Tempting Love Tome 1 My Only Exception Something N

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« C’est impossible » dit la Fierté

« C’est risqué » dit L’Expérience

« C’est sans issue » dit la Raison

« Essayons » murmure le Cœur

William Arthur Ward


© 2016, Delinda Dane. © 2016, Something Else Éditions.

Tous droits réservés.

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation
collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelques procédés que
ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une
contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Crédit photo : © 123RF

Illustration : © Aurélie P.

ISBN papier : 979-10-96785-03-2

Something Else Éditions, 8 square Surcouf, 91350 Grigny

E-mail : [email protected]

Site Internet : www.something-else-editions.com


Dédié à A.D.
Playlist

Suddenly I See - KT Tunstall

Only One - Alex Band

Super Psycho Love - Simon Curtis

Rescue Me - Kerri Roberts

Be Without You - Mary J. Blige

Outlaws - Joe Purdy

Take A Bow - Rihanna

Kiss Me - Ed Sheeran

I’m With You - Avril Lavigne

Russian Roulette - Rihanna

Young And Beautiful - Lana Del Rey


The Only Exception - Lea Michelle

I See Fire - Ed Sheehan

Cut - Plumb

Unconditionally - Katy Perry

Secrets - One Republic

One More Night - Maroon 5

Cheap Thrills - Sia

Apologize - One Republic

Say Something - Great Big World

A Drop In The Ocean - Ron Pope


Chapitre 1

L’odeur qui émane de sa peau hâlée enflamme mes sens et m’enivre. Il sent la pluie fraîche, un savant
mélange de senteurs boisées, et l’homme. J’entrouvre la bouche et laisse échapper un soupir d’extase
quand sa langue glisse sur ma peau et vient doucement titiller mes pointes dressées. Je cambre le dos
sous la délicieuse et lente torture qu’il inflige à mes seins. D’abord l’un puis tendrement l’autre. Il
leur accorde la même attention, provoquant en moi une douce sensation de chaleur dans le bas ventre.
Son membre tendu à l’extrême pousse contre ma cuisse, promesse de beaucoup plus encore.
Lorsqu’il presse enfin son corps massif contre le mien, je suis entraînée dans une danse sensuelle où
mes hanches se balancent lascivement avec les siennes. J’aimerais que l’on ne s’arrête jamais tant le
plaisir qui me traverse est intense. Il m’attire plus près et enfouit son nez dans mon cou, il semble
apprécier cette partie de mon corps car il y parsème une pluie de baisers mouillés. Il remonte
jusqu’au creux de mon oreille et me chuchote d’une voix rocailleuse qui me fait frissonner.

— À moi. La meilleure partie de moi.

Mon cœur s’emballe. Je lui demande alors de répéter. J’ai besoin d’entendre ces mots à nouveau.
Encore et encore.

— À moi. La meilleure…

Biiiiiip-biiiiiip biiiiiip-biiiiiip !

Pitié, non ! Encore cinq petites minutes !

Je tire l’édredon sur ma tête et supplie mon esprit de reprendre là où il en était.

— Ella ! Ellaaaa... Bon sang, ton réveil !

Apparemment, ce sera non. Je grogne et tends la main vers ma table de nuit pour éteindre ce stupide
objet de malheur. Merde ! Je cache mon visage dans mes mains et relâche un long souffle. Mon esprit
se plaît à semer un joyeux bordel dans ma libido en berne. Cela commence à mettre mes nerfs à rude
épreuve avec ces rêves d’un indubitable réalisme. J’en suis encore toute troublée et moite quand
soudain cette fichue alarme reprend de plus belle. Je regarde l’heure affichée sur l’écran. Génial, je
suis officiellement en retard ! J’adore vraiment ma vie ! Il faut absolument que j’arrête de me servir
de cette maudite fonction rappel de la sonnerie. On croit à tort que ce petit laps de temps nous laisse
un peu de répit pour éventuellement reprendre son rêve coquin. Bien sûr que non ! Cette stupide
option ruine ma matinée voire ma journée, ce qui va vraiment devenir un problème pour l’équilibre
de ma chimie cérébrale. C’est un fait que les scientifiques confirment.

Avant de quitter ma chambre, je toise des yeux un instant l’attrape-rêves suspendu à la tête de lit.

— Toi là, tu sais que tu me serais d’une plus grande aide si tu faisais ton job comme il se doit au lieu
de pendre stupidement ?

Toujours est-il qu’une fois encore, je suis obligée de sauter le petit-déjeuner – le repas le plus
important de la journée – si je tiens à être à l’heure au bureau.

Je sais ce que vous devez vous imaginez. Eh bien effacez cette image de votre esprit car cet espace
vaste et épuré, c’est le bureau de ma boss. Le mien, ce serait plutôt une petite brèche dans le mur où
l’on m’a collée pour le restant de mes jours.

Bref, où en étais-je ? Ah oui ! À ce moment où je me presse comme une dératée pour gagner ma
rame de métro. Je suis déjà essoufflée et aussi en nage que si je venais de courir le marathon de New
York. Oh joie ! Quand le ding caractéristique de la fermeture des portes siffle, je me lance dans un
ultime effort telle une championne olympique d’athlétisme, juste avant qu’elles ne se referment sous
mon nez, le tout se jouant au ralenti comme dans Matrix. Et Dieu que c’est bon lorsque j’y arrive !
Car ce n’est malheureusement pas toujours le cas.

Il faut que j’appelle Abby pour lui raconter mon petit exploit personnel et la remercier également.
Qui est-elle ? C’est très simple, c’est la petite folle qui brise mes rêves tous les matins au moment le
plus intéressant. Non, pas le réveil. La tornade rousse qui cohabite avec moi. Abby Duncan, ma
meilleure amie, la personne la plus importante de ma vie, avec ma famille. Elle est drôle, pleine de
vie, un peu comme moi, sauf qu’elle est cent fois plus sensationnelle ! On s’est rencontrées à la fac et
depuis, on fait la route ensemble en attendant que l’une de nous perce son trou dans la ville qui ne
dort jamais. Lorsque je considère le train bondé en ce moment même, je me dis que Franck Sinatra
disait vrai.

Trêve de parlote car l’instant est crucial. Une place vient de se libérer et elle est pour moi. Je peux
enfin reprendre mon souffle et sortir ma lecture du moment. Ainsi, le nez derrière mon livre, je peux
m’adonner à mon activité favorite : observer les gens qui montent et descendent. J’aime essayer de
deviner le genre de vie qu’ils peuvent avoir. Leurs jobs éventuellement en fonction de leurs tenues,
etc. Et, lorsque j’aperçois un beau spécimen, mon regard se dirige d’instinct vers sa main gauche. Je
sais, c’est très étrange comme réaction, mais je l’avoue, je ne peux lutter contre ce réflexe bizarre.

Mon imagination s’emballe et me bombarde d’une foultitude de séquences où ce beau représentant de


la gent masculine - sans alliance cela va de soi ! – aurait, lui aussi, le coup de foudre immédiat et
instantané pour moi. Et puis, il me demanderait aussi de l’épouser sur le champ, un genou à terre
comme les gentlemans des comédies romantiques et dégoulinantes de guimauve que je consomme
sans modération. Je reconnais être très naïve et un peu fleur bleue. Fort heureusement, je suis aussi
très réaliste et j’ai conscience qu’une telle chose ne m’arrivera jamais à moi, pour la simple et bonne
raison que l’amour avec un grand A n’existe pas. Au fait, je ne crois pas m’être présentée, je suis Ella.
Une éternelle rêveuse.

Ceci étant, j’ouvre mon sac et saisis mon fameux bouquin qui je le soupçonne d’être pour quelque
chose dans mes tourments nocturnes, que j’ouvre au bon endroit grâce à mon élégant marque-page
assorti. Je mets mes écouteurs que je dois sans cesse chercher dans le fond de mon sac et que je
trouve emmêlés dans mes clés. Quelle plaie de devoir les démêler constamment ! Pourquoi s’aiment-
ils autant ces deux-là ? J’aimerais le savoir. Lorsqu’enfin j’enclenche la musique de mon iPod rose
chéri, je ferme les yeux et laisse se diffuser dans mes oreilles la douce voix de Bruno Mars et son
When I was your man qui dernièrement sert de musique d’ambiance à la plupart de mes rêves. J’en
oublie presque où je suis. J’ouvre les yeux, et je regarde avec panique l’arrêt que l’on vient de quitter.
Merci Seigneur, ce n’est pas le mien ! Je suis soulagée et balaye rapidement la rame de manière à
vérifier que personne n’a assisté à mon instant d’égarement quand mes yeux se fixent sur un nouveau
que je n’avais jamais remarqué auparavant. Avec sa tenue décontractée et sa capuche sur la tête, il n’a
pas le look de ceux qui se rendent dans le centre de Manhattan. Heureusement qu’il a les yeux fermés,
je peux ainsi l’étudier à ma guise. Il a l’air assez grand et très bien bâti mais mon regard s’attarde sur
son visage et plus particulièrement sa bouche. Il a des lèvres pleines, charnues, parfaites. Je mordille
ma lèvre inférieure pendant que je m’imagine secrètement déposer mes lèvres sur les siennes.

Quand il ouvre les yeux, il me surprend en flagrant délit de « reluquage ». Glurps ! Je déglutis avec
difficulté et regarde ailleurs innocemment. Qu’on me vienne en aide, car j’ai la sensation que son
regard a fait plus que pénétrer mon âme ! Et ses yeux ! Ils sont absolument MA-GNI-FIQUES, d’une
couleur que je ne saurais définir précisément. Un mélange de bleu et de vert comme de l’émeraude
liquide. Note pour plus tard : vérifier sur le web la couleur exacte de ces prunelles hypnotisantes.

Je tente de me concentrer sur le livre que je tiens toujours dans les mains en priant intérieurement
qu’il n’ait pas remarqué à quel point il m’a secouée. Pourtant, je ne peux m’empêcher de regarder à
nouveau.

Aïe, il m’observe encore. Quelle idiote je fais, franchement ! C’est à croire que ces yeux ont fait
sauter les plombs qui alimentent mon cerveau. Bravo Ella ! Maintenant, ce type que je ne connais
absolument pas va vraiment penser que j’en pince pour lui simplement parce qu’il est à tomber. Putain
! Il est plus que ça encore !

Hé, une minute, mais c’est ici que je descends ! Je bondis en vitesse et jaillis hors de la rame en moins
de temps qu’il ne faut pour le dire. Penser que j’étais à deux doigts de manquer mon arrêt parce qu’un
bel homme m’a tapé dans l’œil, franchement ça craint ! D’accord, pour ma défense, il n’était pas
simplement beau, mais carrément canon !

Je remonte à la surface et aspire un grand bol d’air frais qui, je l’espère, va remettre de l’ordre dans
mon esprit tourmenté. Je n’en suis pas si sûre… Malgré tout, je fonce droit vers la tour qui va
m’engloutir pour la journée.

À l’accueil, il y a déjà Laurel et Hardy, comme j’aime les appeler. J’adore Laurel, c’est vraiment une
fille géniale, ce qui est assez rare dans l’univers impitoyable de Manhattan - pas Dallas hein ! – Hardy
ne s’appelle pas vraiment ainsi évidemment, mais Birdie, qui quant à elle, porte bien son nom. Elle est
tellement à côté de la plaque qu’elle me fait penser à cet oiseau qui serait tombé un peu trop tôt de son
nid. C’est à se demander ce qu’elle fabrique ici ? Alors, que sa place serait dans un arbre à gazouiller
avec ses congénères. Je crois malheureusement que cela fera partie de l’une des nombreuses
questions existentielles qui très souvent demeurent sans réponse.

— Bonjour Ella !

— Hé les filles ! Quoi de neuf ? Pitié, pitié, dites-moi qu’elle n’est pas encore arrivée !

« Elle » étant ma charmante et toujours très agréable patronne, Christina.

— Désolée, ma belle.
C’est bien ma veine ! Mais quand Laurel s’empresse d’ajouter qu’elle est montée il y a une bonne
quinzaine de minutes, je ne peux m’empêcher de m’écrier :

— Merde ! Euh... Je veux dire mince, zut, flûte !

Il n’y a qu’en pensée que je me permets un écart de langage. Car ne traverse la barrière de mes lèvres
que le politiquement correct. C’est une des règles de vie que je m’impose. Pourquoi ? J’avoue ne pas
m’être penché sur la question récemment.

— Bon, Laurel et Hardy, je dois filer. On se retrouve plus tard les filles, d’accord ?

— Bien sûr…me répond Birdie, un brin agacé.

Je me demande bien pourquoi sans toutefois y prêter plus d’attention, ma boss étant dans les locaux
depuis un certain temps et avant moi qui plus est. Cela signifie qu’une seule chose : je suis foutrement
dans la merde.

On peut penser à tort que je fais le boulot de mes rêves et qu’être l’assistante de l’assistante de
direction est plutôt cool, que nenni ! Ce poste est fichtrement aux antipodes de la définition même
d’épanouissant. Cependant, je me dis qu’un jour, on verra au-delà de mes capacités à faire le café et
les photocopies et qu’en attendant d’avoir un plan B, ça paie les factures. Quand je sors de
l’ascenseur, j’ai la surprise de tomber nez à nez avec Christigodzilla. Je ne pouvais pas mieux rêver
comme accueil.

— Ella, dans mon bureau ! Immédiatement.

— Bien sûr. Bonjour…

Pas de réponse. C’est à croire que « bonjour Ella » était en option et que je n’ai pas coché cette putain
d’option lorsque j’ai signé mon contrat.

Je soupire pour la énième fois quand je regarde l’heure sur ma montre. Il est plus de dix-neuf heures
et je suis encore là à assister Christina sur un dossier ultra important avec l’un de nos plus gros
clients. La version officielle est : Ella, nous avons besoin de café et personne ne fait le café comme
vous. Dites plutôt que personne ne fait le café tout court. Et qu’ainsi Christina peut s’entretenir à son
aise pendant que je garde le bureau, au cas où l’un des big boss viendrait la déranger. Un peu comme
Cerbère. Je me demande même si je dois grogner dans l’éventualité où quelqu’un devait réellement
approcher lorsque la sonnerie du téléphone me tire de mes élucubrations. C’est Christina qui me
signifie qu’elle en a fini pour ce soir. Je ne m’attarde pas une seconde de plus et quitte cet endroit le
plus rapidement possible.

Enfin délivrée, je fonce vers la bouche de métro la plus proche. Quelle plaie quand même ! Je déteste
par dessus tout quand elle me retient au bureau pour les mauvaises raisons. En plus de me faire perdre
mon temps, cela décale tous mes projets de la soirée. Ce qui me fout vraiment en rogne parce que je
rate l’épisode de Friends. Ben quoi ? J’aime avoir ma dose quotidienne de Ross.

Un instant plus tard, j’ai la très nette impression que quelque chose cloche… J’ignore pourquoi si ce
n’est un curieux sentiment qui me serre la poitrine.
Comme j’aimerais ne pas toujours avoir raison…
Chapitre 2

Je me concentre sur le bruit de mes pas qui claquent sur le trottoir et retiens un grognement de
frustration. Quand je repense aux raisons pour lesquelles Christina requiert ma présence au-delà de
mes heures de travail… Brrr, j’en ai la chair de poule ! Lorsque le métro arrive enfin, il est moins
bondé certes, mais à présent ce n’est plus la même ambiance. Là, ce serait plutôt le côté obscur de la
ville qui se dégage. Finis les costumes cravates et l’allure BCBG, bonjour le pantalon baggy et
l’élastique du caleçon apparent… Je n’ai rien contre cette ambiance un peu « underground » et en
marge de la mode, seulement je me trouve ridicule en tailleur-jupe dans ce tableau décalé.

Je rive mes yeux sur mon bouquin et augmente le volume de la musique, espérant faire passer ce
sentiment de malaise qui persiste en moi. Je me rends compte qu’en fait je relis plusieurs fois le
même passage quand je sens une vibration dans mon sac : c’est un SMS d’Abby.

« Tu es où ? si tu n’es pas là dans dix minutes, je lance Dirty Dancing sans toi »

Mon film préféré ? Tu n’as pas intérêt ma vieille ! Je tape une réponse rapide et replace mon
téléphone bien au chaud. Je suis enfin prise dans ma lecture quand je sens un tapotement inhabituel à
l’épaule. Je redresse la tête vers… un type qui me sourit. Il me veut quoi celui-là ? Ses lèvres bougent,
mais je n’entends rien... Ah oui, mes écouteurs.

— Ça fait un moment que je t’observe et t’es vraiment pas mal du tout, tu sais, me dit-il en me
balayant de haut en bas avec un regard malsain.

Quoi ?

C’est une tentative de drague ou je rêve ? Oui, visiblement… c’est bien ça. C’est bien ma veine…

— Tu m’écoutes ? T’es seule et j’suis seul aussi, alors on pourrait faire connaissance. Passer du bon
temps ensemble au lieu d’être chacun dans son coin, non ? Hein, ça te dit ? finit-il avec un clin d’œil
qui est tout sauf charmant.

— Euh... non, ça ne me dit pas, non.

— Allez, beauté ! J’connais une bonne adresse pas très loin d’ici !

Beauté ?

J’en ai connu des expériences de dragues « foireuses », mais là, j’ai le droit au meilleur du pire. Le
champion du monde des poids lourds.

— Euh non... vraiment, non. Je ne peux pas, parce que... Euh... Parce que j’ai piscine ?
— Quoi ?

— À faire ! J’ai… À faire !

— Allez, un p’tit verre, ça ne peut pas faire de mal.

Je ne sais pas si c’est le fait qu’il insiste ou alors, qu’il puisse penser me convaincre qui me laisse
sans voix.

— Je suis désolée, mais je suis attendue.

— Ah ouais ? Et, par qui ma jolie ?

— Mon fiancé.

Oui ! Un fiancé, c’est tout à fait crédible. Que dit l’adage déjà ? « Plus le mensonge est gros, plus il
passe... » OK, son regard en dit long. Il ne me croit pas.

Vite, vite. Plus qu’une station. Pfff… C’est long. D’un coup, le temps me paraît interminable. Ah !
Mais quelle idiote ! Évidemment qu’il ne me croit pas. Comment le pourrait-il si je n’ai pas de bague
à mon doigt ? Il me faut donc une bague. Ce serait un bon investissement, et ça peut me servir face à
ce genre de « lourdingue » étant donné l’aimant à boulets que je suis. Quelque chose me dit que le
film qui se joue dans la tête de ce type est tout sauf romantique. Beurk !

Une fois à l’extérieur, je marche aussi vite que possible. La nuit est déjà bien tombée et seule la
lumière de quelques réverbères traverse ce rideau opaque. Il n’empêche qu’il avait un regard à faire
froid dans le dos… Je réprime un frisson et avance plus vite. Allez, Ella ! Plus que quelques blocs et
je serai au chaud.

Des bruits de pas ? C’est étrange, je n’avais jamais remarqué de l’écho par ici. J’ai aussi comme
l’impression que ça se rapproche, je me retourne. Rien. Il ne manquait plus que ça ! Voilà que je
deviens complètement parano…

Je savais bien que j’aurais dû dire non à Abby et son marathon d’Esprits Criminels. Pour me
convaincre, elle a mis en avant un argument de taille : Shemar Moore. Comment dire non après ça ?
Sauf que maintenant j’en paie le prix… J’imagine des psychopathes partout... J’en suis encore là dans
mes réflexions quand on me tire violemment le bras en arrière...

— Hé ! Mon bras !

Ça fait vachement mal en plus !

— Alors, ma jolie, je ne vois pas ton fiancé.

Oh ! MER-DE. C’est le gars du métro…

— Normal, tête de gland ! Puisqu’il m’attend à la maison !

Il n’a pas l’air intimidé par ma réponse « pseudo » cinglante.


— C’n’est pas joli-joli de mentir… Mais ce n’est pas ça qui va nous empêcher de nous amuser un
peu, toi et moi.

Je regarde autour de moi mais la rue est déserte. Il en profite et saisit mon bras qu’il serre fort.

— Aïeuuuu ! Vous me faites mal !

L’expression sur son visage montre clairement que ça lui importe peu. Le salaud ! Bien sûr puisqu’à
présent il m’envoie valdinguer contre le mur comme une vulgaire poupée de chiffon…

— Sale con !

Quand il se rapproche, je sens une puissante odeur d’alcool. Il empeste à plein nez. C’est écœurant.
L’odeur est si forte que je contiens difficilement un haut-le-cœur. Il tend son autre main et passe son
doigt le long de ma joue. Je tressaute et prie silencieusement pour qu’il ne descende pas plus bas.
Pitié, mon Dieu ! Pas ça... Pitié !

Je réfléchis rapidement à une solution pour me sortir de ce pétrin, car laisser la panique m’envahir
n’est clairement pas la chose à faire. Réfléchis, réfléchis… Je sais ! Je prends mentalement mon
putain de courage à deux mains et décide de viser directement dans son service trois pièces. Je me
stabilise sur mes jambes et ferme les yeux… Ne montre pas que tu as peur, ne montre pas que tu as
peur, ne montre pas... Qu’est-ce que ? J’ouvre les yeux, surprise, car la pression sur mon bras a
disparu. Wouah ! Il s’est volatilisé !

C’est un miracle ! Bordel de merde ! J’ai prié et ça a marché ! Merci, mon Dieu, j’vous aime !

Ah non, merde. Le type est étendu, assommé ? Sur la chaussée, de l’autre côté. Il m’a tout l’air d’avoir
fait un sacré vol plané… C’est dingue !

— Tire-toi !

Hein ? Quoi ? Je remarque seulement la silhouette sombre, debout près du salaud. Je plisse les yeux
afin de mieux l’apercevoir, mais il se tient dans l’ombre.

— Rentre chez toi !

Il avance d’un pas et je peux enfin distinguer son visage. PUTAIN de merde ! C’est le type du métro…
Pas le dégoûtant ! Non. Celui de ce matin, le canon.

Qu’est-ce qu’il fiche ici ? On se dévisage un instant. Peut-être plus. Je ne sais pas. Je ne sais plus. Mon
cœur cogne violemment contre ma cage thoracique. Une bourrasque se soulève et s’engouffre entre
mes jambes nues, entre nous. Pourtant, ni l’un ni l’autre n’esquissons le moindre mouvement. C’est
comme si mon corps avait reçu l’ordre explicite de ne plus bouger. Le type au sol pousse un long
gémissement qui rompt notre face à face. Mon sauveur se retourne alors et se baisse vers l’autre. Que
fait-il ? De là où je suis, on dirait bien qu’il lui chuchote quelque chose... Ah ! Non. Finalement, il lui
assène un coup au visage. Puis un autre, encore un autre.

C’est bien fait pour lui ! Il ne l’aura pas volé ce taré, un vrai malade mental !
Je me balance d’un pied sur l’autre, mal à l’aise, à la recherche de ce que je vais pouvoir dire. Je
pourrais peut-être commencer par le remercier ? D’avoir volé à mon secours, d’avoir été là ou de
m’avoir sauvé la vie… Comment remercie-t-on quelqu’un de vous avoir sauvé la vie ? Je tire les pans
de ma veste sur moi et m’éclaircis la voix.

— Hum, merci ! C’est vraiment euh… C’est gentil de m’avoir sauvé la...

Il paraît surpris de m’entendre. Il se redresse et me fait face de toute sa hauteur.

— T’es encore là, toi ? T’es sourde ou quoi ? Je t’ai dit de te tirer !

Je sursaute, surprise par le ton cinglant de sa voix. Elle est tranchante comme une lame de rasoir. OK.
Il peut oublier le prix de la personne la plus avenante, mais par contre il a toutes ses chances pour
celui de la voix la plus sexy. Oh que oui !

— Rentre chez toi !

OK, OK. C’est bon ! J’ai saisi ! J’ai presque envie de lui hurler que je ne suis pas complètement
stupide non plus. J’aspire une grande goulée d’air, tant pis pour les remerciements. Je lui jette un
dernier coup d’œil, serre mon sac contre moi et prends mes jambes à mon cou. Mes talons claquent
avec force alors que je fonce comme une flèche en direction de mon appartement. Ou plutôt, du
mieux que je peux, sur mes jambes tremblotantes...

Quand enfin j’arrive chez moi, je me précipite à l’intérieur et verrouille la porte à double tour.
Seigneur, quelle soirée ! Je suis à bout de souffle. Mon cœur bat à tout rompre, comme s’il voulait
s’échapper hors de ma poitrine et un point de côté me tiraille atrocement le ventre. Je tremble de tous
mes membres et quelques mèches de cheveux sont collées à mon visage plein de sueurs. C’est dans
cet état peu élogieux que me trouve ma coloc’.

— Ella, c’est toi ? Bon sang ! Qu’est-ce que tu fichais ?

Elle écarquille des yeux, probablement avertie par ma « dégaine » et aussi car je parais au bord de la
panique. Je le suis. Elle me demande d’une voix posée :

— Ella ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— Oh, trois fois rien, Ab’… Mais disons que je viens juste d’éviter de peu une agression, et peut-être
même un viol...

— Tu plaisantes, j’espère ? Je dois prévenir les flics ? Explique-toi ! Tu me fiches la trouille…

J’avale ma salive difficilement quand je repense que j’ai peut-être échappé au pire.

— Non, non. Ce n’est pas nécessaire.

Ce type aurait pu me violer ? Quelle horreur ! Abby attend des explications alors que je sens monter
en moi la peur que je n’ai pas ressentie plus tôt. Elle déferle en moi, le sang afflue dans mes veines,
monte trop vite dans mon cerveau. J’ai l’impression de manquer d’oxygène. J’ouvre la bouche pour
reprendre de l’air, en vain. Ma respiration s’accélère et mon pouls s’emballe. OK, je sens venir la
crise de panique. Je me ressaisis du mieux que je peux et articule le plus calmement possible à mon
amie.

— Si tu permets, Abby, je te raconte tout, après être tombée dans les pommes...

Un viol, bordel ! Mes genoux cèdent et un voile sombre me recouvre les yeux. Ensuite, plus rien. Le
trou noir...
Chapitre 3

Aïe ! Ma tête ! Je lève la main et frotte ma tempe douloureuse, perplexe. Pourquoi ai-je si mal ? Je ne
me rappelle rien. Et surtout pas d’avoir pris la cuite du siècle. Hé ! Attendez une minute. Je crois que
je me souviens de quelque chose.

La panique s’empare de moi. Une légère brise me parcourt de part en part. Ma peau se hérisse et se
couvre d’un voile de sueur. Un filet de lumière brille à travers mes paupières qui me semblent plus
lourdes qu’à l’accoutumée. Je bats frénétiquement des cils pour temporiser la lumière qui m’inonde
et aperçois le coton blanc de mon soutien-gorge, et de… Mon shorty ? C’est quoi ce bordel ? J’ouvre
les yeux et me redresse. Trop rapidement sans doute, car je suis prise de vertiges. Dieu merci ! Je suis
dans mon appartement.

— Ella Fitzgerald Kennedy ! Ne me refais plus jamais une peur pareille !

Abby ! Je suis heureuse de la revoir ! Pendant une fraction de seconde, j’ai cru que le salaud du métro
m’avait embarquée chez lui. L’angoisse ! Mon amie remarque que quelque chose ne va pas et me
prend dans ses bras.

— Ouch ! Vas-y mollo, Duncan ! Je ne peux plus respirer. Hé, tu veux bien m’expliquer pour quelle
foutue raison je suis quasi à poil !

— À ton avis ?

— Mmmh… Pour abuser de moi ?

— Haha ! Très drôle. J’ai failli faire une attaque ! Tu perds connaissance juste après m’avoir parlé
d’une agression. J’ai paniqué ! Je devais quand même vérifier par moi-même que tu n’avais rien. Ne
me refais jamais plus un truc pareil, sauf si tu souhaites ma mort sur TA conscience !

Ma douce Abby. Blanche comme un linge, la tignasse rousse plus en pétard que jamais, me prouve
qu’elle a réellement flippé. Je m’en veux d’avoir causé tant de soucis à ma meilleure pote.

— C’est promis. À l’avenir, plus de malaise sans explications.

— Bien. Maintenant, raconte-moi ce qui t’est arrivé.

— Tu permets ? J’aimerais passer quelque chose avant.

— Sûrement pas !

OK. En même temps, c’est du Abby tout craché. Je remonte le drap sur ma poitrine et lui balance tout.
Le métro, l’agression, et surtout l’apparition soudaine et inattendue de mon mystérieux sauveur.
— Tu te rends compte de ce qui t’est arrivé ! Petite veinarde !

Petite veinarde ?

— Abby, t’es sûre d’avoir tout saisi ?

— Oh oui ! Surtout la partie où un canon sexy vole à ton secours...

Parfois, je me demande vraiment ce qui ne tourne pas rond chez cette nana. Je la quitte, elle et ses
divagations, parce que j’ai vraiment besoin d’une douche bien chaude. Abby pense que j’ai enfin
trouvé l’homme de ma vie. C’est du délire ! Je ne connais pas cet homme et j’ignore tout de lui.
Pourtant, je lui suis redevable pour ce soir. Par chance, il s’est trouvé au bon endroit, au bon moment.

Lorsque je retire mon chemisier, une marque violacée s’étale sur le haut de mon bras. Hormis
quelques égratignures, je m’en sors plutôt bien. Ça aurait pu être pire. Je règle la température et
disparais sous un filet d’eau bouillante. J’espère ainsi effacer la moindre trace de cette affreuse
soirée. J’attrape le flacon de shampooing, verse une quantité généreuse dans le creux de la main et
frictionne mes cheveux. Un nuage de vapeur m’entoure mais je ne suis pas encore prête à quitter la
cabine de douche.

Quelques minutes plus tard, ma peau rougie m’indique qu’il est pourtant temps. Je tourne le robinet,
sors de la douche et passe les bras dans mon peignoir de bain. Ça fait un bien fou ! Il n’empêche que
je l’ai échappé belle ce soir, cela aurait pu très mal finir. S’il n’était pas intervenu… L’horreur ! Je
chasse l’image horrible et glauque de mon cerveau. À ce stade, il est inutile de me torturer plus
encore. Quand même, je me demande ce qu’il fichait dans le coin...

C’est vraiment une putain de coïncidence ! Deux fois. Dans la même journée. Je repense à ce matin.
Ses yeux... Tellement intenses et profonds. Le genre de regard qui t’hypnotise d’un seul coup d’œil.
Un peu comme La Gorgone. Celle de la mythologie grecque. Sauf que lui ne change pas en pierre. Il
n’a pas non plus de serpents gargouillant sur la tête. OK, ma comparaison est lamentable. Mais, vous
voyez l’idée ? On pourrait croire à tort que j’ai eu un coup de foudre ou une folie de ce genre.
Évidemment, ce n’est pas ça ! Après, s’il venait à la maison… Sûre que je ne coucherais pas dans la
baignoire. Abby passe sa tête dans l’ouverture et m’ordonne gentiment – à sa façon – de rappliquer.

— Hé, Fitzgerald, ton chocolat chaud refroidit alors bouge ton boule !

J’arrive, j’arrive. J’enfile rapidement un pantalon de yoga et un vieux T-shirt puis la rejoins dans le
salon.

— Dis donc, Ab’ ! Quand est-ce que tu vas arrêter de m’appeler comme ça ?

— Attends, laisse-moi réfléchir... Euh… Jamais !

Fitzgerald n’est évidemment pas mon vrai nom. C’est un petit surnom qui ne me quitte plus dont elle
m’a affublée dès le premier jour de fac. Je me rappelle encore cette fameuse matinée, où telle une
tornade, elle s’est jetée sur moi :

— Hé ! Toi, là-bas... Tu as un visage qui m’inspire confiance. Tu ne serais pas le genre de nana à être
une garce, par hasard ?
— Quoi ?

— Est-ce que t’es une garce ?

— Euh, non. Pas aux dernières nouvelles.

— Génial ! C’est quoi ton nom ?

— Ella.

— C’est mignon. C’est le diminutif de quoi ?

— De rien. C’est juste Ella. Comme Ella Fitzgerald.

— Fitzgerald ! Ah ouais. Comme le président ?

— Non. Comme la chanteuse de jazz, Ella Fitzgerald.

— OK, Ella Fitzgerald. Je décrète qu’à partir d’aujourd’hui, tu es ma nouvelle meilleure amie !

— ...

Ce jour-là, je n’aurais pas misé un penny sur cette improbable amitié. Un vrai truc de dingue ! À
l’image d’Abby. Un claquement de doigts me ramène dans mon salon.

— Hé ! Ho ! Tu m’écoutes ? Ma pauvre... Ça ne s’arrange pas tes absences.

— Tu disais quelque chose ?

— Ben oui ! Je disais donc, demain matin, il est primordial de commencer par...

Je la coupe immédiatement. Le sport et moi, ça fait douze !

— Par pitié, pas de cours d’autodéfense. Tu sais ce que j’en pense ! Ce n’est pas mon truc.

— Non, ma belle. Les cours, ça vient en deuxième. La priorité, c’est : l’épilation de ton maillot. Tu
t’imagines un peu ? Si c’était ton sauveur qui avait dû te déshabiller...

— Haha ! Très drôle. Sur ces paroles pleines de sagesse, je file me coucher… Je suis exténuée.

— Attends. Fitzgerald ? Une dernière chose…

— Je t’écoute.

— Assortis tes sous-vêtements. Combien de fois dois-je te le répéter ? C’est une règle d’or !

J’éclate de rire… Abby est vraiment unique en son genre, mais je l’adore.

— Pour quoi faire ? Personne ne les voit jamais…


— Tu me désespères…

— Et toi, tu mériterais une bonne fessée !

Elle pouffe de rire avant de me lancer :

— Ma vieille, il faut que tu arrêtes avec tes lectures cochonnes… Ça pervertit ton cerveau innocent.

Je referme la porte de ma chambre, un doux sourire plaqué sur les lèvres. Je n’aurais pu rêver mieux
comme meilleure amie.

Installée confortablement dans le creux de mon lit, je lève la tête, laisse mon regard et mon esprit
s’évader vers l’attrape-rêves immobile. C’est vraiment un bel objet. Je l’ai déniché il y a quelques
années de ça dans une petite boutique de bric-à-brac. La vendeuse – une Amérindienne – m’avait alors
pratiquement forcé la main pour l’acheter. « Il m’avait choisi », disait-elle… Ça tombait bien, je
cherchais justement à customiser ma chambre. Depuis, il pend au-dessus de mon lit. Je suis bien
contente que cette soirée mouvementée se termine. Je ne l’oublierai pas de sitôt ! C’est le jour où…
La liste est trop longue pour tout citer.

***

Par chance, c’est le week-end, car la nuit fut de courte durée. J’ai été envahie par toutes sortes de «
flashs ». D’abord, des yeux. Fascinants. Sombres. Impénétrables. D’une couleur unique comme
l’océan. Puis, une voix. Murmurante. Elle s’enroule autour de moi. Me caresse. Pfiouu…

Rien d’étonnant à ce que je sois complètement épuisée…

Avec Abby, on se rend très souvent À La Kitchenette, notre lieu de prédilection pour un brunch, le
samedi matin. J’adore cet endroit. J’observe les murs lambrissés rose bonbon et la déco joliment
girly. Je me rappelle avoir lu quelque part que l’établissement appartiendrait à deux super copines. Je
regarde ma meilleure amie s’installer face à moi. On se comprend toutes les deux.

La serveuse dépose une assiette pleine de succulents pancakes, pourtant ils ne me tentent pas.
Pourquoi cette soudaine perte d’appétit ? Je l’ignore. Je lève la tête vers la baie vitrée et laisse mon
esprit vagabonder. Je suis captivée par le va-et-vient incessant des passants dans la rue. Aussitôt, je ne
peux m’empêcher de penser à lui...
Chapitre 4

Abby est surexcitée, une vraie pile électrique. Après notre brunch, nous sommes passés par le Beauty
Bar, un salon d’esthétique à deux pas de notre appartement pour mon épilation. Il faut préciser que
notre appart est excellemment bien situé dans un bel immeuble de l’Upper West Side. Le quartier est
très animé, bordé d’arbres, et le plus important : il abrite de nombreuses boutiques et cafés, ce qui en
fait un endroit très cosmopolite où il fait bon vivre. Nous avons de la chance car il appartient à la
tante d’Abby qui nous le loue pour une somme dérisoire.

Mission « défrichage du maillot » : check !

Et à présent, nous sommes en route pour les cours d’autodéfense. Je tape des pieds sur le sol en
bougonnant.

— Saleté de jean !

Le slim, c’est une vraie plaie surtout après une épilation du maillot. La vache, ça fait mal ! Si vous
voulez mon avis, je pense qu’au lieu de chercher des petits hommes verts quelque part où il n’y en a
pas, on ferait mieux de se concentrer sur quelque chose d’une importance capitale : la lutte contre les
poils ! Sans douiller atrocement, de préférence.

En attendant cette idée révolutionnaire, nous — les femmes — devons prendre notre mal en
patience… Et souffrir en silence.

— Allez, ma belle, un peu de courage ! Dis-toi que c’est pour la bonne cause.

— Dixit la nana qui n’a pas un gramme de poil ! Bon, cette fichue salle est encore loin ?

— Relax El’. On dirait que tu as mangé du lion. Et, pour ta gouverne, c’est de l’intox : les roux ont
des poils.

Je réprime un fou rire, car en effet, je suis au courant, Abby n’étant pas ce que l’on peut appeler
quelqu’un de très pudique. On arrive enfin devant une immense façade en verre. C’est le club de sport
— ultra branché, paraît-il — dont Abby m’a parlé depuis qu’il a ouvert ses portes, il y a quelques
mois. Elle m’a alors suppliée pendant des semaines de l’accompagner, en vain. Jusqu’à ce que je
manque de me faire… Jusqu’à hier. Abby se jette sur la porte et se précipite à l’intérieur, me laissant
admirer l’enseigne lumineuse, éblouie par tant d’originalité. C’est du sarcasme, évidemment. Je la
rattrape devant l’accueil et lui glisse à l’oreille.

— Sérieusement ?

— Quoi ?
— « Da Club ».

— Oui. C’est génial comme nom, n’est-ce pas ?

Je secoue la tête, incrédule. J’imagine un instant le tour de table au service marketing. Le type qui lève
la main et propose : Da Club ?

— Je sais ce que tu fais, Fitzgerald, tu te moques dans ta tête.

— Absolument pas !

— C’est ça. Enfin ! On y est ! Je suis excitée. C’est « The place to be ! » me dit-elle, emballée.

Nous récupérons nos badges et nous dirigeons vers les escaliers. Je dois avouer que la déco
minimaliste en jette. En attendant, ce qui m’intéresse le plus dans cette salle, ce sont les vestiaires à
l’image du reste. Grands, spacieux et très bien tenus. Bon point pour Da Club. Je retire mon jean –
engin de malheur – avec hâte et pousse un cri d’extase… Aaahhhh enfin ! Mon Dieu ! Ce que c’est bon
!

— Et sinon ? Quand tu auras fini de prendre ton pied, on pourrait y aller, non ? Parce qu’on va finir
par être en retard au cours de Krav Maga.

— Le cours de quoi ?

— Magne-toi ! Je t’expliquerai en chemin.

OK, OK. J’enfile rapidement un legging de sport, un débardeur et lui emboîte le pas. Wouah ! Je suis
impressionnée non seulement par l’équipement haut de gamme, mais aussi car c’est plein à craquer !
Heureusement, il reste un peu de place à l’arrière. Abby ne l’entend pas de cette oreille. Elle se place
au premier rang, entre deux nanas vêtues uniquement — ou dévêtues – de bodys-tops. Abby joue des
coudes pour écarter les deux poupées Barbie et me tire à ses côtés. Je sautille sur la pointe des pieds,
craque mon cou. Je suis prête pour le cours de… quoi déjà ? Je me penche et demande à Abby de quoi
il s’agit. Trop tard car le professeur arrive.

Oh putain ! Je n’en crois pas mes yeux ! OK, je comprends mieux pourquoi la salle est populaire. Et,
particulièrement ce cours. Le prof est une BOMBE ! Sans rire, il est à tomber. Je lève la tête vers
Abby qui bave littéralement. Et ce n’est pas la seule. Toutes dans la salle sont plus ou moins dans le
même état de transe. Pendant qu’il s’installe, ma coloc’ me tire le bras vers elle hystérique.

— Pssst… Ella. Je crois que j’ai trouvé l’homme de ma vie !

— Quoi ?

— C’est lui ! C’est le bon.

— Euh… OK.

— Je le sens au plus profond de moi.


Je pince les lèvres pour contenir un sourire et lui chuchote à mon tour.

— Dis plutôt que c’est lui que tu aimerais sentir au plus profond de toi.

— Garce ! Ne te moque pas de moi. Tu sais bien que je sens des choses. Et là, mon capteur est au max.

Je dois vous révéler un secret. Il paraît que, si l’on remonte assez loin dans l’arbre généalogique
d’Abby, il y aurait une sorcière voire deux. Il parait aussi que ses « ancêtres » seraient originaires de
Salem. C’est ce qui expliquerait son « don » pour pressentir les choses... Ou pas. Je n’y crois pas
vraiment, mais en tant que meilleure amie, si elle décide de penser que c’est une descendante directe
de Merlin lui-même, alors soit !

— C’est l’homme de ma vie, je te dis !

— OK. Du calme, Ab'. Tu devrais peut-être lui proposer d’aller boire un verre pour commencer, non
? Seulement après, tu pourras le ligoter et le conduire devant l’autel. Bon, évidemment, il faudra le
bâillonner aussi… Sinon, il risque de hurler.

— Continue de te fiche de moi, ma vieille ! Et je te garantis que tu ne seras pas invitée au mariage !

Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. Parce que le pire dans tout ça, c’est qu’elle est on ne peut plus
sérieuse. Le professeur frappe dans ses mains pour couper court aux bavardages dans la salle et
réclame le silence. Abby prend position et moi aussi. Je discuterai avec elle plus tard de toute cette
histoire. Elle doit freiner ses ardeurs. Je ne supporterai pas qu’elle se ridiculise.

— Bonjour. Bienvenues à toutes, mesdames, au cours pour débutantes de Krav-Maga féminin !

Le prof nous explique rapidement en quoi consiste ce sport. C’est une technique de self-défense qui
vise à inverser les rapports de force de manière à éviter de se positionner en victime.

— Ainsi, on a la certitude d’avoir fait tout ce qui est en son pouvoir pour se sortir d’une situation
délicate. C’est ce que va vous apporter le cours d’aujourd’hui.

Tiens, tiens. « Inverser le rapport de force », « situation délicate ». Son discours me parle. C’est pile
ce qu’il me faut ! Je pourrais facilement botter les fesses de n’importe qui si l’occasion se représente.
Ce que je ne souhaite évidemment pas. Seulement, il faut s’armer contre toute éventualité. Finalement,
ces cours ne sont pas une mauvaise idée.

La séance enfin terminée, Abby ne perd pas une seconde et s’élance en direction du professeur.
Pourvu qu’elle ne lui fasse pas sa demande…

Le corps en miettes, je patiente, attendant que mon amie, qui est déjà en grande conversation avec le
coach, se décide à rentrer. Je crois que le contact est bien passé, car elle me fait signe d’approcher.

— Hé, Ella ! J’ai un peu raconté à Carter ce qu’il t’est arrivé hier soir...

Carter ? Elle n’aura pas perdu de temps...

— C’est une bonne chose de venir apprendre les techniques de base, tu as eu beaucoup de chance...
Commente t’il accompagné d’un petit hochement de tête.

Carter a un charme fou, le type a même des fossettes. Il croise les bras sur son torse. Je réponds à
demi-mot

— Oui. Si l’on veut. On peut appeler ça de la chance ou… Batman.

— Et tu dis que ça s’est produit près de la 59ème ! Intéressant.

Sa façon de me regarder est légèrement étrange, un peu comme s’il savait un truc que j’ignore. Ma
coloc’ se jette à l’eau et lui propose carrément de se joindre à nous ce soir. Nous avons prévu une
sortie avec notre groupe de potes. Il lui répond qu’il serait enchanté, un sourire en coin. Le charme
d’Abby a encore frappé on dirait…

Le reste de la journée se passe sans accros. En fin d’après-midi, je me prépare avec Abby pour
rejoindre nos amis. Elle est dans tous ses états et n’a rien pu avaler de la journée. Le stress, j’imagine.
Un peu plus tard, toutes les deux assises dans le métro en direction de Chinatown, je ne peux
m’empêcher de balayer la rame des yeux, ne sait-on jamais.

L’Apotheke est un endroit assez épatant situé dans une petite rue du quartier chinois, l’intérieur de ce
bar secret — on peut très facilement le manquer si l’on ne sait pas qu’il existe — est une véritable
surprise. L’ambiance est sympa, on se croirait dans le laboratoire d’un savant fou élaborant ses
potions magiques. C’est d’ailleurs un peu le concept du bar. Les cocktails sont très originaux et
auraient des vertus médicinales. On peut choisir une boisson en fonction de son humeur du moment.
Antistress, stimulante, aphrodisiaque... C’est précisément ce dont j’ai besoin pour calmer mes nerfs en
pelote. D’ailleurs, j’ignore pourquoi je suis dans un tel état. Comme si j’espérais revoir une certaine
personne qui ne cesse d’habiter mes pensées. Reprends-toi, ma vieille, et oublie !

La soirée se passe agréablement bien. Nos super potes sont en forme et nous abreuvent d’histoires
toutes plus tordantes les unes que les autres. Dorian est notre geek attitré de la bande. Le genre
charmant à l’insu de son plein gré, avec un humour un peu particulier que seuls les geeks comme lui
peuvent comprendre. Taylor, quant à elle, est une nana un peu dans le genre d’Abby, ultra jolie et
extrêmement bien dans ses baskets.

— Attendez, les gars ! Il faut que je vous révèle une information de la plus haute importance.

Abby, après quelques cocktails, est au sommet de sa forme. Un sourire étincelant sur les lèvres, elle
reprend.

— Ce soir, je vous présente mon futur mari ! S’il vient bien sûr, ce qu’il a intérêt à faire s’il ne veut
pas que je lui botte le cul au prochain cours...

Ça, c’est elle, dans toute sa splendeur. Quand elle se met une idée en tête, elle n’en démord plus. Les
autres pensent probablement qu’elle plaisante et éclatent de rire…

La soirée est déjà bien entamée, l’alcool coule à flots et après quelques verres supplémentaires, toute
la bande ne parle que d’Abby et de ses projets d’avenir quand nous avons la surprise d’être rejoints
par monsieur Krav Maga en personne. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la tenue de ville lui va
aussi bien que la tenue de sport. Il salue rapidement la bande, mais lorsque vient mon tour, son regard
s’attarde sur moi avec insistance. Je remarque aussi l’espace d’une seconde une brève lueur
dramatique dans ses yeux qui me laisse perplexe. C’est quoi son problème ?
Chapitre 5

Ma petite Abby, je l’adore vraiment ! Mais par moment, j’envie sa chance insolente. La vie lui sourit
constamment. Il suffit qu’elle flashe sur un mec lambda pour qu’il s’amène la bouche en cœur et ne
voit plus qu’elle. Puis, ce n’est pas vraiment le mot qui colle pour désigner Carter... Le terme adapté
serait plutôt gendre idéal. Celui que toutes les filles rêvent de présenter à leurs parents : une gueule
d’ange, bien sous tous rapports, avec un je ne sais quoi de ténébreux. Dans les faits, l’homme parfait.
En réalité, tant de perfection m’ennuie !

— Hé ! On n’a pas retiré nos capes d’invisibilité ou quoi ?

C’est Dorian. Le truc à savoir à son sujet, c’est qu’en plus d’être le geek le plus cool du monde, il est
aussi ultra fan d’Harry Potter donc nous avons toujours droit à toutes sortes de références et
expressions tirées des aventures du petit sorcier à la cicatrice en forme d’éclair... Ha ha !

— Nope ! Ils sont juste trop absorbés l’un par l’autre pour se rendre compte de notre présence, dis-je,
indiquant des yeux le couple nouvellement formé.

— Il est trop sexe ! Je peux comprendre qu’elle ne veuille pas le quitter des yeux, réplique Taylor.
Ella, moi aussi j’en veux un comme ça !

— Prends un ticket et fais la queue Taylor ! D’ailleurs, rappelle-moi, tu es célibataire depuis combien
de temps ? Dix minutes, non ? Tu n’es quand même pas déjà en manque. Si ?

— Ha ha ! Ce n’est pas drôle. On est séparés depuis plus d’une semaine avec Octave. Autant dire une
éternité pour moi !

Octave…

Je suis curieuse de savoir comment fait notre petite Taylor pour se dégoter des mecs aux prénoms
aussi... Euh... Aussi originaux. Je ne me moque pas, cependant il faut avouer qu’entre Angus,
Balthazar et le dernier en date, Octave, on pourrait carrément monter une pièce shakespearienne.
C’est à se demander si elle les accroche à la sortie des représentations de Broadway.

Au fil de la soirée, on en apprend un peu plus sur monsieur Krav Maga. Il a trente ans, pratique les
arts martiaux depuis quelques années déjà et s’appelle Carter Blaine.

Seulement voilà, je prie intérieurement pour me tromper et qu’il ne se sert pas de sa « belle gueule »
sur toutes les minettes qu’il rencontre lors de ses cours. Je peux déjà être sûre d’une chose : Abby est
accro. Alors, ça craint un peu si son futur mari est un connard fini...

OK, ça peut paraître un peu dur, mais ça n’a rien à voir avec lui. Seulement, ce que je déteste par-
dessus tout, c’est devoir ramasser ma meilleure amie à la petite cuillère, après chaque rupture avec
l’homme de ses rêves. J’en ai mal pour elle. Je ne compte plus toutes les fois où elle s’est rendue
compte trop tard que le prince charmant était en fait un horrible crapaud.

L’heure est déjà bien avancée et je devine sans trop de mal qu’Abby n’est pas prête à quitter son
Carter. Elle et lui sont un peu occupés à étudier leurs amygdales. Après un dernier verre, je
commande un taxi. Suite à la regrettable expérience de la veille, il est hors de question que j’envisage
de rentrer seule en métro.

— Les gars, je vous adore ! Mais toutes les bonnes choses ont une fin.

— On peut savoir depuis quand tu es si raisonnable ? me taquine Taylor.

J’ai envie de lui répondre qu’en réalité, je n’ai jamais cessé de l’être. Quel triste constat ! Plus
pathétique, tu meurs...

— J’aimerais rester mais je suis crevée.

En réalité, je suis attendue pour déjeuner avec ma famille le lendemain. Mes parents sont
suffisamment inquiets à mon sujet, inutile de leur en rajouter une couche. Il vaut donc mieux éviter
d’arriver avec la gueule de bois sauf si je tiens à une énième conversation sur : « ô combien la vie
new-yorkaise peut-être néfaste pour une jeune fille de bonne famille comme moi ! » La bonne blague
! Si je le pouvais, je serais plus bonne que famille !

Ils n’ont pas très bien vécu l’éloignement alors j’ai le droit à toutes sortes de règles régulièrement :
leur rendre visite dès que possible, ne pas accepter de verre d’inconnus et celle qui revient
fréquemment : ne surtout pas tomber enceinte avant d’avoir trouvé le bon parti. Sans blague ! Merci
Papa et Maman ! Que ferais-je sans vous ? Pour leurs défenses, mes parents sont déraisonnablement
Old School. La bonne éducation, c’est un peu leur religion.

Lorsqu’un charmant serveur m’avise de l’arrivée de mon taxi, j’attrape mon sac, salue mes amis et
trace ma route…

***

— Ella, réveille-toi !

—...

— Ellaaaaaaaaa !! Debout, marmotte !

— Hein ? Oh, merde ! Je vais encore être en retard au bureau...

— Du calme, El', on est dimanche.

— Pardon ? Alors pour quelle fichue raison me réveilles-tu ?


— En trois mots : Repas chez tes parents ! s’exclame Abby après avoir tiré en grand les rideaux de la
chambre.

La lumière vive me crame les rétines. Je lui réponds, agacée.

— Ça fait quatre !

— Allez ! Ne fais pas ta mauvaise tête sinon je ne te raconte pas ma soirée ! me dit-elle un sourire
lumineux plaqué sur les lèvres.

Ma parole, je pourrais jurer qu’elle est amoureuse ! Elle s’empresse également de me rappeler un
détail que j’avais un peu oublié : préparer des muffins…

— Arrrgh ! Mer... CREDI !

— Mais non, dimanche, je te dis !

Comme promis, pendant tout le trajet jusqu’au New Jersey, j’ai eu droit en long, en large et en travers
au récit détaillé d’Abby. Sa nuit fut passionnante et envoûtante, et surtout très platonique.
Apparemment, elle et le coach Carter n’ont échangé aucun fluide, ce qui n’est pas dans les habitudes
de ma coloc’. Ils se sont contentés de discuter et je cite « durant des heures et des heures, c’était
parfait ! La plus belle nuit de ma vie ». Le truc incroyable, mais vrai ! Se pourrait-il qu’il soit le bon ?

Nous ne sommes plus qu’à quelques pâtés de maisons de Westminster. Un des quartiers les plus prisés
d’Élisabeth, une charmante petite ville du New Jersey où mes parents, Dan et Judith Prescott ont élu
domicile depuis toujours, je crois. La maison est… En fait, elle est identique à toutes les autres du
voisinage. Vous voyez le décor genre séries télés, celui avec des pelouses impeccables bordées de
fleurs, c’est chez moi ! Un cadre idyllique sauf que toute cette perfection m’étouffe. Ce n’est pas que
je n’aime pas ma famille, loin de là. Cependant, le besoin de m’éloigner de Wistéria Lane pour mener
ma vie comme je l’entends fut trop grand. Faire mes propres choix, sans l’ingérence de mes parents
aussi. Leurs intentions sont bonnes certes, mais tout le monde ne rencontre pas sa moitié à la fac pour
se marier trois plus tard et vivre heureux pour le restant de ses jours. Bref…

C’est dans la petite coccinelle d’Abby, baptisée Wanda, si, si ! Comme une certaine nana dans un
certain film où il est question d’une cinquantaine de nuances de gris, que l’on arrive enfin chez mes
parents !

— Les filles, vous voilà ! Vous avez fait bonne route ?

Ma mère nous accueille à l’entrée avec enthousiasme et sa classe naturelle.

— Merci maman. Je la serre d’une main et tiens de l’autre un Tupperware. Où sont les monstres ?
J’apporte leurs muffins préférés.

Les monstres sont mes deux frères, Miles et Davis. Original, n’est-ce pas ? Inutile de vous parler des
goûts musicaux de mon père. Je suis sûre que vous avez deviné qu’il est fan de jazz...

— Hé ! Ella banana ! Hmmmm cooool ! s’exclame Miles alors qu’il saute sur ce que j’ai apporté.
Il en sort un dans lequel il croque généreusement du haut de ses dix-sept ans.

— Comment ça va, simplet ? Au fait, j’ai craché dedans !

Taquiner Miles est mon sport favori, mais il me le rend bien lui aussi.

— Rends ma journée parfaite et dis-moi que ta chef t’a torturée ces derniers temps ?

Je fais mine de réfléchir un peu. Pas question d’avouer la vérité. Surtout pas devant mon père. Pour
lui, je gâche mes capacités. Il aimerait mieux que je le rejoigne dans son cabinet d’avocat. Hors de
question !

— Désolé pour toi, elle a été tout à fait supportable. Et toi, l’école ?

— Oh ! Moi, ça roule impec' ! Tu me connais ? Quaterback et star de mon lycée…

— Voyez-vous ça ! Quel dommage que tu sois encore sous ta version bêta !

Davis éclate de rire et me prend dans ses bras. C’est le petit dernier de la bande – qui a quand même
quinze ans ! –, mais qui reste un vrai fils à maman.

— Et toi, ma chère Abby, comment vas-tu ? demande ma mère

— Oh moi ! Parfaitement bien, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Les oiseaux
chantent et le ciel est bleu...

Abby étant encore sous « Carteroïne », je la coupe dans son monologue un peu trop perché pour ma
mère et propose mon aide pour mettre la table.

Le déjeuner fut une fois de plus excellent. Ma mère est un vrai cordon-bleu bien qu’elle ait tendance à
faire trois fois trop à manger ce qui, dans un sens, nous arrange Abby et moi. On récupère ainsi de
quoi tenir quelques jours sans cuisiner.

Sur le trajet du retour, je repense au fait que tout s’est parfaitement déroulé, et combien il est agréable
parfois de passer un moment en famille. Enfin jusqu’à ce qu’on s’immobilise subitement au milieu de
la route...

— Ab', qu’est-ce que tu fiches ?

— Moi ? Rien du tout. Mais je crois que Wanda n’a plus de jus...

— Abby ! Tu déconnes ? On est en panne d’essence ?

— ...

Putain, non ! Je n’y crois pas. Une panne d’essence, pffff ! C’est vraiment trop cliché, même pour moi
! Nous voilà donc à attendre sagement sur le bord de la route, comme dans l’un de ces mauvais films.
Encore heureux qu’il ne fasse pas nuit...
— C’est bon, Ella ! J’ai eu Carter, il nous envoie quelqu’un, un pote mécano.

Après une bonne demi-heure à se tourner les pouces et se vernir les ongles, une dépanneuse arrive au
loin. Génial ! Il était temps. Elle nous dépasse et se gare. La portière s’ouvre et le gars en descend, un
jerricane d’essence dans la main. Il s’approche vers nous et là, c’est le choc ! Impossible, je n’y crois
pas !

Pincez-moi, je rêve ! Aïe... Non, je ne rêve pas. C’est bien mon canon mystérieux qui se tient là, en
face de nous...
Chapitre 6

Ma mère dit toujours qu’il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas et nom d’un chien, cela
n’a jamais été aussi vrai qu’à cet instant. Sinon, comment expliquer que mon amie s’avance vers lui,
tend la main et se présente à lui avec naturel… Et moi ? Je reste simplement là, spectatrice de celui qui
hante mes pensées les plus secrètes et mes nuits depuis ce fameux soir. Celui que je ne pensais jamais
revoir.

Appelez ça comme vous voulez : le destin, bouddha ou le karma, toujours est-il qu’il est réellement là
! Je le détaille sans vergogne, c’est bien lui ! Tout y est, sa grande stature, ses épaules carrées, ses
longues jambes moulées dans une combinaison bleue. Il est trop sexy et le fantasme du mécano
dégoulinant de sueur me revient en pleine face. Je vacille, le sol tremble et se dérobe sous mes pieds.

Du coin de l’œil, je regarde si Abby est affectée aussi, mais étrangement elle n’a pas l’air d’être
soumise aux mêmes secousses que moi. Je crois d’ailleurs qu’elle explique brièvement la situation,
l’air de rien. Comment est-ce possible ? Puis soudain, je devine qu’en réalité, cette sensation de
perdre pied provient de la profondeur de ses yeux posés sur moi. Il ouvre la bouche pour répondre je
ne-sais-quoi à mon amie mais son regard est braqué dans ma direction. Ses lèvres pleines sont
toujours une tentation pour mes sens. Mon cœur s’emballe. Le souffle court, j’essaie de remettre de
l’ordre dans mon cerveau en vrac. Je plisse légèrement les yeux à cause de… De quoi ? En réalité,
j’ignore si je suis aveuglée par les rayons du soleil couchant ou par lui.

— Excuse mon amie, elle est un peu plus loquace habituellement...

La voix d’Abby me tire de mes songes. Que dit-elle ? Je retourne à mon inconnu… Sauveur de la nuit
? Mécano ? Un fin rictus se dessine sur ses lèvres. Il décolle son regard du mien et se dirige vers
l’arrière de la voiture. Je relâche un souffle que je ne pensais pas retenir et tente de remettre mes
idées en place.

