Administration Et Développement 2024 - Final
Administration Et Développement 2024 - Final
Administration Et Développement 2024 - Final
Contenu
Ce cours explique l’importance centrale de l’homme dans la performance de toute
administration publique ainsi que le rôle irremplaçable de celle-ci dans le développement de
tout pays. Il explore en profondeur les différents systèmes d’organisation d’une administration
publique, avec leurs avantages et inconvénients. L’étudiant est ensuite amené à comprendre la
notion de « développement » dans toute sa complexité ainsi que les conditions nécessaires
pour sa réalisation. A cet effet, les initiatives internationales en matière de développement
durable sont étudiées, tout comme les aspects pratiques du comportement de chaque citoyen,
étudiés scientifiquement et pouvant faciliter un développement réellement durable dans une
société.
Objectifs
L’étudiant qui suit assidûment ce cours sera en mesure de :
Structure du cours
Introduction : Sagesse sur le rôle central de l’être humain
Chapitre 1 – Administration
1.1. Définition
1.2. Le rôle changeant de l’administration publique
1.2.1. L’administration public traditionnel (APT)
1.2.2. Management public (MP)
1.2.3. Gouvernance responsive (réactive)
1
Chapitre 2 – Développement
2.1. Définition
2.2. La notion de « croissance »
2.2.1. Inégalités et destructions
2.2.2. Croissance égalitaire
2.2.3. Gouvernance responsive (réactive)
2.3. Besoin de convergence
2.3.1. Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)
2.3.2. Objectifs de développement durable (ODD)
Conclusion
Bibliographie
Acemoglu, Daron & Robinson, James (2005) : Economic Origins of Dictatorship and Democracy. New
York, Cambridge University Press.
Acemoglu, Daron & Robinson, James (2012) : Why Nations Fail. Crown.
Andrews, Matt (2012) ; « The local limits of best practice administrative solutions in developing
countries », Public Administration and Development, #32, 137-153
de Renzio, Paolo & Angemi, Diego (2012) ; « Comrades or culprits ? Donor engagement and budget
transparency in aid-dependent countries », Public Administration and Development, N. 32, 167-180.
Fukuyama, Francis (1995) : Trust – The social virtues and the creation of prosperity. The Free Press, New
York.
Hatchuel, Arman ; Le Masson, Pascal ; Weil, Benoît (2001) : « De la R&D à la RID : de nouveaux principes
de management du processus d’innovation ». Congrès francophone du management de projet, AFITEP,
6-7 novembre 2001, Paris.
OCDE (1994) : "Manuel sur la mesure des activités scientifiques et technologiques" (Manuel de Frascati).
Reinikka, Ritva & Svenson, Jakob (2004): “The power of information: evidence from a newspaper
campaign to reduce capture”. Document de travail, IIES, Université de Stockholm.
Schultz, Theodore W. (1983) (Prix Nobel 1979) : Il n’est de richesses que d’hommes – Investissement
humain et qualité de la population. Bonnel, Paris
United Nations Department of Economic and Social Affairs (2005). Unlocking the Human Potential for
Public Sector Performance. World Public Sector Report
https://www.devex.com/news/good-governance-a-driving-force-for-peace-in-fragile-states-86877
Avertissement
Le présent document est un simple support pour stimuler les discussions et
est destiné à l’usage exclusif des étudiants admis au cours d’Administration et
développement dispensé par l’auteur à l’Université Catholique du Congo. En tant
que tel, il ne peut être partagé avec des personnes tierces, quelle que soit la
raison ou la forme, sans l’autorisation écrite de l’auteur.
***
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Introduction : Sagesse sur le rôle central de l’être humain
Sagesse populaire
Au Congo, nous disons souvent, en blaguant, mettez tous les Japonais au Congo et tous
les Congolais au Japon ; en peu de temps, le Congo sera développé, le Japon appauvri.
Questions de réflexion :
- Êtes-vous d’accord ?
- Pourquoi ?
- Quelles conclusions tirez-vous de cette discussion ?
Pour contribuer au développement, l’homme, une fois bien nourri, a besoin de deux
ingrédients fondamentaux : l’instruction et l’éducation. La première apporte les connaissances
et aptitudes nécessaires pour permettre à l’homme d’acquérir du savoir-faire et d’exercer un
métier ou une profession ; la seconde forme l’attitude et le comportement pour permettre à
l’homme d’utiliser son savoir-faire pour son bien et celui de sa communauté. Bref, l’éducation
apporte le savoir être qui constitue un complément indispensable à l’instruction.
