CLEMENT A Memoire Sciences Politiques
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FACULTE DE DROIT, DE SCIENCE POLITIQUE ET DE CRIMINOLOGIE
Je tiens, tout d’abord, à remercier très sincèrement mon promoteur, Monsieur Christophe
Deprez, pour ses conseils et pour le temps précieux qu’il m’a accordé́ .
Mes remerciements s’adressent également à Monsieur Fréderic Claisse pour ses conseils
concernant ma méthodologie.
J’exprime mêmement ma gratitude envers les personnes qui m’ont épaulée dans la relecture
de ce travail.
Enfin, last but not least, que tous ceux qui m’ont prodigué leur soutien durant mes études et
lors de la réalisation de ce mémoire, trouvent ici l’expression de mon affection et de ma
reconnaissance.
2
Table des matières
3
Section 7. Dans quelle mesure les revendications de la CCPI furent-elles intégrées au
Statut ? ............................................................................................................................. 39
7.1. Classification des revendications ayant été intégrées au Statut de Rome ........................... 39
7.2. Ces aboutissements peuvent-ils être directement imputés au travail des ONG ? ................ 40
7.2.1. Le groupe des Like-minded ........................................................................................................... 41
7.2.1.1. Effet de groupe et risque d’isolement ................................................................................... 41
7.2.1.2. La sélection culturelle d’Alexander Wendt ........................................................................... 42
7.2.2. La dynamique et le contexte des négociations ............................................................................. 44
7.2.2.1. La technique du package deal ............................................................................................... 44
7.2.2.2. Le contexte de l’époque ........................................................................................................ 46
7.3. Conclusion intermédiaire ................................................................................................... 47
Section 8. Les États restent-ils les maîtres du jeu ? ............................................................ 48
8.1. La défense des intérêts étatiques vitaux / objectifs ............................................................ 48
8.1.1. Un procureur proprio motu ? Une victoire en demi-teinte .......................................................... 49
8.1.2. Le Conseil de sécurité, indétrônable ? .......................................................................................... 50
8.1.3 L’insertion de l’article 124, comme exemple ultime d’inflexibilité ................................................ 51
8.2. « Co-pouvoir » plus que « contre-pouvoir » ? ..................................................................... 54
8.2.1. Une participation empreinte de volontarisme de la part des gouvernements ............................. 55
8.2.2. Les relations de légitimation réciproque ...................................................................................... 55
8.3. Conclusion intermédiaire ................................................................................................... 57
Section 9. Conclusion générale .......................................................................................... 58
4
Liste des abréviations
5
Section 1. Introduction
Née sous la plume de Gustave Moynier à la fin du dix-neuvième siècle, l'idée de créer une cour
criminelle internationale réapparait après les atrocités commises lors des deux guerres
mondiales. Par la suite, elle est enterrée pendant de longues années, par le contexte politique de
la Guerre froide. Ce n'est qu'à la fin du vingtième siècle, à la suite des massacres en Bosnie et
au Rwanda, ainsi que du bilan positif tiré des tribunaux ad hoc créés pour que les responsables
en répondent, que les choses se mettront réellement en place afin de parvenir à la création d’une
cour dédiée à la justice pénale internationale.
« Nous avons gagné ! » , « L'avenir est là ! », « La société civile se réveille ! », « Des personnes
ordinaires du monde entier ont contribué à créer la nouvelle Cour pénale internationale », etc.
Au lendemain du 17 juillet 1998, les slogans élogieux vantant la signature du Traité, qui permet
la création de la nouvelle Cour pénale internationale, ne manquent pas. C’est un jour historique.
Après plusieurs décennies de balbutiements et une conférence internationale en dents de scie,
ce projet semble enfin avoir abouti.
Dans la littérature, nombreux sont ceux qui attribuent les mérites de cet achèvement à
l’intervention des organisations non-gouvernementales. En effet, regroupées au sein de la
Coalition pour la Cour pénale internationale, les ONG se sont investies en masse dans les
négociations. Publications, suivi et partage d’expertise, organisation d’évènements, on ne peut
nier le temps et l’énergie qu’elles ont alloués à ce dossier. Mais peut-on pour autant leur
attribuer tout le mérite ? Ont-elles un pouvoir normatif au sein des négociations multilatérales ?
Ces dernières ne restent-elles pas de l’apanage des États ?
Ces questionnements ont nourri les réflexions à l’origine du présent travail. A l’aune de ces
éléments, la question de recherche principale se présente comme telle : Au regard de ses
relations avec la délégations française, peut-on considérer que la Coalition pour la Cour
pénale internationale a eu une influence normative lors des négociations du Statut de Rome de
1998 ?
6
Qu’entend-on par influence normative ? Robert Cox et Harold Jacobson mentionnent que
« l’influence désigne la modification du comportement d'un acteur par celui d'un autre »1.
Cette modification ne serait, dès lors, pas survenue sans l’intervention de cet autre acteur. Dans
le cas présent, nous nous concentrons sur l’influence normative de la CCPI. C’est-à-dire sa
capacité à ce que les positions et propositions normatives qu’elle a adoptées parviennent à
modifier les positions d’autres acteurs, en l’occurrence de la délégation française, en vue d’être
intégrées au Statut de Rome. Toute la difficulté de cet exercice réside dans le fait de « s’assurer
que le résultat est imputable à cet acteur et non à un tiers poursuivant le même objectif, ou à
des facteurs totalement exogènes ».2
Nous soutenons ici que l’influence des ONG ne peut être que relative, ponctuelle et qu’elle
dépend de l’avantage que les États peuvent en tirer. Dès lors, il va de soi de relativiser les propos
trop élogieux, quant à leur impact dans ce processus de négociation. Cette hypothèse est
analysée au travers du prisme du constructivisme d’Alexander Wendt. Sa vision statocentrée
du constructivisme, empreinte d’un matérialisme résiduel, ainsi que ses conceptions des intérêts
et des identités, permettent de comprendre les rouages des conférences multilatérales.
Cet écrit débute par l’exposé des approches méthodologique et théorique qui permettront,
respectivement, de comprendre la construction et le cadrage de notre analyse. Nous soumettons,
par la suite, une brève contextualisation relative à la Cour pénale internationale en tant que telle,
ainsi que la présentation des acteurs dont il est question. La suite du travail se compose de trois
parties ayant chacune vocation à répondre à une sous-question. Nous analysons, tout d’abord,
les moyens d’action dont disposait la Coalition pendant la Conférence de Rome. Ensuite, nous
ciblons les revendications de la CCPI, afin de voir dans quelle mesure elles ont, ou non, trouvé
écho dans le Statut de Rome. Enfin, nous nous concentrons sur la défense des intérêts étatiques,
ainsi que les relations de « co-pouvoir » et de légitimation qu’il y a entre les délégations
étatiques et les ONG lors du processus de négociation. L’ensemble de ces développements
permet de confronter notre hypothèse aux données recueillies, au regard du cadrage théorique
choisi.
1
COX, R. & JACOBSON D. (eds.), The Anatomy of Influence, Yale University Press, New Haven, 1973, pp.3 cité
par ARTS B. & VERSCHUREN P., « Assessing Political Influence in Complex Decision-making: An Instrument
Based on Triangulation », International Political Science Review, Vol. 20, No. 4, 1999, pp. 411-424. [Comme
l’ensemble des citations rédigées en langue étrangère, cette citation est le fruit de notre propre traduction].
2
ORSINI A. ET COMPAGNON D., « Les acteurs non étatiques dans les négociations multilatérales », in PETTITEVILLE
F. & PLACIDI-FROT D., Négociations Internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, pp. 128
7
En filigrane de ce travail, nous tentons de distinguer les conditions et les contextes dans lesquels
les acteurs non étatiques - dans le cas présent, la Coalition pour la Cour pénale internationale -
sont plus à même d’obtenir des résultats ou d’essuyer des échecs.
8
Section 2. Approche méthodologique
Dans un soucis de faisabilité et de précision, il a été nécessaire de centrer notre travail sur
l’influence normative des ONG vis-à-vis de la délégation française. Ce choix n’a pas été aisé,
mais l’abondance des acteurs en présence au sein des négociations multilatérales, rend l’analyse
approfondie du cours des négociations irréaliste, dans le cadre de ce travail. La France présente
plusieurs caractéristiques intéressantes. Premièrement, qualifiée de « puissance moyenne »4,
cette dernière à une certaine importance au sein de la communauté internationale, notamment
au regard de son siège permanent au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Ce rôle lui
confère la capacité potentielle d’influencer, voire d’être un acteur central des négociations
multilatérales. Ce premier élément est essentiel. Deuxièmement, elle possède les ressources
nécessaires à une participation active aux débats. Nous verrons plus tard que ce n’est pas le cas
pour tous les États. Troisièmement, elle a été investie tout au long du processus, des premiers
3
Par norme conventionnelle internationale on entend « un accord international conclu par écrit entre Etats et régi
par le droit international, qu’il soit con- signé dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments
connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière ». Voir : Article 2 de la Convention de Vienne sur le droit
des traités, Vienne, entrée en vigueur le 27 janvier 1980, Nations unies, Recueil des Traités, vol. 1155, pp. 331.
4
Terme utilisé par CHARILLON F., « La politique étrangère de la France : d'une puissance de blocage à une
puissance de proposition ? », Études, Vol. 4, Tome 402, 2005, pp. 453 et défini par BERRIDGE GR comme : « un
État qui est considéré comme étant au second rang après les grandes puissances / superpuissances mais qui a un
poids suffisant dans sa propre région pour être considéré comme une ‘‘grande puissance régionale’’ » dans
BERRIDGE G.R.& JAMES A., A dictionary of diplomacy, 2nd Ed., New York, Palgrave Macmillan, 2003, pp. 172.
9
échanges, à la Conférence de Rome, en passant par les comités ad hoc et la Commission
préparatoire.
Un autre moyen de reconstruire les négociations qui ont eu lieu à Rome est d’étudier les sources
secondaires, à savoir « l’ensemble des documents produits après l’événement ou le phénomène
politique étudié, qui visent à reconstruire cet événement ou ce phénomène »7. Un important
corpus de textes a ainsi été produit à postériori par des acteurs parfois présents à la Conférence
ou ayant joué un rôle quelconque dans les négociations. Cette littérature a permis d’étayer les
éléments collectés au sein des sources primaires.
Enfin, l’analyse des données récoltées repose principalement sur une analyse de contenu, grâce
à la mise en perspective des différentes allégations présentes, ainsi qu’une analyse longitudinale
de l’évolution des positions des acteurs en présence. Enfin, notre position méthodologique a
intégré des éléments de l’analyse de discours.
5
BERGMANE U., « La Consultation des archives des affaires étrangères : le cas français et américain », In
GUILLAUME D., Méthodes de recherche en relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2016, pp. 61.
6
Soulignons néanmoins que les articles de presse sont souvent orientés en faveur des ONG, représentées comme
les défenseuses de l’intérêt collectif et de la société civile. Ceci sera détaillé plus tard.
7
GRANDJEAN G., Guide de la rédaction du mémoire, Liège, s.n., 2014, pp. 66-67.
10
Section 3. Approche théorique
La présente section reprend le cadrage liminaire nécessaire à l’analyse des données empiriques
qui permet de répondre à la question de recherche. Elle débute par un bref état de l’art des
théories majeures des relations internationales concernant le rôle des acteurs non-étatiques dans
les négociations. Il est ensuite question d’exposer les principaux postulats du mouvement
constructiviste et de la pensée d’Alexander Wendt. La section se termine avec aperçu théorique
du concept de négociation multilatérale.
3.1.1. Réalisme
Le paradigme réaliste émerge au début de la seconde moitié du XXème siècle. Héritée d'auteurs
comme Thucydide, Machiavel ou encore Hobbes8, cette théorie moderne proclame l'État
comme acteur principal des relations internationales. On parlera d'une approche statocentrée,
basée sur le principe des États westphaliens9, considérés souverains et indépendants. Si le
réalisme reconnait l’existence des acteurs non-étatiques, ces derniers sont relégués à un rôle
insignifiant.10
Les conflits résulteraient d'une « disharmonie naturelle d'intérêts »11 entre les différents
pouvoirs étatiques établis sur des territoires déterminés par des frontières. Le monde, n'étant
pas régi par un acteur "suprême", est dans un état de guerre latent et perpétuel.12 Chaque État,
agissant de manière rationnelle13, défend ses intérêts dans une lutte pour la puissance ; l'objectif
premier des États étant « la conquête et l'exercice du pouvoir ».14 Dans un tel univers, un
« équilibre des forces est nécessaire pour contenir les appétits des uns et des autres ».15
8
HUNTZINGER J., Introduction aux relations internationales, Ramsay, Éditions du Seuil, 1977, respectivement
pp. 21-22, pp. 27-29 et pp. 32-25.
9
En référence aux Traités de Westphalie de 1648.
10
DOUCIN M., Les ONG : le contre-pouvoir ?, Toogezer, Paris, 2007, pp. 138.
11
HUNTZINGER J., Introduction aux relations internationales, Op. Cit., pp. 80.
12
Ibid.., pp. 21-22.
13
Chacun veut maximiser son intérêt national. Les acteurs étatiques sont toujours dans une logique calculatrice,
en terme de coût-bénéfice. Voir : TÉLO M., Relations internationales. Une perspective européenne, Bruxelles,
Éditions de l’Université́ de Bruxelles, 2013, pp. 52.
14
HUNTZINGER J., Introduction aux relations internationales, Op. Cit., pp. 83.
15
Loc Cit.
11
3.1.2. Libéralisme
Autre grande théorie des relations internationale, la pensée libérale compte également bien de
courants différents. L’école anglaise du libéralisme domine pendant la Guerre Froide. Elle se
concentre sur le libéralisme institutionnel, « reste fidèle à une conception lockéenne de
l’anarchie et surtout une approche statocentrée des relations internationales »16.
3.1.3. Transnationalisme
Développé depuis les années quatre-vingt autour de figures telles que James Roseneau, Robert
Keohane ou Bertrand Badie, le courant transnationaliste souligne l’existence d’une société
mondiale19 où interagissent des acteurs pourvus, ou non, de souveraineté étatique.
Les relations internationales se composent de « l'ensemble des rapports noués entre les
hommes, les idées et les organisations, par-delà les barrières étatiques ; [elles sont animées]
par la multiplicité des intérêts personnels et collectifs, lesquels se mettent en rapport les uns
avec les autres, directement et transversalement »20. Dans ce système multicentré, les acteurs
non-étatiques sont « devenus les déterminants principaux de la politique internationale ».21
Leurs actions échappent à l’emprise étatique et ils entrainent son déclin.22
16
BATTISTELLA Dario, PETTITEVILLE Franck, SMOUTS Marie-Claude & VENNESSON Pascal, Dictionnaire des
relations internationales, Op. Cit., pp. 173.
