LM1 Ronsard

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Proposition d’analyse du texte 1 : Ronsard, « Mignone, allons voir si la rose », Odes, 1550-

1552

Pierre de Ronsard (1524-1585), surnommé à la Renaissance « Prince des poètes et poète


des princes », est sans doute le plus célèbre auteur du groupe de la Pléiade. D’origine noble, il
reçoit une riche formation humaniste au contact de grands intellectuels de son temps. Il parvient à
mener une carrière de poète officiel à la cour mais il est aussi connu pour ses œuvres lyriques
abordant le thème de l’amour. C’est le cas du poème étudié : extrait de son recueil des Odes, il
est inspiré à Ronsard par la jeune Cassandre Salviati à qui il est dédié.

Comment ce poème du XVIème siècle se met-il au service de l’Humanisme de la


Renaissance?

1. Cette ode veut exprimer des émotions profondément humaines.

A. L’ode, destinée à la jeune femme aimée, est une forme poétique associée à l’humanisme de
son auteur qui va puiser son modèle dans l’antiquité. Le mot, venu du grec, signifie « chant » : à
l’origine, les odes s’inscrivaient dans le registre épique en valorisant les héros, mais à la
Renaissance, sous l’influence du poète italien Pétrarque, elles expriment des sentiments plus
personnels dans le registre lyrique. Cette ode crée donc immédiatement une relation étroite entre
Ronsard et sa destinataire. Ce lien est marqué par la répétition de « Mignonne » (1, 8, 13),
diminutif affectueux qui insiste sur sa douceur, sa fragilité et sa jeunesse. Le mot sert
d’apostrophe au début des trois strophes, et ainsi la musicalité de cette anaphore maintient un
contact étroit entre les deux personnages. La figure de ce couple apparaît dans le verbe « allons »
conjugué à la 1e personne du pluriel au présent de l’impératif. Ce mode, fréquent dans le texte,
suggère une stratégie de séduction dans laquelle le poète souhaite prendre un ascendant
sentimental, précisément grâce à son style littéraire.

B. A travers son poème, Ronsard fait l’éloge de sa destinataire, en particulier au début et à la fin
du texte.
Dans la 1e strophe, cette célébration est fondée sur l’analogie à travers une comparaison (6) :
« pareil » insiste sur la ressemblance entre la couleur de la fleur et celle du visage. Mais, cette
comparaison est surprenante car, contrairement à ce qui serait attendu, ce n’est pas la rose qui
sert de modèle : « son teint » (6) correspond donc à une personnification. La jeune fille s’impose
alors comme référence de la beauté par rapport à celle issue de la nature. Cette admiration
manifestée par le poète n’est pas purement sentimentale, elle est aussi sensuelle comme le
suggère le discret érotisme des expressions « déclose sa robe » et « perdu (…) les plis de sa
robe » dans les enjambements des vers 2-3 et 4-5.
Dans la 3e strophe, l’éloge de la jeune fille se fait en fonction de deux qualités prépondérantes, la
jeunesse et la beauté. L’écriture poétique associe ces deux valeurs en les rappelant dans chacun
des mots à la rime et en plaçant « beauté » à la fin de l’ode.
Le poète montre ainsi son humanité dans un discours de séduction valorisant les attraits de
celle à qui il s’adresse. Pourtant, le ton grave qu’il adopte donne une plus grande profondeur à
son poème.

2. Ce poème se présente ainsi comme une méditation humaniste sur le temps.


A. Il est construit selon un véritable raisonnement dont les phases correspondent à ses trois
mouvements. Dans la 1e strophe, « allons voir si » (1), le poète utilise l’impératif pour indiquer sa
position intellectuelle dominante lors d’une expérience concrète (voir si) dans laquelle il veut
entrainer « Mignonne » transformée en disciple. Sa supériorité tient également au fait que le poète
connaît déjà le résultat, suggéré à partir du vers 4. Il impose un ton grave impliqué par la fuite du
temps entre « matin » et « vesprée » (2-4) et par l’abondance des termes associés au négatif :
« déclose » (2) avec son préfixe, « perdu » (4) qui suggère une dégradation renforcée par
l’adverbe « point » (4). Dans la 2e strophe, on a la confirmation de l’orientation négative de
l’expérience : on est passé très vite du projet « allons voir » (1) à sa réalisation : « voyez » (7).
Cette précipitation du temps est confirmée au vers 7 par « en peu d’espace » (= « en peu de
temps ») et au vers 12 par une journée entière résumée en un simple octosyllabe. La 3e strophe
conclut le raisonnement à l’aide de la conjonction « Donc » (13) en insistant sur le thème du
temps grâce au champ lexical : « verte nouveauté » (15), « jeunesse » (16), « vieillesse » (17) et
en plaçant l’action dans une urgence absolue par la répétition : « Cueillez, cueillez » (16).

B. La valeur philosophique du discours se veut incitative car ce vers 16, sous une forme
métaphorique, rappelle le fameux conseil du poète latin Horace (1er siècle ap. JC) : « Carpe
diem ». De nouveau, l’humaniste Ronsard puise sa référence dans le modèle antique, plus
précisément dans l’épicurisme, en observant avec angoisse la brièveté et la fragilité de
l’existence, et en proposant à sa destinataire de profiter au mieux de ses bienfaits que sont la
jeunesse et la beauté. Mais l’auteur traite son sujet en poète traduisant toute l’émotion qu’il
ressent face au problème philosophique qu’il expose. Cela se perçoit dans la strophe centrale qui
associe l’expressivité des phrases exclamatives à des interjections tragiques répétées aux vers 7
et 9 : « Las ! ». Ronsard relie ce ton à une apostrophe extrêmement péjorative « marâtre Nature »
(10). Cette dernière est blâmée car, au lieu de se comporter comme une mère protectrice, elle
porte la responsabilité d’enfermer les humains dans le malheur d’un temps qui les détruit, ce que
suggère la rime « choir/soir » (9-12).

Cette œuvre est l’une des plus célèbres de notre littérature car, de façon immédiate, elle
touche notre humanité par les thèmes séduisants de l’amour et de la jeunesse, magnifiés par la
poésie de Ronsard. Mais, plus profondément, sa réflexion humaniste nous incite à méditer sur le
temps de notre existence et sur la façon dont nous pouvons ou voulons en tirer parti.

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