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MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE,

DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE

LE CONSEIL PEDAGOGIQUE DANS LES EPLE

Rapport présenté par : Ghislaine MATRINGE,


inspectrice générale de l'éducation nationale

1
TABLE DES MATIERES

Introduction

01 La commande
02 La méthode

1 Le développement de la responsabilité des EPLE et la place de la pédagogie

11 Le développement de la responsabilité des établissements publics locaux


d’enseignement
12 La place encore insuffisante de l’animation et de la réflexion pédagogique dans les
établissements
13 La responsabilité pédagogique du chef d’établissement : une légitimité à conforter
14 Le rôle des équipes pédagogiques et les limites de leur action
15 La résistance des établissements au développement de la responsabilité, la position
ambiguë de la tutelle

2 L’expérimentation du conseil pédagogique : analyse et propositions

2 1 La mise en place progressive d’instances de concertation pédagogique dans les EPLE


2 2 Le travail du conseil pédagogique : principales activités et réalisations
2 3 La composition du conseil pédagogique et les modalités de désignation de ses membres
2 4 Le fonctionnement du conseil pédagogique

Conclusion

Récapitulatif des propositions

Annexe

Liste des établissements observés

2
INTRODUCTION

01- La commande

Dans la lettre de mission du 6 juillet 2005, le ministre de l’Education nationale, de


l’enseignement supérieur et de la recherche a souhaité disposer d’une étude des expériences
existantes en matière de conseil pédagogique dans la perspective prochaine de la création de
cette instance. Cette commande ministérielle s’inscrit dans le cadre de la loi d’orientation et
de programme pour l’avenir de l’école qui prévoit la création d’un conseil pédagogique dans
chaque établissement public local d’enseignement. L’article L.421-5 du code de l’éducation
précise :
« Ce conseil, présidé par le chef d’établissement, réunit au moins un professeur
principal de chaque niveau d’enseignement, au moins un professeur par champ disciplinaire,
un conseiller principal d’éducation et, le cas échéant, le chef de travaux. Il a pour mission de
favoriser la concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignements,
la notation et l’évaluation des activités scolaires. Il prépare la partie pédagogique du projet
d’établissement».
La concision de cet article sur la composition et les missions de cette instance pourrait
laisser supposer que le conseil pédagogique si souvent évoqué, désormais bien défini, peut se
mettre en place dans les plus brefs délais. La question est cependant moins simple qu’il n’y
paraît. Il reste des points à éclaircir, des doutes, des interrogations qui peuvent expliquer la
résistance de certaines organisations professionnelles en particulier. Cette mission d’analyse
qui doit d’abord repérer les réussites et établir un bilan de l’existant doit déboucher sur des
propositions en réponse à trois questions portant sur les missions, la composition et le
fonctionnement de ce nouveau conseil :
« ¾ Quelles traductions concrètes pourraient être données au conseil pédagogique
dans le cadre défini par la loi ?
¾ Quelles modalités pratiques pourrait-on retenir quant à sa composition ?
¾ Quels modes de fonctionnement seraient les plus efficaces (organisation du travail
et rythme des réunions) ? »

02- La méthode

Pour répondre à cette commande en respectant les délais impartis, une enquête
a été adressée aux recteurs par la direction de l’enseignement scolaire leur demandant de
recenser pour la fin du mois d’août 2005 les établissements ayant déjà mis en place un conseil
pédagogique, soit au cours de l’année scolaire 2004-2005, soit à une date plus ancienne. La
circulaire de la préparation de la rentrée 20041 invitait en effet les établissements à développer
encore leur autonomie pédagogique en installant, au besoin à titre expérimental, « une
instance spécifique, préfiguration d’un conseil scientifique ou pédagogique ». Le cadre de
cette expérimentation était suffisamment souple pour permettre aux initiatives locales de se
développer.

1
Circulaire 2004-015 du 27-1-2004 parue au BOEN n°6, du 5 février 2004.

3
Les réponses apportées à l’enquête de la DESCO font apparaître des situations variées
pour l’année 2004-2005, avant la parution de la loi. Deux tiers des académies renvoient un
état néant mais signalent que des établissements souhaitent s’engager dans l’expérimentation
en 2005-2006. Plusieurs d’entre elles précisent qu’à leur connaissance, il n’y a pas de conseil
pédagogique stricto sensu mais font état de l’existence d’instances diverses de concertation
pédagogique, de comités de pilotage du projet d’établissement, groupes créés ces dernières
années, « chargés de contribuer, par leurs réflexions et propositions, à l’élaboration du projet
d’établissement, à la formation continue des personnels, à la prise en charge des élèves en
difficulté ». Un tiers des académies font état d’expériences plus structurées, l’une d’entre elles
estime à 15% le nombre d’établissements déjà engagés dans la démarche. Certaines
académies ont piloté l’expérimentation et l’ont évaluée, d’autres ont laissé les établissements
mener librement l’expérience, sans chercher à en mesurer l’ampleur et les effets. Les
modalités et les appellations varient. Une dynamique semble bien avoir été engagée même si
la mesure du mouvement n’est pas facile. Tous les types d’établissement sont concernés :
lycée, lycée professionnel, collège cependant les petits établissements semblent moins
impliqués, le besoin de créer une telle instance étant sans doute moins fort compte tenu de
l’effectif réduit des professeurs qui facilite la communication interne.

L’idée du conseil pédagogique fait donc son chemin depuis plusieurs années, évoquée
dans de nombreux rapports comme une nécessité en lien étroit avec le développement de
l’autonomie pédagogique des établissements. Il apparaît que, sans attendre des instructions
officielles, de nombreux établissements avaient déjà ressenti le besoin d’un tel conseil et
l’avaient mis en place, selon diverses modalités et sous des appellations variables.

Ce rapport s’efforcera de tirer les enseignements des diverses organisations mises en


place, le plus souvent de manière souple et consensuelle, parfois en toute discrétion sans que
les autorités académiques en aient été préalablement informées. Ces établissements ont donc
su anticiper la commande ministérielle en utilisant leurs marges d’autonomie pour trouver des
réponses pertinentes à des problématiques locales.
La mission a choisi de rencontrer des personnels de direction et des professeurs
engagés dans ce dispositif dans des EPLE de type différent, collèges, lycées, lycées
professionnels, situés en zone rurale ou urbaine et accueillant des populations aux
caractéristiques sociologiques variées. Malgré la diversité des expériences qui témoigne de la
capacité réelle des établissements à innover, des constantes se dessinent dans les modes
d’organisation et de fonctionnement. Le présent rapport s’appuie sur les résultats des
entretiens conduits avec les personnels d’une trentaine d’établissements observés dans 7
académies et sur l’analyse des nombreux documents fournis par les EPLE et les services
académiques sur l’ensemble du territoire.

La mission tient à témoigner de l’accueil toujours positif qu’elle a reçu, de l’intérêt


souvent passionné porté à ce sujet, du dynamisme des équipes pédagogiques rencontrées, très
investies dans la réussite de leurs élèves. Il faut enfin souligner que la très grande majorité des
établissements engagés dans la démarche l’ont poursuivie à cette rentrée.

4
1- LE DEVELOPPEMENT DE LA RESPONSABILITE DES EPLE ET LA PLACE DE
LA PEDAGOGIE

1-1- Le développement de la responsabilité des établissements publics locaux


d’enseignement (EPLE)

Le décret du 30 août 1985 modifié qui fixe le cadre de fonctionnement des EPLE
précise dans son article 2 les huit domaines dans lesquels s’exerce leur autonomie en matière
pédagogique et éducative. Celle-ci est à la fois très étendue, de l’organisation en classes au
choix de sujets d’études spécifiques à l’établissement, et clairement encadrée, comme le
montre l’article L.421-4 du code de l’éducation qui précise les attributions du conseil
d’administration, en particulier :
«1° Il fixe, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur et des
objectifs définis par les autorités compétentes de l’Etat, les principes de mise en œuvre de
l’autonomie pédagogique et éducative dont disposent les établissements et, en particulier, les
règles d’organisation de l’établissement ».
Si l’établissement est tenu de respecter les grands objectifs de la politique nationale et
académique qu’il décline à son niveau, il bénéficie de marges d’autonomie, certes variables -
selon la taille de l’établissement, sa structure - mais bien réelles. Au cours des dernières
années, l’autonomie des EPLE a pu se développer à l’occasion de la mise en place
d’enseignements ou de dispositifs nouveaux faisant intervenir plusieurs disciplines. Ce
mouvement a été explicitement encouragé dans les instructions ministérielles, en particulier
dans les dernières circulaires de préparation de rentrée.
Les conditions dans lesquelles elle s’exerce sont précisées : « Cette autonomie, qui ne
se confond pas avec la nécessaire liberté pédagogique des maîtres, ne peut être exercée
individuellement par chaque enseignant ». Elle est mise en œuvre collectivement au niveau
des établissements et au niveau des équipes pédagogiques : « le travail en équipe est le
corollaire obligé de la mise en œuvre de l’autonomie. Ses modalités peuvent être
débattues(…) pour les EPLE et sous l’autorité du chef d’établissement au sein des équipes
pédagogiques, des conseils de classe ou d’une instance spécifique, préfiguration d’un conseil
scientifique ou pédagogique ».2

La nécessité d’une concertation accrue entre les enseignants et du travail en équipe


pluridisciplinaire s’est imposée au fil des réformes avec la mise en oeuvre de projets
interdisciplinaires comme les IDD, les TPE, les PPCP ou de l’alternance au collège, le
développement des technologies de l’information et de la communication, d’enseignements
nouveaux comme l’ECJS, de l’aide apportée aux élèves en difficulté. La mise en place de
l’option et du module de Découverte professionnelle en troisième, des programmes
personnalisés de réussite éducative (PPRE) prévus dans la loi d’orientation et de programme
pour l’avenir de l’école ne pourra se faire sans une réflexion pédagogique approfondie
impliquant un travail en équipe portant aussi bien sur les contenus, les méthodes que sur
l’évaluation. L’ensemble de ces dispositifs nouveaux a révélé aux établissements des marges
d’autonomie encore inexploitées.

2
Circulaire 2004-015 du 27-1-2004 parue au BOEN n°6, du 5 février 2004.

5
La circulaire de préparation de rentrée 2004 invitait les établissements à prendre des
initiatives permettant une utilisation plus souple des moyens horaires : rapprochement des
TPE et de l’ECJS en terminale, utilisation des moyens dévolus aux IDD pour d’autres
modalités d’aide aux élèves. C’est surtout au niveau de l’organisation des enseignements et de
la mise en œuvre des programmes que les innovations sont les plus audacieuses ; diverses
combinaisons sont possibles : regroupements avec des interventions communes d’enseignants
d’une même discipline au même niveau ou dédoublements, passage possible du rythme des
heures de cours hebdomadaires à des séquences mensuelles. Les expérimentations font
tomber des cloisons traditionnellement étanches dans l’espace : la classe, et dans le temps : la
séquence horaire hebdomadaire. Au lycée, les regroupements des élèves en langues vivantes
étrangères selon les compétences de communication à travailler sont encouragés. Cette
souplesse qui s’exerce dans « les approches et les méthodes » ne signifie cependant pas pour
autant déréglementation.