Sagesse culturelle
Un proverbe arabe dit : « la différence entre un jardin et un désert, ce n’est pas…………….,
c’est……………….». (à compléter pendant la discussion)
Questions de réflexion :
- Êtes-vous d’accord ?
- Pourquoi ?
- Quelles conclusions tirez-vous de cette discussion ?
La leçon arabe est simple : avec une population bien formée, le progrès est possible
même devant l’adversité. En dépit de la rigueur qu’impose la vie dans le désert, le peuple arabe
se refuse à plonger dans le fatalisme. Au contraire, il développe une mentalité gagnante, une
culture de l’effort qui pousse l’homme à comprendre que c’est de sa responsabilité de s’investir
pour rendre possible ce qui paraît insurmontable.
Les ressources naturelles sont certes importantes, mais à condition qu’elles soient
exploitées de manière ordonnée et pour le bien commun. Ces deux conditions ont manqué
cruellement dans la plupart des pays africains aujourd’hui encore pauvres. Ceci dit,
l’insuffisance, ou même l’absence de ressources naturelles sur le territoire national n’est pas un
frein insurmontable au développement d’un peuple. Schultz (1982) a suffisamment démontré
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que c’est l’inventivité de l’homme, bien formé et doté de moyens de recherche conséquents,
qui détermine les avancées qu’un peuple peut faire pour son développement.
Sagesse développementale
Beaucoup de criminels arrêtés en Europe ont eu quelque problème pendant leur
enfance : violence familiale, disputes entre parents, divorce/séparation des parents, viols,
parents irresponsables, etc.
Questions de réflexion :
- Pourquoi ?
- Quelles conclusions tirez-vous de cette discussion ?
- Comment cette discussion se traduit-elle dans votre comportement personnel ?
L’homme a besoin de formation pour être utile à sa société. Pour être efficace, le
développement des capacités de l’homme doit commencer dès sa naissance.
Sagesse scientifique
• De nombreux rapports de la Banque Mondiale, du Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD), ainsi que du Département des affaires économiques et sociales des
Nations Unies (UNDESA) établissent clairement le lien entre la formation (instruction et
éducation) et le développement. On sait, par exemple, qu’aucun pays n’est sorti du sous-
développement ou de la pauvreté abjecte sans avoir investi, au moins pendant une
décennie, dans un système d’éducation obligatoire, et souvent gratuite, ne serait-ce que
pendant les six premières années de scolarisation.
• L’instauration d’une « éducation de masse », est aussi liée à la réduction des grossesses non
désirées (Caldwell, 1980 ; Lloyd, Kaufman et Hewett, 2000). D’autres travaux démontrent
que le nombre d’années de scolarisation est négativement corrélé à la fréquence de
grossesses précoces, alors que sa corrélation avec l’espérance de vie est positive (voir
graphique).
• Theodore Schultz, Prix Nobel d’économie (1979), a écrit, au début des années 80, un livre
intitulé « Il n’est de richesses que d’hommes : investissement humain et qualité de la
population », dans lequel in démontrait l’importance de l’homme et de sa formation dans
l’avancement socioéconomique de n’importe quelle société.
• Francis Fukuyama, un économiste politique américain, a écrit un livre intitulé « Trust : The
Social Virtues and the Creation of Prosperity » (1995), dans lequel in démontre que la
fameuse loi de l’offre et de la demande explique certes une bonne partie du
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fonctionnement d’une économie, mais que sans la confiance (trust) résultant des vertus
sociales, cette loi ne tient pas totalement. Le livre fut un best seller.
http://www.un.org/esa/population/publications/concise2003/Concise2003F.pdf
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Chapitre 1 : Administration
1.1. Définition
- USA : ensemble formé par le gouvernement proprement dit et les conseillers engagés
par le Président pour l’aider à élaborer sa politique.
Basée sur le respect des règles et procédures, elle est un instrument impartial mais
particulièrement obéissant vis-à-vis du gouvernement, et donc des politiciens. Les promotions
sont accordées sur base de l’ancienneté et de la discipline plutôt que d’une évaluation objective
de la performance. Après les indépendances, des foyers de privilèges se sont créés au sein de
l’administration publique dans plusieurs pays, et la mobilisation qui aurait dû servir au
développement socio-économique a été détournée à des fins politiques et politiciennes.
L’administration publique est ainsi devenue une ressource à distribuer à ceux dont les positions
étaient dithyrambiques au pouvoir en place, politisant ainsi le service public et supprimant
l’émergence d’une élite ou d’une compétence neutre.
