L'Afrique Occidentale

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CID/ Division internationale/ Groupe A1

MEMOIRE DE GEOPOLITIQUE

L’Afrique occidentale

et

la problématique des frontières

Par le
Lieutenant-colonel
Dominique AHOUANDJINOU
Plan

CHAPITRE Titre page


Introduction 2

Premier Histoire des frontières en Afrique 4


occidentale
Deuxième Risques de résurgence des conflits 9
frontaliers en Afrique occidentale
Troisième Les approches de solutions aux problèmes 16
frontaliers de l’Afrique occidentale
Conclusion 27

Bibliographie 29

1
INTRODUCTION

La période qui a suivi la fin de la deuxième guerre mondiale a été


de l’avis des historiens et des observateurs de la vie internationale, marquée par
la naissance de l’Organisation des Nations Unies et la division du monde en
deux blocs idéologiques antagonistes : l’un, capitaliste avec pour figure de proue
les Etats-Unis, l’autre, communiste et organisé autour de l’ex-Union soviétique.
Ces deux blocs s’affronteront pendant plus d’un demi-siècle dans une nouvelle
forme de guerre, que l’histoire retiendra sous le nom de guerre froide.
C’est dans ce contexte international plutôt tendu, que se développa
dans la plupart des colonies un mouvement d’émancipation inspiré par la Charte
de l’Atlantique et celle de l’Organisation des Nations Unies. Ce mouvement
aboutira à un processus de décolonisation qui, commencé en Asie, gagnera
l’Afrique et conduira une quinzaine d’années plus tard, à l’indépendance de la
majeure partie de ce continent.

Les peuples d’Afrique occidentale accueillirent la fin de la


colonisation avec enthousiasme, mais les espoirs suscités par l’accession à la
souveraineté nationale seront vite déçus. L’Afrique surtout dans sa partie
occidentale, sera confrontée à une instabilité chronique caractérisée par la
multiplication des conflits et des coups d’état. Si les litiges frontaliers qui ont
affecté et continuent à affecter les relations de certains pays ouest- africains ont
connu des règlements plus ou moins heureux, il n’en demeure pas moins que les
facteurs qui étaient à leur origine constituent toujours des menaces potentielles à
la stabilité de la région.

2
On peut cependant espérer que les risques de nouveaux conflits
frontaliers entre Etats ouest- africains seront conjurés si, tirant leçon de leur
passé colonial, ces Etats se montrent vraiment respectueux des principes
internationaux en matière de frontière et surtout s’ils coopèrent activement en
vue d’empêcher toutes résurgences de différends frontaliers.

De ce point de vue, il convient :


-d’ abord, de rappeler les circonstances dans lesquelles les frontières
actuelles ont été tracées ;
-ensuite, d’apprécier les risques d’éclatement de nouveaux conflits
frontaliers ;
- enfin, de proposer des approches de solutions aux problèmes frontaliers
en Afrique occidentale.

3
1 HISTOIRE DES FRONTIERES EN AFRIQUE OCCIDENTALE

Ce rappel historique peut paraître superflu mais il a son utilité ; on ne peut


pas comprendre les causes profondes des guerres qui ont meurtri l’Afrique de
l’ouest, ni avoir une appréciation correcte des menaces que peuvent faire peser
sur la paix et la stabilité de cette région les frontières héritées de la colonisation,
sans se référer à la conquête européenne de l’Afrique.
Qu’il s’agisse de l’Afrique septentrionale, centrale, orientale, occidentale,
ou australe, les puissances européennes en imposant leur domination, ont opéré
un redécoupage du continent africain, de sorte qu’elles ont crée de nouveaux
Etats dotés de frontières artificielles.

11 Le processus du partage de l’Afrique

Partout sur le continent, ce processus a été identique et a obéi aux mêmes


motivations. La mainmise sur l’Afrique ne s’est pas faite sans donner lieu à une
véritable compétition entre les pays européens. Les rivalités étaient parfois si
exacerbées qu’il en résultait de vives tensions entre nations concurrentes
notamment la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, et le Portugal.
Afin d’éviter que ces tensions dégénèrent en conflits, les puissances
colonisatrices préférèrent négocier et rechercher des consensus. C’est ainsi que
la France et l’Allemagne parvinrent à un règlement négocié sur la question
marocaine (1911-1914).

L’histoire du partage de l’Afrique est donc celle d’une suite de


conférences internationales, et de rencontres entre diplomates et dirigeants de
nations rivales, afin d’aboutir à des solutions négociées. Bien entendu, les

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Africains étaient le plus souvent exclus de ces rencontres ; d’ailleurs, il ne sera
jamais tenu compte de leur avis.

Sans aucun doute, la plus importante de ces conférences a été la


Conférence coloniale de Berlin sur la question du Congo (15 Novembre 1884-
26 Février1885) qui réunit les représentants de treize pays d’Europe, plus les
Etats-Unis. Mais contrairement à une idée longtemps admise, l’Acte de Berlin
élaboré lors de cette conférence n’a pas consacré le partage de l’Afrique ; plutôt,
il a tenté de sauvegarder des zones de libre-échange où les étrangers auraient les
mêmes prérogatives économiques, quel que soit le pays européen qui en
prendrait la possession .C’est bien plus tard que la Conférence de Berlin devint
un événement de référence pour le partage de l’Afrique.
Par la suite, de nombreux autres accords bilatéraux furent signés entre les
pays engagés dans la conquête. Compte tenu du fait que les connaissances
géographiques étaient incertaines, l’accord d’une manière générale se faisait sur
des tracés géométriques le long des méridiens et des parallèles, et l’on
mentionnait que des commissions mixtes seraient chargées d’adapter les lignes
théoriques aux réalités du terrain.

