Séquence 1

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 6

Philosophie politique 2

Séquence 1 : Chapitre I : Marx et la théorie évolutionniste

Philosophie politique 2
Dr Malao Kanté
Séquence 1 : Chapitre I : Marx et la théorie évolutionniste

Introduction :
Il peut sembler un peu drôle pour certains de présenter l’œuvre de Marx d’une façon évolutive qui renvoie
parfois à la position léniniste. Mais si on peut dire avec certitude que l’œuvre de Marx n’est pas un système de
pensée sans contradictions, on peut au moins discuter sur sa nature schématique. Notre position à ce sujet est
que son travail présente la société humaine comme le fruit d’une courbe évolutive. Dans les manuscrits de 1844,
Marx nous dit que l’histoire, l’acte de naissance de l’homme, suit une certaine continuité.

En dehors, des trois types de société (esclavagiste, féodale, bourgeoise) largement traités dans ses écrits, on peut
aussi en retenir deux autres qui concernent à notre avis l’idéal communiste. Ces dernières sont totalement (ou
en tout cas en partie) utopiques, contrairement à ses analyses sur les trois premières qui paraissent plus
scientifiques ou au moins vérifiables. Dit autrement, on peut trouver des exemples empiriques suite aux propos
de Marx sur l’esclavage ou la société capitaliste. Cependant, en ce qui concerne le communisme primitif ceci
reste une analyse peu fiable d’un point de vue scientifique. Marx lui-même reconnait cet état de fait :

« L’histoire de la décadence des communautés primitives (…) est encore à faire jusqu’ici on en a fourni que de
maigres ébauches ».

I) Aux origines du communisme :

Un monde humain où tout est partagé équitablement et où il n’y a jamais eu d’exploitation n’a, peut-être, jamais
existé et a peu de chance d’exister dans l’avenir. Mais les travaux démontrent que le penseur allemand dans sa
conception sociologique de l’univers humain, a soutenu l’idée selon laquelle une période de paix et de bonheur
a eu lieu (à savoir durant la période du communisme primitif) avant que la société ne tombe dans la décadence
c'est-à-dire à partir de la période esclavagiste jusqu’au capitalisme. C’est pourquoi, nous disons que ce modèle
de société n’est qu’une étape du développement historique dans la pensée marxiste ou marxienne (il n’a pas
établi ce modèle de façon chronologique et clairement défini dans ses travaux ; mais il en a parlé de façon, peut-

Dr Malao Kanté 1
Philosophie politique 2
Séquence 1 : Chapitre I : Marx et la théorie évolutionniste

être, « désordonnée »). Sur ce, Marx a abandonné sa méthodologie « scientifique » (avec sa théorie du
communisme primitif) pour se lancer parfois dans la spéculation. Nous jugeons que ce type de philosophie est
spéculatif car rien, aucun élément ou matériel n’explique l’existence d’une telle société. C’est seulement à partir
de son analyse (quoiqu’acceptable car même les physiciens ou biologistes se permettent de telles démarches
avant de vérifier leurs arguments de manière scientifique) qu’il aboutit à cette logique. Cette réflexion nous
semble très importante vu le développement de ses idées et c’est ce qui lui permet aussi de prédire (ce qui n’est
pas tellement scientifique) l’avènement du communisme (car l’homme est un animal qui évolue, la société
humaine n’est pas statique). Le capitalisme en soi n’est pas éternel comme la société esclavagiste n’est pas venue
ex-nihilo. Il a bien fallu à un moment donné que les conditions matérielles et physiques imposent à l’homme un
nouveau rapport social. C’est cela qui a conduit à l’exploitation ou a été son origine.

