Mada Etude-Paysage-Media 09302021
Mada Etude-Paysage-Media 09302021
Mada Etude-Paysage-Media 09302021
médiatique à Madagascar
Septembre 2021
Thibault Chapoy
Table des Matieres
Acronymes 2
Introduction 3
Au sujet d’Internews 3
Méthodologie : 4
Résumé exécutif 5
Conclusions 54
Au sujet d’Internews
Internews est une organisation non gouvernementale qui se consacre au développement
des médias dans plus de 120 pays. En partenariat avec les médias locaux et la société
civile, Internews améliore l’accès et la qualité de l’information disponible localement.
Dans un esprit d’innovation et d’entreprise, Internews facilite l’adaptation des médias
classiques et nouveaux aux besoins en information des populations vivant dans un
environnement difficile. En Afrique subsaharienne, Internews met en œuvre plus d’une
trentaine de programmes dans le domaine des médias et de la participation citoyenne,
notamment celle des femmes, la liberté de la presse et l’accès à l’information, la formation
de journalistes, les initiatives de vérification des faits et lutte contre la désinformation, le
renforcement des capacités des entreprises médiatiques notamment sur leurs modèles
économiques et la mise en place d’échanges d’information entre décideurs publics,
journalistes, organisations de la société civile et citoyens.
• Quels sont les besoins des médias et des professionnels des médias pour favoriser
la pratique d’un journalisme de meilleure qualité répondant aux besoins
d’information des Malgaches et enjeux de développement du pays ?
• Dans quelle mesure les cadres juridiques et réglementaires des médias sont-ils
favorables aux médias et aux journalistes ?
• Quels sont les facteurs et conditions qui pourraient favoriser un écosystème de
l’information plus sain à Madagascar ?
L'évaluation fournit des informations sur les forces organisationnelles des médias, les
faiblesses et les besoins ; la capacité des organes médiatiques à collecter et diffuser des
informations et du contenu à son public et comment ils répondent à leurs divers besoins
d’information ; la capacité professionnelle des journalistes, des rédacteurs en chef et des
gestionnaires ; le cadre juridique et réglementaire ; l’impact du COVID-19 sur le
Méthodologie :
Cette étude a employé une méthodologie mixte intégrant conjointement des éléments
quantitatifs et qualitatifs. Pour les aspects qualitatifs, la recherche a réalisé des entretiens
avec des informateurs clés, des discussions de groupe, des observations dans le cadre de
visites de terrain et une recherche documentaire approfondie. Les méthodes qualitatives
ont fait appel à des outils flexibles (guide d’entretien semi-structuré, check-list,
questionnaire ouvert). Pour la méthode quantitative, deux enquêtes structurées sur les
besoins des radios et des professionnels des médias ont été réalisées.
Entretiens qualitatifs
25 entretiens qualitatifs ont été réalisés, afin d'obtenir davantage d'informations de la part
des acteurs de l'industrie. Parmi eux, 13 étaient des professionnels des médias
(journalistes, correspondants étrangers, caricaturistes, rédacteurs et directeurs), 7 acteurs
de la société civile dans le secteur des médias, 2 représentants du secteur académique, 2
spécialistes et observateurs des médias, et 2 régulateurs. Neuf personnes interrogées
sont des femmes. Un échantillonnage raisonné a été utilisé pour sélectionner des
représentants des principales institutions médiatiques et des journalistes ainsi que des
représentants de la société civile pour participer à cette évaluation.
Discussions de groupe
En raison des restrictions sanitaires, Internews a conduit un seul groupe de discussion
avec les représentants (journalistes, animateurs et rédacteurs en chef) des radios de la
ville de Fort Dauphin et de la province d’Anosy (10 participants).
Observation
Des visites dans les différents types de médias ont été réalisées afin d’observer
l’environnement et les conditions techniques dans lesquels les médias opèrent. 18 visites
et observations de terrain ont été réalisées (1 média en ligne, 2 organes de la presse
écrite, 3 chaînes de Télévision et 12 stations de radio). Les visites et les observations
étaient semi-structurées et guidées par une check-list. L'observation donne une
connaissance de première main et permet de corroborer certaines informations
collectées au cours des entretiens qualitatifs.
Recherche documentaire
Internews a mené une recherche documentaire extensive sur le paysage médiatique
malgache et son cadre juridique. Cela comprenait une revue de littérature et un état des
lieux des sources en ligne. La recherche documentaire a servi de base solide pour poser
le contexte avant les entretiens qualitatifs et la collecte des données mais aussi à
Enquêtes
Deux enquêtes ont été réalisées pour comprendre les enjeux, les obstacles, les
opportunités et les besoins des professionnels des médias et des stations de radio. 27
stations de radio ont participé à l’enquête sur les besoins des radios. 26 professionnels
des médias (dont 7 femmes) ont répondu à l’enquête sur les besoins des journalistes. Ces
enquêtes ont permis de dégager des éléments statistiques mais aussi de compléter et
confirmer certaines tendances relevées par les méthodes qualitatives et ce malgré les
limitations posées par la taille de l’échantillon et le nombre de répondants.
Résumé exécutif
A Madagascar, les médias et les journalistes se confrontent à un cadre juridique ambigu
qui garantit et limite à la fois l’exercice de la liberté d’expression. Certaines notions
« d’atteintes à la sécurité de l’Etat », "diffamation", "diffusion de fausses nouvelles" ou
encore « incitation à la haine » sont bien souvent laissées à l’appréciation du juge et
utilisées à l’encontre des journalistes. L’Etat continue d’utiliser un arsenal de mesures de
rétorsion (Emprisonnement de journalistes, suspension de publications, intimidations et
pressions, etc.) à l’encontre des journalistes et des médias.
D’après MICS, l’exposition à la télévision touche moins d’un quart des hommes ou des
femmes (23% de femmes et d’hommes). S’il reste le média le plus suivi au niveau de la
capitale, la télévision est une source d’information marginale en province. A bien des
égards, la télévision partage les mêmes contraintes que les radios en termes de difficultés
de maintenance, du manque d’équipements et de compétences des techniciens. C’est
aussi un média hautement politisé.
