URBANISME
URBANISME
URBANISME
1 PRÉSENTATION
Le terme « urbanisme » est une création récente : il est apparu dans la langue
française au cours des années 1910 pour désigner un champ d’action
pluridisciplinaire nouveau, né des exigences spécifiques de la société
industrielle. Développant une pensée et une méthode de penser sur la ville,
l’urbanisme se présente comme la science de l’organisation spatiale et
comporte une double face théorique et appliquée. C’est l’art d’aménager et
d’organiser les agglomérations urbaines et, de façon plus précise, l’art de
disposer l’espace urbain ou rural (bâtiments d’habitation, de travail, de loisirs,
réseaux de circulation et d’échanges) pour obtenir son meilleur fonctionnement
et améliorer les rapports sociaux. Cette discipline s’est progressivement
imposée dans le monde entier. L’urbanisme comprend l’ensemble des règles
relatives à l’intervention des personnes publiques dans l’utilisation des sols et
l’organisation de l’espace. Il définit la disposition matérielle des structures
urbaines en fonction des critères de l’architecture et de la construction. Vers le
milieu du XXe siècle, l’urbanisme s’est élargi pour faire place à une réflexion sur
l’environnement économique et social des sociétés. Il s’est développé selon
deux grands courants issus des utopies du XIXe siècle : l’urbanisme progressiste,
dont les valeurs sont le progrès social et technique, l’efficacité et l’hygiène,
élabore un modèle d’espace classé, standardisé et éclaté ; l’urbanisme
culturaliste, dont les valeurs sont, à l’opposé, la richesse des relations humaines
et la permanence des traditions culturelles, élabore un modèle spatial
circonscrit, clos et différencié. Les éléments caractéristiques de l’urbanisme
moderne sont les plans généraux d’urbanisme, qui résument les objectifs et les
limites de l’aménagement des sols ; les contrôles du zonage et des subdivisions,
qui spécifient l’utilisation autorisée des sols, les densités, les conditions
requises pour les rues, les services publics et les autres aménagements ; les
plans de la circulation et des transports en commun, les stratégies de
revitalisation économique des zones urbaines et rurales en crise ; les stratégies
de soutien des groupes sociaux défavorisés et les principes de protection de
l’environnement et de préservation des ressources rares.
2 HISTOIRE DE L’URBANISME
Les fouilles archéologiques ont révélé des traces d’urbanisme intentionnel dans
les cités anciennes : disposition de l’habitat en structures rectangulaires
régulières et emplacement bien en vue des bâtiments publics et religieux en
bordure des rues principales.
Le bas Moyen Âge, qui vit l’essor de nombreuses villes, se traduisit par une
oblitération des volumes purs. Les maisons étaient soudées entre elles et les
monuments perdirent leur autonomie pour s’enraciner dans le tissu urbain. À
un langage essentiellement temporel dans les dispositions urbaines (la ville est
le fait du prince) correspondait une architecture antispatiale. Les villes se
développèrent à la façon d’un palimpseste ; elles procédaient en effet d’une
accumulation sédimentaire, se reconstruisant en permanence sur elles-mêmes
à la suite des guerres qui les ravageaient périodiquement. La ville médiévale,
limitée par ses fortifications, progressait selon un modèle concentrique,
ajoutant à la première enceinte, historique, une deuxième enceinte de défense
militaire qui distinguait clairement l’espace ville de l’espace rural. Très dense,
close et souvent chaotique, elle opérait également une confusion totale entre
le travail et le logement, ignorant les voies de transport.
2.4 La Renaissance
Dès la fin du XVIIIe siècle, les problèmes sociaux, économiques et politiques qui
surgissaient dans une société en pleine transformation favorisèrent la naissance
d’une réflexion critique et suscitèrent une vague de projets à grande échelle.
Les phalanstères de Fourier (petites villes miniatures), le « familistère »
construit par l’industriel Godin près de son usine à Guise (1859-1870) ou encore
le concept de ville idéale de Claude Nicolas Ledoux rompaient avec la ville
ancienne, s’efforçant de regrouper le travail et l’habitat et de développer les
voies de circulation.
Vers le milieu du XIXe siècle, une partie des villes européennes apparaissaient
anachroniques, impropres à remplir les fonctions que leur imposaient
l’industrialisation et les concentrations démographiques. Pour survivre et
s’adapter, elles réclamaient des transformations globales de grande envergure.
Un peu plus tard apparurent les premières habitations à bon marché (HBM)
que l'on retrouve dans l'actuelle ceinture parisienne des Maréchaux. Un
urbanisme social et quelque peu paternaliste vit ainsi le jour (modèle
hygiéniste), bientôt radicalisé par les premiers modèles urbanistes progressistes
(la cité linéaire de Soria, la cité industrielle de Tony Garnier, etc.). Ce
mouvement prônait une approche globale et à long terme de l’urbanisme,
impliquant l’abandon ou la destruction des centres anciens. Les idées
développées étaient d’abord des thérapies sociales afin d’éliminer le « cancer »
de la ville ancienne. Les programmes cherchaient à concilier technologie
moderne et justice sociale, s’efforçant de définir les différents facteurs affectant
les cités modernes (travail, logement, transport et loisirs).