La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école donne aux


établissements la possibilité de conduire des expérimentations et leur en précise le cadre,
article L.401-1, 3ème alinéa :
« Sous réserve de l’autorisation préalable des autorités académiques, le projet d’école
ou d’établissement peut prévoir la réalisation d’expérimentations, pour une durée maximum
de cinq ans, portant sur l’enseignement des disciplines, l’interdisciplinarité, l’organisation
pédagogique de la classe, de l’école ou de l’établissement, la coopération avec les partenaires
du système éducatif, les échanges ou le jumelage avec des établissements étrangers
d’enseignement scolaire. Ces expérimentations font l’objet d’une évaluation annuelle.
Le Haut Conseil de l’éducation établit chaque année un bilan des expérimentations
menées en application du présent article. »
Les expérimentations qui sont encouragées favorisent le développement d’une
autonomie certes encadrée mais bien réelle qui peut porter sur des domaines très larges.

Ce mouvement vers une plus grande responsabilité devrait s’accentuer avec la mise en
œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui va « donner aux
établissements une responsabilité budgétaire plus grande en fonction d’objectifs pédagogiques
clairement déterminés dans le cadre d’un contrat entre l’académie et les établissements. Cette
nouvelle marge d’initiative doit être utilisée par les établissements au profit d’une
organisation plus efficace ». 3 Dans la circulaire de préparation de la rentrée scolaire 20054, la
troisième grande orientation : « consolider le pilotage stratégique de l’action éducatrice »
souligne l’échéance prochaine de l’entrée en vigueur des dispositions de la LOLF qui place
l’obligation de résultats au cœur des principes qui régissent le pilotage de l’action éducatrice
de l’Etat à ses différents échelons. Le principe de responsabilité s’impose à tous les niveaux :
« Le principe de responsabilité accorde une large marge d’autonomie et de créativité
aux différents acteurs et échelons du système éducatif. Il s’accompagne nécessairement de
l’obligation de mesurer l’efficacité des actions entreprises et de rendre compte des résultats
atteints ». La pratique du dialogue annuel de gestion entre les autorités académiques et les
EPLE va se développer : « Les projets d’établissement et les perspectives d’utilisation des
moyens dont disposent les EPLE devront explicitement soutenir l’atteinte d’objectifs
3
Rapport annexé approuvé par le Parlement dans le cadre de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir
de l’école.
4
Circulaire n°2005-067 du 15 avril 2005, parue au BOEN n°18 du 5 mai 2005.

6
identifiés, cohérents avec les objectifs académiques et nationaux. Leurs rapports annuels
rendront compte de l’utilisation effective de ces moyens et des résultats obtenus au regard des
objectifs initiaux ». Des académies avancent dans la démarche de contractualisation. Certains
chefs d’établissement, tout à fait favorables au renforcement de l’autonomie des EPLE,
expriment cependant la crainte que cette dernière soit en fait considérablement contrainte et
limitée par une contractualisation mise en œuvre sans dialogue approfondi, où les services
académiques exigeraient des résultats mesurables à partir d’objectifs de performance sans
clairement s’engager sur les moyens mis à la disposition de l’établissement.

L’autonomie ne signifie pas repli sur soi. Des EPLE ont pris l’habitude de travailler en
réseau dans le cadre des bassins. La réflexion pédagogique que mène l’établissement doit
aussi prendre en compte le travail conduit avec les partenaires institutionnels et associatifs et
avec les collectivités locales qui interviennent de plus en plus souvent dans le champ éducatif,
voire pédagogique.

L’EPLE se trouve désormais confronté à des mutations importantes qui l’obligent à


assumer des responsabilités croissantes. On peut s’interroger sur sa capacité à répondre
aujourd’hui à ces nouvelles attentes. Les personnels de direction en particulier doivent
recevoir l’information et la formation nécessaires pour piloter le changement dans les
établissements.

1-2- La place encore insuffisante de l’animation et de la réflexion pédagogique dans les


établissements

Si la pédagogie est l’essence même de l’EPLE, c’est curieusement le domaine dont on


débat aujourd’hui le moins dans l’établissement, mis à part les discussions toujours animées
en commission permanente et en conseil d’administration sur les moyens horaires, discussions
qui portent d’ailleurs davantage sur l’insuffisance de la dotation que sur la répartition même
des moyens en fonction d’un projet pédagogique. Comme le notaient dans un rapport5 les
inspecteurs généraux qui ont analysé les procès-verbaux des séances des conseils
d’administration de plus de 120 EPLE : « les ordres du jour n’évoquent assez souvent que des
questions financières et matérielles, les procès-verbaux ne retraçant que peu de débats sur les
choix pédagogiques de l’établissement, sur son projet, sur les performances des élèves, les
taux de redoublement et d’orientation, la politique d’information et d’orientation».
Les personnels rencontrés lors de cette mission confirment l’actualité de ce constat : le
conseil d’administration ne consacre que peu de temps aux débats sur les questions
pédagogiques. Certains chefs d’établissements rencontrés déclarent même qu’ils ne réunissent
plus la commission permanente. Le conseil d’administration n’exerce donc pas la totalité des
compétences que lui confère la loi, faute de réflexion pédagogique organisée en amont.

La politique pédagogique devrait constituer la partie essentielle du projet


d’établissement, élaboré à l’issue d’une démarche participative impliquant l’ensemble de la
communauté éducative, à partir d’un diagnostic partagé des forces et des faiblesses de

5
« Synthèse des visites d’EPLE effectuées par les membres de l’IGAENR durant l’année scolaire 2002-2003 :
une analyse des conditions d’une plus grande autonomie des établissements scolaires », novembre 2003, n°2003-
093.

7
l’établissement. Certes la grande majorité des EPLE répondent bien à l’obligation, clairement
inscrite dans la loi et rappelée par les autorités académiques, de produire un tel projet mais les
rapports successifs de l’inspection générale dénoncent son caractère formel. Trop souvent
encore rédigé par le seul chef d’établissement, le projet d’établissement ne fait que reprendre
en guise d’axes principaux les priorités de la politique ministérielle et académique sans tenir
compte du contexte local. L’utilisation de formulaires-types édités par les autorités
académiques et complétés par le chef d’établissement encourage les établissements à produire
un document passe-partout, à l’opposé de l’esprit et de la lettre d’un véritable projet collectif.
Il n’est dès lors pas surprenant que les professeurs ne s’y retrouvent pas et ne sentent pas
engagés par ses objectifs. Plusieurs chefs d’établissement rencontrés soulignent les
nombreuses injonctions qui imposent de faire figurer dans ce document des thèmes
d’actualité, au risque de perdre l’authenticité du projet et surtout d’en brouiller les priorités.
Ce projet, par définition pluriannuel, doit en principe être validé chaque année à
travers le rapport sur le fonctionnement pédagogique de l’établissement établi par le conseil
d’administration, en précisant les résultats obtenus et les objectifs à atteindre6, mais peu
d’établissements remplissent cette obligation. Certes, dans leur discours de rentrée, lors d’un
conseil d’administration, les chefs d’établissement présentent les performances de
l’établissement aux examens, les résultats bruts de l’orientation mais ces indicateurs ne font le
plus souvent l’objet que d’une analyse rapide, sans réel débat, sans incidence sur l’évolution
du projet d’établissement. L’efficacité du redoublement est par exemple rarement étudiée, les
actions mises en place ne sont pas assez évaluées, les pratiques pédagogiques sont rarement
évoquées. La situation semble cependant évoluer, la culture de l’évaluation semble se mettre
en place progressivement.7 Une réflexion intéressante est conduite sur ce point dans
l’académie de Bordeaux. Quant au programme d’information et d’orientation qui doit être
obligatoirement présenté au conseil d’administration, il se résume le plus souvent au seul
programme d’activités du conseiller d’orientation-psychologue de l’établissement. On peut se
demander pourquoi la pédagogie, domaine pourtant essentiel, occupe une place si réduite dans
les instances de l’établissement. D’après les interlocuteurs que nous avons rencontrés, les
raisons en sont multiples.
C’est d’abord une question de temps. Le conseil d’administration, organe délibératif,
mais aussi la commission permanente, doivent traiter de multiples questions qui encombrent
l’ordre du jour, laissant peu de place au débat sur la politique pédagogique de l’établissement
qui nécessiterait une large information, du temps pour les échanges et la maturation de la
réflexion. Les modifications récentes du décret de 19858 qui réduisent le nombre des membres
de la commission permanente et accroissent les délégations devraient résoudre en partie ce
problème en rendant cette instance plus efficace et plus opérationnelle.
Les personnels rencontrés évoquent aussi l’absence d’une véritable réflexion
pédagogique en interne. Il faut en effet préparer le travail du conseil d’administration en
amont et pour cela, investir le domaine pédagogique, le cœur du fonctionnement de

6
Article L.421-4 2° du code de l’éducation.
7
Des chefs d’établissement évoquent l’impact positif du dispositif d’évaluation des personnels de direction.
Ceux-ci élaborent un diagnostic préalable de leur établissement en identifiant des axes de progrès, ils reçoivent
ensuite une lettre de mission du recteur et doivent établir un rapport au bout de 3 années, établissant le bilan des
progrès réalisés. La démarche oblige les chefs d’établissement à construire ou rassembler des indicateurs, à
mesurer l’efficacité des actions mises en place à court et moyen terme.
8
Décret n°2005-1145 du 9 septembre 2005 modifiant le décret n°85-924 du 30 août 1985 relatif aux
établissements publics locaux d’enseignement.

8
l’établissement, terrain d’experts sur lequel les chefs d’établissement hésitent encore trop
souvent à s’aventurer.

1-3- La responsabilité pédagogique du chef d’établissement : une légitimité à conforter

On parle souvent du pilotage pédagogique du chef d’établissement. Derrière ce terme,


se cachent des réalités variables et il y a parfois loin de l’ambition affichée à la réalité
observée. Le rôle et même la responsabilité du chef d’établissement dans le domaine
pédagogique sont souvent minimisés, parfois contestés par les professeurs.
Certaines tâches, bien identifiées, relevant de l’organisation de la pédagogie, sont
reconnues de la compétence des chefs d’établissement et de leurs adjoints : constitution des
classes, attribution des services d’enseignement, composition des équipes pédagogiques,
désignation des professeurs principaux, confection des emplois du temps, répartition des
moyens horaires et des crédits. Les personnels de direction assument le plus souvent toutes
leurs responsabilités en ce domaine mais pour certains enseignants, il ne s’agit là que de
l’organisation administrative de la pédagogie, vue de façon réductrice. On sait pourtant que
celle-ci conditionne le bon fonctionnement de l’établissement et la réussite des élèves. La
répartition des services, la confection des emplois du temps sont des exercices difficiles de
compromis entre diverses contraintes qui vont peser de manière évidente sur le déroulement
de la scolarité des élèves.

La persistance du clivage entre l’administration de la pédagogie et son exercice direct


par les professeurs paralyse toute évolution et explique sans doute en partie la pauvreté de la
partie pédagogique des projets d’établissement, leur formalisme. Le chef d’établissement, seul
ou avec son adjoint, n’a pas toujours les moyens, les outils, la connaissance nécessaires pour
animer la vie pédagogique de son établissement et faire évoluer les pratiques pédagogiques, il
n’en a pas le temps, absorbé par de multiples tâches liées à la gestion.
Tous les personnels de direction rencontrés lors de cette mission ont souhaité recentrer
leur travail sur la pédagogie. Aucun ne s’affirme le « premier pédagogue de l’établissement »,
la démarche qui les a conduits à expérimenter le conseil pédagogique est plus modeste. Ils
disent avoir senti le besoin d’avoir des « relais », la nécessité de réserver un temps dédié au
dialogue direct avec les enseignants pour mettre à plat les difficultés, essayer de trouver
ensemble des solutions durables « en ne travaillant pas pour une fois dans l’urgence ».