Pour le moment le paysage des médias en ligne reste très embryonnaire avec très peu
d’acteurs que l’on pourrait qualifier de ‘pure players’. La nouvelle loi sur la
communication médiatisée de 2020 consacre l’existence juridique des médias en ligne.
Les initiatives de médias citoyens demeurent à la fois marginales et précaires. Il existe
néanmoins dans le paysage Internet de nombreux blogs, influenceurs et pages Facebook
très suivies. La pénétration d’Internet est limitée (De 7 à 14% selon les estimations) sur
Madagascar mais plusieurs facteurs pourraient favoriser l’émergence de nouveaux
médias en ligne indépendants.
La grande majorité des journalistes interrogés (88%) sont convaincus qu’ils répondent aux
besoins d’informations des Malgaches. Ils citent plusieurs mécanismes pour collecter le
retour de leur audience, téléphone, SMS, emails, réseaux sociaux et visites. Pourtant
plusieurs sondages et enquêtes semblent démontrer qu’il y a une crise de confiance
entre les Malgaches et les médias. Aucune étude sérieuse et exhaustive n’a analysé en
profondeur les besoins d’information des différentes populations. Les initiatives restent
encore limitées en termes de rapprochement des médias et des communautés (comme
la mise en place de mécanismes de retour et l’implication des communautés dans la
production de contenus). Il existe pourtant plusieurs opportunités avec les vidéo clubs, le
cinéma mobile, les caricatures et le photojournalisme pour engager les communautés et
le public sur différentes problématiques.
Les modèles économiques des médias sont assez classiques, dépendant principalement
de la publicité. Il y a peu de diversification de sources de revenus. La crise sanitaire a eu
un impact économique sur les médias qui s’est manifestée par des cessations ou des
baisses d’activités, des licenciements et des réductions de salaire. Il est trop tôt pour
mesurer l’impact sur le long terme alors que de nombreux médias souffrent d’une
réduction importante des revenus publicitaires.
D’autres textes comme ceux relatifs à la sécurité de l’Etat et aux situations exceptionnelles,
sont plus restrictifs, posant de sérieuses entraves à cette liberté fondamentale. Dans la
pratique, l’indépendance éditoriale n’est pas respectée et les journalistes subissent les
conséquences de la non-application du cadre juridique existant. En outre aucune
disposition ne garantit explicitement l’autonomie de l’organe de régulation des médias,
qui n’a par ailleurs toujours pas été mis en place.
Enfin, si la dépénalisation des délits de presse fait désormais l’objet d’un consensus
auprès des acteurs médiatiques, l’étude de l’UNESCO et d’autres analyses concluent
« que les journalistes ne seront pas mieux protégés sans l’adoption de textes
d’application précis, rédigés clairement et diffusés auprès de tous sous une forme
explicite »2. Il est important de noter que le ministère de la Culture et de la
Communication (MCC) a fait des efforts pour publier la nouvelle loi en livret afin de le
distribuer aux journalistes. A ce stade, il n’y a pas encore de recul nécessaire sur le
nouveau cadre juridique et les pratiques qui vont en découler. Jusqu’à présent, aucune
analyse des réformes et état des lieux du cadre juridique n’a été réalisée pour
comprendre les besoins d’adoption de textes d’application afin d’écarter certaines
marges d’appréciation. Malgré ce cadre non liberticide, l’Etat continue d’utiliser un
arsenal de mesures de rétorsion (Emprisonnement de journaliste, suspension de
publications, etc.) à l’encontre de journalistes et de médias qui gênent ses intérêts
politiques.
Les sources d’information sont protégées par le Code de la communication à travers les
articles 7 à 13. Dans les faits, dans des situations spécifiques, le parquet exerce des
pressions sur les journalistes pour qu’ils dévoilent leur source et parfois les journalistes
révèlent leurs sources par méconnaissance de leurs droits. L’article 7 introduit également
une nouvelle limite avec l’interdiction de publication des séances et débats
parlementaires à huis clos.
Dans son rapport de 2019, le baromètre des médias africains souligne que le panel
d’experts consultés s’inquiète « du recul ressenti et constaté du droit à la liberté
d’expression. Les citoyens et les journalistes exercent leur droit avec appréhension et
prudence ».5 L’état général de la liberté de la presse et d’expression est faiblement
documenté et monitoré. Certains procès ou cas de violation n’ont pas été médiatisés et il
n’existe pas de mécanisme de veille effectif faisant un monitoring systématique des
attaques contre la liberté de presse, produisant des alertes et des rapports réguliers
utilisés comme un outil de plaidoyer par les associations professionnelles de médias et les
défenseurs des droits de l'homme. L’article 54 de la loi n°2020-006 sur la communication
médiatisée précise que l’Ordre des journalistes de Madagascar (OJM) a pour mission de
réguler l’exercice de la profession de journaliste. A cet effet, il est chargé de :
• Protéger le journaliste contre toute atteinte ou abus dont il fait l’objet dans
l’exercice du métier de journaliste
3 Midi Madagasikara, Loi sur l’accès à l’information : la société civile interpelle le gouvernement, 12/06/2020
4 Dans le cadre de cette étude, 25 journalistes (Radio, presse écrite, TV et médias en ligne) ont répondu à un
questionnaire au mois d’Avril 2021
5 Friedrich-Ebert-Stiftung (FES), Baromètre des médias africains, Madagascar 2019
Les journalistes interrogés rapportent avoir été confrontés aux situations suivantes dans
l’exercice de leur métier.
