Plasmas Froids de Décharge
Plasmas Froids de Décharge
Plasmas Froids de Décharge
Applications et diagnostic
par Anne-Marie POINTU
Docteur ès sciences
Professeur à l’université Paris-XI, Laboratoire de physique des gaz et des plasmas
Jérôme PERRIN
Ingénieur de l’École polytechnique
Docteur ès sciences
Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique
détaché auprès de la société Balzers Process Systems
et Jacques JOLLY
Docteur ès sciences
Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique
es plasmas ont représenté de prime abord une toute petite branche de la phy-
L sique, et leur champ d’application paraissait modeste (ondes radios dans
l’ionosphère, tubes à décharges, lampes, arcs). Mais les développements en vue
du contrôle de la fusion thermonucléaire dans des réacteurs du type «pinch»,
«tokamak», ou «stellarator», de la génération de puissance par la magnétohydro-
dynamique, ou de la compréhension des plasmas en astrophysique ou en planéto-
logie (fusion thermonucléaire dans les étoiles, plasma interstellaire, ionosphère et
magnétosphère terrestres, foudre et aurore boréale) ont stimulé une recherche de
base florissante.
Puis d’autres champs d’applications technologiques ont contribué à relancer la
physique des décharges. Outre les enseignes lumineuses et les lampes à déchar-
ges, les nouvelles sources optiques, UV, X incohérentes ou cohérentes (lasers) font
largement appel à la mise en œuvre de plasmas de décharge. Apparaissent main-
tenant des panneaux d’affichage par plasma. Les sources de faisceaux d’ions ont
été développées pour leurs applications dans le domaine de la propulsion de satel-
lites ainsi que pour le traitement ou l’analyse de matériaux. Les plasmas d’arcs
électriques sont étudiés tant par leur importance dans les phénomènes de coupure
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Notations et symboles
Symbole Désignation Symbole Désignation
A aire d’une électrode q charge d’une particule
A atténuation Q facteur de surtension d’une cavité
Ae affinité électronique Qk taux de destruction collisionnelle du niveau k («quenching»)
Ak probabilité de désexcitation radiative du niveau k rc rayon de giration
Akj coefficient d’Einstein d’émission spontanée R rayon d’une colonne de plasma
AL absorption lumineuse RA résistance d’alimentation
B, B champ magnétique RL résistance de charge
Bkj coefficient d’Einstein d’absorption entre un RS rayon de la sonde en général ou d’un objet
niveau k et un niveau j sphérique
c vitesse de la lumière S section
C0, C1, C2 capacités Te , Ti , TN température électronique, ionique, température des neutres
dc épaisseur de gaine cathodique vdj vitesse de dérive des particules j
dg épaisseur de gaine vg potentiel de gaine instantané
D coefficient de diffusion V, V0 tension, tension initiale
F force de Lorentz Vdc potentiel d’autopolarisation continu dans une décharge RF
h constante de Planck Vf potentiel flottant
I courant Vg chute de potentiel dans la gaine
Is courant d’émission secondaire VG potentiel de la lisière (d’entrée) de gaine
Il intensité lumineuse émise à la longueur d’onde l Vs potentiel de la sonde
J densité de courant wj vitesse microscopique des particules j
k constante de Boltzmann (k = 1,38 x 10-23 J . K-1) Z, ZD, Zg impédance, impédance du plasma, de la gaine
K nombre d’onde e0 permittivité du vide
K(l) coefficient d’absorption à la longueur d’onde l er permittivité relative
kek coefficient d’excitation électronique hE efficacité énergétique de la source
, , ,e , ,i libre parcours moyen, libre parcours moyen hg efficacité d’ionisation du gaz
électronique, ionique
L longueur caractéristique d’une décharge lDe longueur de Debye électronique
m masse d’une particule m, me , mi mobilité, mobilité des ions, des électrons
nD densité électronique critique mB moment magnétique
ne , ni densité des électrons, des ions nc fréquence de collision
nec densité électronique de coupure njk fréquence de collision d’une particule j sur une particule k
nX densité de l’espèce X sek section efficace d’excitation électronique
3 pervéance F potentiel de sonde
P(l) profil spectral d’une raie Fp potentiel plasma
PD puissance dissipée w = 2 pf pulsation
PL puissance absorbée wcj pulsation cyclotronique électronique (j = e), ionique (j = i)
PT puissance totale wpe, wpi pulsation plasma électronique, ionique
Indices
A anode ou alimentation K cathode
e électrons N neutres
i ions p plasma
j particule j
Notations particulières
B, E, v vecteurs X valeur moyenne
x valeur complexe
Nota : Les autres notations et symboles utilisés dans cet article sont indiqués dans le tableau des notations de la référence [43].
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1. Réacteurs à plasmas
pour le traitement I
des matériaux et des gaz Générateur Réacteur
RA V0 RL
Générateur HF
V 02R L 50 W
C0
P L = I 2 R L = ---------------------------
- (1) ZD
( RL + RA ) 2
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de traitement des matériaux et des gaz. En ce qui concerne les Ainsi, dans les bâtis de nitruration ionique pour le durcissement
décharges d’arcs ou les torches à plasma utilisées, par exemple, en de pièces métalliques sous décharge d’azote, ce sont les pièces à
projection plasma ou en traitement thermique de poudres et de sur- traiter qui font office de cathode. Il faut alors les refroidir pour éviter
faces (cf. tableau 4), le lecteur se reportera à la référence [46]. Dans une dérive thermique due à l’apport énergétique du bombardement
chaque cas, nous mentionnerons les principaux modes de couplage ionique.
électromagnétique et régimes de fonctionnement des plasmas de
décharge. En revanche dans le cas du dépôt par pulvérisation cathodique,
on place une cible du matériau à déposer sur la cathode. Les ions
énergétiques pulvérisent des atomes de la cible qui vont se déposer
sur le substrat placé sur l’anode (cf. figure 3).
1.4 Réacteurs à décharge continue
Dans le cas de l’oxydation anodique dans un plasma d’oxygène,
ou basse fréquence on place le substrat à traiter (par exemple, une plaque de silicium)
sur l’anode. A mesure que croît la couche d’oxyde très résistive, il se
produit une d.d.p. croissante à travers le substrat qui diminue
1.4.1 Décharges diodes d’autant la tension disponible pour la décharge. On compense cela
en asservissant le générateur pour maintenir un courant constant à
travers le substrat, ce qui permet l’oxydation en profondeur par dif-
La décharge luminescente dans un tube avec ses différentes fusion d’ions négatifs d’oxygène.
zones (espace cathodique, lueur négative et espace sombre de Fara-
day, colonne positive et zone anodique) a été décrite en détail dans Enfin, la décharge diode continue est aussi exploitée de manière
l’article D 2830, paragraphe 4.3 de ce traité [43]. particulière dans le procédé de dépôt ionique (ou ion plating)
Dans le cas du traitement de surfaces planes (ou à grand rayon de (figure 4), où le plasma créé devant le substrat polarisé négative-
courbure), on adopte une configuration où la distance entre les élec- ment permet d’ioniser partiellement le gaz et la vapeur émis du
trodes est bien plus faible que leur diamètre et où l’on souhaite que creuset et d’accélérer ces ions pour améliorer la microstructure du
le plasma et le flux d’ions sur l’électrode porte-substrat soient dépôt par mélange collisionnel à la surface.