1-4- Le rôle des équipes pédagogiques et les limites de leur action

Le chef d’établissement devrait pouvoir s’appuyer sur le travail des équipes


pédagogiques pour exercer efficacement le pilotage pédagogique de l’établissement puisque
c’est à elles que revient la charge de mener la réflexion pédagogique. Elles sont définies à
l’article L.912-1 du code de l’éducation :
« Les enseignants sont responsables de l’ensemble des activités scolaires des élèves.
Ils travaillent au sein d’équipes pédagogiques ; celles-ci sont constituées des enseignants
ayant en charge les mêmes classes ou groupes d’élèves ou exerçant dans le même champ
disciplinaire et des personnels spécialisés, notamment les psychologues scolaires dans les
écoles. Les personnels d’éducation y sont associés. »

9
La circulaire de 1997 sur la mission des enseignants9 invite le professeur à travailler en
équipe : « Un professeur n’est pas seul ; au sein de la communauté éducative, il est membre
d’une ou plusieurs équipes pédagogiques et éducatives. Il est préparé à travailler en équipe et
à conduire avec d’autres des actions et des projets. Il a le souci de confronter ses démarches,
dans une perspective d’harmonisation et de cohérence, avec celles de ses collègues ».

De deux types, les équipes pédagogiques regroupent les professeurs par discipline ou
par classe et groupe d’élèves.
Les équipes pédagogiques qui se réunissent par discipline ou spécialité sont des
instances peu ou mal connues sous cette appellation dans les établissements où l’on continue à
parler de conseils d’enseignement, terme qui figurait dans le décret du 28 décembre 1976
régissant préalablement l’organisation administrative et financière des collèges et des lycées
et qui a disparu en 1985. On parle d’ailleurs encore dans certains textes officiels des conseils
d’enseignement10. Les équipes pédagogiques constituées par discipline ou spécialité 11« ont
pour mission de favoriser les coordinations nécessaires entre les enseignants, en particulier en
ce qui concerne le choix des matériels techniques, des manuels et des supports
pédagogiques». Ces équipes traitent donc essentiellement de questions matérielles ou
organisationnelles propres à leur discipline ou groupes de disciplines comme en témoignent
les personnels rencontrés. Une à deux réunions sont organisées en moyenne par an. La
première se tient à la prérentrée avant la reprise des cours, la seconde au cours du troisième
trimestre pour choisir les manuels scolaires, prévoir le renouvellement ou l’équipement en
matériels pédagogiques, réfléchir à la politique documentaire, éventuellement se concerter au
moment de l’élaboration des fiches des vœux des professeurs en vue de la répartition des
services pour la rentrée suivante. Les réunions sont animées par un « professeur
coordonnateur », l’expression est préférée à « responsable de discipline » qui pourrait laisser
supposer une forme de hiérarchie refusée par leurs collègues considérés comme des « pairs ».
Les professeurs documentalistes participent en général à ces réunions, contrairement aux
conseillers principaux d’éducation.

Le dynamisme de ces équipes est variable. Certaines équipes ne se réunissent


pratiquement jamais, d’autres sont particulièrement dynamiques. Dans un collège de taille
moyenne, les professeurs de mathématiques élaborent ensemble leur progression pédagogique
à chaque niveau, organisent des devoirs communs et échangent les copies pour la correction.
Dans un lycée, un professeur d’histoire géographie apprécie d’avoir découvert, grâce au
conseil pédagogique, les programmes et problématiques d’autres disciplines mais déclare
toujours ignorer ce que font ses collègues en histoire-géographie !

« Les équipes pédagogiques constituées par classe, ou groupe d’élèves éventuellement


regroupés par cycles ont pour mission de favoriser la concertation entre les enseignants, en
particulier en ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre du projet d’établissement, la
coordination des enseignements et des méthodes d’enseignement, d’assurer le suivi et
l’évaluation des élèves, d’organiser l’aide à leur travail personnel ». A cette mission

9
Circulaire n°97-123 du 23-5-1997 : « Mission du professeur exerçant en collège, lycée, ou en Lycée
professionnel » - BOEN n°22, du 29 mai 1997.
10
Voir la circulaire n°97-123 citée plus haut.
11
Décret 85-924 du 30 août 1985 sur les EPLE, article 32 modifié par le décret n°90-978 du 31 octobre 1990,
article 24.

10
essentiellement pédagogique, s’ajoute le conseil en orientation qui suppose des relations
suivies avec les familles et une collaboration étroite avec les personnels d’éducation et
d’orientation12 .
Les professeurs rencontrés témoignent qu’en pratique, les équipes pédagogiques
constituées par classe sont surtout centrées sur le suivi individuel ou collectif des élèves,
l’évolution des résultats de la classe, son climat, les relations avec les parents. Elles préparent
les conseils de classe. Les professeurs principaux jouent là un rôle essentiel, désormais
reconnu par l’institution à tous les niveaux dans le second degré, et sont souvent à l’initiative
des réunions. Les conseillers principaux d’éducation y participent régulièrement,
exceptionnellement les documentalistes. Les chefs d’établissement réunissent les professeurs
principaux des classes charnières pour l’orientation, troisième, seconde, en moyenne une fois
par an pour rappeler et si possible harmoniser les procédures en interne mais la situation reste
variable d’un établissement à l’autre. Les réunions des équipes pédagogiques par classe sont
surtout organisées pour gérer des classes difficiles sur le plan de la discipline ou du travail ou
pour résoudre des problèmes spécifiques liés à l’orientation. Dans la mission très large qui
leur est confiée, la part consacrée à l’élaboration et la mise en œuvre du projet
d’établissement, à la coordination des enseignements et des méthodes d’enseignement reste
minoritaire de l’aveu des enseignants.

L’activité des équipes pédagogiques que ce soit par discipline ou par classe est en
général reconnue et appréciée. Elle se révèle essentielle pour le bon fonctionnement de
l’établissement, permettant aux enseignants de sortir de leur isolement, aux professeurs
débutants, voire aux professeurs en difficulté, de trouver auprès de leurs pairs un soutien et
une aide précieuse. Mais comme l’a déclaré un enseignant : « on ne peut se contenter de
décréter le travail en équipe, il faut le susciter, le favoriser, créer les conditions de sa
réalisation ». C’est parfois difficile et l’éclatement de l’emploi du temps des professeurs ne
favorise pas la concertation. Le dynamisme des équipes pédagogiques est donc variable, y
compris à l’intérieur même de l’établissement. De plus, leur travail n’est pas suffisamment
exploité. Il est rare que soient réunies ensemble les équipes pédagogiques par classe ou niveau
et par discipline. Ce fonctionnement compartimenté des équipes entraîne une parcellisation de
la réflexion pédagogique dont les résultats ne sont pas diffusés à l’ensemble des professeurs et
sont donc insuffisamment exploités au niveau de l’établissement. Ainsi quelle que soit la
richesse de la réflexion pédagogique menée par les équipes en place, ses effets restent le plus
souvent limités, circonscrits au niveau d’une discipline ou d’une classe, du fait du
cloisonnement actuel du travail des enseignants. Il n’existe pas à ce jour, avant la création du
conseil pédagogique, d’instance rassemblant les représentants des équipes pédagogiques autre
que le conseil d’administration, instance chargée de collecter les fruits de la réflexion menée
au sein de chaque équipe pour construire un projet collectif au niveau de l’établissement.
Un collège explique ainsi l’origine de la création de son conseil pédagogique : « s’il y
avait une dynamique de projets très riche, il devenait nécessaire d’approfondir une réflexion
sur le plan de la pédagogie et en particulier dans sa dimension transdisciplinaire ».
La segmentation actuelle de la réflexion pédagogique ne favorise donc pas
l’émergence d’un travail collectif, pourtant indispensable pour assurer la réussite des élèves et
trouver des solutions efficaces pour aider ceux qui éprouvent des difficultés.

12
Décret 85-924.

11
1-5- La résistance des établissements au développement de la responsabilité, la position
ambiguë de la tutelle

Les marges d’autonomie existent, elles sont réelles, pourtant les établissements restent
prudents, voire frileux. Le constat mitigé de plusieurs rapports de l’inspection générale sur les
progrès de l’autonomie montrent une évolution très mesurée13,14. Les marges même limitées,
données par exemple par la dotation horaire globale, sont trop souvent utilisées pour des
dédoublements systématiques dans certaines disciplines sans tenir compte des besoins
spécifiques des élèves en difficulté. La résistance a deux origines, les enseignants qui
craignent une déréglementation, la tutelle qui a encore du mal à faire confiance aux EPLE et
doit lutter contre le réflexe du contrôle a priori et de la réglementation excessive.

Certains professeurs expriment de la méfiance, et même une franche réticence, devant


la perspective d’une responsabilité renforcée des établissements dans le domaine
pédagogique. Ils se disent attachés au cadre national que constituent les programmes et les
horaires, naguère qualifiés de carcans, considérés aujourd’hui comme une garantie face à des
dérives locales toujours possibles, selon eux, de déréglementation qui porteraient atteinte à
l’égalité de traitement des élèves. Ils se déclarent par ailleurs très attachés à la liberté
pédagogique du maître dans sa classe et voient dans le projet de création d’un conseil
pédagogique une volonté de mettre les professeurs sous tutelle pédagogique des chefs
d’établissement. Parmi les professeurs rencontrés, certains craignent que la concertation
aboutisse en fait à « l’uniformisation des pratiques pédagogiques », imposée à tous, le pas
peut être vite franchi selon eux de l’harmonisation à l’uniformisation. L’inspection
pédagogique territoriale apparaît, pour certains, comme un contre-pouvoir bénéfique pouvant
faire obstacle au pouvoir pédagogique grandissant des chefs d’établissement, dont la
légitimité pédagogique resterait à construire.
Quant aux autorités académiques, certaines persistent à vouloir réglementer dans le
détail l’organisation pédagogique des établissements, en contradiction avec la volonté
ministérielle affichée, ce qui réduit d’autant leurs marges d’autonomie15.

Les arguments évoqués, les scenarii envisagés - certains frôlant parfois la caricature-
par des professeurs hostiles au renforcement de l’autonomie pédagogique qui refusent tout
assouplissement ne peuvent toutefois faire oublier le risque de dérives toujours possibles en
ce domaine (non respect des horaires dus aux élèves, refus d’appliquer des réformes).
A ces conditions, l’autonomie de l’établissement peut se développer sans
risques : « Plus l’autonomie est affirmée, plus le « regard » et la régulation par l’institution
apparaissent nécessaires ; car l’exercice par les EPLE de l’autonomie qui leur est consentie
doit préserver pour autant le caractère national de l’éducation ».16

13
Rapport de l’IGEN : « L’autonomie de l’EPLE en question dans la relation entre l’autorité académique et
l’établissement scolaire », novembre 2001, n°2001-047.
14
Rapport de l’IGAENR : « Synthèse des visites d’EPLE effectuées par les membres de l’IGAENR durant
l’année scolaire 2002-2003 : une analyse des conditions d’une plus grande autonomie des établissements
scolaires », novembre 2003, n°2003-093
15
Le rapport conjoint IGEN-IGAENR n°2001-007 et 01-021, avril 2001, « La fonction « conseil aux
établissements publics locaux d’enseignement », parlait de « harcèlement textuel » et listait plus d’une centaine
de textes réglementaires parus entre le 1er janvier 1996 et novembre 2000. Quoique le rythme ait depuis ralenti,
il s’agit encore d’une tendance lourde au sein du ministère.
16
Ibidem

12
Face à cette évolution vers une responsabilité grandissante, les EPLE semblent
aujourd’hui insuffisamment aidés et armés pour répondre à ces exigences nouvelles. Selon un
rapport de l’inspection générale sur cette question17, l’appui apporté aux établissements
demeure encore faible au regard du nombre d’injonctions qu’ils reçoivent. Quant au conseil
en pédagogie, donné par les inspecteurs territoriaux aux professeurs, il apparaît parfois en
contradiction avec la logique de l’autonomie des EPLE.
« La difficulté du conseil dans la mise en œuvre d’une réforme réside, pour les corps
d’inspection à compétences pédagogiques, dans la nécessité de s’inscrire à l’intersection de
cette volonté nationale très prégnante de réglementer dans le détail d’une part, et de la
nécessité d’une prise en compte véritable de l’autonomie des EPLE et des spécificités locales
d’autre part »18.

