2016 07 13 Uruguay Factsheet FR

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Conclusions tirées Philip

du Morris
Conclusions tirées du recours juridictionnel
recours c. Uruguay
introduit par l'industrie du tabac à l'encontre de la
juridictionnel introduit par
réglementation sur le conditionnement neutre au RU
Conclusions
l'industrie du tabacdu Tribunal international
à l'encontre d’arbitrage
de la réglementation sur le
diti t t RU
En février 2010, trois filiales de Philip Morris International (PMI)1 ont lancé une procédure
judiciaire internationale2 auprès du Centre international de règlement des différends en matière
d’investissement (CIRDI), le tribunal d’arbitrage de la Banque mondiale. PMI estimait que deux
mesures anti‐tabac adoptées par l’Uruguay étaient contraires aux termes d’un traité bilatéral
d’investissement signé avec la Suisse3. PMI a introduit le recours suite aux échecs répétés des
actions intentées par des filiales de Philip Morris auprès des tribunaux nationaux. Le tribunal
d’arbitrage composé de trois arbitres a rendu sa décision le 8 juillet 2016, déboutant tous les
recours de PMI qui a été condamné à supporter les frais de justice de l’Uruguay (7millions de
dollars E.‐U.).

Les deux « Mesures contestées » se rapportent à :


1. l’obligation de recouvrir 80 % des faces avant et arrière des paquets de cigarettes de mises
en garde sanitaires ; et
2. l’interdiction de vendre plusieurs déclinaisons d’une même marque (supprimant ainsi les
familles de marques, puisqu’il a été démontré que certaines déclinaisons pouvaient induire
le consommateur en erreur et suggérer à tort que certaines cigarettes sont moins nocives
que d’autres) – on parle ici de l’exigence de présentation unique (en anglais : Single
Presentation Requirement ‐ SPR).4.

Les revendications : Les traités bilatéraux d’investissement (TBI) sont des accords conclus entre
deux Etats dans le but d’encourager les investissements directs étrangers en assurant certaines
protections et garanties aux investisseurs de l’autre État. Ces traités permettent aux investisseurs
étrangers de déposer des demandes d’arbitrage international mettant en cause la réglementation
édictée par les gouvernements. Le cigarettier PMI a fait valoir qu’une taille des mises en garde
sanitaires couvrant 80 % du paquet ne laissait pas suffisamment de place pour utiliser sa marque
commerciale et son logo comme prévu, et l’exigence de présentation unique lui interdisait de
commercialiser certaines de ses marques telles que Marlboro Gold. Dès lors, PMI a accusé
l’Uruguay d’enfreindre les termes du TBI en invoquant les motifs suivants :
1. les Mesures contestées constituaient une expropriation des droits de propriété
intellectuelle des marques commerciales de Philip Morris sans compensation ;
2. les Mesures contestées étaient arbitraires car elles ne s’appuyaient sur aucun fait avéré
démontrant leur efficacité et PMI s’est ainsi vu privé de son droit à un traitement juste et
équitable ;
3. les Mesures contestées n’ont pas répondu aux attentes légitimes de PMI eu égard à un
environnement réglementaire stable ou à sa capacité à utiliser les acquis de la marque afin
de réaliser des bénéfices ;
4. les tribunaux uruguayens n’ont pas géré de manière adéquate ou équitable les
contestations judiciaires initiées par PMI à l’échelon national, aboutissant ainsi à un déni de
justice.
Philip Morris a cherché à obtenir une ordonnance afin d’abroger les mesures contestées et être
dédommagé à hauteur de 25 millions de dollars É.‐U.

