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SOMAIRE

INTRODUCTION

I/ FONDEMENTS ET MANIFESTATIONS DU POUVOIR DE MODULATION

A/ FONDEMENTS DU POUVOIR DE MODULATION

1/ consécration prétorienne du pouvoir de modulation


2/ consécration constitutionnelle du pouvoir de modulation

B/ MANIFESTATIONS DU POUVOIR DE MODULATION

1/ la censure de la décision jugée inconstitutionnelle


2/ L’ajustement des effets de la décision dans le temps

II/ LES JUSTIFICATIONS ET LES LIMITES DU POUVOIR DE MODULATION

A/ LES JUSTIFICATIONS DU POUVOIR DE MODULATION

1/La question de la sécurité juridique


2/La question d’intérêts publics

B/ les limites du pouvoir de modulation

1/ La modulation comme source d’insécurité


2/ Modulation source d’inconstitutionnalité

CONCLUSION

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INTRODUCTION

Dans le système juridique ivoirien , le juge constitutionnel saisi d’un recours en


inconstitutionnalité par voie d’exception peut rendre deux grandes décisions : soit il déclare la
loi conforme à la constitution soit il déclare la loi inconstitutionnelle c’est-à-dire contraire à la
constitution. Dans ce dernier cas, la loi jugée contraire à la constitution est abrogée et ce sur le
fondement de l’article 137 alinéa 2 de la constitution ivoirienne qui dispose que : « en cas de
saisine du conseil constitutionnel par voie d’exception, la décision du conseil constitutionnel
s’impose à tous au-delà des parties au procès. La loi ou la disposition déclarée
inconstitutionnelle par le conseil constitutionnel est abrogée. »
C’est dans ce sillage que le doyen Martin Bleou a pu affirmer que : « lors d’un contrôle par
voie d’exception ,contrôle de régularité juridique ou de validité juridique, si le juge constate
l’inconstitutionnalité d’une loi alors cette loi est abrogée » Par ces propos, le professeur veut
nous faire comprendre qu’une norme infra constitutionnelle non conforme à la constitution est
abrogée. Dans ce contexte, le principe demeure l’abrogation immédiate de la loi déclarée
inconstitutionnelle. En conséquence,la date de la publication de la décision d’abrogation
coïncide avec la date d’entrée en vigueur de la décision. Toutefois, depuis la révision
constitutionnelle du 19 mars 2020,le Conseil constitutionnel détient un redoutable pouvoir : il
peut transformer, tordre la temporalité des dispositions législatives invalidées en déplaçant le
curseur de l’abrogation et en gommant plus ou moins la ligne de vie de la loi censurée. Et ce
faisant, il peut ajuster au mieux sa décision en fonction de la diversité des situations qui se
présentent à lui dans le cadre du contrôle par voie d’exception. Ce pouvoir reconnu au juge
constitutionnel est la modulation dans le temps des effets de décision, qui est d’ailleurs le
sujet soumis à notre réflexion. Par modulation dans le temps des effets de décision, il faut
entendre un pouvoir juridictionnel permettant au juge de limiter le champ d’application
temporel de la décision qu’il prononce en neutralisant certains des effets qui lui sont en
principe attachés. Lorsqu’il met en œuvre un pouvoir de modulation temporelle, tel que nous
l’avons défini, le juge atténue l’effectivité de la décision qu’il prononce.Ce sujet vise à
appréhender ce en quoi consiste cette faculté reconnue au juge constitutionnel, l’analysée dans
ses profondeurs et en ressortir les subtilités qui en découlent. L’étude de ce sujet ne semble
pas dénué d’importance dans la mesure où il présente des intérêts théorique et pratique
certain. L’intérêt théorique se perçoit par le fait que la modulation faisant l’objet de tant de
louage et d’exaltations par certains auteurs dont Xavier Magnon ne reçoit pas l’assentiment
d’autres auteurs dont Olga Mamoudy ,qui a pu affirmé dans son article doctrinal intitulé
insécurité juridique et modulation dans le temps des effets des décisions de justice ( page 20)
que : « la modulation du point de vue de la préservation de la stabilité des situations juridiques
perd alors une importante partie de son intérêt, car certains effets dont le juge entendait
précisément prémunir l’ordre juridique finissent par se produire. » Sur le volet pratique cette
technique permet de maintenir l’équilibre entre le principe de la régularité que le juge
constitutionnel est censé maintenir et le principe de la sécurité juridique. Dès lors la question
centrale qui résulte de notre étude est : comment peut-on cerner le pouvoir de modulation
dans le temps des effets des décisions? Ce pouvoir peut être appréhender à un double niveau.
Dans le cadre de notre étude nous analyserons dans un premier axe, le fondement et la
manifestation de la modulation (I) et, dans un deuxième axe, nous envisagerons les
justifications et les limites d’un tel pouvoir(II).

