Chir Paupiere
Chir Paupiere
Chir Paupiere
Les anomalies palpébrales sont fréquentes et leur traitement est souvent chirur-
gical. La plupart des affections palpébrales ont trois conséquences possibles :
1. Disgrâce esthétique, allant d’une disgrâce très légère à une véritable
défiguration.
2. Conjonctivite. La pathologie palpébrale entraîne fréquemment une conjoncti-
vite, si la conjonctive est exposée ou irritée par la déformation des paupières.
Le patient se plaint d’irritation et de larmoiement.
3. Ulcère cornéen et taie cornéenne. Les paupières protègent la cornée et les
altérations palpébrales sévères peuvent la léser. Kératites et ulcères peuvent
rendre la cornée de plus en plus cicatricielle et opaque, entraînant finalement
une perte de l’acuité visuelle. La cécité est bien évidemment la conséquence la
plus grave d’une pathologie palpébrale.
On peut réaliser de nombreuses interventions chirurgicales sur les paupières. Cet
ouvrage ne prétend pas être exhaustif, d’autant qu’il existe d’excellents manuels
de chirurgie palpébrale. Nous nous limiterons à la description des affections les
plus courantes, en particulier celles qui sont responsables d’une perte d’acuité
visuelle par lésion cornéenne. L’entropion de la paupière supérieure et le trichiasis
consécutifs à un trachome constituent la cause principale des taies cornéennes. Ce
sont les pathologies palpébrales les plus fréquentes en région tropicale. La
paralysie faciale, également importante, est une atteinte de la lèpre. Le traitement
chirurgical d’autres affections palpébrales sera moins détaillé.
Comme dans toute chirurgie, le praticien doit d’abord comprendre la consti-
tution des tissus (anatomie chirurgicale) et l’étiologie des affections (pathologie
chirurgicale), avant d’entreprendre l’examen des différents protocoles opératoires.
Les paupières présentent, d’avant en arrière, quatre plans (figures 7.1 et 7.2) :
1. La peau.
2. Le muscle orbiculaire des paupières.
3. Le cartilage tarse.
4. La conjonctive.
Chirurgie des paupières 235
Fig. 7.1 Coupe de la paupière supérieure montrant ses quatre plans. Noter la position
du septum orbitaire, du releveur de la paupière supérieure et de son aponé-
vrose, ainsi que celle des vaisseaux sanguins principaux
Fig. 7.2 Coupe de la paupière inférieure montrant ses quatre plans. Noter la position
du septum orbitaire et du muscle rétracteur de la paupière inférieure
236 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
La peau
La peau des paupières présente plusieurs caractéristiques importantes :
• La peau des paupières, en particulier de la paupière supérieure, est plus fine,
plus élastique et plus mobile que partout ailleurs sur le corps. Elle est aussi
solidaire du tissu conjonctif sous-jacent, mais de façon beaucoup plus lâche,
de sorte que du liquide ou du sang peuvent facilement se collecter sous la peau
des paupières. L’œdème palpébral est très fréquent après chirurgie ou
agression traumatique. Il peut également se développer à la suite d’une
inflammation ou d’une infection près des paupières, ou encore dans des
maladies systémiques qui provoquent une rétention hydrique, surtout si le
sujet reste en décubitus.
• Il y a peu ou pas de graisse sous-cutanée sous la peau palpébrale, en particulier
sous la paupière supérieure. Ceci signifie que la peau de la paupière supérieure
est une bonne source de greffon pour des greffes cutanées, en raison de sa
motilité et de sa plasticité. Il y a souvent la possibilité de prélever un greffon de
peau libre, pour remplacer une solution de continuité sur une autre paupière.
Ceci n’est généralement pas vrai pour la paupière inférieure, qui n’a pas de
peau « en trop ». Chez les personnes d’âge avancé ou dans certaines affections
chroniques comme la lèpre, la peau palpébrale, en particulier celle de la
paupière supérieure, peut s’hypertrophier et se distendre. Un excès de tissu
cutané peut facilement être excisé s’il pose problème.
• Les paupières ont une vascularisation très importante. Par conséquent, après
une intervention chirurgicale ou un traumatisme, leurs plaies cicatrisent bien,
rapidement et sans infection. En raison de cette bonne vascularisation, il est
rare d’avoir à exciser du tissu palpébral traumatisé ou endommagé. Cela
signifie aussi que les greffes de peau libre « prennent » facilement sur les
paupières.
En général, les incisions cutanées devront être réalisées horizontalement en
suivant la disposition des plis palpébraux. Elles cicatriseront ainsi facilement, avec
peu de fibrose. Il y a souvent de la peau « en trop » sur la paupière supérieure, mais
ce n’est pas du tout le cas en ce qui concerne la paupière inférieure. Pour cette
raison, s’il faut exciser du tissu cutané sur la paupière inférieure, pour enlever une
tumeur par exemple, il est préférable de faire une incision verticale, plutôt
qu’horizontale, pour éviter la constitution d’une rétraction et d’un ectropion.
La conjonctive
Elle forme une membrane muqueuse qui tapisse la face interne des paupières. Elle
s’étend du limbe au fornix, où elle constitue les culs-de-sac conjonctivaux, et se
réfléchit à la face postérieure des tarses, vers le bord libre des paupières. Elle est
très solidement attachée au tarse, de sorte que son inflammation chronique,
particulièrement dans le trachome, va entraîner une fibrose et une rétraction
locale, qui vont contribuer à l’épaississement et à l’enroulement du tarse sur
lui-même, ce qui induira un entropion.