La mise en place à titre expérimental du conseil pédagogique semble avoir suscité des
craintes chez certains inspecteurs territoriaux. Dans une académie, la circulaire rectorale
adressée aux chefs d’établissement en 2004-2005 insiste fortement sur la frontière
infranchissable entre d’une part la pédagogie, dont peut parler le conseil pédagogique, d’autre
part, la didactique, domaine strictement réservé aux corps d’inspection :
« Le conseil pédagogique est un lieu où des professionnels peuvent parler pédagogie.
La pédagogie, définie comme appartenant au champ de l’éducation, n’est pas la didactique de
la discipline. Le Conseil pédagogique n’a pas à se préoccuper de cet aspect qui relève des
corps d’inspection et d’eux seuls. Le Conseil pédagogique se préoccupe de l’amont (par
exemple les liaisons avec le cycle et le degré antérieur), de l’aval (par exemple, l’évaluation),
de l’environnement (par exemple un voyage scolaire) ou du transversal (par exemple le travail
en groupe) ». Certes il est indispensable de rappeler la distinction entre pédagogie et
didactique, pour autant, le conseil pédagogique peut aussi s’intéresser « au-dedans » sans pour
cela toucher à la liberté pédagogique de l’enseignant.

Ces craintes heureusement ne semblent pas partagées par les professeurs rencontrés
dans les établissements qui n’ont pas vécu la mise en place du conseil pédagogique comme
une atteinte à leur liberté pédagogique mais qui parlent au contraire « d’un lieu de parole »,
« de liberté d’expression ». Ils évoquent de manière très positive l’intervention d’IA IPR
appelés en tant qu’experts sur des thèmes transversaux : la lecture ou la mise en place d’une
option « culture scientifique » dans un collège où trois inspecteurs de disciplines scientifiques
sont intervenus conjointement. Le conseil apporté par les inspecteurs a conforté les
professeurs et le chef d’établissement dans leur projet tout en apportant une caution
nécessaire. Il s’agit bien là d’un exemple de pilotage pédagogique partagé, dans le respect des
compétences de chacun.

Les enseignants doivent prendre une part active à la réflexion pédagogique au niveau
de l’établissement pour préparer les travaux du conseil d’administration et aider l’équipe de
direction et en particulier le chef d’établissement sur lequel ne peut pas reposer la seule
responsabilité de la rédaction du projet d’établissement et les analyses du rapport annuel sur le
fonctionnement pédagogique.

17
Rapport déjà cité : « La fonction « conseil aux établissements publics locaux d’enseignement », avril 2001.
18
Ibidem, p. 23.

13
Depuis quelques années, pressentant ces évolutions et pour répondre à ces nouvelles
exigences, plusieurs rapports ont suggéré la création d’une instance, appelée conseil
pédagogique ou conseil scientifique, pour accompagner l’évolution des établissements vers
une plus grande autonomie. Le terme apparaît de manière officielle pour la première fois dans
un BOEN en 200219. Il y est précisé qu’une des missions du chef d’établissement consiste à
« conduire une politique pédagogique et éducative d'établissement au service de la réussite
des élèves… ». Le chef d’établissement est appelé à « présider et animer le futur conseil
pédagogique de l'établissement ».
La richesse de la réflexion sur cette question explique sans doute pourquoi de
nombreux établissements ont anticipé la loi et mis en place de leur propre initiative une
nouvelle instance, rassemblant des professeurs, chargée de mener la réflexion et de faire des
propositions dans le domaine pédagogique.

19
BOEN spécial n°1 du 3 janvier 2002, consacré au protocole d’accord relatif aux personnels de direction ;
Annexe 1- Référentiel des personnels de direction, document 1 : les missions du chef d’établissement.

14
2- L’EXPERIMENTATION DU CONSEIL PEDAGOGIQUE : ANALYSE ET
PROPOSITIONS

2-1- La mise en place progressive d’instances de concertation pédagogique dans les


EPLE

Comme le note un recteur : « Ces conseils pédagogiques ont en grande partie pour
origine les structures préexistantes de pilotage du projet d’établissement. Le lien entre conseil
pédagogique et projet d’établissement apparaît très fortement dans les expérimentations ».
Selon les résultats de l’enquête envoyée par la DESCO, quelques académies se sont
engagées officiellement dans la démarche en 2004-2005, en s’appuyant notamment sur la
circulaire de préparation de rentrée 2004. En l’absence d’un texte réglementaire au niveau
national, certains recteurs ont adressé aux EPLE concernés une circulaire en indiquant
quelques pistes sans toutefois imposer un cadre rigide.

L’académie de Toulouse a lancé l’expérimentation des « conseils pédagogiques et


scientifiques » en juin 2004. Le pilotage en a été confié au coordonnateur académique des
innovations, par ailleurs chef du service académique de la formation continue. Une circulaire
rectorale donnait les principales orientations concernant la composition, l’objectif et la
méthode. L’expérience innovante suivait un protocole particulier. Un enseignant désigné par
le chef d’établissement, rémunéré par des heures supplémentaires payées par la mission
innovation, était chargé d’établir un compte-rendu, sous forme d’une monographie, les
analyses produites devant servir à bâtir des actions de formation continue concernant
l’encadrement pédagogique. Plutôt que de lancer un appel large à candidatures, l’académie a
choisi de solliciter directement 17 établissements, 8 lycées, 2 lycées professionnels et 7
collèges, répartis dans les huit départements de l’académie. L’expérience formalisée et
évaluée est riche d’enseignements. Certains établissements ne sont pas véritablement entrés
dans la démarche ; malgré le cadrage rectoral, de nombreuses réunions ont été consacrées à
des questions concernant les objectifs et le fonctionnement même de cette instance. D’autres
établissements, les plus nombreux, se sont appuyés sur leur expérience antérieure de travail en
équipe pour dynamiser l’animation pédagogique et produire des outils mis à la disposition de
l’ensemble des enseignants. L’académie a pu constituer un vivier de formateurs pouvant
intervenir auprès des personnels d’encadrement, des professeurs et des personnels
d’éducation.

Les établissements de l’académie de Rouen se sont engagés activement dans la


démarche puisqu’un nombre significatif d’entre eux font expressément état d’une
expérimentation et d’autres EPLE qui ne sont pas entrés dans la démarche déclarent disposer
déjà d’ateliers ou de groupes de pilotage mis en place pour le projet d’établissement.

Dans l’académie de Bordeaux, les personnels de direction engagés dans


l’expérimentation sur la LOLF ont souhaité mettre en place des « groupes de pilotage », en
fait des « dispositifs de concertation, de coordination et d’évaluation pédagogiques »
similaires dans leur composition et leurs missions au conseil pédagogique, fidèles dans leurs
orientations au titre 3 de la circulaire de rentrée 2005 déjà citée. 13 établissements sont
concernés.

15
Dans les académies d’Amiens, de Lille et de Limoges, plusieurs établissements ont
mis officiellement en place des conseils pédagogiques.
Une enquête réalisée par l’académie de Strasbourg apporte un éclairage intéressant sur
la réalité des pratiques de concertation mis en place dans les EPLE. Peu après la parution de la
loi du 23 avril 2005, en mai 2005, cette académie a lancé une rapide enquête auprès des chefs
d’établissement du département du Haut-Rhin. L’initiative est particulièrement intéressante
car elle fait ressortir l’existence d’instances variées remplissant une partie au moins des
missions indiquées à l’article L.421-5 du code de l’éducation, avant la parution des textes
officiels. L’enquête a recensé 43 EPLE sur 84, soit plus de la moitié, qui ont déjà créé un
groupe de coordination pour répondre aux principaux enjeux pédagogiques, 15 établissements
ayant installé un « conseil pédagogique », identifié comme tel.

Notre analyse s’appuiera donc sur les « conseils pédagogiques » et sur les autres
instances mis en place dans les EPLE. Les bilans sont nettement positifs, même si de
nombreuses interrogations subsistent ; tous les établissements déjà engagés déclarent vouloir
poursuivre l’expérience cette année.

¾Proposition 1 :
Repérer, valoriser et diffuser les bonnes pratiques dans les académies dans le cadre de la
formation initiale et continue des personnels d’encadrement et des personnels
d’enseignement et d’éducation.

2-2- Le travail du conseil pédagogique : principales activités et réalisations

La loi donne au conseil des missions étendues : « Il a pour mission de favoriser la


concertation entre les professeurs, notamment pour coordonner les enseignements, la notation
et l’évaluation des activités scolaires. Il prépare la partie pédagogique du projet
d’établissement ».
Il est intéressant d’observer les champs de compétence qu’ont investis les conseils
pédagogiques expérimentaux, mis en place avant que la loi n’en fixe le cadre. Comme le note
un recteur dans la synthèse qu’il a rédigée pour son académie :
«On attribue à ce « conseil pédagogique » un faisceau de missions qui varient selon les
établissements, l’implication des équipes éducatives et la volonté de l’équipe de direction ».
L’examen de la variété des expériences menées conduit à la nécessité de centrer ses missions
sur le domaine pédagogique avec pour objectif prioritaire la réussite de tous les élèves, tout en
préservant la richesse et l’originalité du travail déjà accompli.

Les conseils pédagogiques ont naturellement repris les missions dévolues aux équipes
pédagogiques, constituées par classe et par niveau, sans d’aucune façon entrer en concurrence
avec elles, bien au contraire, mais en mutualisant plutôt le résultat de leur réflexion et en
facilitant la réalisation des projets. Le plus souvent, ils ont exploité et diffusé au niveau de
l’ensemble de l’établissement la réflexion et les propositions des équipes pédagogiques. Leurs
contributions ont souvent permis de dynamiser la démarche de projet d’établissement.

¾Proposition 2 :
Le conseil pédagogique s’appuie sur le travail des équipes pédagogiques et le valorise en
assurant la coordination, la diffusion des projets et en aidant à leur réalisation.

16
Ce qui frappe, c’est la variété des thèmes abordés.
Les exemples les plus courants concernent des questions matérielles : la répartition des
crédits pédagogiques, le choix des manuels en collège, les demandes d’équipements
pédagogiques, l’ébauche d’une politique documentaire, questions qui supposent
l’établissement de priorités et une étroite concertation entre les disciplines. La discussion ne
se limite à l’aspect budgétaire, comme le montre l’exemple des TICE. De nombreux
établissements ont travaillé au développement des TICE. Le coordinateur TICE, quand il
existe, participe toujours au conseil pédagogique. Au-delà des demandes d’équipements aux
collectivités, la question débouche immédiatement sur les usages pédagogiques des TICE, le
B2i et l’élaboration d’un plan de formation continue des enseignants. Le volet éducatif est
également abordé, adoption d’une charte des utilisateurs d’Internet, etc.