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I/ FONDEMENTS ET MANIFESTATIONS DU POUVOIR DE MODULATION

Envisageons le pouvoir de modulation à travers ses fondements (A) et ses manifestations (B).

A/ FONDEMENTS DU POUVOIR DE MODULATION

La question du fondement juridique au pouvoir de modulation est cruciale d’un point de vue
juridique et politique. En effet, si dans certains États le pouvoir de modulation résulte d’une
consécration prétorienne (1), dans d’autres,ce pouvoir résulte d’une consécration
constitutionnelle (2).

1/ consécration prétorienne du pouvoir de modulation

Si la détention du pouvoir de modulation reconnu au juge constitutionnel ivoirien résulte


d’une consécration constitutionnelle à l’occasion de la révision constitutionnelle en date du 19
mars 2020, il en
Va différemment dans d’autres systèmes juridiques comme en Espagne et en Italie. Dans ces
systèmes où la constitution ne confère que le pouvoir d’annulation rétroactive d’une
disposition jugée inconstitutionnelle au juge, celui-ci, faisant preuve d’audace s’est reconnu le
pouvoir de moduler les effets dans le temps de ses décisions d’inconstitutionnalité. En
conséquence, la reconnaissance prétorienne d'un pouvoir de modulation est
Particulièrement significative dans ces systèmes.
Parlant de l’Espagne, il convient noter que depuis 1989, le Tribunal constitutionnel a
développé une jurisprudence visant à atténuer la rigueur de l'application du principe de
l'annulation rétroactive. En effet, dans un arrêt n° 45/1989 du 20 février 1989, dans une
Situation d'inconstitutionnalité par omission du législateur, il prononce l'inconstitutionnalité
d'une disposition législative sans en déclarer la nullité. Dans ce même arrêt, il a étendu le
principe du maintien des effets des décisions de justice bénéficiant de l'autorité de chose jugée
aux actes administratifs définitifs, au nom du principe de sécurité juridique reconnu par
l'article 9-3 de la Constitution. Cette extension n'est toutefois pas automatique. Il appartient en
effet au Tribunal de préciser dans chaque espèce ce qu'il en est. Tout en rappelant que la loi
organique ne lui conférait pas la capacité de moduler dans le temps les effets des décisions de
censure, le Tribunal se reconnaît toutefois compétent en substance pour sortir du cadre fixé
par cette loi et emprunter des voies alternatives à l'annulation. Celui-ci fait donc fait donc
preuve d’audace et se reconnaissant le pouvoir de différer l'application des effets de la
décision d’inconstitutionnalité pour une période de temps donnée.
S’agissant de l’Italie, notons qu’aux termes de l’article 136 alinéa 1 de la constitution
italienne : « Lorsque la Cour déclare l’inconstitutionnalité d’une règle de loi où
d’un acte ayant force de loi, la règle de loi cesse de produire effet dès
le lendemain de la publication de la décision. » En effet, cette disposition traduit l’idée selon
laquelle une disposition jugée inconstitutionnelle est annulée tant pour le passé que pour
l’avenir, dans ce cas disparaît de l’ordonnancement juridique. La Cour, malgré la rédaccion de
l'article 136 de la Constitution a rendu un certain nombre d'arrêts à travers
lesquels elle s'est autorisée à moduler dans le temps les effets de ses arrêts de censure.
Dans un arrêt n° 50 de 1989, tout en reconnaissant l'inconstitutionnalité d'un acte dès son
adoption, elle n'en a pas moins limité les effets que pour l'avenir. Dans le même sens, dans un
arrêt n° 370 de 2003, rendu par voie principale, elle a prononcé une inconstitutionnalité tout
en précisant que, dans les procès en cours, la norme
censurée devait continuer à s'appliquer.