Le bord libre des paupières, où se rejoignent les tissus cutané et conjonctival,
est également une zone très importante. Au centre du bord libre se trouve une
ligne de peau très fine, dénommée « ligne grise » en raison de sa coloration
(figures 7.1 et 7.4). Elle court sur le bord libre du canthus interne à l’externe. Les
cils s’implantent juste en avant de la ligne grise et les orifices des glandes de
Meibomius s’implantent juste en arrière de celle-ci. Si on masse les paupières, on
voit apparaître les petites gouttes perlées des sécrétions des glandes de Meibomius.
Les larmes s’écoulent le long du bord libre, de l’extérieur vers l’intérieur, où elles
sont drainées par les orifices des canalicules lacrymaux ou points lacrymaux. La
sécrétion graisseuse des glandes de Meibomius évite le débordement des larmes et
contribue à la constitution du film lacrymal à la surface de la cornée.
Une incision le long du bord libre, en suivant la ligne grise, sépare la paupière
en deux plans (figure 7.5). Le plan antérieur est constitué par la peau,
l’orbiculaire et les cils. Il est parfois appelé lamelle antérieure. Le plan postérieur est
Fig. 7.4 Bord libre des paupières. La Fig. 7.5 Distinction artificielle entre plans
position de la ligne grise est antérieur et postérieur des paupières,
indiquée par les pointillés par une incision suivant la ligne
grise
Chirurgie des paupières 239
constitué par le tarse et la conjonctive. Il est parfois appelé lamelle postérieure. Ceci
est un bon espace pour réaliser des incisions sur le bord libre : ni les racines des
cils, ni les glandes de Meibomius ne seront lésées et l’incision sera peu
hémorragique. Si on poursuit la dissection dans ce plan, on sépare les fibres du
muscle orbiculaire de la face antérieure du tarse. Cette distinction artificielle,
entre plans antérieur et postérieur des paupières, permet de mieux comprendre les
principes de la chirurgie de l’entropion. Si cette dissection est poursuivie plus
haut, elle sépare l’aponévrose du muscle releveur de la paupière supérieure en
deux parties : la partie antérieure se termine sous la peau et la partie postérieure
sur le cartilage tarse, avec les fibres du muscle de Müller (figure 7.5).
Les paupières ont une riche vascularisation qui provient à la fois de l’artère
ophtalmique, branche de la carotide interne, et des artères faciales, branches de la
carotide externe. Ces artères circulent entre l’orbiculaire des paupières et le
cartilage tarse. Il y a une artère principale aux bords externe et interne des
paupières et, dans la paupière supérieure, ces deux artères sont reliées par deux
arcades vasculaires qui courent transversalement à travers le muscle orbiculaire et
le tarse. L’une est à 3 mm au-dessus du bord libre et l’autre juste au-dessus du
bord supérieur du tarse. Dans la paupière inférieure, il y a une arcade vasculaire
à 3 mm du bord libre. Les veines palpébrales se jettent à la fois dans les veines
faciales, afférentes de la veine jugulaire externe, et dans les veines ophtalmiques,
afférentes du sinus caverneux.
Il est facile d’anesthésier les paupières avec un anesthésique local. Il faut
toujours adjoindre à cet anesthésique de l’adrénaline à 1/100 000, en raison de la
richesse du lit vasculaire. Pour une chirurgie des plans superficiels, l’anesthésique
local peut être injecté dans le tissu sous-cutané. Pour une chirurgie des plans
profonds, il faudra également instiller un collyre anesthésique pour la conjonctive.
Si la sensation douloureuse n’est pas effacée, on pourra augmenter l’anesthésie
par une injection trans-conjonctivale dans le cul-de-sac. Ceci est facile à réaliser
dans le cul-de-sac inférieur. Pour atteindre le cul-de-sac supérieur, par contre, il
faudra d’abord éverser la paupière supérieure.
En post-opératoire, la bonne vascularisation assure une excellente cicatrisation.
On observe souvent une petite hémorragie dans les tissus, en raison de la riche
vascularisation des paupières et de la laxité du tissu conjonctif. Par conséquent, il
faut faire une bonne hémostase, surtout si les arcades artérielles ont été
sectionnées. Pour minimiser les hémorragies post-opératoires et le gonflement des
paupières, certains chirurgiens mettent en place un pansement compressif avec
bande pendant 24 heures après une intervention palpébrale. Il ne devrait pas être
nécessaire de prolonger ce port de pansement, sauf dans des cas très particuliers
(par exemple greffe cutanée). Il faut toujours veiller à ce que le pansement n’irrite
pas la cornée.
240 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Entropion
La paupière s’enroule en dedans, de telle sorte que son bord libre et les cils
frottent sur la cornée. L’entropion a deux causes habituelles :
1. Rétraction de la conjonctive tarsienne et déformation du cartilage tarse,
entraînant l’enroulement postérieur de la paupière (figure 7.6). Ceci est
souvent appelé un entropion cicatriciel. Il est beaucoup plus fréquent à la
paupière supérieure qu’à la paupière inférieure. Dans les pays tropicaux, un
trachome chronique en est la cause la plus fréquente. Le trachome est une
infection de la conjonctive provoquée par le micro-organisme Chlamydia
trachomatis. Il y a une réaction inflammatoire chronique dans la conjonctive
tarsienne et le tissu sous-conjonctival. Cette inflammation conduit à une
cicatrisation, en particulier au niveau du tarse supérieur et de la conjonctive.
La rétraction du tissu cicatriciel déforme le tarse et provoque son enroulement
postérieur ou interne. Souvent, le cartilage tarse s’épaissit et les glandes de
Meibomius sont détruites ou occluses.