Questions :
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1.2.2. Management public
Ce mouvement a été inspiré par la demande croissante aux Etats-Unis d’Amérique, vers
la fin du 19e siècle, pour une séparation claire entre la politique et l’administration publique,
ainsi que pour le recrutement de managers professionnels.
Alors que, sous l’APT, le service public était distinct du secteur privé, le management
public considère que les principes de la science managériale, en vigueur dans le privé, comme
par exemple la paie et la promotion au mérite, peuvent être appliqués au secteur public pour
en augmenter l’efficacité et conduire aux résultats escomptés. Le terme « administration » est
remplacé par celui de « management », et des experts en management sont appelés en renfort
pour analyser et évaluer l’efficacité des services publics. Il en résulte aussi une requalification
des services dits « administration du personnel » en « gestion des ressources humaines ».
Le modèle met l’accent sur les citoyens et les partenaires (société civile, secteur public,
agences de coopération, etc.), avec une approche à 360o, sur l’impartialité et la responsabilité
sociale des fonctionnaires, et l’utilisation des NTIC qui requiert de nouvelles combinaisons
d’expertise, d’imputabilité et de réactivité.
La bonne gouvernance est un facteur particulièrement important dans le rôle que doit
jouer l’Administration Publique comme acteur principal du développement. Ce rôle consiste à
améliorer les interactions entre les multiples acteurs du développement en vue de créer un
environnement susceptible de libérer les énergies du peuple et de les canaliser vers la création
des richesses. Celles-ci demandent ensuite à être bien redistribuées, non pas forcément sous
forme de dons, mais de formation, de construction des infrastructures, et de mise en place d’un
cadre légal qui n’offusque pas les énergies du peuple.
a. Les politiques. La réactivité des fonctionnaires vis-à-vis des politiques est un exercice
délicat d’équilibre. L’impartialité politique requiert à la fois (1) la discrétion dans
l’exercice de ses fonctions et un engagement à servir le gouvernement du jour, deux
valeurs qui peuvent entrer en contradiction. (2) Elle requiert aussi un équilibre entre
le besoin de continuité de l’Etat et l’espoir de changement. Conseil : retenir et
renforcer l’autonomie et le professionnalisme du service public.
b. Les citoyens. La réactivité vis-à-vis des citoyens inclut (1) le besoin de suivre et de
faire entendre les opinions et vues de la communauté, (2) l’obligation de partager
l’information et de faire preuve d’esprit d’ouverture à travers divers mécanismes de
consultation, (3) l’organisation d’enquêtes pour récolter les vues des citoyens sur la
qualité des services, (4) l’établissement de critères de performance qui puissent
justifier la qualité du service public, et (5) une gestion de la performance qui
récompense les actions des fonctionnaires.
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➢ Comment ces modèles se manifestent-ils dans la réalité ? Y a-t-il des pays où chacun de
ses modèles se vérifie à l’état pur ?
o Dans la plupart des pays en développement, même l’APT n’a pas encore été
institutionnalisée. Ceci est dû à l’extrême instabilité économique et sociale ainsi
qu’à l’échec des Etats, comme par exemple en Somalie.
o Certains pays de l’Amérique latine ont fait l’expérience du NPM sans commencer
par institutionnaliser l’APT.
Les Nations Unies ont trouvé que les politiques d’ajustement structurel imposées aux
pays africains ont consisté exclusivement à réduire les « dépenses » d’éducation et le nombre
de fonctionnaires payés par l’Etat. Ces politiques ont eu des effets néfastes sur la capacité des
pays concernés à former les ressources humaines nécessaires à leur développement. Les
services publics et les systèmes d’éducation, vidés de leurs ressources, se sont essoufflés et ont
plongé dans la léthargie. Le besoin pour les enseignants et fonctionnaires de subvenir à leurs
besoins de base et à ceux de leurs familles a laissé libre cours à un système de corruption dont
les conséquences hanteront encore les nations pendant longtemps.
Les résultats de la mise en œuvre de l’ajustement structurel n’ont pas toujours été à la
hauteur des attentes. Certains fonctionnaires remerciés sont rentrés par d’autres portes, la
demande de services a entrainé de nouveaux recrutements, etc.
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Chapitre 2. Développement
2.1. Définition
➢ Interdisciplinaire : plusieurs approches que l’on peut combiner; pas de méthode unique
qui marche partout, mais plusieurs méthodes à adapter à chaque situation et avec
l’évolution du temps, les objectifs demeurant rectifiables au gré des circonstances ; pas
forcément une finalité, mais un processus qui, une fois le but atteint, exige une
constance dans l’action afin d’éviter des rechutes. Le développement doit être durable.
