2015GRE15057 D'audigier Sebastien Et Filz Emmanuel (1) (D)

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Attitudes des médecins généralistes face aux

prescriptions chroniques de benzodiazépines : étude


qualitative par entretiens semi-dirigés auprès de 13
médecins généralistes
Sébastien d’Audigier, Emmanuel Filz

To cite this version:


Sébastien d’Audigier, Emmanuel Filz. Attitudes des médecins généralistes face aux prescriptions
chroniques de benzodiazépines : étude qualitative par entretiens semi-dirigés auprès de 13 médecins
généralistes. Médecine humaine et pathologie. 2015. �dumas-01163898�

HAL Id: dumas-01163898


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Ce document est le fruit d'un long travail approuvé par le


jury de soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la
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UNIVERSITÉ JOSEPH FOURIER
FACULTE DE MÉDECINE DE GRENOBLE

Année : 2015 THÈSE N°

Attitudes des médecins généralistes face aux prescriptions


chroniques de benzodiazépines.

Étude qualitative par entretiens semi-dirigés auprès de 13 médecins


généralistes

THÈSE
PRÉSENTÉE POUR L’OBTENTION DU DOCTORAT EN MÉDECINE

DIPLÔME D’ÉTAT

Par Mr D’AUDIGIER Sébastien Né le 12 Novembre 1987 A Fontainebleau (77)


&
Par Mr FILZ Emmanuel Né le 26 Février 1987 A Saint Martin d’Hères (38)

THÈSE SOUTENUE PUBLIQUEMENT A LA FACULTE DE MÉDECINE DE GRENOBLE*

Le : Mercredi 3 Juin 2015

DEVANT LE JURY COMPOSÉ DE

Président du jury : Mme le Pr Laurence BOUILLET

Membres :

M. le Pr Mircea POLOSAN

M. le Pr Renaud TAMISIER

Mme le Dr Christel ODDOU (directrice de thèse)

*La Faculté de Médecine de Grenoble n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans les thèses ; ces opinions sont considérées comme propres à leurs auteurs.

1
REMERCIEMENTS

À Mme le Professeur BOUILLET,


Nous vous remercions de votre disponibilité et de l’honneur que vous nous faites en
présidant notre jury de thèse.

À Mr le Professeur POLOSAN,
Merci de votre intérêt à l’égard de notre travail et de l’éclairage que vous apporterez sur
notre travail.

À Mr le Professeur TAMISIER,
Nous vous remercions de votre disponibilité et de l’intérêt que vous avez manifesté en
acceptant de prendre part à ce jury.

À Mme le Docteur Christel ODDOU,


Merci d’avoir accepté d’être notre directrice de thèse. Merci de nous avoir accompagnés
par tes conseils et ta disponibilité tout au long de la patiente élaboration de notre thèse.

À tous les médecins que nous avons sollicités dans le cadre de notre thèse et qui ont
acceptés de nous donner de leur temps pour participer aux entretiens.
Merci pour votre disponibilité.

2
REMERCIEMENTS DE LA PART DE SÉBASTIEN

À Manu pour ta collaboration sur ce travail de longue haleine et notre amitié qui dure
depuis le collège,

À mes parents et mes frères pour leur soutien tout au long de mes études,

À mes amis pour tous les bons moments passés et à venir (Erwan, Bill, Elo, Cél et Ju,
Charky, Landry, Bado et Chacha et tous les autres) et à mes anciens co-internes pour les
bons moments en stage (Lulu, Rachel, Murielle, Elise, Mumu, Flav', Thomas GTI...),

À mes maîtres de stage et aux médecins que j'ai côtoyés lors de ma formation et qui m'ont
fait profiter de leur expérience,

À Ghislaine et Jean-Paul, Henri et Laurence, pour leur soutien,

Et enfin à Laura, pour ton amour et ta présence à mes côtés.

REMERCIEMENTS DE LA PART D’EMMANUEL

Je tenais à remercier tous ceux et celles que j’ai rencontrés et qui m’ont aidés à leur
manière tout au long de mon cursus médical et de ma thèse, tout particulièrement :

- Claire, ma petite femme, qui a toujours été présente à mes côtés au cours de mon
internat et de ma thèse, pour sa patience, son soutien et tout l’amour qu’elle me
donne
- Mes parents, pour l’amour qu’ils m’ont toujours donné depuis le premier jour
- Vivien, Nolween, mais aussi plus largement ma famille et mes amis
- Mes maîtres de stage qui m’ont transmis leur amour pour la médecine de famille et
la traumatologie : Jean-Marie, Nicolas, Ed, Brigitte et Claudius
- Les champsaurins, en particulier l’équipe de la MSP du Haut-Champsaur pour leur
accueil chaleureux,
- Mon pépé de Monestier, qui fut le premier à m’appeler « le Docteur »
- Et enfin, Sébastien, avec qui je suis heureux d’avoir pu mener cette thèse qui est
l’aboutissement de 10 ans de travail et d’entraide, de 15 ans d’une belle amitié.

3
ABRÉVIATIONS

AMM : Autorisation de Mise sur le Marché

ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament

CNIL : Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés

ECAB (échelle) : Echelle Cognitive d’Attachement aux Benzodiazépines

EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes

HAS : Haute Autorité de Santé

ROSP : Rémunération sur Objectifs de Santé Publique

TCC : Thérapie Cognitivo-Comportementale

IDENTIFICATION DES CITATIONS

(M2) : la lettre signifie que la citation est extraite de l'un des 13 entretiens de médecins, le

numéro renvoie à l’entretien correspondant (ici l’entretien n°2)

4
RÉSUMÉ

Titre : Attitudes des médecins généralistes face aux prescriptions chroniques de


benzodiazépines.

Introduction : Les benzodiazépines restent largement prescrites en France au-delà des


durées recommandées, en particulier chez les sujets âgés, malgré leurs nombreux effets
secondaires. Nous avons voulu explorer les attitudes des médecins généralistes
concernant les prescriptions chroniques de benzodiazépines rencontrées au cours de leur
pratique quotidienne dans le cadre de l’anxiété et l’insomnie.

Méthode : Etude qualitative par entretiens semi-dirigés auprès de 13 médecins


généralistes installés depuis un an minimum, exerçant en Isère et en Haute Savoie entre
novembre 2014 et mars 2015.

Résultats : Dans notre étude, les médecins paraissaient sensibilisés aux effets
indésirables des benzodiazépines. Ils déclaraient vouloir limiter leur chronicisation,
réévaluer régulièrement les prescriptions et essayer de sensibiliser le patient aux effets
indésirables. De nombreux obstacles liés aux conditions d’exercice du médecin (manque
de temps) et au patient (dépendance, attachement au traitement) limitaient les possibilités
de modifications du traitement. Ces difficultés étaient plus fortes chez les sujets âgés : le
médecin se résignait parfois et abandonnait les tentatives de sevrage. Quand le traitement
était bien toléré, le risque de provoquer un syndrome de sevrage était parfois perçu
comme supérieur au bénéfice de l’arrêt. Quand le traitement devait être renouvelé, le
médecin préférait accompagner le patient dans ses difficultés et ainsi entretenir une
relation de confiance avec le patient.

Conclusion : Il semble nécessaire de renforcer la formation des médecins à la prescription


des psychotropes, favoriser l'accès aux thérapies cognitivo-comportementales et
encourager l’implication des médecins généralistes dans l’élaboration et l’évaluation de
protocoles d’aide au sevrage.

Mots clés : benzodiazépines, prescriptions chroniques, médecins généralistes, attitude

Keywords: benzodiazepines, long term use, general practitioners, attitude

5
ABSTRACT

Title: GP's attitudes toward chronic benzodiazepines prescriptions.

Introduction: Benzodiazepines are widely prescribed in France and often prescribed long-
term inappropriately, especially in the elderly, despite their many side effects.
We aimed to explore the attitudes of general practitioners on chronic benzodiazepine
prescriptions they renew in their daily practice in the context of anxiety and insomnia.

Method: Qualitative study by semi-structured interviews between November 2014 and


March 2015 with 13 GPs working in the Haute-Savoie and Isère and settled for at least
one year.

Results: In our study, doctors seemed aware of the adverse effects of benzodiazepines.
They said they wanted to prevent long term use, regularly review the prescriptions and try
to educate the patient to adverse events. Many obstacles related to physician practice
conditions (lack of time) and the patient (dependence, attachment to treatment) limited the
possibilities for changing the treatment. These difficulties were greater in the elderly:
doctors sometimes resigned and abandoned withdrawal attempts.
When treatment was well tolerated, the risk of causing a withdrawal syndrome was
sometimes perceived as superior to the benefit of stopping benzodiazepines.
When treatment should be renewed, the doctor preferred to help the patient to face his
difficulties by showing empathy and thus maintain a good relationship with the patient.

Conclusion: It seems necessary to improve the training of physicians to psychotropic drugs


prescribing, promote access to cognitive behavioral therapy and involvement of general
practitioners in the development and evaluation of withdrawal protocols.

Keywords: benzodiazepines, long term use, general practitioners, attitude

6
SOMMAIRE

INTRODUCTION …………………………………………………………………. 8

MATÉRIEL ET MÉTHODES ……………………………………………………. 10

RÉSULTATS ……………………………………………………………………... 13
1) Une volonté des médecins de limiter les prescriptions chroniques de benzodiazépines.. 14

2) Amener le patient à réduire sa consommation de benzodiazépines ……………………… 17

3) De nombreux obstacles à la limitation de ces prescriptions de benzodiazépines,


sources de résignation ………………………………………………………………………… 20

4) Ne pas bousculer une situation d'équilibre …………………………………………………....28

5) S’adapter au patient, pour l’accompagner et le comprendre, en privilégiant le dialogue ..32

6) Des pistes de solutions évoquées par les médecins ………………………………….……..37

DISCUSSION ……………………………………………………………...…….. 38

CONCLUSION …………………………………………………………………… 48

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES …………………………………………50

ANNEXES :

- Liste des PU- PH de la faculté de Grenoble …………………………………………..52


- Serment d’Hippocrate ..............................................................................................56
- Guide d’entretien et Texte préliminaire ...............................................................… 57
- Arborescence des thèmes et sous-thèmes issus du codage.................................. 59
- Verbatim intégral des 13 entretiens .........................................................................63

o Entretien n°1 ........................................................................................................63


o Entretien n°2 .......................................................................................................70
o Entretien n°3 .......................................................................................................76
o Entretien n°4 .......................................................................................................85
o Entretien n°5 .......................................................................................................90
o Entretien n°6 .......................................................................................................96
o Entretien n°7 ...............................................................................................…....103
o Entretien n°8 ..................................................................................................….111
o Entretien n°9 ..................................................................................................….117
o Entretien n°10 ................................................................................................….122
o Entretien n°11 ................................................................................................….129
o Entretien n°12 ................................................................................................….134
o Entretien n°13 ....................................................................................................139

7
INTRODUCTION

Les benzodiazépines sont des molécules agissant sur le système nerveux central,
prescrites dans la majorité des cas pour leurs propriétés anxiolytiques et hypnotiques.

En Europe, la France reste un des pays les plus consommateurs (le 2 e en 2009)
d’anxiolytiques et d’hypnotiques. Ainsi les benzodiazépines représentaient en 2012 près
de 4% de la consommation globale de médicaments avec 11,5 millions de français ayant
consommé au moins une fois une benzodiazépine dans l’année. (1)

Si les recommandations sur leur bon usage avaient permis à partir de 2000 une baisse
progressive du volume de prescriptions, on assiste depuis 2010 à une nouvelle hausse de
la consommation de benzodiazépines en France, malgré les restrictions d’usage
concernant certaines molécules (Tétrazépam et Clonazépam). (1)

Les benzodiazépines comportent de nombreux effets indésirables bien connus, parmi


lesquels des risques de somnolence, de confusion ou d’amnésie ainsi que des
phénomènes de tolérance et de dépendance. Les sujets âgés sont particulièrement
vulnérables avec un risque de chute. (2) Certaines études montrent également que ces
molécules pourraient être associées au risque de survenue de démence. (3) Enfin, les
benzodiazépines sont associées à un risque significatif d’accident de la route. (4)

La durée de prescription précisée dans l’AMM et dans les recommandations est de 3 mois
maximum, décroissance incluse. (5) Par contre, les temps d’exposition observés dans la
littérature sont en moyenne bien au-delà. Ainsi, 55 % des patients consomment un
hypnotique pendant plus de 3 mois consécutifs.18% des consommateurs se procurent leur
traitement en continu et la moitié d’entre eux le font pendant au moins 5 années d’affilée.

En France, 90% des prescriptions émanent de prescripteurs libéraux, dont 90%


proviennent des médecins généralistes. (1) Les médecins généralistes sont donc en
première ligne face à la problématique des prescriptions de benzodiazépines et leur
chronicisation.

8
Ce constat interroge sur les mécanismes pouvant expliquer la poursuite de ces
prescriptions alors que le rapport bénéfices-risques diminue avec le temps. Dans la
littérature, la plupart des études se sont plutôt intéressées aux déterminants de la
prescription initiale.

Notre objectif sera d’explorer les attitudes des médecins généralistes en France envers les
prescriptions de benzodiazépines qu’ils rencontrent dans leur pratique et qu’ils peuvent
être amenés à renouveler au-delà des durées recommandées. Nous nous intéresserons
aux prescriptions en lien avec un contexte d’anxiété ou d’insomnie, identifié ou supposé.

9
MATÉRIEL ET MÉTHODES

Type d'étude :
Une étude utilisant une méthode qualitative par entretiens semi-structurés, au moyen d’un
guide d’entretien, a été menée pour répondre à la problématique.

Population étudiée :
La population cible était les médecins généralistes installés en exercice libéral, dans les
départements de l'Isère et de Haute-Savoie.

Le recrutement des médecins s’est déroulé au moyen de sollicitation par envoi de


courriels relayés par les antennes départementales du Conseil de l'Ordre des médecins de
Haute-Savoie et d'Isère, puis par sollicitation aléatoire via l'annuaire téléphonique et par
connaissance, afin d’établir à priori une recherche de variation maximale. Notre but était
de constituer un échantillon permettant d’explorer la diversité des attitudes et des
pratiques possibles face à ces situations de prescription de benzodiazépines devenues
chroniques.

L'inclusion des médecins a eu lieu de novembre 2014 à mars 2015, jusqu’à obtention
d’une saturation des données, définie par deux entretiens successifs n’apportant plus de
nouvelle information répondant à la question de recherche.

Critères d’inclusion et d’exclusion :


Ont été inclus les médecins généralistes libéraux, exerçant dans un cabinet seul ou de
groupe, installés depuis un an au minimum, dans les départements de l'Isère et la Haute-
Savoie, et qui étaient volontaires pour répondre à un entretien téléphonique dans le cadre
de l’étude.

Ont été exclus les médecins remplaçants, salariés travaillant en milieu hospitalier (ou
assimilés). Notre but était de cibler des médecins généralistes ayant déjà eu à se
positionner comme médecin traitant avec une partie de leur patientèle vis-à-vis de
prescriptions identifiées chroniques et ayant une certaine connaissance du patient et de
son environnement.

Ont également été exclus tout médecin généraliste dont la pratique aurait été connue d’un
des investigateurs (exemple : ancien maitre de stage, médecin connu avoir une pratique
particulière…).

10
Investigateurs :
Les entretiens individuels ont été réalisés alternativement par les deux auteurs selon un
canevas d’entretien prédéfini. Aucun des deux investigateurs ne présentait de conflit
d'intérêt.

Définitions, limites du domaine de l’étude :


Nous avons choisi de restreindre l’étude à l’utilisation des benzodiazépines à visée
anxiolytique et hypnotique. L’utilisation des benzodiazépines à visée anti-convulsivante
nous semblait une problématique clairement distincte, codifiée et appartenant au domaine
de la neurologie. De même pour les benzodiazépines à visée myorelaxante, devenues
marginales depuis le retrait du marché du Tétrazépam en 2013. Cette restriction a donc
été définie au préalable de chaque entretien.

Nous avons défini le terme de prescription « chronique » de benzodiazépines par


l’ensemble des prescriptions dont la durée dépassait celle recommandée par l’HAS, soit
12 semaines. Cette définition était également répétée à chaque médecin interrogé avant
l’entretien pour rappeler le cadre choisi.

Recueil des données


Les entretiens ont été programmés selon les disponibilités des médecins puis conduits par
téléphone. Le choix d’un entretien dématérialisé par téléphone devait faciliter l’expression
du médecin interviewé, sans jugement sur sa pratique.

Avant chaque recueil de données, l’investigateur expliquait le cadre de l’étude, le


déroulement de l’entretien et sollicitait l’accord oral du médecin à l’enregistrement de la
conversation qui était anonymisé. A la fin de l’entretien, des données d’ordre
démographiques étaient recueillies et également anonymisées afin de suivre la
constitution de notre échantillon.

Ce recueil a été réalisé en utilisant le logiciel Skype et un logiciel d’enregistrement (MP3


Skype Recorder).

L’avis de la CNIL a été sollicité mais n’a pas été suivi d’une demande d’autorisation dans
la mesure où les données recueillies auprès des médecins ne sont pas nominatives.

11
Guide d'entretien (présenté en annexe)
Un guide d'entretien semi-structuré a été élaboré à l’issue d’une première revue de la
littérature ayant permis de dégager plusieurs thématiques autour de notre question de
recherche.

Ce guide comportait un ensemble de sept questions ouvertes, conversationnelles et


évolutives, l'objectif de l’investigateur étant de favoriser l'expression libre des médecins
tout en veillant à balayer tous les aspects pertinents du problème, au moyen de la grille
d’entretien et d’éventuelles relances.

Le guide d'entretien a été testé lors de deux entretiens pilotes. Les résultats recueillis
répondant de façon satisfaisante à la question de recherche, le canevas d’entretien a été
conservé. Les questions ont fait l’objet de réorganisations et de reformulations au cours
des entretiens afin de les rendre plus claires et leur enchaînement plus logique, tout en
conservant ce canevas initial.

Analyse des données


Les entretiens audios ont été intégralement retranscrits, en intégrant si nécessaire les
données non verbales, et relus par les deux investigateurs.

Les verbatim ont ensuite été fragmentés en une liste de codes ouverts, un code étant
défini par un groupe nominal, une phrase ou un groupe de phrases constituant une même
unité de sens. Ce travail d'analyse a été réalisé indépendamment par chaque
investigateur grâce au logiciel d'analyse qualitative Nvivo10 au fur et à mesure du
recueil. Les codes obtenus étaient comparés après chaque entretien pour aboutir à une
liste consensuelle. Aucun code n’ayant été ajouté à l’issue des entretiens 12 et 13, la
saturation des données a été considérée atteinte après le codage du treizième entretien.
L'analyse des données a ainsi suivie la méthode de la "grounded theory" : les codes ont
été regroupés en catégories puis en thèmes répondant à la question de recherche et
constituant ainsi nos résultats. Le détail des thèmes est présenté en annexe.

12
RÉSULTATS

13 médecins (4 hommes, 9 femmes) âgés de 31 à 63 ans ont été interrogés au cours de


notre étude.

Sexe Femme Homme


9 4

Age 30-40 40-50 50-60 60+


5 0 5 3

Milieu d’exercice Urbain Rural ou semi-rural


6 7

Activité 15-20/jour 20-30/jour 30-40/jour


(consultations/jour)
5 7 1

Maitres de stage Oui Non


3 10

Au terme de nos entretiens, 223 codes ont été recueillis après codage consensuel, puis
analysés et regroupés en sous-thèmes et en thèmes (arborescence des sous-thèmes et
thèmes présentée en annexe), constituant ainsi les résultats qui seront présentés ci-
dessous.

Les attitudes recensées ont suivi 5 axes principaux :


- la volonté des médecins de limiter les prescriptions chroniques de
benzodiazépines,
- informer, motiver et soutenir le patient pour l’amener à réduire sa consommation,
- une résignation progressive du médecin face à de nombreux obstacles limitant ses
tentatives de modification du traitement chronique
- la volonté de ne pas bousculer une situation d’équilibre
- la volonté d’accompagner le patient en s’adaptant et en privilégiant le dialogue

13
1) Une volonté des médecins de limiter les prescriptions chroniques de
benzodiazépines

Les médecins se disaient sensibles aux effets secondaires des benzodiazépines et


faisaient part de leur volonté de limiter les chroniques de benzodiazépines.

- L'évocation d’un changement du contexte de prescription des


benzodiazépines

Plusieurs médecins évoquaient un changement du contexte de prescription des


benzodiazépines au cours des trente dernières années. Certains médecins rapportaient
ainsi des comportements passés de sur-prescription qui pour eux étaient à l'origine d'un
certain nombre de traitements chroniques actuels.

« C'est une génération dont on écope un peu le boulot des anciens médecins et... De toute une
génération. Enfin, mais bon, j'aurais peut-être fonctionné comme ça aussi hein, à l'époque. » (M9)

« La prescription initiale date d’une époque où j’étais étudiant... C’est une époque aussi où ces
produits sortaient sur le marché et étaient sur-prescrits. » (M10).

La perception de ces molécules par les médecins semble avoir changé. La plupart des
médecins déclaraient vouloir limiter la consommation des benzodiazépines et exprimaient
leur accord avec les recommandations les incitant à le faire.

« C’est une recommandation des agences nationales et ça me parait cohérent de nous pousser
[...] dans la voie de diminution de la prescription des psychotropes. » (M5)

« Il y a eu […] une sacrée décroissance des prescriptions en quelques années… donc c’est
forcément j’allais dire notre génération […] qui a été à l’origine de ça. » (M3)

De même les généralistes évoquaient leur rôle de prévention dans la chronicisation des
traitements par ce type de molécules.

« Nous, généralistes, nous avons un rôle important de prévention donc je pense qu’il ne faut pas
prendre ça par-dessus la jambe […] à la fois chez des patients ambulatoires que chez des patients
de type résidents d’EHPAD » (M5)

Ainsi les médecins expliquaient leur prudence vis à vis des prescriptions de
benzodiazépines en les limitant à des prescriptions courtes tout en évaluant et surveillant
le risque de chronicisation ultérieure.

« A priori, quand on prescrit un anxiolytique, même une « benzo », on part du principe qu’on va la
prescrire à court terme. Après, on se fait avoir des fois. Mais, c’est jamais dans l’idée qu’on va la
prescrire à long terme. » (M3)

14
La plupart insistaient sur l'importance de prévoir une durée courte de traitement dès le
départ en l'expliquant au patient.

« C'est pour ça que je pense que c'est important à la prescription de leur dire que […] c'est qu'un
passage quoi, faut se fixer [...] une durée courte de traitement. » (M9)

- Des médecins sensibilisés aux effets indésirables, critiquant le rapport


bénéfices-risques au long cours

La plupart des médecins interrogés étaient sensibilisés aux effets indésirables des
benzodiazépines et connaissaient les risques théoriques de ces molécules.
L'effet indésirable le plus fréquemment évoqué et constaté en pratique était la
dépendance.

« Si ça fait vingt ans ou trente ans qu’ils dorment avec leur truc, si on leur enlève, et bien ils ne
dorment plus. […] J'ai l’impression que le corps humain, il intègre complètement le médicament et
il vit avec quoi. » (M7)

Certains faisaient même le parallèle entre les benzodiazépines et les drogues.

« Que ce soit avec des « benzos », voire avec des somnifères, il y a des gens dépendants et ils
viennent chercher leur drogue quoi... ça c'est clair. » (M9)

Les médecins citaient également un grand nombre d'effets indésirables parmi lesquels le
risque de chute, la somnolence, le risque d'accident de la route ou encore les troubles
mnésiques à long terme.

« Il faut arriver à les motiver en leur [...] expliquant le coté néfaste des benzodiazépines. Il y a les
pertes de mémoire, les fausses routes, puis l’accoutumance… » (M6)

Une partie des médecins interrogés critiquait donc le rapport bénéfices-risques des
traitements prolongés par benzodiazépines et le jugeait défavorable.
Certains médecins jugeaient que c'était « une prescription ni justifiée, ni utile, voire
dangereuse ». (M4)

Pour ces médecins, le rapport bénéfices-risques ne faisaient que s'amenuiser avec le


temps.
« Il est mauvais ce rapport bénéfices-risques, parce que de toute façon il y a le phénomène de …
tolérance, c'est-à-dire qu’au bout d’un moment […] on est obligé d'augmenter la dose pour arriver
au même effet. Inversement, à la même dose, l'effet bénéfice du début n’est plus là, ce n’est plus
qu’un substitut. Et si on l’arrête, on est en manque […] Du coup, il n’y a que des risques à
continuer et pas de bénéfice. » (M2)

15
Pour certains médecins le rapport bénéfices-risques était plus acceptable dans l'anxiété
que dans l'insomnie.

« L’anxiolytique, si il est pour moi bien adapté et que le patient est équilibré, le bénéfice est égal
aux effets indésirables. Par contre, si c’est pour de l’insomnie, et que c’est au long cours, c’est
l’inverse. C’est plus délétère que bénéfique. » (M13)

Le bénéfice thérapeutique du traitement était aussi remis en question par certains dans le
cas des prescriptions chroniques.

« On sait très bien que sur les prescriptions qui durent c’est moins […] l’effet positif qui est
recherché que le fait que les gens ils ont un syndrome de sevrage… » (M3)

« Je ne suis pas sûre que ça continue à être efficace. Après moi, je n'augmente pas la dose. »
(M12)

L'effet thérapeutique au long cours était parfois uniquement attribué à un effet placebo.

« Ils auraient un placebo que ça marcherait surement aussi bien, mais il y a une dépendance
psychologique à ce genre de molécules. » (M9)

« Mon impression, c'est plus l'idée de prendre le petit comprimé qui les rassure plus que le
médicament en lui-même. » (M4)

Enfin, certains médecins considéraient les sujets âgés comme les plus exposés aux
prescriptions chroniques de benzodiazépines et à leurs effets secondaires. La
polymédication et le risque d’interactions médicamenteuses renforçaient la motivation des
médecins à essayer de supprimer ces prescriptions.

« Moi, j’essaie systématiquement de le supprimer […] à cause des demi-vies qui sont assez
problématiques chez le sujet âgé, du risque de chutes, et puis des interactions avec les autres
traitements. C’est des personnes qui ont déjà des grosses ordonnances, donc de principe, dès que
j’ai une nouvelle personne en charge, je fais assez vite le tri dans ces médicaments-là. » (M11)

« La population âgée, on sait que c’est ceux qui en prennent le plus, ça s’accumule d’autant plus
dans l’organisme qu’ils [ont] des risques de chute, de confusion, de somnolence, de troubles
cognitifs […] C’est une utilisation plus délicate chez les personnes âgées, et pourtant […] c’est
chez eux que c’est le plus prescrit. » (M2)

16
2) Amener le patient à réduire sa consommation de benzodiazépines

- Une réévaluation régulière des prescriptions en impliquant le patient

La plupart des médecins déclaraient réévaluer régulièrement les prescriptions, même


anciennes, en reprenant les éléments sémiologiques liés à la pathologie traitée et en
réévaluant l'efficacité et la tolérance. Cette démarche était le plus souvent à l'initiative du
médecin lors des renouvellements systématiques d'ordonnance.

« Moi, je repars de la clinique, du sommeil, de l'angoisse, est-ce qu'ils dorment ? Je reprends à


chaque fois quoi. » (M12)

« Ceux avec qui je sens que je peux avoir une discussion par rapport à ça, j'essaie d'en reparler à
chaque fois, un peu comme les vaccins de la grippe chez les gens qui sont contre. Je ressasse en
permanence en me disant qu'un jour j'arriverai peut être à les convaincre de l'arrêter. » (M4)

Les médecins essayaient de faire participer le patient à la réflexion en ayant une attitude
d'éducation thérapeutique en donnant des éléments règles hygiéno-diététiques ou encore
des éléments de physiopathologie concernant le sommeil.

« J’essaie de les convaincre en parlant des cycles de sommeil, de la qualité du sommeil [...] Je
veux dire qu’avec la « benzo », ils n’ont pas un meilleur sommeil, même si eux ont l’impression de
mieux dormir. Mais bon ça ne marche pas toujours. » (M8)

Les médecins interrogés s'appuyaient sur les effets indésirables pour essayer d'amener
les patients dans une démarche de sevrage. La médiatisation du lien potentiel avec les
syndromes démentiels semblait être une aide supplémentaire pour convaincre.

« Je mets surtout en avant les effets indésirables de ce médicament. Souvent le patient vient pour
un autre problème, soit il vient avec quelque chose qui est en lien ou qui peut être en lien avec les
effets indésirables du médicament et je le pointe. [...] J’utilise les effets indésirables qui sont
nombreux et variés, et ça peut nous aider. » (M13)

« C'est sûr que quand on en entend parler, que ça donne des troubles de la mémoire c'est quelque
chose qui les angoisse donc ils sont peut-être enclins à essayer d'arrêter... » (M9)

Les sujets jeunes semblaient aux médecins plus accessibles à ces discours et donc plus
faciles à accompagner vers une démarche de sevrage.

« Je pense que les jeunes sont plus inquiets, ils ont moins envie d'avoir la petite drogue pour
dormir » (M9)

17
- Les outils des médecins pour diminuer la consommation

Les médecins rapportaient utiliser un certain nombre d'outils pour tenter de limiter la
consommation de benzodiazépines. Certains proposaient des formes galéniques plus
souples ou des molécules à demi-vie plus courtes dans le but de limiter l'exposition des
patients aux benzodiazépines.

« J'ouvre le débat en proposant, par exemple, des formes galéniques en gouttes qui vont lui
permettre de progressivement baisser sa dose. » (M1)

« Il y a quelques années il y avait énormément de patients sous « benzo » […] de demi-vie longue,
j'ai essayé d'en switcher pas mal sur des trucs plus courts. » (M3)

D'autres s'aidaient de traitements adjuvants pour réduire les posologies de


benzodiazépines.

« Il faut y aller en douceur […] Ce que je propose souvent si vous voulez, ce n’est pas une
substitution totale, c’est une diminution de la « benzo » avec l’introduction du produit de
substitution » (M6)

Les médecins essayaient de proposer des alternatives variées, médicamenteuses ou non,


pour éviter le recours aux benzodiazépines. Parfois ils se tournaient vers d'autres
professionnels de santé pour les orienter vers des psychothérapies ou des consultations
spécialisées.

« Je me fais pas mal entourer par les médecines parallèles, entre guillemets, tout ce qui peut être
« acu », tout ce qui peut être « homéo », tout ce qui peut être hypnose… On a beaucoup de
médecins qui pratiquent ça, donc les patients connaissent et sont moins obtus. Donc si ça peut
être une aide, j’utilise ça. Et puis, ça peut arriver que j’envoie en addictologie. » (M13)

« Quand je les mets sous anxiolytiques ponctuellement, si ça fait pas le tour rapidement en
général je les envoie volontiers voir le psychologue, histoire de voir comment ils peuvent gérer ça
sans rentrer dans les prescriptions chroniques. » (M4)

La plupart des médecins déclaraient que ces alternatives thérapeutiques étaient


généralement bien reçues par les patients, particulièrement les sujets jeunes, qui sont
pour eux de plus en plus demandeurs de traitements non pharmacologiques.

« On sent quand même depuis quelques années qu’il y a moins de demandes de médicaments…
disons, chimiques […] surtout pour ce genre de pathologies, ils sont bien demandeurs de
traitements légers, voyez. Ils n’ont pas envie de devenir dépendants, parce qu’ils savent que les
« benzos » donnent une dépendance. » (M6)

18
- Accompagner le patient tout au long du sevrage

Obtenir l'adhésion du patient était indispensable pour tenter de mettre en place un


sevrage. Cela impliquait également de choisir le moment propice avec le patient.

« On essaie de faire beaucoup d’éducation thérapeutique, de passer par ce qui motive le patient,
les stades de Prochaska tout ce qu’on veut mais après [...] quand ils ne veulent pas ils ne veulent
pas » (M3)

« La motivation du patient, déjà, à arrêter. A lui faire prendre conscience qu’il faut l’arrêter et qu’il
en soit convaincu. Pour moi, c’est vraiment la pierre angulaire. » (M13)

« Aucun sevrage de toute manière ne peut se faire dans une période stressante, il faut attendre
que la personne soit bien, soit calme, soit apaisée, sinon on arrivera à rien. » (M5)

Les médecins insistaient sur l'importance d'informer les malades des effets indésirables
potentiels d'un sevrage.

« Quand on lâche les « benzos » l’anxiété remonte puissance 10 et cette anxiété elle est post-
iatrogène et je leur explique qu’elle ne leur appartient pas. Donc si je dois lever un traitement par
benzodiazépines [...] je leur explique toujours qu’ils vont souffrir. » (M1)

Le processus de sevrage était ensuite très progressif avec une décroissance très
prudente. Certains médecins donnaient au patient les moyens de gérer leur dose pour leur
laisser de l'autonomie et anticiper un syndrome de sevrage trop intense. Les médecins
cherchaient à rester disponibles pour leurs patients afin de les guider au cours de la
décroissance.

« J’essaie de faire un autre protocole type Atarax®, Atarax® associé à la benzodiazépine et puis
sevrage progressif, très progressif, parce que je pense qu’il ne faut pas brusquer les choses,
parfois des succès quand même, et aussi parfois des échecs. » (M5)

« La plupart du temps sur l'ordonnance je marque la dose qu'ils avaient habituellement en leur
expliquant bien d'essayer de diminuer en prenant leur temps, sans aller trop vite. […] De diminuer
d'eux même comme ça ça leur laisse la possibilité, si ils sont vraiment trop angoissés, de ré-
augmenter un peu. » [...] « Je communique un peu par mail avec les gens donc souvent ils me
tiennent au courant par mail et on adapte au fur et à mesure en fonction de comment ils sont. »
(M4)

19
3) De nombreux obstacles à la limitation de ces prescriptions de
benzodiazépines, sources de résignation

Les médecins décrivaient des situations de mises en échec fréquentes quand ils
souhaitaient modifier ces traitements chroniques. L’origine du problème était souvent
plurifactorielle : les obstacles pouvaient provenir du patient ou du contexte de prescription
du médicament, mais aussi du médecin et de son mode d’exercice.

- Des difficultés liées au contexte de prescription

Plusieurs médecins faisaient part d’une plus grande difficulté à pouvoir remettre en cause
le traitement et le modifier dans les situations suivantes :

- Quand la prescription provenait d’un autre confrère, généraliste ou spécialiste

« [A propos d'un prédécesseur] Il est parti et j'ai récupéré quelques-uns de ses patients. Et là, avec
tous, c'était dialogue impossible, et sur tous les médicaments en fait. » (M12)

Parfois, le motif d'introduction du traitement n'était plus connu du patient ni du médecin.

« Ça peut être des médicaments qui ont été introduits il y a très très très longtemps par d’autres
médecins. Moi je suis jeune installée, donc j’ai récupéré une quantité de patients traités importante
et vu que ça fait très longtemps qu’ils le prennent, la cause ne peut pas être identifiée. Pourquoi ils
le prennent ? Ils ne se rappellent peut être plus ou ils n'ont plus fait attention, et du coup, ça
rajoute en difficulté. » (M13)

- Lorsque la prescription était ancienne


«Des mamies qui ont 75 ans... 80 qui disent : « Ecoutez, ça fait 20 ans que je prends ça !». Bon,
point barre, quoi ! Elles ont pas du tout…elles ne sont pas réceptives. » (M9)

« Quand c’est des patients qu’on prend en cours de route, dont on est le médecin traitant depuis
peu et qu’ils ont déjà ces prescriptions là depuis des années, c’est très difficile de leur faire
entendre qu’on va leur supprimer un médicament qui grâce à ça il passe de très bonnes nuits
depuis des années. » (M11)

- Si la prise du traitement était quotidienne ou associée à un problème d’insomnie

« Je trouve que la substitution est plus facile quand les personnes n’ont pas un traitement
journalier de somnifère, [...] ils sont moins bloqués … si vous voulez, pas bloqués, mais accros, en
quelque sorte, à leur traitement. Ils sont plus ouverts au changement de molécule, parce que c’est
de temps en temps, c’est occasionnel. » (M6)

« L’anxiété elle peut être réactionnelle, donc quand la situation stressante est passée, que les
gens sont installés dans une situation chronique, il y a plus de facilité à baisser l’anxiolytique, alors
que le trouble du sommeil, c’est vraiment très très difficile de leur dire : « maintenant il faut arrêter
et il faut passer à autre chose ». Ce n’est pas du tout le même mécanisme. » (M13)

20
- Des difficultés liées au mode d'exercice du médecin

Le manque de temps en consultation était le principal frein lié à l’exercice du médecin.

« Mon problème principal, moi, c'est le manque de temps, ça c'est sûr. […] Oui parce que
typiquement les renouvellements d’ordonnances, moi je fais un patient par quart d'heure, en
général ils s’enchaînent donc il y a des fois je ne prends pas le temps de rediscuter avec eux leur
traitement alors qu'il faudrait et que je devrais leur dire voilà maintenant on essaye de baisser. Ça
dépend vraiment de l'activité mais comme c'est souvent archi-plein… Ça c'est un vrai problème, il
nous faudrait des consultations longues et on ne les a pas. » (M4)

« C’est sur que ce n’est pas quelque chose qui se fait en fin de consultation en balançant le pavé
dans la mare et en disant : « Revenez dans trois mois ! ». Donc c’est chronophage, il faut le faire à
un moment où, nous en tant que médecin, on a un peu de temps devant nous sur le
renouvellement de traitement, ce qui n’est pas toujours le cas. » (M13)

Dans certains cas, la difficulté venait du fait que le patient consultait pour plusieurs motifs
à la fois. Ceci contraignait le médecin à prioriser les problèmes à régler. La
benzodiazépine était alors reconduite, la réévaluation différée à une autre consultation.

« Ce n’est pas toujours le souci numéro un de la consultation au moment où on les voit […] C’est
pour ça que ça peut aussi être relégué à un problème ultérieur et qui fait qu’on peut se retrouver à
malgré tout reprolonger ces ordonnances en disant « On s’en occupera plus tard, ce n’est pas le
problème si en ce moment ça ne va pas !» ». (M2)

« S’il y a eu plusieurs problèmes autres à régler dans la même consultation, il se peut que je
n’aborde pas cette question-là, et que je la prévois pour la fois d’après. » (M11)

Certains exprimaient leur manque de connaissance sur d’éventuels outils d’évaluation de


la dépendance, d’aide au sevrage, ou sur l’apport éventuel de pratiques non
médicamenteuses (sophrologie…).
« Ça existe peut-être, parce que je ne me suis jamais trop intéressé… il y a peut-être des
questionnaires pour évaluer ces indications … ou peut-être, un questionnaire patient pour faire
prendre conscience en remplissant ce questionnaire qu’ils ont une addiction quelque part à ce
médicament. » (M11)

« Après on utilise ce qu’on a eu comme cours pour le tabac ou l’alcool, ou pour tous les sevrages,
c’est valable pour tous les sevrages mais je pense que les « benzos » c’est très particulier. Peut-
être une formation pour effectivement avancer le sevrage. » (M13)

Enfin, dans le cadre de l’insomnie, il a été cité par un médecin la difficulté à accéder à des
consultations spécialisées pour ses patients en termes de délai.

« Sur les troubles du sommeil j'envoie volontiers à la consultation au centre de sommeil […]
Typiquement nous, dans la région, les délais sont tellement longs que… C'est désespérant hein…
Les gens quand vous leur dites qu'il y a 9 mois de délai pour un rendez-vous comme ça ils
craquent quoi. » (M4)

21
- Des difficultés liées aux résistances des patients

La demande de renouvellement auprès du médecin était souvent décrite comme


insistante de la part du patient.

« Pour l’anxiété et l’insomnie […] c’est sûr que ce n’est pas facile, ce n’est pas facile car le patient
est très demandeur de sa « benzo ». » (M6)

« Les personnes âgées par exemple, il ne faut pas oublier de renouveler... <rires> De re-prescrire
le Temesta® par exemple, et ils insistent lourdement là-dessus. » (M5)

Les médecins interrogés percevaient une opposition forte de la part d’un certain
nombre de leurs patients à l’idée de vouloir simplement rediscuter ou modifier leur
prescription de benzodiazépines.

« On se retrouve avec un patient qui est devenu plus ou moins dépendant et qui ne supporte pas
forcément tout le temps l’idée de ne serait est ce que de le diminuer... Oui c’est vrai on se trouve
confronté à ce problème de gens qui freinent des quatre fers. » (M2)

« Il y a des gens qui veulent pas entendre parler d’un changement. S’ils sont bien avec ça, c’est
leur béquille, voilà. » (M3)

« Il y en a certains, c’est assez difficile parce que c’est un refus catégorique avant même de se
poser la question ! » (M11)

D’autres évoquaient le rôle de la dépendance physique et psychique aux benzodiazépines


comme frein pour le patient.

« Il y a une dépendance psychologique à ce genre de molécules […] qui nous demande


énormément d'énergie pour leur dire ça serait quand même bien d'arrêter. » (M9)

« Je pense vraiment que c’est vraiment un médicament addictif [...] Ils font le test de ne pas le
prendre et ils se rendent compte que vraiment ils ont des troubles du sommeil sans. Et dans leur
tête, c’est difficile de se dire que peut être le trouble du sommeil vient du fait que je prends depuis
trop longtemps ce médicament. Pour eux, il n’y a pas photo. Sans, ils ne dorment pas. Donc il le
faut. Et il le faudra tout le temps. » (M13)

Les expériences d’échec de substitution ou de souffrance lors d’un sevrage étaient


identifiées par les médecins comme des éléments de résistance du patient à la mise en
place de tentatives de sevrage ultérieures.

« Quasiment systématiquement, c’est : « Ah bah, j’ai bien essayé mais je ne dors plus rien ». Ce
n’est pas qu’il n’y a pas eu d’essai du tout. » (M10)
« Il y a des gens pour qui ça a marché et puis il en reste pour qui ça marche pas ou qui ont été
tellement mal au moment de la diminution qu’ils ne veulent pas en entendre parler. » (M3)

Ainsi, plusieurs médecins identifiaient chez certains patients le besoin d’avoir un


traitement à prendre pour se sentir sécurisés, se rapprochant parfois d’un effet placebo.

22
« Quelqu'un qui est âgé qui le prend en chronique, clairement moi je pense que […] c'est plus
l'idée de prendre le petit comprimé qui les rassure plus que le médicament en lui-même. » (M4)

«Pour des gens, on peut toujours essayer l’homéopathie… Il y a un tas de petits moyens, à partir
du moment où les gens se sentent sécurisés par des choses, ça peut leur permettre d’être
apaisés » (M7)

Parfois, cette demande correspondait plutôt à la volonté du patient d’avoir en cas de


besoin à sa disposition un traitement performant rapidement. Cette solution est souvent
perçue comme nécessairement médicamenteuse.

« Il y a des gens qui sont venus chez le docteur, c’est pour avoir un médicament » (M1)

« Il y a des gens qui sont bien inscrits dans notre modèle social actuel : c’est tout, tout de suite,
rapidement. » (M7)

«Il y a quelques patients qui disent : « Hé moi, il me faut du costaud, allez-y d’emblée ! » « Un
vrai médicament ! » (M10)

Les médecins ont souvent mis en avant la limitation induite par le manque de motivation
de certains patients pour essayer tout traitement alternatif.

« Après c’est toujours pareil, il y a des gens qui ont envie d’avancer, qu’on arrive à envoyer chez le
psy et qui font une démarche et qui ont envie de se sevrer de ça. Et puis il y a des gens qui n’en
ont pas envie puisque ça… Voilà. Ils prennent ça, il y en a d’autres qui fument, il y en a d’autres
qui se rongent les ongles et eux ils font ça et puis voilà. » (M3)

« Il y a des gens qui ne veulent pas de médicament et qui sont prêts à écouter un tas de conseils,
et à faire ce qu’il faut. Et il y en a <souffle>, ils ne vont pas mettre en application. » (M8)

Certains ressentaient plutôt chez leurs patients la difficulté pour verbaliser leur vécu, leurs
émotions ou prendre des décisions, comme entamer un travail de psychothérapie.

« Si la personne a envie de parler, on peut parler. Il faut savoir qu’il y a des personnes qui n’ont
jamais envie de parler de leur vie personnelle, très bien. » (M1)

« Les thérapies cognitivo-comportementales […] les gens ne sont pas toujours prêts à faire la
démarche » (M8)

« Il y a quand même pour tout le monde dans la vie des choses qu’on ne peut pas changer et
auxquels il faut s’adapter. Et les moyens d’adaptation de chacun ne sont pas forcément au top,
[…] on n’est pas forcément égaux ! » (M10)

Enfin, le coût et l’absence de remboursement des alternatives médicamenteuses


(phytothérapie…) et non médicamenteuses (psychothérapie, sophrologie...) étaient une
barrière supplémentaire pour le médecin et le patient. Ceci renforçait parfois l’idée
d’absence d’alternative efficace à la benzodiazépine, surtout dans un contexte de
difficultés financières.

« Il y a des personnes âgées qui sont aux minimaux sociaux qui peuvent pas se payer leur
phytothérapie. Donc benzodiazépines. Quand je vous disais que c’était un problème économique
et sociétal. » (M1)

23
« Les TCC, toutes ces mesures bien sûr, […] elles seraient à privilégier, mais en fait c’est un
manque de moyen […] D’abord c’est pas remboursé donc pour les patients c’est aussi un coût
toutes ces alternatives, alors que un comprimé, c’est remboursé, c’est vite pris. » (M2)

En pratique, les médecins exprimaient avoir plus de difficultés à modifier le traitement ou à


ne pas le renouveler chez des personnes âgées.
Ces derniers rassemblaient plusieurs obstacles précédemment cités comme :
- La dépendance physique et psychologique au médicament
- L’attachement du patient à la prise d’un traitement intégré dans son quotidien,
renforcé par l’ancienneté de cette prescription
- Le fait que ce soit souvent une prescription héritée d’un autre confrère : le médecin
n’avait pas toujours connaissance du cadre étiologique initial de la prescription.