2. Laxité du tissu conjonctif et du cartilage tarse de la paupière inférieure chez les
sujets âgés (figure 7.7). Du fait de la laxité tissulaire et de la perte de rigidité
du cartilage tarse, quand l’orbiculaire se contracte pour fermer la fente
palpébrale, les fibres musculaires s’enroulent vers le haut et provoquent
l’enroulement postérieur ou interne du bord palpébral. Ceci est généralement
décrit comme un entropion spastique ou sénile et ne se produit qu’à la
paupière inférieure.
Fig. 7.6 Entropion cicatriciel. Une paupière normale est représentée à gauche. Une
inflammation chronique, une cicatrisation fibreuse et une rétraction du cartilage
tarse et de la conjonctive produisent la déformation palpébrale
Chirurgie des paupières 241
Trichiasis
Les cils normaux se dirigent en avant. Un trichiasis signifie que certains cils se
dirigent en arrière et frottent sur la cornée. Évidemment, tout porteur d’un
entropion aura un trichiasis, mais il se peut que seulement quelques cils se
dirigent vers l’arrière, sans que tout le bord libre de la paupière ne soit concerné
(trichiasis sans entropion).
Trichiasis et entropion sont très souvent la conséquence d’un trachome. Le
tissu cicatriciel de cette infection chronique entraîne une rétraction autour de la
racine des cils et les déforme, de sorte qu’ils se dirigent en arrière.
Ectropion
Dans ce cas, la paupière s’éverse en avant, de telle sorte que son bord libre n’est
plus au contact du globe (figure 7.8). Dans les cas sévères, la paupière est
tellement éversée que la conjonctive tarsienne est exposée et en situation frontale.
Il y a quatre causes d’ectropion :
1. Ectropion cicatriciel. Une rétraction ou une perte de substance cutanée palpébrale
éverse la paupière et est souvent dénommée ectropion cicatriciel. Ceci se produit
assez fréquemment à la paupière inférieure, car celle-ci a peu de tissu cutané ou
en tous cas pas d’excès. La paupière inférieure ne recouvre pas la cornée, c’est
pourquoi l’ectropion de la paupière inférieure n’entraîne qu’un inconfort, une
irritation ou un larmoiement, mais rarement une lésion cornéenne ou une baisse
de l’acuité visuelle.
L’ectropion cicatriciel est rare à la paupière supérieure, parce que celle-ci a
beaucoup de tissu cutané en excès. Toutefois, si l’ectropion se produit, la cornée
n’est plus protégée et est exposée à un grand risque d’ulcération avec altération
permanente de l’acuité visuelle.
Il y a plusieurs causes possibles d’ectropion cicatriciel, les plus fréquentes étant :
242 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Lagophtalmie
C’est le terme habituellement employé quand les paupières ne coaptent pas lors
de la fermeture de la fente palpébrale, en raison d’une paralysie de l’orbiculaire.
Le mot signifie littéralement « œil de lièvre », car les Anciens pensaient que les
lièvres dormaient les yeux ouverts. L’orbiculaire étant innervé par le nerf facial, le
terme de paralysie faciale est préférable à celui de lagophtalmie. Dans les cas
bénins, l’œil paraît normal et le déficit n’apparaît que lorsque le patient tente de
cligner ou de fermer l’œil. Dans les cas sévères, toute l’hémiface est atteinte et
s’affaisse en raison du déficit des muscles faciaux. La paupière inférieure se
décolle du globe oculaire, ce qui crée un ectropion paralytique. Par conséquent,
lagophtalmie et ectropion paralytique surviennent souvent en même temps. Si les
paupières ne se ferment pas normalement, il y a un risque d’ulcération cornéenne.
Celle-ci se produit généralement au cours du sommeil. Les lésions cornéennes
sont particulièrement fréquentes dans la paralysie faciale de la lèpre, car la
sensibilité cornéenne est également atteinte ; les composantes motrice et sensitive
du réflexe protecteur de la cornée font défaut. La plupart des autres étiologies de
paralysie faciale ne s’accompagnent pas d’hypoesthésie.
Ptosis
Il s’agit de la chute de la paupière supérieure. Un ptosis peut relever de plusieurs
étiologies :
• Anomalie congénitale du releveur de la paupière supérieure.
• Paralysie de la IIIème paire crânienne qui innerve le releveur de la paupière
supérieure. Le ptosis est alors sévère.
• Paralysie du sympathique cervical qui innerve le muscle de Müller. Ceci
entraîne un léger ptosis.
• Distension sénile de l’insertion du releveur dans la paupière supérieure.
• Myopathie ou myasthénie atteignant le releveur.
• Traumatisme de la paupière supérieure.
Rétraction palpébrale
Il y a rétraction palpébrale lorsque les paupières sont anormalement écartées ou
rétractées et ne coaptent plus facilement. Cela peut se produire lorsqu’il y a
cicatrisation palpébrale à la suite d’une maladie ou d’un traumatisme ; cela peut
aussi être le signe d’une dysthyroïdie, qui épaissit le muscle releveur et le rend
rigide.
Tumeur palpébrale
Une grande variété de « grosseurs » et de « bosses » peut être observée sur les
paupières. Il peut s’agir d’anomalies congénitales, de kystes, de masses inflammatoires,
de tumeurs bénignes ou malignes. Elles peuvent avoir pour origine l’un des
nombreux tissus présents dans la constitution des paupières. La plus fréquente est
244 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Elle n’est recommandée que s’il existe un trichiasis sans entropion et si seulement
quelques cils sont concernés.
Il y a plusieurs manières de procéder :
• Épilation
• Couper les cils
• Électrolyse
• Cryothérapie
• Exérèse des follicules ciliaires ou de petits bouquets de cils
Épilation
Si les cils agressifs sont épilés avec une pince à épiler, le patient est soulagé
temporairement. Peu de temps après, les cils repoussent et les symptômes
réapparaissent. Seuls les patients qui ont un trichiasis discret peuvent être
soulagés par des épilations à répétition. Dans certains cas, il est préférable de
donner au patient ou à son entourage une pince à épiler les cils.