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2/ consécration constitutionnelle du pouvoir de modulation

Plusieurs États ont reconnu le pouvoir de modulation au juge constitutionnel à travers une
consécration constitutionnelle.
En Côte d’Ivoire ,depuis la révision constitutionnelle en date du 19 mars 2020 le juge
constitutionnel s’est vue reconnaître ce pouvoir. Cette faculté de moduler les effets de
décision lorsqu’une censure est prononcée est consacré par de l’article 137 alinéa 3de la
Constitution :
« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 137 alinéa 2 est
abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date
ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et
limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en
cause ». La première phrase de la Constitution pose le principe de l'abrogation et permet au
Conseil constitutionnel de prononcer une abrogation immédiate ou différée.La seconde phrase
du même article offre la possibilité au juge de remettre en cause les effets qu'une disposition
censurée a produits. La Constitution ivoirienne envisage ainsi, de manière large, les
différentes possibilités de modulation.
En France, ce pouvoir est apparu pour la première fois dans une décision du conseil du 23
juillet 2008 (CC 2008-564 DC, 19 juin 2008, cons. 58, JO 26 juin 2008) consacrée à
l’occasion de la révision constitutionnelle à l’article 62 de la Constitution :
« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à
compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure
fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans
lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause »
La constitution autrichienne s'inscrit dans le même mouvement. Ainsi, l'article 140-5 de la
Constitution autrichienne autorise la Cour à prononcer une abrogation différée, mais limite la
durée à 18 mois. L'article 140-7 du même texte, tout en interdisant un effet rétroactif de la
censure en dehors de la prime au requérant, permet à la Cour d'en décider autrement et donc
d'envisager des effets rétroactifs. La encore l'habilitation est large, la Cour apprécie seule
l'étendue, les modalités et les motifs permettant la remise en cause dans le passé d'effets déjà
réalisés.

B/ MANIFESTATIONS DU POUVOIR DE MODULATION

Lorsque la loi est contraire à la constitution, le juge constitutionnel la déclare


inconstitutionnelle (1).Toutefois, en fonction des situations auxquelles il fait face, il peut
ajuster au mieux les effets de sa décision (2).

1/ la censure de la décision jugée inconstitutionnelle

Avant tout propos, il convient de préciser qu’hormis la modulation, il existe d’autres


techniques permettant d’atténuer les effets rigoureux de la décision de censure parmi
lesquelles l’on peut évoquer la technique de l’irrégularité non sanctionnée qui consiste pour le
juge de s’abstenir de sanctionner une norme qu’il sait irrégulière eu égard aux conséquences
excessives que la censure pourrait engendrer. Concrètement, cette technique de

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contournement présente un inconvénient dans la mesure où il s'agit toujours de préserver une
norme irrégulière de la censure. A contrario, La modulation dans le temps n'emporte pas un
tel inconvénient. En effet, dans le cadre de la modulation L'irrégularité est toujours en mesure
d'être sanctionnée, mais la modulation de ses effets permet de prendre en compte les intérêts
légitimes susceptibles d'être affectés. La technique est plus souple et offre une plus large
marge d'appréciation à la Cour constitutionnelle au nom du respect de la régularité. La
modulation des effets dans le temps est sans doute la meilleure technique permettant de
garantir et de parvenir à un équilibre adapté entre l'exigence de régularité et celle de sécurité
juridique. Elle permet de ne renoncer à aucune de ces deux exigences, contrairement à la
technique précédemment évoquée.

2/ L’ajustement des effets de la décision dans le temps

La modulation permet au juge suite à la censure de la norme jugée inconstitutionnelle