S’agissant de l’Afrique de l’Ouest, les actes les plus importants furent


signés entre :
-la Grande-Bretagne et l’Allemagne (1890 ) ;
-la France et la Grande-Bretagne (5Août1890 ; puis la Convention du Niger du
18 Juin 1898) ;
-la France et l’Allemagne (1897 ).
En outre, plusieurs accords réglèrent les questions locales dont
l’application sur le terrain fut opérée par des commissions bipartites chargées de
délimiter et d’aborner les frontières. Il faut dire à la décharge des membres de
ces commissions, qu’ils eurent le souci de recourir généralement aux

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autochtones pour reconnaître les limites des finages, et ainsi éviter qu’un village
ne soit coupé de ses terrains de cultures. Ce furent d’ailleurs les seules
circonstances où les Africains aient été consultés . C’est ainsi par exemple, que
le port d’Agoué (Dahomey, actuel Bénin ) amputé de son arrière-pays qui passa
sous la tutelle des Allemands du Togo en 1897, connut le déclin, car la majorité
de la population lasse des tracasseries douanières au passage de la frontière
préféra s’installer dans la colonie voisine, où elle pouvait aisément se livrer à ses
activités agricoles.
La Convention du 08 Avril 1904, par laquelle la France et la Grande-
Bretagne réglèrent leurs contentieux constitua l’acte final du processus ; des
rectifications de frontières entre le Sénégal et la Guinée, ainsi que dans le nord
du Dahomey y furent décidées.

12-Les conséquences du partage

Avant la conquête coloniale, l’Afrique était constituée d’un nombre


important de royaumes et même de grands empires tels que : l’Empire songhaï
en Afrique occidentale, ou l’Empire zoulou en Afrique australe.
Ces communautés disposaient d’une structure homogène et d’une
organisation propre ; elles étaient généralement séparées entre elles par des
frontières naturelles (cours d’eau, marais, montagnes, déserts) qui en
préservaient l’unité.

Le découpage européen eut pour conséquence majeure de redistribuer les


populations de ces royaumes et empires en de nouvelles entités politiques.
La répartition d’un même peuple entre plusieurs territoires administrés par
différentes métropoles impliquait non seulement la rupture de son unité

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culturelle, mais aussi l’évolution de chaque rameau dans des cadres différents en
fonction de la métropole dont il relevait désormais.
A l’opposé, des populations d’origines diverses étaient regroupées dans
une même colonie souvent créée de toutes pièces, sans qu’il soit tenu compte de
leur passé, ni des inimitiés profondes qui parfois existent entre elles. Au terme
du découpage, rares étaient les pays qui possédaient encore une cohérence
historique et culturelle.
Les frontières tracées sur la carte par le colonisateur ont désintégré en
plusieurs morceaux des régions à l’origine homogènes, faisant ainsi de chaque
pays un agrégat de pans de plaines, de plateaux, de montagnes, de lacs…..
Ces frontières ont la plupart du temps contribué à détruire l’unité
originelle des peuples africains.
Ainsi en Afrique de l’ouest, l’unité naturelle du Fouta-Djallon , de même
que celle des bassins des fleuves Sénégal, Niger, Volta, Mono, ont été brisées.
Sur la carte politique de l’Afrique subsaharienne chaque Etat apparaît comme un
puzzle d’ethnies et de groupes tribaux. Le peuple Ewé a été disloqué entre le
Ghana, le Togo, et le Bénin. Le peuple Yoruba a vu son unité brisée par la
frontière séparant le Nigeria et le Bénin .En rompant l’équilibre naturel et
séculaire des peuples ainsi que des régions, le découpage a donné naissance à
une Afrique divisée ; mais c’est surtout la paix et la stabilité du continent qu’il
semble avoir durablement compromises.
Les clivages laissés par les anciennes puissances colonisatrices en Afrique
occidentale ont eu pour effet d’une part, de fragiliser l’unité nationale et la
cohésion des Etats créés de toutes pièces , et d’autre part de dresser certains
Etats les uns contre les autres dans des conflits à l’origine desquels, on retrouve
des revendications territoriales portant sur des pans de plaines, de plateaux , de
montagnes, ou de lacs. La « Revue internationale et stratégie » résume
parfaitement la situation dans son dossier intitulé : « L’Afrique entre guerres et
paix. », où on peut lire : « Dans les années 60 , les principaux conflits qui ont

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frappé l’Afrique étaient directement liés à la colonisation… Celle-ci avait divisé
un même groupe ethnique, ou attribué à un Etat une région que son voisin
considérait comme lui revenant de droit. »

Rien d’étonnant donc que de tous les continents, l’Afrique soit


aujourd’hui celui qui détient le triste record de conflictualité. Certes, c’est le
continent qui a connu le plus de guerres au cours de ces cinquante dernières
années ; mais toutes les régions d’Afrique n’ont pas été touchées par la
tourmente. L’Afrique occidentale dans une certaine mesure, a été jusqu’ici
épargnée et apparaît comme un îlot de stabilité. Il ne faut cependant pas perdre
de vue, que la stabilité dont semble actuellement jouir cette partie du continent
est bien précaire, et qu’il existe toujours dans la région des risques de résurgence
de conflits frontaliers.
Le récent conflit entre le Cameroun et le Nigeria, qui n’a pas encore
connu un règlement définitif est malheureusement là pour nous le rappeler ; il
reste donc un conflit dormant, et la région en compte certainement d’autres.

