les compétences sans
décentraliser les ressources. Le transfert se repose sur un principe simple, dont la réalisation
semble aujourd’hui plus difficile. Il suffit que l’État transfère aux communes les crédits qu’il
affectait auparavant aux missions dont il avait la charge et qu’il gérait directement, qui relève
désormais de la compétence communale. En l’espèce, il s’agit de procéder à une opération
d’inscription dans les territoires des crédits de l’État, pour que puissent être identifiés en vue de
leur transfert des montants qui devraient revenir aux communes. À ce stade de la décentralisation
10
Article 89 de l’ordonnance 87- 289
26
mauritanienne, force est de constater qu’aucune étape du dispositif initialement prévu n’est
intervenue, puisque l’article 89 de l’ordonnance 87-289 qui prévoit le transfert des biens et
services, via une convention entre l’État et chacune des communes n’ont pas vu le décret
d’application. Le transfert des biens et services ainsi que des compétences qui y sont liés n’a pas
eu lieu et les transferts de ressources ne peuvent entrer en vigueur puisque l’opération première
de territorialisation des dépenses transférables n’a pas eu lieu non plus.
Bien évidemment, le transfert de fonds nécessite quelques conditions, parmi lesquelles, par
exemple, la bonne gouvernance des communes concernées. Mais il ne faudrait pas non plus, sous
ce prétexte, retarder indéfiniment cette procédure sans laquelle, il ne peut y avoir de réelle
décentralisation.
Les difficultés liées au partage des responsabilités entre l’État et les collectivités locales
s’expliquent également par :
– Un transfert de compétences aux communes mal assumés par l’État ;
– Absence de groupements de collectivités locales, (comme en France où il existe des EPCI),
capable de piloter l’élaboration de réelles politiques régionales de développement et
d’aménagement du territoire ;
– Des programmes sectoriels mis en œuvre par l’État et dont sont parfois exclues les collectivités
locales pourtant détentrices des compétences ;
- Un dysfonctionnement de l’État et de ses services dans son rôle de contrôle, d’appui-conseil et
de définition des programmes sectoriels: une faible représentation des services techniques, il y a
également la faiblesse des ressources humaines, techniques et financières qui ne permettent pas à
ces services d’assumer leurs rôles. En effet, même s’il y a une nette augmentation des ressources
des collectivités locales, celles-ci demeurent trop faibles pour permettre aux communes d’assurer
l’ensemble de leur compétence.
Le transfert de compétences ne peut être effectif qu’assorti du transfert de ressources. L’exemple
de l’éducation et la santé en est une parfaite illustration. Ces deux secteurs transférés aux
communes souffrent aujourd’hui d’un déficit considérable d’infrastructures. L’État intervient
pour essayer de combler ce déficit malgré ce transfert de compétence aux communes. Cette
question est absolument essentielle pour l’avenir de la décentralisation en Mauritanie.
11
Ordonnance 87.289 du 20 octobre 1987 instituant les communes.
29
les collectivités locales et les citoyens. Cette collaboration que d’aucun appelle partenariat
constitue l’un des modes de gestion administratives les plus modernes connus sous le nom
d’approche participative ou de contrôle du citoyen de l’action publique. Face à la gestion des
affaires locales devenues de plus en plus complexes par rapport aux grandes agglomérations vu
leurs besoins toujours croissants en développement, d’où l’impératif d’assurer la contribution de
tous.
Une telle exigence s’explique par le fait que le mode participatif de la gestion- directe ou
indirecte de la chose publique est de nature à rendre l’action administrative plus efficace. En effet,
un citoyen associé par une autorité à une action le concernant serait plus à même d’accepter les
décisions d’une telle autorité, tout en étant plus disposé à donner le meilleur de lui-même pour
servir de l’intérêt général. Les partenaires aux développements décentralisés, que ce soit les
bénéficiaires ou les partenaires eux-mêmes, se définissent par l’aide accordée aux unités locales
pour s’acquitter pleinement de leurs missions.
Ceux-ci s’engagent à prendre part à la prise de décision en participant aux entrevues, aux
réunions, aux ateliers de travail, mais aussi à la définition des questions de développement tout
comme les activités et les projets économiques et de développement prioritaires. Il en va de
même pour la définition et la proposition des rôles aux partenaires eu égard à la contribution au
financement et à l’exécution des activités de développement.