En 2019, d’après l’OJM, 12 journalistes au moins ont été auditionnés par la Police
judiciaire et le Parquet et 2 d’entre eux sont passés en procès. L’Etat a porté plainte contre
La réquisition s’est traduite par une restriction des libertés publiques et une
intransigeance des autorités. Plusieurs journalistes ont été l’objet de convocations, mise
en garde et détention préventive. Dans son rapport succinct sur l’année 2020, RSF note
que « la crise sanitaire a aussi été l’occasion d’un tour de vis sur le débat public, avec
l’interdiction des interventions en direct des auditeurs et l’obligation pour tous les médias
audio-visuels privés de diffuser les émissions consacrées à la pandémie sur les antennes
et les ondes des médias publics. Ceux qui n’ont pas respecté cette injonction ont été mis
en demeure ».
8 RSF, Coronavirus à Madagascar : une chaîne de télé victime d’un acte de sabotage, 15/04/2020
9 Amnesty International, Madagascar : Sur fond de Covid-19, Une journaliste se retrouve en détention préventive alors
que les autorités continuent d’intimider la profession , 08/04/2020
10 RSF, Coronavirus à Madagascar : une chaîne de télé victime d’un acte de sabotage, 15/04/2020
Auto-censure
Les limites de la liberté des journalistes se manifestent principalement par l’auto-censure.
Les médias appartiennent dans leur grande majorité à des dirigeants politiques et des
groupes économiques soutenant certaines tendances politiques. Plusieurs rapports ont
mis en lumière cette concentration de la propriété des médias alignés sur des intérêts
politiques. Les patrons de presse dictent leurs lignes éditoriales, la manière et l’angle
avec lesquels certains sujets doivent être abordés et les lignes rouges à ne pas dépasser.
Cette ligne éditoriale s’impose très clairement aux journalistes.
11 RSF, Covid-19 à Madagascar : RSF appelle les autorités à laisser les journalistes travailler librement , 29/04/2021
« Au sein des médias, deux types de pratiques coexistent : l’autocensure par le journaliste
et la censure par la hiérarchie (rédacteur en chef ou patron de presse).12 L’auto-censure
est mentionnée comme un leitmotiv par la majorité des professionnels des médias. Elle
concerne tous les types de médias basés à Antananarivo, dans les autres centres urbains
et en zone rurale. Certains médias indépendants, en province, ont confié ne plus faire
d’information et ne plus diffuser de journal de peur de rencontrer des problèmes et
s’exposer dans un milieu isolé où il est facile de s’en prendre à un journaliste.
La pression sur les activistes et les journalistes sur les réseaux sociaux est davantage
accrue, à cause de l’agressivité des défenseurs du camp du pouvoir omniprésents sur les
réseaux sociaux. Certains activistes ont même subi des menaces réelles, d’autres ont dû
endurer une intrusion dans leur vie privée. Par exemple, les citoyens qui osent critiquer
les actions du gouvernement ou le président de la République subissent les critiques
acerbes des « sympathisants » de l’Administration. Certains dossiers personnels sont
lâchés sur la place publique. Une activiste qui a publié le programme de voyage du
Président de la République a été placée en détention provisoire.13 38% des journalistes
consultés ont rapporté avoir déjà été l’objet de harcèlement sur Internet.
L’association des femmes journalistes n’a pas évoqué la question du harcèlement en ligne
comme un problème identifié de protection pour les femmes journalistes mais a estimé
Plusieurs journalistes ont mentionné le fait que les autorités avaient également cherché à
contrôler l’information au cours de précédentes crises sanitaires comme l’épidémie de
peste en 2017. La crise du Kéré14 dans le Sud est également une situation de crise qui
donne lieu à certains bridages et contrôle de l’information (Comme l’ont démontré les
attaques à l’encontre de la correspondante internationale Gaëlle Borgia). Le but est de
taire toute critique contre l’action et la gestion de la crise par les autorités. D’après RSF, la
corruption, notamment dans le secteur des ressources naturelles ou de l’environnement,
reste un sujet difficile à traiter. Les journalistes consultés ont évoqué différents sujets
sensibles. Les cas de corruption et les intérêts des patrons de presse ressortent comme
les sujets les plus délicats.
14 « kéré », un mot du dialecte antandroy (l'ethnie qui peuple cette région) qui signifie « être affamé » et désigne plus
généralement la famine qui sévit régulièrement sur la Grande Île.
15 Friedrich-Ebert-Stiftung (FES), Baromètre des médias africains, Madagascar 2019 ; UNESCO, Etude sur le
développement des médias à Madagascar, 2017
Il est difficile pour le moment d’anticiper le fait que cette initiative répète les finalités
politiques des opérations d’assainissement passées. Dans un article du 15 octobre 2010,
RSF écrivait : « sous couvert d’une opération dite “d’assainissement du paysage
audiovisuel”, le Gouvernement malgache fait le grand ménage et censure une multitude
de petites stations privées, toutes créées depuis 200916 ».
16 RSF, Près de 80 stations audiovisuelles fermées depuis la fin de l’été | RSF, 15/10/2010
17 Friedrich Ebert Stiftung, Les impacts de la structure de la propriété des médias sur la couverture médiatique, la
représentation politique et le travail du journaliste, 2019
18 ECES/PEV Madagascar, étude sur la propriété des médias, 26/09/2020 (Actualisé au contexte de 2021)
« En même temps, les alliances entre les grands groupes se multiplient. Cette structure de
propriété renforce le déséquilibre entre les médias, et constitue une menace sur le
pluralisme et la diversité des points de vue, ainsi que sur le professionnalisme des
journalistes. En effet, ces groupes étant la propriété de personnalités politiques et
économiques influentes ayant des visées politiques, les journaux en deviennent
complaisants, tandis que les journalistes deviennent manipulateurs, partisans ou
dépendants. Les informations sont généralement couvertes de manière superficielle,
partiale et parfois dramatique ».19
Dans son étude sur l’impact de la propriété des médias, FES relève plusieurs impacts liés
à cette concentration extrême des médias :
Mais du coup cette configuration du paysage médiatique se traduit par un règne des
patrons de presse qui imposent leur ligne éditoriale et forcent les journalistes à
l’autocensure. Les propriétaires tiennent des réunions avec les responsables de rédaction
pour leur transmettre les directives politiques. A titre d’exemple, un journaliste du
groupe appartenant au Maire d’Antananarivo, affirme qu’il est impossible de traiter de
sujets qui remettent en cause la gestion municipale comme par exemple la mauvaise
gestion des ordures. Il est impossible de traiter des sujets sous un angle qui nuit aux
intérêts directs du patron de presse. De nombreux journalistes le vivent comme une
contrainte qui dénature l’exercice du métier, empêche les journalistes de traiter des sujets
en profondeur et avec professionnalisme. L’angle de traitement des sujets reste
généralement très descriptif, parfois sans approfondissement. Les sujets sont abordés de
manière superficielle et expéditive. Cette véritable ingérence des patrons de presse est
plus intense au niveau de la presse écrite, de la télévision et des grandes radios
nationales mais elle est moins accrue au niveau des stations de radio dans les provinces.