— Ben dis donc. Il t’a tapé dans l’œil, petite coquine !

— Tu n’y es pas du tout, Abby.

— Je sais reconnaître une séance de matage quand même ! fait-elle, accompagnée d’un clin d’œil
désinvolte.

J’aspire une grande goulée d’air et souffle.

— C’est lui…

— Merci, Ella ! Le bidon d’essence et la dépanneuse m’avaient légèrement mise sur la bonne voie.

— Tu n’y es pas, c’est lui... Le mec de l’autre soir.


J’insiste avec un regard entendu. Et je hoche la tête pour lui signifier qu’elle a bien compris. Elle
ouvre la bouche, la referme plusieurs fois de suite et lâche :

— Lui ? Tu veux dire que c’est lui… Genre, ton mystérieux sauveur ? Pas possible !

Alléluia, mes frères ! Elle percute enfin !

— Mais fonce, alors ! Va lui parler parce qu’à sa façon de te fixer, il t’a surement reconnue lui aussi...

— Pour lui dire quoi ?

— Quelque chose... Dis-lui n’importe quoi !

OK. Je me retourne et avant même de faire un pas, Abby me glisse à l’oreille.

— Hé ! Ella, évite quand même le « n’importe quoi »...

Très drôle, Ab' ! Je reprends et avance de quelques pas. Il est impassible, debout face au réservoir, un
bras nonchalant sur le toit du véhicule. Il remarque probablement que je m’approche de sa vision
périphérique. Ses manches sont relevées jusqu’aux coudes et sur ses avant-bras, je peux voir courir
des veines apparentes. Autre chose que je n’avais pas remarquée jusqu’ici : ils sont couverts de
tatouages. Je me demande jusqu’où ils remontent quand je distingue à la naissance de son cou les
mêmes traits. Est-ce que son torse est couvert d’encre lui aussi ? J’aimerais lui sauter dessus et
arracher sa chemise pour vérifier par moi-même. Je chasse l’idée – bien qu’alléchante — de mon
esprit. Je m’éclaircis la voix et tente d’amorcer un échange.

— Hum… Alors comme ça, tu sauves les jeunes filles en détresse la nuit et les voitures le jour ? Ton
travail de héros, c’est donc à plein temps...

Héros ? Sérieusement, Ella ? Je pouffe légèrement de rire. Franchement, j’aurais pu trouver mieux
comme approche.

Il fronce les sourcils, ne partageant pas le même humour que moi, apparemment. Il lève la tête vers
moi et redresse ses épaules. Je constate qu’il est vraiment très grand. Il referme le bidon et le dépose à
ses pieds puis replace le goulot et clappe la porte du réservoir.

J’avale difficilement, incapable d’articuler le moindre fichu mot quand son regard se pose de
nouveau sur moi. Seigneur ! Ses iris sont d’une telle intensité, des nuances de bleu parsemé de
touches de vert. Mon sang bouillonne dans mes veines et la tête me tourne.

Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ? Je débloque entièrement. Je crois même que mon cerveau indique la
surchauffe. Les plombs vont sauter et je vais m’éteindre, car tous mes circuits auront disjoncté. Il
hausse un sourcil et je remarque soudain une étiquette cousue sur sa poitrine, à l’emplacement de son
cœur. Je peux lire un prénom.

— Tu t’appelles John, c’est bien ça ?

Quoi ? C’est ce qui est écrit…


— John, c’est mon père !

Sa voix… Elle est identique à l’autre soir. Mes poils se hérissent.

— Ah ! D’accord. Et toi, c’est ?

— Pas tes oignons !

Aïe ! Ça fait mal ! Je vois qu’il est toujours aussi amical que lors de notre premier échange. Je me
replie sur moi-même, laissant la déception se lire sur mon visage, quand il reprend d’une voix moins
tranchante.

— Wes

— Pardon ?

J’ignore si je suis surprise parce qu’il me parle ou par le timbre rauque de sa voix.

— Moi, c’est Wes.

Wes… J’imprime son prénom dans ma mémoire.

— Wes, enchanté. Je suis Ella.

Et bien, voilà ! Wes... Ça lui va terriblement bien... Je l’observe tout en mordillant ma lèvre inférieure.
Merde ! J’arrête immédiatement quand je constate que son regard s’est assombri. Je baisse les yeux à
la recherche de ce que je pourrais dire d’autre, parce que je ne veux pas que notre échange se termine.
Lui ne m’aide pas du tout !

— Tu es sacrément habile de tes mains !

Pitié ! Dites-moi que je n’ai pas dit ça à haute voix !

— Ce que je veux dire... C’est qu’on voit tout de suite que tu es doué… De tes mains...

Je bafouille comme une adolescente pré-pubère. Vive la confiance en soi ! J’avale ma salive et
reprends, cette fois d’une voix calme.

— Tu n’en as pas renversé une goutte... D’essence ! C’est ce que je voulais supposer par habile de tes
mains. Et, pas que tu es habile de tes mains... même si je n’en doute pas !

L’humiliation est telle, que j’aimerais, là tout de suite, que la Terre s’ouvre en deux et m’engloutisse.
Je lève la tête vers lui, Dieu qu’il est beau ! Il esquisse un sourire en coin qui en dit long : je l’amuse !
Bon sang ! J’ai quel âge pour babiller autant de conneries en si peu de temps ? Je me le demande.

— J’avais saisis...

Parfait ! Mais, il a pigé quoi ? Que je suis stupide ou… Ah, il a compris ! Génial, je suis rassurée.
Ainsi, j’évite de peu de passer pour une obsédée...
Il se décolle et avance vers moi, j’ai l’impression que ma tension grimpe en flèche. Je déglutis
difficilement quand il me dépasse et avance vers le capot qu’il soulève. Pfiou, j’ai eu chaud ! Pendant
un instant, j’ai bien cru qu’il allait m’embrasser… Il devait se douter que je ne posais pas mes lèvres
sur celles de n’importe qui et sûrement pas celles d’un inconnu ! Je ne sais pas qui j’essaie de
convaincre…

Il referme le capot dans « BAM » sonore et s’adresse à Abby.

— C’est OK pour moi, vous pouvez y aller.

Il se retourne et s’en va lui aussi. Avant de grimper dans son camion, il me lance un dernier regard,
comme pour me dire au revoir. Quant à moi, je viens clairement de vivre la scène la plus surréaliste
de ma vie !

Abby me rejoint alors que j’observe son véhicule s’éloigner pour devenir un point, puis il disparaît.

— Et bien, ma vieille, si tu veux mon avis, ce mec y est pour beaucoup dans le réchauffement
climatique...

La voix de mon amie me ramène à moi.

— Ça, je ne te le fais pas dire ! Tout ce joyeux bordel sur la planète, c’est certainement de sa faute.

Abby s’évente de la main et me détaille avec une expression équivoque.

— Tu as conscience que la tension sexuelle entre vous est à couper au couteau ? Tu t’en rends compte
?

— Tu prêches une convertie, Ab’… Tu sais ce qu’il te reste à faire ?

— Yep !

Elle présente sa main levée que je tape avec la mienne dans un « high five ». Elle reprend, le plus
sérieusement du monde :

— Cuisiner Carter pour te dégoter un maximum d’infos ! Ne t’inquiète pas, je suis sur le coup. Mais
n’oublie pas que tu m’en dois une ! C’est quand même grâce à moi tout ça !

— Ouais, ouais… C’est ça ! Tu as droit à ma reconnaissance éternelle... Ça te va ?

***

Autant dire qu’après la journée de la veille, ma nuit fut de courte durée ! Mon humeur est en dessous
de zéro et pour ne rien arranger, nous sommes lundi ! S’il y a vraiment un jour de la semaine dont
j’ai horreur, c’est bien celui-là. On imagine bien trop souvent à tort qu’après le week-end, on se
réveille requinqué et reposé, frais pour entamer une nouvelle semaine... Ça, c’est des conneries !

En réalité, c’est totalement l’opposé. Tout est désagréable, la météo, le métro et surtout le boulot...

— Bonjour, les filles ! bougonné-je en direction de Laurel et Hardy.

— Salut, Ella ! Bon courage pour aujourd’hui !

Je me retourne vers Laurel, étonnée.

— Pourquoi ça ?

— Oh ! Parce que ta boss adorée est de mauvais poil ce matin. Elle a tellement tapé sur le bouton
d’appel de l’ascenseur que j’ai cru qu’elle allait le rendre hors service.

— Super ! Merci pour l’info, Laurel.

Il ne manquait plus que ça pour parfaire mon tableau du lundi le plus « pourri » : la semaine rouge de
Christina…
Chapitre 7

Comme je pouvais m’y attendre, Christinosferatu me tombe dessus dès mon arrivée. Je pose mon
manteau, attrape un calepin, mon Filofax et surtout le dossier étiqueté « Burke » sur lequel je travaille
depuis des semaines. Je vérifie une dernière fois avant de l’affronter que je n’ai rien oublié, si ce
n’est une gousse d’ail et un pieu, évidemment. Zut ! Avant de pénétrer dans son bureau, je remarque
mon vernis. Il commence à s’écailler. Je n’ai plus le temps d’en remettre une couche… Tant pis, je
cacherai mes mains. Christina attache une grande importance à ce genre de détail insignifiant.

— Ella, ça vient ? Je n’ai pas la journée tout de même !

— Oui. Me voilà.

J’imagine qu’elle va débuter par son déjeuner. On commence toujours par ce qu’elle va manger…
Que voulez-vous ? Chacun ses priorités.

— Pour le déjeuner, je prendrais un menu six et une soupe won ton de chez Jin Fong.

— OK, c’est noté.

Qu’est-ce que je disais ?

— Mes nièces arrivent ce week-end, je vous en ai parlé la semaine dernière. Il me faut donc
rapidement une liste de choses à faire avec les petites pour les divertir.

— OK. Hum... Je peux avoir leurs âges ? Vous savez, pour cibler les activités ?

— Comment voulez-vous que je m’en souvienne ?

Et moi alors, je dois deviner ?

— Rappelez-moi également la vente privée Donna Karan. J’y ai repéré deux, trois petites choses
assez intéressantes.

— Très bien... Rappeler la vente privée Donna Karan... Autre chose, Christina ?

— À part l’état épouvantable de votre vernis ? Non, vous pouvez y aller.

Une minute ? Elle s’occupe de mes mains alors qu’elle ne me demande pas l’essentiel.

— Euh… Christina ? Le dossier « Burke ».

— Oh oui, en effet, laissez-le-moi. Je le vois justement ce soir pour finaliser les détails, si vous voyez
ce que je veux dire...
Avec un tel sourire, malheureusement ! Je vois tout à fait ce qu’elle veut dire. Automatiquement, il me
vient à l’esprit qu’elle pourrait s’abstenir de faire ça cette semaine ! Beurk et re-beurk !

Je veux bien m’investir dans le travail, mais jusqu’à un certain point. Il est primordial pour moi de
respecter certaines règles. Par exemple, celle où il est dit de conserver ses fringues... Entre autres
choses.

Christina a le chic pour franchir les limites de l’investissement personnel. En particulier concernant
les dossiers pointus où elle ne peut s’empêcher de donner de sa personne. Comment je le sais ? C’est
simple, devinez qui garde la porte de son bureau ? Ou qui s’occupe de réserver le restau et l’hôtel ?

Dans ces moments-là, j’envie la période bénie où mon job avait des tâches bien définies. Et non, le
débordement de sollicitations — à la con — qu’il est devenu aujourd’hui.

Pourtant, ce n’est pas faute de travailler dans un cabinet tout ce qu’il y a de respectable. Miller Corp
est même l’un des plus grands groupes de gestion de patrimoine à Manhattan. Il est composé de
différents pôles : financier, matrimonial, immobilier et c’est dans ce dernier que je travaille. Mon
poste consiste à assister Christina dans la gestion du patrimoine immobilier de certains clients aisés.
Pour faire simple, si vous êtes pleins aux as, on s’occupe de vous conseiller et de vous orienter vers
de judicieux placements pour l’être encore plus.

— Ella ! Tu viens ? Pause clope !

— Yep, me voilà !

Juste le temps d’attraper mon paquet de cigarettes et je file rejoindre mes collègues fumeurs, Anthony
et Evan. Si vous vous posez la question : je ne fume pas. Mais tous les moyens sont bons pour glaner
quelques minutes de répit comme faire croire à ma boss le contraire.

— Alors, les gars, ce week-end ?

Anthony fait toujours de super trucs originaux, ce qui me permet de les vivre par procuration. C’est
un natif de New-York alors la ville, il la connaît sur le bout des doigts. Il me propose souvent de
l’accompagner, mais en général, je préfère profiter de mes week-ends pour rattraper mon retard sur
mes séries télés.

— Ma chérie, il me faut bien plus de cinq minutes pour te raconter mon week-end de foliiiie !

— Quel frimeur tu fais !

— Si tu passais ton temps libre à faire autre chose que de baver devant les Winchesfields, tu serais
moins jalouse.

— C’est Winchester !

— Ah ! Tu vois !

C’est faux, je ne suis pas jalouse. Moi aussi, je fais des « trucs de fou » comme... Euh, aller dans le
New Jersey ? Ma vie est d’un ennui intersidéral… Quel affreux constat !
***

Le seul avantage à avoir des journées chargées, c’est de ne pas voir le temps passer. Ça me permet
d’éviter de penser à une certaine rencontre surréaliste de la vieille.

Lorsqu’enfin sonne l’heure du déjeuner, je retrouve de mon entrain. C’est mon moment favori de la
journée ! En général, je déjeune sur le pouce, sauf quand c’est l’accalmie au bureau. Alors, avec mes
deux acolytes, je peux me permettre de prendre une vraie pause déjeuner. Anthony et Evan sont les
deux seuls collègues avec lesquels j’ai accroché dès mon arrivée. Dans cette entreprise, la majorité
des employés est féminine. Pas étonnant donc à ce que mes meilleurs amis soient des hommes. Au
moins, avec eux, il n’y a pas d’ambiguïté, c’est noir ou blanc. Anthony, lui, est toujours au courant
des derniers potins et coucheries en tous genres dans la boîte. Cela donne des discussions toujours
animées. J’éclate de rire lorsqu’Evan me rapporte la réaction d’une de nos collègues. Elle lui fait du
rentre-dedans depuis quelques semaines. Un SMS d’Abby nous interrompt.

[Devine qui a des infos sur tu sais qui...]

Plusieurs choses mettent ma patience à rude épreuve :

1) La fin d’une saison de Supernatural

2) Le fameux hiatus du printemps

3) Attendre que mon vernis sèche et,

dernier point : me dire « j’ai un truc à te dire » pour finalement ne rien me dire !

Je jure que je pourrais tuer dans ces moments-là !

Abby est une pro dans l’art et la manière de faire durer le suspense. J’ai eu beau la harceler de
messages pour savoir ce qu’elle a appris de nouveau sur Wes, elle est restée muette comme une carpe
et n’a rien voulu dire.

Lorsque j’arrive enfin à l’appart, je suis d’une humeur de chien.

— Duncan ! Tu as intérêt à cracher le morceau !

— Oh, tiens, salut, Fitzgerald. Moi aussi, je suis heureuse de te voir !

Son long sourire béat ne me dit rien qui vaille, je sens venir la tuile. Elle n’oserait quand même pas
me faire du chantage non ? Si.

— Dis-moi tout de suite ce que tu veux qu’on en parle plus !

— Tu me connais si bien...
Tu parles ! Depuis le temps que je la connais, j’arrive à la décrypter mieux que personne.

— Si tu accompagnes Dorian à sa soirée spéciale Harry Potter machin chose demain soir, je te livre
tous mes secrets.

— Abby ! Tu abuses ! C’est déjà moi qui m’y suis collée l’an dernier.

— C’est à prendre ou à laisser.

— Tu n’es qu’une horrible amie !

— Ta colère résonne comme une douce mélodie dans mes oreilles.

La garce !

— OK, OK ! C’est bon, j’accepte... J’accompagnerai Dorian.

J’adore Dorian. Ce n’est pas lui le problème. C’est juste que, le thème sorcier, les chapeaux pointus et
les jeux de rôles, ce n’est vraiment pas ma tasse de thé.

— Merci. Ella, tu es une perle !

— La ferme. Allez, vide ton sac ! J’espère pour toi que ça en vaut la peine.

— C’est parti ! Tiens-toi bien, alors j’ai appris qu’en fait Carter et lui se connaissent depuis quelques
années. Il travaille comme mécano avec son père, dans son garage. Quoi d’autre ? Ah oui, il aime
vraiment beaucoup les tatouages.

Attendez une minute... What ? Elle plaisante, j’espère !

— Tu ne serais pas en train de te fiche de moi, là ?

— Quoi ? Ce n’est déjà pas mal, non ? Où est passée ta reconnaissance éternelle, hein ?

— Elle est engloutie entre « je vais t’arracher la langue pour m’avoir fait mijoter toute la journée » et
« tu ne perds rien pour attendre ! »

Heureusement pour son matricule, elle me faisait marcher. J’apprends donc qu’il s’appelle Wes
Hamilton. Il a vingt-neuf ans et il n’est pas très sociable... Sans blague ?

Il a rencontré Carter lors d’une bagarre générale dans une boîte de nuit, ils sont meilleurs potes
depuis. OK, jusque-là, rien de bien croustillant. Je découvre aussi que tous les deux s’entraînent
ensemble tous les jours pour gérer le trop-plein de testostérone de Wes qui est apparemment ultra
caractériel.

— Par loyauté envers Wes et parce qu’il n’est pas le genre d’homme à se confier sur sa vie, c’est tout
ce que j’ai pu tirer de Carter, il ne peut pas m’en dire plus...

Je reste circonspecte à méditer sur les informations qu’Abby a apprises quand elle reprend :
— C’est quand même une coïncidence incroyable ! Les deux mecs sur lesquels on a flashé toutes les
deux, non seulement se connaissent, mais sont en plus meilleurs amis. Comme nous ! Tu imagines le
bol qu’on a ! Quand on sera mariés, nos enfants pourront être aussi les meilleurs amis du monde. Il
faut absolument qu’on synchronise nos grossesses...

Abby et ses éternelles divagations. Je crois sincèrement qu’à force de porter des strings trop serrés, le
sang a fini par lui monter à la tête et comprimer ses neurones. Ça ne peut être que ça !

— Bien sûr, Ab', on pourrait aussi se marier le même jour. Et, pourquoi ne pas vivre dans des
maisons mitoyennes ?

— Je t’ai déjà dit que le sarcasme donnait des rides ?

Pfff, n’importe quoi ! Je ne suis pas sarcastique… J’évolue simplement dans une société moderne
remplie d’ironie.

En réalité, du haut de mes vingt-trois ans, je me trouve plutôt ordinaire, avec une meilleure amie
extraordinaire. Parfois, j’aimerais que ma vie soit moins banale. Il m’arrive souvent d’avoir des
rêves – hormis ceux qui troublent mon sommeil – dont je suis l’héroïne principale, seulement, ras-le-
bol de l’imaginaire, je veux du réel ! De la passion. Connaître le grand frisson, ressentir des papillons
dans le ventre… Toutes ces émotions que l’on peut lire dans les love stories à succès !

Je passe le plus clair de mon temps libre à fantasmer sur l’image que je me fais de l’amour avec un
grand A ! Pourtant, je ne l’ai encore jamais connu… J’ai bien eu quelques hommes dans ma vie, j’ai
aussi rencontré le serpent qui n’a qu’un œil, mais rien de transcendant ou qui ne me fasse vibrer.

Parfois, j’aspire à avoir simplement quelques bulles dans l’eau plate de ma vie. Peut-être que je dois
consommer un peu moins de films romantiques ? Toutes ces comédies girly de notre génération
biaisent certainement le jugement que je me fais des relations amoureuses.

***

— J’ai hâte d’y être ! À nous la magie des sorciers ! s’extasie Dorian durant le trajet en métro.

Comme convenu, j’accompagne Dorian à sa soirée un peu spéciale. Je sens que la nuit va être très
longue...

— Je ne pensais pas que tu avais autant apprécié l’année dernière. Sinon, je t’aurais proposé à toi
directement.

— Comment ne pas adorer ?

— Tu sais quoi ?

— Non. Mais tu vas me le dire.


— On va conclure un pacte. À partir d’aujourd’hui, ce rendez-vous annuel sera notre truc à nous ! Je
préfère largement y aller avec quelqu’un qui apprécie vraiment le concept, me chuchote-t-il à
l’oreille.

Mon adorable Dorian, si je ne l’aimais pas autant, je crois que j’éclaterais de rire face à tant
d’enthousiasme. Puis, il ajoute.

— Tu m’adores vraiment, hein ?

— Évidemment. Tu en doutes ?

— Pas du tout. Ella, crois-moi ! Je sais aussi que tu m’accompagnes parce que tu ne supportes pas
d’être loin de moi trop longtemps.

Il passe un bras au-dessus de mes épaules. Je me laisse aller et me blottis contre lui.

— Tu lis en moi comme dans un livre ouvert.

Je lève la tête vers mon ami. On s’observe tous les deux puis soudain on éclate de rire. Après ça s’en
suit un long monologue où Dorian me réexplique le déroulement des activités de ce soir.

— On va aussi pouvoir choisir notre maison ensemble, c’est un choix crucial. Tu imagines un peu si
tout ça existait vraiment…

— Je pense que si tout ça existait vraiment, on ne serait que de simples moldus.

— Briseuse de rêves !

Je souris, mais une sensation étrange me noue l’estomac. Un sentiment de malaise. Comme lorsque
l’on se sent épié sans savoir d’où cela provient…
Chapitre 8

Cette drôle d’impression qui ne s’arrête pas... Je jette un coup d’œil discrètement derrière mon épaule
et là ! Putain. Je tombe directement sur deux yeux verts qui me toisent sans sourciller. Une fois n’est
pas coutume, le regard est sombre et pas très engageant... Une chance que j’aime les défis.

Je me lève et souffle à mon ami un « je reviens » puis, sans attendre de réponse, je me dirige dans sa
direction.

— Bonsoir Wes ! Je ne sais pas si tu te rappelles, tu nous as dépannées, mon amie et moi. Enfin, tu te
rappelles forcément puisque c’était le week-end dernier.

Petit hochement de tête de sa part. Il ne se souvient peut-être pas de moi. C’est possible, non ? Il n’a
peut-être pas non plus envie de me parler. Après tout, je ne suis rien pour lui. Depuis le début, je pars
du principe qu’il a – comme moi — le désir de faire connaissance… Mais je crois que je suis à côté
de la plaque ! Il doit penser que je suis bien pathétique…

— Et bien, ce fut fort agréable. Alors… Euh… À une prochaine fois ?

— Ella.

Le son de sa voix est toujours aussi grisant. Et il se souvient comment je m’appelle. Un bon point
pour moi !

— Oui ?

— Je me rappelle de toi. Si ça peut te rassurer…

Oh oui, ça me rassure ! Mais je ne le montrerai pas.

— Bien. Alors maintenant, j’imagine que nous ne sommes plus des inconnus l’un pour l’autre.

— Ton mec t’attend.

— Qui ça ? Dorian ? Non, ce n’est pas...

— Tu devrais le rejoindre ! tranche-t-il

Je me demande s’il lui arrive d’être de bonne humeur. Pas grave ! J’ai de l’expérience en dressage de
dragon. Merci, Christina !

— Tu sais ? Je suis sûre qu’au fond de toi, tout au fond, cela va de soi, tu es quelqu’un de
sympathique. Peut-être même que tu es drôle, alors pourquoi ne pas commencer tout de suite, hein ?
—…

— Et sinon, tu rentres chez toi ?

— Non.

— Ah OK, tu vas voir quelqu’un dans le coin ?

— Oui.

— Une copine à toi ?

Dis non, dis non ! Ben quoi ? On peut toujours rêver… Il prend un certain temps à me répondre,
pourtant il ne me quitte pas des yeux une seule seconde, comme s’il tentait de lire en moi.

— Non.

Je relâche lentement un souffle que je ne pensais pas retenir, même si cette réponse ne veut rien dire
en soi. Je ne perds pas de mon flegme et lui balance aussi sec :

— Les conversations avec toi sont tellement intéressantes et enrichissantes... J’adore !

Attendez une minute ! Que vois-je apparaître sur son visage ? Si, ça m’a tout l’air d’être ça. Et « ça »
ressemble bien à un sourire ! Bon, c’est une petite contorsion des lèvres, mais c’est ce qui se
rapproche le plus d’un sourire sur son visage.

Il se peut que ça devienne un défi personnel ! Briser cette carapace qui l’entoure. Qui sait, peut-être
même qu’on deviendra amis. D’ailleurs, on sera sûrement amenés à se revoir, surtout si nos meilleurs
potes se marient. J’étouffe mentalement la petite voix qui me murmure un tas de conneries.

— Ella, tu viens ? C’est là qu’on descend, m’avertit Dorian.

— J’arrive...

Dommage, le sourire a déjà disparu.

— Je dois y aller. Peut-être à une prochaine ? Bye, Wes.

— Hmmm.

Pas d’au revoir. Rien ! J’ignore ce que j’espérais. Je rejoins rapidement mon apprenti sorcier favori.
Sa joie n’arrive pourtant pas à me dérider. Quelques minutes plus tard, il m’interroge.

— Qui était ce type tout à l’heure ?

— Un ami.

J’élude volontairement les détails et le questionne sur son sujet préféré.

— Alors, tu es prêt à entrer dans le jeu, jeune padawan ?


— Pitié, Ella ! Tu te trompes carrément de saga, là. Ça craint ! « Harry Potter » et « Star Wars » sont
deux univers diamétralement différents.

— Ce n’est pas si grave. Si ?

— S’il te plaît, ne refais jamais plus ce genre d’erreur...

— OK, OK. Excuse-moi. J’espère au moins que tu ne vas pas le rapporter à Voldemort…

Je pouffe de rire. J’ai quelques connaissances quand même et je sais donc que ce prénom est tabou
dans ce fandom.

— Par Merlin, tu perds la tête ! On ne doit pas prononcer son nom !

— Ha ha, ça va ! Dois-je te rappeler que c’est de la fiction ?

— Évidemment que ça l’est !

— Ah, ces geeks !

La soirée est finalement plus intéressante que prévue. Donc, ici, nous fêtons, ou plus exactement,
rendons hommage aux personnages des différents bouquins et, chose amusante : on recommence
chaque année !

Comme une sorte de rituel à la gloire de la saga. Quand on aime, on ne compte pas !

J’ai eu droit à de la « bierraubeurre » à moins que ce ne soit de la « beurre aux bières ».


Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas si mauvais que son nom l’indique.
J’ajouterai que c’est plutôt bon. Un goût de cannelle avec un je-ne-sais-quoi de crémeux. J’espère
quand même que ce n’est pas vraiment fait avec du beurre. Oh moi, je m’en fiche un peu, mais mes
hanches ne sont pas de cet avis !

Après quelques pichets, je suis légèrement « beurrée » et commence enfin à m’amuser.

J’ai même accepté le badge de ma maison. Par contre, je n’arrive pas à me souvenir laquelle est-ce.

Je regarde Dorian, il a l’air dans son élément. Il me sourit de toutes ses dents, finalement, je suis ravie
de lui avoir fait le plaisir de l’accompagner. Je regarde l’heure et me rends compte qu’une fois
encore, le réveil va être dur.

Mon esprit n’est pas épargné dernièrement, et une cuite à la boisson sorcière ne va pas arranger mes
affaires...

***
À juste titre, la journée au bureau a été effroyable. Un client mécontent et auprès duquel le rentre-
dedans façon Christina n’est pas passé.

Disons que, gérer ma boss couplée d’une migraine monstre n’est pas une mince affaire. Je ne
souhaite qu’une chose, rentrer à la maison.

Lorsque j’arrive, je trouve Abby en tenue de sport sur le canapé. Je ne me pose pas plus de questions,
car :

1) je suis trop « crevée » pour discuter,

2) je suis vraiment, vraiment trop « crevée » pour discuter.

— Alors Hermignonne, c’était comment ?

Elle parle de la soirée sorcière. Je ne suis pas d’humeur…

— La ferme, Abby !

— Rhooo ma licorne, c’était si terrible que ça ?

—...

— Raconte ! Docteur Phil t’écoute.

— Un seul mot : CAFÉINE !

— Je t’offre ça en chemin.

— Pardon ?

— Notre cours. Ne me dis pas que tu as oublié ?

— Pas du tout.

J’avais oublié.

— Allez ! Dépêche-toi un peu parce que là, on risque d’être à la bourre.

— Et si tu y allais seule ?

— Tu sais, Sexy Wes ne sera pas toujours là pour sauver tes miches.

Elle marque un point.

— Franchement, il serait quand même préférable pour ma santé mentale qu’on ne s’en tienne qu’au
samedi.

— Ta santé mentale ? Et la mienne, hein ? Mon Carter entouré de nanas ! Ça t’évoque quoi ?
Je dois avouer qu’elle n’a pas tout à fait tort. Ils n’ont pas encore officialisé leur « relation », mais
cela commence à ressembler à quelque chose entre eux.

— OK, OK. Ça va ! Tu peux remballer ton regard de Chat Potté. Au fait, il y a quelque chose que j’ai
oublié de te dire.

— Je t’écoute, Fitzgerald.

— Dans tes rêves, ma vieille... Hahaha !

— Je comprends. Tu tiens ta vengeance, c’est ça ?

J’adore ce sentiment de pouvoir. Enfin, s’il ne fondait pas comme neige au soleil car je n’arrive
jamais à tenir ma langue bien longtemps.

Ce que j’apprécie avec Abby, c’est qu’elle est comme moi ! Elle aime que l’on raconte une histoire
dans les moindres détails. Le temps qu’il faisait, la tenue portée, l’intonation de la voix, l’intensité du
regard. Je replonge dans mes souvenirs et défile la scène du métro sous mes paupières.

Sur le trajet jusqu’au « Da Club », je lui livre ainsi l’échange au plus juste. Je commence avec le
regard dur et fermé de Wes. Cette impression constante qu’il cherche à faire passer un message à
travers ses iris captivantes. L’aura fascinante qui l’entoure. L’expression de son visage quand il fronce
les sourcils. Je ne pensais pas ma mémoire capable de tant de précision…

***

— Le buste droit. On rentre le genou vers l’intérieur. On engage la hanche et on frappe ! Le poing
fermé au niveau du menton ou les doigts tendus au niveau de la trachée, on frappe !

Je tente de reproduire les mouvements de Carter du mieux que je peux… Genou vers l’intérieur, je
frappe. OK. Jusque-là, ça va... C’est au niveau de la rotation de la hanche que ça coince. Argh…
Comment les autres filles du cours arrivent-elles à exécuter un enchaînement parfait ? Je n’arrive
qu’à tourner sur moi-même. Et lancer mes bras ? N’en parlons pas !

Les parois vitrées autour de nous me gênent également. J’ai la désagréable sensation de me donner en
spectacle. Apparemment, ça n’embarrasse que moi.

Je continue, engage le poing dans le prolongement du bras et frappe.

Allez, Ella ! Concentre-toi ! J’imagine déjà les regards moqueurs. Je lève la tête et lance un coup
d’œil circulaire autour de moi. La salle est quasiment vide et personne ne ricane.

Je remarque qu’il reste encore deux, trois personnes qui s’entraînent sur les machines.

Et, un homme. Il est au fond de la salle, près des punching-balls. Il frappe sur l’un d’eux, torse nu.
Toute mon attention est alors orientée dans sa direction. Son dos est entièrement tatoué d’encre noire,
ses bras aussi. Le sac valse sous la force de frappe. Ses muscles se bandent à chaque coup porté. Je
reste figée, fascinée par les dessins qui recouvrent littéralement sa peau, bronzée et luisante par la
sueur. Épier quelqu’un de cette façon, malgré lui, à quelque chose d’excitant. Mon bas ventre se
contracte. Je suis sérieusement en manque, ma parole !

Il stoppe les coups, attrape sa serviette au sol et se dirige vers la poire de frappe. Soudain, il
s’immobilise et tourne la tête vers moi. Pas possible !

NON !

Si...

Sans déconner !

Je n’arrive pas à y croire...

Le type sur lequel je bave, à la limite de l’orgasme oculaire, c’est encore Wes !

Et nom d’un chien ! Son torse est lui aussi entièrement recouvert de tatouages ! Bon sang, il est sexy
comme ce n’est pas permis ! Je suis au bout de ma vie !

Il se détourne et moi, je suis de retour à mon cours, bien que je ne sache plus où j’en suis dans les
pirouettes.

Je jette un coup d’œil de nouveau vers Wes, enfin là où il se trouvait, car il n’y a plus personne. Est-ce
que j’ai rêvé toute la scène ? Était-ce une hallucination ? Une réaction de mon corps en privation ?

Jusqu’où peut conduire l’abstinence ? J’imagine très bien mon vagin en berne lancer un appel à l’aide
type Save Our Soul en message codé à mon cerveau. Celui-ci aurait répondu par la création d’une
séquence représentant la tentation.

Putain de vagin !

Et putain de cerveau !

Je suis dans le désert depuis trop longtemps ! Et Wes symbolise l’oasis. Il faut traiter l’urgence par
l’urgence : j’ai besoin d’un mec !

Je ne serai pas difficile. Pas dans mon état, c’est décidé ! À la fin du cours, j’embarque Abby en boîte.
On aura qu’à faire un saut rapide par la maison pour prendre une douche et se rendre présentables.

Je voulais savoir jusqu’où couraient les lignes d’encre noire l’autre jour. Au moins, maintenant, je
sais.

— OK. Bravo à tous ! C’est du bon travail ! On enchaîne pour ceux qui le souhaitent avec le prochain
cours « Pieds-poings » qui va pour approfondir ce qu’on a vu.

— Waouh ! C’était vraiment intense ! Tu ne trouves pas, Ella ?


— Oh que oui !

J’hésite à lui parler de ce que j’ai vu. N’étant pas sûre moi-même que tout cela soit vrai ou pas. Elle
reprend.

— Carter est vraiment trop génial ! Attends de voir le prochain cours, il est énorme et correspond
totalement à tes besoins.

Elle plaisante ? J’ai ma dose d’autodéfense. Ce dont j’ai besoin maintenant, c’est de transpirer dans un
lit ! Mais apparemment, ce n’est pas pour ce soir… Abby a très envie de rester assister à la prochaine
séance.

— Tu es sûre ? Ça ne te dérange pas de rentrer seule ?

Face à l’enthousiasme de mon amie, je préfère ne rien dire et tais mon corps en chaleur.

— Nope. File ! Allez, je vois une nana qui lorgne sur ta place au premier rang.

— Merci, Ella. Tu es une perle !

***

Je passe mon sac sur mon épaule et me dirige vers la station, à une cinquantaine de mètres de là. Un
courant d’air me traverse. Je frissonne. L’heure est plus avancée que ce que je pensais car il n’y a plus
énormément de monde à présent sur les voies. Pourtant, il n’est pas question de céder à la paranoïa. Je
descends les marches, traverse le tourniquet et avance vers le centre du quai. Je me retourne pour
vérifier si le métro est à l’approche. Je fronce les sourcils, il n’est pas encore là.

Cependant, quelque chose d’autre m’interpelle. Je secoue la tête et souris discrètement. J’ai enfin la
certitude que finalement ce n’était pas un rêve… Non, il était bien réel. Je déglutis et pose la question
qui me brûle les lèvres.

— Est-ce que tu me suis ou quelque chose comme ça ?


Chapitre 9

Aucune réponse de sa part. Néanmoins, je ne me démonte pas et ajoute :

— Au fait, jolis tatouages !

Un signe de tête, j’ai enfin toute son attention.

— Je t’ai vu t’entraîner tout à l’heure. Toi et moi, dans la même salle de sport, c’est une sacrée
coïncidence. Il n’y a pas à dire, je te retrouve partout où je vais.

Il esquisse un sourire. Un vrai, cette fois ! Je lui demande alors :

— Sais-tu que le harcèlement est un délit puni par la loi ?

Il me fixe intensément de toute sa hauteur et fait un pas vers moi. Je relève la tête pour ne pas quitter
ses yeux.

— Je suis au courant. Et toi ? me targue-t-il.

Il est si près que nos souffles se mêlent. Il m’intimide à m’étudier de la sorte pourtant, lui, ne cille pas.
Mon cœur s’emballe. Il provoque en moi des réactions inédites, comme mes mains qui deviennent
moites, ma gorge qui subitement devient sèche.

Par chance, notre rame arrive... Je décolle mon regard du sien et monte dans la voiture. À l’intérieur,
je m’installe sur l’une des banquettes libres. J’imagine qu’il va en profiter pour s’éclipser vers sa
place habituelle, mais il me surprend quand il vient s’installer près de moi. Je me contiens et ne laisse
entrapercevoir aucune réaction. En réalité, le savoir assis, là, bien sagement à mes côtés me paralyse.
Ma mémoire à court terme me mitraille d’images. Je le revois dans la salle. Torse nu.

Il éponge la sueur sur son front, le regard aiguisé. Ses muscles saillants se contractent. Ses abdos en
béton armé ont l’air d’avoir été dessinés par un maître chocolatier. Bon sang !

Ella, ressaisis-toi ! Il est JUSTE à côté de toi ! Fantasmer en direct sur quelqu’un quand ladite
personne est tout près, ça ne se fait pas !

Je l’observe du coin de l’œil. Il est concentré sur un point face à lui, imperturbable, et ne prononce
pas un traitre mot. Je réfléchis à quelque chose d’intéressant que je pourrais dire, mais je ne trouve
rien.

À l’arrêt suivant, trois hommes montent. Ils tiennent à la main des sacs en papier dont dépasse le
goulot de bouteilles de bière. Il me semble avoir lu quelque part quelque chose à propos d’une
interdiction de boire de l’alcool dans les transports en commun ainsi que de transporter un liquide
dans un contenant qui ne ferme pas. Ces types, qui ont un sérieux coup dans le nez, cumulent les deux
infractions. Évidemment, où décident-ils de s’installer ? À côté de moi. Génial ! Je me décale
discrètement vers Wes pour éviter que la jambe du type ne touche la mienne. Le bon côté des choses
est que cela me rapproche plus encore de l’objet de mon affection.

— Les gars, je vous jure ! Plus chaude, il n’y a pas. Son joli petit cul moulé dans un jean… Elle est
trop bonne… Une vraie bouche de…

Super ! En prime, ils partagent avec nous leurs discussions salaces. Nous avons le droit à tous les
détails sordides. Je regarde autour de moi, je ne suis pas la seule que cette conversation met mal à
l’aise. Un regard en coin vers Wes, sa mâchoire est contractée, ça le gonfle, lui aussi.

Le bras du mec va et vient pour accompagner sa conversation… Wow ! Il tangue et m’envoie au


passage quelques gouttes de sa bière sur la figure, le con !

— Fais gaffe, mec !

C’est Wes. Il a dû en recevoir aussi. Pourtant, je ne remarque rien sur lui... Curieux. Pourquoi
s’énerve-t-il, alors ?

— Hé ! Ça va, connard, j’ai pas fait exprès !

Wes passe un bras derrière ma nuque et rétorque, irrité.

— Comment tu viens de m’appeler ?

— Je t’ai appelé « connard », connard !

Attendez une minute, qu’est-ce qu’il se passe ? Wes se lève, le type qui m’a aspergée aussi.

— Oh, l’autre ! Tu ne me fais pas peur ! objecte l’arroseur.

Wes n’a pas l’air impressionné par le fait qu’ils soient en supériorité numérique et le fusille du
regard. Ses yeux lancent des éclairs. Je m’éclaircis la voix et balbutie :

— Euh... Qu’est-ce que tu fais, Wes ?

Il ne m’entend pas – ou plutôt ne m’écoute pas. Sa mâchoire se contracte. Son visage se ferme. Ses
iris se voilent et prennent une teinte sombre. Les deux hommes s’affrontent dans un duel silencieux.
Celui de Wes est noir et lance des éclairs. Si un regard pouvait tuer, ce serait celui-là.

Le ton monte quand l’un des deux autres types éructe d’une voix lourde de sens.

— Ouais, c’est ça. Wes, écoute ta gonzesse ! Retourne t’asseoir gentiment auprès d’elle si tu ne veux
pas qu’on abîme ta jolie petite gueule !

Oh non ! Wes se retourne, serre son poing jusqu’à en faire blanchir ses jointures. On attire l’attention
de tous les autres usagers. Je devine que Wes est sur le point d’assener un coup à celui qui a ouvert la
bouche. Je me précipite à ses côtés.
— Wes. Non !

Je glisse ma main dans la sienne et entrelace nos doigts. Ils s’emboîtent parfaitement. Sa paume est
chaude. J’en profite pour réfléchir vite avant que ça se termine mal. Il m’apparaît alors une possible
solution tandis que la rame ralentit progressivement sa course à l’approche du prochain arrêt.

Je lève ma main libre, la pose sur la joue de Wes. Il me regarde immédiatement. Cela détourne un
instant son attention des autres abrutis. On y est ! Son regard est plongé dans le mien.

— On descend ? Wes, s’il te plait ?

Je le tire vers les portes de la rame. Pas de résistance de sa part, parfait ! Le tout se joue en quelques
secondes et le temps que les trois idiots réagissent, nous sommes sur le quai et le train repart...

Je nous entraîne vers la sortie et prends subitement conscience de plusieurs choses. D’abord, mon
cœur. Il bat à tout rompre comme s’il voulait sortir hors de ma poitrine, sûrement à cause de la
montée d’adrénaline. Mes jambes, elles, flageolent plus que de raison. Par contre, ma main ne tremble
pas. Je serre de toutes mes forces celle de Wes. Au plus profond de moi, j’ai la curieuse sensation
d’être à ma place, mais je la chasse rapidement.

On remonte à la surface, l’air frais pénètre dans mes poumons. Cela fait un bien fou ! Ce soir, les
choses auraient pu très mal tourner. Un grognement sourd me rappelle que je ne suis pas seule.

— Qu’est-ce que tu as foutu ?

— Pardon ?

Wes m’invective. Je crois rêver. C’est impossible autrement car je ne comprends pas pour quelle
foutue raison il me hurle dessus !

— Tu m’écoutes ? Pourquoi t’as fait ça ? Ils méritaient qu’on leur pète la gueule à ces branleurs !

C’est l’incompréhension totale !

— Sérieusement, Wes ?

— Plus que sérieux !

— OK. Et après ? Tu aurais gagné quoi à part te faire très mal ? Ils étaient trois, je te le rappelle !

Il me rétorque, un sourire sardonique sur les lèvres.

— Tu ne sais pas de quoi tu parles ! Tu ne me connais pas ! Ils n’avaient aucune chance contre moi.

Je reste là, scotchée par l’hostilité que je perçois dans sa posture menaçante. Sa peau irradie de rage et
sa voix chargée de colère l’est tout autant. Il est réellement furieux contre moi.

Mes yeux sont happés par ses prunelles tempétueuses, impossible de m’y soustraire. Si son but est de
m’intimider, et bien ça marche ! Cependant, je me rappelle aussitôt qu’il aurait pu courir vers de
graves ennuis sans ma manœuvre.

— Tu devrais plutôt me remercier, monsieur le rabat-joie ! C’est quoi ton problème ? Tu ne sais pas
dire merci ?

— Mon problème ?

Il penche la tête légèrement sur le côté, plisse les yeux et réplique, acerbe :

— Là, tout de suite, mon problème, c’est toi !

Je recule d’un pas, sidérée face à la dureté de ses mots, mais je me reprends rapidement.

— Tu vas faire quoi ? Jouer des poings avec moi aussi ?

— Pour qui tu te prends ? Tu crois m’avoir cerné, c’est ça ? Petite prétentieuse ! Tu ne me connais
pas, OK ? Tu ne sais RIEN de moi ! RIEN !

— Tu sais quoi, tu as raison. Je m’en vais ! Ça te va ? Alors, amuse-toi bien, toi et ton ingratitude
aigüe !

Quel abruti ! Non, mais, quel connard ! Argghhh... Et puis, où suis-je d’abord ? Je regarde autour de
moi, je ne reconnais rien. J’emprunte une direction au hasard qui m’éloigne de lui.

— Reviens ! Tu vas dans la mauvaise direction.

Comme si j’en avais quelque chose à faire de ce qu’il raconte ! Mais il continue,

— Chez toi, c’est de l’autre côté !

Je m’immobilise, et reviens vers lui.

— Comment tu sais ça ?

C’est vrai ça ! Comment peut-il bien le savoir ? Son silence me déroute.

— Tu vas me répondre, Wes ?

Il hausse les épaules mais s’obstine à garder le silence. Je ne sais plus quoi penser. Toute cette histoire
est invraisemblable et j’ai l’impression de rater quelque chose.

— Comment sais-tu où j’habite ? Sans compter que je tombe sur toi partout où je vais ces derniers
temps. Es-tu un psychopathe ? Ou quelque chose comme ça ?

— Un psychopathe ?

J’acquiesce. Il reprend d’une voix contrôlée.

— On ne t’a jamais dit que tu avais l’imagination un peu trop débordante ?


— Tu vas me répondre ? Oui ou non ?

— Non !

Il me pousse à bout.

— Bon. OK. Ça suffit comme ça ! Je m’en vais.

Avant que j’esquisse le moindre pas, il expire un soupir bruyant et parle enfin.

— J’ai vu son regard.

— Pardon ?

— J’ai vu son regard, il se léchait les lèvres.

— De quoi parles-tu ?

— L’enculé qui t’a suivie l’autre soir. J’étais là. Dans la rame.

C’est curieux. Je ne me souviens pas de l’avoir vu. Si ?

Il répond à ma question silencieuse.

— Tu ne m’as pas vu.

J’attends qu’il continue mais je suis trop impatiente.

— Et ?

— Et quoi ?

— Tu as vu son regard. Ensuite, quoi ? Tu as lu dans ses pensées ?

Ça sonnait moins bizarre dans ma tête.

— Lu dans ses pensées ? D’où est-ce que tu sors ça ?

Je hausse les épaules.

— Crois-moi. Il n’était pas difficile de deviner ses intentions.

Je m’éclaircis la voix et lui pose la question qui me brule les lèvres.

— Hum... Donc, tu nous as suivis. Pourquoi ?

— Pourquoi t’ai-je sauvé la mise ce soir-là ? C’est ça, ta question ?

— Oui. Enfin, non ! Bien sûr que non ! Je te suis reconnaissante pour ça d’ailleurs. Ce que je veux
dire c’est : pourquoi ? Pourquoi nous avoir suivis ? C’est absurde ! Ce type, ce n’était pas tes oignons
et... Et... Pourtant, tu étais là. Pile au bon moment.

— Ne te méprends pas sur mon compte.

— Et, donc… Tu rôdes dans le métro à la recherche de jeunes filles en détresse ?

— Ne me prête pas d’intentions que je n’ai pas. J’étais là, c’est tout ! J’ai vu ce connard te coller d’un
peu trop près. Quand tu es descendue, il avait dans ses yeux une lueur malsaine. Bref, je vous ai suivis
et j’ai eu raison. Fin de l’histoire. Maintenant, on y va. Je t’accompagne chez toi.

Je suis abasourdie ! Mais je veux en savoir plus encore.

— Et ?

— Et rien. Si tu ne te décides pas à avancer, je me casse !

— OK. Très bien ! Inutile de t’énerver, je vais avancer. Mais ça ne veut pas dire que je te fais
confiance.

— Et tu as raison.

— Pardon ?

— Rien ! Avance, bordel !

— C’est dit tellement gentiment, comment refuser ?

Il secoue la tête, amusé. Le revoilà ! Ce sourire en coin. Dieu, qu’il est beau !

— Tout à l’heure, je peux savoir ce qui t’a pris ?

— Tu n’arrêtes jamais avec tes questions ?

— Euh...

— Tu étais là, non ? Tu as vu ce qu’ils ont fait ces cons !

— Pourtant, ils ne t’ont pas touché.

— Ouais. Mais toi, si !

J’écarquille des yeux. Alors, c’était juste pour moi. Pas croyable. Je m’interroge immédiatement.
Depuis quand ai-je autant de chance ?

— Alors, hmmm… Merci, je suppose. Pour ce soir et pour l’autre soir aussi.

— De rien.

Avec un imperceptible signe de tête, il se remet en marche. Et moi, je ne pense à rien d’autre qu’à
caler mes pas sur les siens.
Je viens de vivre une soirée riche en émotions, je ne suis pas près de l’oublier ! Toutefois, je
repousse à plus tard l’analyse de ce que j’ai appris, car pour l’instant, je ne veux penser à rien d’autre
qu’à l’homme à mes côtés. Dire qu’il y a encore quelques jours, il était pour moi un parfait inconnu.

Savoir qu’il est le meilleur ami de Carter me rassure quand même un peu et me confirme qu’il n’est
pas un fou furieux ou pire. Un frisson me parcourt à cette idée. Il le remarque.

— Tu as froid ?

— Ça va. Je te remercie.

Bon, évidemment, maintenant qu’il en parle, je constate que j’ai effectivement froid. Je croise mes
bras sous ma poitrine. La température s’est grandement rafraîchie, j’en prends pleinement conscience
à présent.

— Tiens.

Wes retire sa veste et la dépose sur mes épaules, restant ainsi en sweat-shirt. Je relève la tête
brusquement vers lui, déconcertée par sa sollicitude.

— Merci. Mais, et toi ?

— Ça va.

Je passe mon sac de l’autre côté et glisse mes bras dans les manches puis remonte la fermeture éclair.
Une subtile fragrance d’homme me parvient. Son parfum. Ça sent agréablement bon. L’odeur de Wes.
Je pourrais m’y habituer. Oups !

Je déglutis bruyamment quand il me surprend en train de renifler son vêtement. Je fais mine de rien
car je ne veux pas qu’il me prenne pour quelqu’un de bizarre.

Il se rend également compte que je peine à le suivre. Il resserre alors la largeur de ses pas. Il est un
peu trop rapide pour moi et mon mètre soixante. Nous n’échangeons plus un mot jusqu’à ce que l’on
arrive devant mon immeuble.

— Alors… Merci. Merci de m’avoir raccompagnée.

Il répond par un bref hochement de tête. De mon côté, j’hésite. Les bonnes manières voudraient que je
lui offre de monter… Peut-être boire quelque chose ? Mais ensuite, je me rappelle que ce n’est pas un
rencart et que c’est donc inapproprié de l’inviter chez moi.

Il coupe court à mes interrogations.

— Tu vas te décider à monter ? Je dois encore rentrer chez moi, alors...

— Bien sûr, désolée. Merci encore pour ce soir !

Il soupire bruyamment quand je plonge la main dans mon sac et extirpe mes clés.
OK. J’ai compris et ne m’attarde pas plus encore. Je pousse la porte en verre et pénètre dans
l’immeuble. Je monte la première marche et jette un regard en arrière, il est toujours là. Il attend. Je
me retourne et grimpe le reste des marches rapidement.

Lorsque je passe la porte de chez moi, je suis enfin en sécurité. Je verrouille la porte à double tour et
me laisse glisser au sol contre elle.

Je ressens un curieux mélange de sentiments : du soulagement et de la confusion. Qui pourrait le


croire ? Wes serait-il mon preux chevalier ? Oh non ! L’idée même qu’il puisse l’être me semble
complètement incongrue.

Je me redresse sur mes pieds et traverse l’appartement pour me rendre dans ma chambre. Lorsque je
m’étale sur mon lit, je prends pleinement conscience de l’état de fatigue dans lequel je suis. Je ferme
les yeux et m’enfonce dans un sommeil profond.

Je suis de nouveau dans la salle de sport. Je regarde autour de moi, il n’y a plus personne. Comment
est-ce possible ? Comment tout le monde a-t-il pu partir sans que je m’en rende compte ? Je tourne
sur moi-même à la recherche de quelqu’un. N’importe qui.

Je remarque quelque chose du coin de l’œil. Je me retourne, il est devant moi. Comment ai-je pu le
rater ? Il est couvert de sueur. Il halète. Une furieuse envie me prend. Celle de faire courir ma langue
sur les lignes sombres de son torse musclé. Je lève la tête vers lui, ses pupilles sont dilatées. Je peux
sentir son odeur de là où je suis. Elle m’enveloppe. J’esquisse un pas vers lui et je suis précipitée dans
une chute vertigineuse. J’ouvre soudain les yeux !

Je réalise alors que je me suis endormie sans prendre la peine de me déshabiller. Sa veste encore sur
moi embaume l’air tout autour de moi. Arf ! C’est de la faute de son blouson !

Oui, voilà. Tout est de la faute de son stupide vêtement…


Chapitre 10

— Abby ? Tu n’aurais pas vu mon top gris chiné ? J’attends un instant avant qu’elle ne déboule dans
ma chambre, mon top sur le dos.

— Celui-là ? El’, qu’est-ce que c’est que ça !

Je l’interroge du regard, perplexe par son exclamation.

— Tes yeux ! Ils sont cerclés d’horribles cernes ! Tu m’expliques ce que tu fais de tes nuits, à part
dormir visiblement.

— La ferme, Ab’.

Elle quitte ma chambre avec un clin d’œil significatif tandis que je vis un grand moment de solitude
face à ma penderie. Je soupire bruyamment…

Mes nuits sont effectivement atrocement agitées depuis une bonne dizaine de jours et l’effet
commence à se faire sentir et pas seulement sur mon visage. Après une triple dose de caféine, mon
corps fonctionne à peu près correctement, et malgré le soleil radieux et le fait que je n’ai pas eu à
courir pour attraper le métro, cela ne suffit pas à me dérider. Heureusement que nous sommes
vendredi.

Dès mon arrivée au bureau, je reçois un appel de Christina. Elle ne sera pas présente de la journée.
Elle a récupéré ces nièces plus tôt que prévu. Ces chères petites têtes blondes avaient hâte de revoir...
New York ! La tension entre mes épaules s’apaise un peu.

— Ma chérie ! Que nous vaut ce beau sourire, allez ! Dis-moi ? Il y a forcément un mâle caché
derrière ! me lance Anthony qui passe la tête dans mon bureau.

— S’il y avait un mâle caché quelque part, il serait certainement derrière toi, cher collègue.

Il me claque une bise sonore sur la joue, je lui souris.

— On peut savoir pourquoi il serait question d’un mec chaque fois qu’une femme sourit ?

— Parce que moi, la seule chose qui me rend aussi gai, c’est une folle nuit avec un beau spécimen.

— Tu n’es qu’un obsédé.

— CQFD.

— Si tu veux tout savoir, il n’y a personne. Ni dans ma vie ni dans mon lit.
— Je n’y crois pas. Pas une seule seconde ! Pas une femme comme toi ! Je dois y aller, mais on se
retrouve plus tard ?

— Ouaip’

Anthony est un sacré charmeur, il est un peu la version masculine de Taylor. C’est probablement pour
cette raison que l’on s’entend si bien lui et moi. Mais pour quelqu’un comme lui, qui change de mec
comme de chemise, le concept de célibat peut sembler quelque chose de complètement abstrait
cependant, il n’en reste pas moins quelqu’un d’adorable.

À bien y réfléchir, Anthony n’a pas totalement tort. Il y a bien un homme qui habite mes pensées les
plus secrètes. Un homme qui provoque en moi toutes sortes d’émotions : la surprise, l’excitation, la
peur, la colère, la confiance, le désir... Et c’est cette dernière qui tourmente le plus mon esprit. Quand
je pense à lui, je vois ce grand huit gigantesque. Effrayant et attirant en même temps.

Je ne connais rien de lui. Pourtant, ça ne l’empêche pas de semer la pagaille dans mon esprit.
Comment peut-il me faire perdre la tête ainsi avec son caractère soupe au lait et ses petites attentions ?

Il faut se rendre à l’évidence, ce qui m’attire chez lui c’est surtout l’attrait de l’inconnu, ça me passera
forcément ! Et puis, un homme comme lui a sûrement quelqu’un dans sa vie. En réalité, je l’imagine
plutôt avoir une nana différente chaque soir. Les filles doivent se précipiter auprès de lui pour
quelques instants de plaisir dans ses bras. Et puis, on est bien trop différents l’un de l’autre, il n’y a
qu’à nous regarder tous les deux pour s’en rendre compte… Super analyse, Docteur Freud !

***

Je rêve d’une soirée tranquille devant un bon DVD quand je passe la porte de l’appartement alors
qu’il est déjà presque dix-neuf heures. Je dépose mes clés, mon sac à main avec en tête une idée
précise de mon programme. Objectif numéro un : m’affaler sur le canapé ! Des éclats de rire me
parviennent du salon, je trouve toute la bande réunie.

— Salut les gars ! Qu’est-ce que vous faites là ? Je demande.

— Soirée improvisée ! s’exclament-ils en chœur.

— J’ai apporté les pizzas ! lance Taylor en levant ses deux pouces dans les airs.

— Et moi, mon Trivial Poursuit édition spéciale cinéma ! enchaine Dorian, les yeux brillants
d’excitation. Je vais vous ridiculiser les filles ! ajoute-t-il.

Alors là, aucune chance qu’il gagne. Je suis une as de la culture cinématographique, fais-je en mon
for intérieur pas déçue pour un sou du changement de programme.

— Tu oublies à qui tu t’adresses mon pote, bon j’enfile un truc dans lequel je n’ai pas passé la journée
et je vous rejoins ! leur lancé-je à la cantonade.
À peine entrée dans ma chambre, je vire jupe et collants pour enfiler mon pantalon de yoga ultra
confortable. Je me retourne et remarque quelque chose sur mon lit, la veste de Wes. Celle qu’il a
déposée sur mes épaules la vieille. Dans la précipitation, j’ai oublié de la lui rendre avant de le quitter.
Je l’attrape entre mes mains et la respire. L’odeur m’enivre. Bien que j’aie passé la nuit avec sur le
dos, elle porte encore son parfum… Un mélange de frais et de senteurs musqués, un peu comme
Central Park après une nuit d’orage.

Je l’enfile et remonte la fermeture éclair. À son contact, j’ai l’impression d’avoir encore un peu de
Wes avec moi.

Lorsque je rejoins mes amis, Abby s’exclame :

— Alors, prêts à mordre la poussière les loosers !

— Même pas en rêve !

C’est Taylor, toujours sûre d’elle, fidèle à son caractère.

Je m’installe entre elle et Dorian et tape dans mes mains.

— C’est parti !

Après plus d’une heure et demie à s’empiffrer de cochonnerie et se chamailler, la victoire se joue
finalement entre Dorian et moi.

— Fitzgerald ! Tu as un souci avec ta veste, ou bien ?

— Pourquoi ça, Ab’ ?

— Peut-être parce que tu as passé la soirée à la renifler… Tu l’avais avant ?

J’avais occulté le fait qu’Abby connaît le moindre vêtement qui trône dans ma penderie.

— Hum... Ouais.

— Ah bon ?

Heureusement, qu’Abby a la mémoire d’un poisson rouge, et disons que je préfère garder pour moi
ma rencontre de la veille, pour l’instant.

— Bon les filles ! Si vous avez fini de parler chiffons, on peut reprendre la partie ?

— Dorian a raison. Allez ! Lis la question Abby !

Un sourire se dessine sur ses lèvres.

— J’y vais alors : dans quel film entend-on cette réplique « Ça, c’est mon espace de danse et ça, c’est
ton espace de danse » ?
J’éclate de rire ! C’est presque trop facile…

***

Le lendemain, je suis là à passer en revue ma CDthèque du doigt. Je soupire bruyamment… Rien ne


me tente. Je me lève et tourne en rond dans l’appartement. Ce n’est pas juste une façon de parler, je
tourne littéralement en rond. Pfff… ça craint !