30
En effet, lors d’un atelier12 consacré à l’intervention des communes dans les politiques de la santé,
le directeur de la planification sanitaire de l’époque a ainsi signalé qu’une politique nationale de
santé était élaborée par le ministère de la santé, pour la période 2006-2015. Mais les maires
présents n’ont jamais entendu parler de cette politique nationale de santé. Tout se passe au niveau
des services locaux de la santé, qui jouissent d’une parfaite autonomie. Interrogées sur l’existence
d’un cadre de concertation entre leur département et les communes, la majorité des chefs des
directeurs régionaux de l'action sociale et de la santé (DRASS) déclarent ignorer l’existence de
13
cadre de concertation liant les communes et leur département . Cependant, les autorités
administratives, eux affirment qu’il existe un cadre de concertation associant les autorités
municipales même si ce cadre reste dans l’informel. Des actions ponctuelles comme la
construction d’une école, d’un poste de santé, sont réalisées souvent sans s’inscrire dans une
vision globale voire sectorielle, sans être précédée par une réflexion commune, et sans toujours
répondre avec pertinence au problème général de l’éducation, de la santé ou de l’alimentation en
eau. Par exemple, le directeur régional de l’éducation nationale (DREN) effectué chacun sa
programmation mais c’est rare que les communes y soient associés.
De manière générale, les maires estiment que la concertation avec les services déconcentrés est
insuffisante et qu’il est urgent de la renforcer.
Bien que le concept de «développement local» soit entré depuis dans le lexique de la
décentralisation, il demeure relativement ambigu en Mauritanie où il est tantôt restreint aux
actions de la collectivité locale pour son propre renforcement ou au profit de ses populations. On
convient de plus en plus que le développement local inclut les actions et programmes de tous les
acteurs agissant sur le territoire de la commune et pouvant avoir un impact positif sur les
habitants de ladite commune. Toutes les définitions de ce concept se valent et nous en retiendrons
celle qui semble adaptée au contexte mauritanien à savoir que «le développement local est une
stratégie de développement orientée vers l’action qui valorise les potentiels locaux, mise sur les
acteurs locaux et la dynamique qui les anime, et interprète et tire des avantages sur les politiques
12
Atelier qui s’est tenu le 24 février 2009, dans le cadre de l’enquête diagnostic, rapport, op. Cit. Pages 125 et
suivant
13
Il existe quelque exception au niveau des Wilayas de Guidimakha et l’Assaba où les communes ont tissées un
partenariat avec les services déconcentrés de l’État.
31
gouvernementaux et de l’aide externe». Quelle que soit la définition retenue, la planification en
général et celle du développement local suppose que soit laissée une place à l’incertitude et au
décalage entre le désir et la réalité, entre l’objectif fixé et le résultat à atteindre. En Mauritanie,
pour des raisons encore plus nombreuses, l’expérience de la planification du développement local
est encore loin de donner des résultats encourageants. Les enjeux de cet exercice sont énormes
pour les communes qui recourent à la planification dans un désert institutionnel.
L’environnement administratif dissimule difficilement son hostilité à la décentralisation ou n’en
ont pas encore compris les vertus. Les autorités veulent que la planification serve aux communes
pour le renforcement de leur autonomie à défaut de l’exécution des plans de développement
locaux (PDL).
Le processus de planification du développement local se heurte, à de nombreux obstacles
notamment le manque d’informations sans lesquelles aucun plan ne peut être élaboré. Ces
informations sont souvent détenues par les directeurs régionaux qui devraient apporter une
assistance technique aux communes. Il faut signaler aussi que ces informations sont souvent dans
les mains des bureaux qui sont basés à Nouakchott et qui contrôlent les projets de construction
réalisés au profit des communes sans aucune relation avec les services techniques régionaux. Par
ailleurs, les communes sont dépourvues de toute capacité d’encadrement des initiatives des
organisations de la société civile bénéficiant de subventions communales ou entreprenant des
actions intéressantes et qui échouent souvent à cause du manque d’assistance technique.
Longtemps laissée entre les mains des experts, la procédure d’élaboration des plans de
développement est désormais définie par arrêté ministériel14. Elle suit une démarche participative
incluant trois phases diagnostic, de planification et de programmation. Mais si le cheminement
est ainsi balisé, il demeure néanmoins formel. Les données collectées sont imprécises, les
contraintes analysées de manière et les atouts mal appréciés. À travers la phase de planification,
on ne peut saisir la logique de l’approche selon laquelle les contraintes doivent être aplanies et les
atouts identifiés pour leur éventuelle mise en œuvre.