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PMI c. Uruguay : Conclusions du Tribunal international d'arbitrage

CONCLUSIONS DU TRIBUNAL
Cette sentence arbitrale très attendue se rapportait à des questions juridiques fondamentales
associées à l’équilibre entre les droits des investisseurs et la marge disponible pour permettre aux
États de réglementer en faveur de la santé publique. Bien que le droit de l’arbitrage international
n’applique pas la doctrine du précédent obligatoire, l’évolution d’une jurisprudence et de
précédents en lien avec les traités d’investissement signifie que la valeur étendue de chaque
sentence peut être particulièrement significative5. Cette décision a mis en exergue l’importance de
la Convention‐cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) dans la définition d’objectifs de lutte
antitabac et l’établissement des éléments de preuves appuyant la prise de mesures, et elle a
confirmé la nécessité consécutive pour les États de recréer une base d’éléments probants au
niveau local. Elle a soulevé la question de l’importante « marge d’appréciation » et de la déférence
accordées aux États souverains dans le contexte de l’adoption de mesures ou la prise de décisions
dans le domaine de la santé publique. Le tribunal a du reste établi que l’État n’était nullement tenu
de démontrer l’existence d’un lien de cause à effet direct entre la mesure et tout résultat constaté
en matière de santé publique – il suffit ici que les mesures aient vocation à répondre à une
préoccupation de santé publique et qu’elles soient prises de bonne foi.
La sentence a placé la barre très haute pour tout investisseur étranger cherchant à contester, par
le biais d’une procédure d’arbitrage des différends liés aux investissements, une mesure de santé
publique non discriminatoire répondant à un but légitime et prise de bonne foi.
Le numéro du paragraphe est indiqué entre crochets [¶] lorsque le libellé de la sentence est
directement cité. Le soulignement représente une mise en relief.

La portée juridique de la CCLAT de l’OMS (pour toutes les mesures de lutte


antitabac)

Le tribunal a autorisé l’OMS et le Secrétariat de la CCLAT, ainsi que l’Organisation panaméricaine


de la santé (OPS), à présenter des communications d’amici curiae (« amis de la cour »). La
communication du Secrétariat de la Convention/de l’OMS mentionnait :
« La mesure adoptée par l’Uruguay a été prise à l’appui d’un ensemble de preuves substantiel démontrant que
l’utilisation de mises en garde sanitaires illustrées de grande taille constitue un moyen efficace pour informer
le consommateur quant aux risques associés à la consommation de tabac et pour l’en dissuader. Il existe par
ailleurs un ensemble de preuves substantiel [sic] démontrant que l’interdiction de vendre plusieurs
déclinaisons d’une même marque permet d’empêcher efficacement les stratégies de marque trompeuses des
produits du tabac » [¶38]
Le mémoire d’amicus curiae de l’OPS mentionnait :
« Les mesures de lutte antitabac adoptées en Uruguay sont une réponse raisonnable et responsable aux
stratégies de publicité mensongère, de marketing et de promotion employées par l’industrie du tabac, elles se
fondent sur des faits avérés et ont démontré leur efficacité en matière de réduction de la consommation de
tabac. »[¶43]
Le tribunal a établi que les Mesures contestées s’appuyaient sur et servaient les obligations et
recommandations de la CCLAT, ce qui l’a amené à déterminer que ces mesures ne revêtaient

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PMI c. Uruguay : Conclusions du Tribunal international d'arbitrage

aucun caractère arbitraire (et n’enfreignaient pas la clause de traitement juste et équitable du TBI).
 Le tribunal a noté que la Loi n° 18256 sur la lutte antitabac6, en vertu de laquelle les
Mesures contestées ont été prises, énonce expressément qu’elle a été adoptée
conformément aux obligations de l’Uruguay au titre de la CCLAT. Le tribunal a poursuivi en
déclarant : « Il convient de souligner que les [Mesures contestées] ont été adoptées dans
l’accomplissement des obligations légales nationales et internationales de l’Uruguay dans le
domaine de la protection de la santé publique » [¶302]
 Le tribunal a déclaré que « Pour un pays aux ressources techniques et économiques
limitées tel que l’Uruguay, l’adhésion à la CCLAT et la participation au processus de
coopération technique et scientifique, de notification et d’échange d’informations
représentait un moyen important, sinon indispensable d’acquérir les connaissances
scientifiques et l’expérience du marché requises afin de dûment mettre en œuvre ses
obligations au titre de la CCLAT... » [¶393]
 Il a également insisté sur le fait que la CCLAT est un traité fondé sur des bases factuelles et,
dès lors, « dans pareilles circonstances, l’Uruguay n’était pas tenu de mener des études
supplémentaires ni de recueillir d’autres preuves afin d’appuyer les Mesures contestées »
[¶396]
Le droit des États de réglementer dans le domaine de la santé publique – éléments
de preuves requis et marge d’appréciation (pour toutes les mesures de santé
publique)