Mes amis ont tous des projets chacun de leurs côtés. Forcément ! Puisque nous sommes samedi !
Abby est allée retrouver son Carter chéri. Taylor, de son côté est avec son mec du moment, quant à
Dorian, il est à je ne sais quelle réunion de sorciers. Et moi ? Je m’ennuie terriblement. Je sais ! Je
devrais commencer cette nouvelle série sur les zombies dont tout le monde parle… Mais l’envie n’est
pas là.

Je me laisse tomber sur le canapé et attrape la télécommande dans l’espoir de tomber sur un
programme pas trop soporifique. Je laisse mon esprit vagabonder, cela fait maintenant plus de deux
semaines que je n’ai pas vu, revu, ni entrevu Wes nul part... Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir sondé
les lieux que ce soit dans le métro ou à la salle d’entraînement.

Je ne peux pas déclarer qu’il me manque, non. Absolument pas ! Seulement sa veste ne sent plus son
odeur...

Disons que j’ai pris la très mauvaise et fâcheuse habitude de dormir avec et à présent que le seul
parfum qui l’imprègne est le mien, l’idée de peut-être la lui rendre traverse mes pensées.

En fait, la première idée qui me soit venue à l’esprit était un peu moins sensée, j’ai pensé pendant un
court instant — très court heureusement — à me mettre en danger, peut-être qu’ainsi il réapparaîtrait
? Ne m’appelant ni Lois Lane, ni Mary-Jane Watson, j’ai vite mis cette idée complètement perchée de
côté !

Après avoir passé une partie de mon samedi comme un lion en cage, je m’avance vers la fenêtre et
observe le trafic. Je suis frappée quand je vois passer une dépanneuse. C’est un signe ! Celui que
j’attendais à l’évidence. Cela finit de me décider… Je vais y aller ! J’attrape mon sac, j’y fourre la
veste en question et vérifie encore une fois que j’ai bien l’adresse fournie par Carter (soutirée par
Abby il y a quelques jours). J’enfile mes converses et me voilà parti vers le quartier très réputé
d’Hell’s Kitchen pour revoir euh… rendre sa veste à Wes.

Après être sortie de la station, je marche à pieds dans la cinquantième rue sur quelques blocs puis à
l’angle de la onzième avenue, je me retrouve devant ce qui ressemble à une ancienne caserne de
pompiers. L’endroit a été reconverti en garage automobile, quelle idée géniale ! Le bâtiment est
imposant et à du caractère, un peu comme Wes...

L’enseigne indique « Chez John Hamilton & fils ». Pas de doute, je suis au bon endroit. Je remarque
quelques voitures stationnées devant, ainsi qu’une dépanneuse sur le côté.
— Besoin d’aide, mon petit ?

Un homme s’adresse à moi. Il est grand et plutôt charmant, il porte un bleu de travail avec
l’inscription John sur la poitrine, serait-ce son père ?

— Bonjour. Je… Peut-être, oui. En fait, vous pouvez sûrement m’aider. Je cherche Wes.

L’homme hausse les sourcils et m’étudie des yeux.

— Wes ? Et bien, il n’est plus au garage.

— Ah ! D’accord.

Je cache ma déception du mieux que je le peux.

— Je peux vous aider en quelque chose ?

— Non. En fait, je suis une amie de Wes. J’étais dans le coin, mais je repasserai…

— Je vois.

— Vous pouvez lui dire qu’Ella est passée ?

Il hoche la tête et me tend une main que je serre.

— Enchanté Ella. Je suis John, le père de Wes.

Donc c’est bien son père.

— Enchantée. Alors, merci et, à une prochaine fois ?

— Attendez Ella. Wes n’est pas au garage, mais dans la dépendance. Si vous le souhaitez, vous pouvez
monter… C’est à l’étage par l’escalier du fond.

Je jette un coup d’œil dans la direction qu’il m’indique et acquiesce avant de le remercier.

— Appelez-moi John, je vous en prie. Ça me fait plaisir de rencontrer une amie de mon fils.

Je comprends enfin de qui Wes tient son charme. Son père est tout à fait adorable, dommage que la
gentillesse ne soit pas héréditaire...

— Alors merci John.

Je longe la rangée de pneus contre le mur, dépasse la fosse où est suspendu une voiture dont j’ignore
le modèle et me dirige donc vers l’escalier en question. Mon cœur bat la chamade et contrairement à
un peu plus tôt, je ne suis plus du tout sûre d’avoir eu une bonne idée. Venir le trouver jusque chez lui,
est-ce que ce n’est pas un peu too much ? Trop tard pour méditer sur la question.

Je monte les marches et arrive devant une porte en bois sombre. Lorsque je lève la main prête à taper,
mais à la dernière seconde j’hésite gagnée soudainement par le trac. Quelle sera sa réaction ? Je
devrais repartir, non ? Je serre le poing plusieurs fois et finis par frapper quelques coups. J’attends,
mais pas de réponses. Je recommence et la porte probablement mal verrouillée s’ouvre sur un
immense loft.

— Il y a quelqu’un ? Wes ?

J’avance d’un pas à l’intérieur de l’appartement, l’endroit est incroyablement ouvert et lumineux avec
de grandes baies vitrées sur toute la longueur et une hauteur de plafond impressionnante. Je tourne
sur moi-même, on se croirait presque dans Gossip Girl. Wouah ! Si je m’attendais à ça… Alors, c’est
ici que vit Wes ?

Au milieu de l’espace se trouve un canapé face à un écran plat, relié à une console de jeux. Un billard
trône dans le coin sur la droite juste devant la fenêtre, et plus loin de l’autre côté, une table imposante
en bois massif. J’avance vers celle-ci, il y a tout un tas de feuilles éparpillées au-dessus.

C’est étrange parce qu’il n’y a de trace de Wes nul part. J’imagine qu’il a dû sortir… Je devrais partir
moi aussi. De là où je me trouve, je remarque que les feuilles en question se trouvent être des dessins.
Je me rappelle immédiatement que je n’ai rien à faire ici. Mais la curiosité l’emporte sur le bon sens.
Juste un coup d’œil ? Et, ensuite je rentrerais chez moi. J’approche et examine les planches, ce sont
différents personnages dessinés à l’encre noire. On croirait des comics, c’est splendide. Je peux voir
avec quelle précision sont dépeints les personnages, les détails. C’est Wes qui a fait ça ? Je suis en
pleine interrogation quand une voix grave et rocailleuse gronde et interrompt mes pensées.

— Qu’est-ce que tu fiches ici ?

Seigneur ! Je sursaute et lâche tout, la main sur mon cœur pour l’empêcher de jaillir hors de ma
poitrine. Je me retourne et : OH MON DIEU ! Wes quasiment en tenue d’Adam et dégoulinant d’eau
me fait face. Il ne s’attendait sûrement pas à me trouver là en sortant de la douche. Il affiche un regard
sombre et un torse superbement recouvert de tatouages. Il porte uniquement une serviette de bain
nouée très bas sur les hanches dévoilant le fameux V de la ceinture abdominale. Sous son nombril
court une ligne de poils sombres et je devine aisément où elle conduit. Mon regard le balaye
rapidement… Torse, épaules, bras, ventre. Tout y passe et l’analyse rapide est plus que concluante : ce
mec est une bombe ! Un vrai régal pour les yeux ! Je passe ma langue et m’humecte les lèvres. Wes
croise les bras sur sa poitrine et hausse un sourcil interrogateur.

— Tu vois quelque chose qui te plaît ?

Je déglutis bruyamment tandis que dans ma tête retentit une sonnette d’alarme et résonne la voix de
Tom Hanks : Allo Houston, on a un problème !

— Euuuuh...
Chapitre 11

Concentre-toi et dis-lui simplement la vérité : qu’il te manque et que tu as besoin de sniffer son odeur
de nouveau pour pouvoir retrouver le sommeil... Hein ? Hors de question !

— Bon sang ! Tu m’as fait la peur de ma vie !

— Tu t’introduis chez moi et c’est moi qui te fais peur ! Tu plaisantes, j’espère ?

— Non. Pas du tout. Je peux t’assurer que mon cœur bat à deux cent à l’heure...

Il soupire excédé, avant de cracher.

— Tu peux me dire ce que tu fiches ici ?

— C’est ton père, très charmant d’ailleurs qui m’a invitée à monter.

— Génial ! Comment t’es-tu retrouvée dans le coin ?

— Euh... Je suis venue te rendre ton... Ton... Ça ! Je sors sa veste de mon sac et la brandis.

— Tu as fait le déplacement jusqu’ici pour ça ! Son Altesse n’aurait pas dû se donner cette peine, me
réplique-t-il entre ses dents serrées.

Son ton est à la fois dédaigneux et plein d’arrogance.

— Ne te moque pas de moi.

Je prends une voix dure, mais le fait qu’il s’avance vers moi pas à pas d’une démarche lente et
assurée réduit à néant mon courage. Il m’intimide et il le sait.

— Ah non... Et pourquoi ça ? m’interroge-t-il la tête légèrement sur le côté alors qu’il n’est plus qu’à
quelques centimètres de moi. Je balbutie la première chose qui me vient.

— Pp-parce que ce n’est pas gentil, pas du tout !

Il s’arrête face à moi et penche la tête vers moi avant d’ouvrir la bouche.

— Je ne suis pas quelqu’un de gentil.

Il est si près que je peux sentir le parfum de son savon. J’avale ma salive et me mords presque la
langue, car l’envie de la sortir et lécher sa peau bronzée où perlent encore quelques gouttes d’eau est
trop grande.
Il se rapproche lentement de mes lèvres et je crois que mon cœur rate un battement quand son regard
passe de mes yeux à mes lèvres. Je crois qu’il va m’embrasser. Il ouvre la bouche, sa respiration se
mêle à la mienne. Puis il me chuchote.

— Tu devrais partir maintenant, avant que je n’appelle la police pour entrée par effraction.

Je déglutis et secoue la tête pour reprendre mes esprits.

— Ha ha ! Vraiment très drôle ! J’ai été invitée, je te signale.

— Pas par moi.

Il marque un point. Je ne me laisse pas décontenancer et avec un signe du menton en direction de sa


serviette de toilette, je lui suggère d’une voix suppliante.

— Tu ne voudrais pas enfiler quelque chose et après je ne sais pas moi ? Si tu es libre, on pourrait
peut-être, boire un café ou autre chose… C’est moi qui invite !

— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Les petites copines, ça ne m’intéresse pas.

Est-ce qu’il croit que je le drague ? Je m’empresse de mettre les points sur les I.

— Ne t’emballe pas, mon beau ! Premièrement, tu n’es absolument pas mon genre.

Au vu de son regard étonné, c’est sûrement la première fois qu’une fille lui dit ça. C’est vrai qu’un
mec comme Wes est le genre de toutes les nanas, je suppose.

— Et deuxièmement, pour ton information personnelle, les petits amis ce n’est pas mon truc !

— Ouais ? C’est quoi ton truc ? Les petites amies...

J’avale ma salive précipitamment. Génial ! Voilà que, non seulement il doit croire que je suis une
cinglée, mais en plus il me prend pour une lesbienne. Dans ces yeux brillent un petit éclat rieur signe
qu’il me taquine. J’ouvre la bouche et lui lance.

— J’en étais sûre.

Il me regarde et me demande d’un ton interrogateur.

— De quoi ?

— J’étais sûre que derrière cette carapace, il y a un mec bourré d’humour qui ne demande qu’à en
sortir...

Il esquisse un léger sourire qui dévoile ses dents blanches. Je crois que je marque un point. Il n’est pas
aussi méchant qu’il veut me le faire croire…

Mon regard glisse alors malgré moi lentement sur ses tatouages puis se pose sur l’unique pièce qui
cache sa virilité. Je ferme les yeux. Putain ! Je n’arrive pas à me concentrer sur autre chose que sur ce
qu’il cache sous cette serviette. Encore une fois, j’ai l’impression qu’il lit dans mes pensées quand il
déclare.

— Je reviens. Ne bouge pas et surtout ne touche à rien !

Je lève les mains en signe d’acquiescement. Je ne vais rien toucher ! De quoi a-t-il peur ? Que j’abîme
ses magnifiques dessins ou que je découvre quelque chose de gênant ?

Je soupire et observe l’immense baie vitrée. Je m’avance vers celle-ci et colle mon front sur la vitre.
Elle est froide, cela fait du bien à mon crâne en surchauffe et le rafraîchit. J’aperçois à l’extérieur le
père de Wes. Il est devant l’entrée du garage. Il discute avec quelqu’un, un client certainement. Je me
rends compte que Wes lui ressemble beaucoup physiquement. Ils sont aussi grands l’un que l’autre,
mais Wes est peut-être un peu plus grand quand même. Ils ont aussi la même carrure imposante, le
même regard, mais celui de Wes est bien plus profond et pénétrant...

— Quand tu auras fini de mater mon père, on pourra y aller ?

Je sursaute encore une fois surprise, car je ne l’ai pas entendu arriver derrière moi. Il est quoi ? Un
foutu ninja ou quelque chose comme ça ? Je me retourne vers lui et je dois faire un effort
considérable pour ne pas montrer à quel point je suis déstabilisé par son charme. La façon dont son
jean noir tombe sur ses hanches me trouble plus que de raison. Son t-shirt blanc moule à la perfection
ses pectoraux. Il attrape son blouson en cuir et attend patiemment que je le suive. Il est habillé
simplement et pourtant, on jurerait qu’il est sorti tout droit d’un magazine de mode. Seigneur !
Donnez-moi la force de ne pas lui sauter dessus ! Je souris intérieurement devant ce triste constat : je
suis une faible femme.

J’avance vers lui et lui emboîte le pas dans les escaliers puis vers la sortie. Nous trouvons son père
devant.

— Vous êtes partis les jeunes ? Ella, je vois que tu as réussi à trouver Wes !

— Oui.

Il ne croit pas si bien dire ! Wes me jette un regard en coin. Je m’éclaircis la voix et serre la main que
me tend son père.

— Au revoir Monsieur Hamilton.

— Tutut… C’est John ! me corrige-t-il en souriant.

Je reprends alors.

— John. Je suis ravie d’avoir fait votre connaissance.

— Plaisir partagé Ella !

— Si je vous dérange John et Ella, il suffit de le dire ! persifle Wes.

Avec une petite tape sur le bras, je lui chuchote amusée.


— Ne sois pas jaloux…

Après quelques mètres, Wes se tourne vers moi et me demande en insistant bien sur mon prénom.

— Et donc tu proposes quoi, Ella ?

C’est étrange, d’après sa posture et son ton, on pourrait presque croire qu’il est contrarié. Je me
demande bien pourquoi ? Je fais fi de mes interrogations et lui propose.

— Suis-moi ! Je connais un endroit à quelques blocs d’ici ou les latte sont à tomber et je ne te parle
même pas de leurs desserts.

Je prends les rênes et nous conduis vers l’un de mes lieux favoris. Il se trouve sur la soixante-
quatrième rue et l’angle de Lexington avenue. C’est là où j’aime me rendre quand le besoin d’un
moment pour moi est trop grand. Nous avançons côte à côte à mesure que nous approchons. L’endroit
est calme et nous pourrons discuter loin de toute l’agitation new-yorkaise. Lorsque nous passons
devant le Chrysler Building, je ne peux m’empêcher de lever le nez pour admirer le sommet de cet
immense bâtiment. Je le fais systématiquement… Wes, lui demeure impassible. Quelques minutes de
marche plus tard, nous y sommes ! Le Alice’s Tea Cup est un « Tea Shop » au charme épatant. La
décoration est comme son nom l’indique, tout droit sorti de l’univers d’Alice au pays des merveilles.
On y trouve plein de clins d’œil en référence au film. On peut y goûter une variété de parfum de thé
différent ainsi que de fabuleux biscuits, de gâteaux et de scones faits maison. Tout y est délicieux.

Il lance un regard circulaire à l’endroit tandis qu’il s’installe en face de moi, et me rétorque.

— Donc tu n’as rien trouvé de mieux qu’un salon de thé pour nanas ?

J’inspire profondément et secoue la tête pour éviter de rire nerveusement.

— C’est quoi cette réflexion de macho ? Ce n’est absolument pas un salon de thé pour nanas.

Il n’a pas l’air convaincu, mais lève tout de même les épaules en signe d’acquiescement alors je
n’insiste pas. Bon d’accord, je l’avoue ! J’ai choisi délibérément cet endroit calme et tranquille, car
j’imaginais que l’on pourrait discuter un peu. Je meurs d’envie d’en apprendre plus à son sujet et je
doute qu’un lieu plus animé ait été le cadre idéal pour faire plus ample connaissance. Wes ne se livre
pas facilement comme j’ai pu le constater parce qu’il n’a rien dit de tout le trajet.

Je me lève vers le comptoir et passe commande pour nous deux. Je choisis un assortiment de
cupcakes ainsi qu’un latte pour moi et un expresso serré pour Wes. Je retourne m’installer auprès de
lui alors que la serveuse nous apporte la commande. Je remarque qu’elle n’est pas insensible au
charme de Wes vu comment elle le regarde avec insistance… Grrr, pas touche, garce !

Du calme, Ella ! Wes n’est pas à toi et d’ailleurs, il t’a annoncé la couleur immédiatement : il n’est pas
du genre à avoir des petites amies. Ça tombe bien ! Je ne cherche rien de sérieux moi non plus donc
c’est cool. Je soupire lentement. Peut-être qu’en continuant à me seriner ces mots, je vais finir par les
croire.

J’aimerais qu’il arrête de me fixer de ses perles azur comme il le fait, j’ai toujours l’impression qu’il
cherche à lire en moi. Gênée, par son regard inquisiteur je lui demande.
— Tu ne manges rien ?

Si seulement, il se servait lui aussi. Je suis affamée, mais je ne veux pas avoir l’air de m’empiffrer.
Quelle brillante idée d’avoir sauté le déjeuner !

— Au fait, ton appartement est extraordinaire ! J’adore le concept !

— Mmmh.

— J’ai vu tes dessins. Ils sont splendides ! Tu dessines depuis longtemps ?

Pas de réponse.

Je comprends que je vais faire la conversation toute seule. Tant pis, je mords dans mon cupcake et
savoure le goût de la crème sur ma langue. Quand il m’avertit d’une voix rauque.

— Tu as de la crème juste là.

Je lève la tête vers lui alors qu’il m’indique le coin de ma lèvre. OK. Super ! C’est vraiment très
gênant... Je prends ma serviette. Mais que fait-il ? Il tend la main vers mes lèvres, retire la crème
délicatement avec la pulpe de son pouce pour le ramener ensuite vers sa bouche et suce son doigt... Je
crois que mon cœur rate un battement. Ce qu’il vient de faire est tellement sensuel que j’en retiens
mon souffle. Ma température corporelle monte en flèche et mon cœur s’emballe. À quoi joue-t-il, bon
sang ? Ce mec est une énigme ! À force de souffler le chaud et le froid, j’avoue avoir énormément de
mal à discerner les différents signaux contradictoires qu’ils m’envoient, mais s’il veut jouer ? Alors,
on va être deux !

J’approche le cupcake de ma bouche, sors ma langue et lèche lentement le glaçage, le regard ancré au
sien. L’effet est immédiat ! Sa mâchoire se contracte, son regard se durcit et ses pupilles se dilatent.

— Mmmh, c’est délicieux. Tu devrais y goûter Wes.

Je continue mon manège et dois avouer que même si je ne me reconnais pas, je prends beaucoup de
plaisir à le voir me dévorer des yeux comme il le fait à l’instant. Pour une fois que les rôles sont
inversés… Un grondement sourd me ramène à moi. C’est Wes.

— Pose. Moi. Ça et lève-toi !

— Quoi ? Mais pourquoi ?

Je le regarde interloquée alors qu’il s’empresse d’ajouter.

— On s’en va !

Son ton est dur et sévère... J’ai peut-être poussé le bouchon un peu trop loin. Je balbutie :

— Mais. Mais, on vient juste d’arriver…


Il se lève, sort son portefeuille et dépose un billet de cinquante sur la table. Puis attrape ma main qu’il
tient fermement et nous dirige vers la sortie. OK. Je me suis vraiment plantée sur toute la ligne. Moi
qui croyais l’exciter, j’ai de toute évidence, réussi qu’à l’énerver...

À peine sommes-nous à l’extérieur, qu’il se retourne vers moi et plaque ses lèvres sur les miennes.
Suis-je en train de rêver ? Je m’interroge alors que sa langue rejoint la mienne et qu’elles
s’entremêlent, se caressent dans un ballet sensuel. Le baiser est langoureux, mais devient très vite
dévorant et profond. Il aspire ma lèvre inférieure entre ses dents plusieurs fois de suite et moi je ne
peux m’empêcher de penser que c’est de loin le meilleur baiser de ma vie.

Il enfonce sa main dans mes cheveux afin d’approfondir le baiser. C’est doux et sauvage à la fois. Je
sens que je pourrai perdre pied. Je lève alors mes mains pour les croiser autour de son cou. J’ignore
si j’ai le plus besoin de me retenir à lui ou de l’attirer à moi plus encore. Je passe ma main sur
l’arrière de son crâne et le caresse plusieurs fois de suite dans un mouvement de va-et-vient. Je crois
qu’il aime ça, car il sort sa langue et vient lécher mes lèvres, puis la ligne de ma mâchoire et enfin la
base de mon cou ce qui finit de m’achever...

Il se décolle un instant pour me regarder dans les yeux la respiration saccadée. Je le supplie du regard
: pitié, non ! Ne t’arrête pas... Il comprend le message, car de nouveau ses lèvres douces, pleines et
charnues fondent sur les miennes.

Il rapproche et colle son corps massif au mien. Je sens presque immédiatement quelque chose de dur
se presser contre moi. Je souris intérieurement, fière de l’effet que je provoque en lui, car il
provoque la même sensation en moi. Je suis trempée et prête pour lui. J’aimerais qu’il ne s’arrête
jamais… Ce qu’il finit par faire à mon plus grand regret. Je regarde autour de nous, les joues en feux,
mon cœur bat la chamade. Je crois que j’avais occulté de mon esprit que l’on était dans la rue, en train
de se donner en spectacle devant les passants, mais je dois avouer pour ma défense que je n’en avais
plus rien à secouer...

Seigneur ! Que m’arrive-t-il ? Cet homme m’a ensorcelée ou quoi ?

En réalité, je le savais ! Je savais au plus profond de moi, le jour où mon regard a croisé le sien, que
je ne m’en sortirais pas indemne... J’ancre mon regard dans le sien, ses pupilles brillent d’un éclat que
je n’avais jamais vu auparavant. Il me surprend quand il passe une mèche de cheveux derrière mon
oreille et me murmure avec un dernier baiser.

— Chez toi ou chez moi ?


Chapitre 12

Sa proposition ne nécessite aucune réflexion de ma part.

— En toute honnêteté Wes... Tu pourrais me prendre là, tout de suite, sur ce trottoir que je ne serais
pas contre !

Est-ce que j’ai réellement répété ça à voix haute ?

Il regarde autour de nous, d’abord à droite, puis à gauche et encore à droite pour voir si nous
sommes seuls. Je crois bien que oui ! Je déglutis bruyamment. Il n’a quand même pas l’intention de
prendre mes dernières paroles au mot, si ?

Je soupire de soulagement quand il m’entraîne vers le bord de la route, lève un bras pour héler un
taxi. Je veux bien être un peu extravertie quand je suis excitée, mais l’exhibition ce n’est vraiment pas
quelque chose qui me branche. Wes se tourne vers moi et approche son visage du mien, je crois qu’il
va m’embrasser de nouveau, mais finalement il me susurre au bord des lèvres.

— Chez toi. C’est plus près d’ici…

J’acquiesce. Tout ce que tu voudras… Il est si près de moi que je pourrais presque compter toutes les
petites touches de vert qui parsèment ses iris. Je suis hypnotisée par le vert, le bleu, l’alliance des deux
me submerge, m’engloutit. Je cligne plusieurs fois des paupières quand il s’éloigne brusquement.
L’instant d’après, il est tourné de nouveau vers la route et me présente la porte ouverte d’un taxi. Je
secoue la tête, je n’avais même pas remarqué qu’une voiture s’était arrêtée devant nous. Je relâche un
souffle que je ne pensais pas retenir et emplis mes poumons d’une grande goulée d’air lorsque je
pénètre à bord du véhicule.

Une fois installés sur la banquette tous les deux, je l’observe du coin de l’œil. Il est si beau, tout en lui
est un appel au péché. Je suis suspendue aux mouvements de sa pomme d’Adam qui monte et descend
dans sa gorge. Je passe le bout de mes doigts brûlants sur mes lèvres, une veine tentative pour
remettre de l’ordre dans mes émotions. J’ai encore son goût sur la langue. Je revois sa sublime
bouche me susurrer chez toi ou chez moi... Cinq petits mots qui vont changer toute la donne entre
nous. Seize lettres qui risquent de faire passer « notre relation » d’amitié naissante à amitié améliorée.
Pourtant, suis-je prête à vivre ça avec Wes ?

Je ne connais rien de lui, ou pas grand-chose, j’ignore encore si je peux avoir totalement confiance
en lui, mais si je peux être sûre d’une chose, une seule ! C’est que j’ai envie de cet homme comme
jamais je n’ai eu envie de personne jusqu’à présent ! Alors, la réponse est OUI ! Oui, je suis prête !
Peu m’importent les conséquences, je le veux ! Je le veux sur moi, en moi, autour de moi…

Nos doigts se cherchent, se touchent. Son pouce caresse délicatement l’intérieur de mon poignet puis
vient glisser sur le dos de ma main. Lentement, nos mains se trouvent, s’entrelacent. Elles s’emboîtent
parfaitement. Comme les deux morceaux d’une même pièce.

Je me penche vers lui un peu hésitante et pose mes lèvres délicatement sur les siennes. C’est doux.
C’est tendre. C’est beau. Rien de comparable à la fougue d’un peu plus tôt, mais tout aussi bon. Nos
lèvres se goûtent, nos langues se caressent. Le plaisir est intense, il monte progressivement, mon
cœur bat plus fort dans ma poitrine. Le baiser se prolonge déclenchant une pluie de picotement dans
mes terminaisons nerveuses. L’envie de lui est si forte. Je passe une main dans ses cheveux tandis
qu’il m’attire sur ses genoux. Ses mains se posent sur mes hanches et les serrent me pressant contre
son érection. Les frottements de nos bassins accentuent le plaisir qui monte lentement en moi. Le
baiser s’intensifie à mesure qu’une vague de chaleur s’éveille lentement dans mon ventre. Je ne peux
m’empêcher de l’embrasser. D’ailleurs, on ne se sépare que deux fois. La première, pour payer le
chauffeur de taxi et la seconde afin que je puisse insérer la clé dans la serrure.

Lorsque la porte s’ouvre enfin, je l’entraîne à l’intérieur de mon appartement, mes lèvres toujours
suspendues aux siennes. Ses mains me serrent davantage contre lui et tire sur ma veste qui glisse le
long de mes bras, il retire son blouson et le laisse tomber au sol pendant que sa bouche s’attaque à
mon cou. Il nous est impossible de nous décoller l’un de l’autre alors que je nous dirige vers ma
chambre. Là, je bute contre quelque chose de dur... Mon lit. Je m’autorise à lever les yeux un instant
vers les siens. Dieu, qu’il est beau ! Cet homme sublime est bien là, devant moi et me déshabille du
regard. Il s’attarde sur mes lèvres qui, j’imagine, doivent être rougies par nos baisers. Il fond vers
moi à nouveau et ses larges mains se posent sur ma taille et m’attirent contre lui puis lentement, il
nous fait basculer sur le lit.

Il me murmure quelque chose entre deux baisers, mais je suis trop concentrée à tirer sur son satané t-
shirt pour en saisir le sens...

— Tu. Es. Sûre. De. Toi. Bébé ?

Est-ce qu’il vient de m’appeler bébé ? J’aime ça ! Il pose une main sur ma joue, je lève alors les yeux
vers lui.

— Je veux être sûr que tu sais à quoi t’attendre avec moi. Si je commence, je ne m’arrêterai pas...

Reçu cinq sur cinq... J’espère bien qu’il n’a pas l’intention de s’arrêter !

Il attend une réponse. Je hoche simplement la tête, trop impatiente de le sentir à nouveau sur moi. Sa
bouche fond sur la mienne. Le baiser est affamé, mais moi aussi j’ai faim de lui. On s’embrasse
intensément, j’en oublie tout ! Jusqu’à mon nom. Je ne pense plus qu’à sa langue qui me pénètre. Une
faim dévorante se creuse dans mon ventre, elle me consume.

J’ai besoin de plus !

J’en veux plus !

Plus de Wes !

Quand il aspire ma langue entre ses lèvres, je gémis dans sa bouche et me cambre contre lui. Contre
son corps.
C’est trop bon !

Il passe son bras sous mes hanches et les soulève vers lui. Son autre main glisse sous mon top et pétrit
ma poitrine à travers mon soutien-gorge. Je suis étourdie par l’effet que cela provoque en moi. Je
m’accroche à ses larges épaules et caresse son dos en même temps que j’ondule contre lui avec une
fougue que je ne me connaissais pas.

Sa bouche dépose une pluie de baisers mouillés sur la ligne de ma mâchoire et le long de mon cou.
J’inspire profondément quand il sort sa langue et lèche mon cou. Il me marque et j’aime ça !

Il descend sa tête vers ma clavicule qu’il mordille y laissant une traînée de sensation qui me rend
folle.

Il empoigne mes bras et m’attire contre lui pour ensuite tirer sur l’ourlet de mon top qu’il remonte
pour m’en débarrasser. Je me retrouve en soutien-gorge, exposée face à lui. Son regard langoureux
me parcourt et une lueur de désir brille dans ses prunelles. Je frissonne… Pas parce que j’ai froid.
Plutôt parce que je suis impatiente et avide de ses mains et de sa bouche et de sa langue sur moi…
Heureusement, je n’ai pas à attendre longtemps, car il est de nouveau sur moi. Et j’aime ça !

Ses mains sont partout sur mon corps. Il s’attarde sur ma poitrine qu’il libère et passe sa langue sur
mes pointes fières et dressées pour lui. Sa main caresse ma peau brûlante, descend sur mon ventre et
glisse sous l’élastique de ma culotte. Il écarte mes lèvres et introduit un doigt puis deux en moi, il peut
sentir à quel point je suis prête pour lui. À quel point je le veux !

— Dis-moi ce que tu veux ?

J’ai du mal à respirer. Je ne suis plus que sensations et gémissements entre ses doigts habiles. J’ai
besoin de tellement plus !

— C’est moi. C’est moi que tu veux, bébé ?

Haletante, je hoche la tête, incapable d’aligner le moindre mot. Un grognement sourd émerge de sa
poitrine. Il retire alors sa main me laissant pantelante, ivre de désir. J’ouvre les yeux ! Un sourire
espiègle se dessine sur ses lèvres quand il approche ses doigts de sa bouche et les lèche.

Seigneur ! C’est incroyablement sexy.

Sauvage.

Bestial.

Cru.

J’aime ça !

Il s’attaque à mon slim qu’il déboutonne enfin. Pourquoi n’ai-je pas mis une jupe ! Il le fait glisser sur
mes hanches puis vers le bas, suivi de ma culotte. J’aime la façon avec laquelle il se défait de son t-
shirt le tirant vers le haut d’une seule main pour enfin révéler son torse bronzé, musclé et tatoué. Il se
redresse et finit de se dévêtir avec aisance. Sûr de lui et de son corps splendide. Il se tient face à moi
fier, dressé et énorme ! J’ouvre la bouche et écarquille les yeux. Wes est absolument – incroyablement
— bien bâti ! J’ignore si mon corps est capable de l’accueillir en entier, mais une chose est sûre, je
veux un maximum de Wes en moi ! Je ne peux plus attendre ! Je passe ma langue sur mes lèvres
sèches impatiente et palpitante de le sentir enfin.

Il s’éloigne, mais revient très vite avec un petit emballage métallique qu’il déchire du bout des dents
et qu’il déroule sur toute sa longueur. Il avance sur le lit et s’allonge au-dessus de moi, il pose une
main chaude sur ma joue et passe sa langue sur ma lèvre inférieure, qu’il suçote et tire entre ses dents.
Je passe mon bras sur sa nuque et le rapproche pour qu’il m’embrasse enfin. Il niche son nez dans
mon cou et chuchote dans le creux de mon oreille d’une voix éraillée par le désir.

— Bébé, plus tard je te promets d’être doux, mais maintenant j’ai trop besoin d’être en toi.

Il tend la main vers le bas, positionne son membre devant mon entrée et s’enfonce en moi. Oh !
Bordel ! La sensation est divine ! Et j’aime – vraiment vraiment – ça ! Parce qu’il est enfin en moi. Il
m’emplit entièrement. Bon sang ! Je crois que je n’aurais jamais assez de lui. Je frissonne quand il se
retire et s’enfonce à nouveau. Ma tête s’enfonce dans l’oreiller, mes orteils se recroquevillent. Il
s’empare de mes mains qu’il maintient au-dessus de ma tête et entrelace nos doigts. Sa bouche est
vorace, elle dévore la mienne, suce ma langue tandis que nos corps bougent en rythme l’un avec
l’autre. Ils s’emboîtent et fusionnent à merveille. Ses va-et-vient pénètrent profondément en moi. De
plus en plus vite. De plus en plus fort. C’est infiniment et douloureusement exquis ! Putain !

J’aime ça !

J’aime tellement ce qu’il me fait que je ne peux empêcher mes jambes de se nouer autour de sa taille
pour l’inciter à aller encore plus fort. Encore plus loin.

Il dénoue nos doigts, saisit mes hanches avec ses mains et les empoigne fort afin d’approfondir la
puissance de ses coups de reins. Il change alors d’angle, ce qui m’arrache tour à tour gémissements et
halètements.

C’est. Tellement. Bon.

Je pose de petits baisers sur son épaule, dans son cou. L’envie de le goûter est trop forte, je sors ma
langue et lèche sa peau. Il a un goût de sel, de sueur et de mâle. Je caresse et érafle son large dos avec
mes ongles que je plante pour laisser quelques marques. Il grogne dans mon cou et intensifie ses
mouvements. Dans la chambre, on entend résonner uniquement le bruit de nos respirations saccadées
qui s’accorde parfaitement, car on est tous les deux proches. Très proches. Trop proches du sommet.
Je peux sentir du bout des doigts le bord du précipice.

Oh oui ! OUI !

C’est.

Trop.

Bon !

Je perds pied et me laisse emporter vers l’orgasme le plus puissant et le plus profond de ma vie. Il se
répand dans mes veines et tout autour de moi. Me submerge. Me foudroie de part en part. Des étoiles
dansent devant mes yeux alors que je suis envahi par un sentiment intense de légèreté. La gravité n’a
plus d’emprise sur mon corps. C’est le bonheur absolu. Dois-je mentionner à quel point j’ai pris mon
pied ?

Wes s’écrase contre moi à bout de souffle et je crois que ça a été aussi bon pour lui que pour moi. Je
le sais, car il en oublie combien il est lourd et le poids qu’il fait peser sur moi.

J’aime aussi que ses mains aient dû serrer si fort sur mes hanches qu’elles y ont très certainement
apposé l’empreinte de ses doigts. Mais ce que j’aime par-dessus tout ! C’est que l’on a recommencé
deux fois.

Et, je crois aussi que j’aime Wes.

***

La vie est incroyable et tellement pleine de surprises ! Jamais je n’aurais cru un instant que je
terminerai l’après-midi entièrement nue, le corps engourdi par les trois orgasmes les plus fabuleux
de toute l’histoire des orgasmes !

Je laisse mon esprit vagabonder et me demande, si par hasard, il existe quelque part une encyclopédie
qui recenserait les meilleurs coups de tous les temps ? Si c’est le cas, je peux garantir avec certitude
qu’à la lettre H, on peut trouver un portrait grand format de Wes Hamilton avec la mention « attention
les filles : coup de compét' ! ».

Je me tourne vers l’homme superbe assoupi à mes côtés. Je l’observe attentivement. Je n’avais pas
remarqué combien les petites taches de rousseur qui constellent l’arête de son nez et le haut de ses
pommettes pouvaient être adorables. Et, comme les battements de son cœur, calqué sur les miens
pouvaient offrir un tel sentiment de sérénité... Bum bump... Bum bump... Vvrrrr... Vvrrrr... Euh ? Soit
son cœur a l’option vibreur soit il y a un téléphone qui joue les trouble-fêtes. Et en l’occurrence, c’est
le mien. Je regarde sur la table de nuit. Rien ! J’ai dû l’oublier dans la poche de mon jean éparpillé au
sol avec le reste de nos vêtements. Je me lève lentement du lit, attrape mon pantalon et m’empresse de
plonger la main dans la poche pour y extirper mon téléphone. Je découvre sur l’écran d’accueil un
message et un appel manqué provenant d’Abby. Il vibre à nouveau et je me dépêche de l’éteindre
avant qu’il ne réveille Wes... Mince ! Trop tard ! Je m’éclaircis la voix et décide de la jouer cool.
Après tout, être plantée là devant lui — et à poil — n’a absolument rien d’embarrassant, non ! La
situation n’est pas gênante du tout !

— Euh salut ?

— Salut... Sa voix légèrement enrouée par le sommeil est incroyablement sexy.

Je retourne m’allonger auprès de lui pendant qu’il se frotte les yeux nonchalamment avec une main.

— Désolée, je ne voulais pas te réveiller.


Il se penche vers moi, m’embrasse et se redresse.

— Ce n’est pas un souci. Je dois y aller de toute façon...

— OK.

Je masque ma déception pendant qu’il se lève du lit, récupère son jean et se dirige vers ma salle de
bain. Je note mentalement dans mon esprit que le côté pile de Wes n’a rien à envier au côté face.

Je me rappelle aussitôt le téléphone dans ma main et consulte le message d’Abby.

— « Rappelle-moi ASAP. C’est urgent ! »

Je compose immédiatement son numéro, elle décroche à la première sonnerie.

— Allô ?

— Abby ? Tout va bien ? Je viens de voir ton message.

— Ah ! Oui, oui. Ne t’inquiète pas ! C’était pour que tu me rappelles rapidement. On est en chemin
avec Taylor pour l’appart.

— Oh ! OK. Super génial ! Vous êtes là dans combien de temps ?

— Moins d’une demi-heure ! Ce qui te laisse le temps de te préparer.

— Me préparer ?

— Ouaip’ ! Parce qu’on sort ce soir ! Et pas n’importe où, on va à l’Empire !

Je soupire silencieusement.

— Abby, je n’ai pas très envie de sortir. Pour ce soir, je passe mon tour !

— Ah non ! Tu ne vas pas te défiler ma vieille, ce soir on fête un truc important !

— Ah bon ! Et, quoi ?

— Figure-toi qu’avec Carter, on officialise plus ou moins notre relation.

Je suis surprise parce qu’ils se fréquentent depuis peu de temps. Mais je félicite tout de même ma
meilleure amie.

— Abby c’est formidable ! Alors, ça y est vous êtes ensemble ?

— Mmmh... Plus ou moins.

— Euh… OK.
Je suis perplexe face à la réponse d’Abby, mais quand Wes revient, je coupe court à la conversation.

— OK. Je te laisse. À plus ! Bisous.

Wes hausse un sourcil dans ma direction.

— C’était Abby… Elle et ton meilleur pote officialisent, plus ou moins, les choses ce soir, à «
l’Empire » alors si tu n’as rien de prévu, tu es le bienvenu...

Dis oui. Dis oui !

Il ramasse son t-shirt, l’enfile et s’avance vers moi sur le lit.

— Carter et ta copine, hein ?

Je hoche frénétiquement de la tête. Suspendue à ses lèvres et à ce qu’il va répondre.

— Ça aurait été avec plaisir, mais j’ai autre chose de prévu.

Une chape de plomb s’abat sur moi.

Autre chose ou quelqu’un ?

Je me ressaisis rapidement et ne montre pas à quel point cela m’affecte. Après tout, il ne me doit rien !

— OK. Et sinon, je pense qu’il faudrait que l’on se mette d’accord sur un Wes-signal pour que... Tu
sais ? Je puisse entrer en contact avec toi, qu’est-ce que tu en penses ?

— Un, quoi ?

Il fronce les sourcils.

— Un Wes-signal. C’est comme un Bat-signal, mais pour toi !

Le sourire en coin qu’il affiche réveille des picotements dans mon entrejambe.

— Ou alors, je peux aussi te donner mon numéro, tu ne crois pas ?

Il prend aussitôt mon téléphone des mains, pianote dessus puis me le tend la minute d’après. J’affiche
une moue boudeuse avant de lui demander d’une petite voix.

— Tu es sûr ? Parce que j’aime assez l’idée d’un projecteur sur le haut de mon immeuble à ton
effigie.

Je pouffe de rire à l’idée d’imaginer un W géant illuminer le ciel noir de Manhattan.

Il sourit à son tour et pose sa main sur ma joue.

— Bébé, tu es absolument adorable. Si tes copines n’étaient pas sur le point d’arriver, j’aurais adoré
faire subir un autre sort à ses lèvres...
Et voilà comment en quelques mots, Wes provoque en moi deux réactions totalement contraires et
simultanées, réaction un : ma bouche s’assèche et réaction deux : mes lèvres – les autres —
s’humidifient.

Il approche son visage du mien pour déposer un baiser sur mes lèvres, c’est tellement doux que ça en
est presque irréel. Mais déjà, il se recule et quitte la chambre avec un simple.

— À plus bébé !

— Euh... À plus... À toi aussi !

À toi aussi ? J’ai vraiment l’impression de fonctionner « au crétinum » quand il est près de moi.

La minute d’après, j’entends la porte d’entrée se fermer, signe qu’il est parti parce qu’il a autre chose
de prévu...

Et bien, tout à coup, je n’ai plus vraiment très envie de sortir faire la fête. Je me roule en boule sur
mon lit et serre les draps.

Mais c’est sans compter sur Abby et son entêtement légendaire à vouloir faire de ma vie sociale une
mission capitale. Je dois dire qu’elle a su mettre en avant de sacrés bons arguments comme la
splendide robe asymétrique que je porte actuellement, d’un fuchsia éclatant. Taylor quant à elle a fait
des merveilles sur mes cheveux qu’elle a relevés dans une sorte de chignon flou. La Ella que
j’aperçois dans le miroir avant de sortir n’est carrément pas mal !

***

C’est ainsi que je me retrouve perchée sur le toit d’un très chic building. C’est un peu le principe de
ces soirées « Rooftop » très répandues à Manhattan. « L’Empire » est idéalement situé car la vue est
imprenable sur l’Empire State Building. Nous sommes dans ce bar lounge pour l’officialisation assez
bizarre d’une « plus ou moins » relation. D’ailleurs, il faut que j’en touche deux mots à Abby sur le
sujet parce que je n’ai toujours pas saisi le concept.

La vue est splendide, les hommes très élégants et le couple Abby/Carter nous vend du rêve. Je les
observe sur la piste de danse, ils tournoient, les yeux dans les yeux. Les regarder me permet d’éviter
de penser à Wes, qui à l’heure actuelle, se trouve très probablement dans les bras d’une autre...

Mais qu’à cela ne tienne ! Il n’est pas question que je reste là à me tourner les pouces et broyer du
noir alors que la fête bat son plein. Je suis jeune, célibataire et plutôt canon ce soir ! Il est temps d’en
profiter à mon tour... Haut les cœurs !

Je rejoins rapidement Abby, Carter et le reste de la bande sur la piste de danse qui est pleine à craquer.
La musique est bonne et l’ambiance est à son paroxysme. J’éclate de rire quand Dorian nous
improvise à sa façon la danse du robot.
Quel plaisir de se laisser aller et de profiter d’une soirée avec ses amis...

La musique change de rythme et je me retrouve dans les bras d’un homme charmant jusqu’à ce que le
brave type devienne légèrement entreprenant. Je n’apprécie que moyennement ces mains baladeuses,
mais restons zen, il suffit simplement de lui faire comprendre qu’il n’y a que la danse qui m’intéresse
ce soir. Voilà maintenant qu’il niche sa tête dans mon cou pour me coller des petits baisers mouillés.
Beurk ! C’est répugnant ! Je pose mes mains sur son torse pour qu’il recule, mais il n’a pas l’air de
comprendre, car il se rapproche d’autant plus. Bon, cette fois ça suffit ! Je me recule pour freiner ses
ardeurs. Nous n’avons clairement pas les mêmes intentions ce soir...

— Si l’on allait dans un endroit plus tranquille tous les deux ?

Il est stupide ou quoi ?

— Sûrement pas ! rétorqué-je.

— Rhaa les nanas, vous êtes toutes les mêmes ! Des salopes bonnes qu’à nous allumer...

Je n’en crois pas mes oreilles ! Est-ce qu’il vient vraiment de me traiter de salope ?

Je réfléchis vite à une bonne répartie pour lui clouer le bec quand je sens plus que je ne distingue une
odeur familière.

Je la reconnaîtrais entre mille parce que, c’est celle qui est devenue nécessaire à mon sommeil depuis
peu. Et aussi, mon nouveau parfum préféré... Celui de Wes.

Une main se pose sur ma hanche puis un corps d’homme me frôle le dos. Je lève les yeux et croise un
regard sombre que je reconnais bien maintenant. C’est celui qu’il a quand il est très en colère...

J’ai tout juste le temps de remarquer combien il est sublime ce soir, avec cette chemise d’une couleur
identique à ces yeux, qu’il s’élance en avant, le poing levé...
Chapitre 13

S’il y a un trait de caractère que mon entourage peut mettre en avant chez moi, c’est que j’ai rarement
la langue dans ma poche. Pourtant, actuellement, je reste sans voix et totalement impassible. J’ai
l’impression de vivre un rêve et un cauchemar, les deux à la fois.

Un rêve, parce que finalement Wes est ici, quelque part cela signifie qu’il m’a choisi et ça me fait
extrêmement plaisir. Et un cauchemar, car il est en ce moment même en train d’abattre son poing sur
le visage de... de... J’ignore son nom d’ailleurs !

J’entends très distinctement le « crac » qui signifie un nez cassé. Je remarque aussi la foule amassée
autour de nous pour former un cercle, et surtout je peux suivre des yeux Carter bondir sur Wes. Il est
aux prises avec lui afin de lui saisir les bras et l’immobiliser. Carter est très fort, mais Wes l’est
encore plus. Je l’entends ensuite, lui demander de se calmer, sans succès. Wes est hors de lui.

Incontrôlable.

Déchaîné.

D’une extrême violence.

Les paroles de Wes me reviennent alors subitement à l’esprit :

« Tu ne me connais pas... Tu ne sais rien de moi... »

J’admets qu’il n’avait pas tout à fait tort, car le Wes que j’ai devant les yeux est aux antipodes de celui
avec lequel j’ai partagé mon lit et tant de plaisir un peu plus tôt dans l’après-midi.

Il en est même tellement loin que j’ai du mal à le reconnaître.

Pourtant, c’est bien le même homme qui prend ma défense d’une bien curieuse façon, je le conçois…
Pourquoi fait-il ça ? Je ne veux surtout pas qu’il s’attire des ennuis par ma faute ! Ce qui risque
d’arriver s’il ne se calme pas rapidement.

La scène qui se joue face à moi semble durer une éternité alors qu’en réalité, moins d’une minute
s’est écoulée. Lorsque je reprends mes esprits et sors de ma transe, j’interviens.

— Wes s’il te plaît, arrête !

Ce n’est pas vrai ! Il ne m’entendra jamais avec toute cette musique !

Cela m’empêche de réfléchir correctement ! Sans ajouter cette chemise qui lui va magnifiquement
bien. La manière dont elle met en valeur son torse et les muscles de ses bras est vraiment trop sexy.
OK ! Alors là, c’est officiel !

J’ai complètement perdu la tête. Wes se bat et moi ? Je remarque qu’il est canon en toutes
circonstances. Bon sang ! C’est quoi mon problème ?

Je me ressaisis et avance vers Carter qui maintient fermement, mais difficilement un Wes
incontrôlable. Je me tiens face à eux et saisis le visage de Wes entre mes mains. Sa peau est brûlante
sous mes doigts. J’essaie de détourner son attention afin qu’il accroche son regard vers le mien.
Quand il le fait enfin, je suis surprise par ce que j’y lis. Seigneur ! Je n’avais encore jamais vu un tel
regard. Il est noir et menaçant et… dénué de remords. Tant de colère... Comment est-ce possible ?

— Wes ! Calme-toi ! Qu’est-ce qui te prend ?!

Ça ne marche pas. Je serre plus fermement son visage et m’approche encore de lui. Je suis si près que
je pourrais presque l’embrasser si je le voulais. Dois-je mentionner que j’hésite sérieusement à le
faire d’ailleurs ?

D’un ton suppliant, je l’implore de se calmer.

— S’il te plaît, Wes ! Je t’en prie ! Calme-toi ! Tu vas avoir des ennuis ! WES !

Son regard me fixe enfin. Je crois que je distingue précisément le moment où il revient à lui. Il se
calme un peu et sa colère a l’air de s’amenuiser. Un peu comme s’il venait seulement de réaliser que
je me tiens en face à lui. Ses yeux ne me quittent plus. Ses épaules se relâchent. Puis, il se calme enfin.

— Wes ?

Il hoche la tête. J’ai son attention, parfait !

— Tout va bien ?

Je caresse ses joues rendues râpeuses par sa barbe naissante. Je voudrais le prendre dans mes bras et
le rassurer. Lui dire que ce n’est pas grave s’il s’est emporté et qu’il a pété les plombs. Que je ne lui
en veux pas ! Que ça peut arriver à tout le monde… Pas vrai ?

Intérieurement, je sais que non. Ça n’arrive pas à tout le monde… Toutes ses constatations me
déstabilisent. Je suis submergé par le trop-plein d’émotion. Il remarque que quelque chose a changé
dans mes yeux… Depuis le début, il arrive toujours à lire en moi, à me déchiffrer.

Il baisse la tête, soupire bruyamment et gronde en direction de Carter

— Ça va ! Ça va ! Tu peux me lâcher, putain !

Il secoue les bras pour que Carter le libère. Ce qu’il finit par faire. Évidemment.

Wes regarde ensuite autour de nous. Il se rend compte que nous sommes devenus le centre d’attention
de la soirée. Même la musique s’est arrêtée. Il remarque aussi que certains ont leurs téléphones à la
main. Quel triste constat, je suppose.
Peut-être aurais-je dû m’abstenir de l’inviter ? Je ne sais pas.

Il lève les mains et persifle entre ses dents :

— C’est bon. Ça va... Je me casse d’ici !

Puis, il se retourne et s’en va...

Aussitôt venu.

Aussitôt reparti.

Sans un regard pour le pauvre type au sol. Sans un regard pour moi...

Je le suis du regard jusqu’à ce que son dos disparaisse de ma vue. Soudain, une crinière rousse se
précipite sur moi, puis deux bras m’encerclent... C’est Abby

— Ella ! Ça va ? Dis-moi, est-ce que tu vas bien ? J’ai eu si peur...

Je tente de la rassurer.

— Je vais bien.

C’est un mensonge.

Heureusement, elle n’a pas l’air de s’en apercevoir. Mon regard encore dans la direction que Wes a
empruntée. Brusquement, j’éprouve le besoin irrésistible de savoir comment va-t-il. Je dois
absolument savoir... Je me décolle de mon amie.

— Je reviens, Abby.

Elle m’arrête, la mine plus que déconfite.

— Écoute ma puce, je sais que d’habitude c’est moi qui te dis de foncer sans réfléchir — surtout
quand il s’agit d’un beau mec —, mais là je m’inquiète pour toi. Il a l’air très en colère ! Je ne crois
pas que ce soit une bonne idée !

Je peux comprendre ce qu’elle ressent, mais c’est parce qu’elle ne le connaît pas. Pas comme moi !
Même si cela fait peu de temps pour moi aussi, je le conçois. Cependant, elle ne sait pas que, s’il a fait
ça, c’est en quelque sorte pour me protéger. Comme il l’a toujours fait jusqu’à présent.

— Je ne crains rien Abby. Il ne me fera pas de mal. Je veux juste vérifier s’il va bien, d’accord ?

Elle n’est pas d’accord.

Je peux le voir immédiatement.

Elle secoue la tête et reprend, plus doucement.

— Ella, s’il te plaît ? Carter dis-lui, toi !


Je n’avais pas remarqué sa présence derrière Abby. Il a un regard étrange, mais ne dit rien. Il
m’observe curieusement d’abord, puis il esquisse un léger — presque imperceptible — signe de tête
dans ma direction. D’ailleurs, Abby ne se rend compte de rien.

Je comprends le message silencieux !

Je me détache de mon amie, et me dirige vers l’intérieur, où se trouvent le bar et les ascenseurs. Je me
dépêche avant que le reste de la bande ne m’intercepte. Quand j’entends Abby m’appeler de nouveau.
Je me tourne vers elle, lui sourit légèrement et hoche la tête pour la rassurer. J’espère qu’elle va
comprendre que je sais précisément ce que je fais. Son visage et ses traits tirés me disent que non…
Elle se fait du souci pour moi. Je lui lance aussi fort que possible.

— Je t’appelle ! Ne t’inquiète pas pour moi...

Je suis sûre de moi. Wes ne me fera jamais de mal ! Enfin pas intentionnellement, je suppose.

Je traverse le bar aussi vite que je le peux en direction des ascenseurs. Mes talons claquent sur le
marbre. J’appuie nerveusement sur le bouton d’appel. Quand il arrive, je monte à l’intérieur, presse
sur la touche du lobby. Je traverse le hall jusqu’au comptoir de réception pour récupérer mon sac et
ma veste. Une fois que j’ai mes affaires, je m’empresse de chercher mon téléphone pour appeler Wes.
Je fais défiler la liste des contacts pour trouver son nom pendant que j’avance vers la sortie. Lorsque
je pousse la lourde porte, je m’immobilise et interromps ma recherche. Il est là ! Je soupire de
soulagement et range mon téléphone. Il n’est pas parti… Non. Il est de l’autre côté, sur le trottoir d’en
face, le dos appuyé contre une voiture, la tête tournée vers le ciel une cigarette à la main. Encore une
nouvelle chose que j’apprends sur lui...

Il tire sur sa cigarette, le bout s’embrase, il relâche alors la fumée qui s’évanouit dans la nuit.
J’observe ce tableau un instant. Ce mec est vraiment trop canon !

Dans ma tête fourmille au moins un millier de questions, dont la principale : suis-je réellement saine
d’esprit pour être attirée par un homme capable d’une telle violence ? Une petite voix – sûrement la
voix de la raison — m’ordonne de faire demi-tour parce que c’est plus sûr… Je la chasse ! Secoue la
tête et traverse la rue dans le silence obscur. Le moment n’est pas à l’analyse. Je ferais ça plus tard,
car pour l’instant, la seule chose qui m’importe c’est lui.

J’arrive face à lui. Il n’a pas bougé d’un pouce, son regard est toujours braqué vers le ciel. Et, si je
me trompais ? S’il était en colère contre tout le monde y compris moi ?

Je crois que je redoute sa réaction…

Je m’éclaircis la voix.

— Hum… Wes ?

Il tire une dernière taffe, jette sa cigarette au sol du bout de ses longs doigts et se redresse vers moi. Il
vrille ses yeux dans les miens et penche la tête, un peu comme s’il m’étudiait. Mon cœur cogne fort
contre ma poitrine à cause de ma petite course jusqu’ici. Wes réagit enfin, se tourne vers la voiture, la
déverrouille et m’ouvre la portière. C’est donc la sienne ? Pendant que je m’interroge
silencieusement, je crois qu’il s’impatiente.

— Tu montes ?

Que dois-je faire ?

Je ne réfléchis pas longtemps à sa question et grimpe dans la voiture — très belle soit dit en passant
— je crois que si je devais imaginer Wes au volant d’une voiture, ce serait celle-ci. C’est un coupé
sport, mais j’ignore le modèle. Je reconnais uniquement le logo de la marque sur le volant,
Chevrolet. Il fait le tour du véhicule et grimpe à son tour.

— Attache ta ceinture, bébé.

Je m’empresse de faire ce qu’il demande en évitant de sourire comme une idiote parce qu’il vient de
m’appeler bébé. Une fois que ma ceinture est bouclée, il met le contact puis démarre en trombe. La
voix de Kanye West résonne dans l’habitacle, je ne reconnais pas le morceau, car je suis plutôt du
genre à écouter Maroon 5 ou encore Beyoncé, mais Abby adore son dernier album qu’elle passe en
boucle dans l’appart. Il flotte dans l’air une douce odeur de menthe poivrée, de cigarette et de Wes. Je
lève la tête vers lui et l’observe. Il a l’air plus calme et maître de lui en revanche, sa mâchoire est
contractée, signe qu’il est tendu, malgré tout il reste impassible, les yeux sur la route. Je me force à
garder le silence – pour le moment – inutile de le déranger alors qu’il semble concentré. J’ignore où
nous allons comme ça, mais peu m’importe la destination, tant que je suis avec lui...

Après un moment à rouler dans les rues de New York, on s’arrête enfin. Wes descend de voiture et
fait le tour pour m’ouvrir la portière. Je prends la main qu’il me tend, elle est chaude et calleuse et
son contact m’électrise. Main dans la main, nous avançons en direction de chez lui sauf que nous nous
dirigeons vers l’arrière du bâtiment, pour emprunter l’escalier de service. Forcément, puisque le
garage est fermé à cette heure-ci.

Une fois à l’intérieur, Wes lâche ma main, retire sa veste, la balance sur le canapé et se laisse tomber
dessus. Il passe la main plusieurs fois dans ces cheveux. Je parcours rapidement son appartement des
yeux, j’étais ici il y a seulement quelques heures… C’est un étrange sentiment, il s’est passé tant de
choses entre nous depuis… Cela me semble si loin…

Je suis toujours sur le pas de la porte. Comme une intruse. Je me sens étrangère à lui, à sa vie. Une
espèce de gêne m’envahit lentement. Je ne sais plus si venir avec lui est une bonne idée.

Il soupire bruyamment. Il lève la tête vers moi, il paraît presque surpris de me trouver là, a-t-il oublié
ma présence ?

Il me tend la main, et murmure mon prénom. Une partie de moi – la partie raisonnable – est
convaincue que je suis complètement stupide, que je n’ai rien à faire là, qu’il ne m’apportera rien de
bon – excepté des orgasmes incroyables ! – Au fond de moi, je sais tout ça ! Évidemment que je le
sais ! Je joue avec le feu, mais je suppose que, pour une fois dans ma vie, j’ai envie d’être stupide !
J’ai envie de prendre ce qu’il me donne – ai-je parlé des orgasmes incroyables ? – sans envisager les
conséquences.

Je me rapproche, m’installe près de lui et pose ma tête sur son épaule. Elle suit les mouvements de sa
respiration, lourde et profonde. Je suis si près de lui pourtant j’ai l’impression d’être à des kilomètres
de lui. Il passe alors son bras au-dessus de mes épaules, je me blottis contre lui et niche mon nez dans
son cou. J’inspire profondément son parfum enivrant. Il m’enveloppe. Éveille mes sens. J’inhale
encore et encore… Je n’en aurais jamais assez de mon parfum préféré.

Avec un doigt sous mon menton, il lève mon visage vers lui, nos yeux se rivent et ne se quittent plus.
Il se passe un truc entre nous dont j’ignore encore la signification. Je n’ose plus bouger, pas même un
battement de cils, pour ne pas briser la magie de cet instant entre nous. Essaie-t-il de lire en moi ? Le
peut-il réellement ? Car j’ai un sérieux doute par moments… Car lorsqu’il s’agit de décrypter mes
pensées, cet homme est un pro !