Les professeurs rencontrés semblent unanimes sur la nécessité de développer la


concertation. L’information circule encore mal. C’est un des premiers problèmes abordés. Les
conseils pédagogiques mis en place, de l’avis de tous, ont permis d’améliorer la
communication entre professeurs de niveaux et de disciplines différentes et entre
« l’administration » et le corps professoral. Il peut s’agir d’une information réciproque entre
disciplines comme celle concernant dans les lycées l’évolution de l’enseignement des langues
vivantes et la grille de compétences des langues au niveau européen. Ce peut aussi des
explications données par l’équipe de direction aux professeurs sur les principes d’organisation
de la pédagogie (constitution des classes, confection des emplois du temps…) . Une des
conséquences immédiates a été la demande faite dans plusieurs établissements de prévoir des
plages possibles de concertation entre professeurs d’une même équipe, d’un même niveau ou
appartenant au conseil pédagogique. Plusieurs chefs d’établissement et leurs adjoints ont
réussi à répondre positivement à cette demande lors de la confection des emplois du temps
pour la rentrée 2005.

Plusieurs établissements ont mis en place des « journées pédagogiques » pour faciliter
l’expression des professeurs. Tous participent à des commissions pour établir un diagnostic de
l’établissement, évaluer les actions mises en place, débattre des grands axes du projet
d’établissement ou travailler sur un thème précis. L’ensemble des contributions alimente la
réflexion du conseil pédagogique qui opère la synthèse pour préparer la partie pédagogique du
projet d’établissement.

De nombreux professeurs disent qu’ils ont apprécié de trouver un lieu où exprimer


leurs difficultés en prenant le temps de rechercher ensemble des solutions, « lieu
d’expression », « au cœur des problèmes pédagogiques », « lieu de parole libre », « espace de
liberté », « force de proposition ». C’est un effet incontestablement positif, qui améliore le
climat de l’établissement et favorise la réussite des élèves. Le conseil pédagogique n’est pas
une instance décisionnelle mais consultative, ce qui explique en partie la liberté de ton et
l’audace de certaines propositions.

C’est le cas par exemple dans un collège du sud, de 720 élèves et 50 professeurs,
particulièrement dynamique et innovant, où le conseil pédagogique a été mis en place car le
principal regrettait l’absence de niveau intermédiaire entre la direction et les enseignants.
Dans une lettre adressée aux représentants du personnel enseignant au conseil
d’administration, il proposait en ces termes la création d’un «conseil pédagogique » :

17
« Notre établissement, comme tous les autres, souffre d’une insuffisante structuration
interne ce qui nuit à notre efficacité, ce qui opacifie les modalités et le sens des prises de
décisions et ce qui ne permet pas de développer les meilleures formes démocratiques de
fonctionnement.
Je souhaite donc proposer la constitution d’un groupe de travail consultatif et
permanent, (formé dans un premier temps par les coordonnateurs de disciplines), dont les
missions seraient les suivantes :
- cellule de projet et de propositions
- cellule d’analyse de pratiques et d’évaluation
- cellule de conseil à la gestion
- cellule de conseil en documentation, information et communication.
Nous assurerions ainsi un pilotage de l’établissement beaucoup mieux concerté, une
meilleure adhésion aux décisions, une meilleure lisibilité de notre politique ».

Les sujets traités sont nombreux : mise en place des IDD, de l’alternance, de l’option
et du module Découverte professionnelle, facilitée par une expérience préalable conduite dans
l’établissement d’une classe de troisième « à ouverture professionnelle ». Le conseil
pédagogique s’est beaucoup interrogé sur l’hétérogénéité. L’offre de formation s’est élargie
en troisième : outre le latin, le grec, le théâtre et la danse, on trouve une « option culturelle :
découverte des sciences ». Le conseil pédagogique s’est aussi intéressé à la confection des
emplois du temps de manière à pouvoir offrir le choix à tous les élèves de troisième. La
réflexion sur l’aide aux élèves repérés en difficulté a abouti à une répartition des services
originale. Les professeurs enseignent sur une « unité », soit un bloc de deux divisions de
même niveau, une plage horaire commune aux deux classes étant prévue pour leur permettre
de travailler de manière souple avec des élèves issus des deux classes. Le rapport annuel sur le
fonctionnement pédagogique évalue cette structuration : elle a « permis d’assurer une
meilleure cohérence des enseignements, d’organiser un soutien pédagogique plus fonctionnel
(au niveau 6ème), de favoriser les échanges pédagogiques et de définir un discours homogène
en matière d’exigences comportementales ». Le conseil a « naturellement » étendu sa
réflexion à la politique éducative du collège avec l’aide du CPE : une charte de l’élève et, plus
originale, une charte du professeur ont été élaborées.
Les professeurs estiment que l’expérience acquise dans le traitement des élèves en
difficulté leur permettra d’expérimenter dès cette rentrée la mise en place du programme
personnalisé de réussite éducative prévu à l’article L.311-3-1 et L.311-7 pour accompagner le
redoublement (2 élèves seulement redoublent en 6ème cette année) mais surtout pour le
prévenir.
Dans ce collège, le conseil pédagogique est très dynamique. Après les tâtonnements du
début, ses missions semblent très étendues, de l’organisation pédagogique de l’établissement
à l’harmonisation des pratiques et à la vie scolaire.

Le choix des sujets traités varie selon les établissements car il vient des enseignants
eux-mêmes, il s’agit le plus souvent de résoudre une difficulté, de « clarifier une situation ».
Un professeur a cette formule : « le conseil pédagogique nous a permis d’extérioriser nos
difficultés ». Le plus souvent, les professeurs expriment un certain désarroi devant l’échec
scolaire et cherchent ensemble des solutions pour aider les élèves en difficulté.

18
Dans un collège en zone sensible, c’est le principal qui a souhaité que l’on réfléchisse
à l’enseignement des mathématiques en 6ème les résultats aux tests d’évaluation étant
catastrophiques dans cette discipline. Les réunions de la « coordination pédagogique » ont
permis de mettre en place diverses mesures : une remédiation en mathématiques et français en
6ème, une aide aux devoirs le soir. Une formation de 4 jours animée par l’IA IPR de
mathématiques a réuni les professeurs de mathématiques du collège et les professeurs des
écoles primaires.

Dans un lycée général de 1000 élèves et de 80 enseignants, le conseil pédagogique a


fait émerger deux problèmes particuliers qui préoccupaient les enseignants : la prise en charge
des élèves en difficulté en seconde et la dyslexie. Des membres du conseil ont approfondi ces
questions dans des ateliers thématiques. Le premier portait sur « l’aide méthodologique aux
élèves en difficulté en seconde » et a abouti à la réalisation de « fiches diagnostic du type des
anciennes évaluations à l’entrée en seconde », de questionnaires et de fiches
méthodologiques : « organiser son travail sur la semaine », « comment retenir l’essentiel ? »,
« comment apprendre un cours ? », « Gérer mon émotivité, mon anxiété »...Ces fiches sont
mises à la disposition des professeurs volontaires. Le deuxième atelier a travaillé sur la
dyslexie, pour mieux comprendre ce problème et ses répercussions sur les apprentissages.
L’infirmière qui participait au conseil pédagogique a organisé l’information de l’ensemble du
corps enseignant (intervention d’un orthophoniste, d’un médecin) et les professeurs mieux
informés ont réfléchi aux réponses pédagogiques à apporter. Le conseil pédagogique a
beaucoup contribué à la définition du plan de formation des personnels.

Plusieurs établissements ont élaboré en conseil pédagogique leur plan de formation


continue, confrontant les besoins de plusieurs disciplines, la discussion aboutissant parfois à
des demandes de stages collectifs interdisciplinaires autour de la thématique de l’aide aux
élèves en difficulté. L’étude du plan de formation de l’établissement est souvent l’occasion de
présenter les évolutions récentes dans chaque discipline, d’exprimer des interrogations sur la
mise en œuvre des réformes.

Un recteur note un des effets positifs de la mise en place des conseils pédagogiques en
terme de communication interne : « Ces lieux d’échange d’idées, d’expression et de
propositions ont contribué à développer transparence et collégialité dans les prises de
décisions ». Dans un lycée, une commission s’est penchée sur « la gestion des moyens et
l’organisation générale du fonctionnement », elle a cherché à définir les principes de
confection des emplois du temps. Après le rappel du principe fondamental : « Mettre l’élève
au centre du système d’enseignement », des priorités sous forme de recommandations très
concrètes ont été dégagées pour favoriser les apprentissages des élèves en respectant leur
rythme biologique. Cette approche de la confection des emplois du temps constitue une
avancée très importante. Parmi toutes les contraintes de cet exercice très complexe, les
professeurs ont choisi de donner la priorité à l’élève.

Plusieurs conseils pédagogiques se sont intéressés à l’organisation de la pédagogie.


En collège, ils ont réfléchi à la composition des classes, les professeurs principaux
ayant constaté des problèmes de discipline, des difficultés d’apprentissage dus pour une
grande part à la concentration excessive de « cas difficiles » dans certaines classes. S’en est
suivie une mise à plat puis une redéfinition des principes de constitution des classes avec le

19
principal et le CPE. Des professeurs de l’établissement se sont ensuite portés volontaires pour
travailler sur la constitution effective des classes, en liaison avec les professeurs des écoles
pour le niveau 6ème. Les personnels de direction apprécient la collaboration des professeurs,
les usagers, parents et élèves, l’effort de transparence sur des sujets sensibles, l’hétérogénéité,
la hiérarchie non avouée des classes. Les équipes pédagogiques par classe ont pris l’habitude
de travailler ensemble, n’hésitant plus à communiquer sur les résultats des évaluations, les
méthodes d’apprentissage.

Dans un lycée professionnel offrant des formations dans la vente et la bureautique


d’environ 600 élèves et 62 professeurs, le conseil pédagogique a pris pour objet de réflexion
les PPCP et les Périodes de Formation en Entreprise (PFE). Ce dernier thème a été
spontanément choisi dans plusieurs LP d’académies différentes. Même si, en théorie, les
principes d’organisation et d’évaluation des PFE sont bien définis, les professeurs du conseil
pédagogique de ce LP ont senti la nécessité de mettre à plat leur fonctionnement interne. Un
document « la grille de mise en œuvre des PFE » a été élaboré en commun, en conseil
pédagogique d’abord avec les représentants des disciplines générales et professionnelles. Les
membres du conseil pédagogique ont ensuite beaucoup consulté leurs collègues (échanges par
courrier électronique, mise à disposition en salle des professeurs d’un classeur contenant les
comptes-rendus des réunions et les documents de travail). La rédaction a pris du temps, a
nécessité de nombreux échanges mais a abouti à un document adopté en CA et distribué à
tous les professeurs à cette rentrée.

La communication avec les parents est un thème abordé par plusieurs conseils.
Plusieurs conseils pédagogiques dans des contextes très différents se sont attachés à
analyser la place et le rôle des parents à l’école. Beaucoup ont proposé la réorganisation des
rencontres parents-professeurs, calendrier, modalités pratiques ou clarifié le rôle de chacun
dans la lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaire.
Un lycée professionnel industriel, situé dans un quartier difficile et accueillant une
majorité d’élèves très défavorisés, a fait de l’amélioration de son image un axe fort du projet
d’établissement. Le conseil pédagogique a constaté les difficultés d’entrer en relation avec les
parents d’élèves, qui ne participent pas à la vie de l’établissement, ne communiquent pas avec
lui. Convaincu que l’appui des familles constitue un élément déterminant de la réussite
scolaire, le conseil a produit un petit fascicule intitulé « Aide mémoire à destination des
parents d’élèves » qui présente de façon simple la structure du LP, le calendrier de l’année
scolaire, rappelle les principales règles de la vie collective, de l’assiduité à l’organisation des
soins et des urgences, et précise aux familles quels sont leurs interlocuteurs, le rôle de
chacun, comment elles peuvent les rencontrer. Le même LP, constatant que les élèves avaient
du mal à lire le règlement intérieur dans son intégralité, en a fait un bref résumé rappelant les
principales règles de vie commune en une simple page. L’effort porté à la communication
envers les parents et les élèves doit améliorer le fonctionnement de l’établissement mais
surtout rapprocher les usagers de l’école, ce qui permet de renouer le dialogue, de lutter contre
les abandons prématurés et l’échec scolaire.