Le « droit de réglementer » dans l’intérêt général et la portée ou la flexibilité dont bénéficient les
États en vertu du régime juridique international des investissements est un sujet controversé. Le
tribunal a affirmé que les États bénéficiaient d’une importante « marge d’appréciation » et d’une
grande déférence eu égard aux mesures de santé publique ; il a par ailleurs précisé sur quels
points les États étaient tenus d’« apporter des preuves » dans le cadre de ces mesures de santé
publique.
 Il est vrai qu’il est difficile, voire impossible, de démontrer isolément l’impact individuel de
mesures telles que l’exigence de présentation unique et la réglementation antitabac locale
qui a relevé à 80 % de la surface du paquet la taille des avertissements sanitaires. Il est
difficile de mener des travaux de recherche motivationnelle en lien avec la consommation
de tabac (comme le reconnaissent les témoins experts des deux parties). De surcroît, les
Mesures contestées ont été introduites dans le cadre d’un programme plus étendu de lutte
contre le tabagisme, dont les différentes composantes sont difficiles à dissocier. Mais il
n’en demeure pas moins que l’incidence du tabagisme en Uruguay a reculé, notamment
chez les jeunes, et que ces mesures de santé publique tendaient dans cette direction et
étaient susceptibles d’y contribuer. Selon le tribunal, ces motifs sont suffisants pour
déclarer irrecevable un recours introduit au titre de l’article 5(1) du TBI. » [¶306]
 « D’un point de vue général, il convient de s’intéresser à la "marge d’appréciation"
reconnue aux autorités réglementaires dans le contexte des décisions prises en matière de
politiques publiques. D’après les requérants, cette "marge d’appréciation" ne s’applique
pas à la présente procédure ; il s’agit en effet d’un concept appliqué par la CEDH

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PMI c. Uruguay : Conclusions du Tribunal international d'arbitrage

[Convention européenne des droits de l’homme] aux fins d’interpréter le libellé spécifique
de l’article 1 du Protocole de la Convention, et le TBI ne contient aucune disposition
analogue. Le tribunal convient avec le défendeur que la "marge d’appréciation" ne se
limite pas au contexte de la CEDH mais "s’applique également aux recours introduits en
vertu d’un TBI", à tout le moins dans des contextes tels que la santé publique. » [¶398]
 « La responsabilité en matière de prise de mesures de santé publique incombe au
gouvernement et les tribunaux saisis en matière d’investissements doivent faire preuve
d’une grande déférence envers les jugements rendus par des gouvernements eu égard aux
besoins nationaux relevant de domaines tels que la protection de la santé publique. Dans
pareils cas, le respect découle de "l’exercice discrétionnaire du pouvoir souverain,
accompli de manière rationnelle et en toute bonne foi … impliquant de nombreux facteurs
complexes". Pour reprendre les propos employés par un autre tribunal d’arbitrage en
matière d’investissements, "pour le tribunal,... la seule question consiste à déterminer
l’existence éventuelle d’un manque manifeste de motifs appuyant la législation." »[¶399]
 « Au final, le tribunal ne juge pas nécessaire de déterminer si l’exigence de présentation
unique a bien eu les effets escomptés par l’État mais cherche plutôt à déterminer si la
mesure présentait un caractère "raisonnable" au moment où elle a été adoptée. Que
l’exigence de présentation unique ait ou non permis de répondre efficacement aux
perceptions du public quant à la sécurité des produits du tabac et que les entreprises
cherchent ou non à induire le public en erreur, ou qu’elles aient cherché à le faire dans le
passé, il suffit alors, à la lumière des normes applicables, de faire valoir que l’exigence de
présentation unique avait pour but de répondre à une véritable préoccupation de santé
publique, que la mesure prise n’était pas disproportionnée par rapport à ladite
préoccupation et qu’elle a été adoptée de bonne foi. »[¶409]

