Article Anna
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Le charançon des céréales, ou Sitophilus oryzae, est un insecte ravageur responsable de la destruction de 25% des stocks céréaliers dans le monde. Il
héberge une bactérie symbiotique intracellulaire, Sodalis pierantonius, qui complémente sa nutrition et améliore sa fitness. Durant son développement
embryonnaire, il met en place les bactériocytes, des cellules spécialisées regroupées en un organe appelé le bactériome, pour accueillir la bactérie.
L’étude de cette symbiose mutualiste présente deux intérêts principaux. D’une part, ce coléoptère est l’un des plus gros ravageurs de cultures et stocks
de céréales à travers le monde et l’objectif de la France est de réduire de 50% son utilisation de pesticides chimiques d’ici 2025. Comprendre sa
symbiose mutualiste et nutritionnelle avec la bactérie S. pierantonius pour pouvoir la perturber est donc une stratégie alternative pour contrôler cet
insecte. D’autre part, cette symbiose avec S. pierantonius est relativement récente au regard de l'évolution. Les recherches sur ce sujet permettent
donc d’analyser les étapes précoces de l'établissement d'une symbiose entre les eucaryotes et les procaryotes.
Il est possible d’obtenir artificiellement en laboratoire des charançons dépourvus de symbiotes, appelés aposymbiotiques. Mêm e si ces derniers sont
viables, des différences sont observables par rapport à leurs homologues symbiotiques, notamment au niveau de la couleur et de la taille de leur
cuticule. L’hypothèse selon laquelle ces différences seraient liées à l'état symbiotique des charançons est émise.
Les méthodes d’hybridation in situ en fluorescence (FISH), cytométrie en flux et PCR quantitative permettront de visualiser, localiser et quantifier les
symbiotes au sein des tissus de l'hôte. Les bactéries sont présentes en très grande quantité les premiers jours de vie du charançon, et disparaissent
complètement au quinzième jour.
donc proportionnelle à la concentration bactérienne. Sur la Figure
Introduction 1, la quantité de bactéries symbiotiques chute entre le 5ème et le
Le charançon ou Sitophilus oryzae et la bactérie intracellulaire 15ème jour de vie des charançons. Les bactéries sont nettement
Sodalis pierantonius sont en symbiose mutualiste. Il s’agit d’une moins nombreuses au 15ème jour, avec quelques persistantes
interaction entre les deux êtres vivants qui apporte à chacune des seulement.
espèces des avantages évolutifs. Ainsi, cette relation permet à S. Les symbiotes sont principalement concentrés aux extrémités des
oryzae, un insecte ravageur de cultures céréalières, de supplémenter intestins, dans des cellules appelées les bactériocytes. Les intestins
sa nutrition en vitamines et acides aminés (Tyrosine et des charançons de 15 jours sont semblables à ceux des charançons
Phénylalanine), importants pour la formation de la cuticule aposymbiotiques de 5 jours, qui sont eux, quasiment sans bactéries.
notamment, grâce à la bactérie symbiotique. Cette dernière se situe
dans des cellules spécialisées nommées bactériocytes, elles-mêmes
regroupées en un organe, le bactériome.
Lors du passage du stade larvaire au stade adulte grâce à la
métamorphose, les charançons sauvegardent et réutilisent les
bactéries symbiotiques pour leur développement, puis les
transmettent aux générations suivantes par les ovocytes.
A l’heure actuelle, pouvoir contrôler ce ravageur est un enjeu majeur Figure 1 - Traitement d’image provenant d’une manipulation FISH sur les intestins
de charançon par le logiciel Fiji. A : intestins de charançons symbiotiques âgés de
afin de protéger les cultures et stocks de céréales à travers le
5 jours (SymJ5) ; B : intestins de charançons symbiotiques âgés de 15
monde. Être capable de perturber la symbiose nutritionnelle entre jours (SymJ15) ; C : intestins de charançons aposymbiotiques âgés de 5 jours
le charançon et sa bactérie représenterait une alternative durable à (ApoJ5). L’image des intestins marqués au DAPI (filtre cyan) est superposée à
l’utilisation de produits chimiques, car aucun des deux ne peut l’image des intestins marqués par la sonde hybridée à l’ARN 16S bactérien (filtre
survivre sans cette relation symbiotique mutualiste. magenta hot).
Cette étude a donc pour but de confronter les différences entre les
charançons symbiotiques (Sym) et aposymbiotiques (Apo) de trois Cytométrie en flux
(J3), cinq (J5) et quinze jours (J15) et de visualiser, localiser et La cytométrie permet de déterminer quantitativement le nombre de
quantifier les symbiotes au sein des tissus de l’hôte. L’hypothèse bactéries symbiotiques présentes dans les intestins des charançons
selon laquelle les différences observées entre les différents individus à différents stades de développement. Sur la Figure 2, il est possible
seraient liées à l'état symbiotique des charançons sera testée au d’observer que le nombre de bactéries marquées est beaucoup plus
cours de cette étude. important chez SymJ5 que dans les autres conditions. Le nombre de
bactéries est également plus important chez ApoJ5 que chez
SymJ15, ce qui ne semble pas cohérent. En effet, plus de bactéries
Résultats et discussion
devraient être observées chez les charançons SymJ15 que chez les
Fluorescence in situ Hybridization (FISH) charançons ApoJ5, sans symbiotes. Les mêmes résultats ayant été
La microscopie à épifluorescence permet d’observer la présence et observés par les autres groupes, la question d’un potentiel souci
la localisation de bactéries intracellulaires dans les intestins de avec la transformation des charançons aposymbiotiques peut être
charançons à différents stades de leur développement, et en posée.
condition aposymbiotique. Le nombre de bactéries marquées selon le type de charançon
Le DAPI colore spécifiquement l’ADN, donc les noyaux de toutes les étudié, ainsi que dans le contrôle négatif sont indiqués dans
cellules. La sonde utilisée est hybridée à l’ARN 16S des bactéries et l’histogramme de la Figure 2. Le nombre de bactéries mesurées
permet de visualiser leur emplacement. L’intensité du marquage est
1
dans le contrôle négatif est très faible (153) et est donc négligeable. PCR quantitative
La valeur mesurée pour les charançons SymJ5 est largement La PCR quantitative permet d'établir un ratio entre la quantité
supérieure à celle des charançons SymJ15 (908 fois plus grande), et d'ADN procaryote et eucaryote, et donc de quantifier les bactéries
elle est 154 fois plus grande que chez les ApoJ5 cela confirme donc symbiotiques présentes dans les tissus de l’hôte. Cette technique
les observations faites avec l’analyse FISH. permet de confirmer les résultats obtenus par cytométrie.
Les résultats de la qPCR avec les pentes des droites d’étalonnage et
l’efficacité de chaque réaction sont reportés dans le Tableau 1.
Tableau 1 - Résultats obtenus de la pente de la droite d'étalonnage pour les gènes
β-actine et nuoCD et calcul de l'efficacité de la PCR d'après les formules données
dans Matériel et Méthodes
100
notamment la division cellulaire, qui devient alors trop grande pour
pouvoir sortir des bactériocytes. 80
60
40 28
20
2 0
0
SymJ3 SymJ5 SymJ15 ApoJ5
Condition