Les journalistes naviguent dans un système où information et propagande se
confondent.20
20 Ibid ;
21 Ibid
Ma- Midi
LAZA L’Express
Apaisement Alarmisme
Rassurant Amplification
Faible
Médiation
médiation
Antsiva
RNM Kolo FM
Inona no Vaovao
I-BC TV
Ligne de Mire
KOLO TV
Tia
La Gazette Tanindrazana
TVM
La
Vérité 2 VIVA Radio 3 Madagate.org
22 Communication Idea Development (CID)/PEV Madagascar, Les médias Malgaches face aux défis de
l’indépendance et de l’apaisement, Février 2018
23 Ibid
Presse écrite
La presse écrite est forte d’une quarantaine de titres. Quatre grands quotidiens en
français ou bilingue tirent à environ 10 000 à 20 000 exemplaires (Midi Madagasikara,
L’Express de Madagascar, La Gazette de la Grande île, Les Nouvelles) et concentre la
majorité des revenus publicitaires. De nombreux quotidiens au tirage plus faible ont vu le
24 Studio Sifaka, « …Présenter les faits tels qu’ils sont et non les biaiser » - Les journalistes au-devant de leurs
responsabilités - Studio Sifaka - Actu, musique, conseils et débats pour les jeunes à Madagascar
jour après 2009 pour porter les tendances politiques qui ne sont pas affichées par les
grands quotidiens.
Des gratuits commencent à faire leur apparition : le mensuel culturel No Comment. Des
journaux régionaux ont vu le jour éphémèrement avant de disparaître comme la Tribune
de Diégo et la Dolphin Gazette à Fort Dauphin. Ino Vaovao a des éditions décentralisées
avec des informations régionales (Mahajanga, Toamasina, etc) mais éditées à
Antananarivo. Il existe également des revues de qualité financées par des bailleurs
internationaux comme Tandraka et Politika25 qui font la part belle à des dossiers
thématiques et des investigations.
Il s’ensuit que la presse écrite est d’autant plus autocentrée sur la capitale dans sa
couverture et son analyse ce qui ne fait que renforcer la perception négative de ce média
en province. Les différents journaux comptent un nombre limité de correspondants en
province et les sujets qui traitent de questions en dehors de la capitale sont bien souvent
traités de façon superficielle et en distanciel. D’une certaine manière la barrière
linguistique joue également un rôle, les populations sont moins francophones en
province et ne s’identifient pas toujours avec le malgache Merina de la capitale qu’ils
comprennent parfois de façon limitée.
Radios
Plus de 300 radios seraient actives à
Madagascar. La radio nationale Radio
Nasionaly Malagasy (RNM) a l’exclusivité de
la couverture nationale et diffuse des
programmes en malgache et en français. La
RMN dispose de stations officielles
régionales et d’un réseau d’une centaine
d’antennes locales (Bon nombre d’émetteurs
et d’antennes ont régulièrement des
dysfonctionnements qui ne permettent pas
une pleine couverture du réseau). En tant
que média d’Etat, la RMN sert la propaganda
étatique et défend l’action du gouvernement.
La radio nationale (Anciennement Radio
Tananarive) vient de fêter ses 90 ans et dans
le sillage de son jubilé la RMN prévoit de se
doter d’un site internet et d’une webradio. Le
reste du paysage radiophonique se partage Tamatave, local de la RMN
entre les radios commerciales, associatives et confessionnelles qui sont limitées dans leur
couverture locale. Les radios privées ne peuvent légalement émettre au-delà de 150 km
et n’ont pas le droit d’utiliser des émetteurs de plus de 500 Mega Watts. Plusieurs
Les Nations Unies et la Fondation Hirondelle ont donc finalement eu recours à la création
du Studio Sifaka avec la production de programmes radiodiffusés par un réseau de radios
partenaires. En dehors du réseau RESAT, il existe également de nombreuses radios
évangéliques et des radios musulmanes qui s’implantent dans les villes du Nord. Les
radios privées sont plus ou moins généralistes et privilégient le divertissement. La
musique et les émissions de divertissement dominent la grille des programmes. Au même
titre que les autres médias, la radio est aussi instrumentalisée par les notables et
politiciens locaux à des fins de propagande politique. De nombreux députés ou notables
locaux sont propriétaires d’une station. Malgré cela le paysage radiophonique demeure
par bien des aspects le seul espace d’opportunités où des radios indépendantes peuvent
opérer.