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2. RISQUES DE RESURGENCE DE CONFLITS FRONTALIERS
EN AFRIQUE OCCIDENTALE.

Actuellement, il n’existe pas de revendications d’ordre territorial en


Europe, (sauf en ce qui concerne certaines anciennes républiques de l’ex-
U.R.S.S.), la dernière incertitude dans ce domaine ayant été levée à la suite de la
reconnaissance par l’Allemagne de sa frontière orientale.
On ne peut hélas pas en dire autant de l’Afrique, qui pourtant à
l’indépendance adopta le découpage géopolitique antérieur. Les Etats africains
dans leur majorité avaient reconnu le principe de l’intangibilité des frontières
héritées de la colonisation. Cependant, sur ce continent et particulièrement en
Afrique occidentale, des velléités de violation du territoire sont parfois
observées.
Les Etats limitrophes ne respectent pas toujours les documents
fondamentaux régissant leurs frontières communes ; il arrive même que ces
documents soient remis en cause. Ainsi en est-il également des principes
internationaux relatifs aux frontières ; ils ne sont pas toujours scrupuleusement
appliqués.

Avant d’évoquer les cas de violation les plus courants en Afrique de


l’ouest, il serait utile de faire un rapide survol des principes internationaux en
matière de frontière.
21 Les principes internationaux relatifs aux frontières.

Il ne fait pas de doute que le souci des rédacteurs des documents


fondamentaux régissant les frontières, et de ceux qui ont élaboré les principes

9
internationaux relatifs aux frontières, avaient le même souci : celui de préserver
la stabilité, la paix et l’entente entre les Etats. La prise en compte de cette
préoccupation suppose de la part des Etats limitrophes, la reconnaissance
mutuelle de leurs frontières communes, donc des limites de leurs territoires.
C’est cette absence de reconnaissance qui engendre des
revendications territoriales, qui malheureusement à leur tour conduisent à des
affrontements militaires. L’Etat se trouve donc au cœur de la question des
frontières.

Sans avoir la prétention d’empiéter dans le domaine du Droit


constitutionnel, on peut définir l’Etat comme une entité géopolitique complexe,
formée essentiellement :
-d ’un territoire nettement délimité ;
-d ’une population bien individualisée et organisée ;
-d’ un pouvoir doté de diverses institutions.
La notion de l’Etat comme on peut le voir, est étroitement liée à celle du
territoire, cet espace qui lui-même est circonscrit dans un cadre délimité par
l’ensemble des frontières.

La frontière est la limite qui sépare deux Etats ; c’est la première marque
de souveraineté de l’Etat vis-à-vis de l’extérieur. Elle met le pays en contact
immédiat et permanent avec l’étranger. C’est par elle que sont fixés certains
critères de citoyenneté d’un individu et par conséquent, la nationalité de ce
dernier.
Les frontières sont régies par des principes internationaux auxquels ont
souscrit la plupart des Etats. Pour l’essentiel, ces principes se rapportent :
-au respect de frontières héritées de la colonisation dans le cadre de la
succession d’Etat ;

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-au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque Etat,
tel que le prescrit la Chartre de l’Organisation des Nations Unies, et la Charte de
l’Organisation de l’Unité Africaine en son Article 3 ;
-au respect de l’intangibilité des frontières, tel que le recommande la
résolution AGH/Res16-1 adoptée au Caire le 21Juillet1964 ;
-au règlement pacifique des litiges internationaux, conformément aux
recommandations de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation de
l’Unité Africaine.
A ces principes internationaux, il faut ajouter la volonté de paix et
le principe de bon voisinage unanimement exprimés par les chefs d’Etats
africains.

Une chose est certaine : c’est qu’en se dotant d’un tel arsenal
diplomatique, les dirigeants africains devaient être pleinement conscients de la
menace que représentaient pour la stabilité de leurs pays respectifs, les frontières
héritées de la colonisation. On comprend donc qu’ils aient prévu des garde-fous
afin d’éviter que tout litige frontalier ne dégénère en affrontement militaire.

Malheureusement, force est de constater que ce dispositif préventif n’a


pas toujours bien fonctionné ; en Afrique occidentale, des Etats ont parfois
préféré l’affrontement armé plutôt qu’un règlement pacifique de leurs différends
frontaliers.
Si le mécanisme ainsi mis en place pour prévenir les crises liées à ce type
de litige n’a pas donné les résultats escomptés, la raison en paraît bien
évidente : c’est qu’il n’y a pas de cohérence entre les politiques de frontière
menées par les différents Etats, et les principes internationaux auxquels ils ont
souscrit. Il convient même de préciser qu’en la matière, certains Etats bien qu’ils
s’en défendent ont une politique frontalière plutôt expansionniste.

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Quel que soit l’angle sous lequel on examine le problème, les différends
frontaliers figurent en bonne place des facteurs déterminants des conflits que
l’Afrique a connus depuis la fin de la colonisation, et tant que la question des
frontières ne sera pas réglée de manière globale et définitive en Afrique de
l’ouest, il y aura toujours lieu de craindre pour la stabilité de cette région.

22 Les cas actuels de violations des principes internationaux relatifs


aux frontières.