Ainsi, dans l’état primitif, la nature contraignit les hommes à vivre le communisme, un communisme naturel.
C’est de ce constat que Marx s’inspire, à notre avis, pour dire que les hommes doivent aboutir au communisme
« scientifique ». Celui-ci doit être fondé sur la science, sur l’expérience, et doit être l’œuvre de l’homme et non
celle de la nature. Ce sera en quelque sorte un paradis terrestre. L’aboutissement de ce projet ne peut passer que
par l’anéantissement du capitalisme. De même que le capitalisme est une étape de l’évolution humaine, de même
le communisme sera une étape aussi de la même nature. Quand les hommes se rendront compte de la dangerosité
du capitalisme et de son côté dévastateur (à partir des conditions réelles d’existence), ils finiront par comprendre
et par eux-mêmes que le Capital est le plus grand malheur de l’homme social. Dans ses ouvrages Les luttes de
classes en France et le Manifeste du parti communiste, Marx revient sur ce problème et met l’accent sur le fait
que les ouvriers deviennent de plus en plus conscients et se préparent dans la plupart des pays à lutter contre le
système bourgeois. Toutefois, il ne manque pas de souligner les divergences qui existent quant à la nature de la
lutte (violente ou modérée). Mais au-delà des preuves qu’ils verront à travers les misères et la souffrance, c’est
le capitalisme en soi qui, par sa propre évolution conduira à sa propre perte par ses crises successives et
interminables. Le capitalisme (généré par la société féodale comme l’esclavagisme par cette dernière) n’est pas
l’étape ultime du développement humain. Ce niveau trouvera son dépassement historique comme les étapes
précédentes. Et seul le prolétariat peut nous conduire vers cet avenir « inéluctable ».

Si le communisme primitif est un fait de la nature car les hommes dans une certaine mesure étaient contraints
de vivre en commun et de façon équitable, le communisme scientifique sera lui un fait fondé sur l’expérience
sociale. Ici, les hommes n’agiront pas seulement par instinct de survie mais en connaissance de cause. Et les
conséquences dévastatrices du capitalisme devraient permettre d’établir un cadre de vie plus juste basé en tout
état de cause sur le travail dans un mode de production communiste. Ici, il est question surtout de s’appesantir
sur le concept de communisme primitif afin de mieux montrer le modèle schématique de Marx dans sa
description du développement de la société humaine. Ce schéma, nous pouvons le présenter comme suit: le
communisme primitif, la société esclavagiste, la société féodale, la société capitaliste et enfin le communisme.

Dr Malao Kanté 2
Philosophie politique 2
Séquence 1 : Chapitre I : Marx et la théorie évolutionniste

II) Le capitalisme :

Le capitalisme (l’étape qui nous intéresse ici) est le système économique où vécut Marx et qui continue de
dominer jusqu’à nos jours. C’est l’ultime étape avant le communisme car la dictature du prolétariat n’est pas
considérée comme une phase historique mais comme une simple transition pour le communisme final.
Rappelons que, pour Marx, le modèle social des hommes primitifs est une contrainte de la nature et non une
volonté de s’organiser pour créer les conditions d’un épanouissement. C’est pourquoi, il note dans sa lettre à
Véra Zassoulitch :

« Ce type primitif de la production collective ou coopérative, fut, bien entendu, le résultat de la faiblesse de
l’individu isolé, et non de la socialisation des moyens de production ».

Cependant, ce sont les rapports de production (qui occasionneront la fin de la société bourgeoise) qui ont donné
naissance au capitalisme. D’après Marx, l’émergence de la société capitaliste a surtout été favorisée par
l’expansion des territoires accompagnée d’une valorisation de la richesse. De ce fait, les obstacles spatiaux et
géographiques sont éradiqués entre autre grâce à la construction des chemins de fer et des voies maritimes. Ce
progrès technique est au cœur du développement du capitalisme et constitue même son fondement. Déjà dans le
manifeste du parti communiste, Engels et Marx avaient soutenu cette thèse :

« La découverte de l’Amérique, la circumnavigation de l’Afrique offrirent à la bourgeoisie naissante un nouveau


champ d’action ; les marchés de l’inde et de la Chine, la colonisation de l’Amérique, le commerce colonial, la
multiplication des moyens d’échange et, en général, des marchandises donnèrent un essor jusqu’alors inconnu
au négoce, à la navigation, à l’industrie et assurèrent, en conséquence, un développement rapide à l’élément
révolutionnaire de la société féodale en dissolution ».

Ils ajoutent :

« par le rapide perfectionnement des instruments et l’amélioration infinie des moyens de communication, la
bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu’aux nations les plus barbares ; le bon marché de ses
produits est la grosse artillerie qui bat en brèche toutes les murailles de Chine ».