homogènes (figure 3). On a alors affaire à une décharge lumines-
cente anormale obstruée, ce qui signifie que le potentiel de chute
cathodique VC et l’épaisseur de la gaine cathodique dC sont respec- 1.4.2 Décharges triodes
tivement supérieur et inférieure aux valeurs correspondant au mini-
mum de Paschen, tandis que la colonne positive disparaît au profit
d’une seule zone de lueur négative brillante entre la gaine cathodi- Pour pouvoir mieux contrôler, de manière indépendante, l’ionisa-
que et une gaine anodique de charge d’espace positive (alors qu’elle tion du plasma et le bombardement ionique sur le substrat, on a par-
est négative en mode de décharge luminescente normale à l’extré- fois recours à une configuration à trois électrodes.
mité d’une colonne positive). A basse fréquence ( < 100 kHz ) , les
ions comme les électrons répondent aux variations instantanées du Dans un dispositif de pulvérisation cathodique, on peut, par
champ électrique et la distribution spatiale de la décharge continue exemple, ajouter une cathode émissive pour accroître l’ionisation,
s’inverse à chaque alternance. ce qui permet d’augmenter le taux de pulvérisation par le flux d’ions
sur la cible, tout en gardant une tension modérée entre la cible et le
Ce type de décharge très simple est bien adapté au traitement de
porte-substrat. On peut aussi ajouter une grille polarisée entre les
matériaux conducteurs [pour les matériaux isolants, il faudra
deux électrodes planes, afin de contenir le plasma du côté de la
recourir à la radiofréquence (cf. § 1.5)]. En plaçant le substrat sur la
grille opposé au substrat, tout en laissant passer les ions dont on
cathode, on favorise un traitement sous un bombardement ionique
énergétique (les ions gagnant une énergie égale à qVC à travers la peut régler indépendamment l’énergie sur le substrat. Le cas
chute cathodique), tandis que le traitement sur l’anode fera inter- extrême de ce genre de dispositif est l’utilisation d’une source de
venir des particules moins énergétiques. faisceau d’ions (cf. § 1.7).
Générateur VK
continu Substrat
,,,
Vp
VC
Substrat
Vp potentiel plasma
VK potentiel cathodique
B
VC chute de potentiel cathodique Canon
Creuset à électrons
Figure 3 – Décharge diode continue en régime anormal et obstrué
pour le dépôt par pulvérisation cathodique
et variation du potentiel dans la région interélectrode Figure 4 – Réacteur de dépôt ionique (ion plating)
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Anode Électrode
dg
Diode
Vg
Cathode
Rg
cible Ji Électrode Plasma
N S N
Plasma
A
S N S Cg
Aimants permanents
vg(t ) vg(t )
w << w pi w >> w pi
N
S S
N
N
S t t
Anode Anode
Cathode Dans le cas d’une gaine non collisionnelle, si l’on utilise (de
NN manière un peu abusive) la loi de Child-Langmuir pour exprimer d g
SS Cible w qV g
R g C g w » æè --------öø æè -----------öø (9)
NN w pi kT e
où, en première approximation, Dans un système diode, avec un circuit d’accord comportant une
capacité de blocage (cf. figure 2), les potentiels moyens V g1 et V g2
Cg » e0 A ¤ dg et Rg » Vg ¤ Ji A (8)
à travers les deux gaines se distribuent comme dans un diviseur
capacitif, soit :
avec A aire de l’électrode,
d g et V g épaisseur et potentiel de gaine moyennés,
V g1 C g2 A 2 d g1
Ji densité de courant d’ions moyenne à travers la --------- » --------- = ------- --------- (10)
gaine. V g2 C g1 A 1 d g2
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de sorte que - Vrf < Vdc < 0 si A1 < A2 et 0 < Vdc < Vrf si A1 > A2.
RF Dans la plupart des réacteurs diodes RF à couplage capacitif, on
Électrode observe généralement que Vdc < 0, car l’aire effective à la masse vis-
périphérique
à-vis du plasma comprend non seulement la surface de l’électrode
Boîte d'accord
proprement dite, mais aussi les parois latérales du réacteur et se
Vdc – Vrf Vdc + Vrf
Vdc + Vrf cos w t trouve de fait être plus grande que l’aire de l’électrode RF
Contre-électrode Vdc (cf. figure 8a). On a alors le choix entre placer le substrat à traiter sur
V l’électrode à la masse ou sur l’électrode RF suivant la manière dont
Plasma on veut tirer parti du bombardement ionique.
Vp
Dans les bâtis de dépôt par pulvérisation en RF, la cible est sur
l’électrode RF où l’énergie de bombardement ionique est maximale
tandis que le substrat est sur l’électrode à la masse.
a décharge diode
Au contraire, dans les bâtis de gravure ionique réactive (RIE), le
substrat est placé sur l’électrode RF.
Dans ces deux cas, la pression est d’environ 1 Pa pour minimiser
RF
les collisions des ions dans les gaines.
En gravure plasma (PE) ou en dépôt chimique en phase vapeur
Boîte d'accord (PECVD) à plus haute pression (10 à 100 Pa), le substrat est en
Cible général sur l’électrode à la masse. Néanmoins, pour déposer du
carbone dur adamantin par PECVD à partir d’hydrocarbures, il est
indispensable, comme pour la RIE, de travailler à basse pression et
Plasma de placer le substrat sur l’électrode RF pour disposer d’une énergie
de bombardement ionique suffisante et bien définie, faute de quoi le
dépôt est polymérique ou graphitique.
Boîte d'accord Substrat Il est aussi possible de contrôler un peu mieux les potentiels de
gaine en induisant une autopolarisation différente sur l’électrode
porte-substrat, découplée de la masse par l’intermédiaire d’une
deuxième boîte d’accord, tandis que l’électrode périphérique reste à
b configuration triode la masse (figure 8b). Il s’agit alors de fait d’une configuration triode.
D’autres constructeurs proposent des réacteurs de gravure triode
comportant une excitation RF par l’électrode périphérique et un
contrôle de l’énergie des ions sur le substrat par une autopolari-
sation induite par une excitation à plus basse fréquence (100 kHz)
(figure 8c).
Plasma Boîte d'accord RF
Signalons tout de même que l’électrode périphérique joue un rôle
13,56 MHz de moins en moins important à mesure que la dimension des subs-
trats à traiter s’accroît, si l’on garde la même distance entre les élec-
Substrat trodes planes. On tend alors vers une configuration quasi
BF 100 kHz
symétrique et V dc ¤ V rf ® 0 . Cela pose d’ailleurs le problème du
c configuration triode avec autopolarisation transfert de procédé quand on passe d’un petit réacteur d’étude à un
induite à plus basse fréquence (100 kHz)
réacteur industriel.
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RF Tube en quartz
RF
Blindage
,,
,,
Plasma Confinement
magnétique
B multipolaire
RF
Refroidissement
a résonateur hélicoïdal
RF
Diélectrique
Figure 9 – Décharge diode RF avec confinement magnétique
par champ tournant
,,,
Plasma
Échantillon Échantillon
B
B
E
RF
RF Refroidissement
RF
b TCP
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,,
fuites d’hélium.
,,
Le réacteur à décharge hélicon a, lui aussi, été développé pour la Plasma
Confinement
gravure en microélectronique, bien qu’il trouve maintenant quel- magnétique
ques applications dans le dépôt PECVD de diélectriques (SiO2) ou de
couches dures (carbone adamantin). Le mot hélicon désigne des
modes particuliers d’ondes de plasma (ondes de whistler) qui se RF
propagent dans une colonne de plasma magnétisé. Pour exciter ces
Refroidissement
modes, qui transfèrent de l’énergie aux électrons du plasma par
atténuation de Landau, il faut (figure 12), d’une part, des bobines
Figure 12 – Réacteur à décharge RF en mode hélicon
externes créant un champ magnétique statique axial (» 100 G) dans
la colonne et, d’autre part, une antenne RF formant deux bouches en
vis-à-vis de part et d’autre du tube de quartz pour pouvoir coupler le
champ magnétique transverse d’un mode hélicon particulier
(m = 1).