Électrolyse
Son principe est d’introduire une aiguille fine le long du cil et de la faire pénétrer
jusqu’à la racine. Un courant électrique de bas voltage est alors envoyé par
l’aiguille. Ceci provoque une brûlure locale et détruit la racine du cil.
Protocole :
1. Réaliser une anesthésie locale de la paupière.
2. Introduire l’aiguille fine à électrolyse dans l’orifice d’insertion du cil, en
suivant cette direction sur une profondeur de 3 mm. Faire passer le courant
électrique. De minuscules bulles devraient apparaître à la surface de la
paupière, là où l’aiguille a pénétré dans la peau. Laisser le courant agir
pendant au moins 5 secondes. Souvent, les patients ressentent à son passage
une certaine gêne, même si l’anesthésie locale est satisfaisante.
3. Si la racine du cil a bien été détruite, on doit pouvoir extraire le cil avec une
pince à épiler, sans aucune résistance. Dans le cas contraire, réitérer l’électro-
lyse.
4. Poursuivre l’électrolyse jusqu’à ce que tous les cils pathologiques aient été
traités.
Ce traitement devra peut-être être reconduit, mais c’est une solution satisfaisante
pour traiter un petit nombre de cils pathologiques.
Cryothérapie
Principe :
Les follicules des cils sont détruits définitivement si le bord libre des paupières est
réfrigéré par une cryode à une température d’au moins -20°C. Ce qui compte est
la température des tissus et non pas celle de la cryode. La meilleure manière de
mesurer la température des tissus consiste à utiliser la fine aiguille d’un
thermocouple fichée dans la racine du cil. Cependant, beaucoup de services
d’ophtalmologie ne disposent pas de ce thermocouple. On pense qu’il vaut mieux
procéder à la réfrigération deux fois plutôt qu’une.
Protocole :
1. Infiltrer le bord libre de la paupière d’anesthésique local.
2. Appliquer la cryode sur le bord libre de la paupière, en veillant à ne pas
réfrigérer la cornée.
3. Si on dispose d’un thermocouple, réfrigérer jusqu’à ce que la température des
tissus atteigne -20°C. Laisser ensuite les tissus se décongeler, puis renouveler
la réfrigération jusqu’à -20°C.
4. Si on ne dispose pas de thermocouple, une cryode standard à oxyde nitreux ou
à gaz carbonique devrait permettre, en 30 secondes d’application, d’atteindre
248 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Protocole :
1. Réaliser une infiltration du bord libre de la paupière avec de l’anesthésique
adrénaliné.
2. Inciser le long de la ligne grise sur une profondeur de 3 mm, uniquement sur
la longueur de la touffe de cils pathologiques.
3. Faire deux incisions sagittales sur la peau de la paupière à chaque extrémité de
la touffe de cils et exciser la petite pièce de peau palpébrale avec la racine des
cils. Ne pas suturer. La plaie cicatrisera d’elle-même par un tissu de
granulation.
éversée de la paupière (voir figure 7.17d). C’est une intervention facile à réaliser,
mais qui ne corrige pas la rétraction cicatricielle de la conjonctive et du cartilage
tarse. Elle ne peut donc être conseillée que dans des cas de trichiasis bénin, sans
entropion ni fibrose cicatricielle rétractile du tarse.
Fig. 7.13 Excision cunéiforme du cartilage tarse. Dans ce diagramme, celle-ci est
combinée avec un raccourcissement lamellaire antérieur et une incision le
long de la ligne grise (intervention de Snellen)
252 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Conclusions et recommandations
1. Une rotation du cartilage tarse est préconisée s’il y a un entropion et une
déformation significative du cartilage tarse. Cette technique semble donner les
meilleurs résultats. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande
l’intervention bilamellaire de Ballen dans certaines conditions « sur le
terrain », lorsque l’on a besoin d’une opération simple, facile à enseigner et à
254 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
2. Les greffes, qu’il s’agisse d’une greffe lamellaire postérieure ou dans le sillon
de l’incision de la ligne grise, donnent d’excellents résultats dans des mains
expertes, mais sont difficiles à réaliser et ne seront donc pas décrites en détail.
3. S’il n’y a qu’un trichiasis sans altération du cartilage tarse, une intervention de
rotation de celui-ci n’est pas recommandée car elle serait trop délabrante. On
lui préférera une résection lamellaire antérieure avec incision de la ligne
grise.
Protocoles opératoires
Principe :
Une ellipse de peau et de tissu musculaire est excisée à la face antérieure de la
paupière. Une incision le long de la ligne grise est également réalisée. Avec des
sutures en U placées adéquatement, on obtient une éversion antérograde des cils.
Protocole :
1. Après anesthésie locale, mettre en place une plaque à paupière. Si l’on appuie
discrètement sur l’extrémité inférieure de la plaque à paupière, celle-ci servira
de levier pour propulser en avant la paupière et la décoller du globe
(figure 7.17a). Ceci tend les tissus et contribue à l’hémostase. Si l’aide
opératoire tire doucement sur le bord libre avec une pince, cela contribuera
par ailleurs à réaliser une bonne exposition. Réaliser une incision dans le pli
cutané à 5 mm environ du bord libre de la paupière.
3. Mettre en place, mais sans les nouer, une série de sutures en U pour éverser
les cils. La suture doit pénétrer juste au-dessus de la ligne des cils, puis
prendre en charge horizontalement une petite surface de cartilage tarse sur 2 à
3 mm au-dessus, puis ressortir à nouveau de la peau (figure 7.17c). Il faut
mettre en place environ quatre sutures en U.