17
EVANS E.G. & NEWNHAM J. Dictionary of international relations, Penguin Books, California, 1998, pp. 304.
18
Loc. Cit.
19
Référence à John Burton voir dans : BATTISTELLA Dario, PETTITEVILLE Franck, SMOUTS Marie-Claude &
VENNESSON Pascal, Dictionnaire des relations internationales, Op. Cit., pp. 1-2.
20
HUNTZINGER J., Introduction aux relations internationales, Op. Cit., pp. 91.
21
COHEN S., «Les États et les "nouveaux acteurs"», Politique internationale, Vol. 2, No. 197, 2005, pp. 1.
22
COHEN S., La résistance des Etats : les démocraties face aux défis de la mondialisation, Seuil, Paris, 2003,
pp. 12 et pp. 19.
12
3.2. Le constructivisme "modéré" suivant la pensée d’Alexander Wendt
L’objectif n’est pas d’exposer un récit exhaustif de l’approche constructiviste, tant celle-ci est
protéiforme et composée de différents courants. Dans le cadre de ce travail, il est apparu
opportun de focaliser notre analyse sur la perspective statocentrée, combinant idéalisme et
matérialisme résiduel, développée par l’auteur reconnu et professeur de l’université de Chicago,
Alexander Wendt.
Pour Alexander Wendt, « les acteurs agissent sur base des significations que les objets ont pour
eux et ces significations sont des constructions sociales ».25 Il ne s’intéresse pas à la réalité
objective des choses. Il est dans une démarche post-matérialiste.
23
LYNCH. CM, KLOTZ. A., "Le constructivisme dans la théorie des relations internationales", Critique
internationale, Vol. 2, No. 2, 1999, pp. 3. Aussi : BRASPENNING T.,"Constructivisme et réflexisme en théorie des
relations internationales", In Annuaire Français de Relations Internationales, Paris, Centre Thucydide, Vol. 3,
2002, pp. 327.
24
TELO M., Relations internationales. Une perspective européenne, Op. Cit., pp. 134.
25
WENDT A., "Anarchy is what states make of it: the social construction of power politics", International
Organization, Vol. 46, No. 2, 1992, pp. 399 cité par: TÉLO M., Relations internationales : une perspective
européenne, Op. Cit., pp.134.
26
WENDT A., Social Theory of International Relations, Op. Cit., pp. 139.
13
complète.27 A l’aune de ces éléments, on peut considérer qu’Alexander Wendt se revêt d’un
certain éclectisme.
Dans son ouvrage Social Theory of International Politics, Alexander Wendt évoque les cinq
propriétés essentielles qui caractérisent l’État de manière générale, à savoir : « (1) un ordre
institutionnel-légal, (2) une organisation revendiquant le monopole de l'usage légitime de la
violence organisée, (3) une organisation dotée de souveraineté, (4) une société, et (5) un
territoire ».28
Cet État, Wendt le considère comme le principal agent du système international.29 Selon lui,
« il n'est pas plus logique de critiquer une théorie de la politique internationale comme étant
‘‘centrée sur les États’’ que de critiquer une théorie sur les forêts comme étant ‘‘centrée sur
les arbres’’ ».30
Il reconnait cependant un rôle secondaire aux acteurs non étatiques. En effet, pour lui, « il se
peut que les acteurs non étatiques deviennent plus importants que les États en tant qu'initiateurs
du changement, mais le changement du système passe en fin de compte au travers des États ».31
En outre, eu égard à sa vision personnifiée de l’État32, Wendt considère que ce dernier à des
besoins spécifiques, qu’il catégorise sous les appellations "besoins matériels" et "besoins
identitaires".33 Les intérêts, que nous développerons dans la section suivante, sont pour l’auteur
« des croyances sur la façon de répondre aux besoins ».34 Les besoins identitaires fluctuent en
fonction des identités, tandis que les besoins matériels sont inhérents à la nature même de
l’homme, ou, dans le cas présent, de l’État. Parmi ces derniers, on retiendra, notamment, le
27
WENDT A., “Anarchy is what states make of it: the social construction of power politics”, International
Organization, Vol. 46, No. 2, 1992; pp. 392 et BATTISTELLA D., Théories des relations internationales, Op. Cit.,
pp. 341.
28
WENDT A., Social Theory of International Relations, Op. Cit., pp. 201-215.
29
Ibid.., pp.9.
30
Loc. Cit.
31
Loc. Cit. [Nous soulignons].
32
WENDT A., “The State as Person in International Theory”, Review of International Studies, Vol. 30, No. 2, 2004,
pp. 289-316.
33
WENDT A., Social Theory of International Relations, Op. Cit., pp. 131.
34
Loc. Cit.
14
besoin de "socialisation", à savoir une lutte contre l’isolement, la marginalisation, et celui de
"transcendance", autrement dit de l’amélioration de sa condition.35
L’identité d’un État se définit autour de la « représentation que les membres d’un État se font
de celui-ci, de sa place et de son rôle au sein du système international ; la perception qu’ils
pensent que les autres États ont de leur État ; enfin, la conception qu’ils ont de ce système et
des autres États qui le composent ».37 Selon Alexander Wendt, « avoir une identité, c'est
simplement avoir certaines idées sur ce que l'on est, dans une situation donnée ».38
La pensée wendtienne relève également, que « l'engagement envers les identités particulières
et leur importance varient, mais chaque identité est une définition intrinsèquement sociale de
l'acteur, fondée sur les théories que les acteurs entretiennent collectivement sur eux-mêmes et
les autres et qui constituent la structure du monde social ».39 Subséquemment, l'altérité joue
également un rôle dans l'attitude des acteurs.40
Alexander Wendt distingue quatre sortes d’identité. Premièrement, l’identité personnelle, c’est
l’État per se. Deuxièmement, l’identité de type qui représente ses caractéristiques communes
avec d’autres acteurs de même nature. Troisièmement, l’identité de rôle est définie par la culture
de l’autre, du groupe, la place que chacun occupe. Quatrièmement, l’identité collective
comprend une idée de fusion entre les différents acteurs.41
Dans le cadre de notre travail nous considérons que les identités de la France se présentent
comme suit : c’est un État, une démocratie libérale, une puissance moyenne42 et, enfin, un État
35
WENDT A., Social Theory of International Relations, Op. Cit., pp. 131.
36
MACLEOD A., MASSON I. & MORIN D., "Identité nationale, sécurité et la théorie des relations internationales",
Op. Cit., pp. 16.
37
Ibid., pp. 7.
38
WENDT A., Social Theory of International Relations, Op. Cit., pp. 170.
39
WENDT A., “Anarchy is what states make of it: the social construction of power politics”, Op. Cit., pp. 398.
40
Ibid., pp. 327.
41
WENDT A., Social Theory of International Relations, Op. Cit., pp. 230 et suiv.
42
Voir note de bas de page No. 1 du présent travail.
15
membre de l’Union européenne ou un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations
unies.
Penchons-nous à présent sur la notion d’intérêt. En effet, les identités sont à la base de la
construction des intérêts.43 Les États vont définir ces derniers en fonction de leur vision, de qui
ils sont et donc, de ce dont ils ont besoin.
A l’aune de ces éléments, Alexander Wendt perçoit également deux formes d’intérêts. D’une
part les intérêts objectifs, qui sont stables et liés à l’identité personnelle de l’État. D’autre part,
les intérêts subjectifs, qui ne sont autre qu’une construction sociale, basée sur la recherche de
l’assouvissement de ses besoins.44 Les États « agissent [donc] sur la base d'intérêts perçus, et
peu nieraient que ces intérêts sont souvent égoïstes »45.
Pour bien comprendre le concept de structure, il est important de commencer par relever
qu’Alexander Wendt considère que « l’ ‘‘agent’’ (son identité, ses intérêts, par exemple
l’intérêt national de l’État) n’existe pas indépendamment de la ‘‘structure’’»46. Les deux
concepts sont en permanence intéraction.
Selon Wendt, la structure est composée de trois éléments : les connaissances partagées - marque
d’idéalisme - les pratiques et, enfin, les ressources matérielles, trace de son matérialisme
résiduel.47 Les connaissances partagées forgent la nature des relations interétatiques, qu’elles
soient « conflictuelles ou coopératives »48. Pour Wendt, ces connaissances partagées
s’accroissent en permanence au fur à et mesure des intéractions au sein du système.
Il nomme ce phénomène le processus de « sélection culturelle »49. Selon lui, cela peut se faire
de deux manières. Grâce à l’imitation, où l’acteur reproduit un comportement à succès, ou via
l’apprentissage social complexe, où l’acteur modifie ses identités et ses intérêts, au regard du
comportement et de la vision de ou des autres sur sa personne.50 Wendt qualifie cela d’effet
43
WENDT A., “Anarchy is what states make of it: the social construction of power politics”, Op. Cit., pp. 398.
44
WENDT A., Social Theory of International Relations, Op. Cit., pp. 234.
45
Ibid., pp. 113-114. [Nous soulignons].
46
TELO M., Relations internationales : une perspective européenne, Op. Cit., pp.135-136.
47
WENDT A., “Constructing International Politics”, Op. Cit., pp. 73.
48
Loc. Cit.
49
WENDT A., Social Theory of International Relations, Op. Cit., pp. 324.
50
Ibid., pp. 327.
16
miroir.51 On notera donc que « dès qu’il y a différence, il y a possibilité de changement. En
revanche, ce n’est pas parce que le monde est socialement construit qu’il est malléable à
souhait »52.
La négociation peut être définie comme « une communication ciblée consistant en des
stratégies élaborées et mises en œuvre par deux ou plusieurs acteurs pour poursuivre ou
défendre leurs intérêts »53. Cette définition se concentre sur les « relations actives de
communication et de transaction »54 entre acteurs. Ces relations sont génératrices d’une culture
propre qui façonne les priorités des négociateurs.55 Les positions de chaque protagoniste sont
tantôt confrontées, tantôt assemblées, voire imbriquées les unes aux autres pour tenter de
dégager un compromis acceptable à l’ensemble des parties.
Depuis quelques décennies, les négociations multilatérales ont le vent en poupe. Bien que la
diplomatie bilatérale n’ait pas disparu, « elle a cédé beaucoup de terrain à la diplomatie
multilatérale qui se pratique dans les organisations internationales et les grandes conférences
mondiales »56.
Ces négociations, avec un nombre conséquent d’acteurs aux positions et intérêts variés et
souvent antagonistes, ont bouleversé les pratiques diplomatiques. Elles présentent quelques
caractéristiques :
51
WENDT A., Social Theory of International Relations, Op. Cit., pp. 324.
52
BRASPENNING T., "Constructivisme et réflexisme en théorie des relations internationales", Op. Cit., pp. 325.
53
AVENHAUS R. & ZARTMAN I. W, “Introduction: Formal Models of, in, and for International Negotiations”, In
AVENHAUS R. & ZARTMAN I. W (dirs.), Diplomacy Games: Formal Models and International Negotiations, New-
York, Springer, 2007, pp. 5.
54
BATTISTELLA Dario, PETTITEVILLE Franck, SMOUTS Marie-Claude & VENNESSON Pascal, Dictionnaire des
relations internationales, Op. Cit., pp. 379.
55
PLACIDI-FROT D., « Les négociations internationales à travers le prisme des sciences sociales », In PETTITEVILLE
F. & PLACIDI-FROT D., Négociations Internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, pp. 39.
56
BATTISTELLA Dario, PETTITEVILLE Franck, SMOUTS Marie-Claude & VENNESSON Pascal, Dictionnaire des
relations internationales, Op. Cit.,pp. 127.
57
DEVIN G., « Paroles de diplomates : Comment les négociations multilatérales changent la diplomatie », In
PETTITEVILLE F. & PLACIDI-FROT D., Négociations Internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, pp. 83.
17
différentes branches du gouvernement ayant des intérêts en jeu, en fonction de la thématique
abordée, doivent se mettre d’accord sur la position à adopter. Par la suite, un mandat est attribué
à une délégation58 qui suit les négociations et défend les intérêts « vitaux ou souhaitables »59
définis par son État. La charge de travail peut être importante et les délégations doivent être
préparées -pour chaque réunion, à chaque stade des négociations- si elles veulent pouvoir y
jouer un rôle actif.
Troisièmement, dans cet environnement compétitif, alors que « l’inaction est imprudente [et
que] l’action est périlleuse »61, les membres des délégations vont souvent chercher à tisser des
liens avec des acteurs partageant, en tout ou un partie, leurs idées. L’isolement devient l’ennemi
juré du négociateur.62 A l’aune de ces éléments, on remarque que c’est tout le rapport de force
qui est modifié. On ne cherche plus à imposer, il est préférable de convaincre. Il faut veiller « à
ne pas trop abuser de ses avantages et à ne pas trop mettre en avant ses intérêts nationaux à
moins de les « habiller » en intérêts communs. Ainsi, il ne viendrait pas à l’idée d’une partie,
dans une négociation bilatérale, de reprocher à l’autre l’allégation explicite d’intérêts propres.
En revanche, dans une négociation multilatérale, il est habituel de discréditer un adversaire en
montrant qu’il défend uniquement ses intérêts nationaux ».63
58
Une délégation est définie par Berridge comme un « groupe envoyé pour représenter un État ou un autre
organisme à une conférence internationale ou à une autre forme de rassemblement. Un tel groupe peut être très
grand, surtout si la conférence est importante et a un vaste ordre du jour, et si l'État qui l'envoie est riche ».
BERRIDGE G.R., JAMES A., A dictionary of diplomacy, 2nd Ed., New York, Palgrave Macmillan, 2003, pp. 67
59
Qualification donnée par BERRIDGE G.R., JAMES A., A dictionary of diplomacy, Op. Cit.,. pp. 180. Nous pouvons
ici faire le parallèle avec les intérêts objectifs (vitaux) et subjectifs (souhaitables) d’Alexander Wendt. Ces notions
théorique sont définies à la pp. 16 du présent travail.
60
DEVIN G., « Paroles de diplomates : Comment les négociations multilatérales changent la diplomatie », Op. Cit.,
pp. 86.
61
Ibid., pp. 87.
62
Ibid., pp. 90.
63
Ibid., pp. 94.
18
ouvert les portes, souvent closes par le passé, des négociations internationales.64 Néanmoins,
ce plus grand nombre d’acteurs et cette plus grande publicité incitent souvent les acteurs
étatiques à recourir à des méthodes de négociation informelle, afin de récupérer des espaces de
discussion ‘‘sécurisés’’, où parler librement.