Comme les réacteurs à couplage inductif, le réacteur hélicon per- Tube
met d’atteindre des densités ioniques élevées (ni » 1012 cm-3) pour à décharge
des puissances RF de 1 à 2 kW dans un volume de quelques litres. Il
convient également de confiner magnétiquement le plasma
(aimants multipolaires ou bobines secondaires) en aval dans la zone
du porte-substrat polarisé et refroidi.
Bouton
d'accord
1.6 Décharges micro-ondes
Guide
1.6.1 Cavités résonantes d'onde
et structures à ondes guidées Connecteur
coaxial
Avec les micro-ondes à 0,915 ou 2,45 GHz, les modes de couplage a cavité rectangulaire
Bouton
utilisés en RF sont inappropriés. De plus, les fréquences en question d'accord
ne sont en principe absorbées par le plasma que si sa densité élec-
tronique est supérieure ou proche de la densité de coupure nec défi-
nie par l’égalité de la pulsation plasma électronique :
w pe = q 2 ne ¤ e0 me
et de la pulsation d’excitation :
w = 2 pf
Boucle
soit respectivement nec = 9,5 x 109 cm-3 à 0,915 GHz et de couplage
7,4 x 1010 cm-3 à 2,45 GHz, ce qui montre que les plasmas micro-
ondes ont d’emblée des densités électroniques assez élevées, en Connecteur Connecteur
particulier par rapport aux plasmas RF à couplage capacitif. coaxial coaxial
Les plasmas de décharge micro-onde ont d’abord été créés et étu-
b cavité cylindrique
diés dans des cavités résonantes de dimensions petites par rapport
à la longueur d’onde (12 cm à 2,45 GHz), pour éviter des structures
modales dues aux ondes stationnaires. Les figures 13a et 13b mon- Figure 13 – Exemples de décharges
trent des exemples de cavités rectangulaire et cylindrique utilisées en cavités micro-ondes résonantes
pour créer des plasmas intenses comme sources lumineuses pour la
spectroscopie. Mais ces décharges de petite taille ne sont pas adap-
tées au traitement de matériaux. On a donc mis au point des réac- guides d’onde standards à travers des fenêtres de céramique
teurs à décharges micro-ondes dans des cavités non résonantes et (figure 14a). Néanmoins l’homogénéité du couplage et, donc, de la
multimodes se présentant comme des enceintes cylindriques densité électronique dans ce type de cavité dépendent de manière
d’assez grandes dimensions (jusqu’à une centaine de litres) où la critique de la pression et de la puissance injectée et l’espace para-
puissance micro-onde (jusqu’à quelques kW) est injectée par des métrique de fonctionnement est assez restreint. En général, l’homo-
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z
a traitement d'échantillon en postdécharge
1.6.2 Structures à ondes propagatrices
Plasma
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Gaz
Fenêtre
diélectrique Guide d'onde
Pompage 2,45 GHz
B = 875 G
Porte-substrat
chauffant
+ e
,,,
Plasma Fenêtre
diélectrique
Vp Confinement
magnétique
qB
w c e = -------- = w (13) S S
me
Bien qu’elles commencent maintenant à être concurrencées par Figure 17 – Réacteurs à décharge micro-onde
les sources à couplage inductif ou hélicon (cf. § 1.5.2) et (cf. § 1.5.3), excitée par résonance cyclotronique électronique
les décharges RCE connaissent un grand succès depuis le milieu
des années 80 en tant que source à haute densité ionique
(ni » 1011 cm-3), permettant un contrôle de l’énergie de bombarde-
ment pour la gravure en microélectronique. Elles sont aussi utilisées 1.7 Faisceaux d’ions
pour le dépôt de couches minces de semi-conducteurs ou de diélec-
triques, voire des couches de carbone dur adamantin.
1.7.1 Généralités
Un exemple de réacteur à décharge RCE est représenté sur la
figure 17a. Le substrat est placé en aval de la zone de RCE où le Des sources d’ions de divers types ont été imaginées et exploitées
plasma diffuse avec des ions légèrement accélérés dont on peut tant en recherche de base que pour leurs applications dans le
contrôler l’énergie de bombardement par une polarisation RF ou domaine de la propulsion spatiale (moteurs ioniques) dans les
continue du porte-substrat. La divergence du faisceau d’ions peut années 60. Par la suite, leur application s’est largement répandue
éventuellement être réduite par l’application d’un champ magné- dans le traitement de surface, car elles permettent de disposer d’un
tique secondaire au niveau du porte-substrat. faisceau parallèle d’ions monoénergétiques dans des bâtis sous
vide poussé, pour des applications telles que le nettoyage de sur-
En utilisant une structure d’aimants multipolaires et des antennes face, le micro-usinage, le dépôt, la gravure ionique réactive ou
pour propager les micro-ondes au voisinage des festons des l’implantation (cf. § 1.2).
aimants où l’on a un champ magnétique de 875 G, on peut aussi
obtenir une RCE répartie (ou RCER). Des réacteurs de ce type, en Une source d’ions se compose de plusieurs éléments :
configuration cylindrique (figure 17b), ou plane, ont été étudiés et — une alimentation continue et stable dans la matière dont les
commercialisés, en particulier en France. ions sont issus sous forme gazeuse (débit de gaz rare ou de gaz
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Cathode creuse
1.7.2 Sources Kaufmann émissive
Anticathode
Anodes
La configuration typique des sources développées à partir de 1960
par Harold Kaufmann et ses collaborateurs de la NASA est représen-
tée sur la figure 18. La pression dans la chambre d’ionisation est
inférieure à 10-2 Pa. Une décharge continue est créée par des élec- B
trons primaires sous une d.d.p. d’une centaine de volts entre la
e Ions
cathode émissive et la paroi anodique. Des aimants permanents
e
créent un champ magnétique de 5 à 12 mT, suffisant pour assurer un
confinement partiel des électrons. Selon les applications, diverses
améliorations ont été successivement apportées quant à la distribu-
tion du gaz, la cathode émissive ou la structure du champ magnéti-
que (configuration multipolaire). Bobine d'induction
magnétique
Bobine d'induction
1.7.3 Sources Penning magnétique Grille
d'accélération-
La décharge Penning se caractérise par la combinaison d’une décélération
anode cylindrique et de deux cathodes aux extrémités avec un
champ magnétique axial. Les électrons sont confinés axialement Figure 19 – Source à faisceau d’ions de type Penning
par le puits de potentiel électrostatique entre la cathode et l’antica- dite duoPIGatron
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1 2
Tube d'acier refroidi
Air, O2
2 à 3 mm Air, O2, 2*
O3
Dépôt
métallique
Tube
en verre 3
Figure 20 – Schéma d’un tube à décharge silencieuse Figure 21 – Exemple de trajectoires de particules chargées
pour la synthèse de l’ozone soumises au potentiel d’une sonde attractive
1.8 Décharges couronnes et décharges densité et température des différentes espèces composant le
plasma, éventuellement fonction de distribution électronique des
silencieuses à haute pression vitesses (f.d.e.), état spectroscopique, etc. Si l’on excepte la
méthode des sondes électrostatiques (cf. § 2.2) pour caractériser les
électrons, les méthodes de diagnostic sont le plus souvent non
1.8.1 Traitement de surface locales, mettant en jeu une moyenne d’espace que l’on ne peut
déconvoluer que grâce à une hypothèse a priori sur la répartition
Parmi les décharges les plus usitées en traitement de surface, il spatiale. La nécessité d’une description préalable du plasma pour en
faut mentionner les décharges couronnes à pression atmosphérique effectuer les diagnostics est d’ailleurs une caractéristique très géné-
obtenues par un arrangement de pointes sur lesquelles on applique rale de ceux-ci. Du caractère plus ou moins simplifié de la descrip-
une très haute tension (» 10 kV) à moyenne fréquence ( < 50 kHz ). tion dépendra la marge d’incertitude irréductible de la mesure,
Ces décharges sont exploitées pour traiter des films plastiques afin souvent très grande, comme on le verra.