Expropriation des droits de propriété intellectuelle (concernant le conditionnement


neutre)
Le tribunal a débouté le recours pour expropriation en s’appuyant sur deux motifs. Tout d’abord,
les mesures n’ont pas eu pour effet de priver substantiellement les demandeurs de la valeur de
leur investissement global (car ils ont pu poursuivre leur activité de commercialisation de tabac
en Uruguay) ; par ailleurs, les règlements constituaient un exercice valide du droit de l’État de
réglementer dans l’intérêt public (pouvoirs de police).

Valeur de la propriété du demandeur


 « Selon le tribunal, pour déterminer ici si l’exigence de présentation unique entraînait un
effet d’expropriation, l’activité d’Abel doit être considérée dans sa globalité puisque les
mesures se sont répercutées sur l’ensemble de ses opérations. » [¶283]

 « Selon le tribunal, dans le cas d’un recours fondé sur l’expropriation indirecte, on ne peut
parler d’expropriation tant qu’une valeur suffisante demeure à l’issue de l’application des
Mesures contestées. Ainsi que l’ont confirmé des décisions prises au titre des traités
d’investissement, une perte partielle de bénéfices qu’un investissement aurait permis
d’engranger en l’absence de la mesure ne confère aucun effet d’expropriation à la mesure

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PMI c. Uruguay : Conclusions du Tribunal international d'arbitrage

en question. » [¶286]

Utilisation des pouvoirs de police de l’État (ou droit d’un État de réglementer dans l’intérêt public)
 « Selon le tribunal, l’adoption des Mesures contestées par l’Uruguay constituait un exercice
valide des pouvoirs de police de l’État » [¶287] « La protection de la santé publique est
depuis longtemps reconnue comme une manifestation essentielle des pouvoirs de police de
l’État » [¶291]

 « Il convient de souligner que les [Mesures contestées] ont été adoptées dans
l’accomplissement des obligations légales nationales et internationales de l’Uruguay dans le
domaine de la protection de la santé publique » [¶302]

Les droits d’utilisation des cigarettiers à l’égard de leurs marques commerciales


(concernant le conditionnement neutre)
Dans le cadre des recours intentés à l’encontre des législations strictes en matière de
conditionnement, y compris les mises en garde sanitaires de grande taille, l’exigence de
présentation unique et le conditionnement neutre, les cigarettiers font valoir que l’enregistrement
de leurs marques de commerce leur accorde un droit de jouissance vis‐à‐vis de ces marques, y
compris lorsque cette utilisation est contraire à l’intérêt public. Cet argument a été invoqué, et
rejeté, dans le contexte du recours introduit contre le conditionnement neutre auprès de la Haute
Cour du Royaume‐Uni7, et a également été utilisé dans le cadre du recours formé à l’encontre de la
loi australienne sur le conditionnement neutre au niveau de l’Organisation mondiale du
Commerce8.

 « Le tribunal note qu’aucun élément de la Convention de Paris9 ne mentionne


expressément qu’une marque accorde un droit concret d’utilisation »[¶260] « aucun
passage de l’ADPIC10, en supposant qu’il soit applicable, ne prévoit un droit
d’utilisation. »[¶262] « Les demandeurs font également valoir qu’une marque commerciale
est un droit de propriété en vertu du droit uruguayen, conférant ainsi un droit d’utilisation.
Une fois encore, à aucun moment leur argument n’appuie la conclusion selon laquelle une
marque commerciale accorde un droit inaliénable d’utilisation de la marque. »[¶266]