64
RAUSTIALA K., “NGOs In International Treatymaking”, In HOLLIS D. B., The Oxford Guide to Treaties, 1st Ed.,
Oxford, Oxford University Press, 2014, pp. 11.
19
Section 4. Contextualisation
4.1. La genèse
L’idée resurgit en 1919, dans le Traité de Versailles, ainsi que pendant l’entre-deux guerres.
Cependant, il faudra attendre les Accords de Londres du 8 aout 1945 pour que se concrétise,
pour la première fois, la mise en place d’un tribunal de droit international pénal contemporain,
par le biais du Tribunal militaire international de Nuremberg.66 Le Tribunal international pour
l’Extrême-Orient, surnommé le Tribunal de Tokyo, verra le jour un semestre plus tard. Ces
deux tribunaux ad hoc ont subi des critiques, car ils incarnaient une certaine ‘‘justice des
vainqueurs’’ et ne respectaient pas le principe de nullum crimen nulla poena sine lege.67
Après la signature de différents textes de droit international pénal, dont les Conventions de
Genève de 194968, on constate que « le droit international humanitaire souffre ainsi
d’hémiplégie : la richesse des règles de fond – prévention et incrimination – se délite dans
l’inefficacité des moyens de contrôle ».69 Malheureusement, l’intermède de la Guerre froide
65
GUSTAVE MOYNIER, Note sur la création d’une institution judiciaire internationale propre à prévenir et à réprimer
les infractions à la Convention de Genève, Extrait du bulletin n° 11, Genève, Imprimerie Soullier et Wirth, 19,
1872, 12 p. Et GLASIUS M., The International Criminal Court: a global civil society achievement, Routledge, New
York, 2006, pp. 6.
66
Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de
l'Axe et statut du tribunal international militaire. Londres, 8 août 1945. https://ihl-
databases.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/52d68d14de6160e0c12563da005fdb1b/ef25b8f448034148c1256417004b1ce
6
67
GLASIUS M., The International Criminal Court: a global civil society achievement, Op. Cit., pp. 25.
68
La Convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en
campagne, la convention de Genève pour l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des
forces armées sur mer, la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre et la Convention
de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, toutes signées en date du 12 aout 1949.
69
BUCHET A. & TALLGREN I., « Sur la route de Rome : Les négociations préalables à l’adoption du Statut de la
Cour pénale internationale », In FERNANDEZ J., PACREAU X. & UBEDA-SAILLARD M. (dirs.), Statut de Rome de la
Cour Pénale Internationale : Commentaire article par article, 2e Edition, Tome 1, PEDONE, Paris, 2019, pp. 276.
20
gèlera les espoirs d’émergence d’une cour permanente pendant plusieurs décennies. En effet,
« l’antagonisme Est-Ouest de même que certaines réticences tant parmi les démocraties
occidentales que dans nombre d’États issus de la décolonisation ne favorisèrent pas l’avancée
des négociations internationales ».70
A la fin de la Guerre froide, l’idée est relancée, à la tribune des Nations unies, par Arthur
Robinson, Premier ministre de la République de Trinité-et-Tobago, qui souhaite l’instauration
d’une cour pénale internationale pour « juger les personnes soupçonnées de crimes
internationaux, y compris les personnes impliquées dans le trafic illicite de stupéfiants ».71
Les Nations unies prennent les choses en main en mandatant la Commission du droit
international, chargée de la codification et du développement progressif du droit international,
« d’étudier la question de la création d’une cour de justice pénale internationale ou d’autre
mécanisme juridictionnel pénal à caractère international ».72
En 1993, puis en 1994, l’hydre des conflits entraine une nouvelle fois la mise en place de deux
tribunaux ad hoc chargés de la répression des crimes commis au Rwanda, ainsi qu’en Ex-
Yougoslavie.73 Ces deux tribunaux, bien que fortement différents d’une juridiction permanente
à vocation universelle, vont contribuer à instaurer l’idée que la poursuite des responsables des
crimes les plus graves est possible au niveau international.74
70
PACREAU X., « La Cour Pénale Internationale comme un objet historique », In FERNANDEZ J., PACREAU X. &
UBEDA-SAILLARD M. (dirs.), Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale : Commentaire article par article,
Op. Cit., pp. 49.
71
GLASIUS M., The International Criminal Court: a global civil society achievement, Op. Cit., pp. 10-11.
72
Résolution 44/39 de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, A/RES/44/39, Adoptée le 4
décembre 1989.
73
Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, S/25274, adopté le 10 février 1993 Et Le Conseil de
sécurité de l’Organisation des Nations unies, S/19941115, adopté le 24 septembre 1994.
74
GLASIUS M., The International Criminal Court: a global civil society achievement, Op. Cit., pp. 13.
75
Projet de Statut d’une Cour criminelle international, Doc. A/CN.4/L.490, 1993.
76
Projet de Statut d’une Cour criminelle internationale et commentaires y relatifs, Doc. A/CN.4/L.491/Rev.2,
1994.
21
Suite à cette demande, l’AGNU établit un comité ad hoc qui rendit un rapport l’année suivante
portant sur « les principales questions de fond et d’ordre administratif que soulevait le projet
de statut et sur les modalités de convocation de la conférence internationale ».77 De
nombreuses divergences d’opinion sont relevées durant les travaux. Suite à cela, l’AGNU
décida de créer une commission préparatoire (PrepCom) « ayant pour vocation de réaliser une
synthèse entre le projet de statut préparé par la Commission du droit international et le rapport
du comité ad hoc »78. Ce mandat initial d’un an sera élargi à la fin de l’année 1996 pour couvrir
en tout six sessions de deux ou trois semaines, sous la présidence du hollandais Adriaan Bos.
Les travaux de la PrepCom se poursuivirent jusqu’à la remise de son projet définitif en avril
1998.79
4.3. L’organisation de la Conférence diplomatique des plénipotentiaires pour la création d’une Cour pénale
internationale
Le 15 juin 1998, dans les locaux de la FAO de Rome, le Secrétaire général des Nations unies,
Koffi Annan marque, par son intervention, le début de la Conférence diplomatique sur la
création d’une cour criminelle internationale. Elle se terminera le 17 juillet 1998 par l’adoption
du Statut de Rome avec 120 voix pour, 7 voix contre et 20 abstentions81. Après de longues
années de vicissitudes, la signature du Traité de Rome apparait comme l’aboutissement de
différentes tentatives d’institutionnalisation de la justice pénale internationale.
77
L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, Rapport du Comité ad hoc pour la création d’une
cour criminelle internationale, A/50/22, présenté à la Cinquantième session, le 06 décembre 1995.
78
Résolution 50/46 de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, A/RES/50/46, Adoptée le 18
décembre 1995.
79
L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, Rapport du comité préparatoire pour la création
d’une cour criminelle internationale, A/CONF.183/2/Add. 1, le 14 avril 1998.
80
BUCHET A. & TALLGREN I., « Sur la route de Rome : Les négociations préalables à l’adoption du Statut de la
Cour pénale internationale », Op. Cit., pp. 282.
81
Acte final de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour
criminelle internationale, 17 juillet 1998, Documents officiels de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires
des Nations Unies sur la création d'une cour pénale internationale, Vol. 1, pp. 69-81.
22
La Conférence regroupait différents organes. Tout d’abord, le comité plénier, présidé par le
canadien Philip Kirsch, était chargé de l’élaboration du Statut dans son ensemble82. Ensuite,
des groupes de travail avaient été mis sur pied, afin de traiter respectivement des différentes
parties du projet de statut. Les présidents de ces groupes formaient ensemble le bureau, qui était
chargé « d’épaule(r) le président et (de) traite(r) non seulement des questions relatives à la
conduite des travaux mais aussi des sujets politiques les plus épineux »83. Enfin, une fois les
propositions élaborées et acceptées par les différents organes compétents, elles étaient
transmises au comité de rédaction dont le rôle était de veiller au maintien d’ « une certaine
cohérence juridique et terminologique entre les différents morceaux en gestation »84.
Parallèlement à ces organes institués, se tenaient beaucoup d’échanges informels entre les
délégués présents à Rome.
Au sein de cette structure débattaient les membres des délégations envoyées par cent-soixante
États. A l’époque, cela représente un record de participation pour une conférence de
codification des Nations unies. A côté des acteurs mandatés par leur gouvernement se tenaient
des délégués des organisations non-gouvernementales, ainsi que des journalistes. Les
procédures réglant leur accréditation et leur participation sont développées supra.
82
KIRSCH P. et HOLMES J., « The Rome Conference on an International Criminal Court: The Negotiating Process »,
The American Journal of International Law, Vol. 93, No. 1, 1999, pp. 3.
83
BUCHET A. & TALLGREN I., « Sur la route de Rome : Les négociations préalables à l’adoption du Statut de la
Cour pénale internationale », Op. Cit., pp. 279.
84
Loc. Cit.
23
Section 5. Les acteurs
Cette section a pour objectif de poser une base conceptuelle sur les différents termes qui seront
utilisés pour qualifier les acteurs au centre de nos recherches. Dario Battistella définit un acteur
en relations internationales comme « toute entité dont les actions transfrontalières affectent la
distribution des ressources et la définition des valeurs à l’échelle planétaire »85. Selon cette
définition, il semble à ce stade prématuré de considérer les organisations non-gouvernementales
et la Coalition comme de véritables acteurs des relations internationales. Dès lors, nous
distinguons les acteurs étatiques, sujets complets des RI de par leur « monopole d’édiction du
droit international »86, qui les proclame paradoxalement comme « comme créateur(s) de la
norme et comme destinataire(s) de la règle »87, des acteurs non-étatiques, comme les
organisations non-gouvernementales, se définissant par la négative, comme « tout ce qui n’est
pas l’État », et dont le rôle reste à déterminer.
5.1.1. Définition
Dans le système westphalien, l’acteur étatique se distingue de l’acteur non étatique en ce qu’il
est souverain88 sur son territoire. Au niveau juridique, la Convention sur les droits et devoirs
des États adoptée à Montevideo mentionne en son Article 1er que « l'État comme personne de
droit international doit réunir les conditions suivantes : population permanente, territoire
déterminé, gouvernement [et] capacité d'entrer en relations avec les autres Etats »89. Ce dernier
critère, qui renvoie au caractère interétatique de la scène internationale, est notamment mis en
exergue lors des conférences diplomatiques, telle que la Conférence de Rome.
85
BATTISTELLA D., PETTITEVILLE F., SMOUTS M-C. & VENNESSON P., Dictionnaire des relations internationales,
Op. Cit., pp. 1.
86
RUBIO F., « Perspectives historiques de l’impact des acteurs non étatiques sur le rédaction des traités
internationaux », In BEN ACHOUR Rafâa, AGHMANI Slim (dirs.), Acteurs non étatiques et droit international,
Rencontre internationales de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, A. PEDONE, avril
2006, pp. 65.
87
LE GOFF G., L’influence des Organisations Non Gouvernementales sur la négociation de quelques instruments
internationaux, [Thèse de doctorat, McGill University Montréal], Aout 1999, pp. 13.
88
Pour la notion de souveraineté, voir notamment Jean Bodin, Traité sur la République de 1576.
89
Article 1er de la Convention sur les droits et devoirs des Etats adoptée par la septième Conférence internationale
américaine, signée à Montevideo le 26 décembre 1933.
24
Au niveau de la doctrine, de nombreuses écoles se sont essayées à élaborer une définition de
l’État. Dans le cadre de ce travail, nous retenons les critères attribués par Alexander Wendt, tels
qu’exposés précédemment.90
A titre liminaire, précisons ici que l’État ne doit pas être vu comme un tout, unique, n’ayant
qu’une seule vision. Dans le cas présent, la délégation française représente et défend la position
de la France émanant d’un compromis interne, rassemblant les intérêts des différents organes
administratifs concernés. Premièrement, l’Élysée rassemble le Président, à savoir Jacques
Chirac à l’époque, et ses collaborateurs. Durant son mandat, le Président oriente notamment la
politique étrangère de la France.91 Deuxièmement, Matignon, où siège le chef du gouvernement,
a abrité Lionel Jospin entre juin 1997 et mai 2002. Ce dernier succédait à Alain Juppé, en poste
depuis mai 1995. Matignon rendit plusieurs arbitrages, en fonction des orientations des
différents ministères concernés durant les travaux sur la CPI.92 Troisièmement, les ministères
évoqués ci-dessus ne sont autres que le Quai d’Orsay, à savoir le Ministère des Affaires
étrangères, ainsi que ceux de la Justice et de la Défense. Les différentes administrations ont des
postures et des intérêts divergents ce qui implique que la définition d’une position à défendre
sur la scène internationale s’élabore préalablement au fil de longues négociations
interministérielles.
90
Voir cadre théorique pp. 13 et suivantes.
91
LEFEBVRE M., La politique étrangère de la France, Paris, Que sais-je ?, 2019, pp. 105.
92
AOUN E., FICET J., « La mobilisation d'un réseau d'ONG: La coalition française pour la Cour pénale
internationale et la ratification du Traité de Rome par la France » In SIMÉANT J., DAUVIN P., ONG et humanitaire,
L’Harmattan, Paris, 2004, pp. 69-70.
93
Comptes rendus analytiques des séances plénières et des séances de la Commission plénière, 17 juillet 1998,
Documents officiels de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une
cour pénale internationale, A/CONF.183/13, Vol. II, pp. 21-22.
25
comptait qu’un seul et unique représentant présent physiquement à Rome. Celles du Nicaragua,
du Togo ou encore de République Centre-Africaine, n’en comptaient respectivement que deux.
5.2.1. Définition
Le terme ONG apparait dans l’article 71 de la Charte des Nations unies de 194594. A l’heure
actuelle, il n’existe pas de définition ou de statut universel des ONG. Elles dépendent toutes
« des règles nationales de l’État dans lequel est fixé leur siège ».95 Néanmoins, ces dernières
peuvent être caractérisées comme « des organisations composées d’individus qui se regroupent
volontairement en associations pour poursuivre des objectifs communs ».96 On remarque
d’emblée que cette définition est extrêmement vague et peut regrouper une myriade
d’organisations aux caractéristiques très différentes.
Pour tenter de palier à ce flou conceptuel, dans un ouvrage publié en 2006, Marc Poncelet et
Gautier Pirotte, énoncent une série de critères qui permettent de les distinguer :
Si ces critères permettent de mieux différencier ce qu’est ou n’est pas une ONG, il semble dès
à présent opportun de rappeler l’importance de la diversité et la complexité du monde des ONG.
