Brochure Kins Hsa
Brochure Kins Hsa
Brochure Kins Hsa
Denis Horman
RAUKIN, le Réseau d'agriculture urbaine de Kinshasa a fêté en 2006 ses dix ans d'existence.
C'est aujourd'hui un réseau d'une cinquantaine d'ONGD partageant une double préoccupation: la sécurité et la sou-
veraineté alimentaires.
"Consommons sain et local", tel est le leitmotiv de notre action! Nous avons reçu la tâche de piloter une campagne
de grande envergure sur la filière avicole à Kinshasa et dans le Bas-Congo, avec des relais dans tout le pays.
Notre préoccupation est de promouvoir la production locale dans le secteur avicole (poulets de chair et œufs de
consommation) face aux importations massives, incontrôlées, aux conséquences économiques, sociales et sanitaires
néfastes pour nos populations.
C'est pour nous une des manières de lutter contre la pauvreté, un des huit objectifs du Millénaire.
Nous avons eu la chance de faire connaissance avec le Gresea et d'accompagner, en octobre 2006, à Kinshasa et à
Matadi, son représentant, Denis Horman. Sa mission était précisément de procéder à une enquête sur des impor-
tations avicoles et leur impact sur les paysans producteurs, l'économie et la santé des populations.
La présente brochure du Gresea, intitulée "Kinshasa et les importations avicoles, En finir avec la catastrophe
sanitaire et économique" est pour nous un précieux outil pour mener à bien notre travail.
Nous avons donné mandat au Gresea pour représenter RAUKIN auprès des organismes belges, ONGD, associations,
syndicats, institutions politiques, etc. afin de susciter la solidarité la plus large possible avec notre campagne d'in-
formation, de conscientisation et de lobbying.
7. La catastrophe sanitaire 18
Des subventions aux effets Au cours de cette période, dans les pays dévelop-
dévastateurs, n° 251, octobre seur pour l’Afrique, est à ce titre significatif :
2006. Voir également Défis l’Union européenne consacre chaque année 2,5 mil- pés et dans quelques secteurs limités des pays en
Sud, dossier: S’alimenter sou- liards d’euros pour subventionner l’exportation de développement, il y eut ce qu’on a appelé la “révo-
verainement, utopie ou objec- ses excédents dans ce secteur. Des soutiens finan- lution agricole contemporaine” : grande motorisa-
tif réaliste?, n° 75, octobre-
ciers qui permettent de combler la différence entre tion, mécanisation, sélection de variétés de plantes
novembre 2006. et de races d’animaux à fort potentiel de rende-
le prix intérieur payé aux acteurs de la filière
Alternatives Economiques, Le
(2.050 euros pour la tonne de lait en poudre en juil- ment, semences sélectionnées génétiquement,
6
l’étau de la mondialisation : Et puis, et avant tout, il y a l’agriculture. La RDC est sentiel alimenté par l’économie minière de rente, le
regards sur la situation avi- probablement le pays le plus riche de l’Afrique diamant en premier lieu. Les salaires des agents de
cole, Gresea Echos, n°45, jan- subsaharienne du point de vue agricole. Sa superfi-
vier-février-mars 2006. l’Etat atteignent à peine 20 à 30 dollars par mois. Ils
cie est de 230 millions d’hectares, dont 80 millions sont bien souvent versés en retard ou pas du tout,
J.-M. Kinkela, ibid. ; OCDE,
d’hectares de terre arable avec un bon potentiel de
19
perspectives économiques en entre autres dans des zones occupées par la rébellion.
Afrique, ibid. ; B. Lututala, La fertilité en général. Le pays produit toute une Après 30 ans de dictature de Mobutu, nous en sommes
référence Plus, n°3760, 22 gamme de denrées vivrières : haricots, manioc, arrivés à un niveau de démolition incroyable. On doit
août 2006 ; Faustin K., Le Po- pomme de terre, maïs, bananes, riz… ; mais, sur reconstruire ce pays. En commençant par donner un
tentiel, 10 octobre 2006 ; FAO, l’étendue agricole, 10 millions d’hectares seule- coup d’arrêt à la “culture” de corruption, de vol des
Document stratégique de la ressources de l’Etat, d’impunité.
croissance et de la réduction ment, soit moins de 15%, sont consacrés aux cul-
de la pauvreté, RDC, juin tures et (aux) pâturages. Et, d’une manière géné- Baudouin Hamuli Kabarhuza, directeur général du
2006. rale, moins de 3% des terres sont cultivées.18 Plus CENADEP.
Créature de la conférence de Berlin, la RDC n’a été
en fait qu’une zone d’exploitation, soumise, depuis
sa création, à des décisions de prédation, d’exploi-
tation, de spoliation. Situation qui n’a fait qu’empi-
rer avec la longue dictature mobutiste d’une tren-
taine d’années, avec l’échec des programmes
d’ajustement structurel des années ‘80, initiés par
le FMI et la Banque mondiale, avec les deux pil-
lages des années ‘90 (1991 et 1993), les deux
grandes guerres dans le pays de 1996 à 2002 qui
ont, entre autres, provoqué le déplacement des po-
pulations vers les grands centres urbains.