Il se penche, m’effleure les lèvres.

Qu’est-ce que je disais ?

Un pro, je vous dis !

Avec la pulpe de son pouce, il les caresse, en trace le contour et moi, je suis hypnotisée par son geste.
Il est si tendre. En revanche, lorsque j’aperçois l’état de ses phalanges, cela me ramène aussitôt trois
quarts d’heure plus tôt, alors qu’il abattait son poing sur la face d’un type (pas que j’en ai quelque
chose à faire de cet abruti), mais il n’empêche qu’il lui a cassé la figure quand même. J’aimerais
comprendre ce qu’il lui a pris ce soir.

— Wes ?

Une main sur sa joue, je poursuis.

— On peut parler ?

Aucune réaction. J’inspire profondément et balbutie.

— J’aimerais savoir… Ce soir… Si tu pouvais m’expliquer ? Je veux juste comprendre…

Il me fixe attentivement et parle d’une voix rauque, mais ferme.

— Pas ce soir.

Son visage est fermé. Bien !

Il n’est pas prêt à se livrer. OK. J’ai saisi !

Pas ce soir. Mais quand ?

Il est inutile d’insister et de le braquer. J’opte pour la solution de facilité, certes ! Mais, il faut aussi
choisir ses batailles. Je choisis donc de laisser couler pour ce soir.

Je reviendrai à la charge quand il sera plus enclin à la conversation… Demain, par exemple ?

Demain. C’est bien, non ? Je hoche mentalement la tête.


Puis, d’une petite voix, je demande.

— OK. Alors… Si l’on ne parle pas… Que fait-on ?

Il affiche un sourire en coin.

Comme il m’avait manqué ce sourire.

— J’ai ma petite idée…

Sur ces mots, il m’attrape par la taille et m’attire sur ses genoux. Il resserre sa prise sur mes hanches
et les caresse. Son regard est féroce, presque affamé. Oh ! Wes ! Tu n’en as donc jamais assez ?

Je pose le plat de mes mains sur son torse pour me maintenir en équilibre. Je peux sentir les
battements de son cœur à travers le tissu soyeux de sa chemise. Il bat calmement. Stupéfiant ! Car le
mien bat à tout rompre. Son regard de braise me détaille, me transperce, mais bientôt il pose une de
ces larges mains à la base de ma nuque. Il frotte longuement le long de mon cou à plusieurs reprises
avec son pouce. Comme s’il essayait d’effacer quelque chose...

Et puis, ça fait tilt dans ma tête !

Ça me revient. C’est précisément là, où un peu plus tôt, le type de la soirée m’a donné ces espèces
d’horribles bisous baveux.

Je pourrais jurer que c’est le comportement d’un homme typiquement jaloux. Mais pourquoi ?
Pourquoi Wes se conduirait-il comme un...

Peu importe...

Je ne me concentre plus que sur une chose : sa sublime bouche qu’il vient de plaquer sur la mienne.
Chapitre 14

Les mains qui me caressent les hanches et le bas des reins sont empreintes d’une douceur infinie. On
ne croirait pas un instant qu’elles proviennent de l’homme déchaîné un peu plus tôt, c’est tellement
bon que je pousse un gémissement.

— Mmmh...

Wes est une force de la nature. Un océan. Puissant, agité et incontrôlable…

Puis vient le calme après la tempête comme à présent alors qu’il m’embrasse tendrement. Une main
derrière ma nuque son baiser devient avide. Sa langue me taquine, réclame la mienne. Sa bouche me
dévore. Une lente brûlure s’insinue en moi et me traverse de part en part, j’en veux définitivement
plus !

Je glisse la main sur le sommet de son crâne et agrippe ses cheveux alors que le mouvement de nos
hanches s’intensifie. La couture de sa braguette amplifie la tension entre mes jambes. Je sens que je
pourrais hurler ! De désespoir ? De plaisir ? Son souffle se mêle au mien, très vite nos vêtements sont
en trop. Je m’attaque alors à sa chemise que je déboutonne frénétiquement pour enfin sentir le contact
chaud de sa peau sous mes doigts. Je crois que j’arrache un bouton ou deux dans la manœuvre. Wes
sourit contre mes lèvres, la faim dévorante qui me ronge l’amuse. Ce n’est pas drôle, idiot !

— Bébé. Dis-moi ce que tu veux ?

Comme si ce n’était pas assez clair ! C’est toi que je veux !

Toi ! Toi ! Toi !

Je passe les mains sur son torse, il grogne... On dirait qu’il apprécie alors j’y vais plus fermement
avec mes ongles. Je veux laisser ma trace sur son corps, de la même façon qu’avec ses tatouages.
J’ignore d’où me viennent cette bestialité soudaine et l’envie de marquer « mon territoire » peut-être
que le sentir lui aussi aspirer ma clavicule avec insistance y est pour beaucoup. Je n’ai plus eu de
suçon depuis la fac, mais l’idée de porter sa marque me plaît. Assez pour le laisser continuer…

Je tire sur ses cheveux et l’attire à moi. Je veux sa langue mêlée à la mienne. Je la veux partout sur
mon corps !

— Tu l’auras ! gronde-t-il contre mes lèvres.

Pardon ?

Putain ! J’ai encore pensé à haute voix ! C’est de sa faute !


Ce mec m’ensorcelle.

Je ne contrôle plus rien. Ni mes mains qui l’attirent à moi. Ni mes hanches qui se balancent avec
véhémence. Soudain, il agrippe fermement mes fesses et se lève. Je noue mes jambes autour de sa
taille et me cramponne à ses larges épaules alors qu’il nous conduit dans sa chambre. J’ai à peine le
temps d’étudier l’espace quand il me dépose en travers de son lit… Un king size. Évidemment, c’est le
minimum pour quelqu’un de sa carrure.

Je me redresse sur les coudes et le fixe, il est debout face à moi, il retire un emballage métallique de
son portefeuille qu’il dépose sur la table de nuit. Ma peau frissonne quand son regard insistant me
déshabille lentement. Il vrille ensuite son regard sur le bas de ma robe relevée sur une culotte blanche
en dentelle… J’aurais pu mettre un truc plus sexy si j’avais su ! Le désir que je lis dans son regard me
rassure sur mes sous-vêtements « d’un ennui mortel ». Son entrejambe aussi. Oh oui ! Pas de doutes,
il me désire !

Sérieusement !

On dirait qu’il est prêt à exploser ! Comment peut-il marcher correctement avec ce machin entre les
jambes ? Enfin, ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre. J’humecte mes lèvres, Dieu que j’ai envie de
cet homme ! Son torse saillant et ses abdominaux dessinés à la perfection sont un plaisir pour les
yeux.

Il empoigne mes genoux et me tire vers lui. Ses mains saisissent l’ourlet de ma robe qu’il remonte le
long de mon corps puis au-dessus de ma tête dévoilant au passage un bustier assorti à ma culotte...
bien vue sur ce coup-ci Ella ! Il observe mon décolleté avec insistance. Le doute s’empare de moi…
Trouve-t-il ma poitrine trop petite ? Elle n’est pas énorme, j’en ai conscience, mais je n’ai jamais eu à
me plaindre de mon bonnet B, mes anciens copains non plus.

— Putain ! T’es tellement belle ! me souffle-t-il le regard brûlant de désir mettant un terme à ma
soudaine inquiétude.

S’il savait combien moi aussi je le trouve beau, ses tatouages ainsi mis en valeur par sa sublime peau
bronzée. Je retiens mon souffle incapable de le quitter des yeux, et passe une main dans mon dos,
détache mon soutien-gorge et lui dévoile mes seins tendus. Ils pointent tellement qu’ils me font mal.
Dans ses yeux, je vois briller une lueur folle.

Il se penche et prend un de mes tétons dans sa bouche tandis qu’il taquine l’autre du pouce, je me
cambre et soupire de plaisir. La vue de sa langue qui me lèche m’excite au-delà de la raison. Mes
soupirs emplissent la pièce. Il gronde alors d’une voix rauque.

— Allonge-toi, bébé.

Je m’exécute à bout de souffle pendant qu’il vient lentement s’agenouiller entre mes cuisses qu’il
écarte de ses grandes mains puis me caressent délicatement les jambes remontant plus haut vers ma
culotte qu’il agrippe et glisse lentement le long de mes jambes. Je suis trempée.

Et nue.
Et offerte à lui.

Offerte à son regard posé sur moi. Je laisse échapper un gémissement quand sa langue me goûte
enfin. Elle lèche longuement mes chairs intimes, me pénètre, tourne autour de mon paquet de nerfs.
J’ai du mal à respirer quand elle cède la place à ses lèvres qui m’aspirent délicieusement. C’est trop.

Trop bon !

Trop intense !

À l’intérieur de moi, je sens se construire petit à petit les prémices du plaisir, je ferme les yeux et
soulève mon bassin vers lui et sa bouche qui fait des merveilles…

Tout palpite en moi, mon sexe, mon cœur, mes tempes. Soudain, je me sens partir quand il insère
deux doigts en moi… PU-TAIN ! Je quitte mon corps, mes poings agrippent fermement les draps, ma
tête part en arrière, mes yeux se révulsent et un éclair de plaisir me traverse entièrement quand je
viens dans sa bouche alors qu’il me lape encore et encore...

J’ai le droit à la totale ! Les feux d’artifice, les étoiles devant les yeux, les paillettes et les licornes sur
des arcs-en-ciel !

Je crois même que j’ai perdu connaissance alors que je réintègre progressivement mon corps. Je
cligne des yeux, et découvre Wes qui me contemple un sourire satisfait sur son beau visage... Oh ! Ça
oui ! Tu peux être fier, bébé ! Wes est un génie et je crois qu’à partir de maintenant, je ne souhaite
confier le plaisir de mon corps qu’à lui. Il pose ses lèvres sur les miennes. Seigneur ! Je n’ai rien
connu de plus excitant que de sentir le goût de ma propre jouissance dans sa bouche.

Il tend la main un instant vers sa table de chevet, saisit le préservatif qu’il déchire du bout des dents, se
débarrasse rapidement de son jean et de son boxer et le déroule sur son membre tendu. Il me
surplombe ensuite de son corps massif, puis d’un coup de reins s’enfonce en moi, je ne peux me
retenir de crier son nom... Wes ! Wes ! WES ! WESSS !

Putain de... de... J’en perds mes mots tellement c’est brutal et enivrant, puissant et profondément
grisant et... Oh mon Dieu ! Il est partout en moi... Autour de moi... Ses mains… Sa bouche… Je ne
maîtrise plus rien. Mon corps est son instrument et lui est un virtuose. Je suis, à nouveau, secouée par
l’extase et quitte mon corps pour la seconde fois de la soirée. Quelques coups de reins plus tard, Wes
se raidit et me rejoint à son tour. Alors qu’il s’effondre sur moi, nous ne sommes plus que sueurs et
soupirs... Et extraordinairement rassasiés !

Il bascule sur le dos et me tire à lui, ma tête repose sur son torse et je suis hypnotisée par les
battements de son cœur que je sens pulser à travers sa poitrine. Je me délecte de ce bien-être post-
orgasmique et ferme les yeux.

***
Une douce odeur de café me chatouille les narines... J’ouvre les yeux, une lumière éclatante
m’aveugle et me force à cligner des paupières. Je regarde autour de moi, je suis seule et nue dans un
lit... Son lit. Tout me revient ! La journée et la nuit d’hier…

Et, quelle nuit !

Seigneur !

J’extirpe mon corps endolori et engourdi par les galipettes difficilement du lit. Aïe ! Quelque chose
me dit que demain sera pire… Mais cela valait le coup ! Oh que oui !

Je tire le drap, l’enroule autour de moi et pars à la recherche de l’homme qui m’a mis la tête, le corps
et le cœur en vrac cette nuit. Je me dirige vers la cuisine où je le trouve, les cheveux humides et vêtu
uniquement d’un pantalon de sport qui tombe bas sur ses hanches. Cette vision m’arrache un sourire.
Comment fait-il pour être canon en toutes circonstances ? Il tient une tasse de café à la main et
l’observe, il a l’air perdu dans ses pensées… Je m’éclaircis la voix et avance vers lui.

— Hum... Bonjour. Il lève le nez de sa tasse et me répond.

— Bonjour. Café ?

— Oui, s’il te plaît.

Je m’installe sur l’un des tabourets et attrape la tasse qu’il me tend. J’apprécie le bon goût du liquide
chaud qui coule dans ma gorge. Il reste debout.

— Tu dois avoir envie de prendre une douche avant que je te ramène ?

Pardon ?

Me ramener ? J’avais espéré… Je pensais que… Je lui réponds, perplexe.

— Ce dont j’ai envie ? C’est qu’on parle.

— Ouais, de quoi ?

Il ne parle pas sérieusement, si ? Il prend un air dédaigneux, mais je ne me démonte pas et enchaîne.

— D’hier. De ce qui s’est passé à la soirée. De ton comportement...

— Il n’y a rien à dire ! rétorque-t-il les dents serrées.

— Wes. Tu me dois des explications !

Il contracte sa mâchoire plusieurs fois et gronde d’une voix sourde.

— Je ne te dois rien !

Je me lève sous le choc de son affirmation, mais je n’ai pas l’intention de lâcher l’affaire.
— Excuse-moi, mais tu débarques à une soirée où JE t’ai invité. Tu démolis un gars et tu files sans
rien dire alors je crois que tu me dois bien ça !

— Qu’est ce que tu veux que je te dise ! Cet enculé le méritait, point !

— Mais il n’y a pas que ça, Wes ! Tu déboules et tu disparais sans plus d’explications... je dis quoi moi
à Abby par exemple, hein ?

— Alors, quoi ? Tu prends sa défense maintenant ? Tu aimais ce qu’il te faisait, c’est ça ?

Mais qu’est ce qu’il raconte ?

— Peut-être que je vous ai dérangés ? Peut-être que tu avais envie de lui !

Il me fixe de ses prunelles assombries par la colère, s’avance vers moi à mesure que je recule. Son
corps engloutit tout l’espace autour de moi, je ne peux m’empêcher de me dérober face à son regard
dur et intimidant jusqu’à buter contre quelque chose de dur dans mon dos, un mur.

Il penche la tête légèrement sur le côté, ses yeux lancent des éclairs alors que mon fichu instinct de
contradiction parle pour moi quand je lui réplique sans le quitter des yeux.

— Peut-être.

— Putain !

Je sursaute quand son poing s’abat sur le mur derrière moi près de ma tête.

Merde, il a vraiment dû se faire mal... Qu’est-ce qui m’a pris de le mettre en colère, mais lui ? Sa
réaction est démesurée ! Pourtant je m’en veux immédiatement.

— Wes ?

— Prends ta douche, ensuite je te ramène chez toi ! me lance-t-il glacial.

Ces dernières minutes jettent un froid entre nous, comme si on avait répandu un torrent d’eau glacée
sur la pièce. OK, il a beau être à tomber et j’avoue que son côté bad boy ajoute à son charme, mais
cela ne peut pas tout justifier !

J’ai connu des lunatiques, mais pas d’humeur aussi changeante que Wes.

D’accord, je n’aurais peut-être pas dû le pousser à bout aussi, mais bordel de merde... C’est quoi son
problème ? Car il a sûrement un problème, ce n’est pas possible autrement !

J’hésite à lui demander de me ramener sur-le-champ, mais après ma nuit de luxure, une bonne douche
bien chaude est franchement la bienvenue.

Une fois ma mission accomplie, je retourne dans la chambre récupérer ma robe et lui pique au
passage un boxer. Je n’ai pas vraiment le choix… Et je ne suis pas d’humeur assez coquine ce matin,
pour sortir sans sous-vêtements. C’est le moins qu’on puisse dire !
Je retrouve Wes debout dans le salon, un sweat-shirt à la main qu’il me tend. Dès qu’il me voit
arriver, il me le tend.

— Tiens, enfile ça, ta veste est trop légère et il fait frais ce matin.

Je fronce les sourcils étonnés. Alors là, je ne comprends plus rien. Qu’est-ce que ça peut lui faire si
j’ai froid ?

Je garde mes réflexions pour moi et m’exécute, d’abord parce qu’il fait effectivement froid et ensuite
parce que j’ai eu mon compte de monsieur lunatique pour la journée. Je passe son vêtement sur ma
robe avant d’enfiler ma veste puis le suis vers la sortie. Inutile de préciser que l’odeur de son parfum
me parvient aussitôt, mais je me force à ne pas réagir.

Dehors, devant sa voiture, il me tient la porte ouverte. Très bien ! Je constate qu’il n’en oublie pas les
bonnes manières pour autant, bien qu’il soit en colère. Accessoirement, moi aussi je le suis, hein !

Le trajet me semble trop court et lorsqu’il s’arrête devant mon immeuble, nous n’avons pas échangé
un seul mot.

Je le regarde une dernière fois, sa mâchoire est serrée, ses mains sont tellement crispées sur le volant
que ses jointures sont blanches, mais il garde la bouche fermée et le regard droit devant lui... Il choisit
donc de m’ignorer ? OK, ça me va aussi !

Je lui souffle un léger « merci » et descends de sa voiture. La différence de température me saisit


immédiatement, j’ai l’impression que l’air est subitement devenu glacial. Ou bien est-ce son attitude
qui l’est ? J’ignore ce sentiment et quand je ferme sa portière, je la claque de toutes mes forces...
Connard !

Je fonce à l’intérieur de mon immeuble, à l’abri du vent qui s’engouffre entre mes jambes nues, sans
me retourner une seule fois. Il démarre instantanément dans un vrombissement sonore. Je continue et
pénètre dans le hall, mais avant de poursuivre, je m’adosse à l’un des murs pour reprendre mon
souffle avant d’affronter l’ouragan Abby.

Je prie intérieurement pour qu’elle ne soit pas à l’appart...

Parce qu’elle va me poser des questions auxquelles je n’aurais pas de réponses.

J’insère silencieusement la clé dans la serrure et entre sur la pointe des pieds en espérant que ma
coloc' dort toujours ou dans le meilleur des cas, qu’elle est encore chez Carter.

— Hum hum... C’est Abby qui s’éclaircit la voix.

Évidemment, c’eût été trop beau !

— Hé salut, t’es là ? lui lancé-je innocemment. Je pensais que tu serais plutôt avec Carter a... tu sais...
Profiter de votre officialisation. Vous êtes plus ou moins un couple maintenant ! Je rajoute avec un
clin d’œil, mais ça ne la déride pas.

— Après l’éclat d’hier, je n’avais plus vraiment la tête à fêter quoi que ce soit. Carter m’a déposé, je
pensais te trouver ici. J’étais morte d’inquiétude.

— C’était inutile, je vais bien et Abby je te rappelle que je suis une grande fille, tu sais. Je lui souris
l’air de rien... Ab' conserve un air sérieux. Merde ! Elle s’est vraiment fait du souci.

— Écoute, Ab' je suis désolé. OK ?

— Tu t’excuses pour un truc dont tu n’es pas responsable ?

Elle a raison. Je le sais. Je hausse les épaules et lui réponds.

— Peut-être.

— Tu peux m’expliquer ?

— Je ne peux pas t’expliquer quelque chose que j’ignore... Je suis désolée, mais je suis un peu
fatiguée alors si tu permets je vais aller m’allonger.

Tout ça me donne la migraine. Je masse mes tempes subitement douloureuses et me dirige vers ma
chambre quand elle reprend.

— Tu sais, si j’ai bien compris, la scène d’hier n’est pas un cas isolé pour... euh

— Il s’appelle Wes, lui rétorqué-je légèrement exaspérée.

— C’est juste… Wes. Ella, je ne veux pas avoir l’air de te faire la morale, mais...

— Mais. C’est précisément ce que tu vas faire, l’interrompé-je.

— J’ai bien compris que le côté bad boy mystérieux peut-être très attirant... Et qu’il soit absolument
canon aussi, mais excuse-moi de te dire que ses agissements d’hier sont quelque peu effrayants. Ella,
ce mec me fout la trouille.

Bien sûr, puisqu’elle ne voit de lui que ce qu’il veut bien laisser voir.

— Je comprends Abby. Je peux t’assurer que Wes a seulement cherché à prendre ma défense, d’une
façon un peu tordue j’en conviens.

— Ta défense ? Je t’en prie... Puis, le ton chargé de sarcasme, elle enchaîne. Qu’est ce que tu risquais
en dansant ? Dans le meilleur des cas, une entorse ! Je m’inquiète pour toi, la Ella d’avant aurait pris
ses jambes à son cou ! D’ailleurs, comment a-t-il su pour l’Empire ? Carter m’a assuré qu’il n’y était
pour rien.

Depuis quand fait-elle du sarcasme, c’est mon truc d’habitude…

— La Ella d’avant ? N’importe quoi !

Je soupire longuement. Cette conversation ne rime à rien, mais je connais Abby. Elle est aussi têtue
que moi et je sais qu’elle n’en démordra pas. J’imagine que ce qui me gêne aussi, c’est qu’elle a de
gros a priori vis-à-vis de Wes alors qu’elle ne le connaît pas. Qu’elle ne sait rien de lui !

— Si tu connaissais toute l’histoire, tu comprendrais mieux la situation et... J’hésite une demi-seconde
avant de lui balancer l’évidence. Bon OK, peut-être aussi qu’il est un peu jaloux aussi…

— Jaloux ? Elle ne cache pas sa surprise. Pourquoi serait-il jaloux ? Avant qu’il vienne nous
dépanner, il y a quelques jours, c’était quasiment un parfait inconnu. Qu’est-ce qui a changé entre-
temps ? continue-t-elle dans sa tirade sans s’interrompre.

— D’accord, il t’a porté secours l’autre nuit, un geste d’un grand héroïsme, je te l’accorde ! Mais à
ma connaissance, cela ne lui donne aucun droit sur toi et sûrement pas celui d’être jaloux. Je veux
dire, ce n’est pas comme si vous formiez un couple tous les deux, non ?

Résignée à lui raconter toute l’histoire, car après tout, c’est ma meilleure amie, elle a donc le droit de
savoir, je lui souffle.

— On a couché ensemble...
Chapitre 15

Abby qui reste sans voix ?

Je ne pensais pas vivre assez longtemps pour voir ça…

Elle ouvre la bouche et la referme plusieurs fois de suite avant de s’exclamer.

— OH-MY-GOD ! Où ? Quand ? Quoi ? Comment ?

Je me retiens de sourire.

— Du calme Abby ! Une question à la fois, si tu veux bien.

— OK, OK ! Alors... C’est un bon coup ? J’imagine que oui ! Raconte ma vieille ! Je veux des détails...
Non. Je veux toute l’histoire !

Voilà pourquoi je l’adore, mon Abby, elle ne peut pas rester en colère plus d’une demi-seconde.

— OK. Je promets de tout te raconter, mais avant laisse-moi une minute pour passer autre chose.

Elle consent non sans mal.

— C’est d’accord... Mais une minute ! Pas plus, hein ! Je ne tiendrais pas plus petite cachottière ! En
attendant, je vais nous préparer des chocolats chauds... Ils ne sauront pas aussi chaud que ton canon
sexy, mais je vais faire de mon mieux.

Et avec un clin d’œil, la voilà partie vers la cuisine.

Mon canon sexy… Je souris intérieurement à l’expression qu’elle a adoptée pour Wes.

— Hé Ab' !

— Yep'

— Je t’adore ! Tu sais ça ?

— Ma puce, je t’adore aussi ! Allez, file dans ta chambre !

Dans ma chambre, je retire son sweat-shirt et ma robe et repense à celui qui me l’a enlevée quelques
heures plus tôt. Le week-end avait si bien commencé pourtant. L’après-midi fut délicieuse et la nuit
qui a suivi si parfaite. Évidemment, sauf si l’on occulte la partie bagarre bien sûr et aussi la partie où
Wes écrase son poing contre le mur.
Je grimace à l’évocation de cet évènement.

Comment tout a pu dégénérer aussi vite et en si peu de temps ?

Oh Wes… À l’évidence, tu n’aimes pas les questions, mais de là, à t’emporter comme tu l’as fait…
C’est quelque peu exagéré.

Pour sa défense, je l’ai peut-être légèrement provoqué ce matin, cependant, sa réaction est tout de
même sacrément excessive, non ? Je veux dire… Personne ne réagit comme ça ! Enfin pas à ma
connaissance en tous cas.

Je me remémore la fois où il m’a porté secours contre cet homme qu’il a littéralement projeté de
l’autre côté de la chaussée puis la violence de ses coups… Ce sale type le méritait amplement certes,
mais aujourd’hui, je me rends compte que peut-être il y a plus qu’un petit problème de gestion de la
colère derrière toute cette agressivité avec moi, avec les autres. Parfaite analyse, Docteur Freud !

Sérieusement, comment peut-on être attentionné et la minute d’après un parfait connard ? C’est
insensé comme façon de réagir ! Et merde ! Je sens pointer la migraine...

— Ella, qu’est-ce que tu fiches ?

— J’arrive, j’arrive !

Je me dépêche de me changer pour quelque chose de plus confortable et hésite un moment avant de
sortir de la chambre… Et puis zut ! J’attrape le pull de Wes et l’enfile par-dessus mon top. Je crois
que je suis un cas désespéré… La bonne nouvelle c’est que j’en ai conscience.

Un point positif dans tout ce bourbier ? C’est qu’au moins je pourrais encore sentir son odeur… Pas
de doute ! Je crains un max…

À l’instant où je rejoins mon amie, elle me saute dessus et me tire sur le canapé ensuite, elle frappe
dans ses mains vigoureusement, surexcitée de connaître les détails. Cette fille est survoltée !

— Programme de la journée : 1) Tu me racontes toute l’histoire depuis le début en commençant par


la partie coucherie, cela va de soi et avec les détails, je te prie ! 2) On se mate un maximum de films
girly et on s’empiffre de glace et de tequila jusqu’à plus soif ! 3) Quand je dis avec les détails, je veux
évidemment dire que j’exige TOUS les détails ! La taille, la circonférence, tout !

— Abby, tu es incorrigible !

Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire face à ses propos. Elle me suit à son tour et je dois avouer
que cela me fait un bien fou ! Je relâche toute la tension que j’ai accumulée malgré moi et m’essuie le
coin des yeux emplis de larmes de joie pendant qu’elle se lève pour glisser un DVD dans le lecteur.
J’inspire profondément et entame le récit de toute l’histoire avec Wes en même temps que débute le
monologue de « bébé » dans le cultissime Dirty Dancing.

Je lui déballe tout.

Absolument tout !
De la première fois où j’ai croisé son regard à ce matin quand il m’a déposé. Les mots échangés
jusqu’à sa colère noire, en passant par la tendresse de ses mains et la douceur de ses lèvres. J’essuie
quelques larmes, de frustration cette fois ! Dans un sens, ça a du bon, de se confier à sa meilleure
amie parce que d’une part, je me sens enfin soulagée d’avoir vidé mon sac et tout ce que j’avais sur le
cœur et de deux, je peux avoir l’avis avisé d’une experte. Abby a un peu plus d’expérience que moi
quand il s’agit des relations avec le sexe opposé. Seulement, je ne pas m’attendais pas à sa réaction
quand elle s’exclame énergiquement.

— Bordel de merde !

— Merci Abby, pour cette intéressante formulation de tes pensées !

— Mais putain Ella ! Ce mec est dingue de toi !

Je reste donc sans voix face, perplexe quant à sa conclusion.

— ...

Mais elle enchaîne rapidement.

— C’est comme je te dis ma vieille ! Le pauvre chéri est fou amoureux de toi ! C’est pour cette raison
qu’il réagit en macho débordant de testostérone avec n’importe quel mec qui s’approche un peu trop
près de toi. Le hic, ma belle, c’est que je ne suis pas sûre qu’il s’en est rendu compte...

Wes amoureux ? Et de moi ? Je n’ai jamais entendu quelque chose de plus absurde ! Elle a pris un
coup sur la tête ou quoi ?

— As-tu zappé la partie ou j’ai dit qu’il ne voulait rien de sérieux ?

— Rien de sérieux ? Visiblement, il ne veut pas te partager avec un autre non plus...

— Euh...

— Ceci explique cela, mais et toi ? Qu’est-ce que tu comptes faire à propos de tout ça ?

— Tout ça ?

— À propos du fait que toi aussi tu éprouves — très certainement — des sentiments forts pour lui.

Quand je disais qu’Abby était une pro des relations hommes/femmes, je le pensais... Du moins jusqu’à
maintenant.

Elle ne se démonte pas et insiste.

— Cette situation te convient-elle à toi ? Car bien que ton Tarzan n’hésite pas une seconde à voler au
secours de sa Jane. Il n’en est pas moins que son attitude dissimule une grosse part d’ombre, qu’il ne
veut manifestement pas partager avec toi... Je n’ai rien pu tirer de Carter à part qu’il est un max
caractériel, mais ça, tu le savais déjà.
Je retire ce que j’ai dit ! Elle en connaît un rayon sur le sujet…

— Je ne sais pas quoi dire Abby, je me rends bien compte de certaines choses ! Wes est à des
kilomètres de mon idéal masculin seulement je ne peux pas m’empêcher de penser à lui… C’est plus
fort que moi ! Je ne contrôle plus rien quand il est dans les parages et même quand il est loin, j’ai
envie d’être près de lui quitte à m’en brûler les ailes...

Voilà, je suis comme ce con d’Icare.

— Quoi que tu décides, tu sais que je te soutiendrais toujours.

Ma meilleure amie est formidable et je sais qu’elle dit vrai ! Je pourrais toujours compter sur son
soutien indéfectible et ça compte pour moi.

— Je sais Ab', mais tu n’as pas à t’en faire et puis après ce matin, je pense que cet embryon de
relation, si tant est que l’on puisse l’appeler ainsi est bel et bien fini, lui confirmé-je résolue.

Elle reste dubitative et affirme avec une moue plissée.

— Mon petit doigt me dit que cette histoire est loin d’être finie...

Plus tard, seule dans mon lit, il m’est impossible de fermer l’œil quand la seule chose à laquelle je
pense, c’est à la nuit qu’on a partagée avec Wes. Je revois sa bouche, qui parsème mon cou de baisers.
Ses larges mains calleuses qui parcourent mon corps. Sa manière de m’embrasser, douce et brutale à
la fois. Le timbre de sa voix, quand il me dit que je suis belle. Et, la fusion de nos corps qui
s’emboîtent parfaitement, qui s’accordent…

Le bip-bip d’un message me sort de ma petite rêverie, j’attrape mon téléphone et regarde ce que c’est.

[Merci bébé pour le souvenir...]

Je pouffe de rire quand je vois la photo qui accompagne le message de Wes. Une culotte en dentelle
blanche.

Je m’empresse de prendre une photo de son boxer que je porte encore...

[Merci à toi aussi pour le souvenir]

Mon cœur bat la chamade, on jurerait que je suis redevenue une collégienne en train de flirter avec
son crush… Alors que je me demande s’il va répondre, sa réponse ne tarde pas à arriver.

[Qu’est ce que je vais faire de toi ?]

Impossible de ne pas sourire béatement. Je me rappelle aussitôt sa main et lui demande comment ça
va et s’il ne souffre pas trop.

[J’ai connu pire]

Sa réponse me laisse perplexe et mon cœur se serre. Wes... Qu’est-ce que tu ne me dis pas ?
***

Ai-je déjà mentionné que je déteste le lundi ? Qui plus est le lundi matin, et bien, je l’affirme à
nouveau ! Surtout lorsque je n’ai pas eu ma dose nécessaire de sommeil. Avec Wes, on a échangé des
SMS jusque très tard dans la nuit ou très tôt ce matin... C’est au choix. Toujours est-il que la nuit fut de
courte durée, ce qui explique que mon cerveau soit en vrac depuis mon réveil et que je sois en mode
pilote automatique au bureau.

— Ella ! On y va ?

C’est Anthony. Il passe me chercher pour la traditionnelle « pause clope » qui arrive à point nommé,
un peu d’air frais est pile ce qu’il me faut.

— Yep', j’arrive !

Je rejoins rapidement mon acolyte dans l’ascenseur, Evan le troisième mousquetaire de notre joyeuse
bande manque à l’appel, le pauvre est en séminaire pour toute la semaine à l’autre bout du pays. Une
fois à l’extérieur, mon regard est attiré par l’énorme limousine garée juste devant l’entrée du
building.

— Alors, ton week-end ma belle ? Et par pitié, ne me dis pas que tu l’as passé une fois de plus devant
tes films de midinettes en fleurs !

— Midinettes ? Hahaha qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Bon OK, je te l’accorde peut-être pour
Twilight, mais je t’interdis de dire du mal de mes autres bébés !

Anthony sourit jusqu’aux oreilles, mon addiction l’amuse.

— Continue comme ça et tu vas finir vieille fille entourée de tous tes DVD et de trente-deux chats.

— Je n’ai même pas de chat et pour ta gouverne la « vieille fille » a pris son pied tellement de fois
que je n’ai plus compté ! lui rétorqué-je fière de moi !

Voilà qui risque de lui fermer son caquet. Anthony ouvre grand la bouche et forme un « O » avec ses
lèvres. Qu’est ce que je disais…

— Et ce n’est que maintenant que tu me le dis ! Raconte, c’est qui ? Je le connais ?

— Nope ! Tu ne le connais pas... c’est à peine si moi je le connais, marmonnant la dernière partie.

— Pardon ? Tu veux dire que tu t’es envoyée en l’air avec un parfait inconnu ? Je ne te pensais pas
aussi audacieuse...

Ses yeux brillent d’une petite lueur lubrique et si je n’étais pas sûre qu’Anthony soit de l’autre bord,
je dirais que j’ai éveillé sa curiosité à ce bougre. Mais il me surprend quand il siffle entre ses dents.
— Pssst... Ella, vise un peu qui sort de l’immeuble !

Je me tourne discrètement pour voir de quoi il parle et du coin de l’œil j’étudie le sujet. Mouais...
Grand, blond, la petite trentaine, costume sur mesure. Le tout crie « Je suis plein aux as ». Je hausse
les épaules.

— Ouais, il n’est pas mal... Tu sais qui est-ce ?

Sa réaction est plus qu’étonnée.

— Tu n’es pas sérieuse, j’espère ! C’est Elliott Miller, ma belle ! Il fait partie des trente célibataires
les plus convoités de l’État d’après Forbes Magazine…

Le nom me parle immédiatement.

— Oui, le fils cadet de Monsieur Miller c’est bien ça ? Qu’est ce qu’il fiche ici à ton avis ?

— Tu veux dire à part te reluquer ?

Je souris en coin et secoue la tête, mais il continue.

— J’ai entendu dire que le fils prodigue se prépare à reprendre les rênes et à succéder à papa Miller à
la tête du Pôle immobilier.

— Tu déconnes ?

— C’est comme je te dis.

Je jette de nouveau un rapide coup d’œil derrière moi, mes yeux croisent ceux d’Elliot Miller d’un
bleu intense, juste un bref instant avant qu’il ne monte à l’arrière de la limousine.

— Dommage qu’il soit hétéro... soupire Anthony

— Peut-être qu’il ne l’est pas !

— Oh si ! Tu peux me croire ! Ce n’est pas moi qu’il déshabillait du regard présentement...

— OK Spielberg ! Quand tu auras fini de faire des films... On pourrait remonter bosser.

Durant le reste de la journée, j’ai dû vérifier mon téléphone pas loin d’une bonne centaine de fois. Je
tenais à être sûre de ne pas avoir raté un message important et qui pourrait provenir d’une certaine
personne. J’ai poussé le vice jusqu’à m’envoyer des messages « test » pour constater que finalement
le réseau téléphonique fonctionne parfaitement… Plus pathétique, tu meurs…

Quand enfin mon téléphone vibre, je suis tout excitée et me jette dessus pour voir qui m’envoie le
message, c’est peut-être... Mais non. C’est seulement Abby qui me rappelle de confirmer mes congés
avec ma boss. Il est prévu que nous nous rendions à San Francisco au printemps prochain, pour le
mariage de sa sœur Adaline. Toute sa famille est encore là-bas, car c’est la ville natale d’Abby qu’elle
a quittée pour venir faire ses études à New York. J’ai l’honneur et la surprise de faire partie des
demoiselles d’honneur.

Plus ça va et plus je me rends compte que je perds patience à attendre un signe qui ne viendra peut-
être pas aujourd’hui…

Et puis, pourquoi devrais-je attendre qu’il me contacte le premier ? Après tout, nous sommes bien des
« amis avec bénéfices » à présent et entre amis, rien de plus naturel que de s’envoyer des textos… Et
en l’air à l’occasion. Je saisis mon téléphone, tape quelques mots puis appuie rapidement sur la
touche « envoi » avant de me raviser et de tout effacer.

[Salut cowboy ! Je ne sais pas pour toi, mais moi je sens encore les conséquences du rodéo de
samedi...]

Heureusement que Christina est en réunion quelques étages plus haut parce que j’éclate de rire quand
je vois sa réponse.

[Ça bébé, c’est parce que tu n’as pas l’habitude de monter un taureau...]

Je crois que je commence à aimer le Wes à l’humeur taquine qu’il me dévoile peu à peu quand il
m’écrit, presque autant que l’homme impétueux. Plus tard, j’apprendrais qu’il est vraiment taureau,
enfin que, c’est son signe astrologique.

***

La semaine défile à vive allure et sans que je ne m’en aperçoive, nous sommes déjà vendredi soir.
Avec Abby, nous avons décidé de prendre un verre, rien que toutes les deux, entre meilleures copines,
dans un resto-pub à quelques pas du travail. L’endroit est agréable et assez chaleureux pour un after-
work en toute simplicité. Les nombreuses tables qui encerclent la piste de danse se remplissent
rapidement par les cadres et autres traders du coin qui n’ont qu’une envie : évacuer la pression
accumulée de toute la semaine.

Je nous choisis une place dans une alcôve située entre le bar et la piste ou déjà certains commencent à
se déhancher pendant qu’Abby se dirige vers le bar. Quand elle revient avec nos verres, elle
s’empresse de m’interroger.

— Je meurs d’envie d’en savoir plus sur vos échanges de la semaine ! Dis-moi tout ! Ce sont des
sextos au moins ?

— Ab' ! On n’est pas aussi obsédés que Carter et toi.

Elle se mord la lèvre et marmonne hésitante.

— Ça tombe bien que tu parles de lui... Parce qu’il vient d’arriver... Je suis désolée, c’est de ma faute,
mais quand il m’a demandé ce qu’on faisait ce soir, j’ai — un peu — oublié de lui préciser que c’était
juste toi et moi… Tu ne m’en veux pas ?
J’aurais apprécié une soirée rien qu’avec ma meilleure amie, mais Carter est vraiment sympa alors ça
ne me dérange pas le moins du monde.

— Bien sûr que non ! Et puis, plus on est de fous...

Je me retourne pour le saluer et je crois que mon cœur s’arrête ! Il y a bien Carter sauf qu’elle a omis
de mentionner celui qui lui emboîte le pas, car Carter n’est pas venu seul. Il est accompagné de Wes.

Dès qu’il est assez près, ses yeux accrochent les miens et me transpercent. C’est très simple, j’ai
conscience de ce qu’il se passe autour de nous, mais je ne vois plus que lui. Nous sommes plongés
dans une bulle qui nous isole du reste du monde.

— Bonsoir, les filles, on ne vous a pas fait trop attendre au moins ? dit Carter.

— Non, chouchou, on vient d’arriver ! lui répond Abby, quand elle se jette sur lui et l’emballe.

Je crois entendre Carter me saluer pendant qu’il répond au baiser de sa copine quand ils prennent
place tous les deux en face de moi.

Wes adresse un rapide bonsoir à ma coloc' et se glisse lentement près de moi sans me quitter des yeux
une seule seconde. Je soutiens son regard difficilement tant il est intense, presque animal, mon
estomac fait des bonds et je crois que je comprends pour la première fois cette foutue sensation
d’avoir des papillons dans le ventre. Je respire difficilement quand son parfum me parvient de plein
fouet, j’aimerais l’enlacer et plonger mon nez dans son cou pour me repaître de son odeur. Comment
peut-il me faire perdre la tête alors qu’il ne m’a encore adressé un seul mot. Il retire son éternel
blouson en cuir et je ne peux m’empêcher de le détailler, on distingue au travers de son t-shirt blanc
les lignes de ses tatouages et son torse magnifiquement dessiné. Je perds le fil de mes pensées quand
il enroule son bras autour de ma taille pour me rapprocher de lui.

— Bonsoir bébé.

Il se penche vers moi et scelle nos lèvres. Le baiser est doux et délicat pourtant, il allume une étincelle
dans mes entrailles.

— Bonsoir, murmuré-je contre ses lèvres. Tu aurais dû me dire que tu venais. J’aurais été moins
surprise.

C’est vrai, si j’avais su je serais passée par la maison pour une douche rapide et peut-être aussi me
changer. Bon d’accord, j’avoue ! Je me serais fait belle un minimum… Au lieu de ça !

Il hausse les sourcils et, me susurre d’une voix monstrueusement sexy.

— J’aime te surprendre et tu aurais dû me dire que tu sortais.

Je devine au ton de sa voix une pointe de possessivité et ça me plait, un peu comme si je lui
appartenais...

Abby et Carter meublent l’essentiel de la conversation, mais ça ne me dérange pas, bien au contraire,
les écouter parler en même temps est divertissant et je surprends Wes sourire lui aussi à plusieurs
reprises. Je profite de ce moment de légèreté et demande,

— Et vous vous êtes connus comment tous les deux ?

Cela m’asticote de savoir, surtout depuis que Carter nous a raconté certaines anecdotes les concernant
lui et Wes.

Je le regarde davantage d’ailleurs, car il est plus enclin à répondre que l’homme taciturne à mes
côtés. Il confirme les propos qu’Abby m’avait rapportés quelques semaines plus tôt à propos d’une
soirée mouvementée et d’une bagarre qui aurait éclaté avec Wes pour acteur principal. Je devine sans
trop de mal celui qui a ouvert les hostilités.

Mais en réalité ce que j’aimerais savoir c’est : pourquoi il s’est mis en colère ? Pourquoi en est-il
venu aux mains ? Je me tourne vers Wes et lui pose la question à brûle-pourpoint.

— Qu’est-ce qui s’est passé ce soir-là ? Pourquoi as-tu eu besoin de te battre ?

Son regard s’assombrit, il contracte sa mâchoire. L’atmosphère autour de nous se refroidit. Bon sang
! C’est à croire que Wes à une influence sur les éléments. Puis, il tourne la tête vers moi.

— C’est une longue histoire.

OK, je commence à bien décrypter ses réactions et je comprends qu’il n’en dira pas plus, alors pour
éviter qu’il ne se braque, je m’éclaircis la voix et me lève pour me chercher à boire, car j’ai soudain
besoin de quelque chose de plus fort que ma Pina Colada.

— Je vais me chercher à boire. Qui a soif ?

— Reste. J’y vais, me coupe Wes.

Abby sent le malaise et déclare vouloir aller au petit coin.

Il ne reste plus que Carter et moi à table. Je redresse la tête quand il prend la parole.

— Wes est quelqu’un de bien.

— J’en suis sûre, lui confirmé-je.

— Il n’est pas facile à suivre, mais il mérite d’être heureux.

— Je suis d’accord.

À quoi joue-t-il ?

— Je crois que tu peux être celle qui le rendra heureux.

Je secoue la tête, un sourire sardonique sur les lèvres.

— Tu te méprends Carter, il n’y a rien entre nous.


— Ne crois pas ça. Je le connais et je peux voir qu’il change.

Est-il obligé de s’exprimer comme ce foutu maître Yoda ?

— Tu peux être un peu plus clair ?

— Avant l’autre soir, je n’avais jamais vu personne arriver à le calmer quand il est en crise. Tu y es
parvenue, j’ignore comment ! Mais tu as cet effet sur lui. Tu lui fais du bien. L’ennui c’est que tu peux
aussi lui faire très mal.

— Jamais je ne lui ferais le moindre mal !

Ma réponse est peut-être tranchante, mais c’est parce qu’il commence à me courir sérieusement...

— Ella, tu es une femme intelligente. Je t’apprécie beaucoup et c’est pour cette raison que tu dois
savoir une chose concernant Wes.

Je hausse les épaules.

— Je t’écoute.

— Pour entrer dans sa vie, il faut avoir les épaules solides et un mental d’acier alors si tu as le
moindre doute, il vaut mieux t’éloigner. Dès ce soir !

— Comment dois-je prendre ça ?

— Tu le prends pour ce que c’est, un conseil d’ami.

Tu parles d’un conseil ! Avec ses phrases énigmatiques, il a réussi à semer davantage d’interrogations
dans ma tête.

— Qu’est-ce que j’ai raté ?

C’est Abby qui revient, suivi de Wes quelques instants après avec nos verres.

— Oh ! Rien de spécial, mais tu savais que ton petit ami est un grand fan de Star Wars ?

Elle se tourne vers Carter et l’étudie curieusement.

— J’ignorais ça, chouchou ! Ne me dis pas que ton personnage préféré est l’espèce de créature verte
?

Je souris et confirme.

— Si Ab' ! D’ailleurs, chapeau Carter ! Parce que tu l’imites à la perfection.

Cela fait sourire Wes et Abby...

Contre toute attente, Carter rit lui aussi…


L’ambiance redevient légère ce qui me soulage aussi. Dans un sens, ce n’est pas plus mal, car malgré
ses menaces – sous couvert d’une inquiétude que je peux éventuellement comprendre — je ne
souhaite pas de malaise entre nous.

J’ai la ferme intuition que Carter s’attendait à me voir prendre la fuite ou je ne sais quoi encore...

Mais ce qu’il ignore, c’est qu’il est trop tard.

Je suis bien trop attachée à Wes pour pouvoir m’éloigner de lui...


Chapitre 16

On passe actuellement une agréable soirée, le sermon de Carter mis à part. Cependant, je ne peux
décemment pas lui en vouloir de s’inquiéter pour son meilleur ami. D’ailleurs, l’idée que Wes compte
suffisamment pour lui au point de vouloir le protéger me plaît assez et c’est ce qui m’importe en fin
de compte.

J’imagine facilement mon Abby en faire de même pour moi, avec Wes à la moindre occasion, donc la
réciproque me semble logique. Quant à l’objet de mon affection, il est là, l’air serein avec sa pose
nonchalante et son bras étendu sur le dossier de la banquette derrière moi. L’instant d’après, sa main
est sur mon bras et le caresse lentement, un peu comme s’il sentait que mes pensées étaient orientées
vers lui.

— Je crois qu’il est temps de rentrer, Abby, qu’en dis-tu ? propose Carter.

— D’accord avec toi, chouchou, mais je ne peux pas laisser Ella rentrer seule alors qu’il est presque
minuit.

— Bien entendu ! affirme celui-ci.

La conversation entre ma coloc et son mec me parvient enfin, je reporte mon attention sur eux.

— C’est gentil les amoureux, mais inutile de vous déranger pour moi.

Mais Abby insiste.

— Pas question de t’abandonner, El.

Carter acquiesce, probablement pour me démontrer que ça ne le dérange aucunement de faire un


détour pour me déposer.

— Je peux rentrer seule, ne t’en fais pas Ab. Allez-y et puis je suis entraînée maintenant grâce à
Carter et ses super cours de Krav-Maga de la mort.

Ça a le don de les amuser à défaut de les convaincre. Je crois qu’au fond, je ne suis pas vraiment
fatigué et préférerais continuer la soirée avec Wes, mais comme il se lève aussi, je garde cette
réflexion pour moi.

— Ella, Abby a raison et il est plus prudent qu’on te raccompagne, propose à nouveau gentiment
Carter.

Je suis sur le point d’accepter son offre quand Wes intervient.


— Je m’occupe d’elle.

Sa voix grave ne laisse pas de place au refus. Pour toute réponse, je hoche la tête. Comme si j’allais
refuser… bien sûr que non !

Abby me demande silencieusement si ça me va, le regard empreint de doutes. Je crois qu’elle a


encore quelques réticences vis-à-vis de Wes et de ses réactions imprévisibles malgré mes
explications. Après tout, je ne peux pas lui en vouloir, mais je tente de l’apaiser avec un léger signe de
tête qui je l’espère répond à sa question muette.

— OK, alors à plus Wes... Ella, on se retrouve demain matin ?

— Bien sûr ! Rentrez bien !

— Vous aussi !

Je me retrouve seule avec Wes, et le moins que l’on puisse dire c’est que je m’en réjouis
intérieurement. Évidemment, il est inutile de lui dévoiler à quel point ça me fait plaisir surtout après
la façon avec laquelle on s’est quitté la fois précédente.

Alors que nous avançons vers la sortie, Wes prend ma main dans la sienne et entrelace nos doigts puis
me guide vers l’extérieur du pub. Dans la rue, il nous entraîne vers sa superbe voiture.

— Tu es venu en voiture ? Je te croyais venu avec Carter ?

— On s’est rejoint devant l’entrée, mais on est arrivé chacun de notre côté.

Il me tient la portière côté passager ouverte et attend que je m’installe avant de la refermer et faire le
tour pour s’installer à son tour. Une fois nos ceintures attachées, je lui glisse poliment :

— C’est gentil de t’être proposé de me raccompagner chez moi.

— De rien bébé, mais je ne compte pas te ramener chez toi.

Puis il démarre en trombe

— Ah bon ? Et où va-t-on ? m’enquis-je éblouie par l’assurance qu’il dégage en toutes circonstances.

— Chez moi.

Il répond avec un aplomb déconcertant. Dans sa voix ne résonne pas une once de doute vis-à-vis de
mes intentions. Il est persuadé que je suis d’accord. Ce serait lui facilité la tâche... Je secoue la tête
pour lui signifier que je refuse. Il hausse un sourcil dans ma direction, mais j’enchaîne.

— Je ne peux pas aller chez toi Wes.

Ma réponse ne lui plaît pas, car il contracte sa mâchoire. J’imagine qu’il doit penser que je suis
réticente à cause de l’autre jour. Je coupe court à ses pensées.
— J’ai cours demain et j’ai besoin de mes affaires de sport.

— Pardon ?

— Qu’est ce que tu crois ? Je ne peux pas toujours compter sur mon Batman personnel pour me
sauver alors avec Abby on prend des cours d’autodéfense.

Il esquisse un sourire en coin, mais ne semble pas surpris.

— Avec Carter. Je suis au courant.

Forcément qu’il doit savoir… Carter et lui doivent parler. Je veux dire les mecs se parlent entre eux,
non ? D’ailleurs, maintenant que j’y pense, je suppose que c’est pour cette raison que Carter me
regardait curieusement…

— Tu sais, je commence même à être vraiment douée.

— Je n’en doute pas... réplique-t-il avec le plus adorable des sourires en coin qu’il m’ait été donné de
voir.

— Ne te moque pas idiot, je pourrais facilement te mettre la pâtée, tu sais ? Surtout avec les
techniques que ton pote nous apprend, le taquiné-je.

— T’es vraiment adorable, me sourit-il puis, il rajoute avec un clin d’œil, c’est quand tu veux, bébé.

Je fonds face à son attitude un peu trop sexy pour mon propre bien. Sans compter son sourire – un
vrai –, qui me fait perdre la boule. J’en oublie un instant qu’il doit me ramener chez moi, je crois que
je suis prête à le suivre au bout du monde pour qu’il me sourie à nouveau. Ah bon ? C’est la petite
voix dans ma tête qui s’interroge sur ma santé mentale, je l’imagine composer le numéro du psy le
plus proche pour une consultation d’urgence. C’est officiel, je suis dingue ! L’ennui, c’est que je suis
dingue de Wes…

Je garde cette révélation pour moi et ne cède pas.

— C’est tentant, mais sérieusement Wes. Je dois rentrer.

— Bien.

Il fait alors brusquement demi-tour, heureusement qu’à cette heure-ci de la nuit, il n’y a pas grand
monde sur la route. Si je n’avais qu’une chose à dire, ce serait : merci à l’inventeur de la ceinture de
sécurité.

Une dizaine de minutes plus tard, il s’arrête, coupe le contact et sort pour faire le tour et m’ouvrir.

Il tend la main vers moi, mais contrairement à ce que j’aurais pu croire, il ne se détache pas de moi
lorsque l’on arrive devant l’entrée de l’immeuble et m’accompagne jusque là haut. Devant la porte de
l’appartement, je me tourne vers lui pour le remercier, mais il me devance à l’intérieur... Euh OK ?

Il m’intime alors d’une voix sans appel de récupérer mes affaires et tout ce dont j’aurais besoin.
— Humm... Wes, on en a déjà parlé...

— Je te déposerai à ton cours demain ne t’inquiète pas, mais ce soir tu viens avec moi me coupe-t-il...
puis il s’empresse de rajouter les mots qui finiront de me décider, une main sur ma joue qu’il caresse
tendrement.

— Bébé, s’il te plaît.

Le ton est ferme, mais son regard brille d’un je ne sais quoi d’attendrissant, je suis touchée plus que
je n’aurais pu l’imaginer. S’il tient vraiment à ce que je reparte avec lui alors comment refuser ?

— OK. Je viens. Seulement, j’aimerais que tu me promettes quelque chose avant, lui demandé-je.

— Je t’écoute.

— Pas de drame. S’il te plaît ?

Il m’enlace d’une main et me colle contre son corps, l’autre main caressant toujours délicatement ma
pommette, puis il m’embrasse. Le goût de ses lèvres sur les miennes est toujours aussi divin. L’effet
est grisant.

— Je te le promets, souffle-t-il entre deux baisers.

Je souris contre ses lèvres parce que je sais qu’il tiendra sa promesse, ou en tout cas il fera l’effort.
Wes m’a tout l’air d’être un homme de parole. Quand il me relâche finalement, je fonce dans ma
chambre et attrape un sac dans lequel je fourre ma tenue de sport plus deux trois petites choses et nous
voilà repartis en direction de chez lui.

Sur le trajet, je m’interroge sur la raison qui l’a poussé à me prier de l’accompagner. Depuis notre
rencontre, je ne me souviens pas de l’avoir vu aussi insistant pour m’avoir avec lui... C’est même tout
l’inverse.

— Wes ?

— Mmh.

— Je peux te poser une question ?

Il acquiesce, le regard concentré sur la route.

Je l’invite alors à m’expliquer pourquoi. Pourquoi tient-il tant à m’avoir avec lui ce soir ? Il réfléchit
quelques secondes avant de me répondre d’une voix rocailleuse, et le moins que je puisse dire c’est
que je ne m’attendais absolument pas à cette réponse.

— J’aime t’avoir près de moi. J’en ai besoin.

C’est clair ! Cet homme sait comment m’attendrir, car résultat : je suis aussi molle que du beurre.

— Et au moins, j’ai la certitude que tu n’es pas avec l’autre clown là... rajoute-t-il
— Un clown ? J’ai peur de ne rien n’y comprendre, lui réponds-je perplexe.

— L’autre jour dans le métro, il parlait de choisir une maison. Avec toi ?

Son visage se ferme instantanément, je croyais qu’on avait dit pas de drames...

J’essaie de me remémorer de quoi parle-t-il… Le métro ? Une maison ? Je me rappelle enfin ! Il


parle de Dorian…

— Tu n’y es pas du tout Wes, Dorian est mon meilleur ami, rien de plus.

— Je croyais que c’était Abby ta meilleure amie, me lance-t-il alors.

Je soupire même si secrètement j’adore qu’il soit jaloux.

— Crois-tu vraiment que s’il y avait quelque chose de sérieux avec Dorian ou n’importe quel autre
homme, je serais là avec toi ?

Pour qui me prend-il franchement ?

J’enchaîne rapidement afin d’éclaircir avec lui certaines choses.

— Je ne sais pas quel genre de filles tu fréquentes habituellement, mais laisse-moi te dire un truc
important à mon sujet. Quand je suis avec quelqu’un, je suis fidèle ! Peu importe combien le type en
face est canon...

— Bon à savoir... marmonne-t-il.

Après ce petit intermède, je lui explique le réel sens des maisons lors de la conversation entre Dorian
et moi, clairement, ça le fait bien marrer et même si objectivement, je ne lui dois rien, car nous ne
sommes pas un couple tous les deux, cela a le mérite de clarifier un peu les choses entre nous.

Une fois chez lui, je constate que son humeur s’est grandement améliorée, peut-être grâce à mes
explications, car il m’entraîne illico vers sa chambre, me prend dans ses bras et me susurre à
l’oreille.

— Ce soir, tu es à moi.

En réponse, je relève la tête vers lui et unis mes lèvres aux siennes afin qu’il comprenne que ça me va
! Je veux bien lui appartenir autant qu’il le voudra, si ça signifie que ce sera aussi intense que les
autres fois...

***

Plus tard, allongée sur son torse, tous les deux épuisés par l’effort, mais parfaitement rassasié l’un de
l’autre, je trace du doigt le contour de ces tatouages.

La pièce qui recouvre sa poitrine est composée de plusieurs parties, dont la principale, ressemble à un
masque limite démoniaque aux crocs acérés, avec à son sommet un assemblage de plusieurs
créatures, un dragon, un serpent et un lion, le tout entouré de symboles mystiques. Ses autres
tatouages sont un peu dans le même esprit et je suis comme envoûtée par la beauté des dessins, la
précision des traits, mais aussi intriguée par leurs significations. Je lui pose alors la question qui me
brûle les lèvres...

— Est-ce que ça fait mal ?

— La douleur est quelque chose de subjectif et entièrement personnel, chacun ressent la douleur à son
niveau alors je peux te répondre, mais uniquement pour moi, tu comprends ?

Je m’attendais à ce qu’il me réponde simplement par oui ou par non. Cependant, je suis ravie qu’il se
sente assez en confiance pour me parler.

— Est-ce que ça t’a fait mal ?

— Un peu, oui.

— Il signifie quoi, celui-ci ?

Je lui montre celui qui recouvre son torse.

— Dans certaines cultures, il décrit le mal. Mais pour moi, il représente mes démons.

J’ignore comment prendre ce qu’il vient de me confier et n’ose lui en demander plus, de crainte qu’il
se braque, mais il reprend de lui-même.

— Parce que si je les porte sur moi, alors ils ne peuvent plus me hanter ni m’atteindre.

Je repense soudain à l’objet suspendu à ma tête de lit que j’aime contempler. N’est-il pas lui aussi
censé empêcher les mauvais rêves de me hanter ? Si bien sûr que si. Je comprends alors que ses
tatouages signifient tellement plus pour lui que de simples dessins.

— Un peu comme un filtre ou un attrapeur de rêves ?

— Comme un attrapeur de rêves. C’est tout à fait ça ! Et toi !

— Et moi, quoi ?

Je suis surprise quand il s’explique.

— Toi, bébé. Tu éloignes les mauvais rêves.

C’est la chose la plus adorable que j’ai entendue. Je m’approche davantage de lui, dépose un baiser
sur ses lèvres et niche mon visage dans son cou.
J’ai encore un millier de questions qui fourmillent dans ma tête, mais je comprends à son regard que,
c’est terminé pour ce soir, Wes ne m’en dira pas plus... Il m’enlace et moi je suis perdue dans mes
pensées.

Je ne me suis jamais réellement penché sur le domaine des tatouages auparavant, d’ailleurs je n’en
porte moi-même aucun sur la peau. Cependant, j’aimerais en apprendre plus. Peut-être qu’ainsi je
pourrais mieux comprendre l’état d’esprit qui pousse un homme à marquer presque entièrement son
corps.

