L'erosion de Sols de Taroudante
L'erosion de Sols de Taroudante
L'erosion de Sols de Taroudante
Résumé
Sur les rebords de l’oued 1’Ouaar aval, entre Taroudant et la colline Al Aricha, se
présente un paysage de bad-lands évolué et actif, entravant l’extension nord de la ville et
menaçant les terres agricoles.
Les repères géomorphologiques indiquent une simple reprise de l’érosion le long d’un
réseau de ravinement ancien.
Les causes de cette succession sont sans doute multiples. Les réseaux sont sensibles
aux tremblements de terre, mais aussi aux variations du climat et à l’action de l’Homme.
L’analyse morphologique montre quatre générations d’érosion emboîtées les unes dans
les autres. Nos premières dates au radiocarbone, effectuées en collaboration avec une équipe
canadienne de l’Université de Montréal s’échelonnent de 36280 ans BP jusqu’à l’actuel.
Elles indiquent que la première vague d’érosion est antérieure à 3000 ans BP. Par la suite, il y
a eu comblement partiel des ravins, puis ré-entaille actuelle. La première vague d’érosion, qui
guide les ravins actuels, ne peut être attribuée à l’action anthropique, à cause de son age. La
reprise d’érosion actuelle pourrait se relier à l’industrie sucrière locale du 12ème
aul7“’ siècle.
Abstract
At the present time, the downstream part of the irguiten fan (Souss valley, Morocco)
is currently undergoing intense erosion. Morphogenic processes operating on the Holocene
fine deposits lead to the development of a spectacular badland landscape.
These badlands, in return, evolve in pace with move a headwater erosion.
Two factors are responsible for their development, the first is linked to the activity
of a hidden fault which affected the cretaceous underground, its influence is evident in the
behavior of superficial streams. The second factor is anthropogenic, it is linked to the
introduction of the sugar cane in the Souss valley from 12è to the 17è centuries which led to
the disappearance of the argane forest.
Key words : Morocco, Taroudant, Erosion, Bad-lands, Gully erosion, Man action, .Datation.
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INTRODUCTION: Problème méthodologique et objectif.
La géographie, depuis plus de vingt ans, est devenue une science dans plusieurs pays
développés, avec recours aux méthodes de laboratoire comme pédologie, palynologie,
aérobiologie, datations, systèmes d'information géographique etc.
L'érosion des sols à Taroudant, objet de notre article, est l'un des phénomènes de
désertification . Celleci comporte des composantes naturelles et anthropiques. Les
deuxièmes semblent avoir été largement exagérées. A Mexico, par exemple, des analyses
paléolimnologiques ont montré que la vague d'érosion des sols attribuée à la colonisation
européenne, est antérieure à l'activité humaine, elle est donc attribuable à des changements
naturels du système morphogénétique. Dans le Sahel, l'avancement du désert vers le sud,
chaque fois qu'il se produit, est fortement publicisé par la presse. Mais le mouvement inverse
de remontée du Sahel sur des terres désertifiées Cjusqu'à 150 lun en un an), qu'enregistrent les
satellites artificiels, passe inaperçu.
Plusieurs auteurs (Néboît, 1991; Bocco, 1991) ont étudié les phénomènes d'érosion
hydrique. Les Seheb de Taroudant ne différent pas, dans leurs modalités de fonctionnement,
des formes décrites par ces auteurs, compte-tenu des conditions morphogénétiques et
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lithologiques semblables (Ait Hssaine, 1993, 1994, 1998) Parmi ces conditions, vient en
premier plan le climat qui, à Taroudant, a un caractère méditerranéen contrasté. Froid en
hiver (6,4 OC)avec des averses intermittentes et brutales (231mm/an), il est chaud et sec en
été (28,3oC) (Dijon, 1966). La sécheresse estivale provoque la dessiccation des limons et des
argiles et conduit à l'ouverture des fentes de dessiccation. Le ruissellement hivernal,
désorganisé et irrégulier, trouve alors un terrain favorable à l'action érosive. Toutefois, la
dénudation du sol et la fragilité du substratum limoneux fendillé concourent à la concentration
rapide de l'écoulement, sous forme de filets d'eau ou de ravines peu profondes. L'écoulement
diffus devient alors concentré dans les fentes de dessiccation ou simplement par érosion
régressive. Ainsi s'amorce la ravine, source de futurs sehebs (apophyses). Le phénomène
devient spectaculaire à chaque nouvel écoulement et les oueds peuvent même détruire les
infrastructures humaines.