d’ajuster au mieux sa décision en fonction de la diversité des situations qui se présentent à lui
dans le contentieux constitutionnel.Ainsi, en fonction des situations auxquelles le juge
constitutionnel fait face, celui-ci peut décider d’avancer, ou non, l’entrée en vigueur de la
décision d’abrogation. C’est la première question que se pose le juge lorsqu’il statue. En effet,
la première question est de savoir à quel moment la décision prendra effet. Le juge peut donc
prononcé l’abrogation immédiate ou différée de la loi jugée inconstitutionnelle.
Parlant de l’abrogation immediate , il faut noter que la décision jugée inconstitutionnelle est
abrogée immédiatement dès la date de publication de la décision du conseil constitutionnel.
La date de publication coïncide donc avec celle de l’entrée en vigueur de la décision . Or
justement, le premier pouvoir du Conseil en matière de modulation réside dans la capacité de
dissocier ces deux moments, c’est-à-dire de séparer la date de la publication et la date de
l’entrée en vigueur de la décision.
Ce report de l’entrée en vigueur est appelé abrigation différée, décalée. Dans cette situation, la
norme censurée est jugée contraire à la Constitution au moment de la décision, et pas à une
date ultérieure, mais les effets de cette censure n'interviendront qu'à une date fixée par le juge.
Lorsque l’abrogation est déterminée – immédiate ou différée – il faut encore savoir si, dans
l’un ou l’autre cas, les effets qu’a produits la loi ont été modifiés par le Conseil. Ici, le juge
constitutionnel peut aller « dans les deux sens » : il peut saisir les effets futurs (postactivité)
ou passés (rétroactivité) de la loi. Dans le premier cas , c’est-à-dire en cas de postativité des
effets, il faut noter que dans certains cas, le Conseil peut décider d’atteindre des effets qui
n’existent pas encore, des effets futurs, potentiels, soit pour les préserver, soit au contraire
pour les bloquer . La situation se produit lorsque la loi abrogée était à l’origine d’un
événement qui se prolonge dans le temps. C’est le cas des situations contractuelles. A
contrario dans le cas la rétroactivité des effets, il faut noter qu’en principe la censure du
Conseil ne frappe que les conséquences présentes et futures de la loi. Cela dit, en théorie, le
juge constitutionnel peut ressentir le besoin d’atteindre des actes et des faits passés, c’est-à-
dire des situations déjà accomplies sous l’empire de la disposition censurée. Ici, l’abrogation
devient rétroactive puisque le Conseil réécrit un événement passé à la lueur d’un droit qu’il
aura lui-même façonné.

II/ LES JUSTIFICATIONS ET LES LIMITES DU POUVOIR DE MODULATION

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La mise en œuvre de ce pouvoir résulte de plusieurs justifications (A). Mais ce pouvoir si
intéressant soit-il connaît des limites (B)

A/ LES JUSTIFICATIONS DU POUVOIR DE MODULATION

Dans le choix des constituants ou du législateur, comme dans la jurisprudence des juridictions
constitutionnelles, la volonté d'assouplir les effets radicaux de l'abrogation répond à une
volonté de préserver la sécurité juridique (1). C'est dans cette sécurité juridique que réside la
raison d'être de la modulation. La prise en compte de la sécurité juridique sera affecté dans un
sens ou dans l'autre, par la prise en compte d'un certain nombre d'intérêts publics (2).

1/La question de la sécurité juridique

La possibilité d’utiliser la modulation dans le temps des effets des décisions


d’inconstitutionnalité a posteriori se présente lorsque la censure de la norme
Inconstitutionnelle est susceptible de conduire à un déséquilibre manifestement
Plus inconstitutionnel que le maintien de la norme inconstitutionnelle.
En modulant dans le temps les effets des décisions d’inconstitutionnalité a
posteriori, le Conseil constitutionnel s’offre un procédé efficace pour sécuriser l’ordre
normatif.Concrètement,le juge constitutionnel peut ajuster les effets de sa décision dans le
temps dans un souci de sécurité juridique.En effet ,les décisions du juge constitutionnel ont
souvent un impact important sur les citoyens et les institutions. Une modulation rigoureuse
permet d'éviter les effets rétroactifs et de protéger les droits acquis des citoyens . Modulation
dans le temps et sécurité juridique forment donc un couple d’inséparables . En décidant de
limiter la portée temporelle de sa décision, le juge évite qu’elle entraîne de trop amples
bouleversements dans l’ordre juridique des conséquences manifestement excessives selon la
formule employée par Olga MAMOUDY .Ces conséquences manifestement excessives sont
neutralisées au moyen de la modulation .Plus concrètement,la sécurité juridique incite à
préserver les effets produits par la norme au nom de l'exigence de prévisibilité dans la
connaissance et l'application du droit en limitant les effets d'une censure à l'avenir. Tous les
destinataires des normes sont certains qu'une norme entrée en vigueur produira des effets qui
ne pourront être remis en cause, y compris si l'organe compétent pour en apprécier la
régularité venait à la censurer. Le choix de l'abrogation d'une norme irrégulière conduit à
valider les effets passés produits par une norme irrégulière, qui sont donc implicitement
considérés comme réguliers du seul fait qu'ils se sont produits. En conséquence, c’est pour
pour garantir la sécurité juridique que le juge use de ce pouvoir.