Je me note mentalement de fouiller un peu sur le net la symbolique et la signification de ses dessins,
car j’ai la certitude d’après ce que j’ai appris ce soir que ceux de Wes ne sont pas justes là pour
l’esthétique, mais qu’ils expriment quelque chose de fort.

En parlant de force, je ne peux m’empêcher d’être impressionnée par son corps puissant lorsqu’il me
surplombe. Il est massif, imposant et me submerge d’émotions et de plaisir. Chaque coup de reins
affecte mes sens, chaque caresse affecte mon corps et chaque petit mot qu’il chuchote dans le creux de
mon oreille affecte mon cœur. Je ne sais pas trop où je vais avec lui, mais j’y fonce droit, c’est
certain.

L’instant d’après, quand il livre malgré lui de minces fragments de lui, je discerne dans son regard
une zone d’ombre, mais aussi un éclat de tendresse. Cet homme aux multiples facettes me trouble et
me touche au-delà de la raison. J’ignore pourquoi, mais présentement, je n’ai qu’une seule envie, le
serrer fort dans mes bras pour le protéger de ses démons.

***

Le lendemain matin, je découvre avec surprise que Wes possède également une moto. Le genre
rutilant et qui fait beaucoup de bruit. C’est une première pour moi, je suis d’habitude plus du genre à
prendre les transports en commun ou dans quelques cas Wanda, la petite coccinelle d’Abby. C’est
donc bon gré, mal gré que j’enfourche son énorme engin et agrippe sa taille de toutes mes forces.
Hum… Je sais que cela peut porter à confusion, mais je vous assure qu’il n’y a là aucun sous-entendu
sexuel.

Et, c’est sur les chapeaux de roues que l’on se rend, Wes et moi à « Da Club » où nous attend déjà le
couple Cartery. C’est la contraction de Carter et d’Abby, l’idée ne vient pas de moi, mais d’Abby qui
aime ce genre de petit nom que l’on donne aux couples célèbres.

Les cours de Carter sont toujours aussi intensifs, il faut dire qu’il est réellement un prof génial ! En
plus d’être plutôt pas mal ce qui n’est pas désagréable pour les yeux. D’ailleurs, je suis prête à parier
que la plupart des filles de notre groupe ne viennent que pour admirer le prof canon de Krav-Maga.

Mais moi, c’est un autre brun qui me fait tourner la tête, la version tatouée et lunatique. Je lance un
regard circulaire et l’aperçois au fond. Il s’acharne sur un punching-ball, ses coups atteignent le
même emplacement et creuse le centre du sac, bambam... bambambam… Gauche, droite, puis encore
gauche, droite, c’est tout à fait fascinant de l’observer à la dérobée. Bientôt, il tourne autour de sa
cible dans une danse rythmée par les coups de poing et puis de temps à autre, il envoie sa jambe
valdinguer contre le pauvre sac de sable.

Il dégage tellement de sex appeal que ma bouche me paraît soudain très sèche et lorsque dans le feu
de l’action, il tourne la tête vers moi, il me trouve figée à épier ses mouvements. Il incurve alors ses
lèvres dans un sourire en coin on ne peut plus clair, il sait que je le mate et ça lui plaît. Mais quand il
ajoute un clin d’œil désinvolte à son sourire, cela finit de désintégrer ma culotte pour de bon ! Qu’on
appelle les pompiers parce que je risque la combustion instantanée ! Seigneur, vite la douche !

Les vestiaires du club sont bien entretenus et les douches sont extrêmement propres, ce qui est
appréciable. L’eau qui coule sur mon visage me fait un bien fou et efface toutes les pensées salaces de
mon cerveau en ébullition. Le plus terrible c’est que tout mon corps crie Wes Wes Wes à la façon
d’une chearleader avec les pompons et la petite jupette alors que ma raison m’intime de me calmer
sérieusement, bon sang ! Comment suis-je censé passer le reste de la journée avec lui en gardant mon
sang-froid ?

Wes a parlé de quelqu’un qu’il devait voir et m’a gentiment proposé de me joindre à lui. Abby passant
le reste de la journée et peut-être même le week-end avec Carter, je suis libre comme l’air alors j’ai
volontiers accepté de l’accompagner.

Je suis aussi curieuse d’en découvrir plus sur ce quelqu’un — ou ce quelqu’une — qu’il doit
rencontrer. Il aura peut-être envie de s’ouvrir un peu plus à moi au cours de la journée et s’il désire
m’offrir un ou deux orgasmes en prime, comment refuser ?

Une fois prête et avec un dernier câlin d’Abby qui me sert comme si elle n’allait plus jamais me
revoir... Sacrée Abby ! Je file retrouver Wes qui m’attend sûrement devant l’entrée... Bingo ! Il est sur
sa moto dans une pose nonchalante. Il est arrivé en tenue sportwear, mais maintenant il porte un jean
brut, un t-shirt blanc qui moule son torse parfait et sa veste en cuir. Dieu qu’il est beau ! On jurerait
qu’il est tout droit sorti d’un magazine de mode. Je m’arrête un bref instant pour le photographier
mentalement dans ma mémoire…

Il me remarque, un regard incrédule sur le visage. Comment lui avouer que j’enregistre sa vision de
rêve pour pouvoir m’en souvenir plus tard quand je serais seule et qu’il me manquera…

— Tu en as mis du temps bébé, j’ai cru que tu avais changé d’avis.

— Et manquer de rencontrer ton ami ? Sûrement pas !

Je me garde d’ajouter qu’il n’a pas intérêt à me présenter une nana sinon gare à ses fesses !

— Allez grimpe et accroche-toi bien à moi.

— Vos désirs sont des ordres !

— Je peux m’habituer à ça, s’empresse-t-il d’ajouter.

— Ne rêve pas en couleur non plus... lui dis-je en lui assenant une pichenette sur le bras.
Il éclate de rire et c’est le son le plus merveilleux que je n’ai jamais entendu. Je me rends compte que
c’est la première fois que je l’entends rire aux éclats de la sorte et cela me procure une joie
indescriptible au fond de moi.

Quand il me tend mon casque, ses traits sont détendus et ses pupilles brillent d’une couleur que je ne
saurais définir précisément, une belle teinte qui oscille entre le vert d’eau et le bleu océan. J’enfile
son casque et accroche mes mains autour de sa taille. Il démarre et fonce entre les voitures et à chaque
intersection, mon cœur rate un battement parce que j’ai peur de lâcher prise… Je resserre encore plus
mon étreinte. Je crois même que je l’étouffe, mais c’est ça ou risquer de faire une chute brutale…

Quand il s’arrête enfin, je suis enivrée par la montée d’adrénaline. Peut-être aussi par son odeur parce
que j’avais le visage plaqué contre son dos. J’ai à peine le temps de reprendre pied qu’il me prend la
main et nous fais entrer dans un salon de tatouage.

Est-ce qu’il a l’intention de s’en rajouter un ? Je pourrais peut-être me laisser tenter moi aussi par un
dessin ? Quelque chose de petit pour commencer. Il paraîtrait que lorsqu’on y a goûté, on devient
addict à l’aiguille. Mais j’avoue que la douleur me rebute un peu, je suis une douillette dans l’âme et
la peur d’avoir mal m’effraie terriblement.

Le salon est spacieux et tout en longueur avec deux pupitres entourés de chariots avec le matériel
nécessaire de tatouage de part et d’autre du salon. On ne peut qu’être impressionné par les centaines
de dessins placardés de chaque côté des murs, si bien qu’on peine à distinguer la couleur d’origine
des murs.

— Linc, t’es dans le fond ? lance Wes en dirigeant son regard vers l’arrière-boutique où se trouve un
épais rideau de couleur bordeaux.

— Oui fiston, accorde-moi une minute...

Je reste dans l’entrée devant le comptoir et attends sagement à côté de Wes.

Le rideau se lève et sort un homme au gabarit imposant, ses bras sont épais et entièrement tatoués,
mais son visage lui est doux. Le genre de type qui inspire confiance dès la première rencontre. Je
pourrais facilement lui confier une partie de mon corps pour un tatouage sans inquiétude.

Une jeune femme qui lui emboîte le pas reboutonne sa blouse. J’imagine qu’elle a dû tatouer une
partie intime pour que ça se déroule dans la zone confidentielle. Elle passe devant nous et se dirige
vers la sortie après un signe de la main vers le dénommé Linc non sans poser ses yeux de merlan frit
un instant sur Wes et nos doigts entrelacés. Hé ! Ouais ! il est avec moi... Garce ! pensé-je
silencieusement. Linc s’avance vers nous à son tour et Wes s’occupe de faire les présentations.

— Ella, voici Linc. Linc, mon pote, je te présente, Ella.

Linc me tend une main tatouée que je serre. Il tire alors le dos de ma main vers sa bouche pour y
déposer un baiser, un geste d’une galanterie folle, je suis sous le charme !

— Lincoln Asher, pour vous servir ma douce, se présente-t-il.

— Enchanté Lincoln, lui réponds-je à mon tour.


Wes m’explique alors que Linc et lui sont amis depuis si longtemps qu’il fait office pour lui de figure
paternelle. Je distingue le regard bienveillant que cet homme porte sur Wes, c’est celui d’un père.
J’apprécie tout de suite le personnage.

— Linc est aussi mon tatoueur, précise Wes, il a réalisé tous ceux que je porte.

Je suis impressionnée.

— Vos dessins sont splendides, Linc !

— Merci, mais les dessins ne sont pas de moi.

— Ah non ? dis-je un peu étonnée.

— Ils sont tous de cette tête de mule que tu vois là, moi je m’occupe seulement de les lui retranscrire
sur la peau.

— Je l’ignorais...

J’ai bien remarqué les dessins chez Wes, mais je ne le pensais pas doué à ce point.

— C’est qu’il est modeste ! reprend Linc.

— C’est ce que je constate, confirmé-je.

— Je suis là au cas ou vous ne l’auriez pas remarqué alors arrêtez un peu tous les deux de parler de
moi comme si ce n’était pas le cas, répond Wes légèrement agacé.

— Par contre, je dois te prévenir ma douce, il démarre au quart de tour, me glisse Linc avec un clin
d’œil complice.

— Oui, je suis au courant ! affirmé-je.

— Tu veux bien arrêter avec tes « ma douce » si tu veux que je te montre les nouvelles planches que
tu m’as commandée, rétorque Wes, puis il ajoute à l’intention de Linc : t’as beau me connaître depuis
que je suis môme, je n’ai rien contre te casser une dent ou deux !

Malgré ses menaces, Wes est détendu et son ton est enjoué ce qui veut bien dire qu’ils ont l’habitude
de se taquiner ainsi tous les deux. C’est plaisant d’entrevoir une autre facette de sa personnalité.

— Du calme, champion ! Elle pourrait être ma fille.

— Ouais ? Mais comme ce n’est pas ta fille, bas les pattes, vieux !

Quand tous les deux éclatent de rire, je ne peux m’empêcher de les accompagner. Wes m’invite à les
suivre et je m’installe près d’eux sur l’un des fauteuils près du mur. Il tire ensuite de l’intérieur de sa
veste un petit paquet de feuilles pliées en deux dans le sens de la longueur et le dépose sur la table
basse. Ce sont des dessins, il y en a de différentes tailles, Wes les étale face à Linc qui semble
impressionné par ce qu’il voit.

Une dénommée Sandy arrive et prend le relais à l’accueil auprès des clients, qui pour beaucoup
viennent se renseigner dans un premier temps. Pendant ce temps, Wes est en grande conversation avec
Linc. Je les observe captivée de voir Wes parler avec beaucoup d’engouement sur ses dessins,
expliquer l’origine d’un symbole ou comment il voit les couleurs d’une manchette pour une cliente.
J’ai appris qu’une manchette est une pièce de tatouage d’assez grande taille qui se porte sur le bras.

J’apprends donc que Wes dessine des ébauches de tatouage, pour le salon afin de garnir le catalogue.
Il donne aussi son point de vue pour certains tatouages à perspectives. Wes n’est pas seulement doué
en dessin, il est carrément génial. J’avais déjà vu quelques-uns de ces dessins dans son appartement,
mais rien de comparable à ce que j’ai sous les yeux. Les traits, les tracés, les lignes qui composent
chaque motif sont fantastiques.

Wes m’explique également qu’il travaille sur le dessin de son prochain tatouage. Curieuse, je
l’interroge sur l’emplacement où il compte le faire. Apparemment s’il y a une habitude qu’il a prise
avec le temps : c’est de ne jamais révéler ni le modèle ni l’emplacement à l’avance. Un choix que je
respecte.

Pour moi, le temps a filé à toute vitesse et avec le bruit de la machine à tatouage qui fait un doux
vrombissement, je suis perdue dans mes pensées, comme envoûtée. Quand Wes se lève et me tend la
main, je le regarde avec surprise.

— Bébé tu viens ? On va déjeuner, je connais un endroit dans le coin où l’on mange les meilleurs
hamburgers.

Le déjeuner ? J’avais complètement oublié mon estomac jusqu’à ce qu’il gronde pour me rappeler à
l’ordre lui aussi.

— Volontiers, je meurs de faim.

Linc nous accompagne jusqu’à la sortie et me prend dans ses bras pour me dire au revoir.

— Ella, c’était un plaisir, repasse me voir quand tu es dans le coin ! Et peut-être que je pourrais te
faire un petit quelque chose si tu es intéressée...

Mais avant que je n’aie le temps de répondre, Wes m’attire contre lui et réplique à son ami.

— T’es gentil Linc, mais j’aime sa peau telle quelle, vierge de tout tatouage.

Mon cerveau enregistre qu’il aime ma peau et affiche un stupide sourire sur mes lèvres alors que je
devrais être plutôt outrée qu’il décide à ma place, fichue cervelle ! Heureusement, je reprends vite
contenance et répond poliment à Linc

— Avec joie !

J’aimerais beaucoup rencontrer Linc à nouveau, je suis sûre qu’il doit avoir un paquet d’anecdotes à
raconter à propos de Wes surtout s’il le connaît depuis l’enfance.
***

— Tu n’as pas exagéré quand tu disais qu’on y trouvait les meilleurs hamburgers ! m’exclamé-je.

Le snack étant à quelques minutes à pied, c’est avec plaisir que nous nous y sommes rendus à pied,
main dans la main comme un couple ordinaire.

Nous sommes en chemin pour récupérer la moto que nous avons laissée près du salon de tatouages.

Tout est parfaitement parfait jusqu’à ce que Wes se raidit et s’immobilise.

— Tout va bien ?

J’essaie de comprendre ce qui lui prend.

Un homme se tient face à nous et nous étudie les yeux plissés, un sourire sardonique sur les lèvres.
Ses yeux passent rapidement de Wes à moi puis à nos mains entrelacées, il penche la tête légèrement
sur le côté avant de s’exprimer d’une voix faussement enjouée.

— Wes ! mon frère !

Son frère ?

Ils ne se ressemblent pas pourtant…

Wes est grand, brun, la mâchoire carrée et des yeux magnifiques. Ce mec est juste grand et brun aux
yeux bleus, il est donc ordinaire...

— Dégage, Dante ! gronde Wes.

— Ça fait un bail et c’est comme ça que tu me salues ! Tu ne me présentes pas ta copine ?

— Enculé ! siffle Wes entre ses dents, ses yeux lancent des éclairs.

Je remarque immédiatement le regard de Wes, il s’est assombri… Ça ne sent pas bon pour ce type ! Je
ne comprends rien à ce qu’il se passe, mais j’ai l’impression d’être au milieu de quelque chose qui
me dépasse.

Wes fait un pas en avant en contractant son autre main, celle qui ne tient pas la mienne, me regarde et
se ravise.

— OK, OK, désolé ! rétorque le fameux Dante, les mains en avant comme pour calmer un animal
sauvage.

Je regarde Wes pour essayer de comprendre ce à quoi on joue exactement ?


Il m’examine, je ne sais pas ce qu’il lit dans mon regard, mais contre toute attente il se calme
instantanément. Il passe un bras sur mes épaules et me ramène vers lui comme pour montrer que je lui
appartiens. Je garde le silence alors que nous avançons ensemble.

Dante, lui ne bouge pas d’un pouce, même lorsque sur notre passage, Wes se fait un malin plaisir de
lui mettre un grand coup d’épaule.

Nous le dépassons rapidement, mais après quelques mètres, la voix du mec résonne.

— Tu seras heureux d’apprendre que Gloria est de retour en ville, s’écrie-t-il.

Wes s’immobilise. L’air autour de nous devient glacial. Je frissonne et redoute sa réaction. J’ignore
qui est cette Gloria ni pourquoi l’évocation de son retour déclenche cet effet sur Wes. Après quelques
secondes, il contracte violemment sa mâchoire et jure avant de reprendre la marche.

Il me rapproche un peu plus de lui et nous reprenons la marche, ensemble.

Et, ni lui ni moi, nous ne nous retournons.


Chapitre 17

New York est vraiment une ville étonnante, ses taxis jaunes, ses buildings et son incroyable diversité
en font le symbole du rêve américain. Mais tout dépend des rêves de chacun…

Le mien, par exemple ce serait d’ouvrir avec ma meilleure amie, ma propre boutique de muffin's et
autres cupcakes, il y aurait une large palette de thé et des cafés savoureux.

D’ailleurs, je commence déjà à m’entraîner en vue de ce projet un peu fou au « Latté Art ». C’est l’art
de verser du lait dans un café pour créer des formes stylisées à la surface de la tasse. Je ne fais rien de
trop compliqué pour le moment, des cœurs – j’aime les cœurs — des feuilles et le mot « LOVE » est
mon prochain défi. OK, c’est inutile, je vous l’accorde, mais en revanche, c’est tellement joli !

Le lieu s’appellerait « Elly's coffee » ou tout simplement « Chez Elly ». Inutile de vous préciser qui
est en charge du futur nom. Avec Abby, on a déjà la certitude que l’on y installera un écran plat qui
diffusera des DVD issus de notre collection. On pourra joindre l’utile à l’agréable avec tous nos
films et nos séries préférées. On espère aussi que l’endroit pourra accueillir tous les écrivains en
herbe en mal d’inspiration…

Mais s’il y a une chose dont je rêve secrètement depuis des années et que je n’ai révélée à personne…
C’est le grand amour.

Le genre qui chamboule tout sur son passage et vous transporte dès le premier regard.

Je l’imagine, lui, il serait grand, de larges épaules carrées et des bras forts dans lesquels je me
sentirais en sécurité. Il serait brun, la peau légèrement bronzée et des yeux que je pourrais contempler
des jours et des nuits sans jamais m’ennuyer.

Je soupire silencieusement alors que nos pas résonnent en rythme sur les dalles grises du trottoir. Je
m’interroge silencieusement. Pourquoi ai-je soudainement laissé mon esprit s’égarer et vagabonder ?
Peut-être parce qu’en ce moment, j’ai l’intime conviction de me sentir protégée près de cet homme à
mes côtés, qui enveloppe ma main de la sienne. Celui qui ressemble étrangement à mon idéal
masculin. Mon idéal ?

Depuis quand Wes est mon idéal ? Une petite voix dans ma tête me souffle qu’il l’est depuis le jour où
pour la première fois mon regard a croisé le sien, et qu’il a envahi mon monde.

Mais une autre voix, certainement celle de la raison, me martèle que je ne connais rien de lui.
Absolument rien ! Je ne connais pas sa couleur préférée ni son plat favori.

J’ignore aussi qui est ce fameux Dante et s’il est réellement son frère, ni pourquoi l’information
qu’une certaine Gloria de retour en ville pourrait l’intéresser. Qui peut-elle bien être ?
Si Dante est potentiellement son frère, peut-être que cette Gloria est sa sœur ?

Vu sa réaction lorsqu’ils se sont vus un peu plus tôt, j’imagine que Wes ne nourrit pas de liens
familiaux très amicaux avec sa famille.

En revanche, j’ignore comment il a fait pour se maîtriser, et ce qui l’a retenu de lui sauter dessus, car
je reconnais bien maintenant, le Wes déchaîné et généralement, rien ne peut l’arrêter…

— Wes ?

— Mmm...

— Ce Dante tout à l’heure ?

Sa poigne se resserre peut-être parce qu’il imagine que je vais lui poser des questions auxquelles il
n’est pas prêt à répondre.

— Ouais ?

— Qu’est-ce qui t’a retenu ? Je veux dire, j’en suis ravie hein ! Mais je pensais que... En tout cas, ça en
avait tout l’air…

— Que j’allais lui exploser la tête ?

— Oui, confirmé-je.

— Je t’avais promis. Pas de drame. Tu te souviens ?

— ...

Quoi ? Je n’en crois pas mes yeux, il se serait maîtrisé rien que pour moi ? Parce qu’il me l’a promis
? Il me fait craquer pour lui plus que de raison à nouveau ! Peut-être devrais-je lui faire promettre
plus souvent ! Il me sourit en coin sûrement parce qu’il devine qu’il vient de marquer un point, à juste
titre !

— Merci, Wes, j’apprécie sincèrement.

— De rien bébé.

La température est douce pour la saison, peut-être est-ce même les derniers beaux jours de l’automne.
Nous récupérons enfin sa moto et lorsqu’il me propose de nous emmener à Central Park pour une
balade, j’accepte tout naturellement. Je grimpe et m’accroche à lui alors qu’il déchire le vent à toute
vitesse.

Central Park est un immense espace vert urbain situé en plein cœur de Manhattan. Il offre une grande
variété d’activité l’été avec ses cours d’eau, comme en hiver grâce à ses deux patinoires. Je jette un
regard en coin vers Wes, le voir jonché sur des patins à glace doit valoir le coup d’œil… mais mon
instinct me souffle de ne pas trop rêver, ce n’est sûrement pas son truc. Nous avançons ensemble dans
ce qui est pour moi sans conteste le poumon de cette ville qui fonctionne à deux cents à l’heure.
A chaque visite, je ne m’y ennuie jamais. J’aime m’y rendre pour faire un break, mon jogging ou tout
simplement pour admirer les écureuils qui grimpent aux arbres. Mon endroit favori est la fontaine,
l’une des plus connues au monde et qui se situe au cœur du parc. J’apprécie la sérénité du lieu et me
perdre dans la contemplation de la statue qui trône au milieu de la fontaine. Mais ce que j’adore par-
dessus tout lorsque je m’y rends, c’est lire les petites plaquettes que l’on peut trouver sur les bancs du
parc qui longent les nombreuses allées.

Le programme des plaquettes a été lancé bien avant ma naissance, il y a de cela plusieurs années dans
le but de recueillir des fonds pour financer les frais liés à l’entretien du parc. L’idée est d’adopter un
des bancs moyennant une petite somme rondelette pour graver le souvenir d’une personne chère, une
demande en mariage ou un message symbolique. Mes parents m’en avaient parlé lorsque je devais
emménager dans la ville, car à une certaine époque, ils songeaient sérieusement à l’idée d’adopter un
banc eux aussi. Finalement, ils ont opté pour un voyage en Europe où j’ai certainement été conçue, je
suppose.

— « Aujourd’hui est le premier jour du reste de ta vie, Luny Sky »

— De quoi tu parles ? me questionne Wes.

Je lui montre la plaque et lui explique la fameuse histoire des bancs.

— J’avais déjà remarqué les messages, mais je ne savais pas d’où ça venait, répond-il.

— Et toi ? Si tu devais laisser un message, lequel serait-ce ? l’interrogé-je curieuse.

— Aucun parce que je trouve l’idée stupide ! rétorque-t-il en haussant les épaules.

— Stupide ? Marquer quelque chose pour l’éternité. Je trouve ça plutôt romantique au contraire, non
? Un peu comme tes tatouages.

— Je t’arrête tout de suite bébé, mes tatouages sont tout sauf romantiques.

J’éclate de rire quand il m’attrape par la taille pour me chatouiller le ventre.

— S’il te plaît... Haha, arrête ! Par pitié ! hahaha… Je m’esclaffe entre deux chatouilles

— Mes tatouages sont toujours aussi romantiques ? J’attends.

— Hahaha… Wes, s’il te plaît ! OK, OK, tout ce que tu voudras…

— Ce n’est pas encore ça ! continue-t-il un sublime sourire plaqué sur ses belles lèvres pleines…

Je risque de vite devenir accro à son sourire.

— D’accord, d’accord monsieur le macho ! tes... tes tatouages ne sont pas ro... romantiques, s’il te
plaît ?

— OK, j’arrête ! mais la prochaine fois, je ne serai pas aussi clément surtout maintenant que je
connais ton point faible, me lance-t-il amusé.
— Tu es abominable !

Je fais la moue.

— Avec toi ? Jamais. Viens par là !

Il m’ouvre grand ces bras et je m’y glisse avec joie. La tête calée dans le creux de son bras, je hume
son T-shirt, il sent si bon. C’est vraiment mon nouveau parfum préféré, l’odeur de Wes. Un mélange
de lui et d’une fragrance musquée. Il m’intime alors de lui parler de moi et c’est ce que je fais.

Je lui raconte des bribes de mon enfance, comment sont mes parents. D’où viennent nos prénoms à
mes frères et moi. Comment j’ai rencontré ma meilleure amie et pourquoi mon père garde le fol
espoir de me voir m’orienter vers une grande carrière d’avocate, comme lui parce qu’il trouve mon
rêve complètement déraisonnable.

Il s’enquis de ma couleur préférée. Je lui décris du mieux que je peux cette nuance qui balance entre le
vert et le bleu, mais je me garde de lui dire que c’est la couleur de ses yeux. Je lui confie aussi que
j’aime les cœurs.

— Les cœurs ?

— Oui, les cœurs !

— OK.

— Ne te moque pas ! Toutes les filles aiment les cœurs.

Je garde pour moi que dernièrement c’est nos initiales que je dessine dans les cœurs… Je m’éclaircis
la voix et lui le sonde à mon tour.

— Hum… Et toi ? Tu as un frère donc ?

J’hésite un peu à ramener ça sur le tapis, mais je meurs d’envie d’en savoir plus

— Non.

— Ah non ? J’ai cru que... enfin comme il a ajouté « mon frère »

— Il l’était. Il était mon frère.

Wes a vraiment l’art et la manière d’attiser ma curiosité

— Et ?

— Et, il ne l’est plus.

— Vous vous connaissiez depuis longtemps ?

— Depuis toujours.
OK, j’ai compris, c’est un sujet sensible.

Qui que soit ce Dante, il a dû faire quelque chose de vraiment moche pour qu’il se ferme à ce point.
Je change de sujet…

— Tu sais que la combinaison de mécano te va plutôt bien.

Il me fait ce sourire en coin, celui qui me fait craquer.

— Merci bébé.

— Et la mécanique ?

— Mmmh

— C’est ce que tu as toujours voulu faire ?

— Mon père est mécano comme tu le sais alors la mécanique s’est en quelque sorte imposée à moi.

Vous ai-je avoué que je trouvais les mécanos absolument sexy ?

— C’est un beau métier, mais ça doit être fatigant, non ?

— C’est sûr, mais je n’en fais plus tellement.

— C’est à dire ?

— Je veux dire de la mécanique pure et dure. Je m’occupe maintenant surtout de retaper les voitures,
les anciennes ou de collection.

— C’est intéressant ! lui souris-je.

De sa main, il saisit mon menton pour relever mon visage vers lui.

— Pas aussi intéressant que lorsque tu as parlé d’une combinaison qui me va plutôt bien.

Sa voix est terriblement sensuelle et ses yeux brillent d’un éclat concupiscent. Je déglutis bruyamment
et souffle,

— Elle te va plus que bien.

Comment puis-je me concentrer quand maintenant il dépose de légers baisers sur mes lèvres ?

— Dit. Baiser. M’en. Baiser. Plus

Je pose la main sur son torse ferme et le caresse lentement à travers son T-shirt pendant qu’il continue
ses baisers sur ma bouche et la ligne de ma mâchoire.

— Dis. M’en. Plus. répète-t-il.


— Quand je t’ai revu ce jour-là. Je ne pouvais plus penser qu’à une chose.

— Je t’écoute. me sussure-t-il langoureusement. Il descend lentement le long de mon cou sans


interrompre ses baisers. J’oublie presque que l’on est dans un lieu public quand je lui réponds à bout
de souffle.

— Je voulais tes mains sur mon corps.

— Comme maintenant ?

Il joint le geste à la parole et pose sa main sur ma clavicule.

— Oui. Comme maintenant.

Il entame une lente caresse de sa main vers ma poitrine qu’il pétrit délicatement à travers mon top.
J’ai soudain très chaud et très très envie de lui quand je lui avoue,

— L’autre jour, j’aurais voulu... que... que tu me prennes. J’en avais vraiment envie !

— Comme maintenant ? Tu en as envie ?

— Oui, oh oui ! J’en ai envie.

— Rentrons bébé parce que je risque de le faire. Putain ! J’ai une furieuse envie de te prendre, ici
même sur ce banc !

Je pique un fard quand je pose le regard sur son entrejambe. Je devine qu’il est effectivement aussi
excité que je peux l’être. Savoir que c’est moi qui lui fais cet effet me réjouit.

— Rentrons. Tu as raison.

Je ne donne pas dans l’exhibitionnisme…

Je souris quand il se redresse et réajuste son jean.

— Ne te marre pas, petite diablesse !

— Je ne me marre pas ! alors que je pouffe de rire.

— Attends qu’on rentre bébé, je peux te promettre que tu n’auras plus du tout envie de rire.

Plus tard, lorsque nous arrivons chez lui, il tient sa promesse parce que je n’ai définitivement plus du
tout envie de rire, mais de hurler. De plaisir.

Sa langue glisse sur ma peau et laisse une traînée brûlante. Ses dents me mordillent la clavicule. Ses
mains sur mes hanches me serrent. Lui descend lentement, profondément, en moi puis ressort
entièrement et recommence. De plus en plus vite. De plus en plus fort. Encore et encore.

— Mmmm c’est trop bon… gémis-je.


— Ça te plaît, bébé ?

— Putain ! Oui ! c’est bonnnn !

— T’aimes ça ? Redis-le-moi.

— Oui Wes... Ouiii ne t’arrête pas.

— Il n’y a que moi. Répète-le. Que c'est moi qui te fait ressentir ça !

— Ouiiii Ouiiiiii OUIII ! Que toi !!!

— Rien que moi !

Je répète inlassablement ses paroles, car c’est réellement ce que je ressens. Au plus profond de mes
entrailles, j’ai l’étrange sentiment de lui appartenir. Il me possède mentalement et physiquement.

— Rien que toi…

J’enserre sa taille avec mes jambes pour le rapprocher. Je veux qu’il sente à quel point il me rend
folle. Il se relève un peu et je crois l’entendre murmurer « à moi ».

Cela me suffit et je ne résiste plus, je laisse l’orgasme m’envahir. Il est puissant et déferle en moi
comme une vague. Un torrent. Un tsunami de plaisir. C’est violent. C’est divin.

Haletants et couverts de sueur, l’un comme l’autre, je m’interroge silencieusement à savoir si le sexe
avec Wes sera toujours aussi fabuleux. Comment cela peut-il être possible ? C’est chaque fois de
mieux en mieux !

— À quoi penses-tu ?

Sa question me surprend et interrompt mes pensées.

— À toi.

Il ne prononce pas un mot de plus et se contente de me tirer vers lui, de manière à ce que mon dos soit
collé contre son torse. Je n’ajoute rien non plus.

Le lendemain, après une bonne grasse matinée et Rassasiés, après un épatant petit-déjeuner, pancakes
et œufs brouillés made by Wes avec supplément sport en chambre, nous sommes dans sa voiture, en
chemin pour qu’il me dépose à mon appartement. Je découvre entre temps que sa splendide voiture
est un modèle Camaro de chez Chevrolet.

Je découvre aussi que je vais devoir rajouter une addiction de plus dans la liste de mes dépendances.
Après le chocolat et la caféine vient Wes… Quoiqu’il peut facilement détrôner le chocolat et se
classer directement en pôle position.

Putain !
Je suis accro à Wes.

Fatalement, irrésistiblement et définitivement accro.

Je suis accro à son odeur, à son sourire, à son corps et même à son fichu caractère. Mais tant que je
ne suis pas amoureuse, tout va bien ! Car, il est hors de question que je tombe amoureuse. Pas
question et pas tant que rien est défini entre nous.

***

Dans l’après-midi, je suis confortablement installée sur mon canapé après une bonne douche brûlante.
Je peux ainsi m’adonner à mon activité préférée « lézarder devant la télé » et me détendre... Cela ne
dure pas longtemps parce que mes yeux font un va-et-vient incessant entre l’écran et le post-it rose
fluo que j’ai retrouvé collé sur la porte de ma chambre « Rappelle ta mère et charge ton téléphone...
xx A. »

Bien que je sois une adulte responsable, majeure et vaccinée, je ne peux m’empêcher de ressentir une
pointe de culpabilité d’avoir délaissé ma famille, ces dernières semaines. Mais entre le travail, mes
amis et... Wes, il ne me reste plus beaucoup de temps, ceci expliquant cela.

Il ne reste plus qu’à le faire comprendre à ma mère, pensé-je tout en composant le numéro de chez
mes parents.

— Allo ?

— Bonjour, maman, c’est moi.

— Ella ! ma chérie comment vas-tu ?

— Bien. Très bien maman et toi ?

— Je vais mieux maintenant que je t’ai en ligne.

— J’ai été pas mal occupé ces derniers temps, me justifié-je enroulant une mèche de cheveux autour
de mon doigt.

— Je comprends, mais dois-je te rappeler que tu as une famille en dehors de Manhattan et que
dernièrement les seules nouvelles que j’ai de toi, je les tiens d’Abby.

— Je suis désolée maman, mais j’ai vraiment eu beaucoup à faire entre le travail et le reste...

— Le reste ?

— Je veux dire énormément de travail ! me reprends-je aussitôt.


— D’accord. Je voulais savoir si ton amie Abby venait toujours à la maison comme c’est prévu pour
Thanksgiving, tu sais que j’aime prévoir les choses à l’avance.

Habituellement, Abby passe toujours cette fête en notre compagnie, mais pas cette fois. Cette année, sa
présence est requise auprès de sa famille.

— Non. Maman, tu ne te rappelles pas ? je t’avais dit qu’elle ne serait pas là.

— Oh ! Comme c’est dommage. Je m’étais habituée à l’avoir auprès de nous, répond ma mère
légèrement déçue.

— Je sais, mais le mariage de sa sœur approche alors elle va en profiter pour donner un petit coup de
main et participer aux préparatifs.

— Je comprends. Tu pourrais peut-être inviter ton ami à se joindre à nous.

— Mon ami ? Lequel ?

— Celui qui prend tout ton temps ma chérie, au point que tu en oublies même de charger ton
téléphone…

Maman a toujours été très perspicace, mais je peux m’en sortir, il faut simplement changer de sujet
subtilement...

— Je ne vois pas de quoi tu parles, mais raconte-moi comment vont papa, Miles et Davis ?

— Tout le monde va très bien, mais il est inutile de changer de sujet.

— Je ne change pas de sujet... enfin pas tout à fait.

— Ella, nous serions ravies de rencontrer la personne que tu vois, je suis sûre que c’est quelqu’un de
très charmant

— Si on veut, oui.

— Parfait. Alors nous pouvons compter sur sa présence ?

— C’est juste qu’en fait, on n’est pas tout à fait ensemble...

— Mais tu l’aimes bien ?

— Oui...

— Alors ce doit être quelqu’un de bien.

— ...

— Je suis impatiente de rencontrer ce mystérieux jeune homme.

— Euh... OK ?
— Je dois te laisser, ton père m’appelle, fais bien attention à toi et embrasse Abby.

— OK, embrasse papa et les deux crapules.

— Je n’y manquerai pas. Au revoir ma chérie.

— Bye, m’man.

Je raccroche et me prends la tête entre les mains. Mais qu’est ce que je viens de faire ? Viens-je
vraiment d’assurer à ma mère que Wes allait se joindre à nous pour Thanksgiving ? Merde ! Merde et
re merde !

***

Au bureau, on assiste à un véritable remue-ménage. L’arrivée plus tôt que prévu dans les locaux du
fils prodigue entraîne de multiples remaniements et une réorganisation des différents services, dont le
mien. D’après les bruits de couloirs, Monsieur Miller aurait donné carte blanche à son jet-setter de
fils, trop heureux de le voir enfin mettre le nez dans les affaires familiales.

Tout le monde est sur le qui-vive et je ne parle pas de l’état de stress dans lequel se trouve Christina,
une vraie bombe à retardement, prête à exploser à tout moment.

L’intervention d’Elliott Miller ne lui plaît pas du tout, car, d’une part cela remet en cause sa façon de
travailler et de gérer les clients. Une gestion bien à elle, soit dit en passant.

Et d’autre part, elle perd de l’autonomie. Jusqu’à présent, Monsieur Miller lui laissait beaucoup de
souplesse sur le terrain tant que les résultats étaient là. Et de la souplesse, Christina en a à revendre.

Je suis plongée dans un dossier lorsque je reçois un message sur mon portable, je souris comme une
idiote, il vient de Wes.

[À quelle heure, je peux passer te prendre du bureau ?]

Je lui réponds dans la foulée.

[Autour de 18 h]

[OK]

Voilà qui est clair et précis, sans fioritures. Tout comme Wes.

Je lui avais rapidement parlé de l’endroit où je travaillais, mais je ne pensais pas qu’il s’en serait
souvenu ni qu’il ait l’idée de venir me chercher...

Je termine de saisir les derniers détails de mon dossier et éteins mon ordinateur. Je regarde l’heure,
dix-sept heures cinquante-cinq. C’est parfait, je suis pile dans les temps.

— Tu es encore là toi ?

C’est Evan, lui aussi est sous l’eau depuis l’annonce des probables réaménagements. En tant que
consultant, il se pourrait que l’on transplante son terrain de prospection vers nos bureaux de Seattle,
mais rien n’est encore décidé pour le moment. Je crois que c’est ce qui met tout le monde dans un tel
état de nerfs, le fait de ne rien savoir, Evan y compris.

Je suis d’ailleurs étonnée de le voir rentrer à une heure décente, dernièrement il est toujours dans les
premiers arrivés et les derniers partis.

— Tu rentres aussi ? C’est super, tu termines si tard ces derniers temps.

— Ouais, ne m’en parle pas, je passe tellement d’heures au bureau que je vais finir par coucher sur
place.

— Tu n’en sais toujours pas plus ?

— Non, rien n’a filtré pour l’instant.

J’imagine que, si l’on devait m’envoyer à l’autre bout du pays, moi aussi je serais aussi abattue qu’il
en a l’air.

Lorsque nous passons l’énorme porte vitrée du building, je me tourne vers mon collègue, il a les
traits tirés et l’air épuisé. Evan est plutôt bel homme avec un physique athlétique, un visage ovale, des
cheveux blond foncé légèrement ondulé et des yeux bleus. Je sais d’ailleurs que beaucoup de nanas
sur le site craquent pour lui et ne feraient qu’une bouchée de l’adorable homme au regard pétillant
que j’ai l’habitude de côtoyer. Mais là, son air las et ses yeux éteints me font tellement de peine
qu’avant de nous quitter, je le prends dans mes bras pour lui témoigner mon soutien.

— Je suis sûre que tout va bien aller. T’es un gagnant, souviens-toi !

— Merci, Ella, je ne sais pas ce que je ferai sans toi !

— Tu ferais tout pareil !

— Pas sûr…

Je jette un regard circulaire et repère un peu plus loin la voiture de Wes. Il est déjà là, stationné en
double file.

— Evan, je dois filer, mais n’hésite pas si tu as besoin de moi, je suis là !

— Je m’en souviendrais.

Je me précipite en direction de la voiture de Wes, trop heureuse de le revoir. Quand j’arrive, j’ouvre
la portière et m’installe.
— Tu attends depuis longtemps ? m’informé-je quand il pose ses lèvres sur mes lèvres.

— Assez pour te voir enlacer un autre homme.

— Bien que je te trouve mignon quand tu es possessif, tu n’as pas de soucis à te faire, c’est juste Evan.

— C’est ton meilleur ami aussi ce Evan ?

— C’est un collègue, et mon ami en effet.

— Je préfère que tes amis se contentent de te serrer la main.

Je pouffe de rire, mais m’arrête quand je comprends qu’il en fait très sérieux. Je lui explique un peu
la situation.

— Écoute, il traverse une sale période et avec tout ce qui se passe en ce moment au bureau, il a besoin
de soutien.

— Qu’il trouve du soutien ailleurs, chez sa nana par exemple.

— Il est célibataire.

— Raison de plus !

Je soupire bruyamment et lui répond d’une voix rassurante,

— On est juste amis. Il n’y a pas de quoi en faire tout un plat promis.

— Bébé, je suis sérieux. Hors de question qu’un autre que moi pose ses mains sur toi !

Je le regarde perplexe.

— Et depuis quand as-tu l’exclusivité sur mon corps ?

— Depuis que tu es à moi.

Même si je le trouve absolument adorable de me revendiquer comme sienne, il faut qu’il comprenne
certaines choses.

— Wes, je ne suis à personne…

— Tu te trompes bébé, tranche-t-il.

Quelle tête de mule ! Il ne veut pas comprendre qu’il est le seul homme qui compte pour moi. Ça
devrait être assez pour le rassurer, non ? Je change de sujet et je lui demande :

— Et sinon, ou est-ce que tu m’emmènes comme ça ?

— D’abord boire un verre et ensuite si tu es d’accord, on pourrait passer dîner avec mon père.
— Avec plaisir Wes, j’en serais ravie.

Son père est un homme vraiment charmant et le revoir me ferait réellement plaisir.

— Lui aussi est content de te revoir, affirme Wes.

— Ton père à l’air d’être quelqu’un de super !

— Ouais, c’est un homme bien…

— Tout comme son fils !

Wes prend une grande goulée d’air.

— Allez viens, on y est ! fait-il alors qu’il vient d’arrêter la voiture. Il coupe le contact et reste
quelques secondes à observer l’horizon. Je l’étudie et me rend compte de deux choses ce soir le
concernant que je n’avais pas remarqué jusqu’ici.

La première, c’est qu’il accepte difficilement les compliments et la seconde, il ne parle jamais de sa
mère. Jamais.
Chapitre 18

Après avoir stationné la voiture à quelques rues de là. Nous sommes au Press Lounge, un bar rooftop
situé au dix-septième étage, proche des rives de l’Hudson.

— La vue sur la ville est à coupé le souffle, merci Wes, m’enquis-je alors qu’une serveuse prend nos
commandes, un Cosmopolitan pour moi et un soda pour Wes.

— De rien, bébé.

— Tu viens souvent ici ?

— Ça m’arrive.

— Et voici, il vous faut autre chose ?

C’est la serveuse, un peu trop chaleureuse à mon goût avec Wes.

— Ça ira, merci.

— Si vous avez besoin de la moindre chose, faites signe.

Wes lui fait un petit hochement de la tête.

— N’hésitez pas.

— Hum…

Je m’éclaircis la voix pour rappeler à cette nana que je suis là !

— Au fait, je suis Natacha.

Elle ne manque pas d’air miss crinière blonde platine et Wes qui la remercie avec soin et qui lui
sourit !

Sans déconner ? Ce n’est pas juste un rictus… Mais un franc sourire !

— Tu veux peut-être que je vous laisse ?

— De quoi parles-tu ? m’interroge-t-il, étonné.

— Natacha et toi.

— Natacha ? Tu veux dire la serveuse...


Je hoche simplement la tête en guise de réponse.

— Tu es jalouse ? J’aime ça.

— Moi pas, crétin. Tu sais où sont les toilettes ?

Il m’indique du doigt une direction que j’empreinte. J’ai besoin de m’éloigner parce que je
commence sérieusement à être agacée. Avec lui, j’ai dû m’armer d’une patience infinie pour qu’il
daigne m’accorder un semblant d’attention. Et là, sans le moindre effort de la part de cette Natacha, il
est adorable et tout sourire.

Quand je retourne auprès de Wes après m’être raisonnée un bref moment, il n’est pas seul.
Évidemment ! Je la retrouve installée à ma place… Je grince silencieusement des dents, mais
conserve un calme apparent.

— Ne vous dérangez pas pour moi, je récupère juste mon sac.

Sur ces mots, je tourne les talons et quitte la table. Je me dirige vers l’un des ascenseurs et essuie une
larme de frustration. Dehors, j’empreinte une direction au hasard dans l’espoir de trouver rapidement
un taxi quand on agrippe ma main. C’est Wes.

— Qu’est-ce qui te prend ? me demande-t-il furieux.

Sérieusement ? Est-ce que c’est une blague ? Ce qui me prend ? Comme s’il n’avait pas remarqué !

— Je ne voulais pas vous déranger plus longtemps toi et ta copine peroxydée…

— Viens, suis-moi.

— Non.

— Tu. Viens. Avec. Moi, articule-t-il d’un ton sans appel.

Sans me laisser un temps de réponse, il empoigne fermement ma main dans la sienne et me traîne
derrière lui m’obligeant à le suivre. On arrive vite devant la voiture, là, il se tourne vers moi sans me
regarder et parle d’une voix sèche.

— Monte.

Il est furax, mais bordel, il dégage quelque chose de bestial, d’intense qui me pousse à monter dans la
voiture sans tarder. Il est en colère, mais je crois que je ne l’ai jamais trouvé plus sexy qu’en ce
moment.

Bon sang ! Concentre-toi, Ella !

Ça devrait être à moi d’être hors de moi et non l’inverse...

Il démarre sans un mot. Le silence s’installe dans l’habitacle et la tension est à couper au couteau. Cela
devient vite étouffant, mais il n’est pas question de céder ! Je le laisse dans son mutisme et observe les
rues défilées par la fenêtre de mon côté. J’imagine qu’il va me déposer chez moi…

Tant mieux !

J’ai conscience d’agir de façon immature, mais je n’y peux rien, surtout pas quand la jalousie
s’infiltre sournoisement dans mes veines. Une petite voix dans ma tête m’affirme que je me suis peut-
être légèrement laissée emporter, mais je l’étouffe rapidement. La ferme !

Lorsqu’il s’arrête enfin, nous sommes sur l’esplanade près des rives de l’Hudson. Le soleil est déjà
couché réduisant ainsi le nombre de visiteurs sur la promenade pavée de dalles grises qui borde les
berges. Cela ajoute un cadre intimiste au tableau fantastique que l’endroit renvoi.

Wes sort rapidement de voiture et fait le tour pour m’ouvrir. Je descends à contrecœur puis nous nous
engageons côte à côte sur la promenade qui est parsemé de nombreux bancs en bois à perte de vue
permettant d’admirer la vue qu’offre le lieu sur les gratte-ciels et le pont de Brooklyn
magnifiquement illuminé de nuit. Le silence est à peine troublé par le murmure de l’eau.

Je l’interroge.

— Pourquoi m’as-tu amené ici Wes ?

— Pour qu’on parle.

— Il n’y a rien à dire… lâché-je haussant les épaules.

— Je crois que si. Tu te casses sans un mot. Tu m’expliques ?

— Quoi, sérieusement ? Reprends-je en me retenant de rire nerveusement, parce que tu as envie de


parler ? Première nouvelle !

— Ne joue pas sur les mots ! Pas avec moi !

J’expire lentement l’air que je retenais malgré moi.

— OK, alors disons que tu flirtais, je suis partie, point.

— Je flirtais ? Depuis quand répondre poliment c’est flirter ?

— Dixit le mec qui m’a rembarré un paquet de fois avant qu’on puisse avoir ne serait-ce qu’un
semblant de conversation civilisé !

— Quel est le rapport ? réplique-t-il calmement.

Arghhh, il m’exaspère…

— Le rapport ? Cette miss blondasse n’a eu qu’à se trémousser un peu pour avoir droit à ton attention
! Je sais qu’on ne forme pas un couple, du moins pas officiellement, je sais aussi que tu es libre de
faire ce que tu veux. Seulement, quand je suis avec toi, tu pourrais avoir la décence d’éviter de
roucouler sous mon nez ? Ne serait-ce que par respect !
J’ai besoin de m’éloigner parce que je me sens soudain ridicule d’en faire tout un plat alors qu’on
n’est pas ensemble… Je veux dire, on couche ensemble, mais il n’est pas mon mec ! Nous n’avons
rien défini. Enfin si, il m’a dit qu’il ne voulait rien de sérieux.

Merde !

Je suis vraiment la reine des idiotes.

Je me pose rageusement sur un banc et masse mes tempes devenues subitement douloureuses.

Mon attention est attirée par un amas de lumière au loin qui déchire la nuit. C’est un ferry qui rejoint
l’île de Manhattan. Je me concentre sur cette vision ce qui me permet de ne pas suivre Wes des yeux
quand il s’approche et s’installe près de moi.

— Tu as tout chamboulé, souffle-t-il.

Je redresse la tête vers lui… Mais de quoi parle-t-il ?

— Tu es entré dans ma rame de métro, dans ma salle de sport, dans mon appart, dans ma vie et merde
même jusque dans mon caleçon !

Je me retiens difficilement de sourire.

— Le caleçon et l’appart je veux bien, mais je te signale que le reste est une coïncidence

OK, ça ne le fait pas rire...

— Tu as renversé les choses. L’ordre que je m’impose… Mais tu sais quoi, bébé ? Tu as raison.

Est-ce qu’il pourrait au moins arrêter de m’appeler par ce surnom qui me fait fondre alors que je
sens la « rupture » de notre... notre quoi d’ailleurs ?

Je déglutis et lui demande,

— À propos de quoi ?

— On n’est pas ensemble.

J’en étais sûre… Qu’est ce que je croyais ?

Rien du tout, mais alors pourquoi ces mots ont un impact aussi douloureux sur moi ?

Il m’étonne quand il reprend d’une voix résignée.

— Et pourtant, tu m’appartiens.

Euh... Je suis dans une dimension parallèle ou quoi ? Parce que je ne suis pas sûre d’avoir bien
compris...

Il est en train de rompre, non ?


D’ailleurs, c’est du grand n’importe quoi ! Il ne peut pas rompre alors qu’on n’est même pas
ensemble…

— Le jour où tu as posé tes yeux sur moi, je savais que tu serais ma perte.

Je suis abasourdie par ce qu’il dit. Je reste sans voix…

— Bébé, tu comprends ?

Non. Non, je ne comprends rien…

— Je ne suis pas sûre de te suivre Wes, qu’est-ce que ça veut dire ?

— Ça veut dire que je préfère ma vie depuis que tu en fais partie, affirme-t-il son splendide regard
plongé dans le mien.

Je retiens mon souffle, il a vraiment dit ça ? J’expire longuement et me lance à mon tour.

— Tu sais, j’aime mieux ma vie depuis que tu y es aussi...

Il acquiesce non sans ajouter son irrésistible sourire en coin.

Si je suis sa perte comme il le dit, alors lui est mon abîme.

Je me perds dans ses yeux d’une profondeur abyssale jusqu’à ce qu’il tend la main. Il la pose sur ma
pommette et me caresse délicatement avec son pouce. Je déglutis et lui pose une question qui me
tourmente depuis des semaines.

— Et donc... Tu vois, euh... D’autres filles ?

J’ai vraiment besoin d’avoir la confirmation.

— Pas depuis toi !

J’expire de soulagement.

Il arque un sourcil à mon intention. Je réponds à sa question silencieuse.

— Moi non plus. Je ne vois personne, enfin personne d’autre que toi, je veux dire...

Ressaisis-toi, Ella… On dirait une imbécile…

— Viens par là.

Il m’ouvre grand ses bras mettant un terme à mon trouble et je m’y loge avec une joie non dissimulée
!

Les bras chauds et forts de l’homme qui m’électrise uniquement par la force de ses regards.

Je m’interroge soudain. Dois-je comprendre qu’il m’appartient ?


Je crois que oui… Bien sûr qu’il m’appartient et je lui appartiens aussi. J’ai presque envie de hurler
de bonheur autant que de pleurer. Je n’ai jamais eu besoin d’exprimer ce sentiment d’appartenance
avant Wes, mais avec lui c’est différent. Tout est diffèrent et plus intense.

On passe un long moment dans les bras l’un de l’autre avant que Wes me rappelle que son père nous
attend toujours pour le dîner. Cela me rappelle subitement quelque chose et cela me ramène à la
conversation de l’autre jour avec ma mère.

— Tu as quelque chose de prévu pour Thanksgiving ?

— Nope, pourquoi ?

— Si tu es d’accord, tu es le bienvenu chez les Prescott.

— On est ensemble depuis moins d’une heure et tu veux déjà me présenter à tes parents ?

Je me retiens de pouffer de rire… C’est sûr que niveau timing il est dans le vrai.

— Ce n’est qu’un repas et puis ma mère fait toujours trois fois trop à manger alors...

— Je ne sais pas, les repas en famille, hésite-t-il.

— Ne te méprends pas, en réalité, j’ai surtout besoin d’un chauffeur.

— Dans ce cas, je serais ton chauffeur bébé.

— Monsieur Hamilton, vous êtes si généreux, confirmé-je avant d’éclater de rire quand il m’attrape
par la taille et glisse ses doigts sous mon chemisier.

***

Le samedi suivant, en plein milieu de l’après-midi et depuis plus d’une heure maintenant, nous
sommes Abby et moi dans une boutique très chic. L’endroit propose un large choix de tenues et
l’essayage de robes de demoiselles d’honneur pour le mariage d’Adaline, la sœur d’Abby s’éternise.
Vous ai-je dit que je fais partie des demoiselles d’honneur ?

L’une de ses meilleures amies est enceinte donc officiellement inapte pour le poste. Officieusement,
Adaline est, en réalité légèrement superficielle et ne souhaitait pas que le ventre proéminent de son
amie déséquilibre les photos de son mariage. Voilà pourquoi, dans un grand élan de générosité de sa
part, j’ai été désignée...

— Alors, raconte-moi tout, comment ça avance avec ton sexy Wes ? Vous vous êtes vus souvent ces
derniers temps, ça a l’air de devenir sérieux vous deux, je me trompe ? me questionne Abby...

— Mmmh... que veux-tu que je te dise ?


— Allez ! Je veux des détails.

— Wes est... il est tellement... intense !

— Ça, je veux bien le croire ! Au fait, ses tatouages ! Ça fait un moment que je me pose la question.
Jusqu’où vont-ils ? m’interroge-t-elle avec un clin d’œil suggestif.

— Alors là, tu peux courir ma vieille pour que je te révèle ça !

— Ben, quoi ?

— En parlant de tatouages, l’autre jour Wes m’a présenté son tatoueur et ami de longue date. Cela ne
dérange pas Abby que je change de sujet subitement.

— Trop top ! Est-ce qu’il est comme dans les films ? Le genre un peu bourru ?

— Euh... plutôt le genre adorablement séducteur.

— Ah oui, séducteur comment ? Miam !

— Abby !

— Quoi ? Ce n’est pas parce que je suis au régime que je ne peux pas regarder le menu !

J’éclate de rire ! Ça c’est du Abby tout craché !

— Linc est un type bien, très gentil et j’avoue qu’il est également vraiment pas mal pour son âge.

— Tu sais ? C’est peut-être la bonne occaz pour faire mon tatouage !

— Un tatouage ? Depuis quand en veux-tu un ? Tu n’en as jamais parlé avant.

— Ah bon ? rétorque-t-elle les yeux dans le vague…

On dirait qu’elle réfléchit sérieusement à son idée.

— Pitié Abby ! Je suis sûre que tu viens d’en avoir l’idée à l’instant... Et, que tu songes à te faire
tatouer les initiales de Carter ou quelque chose comme ça !

— Noooonnnnn jamais. Bon d’accord, j’avoue que c’est ce qui m’a traversé l’esprit en premier, mais
je préfère attendre que l’on soit mariés avant, sinon ça risquerait de le faire légèrement flipper.

— Oui, je suis certaine qu’après le mariage c’est plus raisonnable... lui lancé-je pas du tout rassurée
parce qu’elle peut faire n’importe quoi par impulsivité.

Mais avant que je la supplie de prendre son temps et de réfléchir sérieusement avant de saute le pas
pour un tatouage, elle change de sujet à son tour.

— Il faut absolument que je te raconte, j’ai invité Carter au mariage de ma sœur et il est d’accord
pour venir ! Il va faire la connaissance de la famille Duncan au grand complet, ce n’est pas génial ça ?
— Si très ! Au fait, je t’ai trouvé un remplaçant pour Thanksgiving.

— Qui ça ?

— Wes. Il est d’accord pour m’accompagner.

— Quoi ? Et comment vas-tu le présenter à tes parents ? Papa, maman voici le beau ténébreux qui me
fait grimper aux rideaux énonce Abby. Elle continue en grimaçant, surtout pas de question
personnelle, car il ne veut rien de sérieux et il démarre au quart de tour donc essayez de ne pas
l’énerver !

— C’est un peu près ça... souris-je silencieusement.

— Je donnerais volontiers tout ce que j’ai pour assister à ce repas.

— Abby, la ferme tu veux bien ! Figure-toi que je comptais le présenter comme mon petit ami…

Elle ouvre grand la bouche.

Je ne tiens pas compte de son air ahuri et continue mon explication,

— Il se trouve que nous aussi on est devenu plus ou moins officiel...

— Aaahhh et tu ne m’avais rien dit ? Petite garce ! C’est absolument génial ! Raconte...

Abby est dingue, c’est vrai et toute la boutique de robes en est témoin. Mais elle est plus que ravie
quand je lui raconte tous les détails de la conversation que nous avons eu Wes et moi.

Bien qu’elle ne montre rien, je devine qu’elle s’inquiète encore pour moi, et cela depuis le début de
cette histoire...

Mais elle n’a rien à craindre, et moi non plus, n’est-ce pas ?

Avec Wes, tout est clair maintenant, non ?

Enfin, je l’espère.

En réalité, j’ignore qui j’essaie de convaincre…

Nous terminons les essayages avant de rentrer à l’appartement.

Pendant tout ce temps, je dissimule l’angoisse naissante qui grandit en moi et m’étreint avec force.

Depuis le commencement, je me retrouve emportée dans cette histoire qui m’effraie autant qu’elle me
grise, presque malgré moi. Je ne maîtrise plus rien… Ni la puissance de mes sentiments ni l’intensité
de l’attirance que j’ai pour lui. Il représente la tentation et quel autre choix j’ai, sinon d’y céder ? Il est
l’exception qui confirme la règle, mon évidence, mon unique exception…
***

J’apporte l’ultime touche à mon maquillage, un peu de gloss sur mes lèvres, voilà c’est parfait. En
tout cas, cela fera l’affaire pour aujourd’hui. J’attends Wes qui doit arriver d’une minute à l’autre. Ce
soir, nous nous rendons chez mes parents pour le dîner de Thanksgiving, une fête importante chez les
Prescott, autant dire que je panique à mort.

La journée a débuté merveilleusement, pourtant je ne suis pas loin de la crise de nerfs. En revanche,
lorsque je repense à ce matin, je ne peux empêcher un sourire de s’imprimer sur mes lèvres. Avec
Wes, nous avons passé la matinée dans mon appartement, à admirer la fameuse parade de Macy’s à la
télévision, lovés tendrement dans les bras l’un de l’autre sur le canapé du salon. Lorsque nous
sommes ensemble lui et moi, la Terre pourrait s’arrêter de tourner que je ne m’en apercevrais même
pas.

Nous sommes restés ainsi jusqu’à ce que Wes me quitte pour rejoindre son père un peu avant l’heure
du déjeuner. D’après ce que j’ai pu comprendre, Wes et son père se commandent chaque année un
plateau-repas à emporter au resto du coin en guise de déjeuner, pour ensuite se séparer durant le reste
de la journée. Chacun occupant son temps comme il le souhaite.