La réflexion collective en conseil pédagogique a fait naître dans plusieurs


établissements le besoin de repréciser le rôle et les missions du professeur principal, du
coordonnateur de discipline. Cette redéfinition des fonctions des professeurs coordonnateurs
s’accompagne souvent d’un élargissement de leurs missions et parfois d’une réflexion sur les

20
moyens dont ils peuvent disposer. Sans aller jusqu’à la rédaction d’une « charte », des
établissements ont rédigé des documents précis, véritables cahiers des charges. L’intérêt
d’une telle démarche tient à la clarification du rôle et des compétences de chacun dans
l’établissement. Il s’en est parfois suivi un rééquilibrage des charges. L’effort de clarification
et de transparence a été apprécié par l’équipe de direction comme par les enseignants.

Dans des établissements très différents, une réflexion a été menée sur l’offre de
formation. Dans les lycées technologiques et professionnels, l’accent a été mis sur l’évolution
de la carte des formations en raison de l’évolution du recrutement et du marché du travail.
Dans un lycée général, l’étude des performances au baccalauréat, contrastées selon les séries,
a été le facteur déclencheur d’une analyse plus fine des résultats obtenus dans chaque
discipline dans la filière connaissant un taux d’échec « anormal ». On a pu observer des
allers-retours très fructueux entre le travail mené dans les équipes pédagogiques et le conseil
pédagogique. Un lycée a été amené à analyser de plus près l’orientation à l’issue de la classe
de seconde et a décidé d’améliorer l’information donnée aux élèves et aux familles, non
seulement à l’entrée en seconde mais aussi en troisième. La valorisation des filières
scientifiques a mobilisé l’équipe enseignante.

Les conseils pédagogiques se sont montrés frileux en ce qui concerne la coordination


de la notation. La question est cependant plus sensible en lycée qu’au collège ou en lycée
professionnel où l’évaluation des élèves fait l’objet de nombreuses réflexions. Même si la
pratique des examens blancs et devoirs communs se développe en lycée, la réflexion sur
l’évaluation se fait dans le meilleur des cas en conseil d’enseignement au sein d’une
discipline, l’échange des copies entre professeurs est loin d’être une pratique courante.

On notera également que les conseils pédagogiques expérimentaux ne se sont pas


intéressés aux méthodes, laissant chaque enseignant « libre » d’adapter son enseignement aux
classes qui lui étaient confiées. Interrogés sur ce point, les professeurs sont réticents, ils disent
redouter avant tout « l’uniformisation des pratiques ». L’action du conseil pédagogique se
situe pourtant bien hors de la didactique. La crainte de voir les compétences du chef
d’établissement s’élargir à l’expertise disciplinaire via le conseil pédagogique est infondée. Le
conseil pédagogique s’intéresse à l’action collective, il évalue et est force de proposition, il ne
peut porter atteinte à la liberté pédagogique. La loi d’orientation et de programme pour
l’avenir de l’école de 2005 précise bien dans son article L.912-1-1 le cadre de l’exercice de la
liberté pédagogique de l’enseignant et les limites de l’action du conseil pédagogique :
« La liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et
des instructions du ministre chargé de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école
ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection.
« Le conseil pédagogique prévu à l’article 421-5 ne peut porter atteinte à cette
liberté ».

L’analyse des expériences déjà menées sur le terrain permet de lever certaines
ambiguïtés. La production d’outils mis à disposition des enseignants, l’amélioration de la
communication entre l’équipe de direction et les professeurs et entre les professeurs ont
conforté la démarche expérimentale. Certaines questions abordées pouvaient sembler
empiéter sur le champ de compétences du chef d’établissement, en particulier tout ce qui
touche à l’organisation de la pédagogie. Les chefs d’établissement rencontrés n’ont pas

21
exprimé de réticence ou de réserve à cet égard, appréciant plutôt que le conseil pédagogique
apporte son expertise et son concours à l’équipe de direction qui peut ainsi donner à son
pilotage la vraie dimension pédagogique qui lui manquait souvent.

¾Proposition 3 :
Laisser l’initiative des thèmes de travail aux conseils pédagogiques dans le respect de la
liberté pédagogique des enseignants et du champ de compétences des personnels de
direction.

Quelques conseils pédagogiques se sont intéressés à la DHG, soit de manière indirecte


en chiffrant par exemple les besoins horaires nécessaires à la réalisation de projets, soit en
travaillant directement avec l’équipe de direction sur la préparation de la répartition de la
DHG. Dans le deuxième cas, cette extension des compétences du conseil pédagogique même
si elle n’a pas suscité de réactions dans les établissements visités peut être contestée. En effet,
c’est la commission permanente qui est chargée de cette mission, il existe donc un risque non
négligeable de voir le conseil pédagogique devenir une instance remplaçant la commission
permanente. Or la composition de celle-ci respecte l’équilibre du CA avec, par exemple, un
tiers de ses membres représentant les usagers qui doivent avoir été associés de près au travail
préparatoire dès l’amont.

Si la création d’une nouvelle instance a pu sembler contradictoire avec la volonté


commune du ministère et des personnels de direction de simplifier et de réduire les instances
dont le nombre a été jugé trop important, les choix concernant les sujets abordés, sa
composition, son mode de fonctionnement doivent être dictés par le souci de l’efficacité, de la
souplesse tout en évitant à tout prix la redondance avec d’autres instances comme la
commission permanente ou le CESC. Le conseil pédagogique doit rester une instance
collégiale, à compétence consultative, présidée par le chef d’établissement où des enseignants
représentant les disciplines et les niveaux d’enseignement se concertent, réfléchissent, font
des propositions qui contribuent à définir les principaux choix pédagogiques qui orienteront la
politique de l’établissement, décidée par le conseil d’administration, seule instance
délibérative.

Les risques de confusion à ce stade de l’expérimentation sont réduits mais ne sont pas
négligeables. Un recteur note ainsi :
« L’expérimentation n’a donc pas provoqué de remise en cause des pôles de décision
existants ; elle s’est accompagnée d’un travail sur le circuit des décisions, correctement mené
dans les établissements expérimentateurs, mais qui pourrait justifier des éléments de cadrage
en cas de généralisation. Certains établissements alertent sur le risque non négligeable de
confusion ou de concurrence liée à une surmultiplication non maîtrisée des instances ».

¾Proposition 4 :
Le conseil pédagogique est une instance consultative qui ne se substitue pas à la
commission permanente ou au CESC et encore moins au conseil d’administration, seule
instance délibérative.

22
2-3- La composition du conseil pédagogique et les modalités de désignation de ses
membres

S’agissant de la question sensible de la composition et du mode de désignation des


membres du conseil pédagogique, il faut rappeler que ce conseil a un rôle consultatif et que
s’il est appelé à émettre des propositions, il ne peut prendre des décisions qui relèvent de la
seule compétence du CA.

2-3-1- La composition du conseil pédagogique

L’observation des conseils pédagogiques ou des structures mis en place à titre


expérimental montre que les établissements ont adapté la composition de cette instance à leurs
caractéristiques. Nos interlocuteurs ont beaucoup insisté sur deux points : le volontariat et la
souplesse dans l’organisation et le fonctionnement du conseil pédagogique.

Dans tous les établissements observés, les participants sont volontaires. La structure
s’est voulue d’emblée ouverte et accueillante. La grande majorité des membres des conseils
est « bénévole », il semble clair que les bonnes volontés seraient vite découragées si la
participation devenait obligatoire ou entrait dans le champ des obligations de service.

La notion de champ disciplinaire ne semble pas avoir posé problème sur le terrain. Un
professeur de langue représente le plus souvent l’ensemble des professeurs de langues de
l’établissement, un seul professeur représente en collège les enseignements artistiques. Dans
les lycées polyvalents où des filières technologiques existent, le nombre de leurs représentants
correspond au poids de ces filières, un seul professeur ou plusieurs représentent les STI ou
STG. Les conseils pédagogiques ont intégré un ou des représentants de la SEGPA en collège
ou des classes post-baccalauréat en lycée selon les spécificités de l’établissement.

Le nombre de membres du conseil dépend souvent de la taille de l’établissement. Dans


les gros établissements, il faut éviter d’atteindre un effectif trop important qui rendrait
impossible le travail en commun et un véritable dialogue. Cependant, dans un très gros
ensemble, lycée et lycée professionnel, comptant plus de 2500 élèves et 250 professeurs, le
conseil compte une cinquantaine de membres, ce qui peut paraître lourd. En fait, il ne se
réunit dans sa totalité que 3 fois par an. Le proviseur a engagé, à son arrivée il y a un an, une
réflexion générale de toute la communauté éducative sur le fonctionnement de l’établissement
dans la perspective de l’actualisation du projet d’établissement. La démarche participative a
permis à tous les acteurs de s’exprimer, de participer à l’analyse de l’existant et de proposer
des axes de progrès. L’essentiel du travail préparatoire s’est donc fait dans des commissions
dans lesquelles les membres du conseil pédagogique ont participé activement à la réflexion
comme animateur ou rapporteur. Plusieurs gros établissements ont fonctionné de cette
manière en constituant des groupes de réflexion ou ateliers sur des thèmes choisis par le
conseil pédagogique. Cette forme d’organisation souple est parue consensuelle. Si le chef
d’établissement, ou en son absence son adjoint, préside toujours le conseil, sa présence est
plus rare en commission souvent animée par un enseignant. La présence du ou des adjoints au
chef d’établissement, traditionnellement chargés de l’organisation pédagogique, est apparue à
tous indispensable.

23
En moyenne, le conseil pédagogique rassemble une dizaine à une vingtaine de
membres. Le travail est d’autant plus aisé que les mêmes enseignants occupent souvent
plusieurs fonctions dans l’établissement, coordonnateur de discipline, professeur principal,
voire membre du conseil d’administration, ce qui facilite la communication entre le conseil
pédagogique et les autres instances. Le cumul des fonctions ne semble pas avoir gêné le
fonctionnement du conseil, au contraire, et il semble inévitable dans les très petits
établissements. Les petits collèges ruraux ne comptent pas un nombre suffisant de
professeurs, à supposer que tous soient volontaires, pour avoir un représentant pour chaque
discipline et un professeur principal par niveau, sauf à confondre l’assemblée générale des
professeurs et le conseil pédagogique. Rien ne s’oppose donc à ce qu’un même professeur
participe au conseil pédagogique à la fois comme professeur principal représentant un niveau
d’enseignement et comme enseignant représentant une discipline ou un groupe de disciplines
voisines ou champs disciplinaires.

De nombreux établissements ont choisi d’intégrer dans le conseil pédagogique, en plus


des professeurs représentant des disciplines ou un niveau, des enseignants porteurs ou
responsables de projets spécifiques concernant par exemple les nouvelles technologies,
l’ouverture internationale, la politique culturelle.