28 UNDP/UNDEF, La communication pour l’empowerment à Madagascar, Une évaluation des besoins communautaires,
2008
29 Stileex, Audience radio Madagascar, 06/12/2019
Programmes
En majorité, les radios
consacrent une grande
partie de leurs grilles des
programmes à la musique
et au divertissement mais le
journal reste un
programme central où l’on
couvre principalement
l’actualité locale mais aussi
nationale et plus
marginalement
internationale. En dehors
(L’équipe de la radio associative Mampita, Fianarantsoa)
de l’actualité locale et
Comme relevé par des professionnels du secteur, il y aurait beaucoup à faire pour
améliorer la qualité des programmes des radios, s’assurer qu’elles répondent aux besoins
d’informations des communautés et que leurs programmes touchent à des questions clés
de développement. De nombreuses thématiques de gouvernance ou liées aux questions
de l’environnement et du foncier ne sont pas abordées. Les problématiques des paysans
et du développement rural sont aussi marginalement abordées. La majorité des
journalistes des radios n’ont pas la maîtrise des notions basiques du journalisme. Le
manque de formation des journalistes (code éthique des médias et réflexe de vérification
de l'information par exemple), les difficultés économiques et techniques ainsi que le
manque d'infrastructure sont des obstacles majeurs rencontrés par les journalistes des
radios. Les journalistes ne se conforment pas toujours aux normes professionnelles et la
diffusion d'informations non vérifiées est courante sur les radios qui sont également un
vecteur de rumeurs et fausses informations. Pour attirer et fidéliser les auditeurs, certaines
stations de radio réalisent des émissions interactives et donnent aux auditeurs l'occasion
d'exprimer leurs opinions et leur expérience sur différents thèmes et sujets. Même si cela
répond à un besoin de la population, cette activité parfois mal maîtrisée ouvre une
fenêtre pour la diffusion de fausses informations et de rumeurs.
La majorité des acteurs consultés dans le cadre de cette étude s’entendent sur le fait que
les compétences techniques pour la maintenance des radios font défaut sur Madagascar
et il n’existe aucune formation appropriée ou organisme qui propose des formations
pertinentes pour former des techniciens radios. L’absence de fédération de radio ne
facilite pas la mobilisation de réseau et de ressources pour s’assurer que les radios
puissent avoir accès à de bons appuis techniques. Même si c’est l’une des aspirations de
la Coalition des radios de Madagascar. Les radios consultées sont unanimes sur les
besoins de leurs techniciens en outils et en formation.
Sources d'informations
Intervenants/ membres de la communauté 85%
Internet 59%
Presse écrite, médias en ligne 41%
Auditeurs 74%
Autres radios 19%
Descente de terrain 7%
La majorité des radios (83%) disposent d’une Page Facebook. Si la plupart des radios ont
une utilisation relativement basique de Facebook, certaines sont plus avancées et
alimentent leurs pages en contenus et postes qui leur permet d’engager leur audience.
Certaines radios utilisent des soundclouds et ont leur programmes radios disponibles sur
des sites internet. Nombreuses radios bénéficieraient d’un accompagnement dans leur
transition et stratégie numérique, avec une utilisation plus ciblée des réseaux sociaux afin
L’existence des clubs d’écoute permettrait une interactivité accrue et de qualité entre les
radios et leurs publics, la mise en place d’espaces de dialogue et de réflexion sur les
problèmes des communautés et leurs besoins en information et de stimuler des
engagements divers dans l’espace public (Participation aux débats publics, mobilisations
citoyennes et sociales, pratiques de médiations communautaires et sociales, etc). Ces
clubs auraient également une grande utilité dans des contextes humanitaires comme
TV
Il existe environ une trentaine de chaînes de télévision majoritairement basées sur
Antananarivo et dotées pour certaines de branches régionales. Les stations de télévision
restent généralement concentrées à Antananarivo mais via la diffusion satellitaire payante
(TNT), elles peuvent atteindre techniquement les zones les plus reculées. Il existe
plusieurs bouquets TNT avec Canalsat Madagascar et Blueline TV et Le bouquet de Canal
+ intègre des chaînes nationales. Derrière les chaînes, des hommes politiques se profilent
dans la plupart des cas.
La télévision commerciale Tv Plus Madagascar garde depuis plusieurs années l’une des
plus larges audience (Sondages mensuels Capsule et ATW) et a créé des agences dans
plusieurs villes (Antsirabe, Mananjary, Toamasina, Toliara et bientôt Fianarantsoa) avec
des opérateurs locaux. La chaîne TV plus bénéficiait d’une bonne réputation par le passé
avec l’organisation de débats ouverts avant que son propriétaire soit nommé sénateur et
transforme la chaîne et sa radio en instrument de propagande du pouvoir.
Dream’In et RTA visent un public jeune et elles ont aussi installées des agences à
Mahajanga, Toamasina et Antsirabe. De nouveaux opérateurs, essentiellement
Real TV fait figure de nouveau venu mais a tout de suite gagné une audience importante
du fait de sa relative liberté de ton et des programmes ouverts sur les débats qui ont su
attirer un public jeune.
Pénétration et audience
D’après MICS, L’exposition à la télévision touche moins d’un quart des hommes ou des
femmes (23% de femmes et d’hommes). 20% des ménages possèdent un poste de
Télévision avec des grandes disparités entre des régions urbaines comme celle
d’Antananarivo (Anamalanga) 54% et des régions rurales marginalisées comme Androy
où seulement 2% des ménages ont un poste. Si la Télévision est une source marginale
d’information dans une grande partie du pays, elle serait la 1ère source d’information sur la
région d’Antananarivo.
Les quatre programmes favoris des téléspectateurs d’Antananarivo sont l’actualité (64%),
les films (44%), les programmes musicaux (36%) et les programmes de divertissement
(36%).
D’après le sondage, les chaînes de TV les plus appréciées par les habitants
d’Antananarivo sont :
73% des personnes sondées sur Antananarivo considèrent la TV comme le média le plus
fiable devant la radio (15%), les journaux (8%), et les sites internet (2%).33
Contraintes
A bien des égards, la
télévision partage les
mêmes contraintes que
les radios en termes de
difficultés de
maintenance, du
manque d’équipements
et de compétences des
techniciens. La majorité
des techniciens sont
formés sur le tas et les
problèmes techniques
sont fréquents.