Dans un premier temps, la ravine branche, née de la berge d'un ravin ou d'une ravine ,
antécédente, s'établit sur la partie superficielle du sol, constitué essentiellement de sables fins
limoneux. Cette branche continue à s'encaisser pendant que la ravine mère évolue
(fig. 4,5 et 6). Lorsque l'encaissement atteint un seuil limite, signalé par la présence des silts
rouges concrétionnés du Pléistocène supérieur, le creusement vertical de la ravine s'arrête et le
sapement latéral démarre. Par évolution latérale, à partir du sommet, se développent des
apophyses qui ne cessent de se multiplier. Elles finissent par créer un paysage de bad-lands,
malgré la pente insensible (fig.3).
L'oued el Ouaar est l'un des affluents principaux de l'oued Souss. D'une direction
méridienne, il change brusquement son orientation au niveau d'el Boura, à l'est de
Taroudant, pour devenir E-W. A partir de ce coude, l'oued s'enfonce de presque 8m
dans les alluvions des cônes et intercônes, alors qu'il coule en surface entre le coude et
son débouché de la montagne. Entre le coude et la colline Al Aricha les sondages
géophysiques signalent la présence d'un réseau de failles affectant le soubassement
crétacé (Fig.1 et 2). L'oued el Ouaar, entre ces deux points se calque sur l'une de ces
failles principales et devient un oued de ligne de faille (Ait Hssaine, 1998). Vers
l'extrémité aval apparaît l'emboîtement de trois terrasses, voir cinq y compris le sommet
de la colline Al Aricha. Le comportement de l'oued el Ouaar, entre le coude et la
colline, et le développement en arrière des bad-lands, uniquement dans ce secteur,
traduisent une relation directe avec une néotectonique imperceptible et active. Il semble
que la faille qui passe au pied des collines participe à leur soulèvement (soulèvement
des bordures du synclinal crétacé et subsidence axiale. L'oued el Ouaar, en s'encaissant,
accentue l'érosion régressive de ses berges et le développement latéral des ravines à
partir des oueds affluents qui restent soumis à l'évolution du lit de cet oued.
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D'après Berthier, 1966, le fonctionnement des fabriques de sucre pendant au moins 500
ans, entre le 12è et le 17è siècle à Taroudant et dans le Souss serait la cause principale de la
disparition de la forêt arganière. Selon cet auteur 800 O00 ha d'arganier ont été dévorés. I1
attribue le phénomène d'aridification de cette région aux sucrières, qui à son tour a contribué à
leur disparition. Actuellement, l'Archéologue, Gérard Giuliato, de l'université de Nancy 2 et
membre de notre action intégrée, reprend les travaux sur les sucrières de Taroudant avec des
moyens et approches modernes. I1 démontrera dans le futur, sur la base des analyses des
cendres et du charbon, au sein de notre groupe de recherche, la part de l'arganier dans les
cuissons des jus et la fabrication de la poterie in situ et par conséquences la part de l'action
anthropique dans le défrichement de la région et le déclenchement de l'érosion. Nos datations
montrent que l'érosion s'est opérée il y a 3000 ans, mais accentuée de façon spectaculaire
depuis 300 ans seulement.
L'encaissement de l'oued el Ouaar dans sa miotié avale offre de belles coupes pour
l'étude morpho-sédimentaire des dépôts superficiels. Plusieurs coupes ont été
analysées, nous retenons deux d'entre elles situées au pied de la colline Al Aricha, avant
la confluence avec l'oued Souss (fig. 1).
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Conclusion
Ait Hssaine, A., 1993. Les alluvions du site de Taroudant et leur signification
géomorphologique. Série des colloques et des journées d'études 1102: Taroudant, cité du
Souss. Actes des journées d'étude, 7-8-9 avril 1988, Dirassat no spécial (Revue de la
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Agadir, Maroc) pp 39-53.
Ait Hssaine, A., 1998. Le démantèlement actuel du piémont sud atlasique: le cas de la
partie distale du cône de l'oued Irguitène, Taroudant, Maroc. Dirassat no 8, pp 123-143
Berthier, P., 1966. Les anciennes sucreries du Maroc et leurs réseaux hydrauliques.
Doctorat d'Etat, Rabat, 2 vol., 349p.
Néboît, R. 1991. L'homme et l'érosion. Faculté des Lettres et des Sciences Humaines,
Université Clermont-FerrandII, fas.34,269p.
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Référence bibliographique Bulletin du RESEAU EROSION
Aithsaine, A. - L'érosion des sols à Taroudant entre nature et société, pp. 295-300, Bulletin du RESEAU
EROSION n° 21, 2002.