Kinshasa en est l’exemple le plus impressionnant :
entre 1990 et 2006, la population kinoise est pas-
sée de 3 millions à plus de 8 millions d’habitants.
4. Sécurité et souveraineté Malgré ce potentiel, le secteur agricole est en dé-
alimentaires en RDC:
clin. “La production agricole accuse une tendance à
la baisse depuis 1998”, souligne la FAO.21 “Moins
un état des lieux 20% pour les céréales ; moins 12% pour les ra-
cines et tubercules ; moins 6% pour les légumes.
Le cas le plus frappant est celui du manioc, aliment
de base qui couvre 70 à 80% des apports nutrition-
Le Sommet mondial de l’Alimentation, organisé à nels des Congolais, mais dont la production a chuté
Rome en 1996 par la FAO (l’Organisation des Na- de 20% à cause des maladies et des ravageurs
tions unies pour l’alimentation et le développe- (…). D’autre part, la production des principales
ment), s’est fixé comme objectif la réduction de cultures de rente (café, huile de palme, coton,
moitié du nombre de sous-alimentés d’ici 2015. Il a cacao, hévéa et tabac) connaît un déclin rapide dû à
réaffirmé “le droit de chaque humain à une nourri- l’état des infrastructures routières, de l’organisa-
ture adéquate”. La mise en œuvre de ce droit sup- tion des marchés d’achat et des cours mondiaux
pose la possibilité pour tous et partout de bénéfi- (…). Le PIB du secteur agricole (l’agriculture
cier d’une véritable sécurité alimentaire que la congolaise représente quelque 50% du PIB) a
FAO définit comme le fait que, où que l’on soit, baissé de 3,4 milliards de $ US en 1990 à 2,2 mil-
“tous les habitants, à tout moment, aient accès à liards de $ US en 2000, soit une diminution de
une nourriture qualitativement et quantitativement 38%“.
suffisante pour mener une vie saine et active”. Importations alimentaires
A ce même Sommet mondial de la FAO, Via Campe-
sina lançait le débat sur la souveraineté alimen- En 1986-1987, la compétitivité de l’agriculture congo-
taire, c’est-à-dire sur “le droit pour chaque commu- laise face aux produits agricoles importés a été étu-
nauté de produire sa propre nourriture ; le droit de diée par le consortium ZTE-Groupe COGEPAR. On peut
définir ses propres politiques agricoles et alimen- conclure qu’à cette époque, l’agriculture congolaise
taires, de protéger et de réguler sa production inté- était généralement compétitive face aux importations
(…). Dans la conjoncture actuelle de la RDC, la pro-
rieure agricole et de protéger son marché intérieur portion des importations alimentaires augmente sans
du dumping des surplus agricoles des autres pays. cesse. Si ces importations aident à stabiliser l’appro-
Cela implique aussi que chaque communauté ne visionnement des villes, à maîtriser l’inflation et à ré-
fasse plus du dumping sur ses produits agricoles et duire le coût d’achat du “panier de la ménagère”, elles
alimentaires, c’est-à-dire qu’elle ne les vende plus font également grande concurrence à la production lo-
sur les marchés internationaux à un prix inférieur cale, qui reste largement déficitaire pour des produits
au coût de production”. clés comme (le) riz, sucre, huile végétale, viande, pois-
son, etc. qu’on peut facilement produire dans le pays.
A Dakar, en mai 2003, des représentants d’organi-
sations paysannes et de producteurs agricoles Eric Tollens, professeur à l’UCL–KUL (Leuven).
d’Afrique, d’Amérique(s), d’Asie et d’Europe si-
gnaient “la Déclaration de Dakar”. Cette déclara- Aujourd’hui, moins de 10% des protéines animales
tion, basée sur la souveraineté alimentaire, précise consommées à Kinshasa sont produites localement
que “pour assurer les droits humains fondamen- (porc, bœuf, poisson, volaille, œufs de table…). En
taux en agriculture (droit à l’alimentation, accès 2003, les importations couvraient 93% des pro-
aux ressources -terre, semences, eau, crédit…-), téines animales d’élevage consommées à Kins-
des instruments sont indispensables, en particulier hasa, en porc, volaille et bœuf. Et si on ajoute les
une protection à l’importation et la maîtrise de l’of- 114.697 tonnes de poissons congelés importés au
fre”20. cours de la même période, la production nationale
Un secteur agricole en déclin ne représentait plus que 3% des besoins du mar-
ché.22
20
Denis Horman, Chicken Con- Près de 73% de la population de la RDC se trouvent L’exemple du poisson est éclairant. Alors que la
nection, chap. VI : La souverai- dans une situation d’insécurité alimentaire, soit près RDC possède le 2ème plus grand fleuve au monde,
neté alimentaire, un droit fon- de 42 millions de sous-alimentés.