Je jette encore un coup d’œil à ma tenue, c’est assez habillé pour le repas de ce soir. Je porte une
petite robe noire à motifs transparents sur le devant et j’ai lissé mes cheveux.

Pour mes parents, Thanksgiving est une fête importante et ma mère n’hésite pas à mettre les petits
plats dans les grands pour l’occasion. D’ailleurs, tous les ans, le programme est le même, j’arrive la
veille avec Abby et m’occupe des desserts pendant que maman est aux fourneaux sauf que cette année
j’arriverais plus tard, sans Abby et accompagnée de Wes.

Après son départ, je me suis activée à la préparation des tartes pour le dessert. Je n’en fais pas moins
de trois chaque année, toujours les mêmes d’ailleurs, c’est la tradition ! D’abord celle à la noix de
pécan (ma préférée) ainsi que la tarte à la citrouille et la tarte à la pomme, respectivement les
favorites de mes frères. Alors que je jette un coup d’œil à ma montre, j’espère silencieusement que
les choses vont bien se passer. Mes parents sont des gens affectueux et ouverts donc je n’ai pas de
soucis à me faire de leurs côtés. Wes sera accueilli chaleureusement, seulement il n’est pas du genre
très bavard — c’est le moins qu’on puisse dire — j’imagine que mes parents vont vouloir en savoir
plus sur l’homme que je fréquente. Ce qui est logique… Et c’est plutôt cette perspective que je
redoute. Wes se prêtera-t-il au jeu ?

La sonnerie de l’entrée retentit et me sort de mes pensées. Lorsque j’ouvre la porte, je me décroche la
mâchoire devant la vision de rêve qui se tient face à moi. Wes est beau à tomber, et il porte une
cravate ? Wouah ! Je n’en attendais pas tant…

Il porte également une élégante chemise grise près du corps et un jean noir qui mettent en évidence
ses longues jambes musclées.

Seigneur, cet homme est un appel à la luxure !


— Tu vois quelque chose qui te plaît, bébé ? me questionne-t-il accompagné d’un clin d’œil suggestif.

Si seulement ce n’était que ça !

Bien sûr qu’il me plaît. Il me plaît au-delà du raisonnable…

L’aura autour de lui est magnétique et moi je suis électrisée. Je hoche la tête et l’interroge à mon tour.

— Et toi ?

Il me détaille lui aussi de haut en bas avec son sublime sourire en coin et bien que je porte des talons,
Wes mesure une bonne tête de plus que moi. Je dois donc lever la tête quand il pénètre dans
l’appartement pour ne pas quitter son regard.

— Absolument. Tu es magnifique bébé, déclare-t-il avant de plaquer ses lèvres pleines sur les
miennes.

J’enroule mes bras autour de son cou et savoure ce baiser. J’entrouvre la bouche pour céder le
passage à sa langue qui se mêle à la mienne. Il a un goût de menthe et de cigarettes. Depuis que l’on
passe plus de temps ensemble, j’ai pu remarquer que Wes ne fumait pas énormément en temps normal
sauf quand il est très nerveux ou très en colère…

Malgré l’assurance qu’il dégage en permanence, je devine qu’il doit être un peu tendu à l’idée de
rencontrer mes parents. Présenté comme ça, on imagine immédiatement le repas formel avec la
présentation officielle, mais il ne devrait pas avoir de soucis à se faire, tout va se passer à merveille !
Peut-être que si je me le répète un nombre incalculable de fois, je vais finir par le croire…

— Merci, Wes ! Tu n’es pas mal non plus... Tu me suis ? J’ai besoin de tes bras costauds une minute
mon chéri.

— Mes bras sont à toi bébé, pour une minute... ou pour la nuit.

— C’est tentant Wes, vraiment ! Mais on va être en retard.

S’il savait à quel point c’est tentant même, mais je doute qu’arriver en retard soit une brillante idée
alors je lui prends la main et le conduit à ma suite jusque dans la cuisine.

— C’est quoi tout ça ? s’exclame-t-il alors qu’il m’emboîte le pas.

— Euh... le dessert et quelques muffins

— C’est pas un peu trop bébé ?

— On en reparle quand tu auras goûté à mes douceurs.

— Ça tombe bien, j’ai très faim, me susurre-t-il.

Je me retourne pour lui déposer deux tartes dans les mains et me retrouve devant un regard lubrique
et langoureux.
— Wes ! Je parlais des tartes...

M’apercevoir qu’il me désire en permanence fait énormément de bien à mon ego qui fait des bonds.

Le trajet dans la voiture de Wes est agréable si bien que nous arrivons rapidement. Lorsque nous nous
garons dans l’allée qui borde l’entrée de la maison de mon enfance, la porte s’ouvre. Les bras
chargés, nous avançons jusqu’à l’entrée où nous attend ma mère.

— Ella, ma chérie vous voilà enfin !

— Bonsoir maman, joyeux Thanksgiving !

Elle est ravissante, comme toujours peu importe ce qu’elle porte, mais ce soir dans sa robe anthracite,
il émane d’elle une classe naturelle. Maman est encore jeune pour son âge et bien qu’elle ait eu trois
enfants, elle reste une très belle femme avec son visage en forme de cœur.

— Joyeux Thanksgiving les enfants, mais ne rester pas là ! Entrez et déposez tout ça ici en nous
indiquant la petite table du vestibule.

— Ella, c’est beaucoup trop ma chérie, une seule tarte aurait très bien fait l’affaire.

— Maman, laisse-moi te présenter Wes, Wes voici ma mère Judith Prescott.

— Enchantée de faire votre connaissance Wes.

— De même, Madame Prescott.

— Soyez le bienvenu chez nous et je vous en prie, appelez-moi Judith.

Depuis le salon, on entend mon père demander si je suis arrivée.

— Oui Dan, Ella est ici avec son ami.

— Allez-y ! Je dépose tout ceci dans la cuisine et vous rejoins dans un instant.

Je prends la main de Wes dans la mienne et nous dirige vers le salon où se trouve mon père. Il est
installé sur le sofa avec mes frères devant un match de football. On échange allègrement de « joyeux
Thanksgiving » avant de faire les présentations en bonne et due forme.

— Wes, voici mon père Dan.

— Daniel, corrige-t-il.

Je me tourne vers mon père, étonné, car tout le monde l’a toujours appelé Dan. Wes impassible ne
remarque rien ou fait comme si, et tend la main vers lui.

— Daniel, enchanté. Wesley Hamilton.

Wesley ?
OK. Génial !

La soirée promet d’être intéressante…


Chapitre 19

Heureusement que mes frères sont là, me dis-je intérieurement quand Miles tend son poing à Wes
dans une sorte de « check » pour le saluer, Davis l’imite aussitôt.

— Installe-toi mon pote, t’aimes le football au moins ?

Wes acquiesce et s’en suit une conversation sur quelle équipe fera la meilleure saison.

— Ma fille, tu nous as drôlement manqué aujourd’hui, me signale mon père.

Et pour cause ! C’est la première fois que j’arrive pour le dîner. D’ordinaire, j’arrive la veille avec
Abby et passe le week-end avec ma famille. Mais pas cette année…

— Vous aussi ! réponds-je joyeusement alors que je m’installe près de Wes.

— Et ton amie, comment va-t-elle ?

Je lève la tête en direction de papa.

— Abby va bien, elle m’a téléphoné hier, son vol s’est bien passé. Elle vous embrasse tous.

— C’est une fille épatante ! dit mon père.

— Ella banana quoi de neuf', c’est vraiment ton mec ou tu l’as loué pour l’occasion ? me chuchote
Miles près de moi avec un signe de tête vers Wes.

— La ferme, idiot ! lui chuchoté-je la mine réjouie et fière d’avoir un homme aussi splendide à mes
côtés.

— Wesley, quel est votre poison ? lui demande mon père pendant qu’il se sert un autre verre.

— Un soda si vous avez sinon un verre d’eau, répond poliment Wes.

— Un soda pour moi aussi, clame Miles suivi de près par Davis.

— Vous ne buvez pas ? l’interroge papa étonné.

Wes secoue légèrement la tête, je constate immédiatement qu’en effet, je ne l’ai jamais vu boire une
seule goutte d’alcool depuis que je le connais… Je me demande bien pourquoi.

Est-ce qu’il a un problème avec ça ? Il doit sentir que je m’interroge, car il me considère de ses
prunelles azur.
— Un petit verre ne peut pas faire de mal Wesley.

— Papa, il est assez grand pour décider, tu ne crois pas ?

— Tout à fait ! répond maman qui entre à cet instant dans la pièce.

— Un soda, OK les garçons. Je vous apporte ça, Ella, j’aurais besoin de ton aide en cuisine, tu veux
bien ?

J’hésite à laisser Wes seul, mais il incline la tête vers moi et ajoute un clin d’œil désinvolte. Je souris
béatement… Évidemment que ça ira pour lui, il est toujours tellement sûr de lui et plein d’assurance
en toute circonstance.

— Je reviens vite, dis-je en m’adressant à Wes et je quitte rapidement la pièce avant de faire quelque
chose de complètement stupide comme lui sauter dessus et m’attaquer à sa bouche sensuelle.

— Je ne vais pas manger ton ami ma chérie, ne t’inquiète pas, me lance papa de l’autre coté du séjour.

Euh… Comment dire à mon père que ce n’est pas pour Wes que je m’inquiète...

Avant de franchir la porte de la cuisine, je regarde en arrière et entends déjà mon père l’interroger
sur ce qu’il fait dans la vie.

Une fois dans la cuisine, maman se jette sur moi et me pose un tas de questions... Besoin d’aide ? Mon
œil !

— Tu ne m’avais pas dit que ton ami était beau comme un Dieu.

— Maman ! Dois-je te rappeler que tu es mariée ? lui dis-je en souriant pour la taquiner.

— Et bien ma fille, je ne te cache pas que si j’avais quelques années de moins...

— Pitié non ! Je ne veux pas entendre ça de la bouche de celle qui m’a mise au monde, ça sonne trop
bizarre !

Ma mère qui fantasme sur Wes égale erreur de téléchargement dans mon cerveau.

— Quand on voit comme il te regarde, il n’y pas de doute qu’il est très mordu lui aussi, dit ma mère
les yeux dans le vague. Je reconnais ce regard ! Oh non ! Je parie qu’elle m’imagine en robe blanche
remontée l’allée du jardin.

— La Terre à maman ?

J’insiste en passant une main devant son visage

— Tu ne m’as pas dit comment vous vous étiez rencontrés.

— C’est une longue histoire.


— Tu n’as qu’à me faire la version courte.

— On s’est rencontré dans le métro et c’est aussi lui qui nous a sauvé la mise à Abby et moi quand
nous sommes tombées en panne d’essence. Tu te souviens ? Je t’en ai vaguement parlé au téléphone,
insisté-je zappant délibérément l’épisode de notre première rencontre.

Inutile de préciser tous les détails et faire flipper davantage mes parents.

— C’est très chevaleresque de sa part, me coupe-t-elle.

Je pouffe de rire.

— Qui dit encore chevaleresque de nos jours ?

— Ne sois pas impertinente jeune fille, me sermonne-t-elle.

— Ça sent extrêmement bon en tout cas !

Je la félicite parce qu’une fois encore maman s’est surpassée en cuisine quand je vois tout ce qu’elle a
préparé pour le repas de ce soir. L’énorme dinde et sa fameuse farce qui se transmet de mère en fille
depuis des générations. C’est ce qu’elle se plaît à répéter lorsqu’on lui demande la recette de sa farce.
Nous avons aussi de la purée de patates douces, des haricots verts et de la sauce de canneberge au
menu.

À mon retour dans le salon, je retrouve mes frères agglutinés devant le match qui passe sur l’écran,
mais mon attention est vite attirée par un autre duo. Le duel entre les deux hommes, assis l’un en face
de l’autre qui se dévisagent en chien de faïence. Je m’éclaircis la voix.

— Hum… C’est prêt !

— C’est pas trop tôt ! Je crevais de faim, s’exclame mon frère.

— Miles ton langage, le réprimande mon père avant de partir en direction de la salle à manger qui
jouxte la cuisine tandis que Wes avance vers moi.

— Tout va bien ? lui demandé-je un peu inquiète par la scène que j’ai surprise un peu avant entre eux.

— Parfaitement bébé, me susurre-t-il à l’oreille de sa voix grave.

Je relève la tête vers lui et étudie son visage le prenant entre mes mains. Il est détendu et ses iris ne
m’ont jamais semblé aussi beaux.

La table est parfaitement dressée et bien garnie. Mes parents sont installés chacun en bout de table,
leurs places respectives. Miles et Davis en face de Wes et moi. Après de rapides grâces pour bénir ce
repas, on entame la dinde qui est délicieuse en faisant fi du silence gênant qui s’installe autour de
nous. On se passe les plats et résonne uniquement le bruit des couverts qui tintent dans les assiettes.

J’ai raté quelque chose ou quoi ?


Jamais ma famille n’a été aussi silencieuse, d’ailleurs c’est plutôt tout l’inverse. Même le vin qui
coule à flots n’arrive pas à les dérider. Je m’éclaircis la voix.

— Alors quoi de nouveau depuis ma dernière visite ?

— Figure toi que ton frère ici présent n’a rien trouvé de mieux que se battre avec le fils des voisins !
nous raconte ma mère.

— C’est un gros naze ! grogne Miles.

— Qu’est-ce qu’il t’a fait ? me renseigné-je alors que je bois une gorgée de vin.

— Ne lui trouve pas d’excuses, la violence ne résout jamais les choses, rétorque mon père.

— Je suis d’accord Dan, ajoute ma mère.

— Quelle surprise... souffle Miles comme si tu pouvais ne pas être d’accord avec ton mari.

— Un peu de tenue à table, je te prie, réprimande mon père.

— Qui a gagné ? interroge Wes.

— C’est moi bien sûr ! Qui d’autre ? répond fièrement mon frère.

— Bien joué mec ! lui lance Wes.

— Inutile de l’encourager. J’invite mes enfants à préférer le dialogue à la violence.

— Ça ne fonctionne pas toujours, enchaîne Wes en fixant mon père.

— Merci, mon pote ! C’est ce que je répète sans arrêt à mes parents, mais ils ne veulent rien entendre.

— J’entends bien au contraire. Seulement, je te répète que se battre c’est pour les ignorants, enchérit
mon père.

— C’est ce que disent les mauviettes en général, réplique l’homme tatoué à mes côtés.

— Qu’insinuez-vous ?

— Papa, je crois que ce que voulais dire Wes.

— Ne parle pas pour lui, ma chérie !

Vu la tournure que prend la discussion, je préférais encore le silence.

Ça ne se passe pas du tout comme prévu...

— Hum, Ella, comment se passe ton travail ?

J’apprécie ce changement de sujet qui tombe à pic et remercie silencieusement ma mère d’un bref
hochement de tête.

— Ça tombe bien que tu en parles, Evan, tu sais ? Mon collègue que tu as rencontré l’autre jour… Il
voulait justement passer te voir à ton cabinet papa, retournant mon attention vers lui, si tu as le temps
bien sûr ? Je crois qu’il a parlé de quelques conseils juridiques.

— Je me rappelle de lui, un jeune homme qui a de l’avenir ce Evan. Je regarde mon agenda et te passe
un coup de fil dès lundi, Ella.

Le long regard insistant de mon père envers Wes n’échappe à personne et surtout pas au principal
concerné dont la mâchoire se contracte. Merci papa de plomber encore une fois l’ambiance ! Je ne
comprends pas son attitude de ce soir.

Quel est son problème ? Il ne s’est jamais comporté de la sorte auparavant. Wes s’éclaircit la voix et
demande s’il peut utiliser la salle de bain. Je me lève agacée.

— Suis-moi, je t’accompagne.

Il se lève à son tour et me suis. Je l’entraîne dans la salle de bain du premier, confuse et gênée du
comportement déplacé de mon père vis-à-vis de lui, qui est quand même notre invité, bordel ! Je lui
montre les lieux et m’éclipse. Il est grand temps de remettre les pendules à l’heure avec mon père...

La main sur la porte, je m’arrête aussi sec pour mieux écouter ce qui se dit en notre absence.

— Tu exagères Dan, ce garçon ne mérite pas ton hostilité.

— Tu plaisantes ? Il m’a quand même traité de mauviette !

— Tu interprètes chéri, tu sais que ce n’est pas ce qu’il voulait dire.

— C’était sous-entendu ! Et puis regarde-le, on voit tout de suite qu’il n’est pas fait pour notre fille.

Là, ça en est trop, je pousse la porte hors de moi.

— Ah oui ? Et qui serait assez bien pour moi selon toi ?

Mon père, pas embarrassé pour un sou rétorque placidement.

— Ce Evan par exemple ?

— Mais on nage en plein délire ?

C’est un cauchemar, c’est ça ? Il ne vient pas vraiment de dire ça alors que Wes est à l’étage ?
J’inspire longuement.

— Ça suffit. Wes va redescendre d’une minute à l’autre et vous allez être gentil avec lui ! Comme
vous pourriez l’être avec Abby, ou n’importe qui d’autre, suis-je bien claire ? S’il vous plaît ? Il
compte pour moi.
Je le précise, car ils n’ont pas conscience de l’importance de Wes à mes yeux.

À peine ai-je le temps de reprendre ma place que je vois mes parents se raidir. Je comprends
immédiatement la raison lorsque Wes s’installe près de moi. Les manches de sa chemise sont relevées
jusqu’aux coudes, sa cravate desserrée et le bouton supérieur ouvert laissent apparaître ses tatouages.
Mon père ne rate rien, son regard passe de la base de son cou jusque ses avant-bras. Je devine
instantanément le genre de pensées qui lui traverse l’esprit. Oh Wes ! Si ce n’est pas de la provoc' je
ne sais pas ce que c’est ? Fier de son petit effet, Wes arbore un sourire satisfait au coin des lèvres.

— Trop mortel tes tatouages, mec ! s’exclame Miles.

— Il les a dessinés lui-même, rajouté-je, n’est-ce pas fantastique ? Wes a un don pour le dessin.

— C’est fantastique en effet, rétorque mon père acidement avant de lui demander sur un ton qui ne
trompe personne, quel autre talent possède-t-il ?

— C’est aussi un grand sportif, tu sais ? Il passe beaucoup de temps à s’entraîner. Nous sommes dans
la même salle d’ailleurs.

— Salle de sport, tatouages, tous ces hobbies doivent coûter énormément d’argent ?

Wes hausse les épaules.

— L’argent n’est pas un problème. Et la salle est à moi...

Ça a le don d’en boucher un coin à tout le monde autour de la table, y compris moi ! J’essaie de
cacher tant bien que mal ma stupéfaction pour ne pas éveiller les soupçons. Après tout, je suis censée
savoir ce genre de chose concernant l’homme que je vois, non ? Quant à mon père, il est abasourdi et
le plus choqué d’entre nous.

Je propose de débarrasser la table, Wes se joint à moi pour m’aider. Dans la cuisine, nous
déchargeons nos bras dans l’évier. Je commence à rincer les assiettes que je tends à Wes qui lui les
empile dans le lave-vaisselle.

— La salle est à toi alors ?

Il acquiesce, le regard soucieux.

— Tu sais, mon père aboie plus qu’il ne mord. Il n’est pas vraiment si...

— Condescendant ?

— J’allais dire méchant. Tu sais, tu ne l’as pas ménagé non plus.

Il ferme la porte du lave-vaisselle et tourne son attention vers moi.

— On peut y aller bébé ?

— Encore un petit effort, tu veux bien ? Il ne reste que le dessert…


— Bien, soupire-t-il.

Pour quelqu’un qui n’a pas l’habitude des repas en famille, je trouve que Wes s’en tire bien et le plus
important : il garde son sang-froid malgré les attaques verbales incessantes de mon père sans
compter sur ses regards insistants… Vite que ça se termine…

Le reste du repas se passe sans accros si je puis dire. Tout le monde me félicite pour les différentes
tartes. Un peu plus de deux heures après notre arrivée, la soirée s’achève enfin — pour le plus grand
plaisir de Wes – mes parents, quant à eux sont stupéfaits de me voir attraper mon manteau également.
Comme si j’allais laisser Wes rentrer tout seul après le fiasco de ce soir…

— Chérie, tu ne restes pas ?

— Non maman. Mais promis, je reviens vous voir très vite.

Après quelques embrassades et un salut poli pour Wes, nous sommes en voiture, sur le chemin du
retour.

— Quelle soirée ! m’exclamé-je tout en massant mes tempes douloureuses. C’est le Thanksgiving le
plus animé qu’il m’ait été donné de vivre jusqu’ici.

— C’était amusant et tes frères sont cool, me glisse Wes.

— Merci... je suppose. En tout cas, tes tatouages ont vraiment tapé dans l’œil de Miles. Il serait capable
d’aller se faire tatouer pour faire le dur, souris-je. Pourvu qu’il ne fasse pas quelque chose d’aussi
insensé, mon père en ferait une syncope...

Je me reprends immédiatement, consciente de l’impair que je viens de commettre

— Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire...

— Ce n’est rien, souffle-t-il.

— Wes, je suis désolée... je me suis mal exprimée.

— Ça va bébé ! Tu n’es pas la première personne à émettre un jugement sur mes tatouages. D’ailleurs
à l’heure qu’il est, tes parents doivent être horrifiés à l’idée que leur fille chérie sorte avec un homme
tatoué et probablement camé…

— Dis pas ça ! C’est faux et tu le sais.

— C’est la stricte vérité. Les tatouages sont associés à quelque chose de négatif, mais t’en fais pas, je
le vis bien ! La vérité, c’est que je m’en balance, ce n’est pas le regard des gens qui va changer ce que
je suis.

Ça ne m’a jamais gêné que Wes soit tatoué, au contraire je le trouve absolument sexy. Ses tatouages
lui donnent un charme fou, mais comment le lui faire comprendre ?

— Wes ?
— On y est.

Un regard vers la vitre m’indique qu’on est effectivement devant mon immeuble.

— Tu montes ?

— Je suis crevé, pas ce soir bébé.

— S’il te plaît...

Il se penche vers moi, effleure mes lèvres dans un baiser léger pour commencer puis plus
intensément quand il pose les mains de part et d’autre de mon visage. Quand sa langue entre en
contact avec la mienne, je suis traversée par plusieurs émotions à la fois, désir, passion, envie,
affection... amour ? La réalité me frappe de plein fouet, je ne suis pas uniquement accro !

C’est plus que ça !

Tellement plus…

Je crois bien que je suis éperdument amoureuse de cet homme. Seigneur ! Je suis fichue…

Mais quand il parsème ma bouche et la ligne de ma mâchoire de petits baisers mouillés, j’oublie le
léger malaise que je ressens. J’éprouve soudain le besoin d’éclaircir certaines choses.

— Wes. Wes... un instant... le supplié-je entre chaque baiser, son souffle frais entre dans ma bouche, il
s’arrête à quelques centimètres de mon visage essoufflé.

— C’est bon j’arrête. Mais c’est difficile quand la seule chose à laquelle je pense, c’est être en toi.

Mes joues sont en feu, mais je dois garder la tête froide pour lui dire ce que j’ai sur le cœur, c’est une
nécessité après cette soirée. Il ajuste son pantalon et se réinstalle dans son siège.

— Wes, il est important que tu comprennes que peu m’importe ce que peuvent dire, penser ou croire
mes parents. Je ne laisserais personne changer ce que je ressens quand je suis avec toi. Tes tatouages
quant à eux ne me gênent aucunement et ne me gêneront jamais parce qu’ils font partie intégrante de
toi ! Et toi, Wesley Hamilton, tu es quelqu’un de bien et j’aime être avec toi, tu saisis ça ?

Je ne le quitte pas un instant des yeux pendant ma tirade et soutiens son regard pour qu’il puisse lire
dans le mien combien je suis sincère. Il m’étudie et se frotte le sommet de la tête de la main gauche
comme il aime le faire lorsqu’il réfléchit à quelque chose.

— J’ai saisi bébé.

Sa voix rauque provoque en moi une réaction immédiate ! J’ai chaud et surtout très très envie de lui !
Il tend alors la main et passe plusieurs fois la pulpe de son pouce sur mes lèvres. Mais lorsqu’il sort
le bout de sa langue et s’humidifie la lèvre inférieure, je suis suspendu à son geste ! Ce geste est
absolument érotique et ça me rend complètement folle !

Folle de lui.
Folle de sa sublime bouche.

Folle de son corps sublime.

Et encore plus folle de sa sublime cravate que j’ai envie de tirer de toutes mes forces pour l’amener à
me suivre jusqu’à l’appartement. J’inspire et expire profondément pour me calmer et me résous à
descendre de sa voiture.

Je peux comprends son besoin de s’isoler un moment. Après tout, cela va nous permettre de réfléchir
chacun de notre côté à ce soir… Ce n’est finalement pas plus mal, car lorsqu’il est près de moi, j’ai
du mal à émettre des pensées cohérentes tant il pénètre mon esprit et l’envahi.

J’entre dans mon appartement avec un étrange sentiment. Lui révéler la nature de mes sentiments ce
soir était-ce une bonne idée ? Je suis partagée…

Il a autant envie de moi que moi de lui, c’est un fait ! Mais cela n’empêche qu’il ne m’a rien dit en
retour… Je ne demande pas à ce qu’il partage mes sentiments, seulement j’ai besoin de ménager mon
petit cœur. Ce stupide organe ne sait pas comment se protéger et faire la part des choses afin d’éviter
de souffrir.

Même si je reconnais que mettre mes sentiments à nu est une bonne chose pour Wes. La réciproque
n’est pas du tout vraie pour moi…

***

Après la soirée de Thanksgiving, je n’ai pas revu Wes une seule fois en presque trois semaines et je
commence à trouver le temps sérieusement long. Bien sûr, nous avons échangé des textos à ne plus en
finir, mais ça ne remplace pas la présence physique. C’est bien connu, un seul être vous manque et
tout n’est plus pareil… C’est précisément ce que je ressens en ce moment.

Le vide.

Il me manque.

Plus que je le voudrais…

Je ne lui en veux pas, car j’ai bien compris qu’il est extrêmement occupé dernièrement et de mon côté
aussi. Nous sommes sous l’eau au bureau. Avec le départ annoncé d’Evan pour Seattle et les
nombreux réaménagements, ce n’est pas mieux de mon côté non plus. Pourtant, quand un week-end
supplémentaire passe sans que l’on arrive à se voir, je m’interroge. Est-ce que mon petit laïus dans la
voiture a servi à quelque chose ?

Heureusement, Abby est là pour moi et me change les idées avec sa nouvelle lubie. Durant tout le
déjeuner, elle s’est mise en tête qu’elle voulait absolument son tatouage aujourd’hui. Alors, après
avoir débarrassé et rempli le lave-vaisselle, nous voilà en route pour le salon de Lincoln, l’ami de
Wes. Abby étant on ne peut plus décidée.

On en a discuté pour éviter qu’elle regrette sa décision et donc elle souhaiterait un petit quelque chose
sur l’épaule pour commencer. Une étoile ou peut-être une hirondelle…

Moi ? Pas question de me faire tatouer dans l’immédiat ! Par contre, j’aimerais bien croiser Wes si
par chance il était de passage dans le salon de son ami.

Visiblement, ce sera un jour sans...

Car lorsque la cloche de la porte tinte, je remarque tout de suite que le salon est presque vide hormis
Sandy à l’accueil penchée sur quelque chose qu’elle feuillette et le vrombissement de la machine
derrière le rideau.

— Hum hum... m’éclaircis-je la voix en direction de Sandy. Salut ! dis-je incertaine, je ne sais pas si tu
te souviens, mais j’étais passé il y a quelque temps déjà.

Sandy lève le nez de son magazine et nous examine un instant Abby et moi.

— Ouais, je me rappelle de toi ! T’es la copine de Wes c’est ça ? Mais elle, en montrant Abby je ne
l’ai encore jamais vue.

— Enchanté ! fait Abby.

— On voudrait voir Lincoln s’il est disponible ?

— Pour sûr ! répond Sandy. Installez-vous les chéries, Linc est derrière le rideau de la pudeur, il n’en
a plus pour très longtemps.

Elle fait signer rapidement les formulaires de consentements à Abby et replonge le nez dans son
magazine comme si de rien n’était. On s’installe à la place indiquée et pendant qu’Abby monologue
sur les possibles couleurs qui lui iraient au teint de son futur tatouage, mon regard navigue sur les
différents dessins accrochés aux murs. Lesquels seraient de Wes ? J’essaie de reconnaître les traits,
mais impossible de là où je suis. Rapidement, le rideau se lève et en sort Linc, un sourire placardé au
visage quand il m’aperçoit.

— Ella ! s’exclame-t-il. Ma douce, je suis si content de te revoir, tu viens pour un petit autographe sur
ta peau vierge, me demande-t-il avec un clin d’œil.

Il lève l’index pour que je lui accorde un instant, le temps de raccompagner la jeune femme qu’il
vient de tatouer. Quand il revient, il me tire par la main et me prend dans ses bras.

— Linc, je suis ravie de vous revoir aussi, voici mon amie Abby et c’est pour elle qu’on est là
aujourd’hui.

— Tout à fait ! s’exclame joyeusement ma coloc' lui indiquant bientôt qu’elle souhaite le dessin juste
sous la bretelle de son soutien-gorge.

Oui, finalement ce n’est plus sur l’épaule.


— Bien bien, suis-moi amie d’Ella, dit-il avec humour, je vais voir ce que je peux faire pour te faire
satisfaire.

Je les suis des yeux jusqu’à ce qu’ils disparaissent tous les deux derrière la lourde étoffe si bien que
j’entends à peine la cloche tinter de nouveau. Je pense à Abby et son audace, elle voulait un tatouage et
elle va vraiment le faire. J’aimerais avoir autant de cran ! Cela fait des semaines que j’hésite comme
une écolière à me rendre chez Wes et vérifier par moi-même s’il est réellement surchargé de travail
comme il le prétend. Cependant, je n’ose pas… J’ignore pourquoi ! En fait, si je le sais ! C’est parce
que je ne veux pas être la petite amie qui ne peut pas vivre sans son copain quelques jours… Qui a
défini ces stupides règles selon lesquelles on ne pourrait pas voir quelqu’un quand l’envie nous en
prend sans paraître bizarre…

Quelqu’un entre justement dans mon champ de vision et ce quelqu’un s’adresse à moi. Je me tourne et
je suis plus que surprise de me retrouver nez à nez avec Dante.

Qu’est ce qu’il fiche ici ?

— Hé, je t’ai vu à travers la vitrine, tu ne me connais pas, mais...

— Je me souviens de toi, le coupé-je.

— Je suis flatté !

— Inutile ! vraiment… lui dis-je d’un ton volontairement sarcastique.

— Tu as du mordant, c’est séduisant.

— Ce n’est pas mon but... Je veux dire, de te séduire me repris-je vite.

— C’est Wes qui t’a mise en garde contre moi, on dirait ? C’est vraiment l’hôpital qui se fout de la
charité... souffle-t-il.

— Tu le vois quelque part ?

Dante m’étudie un court instant penchant la tête sur le côté avant de s’adresser à moi de nouveau. On
ne peut pas nier qu’il est plaisant à regarder, mais ses yeux calculateurs me donnent la nausée. Si nous
étions dans un film de superhéros, je crois qu’on tiendrait notre super-vilain. Il tend la main vers moi.

— On a commencé sur de mauvaises bases, laisse-moi me présenter dans les formes, Dante Guellor.

Guellor...

J’hésite à laisser sa main en suspend, mais après tout une poignée de main n’est pas dramatique en
soi, si ?

— Ella Prescott.

Il répète mon prénom et je n’aime pas comment celui-ci roule sur sa langue, ça en ai presque malsain.
— Alors Ella, qu’est ce qu’une fille comme toi fait avec quelqu’un comme Wes ?

— Ça ne te regarde pas.

À l’évidence, Wes déteint plus qu’un peu sur moi.

— Du calme… Si je dis ça, c’est pour toi ! Je le connais bien et tu n’es pas le genre de nanas qu’il
baise.

Je me raidis à sa remarque, mais ne relève pas.

— Excuse-moi si je t’ai offensée, mais c’est la vérité. Tu m’as l’air d’être une fille bien et je ne
voudrais pas que Wes te fasse le moindre mal.

— Monsieur est grand seigneur ! rétorqué-je acerbe et ulcérée par son culot.

Mais comment ai-je pu lui trouver du charme et la moindre ressemblance avec Wes ?

— Tu as de la répartie, je comprends mieux ce qui a pu séduire Wes, mais ce qui m’intéresse c’est ce
qui a pu te séduire TOI chez un homme comme lui, Ella ?

— Je vais peut-être me répéter, mais en quoi est-ce ton problème ?

— Je ne veux pas qu’il t’arrive la même chose que pour Gloria, c’est tout !

Un léger tressautement de ma part à l’évocation de ce prénom… Gloria. Un sourire narquois apparaît


sur ses lèvres, car il a compris. Il a compris et se réjouit de m’avoir entraîné dans son manège.
J’ignore tout de cette fille malgré l’assurance que je veux bien montrer…

— C’est bien ce que je pensais, réplique-t-il fier de son petit effet. Demande-lui de te parler d’elle et
de ce qu’il lui a fait. Je suis prêt à parier que tu auras moins envie de le défendre après ça, rajoute-t-il
avant de quitter le salon.

J’en reste bouche bée !

Cet inconnu que je n’avais jamais vu de ma vie jusqu’à l’autre jour vient de mettre en évidence ce que
je m’évertue à nier en l’espace de quelques minutes.

J’ignore encore tellement de choses sur Wes et prétendre le contraire serait me voiler la face. Si
seulement, il se livrait un peu plus… Je ne lui demande pas la version longue de sa vie, mais quelques
bribes seraient un bon commencement. Un couple est bien censé partager ce genre de choses, non ?

Je décide qu’il est nécessaire de mettre au clair certains points avec lui.

Dès qu’Abby aura terminé son tatouage, je foncerais chez lui et au diable les « ça ne se fait pas de le
harceler jusque chez lui » !C’est mon mec, oui ou non ? OUI !

Alors c’est simple, ce soir, ça passe ou ça casse ! Inutile de vous préciser que maintenant j’ai la voix
de Rocky qui résonne en boucle dans ma tête répétant cette phrase...
Chapitre 20

Pendant qu’Abby termine son tatouage, je n’arrive pas à m’ôter de la tête la petite discussion que je
viens d’avoir avec Dante. Je ressasse les mots pour essayer de lire entre les lignes. Je sens que cette
histoire va me rendre dingue ! Il a quand même bien réussi à éveiller ma curiosité, le petit salopard !
J’ai bien compris que c’était justement la réaction qu’il a cherché à susciter chez moi.

J’aimerais en apprendre plus sur Wes certes, mais pour moi, il n’y a que le principal intéressé qui
peut m’éclairer sur toutes les zones d’ombres.

Et, c’est pour cette raison que j’ai la ferme intention de rendre une petite visite à Wes. Pas question de
me dégonfler ! Nous allons avoir une conversation comme des adultes responsables, parce qu’après
tout... C’est ce qu’on est, non ?

Je me rappelle encore de la vive réaction de Wes quand nous avons croisé Dante l’autre jour. Ces
deux hommes ont une histoire en commun, quelque chose d’assez fort pour que Wes n’ait pas pu le
tolérer en face de lui. Et moi ? Je choisis le parti de Wes et décide de lui faire confiance, peu importe
ce que je pourrais apprendre. De toute façon, ce n’est pas comme s’il y avait eu mort d’homme, non ?

Ah ! Voilà enfin Linc, il ressort de derrière le rideau et vient vers moi.

— C’est fini ?

— Évidemment, je suis un pro dois-je te le rappeler ? plaisante Linc. Ton amie est vraiment
intéressante...

— Ça, oui ! Elle ne vous a pas trop fait tourner en bourrique, n’est-ce pas ?

— Tsss Tsss... J’aime les gens extravagants ! Pourquoi crois-tu que je la supporte encore, dit-il en
direction de Sandy, sinon il y a bien longtemps que je me serais débarrassé d’elle !

Je pouffe de rire.

— D’accord, je comprends mieux alors !

La dénommée Sandy nous regarde une seconde quand elle entend son prénom et se contente de lever
les yeux au ciel pour unique réaction, pour finalement retourner à son magazine.

— Et Abby n’a pas eu trop mal alors ?

— Penses-tu ! Comme elle n’a pas fermé la bouche un instant, elle n’a pratiquement rien senti...
L’avantage c’est que ça a détourné son attention ! Une chose est sûre ! Carter ne doit pas s’ennuyer
avec elle !
— Personne ne s’ennuie avec Abby, elle est formidable, mais vous connaissez Carter alors ?

— Naturellement, il est venu quelques fois avec Wes. Un type bien !

La mention de son prénom me rappelle combien le temps passe vite et surtout combien il me
manque... Seigneur ! Le manque de Wes me comprime la poitrine…

— Tout va bien ? me demande Linc.

— Oui, oui ! confirmé-je d’une petite voix. Je ne vois pas Abby ressortir ?

— Elle ne va plus trop tarder, elle a dit qu’elle devait partager sa « plume » en temps réel sur
Amstramgram.

— Je vois ! me retenant d’éclater de rire.

Abby est une grande fan d’Instagram et autres Twitter... mais attendez une minute !

— Sa plume ?

— Yep' ! Et c’est un véritable chef-d’œuvre si tu vois ce que je veux dire, sourit-il fièrement.

Abby nous rejoint rapidement et prend dans ses bras Linc comme si ces deux-là se connaissaient
depuis des lustres... Sacrée Abby !

— Merci Linc, vous êtes vraiment génial, j’ai adoré notre tête à tête ! s’exclame-t-elle puis elle
rajoute qu’elle repassera dès qu’elle aura une nouvelle idée de dessin pour un futur tatouage.

— Qu’en dis-tu ? fait-elle en soulevant son pull-over sans complexe pour dévoiler une magnifique
plume colorée qui part de sous la ligne de son soutien-gorge jusqu’à sa hanche. C’est vraiment très
beau.

— J’en dis que ta plume est une pure merveille !

— N’est-ce pas !

Excitée comme une puce, Abby fait pratiquement des bonds jusqu’au comptoir d’accueil pour régler
ce qu’elle doit.

— Linc, merci pour tout ! Abby est visiblement ravie !

— De rien, ma douce. C’est un immense plaisir de te revoir !

— Plaisir partagé.

— Je suis vraiment content que Wes ait trouvé quelqu’un comme toi.

— Euh... merci ?

Je le prends une dernière fois dans mes bras avant de quitter le salon promettant de repasser dès que
possible. C’est vraiment quelqu’un ce Linc, le type de personne qui vous donne envie de sourire
même quand le ciel est gris...

À l’extérieur, le vent se lève et nous fouette le visage. On se dépêche d’arriver jusqu’à la bouche de
métro la plus proche. Abby me propose de me joindre à elle et Carter, qu’elle doit retrouver parce
qu’elle ne peut pas attendre pour lui dévoiler son tatouage.

— Allez El' vient avec nous, je te promets qu’on va s’amuser !

— Tenir la chandelle pendant que Carter et toi vous vous roulerez des pelles ? Ça m’a tout l’air d’un
programme de rêve...

Abby éclate de rire parce qu’elle sait que j’ai raison.

— Allez file ! Va retrouver ton mec et lui montrer ta belle plume, j’ai des plans moi aussi, ne
t’inquiète pas, la rassuré-je.

— Tu vas retrouver ton sexy Wes, c’est ça ?

— Yep', la pause a assez duré...

Avant de héler un taxi, je fais un crochet par le snack de l’autre fois, peut-être qu’avec un hamburger,
Wes sera plus enclin à s’ouvrir. C’est bien connu un homme est de meilleure humeur le ventre plein.

Le taxi me dépose juste devant chez lui, je règle la somme affichée en plus d’un généreux pourboire
et me dirige vers la porte de derrière.

Je donne trois petits coups et prie intérieurement pour qu’il soit chez lui parce que le vent souffle de
plus belle. La porte s’ouvre sur un torse gravé dans la pierre et intégralement marqué à l’encre noire.

J’ai beau l’avoir déjà vu ainsi plusieurs fois pourtant, je crois que je ne m’habituerais jamais à tant de
perfection.

Wes est vêtue uniquement d’un jean qui descend très bas sur ses hanches dévoilant au passage le V de
sa ceinture abdominale.

— Ella ?

— J’ai pensé que tu aimerais manger un petit quelque chose peut-être ? dis-je en en levant le sac en
papier sous son nez.

Il ouvre la porte en grand pour m’inviter à entrer, et attrape mon bras quand je lui fais face.

J’ai l’étrange sensation d’entrer dans un champ magnétique en sa présence. Toute ma peau me picote
de la pointe des pieds jusqu’à la racine des cheveux. Je suis grisée par sa présence.

Il est si près, trop près.

Le manque de lui se fait sentir et la tension sexuelle entre nous grimpe en flèche. En moins de temps
qu’il ne faut pour le dire, on est dans les bras l’un de l’autre, pareils à deux aimants qui s’attirent et
dont l’attraction serait extrêmement puissante.

Nos bouches s’écrasent l’une contre l’autre. Nous sommes pris de frénésie… Il me plaque contre la
porte et colle son corps massif sur moi. Ma tête cogne contre le bois, mais je ne ressens aucune
douleur. À la place, je sens autre chose : son membre durcir. Il me serre fort contre lui.

Oh oui !

Il est dur ! De partout !

Dieu qu’il m’a manqué !

Sa bouche m’envahit. Ses lèvres sont avides et sa langue descend langoureusement dans mon cou. Je
lâche le sachet de hamburgers qui tombe quelque part sur le sol, car présentement, c’est une autre
faim qui nous anime. Le frottement de ses hanches contre les miennes me rend folle et le nœud
grandit en moi, peu à peu. Il m’a tellement manqué que c’en est douloureux. Je gémis dans sa
bouche…

Le besoin devient trop grand et les préliminaires inutiles vu notre état d’excitation. Je gémis de plus
belle et tire sur son jean. C’est insoutenable, les baisers fiévreux embrasent mon cœur et mon corps.

— Wes s’il te plaît...

Ses mains à l’arrière de mes cuisses, il me soulève et je n’ai pas d’autre choix que de nouer mes
jambes autour de sa taille. Mes mains trouvent rapidement leurs places autour de sa nuque. Mon dos
quitte alors la porte et il nous emmène tous les deux jusqu’au canapé... Puis, il nous bascule lentement
dessus, une de ses mains dans mon dos et l’autre sur mes fesses.

Entre deux baisers, je saisis vaguement quelques mots, dont « lit » et « trop loin ».

Oh ! Comme je suis d’accord avec lui !

Très rapidement, nos vêtements sont un lointain souvenir. Il s’absente quelques secondes, juste assez
pour revenir avec un petit sachet métallique qu’il déchire avec ses dents. Il déroule le préservatif sur
sa longueur, dressée pour moi ? J’humecte mes lèvres, car l’envie de le goûter est trop forte. Chaque
partie de son corps puissant m’obsède. Mais avant que je ne puisse faire le moindre mouvement, il me
surplombe et s’enfonce en moi m’arrachant un cri !

C’est trop bon !

Et, c’est précisément ce dont j’avais besoin !

— Putain, tu m’as manqué bébé ! grogne-t-il.

Toi aussi... Tellement.

J’en ai le vertige ! Il ne s’est pas uniquement contenté de s’immiscer dans mon cœur, il s’est
également infiltré dans mes veines.
Nos mouvements sont pressés, violents, bruts. On a désespérément envie l’un de l’autre. On
s’embrasse avidement. Nos baisers sont intenses. Ses dents tirent sur ma lèvre inférieure. Il l’aspire.
La mordille.

— Ta sublime bouche est à moi ! gronde-t-il son regard voilé et brûlant de désir dans le mien.

Ses mains sont partout sur moi. Elles pétrissent mes seins. Courent le long de mon ventre. Agrippent
mes hanches avec force. Il change d’angle… Oh my God !

Nos corps se recouvrent d’une fine pellicule de sueur. Je sors le bout de ma langue et goûte sa peau
salée et musquée. Je suis enivrée par son odeur et le bruit de nos halètements qui résonnent dans
l’appartement.

Je suis proche !

Si proche !

Je plante mes ongles dans son dos et retiens mon souffle…

Quand soudain tout explose autour de moi ! Je retiens un cri de plaisir, des étoiles dans les yeux, mon
corps entier semble flotter dans les airs. Wes dans un dernier effort se raidit et relâche son corps sur
le mien, nous sommes à bout de souffle.

Je l’entoure de mes bras et caresse lentement son dos. Il niche sa tête dans mon cou et me respire
longuement. Il tourne alors son visage vers moi et m’embrasse.

Les baisers post-orgasmiques font partie de mes préférés parce qu’ils sont doux, patients et chargés
d’émotions. Nos langues s’entremêlent lentement, se cajolent, la soif dévorante laisse place à la
tendresse.

Après plusieurs minutes dans les bras l’un de l’autre… Ou peut-être des heures ? Wes se tourne vers
moi avec un dernier baiser.

— Bébé t’a faim ?

Je hoche la tête. L’effort m’a effectivement un peu creusé l’estomac et les hamburgers de tout à
l’heure me font sérieusement de l’œil. Il se redresse, enfile son jean, et se dirige dans la cuisine pour
réchauffer le contenu du sac en papier qu’il a ramassé quelque part entre ma culotte et son t-shirt. Je
me lève à contrecœur à mon tour et après un rapide passage par la salle de bain, je m’occupe de tout
disposer sur la grande table en bois de son salon. Lorsque l’on s’installe à table, je le regarde avec
plaisir savourer son repas. Il mange comme un mec et pourtant je suis sous le charme. Un doux
sourire sur mon visage, je le regarde à la dérobée. Son odeur est encore partout sur moi et je me dis
que c’est peut-être le bon moment pour parler... ou pas. Je m’éclaircis la voix et me lance.

— hum… Gloria, c’est ton ex ?

Il se raidit, bon d’accord j’aurais pu amener le sujet sur le tapis avec un peu plus de tact.

— Je n’ai pas envie d’en parler.


OK. Sauf que ce n’est jamais le bon moment avec lui, et cette situation commence vraiment à
m’exaspérer.

— Bon, très bien. Alors quand ?

— Quand, quoi ? rétorque-t-il avec un geste de la main.

— Quand est-ce que tu auras envie d’en parler ?

— Mais qu’est-ce... Pourquoi tu veux... On passe un bon moment là, non ? Alors pourquoi tu viens me
les briser avec ça ?

Je crois que je comprends…

— T’as encore des sentiments pour elle, c’est ça ? Ou alors tu n’arrives pas à l’oublier ?

Cette pensée me transperce le cœur.

— Arrête avec ça ! Ne complique pas les choses, OK !

Compliquer les choses ? Putain ! Je suis sur le cul !!

— Pourtant c’est très simple, peu importe qui est cette Gloria, il suffit…

Je sursaute quand il tape du plat de la main sur la table.

— Putain, Ella ! Arrête de prononcer son foutu nom !

— OK, calme-toi, lui réponds-je surprise par son geste brusque une main sur mon cœur pour
l’empêcher de sortir de ma poitrine. C’est juste que tout à l’heure quand j’ai vu Dante, il a parlé d’elle
et...

J’ai à peine le temps de finir mon explication qu’il envoie tout ce qui est sur la table valdinguer au sol
d’un geste de la main me faisant tressaillir au passage. Encore une fois. Ses yeux sont fous ! Exit…
mon tendre Wes.

— T’as vu Dante ? Parce que tous les deux vous vous connaissez maintenant, demande-t-il acide, avec
un geste de l’index.

Je perçois la rage dissimulée dans sa voix.

Il penche légèrement la tête de côté et esquisse un sourire. Mais pas le genre de sourire qui me fait
fondre…

Le regard étréci, ses yeux lancent des éclairs.

— Tu couches avec lui, bébé ?

Quoi ?
Non, mais je rêve là !

Il a vraiment pété un câble ! Le souffle court, je suis clouée sur place. La situation échappe à tout
contrôle.

Il ajoute alors sans sourciller.

— Dégage d’ici Ella.

Il n’est pas sérieux, si ?

— Pardon ? Alors tu ne me laisses même pas m’expliquer ?

De quel droit... Comment peut-il... Les mots se coincent dans ma gorge.

— Tire-toi d’ici ! fait-il les dents serrées.

Mais c’est du délire ?

Il est cinglé. Oui, il est forcément cinglé et aussi complètement barré ! Sa réaction est une farce !

OK, je n’ai pas l’intention de m’attarder plus longtemps… Connard !

Lentement, je m’essuie le coin de la bouche. Dépose la serviette sur la table et me redresse. Je cherche
du regard mon sac. Je le trouve devant la porte, la même qui nous a vus haletants et essoufflés... Non !

Je m’interdis d’y repenser. Je ramasse mon manteau et ma dignité en miette, et quitte son appartement.
Sa vie.

Mon cœur se brise, ma poitrine est douloureuse, mais il est hors de question de pleurer. Sauf que les
traîtresses ne sont pas du même avis que moi et roulent déjà sur mon visage. Putain !

Je marche d’un pas lourd, et à l’extérieur il fait déjà sombre...

Putain ! Putain de merde !

J’essuie mes yeux d’un geste rageur et ramène les pans de mon manteau vers moi.

Mais quel enfoiré ! Un sacré enfoiré de merde ! Hum, c’est mieux !

Non. Ce n’est pas encore assez. Il me faut un truc plus fort pour qualifier ce.. Ce… Putain d’enfoiré de
merde !

Beaucoup mieux !

Il n’y a pas le moindre taxi en vue, fantastique ! Le métro ? Même pas en rêve ! Pas dans mon état.

Non, mais sérieusement, il déconne à plein tube. Ce n’est quand même pas de ma faute si un mec
déboule de je ne sais où et s’adresse à moi ! Est-ce si difficile de me dire qui est cette putain de nana ?
Ella, c’est mon ex ! Ou Ella, c’est ma sœur ! J’aurais même accepté un « Ella c’est mon ex et ma sœur
» au point ou j’en suis…

Quand je revois la manière avec laquelle il m’a dit de dégager... J’enrage !

J’aurais dû lui dire d’aller se faire foutre ! C’est ce que j’aurais dû dire...

Ce qui est dommage, c’est que les mots ne me viennent qu’avec trois métros de retard…

« Va te faire foutre et soigner aussi ! Mais surtout foutre parce que tu n’es qu’un enfoiré de merde ! »
C’EST ce que j’aurais dû dire !

J’arrête de marcher et fixe le bout de mes chaussures. Il n’avait pas le droit de me traiter de la sorte.
Putain... non ! Hors de moi, je tape du pied. Je vaux mieux que ça !

Peu importe ses raisons, rien n’excuse son comportement et encore moins son fichu sale caractère !
Qu’est-ce qu’il croit ! J’ai du caractère moi aussi, et d’ailleurs, je vais de ce pas le lui montrer !

Oui. Voilà ! Je vais y retourner et lui dire ses quatre vérités à ce connard ! Et ensuite, je pourrais lui
dire d’aller se faire foutre et d’autres insultes bien fleuries...

Je fais demi-retourne et repars chez Wes d’un pas rageur. La fumée me sort par les oreilles et je
fulmine en silence. Devant la porte, je donne des coups avec le poing bambambam…

Et ouais ! Mon pote, tu me cherches ! Tu me trouves !

D’accord. Sauf, que bon, personne n’ouvre.

Il n’est pas question que je parte d’ici sans lui dire tout ce que j’ai sur le cœur cette fois.

Je tente ma chance et tourne la poignée. Elle est déverrouillée, bien. Je l’ouvre en grand et entre dans
l’appartement qui est entièrement plongé dans le noir complet, et…

Mais c’est quoi ce bordel ?

On croirait presque qu’un cataclysme est passé par là et à tout retourner sur son passage : Wes.

La table basse du salon est retournée. Une chaise est brisée. Des éclats de verre sont répandus sur le
sol. Des feuilles sont déchirées en mille morceaux et éparpillées. Lorsque je me penche et regarde de
plus près, je reconnais l’encre noire sur l’un d’eux. Ce sont ses dessins... Oh non !

OK, il s’est déchaîné sur son appart et a dû partir ensuite… Quel gâchis… Je laisse tomber aussi et
me tourne pour partir quand soudain, je l’aperçois. Il est adossé contre le mur, au sol, les bras placés
sur ses genoux relevés. Je remarque immédiatement la bouteille couleur ambre qu’il tient et l’état de
ses mains. Mon Dieu ! Ses mains ! Elles sont salement amochées et tuméfiées…

Je fais quelques pas dans sa direction, incertaine. Quand j’approche assez près, il lève vers moi de
grands yeux hagards.

— Bébé, c’est toi ?


— Est-ce… Est-ce que ça va ?

— Yep' ! Il bascule la tête et boit encore quelques gorgées avant de reprendre, j’ai tapé de toutes mes
forces sur le foutu mur derrière toi là, mais ce con n’a pas une égratignure.

— Mais, qu’est-ce qui t’a pris de faire ça ? Regarde l’état de tes mains.

Il hausse les épaules pour toute réponse... Je suis vraiment très en colère contre lui, mais le voir
comme ça réduit l’intensité de celle-ci. Que faire ? Je ne peux quand même pas le laisser dans cet état
? Même s’il mérite de souffrir.

Je me souviens d’avoir vu une armoire à pharmacie dans la salle de bain. Je m’y rends et attrape tout
ce qui me tombe sous la main. Des bandes de gaz, de la crème antibiotique, du désinfectant et des
compresses. De retour auprès de Wes, je lui retire la bouteille... Du Scotch ! Aucune résistance de sa
part, bien ! Je commence par nettoyer le sang séché sur ses poings. Wes fronce les sourcils.

— Qu’est ce que tu fais ?

— Qu’est ce que tu crois que je fais ! Je limite les dégâts sur tes mains, idiot.

— Laisse... tu n’as pas à faire ça, dit-il essayant de dégager ses mains.

— Bien que tu sois un parfait enfoiré...

Parfait ? Sérieusement... Je suis vraiment pathétique quand il est question de lui. Je toussote et
continue.

— Bien que tu mérites de souffrir, je ne peux pas te laisser dans cet état alors laisse-toi faire, OK ?

Il renifle bruyamment.

Je verse du désinfectant sur une nouvelle compresse.

— Ça va sûrement piquer un peu.

Et tamponne ses doigts un par un.

J’applique ensuite la crème et bande soigneusement ses poings.

— Voilà. C’est fini. Comment te sens-tu ?

— Comme le pire des enfoirés.

— J’avais mieux, mais le pire des enfoirés ça marche aussi !

Il hoche doucement la tête. La fureur dans son regard semble loin maintenant.

— Tu sais, je suis revenue pour te dire tout le bien que je pense de toi, mais je crois que je vais
m’abstenir et uniquement te souhaiter une bonne nuit…
Je ne suis pas assez garce pour rejeter ma colère sur lui alors qu’il est déjà à terre.

— Quoi, tu pars ?

Il semble réellement étonné.

— Euh ? Oui.

Non, mais allo ?

Il semble oublier qu’il m’a un peu chassé de chez lui...

— Bébé, s’il te plaît…

Il tend ses mains bandées vers moi, je les empoigne solidement et l’aide à se relever. Il a l’air épuisé,
je l’ai déjà vu en colère, hors de lui et déchaîné, mais le voir dans cet état me brise le cœur.

Je l’aide à se rendre jusqu’à sa chambre. Devant son lit, il passe un bras autour de ma taille et essaie
de m’entraîner avec lui lorsqu’il s’étend, mais je résiste.

— Bébé ? Reste.

— Je ne peux pas.

Je secoue la tête, ma colère déjà bien loin.

Un doigt sous mon menton, il lève mon visage vers lui et m’étudie avec soin. Il s’attarde sur mes
lèvres.

Je ne craquerais pas... je ne craquerais pas...

— S’il te plaît ma puce, j’ai besoin de toi.

OK… Je craque.

— Très bien, je vais rester. Mais juste un moment !

Ben quoi ? Personne n’est parfait…

Et puis, il m’a appelé ma puce ! Comment résister ? Que celui qui n’a jamais péché lance la première
pierre…

Personne ? J’en étais sûre !

Je m’allonge près de lui, ma tête trouve parfaitement sa place au creux de son épaule.

— Au fait, je croyais que tu ne buvais pas ?

— Je croyais que tu tenais à moi.


— C’est le cas. Mais difficile de faire autrement quand...

Je déglutis difficilement, une grosse boule dans la gorge.

— Pardonne-moi.

— Pas si tu ne me parles pas.

— À quoi bon ? Tu finiras par partir, d’une façon ou d’une autre, soupire-t-il.

Je me retourne vers lui.

— Wes, si tu m’avais laissée une minute pour t’expliquer…

Son air désolé semble sincère. Il me fait un signe de la tête. Je comprends qu’il est prêt à m’écouter.

— Il est entré dans le salon de Linc pendant qu’Abby faisait son tatouage. Il a bien essayé de me
monter la tête, mais je l’ai envoyé bouler. Ensuite, il a prononcé le nom de Gloria et il a
immédiatement compris que j’ignorais tout à son sujet... Rien de plus Wes, je te le promets.

Je me réinstalle dans ses bras alors qu’il dépose un baiser sur le sommet de ma tête.

— Je sais, bébé.

Le silence s’installe entre nous puis contre toute attente il s’ouvre enfin à moi et me dévoile un peu de
lui.

— Je n’ai pas un seul souvenir aussi loin que je m’en souvienne sans que Dante y soit aussi, jusqu’à
ces cinq dernières années. Cette année-là, il a emménagé près de chez moi. Je m’en rappelle comme si
c’était hier parce que c’est l’année où l’on m’a... Je veux dire l’année où ma mère nous a quittés. Ça a
anéanti mon père. Après ça, il s’est investi dans son garage à mille pour cent zappant au passage qu’il
avait un gamin.

Je suis si désolée pour sa mère, mais je n’ose pas l’interrompre…

— Je me souviens que Dante était petit pour son âge, le genre un peu chétif, tu vois ? Ses parents
étaient eux aussi aux abonnés absents, autant que pouvait l’être mon père donc on était livrés à nous
même. On a dû apprendre très jeune à se débrouiller tous seuls, à la dure, dans la rue. C’est
rapidement devenu le petit frère que je n’ai jamais eu. Je n’étais plus seul, on était deux contre le
monde. Il n’est pas resté fragile très longtemps et moi j’ai grandi… On est devenu alors de vraies
petites frappes avec une attitude de connards et on avait de respect pour personne. On était jeunes et
cons aussi, on a fait les quatre cents coups ensemble. Première cigarette. Premier joint. Première
cuite. Premiers tatouages.

Il sourit silencieusement à l’évocation de ces souvenirs puis il reprend :

— J’étais un vrai enragé à cette époque et dès qu’il y avait une bagarre tu pouvais être sûre que j’étais
impliqué ! Quant à Dante, il couvrait mes arrières, toujours ! Plus que des frères de sang, on était des
frères d’armes. Constamment là l’un pour l’autre. C’était comme ça et pas autrement !
— Quand je voulais quelque chose, je me servais et c’était aussi valable pour les filles...

— Un jour, t’as cette nana sublime qui débarque avec ses jambes interminables. Tous les potes
fantasmaient sur elle et putain ! Nous aussi ! Parce que tu vois ? Elle était tellement belle, elle aurait
pu avoir n’importe qui...

Nana sublime, jambes interminables... Je garde les lèvres serrées même si mon amour propre en
prend un sérieux coup ! Il poursuit sans se rendre compte de mon trouble.