➢ Peuple : pas par des individus, mais par tous ; pas pour des individus, mais pour tous.
Toute croissance n’est pas bonne. Le cancer, par exemple, est une forme de
« croissance », mais nocive. La croissance demande à être prudemment planifiée et gérée, sans
quoi elle peut devenir génératrice d’inégalités ou destructrice. Il ressemble alors à un cancer.
Selon Piketty (2013, p.18), deux courants s’affrontent en matière de répartition des
richesses. Le premier considère que les inégalités ne cessent de croître, ce qui rend le monde
toujours plus injuste par définition. Le second soutient que les inégalités sont soit
« naturellement décroissantes », soit « spontanément harmonieuses », ce qui crée un
« heureux équilibre » qu’il vaut mieux ne pas perturber. On peut associer le premier courant
au socialisme, dont l’objectif est d’intervenir sur les mécanismes du marché pour réduire les
inégalités en apportant un soutien aux plus faibles de la société. Le second courant s’apparente
11
plus au capitalisme, pour lequel seul un marché libre peut garantir une croissance soutenue
qui, à la faveur du temps, permet de réduire les inégalités de manière naturelle ou spontanée.
Piketty considère le débat entre les deux courants comme un « dialogue de sourds », et
que l’on ne peut s’en sortir que grâce à « une démarche de recherche systématique et
méthodique ». Une telle démarche permet d’établir patiemment les faits, de démasquer les
idées reçues et les impostures, et, en définitive, d’orienter le débat politique vers les questions
qui comptent.
Générée par l’homme, la croissance en vue du développement n’a de sens que si elle
profite à l’homme. Avant la pandémie de COVID-19, l’Afrique a connu une croissance
économique sans précédent depuis plusieurs années, mais elle est restée le seul continent où le
nombre de personnes affamées a augmenté depuis 1990.
Au cours des années 2007-2008 et 2011, des événements d’une ampleur historique,
fruits aussi des inégalités perçues, ont secoué un certain nombre de pays. L’augmentation
sensible des prix des denrées alimentaires a provoqué des révoltes dans des pays d’habitude
calmes, comme par exemple le Sénégal. Le « Printemps arabe » a balayé des régimes autrefois
considérés comme inamovibles en Egypte et en Tunisie. Il est peu probable que ces
événements aient pu se produire en présence d’une gestion plus égalitaire des richesses
nationales, toutes choses restant égales par ailleurs.
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2008-2017
Réflexion
Une simple croissance économique, aussi rapide soit-elle, ne garantit pas la réduction
de la pauvreté et la création des emplois. La croissance doit être inclusive pour avoir un impact
notable dans ces domaines. L’investissement public dans les biens communs (infrastructures,
éducation et formation, agriculture, etc.) peut générer des résultats significatifs, et la
protection sociale peut contribuer à un progrès rapide même dans les pays les moins nantis
(SOFI 2016, FAO).
• Le Japonais a une espérance de vie bien plus longue que n’importe quel autre citoyen
du monde (83 ans). Le pays a un système d’assurance santé universelle, ce qui pourrait
faire penser à des coûts de santé élevés. Cependant, le coût des dépenses en matière
de santé (8% du PIB) est moindre que celui des Etats-Unis (20%), pays le plus développé
qui peine à garantir une couverture sanitaire pour chacun de ses citoyens ;
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Le coefficient de Gini comme base d’analyse des inégalités
• « Une étude menée par Brookings Institute révèle qu'en utilisant les comptes nationaux
pour mieux déterminer les revenus des 1 % les plus riches, les estimations des inégalités
sont nettement révisées à la hausse dans de nombreux pays. Le coefficient de Gini est la
mesure standard des inégalités dans un pays. Plus le coefficient de Gini est proche de 1,
plus le niveau d'inégalités est élevé. Par exemple, au Mexique, le coefficient de Gini
pour 2014 est passé de 0,49 à 0,69. Cette même année en Indonésie, qui affichait un
coefficient de Gini de 0,38 (comparable à celui de la Grèce), le coefficient a été révisé à
0,64. Ce coefficient révisé se rapproche de celui de l'Afrique du Sud, l'un des pays où les
inégalités sont les plus fortes au monde ».
• Un taux de croissance soutenu et durable est une condition nécessaire pour le
développement, mais il n'est pas suffisant pour réduire la pauvreté. L’objectif de
réduction de la pauvreté n'est souvent atteint qu'avec un effet de redistribution de la
croissance – croissance partagée pro-pauvre – axée vers les secteurs sociaux et
économiques qui émancipent les couches les plus vulnérables de la population.