damental pour chaque c’est le poisson congelé importé, le mpiodi, “pois-
communauté, pp. 105-128. FAO, Kinshasa, mars 2004. son chinchard” non trié et non éventré, qui envahit
21
FAO, Table ronde sur l’Agri- les marchés de Kinshasa. Ce poisson est pêché par
culture, Kinshasa, mars 2004. des bateaux industriels, dans les eaux territoriales
Alain Huart, Diagnostic mul-
Lors d’une table ronde, tenue en mars 2004 à Kins- de la Namibie, et, dans une moindre mesure, de la
hasa, la FAO soulignait le potentiel agricole énorme
22
“Agriculture et sécurité
alimentaire”, Kinshasa, mars ment des zones maraîchères de la ville et de sa pé-
2004. riphérie, mais, pour certains de ces produits comme
24
Interview de Baudouin Ha- les oignons, des provinces voisines, notamment du
muli Kabarhuza, Kinshasa, Bas-Congo. Le maïs, produit au nord du Katanga,
octobre 2006. approvisionne Lubumbashi et les grandes villes du
Kasaï. Je pense surtout au manioc qui est produit
en grande partie dans la province de Bandundu et portations. Mais, c’est se voiler la face sur la survie
qui approvisionne en grande partie Kinshasa”.25 économique du pays. Pour importer autant, nous
avons besoin d’énormément de devises. La Banque
Protection douanière et centrale devait déjà, il y a quelques années, mobili-
sécurité alimentaire ser 60 à 70 millions de dollars par mois pour satis-
faire les importateurs. Alors, n’y aurait-il pas
Acheminées surtout dans les grandes villes du moyen de travailler à court, moyen et long termes
pays, les importations alimentaires sont souvent pour mettre ces capitaux à la disposition de l’agri-
de moindre qualité, bon marché et subventionnées culture, de la production locale, des familles pay-
directement ou indirectement. De plus, elles bénéfi- sannes, d’un soutien aux denrées de
cient de tarifs douaniers de plus en plus bas. base…Certes, nos productions sont tombées telle-
Les droits de douane à l’importation sont assis sur ment bas qu’entre-temps, il faut bien nourrir les
la valeur CAF (l’ensemble de la valeur du coût du populations avec les produits importés. Mais nos
produit, de l’assurance maritime et du fret mari- gouvernements doivent respecter ce à quoi ils ont
time). souscrit. En 2003, au Sommet de l’Union africaine à
Maputo, ils ont convenu, par une déclaration com-
A première vue, on pourrait conclure qu’une cer- mune au sein du NEPAD de consacrer 10% des
taine protection à l’importation des produits agri- dépenses publiques à l’agriculture et au dé-
coles et alimentaires existe en RDC. Des taux de veloppement rural, afin de soutenir la sécu-
24,3% dans la plupart des cas et même de 35,6% rité alimentaire dans le continent et ceci
pour le sucre et l’huile végétale ne sont pas négli- dans les cinq années à venir. Or, actuelle-
geables26 ment, je pense que le secteur agricole re-
Mais, en réalité, les droits et taxes à l’importation çoit de l’Etat à peine 0,5% à 1% du bud-
sont bien plus bas. En août 2003, l’OFIDA, l’Office get”.
des douanes et accises, sortait une circulaire ayant
trait à un nouveau tarif des droits et taxes à l’im-
portation. Ce tarif, entré en vigueur depuis le 28
avril 2003, se distingue par le recadrage des taux
des droits appliqués aux marchandises importées,
fixés au minimum à 3% et 5% et au maximum à
13% et 20%.
Le chiffre de 3% est confirmé par Jean-Marie Kin-
kela, enseignant à la Faculté des Sciences sociales,
administratives et politiques de l’Université de
Kinshasa : “les importations alimentaires, celles
destinées à l’agriculture en général, et celles de
produits animaux, jugées de première nécessité en
particulier, bénéficient d’un régime douanier extrê-
mement favorable aux importateurs, avec un droit
symbolique et dérisoire de 3% à l’entrée : encou-
ragement exorbitant aux commerçants et aux im-
portateurs, mais finalement lourdement payé par
le consommateur et le producteur congolais, par
l’étouffement de l’élevage national, incapable de
résister à une telle concurrence. Par contre, les pro-
duits destinés à l’agriculture, ou provenant de
celle-ci, commercialisés à l’intérieur des frontières,
sont frappés d’une taxe de 18% (CCA –contribution
sur le chiffre d’affaires). Les intérêts payés sur les
emprunts sont également taxés à 18%. Ces me-
sures fiscales frappent et pénalisent toute la
chaîne de production animale”.27
25
Interview de Max Muland,
Kinshasa, octobre 2006. Que répondre à ceux qui disent : “pourquoi devrait-
26
Eric Tollens, Les importa- on privilégier la production locale, alors que ce se-
tions alimentaires et la pro- rait beaucoup mieux de favoriser une grande ou-
tection douanière en RDC, verture à des importations à bas prix pour une
2006.
population qui vit dans la pauvreté”?