— J’étais fier comme un paon qu’elle m’ait choisi, moi ! Pourtant, ça ne m’empêchait pas de
déconner à plein tube malgré tout ! Gloria aimait ça ! Attiser ma folie ? Ça lui plaisait. Elle en jouait
pas mal, parce qu’elle faisait tout pour se frotter à des gars pour que fou de rage je les démolisse.
Elle répétait à qui voulait l’entendre que son style, c’était les mauvais garçons. Avec moi, elle était
servie !

Gloria... Nous y voilà… Et j’aurais vraiment préféré qu’il ne la décrive pas comme une bombe
sexuelle… Heureusement, je me rappelle aussitôt qu’il y a une bonne raison pour que justement ce
soit son ex..

— Très vite, on est passé de duo à trio, Dante, Gloria et moi ! Ça a duré quelques années. Un soir où
on était tous les deux, mon père m’a appelé parce qu’il avait trop bu, ça lui arrive de temps à autre,
une rechute si on peut appeler ça comme ça...

Il déglutit bruyamment et continue.

— Il fallait donc que je passe le chercher pour le ramener à la maison. Ça n’a pas plu à Gloria qui
avait d’autres projets pour notre soirée. Je me suis tiré quand même et l’ai envoyée balader en pensant
que je la laisserais mijoter pendant quelques jours, comme à chaque fois qu’elle me poussait à bout.
C’était comme ça entre nous. Un peu tordu, mais ça ne nous empêchait pas d’être fou l’un de l’autre.
Finalement, mon père avait bu plus qu’à l’habitude et il m’avait bien pris la tête comme quoi, j’étais
responsable pour ma mère et d’autres conneries du même genre… Donc, au final je suis retourné
auprès d’elle… Un truc que je ne faisais jamais après une brouille.

Pendant un instant, Wes est habité par le souvenir du passé. Comme s’il revivait la scène, la voyait se
jouer devant ses yeux... il déglutit bruyamment. Les muscles de ses bras se tendent et il contracte sa
mâchoire nerveusement. Je devine immédiatement de quoi il s’agit... Seigneur ! Faites que je me
trompe… Il continue alors d’une voix profonde et grave.

— Sauf qu’elle n’était plus seule. Je l’ai prise en flag et pas avec n’importe qui ! Elle était avec Dante.
Putain ! Mon frère ! Celui pour lequel j’aurais donné ma vie sans hésiter ! Ils baisaient dans son lit. Là
où je l’ai baisée moi-même, quelques heures plus tôt. Tu parles d’un coup de poignard dans le dos...
Je ne pouvais pas le croire, mais ils avaient laissé la porte de la chambre ouverte. Et, moi j’avais la
clé de son appart, j’ai donc tout entendu… Ce fils de pute l’implorait de me quitter parce qu’il en avait
marre d’être un lot de consolation, que je ne la méritais pas et qu’il suffisait d’un mot d’elle pour
qu’il se débarrasse de moi. Je ne sais même pas ce qu’il voulait dire par « se débarrasser de moi »
alors que j’aurais tué pour lui, tu vois ?

Une boule serre ma gorge, je n’ose imaginer pire trahison, c’est affreux ! Je comprends un peu
mieux sa réaction un peu plus tôt lorsque j’ai mentionné le nom de Dante. Son frère. Celui qui l’a
trahi de la pire des manières. Pas étonnant qu’il ne donne pas aisément sa confiance. J’aimerais lui
dire que jamais je ne le trahirais… Jamais je ne pourrais le faire souffrir… Jamais je ne le
quitterais…

— Comme tu peux l’imaginer, j’ai vu rouge et je ne sais plus comment... Mais je me suis retrouvé sur
Dante à le cogner sans pouvoir m’arrêter… La seule chose qui m’ait ramené à moi, ce sont les
sirènes à l’extérieur. Les cris de Gloria ont dû faire flipper les voisins qui ont prévenu les flics.
J’étais déjà en probation à l’époque pour une affaire.

— Gloria m’a suivi dans les escaliers pour me supplier de lui pardonner... Tu parles ! Comme si on
pouvait réparer ce qui a été brisé. Elle s’est accrochée à moi pour me retenir alors je l’ai repoussée.
Pas très fort ! Juste assez pour qu’elle me lâche, sauf qu’elle a perdu l’équilibre.

— La police m’a cueilli à ce moment-là. Ils m’ont mis à l’ombre pour quelques mois à cause de la
probation et pour coups et blessures aussi. L’avocat m’a dit que Gloria avait eu une fracture du bras et
plusieurs contusions suite à sa chute dans les escaliers.

— Même si j’étais fou de rage, jamais je ne lui aurai fait de mal volontairement, tu comprends bébé ?
Je veux dire... Tu n’as pas à avoir peur de moi ! Tu peux me croire ma puce, jamais je ne lèverais la
main sur toi. Jamais.

Un doigt sous mon menton, il relève ma tête vers lui. La nuit nous a engloutis, pourtant je devine ses
pupilles brillantes. Sa poitrine monte et descend. Il inspire longuement attendant ce que je vais dire.
J’essuie le plus discrètement possible une larme qui roule sur ma joue. J’ai tellement de peine pour
lui. J’avale difficilement ma salive.

— Je le sais, Wes.

Bien sûr que je le sais ! Il ne me ferait jamais de mal intentionnellement, comment pourrait-il en être
autrement ? Il passe son pouce sur le haut de ma pommette et essuie une autre larme.

— Ne pleure pas, mon bébé…

Je renifle silencieusement.

— Je ne pleure pas.

Il retient un sourire en coin et acquiesce.

— Tu sais, le pire dans tout ça ? C’est que s’il m’en avait parlé, s’il m’avait dit qu’il l’a voulait ou
qu’il l’aimait. Je me serais écarté ! Peu importe, combien elle me plaisait, je me serais écarté pour
lui…

— Enfin bref, ça n’a pas grand importance de toute façon parce que j’ai appris par la suite qu’il
s’était tapé toutes les nanas avec lesquels j’étais sorti... Un vrai frère ! Ou faux frère ! Un peu après ma
sortie, je suis tombé sur eux dans une soirée et cet enculé a dit ce qu’il fallait pour que ça dégénère.
Après ça, j’ai cru comprendre qu’ils avaient quitté la ville tous les deux, mais pas ensemble.
Quelle ironie ! Ils n’ont même pas fini ensemble…

— J’ai coupé les ponts avec mon ancien quartier quand j’ai réaménagé le loft sur le garage pour y
vivre. Je n’ai plus jamais entendu parler de Dante jusqu’à ce jour là avec toi. Et quand tu as prononcé
son nom tout à l’heure…

— Je suis désolée, Wes… Tellement désolée.

— Arrête, bébé, c’est pas de ta faute !

Je sais bien que ce n’est pas de ma faute. Pourtant, j’aimerais pouvoir le soulager de sa douleur.

— Je vais bien, d’accord ? S’il te plaît, ne sois pas désolée pour moi ! Ça arrive, c’est tout !

Je hoche la tête, car les mots me manquent et je ne veux surtout pas qu’il pense que j’éprouve une
quelconque pitié pour lui… Évidemment, s’il se doutait de la teneur de mes sentiments, il
comprendrait pourquoi j’ai de la peine pour lui et combien je souffre avec lui. Cependant, je n’ajoute
rien de plus. Et, lui non plus.

En revanche, je fais la seule chose qui nous réconfortera tous les deux, je me retourne dans ses bras et
déboutonne sa chemise que j’accompagne de petits baisers sur son torse viril. Je continue à descendre
jusqu’au bouton de son jean. Je me lèche les lèvres, je veux sentir son goût sur ma langue.

Ses pupilles brillent d’une lueur incandescente que je devine même dans la pénombre. Il comprend ce
que je m’apprête à faire…

— Tu es sûre de toi, bébé ?

Pour toute réponse, je hoche la tête…

Se battre. Se débrouiller seul. La prison... Je repousse à plus tard l’analyse de cette soirée riche en
révélations... Pour l’instant, je préfère savourer la douceur de sa peau tendue entre mes mains et enfin
entre mes lèvres…
Chapitre 21

À une semaine de Noël, la ville de New York resplendit de lumière et il flotte dans l’air comme un
parfum de gaieté. Les vitrines sont merveilleusement décorées et la marée humaine de passants en
liesse navigue d’une boutique à l’autre en quête des derniers cadeaux. Quant à moi, je me faufile entre
la foule pour rejoindre la place de Strawberry Fields, l’une des entrées de Central Park où se trouve
le monument dédié à la mémoire de John Lennon. Malgré les années, je suis toujours impressionnée
par le rassemblement de fans du chanteur qui font le déplacement jusqu’au mémorial. Tous les jours,
ils y déposent des fleurs, des poèmes et des bougies pour lui rendre hommage.

C’est là que m’attend Wes, comme presque tous les soirs après le travail. Ça a commencé juste après
qu’il se soit confié à moi. Je veux le connaître davantage et contre toute attente, lui aussi est plus
enclin à s’ouvrir à moi. Cela nous permet donc de nous retrouver, d’apprendre à nous connaître, et
également de discuter de nos journées respectives.

Le voilà ! Et comme à chaque fois, mon cœur s’emballe et fait des bonds à sa simple vue. Il porte un
jean noir et son éternel blouson en cuir noir d’où dépasse la capuche de son sweat. Quand il
m’aperçoit, un sourire étire ses lèvres. Il ouvre ses bras en grand et je me blottis contre lui. Je respire
son odeur et je suis enfin à ma place, près de lui. Le meilleur endroit au monde…

Cela peut paraître étrange de se sentir en sécurité près d’un homme presque entièrement tatoué, qui
n’hésite pas à se battre et qui a déjà connu la prison, mais c’était il y a quelques années maintenant.
Depuis l’autre soir, j’ai plusieurs fois retourné l’information dans tous les sens, à savoir si cela
changeait quelque chose à mes sentiments pour lui. Et, la réponse est toujours non ! D’accord, Wes a
commis de grosses boulettes en étant plus jeune, mais qui suis-je pour juger un homme sur les
erreurs de son passé ?

Il penche la tête vers moi et la sensation de ses lèvres sur les miennes me donne le vertige. Il passe
une main à l’arrière de ma nuque pour approfondir le baiser. Sa langue trouve rapidement la mienne.
Rien n’est plus délicieux que le goût de son chewing-gum à la menthe mêlé à sa salive. Cela
m’arrache un gémissement. OK, je suis instantanément excitée. Plus que de raison ! Je me décolle
légèrement.

— Mmmh… Salut !

— Salut, bébé ! sourit-il.

Il est l’homme le plus compliqué qu’il m’ait été donné de rencontrer et pourtant, je ne l’échangerais
pour rien au monde ! Je l’accepte entièrement. Ses merveilleuses qualités et ses horribles défauts, je
prends tout le package qui va avec.

Mon Wes. Mon tout.


Nous marchons dans l’une des allées. Les écureuils sont de sorties on dirait, plusieurs promeneurs
les observes et nous aussi. Puis nous nous dirigeons vers un banc au hasard, Wes s’assoit et me tire
sur ses genoux. Je passe les mains autour de sa nuque et me tords légèrement le cou pour lire la
plaque du banc sur lequel nous sommes installés. « Ceux qui sont faits pour être ensemble finiront
toujours par se retrouver… NA.MS. » C’est tellement beau…

Il fouille dans sa poche et me tend un écrin en bois, de jolis dessins ornent le dessus du couvercle.
C’est un très bel objet. Je ne m’y attendais absolument pas.

— Pour moi ?

— Non, c’est pour ma copine ! Je veux juste ton avis, m’annonce-t-il souriant face à l’air stupéfait
que j’affiche avant que je ne comprenne qu’il plaisante.

— Tu trouves ça drôle ? Idiot !

Il hoche la tête avec un adorable sourire en coin plaqué sur le visage. Je crois que je serais prête à
vendre mon âme au diable pour ce sourire. Je prends la petite boîte de sa main et l’ouvre.

— Wes, c’est magnifique ! m’exclamé-je.

Et, c’est vrai ! Je tire sur la chaîne en argent et la sors de la boîte. C’est un superbe collier surmonté
d’un pendentif. Un cœur entièrement sculpté. Un cœur ? J’adore les cœurs… Mais comment ? Puis je
me rappelle lui en avoir parlé. Il s’en est souvenu ! Il le prend pour l’ouvrir. Je lève mes cheveux
d’une main pendant qu’il me l’attache. Quand c’est fait, le cœur trouve sa place entre mes seins.

— Merci ! Je l’adore !

Je passe mes bras autour de lui et embrasse ses lèvres, sa joue, sa tempe et la base de son cou que je
renifle longuement. Une véritable junkie en manque de sa dose de Wes…

Ses yeux brillent d’une lueur malicieuse et je devine pourquoi lorsque sous mes fesses je sens une
superbe érection tendre son jean.

— Wes !

— Quoi ? Tu m’excites perpétuellement, ne t’étonne pas si ma queue réagit…

Un sourire s’étale sur mon visage, il a envie de moi et j’aime savoir que j’ai cet effet sur lui. Je
change de sujet pour calmer ses ardeurs et les miennes par la même occasion. Je n’oublie pas que
nous sommes en plein milieu de Central Park et se faire arrêter pour atteinte à la pudeur n’est pas
dans mes projets de la journée, aussi je lui parle des fêtes qui arrivent bientôt. Cette année, nous
sommes en couple et ce sera une première pour nous deux. J’ai donc prévu une soirée romantique où
je m’occuperai du repas et de Wes. Je pense aussi avoir trouvé le cadeau de noël idéal, qui j’espère lui
plaira…

— À quoi tu penses ma puce ?

Je fonds comme du beurre quand il utilise ces petits noms…


— À toi !

— J’aime ça, dis-m’en plus.

— Pas possible, ce serait gâcher la surprise monsieur Hamilton !

— Heureusement, j’ai les moyens de te faire parler.

J’éclate de rire quand ses mains s’approchent d’un peu trop près, maintenant qu’il connaît mon point
faible, il ne se prive plus.

— Non… S’il te plaît…

Il secoue la tête, amusé.

— Essaie encore, bébé.

— OK, OK ! Je pensais à notre soirée, tu sais, pour Noël.

Il reprend subitement un air sérieux et fronce légèrement les sourcils.

— À propos de ça, je ne veux pas te priver de ta famille.

— Stop, Wes, le coupé-je en posant un doigt sur ses lèvres. On en a déjà parlé et tu sais que j’irai les
retrouver pour le déjeuner du vingt-cinq alors tout va bien, OK ?

Il soupire longuement.

— OK.

Je saisis son visage entre mes mains pour qu’il me regarde.

— On est bon ?

Il se détend immédiatement et arque un sourcil.

— Yep’ ! On est plus que bon et tu sais où on serait encore meilleurs ?

Cet homme est insatiable et je remarque de plus en plus le changement qui s’est opéré en lui depuis
qu’il s’est ouvert à moi. Il est tellement plus relax même si on est encore bien loin du Dalaï-Lama, au
niveau de la zénitude. Ça me plaît de découvrir l’homme apaisé qu’il peut devenir lorsque nous
sommes ensemble. En revanche, je me rends compte qu’il est de plus en plus possessif bien que la
colère ne se manifeste plus dans ses yeux, ce qui quelque part est un point positif.

— Pas ce soir… C’est très tentant, mais j’ai prévu de passer prendre un petit quelque chose pour
Evan.

La nouvelle nous est parvenue le mois dernier au sujet de mon collègue et ami Evan. Finalement,
c’est confirmé ! Il sera muté à l’autre bout du pays comme il le craignait, lui ainsi que d’autres
collègues de la boîte. Heureusement, il prend l’annonce avec beaucoup de recul et de philosophie. Il
trouve finalement que c’est une super opportunité qui s’offre à lui. D’ailleurs, il se plaît à nous
répéter depuis quelques jours qu’à l’aube de ses trente ans, il était temps pour lui de franchir un
nouveau cap dans sa vie professionnelle. D’autant plus que les recherches pour son futur appartement
sont déjà bien entamées et j’en suis plus que ravie pour lui.

— Ne me dis pas que tu choisis ce naze à moi ?

— Il n’est pas question de choisir.

Il ne semble pas convaincu.

— C’est à ça que ça ressemble pourtant !

— Ne sois pas jaloux, s’il te plaît. Evan est mon ami, rien de plus.

Il saisit mon menton entre ses doigts pour ramener mon regard vers le sien.

— T’es à moi ! Oui ou non ?

Je hoche la tête.

— Tu comprends donc pourquoi ça ne me plaît pas que tu offres quelque chose à un autre mec.

— Je sais, mon chéri.

— Bien. Alors c’est réglé !

— Wes, je t’aime, mais tu ne peux pas prendre les décisions pour moi…

Merdum ! Je me raidis et mords immédiatement ma lèvre inférieure… Mais qu’est ce que je viens de
faire ? J’essaie de calmer les battements de mon cœur, après tout, peut-être qu’il n’a pas relevé ce que
je viens de laisser échapper ? Il y a peu de chance si je me fie à son regard fuyant. C’est même plus
que ça ! On dirait… Il a l’air… complètement flippé !

OK, je n’avais absolument pas prévu de tomber amoureuse de lui et encore moins de lui avouer mes
sentiments. Seulement, voilà ! Ce qui est fait est fait !

J’avais conscience d’éprouver des sentiments forts à son égard, mais après ses confidences sur son
passé, je me suis rendu compte que j’étais définitivement et irrécupérablement folle de cet homme. Et
puis, il devait bien s’en douter un peu, non ? C’est logique ! Sinon, pourquoi supporterais-je son
mauvais caractère et ses pétages de plombs à répétitions ?

Je m’éclaircis la voix et passe mes mains sur ses omoplates pour le caresser et le rassurer. Je ne veux
surtout pas de malaise entre nous. Je n’attends rien de lui et encore moins à ce qu’il me retourne mes
sentiments.

— Hé… Ne t’inquiète pas, tout va bien. C’est cool, d’accord ?


Je crois qu’il semble surpris. Il s’attendait à quoi ? À ce que je lui fasse, une scène parce qu’il ne m’a
pas dit qu’il m’aimait à son tour ? Je l’aime, c’est un fait. Je ne suis pas dupe, même si son attitude
semble démontrer le contraire, il ne m’aime pas… C’est un fait aussi ! Même si l’amour à sens
unique n’est pas l’idéal. Je m’y ferais, pour l’instant…

Je me rappelle aussitôt que je dois l’avertir d’un truc important. J’ignore encore quand, mais je ne
serais pas disponible un soir de cette semaine, pour nos petits rendez-vous quotidiens.

— Au fait, il est prévu qu’on prenne un verre en l’honneur d’Evan, un soir dans la semaine après le
travail avec quelques collègues pour, tu sais… Lui dire au revoir.

Ça ne lui fait clairement pas plaisir, mais au moins il s’abstient de faire un commentaire. Je continue
comme si de rien n’était.

— Enfin bref, si je te parlais du menu que je vais nous concocter, qu’en dis-tu ?

Il se détend un peu et me serre dans ses bras.

— J’en dis que ça m’intéresse, parle moi du dessert, me murmure-t-il dans le creux de l’oreille.

Je lui détaille les suggestions tout en essayant de garder mon sérieux pendant qu’il dépose une
multitude de petits baisers dans mon cou.

— Les idées ne me manquent pas alors qu’est-ce qui te ferait plaisir, qu’est-ce que tu voudrais toi,
Wes ?

— Toi.

— Tu m’as déjà, non ?

— Vrai. Tu m’appartiens.

Il ne pose pas juste la question, il l’affirme !

C’est aussi simple que ça ! Car il n’en a aucun doute… Et, il ne peut viser plus juste. Il remet en
question tous mes principes. Je le sais. Je le sens, au fond de moi. Jusqu’à lui, je n’avais jamais
ressenti ce besoin : celui d’appartenir à quelqu’un. Je n’avais jamais imaginé que j’apprécierais
jusqu’à l’idée, pensé-je jouant avec le cœur qu’il vient de m’offrir…

***

L’année s’achève et avec elle, vient le temps de dire au revoir à Evan. Il nous quitte pour Seattle. Il me
manquera, c’est certain et Anthony est déjà dans tout ces états. D’abord, parce qu’il est ultra sensible
et ensuite parce que notre petite bande ne sera plus. Anthony est quelqu’un de très émotif malgré ses
quatre-vingts kilos de muscles.
À la fin de la journée, nous nous retrouvons tous dans un pub à deux pas du boulot. L’ambiance est
joyeuse malgré les circonstances et moi, je suis perdue dans mes pensées quand mon téléphone vibre
dans ma poche arrière :

— [C’est fini ?]

C’est Wes. Sa patience est mise à rude épreuve ce soir. Il faut savoir qu’il est de plus en plus possessif
dernièrement, et bien qu’il essaie de tempérer ses assauts de colère, il reste encore sur le fil du rasoir.

Je lui réponds rapidement qu’il peut passer me prendre quand il le souhaite et range mon téléphone.
Je repense de nouveau à nous deux, les souvenirs affluent, les uns après les autres. D’abord, lui et
moi, sur le canapé alors qu’on s’échange nos cadeaux.

Mon expression quand j’ai découvert qu’il m’avait encore gâtée. Puis quand j’ai ouvert ses paquets.
L’un d’eux contenant un de ses sweat-shirts accompagné d’un flacon de parfum pour homme. Je me
rappelle l’avoir interrogé du regard parce que… Un parfum pour mec, quoi ? Mais il m’avait
répondu que ce n’était pas n’importe lequel puisque c’était le sien. « Pour que mon odeur t’étreigne la
nuit quand je ne suis pas là… », m’avait-il alors susurré à l’oreille. J’en souris encore… Le deuxième
paquet contenait un coupon avec des séances pour apprendre l’art du cake design. Je rêvais de ces
leçons… Cet homme est un génie ! Mon homme. Comment ne pas l’aimer encore plus après ça ?

Mes cadeaux, eux aussi ont eu leurs petits effets. Un splendide coffret en bois contenant tout le
nécessaire de dessin ainsi que les carnets de croquis assortis : pour que son talent ne reste jamais dans
l’ombre, lui avais-je chuchoté à mon tour. Sa réaction fut immédiate. Il m’avait surprise quand il
s’était levé pour m’attraper puis jeté sur son épaule. La seconde suivante, j’atterrissais sur le lit, son
corps pressant le mien. Cela tombait parfaitement bien, car ainsi il pouvait déballer son dernier
cadeau, à savoir moi ! J’avais vite fini complètement nue, lui allant et venant au plus profond de mon
intimité faisant se balancer entre mes seins le cœur en argent de mon collier.

Une nouvelle vibration dans ma poche me ramène à moi. C’est certainement Wes qui est arrivé. Je
cherche Evan des yeux, lorsque je le repère, je le rejoins pour lui dire au revoir une dernière fois,
avant de m’éclipser. Celui-ci me prend dans ses bras et me glisse près de l’oreille.

— Tu vas beaucoup me manquer Ella, puis il me dépose un baiser au coin des lèvres, qui
s’éternise…

Euh ?

Avant de comprendre ce qui arrive. Wes est entre nous et l’écarte de moi.

— Mec, tu veux un coup de main ?

Je devine à sa mâchoire crispée et à son regard, la colère sous-jacente. OK, il faut calmer les choses
avant que ça ne dérape,

— Hum, Wes je te présente Evan. Evan, voici Wes, mon petit ami. Je me tourne vers le principal
intéressé, tu es là depuis longtemps ?

— Assez pour voir cet enfoiré t’enlacer. Encore une fois…


Oh Wes... Je t’en prie, ne fait rien de démesuré, prié-je intérieurement. Evan met de l’eau dans son vin
et passe outre la grossièreté de Wes quand il lui tend la main pour se présenter. Son geste est quelque
peu hésitant — réaction parfaitement logique quand on voit la carrure imposante de Wes —

— Ravi de te rencontrer, s’empresse d’ajouter Evan.

— Pas moi ! Et t’avises plus de toucher ma nana.

Bon sang, il se comporte vraiment comme un homme des cavernes.

— Wes ?

— Quoi ? Tu lui plais, c’est évident ! Mais, il faut qu’il comprenne que tu es avec moi et qu’il n’a
aucune chance avec toi.

J’entrouvre la bouche encore sous le choc de l’attitude absolument déplacée de Wes, quand Evan
reprend la parole.

— Tu t’entends parler mec, en réponse à Wes. Puis, il se tourne vers moi. Ella, comment tu peux
laisser ce type parler de toi de cette façon, pardonne-moi pour ce que je vais dire, mais : tu mérites
mieux. Tu mérites quelqu’un qui te respecte.

Oh putain !

Trop tard…

Wes est tellement rapide dans son geste qu’un instant Evan est debout en train de me parler et l’instant
d’après, il est étalé au sol, avec la lèvre qui saigne.

Et, merde…

Ce n’était pas malin de la part d’Evan d’insulter Wes, cependant ça n’excuse rien ! Wes est allé trop
loin cette fois !

— Wes ! T’as perdu la tête ou quoi ?

Il hausse les épaules le poing levé prêt à remettre ça.

Je m’interpose et l’écarte, une main sur son torse. Il n’a même pas l’air de regretter ce qu’il vient de
faire. Je secoue la tête et m’accroupis devant Evan.

— Oh mon dieu, je suis vraiment désolé Evan, lui dis-je en l’aidant à se remettre sur pied.

Heureusement, la plupart de nos collègues sont sur la piste, hormis quelques clients près de la sortie à
notre droite, pratiquement personne n’assiste à notre petite scène. Je me tourne vers Wes.

— Attends-moi dehors ! J’arrive dans une minute !


— Quoi ? Pas question ! Il avait qu’à fermer sa grande gueule.

Grrr… Je suis furieuse contre lui !

— Wes !

Après le regard noir que je viens de lui lancer, il a compris parce qu’il lève les mains et s’en va,
furibond. Il va vraiment falloir qu’il se mette dans le crâne que nous ne sommes plus dans son
quartier, à l’époque où il réglait tout avec ses poings.

— Evan, est-ce que ça va ?

Je me confonds en excuses, car je ne sais plus où me mettre.

— Ça va, ça va Ella, me rassure-t-il.

— Je suis vraiment, vraiment navrée. Je ne sais pas ce qu’il lui a pris… Il n’est pas comme ça,
d’habitude. Soudain, les mots se meurent au bord de mes lèvres parce qu’à la vérité, Wes est
constamment comme ça…

— Tu n’es pas responsable si ton petit ami est un fou furieux.

— Il a tendance à s’emporter, je le reconnais, mais…

— Qui essayes-tu de convaincre, Ella ? Toi ou moi ? me coupe Evan. Tu devrais plutôt faire attention,
car qui sait ? La prochaine fois qu’il cognera quelqu’un, ça pourrait être toi !

— Tu es en colère, c’est normal, mais je peux t’assurer qu’il ne me ferait jamais le moindre mal.

— Vraiment ?

Oui, vraiment ! pensé-je intérieurement.

Évidemment ! Mais inutile d’essayer de le convaincre parce qu’Evan ne comprendrait pas…

Je m’empresse de sortir du pub, rassérénée par Evan parce que 1) sa lèvre n’est finalement pas
fendue, mais plutôt égratignée et que 2) il ne m’en veut pas… Evan est un gentil garçon, ce qui
m’horrifie d’autant plus de la conduite de mon impulsif de petit ami.

Quand je le retrouve. Il est à l’extérieur, posant nonchalamment contre le mur du pub tirant sur une
cigarette.

Et, pour une fois, j’ai bien envie de m’en griller une aussi.

***
Les pains-surprises ? OK. Je raye !

Il ne me reste plus qu’à faire un détour par le rayon frais et ce sera réglé. Cette année, avec Abby on
organise dans notre appartement un : cocktail dînatoire/réveillon du jour de l’an/fête qui va déchirer
du feu de Dieu.

Anthony nous avait bien invité Abby et moi à une méga fête, accompagnées de nos mecs, mais avec
Wes et sa propension naturelle à la bagarre, j’ai préféré m’abstenir. Il vaut mieux fêter le passage à la
nouvelle année en comité réduit. En résumé, cela consiste à inviter nos potes — en tout bien, tout
honneur – ainsi, rien ne risque d’attiser la colère ou la jalousie exacerbée de Wes.

J’ai encore en tête la scène avec Evan, Wes a reconnu s’être laissé un tantinet emporter. Sans blague ?
Bien que, d’après lui c’est quand même Evan qui l’a cherché…

Enfin bref, ce soir pas de drame ! Et je ne plaisante pas. Il me l’a promis !

Je parcours rapidement du doigt la liste que j’ai griffonnée un peu plus tôt. Il me semble que tout y
est, parfait. Habituellement, je ne suis pas fan des courses de dernières minutes, mais avec Wes qui
m’accompagne, tout me paraît plus agréable. En réalité, j’ai dû le soudoyer, son aide en échange de
tout ce qu’il voudra. Il a immédiatement accepté, un regard lubrique dans les yeux. Je devine
immédiatement à quoi il pense. Je réprime un sourire… J’hésite à lui faire remarquer que la nuit
d’amour était déjà prévue au programme de la soirée. C’est à croire que le sexe fort est plus faible
que l’on peut l’imaginer.

Après qu’il m’ait aidé à tout amener à l’appart, il est retourné chez lui pour se préparer. Je fonce
alors dans la salle de bain.

Abby finit quant à elle de peaufiner la déco. C’était sa mission, s’occuper de l’appartement, de la
musique et de nos tenues également. Elle est beaucoup plus douée que moi quand il s’agit de décorum.
Et, pour cause ! Elle à fait du salon un lieu magnifiquement cosy en éparpillant sur le tapis autour du
canapé quelques coussins. La déco dans les tons argent et blanc s’accordent délicieusement avec nos
meubles blancs. Quelques ballons apportent la touche festive. Des bougies illuminent la pièce de
jolies lueurs pleines de chaleurs. La grande table à manger couverte d’une nappe blanche est accolée
au mur sur la droite, elle servira de buffet ce soir. De discrètes guirlandes argentés sont accrochées
de ci, de là. Le résultat est parfait !

Moi, je me contente des activités dans mes cordes, comme les courses ou les listes…

Abby se fiche d’ailleurs toujours de moi ou plus exactement de ma mémoire de poisson rouge. Alors
qu’au contraire, je trouve que c’est une qualité de zapper certaines choses ! Cela permet de relativiser
et aussi de passer l’éponge à l’insu de mon plein gré…

Tenez, par exemple, j’ai oublié de remettre sur le tapis les évènements du désastreux repas de
Thanksgiving lorsque je suis retourné déjeuner chez mes parents pour le vingt-cinq.

Du coup, tout s’est parfaitement déroulé, dans la joie et la bonne humeur…

Abby me retrouve dans ma chambre.


— C’est parti Fitzgerald ! Je vais faire de toi une déesse !

— Trop facile ! J’ai déjà la matière première ! pouffé-je de rire…

— La matière première va dégonfler du melon sinon je ne garantis pas le produit fini.

— Tu peux me rappeler pourquoi on est toujours amie toutes les deux, déjà ?

— Parce que tu vis dans l’appart de ma tante Frieda à qui l’on paye un loyer dérisoire ?

— C’est juste !

Après, une éternité aux bons soins d’Abby, je peux enfin admirer le résultat, et je dois dire qu’elle a
fait un travail remarquable. Je me trouve canon ! Mes cheveux sont dans le style coiffé/décoiffé.
J’adore ! C’est le genre de coiffure que je n’arrive jamais à reproduire par moi-même sans finir par
ressembler à Edward aux mains d’argent… mais pas ce soir parce qu’Abby a fait des merveilles ! Je
porte aussi une splendide robe bustier couleur champagne incrustée de strass qui s’arrête à mi-cuisse.
Et pour seul bijou, mon collier cœur. Depuis que Wes me l’a offert, il ne me quitte plus ! Je crois que
j’y vois comme un symbole… Quelque chose qui représenterait inconsciemment son amour. J’aime
me l’imaginer en tout cas ! Mon maquillage est plutôt simple, je dirais hormis mes yeux
charbonneux. L’ensemble est parfaitement réussi et me plaît énormément ! J’espère qu’il plaira à une
certaine personne également…

— Ella ! Oh lala ! Tu es bombesque ! Sans rires, je suis particulièrement fière de mon travail. C’est
sexy Wes qui ne va pas garder son calme bien longtemps ni son jean.

— J’espère bien ! Surtout s’il ne porte rien en dessous !

Abby ne dissimule pas son étonnement face à mon hardiesse.

— Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de ma copine : Ella, la coincée ?

— Elle a rencontré un mauvais garçon qui a fait d’elle une bitch, je crois !

Abby éclate de rire !

— Je t’adore El’ ! Je te l’ai déjà dit ?

— Moi aussi, Duncan je t’adore, mais trêve de plaisanterie, nos mecs vont rappliquer d’ici peu, il faut
qu’on se magne de finir de tout préparer. Nos mecs… J’adore comment ça sonne…

— Tu sais quoi ! Tu as entièrement raison. Et puis ce soir, ne l’oublions pas. C’est la fête !

Un peu plus tard, la sonnerie retentit. Les premiers invités arrivent, la soirée peut commencer !

Tout se passe à merveille ! Carter qui était en charge des boissons a rempli sa mission avec brio ! Il
s’occupe également de remplir les coupes au fur et à mesure que nos potes arrivent. Dorian et sa
clique de geeks, Taylor et son mec du moment Oswald, qui pour une fois n’est pas coutume, fait
réellement parti d’une comédie musicale. D’ailleurs, il est venu accompagné de ses deux potes,
Bianca et Duke qui sont eux aussi comédiens.

Ils sont incroyables, d’après Taylor qui ne tarit pas d’éloges à leurs sujets. Avec leurs gestuelles, on a
l’impression qu’ils sont en perpétuelle représentation… Taylor a un don indéniable pour dénicher les
plus perchés !

Nous avons également les collègues d’Abby du Dunkin’Donut où elle bosse à mi-temps, Tina et
Violet qui sont vraiment très sympa et très ensemble ce qui me rassure parce qu’elles sont canons.

Il ne manque plus que Wes, le bougre sait se faire désirer. Quand j’entends la porte de nouveau, il est
déjà plus de vingt deux heures, je me précipite pour ouvrir parce que je sais que cette fois c’est lui.
Par tous les saints qu’on me vienne en aide parce que je ne tiendrais pas la soirée entière face à cette
vision de rêve qui me dévore littéralement des yeux. Je m’éclaircis la voix pour dissimuler mon
trouble.

— Hum… tu es en retard !

— Et toi, tu es magnifique !

— OK. Bien rattrapé, Don Juan ! C’est bon, tu peux entrer…

— Tu m’en vois ravi, mais dépêchons-nous avant que ma copine ne nous surprenne !

— Très drôle…

Sans détacher ses yeux des miens, il avance jusqu’à ce que son visage se retrouve en face du mien si
bien que je dois lever la tête pour ne pas rompre le contact.

— Embrasse-moi ! me souffle-t-il d’une voix rocailleuse chargée par le désir que je peux lire dans
ses yeux. Je m’exécute. Cet homme est à la beauté ce que Mozart est à la musique, ce que Jackson
Pollock est à l’art moderne, ce que… Enfin, vous avez saisi l’idée ! Lorsque je me décolle –
difficilement – de lui. La façon qu’il a de me déshabiller du regard frôle l’indécence, je me sens
presque nue face à son regard hypnotique.

— Bébé, tu es absolument parfaite, mais ta robe ne va pas. Tu dois te changer, maintenant de


préférence.

Quoi ? Il débloque ! Je suis carrément à tomber dans cette robe et l’évasé du jupon cache mon
derrière qui a repris ses droits depuis que je fais moins de sport pour me consacrer à plus de Wes.

— Euh… Elle ne te plaît pas, c’est ça ?

— Putain, si ! T’es même trop sexy !

— Je ne comprends pas là…

— C’est pour cette raison qu’il faut que tu te changes ! reprend-il le plus sérieusement du monde.
Bébé, si quelqu’un te mate, je ne pourrais pas me retenir et je t’ai promis de bien me comporter. Ce
qui ne sera pas possible, si tu restes habillé comme ça.
Je réprime un sourire, il est trop… Mignon ? Adorable ? Craquant !

— Et si je te disais que je ne suis une tentation pour personne ce soir ?

— Je dirais que c’est faux ! Moi, tu me tentes et beaucoup !

Wes fait du bien à mon ego, et savoir qu’il est aussi attiré par moi que je puisse l’être par lui est à la
fois réconfortant et très excitant.

— Je n’ai pas l’intention de me changer ce soir, mais je te promets que si tu te tiens bien, tu auras le
droit de me l’arracher plus tard, qu’en dis-tu ?

— Ça va être dur de tenir, mais OK. Deal.

— Deal ! Sérieusement, Wes ! Je ne sais pas quoi penser de ton penchant pour le chantage…

— Je plaide coupable, surtout quand il est question de ton corps.

— Tu sais comment parler aux femmes, toi !

— Peut-être, mais la seule femme qui m’intéresse ici, c’est toi, bébé ! me dit-il avant de m’embrasser
fiévreusement.

C’est intense et sensuel.

Après notre intermède langoureux, je le tire enfin dans le salon et le présente à tous nos amis.

— Joli rouge à lèvres, Wes ! plaisante Abby.

Tout le monde le salue et lui me semble détendu et parfaitement à son aise.

Au fil de la soirée, l’ambiance est formidable et tout le monde s’amuse. Avec Abby, on s’est lâchées
sur la piste de danse improvisée au milieu du salon, et après plusieurs morceaux j’ai très chaud et je
suis essoufflée. Ma robe me colle à la peau ce qui me pousse à m’arrêter un instant, je rejoins Wes sur
l’un des fauteuils. Il m’attire sur ses genoux et enfouit son nez dans mes cheveux, puis caresse avec sa
langue la base de ma nuque. J’aime sa façon de se comporter avec moi. Ça a quelque chose de
presque bestial, ce besoin de se sentir, de se goûter, de se lécher. Après avoir « marquer son territoire
» comme il le faut, Wes se penche vers moi et m’interroge,

— Bébé, est-ce qu’il y a de la drogue qui circule chez toi, ce soir ?

Je me raidis. Pourquoi cette question ? Est-ce... ? Est-ce qu’il en voudrait ? J’espère bien que non… Il
attend ma réponse.

— Quoi ? Non, bien sûr que non ! Pourquoi ?

Je soupire de soulagement quand je comprends de quoi il s’agit, son regard est orienté vers la troupe
de théâtre dans un coin du salon et je ne peux m’empêcher d’éclater de rire.
— Nooon ! Eux, c’est des artistes ! Ils planent naturellement ! Pas besoin de consommer quoi que ce
soit d’illégal…

C’est vrai qu’à la manière avec laquelle ils interagissent entre eux, on pourrait croire qu’ils carburent
à autre chose que les « Tic Tac ». C’est un peu comme s’ils ne quittaient jamais leurs personnages…

Quand il est l’heure du traditionnel compte à rebours avant le changement d’année, nous reprenons
tous en chœur le décompte, 10 – 9 – 8 – 7 – 6 – 5 – 4 – 3 – 2 – 1

— BONNE ANNÉE !!! s’exclament en même temps tous nos amis.

Je passe mes bras autour du cou de Wes pour l’embrasser. Je suis heureuse de cette soirée, d’être avec
tous mes amis et avec Wes pour célébrer cette nouvelle année qui commence. Le baiser enflamme
mes sens. Je ne sais pas si c’est la chaleur de l’appartement ou l’alcool, mais j’oublie rapidement où
je me trouve ainsi que le bruit de la musique autour de nous. Plus rien ne compte ! À cet instant, plus
rien n’a d’importance sauf Wes. Nous sommes dans notre bulle jusqu’à ce qu’il rompe le baiser.

— Bébé, je crois qu’il est temps d’honorer ta promesse.

Je devine de quelle promesse il s’agit quand son regard s’aventure vers mon décolleté.

— Je te veux qu’avec ça !

Il parle de son cadeau. Il ne le montre pas toujours, mais j’ai remarqué qu’il le cherche toujours des
yeux sur moi, à chaque fois que l’on se retrouve. Je crois que ça le rassure de me voir porter son
cœur autour de mon cou. Un peu comme si je revendiquais lui appartenir ou je ne sais quoi…

— Tout ce qui te plaira, mon chéri !

Ma réponse a un effet immédiat sur lui ! Ses pupilles se dilatent et sa mâchoire se contracte. Il me
surprend quand il passe une main sous mes genoux et une main sur mon dos, puis se lève. Je
m’accroche à ses épaules plus par réflexe que par inquiétude, car dans ses bras forts et chauds, j’ai
l’impression d’être aussi légère qu’une plume…

C’est ivre l’un de l’autre et sous les rires moqueurs des autres que nous nous dirigeons vers ma
chambre pour débuter l’année en beauté…
Chapitre 22

De retour au bureau après les fêtes, je plane sur mon petit nuage. Tout va pour le mieux dans le
meilleur des mondes. Et j’aurais dû me douter que le bonheur et la félicité ne durent jamais bien
longtemps... Et que la tuile n’allait pas tarder à me tomber sur la tête, sinon comment expliquer
l’attitude raide – plus qu’à l’habitude — de Christina et son allure négligée. Elle, qui est toujours tirée
à quatre épingles. Il y a forcément quelque chose qui ne tourne pas rond,

— Ella, dans mon bureau.

OK. Peut-être que rien n’a changé finalement. Je dépose mon manteau, attrape ce qu’il faut et pénètre
dans son bureau. Le carton sur le coin de son bureau me saute immédiatement aux yeux ! Cela
signifie-t-il qu’elle fait du rangement ? Possible qu’elle a besoin de mon aide pour faire le tri… Ou
alors, elle veut que ce soit moi qui m’occupe du rangement toute seule ? Je croise les doigts pour que
ce ne soit pas ça, je n’ose imaginer ce qui se cache dans son tiroir secret… Celui dont le contenu est
réservé à ses rendez-vous crapuleux…

— Installez-vous, nous allons rentrer dans le vif du sujet.

— Euh… D’accord ?

Je regarde ma tenue, je porte une jupe crayon noir, un chemisier blanc avec mes talons. Ce n’est
vraiment pas la tenue adaptée pour faire le ménage dans son bureau… Peut-être qu’elle ne m’en
voudra pas si j’enlève mes chaussures ?

Christina toussote pour ramener mon attention vers elle.

— D’abord, comprenez bien que ce n’est pas de votre faute.

Ma faute ? Euh… De quoi cause-t-elle ? Encore heureux que je n’aie rien à voir avec le bordel qu’elle
accumule dans ses tiroirs !

— Je tiens également à souligner que nous allons nous en sortir, il ne faut pas céder à la panique.

Nous ? Ah, alors je ne vais pas faire tout le travail toute seule… Je ne sais pas si je dois me sentir
soulager ou non. Retirer mes chaussures semble compromis.

— Très bien ! Par où voulez-vous que je commence ?

On dirait que ma question la surprend, car elle en reste comme deux ronds de flan. Pensait-elle que
j’allais refuser de l’aider ? Comme si j’avais le choix…

— Que vous commenciez ?


— Oui, le rangement. Par quoi voulez-vous que je commence ? Je propose de débuter par l’archivage
des dossiers traités de plus d’un an, si vous êtes d’accord ? Je me lève pour me diriger vers l’armoire
où sont rangés les dossiers en question.

— Ella, il n’est aucunement question de rangement.

Je me rassois, perplexe.

— Pardonnez-moi, Christina, mais j’avoue que je ne comprends pas ce que vous attendez de moi dans
ce cas.

— Vous avez raison, inutile de tourner en rond. C’est comme les sparadraps, il faut tirer coup sec !

—…

— Bon… très bien. Je vous annonce que nous quittons l’entreprise ! Voilà, c’est dit.

Ma première réaction face à l’annonce de Christina est de ne pas avoir de réaction…

Ensuite, je suis un peu abasourdie parce qu’en toute franchise je m’attendais à beaucoup de choses,
mais certainement pas à être licencié juste après les fêtes ! En fait, je suis carrément sur le cul ! Quel
genre d’entreprise peut faire ça à ses employés ?

Pour finir, je hurle intérieurement une série de pourquoiiiii !

— Hum…

Je masque mes émotions du mieux que je le peux et demande pour quelle raison nous sommes
licenciés ?

Christina se tortille sur son siège, elle semble mal à l’aise et je dois dire que je ne l’ai jamais vu
comme ça… Peut-être que je vais lui manquer après tout !

— En réalité. Hum, je veux dire dans les faits, c’est moi qu’on a licencié. Mais puisque c’est moi qui
vous ai engagé, nous sommes un peu dans le même bateau ! Il est évident que vous êtes une excellente
assistante…

Une excellente assistante ? Et bien, merci ! Attendez une minute, que vient-elle de dire ?

— J’ai peur de ne pas avoir tout saisi, est-ce que je suis virée ou pas ?

— Non… oui ! Enfin, pas exactement, en fait non, mais…

Je lance un regard circulaire à la moquette de son bureau, elle est intacte. OK, donc c’est autre chose
que Christina a fumé parce que je ne comprends pas un foutu mot de ce qu’elle raconte !

— Je ne comprends pas ? Donc je ne suis pas licenciée ?

Elle secoue la tête, absolument pas désolée pour un sou…


Quoi ? Je n’y crois pas !

Sérieusement ? Son culot atteint des sommets !

Après tout ce temps passé avec elle, je pensais avoir tout vu ! Il faut croire que non...

— Mais, vous avez décidé de me prendre avec vous, c’est ça ?

Elle hausse les épaules comme si tout ça lui semblait parfaitement normal et logique.

J’ai bien l’impression qu’elle oublie un léger détail : je ne suis pas sa foutue agrafeuse !

— Si je résume ce que vous venez de dire. Vous ? Christina avait été remerciée (elle hoche la tête),
mais pas moi ? (Elle secoue la tête)

— En effet. Cependant…

Avant même qu’elle puisse finir sa phrase, je la coupe,

— Donc, j’ai toujours ma place ici ?

— En théorie, oui.

— Et dans les faits ?

— Dans les faits aussi.

— Christina, je suis absolument navrée pour vous… (mensonge), mais si je ne suis pas virée alors je
ne vois aucune raison pour moi de « partir » avec vous. Je veux dire que vous ne pouvez pas
m’emporter avec vous ! C’est absurde !

— P-ppardon ? réplique-t-elle d’un air ahuri.

Je hausse les épaules parce que sur ce coup-ci, je ne peux rien faire de plus pour elle…

Elle ouvre et ferme plusieurs fois la bouche, comme un poisson hors de l’eau, mais ne prononce pas
un mot de plus. Bien ! Je me lève alors et quitte son bureau. Adieu Christina !

Alors que je rejoins mon bureau, une question me préoccupe pourtant. Qui la Direction va-t-elle
engager pour la remplacer ? La sonnerie de ma ligne interrompt mes réflexions et je suis tétanisé
quand je lis le nom qui s’affiche sur mon écran… Elliott MILLER.

C’est une blague ?

Peut-être que finalement je vais être virée aussi…

— « Entretien dans mon bureau à dix-huit heures »

Voilà le résumé de ma conversation avec monsieur Miller, et cette phrase tourne en boucle dans mon
crâne durant le reste de la journée. Quelques mots, huit pour être exact. Rien de plus ! Pas de bonjour
ni d’au revoir et encore moins de mercis…

Rien.

De.

Plus !

Comment ne pas gamberger après ça ? D’autant plus que ce message ne vient pas de sa secrétaire qui
se serait occupée de m’appeler pour transmettre le message. Non, non ! J’ai eu le droit à Elliott
himself… Je dois souligner que c’est une première pour moi ! Première convoc’ dans le bureau du
Directeur et première fois que j’entends le timbre grave de sa voix aussi…

En y réfléchissant avec calme, j’en suis arrivée à la conclusion qu’être convoquée chez le big boss ne
flaire pas bon en général. Donc, soit on tient à me taper sur les doigts, soit on veut me licencier. Ou
alors, dernier cas ! On souhaite me muter ! Je repense à Evan…

Peut-être que l’on va m’envoyer à Seattle moi aussi ? Par pitié, non ! Je préfère encore être virée !

Puis soudain, je repense à Christina et son départ précipité d’aujourd’hui. Tout s’éclaire ! Il est
évident que ce n’est pas une coïncidence. On va certainement vouloir me poser des questions sur ses
rendez-vous libidineux… Mais c’est bien sûr !

Voilà pourquoi on me convoque ! C’est forcément à ce sujet ! Je dois me concentrer sur ce que je vais
répondre.

Que vais-je répondre ?

Après tout, est-ce qu’on peut considérer que je suis complice aussi ? Quand même pas ! Si ?

Pour ma défense, je n’approuvais pas ses méthodes !

C’est ce que je garde en tête lorsque le grand moment arrive. Je réajuste ma tenue et appuie sur le
bouton du dernier étage de l’ascenseur. Je vérifie une dernière fois l’heure : dix-sept heures
cinquante-cinq. Je suis dans les temps ! On ne pourra pas me reprocher d’être en retard, au moins…

Quand le ding de l’ascenseur retentit, signe que je suis au bon étage. Je sors de ma transe et tente de
me ressaisir. Il faut vraiment que je me calme, sinon je risque de faire une tachycardie ! Il ne
manquera plus que ça pour rendre cette journée encore plus dingue qu’elle ne l’est déjà !

Je fais un pas hors de l’ascenseur, et me retrouve… au paradis ! Ou plutôt, dans un immense vestibule
en marbre blanc. Wouah ! Dis donc, on ne se refuse rien ici… L’endroit étincelle du sol au plafond et
pas un grain de poussière ne vient entacher les lieux. Je fais un tour sur moi-même, impressionnée
par le bruit de mes talons qui claquent sur le sol clac… clac… clac. Dire que j’ai toujours rêvé de
faire des claquettes, je réalise mon rêve… N’importe quoi ! Ressaisis-toi, Ella ! J’ai regardé assez de
séries policières pour me rendre compte que mon anxiété me rendrait coupable aux yeux de
n’importe qui ! Seulement, je n’y peux rien, c’est mon esprit qui s’emballe quand je suis en proie à un
trop grand stress ! Comme maintenant…
Face à moi, se trouve une double porte vitrée. Je m’avance vers celle-ci, la pousse et me retrouve
dans une grande entrée. Sur ma gauche, se trouve un bureau gargantuesque – c’est vrai, il doit bien
faire le centuple du mien – je remarque aussi la vue, qui à cette hauteur est imprenable sur la ville,
grâce à son immense baie vitrée. Sa secrétaire est une petite veinarde, pensé-je alors que je m’avance
sur ma droite vers une lourde porte en acajou. Je crois qu’on y est ! J’essuie mes mains moites sur ma
jupe et remercie ma bonne étoile pour ne pas avoir taché mon chemisier pendant le déjeuner.

Je lève la main et tape trois petits coups. Et, rien !

Pas un bruit !

Rien du tout !

C’est curieux, non ? Je vérifie autour de moi au cas où j’aurais raté quelque chose… Je ne connais
pas personnellement Elliott Miller, mais je ne pense pas que ce soit le genre d’hommes à s’amuser à
faire des blagues à ses employés quand finalement la porte s’ouvre sur un monsieur Miller dans toute
sa splendeur ! Enfin, pour peu qu’on soit impressionnée par un costume de grand couturier taillé sur
mesure, des chaussures italiennes en cuir verni et une montre qui doit bien valoir le prix de notre
appartement à Abby et moi…

— Mademoiselle Prescott. Entrez !

Je hoche la tête et avance dans son antre à petits pas, faisant attention à ne pas me prendre les pieds
dans le tapis de l’entrée et m’étaler de tout mon long… Je suis bien assez embarrassée comme ça
pour qu’en plus je lui dévoile la couleur de ma culotte.

Il me propose de m’asseoir d’un signe de tête. Son bureau est aussi grand que l’on peut l’imaginer et
tout autant classieux que le reste de l’étage. Il est aussi incroyablement épuré. Une table de réunion
ovale se trouve sur la droite. Je me demande immédiatement s’il en parle comme étant le bureau
ovale ? Je réprime un fou rire à cette idée ! Elle est entourée par huit fauteuils en cuir qui ont l’air
extrêmement confortables. Quand je pense qu’avec un tel siège, je serais doublement plus efficace
qu’avec mon actuel qui date d’un autre temps.

Monsieur Miller se racle la gorge et je me rends soudain compte que l’analyse de son bureau a duré
plus que prévu. Oups ! Je me concentre vers lui. Il est le même que celui que nous avons croisé, avec
Anthony, il y a quelques mois. Je l’avais déjà vu dans certains magazines, mais l’avoir face à moi, ça
m’impressionne particulièrement, je dois l’avouer.

Lui, il est impassible et me scrute de ses yeux d’un bleu intense. On dirait qu’il cherche à lire dans
mon regard ou sur mon front la preuve de ma culpabilité. Heureusement, dans notre pays, on est
innocent jusqu’à preuve du contraire !

— Vous devez vous douter de la raison de votre présence ici.

Voilà, nous y sommes ! Nie tout en bloc, Ella !

— Euh… Non !

— Christina Clarke a été remerciée aujourd’hui.


Je hoche la tête. Merci, je suis au courant…

— Et, si vous êtes ici, ce soir c’est parce qu’on a besoin que vous assuriez l’intérim en attendant de
trouver la personne qui reprendra le poste.

Je m’attendais à beaucoup de choses, mais sûrement pas à ça !

On me propose le poste de Christina ?

C’est une caméra cachée, c’est ça ? Ça ne peut-être que ça ! Je m’attends à le voir éclater de rire en me
lançant un « on vous a bien eu ! »

— Mademoiselle Prescott, tout va bien ?

Je hoche la tête à nouveau, parce que je ne sais toujours pas si toute cette histoire est une farce ou si le
play-boy face à moi me propose réellement une putain d’opportunité ! Même si, ce n’est que pour une
courte durée…

Il attend visiblement une réponse, irrité par mon silence.

— Euh… Oui. Oui, ça va. Je veux juste être sûre d’avoir tout compris… Vous voulez que je reprenne
le poste de Christina ?

Il acquiesce et énumère la liste de mes tâches. OK, hormis les rendez-vous avec les clients, il n’y a
rien que je n’ai déjà fait. En revanche, quand il m’annonce que je dois déménager dans le bureau en
face du sien, je ne pige plus rien…

— Ainsi, il me sera plus facile de vous consulter. Je n’ai pas de temps à perdre comme vous devez
vous en douter ! Et, le temps c’est de l’argent.

Je ne comprends toujours pas un traître mot de son explication, mais s’il veut que j’échange mon
micro bureau contre le palace avec vue panoramique, il suffit juste de m’indiquer où je dois signer !

***

Jamais ! pensé-je.

Jamais, je n’aurais cru qu’un jour je regretterais Christina. Depuis ce fameux soir, il y a quelques
semaines de ça, où j’ai cru à l’opportunité du siècle. J’ai en réalité signé un contrat avec le mal
personnifié ! Mon nouveau patron est odieux, exécrable, excessif, exigent et abject avec moi ! Et, je
pourrais continuer la liste de ses qualités encore et encore…

C’est simple, depuis que j’ai vendu mon âme à Elliott Miller, je n’ai plus une minute à moi. Je suis
constamment sous pression et la vue panoramique ne change rien à la situation et au fait que je suis en
plus de mes fonctions devenue en quelque sorte l’assistante personnelle d’Elliott. Toujours lire les
clauses…

Mon téléphone vibre, c’est encore un SMS de Wes. Je soupire silencieusement, je lui enverrais une
réponse plus tard… Car à peine ai-je le temps de reposer mon portable que la massive porte en
acajou s’ouvre de nouveau.

— Ella, pourriez-vous, je vous prie, me transmettre le bilan patrimonial des Morris et le détail de la
succession des héritiers Hall ?

— Bien sûr, je vous les apporte tout de suite.

— Et je vous saurais gré de ne pas jouer avec votre téléphone alors que votre journée de travail n’est
pas terminée. Dois-je vous rappeler que vous avez signé pour m’appartenir de huit heures à dix-huit
heures ?

Avant même que je ne trouve une réplique bien colorée à lui servir, il repart dans un claquement de
cape et claque la porte de son bureau derrière lui ! Bon d’accord, j’exagère… Il ne porte pas
réellement de cape… Juste un costume Prada ! Hé, oui ! Aussi ironique que cela puisse l’être, le
diable s’habille vraiment en Prada !

D’ailleurs, on en parle de mes horaires ? Car il est vingt-heures passées et j’ai encore une montagne
de dossiers à vérifier et à lui transmettre avant de partir alors sa journée de travail, il peut se la carrer
où je pense !

Et c’est ainsi pratiquement tous les jours depuis que je lui annoncer que je prenais quelques jours de
congé. Ceux qui étaient prévus depuis un certain temps soit dit en passant… Je m’envole pour San
Francisco baby ! Enfin ! J’aurais bien mérité ces quelques jours de farniente loin de Satanas. Il y aura
également le mariage… À ce propos, Abby organise une petite soirée avant notre départ pour fêter
l’enterrement de vie de jeune fille de sa sœur, mais qui ne sera pas présente ? Ne cherchez pas la
logique, moi j’ai renoncé…

Lorsque j’arrive enfin à l’appartement, je retrouve Abby entourée d’une multitude de petites fiches de
différentes couleurs.

— C’est quoi tout ce bordel, Ab’ ?

— Je vérifie si je n’ai rien oublié pour l’enterrement de vie de jeune fille d’Adaline. D’ailleurs, tu as
plutôt intérêt à ne pas être en retard sinon je viendrais botter les fesses de ton boss en personne, s’il le
faut !

— J’ai pris les devants donc tout roule ! Elliott est prévenu depuis longtemps, mais je n’aurais rien
contre quelques coups de pieds au royal fessier de mon patron tyrannique par mon amie ! En
revanche, ce qui me laisse pantoise, c’est de faire la fête sans la principale concernée qui est à l’autre
bout du pays. Elle risque de péter un plomb quand elle l’apprendra, tu ne crois pas ?

— Pour ta gouverne, saches ma belle qu’Adaline ne pète pas de plomb ! Non, elle exacerbe ses
émotions négatives…
J’éclate de rire et ça me fait du bien ! Après la pression des derniers jours, j’avais bien besoin de ma
meilleure amie et de ces quelques jours loin d’ici… Abby est tellement cool que j’oublie souvent
qu’elle vient de la haute. J’espère que je ne lui ferais pas honte avec mes manières de roturières…

Abby ne se rend pas compte de mon trouble et continue son monologue.

— Et, c’est justement ça qui est chouette ! Les avantages d’une soirée délirante entre filles sans
l’inconvénient de devoir supporter Adaline, que peut-on rêver de mieux ?

— Rien de mieux, en effet.

***

La semaine suivante, nous sommes prêtes à fêter dignement l’enterrement de vie de jeune fille
d’Adaline sans Adaline… Mais avec toutes nos copines ! Dire qu’Abby n’a pas lésiné sur le budget est
un doux euphémisme. Le club dans lequel nous sommes est « Le Provocateur » sur la neuvième
avenue, l’un des plus branché de la ville ! Il est d’ailleurs plutôt difficile d’y entrer si l’on ne figure
pas sur la très selecte guest list. Tout ici sent le luxe à plein nez. Je n’aurais jamais cru un jour y
mettre ne serait-ce qu’un orteil. J’ai oublié de préciser que la famille d’Abby est très, mais alors très
friquée. C’est pour cette raison qu’elle ne travaille qu’à mi-temps. Elle pourrait ne pas travailler du
tout d’ailleurs, mais elle aime ce qu’elle fait et ses collègues sont géniaux.