Les litiges territoriaux semblent être en Afrique la chose la mieux


partagée ,dans la mesure où toutes les grandes régions du continent ont été d’une
manière ou d’une autre, concernées par ce phénomène.
En Afrique septentrionale un litige a opposé en 1963, l’Algérie et le
Maroc à propos du tracé de leur frontière, et de l’exploitation du gisement de fer
de Tindouf. La signature six ans plus tard d’un traité entre les deux Etats ne met
pas pour autant définitivement un terme à ce conflit, qui aujourd’hui encore peut
être considéré comme un conflit dormant.
Toujours en Afrique du Nord, l’annexion en 1973 de la bande
d’Aouzou par la Libye déclenchera un affrontement armé entre ce pays et le
Tchad . A la suite d’un arrêt de la Cour internationale de Justice, l’objet du litige
sera rétrocédé au Tchad.
En Afrique de l’Est, c’est l’Ethiopie et la Somalie qui s’affronteront de
1977 à 1978 à propos de l’Ogaden, province revendiquée par la Somalie qui il
faut le rappeler, avait déjà en 1967 eu un conflit analogue avec le Kenya dont
elle revendiquait la partie nord, en raison de la présence de populations
somaliennes sur ce territoire. Tout récemment encore, l’Ethiopie est entrée en
guerre contre l’Erythrée, dont les forces ont attaqué en 1998 les positions
éthiopiennes dans les zones frontalières.

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Pour faire bonne mesure, il faudra mentionner le conflit qui opposa
l’Ouganda à la Tanzanie. Le litige portait sur une partie du territoire tanzanien
revendiqué par l’Ouganda ; en 1979, des rebelles ougandais partisans de l’ex-
président Obota réfugiés en Tanzanie, et des troupes tanzaniennes envahissent
l’Ouganda.

Sur la dizaine de conflits qu’a connu le continent, au moins trois


peuvent être mis à l’actif de l’Afrique occidentale ; ils résultent des contentieux
territoriaux entre :
-le Bénin et le Niger en 1963 à propos du statut de l’île de Lété ;
-le Cameron et le Nigeria, qui se disputent la péninsule de Bakassi ;
-le Mali et le Burkina-Faso, au sujet de l’Agacher zone couvrant une
superficie de 160 km2.
Le litige entre les deux derniers pays ne prendra fin qu’en 1987, à la
suite d’une décision de la Cour de la Haye qui restitue au Mali 40% de l’objet du
litige.

En revanche, celui qui oppose le Cameroun au Nigeria reste toujours


d’actualité ; il a éclaté depuis 1962, quand les populations de la presqu’île de
Bakassi ont demandé leur rattachement au Nigeria. Les choses se compliqueront
avec la découverte du pétrole dans ces territoires ; plusieurs actions militaires
mettront alors aux prises les deux pays en 1971 , 1974, 1975, 1981, 1989, et
1996.
S’il fallait considérer le degré de risque que représentent tous ces
litiges pour la stabilité de l’Afrique de l’ouest, celui qui existe entre le
Cameroun et le Nigeria, par son caractère récurrent et par la taille des
protagonistes, apparaît comme celui de tous les dangers. Quant au différend
entre le Niger et le Bénin, il n’y a pas doute qu’il pourrait connaître un
dénouement pacifique, les deux Etats faisant toujours preuve de leur

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attachement au principe de bon voisinage, et de leur volonté de rechercher une
issue diplomatique à la crise.

Au demeurant, les conflits territoriaux qui au cours des années 80 et 90


ont mis à mal la sécurité et la stabilité de certaines régions d’Afrique montrent
que les litiges liés aux frontières, peuvent toujours resurgir. Il faut vraiment
avoir opté pour la politique de l’autruche, ou alors être tombé dans un angélisme
gratuit pour croire, que le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la
colonisation suffit pour éviter les risques de remise en cause du tracé de ces
frontières. Le risque est réel même si on préfère peut-être par pudeur, ne pas en
parler, ou en minimiser les conséquences possibles.

Au regard du nombre important d’incidents observés quotidiennement


dans les zones frontalières en Afrique occidentale, on peut se douter que chaque
pays a au moins un motif de grief contre son ou ses voisins. A ce propos, le cas
du Bénin dont l’intégrité territoriale subit des atteintes de toutes sortes mérite
d’être évoqué.
Ce pays qui partage ses frontières avec le Nigeria à l’est, le Togo à
l’ouest, le Niger et le Burkina-Faso au nord , voit son territoire fréquemment
violé du fait d’incursions d’étrangers civils comme militaires, de déplacements
de ses bornes frontalières, et d’implantations d’étrangers sur des terres
expropriées aux autochtones. Ceci engendre l’insécurité, occasionne des
accrochages souvent meurtriers entre nationaux et étrangers, notamment les
éleveurs transhumants dont les bétails ravagent les cultures. Il va sans dire que la
répétitions de pareils incidents pourrait compromettre les bonnes relations
existant entre le Bénin et ses voisins.
Il existe d’autres actes de même nature, mais plus préjudiciables encore à
l’intégrité du territoire béninois ; à titre d’exemples, on peut citer :

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-la création d’écoles nigérianes dans les sous-préfectures de Pobè, de Pèrèrè,
et de Nikki ; jusqu’ici seul le cas de Pobè a été finalement réglé ;
-les prestations de services socio-communautaires tels que : éducation, soins
de santé, fourniture d’eau par les Etats voisins aux populations béninoises vivant
aux frontières.
Cette situation présente un danger grave pour l’unité nationale du Bénin
dans la mesure où les bénéficiaires de ces prestations pourraient revendiquer par
la suite la nationalité étrangère sur des terres béninoises.
S’il est vrai que les derniers cas de violation de territoire national
mentionnés sont révélateurs des velléités d’expansion de certains Etats voisins,
la responsabilité de l’Etat béninois lui-même ne peut être entièrement exclue ;
elle est surtout mise en cause pour l’incapacité de cet Etat à assurer d’une part,
la couverture administrative complète de son territoire, et d’autre part la
surveillance de ses zones frontalières.