de modifier leurs propriétés d’adhésion ou leur mouillabilité par
Toute propriété du plasma qui dépend d’un paramètre peut
l’intermédiaire des radicaux libres créés en surface sous l’action des
conduire à une méthode de diagnostic de ce paramètre. Cela impli-
ions et des espèces actives engendrées dans les streamers de la
que que l’on ait, au préalable, modélisé le plasma de façon suffisam-
décharge couronne. Les réacteurs sont donc des systèmes à enrou-
ment simple pour pouvoir relier le paramètre à la propriété
leurs très rapides et en grande largeur (typiquement 3 m) où le film
correspondante. Nous nous contenterons de passer en revue quel-
à traiter passe devant une rangée de pointes.
ques-unes des méthodes les plus courantes fondées sur les proprié-
tés électriques (sondes électrostatiques), diélectriques (diagnostic
micro-onde) et spectroscopiques (diagnostics optiques). Nous
1.8.2 Réacteurs de traitement des gaz omettons les techniques de spectrométrie de masse décrites dans
un autre article [47].
Les décharges couronnes peuvent être utilisées pour traiter des
gaz froids grâce à la chimie hors d’équilibre thermodynamique
induite par le très fort champ électrique (jusqu’à 100 kV/cm) dans le
dard en tête du front de propagation d’un streamer. Néanmoins la 2.2 Sondes électrostatiques
chimie en volume est plutôt le domaine de la décharge dite silen-
cieuse obtenue à pression atmosphérique sous forme de microdé-
charges entre deux électrodes dont l’une est recouverte d’un
diélectrique pour empêcher le développement d’arcs (figure 20). 2.2.1 Classification des théories de sondes
Ces décharges sont alimentées en basse fréquence (quelques kHz)
sous très haute tension (10 kV). Du point de vue physico-chimique, Une sonde électrostatique est un conducteur de petite dimension
les microdécharges impulsionnelles de la décharge silencieuse sont plongé dans un plasma et que l’on polarise afin de recueillir un
analogues aux streamers de la décharge couronne. Actuellement, courant, courant qui dépend, à l’évidence, de la densité et de la tem-
des réacteurs à décharge silencieuse de grosse capacité (100 kg/h) pérature des espèces chargées, objets du diagnostic; cette dépen-
sont exploités pour la synthèse de l’ozone utilisé pour la purification dance met en jeu la dynamique des particules dans le champ
des eaux usées. D’autres types de décharges couronnes hors d’équi- électrique créé par la sonde, lequel se répartit dans sa gaine dont
libre à haute pression et en régime pulsé sont actuellement à l’épaisseur est du même ordre de grandeur que la longueur de
l’étude, en particulier pour le traitement des gaz toxiques. Debye, lDe. Le calcul des trajectoires des charges dans la gaine est
généralement complexe lorsque le potentiel de la sonde est attractif
(figure 21); en outre, il implique la connaissance a priori des carac-
téristiques du plasma. Le problème qui se pose à l’expérimentateur
2. Méthodes de diagnostic est donc, en premier lieu, celui du choix de la théorie adéquate pour
le dépouillement de ses mesures. Outre lDe, deux autres longueurs
caractéristiques interviennent dans le calcul des courants : le libre
parcours moyen, , ~ , eN ~ , iN des particules chargées et la dimen-
2.1 Introduction sion de la sonde, par exemple son rayon RS. Le rapport , ¤ l De fixe
en effet l’importance des collisions dans la gaine, le rapport RS / lDe
l’épaisseur relative de la gaine, c’est-à-dire l’influence de la géo-
Il est fondamental pour l’utilisateur d’un appareil à décharge de métrie de la sonde, enfin le rapport R S ¤ , l’effet de perturbation de
connaître les paramètres qui en régissent les propriétés : nature, la sonde sur la zone neutre [43].
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F IS = Ie – Ii D
FA
FS
VS
Fp
C
FK
S A z
K
Ff Fp FS
S
Vf 0 VS = FS– Fp
A B
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Tableau 5 – Formules pratiques de la théorie classique des sondes ( R S << , ) dans les deux cas asymptotiques
de la gaine fine et de la gaine épaisse
Caractéristiques
Type de sonde Géométrie de la sonde Formules pratiques (1)
de la sonde
I e = I the = 0, 4 An e q kT e ¤ m e
VS = 0
Sonde Géométrie I i = I thi = 0, 4 An i q kT i ¤ m i
répulsive quelconque
ou neutre VS < 0 I e = I the exp ( qV S ¤ k T e )
VS > 0 I i = I thi exp ( Ð q V S ¤ k T i )
VS > 0 I e = I the = 0, 4 An e q kT e ¤ m e
Plan
ou
cylindre/sphère Ð kT e (si Te >> Ti)
avec V S < -------------
RS >> lDe 2q I i = 0 ,6 An i q kT e ¤ m i
Sphère VS > 0
I e = I the ( 1 + qV S ¤ k T e )
RS << lDe
Sonde
attractive 2 kT e
V S > -------------
q I e = I the ( 4 ¤ p ) ( 1 + qV S ¤ kT e )
RS << lDe
Cylindre
Ð 2 kT e (si Te >> Ti)
V S < ----------------
q
I i = 0 ,4 An i q kT e ¤ m i ( 4 ¤ p ) ( 1 Ð qV S ¤ kT e )
RS < 3 lDe
(1) A : aire de la sonde
■ Détermination du potentiel plasma effective de capture des charges lorsque V S et, par suite, l’épais-
L’exploitation de la caractéristique expérimentale IS(FS) implique seur de la gaine augmentent. Il faut, pour cela, entourer la sonde
que soit déterminée la valeur Fp du potentiel plasma et c’est là un d’un anneau de garde polarisé au même potentiel. La sonde cylin-
des problèmes difficiles des sondes simples. En effet, Fp n’est pas, drique est la plus riche en information puisque le courant de satura-
a priori, connu de l’expérimentateur et, par ailleurs, il n’a pas tou- tion électronique donne à lui seul ne et Te, sans qu’il soit nécessaire
jours de caractère intrinsèque, indépendant de FS. Ainsi, dans une de déterminer précisément Fp. D’une manière générale, on estime
décharge classique entre une anode A et une cathode K, Fp a une que la précision des paramètres déduits des mesures est d’environ
valeur bien définie, comprise entre FA et FK (figure 22a); l’une ou 10 % pour Te et de 100 % pour ne. Si aucune des inégalités entre les
l’autre de ces électrodes peut alors servir de borne à l’alimentation longueurs fondamentales considérées dans le tableau 5 n’est réali-
de polarisation. En revanche, dans le cas de plasmas sans élec- sable, il convient de se reporter aux références convenables présen-
trodes ni paroi de potentiel fixé, il devient nécessaire d’introduire un tées dans les ouvrages spécialisés [26] [27].