Les plans de développement local font face à une très grande difficulté d’ordre structurel qui
réduit leur efficacité même si du point de vue méthodologique et technique, ils sont bien conçus
et élaborés. Ensuite, les communes ne prennent pas en compte les programmes de développement
communautaire dans leurs plans de développement local. Il y a une absence totale de de pilotage
et un manque de coordination au niveau local. Force est de constater aussi qu’en Mauritanie,
nous avons trois niveaux de projections des actions de développement, le premier niveau est la
Wilaya, ensuite les communes et enfin nous avons les communautés villageoises. Il n’existe
14
Arrêté n°680 du 17 avril 2011
32
aucun lien fonctionnel de coordination entre ces différents niveaux. Enfin, les communes sont
confrontées à une confusion en matière de statut de nombreuses infrastructures que ce soit avec
l’État ou les communautés de base dans les villages.
L’objectif de la décentralisation, outre le rapprochement entre l’État et les citoyens, est la mise en
place d’un mode d’intervention publique susceptible d’assurer une plus juste répartition des
ressources sur l’étendue du territoire national, en particulier les localités les plus enclavées. Cet
enjeu prend une signification particulière dans un pays aussi vaste que la Mauritanie où la
population est inégalement répartie et connaît un taux d’urbanisme croissant et mal contrôlé.
L’enclavement constitue un handicap majeur pour le développement économique du pays. Celui-
ci a en effet des conséquences tant macroéconomiques que microéconomiques et sociales. Si l’on
considère que la relation que le citoyen entretient avec l’État est en grande partie conditionnée
par son degré de satisfaction, le développement qui vise l’amélioration durable des conditions de
vie et d’existence des populations d’un territoire est un enjeu fondamental pour l’État, non
seulement comme source de richesse, mais aussi comme puissant vecteur d’intégration citoyenne.
La décentralisation a pour objet de mieux répondre aux exigences du développement par la
responsabilisation et l’implication des intéressés eux-mêmes. Au niveau local les besoins sont
mieux identifiés et les réponses sont plus appropriées. Elles tiennent alors mieux en compte de la
diversité des situations. Il s’agit, par la décentralisation, de stimuler et orienter la vie locale, en
vue d’agir sur le développement au niveau le plus proche des citoyens, en intégrant les
caractéristiques des territoires. D’où l’idée de faire des communes, les cellules de base du
développement local et de la lutte contre la pauvreté. On attend des communes plus de
dynamisme pour développer les services publics de proximité. L’existence de ces communes est
étroitement subordonnée aux questions de capacité et de viabilité.
Pour mieux analyser l’impact de la décentralisation sur le développement local, nous allons voir
d’abord l’état des services publics de proximité, exemple de l’éducation et de la santé (section1),
ensuite nous tenterons d’analyser les compétences de la commune en matière d’urbanisme et de
l’aménagement du territoire (section2) et enfin nous allons voir les enjeux politiques et
économiques liés à la nouvelle réforme instituant région comme entité décentralisée (section3)
15
Article 2 de l’ordonnance 87-289.
34
de construire et d’entretenir les écoles fondamentales. Pourtant dans le domaine qui lui est
réservé, la commune se montre souvent impuissante. La réalisation des infrastructures lui
échappe de fait puisque faute de moyens, c’est encore l’État qui, le plus souvent, construit les
écoles fondamentales, parfois très efficacement relayé par les associations de parents d’élèves.
Les associations de parents d’élèves organisent et gèrent les cantines scolaires (quand elles
existent), distribuent les fournitures scolaires. Au titre de l’entretien des bâtiments, la commune
assure la maintenance et recrute le personnel autre que le corps enseignant (gardiens et plantons).
Or dans la plupart des communes, l’état des infrastructures est déplorable. Rares sont les écoles
alimentées en eau, plus rares encore celles qui disposent des latrines ou d’un lieu de restauration
scolaire. Les écoles sont souvent mal reparties sur le territoire de la commune, beaucoup
d’enfants sont encore privés de scolarité faute d’équipement adéquats.
L’action de la commune devrait permettre d’accroître la scolarisation des enfants et de rehausser
la qualité de l’éducation non seulement par la construction et la réhabilitation des infrastructures
scolaires, mais aussi par un renforcement de l’encadrement pédagogique et surtout par
l’implication des populations dans la gestion de l’enseignement fondamental.