 « Sous certaines conditions, la propriété d’une marque commerciale confère un droit


d’utilisation à cet égard. Il s’agit d’un droit d’utilisation vis‐à‐vis d’autres personnes, un
droit exclusif mais relatif. Il ne s’agit pas d’un droit absolu de jouissance pouvant être
revendiqué à l’encontre de l’État…Aucun élément des sources juridiques citées par les
demandeurs n’appuie la conclusion selon laquelle une marque commerciale équivaut à un
droit d’utilisation absolu, inaliénable qui est, d’une manière ou et d’une autre, protégé ou
garanti face à toute règlementation susceptible de limiter ou restreindre son utilisation. De
surcroît, comme l’a souligné le défendeur, ce n’est pas la première fois que l’industrie du
tabac réglemente de manière à empiéter sur l’utilisation des marques
commerciales »[¶267‐268]

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PMI c. Uruguay : Conclusions du Tribunal international d'arbitrage

 « Le tribunal conclut qu’en vertu du droit uruguayen ou des conventions internationales


auxquelles l’Uruguay est partie, le propriétaire de la marque commerciale ne jouit pas d’un
droit absolu d’utilisation, à l’abri de toute réglementation, mais uniquement du droit
exclusif d’exclure de tierces parties du marché de sorte que seul le propriétaire de la
marque commerciale puisse utiliser celle‐ci, en fonction du pouvoir réglementaire de
l’État. »[¶271]

Attente légitime à l’égard d’un environnement réglementaire stable (pour toutes les
mesures de santé publique)

Une partie du recours de PMI faisant valoir qu’il n’avait pas bénéficié d’un traitement juste et
équitable s’appuyait sur l’attente légitime selon laquelle l’environnement réglementaire n’allait
pas évoluer radicalement et, plus particulièrement, selon laquelle une autorisation
d’enregistrement légal de ses marques commerciales lui permettrait alors de les utiliser aux fins
pour lesquelles elles étaient enregistrées.

 « Les fabricants et les distributeurs de produits nocifs tels que les cigarettes ne peuvent
que s’attendre à ce que de nouvelles réglementations plus lourdes soient
imposées. »[¶429]

 « En effet, à la lumière des prises de position les plus communément acceptées dans le
monde eu égard aux effets néfastes du tabac, ils ne pouvaient que s’attendre à un
durcissement progressif de la réglementation relative à la vente et à l’utilisation des
produits du tabac. Et le fait qu’un règlement ouvre de nouvelles perspectives ne constitue
pas non plus une objection valide. » [¶430]

Déni de justice

Les filiales de PMI ont introduit un certain nombre de recours à l’encontre des Mesures contestées
devant les juridictions nationales uruguayennes, et aucun n’a abouti. Dans l’affaire d’arbitrage,
PMI a fait valoir que deux juridictions distinctes avaient invoqué des motifs contradictoires pour
justifier la constitutionnalité de l’exigence de mises en garde sanitaires couvrant 80 % du paquet.
PMI a également revendiqué que le tribunal statuant sur le recours de PMI contre l’exigence de
présentation unique s’appuyait excessivement sur une autre décision qui avait rejeté la demande
de British American Tobacco à l’encontre de cette même mesure. Le tribunal a conclu que les
décisions nationales « peuvent sembler étranges, voire surprenantes », mais :

 « …les tribunaux d’arbitrage ne doivent pas agir telles des cours d’appel pour établir un
déni de justice, et encore moins en tant qu’instances chargées d’améliorer l’architecture
judiciaire de l’État. »[¶528]

 « Généralement, lorsqu’ils se penchent sur des vices de procédure, les tribunaux


d’arbitrage ont fixé un seuil élevé concernant le déni de justice. « Pour qu’un déni de justice
existe en vertu du droit international, des "preuves formelles doivent révéler … un
scandaleux échec du système judiciaire" ou une "injustice systématique"… » [¶500]

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PMI c. Uruguay : Conclusions du Tribunal international d'arbitrage