« Je pense que plus on est âgé, plus les changements sont difficiles à mettre en place. » (M3)

« Moi ça fait 10 ans que je suis installé donc j'avais récupéré pas mal de gens âgés qui étaient
déjà sous traitement et c'est vraiment avec ceux-là que j'ai du mal à changer les prescriptions. »
(M4)
« J'ai déjà essayé d'arrêter mais j'ai arrêté de me battre et... <rires> sur ces vieux patients, on va
dire, je renouvelle un peu sans... sans me poser plus de questions que je me suis posé à un
moment donné. J'ai essayé euh... ça a été un échec total donc j'ai... Il y a une petite part de la
patientèle c'est vrai que je renouvelle comme ça. […] C'est une patientèle âgée hein, et oui héritée
mais... que j'ai récupéré. » (M12)

« Eux on a vraiment du mal. […] Et même de changer de nom, de prendre un [médicament] à


demi-vie plus courte ou autre et ben on a toutes les peines du monde. Mais ça ils ont... ils sont
accros et ils ne veulent pas le changer quoi. » (M9)

La demande de traitement venait parfois de l’entourage (personnel soignant en EHPAD…)


et était un élément supplémentaire pouvant amener le médecin à reconduire ce type de
prescription.

« J’ai déjà vu des personnes en maison de retraite qui emmerdaient toujours tout le monde et tout
ça, donc les anxiolytiques ne sont pas demandés par la personne, ils sont demandés par le
personnel …» (M7)
« Les conditions dans les EPHAD sont toujours pas au top… Il y a souvent la distribution de
« benzos » le soir pour pas que le personnel soit dérangé, donc ça, ça existe encore.» (M1)

Toutes ces difficultés amenaient une partie des médecins à critiquer l’applicabilité des
recommandations à leur quotidien en médecine ambulatoire.

« Il ne suffit pas de dire qu’on va l’arrêter, il ne suffit pas citer les recommandations des agences
nationales pour que le patient nous croit et nous dise « Alléluia, docteur. Vous avez raison docteur,
on va l’arrêter. » » (M5)
« Je veux dire, je ne suis pas aussi tranché que Prescrire qui dit qu'il faut tout jeter à la poubelle
voilà c'est... c'est bien gentil mais ça c'est dans des bureaux quoi. Dans la vraie vie, c'est pas
forcément ça... » (M9)

24
- D’une prescription « faute de mieux » à une prescription par résignation

A cause des nombreux obstacles évoqués ci-dessus, certains généralistes ne voyaient


parfois pas d'autres issues que le renouvellement du traitement.

« C’est des patients qui s’y opposent… C’est toujours de la négociation… Je leur dis de diminuer
et ils reviennent un mois après en disant : « J’en ai plus ». Donc on se retrouve coincé à devoir
renouveler ce traitement alors que ce n’est pas ce qu’on voudrait faire dans la théorie. » (M11)

« Je leur renouvelle, parce que je ne vois pas d’issue autre que de leur proposer autre chose,
parce que ça leur convient très bien et qu’ils vivent très bien comme ça » (M7)

« Quand on est au long cours souvent c’est qu’on n’a pas su euh… […] Enfin le couple médecin-
malade n’a pas su s’orienter vers une thérapie type alternative. […] Souvent on en est arrivé là
parce que on n’a pas su faire autrement à un moment » (M3)

Ainsi, un sentiment d’impuissance était parfois cité par les médecins.

« Dans un certain nombre de situations, il y a un sentiment d’impuissance. » (M2)

Il s’installait parfois une forme de lassitude, un manque de motivation face à ces situations
où il ne semblait pas y avoir d’autre alternative possible que celle de poursuivre le
traitement.

« Il y a des gens qui viennent que pour la prolongation de leur « benzo » pour dormir <souffle>
Ben, parfois, il y a un peu de lassitude. C’est des consultations pas très intéressantes. C’est un
peu lassant. Ça dure des années. On ne sait pas bien comment en sortir. » (M8)

Ainsi certains médecins reconnaissaient être moins insistants dans leur réévaluation et
leur tentative de sevrage avec certains patients, notamment avec leurs patients âgés.

« On sait bien qu’il ne faudrait pas, mais en pratique, c’est difficile de… de changer. Du coup, c’est
vrai que parfois on n’essaie pas. » (M8)
« Je repose la question à chaque fois savoir si... enfin chaque fois la question d'essayer d'arrêter
mais euh... souvent je vais pas plus loin <rires> parce que je me suis heurté à des murs. » (M12)

«La petite mémé de 80 ans qui prends son truc je ne lui fais pas trop la guerre. […] Parce qu’il y a
des gens qui sont depuis longtemps à ça, ça fait partie de leur confort de vie donc je leur casse
pas trop la tête. Enfin, je ne suis pas trop agressif… » (M3)

Un médecin laissait suggérer que le renouvellement était peut être un comportement de


facilité pour le médecin à certains moments.

« Malheureusement c’est trop souvent par facilité, […] par oubli… ou par manque de temps tout
simplement… c’est trop souvent passé au second plan de la consultation » (M2)

Si bien que plusieurs médecins évoquaient un constat d’échec qui semblait acquis et
définitif pour une partie de leurs patients.

25
« Il y a des gens qui sont totalement, complètement, contre le changement de traitement. [...] Bon
ceux-là… bon ceux-là, je n’y arriverai pas, je sais. Il y en a ça fait tellement d’années qu’ils en
prennent, il y en a ça fait dix, quinze ans qu’ils prennent des « benzos » pour dormir que je ne
pourrais rien faire. » (M6)

Ainsi, certains médecins expliquaient s’être résignés avec le temps à vouloir mettre en
place un sevrage dans les cas où cette prescription de benzodiazépine était ancienne.

« Parce que ces personnes-là, je pense que c’est peine perdue, avec l’expérience que j’ai de 30
ans de « consult’ » de 30 ans d’activités, c’est peine perdue d’essayer de les dissuader » (M5)

« Je ne suis pas du tout dans une démarche de … mettre en place un protocole de sevrage. Parce
que là, franchement, je ne me fais aucune illusion. » (M10)

- Un vécu personnel variable

Si les médecins évoquaient une prescription parfois résignée du fait de ces nombreux
obstacles à pouvoir modifier ces prescriptions de benzodiazépines devenues chroniques,
leur vécu personnel n’était forcément négatif.

Certains médecins disaient avoir pris un certain recul vis-à-vis de cette problématique
dans leur pratique professionnelle. Cette situation n’était plus une source de difficultés
pour eux.

« A un moment nous il faut lâcher prise. Parce qu’on ne peut pas faire mieux…. Voilà. On ne peut
pas faire mieux. » (M1)

« Ça ne me pose pas de difficultés puisque je me dis… je suis un peu dans le fatalisme ! J’en ai
pris mon parti, voilà. Je pense qu’on a plus intéressant à faire, que de vouloir s’acharner à tout
prix, sans en être convaincu, que ça sert quelque chose. » (M10)

« Ce n’est plus une source de difficultés si je suis sûr d’avoir exploré un peu les voies et euh… et
voilà… bon quand c’est des gens que je connais bien c’est a priori que je sais que ça leur sert de
béquille et que… c’est un peu le prix à payer… » (M3)

« Ça ne me contrarie pas spécialement, c’est une situation tellement banale que ça ne me


contrarie pas. » (M6)

Un médecin évoquait avoir l’impression d’un transfert du problème sur le médecin, alors
que, selon lui, ce sont les patients les premiers concernés, dans la mesure où ce sont eux
qui consomment le médicament.

« Ecoutez c’est marrant, parce qu’on déplace le problème sur le médecin qui aurait un problème à
prescrire des « benzos ». Nous, on n’a pas de problème à prescrire des « benzos ». »
« Maintenant il faudrait bien évaluer quel est le problème pour la population générale de
consommer des benzodiazépines. Voilà. Il faudrait leur demander aux gens c’est quoi votre
problème avec les « benzos » ? Parce que le médecin, lui, il n’a pas de problème avec les
« benzos ». Il s’en fout. Moi, j’en prends pas. J’en prescris et je n’en prends pas. Moi je n’ai pas de
problème avec la prescription de benzodiazépine. J’en ai même absolument aucun. (M7)

26
Plusieurs médecins suggéraient une évolution de leur propre attitude au fil du temps et de
la construction de leur expérience personnelle.

« Pour moi, ça fait six ans que je suis installée, donc au début, je renouvelais sans me poser de
question. Maintenant, plus ça va et plus on prend le problème à bras le corps. Et que en gros, de
mon point de vue, chaque année passée, on paie ensuite très très cher au moment où l’on veut
l’arrêter. » (M13)
« Je suis beaucoup moins, j’allais dire agressif là-dessus [NB : le sevrage] que je ne l’ai été il y a
20 ans ou 15 ans. » (M3)
“Je dirais que … heu que, avec un certain nombre d’années d’expérience… ou de recul, du moins,
j’ai 35 ans de cabinet… heu… on ne se fait pas trop d’illusion.” (M10)

27
4) Ne pas bousculer une situation d'équilibre:

Indépendamment des éventuels obstacles qui empêcheraient la modification du


traitement, un certain nombre de médecins généralistes considéraient parfois comme plus
néfaste le risque de déséquilibrer le patient.

- Ne pas perturber la stabilité du patient:

Les médecins interrogés ont souvent exprimé leur crainte d’induire une éventuelle
souffrance en tentant de modifier ou d’arrêter le traitement par benzodiazépines. C’est
moins le bénéfice de la poursuite que les risques d’effets indésirables liés à un syndrome
de sevrage qui étaient alors mis en avant.

“On sait très bien que sur les prescriptions qui durent […] c’est moins l’effet positif qui est
recherché que le fait que les gens ils ont un syndrome de sevrage… Ils prennent des « benzos »
et ils reprennent des angoisses absolument terribles quand ils les prennent pas” (M3)

“Une personne âgée prenant une benzodiazépine depuis extrêmement longtemps, quand les
tentatives de sevrage ont été totalement vaines, voire même responsables d’états de
déstabilisation du patient, il est évident que je ne vais pas hésiter à renouveler la prescription.”
(M5)

Cette conviction pouvait s’appuyer sur la nécessité pour le médecin de respecter la


dépendance du patient vis-à-vis de son traitement par benzodiazépine. Un médecin faisait
ainsi l’analogie entre les besoins du patient vis-à-vis de sa benzodiazépine et son système
endocrinien : la benzodiazépine était devenue un élément nécessaire au fonctionnement
du corps humain au même titre que les hormones thyroïdiennes.

« Si ça fait vingt ans ou trente ans qu’ils dorment avec leur truc, si on leur enlève, et bien, ils ne
dorment plus. […] c’est comme si d’un seul coup, on leur coupait leurs hormones thyroïdiennes et
ils développeraient tous les troubles de… <rires> … qui seraient du à un manque. Donc ça fait
exactement la même chose. Je pense que c’est une béquille nécessaire que… après on ne peut
plus leur enlever. » (M7)

Parfois, le fait de renouveler le traitement relevait de la volonté d’assurer une


continuité par rapport à une prise en charge spécialisée du patient, en psychiatrie ou
addictologie. S’y ajoutait souvent la peur d’une décompensation d’une pathologie
psychiatrique sous-jacente ou d’une addiction stabilisée grâce au traitement.

« Il y a les psychiatriques lourds, eux quand ils sont bien équilibrés, on n’a pas trop envie d'y
toucher quand ils ne sont pas trop mal» (M9)
« Il y a pas mal de situations avec des problèmes, on va dire psychiatriques, soit de dépression
soit d’anxiété majeure, qui font que… bah, après on ne se pose plus trop la question… et on
poursuit l’anxiolytique » [...] « Des alcooliques qui ont des « benzos » qui trainent… c’est bien,
c’est pas bien… mais c’est plus difficile à arrêter … quand on sait qu’il y a un passé… plus sérieux,
plus grave. » (M8)

28
Pour de nombreux médecins, la prescription était reconduite en voulant privilégier le
confort de vie actuel, en préservant certains bénéfices. Ces bénéfices étaient dans le
cadre de l’insomnie de permettre au patient d’avoir un sommeil de qualité, et dans le cadre
de l’anxiété de faire face à ses angoisses pour lui permettre de conserver son
fonctionnement social.

«Il y a des gens qui sont depuis longtemps à ça, ça fait partie de leur confort de vie donc je leur
casse pas trop la tête. » (M3)

« Des fois, les situations compliquées perdurent et bon ben c'est une bonne aide pour qu'ils
arrivent à se lever le matin pour quand même aller bosser. […] Est-ce que ça vaut mieux de le
mettre en arrêt de travail... ou lui donner un anxiolytique pour qu'il puisse à peu près dormir et être
au boulot le lendemain ? » (M9)

« La balance bénéfices-risques… si vous voulez le bénéfice de bien dormir est un bénéfice


énorme… par rapport à des pertes de mémoire minimes, les gens sont tellement plus relax quand
ils dorment bien, tellement moins angoissés… » (M6)

« De ne pas dormir, c'est pas bon non plus. Parce que du coup y'a énormément d'anxiété dans la
journée, de stress et de tensions et... bon voilà. […] Rapport bénéfices-risques... Euh, je pense
qu'il n’est pas si mauvais que ça parfois. » (M9)

Pour d’autres médecins, cette prescription chronique n’était pas remise en cause
dans la mesure où la prise du traitement faisait partie intégrante de la vie du patient et de
son équilibre actuel.

« Quand une personne a commencé à prendre des « benzos » en ayant perdu un enfant dans un
accident de voiture etc… si la « benzo » les aide à survivre au décès d’un enfant, je ne vois pas
pourquoi je la priverais de ça. » (M1)

« Il y a des personnes qui ont intégré la « benzo » dans leur vie quotidienne, je ne sais même pas
si… s’ils savent encore qu’ils en prennent une, car ça fait partie des médicaments qu’ils prennent.
[…] ils vivent bien avec, ça s’est intégré dans leur vie. […] C’est comme ils prennent leur café le
matin, ils prennent leur benzodiazépine le soir, et puis voilà !» (M7)

Certains médecins s’interrogeaient ainsi sur leur légitimité à demander au patient


d’arrêter ce traitement, ou à vouloir le substituer par un autre, quand le patient en était
satisfait, s’il répondait à un besoin de sa part et s’il n’en ressentait pas de désagrément.

«Des gens qui prennent des choses depuis très longtemps et qui ont des vrais troubles du
sommeil et qui dorment assez bien avec la benzodiazépine en question… mon attitude, dans la
mesure où j’ai essayé de les sevrer de cette prescription, mon attitude, c’est de renouveler. […]
Parce qu’ils sont bien avec cette prescription et je ne vois pas au nom de quoi j’irais changer ou
essayer de bouleverser leur situation. » (M5)

« Les personnes très âgées qui sont encore avec un produit tous les soirs pour dormir, genre 80 –
90 ans, qui ont ça, je ne vois pas pourquoi on s’ « emmerderait » à les embêter s’ils en sont
satisfaits et qu’ils n’y a d’effets secondaires… ou du moins, pas ceux qu’on attribue. » (M10)

«Si c’est pour sevrer une benzodiazépine pour mettre autre chose, autant avoir une
benzodiazépine qu’un neuroleptique, par exemple » (M10)

29
- Des effets indésirables difficiles à constater en pratique pour certains
médecins

La volonté de ne pas vouloir déstabiliser le patient en tentant un sevrage était renforcée


par des effets secondaires difficiles à observer et à évaluer pour les généralistes.
Les propos recueillis divergeaient parmi les médecins entre les effets secondaires connus
ou craints, et le constat d’effets secondaires observés au cours de prescriptions
chroniques.

Pour certains, les effets secondaires qu’ils constataient pour ces prescriptions
devenues chroniques étaient très rares.

« Je vais être très franc avec vous je trouve que les effets secondaires il y en a extrêmement
peu. » (M8)

Dans le même sens, les médecins soulignaient souvent l’absence de plainte,


sciemment ou non, de la part des patients vis-à-vis d’éventuels effets secondaires de leur
traitement anxiolytique ou hypnotique.

« Les effets secondaires, dont se plaignent les patients il n'y en a pas, au long cours. Il y en a
zéro. Au long cours. Par définition, parce que sinon les gens, ils ne les prendraient pas. » (M3)

Pour certains médecins, les patients ne semblaient pas percevoir que la prise prolongée
de ce type de médicaments pouvait être néfaste.

« Il y a des gens, on a beau leur dire que ça joue sur l’attention, que ça joue sur la mémoire, et eux
ils voient le court terme et le moyen terme et ils disent : « ça fait déjà un moment que je le prends,
et ça se passe pas si mal. Pourquoi changer ? » Alors que quand ils ne dorment pas, ils en voient
les effets ! » (M8)

« Et puis, pour eux, ils n’ont pas du tout la notion que ça peut délétère, que ça peut être une
drogue. Ils l’utilisent depuis trente ans donc pour eux, il n'y a pas de problème. Il n’y a pas de
souci. Donc oui, pour moi, c’est encore plus difficile. » (M13)

Enfin, plusieurs d’entre eux évoquaient la difficulté à déterminer la part réellement


imputable à la benzodiazépine lorsqu’il est constaté un effet indésirable potentiellement lié
à la molécule, surtout dans des contextes de polymédication chez le sujet âgé.

« Les problèmes de chutes de personnes âgées, c’est difficile de savoir si c’est le traitement anti-
hypertenseur, si c’est la « benzo »… si c’est parce qu’ils ont de l’arthrose de partout… et est ce
qu’ils n’ont pas d’équilibre ? » (M8)

« Les effets indésirables […] des benzodiazépines sont difficilement mesurables, sauf dans des
études indirectes où on a fait le rapport avec les fractures de la hanche etc… Et sinon ? On ne va
pas voir varier aucun paramètre biologique et aucun paramètre physique. » (M3)

30
Pour certains médecins, ces éléments contribuaient à remettre en question la nature
même des preuves scientifiques établissant les effets secondaires attribués aux
benzodiazépines.

« Je cherche vainement tous les inconvénients majeurs qui sont décrits par des constats
d’experts… Je cherche en vain… d’attribuer, de faire un lien direct avec, bêtement on dit, les
chutes chez les personnes âgées. Bon, OK, les chutes… Y’en a suffisamment qui chutent sans
avoir de « benzo », je ne sais d’où ils vont tirer leurs statistiques, moi j’aimerais bien voir. » (M10)

« On a montré que ça diminuait les capacités d’acquisitions mais que c’était temporaire. Donc moi
je suis assez à l’aise avec ça. On n’a pas encore montré qu’il y avait des plaques amyloïdes ou
des dégénérescences neuro-fibrillaires à cause des benzodiazépines. » (M3)

Un médecin justifiait sa critique des données de la littérature concernant certains effets


secondaires par l’écart existant entre le profil des populations de patients traités en milieu
hospitalier et ambulatoire.

« Si le médicament demanderait son AMM maintenant, elle ne serait pas accordée. Enfin… On
exagère beaucoup de choses ! Au sujet des « benzos » ! »« Quand on dit attention les sevrages, il
ne faut pas les arrêter d’un coup, ça va convulser… Jamais vu. Trente-cinq ans, jamais vu.
D’accord. D’où on a « pondu » ça ? Après si c’est des spécialistes en milieu hospitalier pour des
cas particuliers de gens qui ont des posologies importantes, ce n’est pas de la médecine
générale ! » (M10)

31
5) S’adapter au patient, pour l’accompagner et le comprendre, en
privilégiant le dialogue

- Soigner le patient en s’adaptant à sa personnalité, son mode de vie et


son environnement social

Les médecins ont été nombreux à répondre que leur attitude vis-à-vis de la
prescription d’une benzodiazépine en place au-delà des durées recommandées
variait également selon leur connaissance ou leur représentation du patient et de son
environnement social.
Chaque prescription découlait d’une évaluation personnalisée pour être
adaptée à l’individu.

« Notre métier c’est de toujours chercher la meilleure solution pour notre patient. » (M1)

« La prescription de benzodiazépines s’évalue avec chaque personne, chaque histoire,


chaque âge, chaque pathologie. C’est vrai, il faut adapter. » (M7)

Ainsi le médecin pouvait être amené à adapter son attitude au caractère et au


contexte psychologique du patient avant de vouloir par exemple entamer avec lui
une démarche de sevrage.

« Connaissant l’historique, le caractère des patients, les susceptibilités individuelles… Je


pense que ça joue forcément sur le discours, et sur la prescription » (M2)

D’autres médecins exprimaient leur souci d’adapter leur prescription au


contexte professionnel de l’individu, notamment par rapport à la conduite automobile.

« Les risques d’accident, par exemple, pour les gens qui se déplacent en voiture, il est
évident que dans ces cas-là, on essaie de les sevrer des psychotropes au long cours. » (M5)

Parfois la prescription renvoyait davantage à des difficultés sociales. Les


médecins évoquaient un renforcement de l’isolement et une diminution des liens
sociaux entre les individus.

« Ce sont des gens qui ont des grandes difficultés psychologiques, des difficultés
professionnelles, des difficultés familiales et c’est pas si simple d’arrêter les médicaments. »
(M10)

« Aujourd’hui les personnes sont toutes dans leurs appartements avec leur télé, il y a de
moins en moins de communication et beaucoup de personnes souffrent d’une très très
grande solitude. […] du coup, la grande solitude amène à la consommation de
benzodiazépines. » (M1)

32
« Dans nos périodes où les gens n’ont pas trop le temps de ni voir des amis, ni de voir de la
famille, ni de voir des copains, ni de voir leur médecin, parce qu’il n’y a plus de place, parce
qu’ils n’ont pas le temps, et ben ça devient une solution de facilité… et donc c’est le remède
de notre société ! » (M7)

De ce fait, pour un certain nombre de médecins, leur rôle était d’abord


d’accompagner leurs patients pour les aider à vivre avec leurs difficultés, sans
imposer de jugement, même si cela devait amener à renouveler un traitement
chronique de benzodiazépines.

« Mes patients je suis là pour les accompagner dans leur malheur.[…] Je ne suis pas là
pour faire le gendarme de quoi que ce soit. […] Voilà, moi j’accompagne les patients dans
leur vie » (M3)

« La vie est difficile pour nos patients que ce soit en famille ou au travail, si en plus quand ils
vont chez le médecin ils se font agresser, ce n’est même pas la peine. » (M1)

« L’écoute, la compréhension, le partage et tout… dans la relation fait que les personnes ont
un point solide… relationnel, et finalement, se sentent plus sécurisés. » (M7)

« Et puis si ça lui permet de fonctionner j’allais dire, c’est le premier malheureux hein, d’en
prendre. Donc euh… ça le fait chier de prendre ça le malade mais euh… si ça lui permet de
fonctionner ben tant pis. Ce n’est pas des gens qu’il faut stigmatiser, les gens qui prennent
ça. » (M3)

Ces médecins avaient conscience de ne pas toujours respecter les


recommandations faites par les sociétés savantes et ne souhaitaient pas être jugés
sur leur pratique.

« Et je ne vois pas au nom de quoi on viendrait me dire que j’ai tort ou que je ne respecte
pas les recommandations, etc... [...] Il ne faut quand même pas oublier le colloque singulier
entre le patient et le médecin. C’est une situation individuelle. » (E5)

- La recherche du consensus car l’opposition est contre-productive

Pour les médecins que nous avons interrogés, rester dans l’opposition avec le
patient en voulant le forcer à arrêter était décrit comme inutile, inefficace sinon
contre-productif.

« Forcer des gens qui ne sont pas motivés du tout pour arrêter, c’est une catastrophe. » (M3)

« Les forcer à arrêter, ça marche pas » « Je préfère les accompagner même si c'est plus
long plutôt que de les braquer » (M4)

« Si les patients me font la demande, je renouvelle systématiquement parce qu’ils ne sont


pas prêts d’arrêter et je ne veux pas qu’ils arrêtent du jour au lendemain contraints et forcés,
parce qu’à ce moment-là, ils vont aller voir un autre médecin et le résultat sera le même. »
(M13)

33
Un certain nombre de médecins préféraient choisir une attitude consensuelle au
début, pour ensuite essayer de faire venir progressivement le patient dans leur sens.

« Moi je vais toujours dans le sens du patient pour revenir dans le mien. » « Je pense que
l’opposition n’a pas lieu d’être dans un cabinet médical » (M1)

« Aller tous les deux dans le même sens, c'est-à-dire en lui faisant prendre conscience que
ça lui fait plus de mal que de bien sur le long terme, c’est une façon de se mettre dans son
sens ou lui de le mettre dans le nôtre, et de l’aider à accepter… l’idée de s’arrêter ! » (M2)

Un médecin soulignait ainsi la nécessité d’impliquer le patient et de le considérer


comme partenaire dans la décision.

« Il faut qu'ils soient partenaires parce que c'est eux qui l'avalent et c'est eux qui auront les
signes de dépendance quand il y en aura plus donc [...] je travaille rarement en force.
J'essaie plutôt d'avoir l'accord et le consentement éclairé du patient pour qu'ils adhèrent au
traitement plutôt que pousser une grande gueulante. » (M9)

- Maintenir un lien de confiance et d’essayer d’encadrer la consommation


du patient

Pour certains médecins, le choix de renouveler le traitement par benzodiazépines


d’un patient demandeur pouvait être une façon d’essayer d’encadrer et suivre sa
consommation. Cela pouvait éviter une forme de nomadisme médical où le patient
irait consulter un autre confrère pour obtenir son renouvellement.

« Soit j'ai un mur en face de moi, et c'est vrai que dans ce cas-là, je préfère le revoir la fois
d'après et je renouvelle sa prescription, ce que je devrais peut être pas faire. Mais je vous
dis, je pense que dans ce cas-là les gens, ils se débrouillent pour aller voir quelqu'un d'autre
ou les récupérer ailleurs. » (M4)

« Ces gens-là, on ne discute pas parce que … si on résiste et qu’on perd du temps à
discuter, ils vont aller le chercher ailleurs. Je ne vois pas l’intérêt. Il vaut mieux garder le
contact. » (M10)

Ce risque que le patient aille se procurer son traitement ailleurs ne correspondait


plus à la peur de perdre un patient en lui refusant ce renouvellement.

« J'ai vécu la période où les médecins étaient en concurrence … dans les années 80-85, là
on était en concurrence les uns avec les autres. Ce n’est absolument plus le cas depuis une
dizaine d’années, 5 ou 10 ans, absolument plus. […] le fait de refuser une prescription à un
patient, ça voulait dire que la personne allait aller chez le voisin. » (M5)

De cette façon, certains médecins évoquaient leur souci d’éviter que les patients
aient recours à l’automédication, sans avoir connaissance des risques potentiels des
produits ainsi consommés.

34
« Ça fait que les gens qui n’ont pas leur ordonnance, ils vont aller s’acheter des trucs sans
ordonnance. » (M10)

Le renouvellement de la prescription de benzodiazépines devenue chronique


était aussi parfois un moyen d’établir progressivement ou de maintenir un lien de
confiance dans la relation entre le malade et le médecin.

« Moi je leur en donne quand même, quand il y en a vraiment besoin… Ils savent que je
peux le faire. Donc ça établit un lien de confiance. » (M7)

« Souvent, si vous voulez, la plupart du temps, en fait, ils essaient, parce que bon… ils ont
confiance, il y a un bon climat de confiance, donc ils essaient au moins une fois… » (M6)

- Prendre du temps pour dialoguer, mieux comprendre le patient et le


soigner.

Plusieurs médecins expliquaient la nécessité de rechercher avec le patient la


ou les causes responsables de cette consommation chronique en benzodiazépines.

« Le moment où la personne a basculé dans la consommation de « benzos » ou d’alcool…


ou de…. De toutes sortes d’addictions euh… c’était à un moment clé de leur vie qui est
toujours en lien avec une explication. » (M1)

« En général j'essaye de rediscuter à chaque fois avec les gens […] pour essayer de les
faire réfléchir à chaque fois sur pourquoi ils ont commencé, surtout et pourquoi ils le
prennent tout le temps ? » (M4)

Ces médecins soulignaient l’intérêt de prendre du temps pour dialoguer avec le


patient. D'abord, parce que la façon dont est expliqué le traitement influait sur son
observance, sur sa réussite mais aussi la connaissance par le patient de ses effets
indésirables.

« Les « benzos », c’est un peu ça aussi. C’est selon si c’est prescrit vite fait « Tiens, ah,
vous dormez pas, je vous ai rajouté un truc. », ça ne va pas du tout avoir le même effet que
d’en avoir parlé, expliqué comment on le prend, la possible dépendance, etc. » (M10)

« On ne saura jamais y compris pour les « benzos » à petites doses, quel est l’effet du
produit réel et l’effet du placebo et du fait d’en avoir parlé pour avoir leur dose. » (M10)

D’autre part, le dialogue et l’écoute permettaient d’épargner un certain nombre de


prescriptions, et parfois d’aider le patient à résoudre le problème qui était à l’origine
de cette consommation chronique.

« Je suis une médecin qui prend du temps dans mes consultations et du coup la finalité c’est
que je prescris peu… » « Le débat […] peut parfois amener à des solutions, et quand
progressivement on a trouvé la solution, et ben spontanément la personne aura moins
besoin de benzodiazépines. » (M1)

35
« La manière dont je peux palier aux anxiolytiques, c’est beaucoup par l’écoute que j’aide les
gens et puis leur proposer très facilement de revenir régulièrement me voir pour m’exprimer
un peu tout ce qui ne va pas. » « Donc, en fait, j’essaie de moi-même, moi, en tant que
médecin, être le traitement substitutif de la « benzo ». » (M7)

D’autres en avaient conscience, essayaient de trouver des solutions comme de


reconvoquer le patient pour une consultation dédiée, mais reconnaissaient leurs
difficultés à pouvoir les appliquer en pratique.

« Finalement, on ferait mieux de prendre plus de temps et sans doute aller chercher plus
loin que le simple trouble du sommeil ou l’anxiété et creuser en faisant une psychothérapie,
effectivement, ça serait une façon surement beaucoup plus payante sur le long terme… mais
sauf qu’en pratique, c’est très compliqué. » (M2)

« On peut reconvoquer le patient pour discuter, avoir un entretien le lendemain d’une demi-
heure, et encore le jour d’après mais c’est totalement incompatible avec la médecine… avec
la pratique de la médecine générale, actuellement. » (M5)

Le dialogue était aussi évoqué par un médecin comme un moyen de réussir à


« lâcher le blocage » et permettre au patient d’accepter de s’orienter vers une
psychothérapie ou un suivi spécialisé.

« Que ce soit dit ou pas dit, ils se rendent très bien compte que de venir parler, c’est ça. Par
petits bouts de ça. Ça peut commencer tranquille avec quelqu’un de confiance qu’on
connaît, parce qu’on se connaît pour d’autres choses. Puis ça peut conduire [...] à avoir cette
prise de conscience qui permet de s’autoriser à aller voir le psy après. » (M10)

Ce dialogue était d’autant plus important que la réalisation d’une psychothérapie par
le patient était perçue par ce médecin comme l’élément clé de la réussite d’une
démarche de sevrage en benzodiazépines.

« Quand je dis ça, c’est que ça m’intéresse plus de parler d’entretiens « psycho-quelque
chose » qui peut amener à être mieux dans sa peau et à ne plus en avoir besoin. Mais
chimiquement s’acharner pour des raisons… Il faut mettre quelque chose en remplacement
d’ordre psychologique, mais comme tous les sevrages, toutes les dépendances… l’alcool,
c’est pareil. » (M10)

Néanmoins ce dernier disait avoir eu besoin d’une certaine maturité avant de pouvoir
proposer cela.

« Quelque chose que je n’ai pas forcément fait beaucoup en début d’exercice, mais il fallait
aussi … la bouteille et le bagage personnel … c’est de proposer et d’écouter parler. » (M10)

36
6) Des pistes de solutions évoquées par les médecins

Quelques propositions de solutions ont été évoquées par certains généralistes au


cours des entretiens :
- le déremboursement ou la régulation des prescriptions par les autorités de santé
ont été cités, tout en étant jugés excessifs.
« Donc ça serait presque plus simple pour nous d'avoir une autorité au-dessus qui dise aux
gens: “vous avez le droit à un mois, point barre !”. Parce qu’au moins, il n'y aurait pas de
négociations [...] Matériellement, je ne vois pas comment ça peut être mis en place. » (M4)

« Le déremboursement, mais bon… ça me semble un peu… un peu trop fort. » (M2)

« Le déremboursement des « benzos»… Je pense que ça, le déremboursement des


« benzos», ce serait un peu … disons… brutal [...] Non, c’est une mauvaise idée. Non le
déremboursement ne me plait pas. [...] Parce que ça pénaliserait les gens qui sont
insomniaques et qui s’en sortent pas.» (M6)

- la sensibilisation des patients via des campagnes d'informations

« La campagne télévisée pour les antibiotiques a extrêmement bien marché, et maintenant,


nous n’avons aucun problème quand nous ne prescrivons pas d’antibiotiques. [...] Et relayée
par les journaux aussi. Tout à fait, je pense que ça pourrait être pas mal. Et puis dans les
cabinets médicaux, des flyers, des affiches, voyez une campagne… une campagne
nationale… » (M6)

« Moi je pense que la technique la plus efficace, c’est les actions de sensibilisation grand
public telles que les publicités, [...] je trouve que ce sont des choses qui marquent les gens
[...] des campagnes officielles appuient nettement notre discours. » (M2)

- la formation des médecins généralistes à la prise en charge de l'insomnie et de


l'anxiété en soins primaires via les formations médicales continues

« Je pense qu’il est important de développer des formations associatives, collégiales, avec
d’autres professionnels…comme l’attitude thérapeutique du médecin généraliste face à
l’anxiété en société, comment l’aborder… ça pourrait faire objet d’une formation avec des
intervenants de type psychologues, psychiatres, bien sûr. » (M5)

- faciliter l'accès financier des patients aux thérapies alternatives telles que les
psychothérapies

« Ça serait bien que les gens, ils aient accès en fait. A des thérapies alternatives non
payantes. Hein. De la TCC non payante etc… » (M3)

« Le remboursement des produits de substitution ! Si la mélatonine était remboursée, moi je


trouve que ça serait bien. » (M6)

37
DISCUSSION

1) Discussion des principaux résultats

Nos résultats permettent d’identifier plusieurs problématiques pouvant expliquer les


attitudes des médecins généralistes face aux prescriptions chroniques de
benzodiazépines.

Des risques maintenant bien admis et des médecins de plus en plus


sensibilisés

Les médecins de notre échantillon se déclaraient pour la plupart sensibilisés aux


effets indésirables des traitements prolongés par benzodiazépines. Bien que cette
étude ne permette pas de tirer de conclusion quantitative, la dépendance et les
troubles de la vigilance étaient les effets indésirables les plus souvent cités par les
médecins, ce qui est cohérent avec la littérature. (6)(7) Le lien potentiel entre les
prises chroniques de benzodiazépines et les démences était évoqué comme un
nouveau risque par la plupart des médecins. (8)

Les médecins ont donc changé de regard sur ces molécules depuis leur apparition
dans les années 60. Dans nos entretiens, les plus anciens installés ont pu témoigner
de ce changement de perception des benzodiazépines en évoquant un passé de sur-
prescription alors que les plus jeunes se montraient particulièrement sensibilisés aux
risques du traitement et à leur rôle de prévention. Ceci peut s'expliquer par le
développement des centres de pharmacovigilance et la sensibilisation des
professionnels de santé au risque iatrogène, au cours de leur formation initiale et
continue.

Les médecins concevaient le bon usage des benzodiazépines dans le cadre de


traitements courts et souhaitaient éviter justement cette chronicisation. Beaucoup
critiquaient le bénéfice de ces traitements lors des prises prolongées. Certains
estimaient même, que dans ce cadre, l'impact du traitement relevait plus d'un effet
placebo.

38
Si les benzodiazépines ont une efficacité indiscutable lors de traitements de courtes
durées, leur efficacité n'est pas démontrée lors de traitements prolongés. (9) Des
études suggèrent l'existence d'un phénomène de tolérance pharmacologique : la
perte de l’effet hypnotique et anticonvulsivant interviendrait rapidement alors que la
disparition de l’effet anxiolytique (qui serait plus tardive) reste discutée. (10)

A l'inverse, le risque de survenue d'effets indésirables double avec le temps. Ainsi,


dans la méta-analyse de Glass portant sur des patients âgés, le nombre de sujets à
traiter pour obtenir une amélioration de la qualité du sommeil est de 13, alors que la
survenue d'effets indésirables apparaît dès 6 patients traités. (11)

Un écart important entre la théorie et la pratique

Limiter ces prescriptions semblait souvent complexe à mettre en pratique. Ce que


Lasserre soulevait également dans une étude française en 2008 où les généralistes
étaient plus de 90% à se dire prêts à réduire leurs prescriptions de psychotropes,
mais seulement un quart imaginait pouvoir le mettre en œuvre en pratique. (12)
Les médecins évoquaient de nombreuses contraintes liées à leur contexte d’exercice
ou au patient les amenant parfois à devoir reconduire ces prescriptions de
benzodiazépines « par défaut ». (13)

Le manque de temps et le paiement à l’acte.

Un frein unanimement évoqué par les médecins de notre échantillon était le manque
de temps en consultation. Ceci est régulièrement exprimé dans la littérature par les
médecins. (7) Ainsi, le temps de consultation moyen d'un médecin généraliste aurait
été estimé à 16 minutes par patient ; 18 minutes lorsqu'il s'agit d'un problème
psychologique ou psychiatrique. (14)

A ce temps de consultation court s'ajoutent les motifs de consultation, généralement


multiples (en moyenne 2,18 par consultation), et les pathologies associées.
Dans son rapport, l'ANSM montre qu’en moyenne, un patient sur quatre traités par
une benzodiazépine est atteint d’une pathologie chronique. (1) Ceci complique le
travail du médecin généraliste qui est souvent amené à hiérarchiser les motifs de
consultation, les benzodiazépines pouvant alors facilement passer au second plan.

39
Un médecin évoquait également le manque de reconnaissance financière du temps
nécessaire à appréhender ces situations. En effet, on peut s'interroger sur l'impact de
la tarification à l'acte sur le comportement de prescription du médecin qui n'incite pas
à consacrer du temps à la réévaluation du traitement et à la sensibilisation du patient
qui elles, peuvent être particulièrement chronophages.

La problématique du patient dépendant

Les benzodiazépines exposent à un risque de dépendance. On distingue une


dépendance physique, caractérisée par la survenue d'un syndrome de sevrage, et
une dépendance psychologique liée aux effets bénéfiques que le patient attribue à la
prise du produit. (15)Le syndrome de sevrage est défini par l'apparition de
symptômes liés à l'arrêt brutal de la prise du traitement. Sa survenue est d'autant
plus fréquente que le traitement est prolongé, atteignant 80% des arrêts de
traitements après une prise de plus de 3 ans. (16)
La plupart des patients développent une dépendance à dose thérapeutique,
l'escalade de doses est un phénomène minoritaire dans la littérature,
particulièrement chez les sujets âgés. (17)

Ce phénomène de dépendance était un obstacle majeur à la décroissance du


traitement. Les médecins percevaient un attachement fort des patients à leur
traitement pouvant renvoyer à une composante psychologique de cette dépendance.
Ceci engendrait une résistance du patient à toute tentative de modification, de peur
de perdre le bénéfice attribué au produit. Certains médecins interrogés évoquaient
dans la prise du médicament un possible moyen de réassurance pour le patient.
D’autres suggéraient un possible besoin culturel d’avoir un traitement
médicamenteux à prendre.

La prise du traitement dans le cadre de l'insomnie était perçue comme une situation
favorable à une dépendance forte. La prise quotidienne, comme une habitude ou un
rituel, était à l'origine d'une dépendance psychologique, tandis que l'expérience de
signes de sevrage lors d'une interruption de traitement pouvait témoigner d'une
dépendance physique.

40
Un équilibre précaire chez les sujets âgés

La majorité des médecins de notre échantillon signalait que la problématique des


prescriptions chroniques concernait essentiellement leur patientèle âgée.

La littérature montre effectivement que les sujets âgés sont les plus exposés aux
prescriptions chroniques de benzodiazépines. Aux Etats-Unis, Olfson a évalué le
nombre d'utilisateurs de benzodiazépines à 9% des sujets de 65 à 80 ans, dont un
tiers étaient des utilisateurs chroniques. (18) Dans une étude de cohorte française de
1265 sujets âgés, ce taux passait à 23% de consommateurs de benzodiazépines,
dont parmi eux 77% d'utilisateurs depuis plus de 2 années consécutives. (19)

Les sujets âgés semblaient concentrer les obstacles à la mise en place d’un sevrage.
Leur dépendance était perçue comme plus forte car les prescriptions étaient souvent
anciennes. Le syndrome de sevrage pouvant être à l'origine d'une souffrance
intense, les médecins n'étaient pas toujours convaincus de l'intérêt d'un sevrage
dans le cas de prescriptions aussi anciennes, si elles étaient bien tolérées.

Ce constat introduit une nouvelle attitude, celle de vouloir préserver une situation
d'équilibre, que l'on retrouve fréquemment dans la littérature chez le sujet âgé. (20)
Cette attitude peut être renforcée par les expériences d'échecs de sevrage, comme
en témoigne un des médecins interrogés. La difficulté à évaluer individuellement des
effets indésirables perçus comme théoriques peut amener à les minimiser et
également à renforcer ce concept, surtout si le patient ne les signale pas ou ne les
attribue pas à la prise du traitement.

Ainsi, la motivation de la poursuite du traitement parait donc plus relever des


difficultés et des risques liés au sevrage qu'à la recherche d'un effet thérapeutique
pour le patient.

41
Un vécu variable des médecins

Les situations de renouvellement chronique d'une prescription de benzodiazépines


semblaient être perçues de manière différente selon les médecins.

Certains médecins étaient plus préoccupés par la nocivité potentielle de ces


molécules. Ils mettaient en avant leurs effets indésirables et leur efficacité discutable
sur le long terme. Pour ces médecins, agir dans l'intérêt du patient passait par une
décroissance ou un sevrage, leur priorité étant de limiter l'exposition
pharmacologique de leurs malades aux benzodiazépines. Lorsque la consultation
aboutissait malgré tout à un renouvellement ou que la discussion autour du
traitement n'avait pas été possible, cela conduisait à un sentiment de frustration pour
le médecin. Ce sont ces médecins qui exprimaient le plus souvent leurs difficultés à
gérer ces situations.

Pour d'autres médecins, la consommation chronique de benzodiazépines était plus


considérée comme la conséquence d'une situation globale de souffrance qui devait
retenir leur attention. Ces médecins insistaient sur leur rôle d'accompagnement et de
soutien dans un climat social qu'ils percevaient difficile. Ils considéraient que ces
patients ne devaient pas être stigmatisés ou jugés par le soignant. Une place
importante était faite au dialogue pour aider le patient à avancer face à cette situation
difficile. Le sevrage devenant possible avec l'amélioration des difficultés du patient.
De cette façon, le renouvellement n'était pas vécu comme une frustration mais
comme un moyen de garder le lien avec le malade.

Dans tous les cas, les médecins ne banalisaient pas ces prescriptions. Ils
soulignaient tous leur rôle de prévention en limitant les initiations de prescriptions et
en veillant à prévenir le risque de chronicisation.

42
2) Forces et faiblesses

Le choix d’une méthodologie qualitative a permis d’explorer les attitudes et ressentis


des médecins généralistes à partir d’une situation clinique fréquente mais finalement
peu décrite dans la littérature. Les études portant sur les attitudes des médecins
généralistes vis à vis de la prescription des benzodiazépines s’intéressent souvent
davantage à la phase d’initiation du traitement.

Les entretiens individuels menés téléphoniquement ont pu favoriser la libre


expression des médecins interrogés, sans qu’ils aient le sentiment d’être jugés sur
leur pratique. La constitution progressive de l’échantillon nous a permis en
recherchant une variation maximale d’obtenir un large éventail de sentiments,
d'expériences et d’attitudes de la part des médecins. La triangulation des données a
été respectée.

Notre étude comporte néanmoins certaines limites.

Tout d'abord, il existe un biais de recrutement : les médecins interrogés étant tous
volontaires, cela nous a probablement conduits à sélectionner les médecins les plus
sensibilisés à la problématique.

Il existe un possible biais de déclaration : les données recueillies étant déclaratives,


elles peuvent ne pas toujours être le reflet de la réelle pratique des médecins.

On peut discuter un possible biais d’investigation : bien que nous ayons choisi de
réaliser des entretiens individuels auprès de médecins dont nous ne connaissions
pas la pratique médicale, le fait que les investigateurs fassent partie du corps
médical a pu induire une autocensure de peur d'être jugé.

Cette étude n’est pas représentative des médecins généralistes français dans la
mesure où nos entretiens se concentrés dans la région Rhône-Alpes et qu’il peut
exister des disparités interrégionales importantes de conditions d'exercice. On
observe par ailleurs une disparité interrégionale importante concernant la
consommation des benzodiazépines.

43
3) Comparaison à la littérature

Nous avons identifié dans la littérature un certain nombre d'études de méthodologie


similaire s'intéressant aux attitudes des médecins généralistes vis à vis des
prescriptions de benzodiazépines.

Nos résultats sont en cohérence avec la littérature. Ainsi une méta-analyse récente,
regroupant 8 études qualitatives, s'est intéressée aux perceptions et expériences
des médecins généralistes concernant la prescription des benzodiazépines. (21) Ces
études concernaient cependant tous les stades de la prescription et pas seulement le
renouvellement chronique. Dans cette méta-analyse, la prescription d’une
benzodiazépine apparaissait comme une réponse facile, rapide et efficace. Ce
concept est moins présent dans notre étude car il semble plus se rapporter à une
situation d'initiation du traitement. Par contre, les concepts de dépendance et
d'attachement du patient au traitement sont davantage évoqués dans notre travail,
sûrement parce qu’ils apparaissent lorsque le traitement devient chronique.
Nos résultats sont également cohérents avec une étude qualitative récente de
Pérodeau qui propose une modélisation théorique de la consommation des
benzodiazépines chez le consommateur chronique de plus de 50 ans. (22) Le
renouvellement chronique s'intègre alors dans un processus global de prescription,
conditionné par des facteurs liés au patient, au médecin et au contexte de
prescription.

Nous avons choisi de nous intéresser à la perception des médecins, mais il est
intéressant de la comparer aux perceptions et attentes des patients dans ces mêmes
situations de renouvellement chronique.

Ainsi, l’étude de Pérodeau s'est aussi intéressée aux perceptions des utilisateurs
chroniques de benzodiazépines. Il décrivait une banalisation de leur consommation
et des effets secondaires potentiels, une balance bénéfices-risques jugée favorable,
une illusion de contrôle sur leur consommation, et un transfert de la responsabilité de
la prescription au médecin.