Le quartier Massena, dans l’Est parisien, se veut une illustration de ces théories,
un quartier-laboratoire de la ville de l’âge III : à l’opposé des îlots fermés
haussmanniens, il est composé d’une succession d’îlots ouverts, avec des fentes
pour permettre le passage de la lumière. En même temps, l’alignement sur rue
est respecté, tout comme une certaine homogénéité des constructions qui
donne sa cohérence à l’ensemble. La ville de reconversion, de modification et
de transformation du contexte se substitue ainsi à la ville moderne de la
rupture.
Les urbanistes ont maintenant compris qu’une ville est affectée par les
conditions économiques régionales, interrégionales, nationales et
internationales. Ils savent également que l’efficacité des plans dépend de la
qualité de l’analyse et de l’interprétation de ces conditions. Telles sont les
leçons qui ont été tirées des bouleversements qui ont marqué les structures
économiques suburbaines et interrégionales dans les années 1960 et 1970.
Dans les cinquante prochaines années en effet, les urbanistes seront confrontés
au défi d’une croissance urbaine qui va s’intensifier et dont le centre de gravité
se déplacera en Asie et dans le tiers-monde. En 2005, plus de la moitié de la
population mondiale sera concentrée dans les villes et 60 p. 100 en 2025,
perspective vertigineuse puisque la terre ne comptait que 10 p. 100 de citadins
au début du XXe siècle. Alors que Londres a mis cent trente ans pour passer de
1 à 8 millions d’habitants, Lagos au Nigeria, qui n’en avait que 290 000 en 1950,
en comptera 24,4 millions en 2015. Sur les 33 mégapoles annoncées par l’ONU
pour 2015, 27 seront situées dans les pays les moins développés, dont 19 en
Asie. Tokyo (28,7 millions d’habitants en 2015) sera la seule ville « riche » à
continuer de figurer sur la liste des dix plus grandes villes du monde. Paris,
classée au 4e rang des villes les plus peuplées en 1950, sera reléguée en
29e position en 2015. Bombay (Inde), Shanghai (Chine), Jakarta (Indonésie),
São Paulo (Brésil) et Karachi (Pakistan) dépasseront toutes les 20 millions
d’habitants. Devant de tels bouleversements, les avis des experts sont partagés
entre ceux qui croient aux « mégavilles » comme facteur d’émancipation de
l’humanité et ceux, plus sceptiques, qui considèrent que la poursuite de ce
processus mènera à une implosion urbaine.
4.2 L’espoir d’une ville nouvelle
4.4 Habitat II
Pour rendre les villes plus viables et plus respirables et pour débattre de ces
questions, près de 9 000 spécialistes (urbanistes, maires de grandes villes,
architectes, etc.) se sont réunis de mai à juin 1996 à Istanbul, en Turquie, pour
un sommet de l’ONU consacré aux défis du développement urbain. Vingt ans
après Habitat I, organisé à Vancouver (Canada) en 1976, qui avait préconisé des
politiques centralisées et focalisées sur le logement peu suivies d’effets, le
sommet d’Istanbul a marqué une réorientation de la politique onusienne dans
ce domaine. Longtemps en effet, l’idée largement dominante dans les
organisations internationales était que le salut du tiers-monde passait par le
développement rural et l’agriculture. Cependant, devant la croissance urbaine
continue et l’accélération de la « tertiarisation » des économies nationales, les
enjeux urbains (3 p. 100 seulement des budgets de l’aide internationale vont
aux villes) sont devenus l’une des grandes priorités du III e millénaire. La
conférence, dont l’ambition finale était la mise en œuvre d’un plan mondial de
développement urbain pour les cinquante prochaines années, a insisté sur le
droit de tous au logement, l’importance des femmes dans l’accès à la ville et la
nécessité d’intensifier l’action urbaine comme moteur du développement,
particulièrement dans les domaines des infrastructures de transport et de la
lutte contre la pollution. Une ambition qui, d’une part, ouvre la porte à de
nouveaux modes de fonctionnement démocratique (décentralisation,
revalorisation des pouvoirs locaux avec un rôle accru donné aux élus locaux et
aux associations d’habitants) et, d’autre part, encourage une participation plus
active du secteur privé industriel (BTP notamment) dans les projets de
développement en coopération avec les collectivités locales, pour répondre aux
besoins d’équipements des nouvelles mégalopoles.
Entre deux mythes, celui de Babylone, mère de tous les vices et l’utopie de la
Jérusalem céleste, les urbanistes vont devoir trouver de nouvelles solutions.
L’urbanisme a changé d’échelle : intervenant à un niveau plus général, il s’est
rapproché de l’aménagement du territoire et doit prendre en compte des
phénomènes jouant à l’échelle régionale, nationale ou même planétaire.
Aménager des îlots entre deux ruelles, concevoir des liens de communication
entre deux espaces urbains ou encore réinventer des villages, comme au Brésil.
Reparcourir en quelques années le cycle pluriséculaire de l’invention urbaine,
afin, comme le disait Georges Perec dans Espèces d’espaces (1974), qu’il n’y ait
« rien d’inhumain dans une ville, sinon notre propre humanité ».