Après un travail bien fouillé portant sur des données à la fois historiques et
géographiques couvrant la meilleure partie de l’évolution économique mondiale, Piketty (2013)
a tiré les conclusions suivantes, qui s’imposent :
Dans le même ordre d’idées, l’éducation, la formation et le partage des savoirs peuvent
aider à tirer une grande partie de la population de la pauvreté, contribuant ainsi à une
convergence pouvant permettre de réduire l’écart entre riches et pauvres. Cet effort est
indispensable, car les inégalités compromettent la cohésion sociale, limitent la mobilité sociale
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et les choix individuels, et renforcent les facteurs négatifs comme la pauvreté ou la
discrimination basée sur le genre, l’ethnie ou la position géographique (Richard Jones 10 July
2014 – LinkedIn).
• Les observations réalisées pendant plus de 30 ans sur plus de 150 pays, qu'ils soient riches ou
pauvres, révèlent que l'investissement dans la santé, l'éducation et la protection sociale réduit
les inégalités. Cela s'explique par le fait que les dépenses publiques peuvent contribuer à réduire
les inégalités de revenus en assurant à tous un revenu virtuel ou réel. Il a été démontré que cela
réduisait les inégalités de revenus de 20 % en moyenne au sein de l'OCDE ; d'après une récente
étude portant sur 13 pays en développement, les dépenses consacrées à l'éducation et à la
santé ont contribué à 69 % de la réduction totale des inégalités.
• L'économie informelle représente un pourcentage significatif des emplois, mais aussi du PIB, en
particulier dans les pays pauvres. Au Bénin, au Soudan, en Tanzanie et en Zambie, par exemple,
jusqu'à 90 % de la main-d'œuvre occupe des emplois informels. En Amérique latine, on estime
que l'économie informelle représente 40 % du PIB de la région. Dans le monde, le nombre de
personnes occupant des formes d'emploi vulnérables devrait dépasser 1,4 milliard en 2017 (ce
qui représente plus de 40 % des emplois totaux). Les femmes, les jeunes et les autres groupes
marginalisés sont surreprésentés dans l'économie informelle et dans les emplois vulnérables. En
Asie, 95 % des femmes travaillant hors de chez elles évoluent dans le secteur informel. En
Afrique subsaharienne, 74 % des emplois non agricoles occupés par des femmes sont informels,
contre 61 % pour les hommes ».
Homme Développement
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Mais, qu’y a-t-il dans l’homme ?
Une alimentation, une santé, une éducation, une paix, un minimum de droits humains
(mouvement, expression, association, etc.), un environnement sain, une fierté ou un amour
propre, etc. Les violations des droits humains ont des conséquences néfastes non seulement
sur les individus, mais aussi sur le développement économique, conséquences qui peuvent
souvent affecter des régions entières.
1. Faim/Pauvreté
7. Environment humain
durable 5. Santé maternelle
6. HIV/SIDA, Malaria
et autres maladies
Ce qu’on ne dit pas assez, c’est que la réalisation des deux premiers objectifs
(l’éducation étant conditionnée par l’alimentation) contribue sensiblement à celle des six
autres. Les deux forment en effet le duo gagnant sans lequel les autres objectifs deviennent un
rêve luxueux et irréalisable.
Les nombreux progrès réalisés dans la mise en œuvre des OMD ainsi que les leçons
tirées des retards accumulés par certains pays ont donné confiance à la communauté
internationale quant à la possibilité, mais aussi à la nécessité, d’étendre les bénéfices à tous les
citoyens du monde. L’ambition est d’autant plus importante qu’elle doit être réalisée en
préservant l’environnement pour assurer le caractère durable du développement, et cela en ne
laissant personne de côté.
Ainsi, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies tenue à New York en septembre
2015, plus de 150 leaders du monde entier, réunis en un sommet historique, ont adopté un
agenda universel et transformatif, avec 17 Objectifs visant à éliminer la pauvreté, à combattre
les inégalités et à s’attaquer au changement climatique.
L’objectif principal de l’Agenda 2030 est d’éliminer la pauvreté sous toutes ses
dimensions, et cela de manière irréversible, partout et sans laisser un seul être humain de
côté. Les 17 ODD sont à la fois intégrés, interdépendants et inséparables, démontrant ainsi
l’échelle, l’universalité et le caractère ambitieux de l’Agenda, qui appelle à des actions
conséquentes et coordonnées de la part des gouvernements, de la société civile et de tous les
acteurs en vue de construire un monde meilleur dans les 15 années. L’Agenda représente un
contrat entre les dirigeants du monde et le peuple, dont le vrai défi sera la mise en œuvre. Il
reste que cette initiative devrait assurer une vie digne à tous et construire une plus grande
prospérité. C’est donc dans l’intérêt de tous.