44
Parr mettait en avant comme facteurs de maintien de la prescription exprimés par
d’autres utilisateurs chroniques : l’attachement aux benzodiazépines, la volonté de
garder le contrôle sur leurs émotions ou leurs pensées, et le besoin d’une aide pour
continuer à faire face des difficultés d’ordre médical, psychologique ou de vie
personnelle. Leurs principales difficultés à entamer un sevrage étaient alors la
persistance de problèmes émotionnels en cours, leur sentiment d'incapacité à faire
face aux symptômes de sevrage (renforcé par leurs expériences d’échecs antérieurs)
et leur perception d'un soutien insuffisant de leur médecin. (6)

Ces données confirment l’adéquation de certaines perceptions des médecins avec


les attentes des patients : la peur des symptômes de sevrage, l’attachement à la
molécule comprenant la peur de la perte du bénéfice attribué au traitement, la
nécessité d’encadrer suffisamment le sevrage pour que le patient se sente guidé et
soutenu.

Elles montrent aussi pour le médecin la nécessité d’insister dans son travail de
sensibilisation du patient aux effets indésirables potentiels.

4) Perspectives

Les attitudes des médecins généralistes vis-à-vis des prescriptions chroniques de


benzodiazépines sont intimement liées à des difficultés d’ordre multiples, pour
lesquelles différentes pistes de solutions peuvent être discutées.

Une des pistes souvent citées par les médecins est l'amélioration de la formation
initiale et continue des médecins généralistes aux problématiques de santé mentale.
La HAS a mis à disposition des médecins depuis 2008 des recommandations
précisant les modalités d’arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés
chez le patient âgé. (23) Ces recommandations comprennent divers outils comme
des calendriers de réduction de doses, des arbres décisionnels ou une échelle
d'évaluation de la dépendance (échelle ECAB).

Mais on remarque que ce type d'outils n'a jamais été cité spontanément dans notre
échantillon, bien que leur connaissance réelle de ces outils n’ait pas été évaluée.

45
Une première hypothèse peut être que ces outils sont mal connus des médecins
généralistes, possiblement en lien avec une diffusion insuffisante de ces
recommandations.

Une autre hypothèse est que ces outils sont jugés trop lourds à utiliser en pratique
quotidienne par les médecins généralistes. Ainsi, 54,4% des médecins qui
connaissaient les recommandations de la HAS relatives au bon usage des
psychotropes les considéraient d’application difficile, selon Lasserre. (12)
Il pourrait ainsi être intéressant d’analyser l’utilisation par les généralistes d’un
nombre très restreint d’outils d’aide au sevrage aux benzodiazépines, pour ensuite
essayer de les faire évoluer, en espérant favoriser leur utilisation en pratique.

Compte tenu du manque de temps perçu par les médecins généralistes pour discuter
et mettre en place un sevrage au cours d’une consultation, on peut alors s’interroger
sur l’opportunité que constituerait une revalorisation financière de la consultation
dans le cadre de la mise en place d’un sevrage (en benzodiazépines, mais aussi en
alcool ou tabac). Elle pourrait permettre au médecin de dégager davantage de temps
pour des consultations longues et mieux encadrer la mise en place d’un sevrage.

Pour l’instant, les autorités de santé ont choisi d’autres mesures économiques pour
modifier les comportements de prescription, comme l’inclusion des benzodiazépines
aux ROSP (rémunération sur objectifs de santé publique) et la diminution du taux de
remboursement de plusieurs benzodiazépines hypnotiques (de 65 à 15%). L'impact
de ces mesures reste encore à évaluer dans la durée. (24)

On peut noter que le déremboursement a été étudié dans d'autres pays, mais le taux
de remboursement ne semble pas lié au niveau de consommation de
benzodiazépines en Europe. Ainsi la Belgique est le premier pays prescripteur de
psychotropes en Europe, alors que les benzodiazépines ne sont pas remboursées
par le système de santé national. (25)
Certains pays ont tenté d’agir par des mesures de déremboursement des
benzodiazépines comme les Pays-Bas en 2009. Les études menées depuis ont
montré une baisse modérée du nombre d’initiations de prescriptions. (26) Les
prescriptions chroniques déjà en place n’ont été que peu impactées à ce jour. (27)

46
Enfin, deux axes complémentaires peuvent être cités :

- Sensibiliser davantage les utilisateurs aux effets indésirables du traitement à


l'aide, par exemple, de campagnes d'information. Cette idée a été évoquée par
plusieurs médecins de notre échantillon qui faisaient le parallèle avec la
campagne concernant les antibiotiques, en expliquant l'aide que ces messages
extérieurs leur avaient apporté dans leur pratique.

- Le remboursement des alternatives aux benzodiazépines, telles que les


psychothérapies, qui a été une autre piste fréquemment citée par les médecins.
Les psychothérapies sous forme d'approche cognitivo-comportementale ont
montré dans la littérature une efficacité supérieure au traitement pharmacologique
et un bénéfice persistant plus longtemps. (28) Ces résultats se vérifient
également chez les sujets âgés. (29) L'approche par thérapie cognitivo-
comportementale a montré également qu'elle pouvait permettre de réduire la
consommation d'hypnotiques.

Une psychothérapie coûte en France entre 40 et 80 euros la séance ce qui la


place hors de portée de beaucoup de malades. La prise en charge par la sécurité
sociale des psychothérapies de manière ciblée dans certaines indications pourrait
aider les médecins à réduire leurs prescriptions, même si le coût d’une telle
mesure reste à discuter.

47
CONCLUSION

THÈSE SOUTENUE PAR : SEBASTIEN D’AUDIGIER ET EMMANUEL FILZ

TITRE : Attitudes des médecins généralistes face aux prescriptions chroniques de


benzodiazépines.

CONCLUSION :

Les prescriptions chroniques de benzodiazépines dans le cadre de l’anxiété et de


l’insomnie restent une situation complexe dans la pratique quotidienne des médecins
généralistes, les menant à des attitudes ambivalentes et variées.

Les médecins semblaient connaitre les principaux effets indésirables attribuables aux
benzodiazépines et essayaient de concentrer leurs efforts sur la limitation des
prescriptions initiales pour éviter le risque de chronicisation.

Quand la prescription était devenue chronique, les principaux obstacles perçus par
les médecins étaient l'attachement du patient au traitement, attribué à une
dépendance psychique, et la dépendance physique, avec le risque de syndrome de
sevrage.

D'autres obstacles liés au contexte de prescription et aux conditions d’exercice du


médecin, dont le manque de temps, limitaient le praticien dans sa volonté de
diminuer l’exposition du patient aux benzodiazépines.

La modification d'une prescription était plus difficile à mettre en œuvre chez les
sujets âgés, pourtant les plus exposés à ces prescriptions chroniques et à leurs
effets indésirables. Quand le traitement était bien toléré, le risque de provoquer un
syndrome de sevrage pouvait être perçu comme supérieur au bénéfice de l'arrêt.

Pour certains médecins, la perception d’un manque d’alternatives efficaces


conduisait à un renouvellement du traitement par défaut, et parfois, à un abandon
progressif des tentatives de sevrage par résignation.

48
Quand le traitement devait être renouvelé, le médecin préférait accompagner le
patient dans ses difficultés et ainsi entretenir une relation de confiance avec le
patient.

Il apparaît nécessaire de poursuivre la formation initiale et continue des médecins


généralistes sur la prescription des psychotropes et leur iatrogénie, et de développer
l'accès aux techniques de psychothérapies cognitivo-comportementales. Enfin,
renforcer l’implication des médecins généralistes dans l’élaboration et l’évaluation de
protocoles d’aide au sevrage.

En France, l’impact de décisions récentes telles que les mesures incitatives au


respect du bon usage des benzodiazépines (Rémunération sur Objectif de Santé
Publique) et la baisse de remboursement des hypnotiques reste encore à évaluer.

49
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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2013.

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and duration of therapy on the risk of hip fracture associated with benzodiazepine use in older
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for-performance system modify benzodiazepine prescribing practices? BMC Health Serv Res.
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particulière pour les personnes âgées [Internet]. 2011 [cited 2015 May 8]. Available from:
http://health.belgium.be/internet2Prd/groups/public/@public/@shc/documents/ie2divers/19
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of chronic primary insomnia in older adults: A randomized controlled trial. JAMA. 2006
juin;295(24):2851–8.

51
Liste des PU-PH ENSEIGNANTS À L’UFR DE MÉDECINE
Année 2014-2015

UNIVERSITE JOSEPH FOURIER - UFR DE MEDECINE DE GRENOBLE


Domaine de la Merci – 38700 LA TRONCHE
Doyen de la Faculté : M. le Pr. Jean Paul ROMANET

CORPS NOM-PRENOM Discipline universitaire


PU-PH ALBALADEJO Pierre Anesthésiologie réanimation
PU-PH APTEL Florent Ophtalmologie
PU-PH ARVIEUX-BARTHELEMY Catherine Chirurgie générale
PU-PH BALOSSO Jacques Radiothérapie
PU-PH BARRET Luc Médecine légale et droit de la santé
PU-PH BENHAMOU Pierre Yves Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques
PU-PH BERGER François Biologie cellulaire
PU-PH BETTEGA Georges Chirurgie maxillo-faciale, stomatologie
MCU-PH BIDART-COUTTON Marie Biologie cellulaire
MCU-PH BOISSET Sandrine Agents infectieux
PU-PH BONAZ Bruno Gastro-entérologie, hépatologie, addictologie
MCU-PH BONNETERRE Vincent Médecine et santé au travail

PU-PH Biostatiques, informatique médicale et


BOSSON Jean-Luc
technologies de communication
MCU-PH BOTTARI Serge Biologie cellulaire
PU-PH BOUGEROL Thierry Psychiatrie d'adultes
PU-PH BOUILLET Laurence Médecine interne
MCU-PH BOUZAT Pierre Réanimation
PU-PH BRAMBILLA Christian Pneumologie
PU-PH BRAMBILLA Elisabeth Anatomie et cytologie pathologiques
MCU-PH BRENIER-PINCHART Marie Pierre Parasitologie et mycologie
PU-PH BRICAULT Ivan Radiologie et imagerie médicale
PU-PH BRICHON Pierre-Yves Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire
MCU-PH BRIOT Raphaël Thérapeutique, médecine d'urgence
PU-PH CAHN Jean-Yves Hématologie
MCU-PH CALLANAN-WILSON Mary Hématologie, transfusion
PU-PH CARPENTIER Françoise Thérapeutique, médecine d'urgence
PU-PH CARPENTIER Patrick Chirurgie vasculaire, médecine vasculaire
PU-PH CESBRON Jean-Yves Immunologie
PU-PH CHABARDES Stephan Neurochirurgie
PU-PH CHABRE Olivier Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques
PU-PH CHAFFANJON Philippe Anatomie

52
PU-PH CHAVANON Olivier Chirurgie thoracique et cardio-vasculaire
PU-PH CHIQUET Christophe Ophtalmologie

PU-PH Biostatiques, informatique médicale et


CINQUIN Philippe
technologies de communication
PU-PH Biostatiques, informatique médicale et
COHEN Olivier
technologies de communication
PU-PH COUTURIER Pascal Gériatrie et biologie du vieillissement

PU-PH Pharmacologie fondamentale, pharmacologie


CRACOWSKI Jean-Luc
clinique
PU-PH DE GAUDEMARIS Régis Médecine et santé au travail
PU-PH DEBILLON Thierry Pédiatrie
MCU-PH DECAENS Thomas Gastro-entérologie, Hépatologie
PU-PH DEMATTEIS Maurice Addictologie

PU-PH Biostatiques, informatique médicale et


DEMONGEOT Jacques
technologies de communication
MCU-PH DERANSART Colin Physiologie
PU-PH DESCOTES Jean-Luc Urologie
MCU-PH DETANTE Olivier Neurologie
MCU-PH DIETERICH Klaus Génétique et procréation
MCU-PH DOUTRELEAU Stéphane Physiologie
MCU-PH DUMESTRE-PERARD Chantal Immunologie
PU-PH EPAULARD Olivier Maladies Infectieuses et Tropicales
PU-PH ESTEVE François Biophysique et médecine nucléaire
MCU-PH EYSSERIC Hélène Médecine légale et droit de la santé
PU-PH FAGRET Daniel Biophysique et médecine nucléaire
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MCU-PH FAURE Julien Biochimie et biologie moléculaire
PU-PH FERRETTI Gilbert Radiologie et imagerie médicale
PU-PH FEUERSTEIN Claude Physiologie
PU-PH FONTAINE Éric Nutrition
Epidémiologie, économie de la santé et
PU-PH FRANCOIS Patrice
prévention
PU-PH GARBAN Frédéric Hématologie, transfusion
PU-PH GAUDIN Philippe Rhumatologie
PU-PH GAVAZZI Gaétan Gériatrie et biologie du vieillissement
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MCU-PH Biostatiques, informatique médicale et


GILLOIS Pierre
technologies de communication
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GODFRAIND Catherine
(type clinique)
MCU-PH GRAND Sylvie Radiologie et imagerie médicale
PU-PH GRIFFET Jacques Chirurgie infantile

MCU-PH Endocrinologie, diabétologie, nutrition,


GUZUN Rita
éducation thérapeutique

53
PU-PH HALIMI Serge Nutrition
PU-PH HENNEBICQ Sylviane Génétique et procréation
PU-PH HOFFMANN Pascale Gynécologie obstétrique
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PU-PH JUVIN Robert Rhumatologie
PU-PH KAHANE Philippe Physiologie
PU-PH KRACK Paul Neurologie
PU-PH KRAINIK Alexandre Radiologie et imagerie médicale
PU-PH LABARERE José Epidémiologie ; Eco.de la Santé
PU-PH LANTUEJOUL Sylvie Anatomie et cytologie pathologiques
MCU-PH LAPORTE François Biochimie et biologie moléculaire
MCU-PH LARDY Bernard Biochimie et biologie moléculaire
MCU-PH LARRAT Sylvie Bactériologie, virologie
MCU-PH LAUNOIS-ROLLINAT Sandrine Physiologie
PU-PH LECCIA Marie-Thérèse Dermato-vénéréologie
PU-PH LEROUX Dominique Génétique
PU-PH LEROY Vincent Gastro-entérologie, hépatologie, addictologie
PU-PH LETOUBLON Christian chirurgie générale
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MCU-PH LONG Jean-Alexandre Urologie
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PU-PH MAGNE Jean-Luc Chirurgie vasculaire
MCU-PH MAIGNAN Maxime Thérapeutique, médecine d'urgence
PU-PH MAITRE Anne Médecine et santé au travail

MCU-PH Epidémiologie, économie de la santé et


MALLARET Marie-Reine
prévention
MCU-PH MARLU Raphaël Hématologie, transfusion
MCU-PH MAUBON Danièle Parasitologie et mycologie
PU-PH MAURIN Max Bactériologie -virologie
MCU-PH MCLEER Anne Cytologie et histologie
PU-PH MERLOZ Philippe Chirurgie orthopédique et traumatologie
PU-PH MORAND Patrice Bactériologie -virologie
Biostatiques, informatique médicale et
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technologies de communication
PU-PH MORO Elena Neurologie
PU-PH MORO-SIBILOT Denis Pneumologie
MCU-PH MOUCHET Patrick Physiologie
PU-PH MOUSSEAU Mireille Cancérologie

PU-PH Chirurgie plastique, reconstructrice et


MOUTET François
esthétique, brûlogie
MCU-PH PACLET Marie-Hélène Biochimie et biologie moléculaire
PU-PH PALOMBI Olivier Anatomie

54
PU-PH PARK Sophie Hémato -transfusion
PU-PH PASSAGGIA Jean-Guy Anatomie
PU-PH PAYEN DE LA GARANDERIE Jean-François Anesthésiologie réanimation
MCU-PH PAYSANT François Médecine légale et droit de la santé
MCU-PH PELLETIER Laurent Biologie cellulaire
PU-PH PELLOUX Hervé Parasitologie et mycologie
PU-PH PEPIN Jean-Louis Physiologie
PU-PH PERENNOU Dominique Médecine physique et de réadaptation
PU-PH PERNOD Gilles Médecine vasculaire
PU-PH PIOLAT Christian Chirurgie infantile
PU-PH PISON Christophe Pneumologie
PU-PH PLANTAZ Dominique Pédiatrie
PU-PH POLACK Benoît Hématologie
PU-PH POLOSAN Mircea Psychiatrie d'adultes
PU-PH PONS Jean-Claude Gynécologie obstétrique
PU-PH RAMBEAUD Jacques Urologie
MCU-PH RAY Pierre Génétique
PU-PH REYT Émile Oto-rhino-laryngologie

MCU-PH Biostatiques, informatique médicale et


RIALLE Vincent
technologies de communication
PU-PH RIGHINI Christian Oto-rhino-laryngologie
PU-PH ROMANET J.Paul Ophtalmologie

MCU-PH Pharmacologie fondamentale, pharmaco


ROUSTIT Matthieu
clinique, addictologie
MCU-PH ROUX-BUISSON Nathalie Biochimie, toxicologie et pharmacologie
PU-PH SARAGAGLIA Dominique Chirurgie orthopédique et traumatologie
MCU-PH SATRE Véronique Génétique
PU-PH SAUDOU Frédéric Biologie Cellulaire
PU-PH SCHMERBER Sébastien Oto-rhino-laryngologie
PU-PH SCHWEBEL-CANALI Carole Réanimation médicale
PU-PH SCOLAN Virginie Médecine légale et droit de la santé
MCU-PH Epidémiologie, économie de la santé et
SEIGNEURIN Arnaud
prévention
PU-PH STAHL Jean-Paul Maladies infectieuses, maladies tropicales
PU-PH STANKE Françoise Pharmacologie fondamentale
MCU-PH STASIA Marie-José Biochimie et biologie moléculaire
PU-PH TAMISIER Renaud Physiologie
PU-PH TONETTI Jérôme Chirurgie orthopédique et traumatologie
PU-PH TOUSSAINT Bertrand Biochimie et biologie moléculaire
PU-PH VANZETTO Gérald Cardiologie
PU-PH VUILLEZ Jean-Philippe Biophysique et médecine nucléaire
PU-PH Epidémiologie, économie de la santé et
WEIL Georges
prévention
PU-PH ZAOUI Philippe Néphrologie
PU-PH ZARSKI Jean-Pierre Gastro-entérologie, hépatologie, addictologie

55
SERMENT D’HIPPOCRATE
En présence des Maîtres de cette Faculté, de mes chers condisciples et devant
l’effigie d’HIPPOCRATE,
Je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans
l’exercice de la Médecine.
Je donnerai mes soins gratuitement à l’indigent et n’exigerai jamais un
salaire au-dessus de mon travail. Je ne participerai à aucun partage
clandestin d’honoraires.
Admis dans l’intimité des maisons, mes yeux n’y verront pas ce qui s’y passe ;
ma langue taira les secrets qui me seront confiés et mon état ne servira pas à
corrompre les mœurs, ni à favoriser le crime.
Je ne permettrai pas que des considérations de religion, de nation, de race,
de parti ou de classe sociale viennent s’interposer entre mon devoir et mon
patient.
Je garderai le respect absolu de la vie humaine.
Même sous la menace, je n’admettrai pas de faire usage de mes
connaissances médicales contre les lois de l’humanité.
Respectueux et reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants
l’instruction que j’ai reçue de leurs pères.
Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses.
Que je sois couvert d’opprobre et mépris é de mes confrères si j’y manqu e.

56
GUIDE D’ENTRETIEN ET TEXTE PRELIMINAIRE

- GUIDE D’ENTRETIEN

1/ Si je vous demande de vous remémorer les situations où s’est récemment posée


la question du renouvellement ou non d’une prescription de benzodiazépines
devenue chronique (au-delà 3 mois), comment la question du renouvellement a-t-elle
été abordée dans la consultation ?

Relances éventuelles :
- Qui aborde le renouvellement ? Quand ? Comment ?
- Modalités de la réévaluation
- Sevrage

2/ Concernant ces mêmes situations de prescription chronique, quelle est votre


attitude face à cette situation ? Comment vous positionnez vous ?

Relances éventuelles :
- Ligne de conduite / Protocole ?
- Positionnement par rapport à l’anxiété si non mentionnée (et vice-versa)

3/ En fonction de quoi votre attitude change, et fait que vous allez peut être
renouveler une prescription de benzodiazépines déjà chronique chez quelqu’un et
pas chez un autre ?

Relances éventuelles :
- Identification de profils types de patients justifiant d’être traité par benzodiazépine ?
- Facteurs décisionnels modulant le comportement de prescription
- Rôle de la connaissance du patient
- Cas particulier du sujet âgé

4/ Comment ressentez-vous ces situations de renouvellement d’une prescription


chronique de benzodiazépines ?

Relances éventuelles :
- Sentiment / vécu du médecin et pourquoi ?
- Existence de difficultés spécifiques liés à au médecin / patient ?
- Si opposition ou demande forte, comment gérer la situation ? Difficulté à ne pas aller dans
le même sens ?

5/ D’après votre expérience, que pensez-vous du rapport bénéfices-risques d’une


prescription de benzodiazépines déjà en place pour anxiété ou insomnie chronique ?

Relances éventuelles :
- Effets indésirables craints ou constatés
- Bénéfice attendu ou observé
- Cas particulier du sujet âgé
- Positionnement par rapport à l’anxiété si non mentionnée (vice versa)

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6/ Si vous voulez proposer une substitution ou le sevrage d’une benzodiazépine déjà
en place dans un contexte d’anxiété ou d’insomnie chronique, quels moyens
alternatifs, médicamenteux ou non proposez-vous ?

Relances éventuelles :
- Expérience personnelle
- Existence de limitations aux alternatives ? Lesquelles ? Pourquoi ?

7/ Est-ce qu’il y a des choses en termes d’aide dont vous auriez besoin (vous ou vos
confrères) face à d’éventuelles difficultés dans le renouvellement chronique de
benzodiazépines ?

8/ Souhaitez-vous ajoutez quelque chose à ce qui a été dit ?

- TEXTE PRELIMINAIRE A CHAQUE ENTRETIEN

« Bonjour,

Tout d'abord on tenait à vous remercier d'avoir accepté de participer à cet entretien dans le
cadre de notre thèse. Nous sommes 2 jeunes médecins venant de terminer notre internat et
nous réalisons ce travail avec le Dr ODDOU, médecin généraliste de la région d'Annecy.

Voici en quelques mots l'objectif de notre travail :

Nous avons choisi de nous intéresser aux prescriptions chroniques de benzodiazépines en


médecine générale.

Les benzodiazépines sont des médicaments de prescription courante dans notre exercice et
dont la consommation à tendance à repartir à la hausse en France ces dernières années
comme le montre le dernier rapport de l'ANSM de 2012.

Dans un certain nombre de cas ces prescriptions se chronicisent pendant plusieurs mois
voire plusieurs années, bien au-delà des durées habituellement recommandées par l'HAS.

Nous avons voulu nous intéresser au point de vue des premiers concernés sur ces
prescriptions de longue durée, c'est à dire nous les médecins généralistes.

Nous nous intéressons aux prescriptions au long cours dans le cadre de l'anxiété et de
l'insomnie, nous ne parlerons pas des indications anti-convulsivantes ou myorelaxantes.

Cet entretien comporte 7 questions. Certaines réponses peuvent être très larges, n'hésitez
pas à nous parler de tout ce que cela vous évoque. Elles seront enregistrées de façon
anonyme afin d'en faciliter leur retranscription et leur analyse ultérieurement.

Êtes-vous d'accord pour qu'on commence notre entretien ? »

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PRÉSENTATION DE l’ARBORESCENCE DES THÈMES ET
SOUS-THÈMES ISSUS DU CODAGE

1) Une volonté des médecins de limiter les prescriptions chroniques de


benzodiazépines

L'évocation d’un changement du contexte de prescription des benzodiazépines

 Des comportements passés de sur-prescription


 Accord des médecins avec les recommandations incitant à réduire ces prescriptions
 Le rôle de prévention du médecin généraliste
 Prévention du risque de chronicisation ultérieure d'une prescription
 Prévoir une durée courte de traitement dès le départ

Des médecins sensibilisés aux effets indésirables, critiquant le rapport


bénéfices-risques au long cours

 Des médecins sensibilisés aux effets indésirables des benzodiazépines


 Le parallèle entre les benzodiazépines et les drogues
 Un grand nombre d'effets indésirables cités
 Le rapport bénéfices-risques est jugé défavorable lors des prescriptions chroniques
 Le rapport bénéfices-risques diminue avec le temps
 Le rapport bénéfices-risques perçu plus acceptable dans l'anxiété que dans
l'insomnie
 Un bénéfice thérapeutique remis en question dans le cas des prescriptions
chroniques
 L'effet thérapeutique au long cours relève parfois uniquement d'un effet placebo
 Les sujets âgés sont les plus exposés aux prescriptions chroniques de
benzodiazépines et à leurs effets secondaires

2) Amener le patient à réduire sa consommation de benzodiazépines

Une réévaluation régulière des prescriptions en impliquant le patient

 Réévaluation régulière des prescriptions à l'initiative du médecin


 Faire participer le patient à la réflexion et faire de l'éducation thérapeutique
 Les médecins interrogés s'appuyaient sur les effets indésirables pour essayer
d'amener les patients dans une démarche de sevrage
 Les sujets jeunes semblaient plus accessibles à ces discours que les sujets âgés

Les outils des médecins pour diminuer la consommation

 Utilisation d'outils pour tenter de limiter la consommation de benzodiazépines (formes


galéniques plus souples ou des molécules à demi-vie plus courte)

59
 Utilisation de traitements adjuvants pour réduire les posologies de benzodiazépines.
 Utilisation d'alternatives variées, médicamenteuses ou non
 Les propositions d'alternatives thérapeutiques étaient généralement bien reçues par
les patients

Accompagner le patient tout au long du sevrage

 L'adhésion du patient doit être gagnée pour mettre en place un sevrage


 Informer les malades des effets indésirables potentiels d'un sevrage
 Organiser un sevrage très progressif et être disponible pour encadrer la décroissance

3) De nombreux obstacles à la limitation de ces prescriptions de


benzodiazépines, sources de résignation

Des difficultés liées au contexte de prescription

 La prescription provient d’un autre confrère, généraliste ou spécialiste


 Le motif d'introduction du traitement n'est plus connu du patient ni du médecin actuel
 La prescription est ancienne
 La prise du traitement est quotidienne ou associée à un problème d’insomnie

Des difficultés liées au mode d'exercice du médecin

 Le manque de temps en consultation


 Des motifs de consultation multiples
 Un manque de formation sur les outils d'aide au sevrage ou traitements alternatifs
 Les délais pour obtenir une consultation spécialisée

Des difficultés liées aux résistances des patients

 La demande de renouvellement insistante de la part du patient


 Une opposition forte de la part du patient à l’idée de vouloir modifier le traitement
 Le rôle de la dépendance physique et psychique aux benzodiazépines
 Les expériences d’échec et de souffrance lors d’un sevrage
 Le besoin du patient d’avoir un traitement à prendre pour se sentir sécurisé
 Un traitement performant est considéré par le patient comme nécessairement
médicamenteux
 Le manque de motivation de certains patients pour essayer un traitement alternatif
 La difficulté de certains patients à verbaliser ou entamer un travail de psychothérapie
 Le coût et l’absence de remboursement des alternatives médicamenteuses et non
médicamenteuses
 Les difficultés à modifier le traitement chez des personnes âgées
 La demande de traitement vient parfois de l’entourage chez les sujets âgés
 Critique par certains médecins de l’applicabilité des recommandations à leur
quotidien

60
D’une prescription « faute de mieux » à une prescription par résignation

 Certaines situations perçues comme sans autre issue que le renouvellement du


traitement
 Un sentiment d’impuissance du médecin
 Installation d'une forme de lassitude chez le médecin
 Les médecins moins insistants dans leurs tentatives de sevrage avec les patients
âgés.
 Le renouvellement est parfois la solution de facilité pour le médecin
 Un constat d’échec qui semble définitif pour certains patients
 La résignation du médecin dans le cas des prescriptions anciennes

Un vécu personnel variable

 Une prise du recul vis-à-vis de cette problématique dans la pratique professionnelle


du médecin
 Evocation d'un transfert du problème sur le médecin
 Une évolution de l'attitude du médecin au fil du temps et de son expérience
personnelle

4) Ne pas bousculer une situation d'équilibre

Ne pas perturber la stabilité du patient

 La crainte d’induire une éventuelle souffrance lors d'un sevrage


 Respecter la dépendance du patient vis-à-vis de son traitement par benzodiazépine
 Renouveler le traitement pour assurer la continuité d'une prise en charge spécialisée
 Privilégier le confort de vie actuel, en préservant certains bénéfices
 La prise du traitement fait partie intégrante de la vie du patient et de son équilibre
actuel
 Le médecin s'interroge sur sa légitimité à demander au patient d’arrêter ce traitement
quand celui-ci en est satisfait

Des effets indésirables difficiles à constater en pratique pour certains


médecins

 Des effets secondaires difficiles à observer et à évaluer d'après les médecins


 Les effets secondaires sont très rares dans le cas des prescriptions chroniques
 Absence de plaintes de la part des patients vis-à-vis d’éventuels effets secondaires
 Les patients ne semblent pas percevoir que le traitement peut être néfaste
 L'imputabilité de la benzodiazépine est difficile à prouver en cas d'évènement
indésirable
 Doute de certains médecins à l'égard des preuves scientifiques établissant les effets
secondaires
 Écart entre les profils de patients ambulatoires et hospitaliers

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5) S’adapter au patient, pour l’accompagner et le comprendre, en
privilégiant le dialogue

Soigner le patient en s’adaptant à sa personnalité, son mode de vie et son


environnement social

 Une attitude variable selon la connaissance du patient et de son environnement


 Une évaluation personnalisée pour adapter les prescriptions à l’individu
 Adapter son attitude au caractère et au contexte psychologique des patients
 Adaptation par le médecin de la prescription au contexte professionnel de l’individu
 La prescription répond parfois à des difficultés sociales
 Le rôle d'accompagnement du médecin
 Les médecins ont conscience de ne pas toujours respecter les recommandations

La recherche du consensus car l’opposition est contre-productive

 L'opposition au patient est contre-productive


 Attitude consensuelle du médecin pour avancer avec le patient
 Impliquer le patient et le considérer comme partenaire dans la décision.

Maintenir un lien de confiance et d’essayer d’encadrer la consommation du


patient

 Encadrer et suivre la consommation du patient pour éviter le nomadisme médical


 Le médecin ne redoute plus de perdre un patient en lui refusant un renouvellement
 Eviter que les patients aient recours à l’automédication
 Maintenir un lien de confiance dans la relation entre le malade et le médecin

Prendre du temps pour dialoguer, mieux comprendre le patient et le soigner

 Rechercher avec le patient les causes responsables de cette consommation


 Prendre du temps pour dialoguer avec le patient renforce le bon usage du traitement
 L’écoute permet d’épargner un certain nombre de prescriptions
 Reconvoquer le patient pour une consultation dédiée est parfois difficile en pratique
 Permettre au patient d’accepter de s’orienter vers une psychothérapie
 Utilisation d'éléments de psychothérapie par le médecin en consultation

6) Des pistes de solutions évoquées par les médecins

 Le déremboursement ou la régulation des prescriptions par les autorités de santé


 La sensibilisation des patients via des campagnes d'informations
 La formation des médecins généralistes
 L'accessibilité financière des patients aux thérapies alternatives

62
VERBATIM INTÉGRAL DES 13 ENTRETIENS

Entretien n° 1 (M1)

Q : < Lecture de l’introduction >Comment vous vivez ces situations de renouvellement


chronique d’une prescription de benzodiazépines au-delà des durées habituelles ?

R : Euh… Très bien.

Q : Très bien ?

R : Ça ne me stresse pas.

Q : C’est vrai ?

R : Ce n’est pas un problème pour moi.

Q : Ce n’est pas quelque chose qui vous pose difficultés dans votre pratique à vous ?

R : Non pas du tout. Parce que ça… ça ouvre le débat. Et… Et au contraire ça permet
d’avoir une bonne relation avec le patient pour progressivement comprendre pourquoi il en
est arrivé là, pour comprendre son mode de vie, mieux comprendre ses… ses difficultés, ses
stress, que ce soit familial, professionnel ou… ou sociétal. Et du coup euh... ça ouvre le
débat qui peut parfois amener à des solutions et quand progressivement on a trouvé la
solution et ben spontanément la personne aura moins besoin de benzodiazépines. D’autant
plus que j’ouvre le débat en proposant par exemple des formes galéniques en gouttes qui
vont lui permettre de progressivement baisser sa dose, euh… moi je donne des
compléments homéopathiques, en phytothérapie <s’éclaircit la gorge> et donc euh… Je…
Je n’ai pas du tout un propos agressif, ça me permet de mieux connaître la personne et si
elle le désire, de parler de ses soucis et progressivement… moi j’ai de très très bons
résultats. Je peux dire qu’aujourd’hui, si on prend mon profil de patientèle j’en ai très peu qui
ont ce… qui ont vraiment… bon les derniers je peux… je… j’ai pas beaucoup de solutions…
Mais j’en ai vraiment de moins en moins qui ont des benzos à long terme. Donc je dirais…
bon ce n’est pas… pour moi… c’est au contraire, ça fait partie de la médecine générale qui
est bien agréable je trouve. Voilà. Ma réponse.

Q : D’accord. Donc ce n’est pas du tout une situation qui est inconfortable pour vous ?

R : Ah pas du tout.

Q : Pas du tout. Très bien. Justement comment vous abordez la question du renouvellement
en consultation avec un patient ? Comment ça vient euh… comment ça vient sur la table ?

R : Bah comme euh… comme pour toutes autres thérapies, quand je reçois un patient avec
une ordonnance, l’ordonnance euh… c’est un peu le reflet, la carte d’identité du patient :
vous vous êtes diabétique on en est où, vous avez de l’hypertension on en est où, et sur la
ligne des benzodiazépines tiens bah c’est un sujet qu’on aborde : ça a commencé quand, à
la suite de quoi euh… et c’est vraiment la ligne où on peut rentrer un peu plus dans la vie
personnelle de la personne… Donc euh… votre question… reprenez votre question ?

63
Q : Voilà c’était exactement ça, c’est comment abordez-vous la question du renouvellement
en consultation c’est au…

R : <coupe> oui c’est ça, je dis ben tiens vous prenez tel médicament ça veut dire que à un
moment dans votre vie ça a été très difficile, vous étiez très anxieux, qu’est-ce qu’il s’est
passé ? Pour moi c’est l’ouverture à un débat. Et après dans ce débat… souvent ce qui
paraît catastrophique à la personne par exemple… on va dire, un exemple : j’ai divorcé
depuis c’est atroce euh… le fait de parler de divorce euh, de resituer le divorce dans le cadre
de la société actuelle, de dédramatiser totalement, d’y voir au contraire une porte pour votre
liberté etc… Petit à petit de débat en débat la personne arrive à voir sa propre vie sous un
autre angle et progressivement de consultation en consultation on arrive à baisser le doses.

Q : D’accord…

R : Moi je suis une médecin qui prends du temps dans mes consultations et du coup la
finalité c’est que je prescris peu… Alors je dirais, si je regarde un peu la pratique de certains
confrères euh… qui se font un grand plaisir, une grande fierté à voir 70 personnes par jour
c’est plus facile de dire bonjour, voilà une benzo si vous n’allez pas, au revoir madame et je
prends mes 23 euros. C’est la médecine que je ne veux pas pratiquer, que je ne pratique
pas.

Q : D’accord, donc le fait de prendre du temps ça vous aide à… à réduire ces prescriptions
progressivement ?

R : Complètement. Et je vous signe mon efficacité.

Q : D’accord. Et… Est-ce qu’il vous arrive de devoir vous opposer au patient sur ces
prescriptions-là, est-ce qu’il y a des situations où le patient est demandeur et vous vous êtes
obligée de ne pas aller dans son sens ?

R : Moi je vais toujours dans le sens du patient pour revenir dans le mien.

Q : D’accord.

R : Je pense que l’opposition n’a pas lieu d’être dans un cabinet médical et… la vie est
difficile pour nos patients que ce soit en famille ou au travail, si en plus quand ils vont chez le
médecin ils se font agresser c'est même pas la peine.

Q : D’accord. Donc euh… Pas de difficultés à aller contre le patient, vous êtes plutôt
toujours d’accord avec lui pour l’accompagner ?

R : Pour l’accompagner. Toujours.

Q : D’accord. Si jamais il est question…

R : <coupe> Parce que euh... Dans votre question j’entends : remettre en cause le patient en
termes de faute, de culpabilité, pour moi c’est un concept judéo-chrétien que je… que je
condamne. Je déteste la culpabilité, par contre je dois signaler que quand j’ai commencé la
médecine il y a 30 ans on trouvait des ordonnances de psychiatres avec 12 euh 15 lignes de
neuroleptiques et… Donc il y a eu… Je signe, il y a eu une génération de psychiatres
criminels. Voilà. Et par contre la nouvelle génération de psychiatre est bien plus éduquée et
bien plus honnête je pense. Donc nous avons des patients qui sont… qui auront encore les

64
séquelles des pratiques médicales d’un autre temps et c’est gens-là ont été les victimes des
médecins et pas de leur propre vie. Voilà. Donc si j’ai rencontré très souvent dans ma
carrière ces gens-là je les ai pris pour des victimes et je n’avais pas du tout envie de les
agresser et au contraire je les ai accompagnés dans la guérison.

Q : D’accord. Donc… Pour la question par exemple d’un sevrage en benzodiazépines


comment est-ce que vous… comment est-ce que vous abordez la question avec le patient et
comment est-ce que vous mettez en place les choses ?

R : <s’éclaircit la gorge> Euh… Alors. Je… Si la personne a envie de parler, on peut parler.
Faut savoir qu’il y a des personnes qui n’ont jamais envie de parler de leur vie personnelle,
très bien. Si… Donc il y a une confiance à gagner progressivement et… si euh… Après… le
moment où la personne a basculé dans la consommation de benzos ou d’alcool… ou de….
De toutes sortes d’addictions euh… c’était à un moment clé de leur vie qui est toujours en
lien avec une explication. Donc certaines fois on peut les accompagner dans une meilleure
acceptation de leur tristesse. Mais leur anxiété… parfois on ne peut pas, quand une
personne a commencé à prendre des benzos en ayant perdu un enfant dans un accident de
voiture etc… si la benzo les aide à survivre au décès d’un enfant je ne vois pas pourquoi je
la priverais de ça. Voilà, après on essaye toujours de voir avantages/inconvénients et… il
faut absolument toujours respecter la douleur de l’autre. Bon et puis à un moment… peut
être qu’avec les années on peut arriver à proposer d’autres alternatives et c’est pour ça que
je me suis formée en phytothérapie et je suis homéopathe.

Q : D’accord. Justement puisque vous parlez de l’efficacité de ces traitements, dans votre
expérience à vous qu’est-ce que vous en pensez du rapport bénéfices/risques de
benzodiazépines au long cours ?

R : C’est… C’est un sujet que je mets sur la table avec le patient. J’explique que… si il en
prend toute sa vie et ben pour son 4e âge il aura sûrement des troubles de mémoire que…
euh… je dis souvent que c’est dommage de se couper de ses propres émotions parce qu’on
perd ses capacités à réagir à la difficulté de la vie… Enfin bon, on peut parler aussi… moi je
suis complètement athée et j’ai une détestation pour la religion, par contre je travaille
énormément la philosophie et en trouvant des propos philosophiques on peut arriver à
beaucoup étayer les personnes.

Q : D’accord. Donc vous faites participer le patient à la décision ? Vous lui… vous lui
exposez les risques et puis après euh…

R : Et je parle de philosophie. Et quand la personne intègre les propos philosophiques on


arrive à bien mieux travailler. Je vous donne un exemple de philosophie vietnamienne : « la
vie est un combat et si tu es triste tu le perds ».

Q : D’accord.

R : Voilà. C’est très beau ça. Faut y réfléchir.

Q : C’est effectivement… ça laisse à méditer. Et par rapport à l’efficacité euh… sur des
prescriptions comme ça qui durent, quel est votre constat vous en terme d’efficacité chez vos
patients ?

R : Si ça les aide à vivre, c’est efficace. Si ça ne les aide pas à vivre, ça n’a pas de sens. Et

65
donc… par moments je peux tester avec eux une fenêtre thérapeutique tout en sachant que
quand on lâche les benzos l’anxiété remonte puissance 10 et cette anxiété elle est… elle est
post iatrogène et je leur explique qu’elle ne leur appartient pas. Donc si je dois lever un
traitement par benzodiazépines je leur demande toujours… je leur explique toujours qu’ils
vont souffrir. Que la souffrance fait partie de la vie. Qu’il faut accepter parfois la souffrance
pour aller vers de meilleures… sensations. Et je leur demande toujours d’être en présence
de famille pour commencer à… à baisser les doses.

Q : D’accord, donc vous encadrez le sevrage…

R : <coupe> et toujours… et surtout beaucoup s’occuper.

Q : D’accord. Et… est-ce que vous avez des approches différentes selon le profil de votre
patient, par exemple chez le sujet âgé ?

R : Euh… chez le sujet âgé je n’ai pas la même attitude que chez le sujet jeune. Voilà. Et
puis le sujet âgé il a 10 modes de vie, quand on est âgé on peut avoir une vie de… de
soumission totale dans un EHPAD et je signale au passage que les conditions dans les
EHPAD sont toujours pas au top… Y’a souvent la distribution de benzos le soir pour pas que
le personnel soit dérangé donc ça ça existe encore. Bon après euh… vaut mieux qu’il soit
dans un EPHAD avec une benzo tous les soirs que chez eux à risquer la chute et pas
s’alimenter correctement. Donc de toute façon… notre métier c’est de toujours chercher la
meilleure solution pour notre patient. Pas forcément pour sa famille. Et puis la famille ça fait
aussi partie d’un tout parce qu’il faut que tout le monde s’entendent. Mais euh… A un
moment nous il faut lâcher prise. Parce qu’on ne peut pas faire mieux…. Voilà. On ne peut
pas faire mieux.

Q : Qu’est-ce que vous entendez par lâcher prise…

R : <coupe> Parce qu’aujourd’hui on manque énormément de structures. Faut… faut… On


est dans un contexte sociologique compliqué. Économique compliqué. Si je veux faire rentrer
une personne âgée en EHPAD je peux avoir 2 ans d’attente et de toute façon elle se fera
toujours doubler donc on peut avoir des dossiers qui peuvent durer plus de 7-8 ans. Donc en
fait faut insister, insister… Voilà. Donc nous sommes obligé de garder des personnes âgées
à domicile et si leur insomnie est là… et qu’il y a un risque de chute et ben… c’est toujours
l’étude du risque plus et moins. Voilà. A suivre. A discuter avec la personne âgée, à discuter
avec la famille.

Q : D’accord. Donc c’est quelque chose que vous avez déjà beaucoup abordé, j’allais vous
poser la question… quels facteurs de la connaissance du patient et de son mode de vie
peuvent être déterminants dans votre attitude, donc vous en avez déjà un petit peu parlé…

R : Ben vous savez on n’a pas le même mode de vie euh... quand on a une fortune
personnelle et quand on est aux minimas sociaux. Hein. Fortune personnelle on peut avoir
une aide de vie qui accompagne à la vie jusqu’au coucher, on peut avoir un étudiant qui
surveille la personne âgée la nuit donc là ces personnes-là n’ont pas du tout besoin
d’anxiolytiques. Et vous avez des personnes qu’on est presque obligés de mettre avec des
barrières parce qu’il n’y a pas d’argent pour les garder donc euh… c’est pas là… vaut mieux
pas que la personne se lève et que les angoisses passent au-dessus de la barrière... et se
casse le col du fémur donc là c’est sûr qu’on a plus recours aux benzodiazépines. Je dirais

66
que la benzodiazépine est le reflet sociétal à l’envers. C’est-à-dire que dans des jolies
sociétés où tout le monde est heureux on n’en a pas besoin. Aujourd’hui on ne va pas dans
ce sens-là.

Q : D’accord. Donc vous pensez que c’est un des rôles du médecin de pallier à ça ?

R : Non je pense que ça serait le rôle des politiques. Mais comme nous avons des politiques
déficientes je pense qu’un jour nous les médecins, on sera obligés de faire de la politique
parce qu’on a trop été en souffrance pendant toutes nos carrières.

Q : D’accord. Et…pour ce qui est des… vous parliez de phytothérapie justement, dans le
cadre de l’anxiété et de l’insomnie est-ce que vous utilisez parfois des alternatives aux
benzodiazépines et qu’est-ce que vous…

R : <coupe> Beaucoup. Beaucoup et ça marche très bien.

Q : Alors qu’est-ce que vous utilisez par exemple ?

R : La valériane. Qui est un peu myorelaxante en plus donc ça calme certaines douleurs.
Une plante qui a un nom à coucher dehors donc je vais forcément l’abîmer c’est euh…
Escholtzia, qu’on associe souvent à la Valériane. Si les patients sont un peu déprimés vous
avez la rhodiole, vous avez le millepertuis. Euh… les alternatives en phytothérapie sont
vraiment très très très… euh….y’a une belle gamme et on a beaucoup d’efficacité.

Q : D’accord donc en termes d’efficacité vous avez beaucoup de résultats avec la


phytothérapie ?

R : Oui sauf que je me heurte au budget. Une boîte de 15 comprimés c’est 12 ou 13 euros
avec des pharmaciens qui tabassent et qui peuvent vendre 25 euros la même chose. Donc
y’a des personnes âgées qui sont aux minimas sociaux qui peuvent pas se payer leur
phytothérapie. Donc benzodiazépines. Quand je vous disais que c’était un problème
économique et sociétal…

Q : Effectivement. Et par rapport justement aussi aux… aux alternatives non


médicamenteuses ?

R : Oui ?

Q : Est-ce que vous en…

R : Ben faut avoir de l’argent pour aller chez l’ostéo une fois par mois. Faut avoir de l’argent
pour pouvoir… bon moi je fais de la consultation homéopathique au prix conventionnel de 23
euros mais je crois que je suis très rare sur la ville. J’ai même fait… j’ai fait arriver
l’homéopathie sur les camps des gens du voyage c’est aussi très rare et j’ai une belle
expérience mais euh… ces médecines un peu parallèles sont hors d’accès pour beaucoup
de personnes âgées ou de personnes adultes qui vivent avec les minimas sociaux.

Q : Ouais. Donc un problème d’accès à ces alternatives ?

R : Bien sûr. Un problème d’argent tout simplement.