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3 LES APPROCHES DE SOLUTIONS.

La colonisation appartient désormais au passé. Partout dans le monde,


les anciennes possessions européennes ont accédé à la souveraineté nationale.
Les Etats africains sont maintenant maîtres de leur destin, un destin
certes difficile à assumer au regard du lourd héritage laissé par la colonisation :
peuples et territoires divisés, cohabitation imposée à des peuples d’origines et
cultures différentes, Etats aux frontières ambiguës, toutes choses préjudiciables
à la paix et la stabilité des Etats.
C’est surtout les Etats de l’Afrique occidentale qui seront le plus
marqués par les clivages hérités de la colonisation. Il seront agités par des crises
aussi bien intérieures qu’extérieures, à l’origine desquelles on retrouvera le plus
souvent, la question de frontière. La plupart des tensions interethniques et inter-
étatiques qui minent bon nombre de pays, fragilisant ainsi la région, trouvent
leur explication dans le caractère artificiel des frontières issues de la
colonisation. Il est alors facile de comprendre les raisons pour lesquelles certains
intellectuels et hommes politiques ouest- africains dénoncent avec tant de
véhémence les méfaits de la colonisation. Mais au lieu de s’épuiser comme eux
en vaines récriminations à l’endroit de leurs anciennes puissances colonisatrices,
les Etats ouest africains devraient plutôt comprendre, que c’est à eux- mêmes
qu’incombe la lourde responsabilité de gérer le legs colonial .
Le véritable défi à relever s’ils ont vraiment à cœur la stabilité de la
région, est de lever toutes les incertitudes qui pèsent encore sur leurs frontières.
Il est grand temps que ces Etats engagent aussi bien de façon autonome que
collective, des actions concrètes visant à rechercher des solutions définitives à
tout ce qui peut être source de litige frontalier. Ceci implique de leur part :

16
- au plan national, la définition et la mise en œuvre d’une politique de
frontière conséquente ;
- au plan international, le dialogue et la coopération avec les pays
limitrophes pour tout ce qui touche aux questions de frontières.

.31 Solutions au niveau national.

Il est tout de même étonnant de voir qu’en Afrique de l’ouest, plus de trois
décennies après l’accession à l’indépendance, certains pays n’ont pas toutes
leurs frontières abornées. C’est notamment le cas des frontières qui aujourd’hui
délimitent les territoires des anciennes colonies françaises appartenant à l’ex-
Afrique occidentale française (A. O. F.). Non seulement ces frontières ne sont
pas abornées, mais encore, elles n’ont pas fait l’objet d’une définition précise
par des textes. Il s’agit par exemple, de la frontière bénino-nigérienne longue de
242km , et de celle qui sépare sur plus de 290km le Bénin et le Burkina-faso.
Elles sont dites non conventionnelles et restent malgré le fameux principe de
l’intangibilité des frontières issues de la colonisation, une source potentielle de
différends entre Etats limitrophes.
Souvent peu surveillées donc peu contrôlées ces frontières se caractérisent
par leur perméabilité, exposant de la sorte les territoires qu’elles délimitent à des
violations de tous genres.

Le fait qu’elles soient restées dans leur état après la colonisation est
révélateur du peu de considération que la plupart des Etats de l’Afrique de
l’ouest accordent à leurs frontières. En effet, les problèmes de frontières sont
relégués au dernier rang des préoccupations nationales ; il arrive même qu’ils
soient purement et simplement absents de la politique générale des pays. Pareille
attitude qui se traduit par une absence de l’Etat aux frontières exception faite de
certains points névralgiques, a pour conséquence majeure la non maîtrise par

17
celui-ci des problèmes existant à ses frontières, problèmes qui selon leur acuité,
pourraient avoir des conséquences plus ou moins dommageables pour ses
relations avec les autres Etats limitrophes.
Il est vraiment surprenant que les Etats de l’Afrique de l’ouest pourtant
très jaloux de leur souveraineté aient manifesté si peu d’intérêt aux frontières
qu’ils partagent avec ses voisins. Nombre de conflits auraient sans doute été
évités en Afrique occidentale, si dès les premières années de l’indépendance il y
avait eu de la part des Etats des efforts concertés pour rechercher le consensus
quant au tracé de leurs frontières communes. Mais le temps ne doit plus être aux
regrets.

Pour l’heure, ce qui serait souhaitable est que chaque Etat à son niveau
intègre déjà à sa politique générale, la question des frontières inter- étatiques, et
se dote donc d’ un programme d’action ad hoc.
Une telle démarche signifierait la prise de conscience par rapport à la
l’épineuse question des frontières, et par conséquent, la volonté de mobiliser les
ressources humaines, matérielles, et financières nécessaires à sa résolution.
Il va de soi que l’une des premières tâches à inscrire à ce programme est
la démarcation des frontières, qui permet la matérialisation de la souveraineté.
Le territoire d’un Etat est comparable à une propriété ; de la même manière que
celle-ci a besoin d’être délimitée et protégée par des haies, des clôtures, ou des
barrières, un territoire national se doit d’être protégé par des frontières bien
visibles et au tracé précis. Les travaux de démarcation de frontières sont donc
d’une grande importance ; ils portent généralement sur les opérations suivantes :
-recherche et identification des anciennes bornes ;
-ouverture de layons entre bornes consécutives ;
-construction de nouvelles bornes selon des normes internationales ;
-numérotation des différentes bornes dans une série continue ;