94
Article 71 de la Charte des Nations unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945, entrée en vigueur le 24 octobre
1945 : « Le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les organisations
non gouvernementales qui s'occupent de questions relevant de sa compétence » [nous soulignons].
95
BONIFACE P. (dir.), Dictionnaire des relations internationales, Hater, Paris, 1996, pp. 242.
96
BATTISTELLA D., & als., Dictionnaire des relations internationales, Op. Cit., pp. 374.
97
PONCELET M., PIROTTE G. et al., Les ONG en villes africaines, Louvain-la-Neuve, Academia, 2006, 191 p.
26
Considérer les organisations non-gouvernementales comme un acteur « unique » serait une
erreur.
Le 10 février 1995, vingt-cinq ONG créèrent la Coalition pour la Cour pénale internationale,
afin d’unir leur efforts en vue pallier aux désavantages que leur diversité pourrait leur causer.
La force motrice de cette association est le Mouvement Fédéraliste Mondial et, notamment, son
directeur exécutif, William Pace98. Avec l’aide de Christopher Hall, membre d’Amnesty
International, ce dernier imagine une coalition construite sur un mode d’organisation souple et
décentralisé99. La Coalition définit « les grandes lignes d’action »100, tout en laissant
l’opportunité à ses membres de se concentrer sur ce qui a trait à leurs expertises et leurs objectifs
propres.101 Cenap Cakmak relève que la diversité est un élément caractéristique-clé des
coalitions d’ONG.102 A cela, il ajoute la flexibilité et une orientation stratégique basée sur un
ou peu d’éléments précisément déterminés103, tout en précisant que les coalitions d’ONG ne
sont jamais identiques.104
Dans le cas présent, « le principal organe exécutif de cette alliance mondiale est le Comité
directeur de la CCPI, qui a la responsabilité première de déterminer les objectifs de la
Coalition, d'assurer la coopération et de fournir une "supervision stratégique cruciale" ».105
Selon une vision pyramidale, en dessous de ce comité se trouve le secrétariat, puis les différents
membres.
Au fur et à mesure des mois, puis des années, la CCPI gagna de plus en plus de membres106.
Des coalitions régionales ou sectorielles se créèrent en son sein, comme la Coalition Française
98
CAKMAK C., “Transnational Activism in World Politics and Effectiveness of a Loosely Organized Principled
Global Network: The Case of the NGO Coalition for an International Criminal Court”, International Journal of
Human Rights, Vol. 12, No. 3, 2008, pp. 375
99
DOUCIN M., Les ONG : le contre-pouvoir ?, Op. Cit., pp. 242.
100
Loc. Cit.
101
CAKMAK C., “Transnational Activism in World Politics and Effectiveness of a Loosely Organized Principled
Global Network: The Case of the NGO Coalition for an International Criminal Court”, Op. Cit., pp. 379.
102
CAKMAK C., « Coalition Building in World Politics: definitions, connections, and examples », Perceptions,
winter 2007, pp. 5.
103
Ibid. pp. 5-6.
104
Ibid. pp. 19.
105
CAKMAK C., “Transnational Activism in World Politics and Effectiveness of a Loosely Organized Principled
Global Network: The Case of the NGO Coalition for an International Criminal Court”, Op. Cit., pp. 378.
106
Notons que la procédure d’adhésion était des plus simplistes, les ONG désirant rejoindre la Coalition devaient
uniquement remplir un formulaire et le renvoyer au comité de coordination.
27
pour la Cour pénale internationale, élaborée de manière informelle dans les derniers mois de
1997.107
107
Voir leur site internet : https://www.cfcpi.fr/spip.php?rubrique8/
108
Comptes rendus analytiques des séances plénières et des séances de la Commission plénière, 17 juillet 1998,
Documents officiels de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une
cour pénale internationale, A/CONF.183/13, Vol. II, pp. 21-22.
109
GLASIUS M., The International Criminal Court: a global civil society achievement, Op. Cit., pp. 27.
110
On retrouve : le groupe chargé des définitions, du consentement des États, des mécanismes de déclenchement
et de la recevabilité, des principes généraux, de la composition de la Cour, des enquêtes, des procès – appels et
révisions, des peines, de la coopération et de la sécurité nationale, de l’exécution, du financement et des clauses
finales.
111
Center for Development if International Law, Center for UN Reform Education & World Federalist
Mouvement, Rome Report of the Coalition for an International Criminal Court, chez l’auteur, The Hague, 2018,
pp. 386 et pp. 392
28
Section 6. Quels furent les moyens d’action de la Coalition pendant la
Conférence ?
L’exposé des extraits les plus significatifs de cette résolution permet de comprendre le rôle
capital des États quant à l’accès des ONG aux conférences. Cet accès est pourtant un élément
crucial dans leur campagne d’action. « Pour influer sur le contenu de la négociation, les ONG
ont besoin d'être physiquement présentes sur les lieux des négociations ».118
112
Résolution 1996/31 du Conseil économique et social des Nations unies, E/RES/1996/31, Adoptée le 25 juillet
1996.
113
Ibid., partie 7.
114
Ibid., partie 7, point 41.
115
Ibid., partie 7, point 44.
116
Ibid., partie 7, point 50.
117
Idid., partie 7, point 57.
118
LE GOFF G., L’influence des Organisations Non Gouvernementales sur la négociation de quelques instruments
internationaux, Op. Cit., pp. 55.
29
La liste des ONG accréditées pour assister à la Conférence fut arrêtée le 5 juin 1998 dans une
note du Secrétaire général.119 La Coalition a joué un rôle de catalyseur et de tri des demandes,
afin de présenter une liste réduite d’acteurs particulièrement intéressés et compétents au
Secrétaire général.120 C’est en tout deux-cent-trente-cinq représentants de cent-trente-quatre
organisations non-gouvernementales qui ont foulé le parquet du FAO entre le 15 juin et le 17
juillet 1996.
La participation des ONG est réglementée par la résolution 52/160 de l’Assemblée générale.
Elle stipule que « par participation, il faut entendre assister aux séances plénières et, à moins
que la Conférence n’en décide autrement dans des situations particulières, aux séances
officielles de ses organes subsidiaires, à l’exception du groupe de rédaction, recevoir les
documents officiels, mettre leur documentation à la disposition des délégations et faire des
déclarations, en nombre limité, aux séances d’ouverture ou de clôture, ou aux deux, selon qu’il
conviendra, conformément au règlement intérieur qu’adoptera la Conférence »121. En ce qui
concerne les ONG, le règlement intérieur conserve cette nomenclature. Le temps de parole était
fixé à sept minutes pour les États, contre trois minutes pour « un petit nombre d’ONG ».122
Les déclarations mentionnées par la résolution constituent pour les ONG « un moyen de se faire
connaitre et un moyen d’expression de leurs revendications ».123 C’est ainsi que William Pace
pris notamment la parole le 15 juin, lors de la seconde séance plénière, afin de rappeler les
éléments-clés des revendications de la Coalition et de ses membres. Lors de cette courte
intervention, le coordinateur de la CCPI a plaidé pour « une Cour pénale internationale
119
Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Organisations non gouvernementales accréditées
pour participer à la Conférence, A/CONF.183/INF/3, LE 5 juin 1998.
120
Center for Development if International Law, Center for UN Reform Education & World Federalist Movement,
Rome Report of the Coalition for an International Criminal Court, Op. Cit., pp. 10.
121
Résolution 52/160 de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, A/RES/52/160, Adoptée le 15
décembre 1997, Point 9.
122
Organisation des Nations unies, La Conférence diplomatique des Nations unies sur la création d’une cour
criminelle internationale se réunira à Rome du 15 juin au 17 juillet 1998, [Communiqué de presse], L/201, Le 12
juin 1998.
123
M’RAD H., « La participation des acteurs non étatiques aux conférences internationales », In BEN ACHOUR R.,
AGHMANI S. (dirs.), Acteurs non étatiques et droit international, Rencontre internationales de la faculté des
sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, A. PEDONE, avril 2006, pp. 89.
30
permanente juste, équitable, efficace et indépendante »124, tout en insistant sur la responsabilité
des États quant à l’aboutissement des négociations.125
Malgré l’éloquence et le ton parfois acrimonieux des discours des représentants d’ONG ou de
la Coalition, une fois de plus, ce sont aux États participants qu’il appartient d’accorder ou non
ce temps de parole précieux et d’en régir l’ensemble des modalités.
Nous savons que deux-cent-trente-cinq représentants d’ONG ont été conviés à la Conférence
de Rome et que la Coalition regroupait, au même moment, plusieurs centaines de membres.
Face à cette myriade d’organisations, le rôle principal de la CCPI, comme nous l’avons
brièvement exposé précédemment126, était d’assurer la coordination entre les acteurs et de
faciliter leur participation. En amont de la Conférence, la Coalition a soutenu les démarches
administratives des ONG souhaitant être accréditées. Pendant la Conférence, elle a divisé le
travail, organisé des meetings, veillé à la diffusion des grands principes et représenté ses
membres lorsque cela s’avérait nécessaire.
D’abord, face à cette cohorte d’acteurs, il était indispensable de centrer les revendications et de
fournir un discours cohérent et stable tout au long des négociations. Pour ce faire, en plus
d’avoir édicté quelques grands principes, la CCPI organisait chaque jour des meetings
stratégiques ouverts à l’ensemble de ses membres.127 De plus, la Coalition servait en quelque
sorte d’écran de transmission et de catalyseur. Cela renforce le discours des ONG, car il ne
124
Point 11 de l’ordre du jour de la 2ème séance plénière le lundi 15 juin 1998 à 15h10 sous la présidence de M.
Conso. Examen de la question concernant la mise au point et l'adoption d'une convention portant création d'une
cour pénale internationale conformément aux résolutions 51/207 et 52/160 de l'Assemblée générale, en date des
17 décembre 1996 et 15 décembre 1997 respectivement. Voir dans : Comptes rendus analytiques des séances
plénières et des séances de la Commission plénière, 17 juillet 1998, Documents officiels de la Conférence
diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour pénale internationale, Op. Cit., pp.
76.
125
Loc. Cit.
126
Voir pp. 27 du present travail.
127
‘“NGOs Attending Rome Conference Meet for First Strategy Session”, The International Criminal Court
Monitor, No. 2, June 16, 1998, pp. 4.
31
rencontre pas d’opposition. Tous les acteurs concernés sont d’accord sur le message à
transmettre et les interlocuteurs sont identifiés, ce qui augmente l’impact espéré.128
Ensuite, « la Coalition a mis en place treize équipes couvrant chaque partie du Statut »129. Eu
égard au nombre conséquent de réunions simultanées130 qui prenaient place dans les différentes
salles allouées à la Conférence, cette division du travail s’est avérée être particulièrement
payante. Premièrement, les délégués présents dans chaque groupe avaient une « grande
responsabilité dans la transmission quotidienne des observations, des informations et des
analyses à toutes les personnes présentes. Cette nouvelle technique a renforcé le sentiment de
responsabilité et de solidarité des participants des ONG ».131 Deuxièmement, nous avons
antérieurement fait état des inégalités qui régnaient parmi les délégations, notamment au regard
de leur taille.132 Cette couverture presque totale des réunions par les acteurs non-
gouvernementaux a permis à des petites délégations de recevoir un condensé des discussions
en cours, malgré leur incapacité à assurer une présence physique à l’entièreté des réunions.133
Cela renforça les intéractions entre les acteurs étatiques et non-étatiques. Troisièmement,
l’organisation dont les ONG ont su faire preuve leur a conféré une place de choix en tant que
diffuseur de l’information, tant vis-à-vis des délégués présents, que du monde extérieur. Cela a
sans doute renforcé leur assise, de même que leur légitimité. Nous aurons l’occasion de revenir
sur ce point par la suite.
« Savoir pour pouvoir »134, c’est une chose que les ONG semblent avoir bien intégrée et
qu’elles ont mis en exécution lors des négociations. En effet, lorsque Margaret Keck et Kethryn
128
LE GOFF, G., « Les clés de l'influence des ONG dans la négociation de quelques instruments internationaux »,
Revue québécoise de droit international, Vol. 13, No. 2, 2000, pp. 188.
129
“NGO “Teams” to Monitor Negotiations”, Terra Viva, No.1, June 15, 1998, pp. 6.
130
Dans Common Ground radio, “The New Court : Civil Society’s Victory”, Program 9840, Iowa, Le 6 octobre
1998, William Pace relève que 12 à 13 réunions pouvaient se tenir en même temps à certains moments de la
conférence de Rome.
131
BENEDETTI F. et WASHBURN J., « Drafting the International Criminal Court Treaty: Two years to Rome and an
Afterword on the Rome Diplomatic Conference », Global Governance, Vol. 5, No. 1, 1999, pp. 32.
132
Voir pp. 25 du présent travail Et “Yes, size does matter”, Terra Viva, No. 9, June 25, 1998, pp. 5.
133
CAKMAK C., “Transnational Activism in World Politics and Effectiveness of a Loosely Organised Principled
Global Network: The Case of the NGO Coalition for an International Criminal Court”, Op. Cit., pp. 383.
134
LE GOFF G., L’influence des Organisations Non Gouvernementales sur la négociation de quelques instruments
internationaux, Op. Cit., pp. 8.
32
Sikkink évoquent les réseaux de cause transnationaux135, elles relèvent que « la capacité à
générer des informations rapidement et avec précision, et à les déployer efficacement, est leur
monnaie la plus précieuse ; elle est également au cœur de leur identité ».136
6.3.2.2. Des membres des ONG intégrés au sein même de certaines délégations
étatiques
C’est un phénomène qui semble assez récurrent, auprès des États qui manquent de moyens, lors
des conférences multilatérales.138 Dans le cas présent, l’ONG No Peace Without Justice avait
lancé un projet d’assistance judiciaire, par le biais duquel elle a envoyé une grosse trentaine de
juristes en soutien dans les délégations de certains petits États.139 Parmi ces États on retrouvait
la Bosnie-Herzégovine, le Sénégal, les Comores, le Congo, etc.
A côté de cela, des gouvernements de pays « riches », ayant des ressources suffisantes et des
délégations de taille pour suivre les négociations, ont intégré « des représentants d'ONG dans
135
Selon les auteures, « un réseau transnational de défense des intérêts comprend les acteurs travaillant au niveau
international sur une question donnée, qui sont liés par des valeurs communes, un discours commun et des
échanges denses d'informations et de services » KECK M. E. & SIKKINK K., « Transnational advocacy networks in
international and regional politics », International Social Science Journal, Vol. 51, 1999, pp. 89. Rappelons à cet
égard qu’une coalition d’ONG est par essence un réseau de cause, mais que tous les réseaux de cause ne sont pas
des coalitions d’ONG.