Q : Un problème d’argent, d’accord. Vous avez parlé d’ostéopathie de choses comme ça,
dans votre expérience c’est des choses qui sont efficaces ?

67
R : Fantastique. Fantastique. Fantastique d’efficacité mais il y a un coût.

Q : D’accord. Justement, vous en avez aussi pas mal parlé mais… Quelles mesures vous
paraîtraient utiles à vous pour aider les médecins généralistes à cette problématique de
consommation de benzodiazépines ? Chronique ?

R : Y’a pas une solution vu qu’il y a 1000 médecins, 1000 médecins différents. Donc euh… il
y a des attitudes de médecins que vous ne changerez jamais c’est ceux qui pensent que
avoir vu 70 personnes à une consultation toutes les 3 minutes c’est… symboliquement ils
pensent qu’ils sont les meilleurs, qu’est-ce que vous voulez discuter avec ces gens-là ça
n’est pas possible. Donc on est tous tellement différents qu’il n’y a pas une solution.

Q : Et vous dans votre exercice à vous il y a des choses qui vous viendraient en tête ?

R : Oui… plutôt que… Oui, oui, oui. Que de temps en temps je puisse faire un chèque à un
patient, qu’il y ait un budget genre euh… conseil général, communauté de communes... qui
soit un chéquier à leur en-tête et par le biais du médecin pouvoir de temps en temps …
Comme nous allons au cœur des familles et au cœur des gens qui ne se plaignent jamais…
Pouvoir faire de temps en temps un chèque pour que les personnes puissent parfois même
ne s’acheter que du chocolat. Parce qu’aujourd’hui on est dans une grande grande misère
en France. Et je suis révoltée contre les gaspillages d’argent de nos collectivités locales et je
pense que si on pouvait de temps en temps, par le biais du médecin traitant, aider ceux qui
ne demandent jamais d’aide ça serait une très belle histoire politique, quand je la propose on
me dit que c’est invendable politiquement donc c’est pour ça qu’un jour votre génération il
faut que vous preniez le pouvoir.

Q : D’accord. Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose à tout ce qui a été dit déjà
sur cette problématique ?

R : Si on me fait parler je pense que dans 2 heures je parle encore.

Q : <rires>

R : Donc à vous de me canaliser.

Q : Ah ben écoutez c’est beaucoup d’informations très intéressantes. Moi j’arrive au bout du
questionnaire donc si vous n’avez pas de choses qui vous tiennent à cœur d’ajouter euh…
on va arriver sur la fin.

R : Moi je pense que c’est peut être politiquement difficile dans une thèse de médecine
générale de dire qu’il y a une grande misère en France, peut être que ça fais un peu
désordre par rapport à nos institutions. Mais… je vous signe que c’est la vérité.

Q : Donc vous pensez que les benzodiazépines sont un symptôme de cette misère ?

R : Absolument. Misère morale oui. Absolument. Je vais vous dire dans nos campagnes là,
je suis dans le Grésivaudan, autrefois les personnes dans les campagnes se réunissaient
pour casser des noix, se réunissaient pour euh… pour sécher les blés, se réunissaient pour
quelques activités…. Aujourd’hui les personnes sont toutes dans leurs appartements avec
leur télé, il y a de moins en moins de communication et beaucoup de personnes souffrent
d’une très très grande solitude. Nous sommes dans une société tribale, si vous ne faites par
partie de la tribu des arméniens vous n’êtes jamais invité, si vous ne faites pas partie de la
tribu des rugbymens vous n’êtes jamais invité et donc pour faire partie d’une tribu et ben le
point de départ il faut déjà une éducation, une parenté, et beaucoup de personnes ne sont
en lien avec aucune activité et du coup la grande grande solitude amène à la consommation

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de benzodiazépines. Donc il faut réinventer un peu nos sociétés mais on ne changera jamais
l’humain. L’humain fonctionne sur un mode tribal et donc… nous généralistes nous avons
constatés que beaucoup de personnes souffrent d’une immense solitude.

Q : D’accord.

R : D’où la consommation de benzodiazépines. D’où aussi l’augmentation de toutes sortes


de toxicomanies. Voilà, il y a quelque chose à réinventer. Autrefois les gens pouvaient aussi
se réunir pour des réunions politiques, aujourd’hui force est de constater que les personnes
se sont totalement désinvestis de la politique tellement les gens qui représentent ces partis
là les ont déçus. Donc ça fais encore des petites tribus en moins. Autrefois quand il y avait
les papeteries, les ouvriers se réunissaient par leurs syndicats, ils militaient politiquement, il
y avait une belle ambiance. Tout ça s’est cassé. Donc… beaucoup de personnes ont pris la
vague de l’exclusion. Voilà. Donc euh… on a… nous avons des sociétés à réinventer.

< Fin >

69
Entretien N°2 (M2)

Q : < Lecture de l’introduction >De façon générale, comment vous vivez la situation de
renouvellement d’une prescription de benzodiazépines devenue chronique (c'est-à-dire au-
delà de 3 mois) ?

R : Alors… euh … très bonne question effectivement, je différencie deux types de


prescription : soit on se retrouve avec un patient pour lequel on n’a pas forcément instauré la
benzodiazépine et on se retrouve avec un patient qui est devenu plus ou moins dépendant et
qui ne supporte pas forcément tout le temps l’idée de ne serait-ce que de le diminuer, alors
que c’est pourtant mon objectif toujours numéro un d’entamer une décroissance mais
néanmoins… oui c’est vrai … on se trouve confronté à ce problème de gens qui freinent des
quatre fers… euh... <silence> … mais je pense qu’un élément récent, en tous cas moi qui
m’a aidé pour entamer le processus et en général les gens y adhérent pas mal, c’est de
ressortir la donnée récente de risque de survenue de maladie d’Alzheimer avec une
utilisation prolongée de benzodiazépines, et ça je dois dire qu’il y en a pas mal qui y sont
sensibles, alors je pense que c’est une donnée… euh … qui peut vraiment nous aider dans
cette décroissance.

Q : D’accord, et quel serait le sentiment qui dominerait dans cette situation-là ? S’il y en avait
un ?

R : Heu … <silence> C’est vrai que dans un certain nombre de situations il y a un sentiment
d’impuissance.

Q : Est que c’est quelque chose de facile, difficile ?

R : Non, non c’est plutôt difficile, c’est éminemment difficile. Euh… il y a aussi, euh
<silence>… comment dirais-je… non, c’est plutôt difficile, mais… euh… il y a aussi
souvent… une ambiance … il n’y a pas que ce médicament-là, souvent les patients qui ont
des benzos sur des longues durées, ils n’ont pas que ça sur l’ordonnance, quoi, donc c’est
vrai que… même pas forcément je ne parle pas de psy… de médicaments psychotropes, je
parle aussi des médicaments en général associés, qui peuvent être associés en tout cas
euh... il faut l’avoir à l’esprit qu’il faut toujours vouloir essayer d’arrêter, c'est-à-dire que
j’entends par là que ce n’est pas toujours le souci numéro un de la consultation au moment
où on les voit, voilà quoi, c’est ça que je veux dire. C’est pour ça que ça peut aussi être
relégué à un problème ultérieur et qui fait qu’on peut se retrouver à malgré tout re-prolonger
ces ordonnances en disant « on s’en occupera plus tard, ce n’est pas le problème si en ce
moment ça ne va pas ou …voilà… et c’est ce qui fait que l’on en arrive à des ordonnances
qui se renouvellent et qui traînent avec des benzos qui persistent.

Q : Tout à fait, du coup, la seconde question était de savoir un peu comment était abordée
de manière générale la question de ce renouvellement en consultation avec le patient ?

R : Hum... <silence>… comment est abordée ? Dans un premier sens que ce n’est pas un
traitement qui se prend habituellement sur du long terme et que du coup, il y a une
dépendance, et voilà il prend conscience du risque du médicament euh... <silence> dans un
premier temps, voilà, il y a à faire une prise de conscience, de prendre en compte la portée.

70
Après la stratégie de sevrage, c’est une autre étape, quoi. Voila.

Q : Hum… oui parce que c’est vrai, une des possibilités… une des façons dont est abordée
la chose, tout à l’heure, on a dit sur la fin de consultation, sur d’autres motifs de
consultations, est ce que de manière générale c’est plutôt… qui prend l’initiative ? est-ce que
ça se fait plutôt d’une façon ou d’une autre… enfin, quelle est votre impression vis-à-vis de
ça ? Comment est abordée la question du renouvellement ?

R : Alors c’est… l’initiative d’arrêter ou de renouveler ? Ou…

Q : Les deux… de réévaluer simplement le traitement aussi…

R : Ouais... Bon, ce qui est sûr, c’est que les gens sont demandeurs en général de
poursuivre, en général c'est-à-dire que ce ne sont pas eux qui vont être à l’initiation du … ou
alors si, c’est vrai que ça peut arriver, de vouloir, qu’ils nous demandent de vouloir se
passer de cette cochonnerie et qu’ils n’arrivent pas, alors dans ce cas-là, c’est les conditions
idéales pour entamer le sevrage, ça c’est sûr. Mais ce n’est pas tout le temps comme ça, y
en a qui ont du mal à l’idée qu’on va leur arrêter ça. Du moins, à l’accepter en tout cas.

Q : Hum… d’accord…

R : Pour l’attitude du médecin, moi l’impression que j’ai, c’est que c’est plutôt en général un
souci du médecin et que malheureusement c’est trop souvent par facilité, par euh… par
euh… par oubli … ou par manque de temps, tout simplement… c’est trop souvent passé au
second plan de la consultation, voilà moi je dirai ça.

Q : C’est ce que vous ressentez à titre personnel dans votre pratique ?

R : Tout à fait, voilà, tout à fait… Tout à fait.

Q : D’accord. Et du coup, est ce que c’est difficile pour vous de ne pas aller dans le même
sens que le patient pendant ces consultations ?

R : Hum… Ouais, c’est tout l’art effectivement de lui faire prendre conscience, c’est pour ça
que je parlais de prise de conscience… c’est… euh… c’est plutôt essayer de… d’aller tous
les deux dans le même sens, c'est-à-dire en lui faisant prendre conscience que ça lui fait
plus de mal que de bien sur le long terme, c’est une façon de se mettre dans son sens ou lui
de le mettre dans le nôtre, et de l’aider à l’accepter… l’idée de s’arrêter !

Q : Quelles pourraient être les difficultés ou les raisons qui feraient qu’il serait difficile qu’on
ne vienne pas dans le même sens, qu’on n’arrive pas à être sur la même ligne ?

R : Ah bah si, si effectivement… si il y a incompréhension de… de… de l’explication que l’on


donne, de toutes les raisons pour arrêter, et toutes les… alternatives et que le patient est
buté, qu’on n’arrive pas forcément à trouver les bons mots, qu’on n’arrive pas à se faire
comprendre… voilà… C’est peut être une raison… De pas se mettre sur son… <silence>

Q : D’après votre expérience, que pensez-vous du rapport bénéfices-risques d’une


prescription de benzodiazépines déjà en place ?

R : Hum… <silence> Il est mauvais ce rapport bénéfices-risques parce que de toute façon il
y a le phénomène de… tolérance, c'est-à-dire qu’au bout d’un moment… euh… la dose…

71
enfin… la tolérance, l’accoutumance, c'est-à-dire qu’on ai augmenté la dose pour arriver au
même effet et inversement, à la même dose, l’effet bénéfique du début n’est plus là, ce n’est
plus qu’un substitut et que si on l’arrête on est en manque, et voilà. Donc, du coup, il n’y a
que des risques à continuer et pas de bénéfice.

Q : Et du coup, quel constat faites-vous sur l’efficacité vu qu’on a parlé de bénéfices-


risques… enfin, là on a parlé un peu des effets indésirables, de l’accoutumance… sur les
bénéfices, est ce que … ?

R : Bah le bénéfice… <souffle>… euh… <silence>

Q : Il n’y en a pas forcément, c’est de savoir s’il y en a aussi ou pas ?

R : Oui bah, euh… le bénéfice, il est peut-être d’une part… le bénéfice peut être de ne pas
quand c’est… euh… quand c’est une situation psychologique pas stabilisée… la situation…
oui c’est ça… enfin non… comment dire… la détresse psychologique est toujours plus ou
moins persistante, il est sûr que le bénéfice va être, s’il y a un trouble supplémentaire,
d’essayer de le diminuer au moins sans aggraver la situation, de ne pas aggraver la situation
en voulant entamer une décroissance en benzodiazépines parce qu’on sait que ça va être un
facteur supplémentaire de déstabilisation. <silence> Donc c’est le bénéfice de ça…voilà…
quand on prend la question, c’est ça : de ne pas induire plus de troubles du sommeil qu’il
n'en existe, de ne pas faire un sevrage… voilà.

Q : Cette approche, on parlait de l’approche du bénéfices-risques, comment on le perçoit


comme médecin généraliste, est-ce qu’il diffère selon le profil du patient, s’’il s’agit d’un sujet
âgé, d’un sujet toxicomane ou autre profil de patient ?

R : Bien sûr. Bien sûr… euh… puisque par exemple pour la dépendance à l’alcool, ça va
conditionner… à mais là on est hors sujet, ce n’est pas la même indication…

Q : …Si, ça peut.

R : Oui, ça peut quand même, parce que là, pour le coup le bénéfice est le sevrage en
alcool. C’est un médicament qui peux être utile dans le sevrage à l’alcool, mais on est peut-
être un peu hors sujet par rapport à une prescription chronique, encore que si ça peut
maintenir une abstinence, bon bah ce n’est pas recommandé mais voilà, c’est plus le
sevrage… mais euh… qu’est-ce que je veux dire, euh oui la question c’était, en fonction de
l’âge bien sûr, la population âgée, on sait que c’est ceux qui en prennent le plus, ça
s’accumule d’autant plus dans l’organisme qu’ils risquent des risques de chute, de confusion,
de somnolence, de troubles cognitifs, donc on en a parlé quoi. Effectivement on n’a pas les
mêmes risques pour tout le monde on va dire. C’est une utilisation plus… délicate chez les
personnes âgées, et pourtant les plus, ce sont ceux qui sont les plus euh… c’est chez eux
que c’est le plus prescrit je pense.

Q : La… Comment la connaissance du patient et de son mode de vie finalement modifie-t-


elle votre attitude de médecin généraliste ?

R : Hum… <rires> C’est vrai que c’est des questions hein. Euh, comment ça modifie, euh…
ben oui ça a un impact sur euh, comment ça modifie, je réfléchi, <silence>, peut-on
reformuler la question peut-être ?

72
Q : Oui ! Voilà, notre question c’était de connaître un peu mieux si les déterminants… voilà,
le fait de connaître ou pas le patient, effectivement, et quels paramètres dans cette
connaissance du patient, de son mode de vie, influençaient sur votre décision à prescrire ou
non, ou à… votre comportement de prescription.

R : Euh alors…

Q : Est-ce qu’il y a des facteurs qui alertent, voilà.

R : Ouais, ben effectivement la connaissance, puis la connaissance des problèmes


personnels, de... de l’environnement, euh... c’est un facteur que l’on prend en compte. Euh...
aussi, un facteur, euh... peut-être qui peut interférer, c’est un peu l’empathie, peut-être, et
encore je ne sais pas si c’est vraiment ce que vous voulez dire, mais euh…

Q : Est-ce que c’est quelque chose qui... en tout cas vous percevez, vous dans votre
pratique, qui pourrait jouer ?

R : Sans doute que ça joue oui, ça joue une part c’est sûr. Oui c’est sûr que le patient que
l’on a en face de nous, enfin son… n’est pas la même en fonction de… évidemment, ça c’est
logique, on s’adapte, mais euh, on va pas forcément, euh... connaissant l’historique, euh
ouais, le caractère des patients, les susceptibilités individuelles, ouais, je pense que ça joue
forcément sur le... sur le discours, et sur le... sur la prescription, ouais je pense.

Q : D’accord. Du coup dans le cadre, de l’anxiété et de l’insomnie quelles autres


thérapeutiques vous paraissent utilisables en pratique ?

R : Quelles autres thérapeutiques ?

Q : Oui, euh, en dehors… on a parlé des benzodiazépines, mais est-ce qu’il y a d'autres
choses utilisables ?

R : Ben euh, je sais pas si du coup on comprend les hypnotiques apparentés aux
benzodiazépines euh... tel Zolpidem, Zopiclone ? Dans les benzodiazépines ou non, ben je
pense quand même qu’on peut les rapprocher.

Q : Oui.

R : Après euh... y'a les autres plus euh... avec moins de risque d’accoutumance, ben y'a
l’Atarax®, type euh... bon ben voilà qui a l’avantage d’avoir moins de... y'a pas
d’accoutumance, mais euh... Et puis… <silence> Les moyens plus…. euh… Euphytose®, la
mélisse à base de plantes euh... voilà... ou l’intermédiaire, le Donormyl®, le Donormyl ®
avec le... toujours en expliquant au patient que c’est une indication euh... la plus courte
possible, et que aucune médication n’a d’indication d’insomnie chronique.

Q : D’accord. Donc dans l’attitude vis-à-vis du Donormyl® ou alors du Zolpidem/Zopiclone


qui ont été évoqués tout à l’heure, l’attitude est-elle... enfin est-ce qu’elle est... elle est la
même, enfin comment est-elle vis-à-vis de la… ?

R : Alors, c’est vrai que l’attitude est différente, euh... dès lors que, dès lors qu’on identifie,
chez un patient une cause, enfin, vraiment aiguë euh... qu’on a estimé le risque de
chronicisation, donc que par exemple, les hypnotiques Zolpidem, Zopiclone, euh que le
risque était estimé faible, que c’était vraiment lié à euh… une réaction à une situation

73
éprouvante, euh dans ce cas-là moi je pense que je privilégierais plutôt effectivement les
benzos, donc le Zolpidem, les hypnotiques comme le Zolpidem, euh... et dès lors que j’ai
moins apprécié ou que mon… je privilégierais plutôt dans un premier temps, des… euh,
plutôt le Donormyl®, euh… mais qui a l’inconvénient de… d’être un petit peu, qui rend plus
somnolent le lendemain, donc euh... voilà j’essaye de…

Enfin voilà, ça c’est un des facteurs de choix, on a parlé de celui-là, euh… <silence> La
première intention étant quand même de rester le plus soft possible, voilà, sachant qu’il est
toujours temps de réévaluer. Voilà, mais on est quand même souvent, enfin, je suis souvent
amené à prescrire d’emblée du Zolpidem quand la situation me semblait justifiée, et voilà,
sur plusieurs critères. Voilà bref, ça dépend de pas mal de facteurs.

Q : Donc en terme d’alternatives, en fait, euh... pour vous c’est les principales alternatives,
euh... que vous verriez, utilisables dans votre pratique ?

R : Alors là j’ai parlé... je parlais juste de la thérapeutique, donc pour moi, c’est-à-dire
pharmacologique.

Q : D’accord

R : Après effectivement, je remets des conseils par écrit, en cas de troubles du sommeil,
consistant en des mesures hygiéno-diététiques et des mesures de conditionnement du
sommeil, euh… Voilà en essayant d’éviter tout ce qui est excitant le soir, tout ce qui est... En
gardant le lit pour dormir et pas pour faire autre chose, euh, enfin pas pour regarder la télé
ou même bouquiner, d’avoir besoin de revenir à des réflexes conditionnés voilà, d’avoir des
réveils toujours la même heure à une heure convenable euh... Voilà, même s’il y a troubles
du sommeil, et essayer de… Mais bon tout ça, voilà, c’est ce qu’on essaye de toujours faire.
Et on le met par écrit et c’est vrai que ça prend du temps, aussi d’expliquer tout ça et c’est
pour ça je pense qu’il y a une facilité de … mais ça nécessite de vraiment passer du temps,
de toute façon.

Q : D’accord, et euh... Voilà c’était les principales…

R : Euh... par contre les autres pratiques il y en a peut-être, euh, de relaxation, de je ne sais
quoi, qui… mais je ne les maîtrise pas moi effectivement, donc je n’y ai pas recours.

Q : Est-ce que vous adressez des patients, ou est-ce que c’est trop difficile en pratique et
donc c’est pas utilisé ?

R : Non, ça m’arrive. On a un intervenant, comment dirais-je, un correspondant


pneumologue spécialisé dans le sommeil avec qui je... enfin ça m’arrive d’envoyer, enfin
bon, mais je n’y ai pas recours très souvent, mais surtout pour des gens avec, ouais, avec
des grosses problématiques dont moi j’arrive pas à faire face dans l’escalade, qui pour moi
sont dans l’escalade des traitements ou dans la persévérance du traitement… mais voilà ça
reste quelques cas.

Q : L’opinion globale sur ces alternatives ? Et sur leur efficacité ?

R : On parle de quelles alternatives du coup ?

Q : Oui pardon je précise : euh... l’opinion par rapport aux alternatives de traitement dans le
cadre de l’anxiété ou de l’insomnie en alternative au traitement par benzodiazépines.
74
R : Oui, donc très large

Q : Oui, très large, là on avait commencé à parler en début de question des traitements
médicamenteux mais aussi du non médicamenteux finalement...

R : Ouais, psychothérapie, bien sûr…ouais, psychothérapie, puis les TCC, toutes ces
mesures bien sûr, elles sont… enfin elles seraient à privilégier, mais en fait c’est un manque
de moyens et manque de… D’abord c’est pas remboursé donc pour les patients c’est aussi
un coût… toutes ces alternatives alors que un comprimé, c’est remboursé, c’est vite pris.
Finalement on ferait mieux de prendre plus de temps et sans doute aller chercher plus loin
que le simple trouble du sommeil ou l’anxiété et creuser en faisant une psychothérapie,
effectivement, ça serait une façon sûrement beaucoup plus payante sur le long terme… mais
sauf qu’en pratique c’est très compliqué. Très compliqué à mettre en place, puis voilà…

Q : Est-ce que vous percevez parfois une réticence du patient vis-à-vis de certaines de ces
alternatives ?

R : Bien sûr. Oui, oui, oui. Oui, oui, oui, alors d’une part pour des raisons plutôt financières
<silence> Euh..oui, c’est peut-être… ça leur demande plus d’efforts à eux… euh… plus
d’efforts... pour un résultat peut-être incertain à leur goût ou moins efficace sans doute euh...
d’après leur opinion, du moins à mon avis… euh… voilà

Q : Quelles mesures vous paraîtraient utiles pour aider les médecins généralistes à répondre
à ces difficultés face au renouvellement chronique de benzodiazépines … s’ils y en a ?

R : Euh … moi je pense que la technique la plus efficace, c’est les actions de sensibilisation
grand public telles que les publicités, les voilà… faire un peu une conscience comme ça...
comme la maladie d’Alzheimer, je trouve que ce sont des choses qui marquent les gens et je
ne sais pas si c’est la méthode idéale, mais j’ai l’impression que c’est ce qui marche en tout
cas et peut être que... le fait de… les campagnes… des campagnes officielles appuient
nettement notre discours.

Q : D’accord.

R : Voilà, après y'a sûrement d’autres moyens… je réfléchis… hum… <silence> Ouais, après
je ne sais pas… le déremboursement, mais bon… ça me semble un peu… un peu… un peu
trop fort… après voilà… je ne sais pas… y'a sûrement d’autres moyens mais que je ne vois
pas pour l’instant.

Q : D'accord. Très bien. Est-ce que vous auriez autre chose que vous auriez souhaité ajouter
à l’issue de cet entretien ?

R : Hum … non.

Q : Quelque chose qu’on n’a pas dit ou évoqué sur cette thématique ?

R : Hum… non.

Q : D’accord

< Fin >

75
Entretien N°3 (M3)

Q : < Lecture de l’introduction >Comment vous vivez la situation de renouvellement


chronique d’une benzo euh, qui devient chronique ? Qu’est-ce que ça…

R : Vous parlez de celles qui sont tous les 28 jours-là ?

Q : Benzodiazépines, c’est-à-dire c’est… habituellement c’est 3 mois.

R : Oui c’est 3 mois sauf pour les hypnotiques.

Q : Sauf pour les hypnotiques c’est ça, qui sont apparentés.

R : Ouais. Alors tous les 3 mois euh… c’est bien. Ça me paraît logique. Après tous les 28
jours ben… c’est extrêmement pénible mais… Voilà… Je le vis pas bien <rires>

Q : Oui mais vous par exemple, vous avez des patients qui sont sous benzodiazépines de
façon chronique ? C’est-à-dire qui ont des traitements en place depuis plusieurs mois voire
plusieurs années ?

R : Alors. Je crois qu’il faut bien différencier là le problème de l’Imovane et du Zolpidem,


enfin de... De... Zut je vais y arriver, du Zolpidem et du…. Imovane c’est du….

Q : Zopiclone.

R : Du Zopiclone voilà. Du problème des anxiolytiques.

Q : On est d’accord.

R : Donc oui j’ai un certain nombre de patients évidemment qui prennent du Temesta®
depuis 25 ans… ceux-là… j’en ai pas beaucoup mais j’en ai. Parce-que… ils nous ont été…
légués j’allais dire par les générations précédentes. Ou par euh… voilà… après j’en ai pas
tant que ça hein, j’ai quelques patients sous Seresta et puis après euh… j’ai un certain
nombre de patients sous euh… Alors. Je ne parle pas des psychiatriques hein, ou des gens
qui sont suivis où je fais des renouvellements pour le… le CMP en particulier, un certain
nombre de handicapés qui ont à la fois des handicaps et souvent des troubles du
comportement associés donc eux ils sont gérés par le CMP, qui y vont au moins une fois par
an et puis moi je renouvelle entre temps… voilà… je parle pas de ceux-là. Je parle de
patients qui ont euh… dans… dans la rubrique anxiolytique.

Q : Voilà. C’est ce qui nous intéresse.

R : Et puis après j’ai quelques patients qui sont effectivement sous Zolpidem ou Zopiclone au
long cours.

Q : Alors nous on s’intéresse plus particulièrement aux benzodiazépines c’est-à-dire que


Zopiclone ou Zolpidem on les mettait plus dans une catégorie « apparentée » mais qui ne
font pas parties des benzodiazépines purement. Donc c’est plus ce que vous évoquiez sur
les autres benzodiazépines anxiolytiques.

R : Alors les autres benzodiazépines, qu’il y ait un renouvellement tous les 3 mois ça me

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parait logique. Ça je suis moins embêté, et puis tous les 3 mois c’est un rythme correct pour
revoir les gens ou les dépanner quoi.

Q : D’accord. Alors ces prescriptions qui durent alors, c’est… qu’est-ce que ça… quel est
votre sentiment dans ces situation- là ?

R : Moi c’est généralement… des situations dans lesquelles on en a reparlé avec les
patients… On a fait ce qui… les rares qui restent hein parce qu’il y en a plus tant que ça… je
réfléchis. Des gens avec qui on a fait des essais de… loyaux j’allais dire, de diminution…
Enfin la majorité je dirais parce qu’il y'a des gens qui veulent pas entendre parler d’un
changement... si ils sont bien avec ça c’est leur béquille voilà… Alors des changements
loyaux, des essais loyaux de diminution ou de sevrage, donc il y'a des gens pour qui ça a
marché et puis il en reste pour qui ça marche pas ou qui… ont été tellement mal au moment
de la diminution qu’ils ne veulent pas en entendre parler.

Q : D’accord.

R : On en reparle, à chaque fois on ré-évoque, c’est comme le tabac ça : « et vous avez


pensé à arrêter ? Et vous avez essayé de diminuer ? » Et… voilà.

Q : D’accord. Et donc quand ça se conclut après cet entretien par un renouvellement… c’est
quelque-chose qui est source de difficultés pour vous ? C’est quelque chose qui dans votre
pratique…

R : Non.

Q : Non pas du tout ?

R : Ce n’est plus une source de difficultés si je suis sûr d’avoir exploré un peu les voies et
euh… et voilà… bon quand c’est des gens que je connais bien c’est a priori que je sais que
ça leur sert de béquille et que… c’est un peu le prix à payer pour que… ou souvent des gens
qui eux-mêmes sont pas spécialement en… après c’est toujours pareil, y’a des gens qui ont
envie d’avancer, qu’on arrive à envoyer chez le psy et qui font une démarche etc… et qui ont
envie de se… de se sevrer de ça , et puis y’a des gens qui n’en ont pas envie puisque ça…
Voilà. Ils prennent ça, y’en a d’autres qui fument, y’en a d’autres qui se rongent les ongles et
eux ils font ça et puis voilà.

Q : D’accord. Donc ce n’est pas quelque chose qui est particulièrement difficile dans votre
pratique ? C’est une situation qui est…

R : Ça fait partie de ces médicaments chroniques dont on aimerait bien que… dont on
aimerait mieux que les gens les prennent pas hein… mais après… c’est comme
l’hypercholestér…. Comme la statine du gars qui… qui est pléthorique quoi.

Q : Ouais ?

R : Évidemment s’il bouffait moins on aurait moins besoin de statine.

Q : D’accord. Et donc justement, comment vous abordez la question du renouvellement


quand vous êtes en consultation avec un patient qui a une prescription de benzodiazépine
qui est déjà en place depuis plusieurs mois… Comment vous abordez ça, comment vous
gérez un peu cette situation ?

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R : Ben en général je leur demande s’ils ont essayé de diminuer. Tout le temps même. Si ils
ont essayé de diminuer… si euh… si ça les intéresse de se… de diminuer euh… Donc ça je
pose au moins la question une fois. Et puis après euh… Bah évidemment si ils ont essayé et
que ça a marché ben on… le truc, si ils ont essayé et que ça a pas marché ben… voilà. Et si
ils n’ont pas essayé je leur demande si ils sont intéressé d’essayer, si ils ont envie qu’on
mette quelque chose en remplacement si… Euh, voilà. Mais je suis beaucoup moins, j’allais
dire agressif là-dessus que je ne l’ai été il y a 20 ans ou 15 ans.

Q : D’accord. Pourquoi ?

R : Parce que je m’aperçois qu’en fait les gens… enfin… faire arrêter de force, parce que ça
reste de notre pouvoir hein de pas le renouveler… Donc forcer des gens qui ne sont pas
motivés du tout pour arrêter c’est une catastrophe.

Q : Ouais.

R : C’est une catastrophe. Donc euh… il y a… Évidemment là moi j’interviens beaucoup, je


suis en train de réfléchir là à une fille que j’ai vu euh… il y a pas bien longtemps là… qui a 40
ou 45 ans, une femme qui a 40 ou 45 ans qui… effectivement… sous Zopiclone et Tercian®
elle, hein, pour… comme anxiolytique, c’est vrai que je lui fais une guerre de… première
catégorie elle, à chaque consultation et elle le sait bien. Mais la petite mémé de 80 ans qui
prends son truc je ne lui fais pas trop la guerre.

Q : D’accord. Et en quoi justement votre… l’âge va modifier votre attitude ?

R : Bah parce qu’il y a des gens qui sont depuis longtemps à ça, ça fais partie de leur confort
de vie donc je leur casse pas trop la tête. Enfin, je ne suis pas trop agressif et ils euh…
prennent ça noyé au milieu d’un certain nombre d’autres choses et… et quand ils le prennent
pas ils sont super mal, donc euh… voilà. Et puis il y a ceux qui sont jeunes et chez qui je
trouve que… c’est dommage parce qu’ils ont encore une plasticité psychique qui pourrait
permettre de faire autre chose.

Q : D’accord… D’accord et donc quand il est question… quand vous abordez la question
d’un, d’une décroissance de dose voire d’un sevrage, comment vous vous y prenez avec le
patient, comment vous abordez le sujet ?

R : Ben je commence déjà par lui demander si… si il y a déjà pensé, si il est motivé, si euh…
il sait que ça diminue ses capacités mnésiques du moment et que… voilà ça lui ralentit un
peu la comprenette… enfin pas toujours d’ailleurs, parce qu’il y a des gens c’est
impressionnant les doses qu’ils prennent et la vivacité intellectuelle dont ils sont encore
capables… je pense qu’ils sont tout simplement… habitués… et donc voilà. Et puis je leur
demande si ils n’ont pas envie de se sentir un peu libre par rapport à ce médicament et puis
après je leur propose… Alors quand je propose de faire une décroissance je la propose
toujours très très lente hein.

Q : D’accord.

R : Donc euh, diminuer en gros d’un quart de la dose pendant… sur 15 jours et puis on en
reparle quoi, ou sur un mois et puis on en reparle.

Q : D’accord. Et dans votre expérience le sevrage c’est quelque chose que vous arrivez à

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mettre en place ?

R : Ben oui, oui, oui. Y’a un certain nombre de gens qu’on a réussi à… parce que, comme
vous le faisiez remarquer y’a eu une certaine… une sacrée décroissance des prescriptions
hein… en quelques années hein… donc c’est forcément j’allais dire notre génération qui a
été… qui a été à l’origine de ça. C’est à dire qu’on a effectivement arrêté vachement de
traitements… Ah oui, on en a arrêté beaucoup, on continue à en arrêter, moins je pense
parce qu’il y’en a moins, mais on en a arrêté beaucoup.

Q : D’accord. Et dans le cas où vous sentez que le patient va pas aller dans le même sens
que vous, est-ce que c’est difficile pour vous de ne pas aller dans son sens ?

R : Non. Non.

Q : Non, du coup parce que… ?

R : Non parce que mes patients je suis là pour les accompagner dans leur malheur.

Q : Ouais ?

R : Je suis pas là pour faire le gendarme de quoi que ce soit. Donc je pense que c’est euh…
se sevrer d’un traitement c’est acquérir un peu plus de libertés... C’est souvent diminuer…
enfin c’est évidemment éviter les effets indésirables etc… Mais après euh… moi je… je…
Voilà, moi j’accompagne les patients dans leur vie, s’ils n’ont pas envie de changer quoi que
ce soit je… C’est le problème de tous les malades chroniques hein. J’allais dire on essaie de
faire beaucoup d’éducation thérapeutique, de passer par ce qui motive le patient, les stades
de Prochaska tout ce qu’on veut mais après je vais dire quand ils ne veulent pas ils ne
veulent pas hein…

Q : D’accord. Vous avez parlé justement des effets indésirables, dans votre expérience à
vous qu’est-ce que vous pensez du rapport bénéfices/risques des benzodiazépines au long
cours, comme ça sur des prescriptions qui durent ?

R : Ben on sait très bien que sur les prescriptions qui durent c’est moins l’effet… enfin…
j’allais dire c’est moins l’effet positif qui est recherché que le fait que les gens ils ont un
syndrome de sevrage… enfin voilà… ils re… ils prennent des benzos et ils reprennent des
angoisses absolument terribles quand ils les prennent pas, est-ce que c’est psychologique
ou est-ce que c’est physiologique ça je ne sais pas… Donc qu’est-ce que j’en pense… Ben
je pense que c’est dommage de prendre des médicaments au long cours… mais euh, c’est
autant les benzos que les statines ou les autres hein, alors là soyons bien clairs <rires>.
Soyons bien clairs. Maintenant moi je pense que euh… moi je veux dire que les benzos sont
victimes de leur succès. Ont été victimes de leur succès.

Q : C’est à dire ?

R : Ben ça marche vachement bien <rires>. Comme anxiolytique. Donc euh... le problème
c’est ça, c’est que un : ça marche vachement bien, deuxièmement les gens du coup ils s’y
habituent, ils fonctionnent avec cet… cet amortisseur de conscience j’allais dire, pendant…
pendant un certain temps. Après ce n’est pas sûr que ça change grand-chose, ça leur donne
un certain confort quoi. Mais si ça marchait pas on ne serait pas obligé de… ce ne serait pas
tant la bagarre de les arrêter quoi.

79
Q : Ouais. Et par rapport aux effets secondaires, vous dans votre expérience vous avez
quels constats sur les effets secondaires de ces traitements ?

R : Alors… j’allais dire… chez les gens qui les prennent au long cours, fin, dans mes patients
j’élimine les psychiatriques hein… Et puis sur le patient un peu standard qui prend son truc
de confort pour dormir ou pour… voilà, diminuer ses angoisses de manière un peu régulière
euh… Je vais être très franc avec vous je trouve que les effets secondaires il y en a
extrêmement peu.

Q : Ouais.

R : Y’en a extrêmement peu parce qu’en fait il y a au début une sédation, une diminution de
la vigilance etc… Mais en fait le patient si il continue à les prendre c’est que <rires>, il
accepte ou il considère comme bénéfique un certain nombre d’effets secondaires. Au long
cours. Sinon il diminue. Donc les effets indésirables… A… A ma connaissance, des
benzodiazépines, sont difficilement mesurables, sauf dans des études indirectes où on a fait
le rapport avec les… les fractures de la hanche etc… Et sinon ? On ne va pas voir varier
aucun paramètre biologique et aucun paramètre physique. Donc les effets secondaires ce
serait que les gens disent « ben ça me ralentis un peu » mais y’a pas mal de gens qui ont
justement envie d’être ralenti.

Q : Ouais.

R : Ils ont envie que ça tourne moins vite dans leur tête. Donc en fait... les effets
secondaires, dont se plaignent les patients y’en a pas, au long cours. Y’en a zéro. Au long
cours. Par définition parce que sinon les gens ils les prendraient pas.

Q : Ouais.

R : Je fais un parallèle avec les statines, les effets secondaires des statines ils sont évidents
c’est les douleurs musculaires. Les gens ils arrêtent de les prendre. Ou alors ils les prennent
si on a réussi à leur faire vraiment peur avec le cholestérol, mais ça c’est un vrai effet
secondaire, qui est ramené tout le temps. Les effets secondaires, au long cours, des
benzodiazépines : y’en a pas. Alors les diminutions des capacités d’apprentissage euh…
c’est… Y’a des gens qui s’en foutent comme d’une guigne, ça faut être bien clair. Et euh…
alors les gens ils ont très peur avec l’histoire de la maladie d’Alzheimer et les… les
benzodiazépines… et euh, et puis les antidépresseurs aussi ça a été sorti ça. Voilà. Mais là
euh… on a encore, pour l’instant <rires>, rien prouvé.

Q : Ouais.

R : On n’a pas encore euh… on a montré que ça diminuait les capacités d’acquisitions mais
que c’était temporaire. Donc moi je suis assez à l’aise avec ça <rires>. On n’a pas encore
montré qu’il y avait des plaques amyloïdes ou des dégénérescences neuro-fibrillaires à
cause des benzodiazépines.

Q : Ouais.

R : <rires> Donc, honnêtement, les effets secondaires, décrits par les patients puisqu’ils ne
sont pas mesurables, les effets secondaires décrits par les patients des traitements au long
cours par définition il n’y en a pas. Sinon les gens ne les prendraient pas. Ou alors c’est des

80
effets secondaires qui sont… qui pour eux sont… dont ils s’accommodent quoi. C’est
presque des effets recherchés.

Q : D’accord. Et donc euh… quand vous voyez un patient, quels facteurs par rapport à la
connaissance que vous avez de lui ou de son mode de vie vont pouvoir influencer votre
décision sur la prescription ou le renouvellement ?

R : Attention ce n’est pas la même chose, vous parlez de la prescription ou du


renouvellement ?

Q : Oui le renouvellement justement, c’est vrai que nous on s’est ciblés sur les prescriptions
chroniques donc le renouvellement ?

R : Ah oui je parle du renouvellement parce que sur la prescription du coup je suis


extrêmement méfiant à prescrire une benzodiazépine au long cours à un patient.

Q : Oui. Non, non on se replace sur le renouvellement, vous avez raison…

R : <coupe> Je parle moi du renouvellement de mon patient qui prend ça depuis des années
etc…

Q : Oui vous avez raison.

R : Sur quels critères ? Ben, dans tous les cas je vais lui renouveler.

Q : Ouais.

R : Mais avant, auparavant, je vais lui poser les questions que je lui ai posées. Euh dont je
vous ai parlé.

Q : Oui, oui.

R : Mais maintenant si le patient il est partant et ben, il essaye de faire une diminution etc…
Mais c’est jamais arrivé qu’un patient arrive avec son ordonnance de Temesta® ou je ne sais
quelle merdouille de ce type là… qui en a plus à… à longue demi-vie et puis qu’il vienne
euh… alors qu’il prend ça depuis 5 ans et puis je lui dis mais il n’est pas question que je
vous le renouvelle et je le renouvelle pas. Ça ce n’est jamais arrivé. Ce n’est jamais arrivé.

Q : Et euh… par rapport à l’âge du patient justement, vous parliez tout à l’heure de la
différence entre le sujet jeune et le sujet âgé, chez le sujet âgé comment vous voyez un peu
cette situation-là ?

R : Chez le sujet âgé je suis moins incisif que chez le sujet jeune.

Q : Ouais.

R : Pour arrêter ça.

Q : D’accord.

R : Je parle du sujet âgé conscient hein, je parle pas du sujet âgé qui… qui perds la tête et…
On est d’accord hein.

Q : Oui, donc moins incisif ?

81
R : Dont les médicaments sont gérés par quelqu’un d’autre parce que là du coup... Après
euh… on va plus se fier aux troubles du comportement chez les gens qui ont… chez le sujet
âgé qui a… Moi je parle du sujet âgé euh… normal, un peu dépressif ou un peu… mais qui a
son anxiolytique au long cours…

Q : Ouais ?

R : Je suis moins incisif pour la baisse, oui je suis moins… je… je… comment dire, je le titille
moins sur la baisse que le sujet jeune.

Q : D’accord… Et…. Parce que…

R : Parce que ? Bah parce que souvent ça fais beaucoup plus longtemps qu’il le prend et
que je lui ai déjà posé la question et que… voilà. Je pense que plus on est âgé, plus les
changements sont difficiles à mettre en place.

Q : Ouais. D’accord. Dans le cas justement de l’anxiété et de l’insomnie en médecine


générale, quelles autres thérapeutiques vous, dans votre expérience, vous paraissent
utilisables ? En alternative ?

R : Alors moi j’utilise beaucoup… les plantes hein. La sp… Alors je parle des thérapeutiques
médicamenteuses hein. Parce que… l’anxiété ça se gère plutôt par une mise à distance
de… Fin… C’est quand même… faut toujours avoir une approche un peu comportementale
par rapport à ça. Mais je pense que ce n’est pas de ça dont vous parlez aujourd’hui.

Q : Ben… On pourra parler des 2, des alternatives médicamenteuses et non


médicamenteuses, vous alliez parler des alternatives médicamenteuses ?

R : Voilà. Alors… les alternatives médicamenteuses. Moi j’utilise beaucoup… Je suis un


grand prescripteur de magnésium et de Sympathyl® en particulier. C’est-à-dire avec des
plantes. Parce que je trouve que ça marche vachement bien. En tout cas ça diminue la
réactivité des gens. Ça diminue pas forcément leur anxiété de fond mais ça diminue le… leur
irritabilité. Leur agressivité liée à l’anxiété. Et ça c’est quand même vachement bien.

Q : Ouais. Et comment les patients ils reçoivent, quand vous proposez une alternative
comme ça, euh…

R : Oh bah souvent très bien pour commencer. Souvent très bien pour commencer parce
que… parce qu’ils sont contents, ils n’ont pas envie de prendre des calmants… J’ai tellement
vu ma mère en prendre etc… Donc quand on leur dit que c’est des trucs à base de plantes
ils sont assez contents… Ils ont une approche assez favorable. Après euh… voilà. Donc
euh… Voilà. Mais là on parle du court terme parce que a priori quand on prescrit un
anxiolytique même une benzo on part du principe qu’on va la prescrire à court terme. Après
on se fait avoir des fois <rires> Mais c’est jamais dans l’idée qu’on va la prescrire à long
terme.

Q : Ouais.

R : On part dans l’idée qu’on va la prescrire à court terme. Souvent l’anxiété… quand elle a
besoin d’un traitement c’est qu’elle s’intègre dans un cadre… dans le cadre… enfin dans un
autre cadre hein. Soit on a une affaire réactionnelle et on dit il faut passer un cap et on
donne aux gens… Ils viennent de perdre leur enfant ou… ou je ne sais pas quoi et on donne
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un anxiolytique sur un… Ils viennent de subir un…. <inaudible> sur une durée courte. Ou
alors ça s’intègre dans un syndrome dépressif avéré et dûment... Dûment DSM-IV-é j’allais
dire… Enfin, dûment étayé. Et… on… je viens de faire une EPP là-dessus y’a pas longtemps
là-dessus avec des collègues là. Et on donne souvent des anxiolytiques au départ. Sur la
première semaine, les quinze premiers jours, le temps que l’antidépresseur démarre et… on
s’est aperçu qu’on avait tous un petit peu peur du passage à l’acte lié aux antidépresseurs
donc on rajoutait d’autant plus volontiers un anxiolytique. De toute façon la demande du
patient au début c’est d’être un peu calmé… d’être un peu… donc on donne sur 7 ou 10
jours… ou 15 jours… un anxiolytique. Mais là on est sur 15 jours.

Q : Oui c’est ça, on est sur du court terme.

R : Parce qu’on revoit les gens au bout de 8 jours ou au bout de 15 jours en général et puis
on regarde où ils en sont et puis là on essaye d’arrêter… l’anxiolytique, parce que si
l’antidépresseur est efficace et ben… et puisqu’on était dans la bonne indication avec le bon
antidépresseur et ben en général… On arrête l’anxiolytique. C’est même un critère
d’efficacité de l’antidépresseur.

Q : Ouais. Et du coup vous parliez aussi des alternatives non médicamenteuses dans
l’anxiété un peu chronique ? Qu’est-ce que vous utilisez dans votre pratique ?

R : Alors. Ben ça ça va dépendre du sujet hein. Le premier… le meilleur facteur de lutte à


mon avis c’est le sport. Alors après ce n’est pas applicable à tout le monde, vous ne rendez
pas sportif quelqu’un de 60 ans qui n’en a jamais fait… Par contre chez les enfants ou les
jeunes c’est vachement bien… Après euh… moi je crois qu’il faut s’aider beaucoup des
techniques de la sophrologie et des sophrologues… Faut s’aider beaucoup de la respiration
en pleine conscience parce que c’est très à la mode et que moi je suis persuadé que ça
marche très bien. Méditation pleine conscience et respiration. Mais bon… après faut amener
ça… ça va vraiment dépendre du sujet quoi, hein.

Q : Parce que ce sont des choses qui sont difficiles à mettre en place ?