Donc, en posant les bases de son progrès, le capitalisme a ainsi façonné le monde à son image. Son génie réside
dans le fait qu’il arrive à soumettre tout ce qui l’entoure, jusqu’à la nature. Cette étape du développement humain
bouleverse tout sur son passage, c’est la plus grande révolution qui ait jamais existé jusqu’ici, nous dit Marx :

« La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle essentiellement révolutionnaire ».

Ainsi, le capitalisme apparaît clairement dans la pensée de Marx comme une étape de l’évolution humaine. À
ce niveau, l’analyse marxienne s’inscrit dans une dynamique évolutionniste sans jamais en revendiquer
ouvertement l’appartenance. Les différentes analyses qu’il donne sur les sociétés anciennes (et sur la société
future dite communiste) nous permettent de construire un tableau à ce sujet. Ainsi, son travail se veut scientifique

Dr Malao Kanté 3
Philosophie politique 2
Séquence 1 : Chapitre I : Marx et la théorie évolutionniste

c'est-à-dire fondé sur une explication rationnelle des faits sociaux à partir du « réel ». Son « matérialisme
scientifique » accorde aussi une grande importance à l’histoire. Marx ne s’est jamais contenté d’expliquer ou de
comprendre le fonctionnement de l’organisation sociale, il s’est donné aussi comme tâche d’étudier les causes
profondes qui ont donné naissance aux différents modèles de sociétés. C’est pourquoi, sa philosophie est d’abord
et avant tout une « philosophie de l’histoire ». De même qu’il a cherché à appréhender les origines de la société
féodale ; de même, il a tenté de trouver dans l’histoire les raisons qui ont conduit les hommes à mettre sur pied
une société bourgeoise. Cette dimension historique est fondamentale dans l’œuvre de Marx. Elle est le noyau
dur sur lequel repose toute son argumentation. Il est vrai qu’il n’a peut-être pas cherché à décrire l’humanité
sous un ensemble évolutif voire schématique mais son analyse philosophique s’appuie essentiellement sur
l’histoire à telle enseigne qu’on peut oser croire que chez lui, l’histoire n’est pas séparée de la philosophie mais
en constitue, au contraire, une partie intégrante.

III) Les différentes étapes du changement social :


 La société primitive (et la formation de la société esclavagiste) :

Emporté par sa rigueur « scientifique », Marx va jusqu’à tenter d’expliquer la société pré-esclavagiste. À ce
niveau, il s’appuie sur peu d’arguments concrets sur le plan scientifique. Marx élabore cette pensée à partir des
éléments requis sur le mode de fonctionnement de la société esclavagiste et surtout à partir des éléments
développés par les penseurs évolutionnistes voire anthropologues. Cette supposée société est donc conçue
comme une époque où les hommes ont vécu dans la solidarité et la complémentarité. Autrement dit, l’homme y
était considéré comme une fin en soi et non pas comme un moyen. Les conditions naturelles rendaient donc
cette solidarité fondamentale et nécessaire pour la survie. Dans cette société « parfaite » où vivaient les
individus, les rapports sociaux étaient égalitaires. La division du travail y était « naturelle », c'est-à-dire fondée
sur les capacités physiques et intellectuelles de chaque individu. Globalement, elle se traduisait par une division
sexuelle des tâches où l’homme faisait la chasse des gros gibiers et assurait les tâches les plus dangereuses, et
la femme se chargeait de la cueillette et de l’éducation des jeunes enfants. Elle se manifestait aussi par une
division naturelle entre classes d’âges. Mais tout cela n’entraînait pas alors une domination des vieux sur les
jeunes et des hommes sur les femmes. Toutes les sociétés d’antan, par-delà toute leur diversité, ont toutes un
point en commun : elles sont dominées par les facteurs naturels, par l’environnement. Tout leur effort tend pour
l’essentiel à s’affranchir de cette domination afin d’améliorer les conditions de vie et de reproduction de leurs
membres, depuis la création des premiers outils jusqu’aux inventions de l’élevage et de l’agriculture.