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-positionnement géographique des bornes principales et intermédiaires, après
la pose des plaques d’identification de celles-ci ;
-couverture aérienne et cartographie des bandes frontalières.
C’est à la faveur des opérations de ce type, que l’Etat béninois a pu
constater l’occupation illégale depuis de nombreuses années d’une portion de
son territoire par la République fédérale du Nigeria au niveau des bornes n°82 et
n°83 ; ( il s’agissait du village d’Abodjoukpa dans la sous-préfecture de Pobé.)
Il reste entendu, que pour l’exécution de démarcation des frontières la
collaboration des pays limitrophes est à rechercher ; cette précaution permet
d’éviter des frictions, et de faire valider en quelque sorte les travaux de
démarcation

S’il est vrai que la démarcation des frontières est une condition
essentielle à la matérialisation de la souveraineté nationale, elle n’est pas pour
autant une fin à soi ; une fois encore l’analogie entre territoire et propriété peut
se vérifier. Une propriété a beau être entourée d’une haie, ou d’une muraille, elle
n’est pas moins exposée aux effractions et agressions de tous genres, s’il n’y
personne pour en assurer la surveillance et l’entretien. Il en est de même du
territoire d’un Etat. Ceci pose le problème de la couverture complète du
territoire au double plan, administratif et sécuritaire. La présence de l’Etat doit
être effective sur tout l’ensemble du territoire, jusqu’aux confins du pays.
Les difficultés économiques auxquelles la plupart des pays de l’Afrique
de l’ouest sont durement confrontés ne leur permettent pas d’ assurer le
développement harmonieux de leur territoire, à telle enseigne que les espaces
frontaliers sont laissés pour compte. Des efforts doivent être faits pour
promouvoir leur développement, car ceci participe également de la gestion des
frontières. En fait, il ne faut pas grand-chose pour marquer la présence de l’Etat
aux frontières ; il suffit :
-du drapeau national attribut de souveraineté par excellence,

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-de quelques détachements des forces de l’ordre pour la surveillance des
frontières, et la sécurité des nationaux qui y vivent,
-de quelques services enfin, pour maintenir le lien entre l’Etat et ses
administrés.
Parce qu’elle s’inscrit dans la gestion des frontières, la viabilisation
des zones frontalières mérite que l’on lui accorde une attention constante.
Elle contribue au renforcement du sentiment national, et permet d’éviter que les
populations frustrées de la défaillance de l’Etat dont elles relèvent ne se tournent
vers un autre Etat limitrophe pour la satisfaction de leurs besoins vitaux.
Les autorités responsables de l’aménagement du territoire se doivent
d’inscrire à leurs plans de charge la réalisation d’installations et d’infrastructures
socio-communautaires au profit des populations vivant dans les régions
frontalières. Il leur incombe d’identifier correctement les besoins des
populations concernées, et d’œuvrer à leur satisfaction. Les actions à envisager
dans ce cadre pourraient être :
-la construction de routes, de pistes de desserte rurale, de ponts, nécessaires
au désenclavement de certaines localités ;
-la création de marchés, d’écoles, de centres de santé, de maternités ;
-le forage de puits ;
-l’ électrification ;
-la couverture radiophonique et télévisuelle ; à ce propos, une anecdote
mérite peut-être d’être rapportée.
Au cours d’une tournée, le ministre de la culture et de l’information d’un pays
dont la radio et la télévision à l’époque ne couvraient pas encore tout l’ensemble
du territoire, commit la maladresse d’exhorter les populations d’un village situé
à la frontière à faire plus preuve de civisme, en s’acquittant régulièrement de
leurs taxes sur la télévision. Il s’entendit répondre par un villageois, que si des
redevances de ce genre étaient à payer, ils préfèreraient les verser à l’Etat voisin
dont ils recevaient toutes leurs émissions radiodiffusées, comme télévisées.

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A sa manière, cette anecdote rend compte dans une certaine mesure des
sentiments d’allégeance que des populations vivant dans une zone frontalière
déshéritée pourraient avoir à l’endroit d’un Etat voisin, qui sciemment ou non
pourvoit à certains de leurs besoins. Il n’est pas exclus qu’à terme, elles
demandent leur rattachement à cet Etat ; le risque sera d’autant plus grand, que
les communautés vivant de part et d’autre de la frontière appartiennent à la
même ethnie. Tout Etat a donc intérêt à remplir dans toute leur plénitude, ses
obligations aussi bien administratives, sociales, économiques que sécuritaires.

Une autre tâche complémentaire aux deux précédentes et non moins


importante , est l’éducation et la sensibilisation des populations sur les questions
de frontières. Dans les pays d’Afrique occidentale, les populations frontalières
sont en majorité analphabètes. On y rencontre très peu d’intellectuels ; pour ces
populations qui s’adonnent généralement aux activités agropastorales, et au
commerce transfrontalier plutôt informel, les notions d’Etat, de territoire
national, de citoyenneté, ne sont donc que des concepts vagues et abstraits.
Leurs activités économiques les amènent très fréquemment à passer de
l’autre côté de la frontière, pour se retrouver en territoire étranger à la recherche
de terres fertiles, d’aires de pâturages pour leurs bêtes, ou en quête de marché
soit pour l’écoulement de leurs produits, soit pour leurs approvisionnements. Il
arrive même parfois, de s’établir plus ou moins durablement sur le territoire du
pays limitrophe. Les rapports qu’elles nouent de ce fait avec les autochtones ne
sont pas toujours idylliques, et il peut s’ensuivre des heurts, conduisant
généralement à des rixes violentes et sanglantes entre populations frontalières.
Mal gérées, ces situations conflictuelles entre communautés frontalières peuvent
aller jusqu’à détériorer les relations entre Etats limitrophes.
Le seul remède contre ce type de dérive est l’éducation et la sensibilisation
des populations vivant dans les régions frontalières. Il y lieu à cet effet :

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-de leur assurer une meilleure connaissance géographique et historique de
leur pays, dont ils doivent maîtriser dans la mesure du possible, l ‘étendue, les
limites, le peuplement… ;
-de les convaincre de la nécessité et de l’intérêt qu’il y a pour elles de se
conformer aux exigences de la morale, de l’ordre public, et du bien-être en
général.
Dans ce but, les organes de presse de l’Etat et tout particulièrement les
radios rurales, qui ont un taux d’écoute élevé parce qu’elles émettent en langues
locales devraient être utilisés ; on pourrait également mettre à contribution les
encadreurs ruraux.