R : Bah y’a des gens à qui ça parait un peu ésotérique, y’a des gens qui sont venus chez le
docteur c’est pour avoir un médicament. Pas pour aller voir un gourou. Ou une secte. En
France on est quand même vachement compartimentés hein, sur le plan intellectuel. Surtout
dans ces trucs-là. Que les gens ils… Voilà. Après y’a des gens qui entendent hein. Y’a des
gens qui effectivement se mettent au Yoga, d’autres qui se mettent à la méditation, d’autres
qui vont chez le sophrologue, d’autres qui… Voilà, qui se rendent bien compte qu’en fait, ils
arrivent à gérer sur le plan cognitivo-comportemental leur… leur anxiété.

Q : D’accord. Donc la dernière question de l’entretien c’est justement quelles mesures vous
paraîtraient utiles à vous pour aider les médecins généralistes pour ces dernières
prescriptions chroniques de benzodiazépines… Qu’est-ce qui pourrait… Qu’est-ce qui vous
aiderait en pratique… Sur quels plans on pourrait… euh… répondre ?

R : Je pense que… euh…. Alors moi du coup je vais me réorienter… Alors moi je vous dis
que euh… Ça serait bien que les gens ils aient accès en fait. A des thérapies alternatives
non payantes. Hein. De la TCC non payante etc… Moi je vais faire une formation d’ailleurs,
un peu là-dessus sur… Les thérapies brèves euh… Je pense que… Voilà, souvent le
médicament… bon c’est bien pour passer un cap mais quand on est au long cours souvent

83
c’est qu’on n’a pas su euh… orienter les gens, enfin, ou les gens n’ont pas voulu hein…
Enfin le couple médecin-malade n’a pas su s’orienter vers une thérapie type alternative.
Parce qu’on est venu au médicament pour un problème de comportement alors qu’en fait ce
n’est pas logique. Par définition. Un médicament ça ne règle pas les problèmes de
comportement. Mais souvent on en est arrivés là parce que… souvent on n’a pas su faire
autrement à un moment et puis… Les gens ben ils ont cette béquille-là, bon après moi je
vous dis, moi je pense que les statines c’est largement aussi dangereux que les
benzodiazépines. Mais… <rires> Mais euh… Voilà. C’est moins « in ». <Rires>

Q : D’accord.

R : Mais après moi je suis… je pense que il faut… J’allais dire vous avez raison avec votre
thèse… Elle est « in », c’est-à-dire qu’il faut absolument continuer à baisser les prescriptions
au long cours de ce truc-là.

Q : D’accord. Et ben écoutez, moi j’arrive à la fin de l’entretien, est-ce que vous voulez
ajouter quelque chose, quelque chose qui vous tient à cœur sur cette question ?

R : Qu’est-ce que je vais dire… Non, que… pfff… moi je pense que les renouvellements
tous les 3 mois c’est très bien. Parce que effectivement, y’a pas de raison… Enfin il ne faut
pas que ce soit des malades qu’on perde de vue pendant 1 an avec leur prescription de je
ne sais pas quoi là… De Seresta® ou de Temesta®. Je trouve que c’est très bien que…
Voilà. Que les hypnotiques sur un mois ça c’est très chiant parce que il ne faut pas rêver, les
gens qui vivent avec ça ben… ils vivent avec ça… C’est vrai que… que les prescriptions
initiales soit courtes… <Rires> J’allais dire, quelqu’un qui effectivement dors bien avec un
comprimé ou un demi comprimé d’Imovane® euh… et qui dors pas quand il en a pas et
ben… bon courage pour le faire changer <Rires> Et puis si ça lui permet de fonctionner
j’allais dire, c’est le premier malheureux hein, d’en prendre. Donc euh… ça le fais chier de
prendre ça le malade mais euh… si ça lui permets de fonctionner ben tant pis. Fallait pas le
mettre sur le marché quoi. <Rires> Le problème c’est ça, c’est responsable de… c’est
victime de… Souvent les médicaments sont victimes de leur efficacité. C’est un peu ça la
question. C’est un peu ça le problème. Après non qu’est-ce que j’allais dire… <soupire>
J’allais dire que… Fin voilà quoi. Ce n’est pas des gens qu’il faut stigmatiser les gens qui
prennent ça.

Q : D’accord. D’accord très bien. Ben écoutez…

R : <coupe> Oui moi je dirais ça. Faut pas les stigmatiser ces gens.

< Fin >

84
Entretien N°4 (M4)

Q : < Lecture de l’introduction >Si je vous demande de vous remémorer des situations où
s'est posé cette question du renouvellement ou non d'une prescription de benzodiazépines
qui était devenue chronique, quelle attitude vous avez eu dans ces situations ?

R : Euh… en général j'essaye de rediscuter à chaque fois avec les gens en leur expliquant
que c'est… enfin je dirais que c'est surtout chez les gens âgés le problème… Euh, en leur
expliquant que c'est pas forcément… voilà, une prescription ni justifiée, ni utile, ni… voire
dangereuse d'ailleurs. Euh… pour essayer de les faire réfléchir à chaque fois sur pourquoi
ils… Pourquoi ils ont commencé surtout et pourquoi ils le prennent tout le temps. Voilà.
Après euh… chez les gens jeunes c'est autre chose parce-que comme c'est moi qui introduis
le traitement souvent, euh quand je l'introduis je leur explique dès le début qu'a priori ce sera
pas au long cours. Donc mon souci principal c'est vraiment avec les gens âgés. Qui l'ont
déjà depuis des années, des années, des années…

Q : Ouais. Et du coup comment… comment vous vivez ces situations vous en tant que
médecin ?

R : C'est difficile <rires> Euh... je suis très persévérante donc je me rends compte qu'avec le
temps on finit par y arriver, pas chez tout le monde hein y'en a où clairement… je vais pas
dire que j'ai baisser les bras mais presque. Euh… c'est difficile parce que le patient il est… il
veut rien entendre… Je pense que si on avait moyen de faire une prescription de placebo en
fait, avec le même nom de médicament je suis persuadée que ça marcherait très bien. Mais
comme en ville on est coincé, qu'on peut pas tricher euh… c'est… c'est vraiment compliqué
hein, on se bat contre les gens, ils ont du mal à… à entendre, et ils entendent pas les
arguments de risques. Bah là, récemment y'a une étude qui montrait que ça augmentait
l'Alzheimer là, euh… ça, ça les touche pas, ils en ont besoin en fait, c'est vraiment un truc
euh… difficile au quotidien.

Q : Ouais. Donc vous c'est une situation, une prescription qui est inconfortable, qui est
difficile, c'est une situation difficile dans votre quotidien ?

R : C'est beaucoup plus simple pour moi quand c'est moi qui ai commencé le traitement. Moi
ça fais 10 ans que je suis installé donc j'avais récupérer pas mal de gens âgés qui était déjà
sous traitement et c'est vraiment avec ceux-là que j'ai du mal à… à changer les
prescriptions. Mais on y arrive hein, on y arrive avec le temps. <rires>

Q : Et justement dans votre quotidien, comment la question du renouvellement ou non arrive


pendant la consultation ?

R : Oh ben en général c'est sur l'ordonnance donc euh… ben quand je refais les
ordonnances systématiques je re-regarde ce que j'ai donné à chaque fois donc euh… Voilà
après ceux avec qui je sens que je peux avoir une discussion par rapport à ça j'essaie d'en
reparler à chaque fois, un peu comme les vaccins de la grippe chez les gens qui sont contre.
Je ressasse en permanence en me disant qu'un jour j'arriverai peut être à les convaincre de
l'arrêter mais euh… mais les forcer à arrêter ça marche pas hein.

Q : Ouais.

85
R : Donc c'est un peu des prescriptions contre ce qu'on aimerait faire mais voilà après on
s'adapte un peu au patient aussi parce que c'est pas aussi simple que ça.

Q : Ouais. Et justement quand le patient est pas tout à fait dans le même sens que vous,
c'est difficile pour vous de pas aller dans son sens ou... comment vous gérez ?

R : C'est à dire ? Quand ils insistent pour avoir ?

Q : Voilà ou quand il est… quand ça va pas dans le même sens que ce que vous voudriez,
vous ?

R : J'essaie de lui faire comprendre l'intérêt de changer. Voilà. Après c'est clair qu'il y a
vraiment des gens bornés qui… qui n'entendent absolument aucun arguments euh… je vais
prendre l'exemple de… y'a quelques années y'avait énormément de patients sous Lexomil®,
je… je… comment c'était une benzo de longue… de euh… comment dirais-je, de demi-vie
longue, j'ai essayé d'en switcher pas mal sur des trucs plus courts… Tout en expliquant aux
gens que si ils pouvaient diminuer ce serait une super bonne idée et euh… Autant y'a des
patients qui ont bien voulu essayer en se disant voilà on va faire l'effort de changer autant
y'en a d'autres euh… Ils ont changé une fois et puis après, 3 jours après, ils vous rappellent
en vous disant : « oulah c'est la catastrophe il faut me remettre l'ancien » euh… Donc
voilà… c'est difficile parce que en même temps moi je vais pas les mettre à la porte, ça sert
à rien, et puis si je leur donne pas ils iront le chercher chez un autre médecin donc euh…
Donc… c'est un compromis, l'idée étant vraiment de leur réexpliquer à chaque fois…. Voilà,
je désespère pas je... <rires>

Q : Il faut pas <rires>

R : Mais c'est beaucoup plus facile quand c'est des gens qu'on…. Qu'on… A qui on introduit
un traitement. Parce-que dès le début quand je commence un traitement j’insiste bien sur le
fait que le but du jeu c'est pas de le prendre toute la vie.

Q : D'accord. Donc quand les prescriptions sont initiées par un confrère c'est plus difficile ?

R : Ouais. Ouais, ouais. Après ça dépends comment ça leur a été amené hein. Mais euh…
y'a des médecins qui donnent le traitement sans expliquer et en disant : voilà prenez ça le
soir ça va aller mieux et… Et là c'est dur, quand ça a pas été expliqué au départ c'est
compliqué.

Q : Ouais. Et euh… Et du coup quand il est question d'aborder un sevrage par exemple avec
un patient comment euh… comment ça se passe dans votre pratique ?

R : En général on essaye de… Ben moi la plupart du temps sur l'ordonnance je marque la
dose qu'ils avaient habituellement… en leur expliquant bien d'essayer de diminuer sur… en
prenant leur temps hein, sans aller trop vite. Euh… de diminuer d'eux même comme ça ça
leur laisse la possibilité si ils sont vraiment trop angoissés de ré-augmenter un peu, et…
quand ils sont compliants en général ils arrivent à l'arrêter d'eux même euh… sur… alors
parfois c'est sur 6 mois hein mais euh… mais ils sont souvent très contents de revenir en
disant voilà j'ai réussi à faire la moitié de ce que je prends d'habitude et euh… Le fait d'avoir
leur ordonnance classique ça les rassure en fait. Ça leur permet de… de le faire de manière
autonome donc voilà… Après moi je communique un peu par mail avec les gens dont
souvent ils me tiennent au courant par mail et on… on adapte au fur et à mesure en fonction

86
de comment ils sont.

Q : Ouais. D'accord. Et d'après votre expérience, vous, qu'est-ce que vous pensez du… du
rapport bénéfices-risques des benzodiazépines en prescription chronique ?

R : J'ai pas entendu pardon, du ?

Q : Dans votre expérience qu'est-ce que vous pensez du rapport bénéfices-risques d'une
prescription de benzodiazépines qui devient chronique ? Quels constats vous avez dans
votre expérience ?

R : Alors chez les gens âgés clairement c'est plus euh... risques que bénéfices hein, de ce
que moi… les gens chez qui j'ai réussi à arrêter euh, clairement ils se cassent moins la
figure, ils sont moins somnolents, ils sont beaucoup plus vifs… Euh… Chez les gens jeunes
en traitement cours euh… en plus en général c'est donné dans une indication où c'est plutôt
bénéfique… Après c'est clair que au long cours ça a pas forcément d'utilité euh… dans le
chronique. Mais euh… voilà, ça dépends vraiment du contexte : si c'est juste un contexte
d'anxiété euh, de quelqu'un qui va prendre un comprimé quand il est pas bien là ça marche
bien, si c'est celui qui fais tous les jours tous les jours, je pense qu'il y a un moment où le…
le risque est plus grand que le bénéfice.

Q : D'accord. Donc dans…

R : <coupe> Mais je reviens sur mon idée que les gens n'écoutent pas forcément ce qu'on
dit et pour eux ils sont persuadés que le bénéfice est supérieur et ils ont du mal à…. à s'en
décrocher.

Q : Ouais. C'est difficile de leur faire entendre le… le profil d'effets indésirables ?

R : Ouais. Ouais, ouais, ouais. Y'a… Bah autant quand on met en route ils ont peur de ça,
par contre une fois qu'ils ont commencé et qu'ils sentent que ça leur fais du bien sur le
quotidien les effets indésirables ils… quand on leur dit que c'est dangereux en conduisant ou
que ça les endors ou qu'ils risquent de tomber ils…. Ils… Voilà pour eux ils le supportent
bien donc c'est pas… c'est faux.

Q : Ouais. Et par rapport à l'efficacité par contre, sur une prescription qui dure, dans votre
expérience à vous ?

R : Ben je vous dis ça dépends vraiment du comment ils le prennent. Si c'est quelqu'un qui…
qui est âgé qui le prends en chronique clairement moi je pense que… après c'est mon
impression hein, euh c'est plus l'idée de prendre le… le petit comprimé qui les rassure plus
que le médicament en lui-même. C'est là ou je reviens sur mon idée de placebo, je pense
que ça marchera aussi bien. Après chez les gens jeunes qui prennent ça dans un contexte
professionnel stressant ou d'angoisse ou de choses compliquées comme ça, là ça
fonctionne bien. Ils vont… d'ailleurs ils le prennent… En général moi je leur fais prendre à la
demande, comme ça au moins ils en prennent pas de trop.

Q : Et… Et dans une consultation avec un patient qui est du coup sous benzodiazépines au
long cours, qu'est-ce qui va faire que vous allez renouveler la prescription ?

R : Où je vais renouveler la prescription c'est ça que vous voulez savoir ?

87
Q : Oui, qu'est-ce qui… qu'est-ce qui va… Quels vont être les facteurs qui vont faire que
vous allez le faire ou pas, qu'est-ce qui va entrez en jeu dans votre décision ?

R : Bah, en général je vous dis c'est… c'est sur leurs ordonnances euh… habituelles donc
euh… Après bah moi soit j'ai senti que le patient était prêt à… à… à faire l'essai de diminuer
ou d'arrêter et dans ce cas voilà… on arrête ensemble. Soit j'ai un mur en face de moi et
c'est vrai que dans ce cas-là je préfère le revoir la fois d'après et je renouvelle sa
prescription, ce que je devrais peut être pas faire mais je vous dis je pense que dans ce cas-
là les gens ils… ils se débrouillent pour aller voir quelqu'un d'autre ou les récupérer ailleurs
donc euh… Je préfère les accompagner même si c'est plus long plutôt que de les… de les
braquer en fait… même si y'en a où je peux… enfin des patients qui sont plus dans l'abus
euh… ou qui se balade d'un médecin à l'autre et qui probablement en achète euh… on va
dire plus que de raisonnable ceux-là j'ai tendance à leur dire carrément non parce que voilà,
mais euh… mais les patients chroniques, âgés etc. je vais plutôt essayer de le faire dans
l'accompagnement on va dire.

Q : D'accord. Et du coup, toujours dans le cadre de l'insomnie et de l'anxiété «simples» en


médecine générale, quelles autres thérapeutiques vous paraissent utilisables vous ? En
alternative ?

R : Euh… Alors toujours pareil quand c'est nous qui les voyons au début, je pense que moi
j'insiste beaucoup sur le contexte de stress, sur le… d'essayer de trouver un échappatoire
pour euh… pour évacuer un peu tout leur stress quotidien, soit par le sport soit par la
sophrologie… enfin… voilà toutes ces petites techniques. Après je leur conseille volontiers
des trucs à base de plantes en pharmacie, euh... histoire qu'ils aient l'impression de prendre
quelque chose. Euh… Et puis quand je les mets sous anxiolytiques ponctuellement, si ça fait
pas le tour rapidement en général je les envoie volontiers voir le psychologue histoire de voir
comment ils peuvent gérer ça sans rentrer dans le… les prescriptions chroniques.

Q : D'accord. Et donc c'est des alternatives qui sont efficaces en pratique ? Dans votre
expérience vous avez des résultats, vous arrivez à …. ?

R : Si c'est bien expliqué je trouve que oui. En fait… Comment dire. Quand les gens viennent
me voir avec une plainte de mauvais sommeil par exemple euh… D'abord je leur explique
comment ça marche le sommeil, parce que les gens âgés ils comprennent pas bien qu'il ont
pas forcément une nuit complète sans ouvrir les yeux et que c'est pas forcément pour ça que
c'est pathologique. Euh… Donc je passe du temps à leur expliquer ça après euh… si je leur
ai bien fait comprendre que le somnifère n'était pas une solution en général on arrive à faire
des trucs sans médicaments. Mais voilà après ça prend du temps, c'est le problème, en plein
mois de février pendant les grippes c'est sûr que je vais peut-être pas lui consacrer le temps
qu'il faudrait.

Q : Parce que… Par manque de temps du coup ?

R : Ouais. Clairement oui. Ça…

Q : Ouais. Et justement est-ce qu'il y a des alternatives qui vous paraissent difficiles à mettre
en place ? Des choses qui marchent mais que vous avez du mal à… à mettre en place en
pratique ?

R : Bah… pfff… Comment dire… Déjà moi j'ai… Par exemple sur les troubles du sommeil
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j'envoie volontiers à la consultation au centre de sommeil là, à… euh… Nous on est près
d'Annecy. Euh… pour leur expli… Pour qu'ils se rendent compte que c'est pas forcément
une pathologie qu'ils ont, voir un peu comment on peut les aider via un centre spécialisé, et
ça typiquement nous dans la région les délais sont tellement longs que… C'est désespérant
hein… Les gens quand vous leur dites qu'il y a 9 mois de délai pour un rendez vous comme
ça ils… Ils craquent quoi. Donc mon problème il est surtout là. Après tout ce qui est
médecine parallèle, sophrologie et tout ça c'est sûr que ça coûte cher donc euh… Y'a ce
souci-là. Mais voilà non mais sinon globalement j'ai pas trop de… Enfin franchement je
pense que quand on parle beaucoup avec eux on… On y arrive. Après voilà … Moi mon
problème principal moi c'est le manque de temps ça c'est sûr.

Q : Ouais. D'accord. Donc le manque de temps dans une journée, c'est en terme de temps
passé en consultation ?

R : Ouais. Oui parce que typiquement les renouvellements d'ordonnances euh... moi je fais
un patient par quart d'heure, en général ils s’enchaînent donc euh… y'a des fois je prends
pas le temps de rediscuter avec eux leur traitement alors qu'il faudrait et que je devrais leur
dire voilà maintenant on essaye de baisser mais voilà. Ça dépend vraiment de l'activité mais
comme c'est souvent archi-plein… Ça c'est un vrai problème, il nous faudrait des
consultations longues et on les a pas.

Q : Et donc justement vous en tant que médecin généraliste, quelles mesures vous
paraîtraient utiles pour répondre à ces difficultés euh… de renouvellement chronique de
benzodiazépines ?

R : Alors là c'est une bonne question. <Rires> Franchement c'est di… Enfin moi je reviens
sur mon idée de placebo, ça ça serait vraiment génial qu'on puisse avoir via la pharmacie…
Mais je vois pas comment ça peut être mis en place… et puis après je sais pas… Il faudrait
presque que quelqu'un d'extérieur… alors la sécu ou je sais pas qui… qui, qui disent au
gens bah voilà… En fait les gens quand ils n'ont pas le choix, je prends l'exemple d'une
patiente qui était sous… un truc qui a été retiré du marché, Mépronizine je crois, euh… J'ai
jamais réussi à lui faire arrêter par contre le jour où ça a été retiré du marché elle a arrêté du
jour au lendemain ça a posé aucun problème. Donc ça serait presque plus simple pour nous
d'avoir une autorité au-dessus qui dise aux gens vous avez le droit à un mois point barre,
parce qu’au moins il n'y aurait pas de négociations… ça serait… Mais bon… Matériellement
je vois pas comment ça peut être mis en place.

Q : D'accord.

R : Comment les renouvellements, j'ai entendu qu'ils voulaient à un moment faire faire les
renouvellements de benzos par les psychiatres, le problème c'est que… ça ça marche à
Paris mais nous y'en a pas de psychiatres donc euh… C'est... c'est pas gérable dans une
région comme la nôtre quoi.

Q : Ouais… Ouais. D'accord. Très bien. Et bien écoutez, moi j'arrive à la fin de l'entretien,
est-ce que vous souhaitez ajoutez quelque chose…

R : <coupe> Ben… Non. Je pense qu'on a fait le tour <rires>

< Fin >

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Entretien n°5 (M5)

Q : < Lecture de l’introduction > Si vous demande de vous remémorer des situations où s’est
récemment posé la question du renouvellement ou non d’une prescription de
benzodiazépines devenues chroniques (au-delà de 3 mois), quelle attitude avez-vous eu
face à cette situation ?

R : Alors, tout dépend de la situation… A savoir : personne âgée qui prend des
benzodiazépines pour dormir, qui a l’habitude de prendre un médicament particulier pour
dormir, j’entends par personne âgée, plus de 80 ans voire même plus de 85… J’ai plusieurs
exemples dans ma clientèle… des gens qui prennent des choses depuis très longtemps et
qui ont des vrais troubles du sommeil et qui dorment assez bien avec la benzodiazépine en
question… mon attitude, dans la mesure où j’ai essayé de les sevrer de cette prescription,
mon attitude, c’est de renouveler.

Q : D’accord.

R : Parce-que… parce-que ces personnes-là, je pense que c’est peine perdue, avec
l’expérience que j’ai de 30 ans de consult, de 30 ans d’activités, c’est peine perdue d’essayer
de les dissuader, de vouloir prendre… Parce qu’ils sont bien avec cette prescription et je ne
vois pas au nom de quoi j’irais changer ou essayer de bouleverser leur situation.

Q : D’accord.

R : Sinon, pour des gens qui sont moins âgés, j’essaie systématiquement de proposer autre
chose. Et d’autant plus, on est parfois aidé par les informations sur les chaines nationales,
les radios, télés, etc... de la notion d’effets secondaires et de thérapeutiques comme ça, à
savoir pour les benzodiazépines, les risques de chute, de vertiges, de troubles de mémoires,
voire d’Alzheimer… Enfin ça, je suis plutôt dubitatif là-dessus, et qui nous aide à faire un peu
changer les attitudes.

Et donc dans ces cas là, avec ces gens là, j’essaie de les… de faire un autre protocole type
Atarax®, Atarax® associé à la benzodiazépine et puis sevrage progressif, très progressif,
parce que je pense qu’il ne faut pas brusquer les choses, parfois des succès quand même,
et aussi parfois des échecs.

Q : D’accord. Et alors, du coup, est-ce une prescription qui vous est difficile ou pas ? Quel
sentiment vous auriez par rapport à ces situations de renouvellement chronique ?

R : Vous voulez dire de culpabilité ou de mise en difficulté ?

Q : S’il y en avait car ça peut être très variable et il va y avoir des gens qui vont dire… je ne
sais pas ou que ça les indiffère … ou au contraire, que c’est difficile, voilà, tout à fait.

R : Je pense que nous, généralistes, nous avons un rôle important de prévention donc je
pense qu’il le faut pas prendre ça par-dessus la jambe, ce n’est pas prendre cette notion de
prescription chronique des médicaments psychotropes à la légère, euh... à la fois chez des
patients ambulatoires que chez des patients de type résidents d’EHPAD.Donc je pense qu’il
y a des prescriptions trop importantes de psychotropes, qu’il y a un risque de… que ces

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médicaments font courir un risque au patient, que notre rôle est de… d’essayer de trouver
une solution pour diminuer les co-prescriptions voire les prescriptions seules, que... euh...
que la bonne santé des gens passent éventuellement par la diminution des médicaments
voire l’arrêt des psychotropes.

Alors c’est une recommandation des agences nationales et ça me parait cohérent de nous
pousser à… de nous stimuler dans cette voie là… dans la voie de diminution de la
prescription des psychotropes.

Maintenant je me sens dans mon rôle, c’est pas très facile parce qu’on est en difficulté
parfois dans ces situations de prescription chronique de benzodiazépines ou de
psychotropes plus généralement... et je pense qu’on n’a pas tous les moyens de parvenir à
nos fins. On n’a pas les moyens en termes de temps pour… euh… Pour… sevrer un patient
d’une benzodiazépine, il faut du temps pour le convaincre. Euh, là, je pense qu’au niveau du
temps de consultation, on est en difficulté.

Q : D'accord.

R : Il ne suffit pas de dire qu’on va l’arrêter, il ne suffit pas citer les recommandations des
agences nationales pour que le patient nous croit et nous dise « alléluia, docteur. Vous avez
raison docteur, on va l’arrêter. »

Q : Tout à fait.

R : Le problème, c’est des gens, ce sont des gens qui ont de grandes difficultés
psychologiques, des difficultés professionnelles, des difficultés familiales et c’est pas si
simple d’arrêter les médicaments.

Q : Du coup, on avait une deuxième question qui tourne autour de ça, pour vous, lors d’une
consultation avec un patient sous benzodiazépine au long cours qu’est ce qui vous fait aller
dans le sens du renouvellement de cette prescription ?

R : Ben… le délai… enfin la durée depuis laquelle le patient prend, depuis qu’il prend cette
thérapeutique, le fait qu’il soit très âgé et finalement qu’il est équilibré avec...

<coupure téléphonique>

Q : Je m'excuse, on a été coupé. Euh oui, je vous avais demandé d’évoquer en fait qu’est ce
qui vous faisais renouveler la prescription, et vous étiez en train de me dire la durée d’une
part, le fait qu’il était plutôt équilibré…

R : Oui, la durée … et l’âge. L’âge et la durée je disais. Ça va ensemble. Une personne âgée
prenant une benzodiazépine depuis extrêmement longtemps, quand les tentatives de
sevrage ont été totalement vaines, voire même responsables d’états de déstabilisation du
patient, il est évident que je ne veux pas hésiter à renouveler la prescription.

Q : D’accord.

R : Et je ne vois pas au nom de quoi on viendrait me dire que j’ai tort ou que je ne respecte
pas les recommandations, etc... Il ne faut quand même pas oublier le colloque singulier entre
le patient et le médecin. C’est une situation individuelle, quoi.

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Q : Tout à fait. Et d’après votre expérience, que pensez-vous du rapport bénéfices –risques
d’une prescription de benzo déjà en place ?

<Silence>

Q : Quel constat faites-vous pour le rapport bénéfices- risques, d’une part sur l’efficacité, et
les effets indésirables de ces traitements dans votre pratique quotidienne ?

R : Eh ben, c’est toujours pareil, il faut faire la distinction de la situation du patient : est-ce
que c’est un patient à domicile très âgé, est-ce que c’est une personne qui travaille avec un
traitement en ambulatoire avec les conséquences que ça peux avoir sur la vigilance et sur
d’éventuels troubles du comportement, etc… Et puis tout dépend de la situation du patient
quoi... On peut pas mettre sur le même pied d’égalité des situations aussi différentes.

Q : Hum, hum.

R : Les risques d’accident, par exemple, pour les gens qui se déplacent en voiture, il est
évident que dans ces cas là, on essaie de les sevrer des psychotropes au long cours. C’est
quand même des médicaments qui rendent service dans les situations… Par exemple, tout à
l’heure j’ai vu un jeune homme qui venait de perdre son travail, qui a été licencié
économique. Il est venu me voir pour essayer de… il m’a demandé un arrêt de travail de
trois jours, je lui ai donné sans appréhension, quoi… sans hésiter… Et puis on a parlé de
sommeil, de tout ça, et il a préféré finalement ne pas prendre de benzo… bon bah, voilà… Je
pense que ça a une utilité sur des périodes courtes.

Q : Hum…

R : En tout cas dans l’intérêt du patient, ou alors bien sûr on peut reconvoquer le patient pour
discuter, avoir un entretien le lendemain d’une demi-heure, et encore le jour d’après mais
c’est totalement incompatible avec la médecine… avec la pratique de la médecine générale
actuellement.

Q : Oui. Tout à fait.

R : Là, dans ces cas là, je mets le diagnostic de « réaction à situation éprouvante »

Q : Oui. D’accord.

R : Ça vient du dictionnaire de la SFMG. Y'a pas de nomenclature pour cette situation là…

Q : Oui.

R : C’est un « C », 23 euros… donc tout est problématique de temps de consultation et


d’adaptation de la nomenclature à ce genre de patients pour pouvoir éviter la prescription
des benzo.

Q : D’accord. Donc pour vous, c’est vrai, tout est dans des profils de patients vous allez dire
différents…

R : Grosso modo, si vous voulez un protocole un petit peu type : essayer d’arrêter les
benzos chez les personnes âgées, oui, mais dans la mesure où on ne les déstabilise pas
complètement. Eviter les prescriptions prolongées chez les gens qui travaillent en

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ambulatoire avec l’utilisation d’un véhicule pour se rendre au boulot avec les risques
d’accidents… Ah, on pourrait faire des protocoles comme ça un petit peu type… mais on ne
se rend pas compte de la situation personnelle dans ce cas.

Q : D’accord, tout à fait, on a beaucoup parlé des risques, du coup, voyez vous des
bénéfices… enfin ce qui est attendu pour vous, c’est plus, on va renouveler la prescription
pour vouloir ne pas induire d’effet de sevrage… ou on maintient pour conserver une
meilleure qualité de sommeil ou… Voilà, quels sont les bénéfices que vous attendez de la
molécule ?

R : Voilà, c’est par exemple pour ce qui est du sommeil, y'a un bénéfice sur la détente, etc…
sur la qualité du sommeil du patient, dans la mesure où le patient est angoissé, c’est évident.
On sait bien ça… mais bon, dans… il y a pas que les benzodiazépines dans ces cas là,
non ? Y'a des hypnotiques rapides, y'a des antihistaminiques sédatifs…

Q : D’accord… Dans votre expérience, comment la question du renouvellement ou non de la


molécule arrive dans la consultation ?

R : Dans la conversation ?

Q : Dans la consultation, oui. Comment elle arrive ?

R : Alors dans la consultation ?

Q : Oui. A quel moment, qui prend l’initiative, sous quelle forme ? Un peu tout ça …

Alors des fois c’est le patient… Bon, les personnes âgées par exemple, il ne faut pas oublier
de renouveler… <rires> De re-prescrire le « Temesta® » par exemple, et ils insistent
lourdement là-dessus. Dans ce cas là, on re-prescrit en connaissances de causes. On
connait bien le terrain et la personne… qui se mettent en danger un renouvellement de ce
type là. Oui, maintenant pour les autres types de personnes, ça se fait un peu au coup par
coup, quoi. Le problème un peu, c’est que dans une consultation de médecine générale, il y
a souvent plusieurs motifs de consultations. Il y a un moment donné, soit le problème
d’anxiété ou d’insomnie est le motif principal, et dans ces cas là, on développe… On
interroge… on essaie de comprendre un peu la situation, les facteurs qui influencent la
situation etc... Et donc la prescription de benzo, elle va venir à la fin dans la thérapeutique…
Dans la prescription thérapeutique… quand je dis thérapeutique, ce n’est pas forcément
médicamenteuse. Y'a un moment donné, la benzodiazépine, c’est dans la prescription
thérapeutique médicamenteuse, et y'a une proposition thérapeutique… de la part du
médecin.

Q : D’accord.

R : Et des fois en effet, une demande du patient qui a déjà pris, été soulagé, qui a été
détendu, qui a été… Euh, voilà… Qui a été amélioré… et qui a trouvé un bénéfice dans la
molécule. Qui a trouvé plus d’intérêts dans la molécule que d’inconvénients. Et là, quand il y
a des inconvénients, les patients nous les signalent. Ils sont influencés par ça. Ça a une
grande importance. Les vertiges… la vigilance le lendemain… etc... Donc dans ce cas là, je
choisis les molécules à demi-vie courte.

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Q : D’accord. Et la question du sevrage ? Comment c’est abordé, comment ça peut arriver…
des fois… sous quelle forme ?

R : Ben c’est à nouveau la prescription chronique d’une femme de 45 ans qui est sous
anxiolytiques depuis 3 ans parce qu’elle a été en situation de dépression suite à un
évènement familial, donc j’essaie de lui expliquer que cette thérapeutique là, elle ne pourra
pas la prendre toute sa vie, qu’à un moment donné, il va falloir des efforts pour diminuer très
progressivement la dose, changer de galénique et passer par exemple à des gouttes, pour
pouvoir se sevrer très doucement donc va se poser le problème que ce médicament n’est
pas indiqué… c’est la façon de présenter je pense… de dire que ce médicament n’est pas
indiqué sur le long cours. Par voie de conséquence, il serait peut être bon d’entamer un
sevrage… une diminution progressive. Avec une ouverture en disant qu’on peut être
contacté en cas de problème, etc... Il ne faut pas que ce soit trop rigide.

Q : D’accord. Est-ce qu’en consultation, c’est difficile pour vous de ne pas aller dans le
même sens que le patient quand il y a une demande forte ?

R : Ouais ça m’arrive. Enfin, je crois qu’après 30 ans de… consultations, enfin … de pratique
médicale, on peut être en situation, on peut être en droit… On a suffisamment d’assurance
pour pouvoir opposer un refus. Un refus argumenté bien sûr.Il faut que ce soit argumenté.
Sauf cas particuliers… de personnes.

Q : Donc vous auriez le sentiment que c’est quelque chose, que vous avez acquis… que
vous avez une légitimité avec le temps ?

R : Tout à fait.

Q : D’accord.

R : Tout à fait. Alors moi j’ai vécu la période où les médecins étaient en concurrence, dans
les années 80-85. Là on était en concurrence les uns avec les autres. Ce n’est absolument
plus le cas depuis une dizaine d’années, 5 ou 10 ans, absolument plus.

Q : Hum hum, ce qui pouvait être une autre difficulté effectivement à l’époque.

R : Ah oui, complètement. Complètement, le fait de refuser une prescription à un patient, ça


voulait dire que la personne allait aller chez le voisin.

Q : D’accord, alors toujours dans le cadre de l’anxiété et de l’insomnie, quelles alternatives


vous paraissent utilisables en pratique ?

R : Oui, il y a plusieurs alternatives. Les alternatives sont de plusieurs types : il y a les


consultations vers des spécialistes ou confrères de la même spécialité, ou des
psychologues, des psychiatres, même si ce n’est pas, pour moi, bien fréquent. Il y a ensuite
tous les médicaments qui ne sont pas benzodiazépines par exemple type antihistaminiques
Atarax®, ou d’autres qui ont l’avantage de jouer sur l’anxiété et se donnent en gouttes, donc
qui peuvent intéressants pour diminuer progressivement les doses. Je mettrais aussi en
premier le fait de reconvoquer les patients pour une consultation dédiée, sur une ou
plusieurs consultations, comme on l’a dit avant. Puis bien sûr, il y a aussi tous les petits
conseils qui sont très importants comme ne pas regarder la télé tard le soir, éviter les
excitants avant d’aller se coucher, garder la chambre comme un lieu pour le sommeil et se

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coucher que quand on est fatigué… le bain chaud aussi… enfin voilà, tous ces petits
conseils et qui sont très efficaces. Puis y a les conseils d’activité de relaxation et de
sophrologie… Voilà… il faut surtout les faire revenir.

Q : D’accord, nous avions une dernière question : quelles mesures vous paraitraient utiles
pour aider les médecins généralistes à répondre aux difficultés rencontrées face au
renouvellement chronique des prescriptions de benzodiazépines ?

R : D’une part, y a la formation continue qui me semble très importante pour nous en tant
que médecin généraliste. Mais y a aussi la problématique du temps de consultation, qui ne
nous permet pas actuellement de bien s’occuper du problème. C’est quelque chose qui
prend du temps. Puis, pour les formations, vous avez vu, on passe de 10 jours à 4 jours,
maintenant on passe à 2. Ça se réduit comme peau de chagrin les formations continues…

Q : Tout à fait.

R : Je pense qu’il est important de développer des formations associatives, collégiales, avec
d’autres professionnels… Comme l’attitude thérapeutique du médecin généraliste face à
l’anxiété en société, comment l’aborder… ça pourrait faire objet d’une formation… avec des
intervenants de type psychologues, psychiatres, bien sûr.

Q : Très bien, d’accord.

R : Est-ce que vous auriez souhaité ajouter quelque chose à ce que l’on a dit au cours de cet
entretien sur la thématique ?

R : Non, pas vraiment… En fait, je soulignerais juste l’importance de la formation continue.


La mise à disposition de protocoles. Et puis la problématique du temps de consultation, je le
répète… je le répéterai et le re-répéterai aux interlocuteurs type politiques, directeurs de
sécu, et compagnie… dans les comités paritaires locaux…

< Fin >

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Entretien n°6 (M6)

Q : < Lecture de l’introduction > Si je vous demande de vous remémorer des situations où
s’est posée la question du renouvellement ou non d’une prescription de benzodiazépines qui
était devenue chronique, quelle attitude avez-vous eu dans ces situations ?

R : D’accord. Alors, dans des prescriptions pour insomnie chronique : euh …je propose au
patient passer à un autre traitement, genre Atarax® ou Mélatonine… donc je leur propose la
substitution, euh … disons que dans la moitié des cas les gens sont compliants, donc ils
essayent, et puis la consultation suivante, on fait un retour, et si ils en sont contents, on reste
avec le produit de substitution, éventuellement l’Atarax® ou la Mélatonine, si ça n’a pas
marché, on revient aux benzos.

Q : D’accord. Et vous diriez vous, dans votre pratique quotidienne, que c’est une situation
que vous vivez comment ? Est-ce que c’est une situation qui est difficile à gérer ? …

R : < Coupe la parole.> Non.

Q : … Qui vous contrarie ?

R : Non. Ça ne me contrarie pas spécialement, c’est une situation tellement banale que ça
ne me contrarie pas. Disons que c’est toujours une situation où il faut toujours … disons…
discuter. Faut discuter, parce que … c’est un petit peu chronophage, parce que les patients
ont l’habitude de leur médicament et pour, en tout cas pour ce qui est d’un somnifère, ... euh,
il y a une angoisse à l’idée de changer un traitement qui fonctionne. Donc il faut arriver à les
motiver en leur disant…, en leur donnant les arguments … euh… expliquant le coté néfaste
des benzodiazépines, hein… y a les pertes de mémoire, les fausses routes, puis
l’accoutumance… et voilà, il faut argumenter, il faut argumenter parce que c’est vrai,
l’insomnie est … euh… favorise, disons … l’insomnie, quand on a trouvé un bon traitement
pour son insomnie, on n’a pas envie de le changer. Voilà. Donc, quand je leur dis qu’il
faudrait peut-être changer, c’est un petit peu compliqué, donc voilà.

Q : Bien sûr …

R : Mais ce n’est pas angoissant pour moi, du tout, mais je sais que… voilà quoi … il faut
bien leur expliquer.

Q : D’accord, donc pas de difficultés particulières comme vous disiez… très bien

R : ça n’engage que moi, mais ça prend du temps, quoi.

Q : Et alors, comment faites-vous face à une demande forte du patient ? Est-ce que c’est
difficile de ne pas aller dans le même sens que le patient quand …enfin, parce que, vous
disiez en gros…

R : < Coupe> … dans quel ... euh … dans quel ... euh … contexte ? Contexte insomnie ?
Contexte anxiété ? Contexte psychiatrique ?

Q : On avait vu, voilà, pour l’anxiété et l’insomnie ?

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R : Pour l’anxiété et l’insomnie. Heu, oui c’est sûr que ce n’est pas facile, ce n’est pas facile
car le patient est très demandeur de sa benzo. Ouais, il faut y aller en douceur… et il faut…
enfin, ce que je propose souvent si vous voulez, ce n’est pas une substitution totale, c’est
une diminution de la benzo avec l’introduction du produit de substitution.

Q : D’accord.

R : Et puis, ce que je fais aussi, c’est que je revois les gens le mois suivant. Voyez je ne les
laisse pas tout seul pendant six mois, je leur dis : « Ben, écoutez, vous revenez me voir
dans un mois, on en rediscute dans un mois, on verra comment vous êtes … on
adaptera… ». Voilà

Q : D’accord. Et du coup… oui, y a des situations où vous vous trouvez pas sur la même
ligne et où vous avez des difficultés, soit d’ordre de communication ou autres…

R : Ah, oui, bien sûr ! Bien sûr ! Y a des gens qui sont totalement, complètement, contre le
changement de traitement. Oui, tout à fait. Bon ceux-là … bon ceux-là, je n’y arriverai pas, je
sais. Y en a, ça fait tellement d’années qu’ils en prennent, y en a, ça fait dix, quinze ans
qu’ils prennent des benzo pour dormir que je ne pourrais rien faire. Y en a certains qui sont
compliants et d’autres qui ne le sont pas du tout… alors… bon, c’est sûr… je ne peux rien
faire.

Q : Hum hum… D’accord… Du coup, dans la réévaluation avec ces gens-là, au bout d’un
certain temps vous savez que la situation elle est comme ça, et qu’il n’y a plus lieu de … de
chercher à les réévaluer, à les pousser ou …

R : Oui, c’est ça. C’est ça si vous voulez, quand j’ai compris qu’ils sont de toute façon …
qu’ils sont… trop habitués à leur traitement et qu’ils ne veulent absolument ne pas changer
parce que ça génère trop d’angoisse de changer et puis heu … souvent , si vous voulez, la
plupart du temps, en fait, ils essaient, parce que bon… ils ont confiance, il y a un bon climat
de confiance, donc ils essaient au moins une fois, puis ils voient que ça ne marche pas du
tout, alors on revient à l’ancien médicament. C’est souvent comme ça quoi. Ils essaient
quand même de diminuer et de prendre autre chose, puis ils voient que ça ne marche pas.
C’est souvent comme ça plutôt.

Q : D’accord. Et, alors, dans votre quotidien de généraliste, vous diriez comment la question
du renouvellement ou non du traitement arrive dans la consultation ? A quel moment ?

R : Alors, soit … Soit… par exemple, j’ai des patients qui viennent uniquement pour ça, alors
là, la question se pose tout de suite vu qu’ils viennent que pour ça, et puis ... sinon la
question se pose en fin de consultation : « Ah oui, au fait, vous savez … mon somnifère ».
Voilà. Donc ça arrive en fin de consultation : « alors oui, vous savez… »… y en qui me disent
… « ah oui, vous savez, j’en prends de temps en temps » Alors quand c’est de temps en
temps, ben écoutez, j’essaie tout de suite de leur dire : « On va peut-être changer de
molécule, y a trop d’effets secondaires avec la benzo, on va essayer de trouver autre
chose. Bon, est ce que vous êtes d’accord ? OK ? » Voilà. Euh … Mais c’est toujours en fin
de « consult’ ».

Q : Et vous avez l’impression sur les fins de « consult’ » que c’est un comportement
d’évitement ? Qu’il n’a pas envie de prendre l’initiative de parler de ce traitement ?

97
R : Heu oui, je pense que … je pense que les somnifères, c’est un peu comme les
antidépresseurs, voyez, c’est … je pense que les patients ne trouvent pas ça très normal de
prendre quelque chose pour dormir. Ils sont … peut être pas une culpabilité, mais… ils
sentent que ce n’est pas dans l’ordre du normal de prendre un cachet pour dormir.

Q : D’accord. (Silence 2 sec) Vous expliqueriez plutôt le fait de demander cela en fin de
consultation comme si c’était un aveu de quelque chose de pas normal, en fait, si je
comprends bien.

R : Oui, oui, c’est ça. Ce n’est pas leur traitement pour l’hypertension, leur traitement pour le
cholestérol, leur traitement pour l’arthrose, c’est autre chose.

Q : D’accord. Et comment vous abordez alors à ce moment-là la question du sevrage, s’il en


est question ?

R : A ce moment-là, si vous voulez, si … euh … on en parle. Parce que bon, ils disent, bah
tiens je prends du zolpidem ou je prends du … alors bien, bref… alors, écoutez, ben
finalement, pour essayer quelque chose d’autre, parce qu’il y a de nouvelles molécules,
parce que je trouve de la mélatonine n’est pas mal, donc je leur propose, je leur dis « y a ça
qui vient de sortir, c’est l’hormone du sommeil, c’est plus naturel, donc qu’est-ce que vous en
pensez ? Ça pourrait être pas mal d’essayer la substitution, on pourrait diminuer un peu petit
peu les doses parce que vous en prenez pas tout le temps… ». Donc voilà. On en parle. On
en parle comme ça, à ce moment-là. Je trouve que la substitution est plus facile quand les
personnes n’ont pas un traitement journalier de somnifère, voyez… quand c’est occasionnel,
heu… ils sont moins bloqués … si vous voulez, pas bloqués, mais accros, en quelque sorte,
à leur traitement. Ils sont plus ouverts au changement de molécule, parce que c’est de temps
en temps, c’est occasionnel. Par contre, comme je vous dis, quand c’est tout le temps, on en
revient à la question que vous m’aviez posé tout à l’heure.

Q : Alors, d’après votre expérience, qu’est-ce que vous pensez du rapport bénéfices- risques
d’une prescription de benzo qui devient chronique ? Quel constat vous en faites dans votre
pratique, de bénéfices et risques ?

R : (Silence 3 secondes) Alors, constat bénéfices – risques ? Dans la pratique… (silence 7


secondes) … alors … euh (3 secondes)… par rapport aux pertes de mémoire, je pense qu’il
faut vraiment… euh, y a quand même pas mal de risques de perte de mémoire avec les
benzos… idéation ralentie, perte de mémoire… Les gens ont de plus en plus peur de
l’Alzheimer, euh, je pense qu’ils sont très sensibles à ces phénomènes de perte de mémoire.
Donc, euh, quand je leur en parle et que je leur dis qu’il peut y avoir un lien avec les benzos,
ça peut favoriser un sevrage. Les fausses routes, euh, c’est quand même assez rare. Bon,
voilà… Euh, les faiblesses musculaires, euh… c’est les sportifs, ça peut être ressenti, parce
qu’il y a quand même une faiblesse musculaire qui les touche … et puis… euh … moi je ne
pense qu’à ça, comme effets secondaires.

Au niveau du bénéfice-risque… alors la balance bénéfices-risques… si vous voulez le


bénéfice de bien dormir est un bénéfice énorme (en insistant sur le mot)… par rapport à des
pertes de mémoire minimes, les gens sont tellement plus relax quand ils dorment bien,
tellement moins angoissés… que c’est vrai que les benzos sont des molécules supers, quoi !
Parce qu’elles font bien dormir… (Silence 2 secondes). Non, moi à présent, je suis
convaincue que ce n’est pas la solution. Parce qu’on ne peut pas intoxiquer des gens

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comme ça pendant des années.