Pourtant, l’action des communes en matière de l’éducation est peu visible, et beaucoup se posent
la question de savoir le rôle effectif de la commune dans le secteur de l’enseignement
fondamental.
En effet, à la place d’une impulsion offerte aux communes pour entretenir et développer un
service éducatif de proximité, il semble que la loi ait eu pour effet de diluer les responsabilités. À
ce jour, la décentralisation n’a pas apporté les progrès espérés en matière d’éducation, quand il ne
s’agit pas pour certains d’un véritable recul.
- La santé
La commune est compétente pour la construction, l’entretien et l’équipement des dispensaires et
de centres de protection maternelle et infantile. La commune intervient également pour la
prévention des maladies par la sensibilisation des populations notamment en ce qui concerne les
mesures d’hygiène et de salubrité dans ses limites territoriales.
Le domaine de la santé semble plus en souffrance encore. De manière générale, ce secteur
rencontre des difficultés en matière de recrutement et d’affectation du personnel de santé, le
secteur peine à réaliser et à mettre en œuvre une carte sanitaire et connaît des infrastructures
défaillantes. Ici encore, il appartient à la commune de construire et d’entretenir les postes et
centres de santé, à savoir, les services de proximité. C’est sans doute dans ce domaine qu’existe
le décalage le plus frappant entre la lettre de la loi et sa mise en œuvre. De l’avis de beaucoup de
citoyens, il semble que la décentralisation n’ait eu aucun effet dans le secteur de la santé. Les
maires eux pensent que la santé échappe totalement à l’action de la commune. Les services de
35
santé déconcentrés continuent d’agir comme auparavant, sans aucune collaboration avec les
communes. Certains maires évoquent avec nostalgie, le système antérieur qui réunissait tous les
maires de la Wilaya dans un seul conseil sanitaire. Les communes étaient alors associées à la
conception de la politique régionale de la santé. De même une partie des prix des médicaments
vendus dans les pharmacies publiques et des recettes d’actes médicaux étaient réservées à la
commune, et lui permettaient alors de financer certaines actions sanitaires dans la commune.
Cette collaboration étroite faisait de la santé un vrai service public. Aujourd’hui, au niveau
réglementaire, ce conseil existe encore, mais il se réunit rarement du fait d’un manque de
coordination entre les autorités administratives et les maires. Il ne semble pas exagéré de dire
qu’à ce jour, il n’existe pas de service communal de santé, en dépit des compétences que les
textes, en la matière, transfèrent aux communes. Comme dans le secteur de l’éducation, on
pouvait espérer de la commune l’amélioration des services offerts par les postes de santé
primaires, à savoir, la construction, la réhabilitation et l’équipement des infrastructures de santé,
le renforcement de l’encadrement sanitaire et l’implication des populations. Mais la commune est
très éloignée aujourd’hui d’un système de santé totalement en difficulté.
16
L’Assemblée nationale a adoptée la loi organique instituant la région comme collectivité locale.
38
parce qu’elle imprimera une harmonie institutionnelle, faisant de l’administration décentralisée,
non plus l’exception, mais la règle. Mais surtout, jouissant de la personnalité morale, d’organes et
de compétences propres, la région disposera des moyens juridiques nécessaires pour promouvoir
le développement, en passant par des contrats de partenariats nécessaires à son développement.
Enfin, la région semble être le cadre idéal pour regrouper les ressources et initier une
intercommunalité institutionnalisée. Ces avantages ne seront acquis qu’au prix du respect de
certaines conditions.
Il est illusoire de penser que la régionalisation peut résoudre tous les problèmes liés à la
décentralisation. Pire, on reproduirait les mêmes erreurs en s’engageant à nouveau dans une voie
que l’on a condamnée, à savoir déplacer seulement le centre de responsabilité sans changer les
pratiques et espérer faire supporter par d’autres, les charges que l’on ne peut assumer. Bien au
contraire, il faut, pour réussir la régionalisation, tirer les leçons de l’expérience des communes et
éviter d’en reproduire les défauts. Il est important aussi de préciser que la région ne viendra pas
se substituer à l’État, pas plus qu’elle devra absorber les communes. C’est-à-dire que la région
doit être dotée de moyens suffisants en adéquation avec les compétences importantes que la loi
lui confère. En effet, la région doit bénéficier d’un transfert important des fonds publics, il faut
éviter également de transférer les compétences relevant déjà des communes, même s’il peut être
tenant, eu égard au constat d’échec, de renoncer en fait à la décentralisation au niveau communal.