Fig. 7.17a Mise en place de la plaque à Fig. 7.17b Dissection pour exposer la
paupière et incision cutanée racine des cils
Fig. 7.17c Mise en place des sutures Fig. 7.17d Incision de la ligne grise (voir
en U flèche) et suture en U nouée
2. Intervention de Snellen
Indication :
Trichiasis avec entropion bénin ou ne concernant qu’un segment palpébral.
Entropion avec épaississement important du tarse.
Principe :
On excise de manière cunéiforme un segment de la face antérieure du tarse, de
telle sorte que le bord du tarse puisse s’éverser. On excise également une ellipse de
peau et de tissu musculaire de la face antérieure de la paupière et on réalise une
incision le long de la ligne grise. Ceci va permettre de redonner aux cils leur
direction antérograde.
Protocole :
1. L’étape 1 est la même que pour la résection lamellaire antérieure (page 255).
2. L’étape 2 est également la même que pour la résection lamellaire antérieure
(page 255).
3. Tout en maintenant la plaque à paupière en place et en la tendant, réaliser une
incision cunéiforme avec une lame de bistouri pour exciser une lamelle de
cartilage tarse, juste au-dessus de la ligne de la racine des cils et sur toute la
longueur du tarse (figure 7.18a). Cette incision est difficile à réaliser de
manière nette et franche. Elle ne doit pas transfixier la conjonctive, mais si cela
se produit par endroits, ce sera sans gravité.
4. Mettre en place les sutures en U (voir figures 7.18b et 7.18c). Il est essentiel
de bien les positionner, car elles vont tout à la fois fermer l’incision cunéiforme
tarsienne et éverser les cils en direction antérograde. Faire d’abord pénétrer
l’aiguille du fil de suture dans la peau juste au-dessus de la ligne de la racine
des cils. Faire ensuite une petite prise verticale dans la partie principale
(supérieure) du tarse, en passant l’aiguille vers le bord libre palpébral. Faire
alors une prise horizontale dans la partie inférieure du tarse, juste au-dessus de
la ligne de la racine des cils. Quand l’aiguille ressort, refaire une petite prise
verticale dans la partie supérieure du tarse, mais cette fois en s’éloignant du
bord libre palpébral. Enfin, faire sortir l’aiguille juste au-dessus des cils, pour
achever la suture en U. Faire en tout un rang de quatre sutures en U.
5. Exciser alors une petite ellipse cutanée sur la lèvre inférieure de l’incision
cutanée initiale.
6. Réaliser maintenant une incision de 1 à 2 mm de profondeur le long de la ligne
grise, puis tirer et nouer les sutures en U. Ceci doit faire coapter les berges de
l’incision tarsienne cunéiforme, redresser les cils et les éverser. Enfin, suturer
la peau par des points séparés (figures 7.18d et 7.18e).
7. Les sutures cutanées peuvent être enlevées au cinquième jour. Les sutures en
U doivent être laissées en place au moins deux semaines. Si le patient est dans
l’impossibilité de revenir, utiliser du matériel résorbable, de telle sorte que les
sutures tombent d’elles-mêmes en temps voulu.
258 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Intervention de Snellen
Fig. 7.18a La plaque à paupière est en place et l’incision cunéiforme du tarse indiquée
par la flèche
Fig. 7.18b Mise en place de la suture en U Fig. 7.18c Mise en place de la suture en U
(vue de profil) (vue de face)
Fig. 7.18d Sutures en U et sutures cutanées Fig. 7.18e Sutures en U et sutures cutanées
nouées (vue de face) nouées (vue de profil)
Chirurgie des paupières 259
3. Intervention de Trabut
Indication :
Entropion de la paupière supérieure, quelle que soit son importance, en
particulier s’il s’accompagne d’un raccourcissement palpébral.
Principe :
Cette opération réalise une individualisation et une rotation de la partie inférieure
du cartilage tarse.Le cartilage tarse est disséqué par sa face profonde conjonctivale.
Sa partie inférieure est exposée et disséquée, puis elle subit une rotation de 180°
d’arrière en avant. Elle est ensuite fixée dans sa nouvelle position par des sutures.
Cette technique corrige tous les entropions, quelle que soit leur gravité.
Protocole :
1. Après avoir infiltré la paupière d’anesthésique local adrénaliné, éverser la
paupière de façon à exposer sa face profonde conjonctivale. La meilleure façon
consiste à utiliser une pince de Cruickshank ou d’Erhardt (figure 7.19a).
Celle-ci prend la peau du bord libre et maintient la paupière retournée et bien
exposée (figures 7.19b et 7.19c). Si on ne dispose pas de cette pince, la
paupière peut être maintenue en position avec une pince de Desmarres, tenue
par l’aide opératoire, mais cette solution n’est pas aussi satisfaisante.
2. À partir de sa face conjonctivale, inciser le cartilage tarse sur toute sa longueur
à 2 ou 3 mm du bord libre (figures 7.19c et 7.19d).Trancher directement dans
la profondeur du tarse, mais pas trop profondément. À l’extrémité interne,
faire une section verticale jusqu’au bord libre palpébral, en évitant de léser
l’orifice du canalicule lacrymal supérieur. À l’extrémité externe, poursuivre
l’incision jusqu’au bord libre de la paupière dans la région du canthus externe.