Q : Mais donc, du coup, en termes de bénéfice, quand vous dites « super », c’est en terme
d’efficacité, en terme de… ?

R : (Coupe) Ben oui, c’est ça, si vous voulez. C’est à la fois relaxant et somnifère, les gens
prennent ça, ils sont tranquilles … et ils s’endorment… bon, et c’est bien. Ils sont biens. Euh,
toutefois… si vous voulez pour eux… pour eux, le bénéfice est très important, mais pour moi,
la balance bénéfice-risque … je trouve qu’il y a plus de risques à garder une benzo au long
cours.

Q : Oui.

R : Oui, parce que l’idéation est quand même ralentie, il peut y avoir des chutes surtout chez
les personnes âgées quand ils se lèvent la nuit, et puis … et puis la mémoire, c’est quand
même très important pour des personnes qui avancent dans l’âge, quoi… Donc moi, si vous
voulez je suis convaincu que le risque est plus important

Q : D’accord. Et y a-t-il des éléments qui vont faire que pour certains patients vous allez ou
pas renouveler une prescription chronique ? Est-ce qu’il y a des éléments particuliers qui
vont entrer en jeu ?

R : Euh, est ce qu’il y a des éléments particuliers qui vont faire … euh …. Les fausses routes
à répétitions, ça c’est très embêtant, bon si les gens se plaignent de ça, euh… oui ! S’ils se
plaignent vraiment de troubles de mémoire, alors là c’est évident que j’arrêterai très vite.
Euh, et voyez quand ils se plaignent de réflexes un peu plus ralentis en conduite, hein, ça
c’est bien sûr, j’arrêterai très vite, euh … bon, c’est à peu près tout, hein.

Q : D’accord. Et dans votre connaissance du patient, du contexte psycho social, est ce qu’il y
a des déterminants qui, là à ce moment-là, vous feraient prescrire, vous feraient continuer la
prescription ?

R : Euh ben, si la personne est dans un contexte dépressif, anxio-dépressif, ou a des gros
problèmes à son travail, dans sa famille, voyez dans une problématique anxieuse, de stress,
ce n’est pas le moment d’arrêter. Je pense que un sevrage aux benzos, il faut que ça se
fasse dans un moment où la personne est assez, est bien quoi, une période calme où elle a
pas de stress, sinon on arrive pas. Aucun sevrage de toute manière ne peut se faire dans
une période stressante, il faut attendre que la personne soit bien, soit calme, soit apaisée,
sinon on arrivera à rien.

Q : D’accord. Oui donc ça serait un élément qui vous ferait renouveler.

R : Ah ben tout à fait ! Bien sûr, bien sûr.

Q : D’accord. Alors toujours dans le cadre de l’anxiété et de l’insomnie primaire en médecine


générale, est ce qu’il y a des alternatives ? Enfin, on a déjà commencé à en parler un petit
peu … la mélatonine, notamment… mais est ce qu’il y a d’autres alternatives qui vous
paraissent utilisables, efficaces dans votre pratique ?

R : Bien sûr. Bien sûr. Alors, je peux utiliser la sophrologie parce que j’ai au cabinet une kiné
qui fait de la sophrologie. Euh … J’ai utilisé pas mal l’acupuncture aussi. J’avais une
collègue qui était acupunctrice, ça peut aider bien sûr. Euh … La diminution des excitants : le
99
café, le thé bien sûr, le coca, tous les … excitants, bien entendu. Et puis heu ... et puis aussi,
comment ils gèrent leur endormissement. Donc, leur proposer d’avoir un temps de relaxation
avant d’aller au lit, de lire au lit, d’avoir un rituel d’endormissement. Euh… et dans l’anxiété
… dans l’anxiété... ben c’est ça l’anxiété, la « sophro » … bon, au niveau des médicaments,
moi j’aime bien tout ce qui phytothérapie avec la valériane, la passiflore, heu … et les
patients sont demandeurs en plus. Les patients sont pas mal demandeurs de
phytothérapie… donc… heu, donc voilà, je leur donne pas mal de « phytos », des
infusions… heu, voilà, on a pas mal d’herboristes à Grenoble, heu donc ils vont se faire faire
des infusions relaxantes.

Heu, le sport, avoir une activité régulière, sportive, pour se fatiguer, et puis on discute
beaucoup de leur rythme de sommeil. C’est certain que s’ils se lèvent à midi, qu’ils ont une
sieste l’après-midi, ils ne dormiront pas le soir. Bien sûr qu’on parle de ça… et puis euh … et
puis euh, si ça ne marche vraiment pas, je les envoie à un psychiatre spécialiste dans les
pathologies du sommeil.

Q : Parmi ces alternatives, y en a qui sont plus difficiles à mettre en place, à développer ?
Vous diriez pourquoi … ?

R : Tout ce qui est « sophro », sophrologie, il faut que la personne ait envie de… il faut que
la personne ait envie de faire ce genre de séance. Donc voilà. Pour l’acupuncture, il ne faut
pas qu’ils aient peur des aiguilles. Heu, voilà, mais ce n’est pas spécialement difficile. Ils sont
bien preneurs, en tout cas dans ma patientèle, ils sont bien preneurs de médecines
alternatives.

Q : D’accord.

R : Ouais, bien preneurs. On sent quand même depuis quelques années qu’il y a moins de
demandes de médicaments… disons… chimiques. Ils sont bien bien … surtout pour ce
genre de pathologies, ils sont bien demandeurs de traitements légers, voyez. Ils n’ont pas
envie de devenir dépendants, parce qu’ils savent que les benzos donnent une dépendance.

Q : D’accord. C’était un point important. Et parmi ceux qui ne seraient pas preneurs de ces
alternatives, vous avez des raisons que vous identifieriez de pourquoi ça serait plus difficile
pour eux d’accepter cela ?

R : Alors là, on revient à la question précédente, c'est-à-dire que c’est des patients qui ont
des gros problèmes d’insomnie depuis des, des dizaines d’années, qui ont tout essayé, et il
ne marche que le médicament, la benzo … qui fonctionne. Voyez, c’est ce genre de patients.
Ils ont déjà essayé plein de trucs, ils se sont rendus compte que finalement y a rien qui
marche, et y a que la benzo qui marche, quoi.

Q : D’accord. Et du coup, pour vous, quelles mesures vous paraitraient utiles pour aider les
généralistes face à leurs difficultés dans le renouvellement chronique des benzos ?

R : Heu attendez, redites moi votre question.

Q : Oui, euh… est ce qu’il y a des mesures qui peuvent être soit …

R : < coupe> des mesures de la part de qui ?

Q : des mesures à proposer, soit par les autorités de santé, soit des conseils de
100
prescriptions, soit vous-même une méthode que vous avez qui vous semble efficace, qui
vous semble pouvoir aider les médecins généralistes dans leur pratique quotidienne, face au
problème des benzos en prescription chronique, en fait. Quelles sont vos idées, solutions par
rapport à cette problématique ?

R : Par rapport à cette problématique, qu’est ce qui pourrait nous aider ? (réfléchit…) Bon, je
pense que l’information sur la molécule elle-même … dans … qui pourrait être diffusée par
des flyers à mettre dans la salle d’attente pour expliquer comment fonctionne la molécule, et
quels sont les effets secondaires… qu’est-ce que veut dire une dépendance à un
médicament. Au niveau… voilà... je pense que ça serait bien que ce soit expliqué.
Eventuellement une campagne télévisée, parce que la campagne télévisée pour les
antibiotiques a extrêmement bien marché, et maintenant, nous n’avons aucun problème
quand nous ne prescrivons pas d’antibiotiques. Et je pense que la campagne télévisuelle a
été d’une efficacité très importante. Donc… je pense que s’il y avait ce genre de campagne
télévisuelle, parce que quand même la télévision est un média très très importante, donc ça
pourrait être pas mal. Ça pourrait être vraiment bien. Et relayée par les journaux aussi. Tout
à fait, je pense que ça pourrait être pas mal. Euh… et puis dans les cabinets médicaux, des
flyers, des affiches, voyez une campagne… une campagne nationale… je pense qu’une
campagne nationale comme avait été faite celle sur les antibiotiques, franchement qui a
extrêmement bien marché, parce que moi, je vois bien, y a 15 ans, les gens étaient
demandeurs d’antibiotiques, même pour n’importe quoi, aujourd’hui ils sont contents quand
je leur dis « ah, ben, non y en a pas besoin ! » ils disent : « ben, c’est très bien ». Donc il y a
vraiment eu un changement de comportement. Et je pense que cette campagne a vraiment
super bien marché. Donc il faudrait qu’on trouve un logo… une phrase qui frappe pour les
benzos. Je pense que ça serait vraiment super. Ça, je pense que ça marcherait vraiment
très très bien.

Après, heu … sinon, heu … qu’est ce qu’il y aurait d’autres qui pourraient fonctionner… pour
toucher les patients heu … (silence 2 secondes)… le déremboursement ! Le
déremboursement des benzos… Je pense que ça, le déremboursement des benzos, ce
serait un peu … disons… brutal … je préférerais … disons que ce n’est pas ce qui me
plairait le plus, mais ça peut être aussi quelque chose de … (Silence 4 secondes) Non, c’est
quand même gênant. Non, ça me plait pas. Non, ça me plait pas le déremboursement.

Q : D’accord. Très bien.

R : Non, c’est une mauvaise idée. Non le déremboursement ne me plait pas.

Q : Pourquoi ?

R : Parce que ça pénaliserait les gens qui sont insomniaques et qui s’en sortent pas. Donc
ça les pénaliserait et je trouve… c’est terrible d’être insomniaque, et c’est quand même une
souffrance… heu, donc, non, non, ça n’irait pas dans le bon sens.

Q : Très bien.

R : Heu … qu’est ce qui pourrait nous aider … silence (4 secondes) … le remboursement


des produits de substitution ! Si la mélatonine était remboursée, moi je trouve que ça serait
bien. Moi je trouve que ça serait bien.

Q : D’accord.
101
R : ça pourrait être une solution, et puis, heu … quoi d’autres … quoi d’autres … silence (3
secondes) j’ai pas d’autre idée. Non, des campagnes d’affichage, des affiches, les médias…
voyez je verrais ça.

Q : Oui oui. Très bien. Est-ce que vous verriez autre chose que l’on n’a pas abordé que vous
vouliez dire sur la thématique ?

R : Silence (4 secondes) Heu, non je ne vois pas trop … (silence 4 secondes)

Q : Non, ben, d’accord. C’est vrai qu’on a pas mal balayé effectivement la question. Là, je
vous posais la question car on est arrivé au bout des questions qu’on avait dans notre
canevas d’entretien, mais je vais juste vous demander quelques données épidémiologiques
qui nous serviront à présenter l’échantillon que l’on aura interrogé dans notre étude.

< Fin >

102
Entretien n°7 (M7)

Q : < Lecture de l’introduction > Si je vous demande de vous remémorer des situations où
s’est posée récemment la question d’un renouvellement ou non d’une prescription de
benzodiazépines qui était devenue chronique, vous diriez, quelle attitude avez-vous eu dans
ces situations-là ?

R : Heu… écoutez, c’était souvent des personnes âgées qui prennent une benzodiazépine
depuis très longtemps, et en fait, heu… je leur demande toujours ce qu’ils en pensent, tout
ça, mais j’ai l’impression que c’est totalement intégré pour eux de le prendre en permanence.
Et bien je leur renouvelle, parce que je ne vois pas d’issue autre que de leur proposer autre
chose, parce que ça leur convient très bien et qu’ils vivent très bien comme ça. Donc … ça
ne porte pas plus à conséquence que ça, de par le fait que ces gens-là, leur corps, j’ai
l’impression, s’est totalement habitué à ce médicament et qu’effectivement ils dorment avec
une benzo et que ça fait des années que ça dure, et que c’est toujours comme ça, et qu’en
fait ce n’est ni pire ni moins bien. Heu … ils dorment bien, et ils ne demandent rien d’autre,
donc je ne les embête pas. Parce que ça fait partie, voilà, ça fait partie de leur vie, quoi.
C’est comme ils prennent leur café le matin, ils prennent leur benzodiazépine le soir, et puis
voilà ! <rires>

Q : Tout à fait.

R : Donc je ne touche rien. Parce que … parce que je ne vois pas pourquoi je vais les
embêter, sous prétexte qu’il faut voilà… qu’il faut absolument les arrêter. Ils vivent bien
comme ça, je ne vais aller les embêter, ces pauvres personnes.

Q : D’accord.

R : De toute façon, si j’essaie de le faire, < rires > de toute façon, les gens refusent en disant
« je dors pas » et je comprends bien. Si ça fait vingt ans ou trente ans qu’ils dorment avec
leur truc, si on leur enlève, et bien, ils ne dorment plus. Parce que je pense que ça fait partie,
à mon avis, j’ai l’impression, que le corps humain, il intègre complètement le médicament et
il vit avec quoi. Donc, c’est comme si d’un seul coup, on leur coupait leurs hormones
thyroïdiennes et ils développeraient tous les troubles de … < rires > … qui seraient dû à un
manque. Donc ça fait exactement la même chose. Je pense que c’est une béquille
nécessaire que … après on ne peut plus leur enlever.

Q : D’accord, donc, pour vous finalement, ce n’est pas une situation difficile à gérer en
consultation avec les gens ?

R : (Instantanément) Non. Non, non. Je n’ai pas eu de problème avec ces personnes âgées
qui prenaient leur benzodiazépine depuis toujours pour dormir. Je crois que c’est, que ça a
été fait, et qu’après je n’allais pas changer quoi que ce soit. Donc, non. Je me suis posé la
question parce qu’on nous dit qu’il faut les arrêter, mais j’ai tellement vu de gens qui étaient
tout malheureux parce que leur médecin leur avait arrêté leur benzo et qu’ils ne pouvaient
plus dormir, qu’ils ne comprenaient pas pourquoi on leur avait enlevé ce médicament, que
moi je … je… je leur remet. Je ne vois pas pourquoi on va aller les embêter. Autant il vaut
mieux éviter d’instaurer ce genre de traitement, effectivement, chez des personnes âgées

103
qui ne dorment pas, voilà, on essaie de trouver d’autres choses. Mais ceux qui l’on depuis
longtemps, je ne vois pas pourquoi je vais les embêter.

Q : Donc effectivement, on s’était posé la question, nous, du comment vous gérer la situation
face une demande forte du patient, si elle est exprimée clairement ou même supposée…
finalement comment vous gérer cette situation ? Vous avez une demande forte ? Enfin
j’imagine, c’est un peu ce que vous disiez là …

R : Ben la demande forte du patient, elle l’est si on leur a enlevé (NB : le médicament).

Q : Oui.

R : Parce sinon, c’est le genre de trucs qu’ils me demandent en sortant de la « consult’ » :


« Ah, au fait, remettez moi bien mon Temesta ce soir ? ». Mais sinon ce n’est pas du tout
une demande forte, c’est une demande automatique de personnes qui sont dépendantes.
« Remettez-moi mon truc… » et puis terminé. <rires> Ce n’est pas fort comme demande.
C’est comme un drogué, si vous lui donnez sa drogue, il ne va pas vous agresser < rires >.

Q : Oui oui …

R : < rires> Si vous lui enlevez, ça va mal se passer. Bon, voilà. <rires>

Q : Bon. Vous commenciez à l’aborder un petit peu, vous dans votre quotidien, cette
question du renouvellement en fait, elle arrive … quand est ce qu’elle arrive et comment ?

R : Et bien, écoutez, ça dépend de chaque patient. Parce que si c’est des personnes âgées
qui prennent pour dormir, je crois que j’ai bien expliqué. Maintenant si c’est des personnes
qui prennent des anxiolytiques, qui en ont déjà pris, qui en reveulent, etc. parce qu’ils ne
sont pas bien, parce qu’ils sont angoissés, si c’est pour la raison de l’angoisse, heu au
quotidien dans leur vie, ben… moi j’essaie de développer un petit peu avec eux leur histoire.
Qu’est ce qui se passe pour eux, pourquoi ils sont angoissés, enfin je rentre beaucoup avec
eux dans leurs problèmes personnels, pour essayer d’y voir quelque chose. Et la manière
dont je peux palier aux anxiolytiques, c’est beaucoup par l’écoute que j’aide les gens et puis
leur proposer très facilement de revenir régulièrement me voir pour m’exprimer un peu tout
ce qui ne va pas. Donc je pense que, c’est vrai, l’écoute, la compréhension, le partage et
tout… de dans la relation fait que les personnes ont un point solide … heu… relationnel, et
heu… finalement, se sentent plus sécurisés. Donc, en fait, j’essaie de moi-même, moi, en
tant que médecin, être le traitement substitutif de … de la benzo, quoi.

J’essaie… dans la mesure du possible. Maintenant je ne peux pas être en permanence toute
la journée avec eux, alors si ça dépasse ça … bon bah, j’essaie de leur donner des
traitements, quand même, en essayant de donner la dose minimale, qu’il utilise de façon
minimale, mais heu … j’essaie de palier avec … heu… une sorte de relation, si je peux
mettre ça en place, je le fais au maximum. Et je pense que j’évite pas mal… parce que je
pense que pas mal de médecins qui … qui n’ont pas vraiment envie de s’embêter non plus…
donc c’est facile, hein, « je vous soulage, tiens », « prenez ça, ça va vous faire du bien ».
C’est vrai que faut… faut quand même avoir envie d’écouter un peu les gens, ou de les
reconvoquer, les revoir, etc. Moi, ça dépend quelle médecine générale on fait. Moi, je sais
que j’aime bien faire ça aussi. Même si je ne vois pas les gens longtemps, je peux les voir
souvent. Je leur dis de revenir, même dans la semaine. Euh… voilà, je ne fais pas des
consultations longues, ça ne me demande pas du temps, mais de la présence, oui. Et puis,
104
un petit investissement de … de prendre en compte leur problème.

Q : Hum hum. Y a des choses qui vous limitent dans la mise en place de cette médecine que
vous aimez.

R : D’écouter les gens ?

Q : Hum hum.

R : Non, pas du tout. Au contraire, je suis complètement libre de ça et c’est ce qui me plait
encore aujourd’hui. <rires>

Q : D’accord.

R : < rires ; ne poursuit pas…>

Q : Est-ce qu’il y a des éléments qui, lorsque vous êtes en consultation avec un patient, qui
vont faire aller dans le sens d’un renouvellement ou non de cette prescription chronique ?
Est-ce qu’il y a des facteurs dans l’histoire du patient… ? Enfin voilà … ou dans la
connaissance de son environnement ? Qu’est ce qui va rentrer en jeu, en gros, dans votre
décision de renouveler ou non la prescription ?

R : Justement, y a des personnes qui ont beaucoup de mal à élaborer, à développer un peu
leur problématique. Donc euh… je pense que je leur donne pour que leur vie soit … soit
quand même… vivable ! Parce que quand les gens ne peuvent pas sortir de chez eux,
quand ils ne peuvent plus rien faire, en fait, quand il y a une imitation de leur vie… que
l’angoisse ou le stress, ou tout ça, les paralyse complètement à ne plus du tout pouvoir faire
quoique ce soit, là ça devient vraiment un handicap pour la personne, donc il faut qu’elle
puisse au moins faire quelque chose pour elle. Voilà. Donc en étant un petit peu soulagée,
elle peut quand même venir consulter, elle peut quand même aller un peu à son travail, elle
peut quand même peut être avoir un peu une vie sociale. Si la personne a un début de
désocialisation, je pense qu’il faut quand même aider à … aider quelque chose, parce qu’on
ne peut pas laisser des gens se recroqueviller comme ça, dans leur trou, quoi !

Donc, c’est peut être ça, oui, qui me … où je … où je donne pour les aider. Et puis aussi, il
faut savoir que … qu’ils aient confiance en nous. Qu’ils sentent aussi qu’on a des
médicaments, mais que ce n’est pas ça la solution, mais on a des médicaments. Mais ça ne
va pas suffire, parce que ça ne sera que palliatif, ou il va leur en falloir de plus en plus. Ça,
c’est le discours que je leur tiens. Donc il va falloir mettre d’autres choses en place que ça,
parce que ça ne va pas être la solution permanente à leur problème. Leur problème relève
de solutions autres que du vernis, comme je dis, qu’ils mettent par-dessus des choses qui ne
vont pas. C’est plus mon discours que j’ai avec eux, mais je comprends que … enfin, moi je
leur en donne quand même quand il y en a vraiment besoin… Ils savent que je peux le faire.
Donc ça établit un lien de confiance.

Q : Hum, d’accord. Et vous diriez que c’est pour établir un peu ce lien de confiance…

R : <interrompt> Oui, aussi. Oui on peut dire ça, oui oui… Mais tout en tenant un discours
autant que c’est une drogue et qu’ils vont être dépendants.

Q : Tout à fait, d’accord. D’après votre expérience, qu’est ce que vous pensez du rapport
bénéfices- risques d’une prescription de benzodiazépines qui est devenue chronique ? Quels
105
sont les constats que vous en faites dans votre pratique ? … Vous l’avez déjà un peu
abordé, mais de manière plus large, en termes d’efficacité, d’effets indésirables, qu’est ce
que vous en pensez ?

R : Ouais… ouais, c’est très variable parce qu’il y a des personnes qui … il y a deux types de
personnes. Il y a des personnes qui ont intégré la benzo dans leur vie quotidienne, je ne sais
même pas si… s’ils savent encore qu’ils en prennent une, car ça fait partie des médicaments
qu’ils prennent. Donc je ne suis pas sûr qu’il y ait une dépendance… ils vivent bien avec, ça
s’est intégré dans leur vie. Voilà. Donc ceux-là, ils ne posent pas trop de problèmes. Je veux
dire, je ne vois pas pourquoi je leur arrêterais. Par contre, des gens qui ne vont pas bien
psychologiquement et qui ont des grosses crises, où ça ne va vraiment plus, où ils sont
obligés de monter les doses, où ça ne va pas, etc. heu là, ça devient vraiment très embêtant,
car ils règlent pas leur problème. Et je leur explique qu’effectivement, de toute façon, plus ils
prennent des benzos, moins l’efficacité a lieu et surtout ce qui est le plus important, c’est pas
d’être soulagé par la benzo quand ils la prennent, ce qui va devenir le plus important pour
eux, c’est la terrible angoisse qu’ils vont avoir lorsque le médicament ne va plus faire effet. Et
ça, on ne va plus avoir de solution par rapport à ça. Donc, heu, pour moi, c’est vraiment le
gros problème des benzos. C’est des gens qui prennent tout le temps, et il y a des effets
rebonds énormes, voilà. Une benzo qui est pris tout le temps comme ça, parce que les gens
ne vont pas bien, ils vont de plus en plus mal. Parce que quelqu’un qui est angoissé, la
benzodiazépine majore l’angoisse terriblement quand on n’en a pas, donc de ce qu’ils
étaient angoissés, je ne sais pas, à 10% d’intensité, ils vont être à 50% d’intensité quand ils
n’auront pas l’effet de leur benzo. Ça va être de pire en pire. Donc ça c’est vraiment le coté
nuisible de la benzodiazépine et le deuxième risque des benzodiazépines qui est majeur,
enfin je crois, c’est des gens qui sont dépressifs. Parce que donner des benzodiazépines a
quelqu’un qui est vraiment là, pas angoissé, mais vraiment déprimé, alors là il faut faire très
attention parce qu’il y a des passages à l’acte. Et ça c’est réel. J’ai eu déjà une fois l’histoire
de quelqu’un à propos de ça, et c’est … ça faut faire vraiment très très attention.

Q : D’accord.

R : Donc je me méfie beaucoup des benzodiazépines. Je ne me méfie pas des


benzodiazépines chez des gens qui en prennent depuis toujours… pouh là là, mon Dieu…
on ne va pas les emmerder ! Mais de ceux chez qui il faut instaurer un traitement, ou qui en
ont déjà pris et qui le redemandent, et qui ne savent pas bien le prendre, et qui le prennent
pour un rien. Parce que dès qu’il y a une petite angoisse, ils le prennent, ça ne va pas du
tout ça.

Q : Hum hum hum, je vois.

R : Donc là, y a des risques, des risques importants.

Q : D’accord. Et … donc voilà, les risques sont plutôt de cet ordre-là… après il y a d’autres
risques, effets indésirables qui sont parfois évoqués comme les chutes ou les risques de
maladie d’Alzheimer, finalement, de ce que j’en comprends, dans ce que vous me dites, les
gens qui … auxquels le corps s’est fait, ces gens-là finalement ce ne seraient pas tant un
problème en soi pour ces personnes-là, finalement ? Ou que vous n’avez pas constaté dans
votre pratique ?

R : pardon, vous parlez desquels ? J’ai pas bien compris …

106
Q : pardon, je disais juste, on a parlé de deux premiers effets indésirables, après il y a
d’autres effets indésirables qui sont évoqués autour des benzodiazépines, est ce que vous,
vous avez constaté …

R : des chutes, vous voulez dire …

Q : … par exemple… et est ce quelque chose qui les impactent beaucoup ? ou finalement
pas tant, parce que tout à l’heure vous disiez qu’il y en a plusieurs où le corps semble s’être
fait ?

R : ah oui, s’ils prennent ça depuis des années, ce n’est pas ça qui va causer leur chute.
Non. Non, non. Les gens qui prennent des benzodiazépines depuis toujours pour dormir,
d’ailleurs ils ne se lèvent pas, ils dorment <rires>, donc non ils ne chutent. Par contre,
donner des anxiolytiques à une personne âgée qui ne tient pas bien sur ses quilles, ça ne va
pas l’améliorer, c’est sûr. C’est sûr que l’on majore des risques de somnolence, de chutes,
de syndrome de glissement qu’on peut citer. Parce que moi, j’ai déjà vu des personnes en
maison de retraite qui emmerdaient toujours tout le monde et tout ça, donc les anxiolytiques
ne sont pas demandés par la personne, ils sont demandés par le personnel … parce qu’ils
nous disent « elle appelle tout le temps, elle doit être angoissée cette dame. Vous ne
pourriez pas lui donner un petit quelque chose ? » Donc, ça qu’est-ce que vous voulez qu’on
fasse ? On leur en donne, on se dit, bah oui, cette pauvre dame, elle est angoissée et peut
être qu’elle va foutre la paix … aux gens qui s’occupent de l’EHPAD. Donc là, oui, là c’est le
début de la fin, parce que là, on les endort, ils ne font plus rien, ils font le syndrome de
glissement, ils se laissent aller et en général ils meurent peu de temps après. Donc c’est
vraiment un risque majeur. Alors soit ils meurent parce que voilà, syndrome de glissement,
soit ils meurent parce qu’ils ont fait des complications, qu’ils sont tombés, qu’ils ne boivent
plus, qu’ils … je ne sais pas … donc c’est vraiment un peu dommage quoi. C’est même très
triste, voilà.

Q : D’accord, donc ce serait un autre profil où vous diriez attention aux benzos chez ces
patients là …

R : Ah oui, dans les maisons de retraite … ouais ouais…

Q : D’accord.

R : Je crois qu’il y a plein de cas particuliers qu’on pourrait évoquer, chaque personne… de
toute façon, la prescription de benzodiazépines s’évalue avec chaque personne, chaque
histoire, chaque âge, chaque pathologie. C’est vrai, il faut adapter. Après quand c’est des
maladies très particulières comme Alzheimer <souffle>, c’est vrai qu’il y a des grosses
périodes d’angoisse chez les gens qui ont l’Alzheimer… Y a beaucoup d’angoisse aussi qui
est majorée par la famille autour, des fois on se demande si ce n’est pas la famille qu’il
faudrait qu’il prenne des trucs <rires> … et pas la personne ! Oui, c’est un peu compliqué.

Q : D’accord.

R : Enfin en attendant, je pense qu’on en fait tout un plat des benzo, mais il faut avouer que
c’est aussi un médicament qui … qui aide beaucoup dans des situations extrêmement
difficiles pour des gens. Maintenant si on peut remplacer par le contact humain, la relation, et
tout, c’est … c’est mille fois mieux ! C’est clair. Et dans nos périodes où les gens n’ont pas
trop le temps de ni voir des amis, ni de voir de la famille, ni de voir des copains, ni de voir
107
leur médecin, parce qu’il n’y a plus de place, parce qu’ils n’ont pas le temps, et ben ça
devient une solution de facilité… et donc c’est le remède de notre société ! <rires> c’est un
remède du mal de notre société. Donc faut se méfier, parce qu’en fait il faudrait… faudrait
changer beaucoup de choses dans notre société pour qu’il y ait moins de consommation de
benzodiazépines < rires> . Voilà. Mais là on rentre dans des discussions qui sont plus
philosophiques.

Q : Hum hum, oui mais c’est intéressant parce qu’effectivement au fur à mesure des
entretiens qu’on fait des questions se posent, parfois sur ces thématiques-là, oui… Et, alors,
on a commencé à rentrer dedans, toujours dans le cadre de l’anxiété et de l’insomnie
primaire, on va dire, en médecine générale, est ce que vous avez des alternatives qui vous
paraissent utilisables, efficaces dans cotre pratique ?

R : ben écoutez, c’est les patients qui me renvoient si ça marche ou pas pour eux donc
j’essaie effectivement pleins d’autres choses. Pleins, pleins, pleins. Pleins d’autres. Moi, j’ai
toujours tous les petits moyens déjà… faut que les gens… ils se détendent, je leur dis avant
d’aller se coucher, boissons chaudes, fleurs d’oranger, tisanes, prendre un bouquin et lire
jusqu’à ce que l’on sente le sommeil arriver. Enfin, j’essaie de décortiquer c’est quoi leur
trouble du sommeil.

Les alternatives, c’est le fameux Zolpidem qu’on donne à tout le monde, parce que Stilnox®
aussi, c’est extrêmement prescrit, et heu je le donne… donc là, c’est vraiment dans le cadre
de l’insomnie, je préfère donner un somnifère comme le Stilnox® plutôt que de donner des
benzodiazépines. A cause de l’effet rebond d’angoisse des benzodiazépines, c’est pour ça
que j’aime pas les benzos pour ça. Pour moi, je préfère donner un somnifère qu’une benzo.
Et Stilnox®, j’essaie de voir quand il le prenne, et ça m’arrive aussi de conseiller aux gens de
le prendre que s’ils se réveillent la nuit. Je leur dit de prendre qu’un demi-comprimé que s’il y
a un réveil nocturne et qu’il n’arrive pas à se rendormir.

Q : D’accord.

R : Pour essayer de limiter le plus possible, voilà. Donc ça, j’ai le Stilnox®… enfin tous les
petits moyens, le Stilnox® pour des trucs où les gens ont absolument besoin de récupérer,
donc il faut qu’ils dorment. Et puis autrement, j’essaie toutes les phytothérapies… toutes les
phytothérapies qu’on donne habituellement… Spasmine® etc.… pour des gens, on peut
toujours essayer l’homéopathie… il y a un tas de petits moyens, à partir du moment où les
gens se sentent sécurisés par des choses, ça peut leur permettre d’être apaisés. Voilà donc
j’essaie de trouver plein de petites choses … faire de l’activité physique aussi …

Q : Pardon, votre perception de la phytothérapie, l’homéopathie en termes d’efficacité, c’est


quelque chose qui marche ? Auquel les gens adhérent ?

R : Oui oui, les gens veulent bien essayer d’autres choses, ils essaient. Maintenant, après il
faut savoir le prescrire avec… avec conviction ! Et pas… « Essayez toujours… », ça marche
pas. « Vous allez prendre ça, y a beaucoup de gens qui en sont contents… ». On explique
qu’il faut que ça imprègne le corps pendant plusieurs semaines, que ça ne va pas marcher
de suite, qu’il faut un peu de temps… Voilà. Et puis, y a des personnes qui préfèrent des
choses un peu naturelles, donc elles sont partantes. Et heu… il faut que ce soit prescrit dans
un bon contexte, parce que l’effet placebo, c’est vachement important ! Donc il faut vraiment
en tenir compte tout le temps dans la prescription en médecine. La manière dont on prescrit

108
le médicament fait qu’il est plus ou moins efficace. Ou plus ou moins toléré. C’est hyper
important ! Donc la relation (en insistant sur le mot), c’est hyper important. Voilà, ouais…

Q : D’accord.

R : sinon d’autres alternatives, ou, tout ce qu’on peut conseiller pour dormir, quoi… un peu
d’activités physiques, parler des problèmes, la psychothérapie, je propose que les gens se
fassent aider par des suivis de psychothérapies, des choses comme ça. Voilà…

Q : Y a des choses qui sont plus difficiles à mettre en place que d’autres parmi ces
alternatives ? Qu’est ce qui limiterait pour vous ces alternatives ?

R : Heu … y a des gens qui sont bien inscrits dans notre modèle social actuel : c’est tout,
tout de suite, rapidement. Donc heu… « Là, je veux !» … « Ben, écoutez prenez ! » <rires>
Ben voilà, en expliquant les effets secondaires, etc. C’est une solution rapide, mais ce n’est
pas la solution définitive. Ça se fait au coup par coup. J’essaie de tenir le même discours.
Moi, j’essaie de m’adapter à ce que les gens ont besoin <rires> !

Q : Hum hum … oui

R : Voilà, après je ne vais pas me fâcher après eux parce que moi on m’a dit que ce n’était
pas bien de les prescrire… S’ils veulent, ils veulent !

Q : Très bien.

R : Notre métier nous propose plein de solutions, on a tous ces trucs-là à portée de mains,
on essaie d’adapter, d’écouter… et on essaie de faire au mieux en fonction des gens, de leur
histoire, de ce qu’ils demandent, de ce qu’ils ressentent… voilà. J’essaie de m’adapter, je
n’ai pas des lignes de conduite tranchées et des lignes de conduite que je suis absolument.
J’adapte tout. J’adapte chaque prescription à chaque personne, je dirais. Je n’ai pas de ligne
de conduite générale.

Q : D’accord. Et du coup, par rapport à tout ce qu’on vient de dire, quelles mesures vous
paraitraient utiles en médecine générale pour aider les généralistes face à leurs difficultés
qu’ils peuvent rencontrer parfois dans le renouvellement chronique des benzos ?

R : Silence (2 secondes). Ecoutez c’est marrant, parce qu’on déplace le problème sur le
médecin qui aurait un problème à prescrire des benzos. Nous, on n’a pas de problème à
prescrire des benzos. Maintenant il faudrait bien évaluer quel est le problème pour la
population générale de consommer des benzodiazépines. Voilà. Il faudrait leur demander
aux gens c’est quoi votre problème avec les benzos ? Parce que le médecin, lui, il n’a pas de
problème avec les benzos. Il s’en fout. Moi, j’en prends pas. J’en prescris et je n’en prends
pas. Moi je n’ai pas de problème avec la prescription de benzodiazépine. J’en ai même
absolument aucun. Je vais dire, le problème, c’est les gens : « c’est quoi vos problèmes
avec les benzodiazépines ? est-ce que vous avez un problème avec les
benzodiazépines ? ». C’est quoi le problème des benzodiazépines, parce qu’en ce moment,
il y a une politique de santé, là, qui dit il faut arrêter avec les benzos. Mais heu … je voudrais
savoir qu’est-ce qui motive qu’il faille arrêter les benzos ? Bien sûr, nous on le sait. C’est de
la drogue. Mais il faudrait quand même demander aux gens : « pensez que vous avez un
problème avec les benzodiazépines ? » comme on dit aux gens : « pensez-vous que vous
avez un problème avec l’alcool ? », comme on dit aux gens : « pensez-vous que vous avez

109
vraiment un problème avec votre shit que vous fumez tous les jours ? ». Bah, voilà… Le
problème, il est là quoi !

Bon maintenant, après, est ce que nous … à partir du moment où c’est un médicament qu’on
a le droit de prescrire, c’est pas une drogue à proprement parlé. Non, on a droit de prescrire
ça. C’est licite, ce n’est pas illégal. Donc je ne vois pas pourquoi on ne l’utiliserait pas. Voilà,
si du jour au lendemain, on dit : « Les benzodiazépines, c’est une drogue. C’est illicite. C’est
illégal. » Ben, du jour au lendemain, je ne prescrirai plus du tout de benzodiazépines. Voilà.

Q : Très bien. Est-ce que suite à ce que l’on a discuté vous aviez d’autres idées que vous
auriez souhaité ajouter ?

R : Bah, non, je ne sais pas, je n’ai pas de … Non, je n’ai pas d’idée autre de tout ça. Je
crois que j’ai pas mal exprimé ce que je ressentais vis-à-vis de tout ça.

Q : En tout cas, merci, c’était très intéressant …

< Fin >

110
Entretien N°8 (M8)

Q : < Lecture de l’introduction > Si je vous demande d’essayer de vous remémorer les
dernières situations où s’est posée la question d’un renouvellement ou non d’une
prescription de benzodiazépine qui était devenue chronique, quelle attitude avez-vous eu
vis-à-vis de cette prescription de benzodiazépine ?

R : Heu … la dernière qui me revient en tête, c’était une dame qui a du Lexomil® à très
fortes doses et qu’elle prend depuis des années et des années et elle s’auto-médique, et en
arrive à des doses extrêmes, et j’ai essayé, j’essaie de la sevrer et de passer à une
benzodiazépine de demi-vie beaucoup plus courte. Mais ça se passe pas très bien… Elle a
des symptômes de sevrage catastrophiques. Voilà la dernière.

Q : Et de manière générale, c’est une situation que vous trouvez pour vous difficile à gérer
en consultation ? Est-ce que ça vous pose des difficultés ?

R : C’est pas toujours difficile, mais c’est vrai que parfois il y a des petites mamies qui
prennent des toutes petites doses d’anxiolytiques le soir pour dormir, et qui s’y accrochent,
et c’est vrai des fois, qu’on se demande… on sait qu’il faudrait les sevrer, mais … <souffle>
… parfois on essaie même pas ! On continue parce que … bah... le bénéfice me semble
supérieur aux effets indésirables, et c’est bien toléré, et puis voilà. Mais on sait bien qu’il ne
faudrait pas, mais en pratique, c’est difficile de, de … de changer. Du coup, c’est vrai que
parfois on n’essaie pas.

Q : Donc vous, un peu, sur le plan sentiments ou émotions, c’est quelque chose que vous
vivez comment ? Vu qu’on a parlé de l’attitude, est ce que là plutôt, vous, ça vous pose des
contrariétés ou … ?

R : Alors, si si, non. Il y a des gens qui viennent que pour la … la prolongation de leur benzo
pour dormir … <souffle de nouveau>… ben, parfois, il y a un peu de lassitude. C’est des
consultations pas très intéressantes. C’est un peu lassant. Ça dure des années. On ne sait
pas bien comment en sortir.

Q : Hum, d’accord. Ce serait plutôt ce sentiment-là qui ressortirait dans la majorité des
consultations… ?

R : Enfin, bon, on essaie surtout de ne pas l’instaurer.

Q : D’accord.

R : Une fois que c’est embarqué, ben parfois on essaie d’arrêter, mais ce n’est pas toujours
facile.

Q : Hum, hum, tout à fait. Et dans votre quotidien de généraliste, heu … comment la
question du renouvellement ou non va arriver dans la consultation ? A quel moment ? Est-ce
que c’est plutôt pour vous, quelque chose qui vient systématiquement de la part du patient ?
Est-ce que c’est vous qui le proposer ? Comment en gros on en arrive … ?

R : Ben, comme c’est du chronique, heu … là, on parle de benzodiazépines au long cours ?

111
Q : Oui !

R : heu… bah, c’est le patient qui le demande souvent… Et puis il y en a qui viennent que
pour ça, pratiquement.

Q : Oui, d’accord.

R : Bon, il n’y en a pas tant que cela non plus. Il y en a quelques-uns qui sont accrochés à
leur benzo et qui viennent que pour ça. Et ils ont parfois un traitement anti-hypertenseur,
mais ils n’ont pas besoin de le demander, on leur marque. Ils disent : « vous n’oubliez pas le
Stilnox® ou Seresta®… ». Voilà.

Q : Et pour ce qui est du sevrage, est ce que … comment vous l’abordez ?

R : Ben, j’essaie de les convaincre en parlant des cycles de sommeil, de la qualité du


sommeil, du fait que ça modifie … mais heu… je ne dois pas être assez persuasive. J’essaie
de parler du fait que si on ne dors pas, ce n’est pas très grave, que … voilà… des trucs,
comme ça, mais… je veux dire qu’avec la benzo, ils n’ont pas un meilleur sommeil, même si
eux ont l’impression de mieux dormir. Mais bon… ça ne marche pas toujours. Y a des gens,
on a beau leur dire que ça joue sur l’attention, que ça joue sur la mémoire, et eux ils voient le
court terme et le moyen terme et ils disent : « ça fait déjà un moment que je le prends, et ça
se passe pas si mal. Pourquoi changer ? » Alors que … alors que quand ils ne dorment pas,
ils en voient les effets ! Donc heu… difficile de les convaincre du contraire.

Q : D’accord. Ben c’est tout à fait la question qui suivait : pour vous, est ce que c’est difficile
de ne pas aller dans leur sens quand il y a une demande ? Vous diriez plutôt oui à votre
sens.

R : Ben oui c’est difficile. Quand on parle de traitements qui sont déjà chroniques.

Q : Tout à fait. C’est le cadre que l’on se donne.

R : Quand on est dans l’initiation, ce n’est pas pareil.

Q : Et pour vous, les raisons qui sont sous-jacentes à ça… on a commencé un peu à les
évoquer… qu’est ce qui, pour vous, sont les raisons qui vous mettent en échec ou qui vous
donnent moins de poids pour aller … pour convaincre le patient qu’il ne faut pas aller dans le
sens d’une consommation chronique ?

R : Ben c’est leurs expériences. On a beau leur dire « c’est pas bon », eux ils sont
convaincus qu’ils sont mieux comme ça.

Q : Hum hum… Finalement, c’est leur expérience, leur ressenti qui prend le pas finalement
sur même toutes les explications que vous pourriez vous donner en tant que médecin
généraliste sur les effets de la molécule. Si je comprends bien …

R : Oui.

Q : D’accord.

R : Oui, oui.

Q : Et d’après votre expérience, que pensez-vous du rapport bénéfices risques d’une

112
prescription de benzodiazépines qui est donc déjà en place depuis longtemps ?

R : Ben, on n’a pas l’impression que ce soit si catastrophique que ça.

Q : Oui, d’accord.

R : Enfin, je ne parle pas de grosses doses. En pratique … c’est parfois, souvent très bien
supporté.

Q : Quel constat faites-vous sur le versant des effets indésirables ? Est-ce que c’est quelque
chose que vous rencontrez ? Là, vous me dites sur du chronique, non, vous n’en rencontrez
pas tant que ça … ou si vous en rencontrez, quels types de problèmes ?

R : Bah, après, les problèmes de chutes de personnes âgées, c’est difficile de savoir si c’est
le traitement anti-hypertenseur, si c’est … si c’est la benzo … si c’est parce qu’ils ont de
l’arthrose de partout… et est ce qu’ils n’ont pas d’équilibre ? Voilà… Alors on dit, ben mince,
il a en plus une benzo, mais ce n’est pas ça qui les a fait tomber.

Q : Oui, d’accord. C’est un peu le problème des patients âgés … poly-pathologiques…


d’accord. Et vous aviez un peu évoqué, pour vous, le bénéfice … dans les bénéfices que
vous recherchez … ?

R : Ben, les bénéfices, c’est le confort. (Silence 2 secondes)

Q : Hum hum…Et c’est … ?

R : C’est qu’ils peuvent dormir, qu’ils veulent s’endormir.

Q : Est-ce qu’il y a des situations où ce rapport bénéfices-risques change en fonction de


l’âge, en fonction de si c’est quelqu’un en institution … ou non ?

R : silence … heu, je ne comprends pas bien la question …

Q : Pardon, est ce qu’il y a des facteurs qui font que vous allez avoir une évaluation
différente du rapport bénéfices-risques en fonction toujours du patient, si c’est un jeune… un
sujet âgé ?

R : Alors chez un jeune, j’évite encore plus de donner des benzos. Et puis sinon, c’est un
peu l’intensité des symptômes… parce que le plus souvent, on essaie de ne pas en
prescrire. Mais là, on est plus dans l’instauration… Dans le chronique, heu… dans le
chronique… (silence 2 secondes)… la question ne se pose pas tellement. On est embarqué
dans quelque chose…

Q : Au niveau heu … là on a parlé du premier patient, mais est-ce qu’il y a d’autres


déterminants ou éléments dans la connaissance de votre patient, dans son vécu, son mode
de vie, vont faire « non, lui, il ne faut pas que je poursuive son traitement, sa
benzodiazépine… » parce que forcément il en a besoin, ou alors, plutôt faut que je l’arrête.
Qu’est ce qui rentre en jeu à ce moment-là dans une éventuelle décision de votre part ?

R : Bah… il y a des … là, je pense à une vieille dame chez qui on a essayé d’arrêter. Elle me
disait qu’elle était dépressive depuis longtemps, qu’elle avait des traitements… du coup, elle
avait toujours eu une benzo qui trainait… ben, j’ai finalement réussi à la faire arrêter, et puis

113
dans les mois qui ont suivi, elle a eu une récidive de sa dépression que j’avais jamais vu
moi-même. Et du coup, elle ne sortait plus de chez elle, elle ne mangeait plus, etc. Un
syndrome de glissement majeur… qui a nécessité une hospitalisation, et puis elle est
ressortie avec sa benzo, et maintenant je ne cherche plus à lui enlever, par exemple.

Y a pas mal de situations avec des problèmes, on va dire psychiatriques, soit de dépression
soit d’anxiété majeure, qui font que … bah, après on ne se pose plus trop la question… et on
poursuit l’anxiolytique. Après des sevrages aussi, des alcooliques qui ont des benzos qui
trainent … c’est bien, c’est pas bien … mais c’est plus difficile à arrêter … quand on sait qu’il
y a un passé… plus sérieux, plus grave.

Q : D’accord.

R : C’est une question de confort, mais c’est aussi … je ne sais pas si c’est une prévention
des rechutes, mais bon… on a l’impression qu’ils en ont vraiment besoin.

Q : D’accord. Une question que je ne vous ai pas posé tout à l’heure sur les effets
indésirables, du moins, l’évaluation des effets indésirables… et des bénéfices. C’est aussi
quelque chose peut être de pas facile, en fait finalement en médecine générale ?