27
J.-M. Kinkela, La RDC dans
l’étau de la mondialisation : Max Muland du CAVTK répond à la question : “Si
regards sur la situation avi- l’on se met à la place des dirigeants du pays, sou-
cole, Gresea Echos, n°45, jan- cieux de la paix sociale, on peut comprendre, sans
vier-févier-mars 2006.
les excuser, qu’ils n’hésitent pas à favoriser les im-
5. Impor tations avicoles et filière Ce que nous produisons en poulet de chair, c’est encore
locale une goutte d’eau dans l’océan. On produit 3.500 pous-
sins par semaine : on vend sur pied et, avant la fin de
l’année 2006, l’abattoir sera prêt pour les découpes
de poulet, car la population est habituée à consommer
le poulet en découpe. On arrive à vendre quasiment
Le secteur avicole en RDC au même prix que le congelé importé, alors que celui-
ci, poules de réforme et autres “rebuts”, n’a rien à voir
Malgré ses nombreuses carences, l’inorganisation avec notre produit qui est du poulet presque “fermier”.
individuelle ou collective, la filière avicole existe en Anicet Lokenyo, administrateur de LON’ILEKO.
RDC.
A Kinshasa et dans le Bas-Congo, on trouve essen- Importations massives…
tiellement la filière “poules pondeuses“, une filière
relativement importante. Deux grosses fermes in- L’importation en RDC de viande congelée, du poulet
dustrielles (Mino Congo Dokolo et San Giro conces- de chair en particulier, remonte en fait à l’indépen-
sion Belliard) possèdent à elles deux plus de la dance du pays. C’est le gouvernement du premier
moitié des “pondeuses” sur un total de quelque ministre, Cyrille Adoula qui, le premier, ordonna ces
600.000. Le reste est détenu par des fermes importations. D’où la dénomination “Ebembe ya
moyennes et des fermes de “parcelles” (petites Adoula”, accolée déjà à l’époque à ces produits
unités familiales). d’importation.
L’élevage de poulet a également existé dans la ré- C’est à partir des années ’80 et surtout ’90 que les
gion, dans les années ‘80. Personne n’a oublié le importations avicoles prirent largement le dessus.
célèbre exemple de la “ferme présidentielle” (Mo- La dégradation accélérée de l’économie, les pil-
butu), une immense ferme moderne, avec l’équipe- lages en règle (1990-92), l’explosion démogra-
ment complet de la filière “intégrée” (du couvoir à phique de Kinshasa, l’Accord sur l’Agriculture de
l’abattoir). Cette ferme est aujourd’hui à l’abandon. l’OMC, accélérant le démantèlement des protec-
C’est qu’on ne s’improvise pas éleveur. C’est un tions douanières, l’adhésion de la RDC à l’OMC en
métier à part entière, avec une gestion technico-fi- 1997 furent autant d’éléments explicatifs de cette
nancière rigoureuse qui ne fait pas bon ménage montée en flèche des importations de poulets
avec les prébendes, les spoliations, les impré- congelés.
voyances.
Evolution des importations de pou-
A l’inverse de Kinshasa et du Bas-Congo, on trouve
à Lubumbashi la filière “poulet de chair“. La région lets congelés “européens”
importe les œufs fécondés de la Zambie, du Zim-
babwe et produit localement les poulets, sans unité 2003 2005 Evolution
d’abattage, de conservation ou de vente de dé-
République du 18 505 9 650 52%
coupes congelées. Congo
C’est une chaîne d’une certaine importance avec RDC 11 346 20 578 181%
une entrée de quelque 40.000 poussins de chair
Cameroun 16 528 2 100 13%
par semaine. Le poulet local est vendu essentielle-
ment sur pied (en vif) sur les marchés ou à la Côte d’Ivoire 5 991 1 900 32%
ferme ; il est abattu et directement cuisiné. Mais,
sans unité d’abattage, de conservation de découpe Ghana 13 840 21 800 158%
et d’installation frigorifique, il est extrêmement
difficile de vivre de son exploitation avicole. Pour Sénégal 9 327 1 600 17%
cela, il faudrait vendre en grande quantité le poulet Togo 3 619 5 300 146%
de chair en “vif”, ce qui s’avère impossible. Une
fois la période d’élevage terminée (une quaran- Source: SOS Faim, Campagne contre les importations de pou-
taine de jours), le fermier peut vendre une partie lets congelés au Cameroun, 2004
du lot. Mais il devra continuer à nourrir celle qui
reste, pendant qu’il entame un nouveau cycle d’éle- Initialement, ces importations se composaient de
vage. Cela coûte doublement de l’argent. Il est poulets entiers congelés. Par la suite, avec l’exten-
alors contraint à augmenter le prix de vente… ! sion de la misère, de la baisse du pouvoir d’achat
et des nouvelles habitudes culinaires urbaines, ces
Les Ets LON’ILEKO à KIN : produits entiers furent progressivement supplantés
première entreprise “intégrée” en RDC ! par les découpes de poulets congelées, puis les dé-
coupes (les parties les plus diverses) de poules de
Nous sommes une petite exploitation avicole, mais la réforme (poules en fin du cycle de ponte): gésiers,
première entreprise “intégrée” en RDC, installée à
Kinshasa, avec ferme parentale, couvoir, élevage de pattes, cuisses, cous, ailes, croupions, peau.
poulets de chair et abattoir. Ces importations, qui atteignent 30 à 50.000
tonnes par an, proviennent en ordre décroissant du
Brésil (Frangosul, une des entreprises de la multi- Par contre, pour ce qui est du poulet entier, le pou-
nationale avicole française, Charles Doux, etc.), de let local pourrait être presque compétitif par rap-
Belgique (l’abattoir Wilki en Flandre…), de Hol- port au poulet importé, ce qui était le cas il y a
lande, d’Espagne, d’Italie, de France, des USA, d’Al- quelques années : 2 dollars ou 2 dollars et demi
lemagne… contre 2 dollars pour l’importé.