3. Saisir avec une pince à griffes la lèvre proximale de l’incision du cartilage tarse
(c’est-à-dire celle qui est la plus éloignée du bord libre de la paupière) et
disséquer la face profonde du tarse à l’aide d’un bistouri ou de ciseaux, en la
dissociant du plan du muscle orbiculaire (figure 7.19e). Poursuivre la
dissection jusqu’à atteindre le bord supérieur du cartilage tarse. Il y a souvent
une hémorragie dans la partie interne ou externe du champ opératoire,
nécessitant un clampage et une ligature, voire une diathermie.
4. Prendre ensuite avec une pince à griffes la lèvre distale du cartilage tarse,
c’est-à-dire celle qui est la plus proche du bord libre de la paupière. Réaliser la
même dissection que précédemment, dissociant le tarse du muscle orbiculaire,
jusqu’à la racine des cils (figure 7.19f). Il faut être très prudent dans cette
dissection. Il y a souvent une hémorragie aux deux extrémités latérales de
l’incision.Veiller particulièrement à ne pas endommager la racine des bulbes
ciliaires.
5. Le bord libre de la paupière doit maintenant être complètement indépendant
du cartilage tarse. Lorsqu’on enlève la pince d’Erhardt, la paupière doit
260 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Intervention de Trabut
Fig. 7.19b Mise en place de la pince Fig. 7.19c Paupière éversée par la pince et
position de l’incision conjoncti-
vale et tarsienne (indiquée par la
flèche)
Fig. 7.19d Incision vue de face Fig. 7.19e Dissociation de la partie proxi-
male du tarse de l’orbiculaire. La
flèche montre le plan de dissection
Chirurgie des paupières 261
Fig. 7.19f Dissociation de la partie distale Fig. 7.19g Une fois les dissections achevées,
du tarse de l’orbiculaire. La flèche la paupière devrait se présenter
montre le plan de dissection avec les cils en position antéro-
grade
Fig. 7.19h Position des sutures en U Fig. 7.19i Position des sutures en U (vue
(vue de profil) de face)
d’elle-même rester éversée, de telle sorte que les cils aient une direction
antérograde (figure 7.19g). Si le bord libre a encore tendance à s’enrouler en
dedans, il faut reprendre la dissection et bien dissocier la face antérieure du
tarse de l’orbiculaire. Les deux segments supérieur et inférieur du tarse
doivent être absolument libres.
Fig. 7.20a Dissection du muscle de Müller Fig. 7.20b Position des sutures en U pour
(voir aussi figure 7.5 page 238) maintenir l’élongation verticale
de la paupière (vue de profil)
Intervention de Ballen
Fig. 7.21a Incision cutanée en employant Fig. 7.21b Incision cutanée en employant
une plaque à paupière une pince clamp à paupière
Fig. 7.21e Incision transversale et conjonc- Fig. 7.21f Vascularisation du bord libre de
tivale la paupière dissociée de sa partie
supérieure
Chirurgie des paupières 265
Fig. 7.21g Position des sutures en U destinées Fig. 7.21h Vue de face des sutures en
à éverser le bord libre palpébral U et des sutures cutanées
(vue de profil)
266 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
ajuster les sutures. Si elles sont placées dans la partie supérieure du tarse, la
correction sera augmentée ; dans la partie inférieure, la correction sera
diminuée.
6. Mettre des sutures par points séparés sur la peau pour fermer la plaie
(figure 7.21h).
L’avantage principal de l’intervention de Ballen est sa simplicité. Elle a donné de
bons résultats dans les conditions précaires des interventions réalisées « sur le
terrain ». Même dans des circonstances idéales, les interventions ne sont pas aussi
faciles à réaliser que les schémas des livres peuvent le faire croire. Par conséquent,
les techniques les plus simples sont souvent les meilleures. Les interventions de
cure d’entropion sont souvent réalisées dans des conditions qui sont loin d’être
idéales, c’est pourquoi plus elles sont simples, plus les résultats sont bons.
L’inconvénient majeur de cette technique est qu’elle laisse une surface cruentée
qui sera le siège d’un tissu granulocytaire, tout comme l’opération de Trabut.
Soins post-opératoires :
Les soins post-opératoires sont les mêmes, quelle que soit la technique opératoire
utilisée. Il faut toujours appliquer une pommade antibiotique sur l’œil. Un
pansement compressif avec bande est habituellement laissé en place pendant
24 heures, pour éviter toute hémorragie. Il y a souvent un important œdème
post-opératoire. Un pansement compressif permettra de le diminuer et évitera
également tout mouvement trop précoce des paupières. Une fois le pansement
enlevé, il faut garder l’œil ouvert et appliquer une pommade antibiotique. Les
sutures cutanées peuvent être enlevées au cinquième jour, mais les sutures en U,
qui maintiennent la paupière éversée, doivent rester en place au moins deux
semaines. Si on a utilisé des sutures résorbables, elles entraîneront une réaction
tissulaire un peu plus importante que la soie ou le polypropylène, mais elles
tomberont d’elles-mêmes, évitant au patient d’avoir à revenir pour leur exérèse.
Technique de Wies
Principe :
Une incision transversale est réalisée à travers tous les plans de la paupière
inférieure. On place ensuite des sutures en U de part et d’autre de l’incision. La
cicatrisation de l’incision empêchera l’enroulement des fibres musculaires. Les
sutures éversantes corrigeront l’entropion. En même temps, les fibres très lâches
du muscle rétracteur de la paupière inférieure seront renforcées. Ceci maintient
vers le bas le bord inférieur du cartilage tarse et empêche la paupière de s’enrouler
vers l’intérieur.
Protocole :
1. Après avoir infiltré les tissus d’anesthésique local adrénaliné, mettre en place
une plaque à paupière entre paupière inférieure et globe (figure 7.22a) ou
utiliser une large pince clamp à paupière (figure 7.23a), afin de maintenir la
paupière tendue. Ceci rendra la chirurgie plus facile, assurera l’hémostase et
protégera le globe.