R : Oui oui. Surtout quand les effets indésirables ne sont pas visibles et pas facilement
évaluables.

Q : D’accord. Toujours dans le cadre de l’anxiété et de l’insomnie primaire en médecine


générale, y a-t-il des alternatives qui vous paraissent utilisables, efficaces dans votre
pratique ?

R : Oh bah oui, on essaie de proposer des plantes, de la relaxation… Il y a des consignes


d’hygiène… de sortir, d’avoir plus d’activités… de lecture … d’activités le soir … oui, des
trucs comme ça… une hygiène de vie, un peu… et puis, aussi une dédramatisation du
manque de sommeil.

Q : Oui, effectivement. Et, parmi celles-ci lesquelles vous paraissent les plus faciles à mettre
en place ou les plus efficaces ?

R : Ben c’est efficace quand les gens sont dès le départ motivés pour …heu… pour faire un
effort. Je veux dire, y a des gens qui ne veulent pas de médicament et qui sont prêts à
écouter un tas de conseils, et à faire ce qu’il faut. Et y en a … < souffle> ils ne vont pas
mettre en application. Donc, heu … il faut se méfier, c’est eux qui … vont prendre un
traitement facilement. Donc, dans ces cas-là, on va essayer de donner des traitements qui
sont … qui sont … qui entrainent moins de dépendance, mais… voilà… ça peut être soit des
plantes, soit de l’Atarax®… des choses comme ça. Mais des fois, ça marche moins bien
aussi.

Q : Est-ce qu’il y a d’autres alternatives qui pour vous, que vous connaissez, qui pourraient
être utilisables en théorie, mais pour vous qui sont difficiles de mettre en pratique et que
finalement, vous n’utilisez pas ?

R : ben, les thérapies cognitivo-comportementales, des choses comme ça des fois … mais
les gens ne sont pas toujours prêts à faire la démarche.

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Q : Oui. Silence (3 secondes)… Et pour vous ce serait le principal frein ? … C’est
principalement ça, il n’y a pas d’autre limitation … ou sur d’autres alternatives, c’est surtout,
le manque de motivation du patient ?

R : Moi, il me semble, oui.

Q : D’accord.

R : Parce que parfois on peut en parler, mais voilà… Il y a des fois des gens qui ont essayé
des tas de choses aussi, d’eux-mêmes, ça peut arriver aussi.

Q : Et ça du coup comment vous le reprenez avec eux ?

R : Alors là, on n’est plus dans la prescription chronique, on passe parfois par des benzo de
durée brève, je vais dire… pour éviter de rentrer dans le chronique.

Q : D’accord, vous voulez dire que vous essayez de prendre un traitement de substitution
pour au début essayer de faire un sevrage, progressif, ou quel est le but ?

R : Non non je pensais plutôt à la non-instauration ou à l’instauration très brève.

Q : Ah oui. D’accord.

R : Oui je suis un peu hors sujet.

Q : Pas de souci. D’accord. Et donc pour vous, est ce qu’il y aurait des outils ou des choses
qui vous paraitraient utiles à mettre en place pour aider les généralistes face à leurs
difficultés dans le renouvellement chronique des benzodiazépines.

R : Moi j’aimerais bien … (réfléchit 3 secondes)… un schéma bien sur les cycles du
sommeil. Des trucs comme ça, pas trop compliqués… qui permettraient d’expliquer la qualité
du sommeil avec les benzos, sans les benzos, le fait qu’on se réveille facilement, enfin voilà.
J’ai l’impression que je pars dans des explications, ce n’est pas toujours clair.

Q : Hum hum. D’accord.

R : Donc, s’il y avait des … des planches un peu clair, ça serait pas mal.

Q : D’autres idées ou besoins en tant que généraliste ?

R : Bah, je ne vois pas quel outil pourrait nous aider, mais s’il y en avait un j’aimerais.

Q : D’accord. Là, on arrive au terme de l’entretien. Est-ce que vous aviez d’autres choses qui
vous semblaient importantes à souligner sur cette thématique de la prescription chronique
des benzodiazépines en médecine générale et … vos attitudes, votre vécu vis-à-vis de ces
prescriptions ?

R : Ben mon vécu, c’est que parfois on est embarqué là-dedans alors que c’est pas nous qui
l’avons instauré.

Q : Oui.

R : Quand y a … Les psychiatres y vont largement plus… plus largement que nous. Et
après, nous, on est un peu … un peu obligés de continuer. Je veux dire dans l’instauration,

115
c’est bien beau de dire nous dire : « il ne faut pas instaurer », bon c’est vrai qu’on a parfois
pas le choix, mais j’ai pas l’impression que ce soit nous qui instaurions le plus des benzos…
Voilà. C’est comme ça que je le ressens… C’est qu’on n’est pas les seuls responsables !
Mais ceci dit, ça ne veut pas dire qu’on n’a pas un rôle à jouer.

Q : Parfait.

< Fin >

116
Entretien N°9 (M9)

Q: <lecture de l’introduction> Si je vous demande de vous remémorer des situations où s'est


récemment posée cette question du renouvellement ou non d'une prescription de
benzodiazépines qui est devenue chronique, quelle attitude vous avez eu dans cette
situation, dans ces situations ?

R : Alors... J'y pensais aujourd'hui hein... parce que justement je pensais à l'entretien de ce
soir, et... euh... une patiente... Alors je sais pas peut être que c'est hors cadre, c'est une
patiente pour un sevrage alcoolique. Alors euh... bon c'est pas de la psychiatrie lourde, c'est
des choses qu'on voit quand même... très fréquemment au cabinet... Et qui avait arrêté son
traitement anxiolytique et qui a rechuté et qui revenait en rechercher... parce qu'elle sentait
qu'elle en avait vraiment besoin et que... Elle avait arrêté trop tôt et que.... Donc elle avait un
antidépresseur et un anxiolytique prescrits par un psychiatre après une période de... où elle
avait eu un sevrage à la clinique psychiatrique et puis bon tout allait bien, elle a tout arrêté.
Et puis évidemment là, elle arrive en disant « ben, ça va plus ! » Donc. Je sais pas si ça fait
partie de votre cadre hein... peut-être parce que eux c'est vraiment je pense des personnes
qui ont besoin d'une prescription chronique. Alors après... faut s'entendre sur ce qu'on
appelle chronique. C'est au delà de combien ? Parce que vous vous êtes sûrement plus au
courant que... moi je... j'ai pas fouillé dans les recommandations de l'HAS et autres... est-ce
que c'est plus de 3 mois ? Moins ? Voilà bon ça... Voilà. Peut-être que vous avez une
réponse à me donner ?

Q : Alors nous effectivement on s'intéresse aux prescriptions sur des prescriptions qui durent
généralement plus de 3 mois... sur des prescriptions de plusieurs mois voire plusieurs
années... Et c'est vrai que la situation de sevrage alcoolique c'est peut être une situation qui
est un petit peu particulière quand même…

R : Hum hum.

Q : Donc on s'intéresse un peu plus en priorité à l'anxiété et l'insomnie en médecine


générale, c'est vrai que le sevrage c'est une situation un petit peu particulière vis à vis de
notre travail...

R : D'accord. OK. Bon ils sont très anxieux quand même mais on est d'accord, c'est pour ça
que... je savais pas. Autrement euh... Après euh... les chroniques... Tout à l'heure j'ai
prescris un anxiolytique en disant... en parlant... à la prescription, en disant que dans 15
jours, il fallait qu'on l'arrête. En disant à la prescription, on envisage déjà la fin du traitement
ce qui... ça paraissait un peu bizarre mais la patiente était tout à fait d'accord pour justement
ne pas rentrer dans une chronicité. C'était une période de stress aigu dans le cadre de son
travail et c'était associé à un arrêt de travail aussi pour qu'elle puisse se... se requinquer on
va dire... Mais euh... pour éviter justement cette chronicité je pense que c'est important
d'aborder cette question à la prescription. Euh... bon après c'est sur que on a tous des papis
et des mamies qui ont... chez qui on renouvelle... pour eux c'est le petit somnifère mais c'est
plus pratique, parce qu’ils ne viennent pas tous les mois, mais tous les 3 mois mais qui sans
ça... c'est quasi impossible à arrêter enfin.... Ils auraient un placebo que ça marcherait
sûrement aussi bien, mais y'a une dépendance psychologique à ce genre de molécules qui
fait que... qui nous demande énormément d'énergie pour leur dire : « ça serait quand même
bien de... d'arrêter... » Mais... On essaie de temps en temps : « Est-ce que vous en avez
vraiment besoin ? Est-ce que vous pouvez vous en passez ?" D'en faire un jour sur deux,
d'essayer de diminuer.... Bon.... Voilà c'est pas simple hein <rires>. C'est un boulot quoi,
mais c'est pas simple de faire passer le message. Alors. Y'a eu des campagnes en disant :
« Attention, ça fait perdre la mémoire ! ». Alors ça, ça les fait un peu stresser donc... ils
essayent... ils essayent un peu mais.... Donc euh... c'est... au niveau des anxiolytiques... je
117
dirais que c'est quand même beaucoup des personnes âgées quand même qui sont
vraiment très dépendantes de ça.

Q : Ouais.

R : Je pense que les jeunes sont plus inquiets, ils ont moins envie d'avoir la petite drogue
pour dormir quoi... Bon y'a toujours des catégories hein... on a des patients... On a des
patientèles très différentes donc... Bon moi, globalement, j'ai pas forcément une population
très demandeuse de ça mais euh...Voilà.... Euh... Vous pouvez me rappeler la question ?
<rires>

Q : Oui, mais c'est ça, c'est exactement ça, c'est un peu votre... votre ressenti, votre attitude,
donc vous parlez quand même d'une situation qui n'est pas simple quoi ?

R : Ah ben ça, c'est sûr, oui. C'est ... Euh... Oui. Que ce soit avec des « benzos » voire avec
des somnifères, y'a des gens dépendants et ils viennent chercher leur drogue quoi... ça c'est
clair. Et puis, euh y'en a plein qui ont pas envie de se reposer la question. C'est pour ça que
je pense que c'est important à la prescription de leur dire que faut... c'est qu'un passage
quoi, faut se fixer.... voilà une durée courte de traitement. Mais des fois, les situations
compliquées perdurent et bon, ben, c'est une bonne aide pour qu'ils arrivent à se lever le
matin pour quand même aller bosser, bon. C'est pas... y'a plein de choses multifactorielles.
Entre celui qui va pas, est-ce que ça vaut mieux de le mettre en arrêt de travail euh... ou lui
donner un... un anxiolytique pour qu'il puisse à peu près dormir et être au boulot le
lendemain. C'est un poids économique aussi. C'est.... Et des fois, ça se pose en ces termes
hein... C'est pas une vue de l'esprit, ça. Voilà. Euh... Pas simple oui.

Q : Très bien. Justement vous dans votre pratique quotidienne, comment cette question du
renouvellement va arriver pendant la consultation, comment vous allez prendre ce problème
là pendant la consultation ?

R : Alors ça, j'avoue que je comprends pas trop...

Q : Comment ça se pose, est-ce que généralement c'est vous qui évoquez la question ou
est-ce que c'est des demandes qui viennent plutôt du patient...

R : Ah. Ça vient plutôt de moi, ça c'est clair, c'est plutôt moi. Après, soit je … <rires> Bon, y'a
des gens qui veulent pas en entendre parler, après bon, c'est quand même moi qui prescrit...
mais bon, si c'est pour qu'ils fâchent, ou qu'ils disent : « Ecoutez moi, dans 2 jours, je suis là
parce que j'arrive pas à dormir ! » Donc... Euh... J'évoque le... le sujet... mais en même
temps, j'essaie de convaincre de l'enjeu. Je dis ça, j'y passe pas non plus un quart d'heure...
ça je veux dire... ça pourrait peut-être mériter plus, on est d'accord, mais il n'empêche que
faut qu'on avance quoi... des fois on on ... Je pense que pour ceux qui sont dans un schéma
de chronicité, il faut qu'on en parle régulièrement. C'est comme quelqu'un qui fume en
disant : « bon, quand est-ce que vous envisagez d'arrêter ? » Euh... ça… C'est des petites
graines qui germent, et puis, ils se sentent prêts à un moment donné donc... il faut qu'on...
on lance le bouchon, mais il faut qu'ils soient partenaires, parce que c'est eux qui l'avalent et
c'est eux qui auront les signes de dépendance, quand il y en aura plus donc... enfin faut
qu'ils soient vraiment partie prenante donc euh. On l'aborde, mais forcément on force pas.

Q : Et donc justement c'est difficile pour vous de pas aller dans le sens du patient ? Quand il
ne veut pas forcément entendre votre discours, ou qu'il n’est pas forcément du même avis ?

R : Ah ben, ça euh... Ca dépend un petit peu de la chronicité mais... Ouais. Des... des
mamies qui ont… 75 ans… 80 qui disent : « Ecoutez, ça fait 20 ans que je prends ça, bon ! »

118
Point barre quoi ! Elles ont pas du tout... elles sont pas réceptives euh... Même si je leur dis :
« Ecoutez, c'est pas bon pour votre mémoire... ». Bon... Y'a eu un dialogue, je pense que
c'est important, mais ça euh... ça peut porter des fruits... pas pour les 3 mois d'après, mais à
un moment, il y aura un retour mais... c'est pas forcément dans l'immédiat et... bon moi, dans
mon fonctionnement médical, j'ai pas non plus... je travaille rarement en force. J'essaie plutôt
d'avoir l'accord et le consentement éclairé du patient pour qu'il adhère au traitement plutôt
que pousser une grande gueulante mais... Voilà. Chacun fonctionne différemment, je sais
pas si c'est moi qui suis le plus efficace, mais moi, je sais pas fonctionner en gueulant donc...
voilà c'est comme ça, quoi (Rires). Mais, mais y'a des patients chez qui ça marchera mieux,
en leur disant... enfin il faut leur rentrer dans le chou, quoi ! Voilà. Ça c'est un peu, on essaie
un petit peu avec nos armes, hein... avec chacun ses armes...

Q : D'accord, justement, est-ce qu'il y a des facteurs que vous connaissez de vos patients ou
de leur mode qui vont influencer un peu votre décision ? Des choses qui font que vous allez
plus facilement renouveler ou pas … des choses qui tiennent au patient ou à son mode de
vie ?

R : Là, j'ai du mal à comprendre la question...

Q : Si par exemple vous avez un patient qui est sous benzodiazépines au long cours, qu'est-
ce qui va faire que vous allez le renouveler ? Qu'est-ce qui va faire que vous allez renouveler
le traitement ?

R : Ben si la situation initiale... l'anxiété qu'il y avait au départ, elle perdure, déjà. Ça, euh, ça
c'est important. Bon, et puis, après y'a les psychiatriques lourds. Eux quand ils sont bien
équilibrés, on a pas trop envie d'y toucher. Quand ils sont trop mal, ils savent que... Enfin je
sais... Enfin... Euh... Les anxiétés chroniques... ça, ces prescriptions « benzo » comme ça, j'y
vois surtout dans le schéma, la « benzo » le soir pour dormir. Parce que ceux qui en
prennent dans la journée, ils arrivent plus facilement à s'en sevrer, parce qu’ils sentent qu'ils
en ont moins besoin et... C'est plutôt le petit somnifère des personnes âgées... C'est une
génération dont... On écope un peu le boulot des anciens médecins et de toute une
génération. Enfin, mais bon, j'aurais peut-être fonctionné comme ça aussi, hein à l'époque...
Mais euh... Il faut qu'on essaie... Et là, on a du mal à retourner en arrière, ça c'est clair. Sans
ça c'est... leur vie s'arrête quoi, ils se sentent tellement accros et ça... je pense que les petits
jeunes ont peur de ça, donc je sais pas si... Alors bon, j'ai pas du tout les « stats » sous les
yeux, on a qu'une vision de petite lorgnette dans nos cabinets, mais est-ce que c'est... est-ce
que les jeunes sont très accros, sont très chroniques. Est-ce que ça peut être déterminé en
fonction de leur âge cette chronicité ? J'ai pas les chiffres, peut être que vous vous les avez,
mais... dans ma patientèle, c'est plus un problème de personnes... âgés, on va dire. Donc
eux, on a vraiment du mal... dans le cadre du traitement anxiolytique... Enfin, c'est vraiment
pour eux, c'est le somnifère quoi. Point barre quoi. Et même de changer de nom, de prendre
un à demi-vie plus courte ou autre, et ben on a toutes les peines du monde. Mais ça, ils ont...
ils sont accros et ils veulent pas le changer quoi. Même si on leur explique que ça peut faire
le même effet avec moins d'effets indésirables mais c'est...

Q : C'est difficile de faire passer le message ?

R : C'est difficile.

Q : D'accord. Et donc justement vous, d'après votre expérience, qu'est-ce que vous avez
comme constat sur le rapport bénéfices-risques sur ces prescriptions qui sont déjà en place
depuis longtemps ? Qui durent depuis plusieurs mois, voire plusieurs années ?

R : Ben, écoutez, à partir du moment où elles sont chroniques, c'est vrai que... euh... sans

119
ça, ils dorment rien, ça qu'on soit bien d'accord. Donc je pense pas que ce soit vraiment
bénéfique (insiste sur le mot) pour la santé de ne rien dormir ou de dormir 2 heures par
nuit... après ils sont complètement décalqués quoi et ça... Ca n'améliore pas pour autant la
mémoire. Alors bien sûr, qu'on sait qu'il y a des effets indésirables sur la mémoire, sur la
vigilance, la conduite et tout... Ok. Mais voilà euh... De ne pas dormir, c'est pas bon non plus.
Parce que du coup, y'a énormément d'anxiété dans la journée, de stress et de tensions et...
bon voilà. Alors moi, j'ai pas envie de .... Rapport bénéfices-risques… Euh je pense qu'il est
pas si mauvais que ça parfois. Enfin... je veux dire, je suis pas aussi tranché que Prescrire
qui dit qu'il faut tout jeter à la poubelle. Voilà c'est... c'est bien gentil, mais ça, c'est dans des
bureaux, quoi ! Dans la vraie vie, c'est pas forcément... Moi je pense qu'il est important que
les gens dorment donc... euh... Après c'est... Après moi, j'incite les gens à trouver d'autres
moyens. J'essaie de travailler plus en amont sur les jeunes, les anxieux : « Allez courir. Faire
de la « sophro », de la relaxation. Prenez un bain. Enfin essayez de trouver d'autres moyens
pour gérer votre anxiété que quelque molécule chimique… » mais, euh... Moi, ce que je
veux, c'est que les gens ils dorment, parce que ça je pense que c'est important. Voilà. Et je
parle toujours de la « benzo » plus dans le cadre somnifère. L'anxieux dans la journée en
phase problème aigu, des bouffées de stress tout ça bon... ça rentre moins dans cette
chronicité.

Q : D'accord. Justement vous l'avez déjà un petit peu abordé, on s'intéressait aux
alternatives, qu'est-ce que vous pouviez proposer en alternatives à ces traitements ? Donc
vous avez déjà pas mal de choses, est-ce que dans votre pratique vous arrivez à utiliser tout
ça ?

R : Oui oui, bien sûr. Aussi un truc que j'ai trouvé très intéressant, c'est la lecture. Beaucoup
plus que les tablettes ou les ordis. J'ai vu une étude comme quoi la tablette ou ordi stimule
beaucoup plus le cerveau par la lumière bleue enfin... Qui vous maintient éveillé, alors qu'un
bon bouquin au bout de 3 pages vous pliez tout quoi <Rires>. Donc euh... C'est des petites
choses, on peut leur... qu'on peut leur conseiller, c'est apprendre à gérer son stress. Au
quotidien. Toute la journée. C'est euh... Maintenant y'a des stress majeurs, un deuil, une
perte d'emploi, une séparation... des choses euh... qui... bon les gens, ils ont besoin de
dormir, quoi. Sinon... ils font plus les choses comme il faut quoi, ils ont plus les yeux en face
des trous et... Bon ben, là, on peut les aider... ponctuellement. Mais je pense que c'est pas
eux qui rentrent dans le cadre de la chronicité. Eux ils savent que c'est de la chimie, qui est
pour quelques jours pour se remettre les pendules à l'heure pour pouvoir... pour recadrer le
sommeil, mais euh... Moi je... Moi je fais de la médecine du sport, je les incite au maximum à
pratiquer une activité physique sportive, à se défouler, à sortir. Mais même les ados, les
gamins, je leur dis : « Mais, on vous apprend les maths et le français, il faut apprendre à
gérer votre anxiété. L'anxiété, on en a tous les jours, toute notre vie, il faut que vous
appreniez autrement qu'avec des médicaments. » Donc euh... Bon alors, bien sûr, moi, je
parle toujours du sport en premier, parce que voilà, c'est quelque chose que je pratique et
que j'ai envie de faire partager. Mais après, il faut aussi que je le transpose, les gens qui
aiment pas le sport, ça va pas calmer leur anxiété, mais y'a aussi la musique, le fait de
prendre un bon bain... D'avoir un moment pour eux pour faire relâcher. Et prendre le temps
de... La respiration quoi. La sophrologie et autres... Prendre conscience de... oui d'un bien
être et de... la relaxation. Voilà, ça c'est des choses que je peux proposer.

Q : D'accord. Et justement, est-ce que des fois vous rencontrez des difficultés ou des
résistances pour utiliser tous ces moyens là ?

R : Ben, ça arrive oui. Comme parfois je peux inciter à voir un psychologue aussi pour
apprendre à .... à régler d'autres problèmes quoi. Parce qu'aussi, quelque part, on parle de
chronicité, donc il peut y avoir quelque chose depuis... Y'a peut être des choses à résoudre
hein sinon... Y'en a qui ont des soucis... Donc ça c'est une piste aussi... Vous pouvez me
rappeler la dernière question c'était ?

120
Q : Oui, c'est ça vous m'avez beaucoup parlé de toutes les méthodes alternatives que vous
utilisez et je vous demandais si parfois c'était difficile pour vous, est-ce qu'il y a des patients
plus difficilement accessibles, est-ce qu'il y a des choses plus difficiles à mettre en place et
pourquoi ?

R : Ben, moi je leur donne un certain nombre d'outils, je leur donne une caisse à outils avec
plein de choses dedans, et puis après, ben les « benzos » peuvent en faire partie, mais en
leur disant, faut... faut que ce soit le moins longtemps possible. Mais ça... On y arrive, mais
avec des jeunes. La mamie de voilà...qui est arthrosique jusqu'au bout des ongles, bon... qui
a toujours été anxieuse, qui a toujours besoin d'un os à ronger, parce que bon... ben, elle...
y'a toute une vie, y'a tout un passé qui... Là j'ai plus de mal à faire passer ce message, c'est
évident... j'ai sûrement beaucoup plus d'échecs à ce niveau là, c'est sûr...

Q : D'accord. Donc vous disiez que c'est une situation parfois difficile, est-ce que vous y'a
des mesures qui vous paraitraient utiles pour aider les généralistes dans leur pratique
quotidienne pour euh... pour répondre à ces difficultés ? Est-ce qu'il y a des choses qui vous
viendraient à l'esprit ?

R : Hum... Non, comme ça, non. C'est sûr quand on voit un peu d'info, moi ce qui m'agace
toujours, c'est d'entendre quand : « Ouais, la France prescrit trop euh... d'anxiolytiques et
d'antidépresseurs, mais en même temps, y'en a toujours aussi qui sont pas soignés, donc
euh... je crois qu'on parle pas des même sujets, donc ça m'agace un petit peu, mais... C'est
sûr que quand on en entend parler, que ça donne des troubles de la mémoire c'est quelque
chose qui les angoisse, donc ils sont peut être enclins à essayer d'arrêter... Moi, je pense
que... En moyen d'action, je vois pas trop... J'ai pas forcément besoin de support particulier
voilà, pour expliquer, bon..., c'est à nous d'être convaincants... Ouais... Bon... Des cours de
relaxation à l'école, pourquoi pas <Rires>. Mais bon, y'a beaucoup de choses à faire à
l'école <rires>

Q : Très bien, on arrive à la fin de l'entretien, est-ce que vous avez des choses à ajouter sur
le sujet ?

R: Ben, écoutez non, pas pour l'instant maintenant, si vous avez des soucis vous pouvez me
rappeler, si vous avez des points que vous aimeriez connaître, où je n’ai pas été assez
claire, mais moi... j'ai dit à peu près ce que j'avais à dire.

< Fin >

121
Entretien N°10 (M10)

Q : < Lecture de l’introduction > Si je vous demande de vous remémorer des situations où
s’est posée la question d’un renouvellement ou non d’une de ces prescriptions de
benzodiazépines que vous aviez identifié comme chronique, donc au-delà de trois mois,
comment cette question du renouvellement a été abordée ou non pendant la consultation ?

R : Hum hum … Je crois que … Je dirais que … heu que, avec un certain nombre d’années
d’expérience … ou de recul, du moins, j’ai 35 ans de cabinet … heu… on ne se fait pas trop
d’illusions. Voilà, on va dire comme ça. On ne se fait pas trop d’illusions sur l’idée qu’on peut
s’en passer au-delà d’un certain délai et selon certaines personnalités… selon certains états
de santé mentale. Voilà, je dirais que ... à partir du moment où ça a duré, c’est que … c’est
qu’il y en avait besoin. Après la question de … je ne sais pas si après vous abordez la
dépendance et …. Et ben heu… la dépendance, je pense qu’elle est certaine. Par contre,
l’accoutumance, j’ai du mal à y croire.

Q : D’accord.

R : C'est-à-dire qu’il y a suffisamment de personnes, souvent âgées, qui prennent depuis des
années la même dose et qui sont satisfaits comme ça et qui n’ont jamais demandé à
l’augmenter.

Q : D’accord.

R : Donc en résumé, je ne me fais pas trop d’illusions et quand il m’est arrivé d’en parler, de
sensibiliser à l’idée qu’ « il faudrait peut-être, un jour … » et ben, ‘’puf’’ < signifiant « aucun
effet » >. A quelque chose près, à part sauf quand ça correspondait des tranches de vies où
il y avait besoin, et qu’après la tranche de vie s’améliore… là, ça se fait tout seul. Ça s’arrête
tout seul. Sinon, ce n’est pas la peine de se battre !

Q : D’accord. Est-ce que concernant ces mêmes situations, en fait, vous avez une attitude
ou une ligne de conduite que vous vous donner dans ces situations là en tant que médecin
généraliste ?

R : Une ligne de conduite ? Non. Je ne pense pas, non. Je pense que, régulièrement, je me
dis… je reparle de « est-ce que c’est toujours nécessaire, mais heu … je ne suis pas du tout
dans une démarche de … mettre en place un protocole de sevrage. Parce que là,
franchement, je me fais aucune illusion.

Q : Donc, finalement le sevrage, c’est quelque chose que … qui, pour vous, c’est difficile ?
Ou vous vous dites : finalement y a même pas lieu de finalement trop l’aborder parce que
vous ne faites pas d’illusions sur la situation, c’est ça que je comprends ?

R : L’illusion, ce n’est pas l’illusion que ça (NB : le sevrage) ne marche pas et qu’on est
dépendant. C’est l’illusion qu’il y a besoin de quelque chose. Et si c’est pour sevrer une
benzodiazépine pour mettre autre chose, autant avoir une benzodiazépine qu’un
neuroleptique, par exemple. … par rapport aux avantages bénéfiques/risques. Si c’est pour
remplacer l’un par l’autre, non. Si c’est… je ne sais pas si l’idée … mais je ne crois pas qu’il
y ait une quantité importante de gens, contrairement à ce que les recommandations laissent

122
croire, en culpabilisant les généralistes, qui n’y arrivent pas parce que les spécialistes n’y
arrivent pas mieux, euh… que y a moyen de se séparer d’un produit qui donne satisfaction,
qui n’a pas autant d’inconvénients qu’on veut bien le dire… au niveau santé, au niveau
chutes, tout ça, faut pas exagérer non plus.

Q : D’accord.

R : Ce qui est mis en avant, je crois qu’il y en a une partie qui … qui correspond… je ne sais
pas quels experts ont pondu ça, mais ce n’est pas ceux qui travaillent sur le terrain,
manifestement.

Q : D’accord. Effectivement, on va après y revenir... Juste un peu plus tard… Du coup,


comment vous ressentez ces situations ? C’est des situations en pratique de médecine
générale qui vous posent des difficultés ou pas du tout ? Comment vous les vivez ces
situations là ?

R : ah, bah, du coup, ça ne me pose pas de difficultés puisque je me dis … je suis un peu
dans le fatalisme ! J’en ai pris mon parti, voilà. Je pense qu’on a plus intéressant à faire, que
de vouloir s’acharner à tout prix, sans en être convaincu, que ça sert quelque chose.
(Silence)

Q : Hum, du coup…

R : Quand je dis ça, c’est que ça m’intéresse plus de parler d’entretiens « psycho-quelque
chose » qui peut amener à être mieux dans sa peau et à ne plus en avoir besoin. Mais
chimiquement s’acharner pour des raisons … y faut mettre quelque chose en remplacement
… d’ordre psychologique… mais comme tous les sevrages, toutes les dépendances…
l’alcool, c’est pareil.

Q : Et du coup, ça, comment vous arrivez à le mettre en place éventuellement avec le


patient ?

R : Ah, bah, en prenant le temps de parler. De la situation personnelle, familiale… et


psychologique.

Q : Et est ce qu’il y a d’autres éléments qui vous semblent nécessaires pour mettre ça en
place ? D’autres éléments … autour du patient, dans son environnement… pour enclencher
un processus de sevrage ?

R : Oui. C’est … l’avantage du généraliste qui… là, on parle de patients chroniques, donc
qu’on connaît depuis un certain temps, que … ça, en principe, le contexte, on en a
connaissance. Donc pour tout ce qui est familial… travail… retraite, n’importe, problèmes
d’argent, problèmes de … je sais pas quoi… tout ça, voilà ! Y a quand même pour tout le
monde dans la vie des choses qu’on ne peut pas changer et auxquels il faut s’adapter. Et les
moyens d’adaptation de chacun ne sont pas forcément au top, enfin ils ne sont pas … on
n’est pas forcément égaux !

Q : D’accord. Donc ça rejoins en miroir…

R : <coupe> … Comme si c’était une résilience, c'est-à-dire, voilà. On peut dire, on se fait
aider, on peut avoir l’idée de se dire « là c’est trop dur, je prends quelque chose » genre
benzodiazépine, qui va m’atténuer mes … mon mal-être passagèrement. Puis quand ça ira
123
mieux, je m’en passe. Et puis après, on peut s’incruster là dedans… Et pérenniser.

Q : D’accord. Donc ce sont…

R : <coupe> … Je mets peut être tout en vrac, mais je suis en train de penser à ma façon de
faire dans les premières prescriptions. D’abord, il y en a peu. Et ensuite… j’insiste d’emblée
sur le fait d’en prendre tous les jours au-delà de quelques semaines, ça peut rendre
dépendant. Donc, par exemple, quand c’est pour … diminuer l’angoisse qui empêche de
dormir le soir… heu… se réserver 3 – 4 nuits correctes dans la semaine, mais pas tous les
jours, tous les jours… c’est favorable à pouvoir s’en passer plus facilement un jour. Voilà.

Q : D’accord.

R : C’est comme boire un bon coup une fois par semaine, et boire tous les jours.

Q : Hum hum. Donc du coup, effectivement, tout à l’heure, on avait une question qui
rejoignait ce que vous me disiez, donc, heu … finalement c’est votre connaissance du
patient qui vous permet de définir si vous allez vraiment ou pas renouveler ou pas la
prescription. Ces éléments que vous m’avez cités … qui rentreraient en ligne de compte…

R : Puis le contexte, c’est aussi la personnalité, avec ses capacités… Et ces capacités aussi
de parler, de mettre en mots, de prendre des décisions… de rester, de s’installer dans un
équilibre qui n’est pas forcément celui que nous on souhaiterait mais … lui ou elle non plus.
Mais, après, on peut, on peut pas. Y a des gens qui ne peuvent plus, comme je dis parfois.
On ne peut plus, on fait comme on peut !

Q : D’accord. Et si on revient aux situations que vous évoquiez, que vous vous remémoriez
de consultations… pour vous, vous aviez l’impression que la demande de renouvellement,
c’était quelque chose qui … qui venait spontanément, qui était implicite, explicite ? A quel
moment ça vient ? Voilà, comment globalement ça se passe ?

R : Heu, quand c’est ancien, c’est rare que ce soit un médicament sur une ordonnance
unique, donc il y a une ordonnance chronique. Et heu… dans laquelle il y a des
tranquillisants : la benzodiazépine. L’anxiolytique. Donc, heu… je pense que je fais assez
régulièrement, je pose la question : «Est ce qu’il y a toujours besoin ? Est ce qu’on peut
envisager de le diminuer ?» etc. Et puis, quasiment systématiquement, c’est : « ah, bah, j’ai
bien essayé mais … je ne dors plus rien » ou … Ce n’est pas qu’il n’y a pas eu d’essai du
tout.

Q : Oui.

R : Je pense que … en tout cas, mes patients, pour ça, je pense être globalement peu
prescripteur… de médicaments tout court, et de psychotropes, tout confondus, pensant que
la parole est bien plus importante que le reste… voilà, mais ça c’est personnel. Mais …
donc, je voulais dire quoi … que … étant peu prescripteur, je discute beaucoup … la
prescription.

Q : D’accord.

R : J’essaie toujours à chaque fois, surtout les chroniques, qui ont des grandes
ordonnances, de dire : « qu’est ce qu’on pourrait supprimer ? ». Et là, plus ça va, plus … bon
moi, je suis à trois ans de la retraite … mais mon idéal serait de finir avec des ordonnances
124
où il n’y a rien.

Q : Ouais.

R : Et comme on doute beaucoup de plein de choses, y compris dans des domaines


beaucoup plus … « organes »… Les derniers articles sur le diabète… plein de trucs, on se
dit, finalement qu’est ce qu’on fait ?

Q : Et justement, en venant sur ce terrain là, donc toujours dans le même cadre de l’anxiété
et de l’insomnie chronique, qu’est ce que vous pensez du rapport bénéfices risques de cette
prescription de benzos qui est devenue justement chronique ? Quels sont les constats que
vous faites ? En fait, derrière la question, quels sont les constats que vous faites en pratique
par rapport aux effets indésirables et à l’efficacité de la molécule ?

R : Heu… je dirais que … je cherche vainement tous les inconvénients majeurs qui sont
décrits par des constats d’experts… Je cherche en vain <insiste>… d’attribuer, de faire un
lien direct avec bêtement on dit les chutes chez les personnes âgées. Bon, ok, les chutes…
<sans conviction dans sa voix>. Y en a suffisamment qui chutent sans avoir de benzo, je ne
sais d’où ils vont tirer leurs statistiques, moi j’aimerais bien voir. Après … heu… surtout
quand on en prend depuis longtemps et qu’on y est habitué… après quels autres effets
secondaires ?

Quand on dit attention les sevrages, il ne faut pas les arrêter d’un coup, ça va convulser…
Jamais vu. Trente cinq ans, jamais vu. D’accord. D’où on a pondu ça ? Après si c’est des
spécialistes en milieu hospitalier pour des cas particuliers de gens qui ont des … posologies
importantes, ce n’est pas de la médecine générale ! On extrapole souvent, dans ce domaine
comme dans d’autres, les recommandations de consensus ou d’experts, on l’extrapole à la
médecine générale sans … sans un minimum de recentrage par rapport à la réalité des
choses.

Q : Hum hum, je comprends.

R : Par exemple. Il y a des choses qui sont non chiffrées qui sont des évidences, tellement y
en a.

Q : D’accord.

R : Donc… heu … bon… Les personnes très âgées qui sont encore avec des … un produit
tous les soirs pour dormir, genre 80 – 90 ans, qui ont ça, je ne vois pas pourquoi on
s’emmerderait à les embêter s’ils en sont satisfaits et qu’ils n’y a d’effet secondaire… ou du
moins, pas ceux qu’on attribue. En plus, la prescription initiale date d’une époque où j’étais
étudiant… heu … c’est une époque aussi où ces produits sortaient sur le marché et étaient
sur-prescrits. Donc quelque part, on se réveille 30 ou 40 ans après en disant « Ouh la la !
C’est dangereux ! etc ». Presque même une manière de dire que si … si le médicament
demanderait son AMM maintenant, elle ne serait pas accordée. Enfin… On exagère
beaucoup de choses ! Au sujet des benzos ! Je ne parle pas de plein d’autres choses. On
reste bien dans les benzos là ?

Q : Oui oui.

R : Parce que d’autres équivalents, je ne suis pas d’accord. Du… non plus. Je pense qu’il y a

125
des produits …

Q : Lesquels ?

R : En vente libre, il y a le Donormyl® en pharmacie. Donormyl®, c’est un anti-H1. C’est un


scandale. C’est un scandale, c’est un neuroleptique. Voilà. Et c’est en vente libre.

Q : Et dans les autres alternatives, ce qui est … enfin, on en rappellera peut être oui tout à
l’heure… ou bien … Mais justement, sur la question des alternatives en médecine générale,
que vous utilisez ou qui vous semblent utilisables … ?

R : alors, en allopathie médecine générale ?

Q : Alors, c’est vrai aussi bien en allopathie que…

R : Parce que je fais de l’homéopathie depuis … depuis 30 ans, en plus. Voilà. Je


m’intéresse beaucoup à parler. Donc le mot psychothérapie peut paraître pompeux, mais je
pense qu’assez souvent, c’est bien ça qu’il se passe. Sans être prétentieux. Heu, donc voilà,
y a ça.

Dans les premières demandes, c’est presque toujours, je propose et les gens adhèrent à
une recherche d’homéopathie. Après c’est sur qu’il m’arrive de prescrire des choses que je
considère plus comme des placebos, mais les placebos c’est très utile, genre l’Euphytose®
et toutes ces choses là.

Q : D’accord. Et donc ça rejoins la question qu’on avait commencé à aborder, parmi ces
alternatives, est ce qu’il y en a certaines au contraire qui vous paraissaient plus
critiquables ? Ou alors difficiles à développer en pratique parce que… parce que c’est
difficile à mettre en place ?

R : Heu … je ne vois pas bien à quoi vous faites allusion… En parler, c’est facile à mettre en
place ! Il suffit que les gens soient d’accord. S’ils ont vécu un truc difficile récent, ça va
jamais conduire à des prescriptions chroniques. Mais s’ils sont partants, on discute … Je ne
sais pas, on peut prendre un rendez vous une fois par semaine pour discuter… (Hum hum…
d’accord) … et passer le cap ! Heu, mais sinon je ne vois pas ce qu’il y aurait de discutable ?

Q : Non, non, pardon, pas de discutable. Ce n’était pas le bon adjectif. C’est plutôt, quels
sont les freins à la mise en place de ces alternatives alors ? Les limites que vous pouvez
rencontrer avec les patients ?

R : Ah ben, y a quelques patients qui disent : « Hé… moi, il me faut du costaud, allez
y d’emblée ! » « Un vrai médicament ! » Bon, ben, ces gens là, on ne discute pas parce que
… si on résiste et qu’on perd du temps à discuter, ils vont aller le chercher ailleurs. Je ne
vois pas l’intérêt. Il vaut mieux garder le contact. Mais globalement, la tendance, je trouve en
tout cas, au fil des années, c’est plutôt de commencer par du « soft ». C'est-à-dire l’image de
l’homéopathie, ou les plantes. C’est souvent mélangé dans la tête de plein de gens. A un
pourcentage important, ils y sont favorables. Après la parole, ça c’est une autre histoire. Ça,
c’est… y a quand même beaucoup de gens qui ne sont pas prêts à venir parler.

Q : Oui.

R : Et heu… quelque chose que je n’ai pas forcément fait beaucoup en début d’exercice,

126
mais il fallait aussi … la bouteille et le bagage personnel … c’est de proposer et d’écouter
parler. Et heu… ça, les gens qui ont vécu des choses douloureuses, où on sent très bien
qu’il faudrait… ils auraient surement bénéfice à faire une psychothérapie auprès d’un psy…
mais ils ne sont pas prêts à voir un psy, ou ils ne veulent pas, ont un blocage là-dessus… et
ben, la proposition d’écoute d’un généraliste peut … c’est souvent, il me semble, assez bien
acceptée... et c’est aussi éventuellement une façon intermédiaire de conduire à un vrai psy
après. Pour ceux qui en ont besoin. Pour ceux qui en ont vraiment besoin. Ça permet … de
lâcher le blocage.

Q : D’accord.

R : Que ce soit dit ou pas dit, ils se rendent très bien compte que de venir parler, c’est ça.
Par petits bouts de ça. Ça peut commencer tranquille avec quelqu’un de confiance qu’on
connaît, parce qu’on se connaît pour d’autres choses. Puis ça peut conduire à prendre cette
… à avoir cette prise de conscience qui … permet de s’autoriser à aller voir le psy après.

Q : Hum d’accord. Je reviens tout à l’heure sur ma question quand j’avais dis les alternatives
qui vous paraissent critiquables, c’était plutôt des alternatives qui pour vous, soit ne
marchent pas, soit … que vous n’utilisez pas parce que vous vous dites ça, ça me sert à rien
… puis voilà. Je ne sais pas si vous avez des choses comme ça à évoquer dans votre
pratique ?

R : Non, moi j’utilise … qui ne marchent pas, je n’en sais rien. Intellectuellement, je pense
que c’est difficile de dire cela, parce qu’on ne saura jamais y compris pour les benzos à
petites doses, quel est l’effet du produit réel et l’effet du placebo et du fait d’en avoir parlé
pour avoir leur dose. Exactement comme les antidépresseurs. Actuellement, les anti …
enfin, c’est hors sujet, mais ça m’intéresse beaucoup, les antidépresseurs courants à doses
prescrites chez des gens qui travaillent… heu, c’est écrit… c’est des placebos ! Ça n’a une
efficacité quasiment que à forte dose, pour des gens qui ont … qui ont pas un mal être, mais
une vraie dépression. Par contre, le fait de venir en parler pour avoir l’ordonnance… et ben
ça, c’est un réel effet… psychothérapeutique… et après, on dit placebo pour le médicament.
Mais bon, ce n’est pas placebo. Enfin, c’est les deux.

Q : D’accord.

R : Donc les benzos, ça aussi. Les benzos, c’est un peu ça aussi. C’est selon si c’est prescrit
vite fait « tiens, ah vous dormez pas, je vous ai rajouté un truc. » ça ne va pas du tout avoir
le même effet que d’en avoir parlé, expliqué comment on le prend, la possible dépendance,
etc.

Q : Hum hum. D’accord. Est-ce que de manière, plus large, il y a des choses qui vous
paraitraient utiles à mettre en pratique en médecine générale pour, entre guillemets, aider
certains … les généralistes qui perçoivent des difficultés dans leur quotidien face à ces
problèmes de prescription, est ce que vous voyez des choses qui pourraient les aider ? ou
qu’ils seraient utiles de mettre en pratique face aux renouvellements chroniques de benzos ?

R : Heu, j’y ai pas réfléchi et comme j’y suis pas persuadé que ça sert à grand-chose, j’ai des
doutes, mais pourquoi pas faire un … pour que ce soit pratique et utilisable chez un
généraliste, c’est … c’est maximum deux petits questionnaires trois questions, quatre
questions, juste pour sensibiliser.

127
Q : D’accord.

R : Voilà. Et heu… je me dis que comme toutes les addictions, mettons qu’on puisse dire
que c’est une addiction quand c’est chronique, heu… y a l’étape d’en prendre conscience, y
a l’étape … d’en prendre un peu plus conscience, de l’étape de se dire « il faut que je fasse
quelque chose pour m’en passer », l’étape de chercher comment s’y prendre etc… et se
sevrer. Voilà.

Q : D’accord.

R : Bah un fumeur… j’ai toujours été étonné par rapport au fumeur… je pense que le
parallèle, il est surement… il est judicieux. Quelqu’un qui fume, il sait très bien que ce n’est
pas bon. Bon, tout le monde, d’abord 60% des médecins fument et 40% de la population.
Donc y a un truc qui déconne quelque part. C’est ceux qui sont le mieux informé qui fument
le plus. Donc comment faire croire à un patient etc … Ensuite, le simple fait, en croisant
quelqu’un fumeur, de lui dire : « c’est cette année que tu vas arrêter. » augmente de 10 à
15% les sevrages. Du simple fait de l’avoir dit. Donc moi je le dis à chaque « consult’ ». C’est
une petite manipulation positive, pas du tout malhonnête. Voilà. Et, heu… les millions qui
sont dépensés dans les campagnes et tout ce qui est fait jusque là, c’est résultat zéro. Faut
bien se dire un jour « faisons autrement… ». Mettons l’argent dans quelque chose d’autre.

Q : Hum hum. Très bien. Est-ce qu’il y avait autre chose sur cette thématique que nous
n’avions pas abordée, que vous auriez voulu qu’on aborde… ou ajouter, une remarque ?

R : Heu … non. Mais je crois que je l’ai dit autrement, c’est … je ne crois pas, je ne suis pas
sur, mais … il ne doit pas y avoir de benzo en vente libre ? Mais il y a des produits plus
dangereux, équivalents, que les pharmaciens vendent… et ça c’est super dangereux. Parce
que vendre des somnifères neuroleptiques sans ordonnance, à mon avis, c’est dix fois plus
dangereux que s’il y avait une benzodiazépine… en vente libre.

Q : D’accord, très bien.

R : ça fait que les gens qui n’ont pas leur ordonnance, ils vont aller s’acheter des trucs sans
ordonnance.

Q : Effectivement, d’accord. Bon, ben, si c’est bon pour vous, pour nous effectivement, on a
fait le tour des champs qu’on se proposait de balayer ensemble.

< Fin >

128
Entretien N°11 (M11)

Q :<lecture de l’introduction> Si je vous demande de vous remémorer des situations où s’est


posée la question d’un renouvellement ou non d’une prescription de benzodiazépines que
vous aviez déjà identifié comme chronique, c'est-à-dire au-delà de trois mois, cette question
du renouvellement, elle a été abordée comment dans la consultation ?

R : Comment j’ai abordé… Heu …

Q : Vous, ou le patient … voilà, comment c’est venu sur le tapis ?

R : D’accord, ben en général, je dirais que c’est plutôt moi en tant que médecin qui revoit
l’indication. Rarement les patients demandent d’eux même à arrêter. Ou alors ils l’ont déjà
fait par eux même. En général c’est le médecin qui pense à demander à l’occasion du
renouvellement, pour ma part en tout cas, où il en est à ce moment là, et éventuellement
demander de diminuer.