Ces dernières années, la RDC s’est retrouvée égale- En RDC, comme dans les autres pays d’Afrique sub-
ment face à des importations d’œufs de consomma- saharienne, la viande de volaille importée ne béné-
tion, alors que la filière “poule pondeuse” était et ficie plus tellement de restitutions à l’exportation,
reste relativement développée à Kinshasa et dans et cela depuis 2003. Dans ce secteur, nous connais-
le Bas-Congo. Ces œufs de consommation provien- sons cependant un dumping “indirect” qui alimente
nent respectivement des Pays-Bas, de Belgique, une concurrence “déloyale” avec le prix de la pro-
d’Allemagne, mais aussi d’Argentine, du Brésil et duction avicole locale. D’abord, ces produits impor-
même d’Inde. tés sont les bas morceaux, abats et sous-produits,
L’impact de ces importations sur l’emploi et l’éco- résidus des marchés européens et américains et
nomie nationale est indéniable. Mais il est difficile qui n’ont donc quasiment plus de valeur marchande
d’obtenir des statistiques. On sait que dans le Bas- dans les pays d’origine. D’autre part, les aliments
Congo, à Boma, Matadi, Kimpese, Kwilu Ngongo, Ki- pour bétail (céréales, soja, oléagineux et protéagi-
tomesa, Mbanza Ngungu, Kinshasa…, de petits neux), qui représentent plus de 50% du coût de
exploitants ont dû arrêter leur exploitation avicole, production de ces viandes, continuent à entrer dans
avec, en cascade, la perte de nombreux emplois di- l’UE sans droit de douane. Aux Etats-Unis et davan-
rects et indirects liés à l’élevage et à la vente de tage encore au Brésil, l’approvisionnement en maïs
poulets de chair et d’œufs de consommation. ou en soja est bon marché, associé, au Brésil en
particulier, à un faible coût de la main-d’œuvre.
Importations incontrôlées… En RDC, comme dans bien d’autres pays subsaha-
riens, le coût élevé des intrants (aliments, produits
Au port de Matadi, des importateurs passent à tra- vétérinaires…), l’absence de politiques gouverne-
vers les mailles des services portuaires. Le nombre mentales incitatives, la non protection du marché
de containers déclarés est parfois loin de refléter local contre l’importation avicole, massive et incon-
les volumes réels. trôlée, sont autant d’éléments qui se surajoutent à
Il y a des astuces pour éviter le contrôle. Par exem- la nature des produits importés.
ple, un importateur du Congo Brazzaville fait venir
sa marchandise via le port de Matadi. Il n’y a aucun Et les importateurs, qui sont-ils ?
contrôle sur cette marchandise qui est en transit.
Ce contrôle doit se faire dans le pays de destina- A Kinshasa et dans le Bas-Congo, les deux plus
tion. Mais en fait, il arrive que cette marchandise gros importateurs sont : le belge Orgaman (la fa-
soit déversée sur les marchés de Kinshasa. mille Damseaux) et le libanais Congo Futur.
Le groupe familial Orgaman, dont Jean-Claude
Si les frais de dédouanement étaient régulièrement et Damseaux est directeur général, est installé au
correctement payés en ce qui concerne les œufs de Congo depuis une trentaine d’années. Il est sur
consommation importés, il serait très difficile de ven- place le n°1 dans l’importation de produits alimen-
dre moins cher que la production locale. Le premier taires congelés, avec quelque 35% des parts de
mémorandum de l’UNAGRICO le démontre : sans la marché. Il importe les poules de réforme congelées
fraude douanière, les œufs importés ne peuvent être de l’abattoir Wilki. Il importe également le poisson
vendus moins cher. congelé “chinchard” (plus de 40% des parts). Mais
Docteur Bisimwa il est également présent dans l’élevage (bovin, por-
cin, avicole), dans l’immobilier à Kinshasa et même
dans le secteur minier, l’or du Katanga.
Au rabais
Congo Futur est arrivé avec la vague des “Liba-
En ce qui concerne tout particulièrement les œufs, il nais”, dans les années ‘90 (Socimex, Sokin,
n’est pas rare de faire passer à la douane des œufs Atcom…). Il y a quelques rares importateurs
de consommation pour des œufs fécondés destinés congolais, dont Ledya.
aux couvoirs. La raison est simple : les taxes per-
çues sur les œufs fécondés sont plus basses que
sur les œufs de consommation. Opacité, passe-droit… !