136
KECK M. E. & SIKKINK K., « Transnational advocacy networks in international and regional politics », Op.
Cit., pp. 92.
137
GLASIUS M., The International Criminal Court: a global civil society achievement, Op. Cit., pp. 39.
138
On peut notamment citer l’exemple repris par Anna-Karin Lindblom dans son article « Non-Governmental
Organisations in International Law », Cambridge University Press, 2005, pp. 476 : « l'organisation FIELD
(Foundation for International Environmental Law and Development), qui a bâti une relation de confiance telle
avec certains micro-États, que ses membres ont pris pour habitude de les représenter à différentes conventions
environnementales ».
139
Common Ground radio, “The New Court: Civil Society’s Victory, Op. Cit..
33
leurs délégations en guise de geste de bonne volonté ». On citera à cet égard le Canada qui a
inclu une membre du Women's Caucus for Gender Justice in the ICC à titre de conseillère.140
Amandine Orsini et Daniel Compagnon établissent quatre formes d’action des acteurs non-
étatiques sur les États. Parmi celles-ci, le conseil est défini comme une technique qui « consiste
à interagir ouvertement avec les délégations étatiques afin de faire valoir une position de
négociation, par des déclarations publiques, la distribution de lettres, de documents de travail,
de propositions d’articles de l’accord rédigés ou de diffusion de papiers de position ».141 Le
lobbying apparait quant à lui comme « le pendant informel du conseil. Il peut prendre la forme
de pots-de-vin, d’intimidation de délégués, d’invitations à des dîners et cocktails, etc. ou bien
de conversations de couloir »142.
6.3.2.3.1. Conseil
Les membres de la Coalition sont entrés en contact avec leur gouvernement respectif que ces
derniers soient, ou non, déjà investis dans les travaux pour la création de la Cour.
En marge de la Conférence, William Pace, ancien président de la CCPI relève que « la Coalition
a organisé des réunions avec les délégations nationales et régionales des comités préparatoires
de la CPI ».143 Indépendamment, des membres ont également suivi leurs propres plans d’action.
Marlies Glasius note à ce sujet qu’ « il n'y a pas eu de campagne unique et consolidée. Chaque
groupe, et de nombreux individus, ont poursuivi leurs propres intérêts et stratégies ».144 On
reste donc toujours dans cette même logique de décentralisation et de liberté d’action au sein
de la Coalition. Cette méthode résulte de la pluralité d’acteurs et de leurs divergences.
140
Comptes rendus analytiques des séances plénières et des séances de la Commission plénière, 17 juillet 1998,
Documents officiels de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une
cour pénale internationale, Op. Cit., pp. 14.
141
ORSINI A. ET COMPAGNON D., « Les acteurs non étatiques dans les négociations multilatérales », Op. Cit.,
pp. 124-126.
142
Loc. cit.
143
PACE W., “NGOs and the Need for an International Criminal Court”, Harvard International Review, Vol. 20,
No. 2, 1998, pp. 28.
144
GLASIUS M., The International Criminal Court: a global civil society achievement, Op. Cit., pp. 37.
34
En outre, des fonds, comme le Fonds Mac Arthur145, ont été créés pour « encourager un
maximum d’États à participer aux travaux, en dépit de leur manque de ressources ».146 Les
États qui n’étaient pas encore investis dans les négociations, étaient aidés financièrement à les
rejoindre. Le but était d’augmenter les soutiens en vue de la création d’une cour effective et
indépendante, véritable leitmotiv de la Coalition.
6.3.2.3.2. Lobbying
Les pratiques informelles, en plus d’être très difficiles à intégrer dans une analyse, peuvent être
à double tranchant pour les acteurs non-étatiques. D’une part, les rencontres informelles
peuvent être une opportunité pour les ONG de sortir du cadre de participation qui s’impose à
elles et de créer des espaces de discussion avec les délégués étatiques. On pensera notamment
au diner organisé sur la terrasse du Palazzo FAO.147 Ces évènements décontractés, appelés side
events148, sont propices aux échanges et au réseautage. Les représentants des ONG peuvent
ainsi se faire connaitre et, par la même occasion, diffuser leurs revendications.
Cependant, d’autre part, l’accès à une série de ces rencontres peut leur être refusé. D’abord, en
raison du fait qu’il n’appartient qu’aux acteurs étatiques de déterminer les conditions d’accès
au sein des négociations multilatérales. Ensuite, ces derniers recourent parfois à des réunions
secrètes ou tout du moins restreintes, afin de pouvoir parler plus librement, en amoindrissant
les risques de fuite dans la presse.
Il semble opportun de directement relever un élément crucial qui se dégage de cette sous-
section. Il apparait, une fois de plus, que les États sont à la manœuvre dans les négociations
internationales, mais il est néanmoins intéressant de souligner que leur volonté de fermer les
portes de certaines réunions résulte, sans doute, tout du moins d’une méfiance vis-à-vis de la
presse et, ipso facto, de l’opinion publique.
145
John D. and Catherine T. Mac Arthur Foundation. Voir : https://www.macfound.org.
146
BUCHET A. & TALLGREN I., « Sur la route de Rome : Les négociations préalables à l’adoption du Statut de la
Cour pénale internationale », Op. Cit., pp. 289.
147
Center for Development if International Law, Center for UN Reform Education & World Federalist
Mouvement, Rome Report of the Coalition for an International Criminal Court, Op. Cit. pp. 27.
148
Side event : « manifestation qui se déroule en marge d’une autre » Commission générale de terminologie et de
néologie, Vocabulaire des relations internationales, Journal officiel du 15 septembre 2013, pp. 24.
35
6.3.2.4. Mobilisation de l’opinion publique
Pascal Boniface, définit l’opinion publique, « dans un pays donné, comme une opinion exprimée
par un nombre important de personnes sur une question d’intérêt général ».149 Il évoque
également la caractère ambigu de cette notion difficile à évaluer ou à mesurer.150 Là où l’auteur
se réfère à un territoire étatique, nous préférons adapter cette définition et commencer par « dans
un certain espace, à un moment donné ». Elle répond ainsi au caractère international de notre
objet d’étude et rend compte de la nature « volatile »151 de l’opinion publique.
La promotion de leurs activités et l’exercice de pressions sur les pouvoirs publics sont des
méthodes phares des ONG.152 Elles prennent la forme de ressources publiées via les différents
moyens de communication, de rassemblements, de campagnes, etc. Elles jouent de l’utilisation
stratégique des médias et de la communication153, afin de séduire l’opinion publique. Elles
tentent de jouer sur l’embarras politique de certaines positions ou décisions prises par les
autorités étatiques.154 A titre d’exemple, dans le Monitor du 14 juillet 1998, on peut lire « The
world is watching! »155 en gros titre. Toujours au sein de ce même périodique, les ONG ont,
tant pendant les travaux préparatoires que lors de la Conférence, comparé « les déclarations
publiques faites par les gouvernements à leurs citoyens, avec leurs déclarations lors des
négociations ».156
A côté de cela, dans les derniers instants cruciaux de la Conférence, le Monitor publiait des
« votes virtuels ». « La publication de nombres concrets de "votes" ainsi que de pourcentages
de pays en faveur de certaines propositions indiquaient clairement aux délégations ainsi qu'aux
ONG et à la presse quelles positions ont été soutenues par une large majorité de pays et
149
BONIFACE P. (dir.), Dictionnaire des relations internationales, Op. Cit., pp. 223.
150
Loc. Cit.
151
DOUCIN M., Les ONG : le contre-pouvoir ?, Op. Cit., pp. 212.
152
ORSINI . et COMPAGNON D., « Les acteurs non étatiques dans les négociations multilatérales », Op. Cit., pp.124-
126.
153
On notera sur ce point que le développement récent des canaux de communication facilite le travail des ONG.
La diffusion de l’information et l’accès aux discussions relatives à la chose publique sont plus aisés.
154
A titre d’exemple, Amnesty International est particulièrement passée maitre dans l’art de communiquer et s’est,
au fil des années, constituée un réseaux colossal à travers le monde, par lequel elle diffuse ses pétitions, appels et
autres demandent.
155
“The World is watching!”, The International Criminal Court Monitor, No. 22, 14 july, 1998, pp. 1-2.
156
PACE W., “NGOs and the Need for an International Criminal Court”, Op. Cit., pp. 28.
36
lesquelles ne l'ont pas été »157. Ces “votes virtuels” permettaient à chacun d’avoir une vision de
ce qui était défendu par la majorité des plénipotentiaires.158
On remarque que les ONG ont tenté de faire feu de tout bois en organisant un maximum
d’évènements pour faire parler de la Conférence de Rome et de ce qu’il s’y tramait. Ceci prouve
qu’elles sont conscientes de l’importance de mobiliser des stratégies de communication pour
tenter d’arriver à leurs fins. Obtenir le soutien de cette ‘‘opinion publique’’ apparait comme
une de leurs priorités.
Nous retiendrons de ce chapitre que la présence des ONG à la Conférence est un élément-clé
de leur tentative d’influence sur le résultat. Elles n’ont donc pas d’autre choix que celui de
tenter d’obtenir leur accréditation. Or, la formalité qui en découle cadre leurs activités, selon
les désidératas des acteurs étatiques.
Cependant, il ne faut pas non plus jeter un regard trop réducteur sur le travail qu’elles réalisent.
Leur expertise se révèle être un atout considérable, voire leur meilleure chance de réussite, tant
lorsqu’elles doivent trouver leur place, que défendre leurs objectifs. L’utilisation des moyens
de communication leur permet de diffuser cette expertise, mais aussi d’interpeler l’opinion
publique, de chercher du soutien.
157
PACE W. & THIEROFF M., Participation of non-gouvernemental organizations, In Lee R. S., The International
Criminal Court: The making of the Rome Statute, Op. Cit., pp. 385.
158
Exemple : Trigger mechanism and admissibility team report dated 22 june 1998, In Center for Development if
International Law, Center for UN Reform Education & World Federalist Mouvement, Rome Report of the
Coalition for an International Criminal Court, Op. Cit., pp. 89-65.
159
CICC, “Torchlight March shines Public Attention upon the Conference”, The International Criminal Court
Monitor, No. 24, 16 july, 1998, pp. 1.
160
CICC, « Amnesty Draws Thousands to Demonstration in Support of the Court”, The International Criminal
Court Monitor, No. 17, 7 july, 1998, pp. 1-2.
161
CICC, « NGO activities in Rome”, The International Criminal Court Monitor, No. 10, November 1998, pp. 11.
37
En outre, force est de constater que l’asymétrie des ressources et des capacités entre les États
ont une incidence sur le travail des ONG. À défaut de bénéficier de grands moyens, les petits
États semblent avoir plus vite besoin d’aide extérieure, qu’ils peuvent trouver auprès de la
Coalition.
38
Section 7. Dans quelle mesure les revendications de la CCPI furent-elles
intégrées au Statut ?
Au travers des lignes de cette section nous tenterons, d’une part, d’examiner dans quelle mesure
les revendications phares de la Coalition ont, ou non, été intégrées dans le document final.
D’autre part, nous mettrons ce résultat en perspective au travers de l’analyse des différents
effets extérieurs qui ont également pu jouer un rôle.
Dans un soucis de clarté, nous présentons ci-dessous un tableau à double entrée. Il reprend les
désidératas des ONG, ainsi que leur intégration, ou non, dans le texte du Statut de Rome.
162
Les thématiques choisies sont les points centraux des revendications de la Coalition. Pour rappel, comme nous
l’avons vu précédemment, chaque ONG était libre de défendre ce qui la concernait. La CCPI ne se concentrait que
sur un noyaux de revendications. Voir pp. 27 du présent travail.
163
Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, Nations
unies, R.T.N.U., Vol. 2187.
164
PACE W., “Awful ans Awesome Responsibility stands in front of US We cannot fail”, The International
Criminal Court Monitor, No. 2, June 16, 1998, pp. 1-2.
165
Center for Development if International Law, Center for UN Reform Education & World Federalist
Mouvement, Rome Report of the Coalition for an International Criminal Court, Op. Cit., pp. 15.
166
PACE W., “Awful ans Awesome Responsibility stands in front of US We cannot fail”, Op. Cit., pp. 1-2.
167
Center for Development if International Law, Center for UN Reform Education & World Federalist
Mouvement, Rome Report of the Coalition for an International Criminal Court, Op. Cit., pp. 15.
39
Crimes « Dispositions spécifiques pour les femmes Considérations spécifiques pour la
sexospécifiques et les enfants, et prise en compte des protection des femmes dans la définition
et genre préoccupations liées au genre ».168 des crimes169 et la composition de la
Cour170.
Dans la plupart des cas, on remarque que les revendications ont trouvé écho dans le Statut.
Cependant, elles sont souvent assorties d’un « mais ». Le procureur peut lancer une enquête de
sa propre initiative mais avec l’accord de la Chambre préliminaire, les conflits internes sont pris
en compte mais couvrent moins de points spécifiques, la compétence est automatique pour les
États ayant ratifié le Statut mais ils peuvent la bloquer pendant sept ans concernant les crimes
de guerre. Le Statut compte donc beaucoup de victoires en demi-teinte.
Concernant les crimes sexospécifiques, on remarque que les ONG ont beaucoup insisté sur cette
thématique. Le terme « viol » est récurent dans les interventions et les publications de la
CCPI.171 Les considérations liées au genre ont été relativement bien intégrées dans le Statut, en
dépit des réserves émises par certaines délégations concernant les grossesses forcées.172
7.2. Ces aboutissements peuvent-ils être directement imputés au travail des ONG ?
Le but de cette section est d’ouvrir les perspectives, afin de se rendre compte du fossé qu’il peut
y avoir entre ce qui est annoncé et la réalité, ainsi que de la multitude d’éléments qui peuvent
intervenir dans une négociation de ce type.
168
PACE W., “Awful ans Awesome Responsibility stands in front of US We cannot fail”, Op. Cit., pp. 1-2.
169
Exemples : Article 6 d) – Article 7, paragraphe 1, alinéa g) – Article 8, paragraphe 2, alinéa b), etc du Statut de
Rome pour la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, Op. Cit.
170
Article 36, paragraphe 8, alinéa a), point iii) du Statut de Rome pour la Cour pénale internationale, 17 juillet
1998, Op. Cit.