Dr Malao Kanté 4
Philosophie politique 2
Séquence 1 : Chapitre I : Marx et la théorie évolutionniste

 La société féodale :
En ce qui concerne la féodalité, elle est un système fondé sur des contrats interpersonnels, résultant de
l’invasion et de la conquête de l’empire romain par les barbares. Elle consiste en une sorte de confédération de
principautés, de seigneuries, de fiefs concédés à des seigneurs investis chacun d’un pouvoir souverain sur leurs
propres domaines, mais inégaux en puissance, subordonnés entre eux et ayant des devoirs et des droits
réciproques. Ces fiefs qui constituent l’unité politique de base de cette époque sont souvent en conflits les uns
avec les autres et peuvent être suffisamment puissants pour contester l’autorité du roi.

La définition du féodalisme qui nous intéresse le plus ici, est celle du marxisme : la société féodale y est
considérée comme une étape du développement entre l’esclavagisme antique et le capitalisme moderne. Le
féodalisme devient, pour les marxistes, synonyme d’exploitation par une classe de seigneurs, et plus
généralement par l’État et l’Église. C’est ce système qui fournit les éléments de base de la formation du capital.

L’intérêt de cette description, pour nous, se trouve dans le fait que la matière soit au cœur de l’histoire et du
fonctionnement des sociétés. Les hommes n’ont pas choisi leur mode d’existence à partir de leurs propres idées
ou de leur bon vouloir, ce sont les conditions physiques, matérielles qui déterminèrent leurs normes de vie.
Ainsi, le travail productif tel qu’il se présente à nous n’est que le fruit d’un long processus qui échappe totalement
à nos schèmes de pensées.

Conclusion :
Marx n’est pas un penseur passéiste mais au contraire, sa pensée reste profondément orientée vers l’avenir.
Ainsi, en dépit de la place qu’occupe l’histoire dans sa philosophie (société antique, grecque, romaine,
égyptienne, etc. jusqu’à la bourgeoisie), le but de sa lutte intellectuelle a été, peut-on dire, de tirer un trait sur
l’histoire elle-même. Cela peut paraître contradictoire mais l’importance accordée aux faits antérieurs ne sert
pas à nous ressourcer en permanence à travers ce passé mais à l’utiliser comme moyen pour parvenir à une
meilleure révolution. Jusqu’ici, toutes les grandes révolutions se sont inspirées du passé, il s’agit maintenant
d’opérer une rupture avec cette dynamique. Voilà, à notre avis, le sens de la philosophie marxienne de l’histoire.
Elle ne cherche pas à nous enfermer dans un univers passéiste mais bien à tourner notre regard sur le monde
actuel, un monde qui se libère des chaînes du passé pour se construire. En effet, l’analyse de la situation politique
du XIXe siècle permet de comprendre le sens de l’histoire dans la philosophie de Marx. Son interprétation de la
révolution de Février est, à notre avis, une illustration. C’est ainsi qu’il dit : « La révolution de Février fut un
coup de main réussi par surprise contre l'ancienne société, et le peuple considéra ce coup de main heureux
comme un événement historique ouvrant une nouvelle époque ». (Le 18 Brumaire, p73).

Dr Malao Kanté 5
Philosophie politique 2
Séquence 1 : Chapitre I : Marx et la théorie évolutionniste

Bibliographie :
Engels, L’origine de la famille, de la propriété et de l’État, Moscou, édition électronique trad. Les éditions du
progrès, 1976.

Fischbach Frank : La privatisation de monde : Temps, espace et capital, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin,
2011.

Karl Marx, Misère de la philosophie (1847), U.G.E., 1964, coll. « 10/18 ».

Karl Marx, Manuscrits de 1844, Paris, éditions Flammarion, 1999.

Karl Marx, Manuscrits de 1857-1858 dits Grundrisse, Paris, Éditions les sciences sociales, 2011.

Karl Marx, Œuvres II, Paris, Éditions Gallimard, 1968.

Marx-Engels, Manifeste du parti communiste, Paris, Éditions sociales, 1954.

Dr Malao Kanté 6

Vous aimerez peut-être aussi