LM1 Ronsard
LM1 Ronsard
LM1 Ronsard
1552
A. L’ode, destinée à la jeune femme aimée, est une forme poétique associée à l’humanisme de
son auteur qui va puiser son modèle dans l’antiquité. Le mot, venu du grec, signifie « chant » : à
l’origine, les odes s’inscrivaient dans le registre épique en valorisant les héros, mais à la
Renaissance, sous l’influence du poète italien Pétrarque, elles expriment des sentiments plus
personnels dans le registre lyrique. Cette ode crée donc immédiatement une relation étroite entre
Ronsard et sa destinataire. Ce lien est marqué par la répétition de « Mignonne » (1, 8, 13),
diminutif affectueux qui insiste sur sa douceur, sa fragilité et sa jeunesse. Le mot sert
d’apostrophe au début des trois strophes, et ainsi la musicalité de cette anaphore maintient un
contact étroit entre les deux personnages. La figure de ce couple apparaît dans le verbe « allons »
conjugué à la 1e personne du pluriel au présent de l’impératif. Ce mode, fréquent dans le texte,
suggère une stratégie de séduction dans laquelle le poète souhaite prendre un ascendant
sentimental, précisément grâce à son style littéraire.
B. A travers son poème, Ronsard fait l’éloge de sa destinataire, en particulier au début et à la fin
du texte.
Dans la 1e strophe, cette célébration est fondée sur l’analogie à travers une comparaison (6) :
« pareil » insiste sur la ressemblance entre la couleur de la fleur et celle du visage. Mais, cette
comparaison est surprenante car, contrairement à ce qui serait attendu, ce n’est pas la rose qui
sert de modèle : « son teint » (6) correspond donc à une personnification. La jeune fille s’impose
alors comme référence de la beauté par rapport à celle issue de la nature. Cette admiration
manifestée par le poète n’est pas purement sentimentale, elle est aussi sensuelle comme le
suggère le discret érotisme des expressions « déclose sa robe » et « perdu (…) les plis de sa
robe » dans les enjambements des vers 2-3 et 4-5.
Dans la 3e strophe, l’éloge de la jeune fille se fait en fonction de deux qualités prépondérantes, la
jeunesse et la beauté. L’écriture poétique associe ces deux valeurs en les rappelant dans chacun
des mots à la rime et en plaçant « beauté » à la fin de l’ode.
Le poète montre ainsi son humanité dans un discours de séduction valorisant les attraits de
celle à qui il s’adresse. Pourtant, le ton grave qu’il adopte donne une plus grande profondeur à
son poème.
B. La valeur philosophique du discours se veut incitative car ce vers 16, sous une forme
métaphorique, rappelle le fameux conseil du poète latin Horace (1er siècle ap. JC) : « Carpe
diem ». De nouveau, l’humaniste Ronsard puise sa référence dans le modèle antique, plus
précisément dans l’épicurisme, en observant avec angoisse la brièveté et la fragilité de
l’existence, et en proposant à sa destinataire de profiter au mieux de ses bienfaits que sont la
jeunesse et la beauté. Mais l’auteur traite son sujet en poète traduisant toute l’émotion qu’il
ressent face au problème philosophique qu’il expose. Cela se perçoit dans la strophe centrale qui
associe l’expressivité des phrases exclamatives à des interjections tragiques répétées aux vers 7
et 9 : « Las ! ». Ronsard relie ce ton à une apostrophe extrêmement péjorative « marâtre Nature »
(10). Cette dernière est blâmée car, au lieu de se comporter comme une mère protectrice, elle
porte la responsabilité d’enfermer les humains dans le malheur d’un temps qui les détruit, ce que
suggère la rime « choir/soir » (9-12).
Cette œuvre est l’une des plus célèbres de notre littérature car, de façon immédiate, elle
touche notre humanité par les thèmes séduisants de l’amour et de la jeunesse, magnifiés par la
poésie de Ronsard. Mais, plus profondément, sa réflexion humaniste nous incite à méditer sur le
temps de notre existence et sur la façon dont nous pouvons ou voulons en tirer parti.