second conducteur permettant une méthode de sonde multiple ou
fournissant simplement une référence de potentiel, ainsi que dans la
configuration décrite au paragraphe 2.2.3. 2.2.3 Sondes multiples
Le moyen de déterminer Fp consiste à localiser le point C où se
produit le changement de pente entre les régions BC et CD de la Le dispositif à sonde multiple le plus couramment utilisé est celui
figure 23. Très souvent, celui-ci est peu accentué : une méthode est de la double sonde symétrique schématisé sur la figure 24a. Il est
alors de tracer en coordonnées semi-logarithmiques la partie dit flottant parce que seule est fixée par le générateur extérieur la
correspondant à FS > Ff de la caractéristique et d’identifier la posi- d.d.p. entre les deux sondes S1 et S2 :
tion de Fp avec le point de rencontre des deux courbes quasi linéai- F12 = FS1 - FS2 (17)
res qu’elle fait apparaître.
Il est donc mieux adapté que la sonde simple au diagnostic des
■ Formules pratiques
décharges ne présentant pas de référence de potentiel, telles que
Le tableau 5 présente, pour un plasma à deux composantes celles créées par couplage externe.
maxwelliennes, les formules pratiques utilisables dans des cas
Les potentiels FS1 et FS2 s’autoajustent afin de satisfaire la loi de
limites correspondant à des inégalités fortes entre les longueur , ,
conservation des courants : l’excès d’électrons IS1, collecté par la
lDe et RS. Il est souhaitable de donner à RS une valeur permettant de
sonde la plus positive S1, circule dans le circuit de polarisation et
se placer dans l’une de ces situations, si elle reste compatible avec
compense, en arrivant sur la sonde S2 l’excès d’ions IS2 que celle-ci
la condition d’une mesure non perturbative.
reçoit du plasma. Le courant mesuré est donc :
En pratique, la configuration de sonde plane parfaite n’est réalisée
que s’il n’y a pas d’effet de bout tendant à augmenter la surface I12 = IS1 = - IS2 (18)
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0 Ii 2 Ð Ii 1 Ii 2 + Ii 1 qF 12 ln a
S2 S1 VS1 - + ------------------- tanh -------------
I 12 = ----------------- + ----------- o (19)
2 2 2 kT e 2
Vf
V12
où l i , ( , = 1, 2 ) est le courant de saturation ionique de la sonde , .
VS2
F 12 I12
La mesure de la pente à l’origine permet donc de déterminer Te.
S2 S1 x
2.2.4 Extension du diagnostic par sonde
a montage c répartition des potentiels
entre les sondes
au cas des ions négatifs
Ie (VS)
Les décharges dans les gaz électronégatifs conduisent à étudier le
comportement des sondes dans des plasmas à trois composantes
chargées : électrons, ions positifs (indice i) ions négatifs (indice -),
toutes trois en équilibre maxwellien avec T- » Ti . On posera :
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2.2.5 Mesure des fonctions de distribution son recouvrement de diélectrique ou la modification de son coeffi-
cient de collage, effets qui, par ailleurs, varient au cours du temps.
■ Principe Le premier déplace la référence de potentiel, le second introduit
une résistance et une capacité dans le circuit de mesure, le troisième
La détermination d’une fonction de distribution électronique
change la probabilité de recombinaison e-i sur la sonde et peut
(f.d.e) isotrope au moyen d’une sonde polarisée négativement est
induire de l’émission secondaire. Il est donc conseillé de nettoyer
basée sur la formule de Druyvesteyn :
fréquemment la sonde en la chauffant, par exemple au moyen du
courant de saturation électronique qu’elle collecte aux fortes valeurs
2 me VS d 2 Ie
g ( U e ) = ( 2 ¤ q 2 A ) Ð ------------------- -------------
- (23) de VS. Un balayage rapide et périodique de VS, s’il est compatible
q d V S2 avec la dynamique de la gaine électrostatique et avec le dispositif de
traitement de la mesure, est une solution qui permet à la sonde de
U e = m w e2 ¤ 2 = Ð q V S (24) conserver un état de surface propre et constant au cours du temps.
■ Une autre cause de perturbation du diagnostic est la fluctuation
g(Ue) est la f.d.e des énergies associés à la f.d.e des vitesses par la
du potentiel plasma, qu’elle soit aléatoire ou périodique, comme
relation :
dans le cas d’une décharge RF.
g ( U e )d U e = f ( w e )4p w e2 d w e (25) En effet, du fait de la non-linéarité de la caractéristique de sonde,
I e ( V S ) ¹ I e ( V S ) et l’on ne peut se contenter de moyenner dans le
La relation (23) peut être étendue à g-(U-), fonction de distribution temps le courant mesuré. Deux méthodes sont décrites dans les
en énergie des ions négatifs considérés au paragraphe 2.2.4. exemples suivants.
■ Mesure
Exemples : Mesure de plasmas réactifs avec des sondes électro-
La quantité mesurée est d 2 I S ¤ d V S2 , ce qui rend parfois nécessaire statiques
l’élimination des composantes non désirées :
■ La figure 25 présente des mesures de sonde dans un plasma RF
— la composante d 2 I i ¤ d V S2 dont la contribution peut être impor- diode [32]. Une tension alternative, synchronisée avec le potentiel
tante aux fortes valeurs de Ue, notamment pour une sonde cylindri- plasma, est superposée à la tension de polarisation de la sonde de
façon à éliminer la composante alternative VS = FS - Fp. Le réglage de
que. On utilise alors des sondes à séparation électrostatique qui
son amplitude et de sa phase est effectué de façon à obtenir une valeur
effectuent successivement la sélection en énergie des électrons et
du potentiel flottant Ff (mesurée avec un voltmètre de forte impé-
l’élimination des ions positifs du courant collecté [29];
dance) aussi élevée que possible. On sait en effet (d’après la relation
— la composante d 2 I e ¤ d V S2 lorsque l’on s’intéresse à g-(U-)
45 de [43]) qu’une sonde soumise à un potentiel alternatif voit son
avec <U-> ~ <Ue>. La référence [30] décrit une sonde plane à
potentiel flottant diminuer. Le balayage en tension (50 V) est effectué
déflexion magnétique qui élimine les électrons en conservant à la
en quelques secondes. Le courant de sonde est mesuré avec un ampli-
caractéristique I-(VS) une allure inchangée. Notons que la mesure
ficateur différentiel. Les résultats sont, d’une part, ceux que l’on
de d 2 I S ¤ d V S2 est un moyen de mettre en évidence la présence des
obtient classiquement avec les sondes (ne, Te, f.d.e.), d’autre part, la
ions négatifs et de mesurer leur densité relative (paramètre b ). De
valeur de l’amplitude et de la phase de la fluctuation de Fp.
tels exemples sont présentés à la référence [31] pour des plasmas
de H2, I2, I2 / Ar, Ar/SF6, O2 . ■ La figure 26 extraite de la référence [33] concerne des mesures
Trois types de méthodes sont utilisés pour mesurer d 2 I S ¤ d V S2 : de sonde effectuées sur un plasma du même type. Afin de supprimer
le bruit, le potentiel d’une sonde de référence est retranché du poten-
— les méthodes de modulation consistant à mesurer un effet lié à tiel de polarisation. Le balayage en tension est rapide et une tension
la non-linéarité de la courbe IS(VS), par exemple, la composante à fortement négative est appliquée à la fin de chaque cycle pour assurer
2w du courant lorsque l’on superpose à VS une tension V ö coswt [43].
le nettoyage de la sonde. La f.d.e. est mesurée par différentiation ana-
Ce sont des méthodes lentes; logique et digitalisation.