Ce soir, c’est la fête ! Avec les filles, nous sommes sur notre trente-et-un pour nous éclater ! La déco
de la boite est splendide et original, un mini parc est reproduit avec des arbres et des balançoires.
Sans déconner ! C’est juste incroyable ! Au fond se trouve un grand bar plein à craquer où l’alcool
coule à flot. Les banquettes sont en cuir blanc ce qui donne un côté glamour, feutré et intime. Quant à
la clientèle, elle est relativement aisée et ahurissante aussi ! Sérieusement ! Les femmes ressemblent
toutes à des mannequins à la plastique de rêves et les mecs en mettent plein la vue avec leurs belles
gueules et leurs fringues hors de prix. Le DJ passe de l’excellent son. En revanche, c’est tellement fort
que je le sens résonner jusque dans ma poitrine. J’ai hâte de profiter de la piste de danse et de me
lâcher ! Sans compter qu’Abby nous a réservé le carré VIP ! Seigneur, c’est presque indécent ! Ma
meilleure amie a vraiment dépensé sans compter pour que la soirée soit réussie ! Et, elle l’est !

Nous avons droit à toutes sortes de cocktails démentiels, et le must c’est que nous n’avons même pas
besoin de nous lever pour passer commande, un serveur s’occupe exclusivement de nous. Le pied
intégral ! Il ne manque plus que les strip-teaseurs…

Évidemment, il était hors de question d’en faire venir d’un commun accord avec Carter et Wes.
C’était LA condition pour qu’ils se tiennent à l’écart. De mon côté, j’aurais préféré que les garçons
nous accompagnent, ainsi j’aurais pu passer la soirée dans les bras de Wes, parce que ces derniers
temps je n’ai pas beaucoup eu l’occasion de le voir. Cela me rappelle combien il va me manquer
quand je serais partie même si ce n’est que pour quelques jours. Heureusement que j’ai prévu de
passer la journée de demain avec lui et profiter de lui juste avant mon départ. Après des heures à
danser et nous amuser sur la piste, une pause est la bienvenue… Je retourne à notre table, Abby sur
mes talons. Je m’affale et laisse mon regard s’évader un instant.

— La Terre à Ella !

— Je suis là Ab’ ! Non, en fait je vais plutôt aller au petit coin avant d’être complètement faite ! Je
reviens, les meufs !

Je me glisse hors de ma place et me dirige vers les toilettes des dames tout en priant pour qu’ils
soient à l’image du reste à savoir un minimum nickel. L’ambiance est à son paroxysme et entre la
danse et les cocktails, j’ai les pieds en compote et la vessie pleine alors que je me fraye tant bien que
mal un passage parmi la foule qui se déhanche au rythme de la musique. Lorsque j’y suis enfin, je
referme la porte derrière moi, l’intensité du son diminue subitement. Quel soulagement ! D’autant que
je suis ravie de voir que leurs chiottes sont cool. Je sors de ma cabine et jette un coup d’œil à mon
reflet. À part mon mascara qui a un peu coulé, je n’ai pas trop mauvaise mine. Je masse mes tempes
qui commencent à me faire souffrir à cause de la musique trop forte. Je me lave les mains, et
tamponne mon visage. En réalité, je suis épuisée, mais je ne tiens pas à gâcher tous les efforts d’Abby
pour que cette soirée soit une réussite. Aussi je prends sur moi et y retourne. Dès que j’ouvre la porte,
je suis assaillie par le « boum boum » des basses qui se répercute dans tout mon corps. Je longe le
corridor pour rejoindre la table de mes amies sauf qu’à peine ai-je avancé d’un pas sur la piste, je
suis surprise, car on m’agrippe le bras. Je vacille légèrement sur mes talons quand on me tire pour
me ramener de nouveau vers le couloir que je viens de quitter.

— Regardez qui je viens de dénicher… Ella ? C’est bien ça ! me crie-t-on dans l’oreille.

Je secoue mon bras pour me défaire de l’emprise en vain et me retourne pour me trouver face à…
Dante. Quoi ! Lui, ici ! C’est une blague ?

— T’es barge ou quoi ? Et, tu veux bien lâcher mon bras ! hurlé-je à mon tour pour qu’il m’entende
par-dessus la musique qui résonne dans mes oreilles.

— Je voulais juste te proposer de t’offrir quelque chose à boire ?

Je secoue la tête, mais il ne desserre toujours pas son emprise. Il jette un regard derrière mon épaule.

— Wes est dans le coin ?

— Oui ! D’ailleurs, il m’attend.

— Allez ! Tu as bien une minute pour un verre.

Je note qu’il n’est aucunement perturbé de savoir que Wes est peut-être là, quelque part à m’attendre.

— Merci. Mais, non merci ! Et puis Wes doit se demander ce que je fabrique !

Il plisse les yeux et affiche maintenant un sourire mauvais que je n’apprécie que moyennement.

— On dirait que la douce Ella est aussi une belle menteuse.

Je regrette tout d’un coup que Wes ne soit pas réellement là ! Il resserre davantage la pression sur
mon bras. Le petit enfoiré va finir par laisser l’empreinte de ses doigts s’il continue, la musique
change soudain de rythme pour une musique plus lente.

— Lâche mon bras Dante !

— Oh ! Tu te rappelles de mon nom ?

Un éclat brille dans ses yeux. Quelque chose de malsain. Je me sens immédiatement mal à l’aise en sa
présence. Puis, je me rappelle ce que m’a raconté Wes à son sujet et leur histoire commune. J’ignore
à quoi il joue, mais hors de question de me laisser intimider !

— Écoute… Petite pourriture ! Je ne suis pas comme elle, alors inutile d’insister et… Un conseil : il
est préférable pour toi de rester loin de moi si tu ne veux pas que Wes te démolisse à nouveau !

— Je vois que Wes a bien dressé sa petite pute, tu pourrais presque mordre…

— Espèce de sale petit… Aïe !

L’enfoiré ! Il enfonce ses ongles dans ma peau et me rapproche de lui. Cette fois, c’est sûr ! J’aurais
un beau bleu là où sa main répugnante m’enserre.

— Quoi ? Je te fais mal ? Pourtant c’est bien ça qui t’excite, non ?

Il me sert en encore plus fort, merde ça fait vraiment mal…

— Lâche-moi, tu me fais mal !

— Tu aimes, hein ? Quand ça fait mal ? Sinon pourquoi tu serais avec un mec comme Wes, si ce n’est
pas pour le côté sombre et violent ?

OK. Ça va beaucoup trop loin. Je me rappelle du cours de défense et positionne mes pieds au sol de
manière à prendre appui et ne pas perdre l’équilibre, surtout avec les talons que je porte. Je
m’accroche à lui et lève mon genou de toutes mes forces en direction de ses bijoux de famille.

— Ah ! La salope ! s’écrit-il quand je rentre en contact avec son entrejambe.

— Peut-être, mais je ne serais jamais la sienne !

Ça marche, car il me relâche enfin ! Il a en effet besoin de ses deux mains pour soutenir ses burnes
que je viens très certainement de briser ! Ella 1 – Dante 0

L’effet de surprise à fonctionner du feu de Dieu et j’ai plus que bien visé vu comme il se tortille par
terre maintenant. Quelle mauviette ! On fait moins le dur tout d’un coup ! Et moi, je suis plutôt fière
de moi ! Il faudra que je pense à remercier Carter pour ses cours de Krav Maga qui s’avèrent
efficaces en situation réelle.

J’hésite vraiment à lui rajouter un autre coup, mais finalement j’y renonce et l’enjambe pour
m’éloigner de lui pendant qu’il savoure sa douleur. Bien que l’adrénaline circule dans mes veines, je
ne suis plus aussi confiante que je le souhaite et perds vite mon assurance...
Je crois que j’ai besoin de quitter les lieux le plus vite possible. Je ne veux pas risquer qu’il s’en
prenne à l’une de mes amies quand il se rendra compte que nous sommes sans les mecs finalement. Il
m’a l’air d’être le genre de mec à vouloir venger sa fierté endommagée. J’ai soudain vraiment envie
de me réfugier dans les bras chauds, forts et réconfortants de mon petit ami.

Heureusement, lorsque j’arrive à notre table, je parviens à dissimuler mon trouble à Abby. Je
m’installe à côté d’elle et lui glisse un mensonge tout trouvé.

— Ab’, je suis crevée et il se fait tard, on pourrait rentrer ?

Elle regarde l’heure… Ce n’est pas un mensonge car il est presque deux heures du matin. Je sais
qu’elle doit retrouver Carter aussi.

— OK, on bouge. Mais toi, ça va ? Tu m’as l’air un peu pâle.

— Bien sûr ! J’ai juste hâte de retrouver Wes, tu sais qu’il m’attend lui aussi ce soir.

— Je suis au courant, ma chérie ! Tu me l’as assez répété, je crois, s’esclaffe-t-elle. Tes mains
tremblent Ella, tu es sûre que ça va ?

On dirait bien qu’elle sent que quelque chose cloche… Je la rassure sur le champ !

— Comme sur des roulettes ! Tu me connais, alcool et manque de sommeil ne font pas bon ménage
chez moi.

Elle étudie longuement mon visage et semble rassérénée par ce qu’elle y voit. Abby tape dans ses
mains pour prévenir la bande qu’on met les voiles pendant que je jette un coup d’œil circulaire en
direction de la foule. Je ne vois Dante nulle part, merci Seigneur ! Cela m’évite de raconter à Abby ce
qui vient de se passer. Et puis, je la connais bien, elle serait capable de faire quelque chose
d’inconsidéré comme prendre le micro du DJ pour lancer une chasse à l’homme en plein dans le
club. Oh oui ! Elle en serait tout à fait capable !

Sans compter que si Abby l’apprend, elle va à coup sûr en parler à Carter. Ce qui signifie que Wes
l’apprendra aussi. Et très franchement, je préfère ne pas penser à sa réaction s’il apprend non
seulement que Dante était dans le même club que nous, mais qu’en plus il a presque tenté de
m’agresser… Wes est depuis quelques semaines excessivement protecteur avec moi, je l’ai bien
remarqué, mais il est également extrêmement jaloux. Après ce qui lui est arrivé, je peux le
comprendre et je ne tiens pas à le contrarier davantage.

Si la simple mention de Dante l’autre fois l’a fait entrer dans une colère noire, je n’imagine pas ce
qu’il risque de faire après ce soir…

Non ! Il vaut mieux pour tout le monde qu’il n’entende jamais parler de cette histoire…
Chapitre 23

Lorsque le taxi me dépose devant chez Wes, il est deux heures trente du matin passé. Je règle la note
qu’affiche le compteur et lui rajoute un généreux pourboire, car après tout c’est la fête ce soir. Je
titube un peu, mais je fais de mon mieux pour ne pas perdre l’équilibre lorsque je contourne
l’immense bâtiment et arrive devant les marches qui conduisent à son appartement. Je lève la tête et
me demande si je ne suis pas devant l’Empire State Building. C’est quoi toutes ses marches ? Je
tourne sur moi-même à la recherche de l’ascenseur et glousse. Bon d’accord, pas d’ascenseur ! Je
vais devoir tout monter à pied…

J’essuie mon front avec le dos de ma main. Pfiou ! Je suis déjà épuisée avant même d’avoir
commencé. Et puis, je vais en avoir pour toute la nuit, c’est certain. Je balance mon sac sur l’épaule et
me concentre sur la première marche à gravir. Je la rate plusieurs fois et glousse encore. Je suis une
vraie dinde ! Oh, non ! Je vérifie immédiatement mes bras. Pas de plumes ! Ouf, je suis rassurée parce
que je ne veux pas être un fichu volatile. Je crois que finir la bouteille de Téquila qu’Abby avait dans
son sac était une mauvaise idée. Une très très mauvaise idée ! Mais j’étais tellement tendue. Abby l’a
remarqué également… La bonne nouvelle c’est que maintenant je suis infiniment plus relaxe. Quel
plaisir de ne plus penser à rien ! Je suis légère comme une plume… Je lève mes bras au ciel et perds
l’équilibre. Je me rattrape à la rambarde, mais je finis par m’écrouler sur les marches. Chuttttt ! Il ne
faut pas réveiller Wes, me dis-je à moi-même. Si ce n’était pas aussi haut je me serais hissé à quatre
pattes. Je tâte le béton froid et râpeux avec mes mains. Il me semble tout à coup bien confortable. Je
pose la tête sur mes bras et ferme les yeux. Personne ne m’en voudra si je pique un petit somme ici ?
Rien qu’une minute… Juste assez pour reprendre des forces.

Je discerne vaguement un bruit de porte. Peut-être est-ce mon cerveau qui se fait la malle ?

— Bébé ?

Je redresse la tête un peu trop vivement. Aïe !

— Wes ? Wes ! Qu’est ce que tu fais ici ?

Il ne porte rien d’autre qu’un bas de jogging. Il est tellement beau que ça m’en fait mal.

— J’habite ici.

Il fronce les sourcils l’air réellement inquiet quand il se penche et me prend dans ses bras.

— Tu es si fort, mon chéri.

— Et, toi bébé, tu es ronde comme une queue de pelle.

J’éclate de rire ! C’est vraiment n’importe quoi cette expression…


Il entre et ferme la porte derrière nous sans jamais me poser à terre ni être essoufflé. Cet homme est
mon héros.

— Tu devrais porter une cape !

Il secoue la tête, amusé.

— Tu ne devrais pas boire autant ma puce…

Quand il me dépose sur son lit, il me retire mes chaussures et revient vers moi pour m’enlever ma
robe. J’ai immédiatement très chaud et très envie de lui. J’agrippe le cordon de son pantalon et tire
dessus. Je suis d’humeur coquine et prête à lui accorder une petite gâterie.

— Qu’est ce que tu fais ?

Comme si ça ne voyait pas… Pourtant, il secoue la tête et m’arrête posant sa lourde main sur les
miennes.

Il refuse ?

Quoi, sérieusement ?

Je n’ai jamais vu un homme refuser une fellation… Il trouve peut-être que je ne suis pas assez douée
parce que la bosse qui prend de la hauteur au niveau de son entrejambe est plutôt éloquente. Je dégrise
aussitôt…

— Crois-moi, Ella. J’en ai envie !

— Alors qu’est-ce qui ne va pas ?

— Tu es saoule.

— Un tout petit peu.

Je lui montre l’espace entre mon pouce et mon index. Il n’a pas l’air convaincu, car il quitte la
chambre. Mais revient la minute d’après avec un grand verre d’eau et me tend deux comprimés.

— C’est du Tylénol. Tu me remercieras demain.

Je les prends, les mets dans ma bouche et avale d’un trait le verre d’eau.

— Voilà ! Maintenant on peut baiser ?

Il sourit en coin et défait le nœud de son bas qui tombe au sol le dévoilant dans toute sa gloire. Il se
glisse à côté de moi et me prends dans ses bras.

— Non, bébé. Maintenant, on dort, me souffle-t-il alors qu’il me tire à lui pour coller mon dos contre
son torse.
Ma déception s’envole aussi vite qu’elle est apparue, car je me rends compte qu’en réalité, je suis
vraiment trop crevée pour faire quoi que ce soit… Je cale ma respiration sur celle de Wes et sombre
dans un sommeil sans rêves.

Je suis allongée sur le ventre et une pluie de baisers le long de ma nuque vient me réveiller ainsi
qu’un corps chaud qui se niche derrière moi.

— S’il te plaît, réveille-toi…

Ou peut-être suis-je encore en train de rêver…

La masse chaude se déplace sur mon dos et me surplombe maintenant. Le poids de son corps contre le
mien intensifie les frottements et cette sensation allume un feu ardent entre mes jambes. On me glisse
alors au creux de l’oreille d’une voix éraillée :

— J’ai très très envie de toi, ma puce…

J’ai très envie de lui aussi bien que je garde mes paupières closes. Je relève un peu les fesses pour
aller à sa rencontre. Il comprend le message et s’enfonce en moi. Aucun réveil n’est plus divin que
celui-ci.

— J’ai rêvé d’être en toi toute la nuit…

J’ignore si c’est le manque de lui des derniers jours, ou sa voix rauque qui me chuchote dans le creux
de l’oreille combien je lui ai manqué aussi ou bien encore parce que ses doigts massent délicatement
mon paquet de nerfs, car après seulement quelques minutes, un orgasme fulgurant me traverse. Wes
vient à son tour. Mmmmh, le meilleur réveil qui soit ! L’effort, non loin de l’épuiser, l’a plutôt mis en
appétit. Ça tombe bien, je suis affamée aussi, de lui. Il est immédiatement prêt pour un second round.
Moi aussi !

Sa langue court alors sur ma nuque. Ses dents mordillent mon épaule et puis… plus rien ! Il se
redresse me laissant pantelante. Je gémis, car j’ai vraiment besoin qu’il reprenne ses mouvements du
bassin. Il caresse le haut de mon bras et m’interroge au sujet d’une marque.

Une marque ? Ça ne me dit rien ? Où alors peut-être un vague souvenir, mais je ne suis pas très sûre...
Je ne me rappelle pas de grand-chose de la soirée à part que nous avons bu beaucoup d’alcool, danser
et… merde ! Dante ! Je me souviens de lui ! Pourquoi ?

— Tu peux répéter ?

— Répéter quoi ? Je n’ai rien dit du tout… parviens-je à articuler difficilement.

— Bébé, tu viens de dire que c’est Dante qui t’a fait cette marque ? Il était avec vous ? réplique-t-il un
peu trop fort.

Ma tête me fait affreusement souffrir lorsque j’ouvre soudainement les yeux.

— S’il te plaît, Wes tu pourrait parler moins fort ?


Il se lève et quitte précipitamment le lit. Et bien merci ! Il ne va quand même pas m’abandonner
maintenant que je meurs de désir pour lui ?

— Chéri ?

— Putain ! siffle-t-il entre ses dents serrées.

Il est furax, OK. J’ai saisi et je comprends pourquoi quand mon regard tombe sur la marque violacée
sur mon bras. Oh, merde ! Le salaud ne m’a pas raté. Wes se rapproche de moi et se plante devant moi
me fixant de ses superbes orbes azur. Il contracte plusieurs fois la mâchoire avant de prendre la
parole.

— Tu vas me raconter précisément ce qui s’est passé et pourquoi tu as cet énorme bleu ! Et pour
quelle foutue raison tu as prononcé le nom de Dante !

Il est vraiment trop tôt pour avoir cette discussion, mais je n’ai pas d’autre choix que de lui résumer
brièvement la situation sinon son imagination va tourner à plein régime. Quand j’ai terminé,
j’appréhende sa réaction alors j’essaie de temporiser les choses.

— Tu vois ! Inutile de t’emporter, ce n’est pas grave…

— Cet enculé est un homme mort.

Pardon ? Autant dire que j’ai dessaoulé aussi sec si tant est je l’étais encore.

— Tu ne parles pas sérieusement, rassure-moi !

Je remonte le drap sur moi en espérant que pour lui c’est seulement une façon de parler, qu’il va se
calmer. Mais quand il passe en hâte son T-shirt, attrape sa veste et ses clés, j’ai bien l’impression
qu’en fait il est on ne peut plus sérieux… Bordel !

— Wes, ce n’est qu’une petite marque de rien du tout...

Ma voix est volontairement suppliante. J’espère ainsi le toucher… Ça a l’air de marcher, car il se
raidit et revient vers moi. Merci Seigneur ! Il se penche vers moi une main sur ma joue et du pouce il
caresse délicatement le haut de ma pommette,

— Bébé ne bouge pas d’ici. Je reviens vite !

En un claquement de doigts, il n’est plus là. J’enroule le drap autour de moi et me précipite vers la
porte. Il est sur sa moto alors ni une ni deux, je dévale les marches m’accrochant à la rambarde pour
ne pas tomber.

— Wes !

Je le rejoins aussi vite que je peux faisant fi des petites pierres qui écorchent mes pieds nus. Quand je
suis enfin à son niveau, je lui agrippe le bras. Il se tourne prestement surpris de me voir là. Il
remarque instantanément ma tenue ou plutôt mon absence de tenue quand ses yeux fusillent la main au
niveau de ma poitrine qui serre fermement le drap.
— Bordel, Ella ! T’es sortie à poil ?

Euh…

— Remonte à l’appart ! Tout de suite !

Son ton ferme est sans appel.

— Non. Pas sans toi !

Il regarde autour de nous avant de reporter son regard noir sur moi.

— Tu vas rentrer immédiatement. Il est hors de question que quelqu’un te voit comme ça…

Cependant, il comprend que je suis décidée et que je ne partirai pas sans lui pourtant ça n’a pas l’air
de le faire changer d’avis pour autant. Si je me fie à couleur de ses yeux assombris, il est très en
colère, cela signifie qu’une seule chose : cette histoire va mal finir.

— Wes, s’il te plaît ! Ça n’en vaut pas la peine.

— Tu te trompes, bébé.

Sur ces mots, il démarre et s’en va. Il me quitte sans un regard de plus. Sans même se retourner. Je le
fixe jusqu’à ce qu’il ne devienne plus être qu’un point à l’horizon qui disparaît de mon champ de
vision. Un mélange de peine et de déception m’envahit alors que je fais le chemin en sens inverse
jusqu’à son appartement prenant conscience soudain que mes pieds me font affreusement souffrir. Je
pensais qu’il tenait à moi. En tout cas, suffisamment pour ne pas faire de choses inconsidérées. Il faut
croire que non.

Je passe la porte, la referme derrière moi et fonce vers mon sac à main pour extirper mon téléphone.
La meilleure chose à faire serait de prévenir Carter. C’est son meilleur ami, il le connaît bien. Il saura
quoi faire. Seulement, il faut que je passe par Abby ce qui signifie aussi que je dois tout lui raconter et
ça ! Ça me fait moins plaisir. Elle commençait tout juste à l’apprécier. Et merde !

Merde ! Merde ! Merde !

J’inspire puis expire longuement et me résigne donc à appeler ma meilleure amie après avoir appelé
un taxi. Pendant que je me change, je lui explique les grandes lignes et la supplie de faire au plus vite
pour contacter son mec.

— Il est avec moi. On est à l’appart.

— OK. J’arrive…

Durant tout le trajet jusque chez moi, j’ai tenté un nombre incalculable de fois de joindre Wes ou de
lui envoyé des messages, en vain… Mon inquiétude atteint alors des sommets, mais je suis déterminée
à ne pas flancher. Carter va sûrement tout arranger avant qu’il ne soit trop tard… Il le faut !

Plus tard dans l’après-midi, je n’ai toujours aucune nouvelle de Wes. De Carter non plus. Il est parti
juste après mon coup de fil et depuis je tourne en rond vérifiant mon téléphone un bon millier de fois.

— Écoute, ne le prend pas mal El’, mais ce n’est franchement pas normal d’agir comme il le fait.

C’est Abby. Forcément, qu’elle ne comprend pas pourquoi il agit ainsi, moi non plus d’ailleurs. Je me
rends bien compte qu’elle a raison. Wes est effectivement excessif, intense et ultra caractériel, il peut
avoir des réactions démesurées et c’est pour cette raison que je me fais un sang d’encre. Je regarde
mes ongles un instant, bon sang ! Je les ai rongés jusqu’au sang et j’hésite sérieusement à passer à
ceux de mes pieds…

— J’en peux plus Ab’, ce stress va me tuer, tu veux bien rappeler Carter ?

— Inutile, il vient de m’envoyer un message

[Wes en garde à vue, vous tiens au courant dès que j’en sais plus… xx C.]

Oh non…

— Abby ?

J’espère qu’elle va me dire que c’est un gag, mais son air grave me confirme ce que je redoutais
depuis le début. Mes mains tremblent dangereusement, mon cœur pulse violemment et j’ai la tête qui
tourne… Pitié ! Pourvu que Wes n’ait pas commis l’irréparable…

Il me vient une idée en tête et franchement, ça me bouffe de devoir le faire, mais je n’ai pas le choix.
Je prends mon téléphone et compose le numéro de la seule personne qui peut venir en aide à Wes à
l’heure actuelle.

— Allô, papa…

***

J’émerge du brouillard dans lequel je suis plongée depuis bientôt quarante-huit heures maintenant.
Mes articulations sont douloureuses et mes yeux sont gonflés d’avoir trop pleuré. J’essaie de me
souvenir des derniers événements, mais j’avoue qu’après avoir raccroché avec mon père, tout est
flou.

Je me rappelle seulement de m’être effondrée en pleurs dans les bras d’Abby. La pression, sans doute
! Parce qu’habituellement, je suis plus forte que ça, mais depuis quelque temps, je passe par toutes
sortes d’émotions et j’avoue que l’ascenseur émotionnel m’épuise.

Je me lève de mon lit, étire mes bras et pars en quête de caféine. Je pénètre dans le salon et je peux
voir devant l’entrée nos bagages empilés, Abby a dû s’en charger pendant que mon moral volait au
ras des pâquerettes… C’est vrai ! J’avais pratiquement oublié ! C’est ce soir que nous sommes
censées prendre l’avion pour San Francisco…
Je dois prévenir Abby. Lui dire que je ne pourrais pas partir avec elle finalement. Je pourrais toujours
la rejoindre plus tard parce qu’il m’est absolument impossible d’abandonner Wes alors que son sort
est incertain. Je passe mes mains sur mon visage, je suis épuisée et j’imagine le visage que doit
renvoyer mon reflet dans le miroir. Quelque chose proche d’un film d’horreur. Heureusement que les
événements ne sont pas aussi dramatiques que j’ai pu l’imaginer.

En fait, Wes est bien parti à la recherche de Dante. Mais ne l’ayant pas trouvé à son domicile… Une
chance ! Il s’est défoulé sur sa porte ce qui a suffi à alerter le voisinage qui a prévenu les flics. Je
tiens ces informations de mon père qui s’est présenté au poste en tant qu’avocat, suite à mon appel.

Je réalise maintenant que je n’aurais probablement pas dû faire intervenir mon père, mais je ne savais
plus trop quoi faire… Mon imagination débordante s’attendant au pire a fait le reste.

Mon téléphone sonne, c’est mon père.

— Allô, papa ?

— Ella.

— Dis-moi que tu as des infos.

— Je devrais probablement garder ça et te laisser prendre ton avion…

— Mon avion ne part que ce soir, s’il te plaît, quelles sont les nouvelles ?

— Ton ami sera relâché d’ici la fin de la matinée logiquement. Cependant, ma fille, je te conseille
fortement de t’éloigner de lui.

Je soupire de soulagement…

— Je suis sérieux, Ella, j’ai vu son casier. Cet homme est instable.

— Merci papa. Merci pour tout ce que tu as fait.

— Je n’ai rien fait. Et, si ça ne tenait qu’à moi, il serait déjà derrière les barreaux d’une prison.

Je soupire à nouveau.

— Papa… Je te rappelle. OK ?

Quand je raccroche, je devine qu’il doit être en colère après moi parce qu’il ne comprend pas que je
puisse fréquenter quelqu’un comme Wes.

J’ai l’impression de devoir sans cesse me justifier et expliquer au monde entier le pourquoi du
comment de mes sentiments. À la longue, tout ça m’épuise. Je sais ce qu’il pense. Ce qu’ils pensent
tous. Alors, quoi ? Je devrais l’abandonner maintenant parce qu’il ne correspond pas à l’image du
gendre idéal ? Wes est une tête brûlée, il commet beaucoup d’erreurs, je le reconnais. Mais je me
rappelle aussi qu’il n’est pas qu’un mauvais garçon. C’est un homme adorable quand il dévoile des
bribes de lui. Il peut être tellement doux et attentionné. Jamais, je ne pourrais me regarder dans une
glace si je lui tourne le dos alors qu’il est au plus bas. J’ignore comment le faire comprendre à mes
proches. Je suis navrée de les décevoir, mais Wes ne représente pas uniquement l’attrait de l’inconnu.
C’est même on ne peut plus éloigné de la vérité. J’aime cet homme.

Je l’aime.

C’est ainsi.

On ne choisit pas qui on aime. On peut seulement choisir d’aimer sans condition, ce que je fais.
J’aime cet idiot, inconditionnellement.

Je regarde l’heure qu’affiche mon téléphone, presque dix heures. Je me dirige vers la salle de bain
pour prendre une douche en vitesse. L’eau brûlante coule sur ma peau et chasse la fatigue et
l’angoisse des dernières heures. Après une dizaine de minutes, je tourne le robinet, sors et attrape
mon peignoir. Je me sèche tout en ouvrant ma penderie. Je saisis ce qui me tombe sous la main, un
jean et un top feront l’affaire. Je passe mon manteau sur le dos et gribouille un petit mot pour Abby.
Dehors, j’attrape un taxi et lui indique la direction du poste de police dans lequel on détient Wes, celui
de son ancien quartier.

Une fois sur place, on m’indique sèchement une rangée de sièges métalliques contre le mur de
l’accueil où l’on me demande d’attendre sans plus d’information. Je ne pipe pas mot et fait ce que
l’on me dit. L’endroit est glauque et la peinture qui s’écaille sur le mur ajoute à mon inconfort.
Malgré tout, j’attends patiemment que mon petit ami soit relâché…

Après plus d’une heure d’attente et le postérieur en vrac, je bondis de mon siège quand je l’aperçois
enfin. Il est habillé exactement comme lorsqu’il m’a quitté deux jours plus tôt. Il a la mine sombre et
de gros cernes encerclent ses yeux, il a l’air épuisé et quand il me voit, il n’a pas l’air franchement
ravi de me voir…

— Qu’est-ce que tu fais ici, bébé ?

Sa question me laisse perplexe. À quoi est-ce qu’il s’attendait ? Bien que je sois en colère contre lui, il
est parfaitement logique pour moi d’être ici à l’attendre…

Il doit percevoir mon trouble, car il se rattrape en me serrant enfin dans ses bras. Il m’a tellement
manqué ! Le soulagement envahit chaque parcelle de mon cœur et se diffuse en moi. Je suis soulagée
et me retiens difficilement de pleurer, car nous sommes enfin ensemble. Je respire de nouveau. Wes
va bien, et grâce à Dieu il n’a rien fait de condamnable. Il y a eu juste plus de peur que de mal.

Il passe un bras sur mes épaules et on se dirige tous les deux vers la sortie. Je prie intérieurement
pour ne plus jamais avoir à mettre les pieds ici.

— Comment tu as su que je serais relâché aujourd’hui ? Je te croyais déjà dans ton avion. C’est
aujourd’hui que tu partais, non ?

— Mon père m’a appelé pour me le dire.

On s’éloigne à peine du poste de police quand il se tourne vers moi.


— D’ailleurs, en parlant de ça, tu étais obligé de prévenir ton père ?

Je savais que ça n’arrangerait pas l’image et les a priori qu’a ma famille vis-à-vis de Wes, mais avais-
je d’autres choix ?

— Que voulais-tu que je fasse ? J’ai paniqué et j’ai eu sacrément peur pour toi et… Je suis furieuse
contre toi aussi…

Il me prend dans ses bras et un doigt sous mon menton, il relève mon visage vers le sien. Ses yeux
sont injectés de sang, mais il semble sincère quand il prend la parole.

— Bébé, je suis vraiment désolé. Je ne voulais pas te faire flipper ni te faire de la peine. Je comprends
que tu sois en colère.

Je déglutis difficilement l’énorme boule que j’ai dans la gorge et acquiesce. Pourtant, il faut qu’il
comprenne que ce n’est pas suffisant… Il me faut plus que de simples excuses. J’essaie de ne pas
imaginer ce qu’il serait arrivé si Dante s’était trouvé chez lui ce jour-là… J’en ai des sueurs froides
rien que d’y penser.

— Écoute, je vais me faire pardonner. Je te le promets, mais en attendant tu vas rentrer et je viendrais
te retrouver plus tard, OK ?

Qu’est ce qu’il raconte ?

— Quoi ? Mais non… Je pensais qu’on rentrerait ensemble.

Il caresse ma lèvre inférieure avec son pouce.

— Tu es crevée, et moi j’ai une petite affaire à régler.

Je fronce les sourcils. Qu’est ce que cela signifie ?

— De quoi parles-tu Wes ? Quelle affaire ? Toi aussi, tu es épuisé, ça peut attendre, non ?

— Non ma puce. Ça ne peut pas attendre. Dante doit payer.

L’espace d’une minute, je crois qu’il blague. Il n’a pas vraiment dit ça ? Il plaisante ! C’est forcément
une plaisanterie de mauvais goût. Il ne peut pas parler sérieusement ? Pas après ce qui s’est passé et ce
qu’il a évité ?

— Attends, tu n’es pas vraiment sérieux là ? On vient juste de quitter le poste de police. Wes ! On vient
juste de sortir et toi tu voudrais y retourner, c’est ça ?

Il demeure impassible. Je suis alors prise d’un rire nerveux par l’absurdité de la situation. Je lève la
main et essuie rageusement le coin de mes yeux.

— Tu es avec moi, il le savait. Il me connaît. Il savait ce qui l’attendrait s’il te touchait. C’est une
question d’honneur !
Une lente sueur froide court de ma nuque jusque dans le bas de mon dos. Son regard chargé de colère
et de noirceur me fout réellement la trouille cette fois. Je crois qu’il est devenu fou, il n’y a pas
d’autres explications…

— Wes, je viens de vivre les dernières quarante-huit heures les plus angoissantes de ma vie. Et quand
je dis angoissantes, c’est très loin de la vérité parce que c’était vraiment les pires et toi tu parles
d’aller retrouver Dante… On s’en fiche de ce type !

— Tu ne peux pas comprendre…

— Alors, explique-moi !

Il hausse simplement les épaules. J’ai l’impression de vivre une scène surréaliste. Au lieu de profiter
l’un de l’autre comme c’était prévu avant mon départ. Je suis debout dans la rue à regarder mon
cinglé de petit ami m’annoncer que l’hématome sur mon bras est une offense trop grande pour sa
virilité et que par conséquent il doit se faire justice lui-même.

— Désolée de te le dire Wes, mais cette fois tu as complètement perdu les pédales.

Je n’en reviens pas, on se croirait presque dans un de ces mauvais films sur la violence dans les
quartiers. Sauf que ce n’est pas de la fiction et que c’est l’homme que j’aime qui risque de foutre sa
vie en l’air – et la mienne – pour quelqu’un qui n’en vaut pas la peine.

— Tu sais quoi ? Tu as raison, je ne comprends pas ! Mais je vais te dire ce que moi je crois. Je crois
que tu te sers de cette excuse pour te venger ! Admets-le, au moins !

Je prends son visage dans mes mains pour qu’il me regarde dans les yeux.

— Laisse tomber tout ça mon chéri et rentre avec moi, s’il te plaît ! Je peux même annuler San
Francisco et on pourra faire quelque chose tous les deux ? On partira quelque part, où tu veux le
temps pour toi de te calmer et d’oublier toute cette histoire de vengeance.

Il secoue la tête et lève un bras pour héler un taxi. Il ne changera pas d’avis…

OK.

Sauf que ce sera sans moi…

Je ne suis pas assez forte pour supporter tout ça, pour ce genre de vie. Une vie où je dois voir
l’homme que j’aime détruire tout ce qu’il a et tout ce qu’il a construit. Il va risquer la prison pour une
fierté mal placée alors que l’eau a coulé sous les ponts depuis. Ça me brise le cœur, mais je n’ai pas
d’autres choix. J’ai besoin de prendre du recul…

— Laisse-moi régler ça, et je viens te trouver tout à l’heure, OK ?

Cette fois, c’est moi qui secoue la tête.

— Tu as pris ta décision et j’ai pris la mienne.


— Bébé, qu’est ce que tu veux dire ?

Je hausse les épaules.

— Attend. Tu me quittes, c’est ça ?

La simple pensée d’une rupture entre nous m’est tellement douloureuse que mes yeux se remplissent
de larmes, inutile de lui répondre parce qu’il comprend.

— Putain ! Tu vas répondre ! Tu m’abandonnes ?

Je ne réponds toujours pas, j’ignore pourquoi d’ailleurs. Peut-être parce que je ne veux pas
prononcer les mots qui confirmeront définitivement la fin, qui mettront un terme à nous deux. Cette
fois, je n’arrive plus à retenir les larmes. Elles dévalent sur mes joues. Je réprime un sanglot. Je ne
suis pas aussi courageuse que je pensais l’être.

— Tu as dit que tu m’aimais…

Je sais ce que j’ai dit…

Je l’aime, mais il doit prendre le temps de réfléchir à la conséquence que ses actes peuvent engendrer.
Lorsque le taxi qu’il a hélé s’impatiente et klaxonne, j’avance d’un pas vers lui et lève la tête. Nos
yeux ne se quittent pas, les miens sont remplis de larmes et les siens sont pleins de rage.

Je l’aime tellement ! Et, ça me fait un mal de chien de devoir le quitter, mais je me force à ne pas
flancher. Pas maintenant ! Pas devant lui ! Je m’oblige à tenir sur mes jambes malgré la douleur
grandissante dans ma poitrine. J’avance encore vers lui et dépose mes lèvres sur les siennes. Il ne me
repousse pas. Je l’en remercie silencieusement. Notre baiser est douloureux. Il a un goût d’adieu et de
sel. Mes larmes.

C’est notre dernier baiser.

C’est trop dur et si je reste une minute de plus je vais le supplier d’oublier ce que j’ai dit alors je me
recule et grimpe dans le taxi, sans me retourner… Il démarre et je prends conscience que plus jamais
je n’embrasserais les lèvres de Wes. Plus jamais je ne sentirais son goût dans ma bouche. Plus jamais
il ne me prendra dans ses bras pour me glisser les mots qui me fondre. Plus jamais…

Parce que c’est fini.

Et, c’est moi qui l’ai décidé.

La douleur est trop grande. Trop forte. Elle me submerge. Je cache alors mon visage dans mes mains
et fonds en larme. Silencieusement. À l’abri de son regard...
Chapitre 24

Ma vie entière, j’ai rêvé du grand amour. Celui qui transporte au premier regard. Celui qui consume.
J’en ai fantasmé une bonne centaine de fois. De celui qui manque à mon âme pour que celle-ci soit
complète. Celui qui par un simple sourire retournerait mes entrailles.

Je me rappelle d’une phrase que j’ai lue il y a quelques années déjà. C’était dans « Les Hauts des
Hurlevents » et ça disait quelque chose comme : Si tout le reste périssait et que lui demeurât, je
continuerais d’exister ; mais si tout le reste demeurait et que lui fût anéanti, l’univers me deviendrait
complètement étranger, je n’aurais plus l’air d’en faire partie…

Une notion qui m’était totalement étrangère, il n’y a pas si longtemps. Néanmoins, c’est bien ce qui
résume mon état d’esprit aujourd’hui. Le monde continue de tourner, pourtant j’ai l’impression de ne
plus en faire partie. Émilie Brontë est un génie ! Elle avait cerné à son époque, ce concept un peu
chimérique de l’âme sœur…

Derrière mes paupières closes, je vois se rejouer la scène de notre rupture. Elle repasse en boucle
pour mieux me torturer. Tout y est ! Le son et l’image. Sa voix brisée quand il me demande si je le
quitte. Ses yeux voilés par la colère qui m’accusent de mentir au sujet de mes sentiments… Je n’ai
jamais menti, sombre idiot !

J’ai pleuré dans le taxi tout le trajet jusqu’à l’appartement et une fois arrivée, j’ai ravalé un sanglot
pour m’enfermer dans ma chambre où je me suis écroulée sur mon lit. J’ai enfoui mon nez dans
l’oreiller où je pleure encore d’ailleurs… Combien de temps peut-on pleurer avant de se déshydrater
pour de bon ? Visiblement assez longtemps…

Quel gâchis ! Et, pourquoi est-il aussi con ? S’il n’était pas aussi obstiné, on n’en serait pas là. Putain
!

Pourquoi suis-je tombée amoureuse de lui ? D’un homme comme lui ? Pourquoi ne pas avoir craqué
pour un mec qui ne se battrait pas à tout bout de champ ? Quelqu’un qui ne se ferait pas arrêter ? Une
petite voix me chuchote que c’est pourtant ce que je voulais : le grand frisson et la passion.

Oh, la ferme !

Finalement, le départ pour San Francisco et le mariage de la sœur d’Abby tombe à point nommé.
Cette pause me – nous – sera bénéfique. C’est ce que je me répète intérieurement depuis que je l’ai
quitté sur le bord du trottoir. Près du poste de police, où il venait de passer deux jours. À cause de ce
stupide hématome que j’ai récolté à cette stupide soirée où il n’y avait même pas de stupide mariée…

Je réalise subitement que tout ça a commencé à cause de moi ! Mais, alors, c’est de ma faute ?

Bon sang !
C’est vraiment de ma faute !

À chaque fois qu’il s’est battu, ça a toujours été pour moi, pour me défendre. Si l’on ne s’était pas
croisé ce jour-là… S’il ne m’avait pas suivie… Il n’en serait peut-être pas là. Et moi non plus.

Je secoue tristement la tête qui me fait affreusement souffrir maintenant. M’acculer ne changera pas
grand-chose… Je prie silencieusement pour qu’il recouvre un minimum de raison, mon poing
serrant de toutes mes forces le cœur en argent qui ne me quitte plus depuis qu’il me l’a offert un peu
avant Noël. Je ferme les yeux et me laisse glisser dans l’obscurité…

Une main effleure délicatement mon épaule et ma joue. Wes ?

Merci Seigneur !

Tout ceci n’était qu’un satané mauvais rêve. Je soupire de soulagement et entrouvre les yeux. Ils
atterrissent directement sur l’attrape-rêve suspendu à mon lit. Merci pour tes bons et loyaux services,
pensé-je. Foutu objet inutile !

— Ella ?

Je dirige un regard incertain vers la personne près de moi. Ce n’est pas Wes… C’est Abby. Ce n’était
donc pas un cauchemar…

— Le taxi arrive bientôt ma belle.

Je fronce les sourcils et regarde par la fenêtre, il fait sombre. Ce qui signifie que c’est déjà la nuit et
que j’ai dormi la majeure partie de la journée. Pourtant, j’ai l’impression de ne pas avoir fermé l’œil.
Ma migraine est toujours présente et mes yeux me brûlent, sûrement d’avoir trop pleuré. Abby
m’observe inquiète. J’acquiesce pour lui faire comprendre que j’ai compris. Elle hoche la tête
affichant un air désolé. Est-elle au courant pour Wes et moi ? Si elle l’est, ça ne peut venir que de
Carter, en admettant que Wes l’ait appelé. Je me redresse dans mon lit, mon poing est encore fermé. Je
l’ouvre lentement sur le triste vestige de mon amour. Un amour à sens unique.

En revanche, je ne peux encore me résigner à le retirer de mon cou. Je suis également tentée à
plusieurs reprises de vérifier mon téléphone. Il n’affiche rien de plus que l’heure. Je suis pathétique !
Franchement, je ne sais pas à quoi je m’attendais !

J’inspire puis expire longuement et me décide enfin à me lever du lit. Je me rends dans la salle de
bain et effectue des gestes simples, qui ne nécessitent pas de réfléchir, car j’en suis incapable dans
mon état. Je me brosse les dents. Passe un peu d’eau sur mon visage. J’évite volontairement le miroir.
Après un rapide coup de brosse dans mes cheveux, je les attache dans une hypothétique queue de
cheval. Dès que je pénètre dans le salon, je trouve le couple Cartery sur le canapé. Je crois qu’ils
m’attendaient… Carter évite mon regard et se dirige vers les bagages qu’il entreprend de descendre.
Abby quant à elle vient vers moi et me prend dans ses bras.

— Ça va aller. Tu verras…

D’accord, donc elle est bien au courant. Je ne réponds rien, car je ne suis pas certaine de ne pas
fondre en larme à nouveau alors je hoche simplement la tête.
Le reste se déroule dans un flou imprécis. Je suis guidée par Abby tout au long du parcours jusqu’à
l’aéroport et sans que je m’en rende vraiment compte, nous nous installons dans l’avion. Je prends
place près du hublot et observe la nuit tombée sur la ville. Quelque part au loin se trouve le seul être
qui manque à ma vie…

J’enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, ferme les yeux et efface du bout des doigts une unique
larme qui dévale le long de ma joue.

***

Le jour du mariage, tout ce que je retiens est que la mariée fut splendide.

Et que Wes me manque.

***

Les journées à San Francisco passent et se ressemblent.

Pour moi, ce qui change surtout c’est uniquement l’intensité du manque qui comprime ma poitrine à
mesure que le temps passe.

Il

Me

Manque

Tant…

Le manque de lui est affreux…

La douleur dans ma poitrine est terrible…

Le besoin de ses bras autour de moi est épouvantable…

Je pensais à tort que le temps guérissait les blessures. Peut-être qu’il me faut plus de temps. Peut-être
aussi que je ne guérirais jamais…

Assise bien sagement dans l’avion qui nous ramène à New York aux côtés d’Abby et Carter, je n’ai
jamais été aussi anxieuse à l’idée de rentrer à la maison. Évidemment, j’en connais précisément la
raison : Wes.
Un vrai cauchemar ! Voilà comment m’ont paru ces deux semaines loin de lui. J’ai repensé tous les
jours à la manière dont nous nous sommes séparés. J’ai imaginé plus d’un millier de scénarios dans
lesquels j’aurais agi différemment. Je revois son regard plein de doutes constamment dans mes rêves
et je crois que je n’ai jamais autant pleuré de ma vie pour un homme.

Quant à mon cœur, il se contente de faire son job ! À savoir assurer la circulation du sang dans mon
corps. Pourtant et plus d’une fois, j’ai pensé que c’était la fin. Que je ne serais plus capable de
respirer normalement, de nouveau.

D’ailleurs, j’ai tellement fait de peine à Carter qu’il a fini par avoir pitié, je suppose. Il m’a glissé que
Wes n’était pas dans un meilleur état que le mien. Il m’a également suggéré que nous devrions
certainement avoir une discussion sérieuse concernant les derniers évènements. Je suis on ne peut
plus d’accord. Nous avons besoin de parler parce qu’après notre rupture, je me rends compte que
c’est trop difficile pour moi, sans lui.

Quelque part, qu’il soit dans un état aussi misérable que le mien me rassure. Peut-être a-t-il des
sentiments pour moi, finalement ? Pas aussi fort que les miens, j’en conviens… Mais un peu, c’est
toujours mieux que rien, non ?

Le gros détail qui reste sans conteste le plus important à mes yeux et que Wes n’a a priori rien
commis « d’extrême ». Je ne sais rien de plus… Carter a été muet à ce sujet. J’ignore pourquoi
d’ailleurs…

Après tout, s’il a fait l’effort de se contenir pour moi. Je peux de mon côté aussi passer l’éponge. Je
crois que cela s’appelle un compromis. Et, c’est ce que font les couples, non ? Des compromis. Cette
petite pause aura en définitive, été bénéfique à l’un comme à l’autre. Elle lui aura permis de ne pas
commettre l’irréparable et m’aura confirmé la profondeur de mes sentiments pour lui.

Je lance un regard en biais à Abby. Cette fille est une perle ! Elle ne m’en a pas voulu une seule fois
d’être de piètre compagnie durant tout le séjour dans sa famille. La présence de Carter aura beaucoup
contribué à éclipser mon « absence ». Et je l’en remercie de s’être aussi bien intégrée avec les Duncan
qui à leurs décharges, nous ont accueillis chaleureusement. Je n’étais simplement pas d’humeur. Un
cœur brisé peut en effet gâcher les meilleurs moments…

Pour peu que je me souvienne de quelque chose, la famille d’Abby à une magnifique demeure, même
si villa de star aurait été plus appropriée parce qu’il n’y avait pas moins de six chambres et huit salles
de bains. C’est étrange, cette façon que les gens riches ont de vouloir plus de salles de bain que de
chambres, je trouve.

La cérémonie majestueuse — sois dit en passant — a été célébrée dans le domaine autour de la
maison familiale. Je me rappelle vaguement de quelques détails. Il me semble que la décoration était
sublime, dans les tons blanc et champagne. L’allée centrale était parsemée de pétales blancs avec à son
extrémité une arche composée de roses blanches et de l’autre côté une gigantesque tente dressée. Tout
ce blanc virginal était certainement une référence à la pureté des futurs mariés qui arboraient
fièrement chacun un anneau de chasteté. Cependant, d’après Abby, sa sœur n’a de pur que son nom.

« Mesdames et Messieurs, veuillez attachez vos ceintures et relevez vos tablettes, car nos amorçons
notre descente vers l’aéroport de New York, JFK ».
Le message du commandant de bord me ramène à l’instant présent et me rappelle que je vais enfin
revoir Wes. Après les petites explications de Carter, j’ai décidé de me rendre chez lui. Pour prendre
de ses nouvelles et peut-être avoir cette conversation dont nous avons tant besoin tous les deux.

J’ai bien conscience qu’après deux semaines sans nous être adressés la parole, ce ne sera pas
simple… J’imagine qu’il n’a pas osé m’appeler et moi non plus d’ailleurs… En réalité, je pense
qu’après ce qui s’est passé, le mieux est de se voir pour discuter de vive voix.

Lorsqu’enfin nous récupérons nos bagages, avec Carter et Abby nous empruntons un taxi en direction
de la maison. Nous sommes en plein milieu de l’après-midi et avec la circulation, nous arrivons avec
une joie non dissimulée, aussi je décide de prendre les transports en commun pour rejoindre celui qui
provoque chez moi une réaction proche de la tachycardie. Sans prendre le temps de me changer, je
repars immédiatement laissant le soin aux amoureux de s’occuper des bagages.

Le trajet en métro jusque chez Wes ne m’a jamais paru aussi long qu’aujourd’hui et maintenant que je
distingue de loin le loft de Wes, tous mes doutes refont surface. Aurais-je dû attendre qu’il fasse le
premier pas ? Est-ce que je lui ai manqué tant que ça ? Sera-t-il heureux de me voir ? Sera-t-il encore
en colère ? Peut-être que venir sans lui avoir parlé au téléphone auparavant était une mauvaise idée…

Inutile de tergiverser plus encore, car me voilà arrivée à présent devant l’imposant bâtiment. Il ne me
reste plus qu’à traverser la route. Je le repère immédiatement. Il est sur le côté extérieur du garage en
train de travailler sur une voiture ancienne. Il porte sa combinaison bleue dont les manches sont
nouées autour de sa taille et malgré le léger vent frais qui souffle aujourd’hui, il est vêtu uniquement
d’un T-shirt qui moule parfaitement son torse musclé laissant apparaître ses superbes tatouages. Je
suis toujours là à l’observer. Seigneur ! Qu’il est beau ! Je dois dire que ma mémoire ne lui a pas
rendu justice. Mon cœur bat la chamade, mes mains sont subitement moites et je déglutis
difficilement. Sérieusement ! Je ne vais pas me laisser avoir par le trac alors qu’il est juste là ! Et que
je n’ai qu’un seul désir : qu’il me prenne dans ses bras sans attendre pour m’embrasser ! Dieu qu’il
m’a manqué…

Au moment où je m’apprête à traverser la rue pour le rejoindre, je laisse passer plusieurs voitures.
En attendant, mon regard est attiré par un petit garçon à l’air joyeux. Il court tirant avec lui une
splendide femme qui s’efforce de ne pas lâcher sa petite main. Elle ressemble comme deux gouttes
d’eau à un mannequin de chez Victoria’s Secret. J’imagine très certainement que c’est sa mère. C’est
vraiment le genre de femme qui filerait des complexes à n’importe laquelle d’entre nous. Le petit
s’élance en glapissant des PAPA.

J’ignore pourquoi je reste figée à observer ce petit garçon. Il se précipite dans les bras de son père
qui le soulève en retour. Et je me dis qu’en fait cette scène aurait pu être absolument touchante si ce
n’était pas vers Wes que le garçon avait bondi, les bras tendus acclamant son papa.

J’ai l’impression de percuter de plein fouet un poids lourd roulant à grande vitesse. Pourtant, non ! Je
suis toujours de mon côté du trottoir, immobile, figée et peut-être aussi un peu choquée devant ce
charmant tableau. Un couple à la beauté renversante...

Je regarde attentivement la jeune femme et comprends tout à coup qui est-elle. C’est Gloria !
Forcément… C’est elle !
Tout s’explique ! ou pas. Tous ses secrets et ses mystères autour de son passé et d’elle… La simple
mention de son nom qui le mettait dans une colère noire n’est pas uniquement due à la tromperie. À
l’évidence, Wes m’a menti. Sur toute la ligne.

Moi qui pensait avoir souffert la mort ses deux dernières semaines, sans lui. Je me rends compte que
ce n’était en rien comparable à la douleur qui m’étreint actuellement. Mon cœur se brise littéralement
en un millier de petits morceaux. Putain ! Je n’arriverais jamais à les recoller, c’est certain ! Je
suffoque. L’air peine à franchir la barrière de mes lèvres. Mes poumons se contractent
douloureusement. Chaque respiration m’est difficile. Il faut absolument que je m’en aille ! Que je
parte d’ici au plus vite ! Avant que mes jambes ne cèdent définitivement, car elles n’arriveront pas à
me soutenir très longtemps.

Je titube dans l’autre sens et avec toutes les peines du monde j’attrape un taxi. Je glisse à l’intérieur et
souffle mon adresse au chauffeur. Tandis qu’il roule à vive allure, l’air pénètre dans l’habitacle et
peut-être aussi dans mes poumons… Évidemment, sinon je ne respirerai plus… Et, je ne serais pas
dans ce taxi, mais étendue sur le triste trottoir gris de l’autre côté de la chaussé, le cœur en miette
éparpillé autour de moi… Cette constatation déclenche quelque chose en moi. Je serre les poings
frénétiquement. Aussitôt, la stupeur se mue peu à peu en colère. La colère en rage.

C’est donc proche de la furie que j’arrive à l’appartement. Il n’y a personne. J’imagine que Cartery a
dû sortir… Tant mieux ! Je suis dans une rage folle et je préfère que personne ne me voie dans cet
état. Je claque furieusement la porte de ma chambre derrière moi et me rends directement vers le
tiroir de ma table de nuit. Je l’ouvre et y dépose une seconde plus tard le collier en argent. Il n’a plus
sa place autour de mon cou à présent. Oh, non ! Pas question de pleurer ! Les larmes c’est pour les
mauviettes ! Et moi, Ella Prescott, je ne suis pas une mauviette ! Je referme rageusement le tiroir sur
ce stupide symbole qui ne représente plus rien à mes yeux désormais…

Je m’étale sur mon lit, la main sur mon cœur. Je constate qu’il bat encore. Il faut croire qu’il est plus
fort que je ne le pensais. Plus courageux que je ne le serais jamais. Je me demande curieusement
combien de chocs peut-il encaisser avant de céder pour de bon.

Je secoue la tête. Je ne crois pas que je vais y arriver…

Après des heures dans cet état proche de la loque, je chancelle jusqu’à mon bureau et attrape mon Mac
que je pose près de moi sur le lit et m’allonge de nouveau. La nuit est déjà bien entamée lorsque je me
décide à l’ouvrir. Dehors, la nuit noire tombe sur la ville et sur mon âme. Je suis dans la chaleur
rassurante de ma chambre et pourtant je suis frigorifiée. Je fais alors la seule chose qui me permettra
d’oublier et d’aller de l’avant. Ce qui est clairement impossible tant que je serai ici, dans cette ville.

À : [email protected]

Objet : SEATTLE

Date : 2 mars 2014 22 h 45

De : [email protected]
Elliott,

Je vous confirme que j’accepte le poste à Seattle. Je peux partir dès que possible.

Avec toute ma gratitude,

Ella.

Ella Prescott

Assistante de Elliott Miller,

Coordinatrice, Pôle Gestion de Patrimoine

MILLER CORP, Bureaux de NEW YORK

À suivre…
Remerciements

Quel plaisir d’écrire cette histoire et de partager cette aventure incroyable avec vous ! Cependant, je
n’ai pas fait ce chemin toute seule et c’est pour cette raison que je souhaite remercier tous ceux qui
ont apporté leur aide et leur soutien à cette histoire.

Je tiens tout d’abord à remercier Cristel Saveyn d’avoir été l’une des premières à voir du talent là où
je n’en voyais pas encore. Tu es et restes dans mon cœur.

Merci à A. D. pour nos discussions sans fin.

Une spéciale dédicace aux bitches (je vous l’avais promis haha) et un énorme merci à ma Karine Clex
chérie qui est devenue en très peu de temps bien plus qu’une simple amie. Que serais-je sans tes
encouragements et tes messages pour me réclamer la suite. Merci à mon Isa Sougné adorée pour ta
gentillesse et pour avoir été une des premières à m’offrir une vitrine sur notre groupe alors que
l’histoire n’était encore qu’un embryon.

Je remercie mes sœurs de cœurs LiliSky et Marie Luny. Les filles vous êtes devenues essentielles à
ma vie, je vous adore ! Une mention spéciale à Lilisky à qui je dois cette superbe couverture. Ta
patience est infinie et je remercie le ciel (et Mandy) de t’avoir mis sur ma route.

Je remercie mes SEEsters : Ludi, Léti, Lu, Co, Joy, Océ, Wendy, Laura, Julie, Lily, Angy, Abby et
toute la SEE Family !

Je tiens à remercier tout particulièrement ma famille pour son soutien inconditionnel et son
extraordinaire patience tandis que je m’enfermais dans ma bulle pour que ce livre soit parfait à vos
yeux.

Je remercie mon exceptionnelle éditrice Mandy Bell sans qui rien n’aurait été possible. Merci d’être
celle que tu es et merci de faire partie de ma vie.

Merci à Hemane, tu es plus qu’une sœur à mes yeux.

Merci à Laure Gregory et Aurelie Deslandes pour leurs relectures et merci à ma correctrice Wanessa
Guillet.

Merci aux copines pour leur soutien et leurs précieux avis : Akima Khider, Nezha El Bar, Maëlle
Bazin, Kruti Patel et Chloé Amirouche. Vous avez été parmi les premières à lire l’histoire et il était
impensable de ne pas vous citer.

Évidemment, cette aventure ne serait pas ce qu’elle est sans mes lectrices, celles de la première heure
sur Wattpad, celles qui ont rejoint l’aventure au fur et à mesure, celles qui ont partagé l’histoire,
celles qui sont devenues mes amies. Si ce livre est possible, c’est avant tout grâce à vous. Alors merci
les filles ! Je vous adore toutes ! Jessica scottgrey, Jennifer arthurion, Didine Hardin, Harmonie
moguen, CricriSoleil Wattpad, Lena calb, NiniEnzoLola, Maryse bussi, FloeSeux, CirelleBelle,
Vivibuell, NathElisabeth, Stéphanie moreno, AngeliqueHartzollagn, AndyVirginieQuairire,
TessaHardinScott, AnaModacruz, Naxou07, Chloechevry1808, ElodieGley, MeurineMinard,
Aemir_D, SabrinaPluys, Aurélie Chemin, Anamorphoseeee, Charlène Munier, TitiaBeagendreCoque,
Kelianeldo, EstelleStl, NathalieVandeput, Coco-des-iles, AlineMerly, TitiTatoue, Elina Reant… J’en
oublie certainement et si je pouvais toutes vous citer, je le ferais mais cela prendrait bien plus d’un
livre cependant vous êtes toutes chères à mon cœur.

Merci aux blogueuses d’avoir fait découvrir l’histoire d’Ella et Wes. Vous êtes exceptionnelles.

Merci également à Lanabellia pour sa gentillesse et sa générosité ! Tu m’as permis de faire découvrir
et partager mon histoire (qui n’en était pas encore une à l’époque) sur ton groupe à maintes reprises.

Et merci bien sûr à tous ceux et celles qui liront et aimeront ce livre. Sans vous, rien ne serait pareil.

J’ai hâte de partager avec vous la suite des aventures de nos héros Ella et Wes et plein d’autres
surprises encore…

Delinda.
Playlist
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Remerciements

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