Quant aux découpes de poulet et surtout poules de Chez les importateurs, c’est l’opacité totale, les pré-
réforme congelées importées, elles sont vendues bendes, le passe-droit… Ils ont mis dans leur poche
les circuits de contrôle. Ils paient des taxes symbo-
sur les marchés de Kinshasa à des prix deux fois et liques. Elles représentent au bas mot le 5ème des vo-
jusqu’à trois fois moins chers que la production lo- lumes réellement importés.
cale. Il faut compter 1 $, 1,5 $ le kg de découpe im-
portée par rapport à deux dollars, deux dollars et Docteur Bisimwa
demi le kg de production locale vendue en vif.
6. Kinois, vous avez le bonjour de Le rachat de l’entreprise brésilienne est une au-
Charles Doux
baine pour Doux: l’approvisionnement en matières
premières (soja, maïs) réduit fortement les coûts
de production; les réglementations sanitaires et
Doux/Frangosul au Brésil environnementales sont beaucoup plus souples ; la
main-d’œuvre est bon marché : un travailleur de
Un géant du secteur avicole l’entreprise brésilienne touchait en 2005 un salaire
d’environ 409 reals par mois, ce qui correspond à
Groupe français, créé en 1955, Maison mère à Château-
lin dans le Finistère. 111,7 euros.
Premier producteur européen (et 5ème au niveau mon- Depuis 2000, Doux restructure en France. Après
dial) de volailles et produits transformés à base de vo- l’achat de l’entreprise brésilienne, il a commencé à
laille ; premier exportateur mondial de volailles ; 2,5 fermer des unités en Bretagne et sur le territoire
millions de volailles produites chaque jour dans les national. Il s’est endetté pour cet achat au Brésil,
sites du groupe Doux ; des produits commercialisés mais il n’a rien perdu en chiffre d’affaires. Progres-
dans plus de 130 pays. sivement, une partie de la production brésilienne
Plus de 14.000 collaborateurs/effectifs. est arrivée en France pour desservir la clientèle de
Doux, avec des produits écoulés 33% moins chers
Les effectifs, au Brésil, ont augmenté de 62% depuis que la production réalisée en France. Doux s’auto-
1998. concurrence en quelque sorte. 80% des travailleurs
80% du personnel de Doux est au SMIG. de Doux/France sont au SMIG (980 euros
Depuis novembre 2004, Doux a passé un accord avec nets/mois).29
Maersk Sealand, premier transporteur maritime mon-
dial : 17.000 conteneurs sont acheminés sur une cin-
quantaine de corridors internationaux reliant les cinq
continents28
Chicken Connection, pp. 36-38. tonnes, au lieu des 10.500 tonnes (année 2003).
. Ibid., pp. 122-124. lobbying destinée à limiter les importations, à pro-
Le gouvernement camerounais a également pris
35
Kinshasa
également, à l’exemple des organisations camerou-
naises, suggéré une série de mesures pour booster
la production locale.
Des obstacles à surmonter
Au mois d’août 2006, RAUKIN, le Réseau d’Agricul-
ture Urbaine de Kinshasa, effectuait une enquête Le dumping des produits importés (poulets et
sur la production locale de poulets de chair et œufs), le coût élevé des intrants (poussins, alimen-
d’œufs de consommation. Quelque 300 enquêtes tation, produits phytosanitaires…), la vétusté du
étaient distribuées aux différents acteurs de la fi- réseau routier et la difficulté d’accès aux marchés
lière avicole : les producteurs, les importateurs, les ruraux, l’absence d’organisation de ramassage,
distributeurs et les consommateurs. Il s’agissait de d’abattage et de congélation des poulets fut évo-
mieux cerner les obstacles et les atouts de la fi- quée comme autant d’obstacles sur le plan écono-
lière avicole, mais également les stratégies, les ac- mique. Au niveau politique, le séminaire mettait
tions à mener et les mesures à prendre pour la re- l’accent sur l’absence de politiques gouvernemen-
lance et le développement de la production avicole tales pour la promotion et le développement de la
locale. filière locale, l’absence de politique incitative (cré-
Les 27 et 28 septembre 2006, le Réseau organisait dit, micro-crédit, régime fiscal approprié) et, last
un séminaire pour dégager les grandes tendances but not least, la non protection du marché local
de cette enquête. contre les importations massives des produits avi-
coles subventionnés (de manière indirecte), de
Au regard des conclusions des travaux en carrefour, basse qualité et à des prix défiant toute concur-
des échanges et des réalités quotidiennes de la fi- rence.
lière, les participant/e/s de ce séminaire prirent
trois décisions importantes : le lancement d’une Et qu’en est-il de l’organisation des producteurs
campagne nationale sur la sécurité et la souverai- avicoles ? "Dans le secteur de l’élevage, il n’y a pas
neté alimentaires en RDC ; la création d’un cadre de véritables organisations", constate le docteur
d’échanges et de concertation de tous les acteurs Bisimwa, "chacun travaille un peu dans son coin".
de la filière avicole ; le pilotage et l’animation de Des atouts à développer
cette campagne par le Réseau RAUKIN.