2/La question d’intérêts publics

Les motifs qui sont à l'origine du choix du conseil constitutionnel de moduler dans le temps
les effets de ses décisions de censure ne sont pas toujours explicites ni même visibles ou
identifiables. On retrouve un certain nombre d'intérêts publics dans leur jurisprudence, parmi
lesquels la sécurité juridique, qui
vont justifier le recours à la modulation. Cela est visible dans plaisirs États.
Au Portugal,ces difficultés d'identification n'existent toutefois pas dans la mesure où le
pouvoir de modulation du Tribunal constitutionnel est strictement encadré dans les motifs
susceptibles d'être invoqués à l'appui de l'exercice de ce pouvoir. La Constitution portugaise
énonce de manière explicite les motifs sur lesquels doit reposer le choix du Tribunal
constitutionnel de renoncer à la rétroactivité. L'article 282-4 de la Constitution prévoit trois

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situations différentes : « la sécurité juridique, une raison soit d'équité soit d'intérêt public
d'importance exceptionnelle ». L'« intérêt public d'importance exceptionnelle » a pu être
interprété par la doctrine comme ne devant recouvrir que la raison d'État. L'appréciation du
Tribunal sur ces motifs est, en réalité, relativement large.
La Cour constitutionnelle fédérale allemande a explicité les différents motifs susceptibles
d'être pris en compte lorsqu'elle se prononce en faveur du maintien en vigueur d'une norme
législative inconstitutionnelle. Cette jurisprudence ne concerne donc qu'une situation
particulière: l'abrogation différée d'une norme législative, maintenue en vigueur pendant une
période transitoire, ce qui constitue la
solution la plus éloignée du principe de l'annulation.

B/ les limites du pouvoir de modulation

En dépit des avantages que procure le pouvoir de modulation, il faut noter que la mise en
œuvre de ce pouvoir présente des difficultés. En effet, ce pouvoir semble dans bien des cas
source d’insécurité (1) et d’inconstitutionnalité (2).

1/ La modulation comme source d’insécurité

Par la modulation, le juge constitutionnel préserve au mieux la sécurité juridique. Toutefois,


le lien entre modulation et sécurité juridique peut être interrogé sous un angle différent. Bien
souvent fondés sur la sécurité juridique, le pouvoir de modulation temporelle
peut,paradoxalement, générer de l’insécurité juridique. En effet , dans de nombreuses
hypothèses, la modulation préserve la stabilité des situations juridiques en évitant le vide
juridique qu’aurait entraîné l’abrogation sèche des dispositions législatives
inconstitutionnelles. L’abrogation immédiate est encore écartée lorsqu’elle entraîne une
méconnaissance des objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de
recherche des auteurs d’infractions.En raison de la priorité systématique donnée par le Conseil
constitutionnel à la sauvegarde de l’ordre public, l’utilisation du pouvoir de modulation est
hautement prévisible lorsque ces objectifs sont menacés. Cependant il faut également
souligner que, dans certaines décisions, le Conseil constitutionnel ne donne aucun élément
permettant d’apprécier en quoi l’abrogation avec effet immédiat dans les instances en cours
aurait des conséquences manifestement excessives. L’utilisation par le Conseil constitutionnel
dans le cadre du contrôle par voie d’exception du standard des conséquences manifestement
excessives comme critère de la mise en œuvre du pouvoir de modulation temporelle est un
facteur d’insécurité juridique sous l’angle de la prévisibilité du droit.

2/ Modulation source d’inconstitutionnalité

la modulation dans le temps peut être perçue comme une atteinte à l'autorité de la chose jugée,
puisqu'elle consiste à suspendre ou à différer l'application d'une décision de justice. Elle peut
également entraîner une incertitude juridique pour les parties, qui ne sauront pas à quelle date
la décision prendra effet et comment elle s'appliquera. Concrètement,
En outre, la modulation dans le temps peut rendre difficile la gestion des situations
individuelles, notamment en matière de réparation du préjudice. En effet, si la décision ne

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prend effet qu'à une date ultérieure, les parties concernées peuvent subir des préjudices
continuels jusqu'à cette date, sans savoir si elles seront indemnisées et dans quelle mesure.