Travail personnel : Trouvez et lisez les ODD et leurs cibles. Le TP portera sur ce sujet.
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Chapitre 3 : Performance du secteur public et
Développement
Nous avons vu qu’une bonne éducation garantit non seulement le développement des
facultés mentales, mais aussi l’acquisition des compétences pouvant permettre aux
bénéficiaires de profiter pleinement des emplois créés lorsque s’engrange une croissance
économique réellement utile. En tant que telle, l’éducation et la formation sont essentielles
pour tirer les pauvres de l’ornière.
L’un des plus grands obstacles mondialement reconnus dans le développement des pays
du tiers monde, c’est la corruption qui gangrène le fonctionnement des institutions et
empêche la bonne exécution des programmes, même les mieux intentionnés.
Malheureusement, le secteur éducatif, clé de la formation des ressources humaines nécessaires
au développement, n’est pas épargné. Les grosses ressources retirées à l’éducation congolaise
en 1984, et dont l’objectif était de renforcer les secteurs sociaux, n’ont été revues nulle part
ailleurs. Si donc aucun secteur n’en a profité, où sont allées ces ressources ? Il est fort
probable qu’elles aient profité à l’énorme réseau de corruption qui a accumulé des richesses
pour des individus au détriment de la majorité.
L’exemple de l’Ouganda, présenté par Banerjee et Duflo (2012, pp. 353-354), est assez
frappant. L’Etat délivre des subventions aux écoles pour leur permettre de fonctionner dans les
meilleures conditions. Reinikka et Svensson (1996) ont démontré que 13% seulement des fonds
parvenaient aux écoles, et que plus de 50% des écoles n’en recevaient tout simplement pas.
Comment comprendre ce phénomène quand il est acquis que le développement d’un pays
dépend de la qualité de son système éducatif ? L’une des réponses possibles se trouve dans un
cercle vicieux décrit par Jeffrey Sachs (p 355) : la pauvreté engendre la corruption qui, elle-
même, nourrit la pauvreté.
Face à ce sombre tableau, nous allons examiner quelques études qui démontrent
l’importance de l’intégrité dans les services publics. Observons chaque constat et tirons-en les
conclusions pratiques qui en découlent.
3.1.1. La qualité et l’intégrité d’un service public sont positivement influencées par le
professionnalisme de ses fonctionnaires.
Conclusions ?
18
3.1.2. Les salaires ont un certain impact positif sur la qualité du travail fait, mais encore plus
significatif sur l’intégrité des fonctionnaires.
Conclusions ?
3.1.3. Les pots-de-vin ont une corrélation négative avec l’intégrité des fonctionnaires, ce qui
n’est pas surprenant. Plus significatif est le fait que qu’ils n’ont aucun impact significatif sur la
qualité des services.
Conclusions ?
3.1.4. Les examens d’entrée ne garantissent pas forcément la qualité et l’intégrité. Par contre,
combinés à des critères de qualifications académiques, ces examens augmentent le prestige
du service public.
Conclusions ?
3.1.5. L’attractivité du service publique dans les pays non africains souffre de l’existence de la
corruption, alors que dans les pays africains, on n’observe pas cette relation. Pire, dans les
pays non africains, recevoir des pots-de-vin réduit la probabilité pour un haut fonctionnaire
d’être nommé à des postes politiques, alors que c’est tout le contraire qui se vérifie en Afrique.
Conclusions ?
2.2.1. Paolo de Renzio & Diego Angemi (2012) ; « Comrades or culprits ? Donor engagement
and budget transparency in aid-dependent countries », Public Administration and Development,
N. 32, 167-180. Echantillon de 84 pays qui ont mis en œuvre des réformes visant à augmenter
la transparence budgétaire, avec une aide substantielle des pays donateurs.
- Les politiques mises en œuvre ont eu un niveau de succès très limité, en partie parce
qu’elles n’étaient pas bien adaptées au contexte local, et en partie parce que les
donateurs ont mis peu d’accent sur l’amélioration de l’accès par le public à l’information
sur le budget.
- Les efforts des donateurs ont été minés par leur fragmentation, leur propre manque de
transparence, etc., ce qui n’a pas facilité la gouvernance. Ceci signifie que la qualité de
l’aide est plus importante que sa quantité.
- La dépendance vis-à-vis de l’aide et la transparence budgétaire sont inversement
corrélées.
Conclusions ?