Selon les statistiques,34 l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux est plus concentrée à
Antananarivo et ses environs. 42,23% de la population de la région Analamanga (Région
d’Antananarivo) utilisent Facebook. « Cet indicateur écarte les comptes fake. En 2019,
Facebook aurait assaini son réseau et supprimé entre 300 000 et 400 000 faux comptes
identifiés. L’apparition de ces faux comptes a augmenté durant la période de l’élection
présidentielle de 2018 ».35 Le taux de pénétration de Facebook de 64,48 % dans la région
Analamanga si l’on ne considère que la population de plus de 14 ans. Au niveau national,
selon le chiffre officiel de Facebook en août 2020, la taille de l’audience à Madagascar est
de 2,8 millions de personnes. Ainsi, le taux de pénétration réel de Facebook est
de 17,76% pour les plus de 14 ans.
En ce qui concerne les sites malgaches les plus visités, Orange.mg serait en première
position, suivi de Moov.mg, Portal job, Bet261 et Midi Madagasikara. Parmi les médias
étrangers, Le Monde et le Parisien seraient les sites préférés des internautes malgaches.
34 https://malagasy.tech/chiffre-cle/
35 Ibid
36 https://www.agenceecofin.com/internet/0505-76313-classement-des-pays-africains-selon-le-cout-moyen-d-1gb-mobile-
la-somalie-devance-tout-le-monde
37 https://1e8q3q16vyc81g8l3h3md6q5f5e-wpengine.netdna-ssl.com/wp-
content/uploads/2021/04/3522_RegionalReport_Africa.pdf
Par ailleurs, en 2018, la première école digitale, Sayna Madagascar, a été lancée
proposant des formations en développeur Web, mobile, ingénieur données et marketing
digital. Madagascar est également en train de devenir un important hub du business
process outsourcing avec de nombreux sous-traitants proposant des services de centres
d’appels, services de développement numérique, traitements de données, animations,
développements web et autres services informatiques. Plusieurs Start-up à succès ont
également vu le jour.
38 https://www.agenceecofin.com/internet/1907-58726-classement-des-pays-africains-selon-la-vitesse-de-telechargement-
madagascar-largement-en-tete-cable-co-uk
En 2018, un nouveau venu fait son apparition, 2424.mg, prônant une ligne éditoriale
indépendante et neutre. Le site dispense des contenus multimédias, multi-supports
(Cross-média), avec des articles, des
reportages vidéo, des couvertures
commerciales ou culturelles. La démarche de
2424.mg est singulière puisque le média s’est
attaché les services de jeunes sans formation
en journalisme ou expérience passée dans un
organe de presse. La volonté de 2424.mg était
de rompre avec le formatage de la profession
et de former ses journalistes en interne sur la
pratique d’un journalisme indépendant ouvert
sur le journalisme mobile et conforme à la
déontologie du métier. 2424.mg a su
construire une solide réputation notamment
sur la fiabilité de ses informations et son
approche innovante du journalisme, il et a su
capturer une audience conséquente (Plus de
300,000 followers sur sa page Facebook).
2424.mg studio
L’organe de presse en ligne est soumis également aux conditions cumulatives suivantes :
• Les contenus en ligne font l’objet d’un renouvellement régulier qui doit être daté
• Les contenus doivent présenter un caractère d’intérêt général et ne pas porter
atteinte à la dignité, la décence ou encourager à la violence
• Mettre à disposition un contenu en lien avec l’actualité ayant fait l’objet de
traitement journalistique notamment en termes de vérification et mise en forme de
ces informations
• Ne pas avoir pour objet principal de diffuser des messages publicitaires ou
d’annonces
• Sur les espaces de contribution personnelle des internautes, l’éditeur met en
œuvre des dispositifs appropriés de lutte contre les contenus illicites
• Dispose d’archives numériques d’une durée minimale de trois mois
• Un média en ligne doit employer à titre régulier au moins un journaliste
professionnel légalement inscrit au tableau de l’Ordre des Journalistes (OJM)
Il est trop tôt pour mesurer les implications de cette reconnaissance légale des médias en
ligne et d’analyser la pratique de la mise en œuvre de la nouvelle loi. La nouvelle loi a tout
d’abord le mérite de mettre les médias en ligne au même rang que les médias
traditionnels alors que la profession et le public ont tendance à déconsidérer ce type de
médias comme manquant de professionnalisme, véhiculant des fausses informations en
les mettant dans le même sac que les réseaux sociaux.
Les médias en ligne seront certainement amenés à se développer dans un avenir très
proche et représente comme dans de nombreux pays d’Afrique des opportunités de voir
émerger des organes de presse en ligne plus indépendants et des initiatives de
journalisme citoyen. Il y a en tout cas un réel potentiel et contexte favorable pour faire
émerger cela. Le contexte de la pandémie de Covid-19 a notamment donné lieu à une
augmentation de la consommation d’information en ligne à l’échelle globale.
39 Politika 23, La faim des médias, Randy Donny, Aout 2021, FES-PK-23-1.pdf
40 La protection du journaliste (fes.de)
En moyennes les radios réénumèrent 200,000 Ar / mois (43 Euros) pour un ‘simple’
journaliste, 250–300,000 AR (54 à 64 EUR) pour un journaliste ‘senior’ et 350,000 Ar (75
EUR) pour un rédacteur en chef. Pour rappel, le salaire minimum est passé en Septembre
2019 à 200,000 Ariary. Les salaires pour les journalistes sur Antananarivo avoisinent les
300,000 Ariary. Du fait des niveaux de rémunération, la pratique de felaka est très
courante (Paiement d’une enveloppe à un journaliste pour qu’il vienne couvrir un
événement ou pour qu’il soit complaisant). Le felaka semble être devenu une pratique
normale et acceptée car pratiquée même par les institutions d’Etat comme une marque
de reconnaissance envers les journalistes qui se sont déplacés. Si le Felaka nuit à
l’impartialité de l’information, dans la plupart des cas il sert uniquement à payer les frais
des transports des journalistes et leur permettre de couvrir un événement. Du fait des
niveaux de salaires très bas, la profession n’est pas valorisée et beaucoup de journalistes
choisissent la profession comme un instrument temporaire pour servir leurs ambitions. Le
métier est considéré comme un tremplin qui permet d’accéder à des postes politiques ou
d’autres opportunités. L’absence d’une charte éthique ou d’un code de déontologie de la
profession ne facilite pas l’adoption de principes de base du journalisme.