— les méthodes paramétriques mesurant d2IS/dt2 avec des
amplificateurs opérationnels, VS variant proportionnellement à t ;
— les méthodes numériques basées sur la digitalisation de la
caractéristique.
2.3 Diagnostics micro-ondes
Leur mise en œuvre doit rester compatible avec un balayage très
rapide de la tension et, par suite, un lissage des courbes et un net-
toyage fréquent de la sonde. Pour de plus amples renseignements, on se reportera à la réfé-
rence [34].
2.2.6 Précautions d’usage Les diagnostics micro-ondes mesurent les propriétés diélectri-
ques du plasma, caractérisées par sa constante diélectrique
relative er. Ces propriétés sont déduites des caractéristiques d’une
■ L’introduction d’une sonde peut modifier les caractéristiques de onde qui le traverse, que cette onde soit progressive (méthodes de
la décharge. Ainsi, dans la décharge continue de la figure 22, IS faisceau) ou stationnaire (méthodes de cavité résonante). En pré-
s’ajoute au courant de décharge I, modifiant le bilan ionisation- sence d’un champ magnétique statique B0, le plasma est anisotrope
pertes qui fixe les caractéristiques du plasma. Cela est particulière- et il se comporte à la manière d’un cristal uniaxe dont l’axe optique
ment vrai lorsque l’on referme le circuit de mesure sur la cathode, serait dirigé selon B0, propageant un certain nombre de modes de
au niveau de laquelle le courant électronique est faible. Il est donc pulsation w, caractérisés chacun par leur polarisation ainsi que par
préférable d’utiliser l’anode comme référence de potentiel et de la norme et la direction, par rapport à B0, de leur vecteur d’onde K.
minimiser la taille de la sonde (il faut aussi minimiser la taille de son
support pour éviter la réduction de ne dans la zone neutre, calculée Le plus couramment utilisé pour les diagnostics est le mode ordi-
au paragraphe 2.1 de [43]. naire en propagation perpendiculaire, qui s’identifie à celui des
ondes électromagnétiques pour B0 = 0. Il est caractérisé par le nom-
■ Si les plasmas réactifs sont appliqués au traitement de maté-
bre d’onde K = ( w ¤ c ) e r . Pour chaque ensemble de paramètres w,
riaux, on peut craindre qu’ils ne modifient aussi la surface de la
sonde par des effets tels que le changement de son travail de sortie, wpe et neN, la relation (22) de la référence [43] fournit la valeur
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w pe 2 w pe 2
w
- Ð in eN ---------3-
K = K R Ð i K I » ---- 1 Ð --------- (26)
10 nF c 2 w2 2w
Sonde
13,56 MHz
Plasma 2.3.1 Méthodes de faisceau
14 2
Une onde ordinaire qui traverse, au lieu du vide, un plasma de
longueur L, subit un écart de déphasage Dj et une atténuation A
respectivement liés à la partie réelle et à la partie imaginaire de K .
Amplificateur Dans le cadre des approximations validant la relation (26), on
47 mH et atténuateur
obtient :
Alimentation j
DC 350 mA
1 nF æ ö
1 nF D j ( rad ) = ç ww pe
2 L ¤ 2 c÷ ¤ w 2 (27)
350 V
è ø
Voltmètre
forte impédance æ ö
2 L ¤ 2 c÷ n
A ( dB ) = 4 ,34 ç ww pe eN ¤ w
2 (28)
è ø
Électrode RF ò
n e = ( 1 ¤ L ) n e ( z ) dz
0
(29)
complexe de K de K . On note que, dans le cas particulier où La résonance d’une cavité micro-onde remplie d’un diélectrique
neN = 0, elle est purement imaginaire si w < wpe : c’est le phénomène est caractérisée par une fréquence d’accord fR = w R/2p et un facteur
de coupure, qui se manifeste par la réflexion totale, à la lisière du de surtension Q. La première dépend de la constante diélectrique et
plasma, de toute onde incidente satisfaisant à cette inégalité. La des dimensions de la cavité, le second des pertes en volume et en
relation w = wpe définit soit la fréquence de coupure à densité ne surface.
fixée, soit la densité de coupure nec à fréquence fixée. L’expression Il est clair que l’introduction d’un plasma dans une telle cavité
modifie les valeurs de w R et de Q au travers de la partie réelle et ima-
de K se simplifie lorsque w pe
2 ¤ w 2 << 1 et n 2 << w 2 selon la
eN ginaire de er, qu’il est donc possible de mesurer de cette manière
relation : pour en déduire, comme précédemment, les valeurs de ne et de neN.
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w / 2 p (GHz) 2
103 h
h 011 x 100 ne = Cte
cm r<R
50 cm cm 1
= 10 2 8
III L
102 6 2,4 r
h 011 x 100 ne = n0J 0
R
I 4
h 020 ne = Cte
10 II r<R
2
h 020 ne = Cte
r<R
1
10 –1 h 020 ne = n0J 0 2,4 r
109 1010 1011 1012 1013 1014 1015 8 R
ne (cm–3)
6
I limite inférieure de ne (résolution en phase) pour différentes
longueurs de plasma 4 h 010 ne = n0J 0 2,4 r
R
II limite supérieure de ne (coupure)
III limite supérieure de fréquence (domaine micro-onde)
2
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Certains diagnostics optiques peuvent être utilisés, en temps réel, alors montrer que l’intensité de lumière émise en régime station-
et in situ pour le contrôle des procédés à plasma [39]. naire s’écrit :
Les diagnostics spectroscopiques peuvent se classer en deux
catégories : 1 A kj
I l = ------- Nn e k ek hf kj -------- (35)
— dans la première, on place les techniques dans lesquelles on 4p Ak
observe directement la lumière émise par le plasma; il s’agit essen-
tiellement de l’émission optique et des diagnostics dérivés tels que avec Ak = åj<k A kj inverse de la durée de vie radiative du
l’actinométrie; niveau k.
— dans la deuxième catégorie se trouvent les méthodes utilisant La lumière émise est bien proportionnelle à la densité des espèces
une source de lumière extérieure. C’est le cas de l’absorption opti- dans l’état fondamental, mais dépend aussi de la densité des élec-
que, consistant à observer la transmission à travers le plasma de la trons et, à travers le coefficient d’excitation par collisions électroni-
lumière émise par une source cohérente ou incohérente, et des dia- ques, de la fonction de distribution en énergie des électrons. La
gnostics par spectroscopie laser. spectroscopie d’émission permet donc de comparer des concentra-
tions d’espèces excitées (atomes ou molécules) lorsque les paramè-
tres du plasma, c’est-à-dire la densité et l’énergie des électrons,
2.4.1 Émission restent constants. Mais surtout, l’émission permet d’identifier dans
un plasma un grand nombre d’espèces par l’observation de transi-
Dans un plasma, l’émission de lumière se produit lorsqu’un état tions optiques caractéristiques d’un atome ou d’une molécule. Sui-
excité, atomique ou moléculaire, perd tout ou partie de son énergie vant la valeur de la probabilité d’émission spontanée du niveau
par un mécanisme radiatif. Le photon émis au cours d’une transition observé, des densités d’espèce de l’ordre 105 à 106 cm-3 peuvent
entre un niveau k d’énergie Ek et un niveau j d’énergie Ej (Ek > Ej) à être détectées.