CONCLUSION

En définitive, la modulation est une technique qui existe depuis plusieurs années dans
plusieurs Etats : Autriche, Espagne, Italie, France…Toutefois, c’est depuis la révision
constitutionnelle du 19 mars 2020 que ce pouvoir a été admis en droit ivoirien. Cette
admission de la modulation temporelle dans l’ordonnancement juridique, aussi louable soit
elle,n’est pas à l’ombre des critiques.
Pour notre part, la modulation malgré les critiques de ses détracteurs demeure un pouvoir Inde
à dont dispose le juge constitutionnel pour protéger et sauvegarder les droits et libertés des
administrés.
Par ailleurs, la modulation temporelle ne favorise t’elle pas le respect du principe l’état de
droit ?

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BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

Ouvrages :

-FAVOREU (L.), GAIA (P.), GHEVONTIAN (R.), MESTRE (J.L.), PFERSMANN (O.),
ROUX (A.), SCOFFONI (G.), Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 7 è éd., 2004.
- GELARD (P.) et MEUNIER (J.), Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris,
Montchrestien, 1999.
- GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, coll.
Précis

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Domat, 19è éd, 2003.
-El Hadj MBODJ,théorie constitutionnelle
-Xavier Magnon,Annuaire international de la justice internationale
Constitution ivoirienne de

-MELEDJE (Djédjro Francisco), Droit constitutionnel, Abidjan, éd. ABC, 9e éd., 2011.

-MELEDJE (Djédjro Francisco), Avis et décisions de la jurisprudence constitutionnelle de


Côte d’Ivoire, Abidjan, éd. CNDJ/GIZ, 2012

- MELEDJE (Djédjro Francisco), Droit constitutionnel, Abidjan, éd. ABC, 9e éd., 2011.
- OURAGA (Obou), Droit constitutionnel et science politique, Abidjan, éd. ABC, 4e éd.,
2012.
- SINDJOUN (Luc), Les grandes décisions de la justice constitutionnelle africaine. Droit
constitutionnel jurisprudentiel et politiques constitutionnelles au prisme des systèmes
politiques africains, Bruxelles, éd. Bruylant, 2009.
- WODIÉ (Francis), Institutions politiques et droit constitutionnel en Côte d’Ivoire, Abidjan,
éd. Presses Universitaires de Côte d’Ivoire, 1996.
- WODIÉ (Francis), La Loi, Abidjan, éd. Centre de Recherche et d’Action pour la Paix
(CERAP), 2011.
- WODIÉ (Francis), Le Juge et la Loi, Abidjan, éd. CERAP, 2011.

-O. JOUANJAN, « La modulation des effets des décisions des juridictions constitutionnelle et
administratives en droit allemand »
-Docteur Mel Agnero Privat ,Support de cours de contentieux constitutionnel

Textes juridiques :

Loi n*2000-513 du 1er Août 2000 PORTANT CONSTITUTION DE LA CÔTE D’IVOIRE


Loi n*2016-886 du 08 novembre 2016 portant constitution de la Côte d’Ivoire
Loi n*2020-348 modifiant la loi n*2016-886 du 8 novembre 2016 portant constitution de la
république de Côte d’Ivoire

Articles :

Olga Mamoudy, « Insécurité juridique et modulation dans le temps des effets des décisions
de justice . »

N’dory Claude Vincent N’Gbesso,


Justice constitutionnelle et processus de démocratisation en Afrique de l’Ouest francophone
Rapport national le de la justice constitutionnelle Côte d’Ivoire

-O. JOUANJAN, « La modulation des effets des décisions des juridictions constitutionnelle et
administratives en droit allemand »

CC 2008-564 DC, 19 juin 2008, cons. 58, JO 26 juin 2008, p. 10228)

10
Sites internet :

- Site officiel du conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire:


http://www.conseil-constitutionnel.ci/
- Site de la Présidence de la République de Côte d’Ivoire: http://www.presidence.ci/
- Site offrant de la législation ivoirienne : http://www.loidici.com/

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