Les femmes sont présentes dans toutes les branches de l’industrie médiatique : audio-
visuel, presse écrite et journalisme en ligne. Les estimations d’UNESCO suggèrent un
déséquilibre important dans la représentation des genres dans le personnel des médias :
38% de femmes journalistes contre 62% d’hommes. Les médias malgaches emploient
deux fois moins de femmes que d’hommes et généralement elles travaillent à des postes
administratifs ou commerciaux41. Toutefois, la situation des femmes journalistes et
professionnelles n’a pas été étudiée et il n’existe pas d’informations précises sur les
discriminations et les problèmes de protection auxquelles elles font face. Par ailleurs,
l’association des femmes journalistes n’est que marginalement engagé sur ces questions.
Dans un sondage réalisé sur Antananarivo,42 71% des personnes sondées estiment que
les journalistes sont sous l’influence de l’argent et des politiques et ne sont pas
indépendants dans l’exercice de leur métier. La population malgache a une perception
négative des médias et des journalistes.
Dans la réalité, nombreux sont les journalistes qui n’ont aucune formation spécifique en
journalisme ou en communication. La majorité des journalistes ont été formés sur le tas au
sein d’un média. C’est particulièrement le cas pour les radios où les journalistes n’ont pas
Des formations ponctuelles sont cependant dispensées soit par des journalistes nationaux
reconnus, soit par des experts internationaux sous la houlette d’agences de
développement comme la Fondation allemande Friedrich Ebert Stiftung (FES), UNESCO,
UNICEF, Search for Common Ground, Canal France International, la Fondation
Hirondelle, Transparency International, et d’autres. Ces formations sont pour beaucoup
thématiques comme sur les questions de genre, les droits des enfants mais aussi sur des
formes de journalisme poussées comme le journalisme d’investigation. Il y a un certain
engouement à Madagascar pour le journalisme d’investigation et beaucoup d’attentes
autour de cette forme du journalisme qui semble bénéficier d’un phénomène de mode
ou se confondre avec le journalisme de qualité. Pourtant, les besoins les plus urgents en
termes de formation semblent plutôt se situer sur les notions de bases et les
fondamentaux du journalisme ou sur des domaines thématiques. Il n’en demeure pas
moins que ces formations gratuites donnent des opportunités de développement aux
journalistes notamment des radios malgré leur caractère épisodique. Depuis de
nombreuses années, le ministère de la Culture et de la Communication (MCC) avec
UNICEF a mis en place le système des Juniors Reporters Clubs (JRC) qui propose à des
jeunes intéressés par le journalisme des formations et du coaching dans des médias
locaux. Les JRC sont devenus une sorte d’institution en soi auxquelles les radios en
province sont fières de participer et qui suscitent des nouvelles vocations. La limite des
JRC est que les jeunes reporters se retrouvent souvent encadrés par des journalistes qui
manquent de professionnalisation et de notions de base du journalisme. Le MCC a
également lancé son programme de formations pour les journalistes en exercice avec un
niveau basique et un niveau ouvert sur les spécialisations et souhaite jouer un rôle de
coordination sur toutes les offres de formations pour les journalistes.
Interrogés sur leurs besoins, la majorité des journalistes sont demandeurs de formations
dans plusieurs domaines afin de renforcer leurs compétences. Les journalistes consultées
dans le cadre de cette étude se sont prononcés sur leurs besoins de formation ci-
dessous :
Besoins en formation
Formations de base 27%
Journalisme thématique 54%
Journalisme mobile 38%
Les résultats suivants ont été collectés sur les besoins relatifs aux formations thématiques :
L’Ordre des Journalistes de Madagascar (OJM) joue un rôle central dans l’auto-régulation
du secteur mais son action repose principalement sur la base du volontariat ce qui limite
le rayonnement de son action autant que le bras de fer qui l’oppose actuellement au
ministère de la Culture et de la Communication (MCC). L’OJM reste cependant à l’origine
de nombreuses initiatives comme la revue d’investigation de Tandraka, des formations et
des événements autour du journalisme. L’OJM joue également un rôle actif dans la
promotion de la liberté de la presse et dans la protection des journalistes. Son action est
cependant freinée par un manque de ressources et de capacité institutionnelle.
Il n’existe pas à Madagascar de Fédération ou d’Union des radios qui représente les
intérêts du secteur et structure le paysage des radios comme dans de nombreux pays
africains. Il y a cependant la Coalition des radios Madagascar qui pourrait jouer ce rôle et
favoriser la professionnalisation du secteur radiophonique. La coalition a été créée
initialement, en 2014, dans le cadre d’un projet de Search for Common Ground afin de
rassembler des radios voulant œuvrer pour la paix et la cohésion sociale. La coalition
rassemblerait aujourd’hui 73 radios membres, aussi bien des radios privées, associatives
et confessionnelles. La coalition aspire à favoriser la professionnalisation des métiers de la
radio, la production et le partage de contenus et échange d’expérience, la coordination
Il existe plusieurs associations de journalistes qui organisent des formations, des partages
d’expérience et des actions de plaidoyer :
Les associations de journalistes se caractérisent par une durée de vie assez éphémère, et
des difficultés à maintenir des activités régulières s’inscrivant sur le long terme. Elles
souffrent également d’un déficit en termes de stratégie et de communication. L’accès à
des sources de financements et des modes de fonctionnement plus pérennes demeurent
une difficulté ce qui limite leur apport pour structurer la pratique du métier. Plusieurs
structures comme le Syndicat des journalistes, le réseau des radios rurales de Madagascar
ont fini par disparaître.