la fréquence fkj = c/lkj, a une énergie :
avec h constante de Planck (h = 6,6 x 10-34 J.s). La spectroscopie d’émission ne permet d’observer que des états
L’intensité lumineuse émise s’écrit : excités. Pour en déduire la densité des espèces dans leur état fonda-
mental, il faut connaître la densité des électrons ainsi que le coeffi-
cient d’excitation de l’état radiatif par collisions électroniques. Si les
1 collisions électroniques représentent le mécanisme principal de
I l = ------- n k hf kj A kj (32)
4p peuplement, et si le milieu est optiquement mince, l’intensité d’une
raie est donnée par l’équation (35).
avec Akj coefficient d’Einstein d’émission spontanée qui
représente la probabilité d’émission du photon, Le rapport d’intensité entre deux raies ne dépend pas de la den-
sité électronique, mais du rapport entre les coefficients d’excitation
nk densité d’états excités k. par collisions électroniques. Si, dans un plasma, on a deux espèces
La relation (32) correspond donc à l’énergie émise par unité de X et Y (atomes ou molécules) de densité nX et nY, le rapport d’inten-
temps, de volume et d’angle solide. Le flux d’énergie se calcule en sité de deux raies, l’une émise par X et l’autre par Y est donné par :
intégrant sur l’angle solide de visée du détecteur. Pour un milieu
optiquement mince (c’est-à-dire si les photons émis ne sont pas IX n X k e X A kj ( X ) A k ( Y ) f kj ( X )
----- = ----------------- ---------------------------------- --------------- (36)
réabsorbés dans le plasma), cela correspond à une simple intégra- IY n Y K e Y A kj ( Y ) A k ( X ) f kj ( Y )
tion sur le volume de visée en tenant compte de la répartition spa-
tiale des espèces excitées.
Dans cette expression, les coefficients d’excitation électroniques
Dans un plasma, le processus principal de création des états sont définis par l’équation (34). Ces coefficients dépendent de la sec-
excités est constitué par les collisions électroniques. Le taux de tion efficace et de la fonction de distribution en énergie des élec-
peuplement d’un niveau k par collisions électroniques à partir de trons. Le rapport d’intensité entre les deux raies est donc
l’état fondamental est donné par : proportionnel à la concentration des espèces X et Y, si les sections
efficaces sont proches l’une de l’autre. Pour cela, elles doivent avoir
Ck = ne N kek (33) un seuil en énergie et une évolution en fonction de l’énergie des
électrons semblables.
avec N densité de molécules ou d’atomes dans l’état En pratique, l’actinométrie permet de doser la concentration
fondamental, d’une espèce donnée. Pour cela, on ajoute comme traceur dans le
ne densité électronique, plasma une quantité connue d’un gaz non réactif (gaz rare ou azote).
On mesure alors le rapport d’intensité de deux raies d’émission,
kek coefficient d’excitation électronique. l’une du traceur et l’autre de l’espèce à doser. Si les états excités
Ce dernier correspond à la moyenne du produit de la section effi- observés sont majoritairement créés par collisions électroniques à
cace d’excitation sek intégrée sur la fonction de distribution des partir de l’état fondamental et si la condition sur les sections effi-
vitesses des électrons : caces définie précédemment est remplie, on a :
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Téléscope 4
cylindrique
r États excités
Laser
DE < 5 eV DE Fluorescence induite
visible ou proche IR
z 3
hn > 1,2 eV
l < 1 000 nm
2
Première transition
hn 2
permise à 2 photons
Première transition
permise hn 2 < 6 eV
Optique l2 > 200 nm
hn 1 > 10 eV
de collection
réduction x 5 l1 < 125 nm hn 1
Filtre VUV
optique
hn 2
Caméra CCD z coordonnée interélectrode
intensifiée r coordonnée radiale
1
Figure 30 – Imagerie à 2 dimensions
d’un plasma de décharge RF par fluorescence induite par laser Niveau fondamental
La partie gauche de la figure correspond à une excitation à 1 photon,
la partie droite à une excitation à 2 photons
Le schéma d’un montage optique permettant l’étude spatiale par
LIF d’une décharge RF est représenté sur la figure 30. Le faisceau du Figure 31 – Diagramme des niveaux d’énergie
laser sonde est transformé en nappe mince au moyen d’un téles- pour les atomes légers (H, C, N, O, Cl...)
cope à lentilles cylindriques. La fluorescence induite est enregistrée,
après sélection de la longueur d’onde de fluorescence, au moyen
d’un détecteur à matrice de photodiodes amplifiées. L’avantage d’un
tel système est de pouvoir obtenir rapidement une imagerie des Tableau 8 – Atomes légers détectés
profils spatiaux des espèces détectées. par fluorescence induite à 2 photons
l excitation l fluorescence
2.4.4.2 Technique multiphotonique Atomes
(nm) (nm)
Un certain nombre d’atomes légers appartenant aux trois pre- H 205 656
mières lignes de la classification périodique des éléments (H, N, O...) C 280 910
n’apparaissent pas dans le tableau 6, alors qu’ils jouent un rôle très
N 211 871
important dans la physico-chimie des décharges électriques. Cela
s’explique en considérant le diagramme des niveaux d’énergie O 226 845
représenté sur la partie gauche du schéma de la figure 31. Pour ces S 288 VUV (1)
atomes, le premier niveau excité est situé à une énergie > 10 eV au-
dessus du niveau fondamental, ce qui correspond à des transitions Cl 210 904
de longueur d’onde l < 125 nm. La fluorescence induite par laser à Cl 233 725 à 775
un photon est alors difficilement applicable, car elle nécessite un
F 170 776
laser dans le VUV. La solution consiste à exciter l’atome en utilisant
la première transition permise à 2 photons. La longueur d’onde (1) Ultraviolet sous vide.
nécessaire est alors > 200 nm , ce qui correspond à un domaine
spectral utilisable pour les lasers à colorant (partie droite de la
figure 31). L’atome excité peut, soit se désexciter spontanément Nous avons réuni dans le tableau 8 les principaux atomes que
vers le niveau inférieur en émettant un photon visible ou IR, soit être l’on peut détecter par fluorescence induite à 2 photons, en précisant
ionisé par l’absorption d’un troisième photon. Ces deux mécanis- pour chacun d’eux la longueur d’onde du laser et la longueur d’onde
mes peuvent avoir des probabilités du même ordre de grandeur. sur laquelle on observe la fluorescence. Pour certains éléments, on
Dans le premier cas, on a la fluorescence induite après excitation à préfère observer la deuxième fluorescence sur les transitions VUV,
2 photons; dans le deuxième cas, on a création de charges électri- pour lesquelles les détecteurs sont parfois plus sensibles que dans
ques qui, dans une décharge, peuvent produire un effet optogalva- le proche IR.
nique (cf. § 2.4.5). La fluorescence induite par excitation à 2 photons n’est pas réser-
vée à la détection des atomes; elle s’applique également aux molé-
Pour la fluorescence laser multiphotonique, les équations de bilan cules et aux radicaux pour lesquels l’excitation de l’état fondamental
sont alors plus compliquées que pour l’excitation à un photon nécessite une longueur d’onde inférieure à 200 nm. Nous avons
[équations (43) et (44)]. Mais on peut considérer, en première parlé d’excitation laser à 2 photons, mais on peut également détec-
approximation, que, si l’énergie laser est maintenue constante et ter certains atomes ou radicaux par excitation multiphotonique à
que la pression ne varie pas, le signal de fluorescence est propor- 3 photons, les longueurs d’onde nécessaires pour l’excitation sont
tionnel à la densité d’espèce dans le niveau de départ n1. alors plus faciles à obtenir avec les lasers à colorant conventionnels.