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2.2.2. Matt Andrews (2012) ; « The local limits of best practice administrative solutions in
developing countries », Public Administration and Development, #32, 137-153.
- L’application, aux pays en voie de développement, des bonnes pratiques de gestion des
pays développés, a des limites logiques : là où les conditions locales (acceptation,
autorité, compétences) sont différentes de celles qui règnent dans les pays développés,
une telle application est vouée à l’échec.
Conclusions ?
Comment s’assurer que les ressources publiques ne soient pas accaparées par des
individus ? On peut penser qu’il faut éduquer les gens en conséquence. Mais cela demande
beaucoup de temps alors que la solution ne doit pas trop attendre.
Acemoglu, Daron & Robinson, James (2005) donnent les définitions suivantes des
institutions pouvant contribuer au développement : « les institutions économiques déterminent
les incitations […] à s’instruire, à économiser et à investir, à innover et à adopter de nouvelles
technologies, [etc.]. Les institutions politiques déterminent la capacité des citoyens de
contrôler les hommes politiques ». Dans une autre publication, les deux auteurs (2012)
arriveront à la conclusion, reprise par Barnejee et Duflo, que lorsque les institutions politiques
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marchent, elles imposent suffisamment de contraintes aux dirigeants pour qu’il leur soit
impossible de s’éloigner trop de l’intérêt commun.
Il faut cependant craindre la fameuse « loi d’airain de l’oligarchie », selon laquelle les
détenteurs du pouvoir politique utilisent les institutions économiques pour leur
enrichissement, pour ensuite se servir des moyens accumulés pour bloquer tout effort visant à
les remplacer (Barnejee et Duflo, 2012, p. 358). Ceci crée un cercle vicieux. Nous avons vu, en
étudiant l’APT, que les dirigeants africains des pays décolonisés ont créé des foyers de
privilèges et géré les ressources publiques en privilégiant leurs propres intérêts. Acemoglu et
Robinson (2005) vont plus loin pour considérer la persistance d’institutions politiques néfastes
comme l’obstacle principal au développement des pays du Tiers-Monde.
Il n’y a pas discontinuité entre ces catégories ou positions, les gens pouvant changer leur
attitude en fonction de leur expérience et des circonstances. Ainsi, par exemple, un urgentiste
peut bien avoir perdu patience après une période de temps plus ou moins longue, comme on
l’avait vécu au Congo au bout de trois décennies de pouvoir mobutiste. De même, lors du
printemps arabe, on a vu des patients reconsidérer leurs positions dans l’espoir de répliquer
l’expérience vécue notamment en Egypte, en Tunisie et en Lybie.
Patients : une attitude qui permet de s’assurer que des changements fondamentaux, résultats
d’un investissement sur le temps, soient digérés par la grande majorité et se produisent sans
grande disruption dans la société. Ils cultivent une aversion pour le risque. La durée de leur
patience peut varier d’une personne ou d’un groupe à l’autre, ce qui peut créer des tensions et
divisions, poussant certains vers des positions urgentistes, apathiques ou irréalistes.
Urgentistes : une attitude qui a le mérite de refuser de prolonger les souffrances d’un peuple,
mais qui exige des actions bien planifiées, coordonnées et efficaces pour produire un résultat à
la fois immédiat, utile et durable. Les actions des urgentistes peuvent produire des résultats
spectaculaires, comme ce fut le cas avec la mise hors d’état de nuire de Blaise Compaoré au
Burkina Faso en 2014. Autrement, elles conduisent au chaos, comme on l’a vécu avec les
interventions américaines en Iraq au début des années 2000, et plus récemment encore en
21
Lybie. Il semble que la clé de la réussite soit essentiellement dans la volonté du peuple à
participer au changement de l’intérieur.
Apathiques : ils ont en tout et pour tout le souci de faire évoluer les choses de l’intérieur et de
protéger le peuple, déjà appauvri et privé de ses droits élémentaires, contre des chocs encore
plus importants. Malheureusement, leur pessimisme empêche une évolution résolue vers le
résultat escompté.
Irréalistes : conscients de l’urgence de la situation, ils sont pressés pour changer les choses de
manière radicale, mais n’entretiennent pas l’espoir et l’assurance nécessaires pour mettre la
machine en marche.