Par ailleurs, plusieurs établissements ont invité à leur conseil pédagogique d’autres
personnels que les enseignants et les personnels d’éducation. Dans l’académie de Toulouse
par exemple, où l’expérimentation a été placée dans le cadre de l’innovation, mais ce n’est pas
la seule académie dans ce cas, la circulaire rectorale invitait à une ouverture large au-delà des
personnels enseignants puisqu’elle préconisait d’y inclure « tous les acteurs pédagogiques et
éducatifs impliqués dans le cadre du projet d’établissement », soit les coordonnateurs de
discipline, mais aussi « ceux qui ont en charge les aspects éducatifs et de vie scolaire comme
les membres des CESC » ou « ceux qui favorisent l’ouverture de l’établissement sur
l’extérieur en étant porteurs de projets particuliers ». Cette orientation explique la
participation quasi systématique dans les établissements expérimentaux de cette académie des
personnels de santé, infirmières et médecins, et moins fréquemment sociaux, au conseil
pédagogique. La présence de ces personnels a de façon certaine enrichi le travail des conseils
en prenant en compte par exemple la situation des élèves à besoins particuliers. Cependant, le
risque existe de confondre les missions du conseil pédagogique et celles du comité
d’éducation à la santé et à la citoyenneté, au sein d’un même établissement. Sans vouloir
fermer cette instance, il serait souhaitable de rappeler les missions pédagogiques du conseil.
Des chefs d’établissement proposent d’associer comme « experts » en fonction de l’ordre du
jour d’autres personnels de l’établissement ou des inspecteurs territoriaux comme on l’a vu
plus haut.
Dans pratiquement tous les conseils, un CPE au moins a participé aux travaux, de
nombreux thèmes traitent d’ailleurs de la vie scolaire de manière directe ou indirecte,
règlement intérieur, gestion de l’absentéisme. Leur présence prévue explicitement par la loi a
été considérée comme nécessaire dès le stade expérimental. Les professeurs documentalistes y
participent souvent, mais leur présence a été moins systématique. La présence des conseillers
d’orientation- psychologues est beaucoup plus rare, selon nos interlocuteurs, ils peuvent être
invités à l’occasion d’un travail sur l’orientation. C’est le cas dans un lycée de centre ville où
une réflexion importante a été menée sur l’orientation à l’issue de la classe de seconde. Il
s’agissait aussi de rééquilibrer le poids des séries générales et de dynamiser la série

24
scientifique. Enfin, des gestionnaires ont participé à certaines réunions ; leur présence est plus
importante dans l’académie de Bordeaux dans les établissements qui ont expérimenté la
LOLF.
Comme le souligne un recteur, de nombreux établissements « recourent à une
composition variable selon les sujets. Cette souplesse est vue comme un élément essentiel
d’efficacité, compensant ce qui est ressenti comme une « rigidité » du conseil
d’administration ».

¾Proposition 5 :
Préserver la souplesse qu’autorise la formulation de l’article L.421-5 du code de
l’éducation pour la composition du conseil pédagogique. Les établissements définissent
donc, dans le cadre de leur autonomie et compte-tenu de leurs caractéristiques, la
composition théorique de leur conseil.

¾Proposition 6 :
La participation au conseil pédagogique se fait sur la base du volontariat. Un même
professeur peut représenter à la fois une discipline ou un groupe de disciplines et un niveau
d’enseignement comme professeur principal. Le conseil pédagogique peut intégrer des
professeurs responsables de projets.

¾Proposition 7 :
Le conseil pédagogique peut inviter, en tant qu’experts, d’autres personnels, des membres
de la communauté éducative ou des partenaires en fonction de l’ordre du jour.

Dans les établissements observés, le conseil d’administration a en général été informé


de la création du conseil pédagogique ou de l’instance qui en tient lieu et il a parfois été
consulté sur sa composition théorique mais la désignation effective de ses membres s’est faite
en dehors du CA. Selon nos interlocuteurs, cette consultation a contribué à asseoir la
légitimité de cette instance. Il semble souhaitable que la composition du conseil, même si elle
varie d’un établissement à l’autre, soit fixée dans chaque EPLE pour la durée de l’année
scolaire et que les personnels en faisant partie soient clairement identifiés. Le conseil
pédagogique même s’il peut inviter des « experts » doit garder, par souci d’efficacité, une
certaine stabilité dans sa composition et fonctionner en toute transparence.

Enfin, plusieurs de nos interlocuteurs ont souligné l’intérêt de la continuité de


l’engagement de ses membres ; rien ne s’oppose, bien au contraire, à ce que des enseignants
participent au conseil plusieurs années de suite, s’ils sont volontaires. Ce point est
particulièrement important dans les établissements à fort renouvellement des personnels.

¾Proposition 8 :
Le chef d’établissement recueillera l’avis du conseil d’administration sur la composition
théorique du conseil pédagogique.

2-3-2- Les modalités de désignation des membres du conseil pédagogique

S’il semble légitime que le chef d’établissement recueille l’avis du conseil


d’administration sur la composition théorique du conseil pédagogique, jamais le conseil

25
d’administration n’a procédé à la désignation de ses membres dans les établissements
rencontrés.
Dans une seule académie, il est question « d’élection ». Ce mode de désignation est
fermement récusé dans les établissements des autres académies. Des professeurs interrogés,
dont plusieurs siègent en tant qu’élus au conseil d’administration, distinguent la légitimité
représentative issue des élections au CA de la légitimité des membres du conseil pédagogique
qui est d’une autre nature. Quand ils participent au CA, instance délibérative, ils sont dûment
mandatés par leurs collègues et votent en conséquence. Le contexte est différent au conseil
pédagogique qui ne décide pas mais propose.

Le conseil pédagogique ne met pas fin au travail des équipes pédagogiques, il le relaie
et le prolonge en lui donnant une dimension nouvelle. Les professeurs constituant le conseil
pédagogique sont des enseignants volontaires, disponibles, reconnus pour leur compétence
dans leur discipline, leur travail auprès du groupe classe ou leur engagement dans un projet.
Ils disent ne pas vouloir être considérés comme les porte-parole officiels du corps des
professeurs, ou comme des référents. Ils ne sont investis d’aucun pouvoir hiérarchique sur
leurs collègues, ne veulent pas jouer le rôle de « contremaître » selon la formule de l’un
d’eux.
Une académie liste les trois critères retenus par les chefs d’établissement pour choisir
les membres du conseil : « la disponibilité, l’investissement pédagogique au sein de
l’établissement, le volontariat ».

Pratiquement tous les établissements observés ont fait appel dans un premier temps
aux coordonnateurs de discipline. L’usage de les réunir ensemble à deux ou trois reprises au
cours de l’année est très répandu. La réunion de professeurs principaux avec les
coordonnateurs de discipline a donc été considérée comme une solution facile à mettre en
œuvre et acceptable car reposant sur des pratiques déjà éprouvées. De nombreux chefs
d’établissement ont pris l’habitude de s’appuyer sur les coordonnateurs de disciplines ainsi
que sur le chef des travaux non seulement pour des questions matérielles (répartition des
crédits pédagogiques, demandes d’équipements) mais de plus en plus pour mettre en place des
dispositifs transversaux, élaborer ou dynamiser la politique pédagogique de l’établissement.
Ce mode d’organisation souple a dans la plupart des cas donné satisfaction.

C’est au chef d’établissement que revient la responsabilité de désigner les


coordonnateurs de discipline prévus par le décret de 1950 et les professeurs principaux.20
Ainsi que le prévoit le décret n°93-55 du 15 janvier 1993 relatif à l’indemnité de suivi
et d’orientation, les professeurs principaux sont désignés par le chef d’établissement chaque
année. Les critères de choix ont été fixés précisément à tous les niveaux 21 :

20
L’article 13 du décret n°76-1303 du 28 décembre 1976 sur la formation dans les collèges et l’article 8 du
décret n°76-1304 sur la formation dans les lycées précisent que « les services d’enseignement sont répartis entre
les personnels par le chef d’établissement qui recueille à ce sujet tous les avis qu’il juge utiles. »
L’article 8 du décret 85-924 du 30 août 1985 modifié par le décret n°2004-885 du 27 août 2004, article 2, relatif
aux EPLE, rappelle qu’en qualité de représentant de l’état au sein de l’établissement « Il fixe le service des
personnels dans le respect des statuts de ces derniers ».
21
Circulaires du 23 septembre 1960 pour le cycle d’observation, du 2 septembre 1971 pour la classe de 2nde
du 21 janvier 1993 pour les classes de 1ère et de Terminale.

26
« Les professeurs principaux sont choisis par le chef d’établissement indépendamment
de la discipline qu’ils enseignent, en fonction de leurs qualités pédagogiques, de leurs
aptitudes aux tâches d’organisation, au travail en équipe, au dialogue, notamment avec les
milieux économiques »22.

Le chef d’établissement les nomme chaque année, ils sont rétribués à chaque niveau
sauf dans les classes post-baccalauréat où l’usage veut qu’un professeur soit responsable de la
classe sans que cette fonction soit rétribuée et reconnue officiellement.

Le décret n° 50-581 du 25 mai 1950 modifié 23, des circulaires et notes de service
précisent les réductions de service auxquelles donne droit dans certaines conditions la
responsabilité des laboratoires. Plusieurs disciplines sont concernées : l’histoire géographie,
les sciences physiques, les sciences de la vie et de la terre, les langues vivantes, les sciences et
technologies tertiaires, la technologie au collège, l’éducation physique et sportive (EPS)24.

A cette charge justifiée au départ par l’organisation matérielle des laboratoires et


collections, s’est ajouté un travail de coordination entre les enseignants d’une même
discipline portant sur des questions aussi diverses que la planification des séances de travaux
pratiques, l’utilisation des installations sportives, l’utilisation et le renouvellement des
matériels en liaison avec les programmes, l’évolution des structures, l’organisation des
emplois du temps des agents de laboratoire, des assistants de langue allant souvent jusqu’à un
rôle d’animation pédagogique. Ainsi, les « coordonnateurs de discipline » ont vu leur rôle de
plus en plus reconnu à la fois par leurs collègues mais aussi par la direction des établissements
qui a pris l’habitude de faire appel à eux.

Le décret de 1950 ne précise pas leur mode de désignation. Dans la mesure où celui-ci
ne pose pas problème, il semble peu souhaitable de modifier les usages en cours. C’est le chef
d’établissement qui les désigne sur proposition des équipes pédagogiques. Il s’agit le plus
souvent d’enseignants volontaires, expérimentés, reconnus par leurs collègues qui sont
renouvelés dans cette fonction plusieurs années de suite. Dans le cas très rarement rencontré
de pluralité des candidatures et si l’équipe pédagogique n’a pu se mettre d’accord sur un
même nom, la décision finale doit revenir au chef d’établissement pour éviter toute
polémique.

¾Proposition 9 :
Le chef d’établissement désigne les membres du conseil pédagogique sur proposition des
équipes pédagogiques réunies par discipline et des professeurs principaux réunis par
niveau d’enseignement.

La participation au conseil pédagogique élargit et modifie de façon sensible les


attributions des coordonnateurs des disciplines prévus par le décret de 1950 qui faisait porter
l’essentiel de leurs activités sur des questions matérielles : gestion des crédits pédagogiques,
organisation des laboratoires, du service de personnels spécifiques (assistants de langue,

22
Circulaire 93-087 du 21 janvier 1993 pour les classes de 1ère et de Terminale.
23
en son article 8 (modifié par le décret n°72-640 du 4 juillet 1972) et son article 8 bis (ajouté par le décret n°72-
640 du 4 juillet 1972)
24
Note de service n°82-355 du 16 août 1982.