Cela suppose de définir d’une manière et précise les compétences de chaque collectivité et de
préciser également les liens administratifs existants entre elles, et avec l’administration
déconcentrée. Car la région comme collectivité territoire ne doit pas devenir le supérieur
hiérarchique de la commune, collectivité territoriale elle aussi. Le schéma institutionnel s’enrichit
d’une institution parallèle à l’administration déconcentrée, sans reconstruire un circuit
hiérarchique parallèle. En effet, la région doit être le siège de l’administration territoriale avec à
sa tête un conseil régional élu au suffrage universel direct.
La régionalisation n’est pas une solution parfaite aux problèmes de la décentralisation. Elle est
une continuité d’un processus exigeant et présente des difficultés d’application comparables à
celles qui sont entraînées par la communalisation, dont les solutions reposent sur une analyse
poussée des dysfonctionnements du système actuel et sur la volonté ferme de ne pas les
reproduire.
39
Conclusion
Le bilan du processus de la décentralisation en Mauritanie est relativement positif. En effet, il a
permis d’installer durablement le principe de gouvernance locale au sein de la société
mauritanienne qui est profondément tribal et ethnique.
Néanmoins, ce processus demeure incomplet et mal adapté au contexte mauritanien sur le plan
politique et administratif, et ne permet pas aux collectivités locales actuelles d’avoir un véritable
pouvoir d’une action locale reconnue par les populations.
Au niveau des finances locales, les communes ne dégagent pas suffisamment de ressources pour
conduire de réelles politiques de développement local. Parmi ces difficultés, on peut aussi ajouter
un manque cruel de ressources humaines et le niveau de collaboration avec l’administration
déconcentrée très faible. Ce faisceau d’écueil fait que les communes sont confrontées à un
dysfonctionnement rendant leurs actions moins visibles sur le terrain.
En effet, les facteurs de blocage pour l’émergence d’une commune viable et productive peuvent
être situés à trois principaux niveaux:
- Manque de cohérence entre les compétences relevant de l’État et celles des collectivités locales
- Un transfert de compétences aux communes mal assumées par les pouvoirs publics.
- Une absence totale de groupements de collectivités locales à l’image d’une intercommunalité
puissante pouvant piloter des politiques de développement englobant plusieurs communes.
L’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) en France en est une parfaite
illustration. Cette structure administrative française regroupant plusieurs communes afin
d’exercer certaines de leurs compétences en commun peut servir de modèle pour booster nos
collectivités locales. En effet, pour faire de la commune un pôle de développement, il faut faire
recours systématiquement à l’intercommunalité des services, développer la solidarité entre les
communes.
L’intercommunalité se conçoit d’abord comme un état d’esprit. Il importe de faciliter les liens
entre les communes, qu’il s’agisse des autorités locales ou des populations. En ce sens il est utile
de généraliser les associations des maires et d’encourager, dans le cadre départemental et
régional, la concertation communale. Mais l’intercommunalité doit aussi disposer d’un cadre
juridique, dès que qu’elle porte sur la conception de projets ou de programmes communs, ou
encore sur la création et l’entretien des services intercommunaux. En Mauritanie, nous avons un
seul exemple d’intercommunalité qui est la communauté urbaine de Nouakchott, définie comme
un établissement public de coopération intercommunale. Il y a également une absence totale de
coordination entre l’État et les collectivités locales notamment durant les processus de mise en
œuvre des programmes sectoriels relevant des compétences des communes. Ce manque de
40
coordination est à l’origine des doublures des projets de développement dans une seule commune.
Il faut aussi signaler le dysfonctionnement de l’État et de ses services dans son rôle de contrôle,
d’appui-conseil et de définition des programmes sectoriels: faiblesse de représentation des
services techniques, faiblesse des ressources humaines qualifiées, que ce soit technique ou
financières qui ne permettent pas ces communes d’assumer pleinement leurs missions.
- Manque de ressources financières et humaines qualifiées des communes:
Les ressources financières des communes sont, bien qu’en augmentation, trop faible pour leur
permettre d’assurer l’ensemble de leur compétence.
Les ressources communales proviennent essentiellement de trois (3) sources qui sont:
- Les recettes à caractère fiscal;
- les recettes à caractère non fiscales;
- les dotations de l’État et les fonds de concours.