Selon Banerjee et Duflo (2012), le pessimisme de ceux que nous appelons ici
« apathiques » et « irréalistes » vient de la rareté des changements radicaux. Les exemples
abondent. Le printemps arabe ne se produit pas tous les ans, pas plus qu’il ne produit les
mêmes effets partout, ce qui explique d’ailleurs le statu quo qui avait régné pendant des
années en Algérie malgré l’affaiblissement physique du Président Bouteflika, ou encore la
présence de Bashar Al Asad au pouvoir après des années d’instabilité. Des pays comme la
Chine et la Russie nous prouvent qu’il est extrêmement difficile de passer d’une dictature à une
vraie démocratie. De même, le Nigéria, qui peut aujourd’hui se targuer d’avoir délivré aux
autres pays africains, depuis une décennie, une leçon d’alternance politique douce, reste la
preuve que la corruption ne disparaît pas du jour au lendemain.
Heureusement, il y a aussi une abondance d’exemples pour prouver qu’on peut lutter
efficacement contre la corruption sans nécessairement provoquer des changements
institutionnels radicaux. Comme nous l’a montré l’exemple de l’Ouganda, la clé, c’est
l’information diffusée au peuple. En effet, l’accès du peuple à l’information ne laisse pas
indifférents les corrompus. Ceux-ci auront nécessairement peur, bien qu’à des degrés divers,
soit de la possibilité de sanctions de la part des autorités, soit de l’effritement de leur image
dans la société. Même « des modifications apparemment minimes des règles » (p.371) peuvent
avoir un effet efficace dans lutte contre la corruption.
En résumé, la meilleure approche est celle qui tient compte de tous les éléments
propres à une société pour proposer la méthode de changement la plus appropriée. Dans tous
les cas, il faudra garder la clairvoyance et l’humilité nécessaires pour reconnaître les erreurs et
adapter la méthode en fonction des changements des données en présence. En règle générale,
les recettes extérieures qui ne tiennent pas compte de la nécessité d’une adaptation locale sont
vouées à l’échec. Il est donc important d’éviter le piège des « trois i » (Banerjee et Duflo, 2012,
p. 388) : idéologie, ignorance et inertie.
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3.3.3. La protection sociale
Banerjee et Duflo (2012) ont trouvé que les pauvres prennent souvent une série de
décisions irrationnelles dont les résultats perpétuent leurs conditions de vie.
Quelques exemples :
• Ne pas mettre les enfants à l’école. Il y a une corrélation positive entre le nombre
d’années passées à l’école et le revenu de la personne. Les enfants pauvres qui ne vont
pas à l’école ont donc bien moins de chances de sortir de la pauvreté. La fille qui ne va
pas à l’école a plus de chance d’être dépendante des caprices de son futur mari. Le
jeune enfant qui travaille très jeune a très peu de chance de gagner assez d’argent pour
garantir son avenir ou celui de sa famille.
• Dépenser son argent dans des boissons non-indispensables, comme le thé (Inde),
l’alcool, le tabac, etc.
En tant que telle, la R&D a pour but principal d’identifier les problèmes qui se posent
dans son environnement (local, national, régional ou international), d’en comprendre les causes
et les contours, et d’identifier les solutions les plus efficaces permettant à la société de
progresser dans ses efforts de développement. Il en résulte que la R&D aboutit soit à la
création de nouvelles solutions, soit à l’adaptation ou à l’amélioration de celles existantes. On
peut parler de créativité dans le premier cas, et d’innovation dans le deuxième. C’est dans ce
contexte que Hatchuel, Le Masson et Weil (2001) ont proposé le passage de la notion de R&D à
celle de RID (Recherche, Innovation et Développement).
Question de réflexion :
3. Dans une intervention publiée sur LinkedIn le 8 mai 2017 sous le titre « The moral case for
greater gender equity is clear, and so is the economic case », Christine Lagarde, alors
Managing Director du FMI, avait noté que, globalement, 55% seulement des femmes
travaillent, alors que ce pourcentage s’élève à 80% pour les hommes. Par ailleurs, ce n’est
que maintenant que le salaire moyen des femmes équivaut à celui des hommes une
décennie plus tôt.
Questions de réflexion :
La meilleure façon de gérer ou de reformer une administration publique est celle qui
s’adapte le mieux à la situation de chaque pays. L’importation de recettes qui ont fait leurs
preuves dans d’autres circonstances doit se faire avec un esprit ouvert, après une analyse des
circonstances qui ont conduit à leur succès et une étude sérieuse sur ses possibilités de réussite
dans un contexte différent. Même dans des situations relativement similaires, on ne peut faire
l’économie d’un minimum d’adaptation, la copie conforme étant à proscrire. Aucune réforme
venue entièrement de l’extérieur ne peut marcher. Tenir compte des besoins réels, eux-mêmes
identifiés avec la participation des acteurs nationaux, constitue le meilleur point de départ
d’une construction ou d’une reforme efficiente et efficace de l’administration publique.
@FIN
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