Bien qu’elle puisse paraître une tâche subsidiaire dans la résolution des
problèmes de frontières, la sensibilisation présente cependant une réelle utilité,
puisqu’elle influence le comportement ; menée avec perspicacité, elle peut
renforcer chez les populations frontalières des pays de l’Afrique occidentale, le
sentiment national, qui reste diffus.

Démarcation de leurs frontières, réponses aux attentes de leurs


populations frontalières, et organisation au profit de celles-ci de fréquentes
séances de sensibilisation sur des thèmes en rapport avec les problèmes de
frontières, telles sont les mesures essentielles et prioritaires à prendre en compte
par les Etats dans le cadre d’une politique nationale de frontières. Elles relèvent
des prérogatives de l’Etat, et si elles pouvaient déjà être mises en œuvre par les
pays ouest africains chacun à son niveau, cela constituerait une avancée
significative dans la prévention des différends territoriaux.

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32 Les solutions au niveau international.

Les solutions préconisées au niveau national restent et cela peut se


comprendre, des mesures unilatérales. Rien n’oblige un autre Etat à se sentir
concerné par elles ; et il est toujours loisible à ce dernier de les contester et de
les remettre en cause à tout moment. Elles ne peuvent trouver tout leur sens et
garder toute leur valeur que dans la mesure où elles sont reconnues par les autres
Etats limitrophes ; autrement, leur portée s’en trouvera limitée.
La recherche de solutions aux risques de résurgence de conflits
frontaliers ne saurait se satisfaire des seules mesures prises au niveau national ;
il est nécessaire que celles-ci recueillent en plus, le consensus des autres Etats
limitrophes. Ceci implique la concertation préalable, le dialogue permanent,
donc la coopération. Il apparaît alors indispensable que soit instituée entre les
pays d’Afrique occidentale partageant les mêmes frontières, une coopération
visant à lever une fois pour toutes , les incertitudes pesant sur le tracé de ces
frontières. C’est en tout cas la meilleure façon pour eux de prévenir toutes
revendications territoriales qui, sans aucun doute compromettraient sérieusement
la stabilité, dont jouit pour le moment la région.

Ce type de coopération a déjà trouvé un écho favorable auprès de certains


Etats qui, depuis plus d’une dizaine d’années, collaborent à travers des
commissions mixtes, en vue de l’adoption du tracé théorique de leurs frontières
communes. De telles commissions existent entre le Bénin et les Etats qui lui sont
limitrophes. Il s’agit entre autres de :
-la commission mixte paritaire bénino-nigérienne de délimitation de la
frontière ;
-la commission mixte paritaire bénino-togolaise de délimitation de la
frontière ;

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-la commission mixte paritaire bénino-burkinabè de délimitation de la
frontière.
Créées par des textes organiques mis au point et adoptés par les Etats
membres, ces commissions sont chargées de :
-constituer des bases de données relatives à leurs frontières communes,
-adopter les textes de base devant servir de référence pour la définition et
l’étude du tracé théorique des frontières,
-recenser, et analyser les points de divergence quant à l’adoption d’un tracé,
-étudier toutes les questions que peut susciter l’existence d’une frontière
entre deux pays.

Depuis leur création, elles ont tenu plusieurs sessions dans les capitales
des différents Etats membres, et ont également effectué de nombreuses
reconnaissances sur le terrain. Malgré les ressources limitées dont elles ont
disposé, on peut estimer leur bilan positif.
Elles ont surtout le mérite d’avoir permis, que des divergences sur le
tracé de certaines frontières soient réglées par la voie diplomatique ; elles ont
largement contribué à établir un climat de confiance, et à améliorer les relations
de bon voisinage entre les Etats concernés.

Cette forme de coopération mérite bien d’être encouragée ; mais parce


qu’elle est bilatérale, elle peut révéler des limites surtout en cas de désaccord
profond entre les membres, sur une question donnée; ces derniers se trouveraient
alors dans l’obligation de s’en remettre à l’arbitrage d’une juridiction
.internationale comme l’Organisation de l’Unité Africaine, ou l’Organisation des
Nations Unies, dont la décision peut intervenir dans des délais très importants.
Pendant cette période, la tension pourrait monter entre les Etats en désaccord , et
même provoquer la dégradation des relations existant entre eux.

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Pour éviter que pareille situation se produise en Afrique occidentale, il
est souhaitable d’envisager l’élargissement de la coopération bilatérale en
matière de frontière, à une coopération plutôt internationale.