27
personnels de laboratoire). Certains coordonnateurs hésitent devant cet élargissement de leurs
missions à l’animation pédagogique. Des établissements après avoir fait appel dans un
premier temps aux coordonnateurs de discipline ont été amenés à travailler avec d’autres
enseignants. C’est pourquoi les chefs d’établissement devront s’assurer de l’accord express
des coordonnateurs, il ne s’agit pas de reconduire de façon automatique ces enseignants dans
un nouveau dispositif qui peut changer de manière significative leur positionnement.

Le décret de 1950 ne prévoit pas de coordonnateur dans toutes les disciplines mais s’il
n’existe pas officiellement de responsable pour des disciplines comme les lettres, les
mathématiques, la philosophie, les chefs d’établissement ont pris l’habitude d’en désigner, en
regroupant parfois certaines disciplines comme les arts. A la différence de leurs collègues
prévus dans le décret de 1950, ceux-ci n’ont pas de responsabilité en matière d’organisation
matérielle, ni en terme d’organisation des services d’autres personnels et ne sont pas
rémunérés. Ils assurent cependant souvent le suivi des crédits d’enseignement en lien avec le
professeur documentaliste.
Avec le développement des nouvelles technologies, les établissements ont senti la
nécessité de désigner un responsable TICE, non prévu et pour cause, dans le décret de 1950.

Dans plusieurs des établissements observés, les professeurs réunis en conseil


pédagogique ont apporté non seulement des contributions importantes à la réflexion
pédagogique dans le cadre du projet d’établissement mais ont aussi aidé l’équipe de direction
dans un certain nombre de tâches liées à l’organisation pédagogique, organisation de devoirs
communs ou d’examens blancs, constitutions des classes, accompagnement des nouveaux
professeurs et la liste n’est pas exhaustive. Il paraît légitime de reconnaître le travail
effectivement accompli dans le cadre de l’autonomie de l’EPLE mais il semble impensable,
selon plusieurs de nos interlocuteurs, d’uniformiser au niveau national les formes que peut
prendre cette reconnaissance, tant la charge et l’investissement de chacun des membres du
conseil pédagogique varient selon les établissements.

2-4- Le fonctionnement du conseil pédagogique

L’observation du terrain plaide en faveur d’un fonctionnement souple du conseil


pédagogique à l’image des expériences les plus réussies. Les établissements se sont organisés
sans rigidité ; aucun établissement n’a par exemple prévu des modalités de vote précises, un
éventuel quorum, le vote étant d’ailleurs rarement utilisé pour adopter les propositions, un
consensus moins formel étant jugé préférable.

Le conseil se réunit toujours sur invitation du chef d’établissement sur un ordre du jour
fixé lors d’une séance précédente. Les sujets abordés sont variés, la demande part le plus
souvent des professeurs qui relaient les questions soulevées lors des réunions des équipes
pédagogiques. La fréquence moyenne de trois réunions plénières annuelles peut être beaucoup
plus importante en fonction des nécessités. Certains conseils déclarent s’être réunis
régulièrement une fois par mois, parfois même plus souvent à l’occasion de l’actualisation du
projet d’établissement.

Tous les établissements ont fait un effort de communication et de transparence : les


réunions donnent lieu à un relevé de conclusions écrit, rédigé par un secrétaire de séance,

28
diffusé aux professeurs et/ou affiché en salle des professeurs. Les propositions sont formulées
par écrit et transmises au conseil d’administration. Dans certains cas, des membres du conseil
pédagogique ont été invités aux séances du conseil d’administration en fonction des sujets à
l’ordre du jour.

¾Proposition 10 :
L’organisation du conseil pédagogique concilie souplesse et transparence pour plus
d’efficacité. Le choix des sujets traités et du fonctionnement interne est laissé à l’initiative
du conseil pédagogique. Le calendrier des réunions, l’ordre du jour et les relevés de
conclusion des travaux sont communiqués au conseil d’administration.

29
CONCLUSION

Ce rapport n’a pas, faute de temps, analysé l’organisation du pilotage pédagogique


dans d’autres systèmes d’enseignement en France ou dans les pays européens. Une analyse
comparée apporterait certainement des éclairages intéressants sur la question. Des conseils de
professeurs existent dans plusieurs pays, le chef d’établissement ayant un rôle pédagogique
parfois très affirmé. Dans l’enseignement privé sous contrat en France, les établissements
bénéficient d’une assez large autonomie qui leur permet de mettre en place diverses instances
de concertation en matière pédagogique. Dans l’enseignement public agricole, la
pluridisciplinarité est une démarche dont la nécessité est réaffirmée dans tous les référentiels
de formation ; le rôle des « coordonnateurs de filière » y est particulièrement important.
Ces exemples ne sont pas transférables en l’état et ne peuvent être considérés comme
des « modèles » mais l’analyse comparée de différents modes de pilotage permettrait sans
doute d’enrichir la réflexion sur le fonctionnement de nos EPLE.

L’enquête de terrain qui a été conduite a permis de découvrir que de nombreux


établissements ont progressivement mis en place des structures légères de concertation avec
les enseignants, souhaitant dynamiser leur projet d’établissement. Les établissements déjà
engagés dans le conseil pédagogique dressent un bilan positif de l’expérience. Plusieurs
d’entre eux font état du rôle mobilisateur de ce conseil qui a joué un rôle majeur dans la
définition d’une politique pédagogique en faveur de la réussite des élèves.

Structure souple, le conseil pédagogique doit rester une instance de réflexion, de


concertation entre les enseignants et de propositions. Elle ne peut se substituer à d’autres
instances comme la commission permanente, le conseil d’administration ou le comité
d’éducation à la santé et à la citoyenneté. Sa généralisation pourra s’accompagner de quelques
éléments de cadrage tout en préservant une indispensable souplesse mais nécessitera surtout
aide et conseil aux équipes d’établissement.

Le développement de la responsabilité des établissements suppose un renforcement


des compétences et de l’action des chefs d’établissement dans le domaine pédagogique. La
formation initiale et continue des personnels de direction s’y emploie mais sans le concours
des enseignants, le conseil des inspecteurs territoriaux et l’appui de la tutelle, le chef
d’établissement et l’équipe de direction, isolés, ne peuvent agir qu’à la marge. La réussite des
élèves reste l’objectif prioritaire. Il faut impliquer plus étroitement les enseignants dans la
gestion de leur établissement, leur donner la parole, écouter leurs propositions, dépasser les
clivages anciens entre l’administration et la pédagogie pour progresser. Les chefs
d’établissement doivent pouvoir s’appuyer sur des enseignants reconnus par leurs pairs. Le
conseil pédagogique, instance consultative et non décisionnelle, permettra d’expliciter le
fonctionnement de l’établissement, de montrer ses forces et ses faiblesses, son rôle sera
essentiel en terme d’évaluation de la politique suivie, d’analyse des indicateurs de
fonctionnement et surtout il sera force de proposition. Le chef d’établissement tout comme le
conseil d’administration pourront alors véritablement centrer leur action sur la pédagogie.

30
Récapitulatif des propositions

Le développement de la responsabilité des EPLE doit s’accompagner d’un pilotage


par la tutelle, d’évaluations régulières des établissements, de contrôle a posteriori Elle
prend appui sur la fonction conseil qui doit être développée au plus près des établissements
avec le concours des inspecteurs territoriaux. Elle suppose aussi un renforcement de la
formation des personnels d’encadrement et des enseignants sur la question du pilotage
pédagogique partagé.

¾Proposition 1 :
Repérer, valoriser et diffuser les bonnes pratiques dans les académies dans le cadre de la
formation initiale et continue des personnels d’encadrement et des personnels
d’enseignement et d’éducation.

¾Proposition 2 :
Le conseil pédagogique s’appuie sur le travail des équipes pédagogiques et le valorise en
assurant la coordination, la diffusion des projets et en aidant à leur réalisation.

¾Proposition 3 :
Laisser l’initiative des thèmes de travail aux conseils pédagogiques dans le respect de la
liberté pédagogique des enseignants et du champ de compétences des personnels de
direction.

¾Proposition 4 :
Le conseil pédagogique est une instance consultative qui ne se substitue pas à la
commission permanente ou au CESC et encore moins au conseil d’administration, seule
instance délibérative.

¾Proposition 5 :
Préserver la souplesse qu’autorise la formulation de l’article L.421-5 du code de
l’éducation pour la composition du conseil pédagogique. Les établissements définissent
donc, dans le cadre de leur autonomie et compte-tenu de leurs caractéristiques, la
composition théorique de leur conseil.

¾Proposition 6 :
La participation au conseil pédagogique se fait sur la base du volontariat. Un même
professeur peut représenter à la fois une discipline ou un groupe de disciplines et un niveau
d’enseignement comme professeur principal. Le conseil pédagogique peut intégrer des
professeurs responsables de projets.

31
¾Proposition 7 :
Le conseil pédagogique peut inviter, en tant qu’experts, d’autres personnels, des membres
de la communauté éducative ou des partenaires en fonction de l’ordre du jour.

¾Proposition 8 :
Le chef d’établissement recueillera l’avis du conseil d’administration sur la composition
théorique du conseil pédagogique.

¾Proposition 9 :
Le chef d’établissement désigne les membres du conseil pédagogique sur proposition des
équipes pédagogiques réunies par discipline et des professeurs principaux réunis par
niveau d’enseignement.

¾Proposition 10 :
L’organisation du conseil pédagogique concilie souplesse et transparence pour plus
d’efficacité. Le choix des sujets traités et du fonctionnement interne est laissé à l’initiative
du conseil pédagogique. Le calendrier des réunions, l’ordre du jour et les relevés de
conclusion des travaux sont communiqués au conseil d’administration.

32
Annexe
LISTE DES ETABLISSEMENTS
Les entretiens ont été conduits au cours du mois de septembre 2005 avec des personnels de
direction et des professeurs et personnels des établissements suivants :

Académie d’Aix Marseille


Lycée et lycée professionnel Vauvenargues- Aix en Provence(13)

Académie d’Amiens
Collège François Truffaut- Charly-sur- Marne (02)
Lycée professionnel Lavoisier- Meru (60)
Lycée professionnel Jean-Baptiste Corot- Beauvais (60)
Lycée Condorcet- Saint-Quentin (02)

Académie de Bordeaux
Collège Jean Zay- Biganos (33)
Collège Joseph Chaumié- Agen(47)
Lycée professionnel Trégey- Bordeaux(33)
Lycée professionnel Jean Monnet- Foulayronnes(47)
Lycée François Magendie- Bordeaux(33)
Lycée Elie Faure-Lormont(33)

Académie de Limoges
Collège de Chalus (87)
Collège Louise Michel- Saint-Junien (87)
Lycée professionnel Pagnol- Limoges(87)
Lycée professionnel Saint-Exupéry-Limoges(87)
Lycée Renoir-Limoges(87)

Académie de Montpellier
Collège A. et J. Olibo -Saint-Cyprien(66)

Académie de Rouen
Collège Michel Montaigne au Vaudreuil(27)
Collège Jacques Brel-Cléon(76)
Lycée professionnel des Quatre Cantons- Rouen(76)
Lycée et LP Les Fontenelles- Louviers(27)
Lycée Thomas Corneille- Barentin(76)

Académie de Toulouse
Lycée Bellevue – Toulouse (31)
Lycée professionnel Gabriel Péri - Toulouse(31)
Lycée du Castella - Pamiers(09)
Lycée professionnel F. Camel- Saint-Girons(09)
Collège du Girbet - Saverdun- (09)
Collège Victor Hugo- Carmaux(81)
Lycée La Pérouse- Albi(81)

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