2. Réaliser une incision horizontale transfixiante de tous les plans palpébraux, à
4 ou 5 mm du bord libre de la paupière, avec un bistouri (figures 7.22a et
7.22b). La ligne d’incision doit passer au bord inférieur du cartilage tarse. Il
peut être plus facile de terminer cette incision aux ciseaux.
3. Mettre en place trois ou quatre sutures en U avec du catgut 4.0 ou 5.0. Elles
traversent la peau juste au-dessous de la ligne des cils, puis elles traversent la
conjonctive beaucoup plus bas vers le cul-de-sac conjonctival inférieur, puis à
nouveau la peau juste sous la ligne des cils (figure 7.22c).
4. Enlever la plaque à paupière ou la pince clamp et serrer les nœuds des sutures
en U (figure 7.22d), en commençant par le bord externe de la paupière, ce qui
lui donnera l’aspect d’un discret ectropion qui se corrigera de lui-même en
quelques jours. Mettre en place des points séparés cutanés (figure 7.22e).
268 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Fig. 7.22a Incision cutanée en utilisant Fig. 7.22b Schéma montrant la position de
une plaque à paupière l’incision (vue de profil)
Fig. 7.22c Position des sutures en U Fig. 7.22d Le bord libre de la paupière inférieur
(vue de profil) s’éverse quand les sutures en U
sont nouées
Fig. 7.22e Schéma des sutures en U et des sutures cutanées (vue de face)
Fig. 7.22f Segment excisé du bord libre de la paupière inférieure pour corriger sa laxité
horizontale
Chirurgie des paupières 269
Fig. 7.22g Schéma de l’incision et des sutures en U dans le cas d’un entropion cicatri-
ciel de la paupière inférieure
Fig. 7.23a Incision cutanée en utilisant Fig. 7.23b Excision pentagonale du bord libre
une pince clamp à paupière de la paupière inférieure pour entro-
pion sénile
Protocole :
1. Après avoir infiltré les tissus d’anesthésique adrénaliné, mettre en place une
plaque à paupière ou une pince clamp (figure 7.23a).
2. Exciser un pentagone de tissu palpébral de pleine épaisseur au bord externe de
la paupière à l’aide de ciseaux (figure 7.23b). Chaque côté du pentagone doit
avoir environ 4 mm de long. Les deux bords de la plaie doivent pouvoir
coapter pour maintenir sans tension excessive le bord palpébral au contact du
globe.
Chirurgie des paupières 271
Ectropion
Pour un ectropion résultant d’une cicatrice rétractile cutanée, on pourra utiliser
soit la technique de la plastie en « Z », soit celle de la greffe cutanée.
Plastie en « Z »
Si on est en présence d’une cicatrice rétractile linéaire, on pourra la relâcher par
une plastie en « Z » (figure 7.24).
Protocole :
Deux triangles de peau sont individualisés de chaque côté de la cicatrice et
transposés après décollement cutané adjacent. Le résultat en est un allongement
Plastie en « Z »
de la cicatrice et une translation latérale des tissus. Sur la figure 7.24, la ligne de
la cicatrice E F est rendue plus longue et la distance C D est raccourcie. Il est
possible de réaliser plusieurs plasties en « Z » le long de la ligne cicatricielle, plutôt
qu’une seule. Si la cicatrice est très fibreuse, il peut être utile d’exciser le tissu
cicatriciel par deux incisions parallèles sur chacun de ses deux bords, avant de
réaliser la plastie en « Z ».
Greffe cutanée
Si on est en présence d’une perte trop importante de tissu cutané, il faudra faire
une greffe. En raison de l’excellente vascularisation palpébrale, une greffe de peau
totale prendra habituellement, mais il faudra veiller à ce que le greffon soit
débarrassé de tout son tissu adipeux.
Protocole :
1. Préparer le lit du greffon. Inciser le long de la cicatrice, de telle sorte que tous
les tissus soient libérés (figure 7.25b). S’assurer qu’il n’y a absolument aucun
saignement provenant du lit du futur greffon, car une hémorragie séparerait le
Greffe cutanée
Fig. 7.25a Ectropion cicatriciel de la Fig. 7.25b Incision le long des berges de
paupière supérieure cette cicatrice laissant un lit pour
le greffon
Fig. 7.25c Suture du greffon en place Fig.7.25d Sutures serrées sur un bourdon-
et réalisation de deux petites net
ponctions sur le greffon
Chirurgie des paupières 273
Ectropion sénile
Si un ectropion est dû à la laxité de la paupière inférieure, une excision pourra être
réalisée à son bord externe, comme nous l’avons décrit précédemment.
Tarsorraphie
Une tarsorraphie ferme la fente palpébrale par des sutures. On la réalise en
général pour protéger la cornée lorsque, en raison d’une paralysie faciale, il existe
une lagophtalmie irréductible. Les patients porteurs d’une lèpre sont habituel-
lement exposés, car ils sont souvent porteurs d’une hypoesthésie cornéenne en
plus d’une paralysie faciale. Parfois, on réalise une tarsorraphie pour accélérer la
cicatrisation d’un ulcère cornéen chronique par une occlusion temporaire des
paupières.
274 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Tarsorraphie externe
Suturer l’extrémité externe des deux paupières est une façon à la fois facile et
efficace de pallier une paralysie faciale.
Protocole :
1. Faire une incision le long de la ligne grise sur le tiers latéral du bord libre
palpébral. En cas de tarsorraphie définitive, exciser un triangle de peau et de
cils de la paupière inférieure, ainsi qu’un triangle correspondant de conjonc-
tive et de tarse sur la paupière supérieure (figure 7.26a).