171
Intervention de William Pace, Point 11 de l’ordre du jour de la 2ème séance plénière le lundi 15 juin 1998 à
15h10 sous la présidence de M. Conso, Comptes rendus analytiques des séances plénières et des séances de la
Commission plénière, 17 juillet 1998, Documents officiels de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des
Nations Unies sur la création d'une cour pénale internationale, Op. Cit., Vol II, pp. 76 et Point 11 de l'ordre du
jour (suite) 3e séance plénière Mardi l6 juin l998, à l0hl0 : intervention de M. Sané, Comptes rendus analytiques
des séances plénières et des séances de la Commission plénière, 17 juillet 1998, Documents officiels de la
Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour pénale internationale,
Op. Cit., Vol II, pp. 86.
172
De nombreux pays avaient peur que l’incrimination des grossesses forcées n’ait à l’encontre de leur législation
en matière d’interruption volontaire de grossesse.
40
7.2.1. Le groupe des Like-minded
Pour rappel, comme Guillaume Devin le dépeint, les négociations multilatérales sont des
« mouvement[s] que l’on ne contrôle pas (en tout cas que l’on ne contrôle pas seul) et dans
lequel il faut trouver sa place ».173 Au cœur de cette dynamique, il peut être plus facile pour
des acteurs de trouver leur place auprès d’acteurs qui embrassent globalement les mêmes idées.
De cette manière, le groupe des like-minded - des États-pilotes ou États partageant les mêmes
idées-, est né d’une crainte partagée d’un report perpétuel du projet de création d’une CCI et de
la convocation d’une conférence internationale pour régler des questions y afférant.174 Ne
rassemblant au départ qu’une dizaine de membres, ce groupe informel comptait soixante-deux
délégations lors de la Conférence de juillet 1998.175 Calqué sur le même esprit que la Coalition,
les revendications des Like-minded étaient restreintes, ce qui permettait une plus large
adhésion.
Notons que la constitution de groupes d’États-pilotes comme celui-ci n’est pas quelque chose
de nouveau.176 Selon l’écrivain et professeur François Rubio, en fonction des thématiques
abordées, ces groupes de défense des intérêts étatiques circonstanciels et informels se
composent souvent du Canada, de la Suisse, de l’Autriche, la Suède, ou encore la Norvège.177
Dans le cas présent, on y retrouvait effectivement ces États, auxquels s’ajoutaient beaucoup
d’États Africains et Sud-américains. Le Royaume-Uni, membre permanent du Conseil de
sécurité, les a également rejoint.
La force des Like-minded se construit autour de l’effet cumulatif de leurs positions. En effet,
dans un rapport du groupe de travail sur les mécanismes de déclenchement de la compétence,
on peut lire que « le nombre de pays soutenant les Like-minded a fait pencher la balance, plus
173
Voir cadre théorique pp. 12 et suivantes du présent travail Et DEVIN G., « Paroles de diplomates : Comment les
négociations multilatérales changent la diplomatie », Op. Cit., pp. 86.
174
GLASIUS M., The International Criminal Court: a global civil society achievement, Op. Cit., pp. 22.
175
Ibid., pp. 23.
176
Center for Development if International Law, Center for UN Reform Education & World Federalist
Mouvement, Rome Report of the Coalition for an International Criminal Court, pp. 13.
177
RUBIO François, « Perspectives historiques de l’impact des acteurs non étatiques sur le rédaction des traités
internationaux », Op. Cit., pp. 77.
41
que l'influence des plus puissants ».178 Le groupe a également profité de la nomination du
canadien Philippe Kirsch au poste de président de la Conférence. Ce dernier a lui-même désigné
les quinze coordinateurs des différents groupes de travail, parmi lesquels se trouvaient onze
membres des Like-Minded.179
Dans ce type de négociation, l’isolement peut être extrêmement préjudiciable pour les acteurs.
Les USA se sont à plusieurs reprises retrouvés seuls dans leurs tentatives de restreindre le Statut.
L’exemplaire du Terra viva datant 22 juin 1998 relève en ce sens que le chef de la délégation
des États-Unis « était seul à défendre les intérêts américains avec des mots que peu de
diplomates voulaient entendre ».180De plus, la tentative de sabotage du vote final, au travers
d’une demande d’amendement par les USA, s’est également soldée par un échec grâce à
l’intervention de la Norvège.181
En outre, les liens entre le groupe et la Coalition étaient très étroits, « ils ont agi ensemble sur
la base d'une stratégie et d'un plan préétablis. Ils se sont fréquemment consultés et ont
développé des efforts concertés pour exercer le maximum d'influence sur les délégués
présents ».182
En se basant sur la pensée d’Alexander Wendt et, plus précisément, sur la notion de sélection
culturelle qu’il développe, nous pouvons déduire que le positionnement -sous-entendu les
intérêts- d’un si grand nombre d’acteurs sur une question, peut impacter le positionnement des
autres acteurs sur la même question.183
Nul doute que la Coalition a joué sur cet effet lorsqu’elle a recensé et publié à plusieurs reprises
les « votes virtuels » des délégations étatiques durant la Conférence. Voyant que les
négociations stagnaient, la Coalition a misé sur le fait que les délégations plus réticentes ne
178
BRAV L. & PEJIC Y. “Trigger mechanism and admissibility Team Questionnaire”, In Center for Development
if International Law, Center for UN Reform Education & World Federalist Mouvement, Rome Report of the
Coalition for an International Criminal Court, Op. Cit., pp. 131.
179
GLASIUS M., The International Criminal Court: a global civil society achievement, Op. Cit., pp. 25.
180
HAQ F., « Increasingly, Washington an isolated voice”, Terra Viva, No.6, June 22, 1998, pp. 4.
181
BUCHET A. & TALLGREN I., « Sur la route de Rome : Les négociations préalables à l’adoption du Statut de la
Cour pénale internationale », Op. Cit., pp. 280.
182
CAKMAK C., “Transnational Activism in World Politics and Effectiveness of a Loosely Organised Principled
Global Network: The Case of the NGO Coalition for an International Criminal Court”, Op. Cit., pp. 385.
183
Voir cadre théorique pp. 12 et suivantes du présent travail
42
voudraient pas se voir marginalisées et pourraient modifier leurs intérêts en fonction de la
position adoptée par la majorité.184
Au début des travaux préparatoires pour la création de la Cour, la France avait été fortement
critiquée pour défendre une position plus proche de celle de la Chine, que du Canada.185 À titre
d’exemple, dans le projet de statut qu’elle proposa en 1996, elle plaidait pour un triple
consentement cumulatif comme conditions préalables à l’exercice de la compétence. Cette
disposition comprenait le consentement de l'État où les faits se sont produits, celui de la
nationalité des victimes et celui de la nationalité des auteurs présumés.186 La position de la
France a évolué sur ce point. Dès l’ouverture de la Conférence, son chef de délégation, Hubert
Védrine, marque son soutien envers un double consentement, laissant tomber celui de l’État de
la nationalité des auteurs présumés.187 Le 9 juillet 1998, cette position évolue encore, comme
nous le montre la déclaration de Marc Perrin de Brichambaut. A cette date, la France « pense
que la Cour devrait avoir une juridiction obligatoire à l'égard de tous les États parties en ce
qui concerne le génocide, les crimes contre l'humanité et l'agression. S'agissant des crimes de
guerre, il serait préférable de prévoir que la Cour devrait obtenir le consentement de l'État
dont l'accusé est ressortissant ».188
Il n’est pas possible de déterminer avec certitude les raisons qui entourent ces changements.
Cependant, l’observation des comptes-rendus des sessions préparatoires permet de voir que les
positionnements de chaque État étaient également comptabilisés, comme l’ont fait les ONG189.
La France comptait donc le nombre de ses partenaires en faveur ou en défaveur de tel ou tel
point. On peut aisément voir là-dedans l’importance de l’autre dans le calcul des intérêts.
184
Ces votes se retrouvent dans les rapports journaliers des groupes de travail ciblant les thématiques les plus
touchy et également dans les Monitor du 13 et du 15 juillet 1998.
185
Le ministère de la Justice, 50eme AGNU, 6ème Commission, Création d’une cour criminelle internationale,
DF DFRA 5095, Point 142, Le 6 novembre 1995 [Diffusion restreinte].
186
Assemblée Nationale, Rapport de M. Pierre BRANA fait au nom de la Commission des Affaires étrangères sur
le projet de Loi (N°2065), autorisant la ratification de la convention portant Statut de la Cour pénale
internationale, No. 2141, pp. 9.
187
Intervention d’Hubert Védrine, Point 11 de l'ordre du jour (suite) 6e séance plénière Mercredi 17juin 1998, à
15 h 05, Comptes rendus analytiques des séances plénières et des séances de la Commission plénière, 17 juillet
1998, Documents officiels de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création
d'une cour pénale internationale, pp. 108.
188
Commission plénière 29éme séance Jeudi 9 juillet l998, à l0hl5 Point 11 de l'ordre du jour (suite), Comptes
rendus analytiques des séances plénières et des séances de la Commission plénière, 17 juillet 1998, Documents
officiels de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour pénale
internationale, Op. Cit., pp. 324.
189
Le ministère de la Justice, 50eme AGNU, 6ème Commission, Création d’une cour criminelle internationale,
Op. Cit.
43
Rappelons toutefois que cet impact potentiel ne peut intervenir que lorsqu’il s’agit d’intérêts
subjectifs.190
Pour comprendre l’issue d’un tel processus de négociation, il est important de le considérer
dans son ensemble. Il est clair que le travail réalisé par le Comité ad hoc, ainsi que la PrepCom
a eu un « impact significatif »191 sur l’issue des négociations.192 Si les points de discorde les
plus épineux étaient toujours à régler à Rome, le projet comptabilisait déjà un certain nombre
de compromis, comme concernant le système de complémentarité.193 Nous pouvons dès lors
considérer qu’« à bien des égards, les sessions de la PrepCom servent de répétition générale à
la conférence diplomatique ».194 Les acteurs ont eu du temps pour se mobiliser et se pencher
sur le dossier.
Dans les derniers jours de la Conférence, la dynamique des échanges s’est essoufflée et les
accords, principalement concernant la partie deux du Statut, peinaient à se dégager197. L’ancien
Président de la Conférence évoque dans un article que deux choix se présentaient au Bureau :
l’organisation d’une seconde session ou la présentation d’un package deal.198 Nombre de
délégués redoutaient qu’une seconde session ne mette à mal l’ensemble du processus. « Le
190
Voir cadre théorique pp. 12 et suivantes du présent travail.
191
LEE R.S., “The Rome Conference and its contributions to international law”, In LEE R. S., The International
Criminal Court: The making of the Rome Statute, Kluwer Law International, The Hague, 1999, pp. 7.
192
Loc. Cit.
193
Selon ce principe, « la Cour interviendra en cas de défaillance, volontaire ou involontaire, des Etats, lorsque
les tribunaux internes seront matériellement incapables, ou refuseront, de poursuivre les criminels ». Réponse
donnée à la question n° 9042 de F. Lamy, J.O., Ass. Nat. Fr., 1997-1998, séance du 02 février 1998, pp. 1171.
194
BUCHET A. & TALLGREN I., « Sur la route de Rome : Les négociations préalables à l’adoption du Statut de la
Cour pénale internationale », Op. Cit., pp. 278.
195
Center for Development if International Law, Center for UN Reform Education & World Federalist
Mouvement, Rome Report of the Coalition for an International Criminal Court, Op. Cit., pp. 404 et suivantes.
196
BENEDETTI F. et WASHBURN J., “Drafting the International Criminal Court Treaty: Two Years to Rome and an
Afterword on the Rome Diplomatic Conference”, Op. Cit., pp. 28.
197
KIRSCH P. & HOLMES J., « The Rome Conference on an International Criminal Court: The Negotiating
Process », The American Journal of International Law, Vol. 93, No. 1, 1999, pp. 2.
198
Ibid., pp. 12.
44
sentiment était fort que si le Statut n'était pas conclu maintenant, une fenêtre d'opportunité
serait fermée, et qu'il faudrait peut-être attendre très, très longtemps avant de retrouver la
même dynamique ».199 Cette méfiance vis-à-vis d’une rupture de la fenêtre d’opportunité est
évoquée par G.R. Berridge dans son ouvrage de référence en matière de diplomatie : « S'il y a
une accalmie dans les négociations, le grand danger est qu'elle s'éternise et devienne
permanente. En effet, l'absence de progrès pourrait démoraliser les négociateurs et, tout aussi
important, démoraliser leurs partisans. Une telle évolution offrirait également aux ennemis des
négociations de nouvelles possibilités de sabotage et leur fournirait des arguments
supplémentaires ».200
La solution du package deal fut donc choisie. Cette technique n’est pas neuve, elle a notamment
été utilisée lors de la troisième CNUDM qui a donné naissance à la Convention de Montego
Bay.201 Elle consiste à rassembler les échanges de vue et les compromis qui semblent se
dégager, puis à demander le vote sur l’ensemble du document et non sur ses parties séparément.
Ce compromis fut déposé aux aurores du dernier jour de la Conférence, adopté par acclamation
par le comité plénier, puis voté en séance plénière dans la soirée.202
Premièrement, Philippe Kirsch rapporte que l’objectif du Bureau, et ce depuis le début, était de
rallier le plus grand nombre d’États possible à la signature du Statut et que le document final a
donc été rédigé en ce sens.203 Sous cette perspective, le risque d’une telle pratique est de
favoriser les solutions de compromis les plus simplistes, au détriment de la profondeur du
contenu du texte.
199
Entretiens de Theo Van Boven, Van Troost recueillis par GLASIUS M., The International Criminal Court: a
global civil society achievement, Op. Cit., pp. 14.
200
BERRIDGE G. R., Diplomacy: theory and practice, Op. Cit., pp. 56.
201
Assemblée Nationale, Rapport de M. VINÇON Serge fait au nom de la commission des Affaires étrangères, de
la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations unies
sur le droit de la mer (ensemble neuf annexes) et de l'accord relatif à l'application de la partie XI de la convention
des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, No. 21, déposé le 11 octobre 1995, pp. 2.
202
Acte final de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création d'une cour
criminelle internationale, Op. cit., pp. 69-81.
203
KIRSCH P. & HOLMES J., « The Rome Conference on an International Criminal Court: The Negotiating
Process », Op. Cit., pp. 10.
45
présentes dans le papier. Sans savoir si cela allait suffire à convaincre les États les plus réticents,
comme la France.
Bien que cette technique ne soit pas parfaite, elle a sans aucun doute été un élément-clé de la
réussite des négociations.
Tout d’abord au niveau politique, comme abordé lors de la présentation de la genèse du projet
de cour criminelle internationale, la Guerre froide a agi en lame de fond gelant pendant des
années, tout espoir de concrétisation. Au début des années nonante, « l’Europe réunifiée se
mobilise pour écarter la menace génocidaire qui dévaste l’ex-Yougoslavie et le Rwanda.