Les atouts ne manquent pas. C’est d’abord l’exis-
RAUKIN, le Réseau d’agriculture urbaine tence d’un personnel formé et compétent. "Nous
de Kinshasa n’avons pas besoin d’agronomes installés à Kins-
RAUKIN a été créé en 1996 par huit ONGD, membres hasa", déclare Baudouin Hamuli. "Ils doivent aller
du Conseil régional des ONGD de Kinshasa, "CRONGD". dans les centres de renforcement agricole, à l’inté-
C’est aujourd’hui un réseau d’une cinquantaine d’ONGD rieur des provinces, là où les gens travaillent sur
qui intervient dans plusieurs secteurs d’activité tou- des résultats concrets et clairs".
chant à la sécurité alimentaire : la production agricole,
les cultures maraîchères et vivrières ; la transforma- La filière avicole –d’abord la filière poules pon-
tion des produits alimentaires ; l’élevage de la volaille, deuses dans le Bas – Congo et à Kinshasa- peut
du petit bétail et des alevins ; la commercialisation et être relancée. Il existe toujours de grandes fermes
la diffusion des produits agro-pastoraux ; la formation, et une série de petits producteurs ; les bâtiments
le plaidoyer et le lobbying. sont toujours là, mais ils sont vides ; des machines
Dans le cadre de la campagne "Consommons sain et aussi, des meuneries, etc. A Kimpese, le Père
local", Raukin va mener une action de grande enver- Charly Kusika a créé un institut de transformation
gure sur les importations avicoles et la production lo- agroalimentaire ; à Kinshasa, Anicet Lokenyo a mis
cale. Des T-shirts imprimés par le Réseau donnent la sur pied la première entreprise avicole intégrée en
tonalité de la campagne : "poulets importés, congelés RDC, depuis la ferme parentale jusqu’à l’abattoir.
et recongelés, intoxication, chômage, fermeture des
élevages, fuite des capitaux". Et puis, il y a le potentiel agricole, avec en particu-
lier le maïs, la principale céréale en RDC, qui a
Tous les maillons de la filière du poulet importé ou pro- gagné en importance ces dernières années et qui
duit localement ont la lourde charge de définir des stra- est un des principaux aliments pour le bétail, pour
tégies appropriées et de proposer des solutions renfor-
çant la production locale d’œufs de consommation et de la filière avicole. "Mais il est clair que la culture de
poulets de chair. Il s’agit de favoriser la production lo- maïs ne peut se développer chez nous que si la de-
cale pour faire diminuer progressivement les impor- mande augmente considérablement", souligne
tations. Pierre Ongala du KAUKIN ; "la croissance de la de-
mande en maïs, grâce à l’évolution de la filière avi-
Pierre Ongala Lopema,
Secrétaire permanent du RAUKIN. cole, peut conduire à l’émergence des plantations
industrielles et semi-industrielles, où le maïs peut
être produit de façon plus rationnelle et à moindre
Le séminaire, organisé fin septembre 2006 à Kins- coût, le rendant plus abordable pour tous".
hasa, a identifié les blocages et les atouts de la fi-
Le tourteau de soja est importé, mais on peut culti- rentiels importés.
ver le soja sur place, ce que l’on ne fait pas actuel- De même, s’avère-t-il indispensable de renforcer
lement. les mesures et les outils de contrôle sur les impor-
Il existe deux gros producteurs d’aliments pour bé- tations frauduleuses et les produits impropres à la
tail dans le Bas–Congo et à Kinshasa. D’abord la consommation. Il y va de la santé de toute une po-
MIDEMA, une entreprise à 51% de capitaux améri- pulation.
cains. C’est un véritable monopole, la plus grosse A l’inverse, l’Etat peut utiliser plusieurs méca-
usine de production d’aliments pour bétail, à base nismes pour venir en soutien à la production locale.
de soja et de maïs. Cette multinationale, implantée Rien ne l’empêche de diminuer -ou même de sup-
dans presque tous les pays de l’Afrique centrale primer- les taxes sur les produits importés utilisés
(côte ouest), importe le blé et une grande partie du dans la filière élevage, et cela afin de réduire les
maïs et du soja. Midema est une minoterie, société- coûts de production. Cela concerne par exemple les
filiale de Seaboard Corp, une multinationale im- intrants : poussins, nourriture, médicaments, etc.
plantée dans presque tous les pays d’Afrique cen-
trale (de la côte Ouest à l’Est: Nigeria, Sierra Leone, De même, l’Etat peut apporter des aides directes
RDC, Congo Brazzaville, Angola, Zambie, Mozam- (subventions) aux éleveurs qui s’installent, encou-
bique, Kenya). En RDC, elle importe le blé pour la rager un système de crédit et micro-crédit à des
meunerie et une grande partie du maïs et du soja taux préférentiels pour encourager les producteurs
pour les aliments pour bétail. locaux, veiller à l’encadrement technique des pay-
sans pour la production de maïs, de soja, ou encore
L’autre producteur d’aliments, CDI Bwamanda, a un mettre en place des chambres frigorifiques et des
taux d’incorporation de matière première locale al- chaînes d’abattage au niveau des grandes zones de
lant jusqu’à 90%, en utilisant des formules maïs et production et de distribution.
soja produits localement dans l’Oubangui.