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Dans ce cas, l’ionisation résonnante à 3 + 1 photons est souvent le Comme pour la fluorescence induite par laser, l’effet optogalvani-
mécanisme le plus probable, au détriment de la fluorescence que peut résulter d’une absorption multiphotonique. Le cas le plus
induite. courant est l’ionisation multiphotonique résonante (REMPI). Lors-
que l’on excite une espèce atomique ou moléculaire par une interac-
Les applications de la LIF (à 1 ou plusieurs photons) pour les
tion à deux photons, le niveau excité créé peut absorber un
mesures absolues de densités sont possibles, mais elles présentent
troisième photon et être ainsi ionisé (la section efficace d’ionisation
des difficultés pouvant induire de larges incertitudes dans les résul-
à un photon est beaucoup plus grande que la section efficace d’exci-
tats. Outre les problèmes rencontrés pour l’émission optique, c’est-
tation à deux photons). On a l’ionisation à 2 + 1 photons. Ce méca-
à-dire l’étalonnage du détecteur et le calcul de l’angle solide de col-
nisme est encore plus probable s’il s’agit d’une excitation à trois
lection de la lumière, la LIF nécessite la connaissance des sections
photons (ou plus). Dans les décharges, et particulièrement dans les
efficaces d’absorption en fonction de l’énergie laser, des mécanis-
gaines des décharges luminescentes où le champ électrique est
mes de quenching des niveaux et la prise en compte éventuelle des
important, la REMPI provoque un effet optogalvanique important,
problèmes de saturation. Pour ces raisons, on utilise le plus souvent
car les charges créées sont multipliées par les ionisations secon-
des techniques annexes de calibration telles que la titration chimi-
daires. Dans ce dernier cas, comme dans le cas plus général de
que, l’absorption VUV, la photolyse, la diffusion Raman, etc., per-
l’effet optogalvanique résonant, un spectre peut être obtenu en
mettant l’étalonnage de la LIF sur une concentration connue
balayant la fréquence du laser dans la gamme spectrale d’absorp-
d’espèces.
tion de l’espèce considérée et en enregistrant les variations du
La lumière de fluorescence détectée provient du volume de gaz courant qui traverse la décharge.
constitué par l’intersection du faisceau laser et du champ optique de L’effet optogalvanique est principalement utilisé dans les plasmas
collection du détecteur. Ce volume peut être relativement petit pour détecter la présence d’espèces caractéristiques, particulière-
(quelques mm3), ce qui donne, pour les mesures, une très bonne ment les métaux.
résolution spatiale.
La sensibilité des techniques LIF permet de détecter des densités
d’espèce de l’ordre de 105 ou 106 cm-3 pour l’excitation à 1 photon 2.4.6 Photodétachement
et 1010 ou 1011 cm-3 pour l’excitation à 2 photons. Il ne faut
cependant pas perdre de vue que la densité observée correspond
Les ions négatifs jouent un rôle important dans la cinétique des
à un état quantique particulier de l’espèce étudiée ne représentant
décharges. Dans les gaz électronégatifs tels que O2, Cl2, SiH4, BCl3,
parfois qu’une fraction de la densité totale répartie, en fonction de la
SF6..., la densité des ions négatifs peut être égale, voire supérieure,
température, entre les sous-niveaux pour les atomes et entre les dif-
à la densité des électrons. Il est donc important de pouvoir mesurer
férents niveaux vibrationnels et rotationnels pour les molécules.
leur concentration.
Si les états internes de la molécule sont en équilibre thermique et
Pour un ion négatif M-, l’électron excédentaire peut être détaché
que leur température est connue, on peut calculer la concentration
de l’atome ou de la molécule sous l’effet d’un rayonnement, si
totale de particules dans le niveau en utilisant la relation de Boltz-
l’énergie hf des photons incidents est égale ou supérieure à l’affinité
mann.
électronique Ae de l’ion négatif. Le photodétachement laser s’écrit
Inversement, la détermination de la population de plusieurs états alors :
quantiques d’un même niveau permet de statuer sur l’état d’équili-
bre interne et, si cet équilibre existe, de déterminer la température M- + hf ® M + e + DE (45)
de l’espèce considérée.
avec DE = hf - Ae excès d’énergie emporté par l’électron.
Le tableau 9 donne la valeur de l’affinité électronique et la lon-
2.4.5 Effet optogalvanique laser gueur d’onde seuil correspondante pour quelques ions négatifs.
Dans une décharge électrique, le photodétachement d’ions néga-
L’effet optogalvanique dans les décharges électriques a été tifs provoque un effet optogalvanique non résonant, résultant de la
découvert il y a plus de 50 ans; cependant, l’utilisation des lasers production d’électrons libres. Les électrons, ayant une mobilité
accordables a considérablement élargi l’application de cette tech- supérieure aux ions négatifs, produisent une diminution de l’impé-
nique. dance du plasma qui se traduit par un accroissement temporaire du
courant de décharge dont l’amplitude peut être reliée à leur concen-
L’effet optogalvanique peut être défini comme la modification de
tration.
l’impédance du plasma par absorption de lumière. Cette absorption
peut être résonnante, lorsque la longueur d’onde correspond à une
transition atomique ou moléculaire du gaz, ou non résonante.
L’explication qualitative de cet effet est relativement simple. Tableau 9 – Ions négatifs détectés
L’absorption du rayonnement laser par le gaz de la décharge produit par photodétachement laser
soit directement des espèces chargées par photo-ionisation, soit,
par photoexcitation, une modification de l’état d’équilibre de la Affinité l seuil
population des niveaux atomiques ou moléculaires ayant générale- Ion
(eV) (nm)
ment des probabilités d’ionisation différentes. Cela conduit à une
Ð
perturbation de l’état d’ionisation modifiant l’impédance du plasma, BCl 3 0,33 3 760
c’est-à-dire la caractéristique courant-tension de la décharge.
O 2Ð 0,43 2 880
Pour les atomes ou les molécules neutres, l’effet optogalvanique H- 0,75 1 650
résonant correspond à l’excitation par absorption d’un photon d’un
état fondamental ou métastable vers un autre niveau plus proche du O- 1,46 850
seuil d’ionisation. Cette photoexcitation se traduit généralement par Ð
Cl 2 2,40 517
une diminution de l’impédance du plasma. Cependant, dans cer-
tains cas, la photoexcitation à partir d’un niveau métastable peut se I- 3,07 404
traduire par une diminution de la concentration d’états jouant un Cl- 3,62 343
rôle dans l’ionisation et produire un effet négatif (augmentation de
l’impédance). F- 3,40 365
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P
O
U
Plasmas froids de décharge R
E
par Anne-Marie POINTU
N
Docteur ès sciences
Professeur à l’université Paris-XI, Laboratoire de physique des gaz et des plasmas
Jérôme PERRIN
Ingénieur de l’École polytechnique
S
Docteur ès sciences
Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique
A
détaché auprès de la société Balzers Process Systems
et Jacques JOLLY
V
Docteur ès sciences
Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique O
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U
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