L’Amérique Latine démocratisée veut chasser les démons de son passé le plus proche. […]
Quant aux adversaires historiques du projet, ils sont affaiblis et agissent en ordre dispersé. La
Russie n’est pas de taille, à cette époque, à résister durablement à un tel mouvement. La Chine
et l’Inde ne font pas preuve d’un grand activisme ».204 Les paramètres politiques semblent
propices.
Ensuite, au niveau juridique, si les juridictions ad hoc ont démontré que la poursuite des
responsables des crimes humanitaires les plus graves était possible, elles ont également leurs
limites et sont la cible de nombreuses critiques : justice des vainqueurs, problème de
rétroactivité, trop politisées, etc.205 De plus, Gaëlle Le Goff relève, concernant la Convention
d’Ottawa, l’avantage que présente la préexistence d’un socle juridique établi lors de la
négociation d’un nouvel instrument.206 Dans le cas présent, ce socle était principalement établi
par les Conventions de Genève de 1949.207 Ces dernières étaient ratifiées par plus de cent-
quatre-vingts États au moment de la Conférence de 1998.208
204
BUCHET A. & TALLGREN I., « Sur la route de Rome : Les négociations préalables à l’adoption du Statut de la
Cour pénale internationale », Op. Cit., pp. 291-292.
205
Ibid. pp. 292-293.
206
LE GOFF G., « Les clés de l'influence des ONG dans la négociation de quelques instruments internationaux »,
Op. Cit., pp. 179.
207
Les quatre Conventions de Genève du 12 aout 1949.
208
Voir : https://www.icrc.org/fr/doc/war-and-law/treaties-customary-law/geneva-conventions/overview-geneva-
conventions.html/
46
du monde et aide à conscientiser le grand public. On peut considérer que les valeurs morales
évoluent et que le besoin de justice les accompagne. Ceci renforce le contexte politique et
juridique favorable à l’émergence d’un instrument contraignant de justice pénale internationale.
Cette section met en lumière que l’issue des négociations s’explique tout autant par des
éléments extérieurs à la norme, que par celle-ci en elle-même. Ces effets sont extrêmement
nombreux, variés et proportionnels au nombre d’acteurs impliqués dans le processus. D’abord,
l’impact du groupe de délégations étatiques défendant les mêmes idées, ici dénommé les Like-
minded, et disposant, quant à eux du pouvoir décisionnel dans le cadre des négociations
multilatérales, nous semble prépondérant. Ensuite, les différentes étapes des travaux
préparatoires, ainsi que le déroulement de la Conférence. Enfin, le contexte qui entoure les
négociations. A l’aune de ces éléments, il parait difficile d’attribuer le succès de la création de
la Cour pénale internationale au travail mené par les ONG et, plus précisément, par la Coalition
pour la Cour pénale internationale. On peut tout au plus considérer qu’elles sont un maillon de
la chaine d’acteurs qui entourent les négociations pour tenter de les voir aboutir.
47
Section 8. Les États restent-ils les maîtres du jeu ?
Reprenons à présent cette citation d’Alexander Wendt qui énonce que les acteurs non-étatiques
peuvent être des « initiateurs du changement, mais [que] le changement du système passe en
fin de compte au travers des États ».209 Précédemment, nous avons établi que les acteurs du
secteur non-gouvernemental pouvaient, dans certains cas et dans une certaine mesure, mobiliser
l’opinion publique, afin de jouer sur l’embarras politique. Cette section illustre à présent les cas
où les États ne cèdent pas et apporte les raisons de cette résistance. Nous verrons ensuite que
les différents acteurs ne sont pas toujours en opposition et qu’ils peuvent même tirer
mutuellement profit de la présence, de la légitimité, ainsi que du rôle tenu par l’autre.
Dans le cas de la France, on peut mettre en parallèle ses intérêts objectifs, liés à son identité
personnelle, qui sont relativement stables et sur lesquels l’État aura énormément de mal à faire
des concessions, comme la défense de sa souveraineté, la volonté de conserver un monopole de
juridiction concernant ses ressortissants et ses intérêts subjectifs, avec lesquels il doit jongler.
Parmi ces derniers se retrouvent des intérêts qui peuvent être de nature fortement antagonique.
A titre d’exemple, la France se retrouve "coincée". D’une part, au travers de la volonté de
conserver ses privilèges, concernant les décisions relatives à la justice internationale, qui sont
liés à son rôle -identité collective- de membre permanent du Conseil de sécurité. D’autre part,
au regard de sa quête dans la défense des droits humains, pilier de l’Union européenne -identité
collective- et des démocraties libérales -identité de type.
Sur ce sujet, il nous semble opportun de citer les propos de Samy Cohen. Dans son ouvrage,
intitulé Le pouvoir des ONG en question, l’auteur tient un discours qui illustre parfaitement
cette idée de hiérarchie/catégorisation des intérêts. Il considère que « si les grandes ONG sont
capables de compliquer le jeu diplomatique international des États, elles sont impuissantes à
modifier de manière substantielle leur politique étrangère, à leur faire prendre une décision
qui serait contraire à ce qu'ils considèrent comme leurs intérêts fondamentaux. Leur influence,
quand elle s’exerce, se limite à des enjeux secondaires pour l'état concerné ».210
209
Citée à pp. 14 du présent travail. Voir : WENDT A., Social Theory of International Relations, Op. Cit., pp.9
210
COHEN Samy, La résistance des Etats : les démocraties face aux défis de la mondialisation, Op. Cit., pp. 165
48
Pour revenir aux tendances des positions françaises, Maxime Lefebvre, ancien conseiller
technique d’Hubert Védrine au moment des négociations211, évoque qu’ « au niveau des idées,
la France fait partie des pays qui ont promu le développement du droit international, des
institutions multilatérales, de la solidarité mondiale, de la sécurité collective et de la
construction européenne. Au niveau de la pratique, la France a des intérêts de puissance
qu’elle place avant le respect aveugle des règles ».212
Au début des travaux concernant la création de la Cour, la France se disait en défaveur d’un
procureur proprio motu.214 Elle ne se désolidarisera de ses partenaires permanents du Conseil
de sécurité que sur base d’une proposition émanant conjointement de l’Argentine et de
l’Allemagne. Pour obtenir un plus large consensus et rallier des États plus frileux, comme la
France, ces deux protagonistes ont imaginé subordonner le lancement d’une enquête par le
procureur à l’accord d’une chambre préliminaire. Dans son intervention du 17 juin en séance
plénière de la Conférence, Hubert Védrine, déclare au nom de son État, qu’il « retient désormais
l'idée d'une décision d'un commun accord du procureur et de la Chambre préliminaire pour
engager une procédure ». Ce compromis acquiert rapidement le soutien d’un assez grand
nombre de délégations.215 On retrouve donc à l’alinéa trois du même article que « s'il conclut
qu'il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête, le Procureur présente à la Chambre
préliminaire une demande d'autorisation en ce sens ».216
211
Maxime Lefebvre a été conseiller technique au cabinet du Ministre des Affaires étrangères entre 1997 et 2001.
Durant sa carrière, il occupera différents postes au sein du Quai d’Orsay, ainsi que dans des ambassades. Voir :
https://www.diploweb.com/_Maxime-LEFEBVRE_.html
212
LEFEBVRE M., La politique étrangère de la France, Op. Cit.,pp. 114.
213
Article 15 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998.
214
Observations du gouvernement français concernant le projet de statut d’une cour criminelle internationale, point
15, pp. 5 [Diffusion restreinte].
215
“Momentum Builds for Powerful Prosecutor”, Terra Viva, No. 7, June 23, 1998, pp. 1.
216
Article 15 Al. 3 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998.
49
Encore une fois, il convient dès lors de nuancer le résultat annoncé avec les dispositions du
texte. S’il est vrai que le procureur peut décider seul d’étudier si il y a un fondement pour le
lancement d’une enquête, celui-ci ne pourra véritablement lancer cette enquête qu’avec l’accord
de la Chambre préliminaire. Nous sommes donc bien loin du vocable utilisé par les ONG
concernant un procureur pouvant lancer des « poursuites sur sa seule »217 ou « de sa propre »218
initiative.
Les questions afférentes au rôle que le Conseil de sécurité des Nations unies devait, ou non,
détenir au regard de la Cour est également un exemple qui illustre le verrouillages des intérêts
des États, et plus particulièrement de la France.
Précédemment nous évoquions le rôle que peuvent jouer l’altérité et l’isolement dans le
positionnement des États. En ce sens, nous avons vu que la CCPI a utilisé la publication de
votes virtuels, comme un outil de pression sur les États. Cependant, une nouvelle fois, cette
technique a ses limites. Dans le cas présent, la France a fait preuve d’une certaine
intransigeance, malgré que la majorité des États s’opposaient à ce que le CSNU ne puisse
interférer dans le travail de la Cour.219
Du côté de la CCPI, la thématique du Conseil de sécurité est sans aucun doute la plus récurrente.
On observe cela en parcourant les différents articles produits lors de la Conférence.220
La France a, quant à elle, insisté sur le risque que « la Cour se transforme en tribune de nature
politique, saisie de plaintes abusives ».221 En soutenant cela, la France joue sur l’intérêt
217
“Basic principles for an Independent, Effective, and Fair International Criminal Court”, The International
Criminal Court Monitor, No. 2, June 16, 1998, pp. 2-3.
218
“Benchmarks for a Successful Conference”, The International Criminal Court Monitor, No. 4, June 18, 1998,
pp. 1-2.
219
“The International Criminal Court can be an effective Instrument in the Promotion of Democratic Institutions”,
The International Criminal Court Monitor, No. 6, June 22, 1998, pp. 1.
220
Center for Development if International Law, Center for UN Reform Education & World Federalist
Mouvement, Rome Report of the Coalition for an International Criminal Court, Op. Cit., pp. 404 et suivantes.
221
Déclaration de M. Hubert Védrine, Conférence de presse sur la proposition française de créer une Cour
criminelle internationale, [Discours], Rome, le 17 juin 1998.
50
commun.222 De plus, elle mentionne également à plusieurs reprises l’idée d’un système
international. Le nouvel instrument créé à Rome doit s’y intégrer, sans superposition.223
Dans une interview retranscrite dans le Terra Viva du 3 juillet 1998, Marc Perrin de
Brichambaut s’exprime en faveur d’une possibilité de suspension par la CSNU, tout en
reconnaissant la nécessité d’y adjoindre une limite de temps.224 Le compromis trouvé à Rome
va dans ce sens.225
Le cas le plus manifeste de verrouillage d’un intérêt de la part de la France dans les négociations
est l’insertion de l’article 124 du Statut. Il stipule qu’« un État qui devient partie au présent
Statut peut déclarer que, pour une période de sept ans à partir de l'entrée en vigueur du Statut
à son égard ». 226
Dès le début des travaux préparatoires, la France est apparue comme « peu encline à ratifier
des engagements dont elle estime qu’ils pourraient mettre en péril son autonomie militaire, et
plus précisément sa stratégie de dissuasion nucléaire ».227
Une paire de mois avant la Conférence, Marc Perrin de Brichambaut, actuel juge à la Cour
pénale internationale et ancien diplomate et fonctionnaire français, soulignait dans un quotidien
les craintes de la France concernant les soldats déployés en Opérations de Maintien de la Paix.
Selon lui, la France avait « comme souci que le statut […] ne présente pas de garanties de
procédure qui mettent les soldats français engagés sur des théâtres extérieurs à l'abri
d'attaques politiques d'une guérilla juridique injustifiée ».228 Cette réticence vis-à-vis de la
Cour émanait principalement du Ministère de la Défense. Ces craintes étaient partagées par
222
Pour rappel : DEVIN G., « Paroles de diplomates : Comment les négociations multilatérales changent la
diplomatie », Op. Cit., pp. 94.
223
Intervention d’Hubert Védrine, Point 11 de l'ordre du jour (suite) 6e séance plénière Mercredi 17juin 1998, à
15 h 05, Comptes rendus analytiques des séances plénières et des séances de la Commission plénière, 17 juillet
1998, Documents officiels de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires des Nations Unies sur la création
d'une cour pénale internationale, Op. Cit., pp. 108-109.
224
DICKENS A., “A Conference of Difficulty, France says”, Terra Viva, No. 15, July 3, 1998, pp. 2.
225
Voir tableau classification pp. 39.
226
Article 124 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998.
227
BUCHET A. & TALLGREN I., « Sur la route de Rome : Les négociations préalables à l’adoption du Statut de la
Cour pénale internationale », Op. Cit., pp. 276.
228
BASSIR A., “La création d'une Cour pénale internationale de l'ONU est l'objet de nombreux désaccords”, Le
Monde, Le 5 avril 1998.
51
d’autres corps militaires. En mars 1997, le Département de la Défense américain avait, à cet
égard, mené une campagne auprès des militaires d’autres États, afin qu’ils se joignent aux
négociations et, surtout, qu’ils se rallient à leur cause.229
La clause de l’article 124 avait donc été présentée « comme le moyen de persuader certains
gouvernements de signer le Traité malgré leurs réticences par rapport aux crimes de guerre,
et de favoriser ainsi le ralliement de plus grand nombre dans un souci d’universalité ».230 Cette
technique permettait de maquiller cette disposition en intérêt commun à l’ensemble des
protagonistes.231
Durant la Conférence de Rome, les rapports de la CCPI mentionnent que la France était
particulièrement active dans les débats concernant les crimes de guerre.232 On voit qu’elle avait
fait de ce point une de ses priorités.
Malgré les efforts tous azimuts des ONG, qui protestèrent avec véhémence contre cette
disposition, la clause fut intégrée dans le Statut. Dans un entretien réalisé par Elena Aoun en
2000, un responsable de Médecin Sans Frontières fait référence au verrouillage de la décision
du côté français : « l’enjeu principal qui était l’article 124, a été perdu. Je pense, pour être plus
nuancé, que de toute façon, même si on avait été cent mille, ce ne serait pas arrivé parce qu’il
y avait une telle pression aux plus hauts niveaux ».233
Les ONG n’ont d’ailleurs pas été les seules à protester contre cette clause. Cela a également été
le cas de représentants d’autres États, comme le Ministre canadien des Affaires étrangères qui
s’exprimait notamment sur ce sujet quelques jours après la fin de la Conférence. Selon ses dires,
le Statut fixe « une bien meilleure façon de protéger les troupes à l'étranger que celle dont vous
disposez actuellement. Nous y croyons fermement parce que nous sommes des gardiens de la
paix. […] Nous savons donc de quoi il s'agit. Et nous savons combien les missions à l'étranger
229
STRUETT M., The politics of constructing the international criminal court, Op. Cit., pp. 114.