Opinion divergente
L’arbitre nommé par PMI, Gary Born, a exprimé son désaccord sur deux points ‐ (1) l’accusation de
déni de justice concernant les procédures appliquées par les tribunaux uruguayens ; et (2) le fait
que l’exigence de présentation unique n’ait pas été imposée ou considérée par la CCLAT et que
celle‐ci, sur la base du contexte factuel et des éléments de preuves existant en Uruguay, était
manifestement arbitraire et disproportionnée et a donc privé PMI de son droit à un traitement
juste et équitable. L’arbitre ayant une opinion divergente a estimé que « Les preuves
documentaires démontrent sans aucune ambiguïté l’absence de toute discussion constructive en
interne ou prise en compte de l’exigence de présentation unique au sein du ministère de la Santé
publique (ou d’une autre instance du gouvernement uruguayen) ».
Il déclare toutefois dans son opinion divergente : « J’adhère à la quasi‐totalité des conclusions
énoncées dans la décision du tribunal. » Il a convenu que les mises en garde sanitaires couvrant
80 % du paquet n’étaient pas contraires aux termes du TBI. Il a également exprimé son accord
avec les principes fondamentaux qui influent sur la capacité d’un État à adopter des mesures de
santé publique Gary Born était en désaccord avec les deux autres arbitres concernant l’application
de ces principes à l’exigence de présentation unique plutôt que la formulation des principes eux‐
mêmes. Sa position n’a pas triomphé, mais il en ressort que les mesures de santé publique feront
davantage le poids face aux recours juridictionnels si les gouvernements consignent de la manière
la plus complète qui soit les éléments de justification et de preuve ainsi que les motifs qui sous‐
tendent ces mesures.

Finalité du présent document :


Le présent document revient brièvement sur les principales questions ayant une portée plus large au regard du droit
international concernant les mesures de lutte antitabac ou de santé publiques adoptées par des gouvernements
souverains ; le document propose également une mise en exergue des passages de la longue décision de justice qui
pourront être examinés plus en détails en cas de besoin. Il ne se veut pas une analyse juridique définitive ni ne
constitue une synthèse complète de la décision de justice.

Références

1 1. Philip Morris Products S.A. (filiale suisse de Philip Morris International), 2. Abal Hermanos S.A. (cigarettier

uruguayen) 3. FTR Holdings S.A. (conglomérat suisse propriétaire d'Abal Hermanos S.A. ‐ remplacé par Philip Morris
Brand Sarl dans le recours)
2 Philip Morris Brand Sàrl (Suisse), Philip Morris Products S.A. (Suisse) et Abal Hermanos S.A. (Uruguay) c. République

orientale de l'Uruguay (CIRDI, Affaire n° ARB/10/7). La demande d'arbitrage, l'avis des experts, la décision de
compétence et les ordonnances de procédure peuvent être consultés ici : http://www.italaw.com/cases/460
3 Accord bilatéral de promotion et de protection réciproque des investissements de 1991 Suisse – Uruguay. Pour

obtenir un exemplaire, cliquer sur le lien : http://investmentpolicyhub.unctad.org/Download/TreatyFile/3121


4 Ordonnance n° 514 du ministère de la Santé publique datée du 18 août 2008
5 Precedent in Investment Treaty Arbitration A Citation Analysis of a Developing Jurisprudence

Jeffery P. Commission, Journal of International Arbitration 24(2) : 129–158, 2007.


6 Loi n° 18256 du 6 mars 2008 (C‐33)
7 R (British American Tobacco & Ors) v Secretary of State for Health [2016] EWHC 1169 (Admin).

https://www.judiciary.gov.uk/wp‐content/uploads/2016/05/bat‐v‐doh.judgment.pdf
8 Consulter ici le résumé du différend proposé par le gouvernement australien : http://dfat.gov.au/international‐

relations/international‐organisations/wto/wto‐dispute‐settlement/Pages/wto‐disputes‐tobacco‐plain‐
packaging.aspx

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PMI c. Uruguay : Conclusions du Tribunal international d'arbitrage

9 La Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle de 1983, encore en vigueur aujourd'hui, est

l'un des premiers traités abordant la question de la propriété intellectuelle.


10 L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) est un accord

international administré par l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) qui fixe des normes minimales pour la
plupart des formes de réglementation de propriété intellectuelle telles qu'elles sont appliquées aux ressortissants
d'autres pays Membres de l'OMC.

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