Il faut préciser que les budgets des communes sont loin de leur permettre d’assurer leurs missions.
La réforme de l’administration fiscale repose d’abord sur une rigoureuse répartition des tâches
qui suppose encore un appui considérable de l’État, car la fiscalité locale est presque alimentée
par les impôts locaux mais aussi par une part des impôts nationaux. Les opérations liées à la
fiscalité communale doivent entre distinctes. Pour une bonne collecte de ces impôts, un
recensement doit être organisé au niveau communal compte tenu de la bonne connaissance des
situations particulières qu’offre la proximité de cette administration, mais le recouvrement et les
sanctions y afférentes doivent relever, au moins temporairement, de l’action étatique. Mauritanie,
il doit, autant que possible, contenu des expériences passées en revue, d’abord instaurer des
rapports souples entre les pouvoirs centraux et locaux, ensuite revoir le découpage administratif
qui doit se reposer désormais sur un découpage territorial adéquat en tenant compte du point de
vue statutaire, de la vocation spatiale des collectivités locales et enfin adopter un système de
planification en intégrant les programmes de développement communautaire qui traduit , en dépit
de la pauvreté du pays et des populations, les stratégies nationales et régionales de mobilisation
des ressources.
41
Bibliographie
Sources institutionnelles
➢ Constitution du 20 juillet 1991 de la République islamique de Mauritanie.
➢ Loi constitutionnelle référendaire n°2017-021 du 15 août 2017 portant révision de
certaines dispositions de la Constitution du 20 juillet 1991 et ses textes modificatifs.
➢ Loi 2001-51 du 19 juillet 2011 portant institution de la communauté urbaine de
Nouakchott
➢ Loi n°68-242 du 30 juillet 1968 portant réforme de l’administration décentralisée.
➢ l’ordonnance 2006-029 du 02 août 2006 portant loi organique relative à la promotion de
l’accès des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives
➢ L’ordonnance 87-289 du 20 octobre 1987 abrogeant et remplaçant l’ordonnance n° 86-
134 du 13 août 1986 instituant les communes.
➢ Déclaration de Politique en faveur de la décentralisation et du développement local,
adoptée par le gouvernement, le 22 avril 2010
➢ avant-projet de loi portant code des collectivités locales, 2008
➢ l’ordonnance n° 90-025 du 29 octobre 1990 portant modification des dispositions de
l’article 38 de l’ordonnance n°87-289 du 20 octobre 1987 instituant les communes.
➢ l’ordonnance n°90-04 du 06 février 1990 portant création d’une fiscalité communale.
➢ Loi n°93-31 du 18 juillet 1993 modifiant et complétant les dispositions de l’ordonnance
n°87-289 du 20 octobre 1987 instituant les communes.
➢ Décret n°89-124 du 14 septembre 1989 instituant un fonds intercommunal de solidarité.
➢ Décret n° 90-155 du 22 octobre 1990 portant application de l’article 120 de l’ordonnance
87-289 du 20 octobre 1987 instituant les communes.
➢ Décret n°90-102 du 14 juillet 1990 portant application de l’article 5 de l’ordonnance 87-
289 instituant les communes.
Ouvrages et articles
44
Annexe 1
45
Table des matières
Remerciements ................................................................................................................................... 3
Sommaire ............................................................................................................................................ 5
Introduction ........................................................................................................................................ 7
Titre 1: La décentralisation, un processus porté par une réelle volonté politique de maintenir
la cohésion sociale sur le territoire national .................................................................................. 10
Chapitre 1: L’héritage historique ....................................................................................................... 11
Section1: Le poids de l’héritage colonial ............................................................................... 11
Section 2: L’indépendance ouvre la voie à la communalisation et à la régionalisation ........ 13
Section 3 : La réforme de 1986 à nos jours............................................................................ 16
Chapitre 2: L’omniprésence de l’État sur le territoire ....................................................................... 19
Section1: La Wilaya (région) ................................................................................................. 20
Section2: La Moughataa (Département) ................................................................................ 21
Section3: L’arrondissement ................................................................................................... 21
Conclusion......................................................................................................................................... 40
Bibliographie .................................................................................................................................... 42
Sources institutionnelles .................................................................................................................... 42
Ouvrages et articles ............................................................................................................................ 42
Liens et site internet ........................................................................................................................... 44
Annexe 1 ............................................................................................................................................ 45
46