Sans oublier le réseau routier, les voies navigables
Mais il y a d’autres alternatives dans la formulation et le chemin de fer. Dans plusieurs provinces, des
et l’approvisionnement en intrants avicoles pour produits locaux pourrissent à cause du délabre-
l’alimentation. "Cultiver les légumineuses pour ment de ces moyens de transport.
substituer le maximum de matières premières im-
portées, c’est possible", constate le docteur Bis-
imwa. "Aussi, quand le maïs n’est pas disponible
en quantité suffisante, toutes les provenderies
pourraient utiliser le manioc-tubercule râpé et pel-
letisé. Celui-ci est mélangé à des feuilles de ma-
nioc séchées et le mélange donne des granulés qui
ont presque la même valeur nutritive que le maïs.
Or le manioc, peut être cultivé toute l’année".
Des mesures à prendre
Surmonter les obstacles, valoriser les atouts, cela
implique la mise en place de politiques et de me-
sures d’encadrement pour encourager et dévelop-
per la filière avicole locale.
La priorité des priorités porte sur la relance et le
développement de la filière avicole et de la produc-
tion locales. Comme le souligne Pierre Ongala,
"l’objectif n’est pas de supprimer du jour au lende-
main les importations de découpes de poulet, mais
bien de favoriser la production locale pour faire di-
minuer progressivement les importations".
La filière "poules pondeuses", dans le Bas–Congo
et à Kinshasa, est relativement développée. Les
importations d’œufs de consommation sont, à cet
égard, non seulement catastrophiques pour la
santé, mais en concurrence déloyale avec la pro-
duction locale. Il appartient donc au gouvernement
de limiter les importations d’œufs de consomma-
tion, en concurrence directe avec la production lo-
cale qui, "boostée" par des mesures de soutien,
pourrait tendre vers l’autosuffisance. A cet égard,
comme le demande RAUKIN, des taxes importantes
pourraient être prélevées sur ces produits concur-
10. Agir ici l'intégration des filières et l'intensité de la produc-
tion des aliments ont permis de baisser les coûts
de production. Une concurrence acharnée s'instaure
Fondements de la solidarité entre élevages des pays développés et de pays
Nord-Sud émergents.
Que ce soit en Afrique, en Europe, en Amérique la- Quant aux producteurs des pays les plus pauvres,
tine, en Asie, aux Etats-Unis, les paysannes et les leurs produits ne trouvent plus preneur(s) sur le
paysans, travaillant dans le secteur avicole, comme marché local, tant les prix des productions impor-
dans les autres secteurs agroalimentaires, sont vic- tées sont inférieurs à ceux des productions plus
times des intérêts des firmes transnationales, du traditionnelles, et ceci sans recours aux subven-
dumping de l'UE et des USA, des "avantages com- tions. Ces produits importés, sans valeur mar-
paratifs" de l'industrie avicole. chande sur le marché européen (ailes, croupions,
cous, carcasses…), sont des sources de revenus
Comment mieux résumer cette solidarité et "com- supplémentaires pour les agro-industries euro-
munauté d'intérêts" entre paysan(ne)s de ces dif- péennes et exposent les populations d'Afrique sub-
férents continents qu'en rappelant l'Appel interna- saharienne en particulier à des dangers sanitaires
tional du 24 mai 2004, signé à Bruxelles par de extrêmement graves (absence d'équipements frigo-
nombreuses associations paysannes.40 rifiques efficaces, rupture de la chaîne du froid).41
Les fondements de la solidarité Nord-Sud, entre or-
Appel international de Bruxelles ganisations paysannes, syndicales, consuméristes,
"Nous, paysannes et paysans d'Europe, aujourd'hui environnementalistes, ONGD…, reposent finale-
menacés de disparition par la Politique Agricole Com- ment sur des intérêts communs face à l'agrobusi-
mune (PAC) de l'Union européenne élargie; nous, ci- ness (firmes de production, de transformation, de
toyennes et citoyens européens, victimes, en tant que commercialisation), les multinationales agroali-
consommateurs et contribuables, des dégâts de cette mentaires, l'agriculture productiviste et indus-
politique au point de vue de la qualité des produits (in- trielle, orientée vers l'exportation, privilégiant la
dustrialisation de la production agricole), de l'environ- production maximale et la compétitivité dans la
nement, du bien-être des animaux (élevage industriel),
de l'emploi et du monde rural (volonté de l'Union eu- guerre économique du marché mondial et du libre-
Cet appel a été signé par la échange.42
40.
tion, ibid. Voir également De- hait, un goût uniforme d'un bout à l'autre de la
main Le Monde, Le monde au- surproductions encouragées pour faire chuter les prix planète, et, d'autre part, c'est la sécurité alimen-
agricoles, lésés par des niveaux de prix maintenus ar-
trement et d'autres mondes,
tificiellement très bas sur les marchés internationaux, taire, avec les problèmes des hormones, des OGM,
Nourrir la planète n'a pas de des résidus de pesticides, tout ce qui touche à la
prix! CNCD-11.11.11 et CRID. et victimes de la dérégulation des marchés, aujourd'hui
fonction des intérêts de firmes transnationales; santé. Donc, l'aspect culturel et l'aspect santé. La
D.H. Quelques éclairages
malbouffe vise également l'agriculture industrielle,
42.