230
AOUN E., FICET J., « La mobilisation d'un réseau d'ONG: La coalition française pour la Cour pénale
internationale et la ratification du Traité de Rome par la France », Op. Cit., pp. 70.
231
Rappelons-nous ici de l’argumentation de DEVIN G. dans « Paroles de diplomates : Comment les négociations
multilatérales changent la diplomatie, Op. Cit., pp. 94. Citée à la pp. 18 du présent travail. Il relevait l’importance
de convaincre et « d’habiller » ses intérêts nationaux en intérêts communs dans le cadre d’une négociation
multilatérale.
232
FARIELLO M., « Definitions Team Questionnaire », In Center for Development if International Law, Center for
UN Reform Education & World Federalist Mouvement, Rome Report of the Coalition for an International
Criminal Court, Op. Cit., pp. 67.
233
AOUN E., FICET J., « La mobilisation d'un réseau d'ONG: La coalition française pour la Cour pénale
internationale et la ratification du Traité de Rome par la France », Op. Cit., pp. 79.
52
peuvent prendre de risques. Nous pensons donc que la Cour est un moyen d'assurer un certain
degré de sécurité ».234 Mais aussi des personnalités intellectuelles et politiques françaises
comme Mario Bettati ou Robert Batinder235, des membres de la communauté scientifiques236
ou encore la presse237.
Nous soulignons ceci pour montrer que l’impact du soutien des États pilotes ou la pression de
l’opinion publique, dont nous avons fait l’exposé précédemment, ont également leurs limites.
Il semblerait que l’ensemble des effets extérieurs qui peuvent jouer sur la position d’un État,
dans un cas comme celui-ci, ne soient que relatifs lorsqu’il s’agit pour cet État de veiller à la
pérennisation de ses intérêts vitaux. Les ONG sont des acteurs non-étatiques comme les autres,
dont l’influence varie, selon le degré d’attachement de l’État au sujet des négociations. « C’est
dire en dernière analyse que l’on peut bousculer l’État, faire comme s’il était marginalisé, mais
jusque-là on a pas réussi à le supplanter. […] Toute action internationale engage et présuppose
en dernière analyse, directement ou indirectement l’État ».238
Il est important de noter que le manque de soutien parmi les grandes puissances et,
principalement, plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité, comme la Chine, la
Russie, ou les USA239, faisait de la France un acteur-clé des négociations. Il était nécessaire de
rallier des « grands » à la signature du Statut pour ne pas le vider de toute crédibilité au regard
des acteurs concernés.240
234
Common Ground Radio, “The New Court: Search for Justice, Program, Iowa, 11 Augustus, 1998.
235
Assemblée Nationale, Rapport de M. Pierre BRANA fait au nom de la Commission des Affaires étrangères sur
le projet de Loi (N°2065), autorisant la ratification de la convention portant Statut de la Cour pénale
internationale, Op. Cit., pp. 18.
236
BECHERAOUI D., « L’exercice des compétences de la Cour Pénale Internationale », Revue internationale de
droit pénal, Vol. 76, No. 3, 2005, pp. 358.
237
TREAN C., « Les crimes de guerre et la stratégie du silence », Le Monde, Le 18 avril 1998.
238
AMOR A., « Rapport de synthèse », In BEN ACHOUR R. et AGHAMI S. (dirs.), Acteurs non étatiques et droit
international, Rencontre internationales de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, A.
PEDONE, avril 2006, pp. 394.
239
La position des USA a été ambigüe pendant l’ensemble des négociations. Ils ont participé activement aux
travaux, sans jamais assurer leur soutien au projet, si leurs préoccupations étaient entendues (au contraire de la
France). Voir : DOBELLE J-F., « La convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale », In
Annuaire français de droit international, volume 44, Paris, CNRS Éditions, 1998, pp. 4. De plus, comme le relève
Mario Bettati, tout au long des négociations, ils ont fait pression sur des petits États présents à la table des
négociations. Voir : Audition de M. BETTATI Mario sur la Cour Pénale Internationale, le 3 février 1999, Rapport
d'information de M. Dulait André, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées, n° 313, 12 avril 1999.
240
DOBELLE J-F., « La convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale », Op. Cit., pp. 4.
53
8.2. « Co-pouvoir » plus que « contre-pouvoir » ?
Dans le cadre de cette section, nous voulons démontrer que les relations entre les ONG et les
délégations étatiques lors des négociations multilatérales ne sont pas toujours aussi
concurrentes qu’il n’y parait de prime abord.
D’une part, il est important de balayer une idée préconçue assez répandue. Les organisations
non-gouvernementales ne sont pas ipso facto contre l’État, elles ne sont pas hostiles aux
gouvernements.241 Dans le cadre de la campagne menée par la Coalition Française pour la Cour
Pénale Internationale, on remarque que la Coalition utilisait un discours très critique envers la
position française, mais qu’elle veillait tout autant « à ne pas rompre tous les ponts avec les
autorités exécutives ».242 La communication et les échanges sont les préalables indispensables
de toute tentative d’influencer les positions étatiques. Les ONG sont contraintes de faire preuve
d’un minimum d’irénisme, ou tout du moins d’une certaine retenue, afin de ne pas être mises à
l’écart. Ce faisant, « on continue à se parler, à négocier, à s'appeler au téléphone et à déjeuner.
Il faut maintenir le contact, garder un minimum de bonnes relations afin de pouvoir agir ».243
C’est exactement ce que l’on peut observer concernant les négociations qui font l’objet de notre
questionnement.
D’autre part, les ONG ont besoin des États pour faire avancer les causes qu’elles défendent.
Peu importe le regard que l’on pose sur la genèse qui entoure la convocation de la Conférence
de Rome en 1998, fusse-t-elle grâce aux ONG ou non, on conviendra que la décision ultime est
subordonnée aux positionnements des seuls États présents lors du vote finale du 17 juillet. Les
ONG dépendent donc des États pour atteindre leurs objectifs.
241
DOUCIN M., Les ONG : le contre-pouvoir ?, Op. Cit., pp. 147.
242
AOUN E., FICET J., « La mobilisation d'un réseau d'ONG: La Coalition française pour la Cour pénale
internationale et la ratification du Traité de Rome par la France », Op. Cit., pp. 73.
243
COHEN S., La résistance des Etats : les démocraties face aux défis de la mondialisation, Op. Cit, pp. 171.
54
8.2.1. Une participation empreinte de volontarisme de la part des gouvernements
Nous avons précédemment discuté des conditions inhérentes à la participation des ONG aux
conférences internationales. Ces règles étant déterminées par les États, il semble, à bien des
égards, difficile de ne pas y voir une forme de volontarisme de leur part.
Selon Steve Charnovitz, la participation des ONG « semble s’accroître lorsque les
gouvernements ont besoin d’elles et diminuer lorsque ces derniers et les bureaucraties
internationales se sentent plus sûrs d’eux ».244 Dans le cas présent, la technicité du dossier et la
charge de travail qui pesait sur les épaules des plénipotentiaires ont sans doute jouer dans la
place laissée aux délégations des organisations non-gouvernementales.
De plus, à de nombreuses reprises, des représentants des ONG ont été priés de quitter la salle
des négociations. Par exemple, « lors d'une session du groupe de travail sur la loi applicable,
alors que la question du genre était à l'étude : le président, Per Saland de Suède, a
soudainement décrété que les débats devaient être convertis en "discussions informelles" et a,
à ce titre, ordonné aux représentants des ONG de quitter la salle ».245 La seule justification
donnée par la suite repose sur une « atmosphère devenue trop tendue ».246 Des manœuvres de
ce type ont également été repérées lors des phases finales des négociations.247
Il ne faut pas nier les processus de légitimation croisée qui ont lieu entre les deux sphères.
D’un côté, la délégation étatique bénéficie d’une légitimité démocratique, dans le sens où elle
est mandatée par des représentants politiques élus démocratiquement. A nos yeux, cette source
de légitimité reste la principale au sein d’États, tels que la France. Cependant, la perte de
confiance de la population envers le politique peut entrainer une baisse relative de cette
légitimité.
244
CHARNOVITZ S.., « Les ONG : Deux siècles et demi de mobilisation », L'Économie politique, Vol. 1, No. 13,
2002, pp. 6.
245
VAN DER VYVER J., “Civil society and the International Criminal Court”, Journal of Human Rights, Vol. 2,
No. 3, pp. 429.
246
Loc. Cit.
247
DANY C., “Janus-faced NGO Participation in Global Governance: Structural Constraints for NGO Influence”,
Global Governance, Vol. 20, No. 3, 2014, pp. 429.
55
D’un autre côté, la Coalition ne bénéficie pas de cela, mais développe, au fur et à mesure des
négociations, une certaine légitimité technique, voire scientifique. A contrario, la Coalition,
comme cela est souvent le cas pour la plupart des grandes ONG internationales248, bénéficie
d’un large soutien de la part de l’opinion publique. Soutien exprimé notamment, au regard de
la participation à leurs évènements, manifestations, etc.
Nous avons précédemment reconnu, au travers de la pensée d’Alexander Wendt, que les États
avaient un besoin de « transcendance »249, autrement dit d’amélioration de leur condition. La
participation d’acteurs pouvant leur permettre de redorer leur image ou de bénéficier d’une plus
large adhésion de la population à leurs décisions est un atout capital. « Certains acteurs
transnationaux renforcent l’État. C’est, notamment, le cas des grandes ONG internationales
dans les Etats post-modernes. Les hauts responsables de la politique étrangère les considèrent
comme un ‘multiplicateur’ de leur influence sur la scène internationale. Même l’administration
française des affaires étrangères, longtemps conservatrice dans ce domaine, a fait son
aggiornamento et admet l’utilité des ONGI ».250 C’est en effet ce qu’Hubert Védrine déclarait
dans un entretien retranscrit dans un ouvrage en 2002, où il reconnaissait que le Ministère des
Affaires étrangères travaillait beaucoup plus de concert avec les ONG qu’auparavant.251
Les ONG peuvent également utiliser les États, afin de gagner en légitimité. Samy Cohen illustre
ceci dans son ouvrage en déclarant que « la légitimité d'une ONG repose beaucoup sur la
reconnaissance qu'elle peut obtenir de partenaires étatiques ou d'organisatiosn
internationales, du droit à se prévaloir de cette prestigieuse appellation grâce à laquelle elle
accédera aux 2 ressources les plus importantes, l'argent et un statut international qui lui
permettront d'avoir une meilleure visibilité et de participer aux grandes rencontres
multilatérales ».252
248
A titre d’exemple, Amnesty International, membre du Bureau de la Coalition, compte non moins « de 2 millions
de membres et sympathisants, qui font avancer [leur] lutte en faveur des droits, et plus de 5 millions de militants,
qui renforcent [leurs] appels à la justice » Voir : https://www.amnesty.org/fr/get-involved/join/
249
Voir pp. 12 et suivantes du présent travail.
250
DOUCIN M., Les ONG : le contre-pouvoir ?, Op. Cit., pp. 236.
251
COHEN S., « Le monde va rester dur » [Entretien avec Hubert Védrine], In COHEN S. (dir.), Les diplomates :
Négocier dans un monde chaotique, Autrement, 2002, Paris, pp. 66.
252
COHEN Samy, La résistance des Etats : les démocraties face aux défis de la mondialisation, Op. Cit., pp. 75.
56
8.3. Conclusion intermédiaire
L’élément essentiel de cette section concernent le fait que les États ont in fine le dernier mot.
Ils peuvent se montrer flexibles et faire des compromis, mais quand il en est du ressort de leurs
intérêts fondamentaux, la raison d’État l’emporte sur tout le reste. Les ONG n’ont alors pas
d’autre choix que d’accepter la défaite. L’exemple le plus marquant de l’intransigeance de Paris
est l’intégration de l’article 124 du Statut de Rome.
Néanmoins, les relations entre la France et la CCPI ne doivent pas s’observer uniquement sous
l’angle de la confrontation. Malgré les critiques lancées par les uns et les autres, les ponts ne
sont jamais totalement rompus. Les ONG sont conscientes qu’elles ont besoin de conserver le
contact. Ils se servent mutuellement de la légitimité et des avantages procurés par la présence
de l’autre dans les négociations.
57
Section 9. Conclusion générale
Pour commencer, il est important de prendre en considération que l’analyse du rôle joué par les
acteurs non étatiques dans la sphère internationale est extrêmement liée au cadrage théorique
que l’on pose sur la question. Plus la vision du scientifique s’éloigne du paradigme réaliste, plus
son analyse s’oriente vers un accroissement de l’influence des acteurs non-étatiques sur les
États, et inversement.
Les négociations multilatérales peuvent être envisagées comme des ensembles de flux d’acteurs
qui tentent tous, compte tenu de leur statut et de leurs ressources, d’atteindre leurs objectifs,
définis en fonction de leurs intérêts. En tenant compte du fait que l’influence est un concept
complexe et difficilement objectivable, il est laborieux d’extraire l’influence propre à chaque
acteur. Cependant, en réduisant notre champs d’analyse à une seule délégation étatique, nous
avons réussi à intercepter avec plus de précision l’évolution des positions, ainsi que les
différents échanges entre les acteurs étudiés.
Dans un premier temps, l’exposé des moyens d’action de la Coalition a permis de considérer
l’étendue de leur participation. Dans un second temps, nous avons constaté que les éléments
qui interviennent dans le résultat des négociations et dans l’insertion, ou non, de certaines
dispositions, sont nombreux. L’influence sur le contenu de la norme est dès lors difficilement
imputable aux action d’un acteur en particulier. Dans un troisième temps, nous avons parcouru
les cas où les États ne semblent pas enclin à faire preuve de souplesse dans leurs positions.
A l’aune de ces éléments, l’analyse des relations entre la CCPI et la délégation française lors
des négociations du Statut de Rome de 1998, ne permet pas d’affirmer que les organisations
non gouvernementales ont une influence normative lors de l’élaboration des normes
conventionnelles internationales. La Coalition pour la Cour pénale internationale a fourni
beaucoup d’efforts tout au long du processus de négociation. Cependant, comme le montre
l’intégration de la clause facultative présente à l’article 124, la France s’est montrée
58
intransigeante au regard de la défense de ses intérêts. Loin des discours parfois dithyrambique
sur le rôle des ONG dans les négociations internationales, ces dernières n’ont de possibilité
d’influencer la norme que lorsque les États sont déjà convaincus du bien-fondé de leurs
demandes ou du bénéfice que cela peut leur apporter. Leur influence normative n’est donc, bel
et bien, que relative et ponctuelle, elle varie au gré des intérêts des États et des avantages qu’ils
peuvent tirer de leur soutien ou de leur participation.
59
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