2. Faire se recouvrir ces deux triangles et mettre en place des sutures en U. Pour
permettre une adhésion solide sur toute leur surface, on pourra nouer ces
sutures sur des bourdonnets en caoutchouc, qu’on laissera en place au moins
deux semaines (figure 7.26b).
3. Pour une tarsorraphie provisoire, inciser le long de la ligne grise des deux
paupières, mais ne réaliser aucune excision tissulaire. Une tarsorraphie
provisoire pourra être suturée latéralement pour une paralysie faciale ou sur le
segment interne pour un ulcère cornéen chronique. Mettre en place des
sutures en U sur bourdonnet pour faire coapter les deux surfaces cruentées
(figure 7.26c).
Beaucoup de patients porteurs d’une lèpre, ainsi que certains patients porteurs
d’une autre neuropathie, peuvent présenter une anesthésie ou hypoesthésie
cornéenne, créant un risque majeur de lésion cornéenne. Ces patients peuvent
requérir une grande tarsorraphie externe et parfois, secondairement, une tarsorraphie
interne à la pupille, ne laissant libre qu’un petit orifice permettant une vision
sténopéique (figure 7.26d). Il vaut toujours mieux voir par un orifice sténopéique
que de courir le risque de perdre totalement la vision par modification profonde
de la cornée. Si on réalise une tarsorraphie interne près des points lacrymaux ou
des canalicules, il faut faire très attention à ne pas léser les voies lacrymales.
Chirurgie des paupières 275
Tarsorraphie
Fig. 7.26a Schéma des exérèses tissulaires dans une tarsorraphie externe
Canthoplastie interne
Même après une tarsorraphie externe réussie, certains patients ont encore un petit
ectropion du segment interne des paupières. Ceci cause un larmoiement excessif,
parce que les points lacrymaux ne sont plus au contact du globe et aussi parce que
la pompe lacrymale ne fonctionne plus du fait de la paralysie faciale. Une
canthoplastie interne est une bonne façon de rétablir le drainage lacrymal chez un
patient atteint de paralysie faciale permanente. Elle renforce le segment interne
des paupières et fait recoapter les points lacrymaux sur le globe.
Protocole :
1. Réaliser une incision superficielle le long du bord interne de chaque paupière,
en dedans des points lacrymaux. Faire très attention à ne pas léser les
canalicules, qui cheminent près du bord libre palpébral. Des sondes lacrymales
doivent d’abord être mises en place pour les cathétériser, identifier leur
trajectoire et les éviter (figure 7.27b).
Canthoplastie interne
Fig. 7.27a Les canalicules lacrymaux sont très proches des bords libres palpébraux
Fig. 7.27b Incision avec cathétérisme des Fig. 7.27c Incision cutanée pour la plastie
deux canalicules lacrymaux en « Z »
Fig. 7.27d Suture des surfaces conjoncti- Fig. 7.27e Transposition et suture des volets
vales cutanés
278 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Chalazion
Les chalazions sont très fréquents et guérissent souvent spontanément. On peut
très facilement les inciser et les cureter.
1. Après anesthésie locale adrénalinée, mettre en place une pince de Desmarres
(figure 7.28a).
2. Inciser verticalement la conjonctive et le tarse (figure 7.28b) et employer une
curette pour vider le chalazion (figure 7.28c).
3. Appliquer un pansement oculaire pour réaliser l’hémostase et prescrire une
pommade antibiotique deux fois par jour.
Type de tumeurs
La majorité des tumeurs palpébrales sont bénignes et leur excision est indiquée à
titre curatif. Si on dispose d’un service d’anatomopathologie, il est très utile de
réaliser une petite biopsie pour connaître leur type histologique et décider du
protocole thérapeutique. La tumeur maligne la plus fréquente est l’épithélioma
basocellulaire ou ulcus rodens, que l’on voit surtout chez les sujets à peau claire
trop exposés au soleil.
Si on suspecte le caractère malin d’une tumeur, il conviendra de l’exciser avec
une collerette de tissu sain de 4 mm de large, pour être certain d’avoir réalisé une
exérèse in toto. En cas d’épithélioma basocellulaire, il vaut mieux réaliser une
exérèse trop généreuse qui laissera une cicatrice, plutôt que de laisser en place des
cellules pathologiques qui induiront une récidive. Ceci est surtout vrai chez les
patients jeunes. Si on a la chance de disposer d’un laboratoire d’anatomopathologie,
ces cas peuvent être l’objet d’une analyse extemporanée pour être traités au
mieux.
Chirurgie des paupières 279
Chalazion
Emplacement
Les tumeurs qui ne concernent que le tissu cutané peuvent être extirpées sans
toucher aux tissus palpébraux sous-jacents. Toute excision cutanée à la paupière
inférieure doit être refermée par une suture verticale pour éviter un ectropion.
Une excision cutanée à la paupière supérieure peut généralement être refermée
par une suture horizontale, selon la disponibilité cutanée de la paupière. S’il y a
une trop grande perte de substance, il faudra faire une greffe (voir page 272). Les
280 Chirurgie oculaire sous les climats chauds
Taille
On peut exciser jusqu’à un tiers de la longueur du bord libre d’une paupière et
suturer la plaie bord à bord en deux plans. Une cantholyse au niveau du canthus
externe permettra de rapprocher les bords de la plaie opératoire. On la réalise en
faisant une incision cutanée horizontale dans la région du canthus externe
(figures 7.29a et 7.29b), puis en sectionnant verticalement le tendon canthal
externe de la paupière concernée (figure 7.29c).
Cantholyse externe
Rebord orbitaire externe