Les journalistes se sont également exprimés sur les activités et les types d’interventions
que les organisations professionnelles devaient privilégier et une majorité considère le
plaidoyer et la protection des journalistes comme prioritaire.
Il existe aussi deux structures qui se qualifient comme des observatoires du monde des
médias et qui font de la recherche et des études de qualité sur le paysage médiatique, le
monitoring des contenus mais aussi des actions de plaidoyer, Ilontsera et l’ONG
Communication-Idea-Development (CID).
Les relations entre les médias et la société civile sont ambiguës, faites de méfiance et de
collaboration. Certaines associations professionnelles collaborent activement avec la
société civile afin d’amplifier leur plaidoyer dans une dynamique globale œuvrant pour la
bonne gouvernance. La plate-forme de la société civile Rohy comprend Ilontsera parmi
ses membres qui joue le rôle de point focal sur la question des médias et de la liberté
d’expression. La Plate-Forme Nationale des Organisations de la Société civile de
Madagascar (PFNOSCM) et l’Observatoire de la vie publique (SeFaFi) ont parfois critiqué
certains pratiques journalistiques notamment dans les cadres des élections. Mais la
plupart du temps, la société civile maîtrise mal sa relation avec les médias et appréhende
avec difficulté la manière dont il peut collaborer avec les journalistes pour relayer leur
plaidoyer. En règle générale, les organisations de la société civile souffrent d’un
important déficit en termes de stratégie de plaidoyer et utilisation d’outils de
communication qui les empêchent de promouvoir leurs actions et d’avoir de l’influence.
Leurs actions de plaidoyer sont tournées vers les autorités et n’engagent que
marginalement les communautés par le biais de la sensibilisation.
Une majorité des journalistes consultés (75%) déclarent collaborer avec la société civile et
considèrent principalement les organisations de la société civile comme des sources
d’informations et plus marginalement comme des vecteurs de plaidoyer et des alliés pour
défendre la liberté de la presse.
Un sondage de stileex
centré sur Antananarivo
et sur la presse écrite
révèle que les colonnes
les plus appréciés dans
les 3 principaux
journaux sont l’actualité,
le divertissement et la
politique. Cependant,
ce type de tendance ne
donne pas d’indications
au-delà des grandes
rubriques sur les sujets,
l’angle et le format qui
intéressent différentes
audiences.
Groupes marginalisés
Femmes 35%
Jeunes 38%
Communautés rurales 50%
Minorités 31%
LGBT 46%
Cependant, les besoins d’informations de la jeunesse ont été étudiés récemment dans le
cadre de l’étude de base du programme radio Sifaka. Dans le cadre de cette étude, les
jeunes citent le manque d’emploi, la religion, la corruption et le manque de
considération, comme facteurs de blocage dans leur engagement dans les processus de
développement. La télévision et la radio sont les premiers supports d’information pour les
jeunes même si l’étude note une percée des Nouvelles technologies de l’information et
de la communication (Téléphonie mobile, Internet et des chaînes satellitaires). Les jeunes
sont intéressés en particulier par les actualités sociales et regrettent qu’il n’y ait pas plus
d’émission de débat dans les médias. Ils estiment que les médias traditionnels et
notamment la radio ne parlent pas assez de leurs préoccupations et avouent avoir plus de
dialogue constructif au sein de leur famille, cercles d’amis ou à travers les réseaux sociaux
Impact du Covid
En 1er lieu, la crise sanitaire a eu un impact économique sur les médias qui s’est manifesté
par des cessations d’activités, des licenciements et des réductions de salaire. Il est trop tôt
pour mesurer l’impact sur le long terme et alors que de nombreux médias souffrent d’une
réduction importante des revenus publicitaires. Mais la pandémie a eu d’autres effets
comme dans de nombreux pays d’Afrique subsaharien, limitation de la liberté
d’expression et prolifération des rumeurs et fausses informations. Les journalistes
consultés se sont exprimés sur les différents impacts du Covid 19 avec au 1er rang les
risques de contamination élevés dans l’exercice de leur métier. Le journalisme a
rapidement été reconnu comme un service essentiel.
Impacts Covid
Licenciement 23%
Réduction des salaires 38%
Liberté d'expression limitation 42%
Augmentation des rumeurs et fausses informations 35%
Risque de contamination journalistes 69%
Changement façon de travailler 69%
Conclusions
Plusieurs interventions touchant au secteur média ont été initiées par le passé proposant
des formations ou stimulant la production de contenus. Pour autant, si l’expertise locale
sur Madagascar est disponible dans de nombreux domaines, les organisations
professionnelles des médias sont fragiles et manquent de capacités institutionnelles pour
aider à structurer le secteur. La plupart de ces organisations pourraient contribuer de
manière essentielle au renforcement du secteur. Ces structures n’ont bénéficié pour la
plupart que de financements épisodiques qui ont eu des effets limités sur le renforcement
de leurs capacités.
Recommandations :
• Lancer une analyse approfondie du cadre juridique afin de mieux comprendre les
textes d’applications qui pourraient consolider la loi sur la communication
médiatisée et une meilleure protection des journalistes ; Accompagner l’adoption
Andrew Lee Trust & Media Support, the contribution of radio broadcasting to the
millennium development goals in Southern Madagascar, January 2007
Friedrich Ebert Stiftung (FES), Les impacts de la structure de la propriété des médias sur la
couverture médiatique, la représentation politique et le travail du journaliste, 2019
Reporters Sans Frontières, Coronavirus à Madagascar : une chaîne de télé victime d’un
acte de sabotage, 15/04/2020
Reporters Sans Frontières, Près de 80 stations audiovisuelles fermées depuis la fin de l’été
| RSF, 15/10/2010
Studio Sifaka, « …Présenter les faits tels qu’ils sont et non les biaiser » - Les journalistes au-
devant de leurs responsabilités - Studio Sifaka - Actu, musique, conseils et débats pour les
jeunes à Madagascar