Dans cette perspective , la création d’un observatoire régional des


frontières semble être la solution la mieux adaptée ; un tel observatoire pourrait
même être créé au niveau continental et dans ce cas, placé sous l’égide de
l’Organisation de l’Unité Africaine. Dans cet observatoire, les Etats membres
seraient représentés par des délégations constituées d’experts ayant des
compétences dans les domaines comme les relations internationales, l’histoire,
la géopolitique, l’ethnographie, et le génie militaire…
Les tâches majeures d’un tel organisme seraient :
-de rassembler les bases de données relatives aux frontières des Etats de
l’Afrique occidentale s’il s’agit d’un observatoire à vocation régionale, à celles
de tous les Etats africains au cas où, il s’agirait d’un observatoire à vocation
continentale ;
-de suivre les travaux des commissions bilatérales de délimitation de
frontières, en dépêchant auprès de celles-ci des observateurs ;
-d’ arbitrer, et de régler les différends frontaliers qui pourraient malgré tout
naître entre deux Etats.
-d’ adopter, et de mettre en œuvre un programme de démarcation de toutes
les frontières qui jusque-là ne sont pas abornées.
Il faudra pour cela, qu’il se dote à partir des apports des Etats membres,
d’un budget pour financer d’une part, son fonctionnement propre, et d’autre part
l’exécution de tous travaux nécessités par la résolution d’un problème frontalier
entre des Etats membres.
Comme on peut le voir, cette forme de coopération internationale que
représente l’observatoire des frontières se veut complémentaire de celle,
bilatérale déjà expérimentée dans ce domaine par certains Etats ; elle en est le

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prolongement, en ce sens qu’elle peut accompagner les actions des commissions
mixtes de délimitation des frontières , en vue d’une plus grande efficacité dans
la prévention des conflits territoriaux. Mais à termes, elle pourrait bien se
substituer à celles-ci ; un grand pas serait ainsi accompli, puisque cela
signifierait, que l’ensemble des Etats de l’Afrique occidentale et pourquoi pas
tout le continent , auraient pris enfin conscience du danger que continuent de
représenter pour la stabilité et la sécurité de l’Afrique, les frontières issues de la
colonisation.

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CONCLUSION

Depuis l’effondrement de l’empire soviétique, le nombre des régimes


totalitaires est en nette régression. Alors que la démocratie et le droit semblent
gagner du terrain sur la dictature, l’arbitraire et la violence, c’est un paradoxe
que des Etats continuent d’être menacés par d’autres Etats, dans ce qui constitue
le fondement même de leur souveraineté, à savoir : leur intégrité territoriale.
Rien qu’au cours de la dernière décennie, il a été recensé dans le
monde, environ une vingtaine de cas de litiges frontaliers dont certains ont
dégénéré en affrontements armés. Les régions du globe les plus concernées par
le phénomène sont : l’Afrique, l’Amérique latine et certaines anciennes
républiques de l’ex-Union soviétique. Deux constats s’imposent.
Premièrement, c’est que depuis plus d’un demi-siècle déjà, des pays
comme les Etats-Unis d’Amérique, le Canada et principalement ceux de
l’Europe de l’ouest n’ont plus connu de litiges frontaliers ; sans doute parce que
non seulement ces pays sont de vieilles démocraties et sont économiquement
prospères, mais aussi parce qu’ils avaient très tôt compris, que la sauvegarde de
leur intégrité territoriale résidait dans la définition du tracé précis de leurs
frontières communes et dans la matérialisation de celles-ci.
Deuxièmement, c’est que les revendications territoriales sont de manière
générale, formulées par des régimes totalitaires souvent confrontés à une
instabilité politique et économique chronique , qui cherchent ainsi à tirer parti du
fait que les frontières les séparant des pays limitrophes n’ont pas un tracé précis.
Ceci participe la plupart du temps, d’une volonté délibérée de détourner
l’attention des populations des difficultés intérieures que traversent leurs pays.

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Ainsi à priori, la démocratie et le développement économique
apparaissent comme des réponses possibles à la problématique des frontières.
Mais en attendant que la démocratie puisse triompher partout dans le monde et
que toutes les nations parviennent à peu près au même niveau de
développement, ce qui compte dans l’immédiat, c’est la mise en œuvre par les
Etats concernés par des différends frontaliers ou susceptibles de l’être, de
mesures concrètes devant permettre le règlement des questions de toutes natures
relatives à leurs frontières communes, dont certaines portent les germes d’une
déstabilisation régionale ; c’est de cette façon qu’ils pourront espérer en finir
avec les litiges frontaliers, en les privant des motifs qui ont jusqu’ici servi à
nourrir les revendications territoriales.
L’Afrique occidentale avec la mosaïque d’Etats dont elle est constituée
reste l’une des régions du globe qui compte le plus de frontières, qui attendent
d’être abornées ; de ce fait, elle présente toutes les caractéristiques d’une région
propice à l’éclosion de litiges frontaliers.
Dans un tel environnement géopolitique, les Etats ouest- africains ne
peuvent, pour garantir leur intégrité territoriale, compter sur les seuls principes
de l’intangibilité des frontières et de bon voisinage ou autres principes
internationaux, dont le respect ainsi que l’application demeurent aléatoires.
Du reste, il est inconcevable qu’à notre époque, des Etats qui se veulent
souverains continuent d’avoir leurs territoires délimités par des frontières au
tracé imprécis ou par des frontières non encore abornées.
Trouver le plus vite possible des solutions concertées à la problématique
de leurs frontières communes, terrestres comme maritimes, voilà le défi que tous
les Etats de l’Afrique de l’ouest doivent s’engager à relever.

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BIBLIOGRAPHIE

- « L’Afrique au 20ème Siècle . » de Hélène d’ALMEIDA-TOPOR.


- « Et demain l’Afrique . » de Edem CODJO.
- « Revue internationale et stratégie : l’Afrique entre guerres et paix. »
33 Printemps 1999.

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