Q : Et du coup, par rapport au sevrage comment c’est éventuellement évoqué, par le patient,
par le médecin, comment ?

R : Bah, moi, spontanément je leur explique qu’il ne faut pas l’arrêter brutalement, qu’il
risque d’y avoir des syndromes de sevrage et que ça risque d’être un échec. Donc je leur
explique bien qu’il faut diminuer progressivement, à un certain rythme mais sous surveillance
médicale, surtout s’il y a plusieurs anxiolytiques associés. … Silence

<Problème technique, rupture de réseau >

R : Heu donc j’étais en train d’expliquer que je trouvais qu’en général ça venait plutôt de la
part du médecin, moins fréquemment de la part du patient. Et qu’à ce moment là,
j’expliquais les risques de faire un sevrage trop brutal. Voilà.

Q : Et du coup, concernant ces mêmes situations de renouvellement d’une prescription qui


était devenue chronique, donc au-delà de trois mois, comment vous êtes vous positionnée
en tant que médecin généraliste par rapport à cette prescription ? Concrètement, qu’est ce
que vous faites face à ces prescriptions ?

R : Face à une situation de renouvellement ?

Q : Ben … quelqu’un qui vient avec une prescription qui est chronique de « benzo », qu’est
ce que de manière générale vous faites ? Est-ce qu’il y a une attitude particulière … ou une
ligne de conduite ?

R : Heu … bah ça dépend si je suis le médecin traitant de ce patient là, ou pas. L’attitude
n’est pas la même si c’est un patient que je connais. « Pourquoi il a ce traitement là ? » : à
ce moment là, en fonction de la situation, dès que possible, je propose un sevrage. Par
contre, un patient que je vois occasionnellement… je vais peut-être lui en parler, lui
demander pourquoi il prend ce traitement là et … je l’invite à en rediscuter avec son médecin
traitant lors de son prochain renouvellement.

Q : D’accord. Et quand il s’agit des patients que vous suivez comme médecin généraliste,

129
est ce que l’incitation au sevrage… c’est quelque chose de systématique ? Est-ce qu’il y a
des profils différents de patients, des façons différentes de faire ?

R : Heu… oui, oui, certainement… Après ça dépend aussi de pourquoi je vois le patient. S’il
y a eu plusieurs problèmes autres à régler dans la même consultation, il se peut que je
n’aborde pas cette question là, et que je la prévois pour la fois d’après. Quand je propose au
patient d’arrêter, c’est parce que je pense, soit des prescriptions que l’on a renouvelé de
façon systématique et c’est l’occasion de remettre en cause ces traitements et d’envisager
un sevrage, ou alors, c’était que j’avais dit à ce patient là que ça serait temporaire et à ce
moment là, je vois avec lui pour qu’on débute la décroissance… avant le prochain
renouvellement.

Q : D’accord.

R : Voilà.

Q : Et d’une façon générale, comment vous ressentez ces situations ? Est-ce que c’est
quelque chose de banal, de difficile, ou au contraire, qui fait partie de la routine ?

R : Heu… Moi je trouve ça plutôt difficile. Parce que… surtout quand c’est des patients qu’on
prend en cours de route, dont on est le médecin traitant depuis peu et qu’ils ont déjà ces
prescriptions là depuis des années, c’est très difficile de leur faire entendre qu’on va leur
supprimer un médicament qui grâce à ça il passe de très bonnes nuits depuis des années. Il
y a beaucoup de refus de la part des patients. Enfin, moi c’est des difficultés que je rencontre
quand je souhaite arrêter ces traitements là. C’est des patients qui s’y opposent… C’est
toujours de la négociation… Je leur dis de diminuer et ils reviennent un mois après en
disant : « j’en ai plus … », donc on se retrouve coincé à devoir renouveler ce traitement alors
que … ce n’est pas ce qu’on voudrait faire dans la théorie.

Après des patients… les nouveaux patients chez qui j’ai instauré, j’arrive à avoir un peu plus
de manœuvre, parce que je les ai prévenu à l’instauration que… je ne prescrirai pas plus
d’un mois ou deux… que c’est comme ça et donc ils le savent. (Inaudible 6 secondes)

Q : D’accord. Et, est ce qu’il y a … on a dit là un des facteurs qui pouvait effectivement jouer,
c’est finalement, si c’était vous qui aviez instauré ou pas la prescription… est ce qu’il y a
d’autres facteurs, liés au patient ou au contexte général de prescription qui vont faire que
vous allez ou pas renouveler cette prescription chronique ?

R : D’autres facteurs … ? Ben, après je dirai … aussi bien des pathologies, pour laquelle on
l’a instaurée. Je dirai qu’un patient qui a traversé une période difficile parce que… c’est un
traitement par exemple chez un patient cancéreux qui suit un traitement par chimiothérapie
etc, c’est sur que … on n’a pas très envie non plus de … qu’on arrête ce traitement là alors
qu’il en a besoin … après je pense qu’il y a les facteurs de la pathologie elle-même qui font
que ça peut être difficile d’arrêter, mais ça permet aussi de remettre en question ce
traitement là pour un autre … (inaudible, « anxiolytique » ?)

Q : D’après votre expérience personnelle, qu’est ce que vous pensez du rapport bénéfices
risques d’une prescription de benzodiazépines qui est devenue chronique ? Quels constats
vous en faites dans votre pratique ?

R : Bon après je tiens à préciser que je n’ai pas énormément de recul parce que je suis

130
installée depuis peu. Heu … dans l’indication chronique, je pense que la balance bénéfices
risques penche

Q : Allo ? Je n’ai pas entendu. Effectivement, si ça continue de couper comme ça, on sera
peut être obligé de … de faire la deuxième partie plus tard alors … Est-ce que vous pouvez
répéter ?

R : Oui. Donc je disais que je n’avais pas énormément de recul étant donné que je suis
installé depuis peu. Mais je trouve que dans l’indication chronique, la balance bénéfices
risques penche plus vers les risques que vers le bénéfice.

Q : Bon… on va quand même essayer de continuer un petit peu… en terme d’effets


indésirables, ou de risques de manière générale, qu’est ce qui se manifeste le plus ?

R : En termes d’effets secondaires ?

Q : Oui.

R : Ben je dirais … l’effet sédatif… bien entendu… Allo ?

Q : Oui oui je suis là. Pardon…

R : Heu … je dirai la dépendance... l’accoutumance bien sur, sur le long terme… Voilà.

Q : D’accord. Et du coup, est ce que des fois il y a des bénéfices qui peuvent… comment
dire ?... constatés, qui peuvent mettre en balance ces risques, ou qui peuvent faire discuter
qu’il y a tel bénéfice qui est intéressant avec la molécule et que j’ai quand même bien envie
de la poursuivre ? Quels seraient les bénéfices que vous attendriez ?

R : Souvent c’est le bénéfique sur le symptôme anxiété. Le bénéfice sur le symptôme


insomnie quand c’est une question d’un mois … plus dans les indications aigues que le
chronique. C’est vrai que … à moins que ce soit des patients qui utilisent ponctuellement,
mais pas quotidiennement.

Q : D’accord. Et donc toujours dans le cadre de l’anxiété et de l’insomnie, est ce qu’il y a des
alternatives qui vous paraissent utilisables ou que vous utilisez dans vos pratiques ?

R : Heu c'est-à-dire ?

Q : Heu… en fait, qu’est ce que vous utilisez en parallèle dans le sevrage ou en termes de
substitution, est ce qu’il y a d’autres choses qui vous semblent intéressantes pour la prise en
charge de l’insomnie ou de l’anxiété en médecine générale ?

R : En dehors des benzos ?

Q : Oui.

R : D’accord. Ben, la psychothérapie, déjà. Et après, je propose assez facilement la


phytothérapie, quand… si le patient … veut l’accepter. Voilà.

Q : Et c’est des choses qui sont faciles à mettre en place … pour vous, comment ça se
passe ?

131
R : Heu … ça dépend des personnes. Après le principal obstacle, c’est que la prise en
charge psychothérapie par un psychologue n’est pas prise en charge par la sécurité sociale,
donc ça déjà c’est un frein, et heu… après faut pouvoir trouver un psychiatre pour faire
éventuellement un suivi, quand c’est utile… et si le patient est d’accord.

Q : D’accord. Donc finalement, si je reviens … tout à l’heure on avait évoqué un peu le


sentiment général qui se dégagerait de ces situations là… quel est de manière générale le
sentiment général qui peut se dégager pour ces consultations de renouvellement chronique
d’une « benzo » ? Comment vous le vivez ?

R : C’est souvent exaspérant, en fait. Parce qu’on propose … Le patient y perd quelque
chose… Changer cette habitude, c’est mal reçu par le patient, il est assez fermé à ces
propositions là. Y en a certains, au contraire, qui sont contents qu’on leur propose et on y
arrive peu à peu. Mais y en a certains, c’est assez difficile parce que … parce que c’est un
refus catégorique avant même de se poser la question !

Q : D’accord. Du coup, d’une façon générale, quel outil ou quelle aide … quelle mesure
pourrait être mise en place pour vous aider ? Voilà, de manière générale, y a-t-il des choses
qui pourraient vous aider que vous aimeriez qui soient mises en place pour avancer dans
ces problèmes ?

R : Alors, ça existe peut être, parce que je ne me suis jamais trop intéressé… y a peut être
des questionnaires pour évaluer ces indications … ou peut-être, un questionnaire patient,
pourquoi pas … pour faire prendre conscience en remplissant ce questionnaire qu’ils ont une
addiction quelque part à ce médicament.

Q : Et est ce qu’il y a d’autres choses que vous verriez ?

R : Comment ?

Q : Pardon ? Est ce qu’il y a d’autres choses que vous verriez susceptibles d’aider les
généralistes face à ces problèmes de prescription chronique ?

R : De dérembourser … (rires)… au bout d’un certain nombre d’utilisations par le patient. Je


sais pas. Je ne sais pas si c’est une bonne idée…

Q : Est-ce qu’il y a d’autres choses qu’on n’a pas évoqué, parce que la qualité de l’entretien
n’était pas facile, ou parce que les questions peut être ne balayaient pas ça, qui vous
semblaient importantes de dire et que vous auriez aimé dire sur votre perception de la
situation du médecin dans ces situations de prescription chronique de benzodiazépines ?

R : Ben que ce n’est pas évident, plus facile quand c’est nous en tant que médecin qui
l’avons introduit, ce n’est pas aussi difficile d’arrêter que quand c’est un patient qui en prend
depuis des années, on sait pas trop pourquoi initialement ça a été mis en place, et que c’est
devenue une habitude chez les patients.

Moi, je fais un peu deux catégories : les utilisateurs chroniques qui ne savent même plus
pourquoi ils le prennent mais ne peuvent plus s’en passer et que de tout façon, s’ils le
prennent pas, ils ne dorment pas, et les utilisateurs occasionnels chez qui on aura discuté …
de l’arrêt (difficilement audible) … combien de temps s’ils le savent à l’avance, en général, ils
arrivent mieux à l’accepter. Donc y a vraiment une question d’information. Et quand un

132
patient a entendu parler un peu des démences sous benzo, donc y en a certains qui sont un
peu plus sensibilisés sur les conséquences sur leur propre santé, peut être qu’il faudrait
mieux communiquer aussi sur les effets secondaires de ces traitements là dès l’instauration.

Q : En tout cas c’est des patients qui vous semblent plus accessibles ?

R : Heu… oui oui. Qui sont prêts à écouter. Y a des patients qui ne sont pas prêts à écouter
le pourquoi il faut l’arrêter… voilà. Ils sont plus réceptifs que d’autres.

Q : Je ne vous ai pas posé la question du sujet âgé …

R : Heu… ouais, personne âgée, donc heu… Moi, j’essaie systématiquement de le


supprimer. Parce que souvent à cause des demi-vies qui sont assez problématiques chez le
sujet âgé, du risque de chutes, et puis des interactions avec les autres traitements. C’est des
personnes qui ont déjà des grosses ordonnances, donc de principe, dès que j’ai une
nouvelle personne en charge, je fais assez vite le tri dans ces médicaments là.

Q : D’accord.

R : Voilà.

Q : Bon. Et est ce que c’est une population plus difficilement accessible, ou vous dites qu’il
faut imposer la chose et voilà.

R : Je n’ai pas entendu.

Q : Pardon, c’est la dernière question. Par rapport au sujet âgé, en pratique, pour eux ça se
met en place facilement une fois décidée ? Est ce qu’il y a des difficultés spécifiques face à
la personne âgée, lorsqu’on essaie un sevrage ?

R : Heu non, non. En général, ce ne sont pas des patients qui posent problème. Ou alors, je
peux leur en laisser mais ponctuellement, si un jour ils ont du mal à dormir… je leur en
donne occasionnellement, une fois de temps en temps. A ce moment, j’arrive à leur faire
arrêter, mais en leur proposant de garder une boite… Voilà.

Q : Bon ben du coup merci. Est-ce qu’il y a d’autres choses que vous voyez à dire sur la
problématique ?

R : Non, non non. Après c’est peut être un peu hors sujet, mais je fais très attention sur les
demi-vies notamment chez le patient jeune chez qui on va lui prescrire le soir … je fais
toujours attention à la demi-vie et je préviens qu’il y a un effet de somnolence qui peut
perdurer jusqu’au lendemain matin… notamment chez les jeunes actifs qui travaillent. Voilà

<Fin >

133
Entretien n°12 (M12)

Q : <Lecture de l’introduction > Si je vous demande de vous remémorer un peu la ou les


situations où s'est récemment posée la question dans votre pratique du renouvellement
d'une prescription de benzodiazépines devenue chronique comment vous vous êtes
positionnée, quelle a été votre attitude dans cette situation ?

R : Euh... Dans cette situation... Alors moi j'ai eu plusieurs... plusieurs cas très différents. Je
suis installée depuis 4 ans et j'ai récupéré une patientèle... enfin j'ai beaucoup de patients
hein, j'ai plus de 900 patients, mais j'ai récupéré une patientèle où il y avait des prescriptions
qui avaient été faites avant que j'arrive en fait. Donc que j'ai déjà essayé d'arrêter mais euh
j'ai arrêté de me battre et… sur <rires> ces vieux patients on va dire je renouvelle un peu
sans... sans me poser plus de questions que je me suis posée à un moment donné, j'ai
essayé euh… ça a été un échec total donc j'ai... Y'a une petite part de la patientèle c'est vrai
que je renouvelle comme ça.

Q : Ouais.

R : Alors en leur redemandant à chaque fois mais euh... ils en ont vraiment besoin moi je
repose la question à chaque fois savoir si... enfin chaque fois la question d'essayer d'arrêter
mais euh... souvent je vais pas plus loin <rires> parce que je me suis heurté à des murs.

Q : Donc ça concerne plutôt une patientèle "héritée" quoi ?

R : C'est une patientèle âgée hein, et oui héritée mais... que j'ai récupéré et… oui c'est sur.

Q : D'accord et dans ces cas là qu'est-ce que ça a été vos expériences d'échecs par
exemple ?

R : Bah moi j'ai essayé fin... J'ai essayé de les arrêter au début... J'ai essayé d'arrêter et ils
revenaient me voir une semaine après en réclament le somnifère ou la benzo quoi.

Q : D'accord. Et du coup vous avez un petit peu, c'est un petit peu par... enfin c'est après les
tentatives qui ont échouées du coup vous renouvelez un peu de façon continue ?

R : Chez certains hein, pas chez tous. Après il y'en a d'autres, moi... enfin là sur le
renouvellement chronique euh... ça dépend vraiment du caractère des gens après j'en ai
vraiment qui sont angoissés et qui en ont besoin...

Q : Oui.

R : Dans ce cas là je renouvelle.

Q : Et donc justement quand cette question elle est abordée pendant la consultation avec le
patient, comment le dialogue autour de cette prescription peut se dérouler ?

R : Euh ben moi je repars de la clinique... Du sommeil, de l'angoisse, est-ce qu'ils dorment...
Je reprends à chaque fois quoi. Euh... Après euh... Je parle des effets indésirables des
benzos ça c'est sûr enfin... Je l'ai fait à un moment donné, je le fais pas toutes les
« consult’ » non plus.

Q : Ouais.

R : Euh… je fais en fonction de ce qu'ils me disent après y'en a qui vont décider d'arrêter

134
hein mais euh... pas beaucoup <rires> dans ceux là.

Q : D'accord. Donc en expliquant les effets secondaires et c'est un peu comme ça que vous
essayer de convaincre entre guillemets ?

R : Oui.

Q : D'accord. Et du coup les patients vous avez l'impression qu'ils le perçoivent comment ce
dialogue, le fait que vous leur exposiez les risques, que vous essayiez de les faire arrêter,
comment c'est reçu ?

R : Euh... Bah là d'une façon générale c'est un peu compliqué... euh... ben moi je sais pas...
Y'a toute la partie de la patientèle... Y'a toute la partie des jeunes ou moins jeunes que moi
j'ai... qui sont venus me voir comme médecin traitant et eux par contre j'ai un discours
complètement différent par rapport aux benzos et j'en prescris pas beaucoup en initiation.

Q : Ouais.

R : En leur donnant les effets indésirables, les risques de dépendance tout ça... et en fait
c'est les gens eux même qui disent "Oh ben non j'en veux pas" donc euh...

Q : D'accord.

R : Mais c'est 2 cas de figures complètement différents après c'est sûr que... Souvent les
vieux patients qui avaient ces traitements depuis longtemps c'était un médecin qui... Les
gens ils venaient avec leur liste et ils faisaient la liste hein... enfin... C'est pas ce médecin là
que j'ai remplacé mais il était dans le cabinet il est parti et j'ai récupéré quelques uns de ses
patients et là j'ai... avec tous c'était le dialogue impossible et sur tous les médicaments en
fait.

Q : Ouais. D'accord.

R : Donc j'ai réussi à arrêter déjà... ils étaient tous au Lipanthyl® enfin... J'avais du boulot
quand je suis arrivée <rires> Indépendamment des benzos sur cette part de patientèle moi
j'arrive.... enfin ils sont... c'est très difficile de discuter par rapport aux prescriptions de
benzos.

Q : Donc quand le patient va pas dans le même sens que vous, c'est un petit peu "peine
perdue" quoi ?

R : Oui. Oui, oui.

Q : <silence> D'accord. Donc justement vous dans votre expérience est-ce que vous avez un
constat sur le rapport bénéfices/risques de ces prescriptions une fois qu'elles se mettent à
durer ? Est-ce que vous avez des expériences vis à vis de ça ?

R : Euh... Bah non, non parce que moi j'aimerais bien l'arrêter à tout ceux qui l'ont là au long
cours, euh... Après sauf sur des pathologies très précises euh… de prise d'anxiolytiques
euh, au coup par coup pour des syndromes anxieux hein.

Q : Ouais.

R : Donc du coup la prescription continue mais discontinue, c'est pas forcément tous les
jours non plus.

135
Q : D'accord.

R : Bon après moi ces patients je les mets sous antidépresseurs aussi assez facilement.
Pour éviter les benzos.

Q : D'accord. Et du coup en termes d'efficacité vous avez l'impression que ça continue d'être
efficace, que les gens continuent d'être soulagés même sur des prescriptions chroniques ?

R : Euh... Ca c'est difficile, moi objectivement j'ai... j'ai aucune preuve. Après je pense qu'il y
a une énorme part psychologique qui fait qu'ils ne peuvent pas l'arrêter. La dépendance.
Euh... moi je suis pas sûre que ça continue à être efficace après moi j'augmente pas la dose
hein… de toute façon… ils ont pas une dose plus importante. Euh… au niveau de l'efficacité
non je suis pas persuadée que ce soit... que ça reste efficace.

Q : D'accord. Et en termes d'effets secondaires par exemple vous avez déjà été confrontée à
des problèmes suite à ces prescriptions ou pas ?

R : Euh... Au long cours non. Ceux qui le prennent depuis longtemps non parce qu'ils le
prenaient déjà avant que j'arrive donc... J'ai pas eu de soucis…euh… après. Après si, j'ai
des intolérances sur les nouvelles prescriptions... y'a des intolérances euh… aux benzos et
aux somnifères, selon les personnes.

Q : D'accord. Quand les prescriptions sont en place c'est bien toléré ?

R : Ouais quand elles sont en place y'a pas de soucis.

Q : Ouais, vous n’avez pas d'effets secondaires à ce niveau là quoi.

R : Non. Non, non.

Q : D'accord. Et du coup alors vous en avez déjà pas mal parlé, mais qu'est-ce qui va faire
que vous allez engagez un sevrage chez un patient ? Est-ce qu'il y a des facteurs qui vous
font dire que il y en a qui sont plus accessibles à des tentatives ?

R : Oui alors après en en discutant si je sens que <rires> qu'il y a une possibilité euh...
d'essayer d'arrêter je... je saute sur l'occasion. Après qu'est-ce qui me fait... c'est vraiment en
fonction du patient qui... Bon après là avec toutes les campagnes sur la maladie d'Alzheimer
et les benzos j'en rajoute une couche aussi <rires> Donc y'en a certain... <rires> Certains
pour qui ça marche un petit peu mais…Enfin sur les prescriptions chroniques moi j'arrive pas
à arrêter hein.

Q : D'accord, c'est un problème de motivation du patient du coup ?

R : Oui, oui, c'est un problème de motivation du patient.

Q : Et si par exemple vous avez un patient qui est motivé, est-ce qu'il y a des difficultés par
exemple sur le… la mise en place... pragmatique disons du sevrage ?

R : Alors moi j'y vais... Je sais pas trop <rires> comment il faut faire mais je leur dis de
diminuer très très progressivement hein, très doucement. En diminuant la dose euh... pour
arriver à dose minimale tous les jours puis 1 jour sur 2, puis 1 jour sur 3, sur des périodes
assez longues en fait.

Q : Ouais.

136
R : Mais j'ai pas eu beaucoup d'expériences de sevrage.

Q : Ouais. D'accord. Et du coup justement dans le cadre aussi de l'anxiété et de l'insomnie


simple entre guillemets est-ce qu'il y a d'autres alternatives qui vous paraissent plus
utilisables, plus efficaces que les benzodiazépines ?

R : Euh moi c'est plutôt que je les mets jamais en premier, j'essaye la phyto et l'homéopathie
en premier…Pareil selon les gens je leur demande un peu si ils y croient, si ça leur parle
euh... S’ils disent non directement, j'essaie de les inciter pour essayer, mais souvent ça
marche pas. Mais quand les gens sont pour des alternatives phyto ou homéo souvent ça
marche hein…

Q : Pourquoi vous dites que parfois ça marche pas alors ?

R : S’ils veulent pas. Enfin moi je leur pose la question pour savoir si ils sont... si ils croient à
la phyto à l'homéo... Je prescris pas d'homéo si les gens me disent oh ben non ça marche
pas, je la prescris pas parce que... Je pas guère convaincue aussi et je pense que c'est la
part psychologique qui… qui fait quelque chose. Mais euh… je leur pose la question.

Q : D'accord. Et du coup ça quand vous arrivez à le mettre en place, ça vous parait efficace
et utilisable sur du long cours par rapport aux benzodiazépines ?

R : Oui, ah oui oui. Y'a des gens qui disent… que ça marche, que ça va mieux, qu'ils ont
arrêté parce qu'ils en ont plus besoin et que c'est... enfin c'est pour des périodes courtes a
priori.

Q : Et du coup à part la phytothérapie et l'homéopathie il y a d'autres choses qui vous


paraissent utilisables en pratique ?

R : Euh... bah moi je connais que ça.

Q : Et en terme par exemple de consultations...

R : <coupe> Bah après psychothérapie... Tout ce qui est psychothérapie mais euh...

Q : Mais ça c'est quelque chose que vous utilisez peu ?

R : Ah si si mais je problème c'est le coût hein. Je suis dans un cabinet un peu... enfin dans
un quartier très populaire donc les gens ont pas de sous quoi, donc un problème financier.

Q : D'accord. OK. Bon. Justement est-ce que vous il y a des solutions qui vous viendraient à
l'idée, comme aide pour les médecins généralistes ? Est-ce qu'il y a des choses qui vous
aideraient à répondre à ces difficultés ?

R : Euh... J'y ai pas réfléchi euh....

Q : Par rapport à votre patientèle qui reste difficile à débarrasser, peut être qu'il y a pas de
solution mais est-ce que vous dans votre pratique vous vous êtes déjà dits si j'avais telle
solution peut être que je pourrais plus facilement faire ou....

R : Bah après si y'a... Si on peut leur proposer des alternatives mais bon ces gens qui sont
sous Temesta® depuis 40 ans moi j'ai pas essayé la phyto quoi <rires>

Q : D'accord. Très bien.

137
R : Parce que moi les gens qui sont depuis longtemps sous benzos, enfin ceux que moi j'ai
récupéré ça fait 40 ans quoi.

Q : Oui d'accord. Est-ce que vous auriez quelque chose à ajouter sur le sujet ?

R : Euh... non…

< Fin >

138
Entretien N°13 (M13)

Q : < Lecture de l’introduction > Si je vous demande de vous remémorer un peu ces
situations où s’est posé la question du renouvellement ou non d’une prescription de benzos
qui était devenue chronique (c'est-à-dire au moins au-delà 3 mois), comment la question du
renouvellement a été abordée dans la consultation ?

R : Euh… bah souvent les gens reviennent exprès pour ça. Demande explicite du patient et
puis … euh, oui, souvent c’est dans ce cadre là. Soit c’est des patients qui l’utilisent vraiment
de manière …euh… ouais, très chronique, vraiment systématiquement tous les soirs, soit
c’en est, on prescrit de manière plus espacée, mais c’est plutôt pour des situations
stressantes. Donc ce n’est pas l’utilisation quotidienne de tous les trois mois. C’est vraiment
du ponctuel. Mais y en a qui viennent vraiment que pour ça, de mémoire.

Q : D’accord. Et comment vous abordez à ce moment là la réévaluation avec eux de la


prescription ? Ou discutez du sevrage ?

R : En fait, je suis un peu anti-médicament de manière générale et globale, donc du coup, j’ai
toujours tendance quand c’est des médicaments qui sont pas …euh …on va dire, essentiels
entre guillemets, de toujours reconsidérer le truc et de vraiment leur dire : « est ce que vous
en avez réellement réellement réellement besoin ? ». Et après on essaie de voir s’il y a une
possibilité d’espacer les prises, mais euh…, la question du sevrage, souvent c’est très
difficile à accepter par les patients. On essaie d’en parler en disant qu’un jour, il faudra
l’arrêter, mais je pense, il faut vraiment qu’il y ait un déclic dans la tête des patients. Et ce
n’est pas toujours évident, voilà.

Q : Et pourquoi selon vous ?

R : Bah, parce qu’en fait, je pense vraiment que c’est vraiment un médicament addictif et
qu’il se rende compte que par eux même de temps en temps, ils font le test de ne pas le
prendre et ils se rendent compte que vraiment ils ont des troubles du sommeil sans. Et dans
leur tête, c’est difficile de se dire que peut être le trouble du sommeil vient du fait que je
prends depuis trop longtemps ce médicament. Pour eux, il n’y a pas photo. Sans, ils ne
dorment pas. Donc il le faut. Et il le faudra tout le temps.

Q : Du coup face à ces situations chroniques, est ce que vous avez … Quelle est votre
attitude globale ? Vous avez une position ou une ligne de conduite un peu arrêtée ? Ou … ?

R : Non, c’est vraiment en fonction des patients. Honnêtement.

Q : Et du coup, par rapport à ça, en fonction de quoi votre attitude va-t-elle changer et va
faire que vous allez dans un cas renouveler ou pas cette prescription déjà chronique ?

R : Alors honnêtement, je le renouvelle systématiquement si les patients me font la


demande. Si les patients me font la demande, je renouvelle systématique parce qu’ils ne
sont pas prêts d’arrêter et je ne veux pas qu’ils arrêtent du jour au lendemain contraints et
forcés parce qu’à ce moment-là ils vont aller voir un autre médecin et le résultat sera le
même. Donc si le patient est vraiment … euh…demandeur, je lui renouvelle, ça c’est sur et
certain. Et, après … la question, c’était … comment je présente le truc ?... heu… Je regarde

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surtout la durée. Depuis combien de temps ils le prennent ? Et dans quel contexte ils ont
commencé la prise ? Et en fonction de ce qu’ils me disent, plus la prise est courte et plus il y
a un facteur déclenchant, plus … je discute du sevrage. Et plus je suis insistante dans le
sevrage. Maintenant si c’est des utilisateurs chroniques et au très très très long cours, on en
parle et si je vois que ça ne mord pas, je passe à autre chose, parce c’est …très difficile.
Voilà.

Q : Votre positionnement est analogue entre … parce que là, on a regroupé les benzo,
anxiété et insomnie… est ce que c’est pour vous le même profil de patients ? Les mêmes
difficultés ?

R : Ah non. Non. Non non. Je pense qu’il y a vraiment deux choses très différentes : y a
vraiment l’anxiété et y a vraiment l’insomnie. Pour moi, c’est vraiment deux choses très
différentes. Donc je ne prescrits pas la même chose.

Q : Et en quoi c’est différent entre eux ?

R : Insomnie, je prescris un somnifère. Dans l’anxiété, je prescris un anxiolytique.

Q : Mais heu… ma question était peut être mal posée, les profils des patients sont peut être
différents mais les difficultés à arrêter ce médicament, qu’il soit à visée hypnotique ou
anxiolytique, sont différentes ?

R : Oui. Pour moi, le somnifère est beaucoup plus difficile à arrêter qu’un anxiolytique.

Q : Pourquoi ?

R : Parce qu’il y a de dosage, parce qu’il y a moins de possibilité de faire des demies et des
quart de dose et parce que ce n’est pas du tout le même profil de médicament. De ce que
décrivent les patients. Ils disent vraiment le somnifère, je le prends, je dors dans la seconde,
je diminue la dose, il ne se passe rien et pour moi, ce n’est pas possible. Alors qu’avec
l’anxiolytique, on arrive quand même à faire des sevrages, de mon point de vue, plus faciles.

Q : D’accord.

R : Et puis l’anxiété, elle peut être … elle peut être réactionnelle, donc quand la situation
stressante est passée, que les gens sont installés dans une situation chronique, y a plus de
facilité de baisser l’anxiolytique, alors que le trouble du sommeil, c’est vraiment très très
difficile de leur dire, maintenant il faut arrêter, et il faut passer à autre chose. Ce n’est pas du
tout le même mécanisme.

Q : Et chez le sujet âgé ? Pour vous, c’est une situation qui reste à peu près sur le même
principe ou … ?

R : C’est encore plus dur à arrêter ! Parce qu’il y en a qui le prennent depuis plus de trente
ans. Et euh, du coup, leur faire envisager et imaginer qu’ils peuvent ne pas le prendre en se
couchant, c’est encore plus difficile que chez un sujet non âgé.

Q : Et en terme de ressources pour vous, est ce qu’il y a des difficultés spécifiques au sujet
âgé pour envisager une substitution ou un sevrage ?

R : Ben, euh, ouais. Déjà, je trouve que c’est difficile de se faire accompagner pour le

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sevrage. Maintenant pour des sujets âgés, pour essayer de les motiver d’aller consulter un
médecin addictologue exprès pour ça, c’est encore plus difficile. Et puis, pour eux, ils n’ont
pas du tout la notion que ça peut délétère, que ça peut être une drogue. Ils l’utilisent depuis
trente ans donc pour eux, il … il y a pas de problème. Il n’y a pas de souci. Donc oui, pour
moi, c’est encore plus difficile.

Q : D’accord. Et comment ressentez vous ces situations de renouvellement chronique d’une


prescription de benzodiazépines d’une manière générale ?

R : Tout dépend de l’indication. C'est-à-dire que si quelqu’un prend des anxiolytiques au long
cours mais qu’il est équilibré et qu’il est bien, ça me gêne moins que quelqu’un qui l’a
comme sa drogue. Voilà, mais pour moi je fais vraiment la différence entre somnifère et
benzo. Pour moi, ce n’est vraiment pas la même chose.

Q : D’accord. Donc en termes de sentiments, pour vous, dans ces types de consultations
c’est quelque chose que vous qualifieriez de … difficile à gérer ou de … intéressant…?

R : <coupe> Ah oui, de vraiment difficile à gérer. Ouais vraiment difficile à gérer,


chronophage, et surtout pas perçu comme un problème par le patient. Donc ils viennent pour
autre chose, il faut mettre le point là-dessus et ils n’ont pas spécialement envie du tout qu’on
en parle ni qu’on modifie quoique ce soit, donc c’est encore plus difficile. Alors les faire
revenir que pour ça <rires>… voilà ! Donc pour moi, c’est très difficile à gérer.

Q : Et en cas, tout à l’heure, vous disiez qu’il y a parfois des demandes fortes des patients,
ou des avis qui peuvent diverger, comment vous gérez la situation à ce moment là ?

R : Des avis qui peuvent diverger, c'est-à-dire ?

Q : Par exemple, face …oui, par exemple, vous jugeriez qu’il vaut mieux pouvoir diminuer la
dose de benzo chez ce patient, qu’il puisse s’en passer. Le patient, lui, pense que non il ne
peut pas s’en passer. Comment vous gérez cette situation, cet écart de point de vue ?

R : Ben, je mets surtout en avant les effets indésirables de ce médicament. Souvent le


patient vient pour un autre problème et soit il vient avec quelque chose qui est en lien ou qui
peut être en lien avec les effets indésirables du médicament et je le pointe, en disant : « Ben,
voilà, vous venez me consulter pour des difficultés de la mémoire, faites moi voir votre
traitement. Ben, tiens, ça à votre avis, ça participe, ça participe pas ? Vous avez lu la
notice ? » Donc j’utilise les… le motif de consultation pour dire que ça peut se rapporter à
l’effet indésirable du à ce médicament ou alors s’il ne vient pas pour un motif qui peut être
rapporté à un effet indésirable, je leur pose la question, en disant … si moi, bien sur je suis
dans un objectif de lui proposer un sevrage… je lui demande s’il a des troubles de la
concentration, des troubles de la mémoire … ce genre de choses. Et lui demander s’il ne
voudrait pas éventuellement essayer de… d’arrêter ce médicament, qui pour moi, est plus
toxique que bénéfique et de voir s’il récupère un peu au niveau mémoire et au niveau
concentration. J’utilise les effets indésirables qui sont nombreux et variés, et ça peut nous
aider. En gros, voilà en gros ma réponse.

Q : D’accord. Est-ce que pour vous vous arrivez à identifier d’autres facteurs de difficultés,
soit liés au médecin ou à l’organisation de la profession de médecin généraliste aujourd’hui
ou liés au patient qui vous mettraient éventuellement en difficulté ?

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R : Ben, déjà, qu’ils ne viennent jamais pour le motif du sevrage. Ça c’est sur et certain.
D’eux-mêmes, c’est quasiment jamais arriver qu’il y en ait un qui se pointe en disant : « Je
veux arrêter ! » Donc ça vient du fait que le patient est addicte à son médicament. Ensuite
chronophage : c’est sûr que ce n’est pas quelque chose qui se fait en fin de consultation en
balançant le pavé dans la mare et en disant : « revenez dans trois mois ! ». Donc c’est
chronophage, il faut le faire à un moment où, nous en tant que médecin, on a un peu de
temps devant nous sur le renouvellement de traitement, ce qui n’est pas toujours le cas. Et
que… ensuite, ce n’est pas toujours facile d’aborder le problème parce que ça peut être des
médicaments qui ont été introduits il y a très très très longtemps par d’autres médecins, moi
je suis jeune installée, donc j’ai récupéré une quantité de patients traités importante et…
euh… vu que ça fait très longtemps qu’ils le prennent, la cause ne peut pas identifiée.
Pourquoi ils le prennent ? Ils ne se rappellent peut être plus ou ils ont plus fait attention, et
du coup, ça rajoute en difficulté. Plus le traitement a été pris de manière chronique, plus
parfois, ça peut rajouter en difficultés.

Q : D’accord. D’après votre expérience, que pensez-vous du rapport bénéfices-risques d’une


prescription de benzo qui est déjà en place au long cours pour anxiété ou pour insomnie
chronique ?

R : Tout dépend si le patient est équilibré. Heu … c'est-à-dire, si le patient est bien avec son
traitement, euh… c’est vrai que j’ai tendance à être plus prudente dans le sevrage. De tout
point de vue… Je dirai que …

Q : Pourquoi, à ce moment ?

R : Pourquoi à ce moment là ?

Q : Pourquoi, de quoi vous auriez peur ?

R : Eh ben, au niveau anxiété, qu’il redécompense son anxiété, c'est-à-dire que si c’est un
patient qui a vraiment des anxiétés chroniques, des bouffées d’angoisse ou …des phobies…
ou ce genre de choses, le fait de l’arrêter s’il est équilibré, j’aurai tendance à me dire qu’on a
vraiment un risque de décompensation. Il ne faut pas le faire n’importe quand. Je serai plus
prudente. Après pour les troubles du sommeil… Je pense que pour le … l’anxiolytique, s’il
est pour moi bien adapté et que le patient est équilibré, le bénéfice est égal aux effets
indésirables. Par contre, si c’est pour de l’insomnie, et que c’est au long cours, c’est
l’inverse. C’est plus … délétère que bénéfique.

Q : D’accord. Et en termes d’effets indésirables délétères, qu’est-ce que vous redoutez ou


constatez dans votre pratique ?

R : Comme effets indésirables rapportés par les patients ? C’est surtout des difficultés de
concentration, des troubles de la mémoire. Ça peut être des vertiges, ça peut être des
signes urinaires, moi j’ai eu des patients qui ont eu des signes urinaires et ça peut être la
dépendance.

Q : La dedans, est ce que, en fonction de s’il s’agit d’un sujet âgé, est ce qu’il y a des choses
qui ressortent plus ?

R : Surtout neuropsy ! Surtout troubles de concentration et mémoire. Le sujet âgé décrit


surtout ces troubles-là.

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Q : D’accord. C’est surtout ça qui va rentrer en compte dans votre évaluation si je
comprends bien.

R : Ouais.

Q : D’accord, d’accord…Si vous voulez proposer une substitution ou un sevrage d’une


benzodiazépine déjà en place depuis longtemps pour cette anxiété ou insomnie, quels
moyens alternatifs, qu’ils soient médicamenteux ou non proposez-vous ?

R : Alors, ça dépend du patient. C’est toujours pareil. Je me fais pas mal entouré par les
médecines parallèles, entre guillemets, tout ce qui peut être « acu », tout ce qui peut être
« homéo », tout ce qui peut être hypnose… On a beaucoup de médecins qui pratiquent ça,
donc les patients connaissent et sont moins obtus. Donc si ça peut être une aide, j’utilise ça.
Et puis, ça peut arriver que j’envoie en addictologie. Mais je ne remplace pas par une autre
substance.

Q : D’accord.

R : Je baisse en progressif, vraiment très très progressif, pour que le patient ne prenne pas
peur et ne ressente pas trop les effets. Donc on baisse sur trois mois en général, c’est
vraiment très très progressif. Et puis si vraiment ça se passe pas bien, qu’il y a des
manifestations et que ça va pas, je demande des consultations « addicto ».

Q : D’accord. Est-ce que vous avez l’impression que c’est… pour toutes … ces alternatives,
que c’est facile à mettre en place ? Ou qu’est ce qui serait plus difficile à mettre en place, par
exemple ?

R : Ben, la motivation du patient, déjà, à arrêter. A lui faire prendre conscience qu’il faut
l’arrêter et qu’il en soit convaincu. Pour moi, c’est vraiment la pierre angulaire. Et puis après,
heu… ça dépend des patients. Y a des patients, à partir du moment où ils ont pris la
décision, on fait un sevrage médicamenteux en baissant les doses, et ça se passe très bien,
il n’y a aucun problème. Et après, ça dépend vraiment du profil. S’il a vraiment une anxiété
majeure polyfactorielle, là ça devient beaucoup plus difficile et … il faut qu’il soit d’accord
d’aller voir d’autres personnes et ce n’est pas toujours simple d’orienter.

Q : D’accord. Donc… est ce qu’il y a d’autres limitations ou d’autres choses ? On a parlé


surtout de la motivation… silence… ou c’était la principale que vous vouliez exprimer ?

R : C’était quoi la question ?

Q : Pardon, là on a parlé de la motivation. Du manque de motivation du patient.

R : Ouais

Q : Il y a d’autres facteurs limitants ou qui vous mettent en difficultés, éventuellement ?

R : Me limitant dans le sevrage ?

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Q : Limitant vos possibilités à proposer autre chose que … que de reconduire une benzo,
finalement …

R : Oui oui. Heu … heu … ben après, c’est plus aussi les réseaux, ça dépend de ce qu’on a
autour de nous et si le patient est réceptif ou pas. Et heu… peut être, à organiser… y a
certains patients qui veulent absolument une hospitalisation et qu’on en parle plus. Y en a
d’autres, c’est plus de l’ambulatoire. C’est vraiment la disponibilité aussi des gens derrière.

Q : D’accord. OK, très bien. D’accord, vous, de votre ressenti de la situation dans la vie de
tous les jours, Est-ce qu’il y a des choses dont vous auriez eu besoin pour vous aider face à
d’éventuelles difficultés dans le renouvellement chronique de benzodiazépines ? Ou il y a
des outils que vous diriez : « ça, ça serait bien que ça se développe pour nous aider »

R : Ben oui. Ça serait pas mal de voir s’il y a effectivement un protocole, je ne me suis pas
penché sur la question, s’il y a un protocole qui est sorti de … de … vraiment carré de
sevrage, de baisser d’un quart de comprimé tous les 15 jours, ce genre de chose. Je ne sais
pas si ça existe, je ne me suis pas vraiment penché sur la question. Déjà ça nous aiderait.
Un truc vraiment qui dit : ben voilà, s’il est sous Stilnox®, voilà comment il faut baisser. S’il
est sous machin, voilà comment il faut baisser. Voilà ça, ça pourrait être intéressant en
science pure et dure. Et puis après, peut-être des outils pour dire à quel moment …heu …
du motif de consultation exprimé par le patient vous pouvez vous en saisir pour « en fait, ça,
on pourrait peut-être l’utiliser pour le sevrage de votre benzo ! ». Ouais, ce serait les deux
axes qui m’intéresseraient, moi.

Q : Est-ce qu’il y a autre chose que l’on n’a pas abordé sur la question que vous auriez
souhaité aborder ou dire sur ces prescriptions chroniques de benzo ?

R : Que réellement c’est problématique. Pour moi, ça fait six ans que je suis installée, donc
au début, je renouvelais sans me poser de question. Maintenant, plus ça va et plus on prend
le problème à bras le corps. Et que en gros, de mon point de vue, chaque année passée, on
paie ensuite très très cher au moment où l’on veut l’arrêter. Et y a des gens, chez qui on y
arrivera pas. On y arrivera pas malgré les effets, malgré la prise de conscience que c’est pas
bon. Heu voilà…

Non non, sinon rien de plus. Je n’ai jamais eu de demande spontanée des patients … à part
une, mais qui est folle, donc on a aucune envie de l’arrêter. Heu j’ai jamais eu de demande
spontanée des patients et de mon point de vue, je commence seulement à essayer de
mettre en place un éventuel sevrage. Je suis peut-être encore un peu jeune pour avoir du
recul. Voilà. Mais c’est un sujet qui est super intéressant, super actuel. Il faut nous faire partir
des trucs, voilà.

Q : Et pour vous pourquoi jusqu’à présent… c’était un manque de … je ne sais pas … de


moyens pour vous, de … formations ?

R : De plus de rebondir ! De dire, ben voilà, il vient me voir pour tel motif, oui je renouvelle, et
comment est-ce que je peux l’accrocher et avoir les arguments à lui avancer pour vraiment
lui dire : « oui, vous le prenez depuis tant d’années, mais je vous jure qu’en l’arrêtant, vous
serez mieux. » Après on utilise ce qu’on a eu comme cours pour le tabac ou l’alcool, ou pour
tous les sevrages, c’est valable pour tous les sevrages mais je pense que les benzo c’est

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très particulier. Peut-être une formation pour effectivement avancer le sevrage. En parler
avec les patients, comment aborder le thème et quels arguments lui apporter pour qu’il soit
vraiment motivé et qu’il dise : « oui, effectivement, il faudrait que j’arrête. ». Surtout chez les
vieux… voilà.

Q : Super, très bien.

R : C’est bon pour vous ?

Q : Oui, voilà on est arrivé au terme de l’entretien

< Fin >

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RESUMÉ

Titre : Attitudes des médecins généralistes face aux prescriptions chroniques de


benzodiazépines.

Introduction : Les benzodiazépines restent largement prescrites en France au-delà


des durées recommandées, en particulier chez les sujets âgés, malgré leurs
nombreux effets secondaires. Nous avons voulu explorer les attitudes des médecins
généralistes concernant les prescriptions chroniques de benzodiazépines
rencontrées au cours de leur pratique quotidienne dans le cadre de l’anxiété et
l’insomnie.

Méthode : Etude qualitative par entretiens semi-dirigés auprès de 13 médecins


généralistes installés depuis un an minimum, exerçant en Isère et en Haute Savoie
entre novembre 2014 et mars 2015.

Résultats : Dans notre étude, les médecins paraissaient sensibilisés aux effets
indésirables des benzodiazépines. Ils déclaraient vouloir limiter leur chronicisation,
réévaluer régulièrement les prescriptions et essayer de sensibiliser le patient aux
effets indésirables. De nombreux obstacles liés aux conditions d’exercice du médecin
(manque de temps) et au patient (dépendance, attachement au traitement) limitaient
les possibilités de modifications du traitement. Ces difficultés étaient plus fortes chez
les sujets âgés : le médecin se résignait parfois et abandonnait les tentatives de
sevrage. Quand le traitement était bien toléré, le risque de provoquer un syndrome
de sevrage était parfois perçu comme supérieur au bénéfice de l’arrêt. Quand le
traitement devait être renouvelé, le médecin préférait accompagner le patient dans
ses difficultés et ainsi entretenir une relation de confiance avec le patient.

Conclusion : Il semble nécessaire de renforcer la formation des médecins à la


prescription des psychotropes, favoriser l'accès aux thérapies cognitivo-
comportementales et encourager l’implication des médecins généralistes dans
l’élaboration et l’évaluation de protocoles d’aide au sevrage.

Mots-clés : benzodiazépines, prescriptions chroniques, médecins généralistes,


attitudes

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